! s e u q i r b s e l e s s a c IT U T A R G
N#11 LATIFA LAÂBISSI // FRANÇOIS LEGEAIT // L’ÂGE DE LA TORTUE // JEAN-PASCAL DUBOST // LAURENT LEFEUVRE // LUDI-CITÉ
EDITO
CASSONS DES BRIQUES !
Ce trimestre, on a voulu travailler sur les frontières car elles sont terriblement d’actualité… La frontière marque une séparation, une limite, qu’elle soit, géographique, invisible ou imaginaire. Elle induit une différence entre soi et les autres. Y a-t-il un intérêt à les abolir ? Oui, osons les franchir, ainsi la vie sera plus savoureuse ! Nous, les rédacteurs de l’hypocrite, on pense que franchir des frontières, c’est se dépasser pour avoir une meilleure estime de soi ; ça génère la rencontre de l’autre et apporte une richesse humaine. Ça permet de découvrir et d’apprendre ce qu’on croit connaître, même si ça demande une prise de risque, car la liberté n’est pas évidente à conquérir. Récemment, trop d’exemples, du djihadisme à Donald Trump, nous montrent que certains sont prompts à édifier de nouveaux murs. Dans ce numéro, nous sommes partis à la rencontre de personnes que nous n’aurions pas rencontré de nous mêmes, des défenseurs de valeurs humanistes… à vos urnes !
IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST ! Le train, une aventure bretonne qui commence au milieu du XIXe siècle pour la première ligne reliant Paris à Nantes et se poursuit aujourd’hui avec la LGV prévue pour juillet 2017. Par Richard et Pierre
E
n entrant dans le musée de Bretagne de Rennes, consacré à l’exposition Bretagne Express, on est directement plongé dans l’épopée du rail en Bretagne, de sa création à aujourd’hui… L’exposition suit un fil chronologique : de l’invention des chemins de fer au XVIIIe siècle par M. Beaumont, extracteur de charbon de terre en Amérique ; utilisés pour la première fois en Angleterre. De nombreuses vidéos, photos, tableaux, outils de cheminots, maquettes et témoignages d’époque donnent à l’exposition un aspect pédagogique et ludique.
Parmi les 50 compagnies de chemins de fer françaises, deux desservaient l’Ouest : la compagnie Paris-Orléans ; puis la compagnie des chemins de fer de l’Ouest. A l’époque, le train roulant à 40 km/h effectuait le trajet Rennes-Paris en 10 heures. Les ouvriers en charge des traverses étaient nommés les «cheminots» car ils cheminaient régulièrement d’un lieu à un autre, un terme à connotation négative jusqu’à la première guerre mondiale, où ils participent activement à l’effort de guerre.
Le train connaît son âge d’or entre 1890 et 1945.
Au départ, les chemins de fer servent essentiellement au transport du charbon. Puis la première ligne de voyageurs est mise en service en 1837. La Bretagne est desservie en 1851, à Nantes, puis Rennes en 1857, suite à une mobilisation des milieux économiques et des élus locaux... Au départ, par crainte de l’arrivée des mœurs parisiennes débridées, l’expansion du train est mal vue par l’église.
2
Le train connaît son âge d’or entre 1890 et 1945, avec pas moins de 626 gares en Bretagne; provoquant l’aménagement des centres-villes et alentours (s’installent kiosques, restaurants, œuvres d’art, viaducs…). La Bretagne est considérée comme une destination pittoresque et élitiste. Les compagnies privées, déficitaires, sont rachetées par l’Etat. Elles fusionnent et la SNCF est créée en 1938. Pendant
la seconde guerre mondiale, 4000 kilomètres de voies ferrées sont détruites. Les arrêts peu rentables ne sont plus desservis. Après la seconde guerre mondiale, le nombre de gares et de lignes diminue, au profit de la vitesse, de l’électrification du réseau, et du développement de l’automobile ; la région se trouve desservie par un réseau en forme de pince de crabe. Le TVG arrive à Rennes en 1990. Il faut alors 4 H pour relier Paris à Rennes en TGV. Le nouveau projet de LGV, mis en place en juillet 2017, prévoit la liaison entre les deux villes en 1H30. Ainsi la frontière de l’espace-temps qui existait jadis entre un centre et une périphérie tend à s’estomper.
INFOS www.leschampslibres.fr
LUDI CITÉ UNE EXPOSITION
au frontière du réel
L'exposition Ludi Cité était présentée au Phakt, centre culturel du Colombier jusqu'au 10 février 2017. Ludi Cité, a été réalisée par Thomas François et Gildas Paubert du collectif Playfull, qui fabriquent des jeux vidéos, invités par Contrefaçons, spécialisé dans le commissariat d'exposition. Par Marie G.
A
près avoir arpentés la galerie marchande du Colombia, voilà que nous arrivons dans le hall d'entrée. Une ambiance cybercafé et conviviale s'y dégage, avec un zeste de couleur verte fluo qui donnent du « pep's » à l'installation. Cloé, la médiatrice culturelle nous accueille et nous propose de jouer aux différentes œuvres proposées. CORDIALEMENT, une proposition critique du monde du travail Un ordinateur et un clavier sont à disposition du spectateur. La règle du jeu est simple : il faut taper le mot cordialement le plus vite possible (speed running) pour gagner un maximun de points. Absurde ? Pas vraiment car quand on y pense les automatismes de frappe dû aux nombres de mail écrits amènent à ne plus vraiment porter de sens aux mots que l'on utilise. Cinq jeux vidéos qui déjouent les codes habituels Ensuite, cinq jeux sont dispatchés dans la salle, occupés par des enfants prêts à tout pour gagner. L'Écran magique, (consiste à arriver au camp de l'adversaire en suivant le chemin blanc avec le système de direction, piloté par un bouton manuel), le flipper (même règle qu'au flipper traditionnel mais le joueur est en hauteur, sur un piédestal face à l'écran), la Construction (il s'agit de déplacer des briques pour aider ses coéquipiers à monter tout en haut, en se déplaçant sur 5 écrans à l'aide de manettes de NES). Le cinquième jeu propose au joueur de se déplacer sur des volumes qui changent de place et évoluent à la fin d'une jauge de temps. Pour finir, le sixième jeu est inspiré du pong (ndlr:Atari). Les raquettes se déplacent en fonction de la voix grave ou aigus du joueur qui braille dans un micro. Cacophonie organisée pour réussir la partie.
Rencontre avec Ekarat, membre du collectif Contrefaçons Hypocrite : Quel est votre parcours ? Ekarat : Je fais partie du collectif Contrefaçons. On a commencé à se regrouper après notre cursus en Histoire de l’Art avec des personnes de l’école des Beaux Arts. Vu que l’on s’intéressait aux expositions, on a décidé d’en monter, il y a trois ans. On a été chargé du parcours d’exposition au festival Court Métrange en 2015 ainsi que de plusieurs projets nomades, chez les gens ou ailleurs en tant que commissaires d’exposition (choix, accompagnement et production d’expositions). H : Combien êtes vous dans le collectif ? E : Ça change tout le temps. On est cinq en ce moment. Ça dépend des projets. H : Combien de temps cela prend, de concevoir et monter une exposition ? E : Pour Ludi Cité, le Phakt nous a invité à concevoir une exposition dans leur locaux. On a réfléchi, cherché des idées… Ce qu’on voulait c’est que les gens se rassemblent et discutent ensemble autour de l’expo. C’est pourquoi, on a rencontré Thomas et Gildas de Play Full qui travaillent autour du jeu vidéo. Ce qui est intéressant dans leur projet c’est qu’il
n’y a pas de frontière entre le jeu vidéo et l’œuvre d’art, une sorte d’entre deux. Quand on commence à jouer, on sort du contexte d’exposition ce qui permet de rassembler des gens différents qui ne seraient pas venus voir une exposition. On cherche à créer du lien social par les expositions que l’on propose. On a envie de changer les codes, le protocole des expositions où personne ne parle comme si cela était interdit. Notre objectif c’est vraiment de redonner envie aux gens de discuter d’œuvres dans les expositions qu’ils visitent. H : Les œuvres ont-elles été produites pour l’exposition ? E : Les jeux présentés existaient sous forme d’ordinateur, consultable. Nous, on leur a proposé de les mettre en forme, de les habiller. On leur a permis d’exposer plus de deux semaines dans un lieux en les amenant à fabriquer une salle autonome où les jeux se transforment en objets.
INFOS www.play-full.net/ www.contrefacons.org www.phakt.fr
A travers « Ludi-cité », leur objectif commun s'est concentré sur l'envie de créer du lien entre les spectateurs et les joueurs, autrement que par la discussion. Ils ont souhaité abolir les frontières entre virtuel et réel ; le jeu vidéo et l'art contemporain. Il n'y a rien à gagner, pas d'histoire. Leur but est de façonner un espace où l'on peut s'amuser, se rencontrer et partager, sans autre finalité.
Ils ont souhaité abolir les frontières entre virtuel et réel.
3
LETTRES À L’ÊTRE D’AILLEURS Un jeudi gris et froid, nous nous rendons dans le quartier du Blosne, au 10 bis square de Nimègue, à la rencontre d’Antoine Chaudet, chargé de communication à l’Age de la Tortue. Dans un appartement style années 70, Antoine nous accueille chaleureusement dans un salon cosy pour nous présenter son association.
Par Steeve
L’association Créée en 2001, cette association propose des projets permettant de mettre en relation des personnes de différents horizons afin de croiser les regards, de débattre et d’échanger sur des problématiques de société. Elle est composée de deux salariés et d’une artiste associée : Paloma Fernàndez, metteure en scène. Ensemble, ils proposent des projets toujours différents afin de s’adresser à tous. Résidence secondaire : BIENVENUE Jusqu’au 1er février, un immense paillasson noir avec l’inscription BIENVENUE en lettres blanches accueillait les usagers du métro Triangle. A l’initiative de l’Age de la Tortue, l’élu Frédéric Bourcier, l’artiste Joaquin Munoz et l’habitante Malika Barhoumi se sont retrouvés à vivre ensemble pendant 5 jours dans un des appartements de l’association. L’objectif ? Produire une réflexion commune qui sert de base à une réalisation artistique à partir d’un thème de travail, en l’occurrence « Frontières du Blosne ». Ainsi, ce paillasson géant, fruit de leurs échanges, a permis d’interroger ces frontières camouflées qui passent inaperçues dans notre quotidien. Mais aussi pour accueillir et faire hospitalité sur un territoire traversé. L’Encyclopédie des Migrants Sur l’initiative de Paloma Fernàndez, l’Age de la Tortue décide en 2014, de mettre en place un projet d’expérimentation artistique nommé l’Encyclopédie des Migrants. Il vise à réunir dans une encyclopédie 400 témoignages d’histoire de vie de personnes migrantes. Tout a commencé en 2009, quand Paloma réunit dans deux recueils, les lettres qu’elle adressait à sa grand-mère en Espagne. Ses lettres manuscrites ont fait émerger l’idée d’un projet européen contributif réunissant les lettres de personnes résidantes à Brest, Rennes, Nantes, Gijon, Cadix, Porto, Lisbonne et Gibraltar. Cinquante personnes ont été sollicitées par des associations de chacune de ses villes afin de témoigner de leurs histoires intimes de migrants. Composée de trois tomes (1782 pages) et imprimée en huit exemplaires, cette encyclopédie réunit les lettres manuscrites de 400 personnes, toutes adressées à un membre de leur famille vivant dans leur pays d’origine. Chaque lettre est accompagnée d’une photographie représentant l’auteur et a été traduite en quatre versions multilingues (français, espagnol, portugais et anglais). Nathalie Appéré s’est vue remettre, à titre symbolique, l’Encyclopédie des Migrants, le samedi 4 mars. Cet objet considéré comme patrimoine vivant et immatériel de l’histoire des migrations a également été remis à chacun des maires des villes concernées. Mais ce n’est pas tout. La nuit qui a suivi la remise officielle à Mme La Maire a été consacrée à la lecture publique des 400 témoignages. Des bénévoles se sont donc relayés à l’Hôtel Pasteur, pendant 24 heures afin de transmettre au public cette vision poétique et intime de l’histoire des migrations.
INFOS Version numérique de l’Encyclopédie des migrants : www.encyclopedie-des-migrants.eu/ Exposition des photographies de l’Encyclopédie aux Champs Libre de juillet à décembre 2017 L’association : ww.agedelatortue.org
4
HOROSCOPE Capricorne // Du 22/12 au 20/01 Si ça colle, sortez en boîte avec une asperge. Verseau // Du 21/01 au 18/02 Vous avez oublié vos émotions à l’Hôpital. Prière de contacter l’Hypo pour les récupérer. Poissons // Du 19/02 au 20/03 Savourez un poisson chat en sauce, mais pensez à enlever la moustache. Bélier // Du 21/03 au 20/04 Accrochez votre costume et buvez la tasse. Taureau // Du 21/04 au 21/05 Vous avez la banane ! Mieux vaut rigoler que s’enflammer comme une allumette. Gémeaux // Du 21/05 au 21/06 Pour jouer au coiffeur, enlever votre manteau. Cancer // Du 22/06 au 22/07 Calculez votre nombre de cheveux pourris. Lion // Du 23/07 au 22/08 Enlevez les peluches de devant votre porte pour laisser l’air passer. Vierge // Du 23/08 au 22/09 Si votre hérisson est de la police, plâtrez le ! Balance // Du 23/09 au 22/10 Descendez, ouvrir votre magasin de Kebab. Scorpion // Du 23/10 au 22/11 Cherchez de caféine dans vos chaussettes. Sagittaire // Du 23/11 au 21/12 Je vous souhaite de devenir une poutre de balançoire.
Un super héros à la sauce Breizhou, adolescent rennais du nom de Fox Boy.
FOX BOY, LE SUPER HEROS DU PHARE WEST Laurent Lefeuvre est un auteur de Bande-Dessinée Rennais de 39 ans. Par Vianney
P
INFOS laurentlefeuvre.blogspot.fr
ar un après midi ensoleillé, il est venu avec un échantillon de son travail afin de nous en donner une idée. A l’instar d’Obélix, autre héros de BD célèbre, Laurent est tombé dedans tout petit et en garde aujourd’hui encore les effets. Pourtant, Laurent étant une personne plutôt comique, son intérêt se porte plus sur les comics amerloques. Les super héros l’ont toujours fasciné. C’est ainsi que, depuis quelques années déjà, a germé en son esprit fertile baigné de comics et arrosé de culture bretonne, sa terre natale, une idée un peu folle : celle d’un super héros à la sauce Breizhou, adolescent rennais du nom de Fox Boy. Laurent publie à ses débuts dans une revue Bretonne de seconde zone, à faible dose, en attendant de trouver un éditeur. En 2011, il n’avait que trois pages de bande dessinée. Trois ans plus tard, il
compile une histoire complète à partir de ses publications dans la revue. Au départ, l’histoire et le nom du héros sont intégralement en breton. Puis il se rend compte que cela est inadapté et non vendeur. Il change donc pour le français et opte pour un nom d’inspiration non pas comique, mais comics : Fox Boy. Ce héros n’est pas du tout conforme à l’idée que l’on se fait de ce type de personnage : il s’agit en réalité d’un jeune lycéen ordinaire dont le destin se retrouve bouleversé par sa rencontre avec un magicien qui le fera devenir Fox Boy. A partir de ce moment, sa vie ne sera plus jamais la même. Au lycée, il se fait malmener par ses camarades car c’est une tête à claques, frimeur et un peu voyou. Il aurait pourtant pu devenir une bonne personne, mais aurait pour cela besoin « d’une bonne paire de claques », selon Laurent Lefeuvre.
L’auteur a tenu à rappeler que Fox Boy est un peu un anti héros : son histoire est moins binaire que les comics amerloque. La frontière entre le bien et le mal y est plus abstraite, plus nuancée, comme dans la réalité. Le héros est également sensible aux aléas de la vraie vie comme par exemple la fatigue ou bien encore les sautes d’humeurs. Il s’exprime mal. C’est un ado qui va devoir apprendre la vie. Pour cette page blanche, on a travaillé avec Laurent sur une affiche qui représente nos héros du quotidien, ceux qui agissent et qui dépassent des limites aux noms de valeurs, convictions… On vous laisse découvrir les personnes d’hier et d’aujourd’hui qui nous apparaissent comme des « PassesMurailles » car ils savent traverser les murs que certains hommes aiment à construire.
5
Atelier et rĂŠalisation : Laurent Lefeuvre
RENCONTRE
Un Albatros aux frontières du pays de Merlin !? Comme le poète Baudelaire, Jean Pascal Dubost est un « prince des nuées ». C’est en effet un poète militant qui se revendique comme tel ; il a fondé dans ce but, une association nommée « Dixit poésie » située en plein cœur de la forêt Brocéliande où habite l’auteur, lieu de parfait équilibre et d’harmonie entre nature et culture. Par Richard
LIMERICKS Il était un petit grain de Sablé Sur lequel plusieurs auraient testé A cet instant, Penny bailla Et le système s’enrailla Pauvre petit grain de Sablé. (Floriane) Il était chaud comme un camembert Qui sent l’oseille hors pair L’homme au chapelon melon Les poches pleines de pognon Douceur d’une campagne chaude comme un camembert. (Hélène Truffert) Il était un Vladimir Qui se mit à jouir En dégustant une poutine. Cela rendait jalouse sa concubine Qu’il était heureux le petit Vladimir (William) Il y avait un fil long sarthois, Qui se défendait d’être un chat maladroit. On le voyait tendre sa main à ses imbéciles, rodé, Puis en découdre avec ses victimes embobinées. Quel tisseur de trouble ce fil long sarthois. (Erika) Il y avait un poulet de Bresse à la messe, Qui demandait confesse ; Pour avoir osé se plumer les fesses. Mais à la vue du curé, il partit sans demander son reste. Le poulet de Bresse, à la messe, n’y remit jamais les fesses. (Steeve) Il était une eau de Vichy Un régime politique sur lequel je chie. On en avait perdu notre France, Pays de Voltaire et de la Tolérance Quand le Maréchal buvait son eau à Vichy. (Richard) Il y avait la valse de Barcelone, En quatre temps, marche au pas c’est ce que l’on t’ordonne, Tu vires de gauche à droite, les cheveux ébouriffés. Désorienté tu ne sais plus à qui te fier. Ca ne vaut pas le Charleston, cette valse de Barcelone. (Carine)
8
J
Si «ses ailes l’empêchent de marean Pascal Dubost écrit 7 Exilé sur le sol cher», ce dernier ne reste donc jours sur 7, principalement aux milieux des huées… pas dans sa « tour d’ivoire » et il le matin vers 5 heures et Dire que Jean Pascal Dubost ne fait que gagner en liberté pour midi. Il nous révèle que dès qu’il est un « exilé au milieu des franchir des frontières inexplose lève « il a son carnet et son huées » serait exagéré. Même s’il rées. café ! ». L’après-midi, pour se écrit avant tout pour son plaisir, Après tout, Jean Pascal Dubost détendre, il s’adonne aux proil est content d’avoir de bonnes est « un poète encore vivant ! menades solitaires pleines de rêcritiques ; il reste que ce n’est pas Comme beaucoup le sont auveries dans la forêt de Paimpont, fondamental pour lui. jourd’hui mais restant méconnu pour se ressourcer. Une femme a bouleversée sa du grand public ». Durant notre Son parcours commence en 1991 vie sur le plan poétique, Valérie rencontre, il ironise sur le fait que lorsqu’il abandonne son activité Rauzeau. Elle a publié Pas Revoir beaucoup d’entre eux, auquel il salariée pour se donner à la poéen 1999 à plus de 10000 exemappartient, seront « étudiés dans sie. Les débuts furent difficile plaires, ce qui en fait un best-selles lycées dans une centaine jusqu’au jour où il se lance dans ler dans le monde de la poésie d’année ». la tenue d’ateliers d’écriture, les actuelle. Pour l’écrire la poétesse résidences d’auteur. C’est ainsi a usé d’une « langue de récupéqu’il gagne sa vie aujourd’hui. ration » comme on use d’outils Le cercle des poètes Jean Pascal Dubost a écrit plus de récupération pour faire des apparut ! d’une vingtaine de livres de poéœuvres d’art contemporain. C’est en effet à l’occasion d’un sie ou de récits biographiques. Il Encore ici, la frontière entre liatelier sur le thème de la fronbouge beaucoup car c’est un poète berté et contrainte est dépassée, tière, que nous avons rencontré « bon vivant », et pour le « prince c’est du moins une recherche qui Jean Pascal Dubost. Aussi ce derdes nuées », il est imnier nous propose portant de bouger pour d’écrire dans un découvrir ce qu’il y a style poétique Le Poète est semblable au prince des nuées ailleurs, faire connaître a n g l o s axon, Qui hante la tempête et se rit de l'archer ; sa poésie autant que nommé le LiExilé sur le sol au milieu des huées, découvrir de nouveaux merick, inventé Ses ailes de géant l'empêchent de marcher. talents, de nouvelles par Edward Lear (L’Albatros- Charles Baudelaire ) frontières. (1812-1888), du C’est ainsi qu’il a fonnom d’une ville dé le Festival « Et dire irlandaise. et ouïsance », qui se tient cette donne à son œuvre toute sa sinLe but pour nous est de composer année du 28 juin au 2 juillet, dans gularité. des poèmes absurdes mais aussi la forêt de Paimpont. humoristiques et satiriques dans l’esprit de Lear qui critiquait, de Ses ailes de géants cette manière, la très rigide sociéQui hante la tempête et se rit l’empêchent de marcher. té victorienne en évitant d’aller de l’archer… Contrairement au roman, la poéen prison. sie « ne se vend pas ». Aussi il est Aujourd’hui, Jean Pascal Dubost La règle est que le poème doit très difficile d’en vivre. Cepenn’écrit plus qu’en prose avec une être court et de 5 vers en AABdant, pour Jean Pascal Dubost, seule phrase et une virgule à la fin BA. Avec Jean Pascal Dubost le cela présente un gros avantage ; de cette dernière. Certaines de ses premier exercice a été de s’apla liberté de ne pas écrire du comphrases peuvent faire plusieurs puyer sur le nom d’une ville, mercial. pages. d’un lieu, d’un pays. Le second Jean Pascal Dubost écrit, en efMais quelles sont ses influences ? exercice consistait en la même fet, en langage SMS, latin, ancien Côté poésie médiévale il cite consigne mais en déformant le français, ce qui n’existerait pas, si Jean Villon, côté baroque du nom d’une personnalité publique. la poésie était un art populaire. Et XVIe siècle, Agrippa D’Aubigné. Nous vous laissons la joie de déil le dit sans élitisme. Il n’y a pas Parmi les poètes contemporains couvrir nos œuvres, à nous dès à de frontières entre le nouveau et qu’il a beaucoup aimé, il cite Haprésent de franchir la frontière. l’ancien. roldo de Campos, poète d’avantgarde brésilien appartenant au mouvement Concrétiste qui a «fait explosé la langue avec de longs poèmes sans ponctuation». Le père spirituel de Jean Pascal Dubost est Jack Kerouac, poête de la Beat Generation, incarnant l’esprit contestataire et de liberté, auteur de Sur la route écrit sur un rouleau de 30m. Tout comme lui Jean Pascal Dubost accorde une importance à la musicalité des vers et à la relation avec la musique. Comme Kerouac en son temps avec le jazz, Jean Pascal Dubost décide de travailler en musique et rencontre Olivier Mellano, musicien électro, connu pour avoir travaillé avec Dead Can Dance et le bagad de Cesson Sévigné. Tous ces poètes, influences, ont chacun franchi des frontières, donnant à leur fils spirituel, le soin d’en franchir de nouvelles.
SÔSHIS Choses qui me paraissent étranges Les gens qui ont des préjugés. Les gens qui aiment la routine. Les gens jaloux et ceux qui ne le sont pas du tout. Les avions qui arrivent à voler malgré leur poids. Le climat de Bretagne. Ou peut être que c’est celui du Sud qui est étrange. Les bruits la nuit. Une journée où tout se passe bien. (Florine)
Choses difficiles à dire J’ai un handicap psychique. Je t’aime comme un fou. Non c’est non car je dis oui à presque tout. Tu m’emmerdes, tu me fais chier. C’est de ta faute maman si j’ai de nombreux problèmes aujourd’hui. Hamon, tu nous as bien pris pour des cons avec ton abrogation de la Loi Travail. Hollande, j’ai voté pour toi en 2012. Mélenchon, je t’aime bien même si je ne voterai pas pour toi. Je veux devenir chercheur en histoire, historien. Je veux travailler par plaisir et loisirs pas par contrainte matérielle ou de tout autre. J’aimerais bien me déguiser souvent en femme. Quand j’étais jeune j’étais un petit facho sous influence de mon père. Il m’a fallut trois ans de quinze à dix huit ans pour redevenir quelqu’un de meilleur, après que tu sois mort papa. Je t’ai tué alors que tu étais déjà mort, pour reprendre le terme freudien mais j’ai encore parfois des restes avec ma maladie. Les fachos ne m’effraient pas, ils me font rire tellement je les trouve idiots. Beau père, je trouve que toutes les thèses de complot juif sont absurdes et débiles. Avant de reprocher aux gens d’un culte, d’être radins, tu ferais mieux de te regarder. (Richard)
Choses qui me paraissent étranges Une forme dans la nuit. Une nuit sous la lune. Le regard désabusé de mon père. La porte qui s’ouvre sans personne derrière. Les lampes de chevet qui s’allument en pleine nuit. Un jour de pluie sans odeur. Un pull fushia sur un pantalon rouge. Un oiseau dans sa cage. Un chien qui ne gueule pas. Un bébé blasé. Les trous noirs. Une étoile qui s’éteint. Un poème sans émotion. Une fleur sans charme. Un papillon cloué dans un musée. Un enfant sans sourire. La mort. Le silence. L’ennui. Une adolescente qui ne fait pas de crises. La religion qui génère des guerres. Un hamburger mangé devant un sans-abri. La Joconde qui me fixe. Une roseraie sans odeur. Un papier cadeau qui n’est pas déchiré. Une vie sans émerveillement. Une réflexion sans douleur. Un passé sans remords. (Erika)
BALLADES Jadis, un seul indice pouvait vous rendre indigne Si vous disparaissiez sans laisser aucun signe De nos jours l’abandon, on s’en fiche comme d’une guigne Car on devient joignable dès qu’on se met en ligne Cela pose un problème à ceux qui tentent l’exil Pour ma part, je le tente mais j’reste au bout du fil Car je me refuse à inonder de chagrin Mes proches apparentés qui de moi ont besoin Mais je préfère avant de dérober mes antennes En mon pays, je demeure en une terre lointaine. C’est un choix qui est mien et qui est contestable Bien sûr, la vérité n’est pas bonne à entendre Que l’on sache néanmoins, même si c’est regrettable Que ma déconnexion vient simplement défendre Et appuyer mon dévolu à la nature Etre terre à terre, cela devient mon armure Se reconnecter A la faune et à la flore Ne semble pas prioritaire et je le déplore Aujourd’hui pour que l’humanité soit sereine Il faut qu’en son pays, elle soit en terre lointaine. Regardons la forêt, dévorons les jardins. De notre environnement, il faut que l’on prenne soin Autant qu’une intention qu’on aurait pour les siens Il faut qu’on tende la main dans un esprit serein A ceux qui quotidiennement devant l’écran Matent des vidéos et rentrent ainsi dans le rang Non, regardons, mes amis, ces contrées Afin qu’à nos descendants, on puisse les montrer Et être fier de cette planète qui est si saine En ce pays, ne soyons plus en terre lointaine ! (Pierre)
FRANCHIR LE MUR DU SON L’ouïe permet d’être connecté à la vie, au monde qui nous entoure… Je suis une jeune femme de 25 ans et j’ai une surdité sévère. Lorsque le son devient la frontière avec les autres. Par Hélène T
I
l y a autant de surdités que de personnes ayant une surdité. Ce témoignage ne concerne que ma façon de voir et de ressentir les choses. Au quotidien, je suis confrontée à des difficultés pour communiquer. Lorsque l’on me parle, il faut que mon interlocuteur soit en face de moi afin que je puisse lire sur ses lèvres. Cette lecture labiale m’aide depuis toute petite. Ma famille s’est adaptée à ma surdité au fil des années mais oublie parfois ma surdité puisque je parle comme une « entendante ».
Le problème est que je ne suis pas « entendante » ! Pour regarder la télévision, j’active le sous titrage qui m’aide beaucoup. Au fil des années, il y a eu énormément de progrès technologiques. Lors de ma scolarité, mes enseignants avaient un micro HF qui amplifiait les sons, j’avais aussi une auxiliaire de vie scolaire. Jusqu’à mes 14 ans, j’ai suivi régulièrement des séances d’orthophonie. Ces séances m’ont permis de mieux comprendre la langue française, le monde qui m’entoure, d’enrichir mon vocabulaire. Je suis appareillée depuis l'âge de 2 ans. Ils me permettent d’entendre, de mieux comprendre. Les difficultés commencent quand je suis en repas de famille ou dans un lieu avec énormément de bruit. Dans ma tête, c’est l’incompréhension. Mon cerveau ,puisque c’est bien lui qui interprète les sons qui proviennent jusqu’à mes oreilles, n’arrive plus à distinguer les sons. Je me sens perdue. J’essaie de suivre les discussions grâce à la lecture labiale mais… elle ne fait pas tout. Si sont prononcés les mots « pain, bain, main », je ne peux pas deviner de quel mot il s’agit. Les prothèses auditives que je porte me permettent d’entendre ; mais je n’entendrai jamais comme une entendante. J’insiste bien là-dessus parce que l’on peut penser que « hop je mets mes appareils et je suis comme les entendants ». Et bien pas tout à fait. Les sons sont différents, parfois ça résonne. « Trop de bruit tue le bruit ». J'ai quelques rudiments de Langue des Signes Française. Je ne l'ai jamais vraiment pratiquée puisque j’entends des sons. Ne pas comprendre lorsque l'on me parle, ne pas identifier les sons, ne pas déterminer d'où ils proviennent, restent bien les plus grandes difficultés auxquelles je suis confrontée.
La frontière se situe là : entre entendre et comprendre, elle est parfois très mince, mais elle existe et je suis obligée de « faire avec » car mon handicap reste... invisible. Comment comprendre le monde qui nous entoure lorsque l’on n’entend pas très bien ? J'ai la chance de pouvoir m'appuyer sur mes autres sens : la vue, le toucher, l’odorat, le gout. Chaque soir, j’enlève mes appareils pour dormir. Je me retrouve un peu dans un autre monde, celui du silence : je n’entends plus rien. Sans mes appareils, je me sens « seule » au monde. La surdité a aussi quelques « avantages ». Quand il y a trop de monde qui parle, le lave vaisselle en marche, la musique à fond, je peux éteindre mes appareils afin de ne pas être gênée. Les voix des personnes me semblent très éloignée bien que la personne soit à côté de moi. C'est vraiment reposant. Quand je débranche, mes autres sens sont plus développés : le toucher est plus sensible, l’odorat plus développé, je fais plus attention à ce que je vois même si en plus je suis myope ! Une deuxième frontière existe là encore grâce à mes appareils auditifs. Il existe des aides techniques dans la vie quotidienne. J’ai un réveil qui flashe, un émetteur de porte qui est relié au réveil. Lorsque quelqu’un sonne à ma porte, ça flashe. Un détecteur de fumée adapté à ma surdité système de flash relié au réveil. Pour le téléphone, j’arrive à m’en sortir, j’ai parfois du mal. J’apprécie et j’utilise beaucoup les mails et les SMS. Ce sont les moyens de communications les plus efficaces lorsqu’on a une surdité je dirai. N’oubliez pas, vous pouvez nous aider à mieux nous adapter à un monde qui nous correspond, à mieux comprendre le monde… Entendre, pas toujours mais nous avons quatre autres sens qui compensent la perte auditive. Quelques règles simple si une personne vous dit : « je suis sourde » 1 ne paniquez pas 2 restez calme 3 respirez 4 articulez 5 parlez juste un plus fort, sans pour autant crier, Il est tout à fait normal de ne pas repérer tout de suite qu’une personne est sourde… La surdité n’est pas contagieuse ! Ne soyez pas gênés, mettez-vous à l’aise !
INFOS Titi et lulu sœurs sourdes Chaine Youtube L’œil et la main sur France 5
9
RENCONTRE camouflage Self portrait
de Latifa Laâbissi
Dans un spectacle, mêlant démonstration dansante et discours à connotation politique, Latifa Laâbissi dénonce une partie de notre histoire qui a du mal à passer ; celle des « zoos humains ». Par Richard
Q
uand on entre dans la salle, on ne s’attend pas à ce que l’on va voir, c’est à dire une femme nue portant une coiffe de Sioux derrière un pupitre, telle la « Venus Hottentot » exhibée dans les musées européens jusqu’au début des années 2000. Au travers de ce spectacle, ponctué de moments où on se retrouve dans le noir, on ne s’ennuie pas une seconde et on ne voit pas le temps passer. Parfois on peut même se sentir gêné, après tout on regarde une femme comme une pièce dans un musée. Ce spectacle est, en effet, très contemporain et entend bien faire passer un message politique : au travers de la pratique des « zoos humains » véhiculant le mythe de la supériorité de l’homme blanc sur l’indigène et les différents clichés attribués à ces derniers, du barbare au bon sauvage à civiliser, ce sont nos hommes politiques qui sont interpellés. Leurs prénoms sont cités dans une salle de classe où se côtoient aussi bien de bons élèves (Olivier, Nathalie, Ségolène), de gauche principalement, que de mauvais élèves comme Nicolas et Marine, de droite et d’extrême droite. C’est tout simplement les débats fumeux sur ce qui constitue l’identité nationale française, avec des conceptions héritées de la colonisation, qui sont pointés du doigt. La polémique autour de l’ancêtre gaulois de Nicolas Sarkozy à revers était bien inspirée, histoire de nous montrer à quel point, il est stupide pour une femme d’origine arabe de se représenter avoir un ancêtre gaulois.
Hypocrite : Depuis quand êtes-vous chorégraphe et danseuse ? Latifa Laâbissi : Je danse professionnellement depuis très longtemps, depuis que j’ai 21 ans. Et j’en ai 48. Et après, chorégraphe, ça fait moins longtemps. Self Portrait, c’est la première pièce que je signais toute seule. Avant, j’ai cosigné des pièces. A la louche, on va dire que ça fait 12 ans que je suis chorégraphe. Voila, c’est pas si vieux. Et comment m’est venue l’idée ? à vrai dire, je danse depuis que j’ai 12 ans. A ce momentlà, je ne savais pas qu’on pouvait en faire un métier. C’était une activité comme on fait une autre activité. Et un jour j’ai accompagné une personne qui faisait de la musique au conservatoire. Je suis allée regarder les gens qui prenaient des cours de danse classique. En discutant avec la prof, j’ai réalisé qu’on pouvait en faire un métier. Et du coup, ça m’a donné envie. Là, j’avais 16 ans. A partir de là, ça a été une vraie ligne droite. J’ai fait quasiment que ça. Mais le déclencheur, c’est la possibilité de passer d’un loisir à un métier. Je ne pouvais pas imaginer qu’on pouvait faire un métier de la danse. Quand ça a été possible, j’ai décidé de faire ça. H : Tu as commencé par quel style de danse ? LL : En fait, quand j’étais plus jeune, c’était entre éveil musical et danse moderne dans un centre social. Je n’ai jamais manqué un cours, j’adorais ça. Ensuite, ça a été une vraie rupture, parce que j’ai décidé de vraiment faire de la danse classique pour avoir une
« Aujourd’hui, on construit plus de murs que de ponts. Et moi, je préfère les ponts. »
base. Avec du recul, je ne pense pas que ce soit absolument nécessaire. J’ai commencé à 16 ans et demi, c’est à dire très tard, j’ai du rattraper des classes en fait. Parce que je devais rattraper le niveau des personnes qui avaient mon âge. J’étais le canard boiteux de la bande. Mais c’était un vrai challenge. C’était super. Après, je me suis décidé à faire plutôt de la danse contemporaine. J’adorais un chorégraphe, Merce Cunningham, qui est une grande figure de la danse contemporaine chez qui j’ai pu finir ma formation. J’ai fait un concours pour avoir une bourse et j’ai eu la chance de l’avoir. Je suis donc allée aux Etats-Unis. H : Quelle serait votre vision d’un monde meilleur ? LL : Woaw, The question ! Si l’homme n’était pas un prédateur pour son prochain, moi, ça m’irait déjà très bien. S’il y avait une plus grande conscience de ça, ça serait mieux... Et la question de l’hospitalité aussi. Je trouve que c’est très violent, ce qui se passe en ce moment. Les frontières préfigurent des batailles… J’aimerais qu’elles aient un autre sens. Avec les déplacements de peuples pour des raisons écologiques, économiques, des guerres… on voit les réactions différentes, comment on a peur. C’est peut être un peu bisounours de dire ça, mais on devrait penser à ces questions autrement que par la peur de perdre ses acquis. Aujourd’hui, on construit plus de murs que de ponts. Et moi, je préfère les ponts. Il y a aussi les politiques qui s’appuient sur les forces en présence. Je pense que les citoyens ont énormément de pouvoir. Si on agit, la peur en nous n’est plus un instrument pour les politiques. On est toujours l’autre de quelqu’un. Qu’est-ce qu’on fait avec ça, est-ce qu’on y survit, est-ce qu’on l’apprivoise ? Ou, est-ce qu’on se dit, t’es qui toi, qu’est-ce que tu fait ? C’est quelque chose d’assez basique mais ça nous encombre tellement. Il y a du boulot.
INFOS www.figureproject.com/ Prochain spectacle en mai : Pourvu qu’on ait l’ivresse MC2 de Grenoble - Latifa Laâbissi et Nadia Lauro www.mc2grenoble.fr/spectacle/pourvu-quon-ait-livresse/
10
H : Ce spectacle fait-il écho à des choses que vous avez déjà vues ou vécues ? LL : J’ai suivi la piste des zoos humains ; je me suis intéressée à la dimension historique des colonies et des empires coloniaux. J’ai fait un travail d’archives sur la période qu’on a appelé « l’orientalisme. » et la façon « d’exotiser » l’autre. J’évoque la question de l’accent, les stéréotypes, le racisme et ce sont des situations qui évoquent une violence dont l’on est témoins, une mise à l’écart
ou un rapport à l’autre qui est stigmatisant. Donc, oui, j’ai vécu des situations comme ça, personnellement. Mais ce n’est pas cela qui m’a mit au travail ; cette pièce est plus un manifeste pour oser nommer des choses via la danse qui est un médium plus abstrait que la littérature ou le chant. Mon objectif est de faire parler le corps… Mais ce n’est pas tout le temps possible. C’est pourquoi certaines séquences sont parlées. H : Il y a plusieurs séquences dans ce spectacle (exhibition, grimaces, dialogue avec sa mère) ? Pourquoi cet ordre ? LL : La première partie appuie l’iconographie des zoos humains. C’est un corps muet car il parle du climat de l’assignation et des traumatismes provoqués chez ceux qui ont vécu cela. C’est une parole tue, mais qui cherche à sortir… Puis quand elle sort, la parole est masquée par l’accent d’une femme maghrébine. Cette dramaturgie est pensée pour pouvoir en rire, à condition qu’il y ait une tension en première partie, pour emmener le spectateur et trouver une construction qui l’embarque dans une dramaturgie sensible. H : Pourquoi avoir intitulé ce spectacle « Self portrait camouflage » ? LL : C’est un titre d’Andy Wharhol, qui camouflait son visage derrière des motifs de l’armée dans une série d’autoportraits. L’idée de réutiliser le titre m’intéressait car je suis camouflée en une créature bizarre, nue avec une coiffe d’indien et un drapeau français la plupart du temps. C’est toujours une figure, ce n’est jamais perso, sauf quand je dis « je me tape une petite parano ». H : Quelle est votre intention, votre message, ce que vous souhaitez faire passer ? LL : La pièce est polymorphe. C’est très ouvert, il n’y a pas qu’un message. J’essaye de toucher du doigt un espace sensible, en pensant horizontalement la question du sexe, du genre, de la race… il y a un contenu où politique et poétique sont vissées ensemble. Il n’y a pas de feuille de route pour le spectateur. H : Pourquoi être nue avec une coiffe et un drapeau ? LL : Pour plusieurs raisons. Travailler sur les empires coloniaux m’a connecté à l’histoire de l’Europe. Mais c’est très difficile d’évoquer cette question segmentée par des frontières. J’ai pensé au génocide des amérindiens, qui n’a jamais été reconnu même par Obama, qui
FICHE MÉTIER
François Legeait, chasseur d’images engagé Par Steeve
F
rançois Legeait, photographe, vient nous rendre visite en ce mercredi du mois de mars. Ce cinquantenaire, de nature joviale et dynamique, vient nous parler de son métier, de sa passion : la photographie. Les sujets qu’il aborde sont nombreux. Leurs points communs sont cette envie insatiable de capter, figer un instant les violences de ce monde, subtilement, sans jamais vraiment nous les montrer. Pour cela, il s’intéresse autant aux sujets de l’actualité française qu’à ce qui se déroulent au delà de nos frontières : Palestine, Kurdistan, Irak, Afghanistan sont autant de destinations qu’il a pu capturer dans son objectif afin de nous révéler la réalité quotidienne de ces pays en guerre. Hypocrite : Depuis quand êtes-vous photographe indépendant ? François Legeait :J’ai toujours fait de la photo. J’ai commencé à l’âge de 14 ans mais je ne me voyais pas en faire un métier. Pour moi, c’était comme être chanteur. Ce sont des choses dont tu rêves, que tu sacralises, du coup, ça te paraît inaccessible. Il a suffit d’un clash avec mon patron pour créer le déclic. C’est à ce moment là que je me suis juré de ne plus retravailler pour quelqu’un afin de rester indépendant. J’ai décidé de devenir photographe mais à mon image. Du coup, en 1999, je fais un CAP de photographie car c’est avant tout une technique (fin de l’argentique, début du numérique). Ca m’a apporté une forme de légitimité « sur le papier ». Mes sujets depuis les années 2000 sont liés aux différentes actualités qui ont rythmé ces deux décennies ; la Pologne, l’Irlande et l’IRA, les manifestations contre Le Pen au deuxième tour en 2002, et plus récemment la guerre en Irak, Syrie... Après, je ne possède pas de carte de presse ce qui peut entrainer certains problèmes quand je pars à l’étranger.
FL : Ramenez-vous du travail chez vous ? Oui, parce que le travail de photo est plus long avant et après le moment où tu captes des images. Pour un voyage qui dure 1 mois, je rentre avec plus de milles photos, et donc il y a un énorme boulot de traitement, production des images. H : Travaillez-vous avec de grands groupes de presse ? FL : Non, je préfére rester indépendant pour travailler sur les sujets qui me bottent. Quand j’ai commencé j’ai mis des images en agence. Je les ai retrouvées à coté d’articles avec lesquels je n’étais pas d’accord. J’ai arrêté car je préfère garder ma liberté. Après, je travaille avec des éditeurs, et propose des expositions. Je fais également de la formation.
« En Palestine, par exemple, je me suis caché derrière un arbre avec des gens qui me tiraient dessus. Cette fois-ci, ça valait le coup d’y être mais des fois, ce n’est pas ce qui m’intéresse. »
H : Quel est ton salaire ? FL : L’argent que je gagne me permet de vivre, mais rien de mirobolant. C’est un choix que j’ai fais car la liberté et l’indépendance n’ont pas de prix. Après, en tant que photographe, tu peux faire des mariages car c’est super bien payé. Mais rien de passionnant non ? Tu peux faire pleins de choses différentes en même temps. Il y a pleins de métiers dans ce métier...
a été pourtant un président progressiste. C’est un refoulé de l’histoire. Il y en a plein comme ça, qu’on ne peut hiérarchiser. La prédation des uns envers les autres est grave… Je ne suis ni femme ni homme indien dans la pièce, mais l’idée est de faire converger des signes qui peuvent évoquer des situations de violence de cet ordre-là ; montées bizarrement, pour créer une figure de transgressions hybride, parlant de tout ça ensemble. Ce n’est pas pour choquer, mais pour organiser une convergence des luttes, pour que tous ces signes créent un trouble et fassent écho à une violence relative à toutes ces situations. H : La pièce a été présentée et ça a fait polémique aux USA … Comment l’avez vous vécue ? LL : Une critique négative a perçu le spectacle seulement à travers une photo ; et ça a provoqué un débat. Certains ont été sensibles à l’idée, mais pour cette critique, les objets sacrés, comme une coiffe indienne, ne doivent pas être dans le lieu de l’art. Depuis l’élection de Trump, les gens sont revenus à l’idée qu’il faut lutter ensemble… Ce serait moins une plaie ouverte si ce génocide était reconnu. On doit mûrir politiquement, actualiser et accepter le passé. Cette partition selon laquelle il y a des bons et des méchants n’est pas juste. La façon dont les marocains agissent aujourd’hui avec les touaregs dans le désert, ce qui se passe aujourd’hui en Palestine est d’ordre néocolonial et remet tout en perspective. Il faut rester, à l’échelle de l’intime, politiquement vigilants vis-à-vis de soi-même et de cette prédation intrinsèque au genre humain. C’est facile de réitérer des violences… Ce problème est très complexe, c’est latent en chacun en de nous, il faut cesser d’arroser la plante.
H : Etes-vous exposé à des risques liés à votre métier ? FL : Oui. Quand tu travailles dans des zones de combat, tu dois faire attention aux personnes qui t’entourent. Il faut calculer le risque et l’assumer. Il faut éviter de prendre des risques inutiles. Après le danger est partout même en France. Après être confronté aux dangers, ça crée une forme d’excitation, d’adrénaline. Je prends clairement mon pied des fois, face aux dangers. Il faut sous peser le facteur de risque et le facteur d’utilité. Est ce que cela vaut le coup ? J’ai hésité des fois à aller dans des zones de combat où les risques sont très forts. En Palestine, par exemple, je me suis caché derrière un arbre avec des gens qui me tiraient dessus. Cette fois ci ça valait le coup d’y être mais des fois, ce n’est pas ce qui m’intéresse. Et puis, je viens d’avoir un enfant donc je fais plus attention et ne compte pas repartir bientôt.
INFOS francoislegeait.blogspot.fr
GARDE MANGER La culture c'est comme la confiture, moins on en a, plus on l'étale. Documentaire recommandé par Latifa Laabissi
Zoo humains Zoo humain, documentaire de 2002, 50 min. Réalisé par Pascal Blanchard et Eric Deroo. Ce documentaire retrace l’époque des exhibitions humaines sous l’ère colonialiste française.
Documentaire recommandé par Carine
My Land Documentaire de Nabil Ayouch réalisé en 2011. Ce film donne la parole à de vieux réfugiés palestiniens qui ont fuit en 1948 sans jamais retourner sur leur terre. Cette parole est entendue par de jeunes israéliens de 20 ans qui construisent leur pays, se sentent viscéralement attachés à leur terre, mais sans jamais vraiment savoir expliquer pourquoi.
CD recommandé par Léa
Lambarena, Bach to Africa de Hughes de Courdon et Pierre Akendegue. Rencontre entre la musique de Bach et de la musique traditionnelle du Gabon, album enregistré en 1993. Hughes de Courson et Pierre Akendengue ont relevé le défi de mélanger deux cultures dans l’écoute, le respect mutuel et la joie de participer à un défi commun, et d’offrir un mélange anticonformiste ! Recommandé par Léa
Roman recommandé par Jérôme
Triple Crossing de Sebastian Rotella, édition Liana Levi : Un polar documenté sur la guerre menée par la police des frontières américaine contre les clandestins et les narcotrafiquants par l’un des meilleurs écrivains mexicain actuel.
Bande dessinée recommandée par Alain
Fox Boy Tome 1 - La Nuit du Renard chez Delcourt Tome 2 - Angle Mort chez Delcourt par Laurent lefeuvre laurentlefeuvre.blogspot.com Influences : Frank Frazetta, Will Eisner, Jordi Bernet, Bernie Wrightson, ou Richard Corben. Fox-boy en breton dans la revue Louarning et en français dans Super Pif Gadget Bande dessinée recommandée par Alain
Photo reporter Parmi les grandes agences photographiques : Getty Images, Magnum,Tendance floue, Sipa Press, VU. Le Photographe bande dessinée de Emmanuel Guibert ,, Frédéric Lemercier et Didier Lefèvre aux Editions Dupuis.
Livre recommandé par Alain
Limerick Il existe un équivalent français appelé Fables express dans lequel excellait Alphonse Allais. Un genre souvent repris, dans l’Almanach Vermot, Le Canard enchaîné ou Pilote ou Fluide glacial par Marcel Gotlib et Mandryka,
11
II HYPOCRITE 11 II SAISON 05 II TRIMESTRIEL II MARS 2017 RÉDACTEURS & ILLUSTRATEURS : Vianney - Steeve - Pierre - Marie G Marie F - Aurélien - Rafael - Thibaut Gwiziot - Alexis - Erika - Florine William - Richard - Nicolas - Cyril Jéremie - John - Héléne N - Léa Héléne T INTERVENANTS : Laurent Lefeuvre Jean Pascal Dubost Alain Faure COORDINATION ARTISTIQUE : Établissements Bollec MISE EN PAGE : Delphine Marie Louis IMPRESSION : Imprimerie Chat Noir - Rennes
SOUTIENS : Ville de Rennes Contrat de ville Conseil Régional de Bretagne Conseil Départemental d’Ille et Vilaine Fond de dotation BNP Paribas Fondation Société Générale DRAC Bretagne DDCSPP 35 PARTENAIRES SOCIAUX : La Maffrais services le CASSAJA, le SAS Beaulieu Handisup, Foyer de l’octroi- Alaph, Savs Altair – Apase, IME l’Espoir, Foyer de la Thébaudais-Ugecam, Mission locale Cleunay, Grafic Bretagne – Adapt
REMERCIEMENTS : Laatifa Labissi François Legeait Ekarat de Contrefaçons Jacques Froger de Travelling, Cloé du Phakt Colombier Gaelle Lecart du Triangle, Antoine Chaudet de l’Age de la Tortue Karim & Jeanne de l’Antipode Mjc et l’ESC Cleunay.
II ENTRÉE LIBRE Le projet Entrée Libre est une action de l’association Tout Atout, centré sur la découverte du monde artistique et culturel. Nous proposons à des jeunes rennais de former un collectif et de les accompagner sur un parcours liant des spectacles (concerts, pièces de théâtre…), des rencontres (artistes et professionnels) et du bénévolat. Pour favoriser leur engagement sur la durée et valoriser leurs expériences de découverte, Tout Atout
et les établissements Bollec ont choisi de leur proposer la réalisation d’un journal trimestriel qu’ils ont intitulé L’Hypocrite. Tous les mercredis, les jeunes se retrouvent pour échanger sur leurs envies, découvrir des événements et/ou des structures culturels. Ils créent ensuite leur journal en utilisant à chaque fois des techniques d’impression et d’illustration différentes dans le plus pur esprit Do it yourself. //
TOUT ATOUT 44, rue champion de cicé Tél 09 54 73 77 50 coordination@toutatout.org Coordination artistique : ÉTABLISSEMENTS BOLLEC etbollec@gmail.com etablissementsbollec.com