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N°100 juin 2010
EAU : bouteille ou robinet ? Haro sur LE SIROP DE MAÏS Le massage TANTRA
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Dépôt BRUXELLES X - Agréation P207152 - Editeur responsable : Yves Rasir, 29 Av. Brugmann - 1060 Bruxelles
La clim BIO
Dossier :
LES CHEFS PARLENT DU BIO
(dont Hang-Soon Degeimbre) Jeu-concours : 3 paires de chaussures MBT
(et le ministre Lutgen nous dévoile son plan)
Mensuel — 13° année — 10 numéros par an (ne paraît pas en janvier et en août) BIOinfo_100.indd 1
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LES CHEFS PARLENT DU BIO La gastronomie bio existe-t-elle ? À cette question, le célèbre commentateur gastronomique JeanPierre Coffe nous avait catégoriquement répondu non il y a une dizaine d’années. Et pourtant. Le respect de la terre et des gens, l’alimentation de proximité, les saveurs des légumes oubliés et des produits authentiques, l’équilibre alimentaire, tout ce qui a fait et fait toujours la spécificité du bio, en plus du respect du cahier des charges, tout cela s’invite désormais à la table des plus grands restaurants. L’année dernière, le fameux Guide Michelin rouge récompensait Jean-Luc Rabanel (l’Atelier), le premier chef étoilé bio de France, d’une deuxième étoile, et son jeune collègue Armand Arnal (La Chassagnette) d’une première étoile. Particularité de ces deux militants de haut vol : leurs restaurants possèdent tous les deux un jardin bio, dans lequel sont cultivés des dizaines de variétés de légumes, de fleurs et autres fines herbes. C’est d’ailleurs aussi le cas du restaurant doublement étoilé de notre chef belge, Sang-Hoon Degeimbre, dont vous découvrirez l’interview ci-après. Armand Arnal traque par ailleurs le coût carbone des aliments de sa cuisine et refuse de s’approvisionner à plus de 60 km de son restaurant : 98% des produits qu’il utilise sont aujourd’hui issus de sa région. Une initiative isolée ? Pas du tout. En Norvège, de grands chefs militent désormais pour une cuisine plus saine à base de produits locaux uniquement. Ce mouvement a même un nom, c’est le « Nordic Food ». Enfin, plusieurs cuisiniers étoilés réunis en janvier dernier à Madrid au congrès culinaire « Madrid Fusion », ont expliqué chercher désormais à mieux choisir leurs produits, en allant par exemple à la rencontre des producteurs. Bref, une autre gastronomie plus respectueuse des saisons, des aliments et des gens, est possible. Les chefs que nous avons rencontrés le démontrent, toque en main !
POL GRÉGOIRE : l’alimentation vive Mise en bouche Pol Grégoire est incontestablement un des pionniers de la cuisine bio en Belgique. Cuisinier autodidacte, il est arrivé aux produits bio par l’intermédiaire de la macrobiotique et de la cuisine japonaise. L’homme a cependant prolongé sa réflexion bien plus loin jusqu’à jeter les bases d’une alimentation vivante et ressourcante, où le plaisir des papilles est plus que jamais présent. Fondateur du restaurant TAN, il se consacre aujourd’hui essentiellement à l’organisation de ses cours d’alimentation vivante.
Plat de résistance « Si j’ai choisi, il y a quinze ans, de cuisiner avec des produits bio, c’est parce qu’ils sont meilleurs tout simplement ! Ils sont non seulement meilleurs au goût, mais ils offrent aussi des rendements supérieurs. Il ne faut pas peler les carottes bio par exemple. A l’époque, quand j’ai commencé à utiliser les produits bio, c’était également original. Utiliser le
bio était une manière de proposer de nouveaux goûts aux gens. A une certaine époque d’ailleurs, le monde de la restauration, de la cuisine évoluait d’une manière qui ne me plaisait pas. C’est à cette époque que j’ai commencé à faire du bio. Le monde de la restauration a évolué vers l’épate en fait. C’est à celui qui fait le plus de surenchère pour attirer le plus de clients. On a commencé à mélanger tout et n’importe quoi, on s’est éloigné de la diététique, on s’est éloigné des produits, le bout de ce processus étant la cuisine moléculaire. Mais aujourd’hui, les gens en reviennent. On se rend compte à quel point la cuisine n’est pas intéressante du point de vue diététique, qu’elle rend les gens malades. Pour moi, l’aliment tel que la nature l’a conçu est fondamental. Il est à la base de la cuisine. Au lieu de mettre le savoir-faire en valeur, c’est le produit qu’il faut mettre en valeur ! Et cela passe forcément par les produits bio. Il y a 15 ans quand j’ai commencé à cuisiner, les produits bio étaient ce qui se rapprochait le plus de cette idée de l’aliment tel que la nature l’a conçu. J’ai compris ensuite qu’on ne pouvait pas manger n’importe quoi. J’ai découvert la diététique et le fait qu’il y a un rapport entre les macro et
les micro nutriments. On ne peut pas utiliser protides, lipides et glucides comme ça. Il faut utiliser des catalyseurs pour les assimiler et éliminer les déchets. Et il n’y a que dans les légumes bio ou sauvages qu’on va trouver les meilleurs équilibres. A condition qu’ils soient de saison, fraîchement cueillis. Si on enlève ces choses-là à la bio, elle perd tout son sens. Le bio sans biodiversité, ça n’a pas beaucoup de sens non plus. Dans une saison on doit pouvoir avoir accès à plein de légumes différents, et pas une seule variété de pommes ou de carottes. C’est là, à mon avis,
que réside vraiment l’intérêt du bio. On voit cependant aujourd’hui un bio qui s’industrialise, entre guillemets, de plus en plus avec tout ce que ça suppose comme dérives : tomates ou courgettes en hiver, pommes d’Argentine etc. Là, on manque d’éthique. Pour le cuisinier, la biodiversité est un outil, un matériau formidable. J’ai ainsi la chance d’avoir quarante variétés de tomates à ma disposition grâce à Yannick Hostie. Des tomates que je ne travaille d’ailleurs qu’à partir du 15 juillet au plus tôt jusqu’au 15 octobre au plus tard. Là nous proposons une salade avec cinq
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(et le ministre Lutgen nous dévoile son plan)
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fleurs et douze verdures différentes. meilleur, pas plus cher pour le client, Impossible de les trouver ailleurs, et la marge bénéficiaire du restaumême en bio, ou alors il faut faire rateur serait respectée. D’un côté, des kilomètres. Ce n’est les restaurateurs sont pas très écologique. obligés de réfléchir Aujourd’hui, cela reste sans arrêt à leur rentadonc toujours un défi « Si j’ai choisi de bilité. Et souvent, c’est de faire de la cuisine cuisiner avec des plus facile d’avoir un comme je l’envisage produits bio, c’est seul fournisseur. Le avec des produits bio. parce qu’ils sont personnel est devenu Il faut dire aussi que j’ai financièrement inacmeilleurs tout mis la barre beaucoup simplement ! » cessible. Quand on a plus haut. » rogné sur tout ce qui (Pol grégoire) il y a à rogner, on se Dessert rattrape sur la qualité de la nourriture. On en « On voit que certains restaurants essayent d’avoir des est là aujourd’hui. » produits de qualité, mais c’est Infos : une infime minorité. Des vins bio 067/64.74.91 commencent même à apparaître. Ce www.polgregoire.org qui est un progrès. Quand on voit le prix qu’on paie dans les restaurants pour un vin immonde. Pour le même prix de revient, ils pourraient proposer un vin bio. Ce serait bien
SANG-HOON DEGEIMBRE : les pieds dans la terre, la tête dans les étoiles Mise en bouche Autodidacte intégral (il commence sa carrière comme sommelier), Sang-Hoon Degeimbre s’est hissé, à force de créativité, d’imagination et de travail, sur les plus hautes marches de la gastronomie contemporaine et moléculaire. Son restaurant, l’Air du temps, s’est en effet vu attribué deux étoiles par le Guide Michelin. San, comme on le surnomme, propose une assiette d’une grande audace à la fois
culinaire et esthétique, où les produits nobles, le bio et les légumes rares et oubliés, tiennent une place essentielle. A coup sûr une des meilleures tables de Belgique, une des plus inventives aussi.
Plat de résistance « Nous avons établi notre jardin potager bio voici maintenant cinq ans. La volonté de départ était de pouvoir donner quelque chose de sain à nos enfants, et par la suite également aux clients du restaurant. Par notre démarche, nous avons voulu retrouver un goût plus respectueux du produit et du terroir. Nous avons un terroir assez propice pour ce genre de choses. Nous cultivons de tout, des fleurs, des racines, des légumes de toutes sortes et nous avons préféré choisir de les cultiver de manière biologique. C’était beaucoup plus simple ! Ce qui nous intéressait dans le jardin, c’est la diversité. Sur un hectare, nous cultivons quatre cents
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teurs de la région, mais nous essayons aussi de créer une dynamique en nous concertant avec des producteurs pour obtenir la qualité et le mode de production qui nous est indispensable. Nous provoquons le besoin. Nous tenons aussi à pouvoir contrôler du début à la fin la manière dont sont produites les choses. Pour moi, c’est ça le terroir contemporain. C’est une sorte de label personnel. Je ne tiens pas à faire du bio parce que c’est à la mode. »
Dessert « Pour moi l’opposition cuisine moléculaire et bio n’en est pas une. variétés de végétaux ! Cela représente Technique et artisanat sont deux une palette incroyable de goûts, de choses complémentaires. Un artisan couleurs, de textures, de combinaisons a besoin d’une technologie qui supplémentaires, qui viennent enrichir lui est propre. Je suis un artisan, je notre créativité. En tant que cuisinier, vais chercher les meilleurs produits j’ai l’impression que le bio se limite à de ma région, mais j’ai besoin de certains produits assez courants, qu’il les sublimer par une technique. n’offre qu’une toute petite partie de ce Sans cette technique, vous faites d’un super bon navet qu’il est possible de cultiver. Notre travail « Quand je goûte n’importe quoi. Que l’on arrête avec cette montre qu’on peut un légume classique opposition qui n’en étendre le choix à de et un légume bio est pas une. Le molénombreuses variétés qui vient culaire pour moi, c’est de fleurs et de comprendre de quoi légumes différents. de notre jardin, Mon métier est un il n’y a pas photo » sont faites les choses et finalement, les mécamétier de bouche, (Sang-Hoon nismes physico-chimioù la sensibilité Degeimbre) ques de la cuisine. La et les perceptions cuisine, ce n’est que ça, sont essentielles. Je suis en plus sommelier de formation. des transformations. De même pour Quand je goûte un légume classique l’origine. Je connais l’origine de tout et un légume bio qui vient de notre ce que j’utilise. J’utilise par exemple jardin, il n’y a pas photo, c’est clair. de la konjac, une plante qui sert Pour moi, c’est une évidence. Une des d’épaississant. Je sais d’où elle vient, raisons principales pour nous de faire comment elle a été préparée. C’est notre potager était d’avoir cette réalité exactement la même chose que pour du produit, de retrouver ces saveurs une carotte. Cela n’a aucun sens de ne que nous avons tous en mémoire : pas savoir d’où elle vient et comment le goût d’une vraie carotte, d’un vrai elle a été cultivée. Par exemple, pour petit pois. C’est merveilleux de pouvoir les additifs alimentaires que nous retrouver aujourd’hui de telles saveurs utilisons, nous choisissons uniqueavec les légumes que nous cultivons. ment les produits qui ne sont pas Cela fait partie de notre patrimoine. extraits avec des produits chimiques. Je ne me vois cependant pas comme Tout est une question de choix. » un intégriste du bio. Dans un restau- Infos : rant, la diversité et la constance sont 081/81.30.48 primordiales. Si nous annonçons un www.airdutemps.be produit à la carte, nous devons pouvoir le proposer au client durant toute sa saison. En distribution bio, l’offre des produits n’est pas toujours constante. BENOÎT C’est un problème pour nous. Dans notre propre jardin, nous n’arrivons pas PONCELET : non plus à tout produire. Nous devons donc recourir à la distribution normale. la gastronomie Notre philosophie est cependant de privilégier un terroir contemporain. éthique Nous nous adressons aux produc-
Mise en bouche
activité. Je conçois aussi la cuisine sous l’angle de la santé et le bonheur des consommateurs, et des gens qui produisent les aliments. Cela dit, instinctivement, je suis presque arrivé à 95 % de bio dans mes préparations. Tous mes fournisseurs sont d’ailleurs des fournisseurs bio. Je n’ai même plus le réflexe d’aller chez un grossiste conventionnel. Mon service traiteur s’appelle « VEGEtable ». C’est un petit jeu de mot sur le mot légume en anglais, et table, pour la convivialité et la gourmandise. Je ne suis cependant pas un traiteur 100 % végétarien. Je travaille essentiellement en bio, avec Plat de résistance des produits locaux et de saison, ce « Il y a cinq ans, j’ai décidé de devenir qui me permet d’avoir des tarifs très cuisinier. C’est une passion d’enfance. raisonnables. Un traiteur conventionJ’ai toujours adoré ça, j’ai toujours nel ajoute à ses menus de la viande et aimé cuisiner pour des amis. Revenu du poisson dont il n’ aucune idée de en Belgique, j’ai suivi une formation l’origine, prévoit souvent 30 à 40 % accélérée d’un an pour devenir de parts en trop, ce qui provoque cuisinier et traiteur. J’ai commencé la un énorme gaspillage. Personnelpremière année dans le convention- lement, je tiens à être attentif aux nel. Et là, je me suis pris une grosse quantités tout en veillant à ce que baffe ! Je me suis dit : qu’est-ce qu’on les gens aient bien assez à manger. est en train de donner à manger aux Dans mes modes de production, gens ! Il y a chez nous un sérieux je fais très attention aussi à ne pas problème de relation à la terre. En produire trop de déchets. Avec mon Égypte et en Palestine, les gens activité professionnelle, je produits moins de déchets mangent avec les saisons qu’une famille et importent très peu. Il y a « En général, classique de une saison pour tout. J’avais les goûts des deux personnes ! pu voir aussi dans ces pays qui manquent d’eau, les produits bio sont J’y arrive parce nettement plus que je vais me problèmes sociaux, sanitaifins, en tout cas fournir chez res et écologiques que les le producteur cultures d’exportation provodans un circuit avec des caisses quent. Je ne voulais pas me court. » diriger dans cette voie-là. (Benoît Poncelet) consignées. Quand j’achète J’ai tout de suite pensé au des céréales, des bio. Mais pas de manière rigoriste. Je conçois la problémati- légumineuses, c’est par sacs de 25 kg, que de l’alimentation sous plusieurs sacs que je réutilise pour stocker mes aspects, dont l’écologie et la santé vieux papiers etc. J’ai adopté aussi des de la planète. Or, tous les produits processus différents. Je consomme bio ne sont pas écologiques. Il y a presque tout dans un légume. Les des ananas bio qui arrivent chez nous par avion ! Ou des avocats bio cultivés dans les colonies israéliennes avec de l’eau prélevée dans les territoires palestiniens. J’ai commencé à travailler comme cuisinier à la Ferme de Vévy-Wéron, puis dans une sorte de pension de famille pour les stagiaires de la Commission européenne, qui me laissait une certaine latitude pour amener du bio. Je suis arrivé à mettre 40 % de bio dans les menus, sans augmenter le coût de revient. En même temps, j’ai débuté une activité indépendante comme traiteur que j’ai développé de plus en plus jusqu’à arrêter complètement cette première Après avoir longtemps travaillé au sein d’associations de coopération internationale, notamment en Égypte et en Palestine, Benoît Poncelet concrétise depuis cinq ans sa véritable passion d’enfance : la cuisine ! Il a lancé son propre service traiteur qu’il a baptisé « VEGEtable » et avec lequel il entend proposer une gastronomie appétissante, saine, respectueuse de l’environnement et des producteurs, tant du Nord que du Sud. Il travaille aussi avec Bioforum à la promotion du bio dans la restauration collective.
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BENOÎT LUTGEN : « Le bio cartonne en Wallonie ! » Rencontré - pas vraiment par hasard – dans la cuisine de Sang-Hoon Degeimbre, le Ministre wallon de l’agriculture dresse son bilan « bio » et présente les grands lignes de son nouveau plan destiné à booster le secteur. Les chiffres sont excellents et les nouvelles mesures devraient encore les améliorer. Pourvu que ça dure…. © Reporters
L
e bio cartonne en Wallonie. Ce n’est pas nous qui le disons, mais bien le Ministre wallon de l’agriculture, Benoît Lutgen lui-même, que nous avons pu rencontrer et qui nous a livré les résultats encore tout chauds de cette progression que l’on peut qualifier, sans fausse modestie aucune, d’incroyable ! Petit exemple : depuis 2004, le nombre d’agriculteurs pratiquant l’agriculture bio à augmenté de près de 60 %. Il est ainsi passé de 481 en 2004 à 779 en 2009 ! Mieux, la superficie sous contrôle est elle passée de 20.345 ha en 2004 à 37.695 ha en 2009. Soit une augmentation de 85 %, ce qui correspond actuellement à 5 % de la surface agricole utile wallonne. A titre de comparaison, les superficies sous contrôle ont augmenté, de 2007 à 2008, de 8 % à l’échelle de la Belgique. Une augmentation uniquement due à la croissance du secteur bio en Région wallonne. Durant cette période, la baisse enregistrée en Flandre (-8,9 %) a en effet été compensée par une hausse en Région wallonne (+10,6 %). Ajoutons que 7,85 millions € d’aides ont été accordés au secteur bio, soit une hausse de près de 60 % depuis 2004.
Gaume : un agriculteur bio sur trois ! D’excellents résultats dont le Ministre Lutgen se félicite à plus d’un titre, cette hausse étant sans aucun doute due en partie à la politique très volontariste de promotion du bio qu’il a lui même initiée : « J’attribue cette hausse à différents éléments. A des convictions personnelles bien sûr, qui se sont traduites par des mesures de soutien à l’agriculture biologique, que ce soit en termes de formation, de reconversion, de soutien au niveau de la recherche. C’est clair que tout ça a eu des effets qui se sont vus rapidement. Je ne me permettrais cependant pas de dire que cette augmentation s’est faite grâce à moi. Ce n’est de toute façon pas le tout d’avoir beaucoup d’hectares et d’agriculteurs bio. Il faut aussi répondre au mieux à la demande des consommateurs de notre région, bref, qu’il y ait la proximité la plus forte possible entre agriculteurs et consommateurs. Et là, on est encore loin du compte. On part de très bas et il faut aussi pouvoir nuancer la progression des chiffres : dans le Luxembourg, pratiquement une ferme sur trois est passée en bio. Ailleurs, les pourcentages de progression sont encore trop faibles. Un des éléments importants aussi, c’est que pendant longtemps, une partie du monde agricole a vu le bio comme une agriculture peu efficace. Or, il y a eu de vrais réussites dans le bio, qui ont aujourd’hui valeur d’exemple. Les jeunes générations d’agriculteurs voient en tout cas les choses différemment, et notamment les agricultrices ! La conviction par rapport au bio est en train de l’emporter pour toute une série de raisons. Et les reconversions pourraient être plus nombreuses encore si l’on pouvait accepter le blanc-bleu dans le bio, sous certains conditions bien sûr. C’est souvent la seule chose qui empêche certains agriculteurs de se reconvertir. Les bénéfices pour la société seraient beaucoup plus importants que le problème
d’accepter l’acte chirurgical qu’est la césarienne. C’est une tâche à laquelle je vais en tout cas m’atteler ».
Des bonus pour la filière bio Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, le Ministre Benoît Lutgen annonce par ailleurs en exclusivité pour Bioinfo, une nouvelle série de mesures visant à booster plus encore le bio en Région wallonne. « Un des points importants du nouveau plan bio que j’entends faire passer au gouvernement wallon, c’est justement d’avoir cette adéquation la plus forte possible entre agriculteurs et consommateurs Un des objectifs du plan est d’assurer un approvisionnement plus grand et plus continu, en fonction des saisons bien sûr. Pour ça, on a besoin de développer la recherche en bio de façon plus importante, au niveau agricole, mais aussi de la transformation. C’est prévu dans ce nouveau plan. Il faut aussi franchir un palier supplémentaire en structurant la filière, car la demande a augmenté de façon aussi importante que la production en Wallonie. Si on ne fait rien, le différentiel risque de rester le même. Un des autres points qui me tient donc à cœur dans ce nouveau plan, c’est tout l’aspect maraîchage et culture, le développement au sein de la filière de plates-formes de distribution, l’existence de lieux qui soient dédiés à 100 % au bio. Pour cela, il y a toute une série d’aides à l’investissement qui vont intervenir au travers du plan. Pour créer ces plates-formes, pour avoir un secteur de la distribution bio wallon suffisamment développé, ce qui manque encore, nous allons, avec l’aide du Ministre de l’économie, mettre en place un système de bonus de soutien supplémentaire. Il faut aussi montrer l’exemple en matière de restauration collective en Communauté française. Les écoles, les hôpitaux, les maisons de repos, cela fait des tonnes d’aliments chaque jour. Il y a là un volume garanti pour les producteurs et les fournisseurs qui se lanceraient dans ce créneau. A condition de tourner toute une partie de la restauration collective vers le bio, de façon progressive. C’est à l’étude, mais je veux le faire ». Seule inconnue, Benoît Lutgen, on le sait, va être appelé très prochainement à la présidence du CDH. Pourra-t-il mener à bien ce nouveau plan malgré tout ? Lui en est convaincu.
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côtes de chou-fleur, normalement on les jette. Moi, je les utilise. C’est très bon ! Pas besoin d’éplucher non plus. Une bonne carotte bio ou un panais, ça se brosse. Je revendique en fait une gastronomie éthique et durable. Le plaisir de la table, du goût, la convivialité d’un bon repas partagé, mais sans les dégâts sociaux et environnementaux de la bouffe conventionnelle. Il faut arrêter avec cette alimentation qui ne fait de bien ni à nous-mêmes, ni à la planète ! Le plaisir d’une bonne nourriture est essentiel. Le bons produits aussi. »
gens veulent mieux manger. C’est pour ça qu’on voit autant d’émissions de cuisine aujourd’hui. »
Dessert
Dessert « En général, les goûts des produits bio sont nettement plus fins. En tout cas dans un circuit court. Quand je vais chercher des carottes fraîches cueillies du matin chez un producteur, et que je les cuisine à midi, il n’y a rien à faire, leur goût est dix fois meilleur ! Pour la viande et les produits laitiers, la différence de goût est même sidérante. Pour les céréales et les légumineuses, il n’y a pas photo non plus. J’ai la possibilité, en n’ayant pas de restaurant, d’aller me fournir directement chez le producteur, parfois le jour même. Pour moi, c’est tout le contraire d’une contrainte, même si cela coûte un peu plus cher. Le revers, mais en est-ce un, c’est que je suis incapable de dire six mois à l’avance à un client ce qu’il va manger ! Je prépare en fonction de ce qu’il y a sur le marché. C’est mon rôle de faire comprendre pourquoi au client. Parfois, même des gens qui veulent du bio me réclament des tomates au mois de janvier. » Infos : 0486/53.89.90 www.vege-table.be
PHILIPPE RENARD : le bio pour tous, tous pour le bio Mise en bouche Ancien deux étoiles à Damme, ex-cuisinier à l’ambassade de Belgique à Paris, Philippe Renard a tout du chef classique. Aujourd’hui conseiller culinaire pour de grandes sociétés, auteur de deux livres gastro-
aujourd’hui se développe très bien. Sinon, pourquoi le bio ? Tout simplement parce qu’il faut être cohérent. Je parle souvent d’une philosophie qui est parallèle au bio, le slowfood qui préconise le bon, le propre et le juste. Pour moi, c’est le durable, le bio et l’équitable. Ça ne sert à rien de faire une tomate, même bio, en janvier. C’est une horreur du point de vue du goût et de la cohérence. Il faut être conscient de ce que l’on fait. C’est ce que nous faisons ici. Je prends un exemple concret. Je suis allé donner une formation dans une école de la région bruxelloise où j’ai vu qu’on utilisait des dés de tomates surgelés Plat de résistance pour garnir les salades ! En restaura« Ma rencontre avec le bio s’est tion collective, ça se vend en sacs de d’abord produite sur le plan privé. 25kg ! En quelques minutes, je leur ait J’ai vécu un grave accident de voiture montré qu’on pouvait remplacer ces en 1997, qui m’a forcé à rester alité dés par des betteraves rouges bio, durant des semaines. J’ai commencé lavées et même pas pelées. Un peu de à lire des livres sur la santé, j’ai sel, un peu d’huile, un peu de cumin rencontré Daniel Gramme qui m’a et tous les gosses se sont rués dessus ! Chez Ethias, comme encouragé dans la nous ne trouvons pas voie du bio et du yoga. Trois ans plus « À prix identique, de pommes de terre tard, je suis arrivé nous sommes passés bio pelées sous vide, chez Ethias et je me d’un prêt-à-porter nous avons décidé de ne plus peler les suis rendu compte culinaire à de la pommes de terres bio que les frigos vraie cuisine. » pour plein de préparaétaient remplis de (Philippe Renard) tions : gratins dauphimalbouffe ! J’y ai nois, pommes de terre vu l’opportunité d’y boulangères, patates cuisiner comme à la maison et j’ai introduit le bio ici. J’ai du rissolées. On les coupe simplement y aller progressivement bien sûr. En en rondelles par exemple après 2000, je ne parvenais pas à trouver les les avoir bien lavées. Personne n’a aliments dont je dispose aujourd’hui. réclamé, parce qu’on a commuIl n’existait pas de filière spécifique niqué évidemment. Quand il faut au bio. Il a fallu se débrouiller avec peler les pommes de terre pour une ce qui existait et la bonne volonté purée, tout le monde s’y met : le chef des producteurs. Aujourd’hui, on est compris. On crée une ambiance, on quand même à 87 % de bio et nous raconte une petite blague, et on pèle sommes livrés deux ou trois fois par 25 kg de patates et 50 kg de carottes semaine, ce qui était inimaginable pour le lendemain. Des solutions, il il y a dix ans. Je pense que la filière y en a quand on veut. D’ailleurs les nomiques, et animateur d’ateliers de cuisine, il s’est pourtant tourné depuis plusieurs années vers le bio. Par amour du goût et des bons produits. Il a aussi révolutionné le monde de la restauration d’entreprise en prenant les commandes de la cantine de l’assureur Ethias et en y introduisant le bio, les produits sains et authentiques. Un pari réussi au-delà de toute espérance. Ce chef pas comme les autres compte ouvrir d’ici peu une école de cuisine bio en plein centre de Liège, où il partagera ses innombrables trucs et conseils pour mieux manger.
« Nous faisons aujourd’hui un peu image de référence en matière de bio dans les collectivités. Je peux montrer, chiffres à l’appui, qu’en 2000, le coût de revient d’un repas avec un potage, un plat,un dessert et une boisson, était de 3,45 €. Dix ans après, on est à 3,72 €, en étant passé d’un prêt-àporter culinaire à de la vraie cuisine. On y arrive. Pourquoi ? Parce qu’on respecte les saisons, parce qu’on a beaucoup modifié la répartition de l’assiette. Nous sommes passés de 200g de viande par personne à 130 grammes ! Mais on la remplace par des légumineuses, par des potées, on fait découvrir aux gens de nouvelles associations. Cet hiver, nous avons par exemple fait plein de poêlées de rutabagas aux betteraves rouges. Les gens ont adoré. Ma grande révolution ici, est d’avoir donné beaucoup plus de légèreté à la cuisine de collectivité. Toutes nos béchamels sont par exemple faites sans farine, simplement avec du lait lié avec des légumes. De même pour la béarnaise. Je fais de la béarnaise sans beurre, avec par exemple en été, des courgettes jaunes mixées et un peu de beurre. On obtient une sauce très légère, qui ne coûte pas cher. »
RENÉ MATHIEU : le grand retour de la nature et du terroir Mise en bouche Belge émigré au Grand-Duché du Luxembourg, le chef René Mathieu dirige aujourd’hui le restaurant du Château de Bourglinster, par ailleurs domaine de l’État. Ce passionné de bons produits a une philosophie bien affirmée sur ce que doit être la cuisine et sait mieux que quiconque mettre en valeur les produits régionaux et les saveurs sauvages. Il vient de surcroît d’être élu chef de l’année 2010 par le guide GaultMillau Luxembourg.
Plat de résistance « Le respect et la sauvegarde de la
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sauvages, la viande de bœuf limousin, de galloway et de salers élevée dans le parc naturel de la Haute Sûre, l’épeautre qu’on y a remis en culture. Je propose par exemple un risotto d’épeautre avec de l’agneau, c’est génial ! Ou encore un sabayon à la bière bio. Mais encore une fois, ce n’est pas le bio qui est pour moi essentiel, mais le fait que cela soit produit ici de façon artisanale. Du bio, on peut en trouver partout, mais il provient parfois de loin. Or, j’aime connaître la provenance de mes produits et j’aime indiquer cette provenance sur ma carte. Les gens d’ici sont sensibles à cette façon de voir, ils sont restés nature sont très importants à mes attachés à leur terroir. Pour moi le yeux. J’ai toujours été élevé avec des bio, c’est également la biodiversité, la produits sains. Mes grands-parents protection des écosystèmes, la nature. avaient des poules, un jardin potager Je cite rarement un poisson précis sur avec une variété de légumes et de ma carte. J’indique : « Poisson du jour fleurs inimaginable. On mangeait dans le respect de la sauvegarde des de tout ! Encore aujourd’hui, je ne espèces » ! Je ne travaille d’ailleurs jette rien. Je garde toutes mes eaux plus le cabillaud pour cette raison, ni de cuisson de légumes, comme le thon rouge, depuis plus longtemps base de bouillon ou pour recuire encore. C’est la voie que j’ai choisie quelque chose. Ce qui est important aujourd’hui : faire attention à ce que pour moi, c’est de remettre la viande j’achète et respecter le lieu où l’on vit. Il faut encourager ou le poisson dans les petites producson écosystème, de travailler avec tout « Ce qui m’intéresse teurs, il faut se battre ce qui est naturel. Ici dans le bio, c’est le pour qu’ils puissent côté proximité, le continuer à vivre. récemment, nous avons accompagné caractère artisanal, Je ne comprends d’ailleurs pas qu’on un pièce de bœuf et la diversité » trouve du bio dans élevé dans la région, (René Mathieu) les grandes surfaces, par un petit flan aux qui font tout pour herbes sauvages ! Pour l’instant, c’est le moment des brader les prix. Les victimes, ce sont pâquerettes. Les racines de pâqueret- encore une fois les petits productes, c’est délicieux. Les jeunes pousses teurs. » de hêtre ou de bouleau aussi. J’aime travailler les produits naturels, pas Dessert nécessairement bio, mais tout ce « Dans la région, il y a quand même que je trouve ici aux alentours. J’ai la pas mal de cuisiniers qui cherchent chance de résider dans une région les bons produits. Maintenant, il y a encore très préservée de la pollution. deux types de restauration, celle qui Nos aïeux mangeaient déjà comme respecte le produit et le fast-food, ça. Tout le défi, c’est de présenter ces qui est malheureusement dominant. produits anciens de façon contempo- Sinon, je fais partie du grouperaine, en innovant. Ce qui m’intéresse ment Eurtoques Luxembourg. Nous dans le bio, c’est le côté proximité. Ce sommes 120 pour un petit pays, et que le petit agriculteur du coin peut je constate qu’il y a quand même me fournir avec ses vingt poules. Pour une volonté de respecter le produit. moi, c’est le critère le plus important. Il y a une charte éthique et des La proximité, le caractère artisanal. contrôles. Les esprits évoluent aussi J’achète mes produits dans un rayon sur le respect des saisons, le choix de de maximum 250 km, souvent moins. produits et de leur provenance. Je me Si ça vient en avion, ça ne m’inté- bats en tout cas au sein d’Eurotoques resse pas ! Hormis quelques aliments pour faire évoluer les choses. » qu’on ne peut pas produire ici bien Infos : sûr. Sinon, la plupart des produits Tél.: +352 78.78.78.1 que j’utilise viennent d’ici : les herbes www.bourglinster.lu
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