Citad'elles N°19

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N°19

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Le féminin sans barreaux

PRINTEMPS 2019


CITAD'ELLES Revue éditée à 600 exemplaires • COORDINATION GÉNÉRALE : Les Établissements Bollec Ligue de l’enseignement d'Ille-et-Vilaine • COORDINATION ARTISTIQUE : Les Établissements Bollec • COMITÉ RÉDACTIONNEL : Charlotte Nouchine Ata 22 Barbara Sophie Elisabeth Marina Xavi Kaléï Sisi Elene • INTERVENANTS : Audrey Guiller Agathe Halais Alain Faure Delphine Marie Louis Colette David • PARTENAIRES : SPIP 35 Ligue de l'enseignement d'Ille-et-Vilaine Centre pénitentiaire des femmes de Rennes Fondation M6 Fondation Agir Sa Vie Fondation La Poste Fondation de France Transmission et Fraternité Le Géant des Beaux-Arts • REMERCIEMENTS : Elo - Damien Hardy François Housset - Fabienne Pilard Anne Rubin - Stéphanie Chat Béatrice Puillandre - Raphaël Madys Association Clara Ana-Luana Stoicea-Deram Delphine Lance - Romain Joly Tabarra Illien- Christophe Ducordeau Les Ateliers du Vent Nicolas Margely - Jérôme Bodiguel Moussa Nabati - Sœur Myriam Anne-Héloïse Botrel Mickaël Marellec Julie Girard Les surveillantes du bâtiment J Merci à tous ceux qui nous ont généreusement apporté leurs compétences pour la réalisation de ce numéro. Illustration Fond Couv : freepik.com Imprimerie Chat Noir - Rennes

2 - CITAD’ELLES N°18

Edito Je me souviens que nous passions toujours nos vacances de Pâques chez ma grand-mère à Clermont-Ferrand en Auvergne. C'était une vraie expédition pour descendre au pays des volcans. Huit heures de route. Je me souviens que mes parents avaient une Renault 14 (aussi appelée La Poire à cause de sa forme) gris métallisée. Je me souviens que mes parents aménageaient la voiture en mettant des valises sous nos jambes pour faire comme une grande banquette arrière sur laquelle nous étions allongés mon frère et moi. Je me souviens que mon père clopait comme un pompier et que l'épaisse fumée de ses Gauloises nous rendait malade. Je me souviens que nous aidions ma grand-mère à préparer son pâté de viande en hachant du porc, du boeuf et du veau dans le hachoir accroché à la table. Je me souviens que le repas durait des heures, que nous mangions les premières asperges et des patates nouvelles. Tout cela se terminait immanquablement par un énorme Paris-brest. Citad'elles est ouvert à toutes, n'hésitez pas à venir rejoindre l'équipe pour nous proposer vos idées d'articles et d'illustrations. Citad'elles est un projet mené conjointement par le SPIP 35, la Ligue de l'enseignement d'Ille-et-Vilaine et l'association rennaise les Établissements Bollec. Il n'existerait pas sans le soutien de nos partenaires privés que nous remercions au passage. Tous les numéros de Citad'elles sont également lisibles gratuitement sur le site etablissementsbollec.com et sur citadelles.org Alain Faure, coordinateur du projet.


Sommaire Sociologie

Troupeau d'humains et moutonnerie ........................................... p.4

Travail

Dans les coulisses des ateliers de la Riep..................................... p.8

Etudes

Etudier à l'ombre........................................................................... p.12

Citoyen

Européennes : y a qu'à voter........................................................ p.16

Débat

Le grand débat s'invite en prison ............................................... p.20

Assos

Hé ! Si on montait une asso ? ..................................................... .p.22

Parentalité

Mères porteuses............................................................................ p.24

Cuisine

Une brigade en cuisine ................................................................ p.28

Radio

Cefran On AIR !............................................................................. p.32

Sport

Le sport en prison ......................................................................... p.36 Emiliano Sala.................................................................................. p.40

Psycho

Qui est votre enfant intérieur ...................................................... p.42

Interview

Myriam, une sœur de cœur........................................................... p.45

Vécu

Retour sur expérience................................................................... p.48 Poésie ............................................................................................ p.50

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sociologie

Troupeau

d'humains et moutonnerie

A travers les barreaux de mon carreau, une petite prairie comble le vide entre le dehors et nous, détenues. Et parce qu'un vide ne comble pas un vide, un groupe bicolore de moutons broute gentiment le gazon. Leur comportement, leur manière d'être et d'agir en groupe, laissent à méditer sur nos propres agissements. Damien Hardy, spécialiste de ces animaux, nous les explique. François Housset, philosophe, nous aide à réfléchir : les hommes sont-ils des moutons ? Par Charlotte « Les moutons sont des animaux grégaires et très sociables, explique Damien Hardy, rédacteur en chef de la revue Pâtre, destinée aux éleveurs de moutons. Il y a une hiérarchie qui se crée naturellement dans un troupeau. Les moutons les plus costauds imposent leurs privilèges par des regards plus ou moins marqués aux autres. Si besoin, des coups de cornes ou de têtes permettent aux dominants de se faire respecter. Bien souvent, la menace suffit. Les combats restent rares dans le troupeau." Vous reconnaissez-vous ? Les moutons sont comme nous, et il est normal de faire partie de la meute ! S'agit maintenant de savoir quoi faire de son cerveau et de ses mains, contrairement aux moutons qui ne font que manger et jouer… et ne s'enferment pas entre eux. « Le mouton est capable de reconnaitre individuellement des congénères par leur odeur, leur bêlement ou leur visage, poursuit Damien Hardy. Les moutons se rappellent du visage de leurs congénères pendant au moins deux années. Ils arrivent à différencier au moins une cinquantaine de congénères. Ils peuvent même

reconnaitre un profil de congénère qu’ils n’ont vu que de face. Ils arrivent aussi à reconnaitre les visages humains. » Là encore, on pourrait presque croire que cette description des moutons est dédiée à nous-mêmes, humains. « Le mouton est une proie naturelle. Face à un prédateur, sa stratégie est de fuir et de se regrouper. Seul, il est une proie facile. En groupe, il a plus de chance de ressortir vivant d’une attaque. Le mouton suit le troupeau pour ces raisons, même s’il n’a pas lui-même perçu le danger». Il arrive en effet que, pris de panique, les moutons se jettent dans le vide.

Combien de moutons pour faire un pull ?

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« C’est par exemple arrivé en 2017, dans les Pyrénées, quand plus de 200 brebis sont mortes en tombant d'un ravin, affolées par la présence d’un ours.» Cette histoire ne serait-elle pas une prévention? Chacun a la responsabilité de qui il suit et ce à quoi il adhère. Par exemple : ce qu'il achète pour manger, pour se vêtir. C'est là qu'on peut suivre la meute bêtement. Plutôt que de dire que nous ne sommes pas des moutons, tout comme les moutons ne savent sûrement pas qu'ils en sont, ne devrions-nous pas décider dans quel vert pâturage nous brouterons demain ?


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Je ne savais pas que les moutons savaient tricoter !

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sociologie

ENTRETIEN

Avec François Housset est formateur et professeur de philosophie www.philovive.fr Citad'elles : L'homme est souvent comparé au mouton. Avant, dans les textes religieux, le fidèle qui, comme un mouton, suivait le berger, était bien vu. Maintenant, être un mouton est vu comme péjoratif. Pourquoi cela a-t-il changé ? François Housset : L’homme se vante de valoir plus que tout animal, mouton compris. En religion, son humilité devient une vertu, il s’en remet à son dieu comme le mouton s’en remet à son maître. Bienfaiteur ambigu, qui exploite ses bêtes, les soigne... mais les tuera toutes. L’expression est péjorative quand l’homme adopte un caractère se fait de ce qu’un humain doit être, de à la catastrophe écologique qu’on ne cesse de considérer comme moutonnier à son propre détriment. la façon dont il doit se comporter ? Ainsi Abraham emmène son fils FH :Tout est justement dans cette inéluctable... sans l’empêcher ! dans la montagne pour le sacrifier idée toute faite, propre au préjugé. parce que son dieu le réclame. On Qui dit comment les choses doivent C : Pourquoi les humains sont-ils compatit à la douleur du berger qui être (et tant pis si la réalité est souvent comparés au mouton ? doit tuer les bêtes qu’il aime. Quand autre). On imagine qu’un mouton FH : Je crois qu’on jalouse la c’est un père qui s’en va tuer son est décérébré, une sorte de robot. s i m p l i c i t é ( o u l ’ a p p a re n t e simplicité) de leur vie. Parce fils, désolé, la compassion cède que penser sa vie est difficile : au dégoût. Il faut avoir perdu on préfèrerait parfois être un la tête pour obéir tellement « Voilà que les moutons paisible esclave. Ne pas se aveuglément à des injonctions, bêlent, sortent du silence, demander quoi faire : écouter fussent-elles divines. C’est le simplement un maître nous cas des radicalisés, prêts à tuer mettent des gilets jaunes dire de quoi notre vie sera faite. et à mourir au nom d'un dieu. par exemple. » Le philosophe Kant répond que même si le berger sait où C : Qu’est-ce qui a changé entre ces Alors on fait la belle leçon de pousse l’herbe verte, il préfère aller deux périodes ? FH : La liberté de parole, permettant sagesse : un humain doit penser sa chercher lui-même son herbe. Et d’affirmer la liberté de penser. Voilà vie, vivre sa pensée, se comporter moi, je rappelle inlassablement que les moutons bêlent, sortent du intelligemment... bla-bla. En que le mot guide en allemand se silence, mettent des gilets jaunes réalité les vrais moutons sont dit « führer ». par exemple. Il étaient déjà libres des êtres lucides. Le mouton est penseurs, les voilà qui parlent et une personne. Si, si ! L'éleveur lui C : Les humains agissent-ils vraiment agissent. Sont-ils pour autant libres ? donne un nom, auquel il répond, il comme des moutons ? Ils ont des maîtres qui se disent a une une conscience, un caractère FH : Oui et non. Il s’agit d’une « antisystème »... et organisent des propre, des buts etc. Comme les image : le vrai mouton n'est pas humains. Les moutons de Panurge aussi bête qu'on croit, et les troupeaux. se suivent pour sauter dans le vide, moutons sont loin de prétendre C : Est ce que c'est l'idée qu’on se fait des comme les humains se suivent être des maîtres et possesseurs du moutons qui a changé ? Ou l’idée qu’on pour foncer dans le mur : je pense monde comme nous le faisons. Un

Combien de moutons pour faire un pull ?

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troupeau de vrais moutons ne met pas la planète en danger. Mais, par troupeau, on entend une masse dirigée par d'autres volontés : un berger et son chien, que nous pouvons comparer à un président et son ministre de l'intérieur. Or, nous savons bien qu’il y a aujourd’hui des agences de communication qui sont des fabriques d’opinion. « La pub nous prend pour des cons, la pub rend con » résumait Charlie Hebdo il y a déjà quarante ans. Il faut bien des efforts et du courage pour continuer à penser !

François Housset. "J'anime des débats dans diverses prisons depuis douze ans. Récemment, on m’a demandé d’animer un « Grand Débat » (voir p. 20) : j’ai reçu des dizaines de pages de consignes et de questions précises à poser. Il y avait tout plein d’autres questions, sur les façons de consommer, qui n'avaient pas du tout été conçues pour des détenus… par exemple je me voyais mal leur demander s’ils économisaient leur chauffage. Que venais-je faire dans cette galère ? Je me suis demandé combien allaient me considérer comme « macroniste » ou « gilet jaune »... et mouton dans les deux cas ! Je devais retrouver la directrice de la prison et je me préparais à lui dire que ce serait aux participants de choisir quelles questions ils voudraient discuter… Arrivé dans la prison, une soixantaine de gardiens en uniforme sont assemblés, et bloquent tout. Curieux. L'un d'eux me dit que le Grand Débat n’aura probablement pas lieu : un détenu radicalisé a poignardé deux surveillants. Pas dans cette prison, mais dans de nombreuses prisons, l’ensemble des surveillants choqués réagissent, et ici et maintenant ils vont décider de se mettre en grève... ou pas. Ce « ou pas » me laisse rêveur. De quelle liberté jouit-on quand on est en prison ? Un responsable vient entendre leurs requêtes. Leur demande est simple : doubler les surveillants aux points clefs. Le responsable leur demande d’être raisonnable et de rester dans la légalité, "pensez aux promenades, aux parloirs, aux repas"… Il dit aussi que le GIGN interviendra si ça se passe mal. Le représentant des surveillants pique un fard et tempête. J’imagine la tension dans sa tête : il s’oppose à sa hiérarchie, quand bien même la situation peut dégénérer. J’entends déjà quelques détenus taper aux portes de leurs cellules, énervés. Même dans la contestatio, il y a une soumission nécessaire. Le représentant vient me parler et s’excuser. Comme si je pouvais lui en vouloir à lui ! Personne n'y est pour rien dans l'annulation de ce débat. Je me retrouve dehors. Soulagé qu’une solution ait rapidement été trouvée après une tension palpable. Par qui ? Personne de particulier : « ça s'est fait », comme tant d'évènement qui se déroulent sans que quiconque puisse s'en prétendre le maître. Au moment où la tension était à son maximum, il aurait suffi d’une voix, d’un mot, pour que la prison sombre dans le chaos...

Si on se base sur un pull moyen d’environ 250 g et sur un mouton moyen qui donne 5kg de laine (65 % de la laine seulement est utilisable, le reste étant trop sale), alors on peut obtenir 14 pulls à partir de la toison d’un seul mouton.

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travail

Dans les coulisses des ateliers de la Riep

2 294 détenus et détenues travaillent

SUR 1205 POSTES, encadrés par

215 AGENTS, en France.

1950

La Riep (Régie industrielle des établissements pénitentiaires) est créée pour contribuer à l’insertion des personnes détenues, en développant le travail et la formation dans les établissements pénitentiaires. Son siège social se trouve à Tulle (19).

1er CLIENT

DE LA RIEP

9 DOMAINES

D’ACTIVITÉ

Les personnes détenues employées par le RIEP travaillent dans la confection, l’agriculture, le façonnage, la menuiserie (fabrication du mobilier des tribunaux par exemple), l’imprimerie (plans d’évacuation incendie affichés dans les administrations), la métallerie et la mécanique générale, l’informatique et les centres d’appels téléphoniques.

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L'Administration Pénitentiaire elle-même, avec ses 26 000 agents. Il y a également des clients privés. Un atelier peut par exemple tailler des toiles pour des fabricants de transats et de parasols. Ou des casiers pour des ostréiculteurs.


Mais que fait la Riep ?! C'est la Régie industrielle des établissements pénitentiaires. Comprenez : le service de l'administration pénitentiaire qui emploie des détenus dans des ateliers de production. Vous y travaillez ou vous connaissez quelqu’un qui y travaille ? Fabienne Pilard, directrice technique des ateliers Riep du CPF présente, en chiffres, cet employeur pas comme les autres. Par Nouchine

47 ATELIERS RIEP sont répartis dans

2 6 É TA B L I S S E M E N T S pénitentiaires en France (chiffre 2017).

50 000 m

2

de surface, en prison, sont occupés par ces ateliers industriels.

BioExpress Fabienne PILARD est directrice technique des ateliers Riep du CPF. Elle est titulaire d’un BTS en productique. Elle a fait ses armes dans la corseterie, mais a aussi travaillé pour les plus grands noms de la couture, comme Jean-Paul Gaultier, Chanel, Inès de la Fressange. Elle a aussi officié pour un fabricant de vêtements de ski ! Avec l’envie d’un nouveau challenge, elle prend en 2003 les rênes des ateliers du CPF.

8 encadrants travaillent aux ateliers Riep du CPF : 1 directrice technique, 1 adjointe, 5 encadrantes et 1 agent de maintenance électronique.

1985 serait la date de création de l’atelier de confection du CPF. Il produisait au départ exclusivement pour des clients privés. On y fabriquait par exemple des articles de blanchisserie comme des sacs de linge, mais aussi des Kikis (oui oui ! les célèbres petites peluches) et aussi des housses de canapé.

• 40 à 45 personnes employées à l'atelier de confection textile • 15 à 30 personnes à l'atelier de façonnage • 3 à 4 personnes à la coupe.

20 % DE MARGE TAMPON ANNUELLE la fabrication annuelle de l'atelier est surévaluée de 20 % par an pour parer aux imprévus, comme les aléas de recrutement et les mouvements liés aux promotions.

La laine de mouton est la fibre d’origine animale la plus utilisée au monde.

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travail

23 000

pantalons d'hiver d'hommes pour les uniformes du personnel pénitentiaire sont fabriqués chaque année à Rennes. Ainsi que 13 000 pantalons de grades mousses (les militaires de la Marine), 350 pantalons de grossesse et 450 pantalons de personnel Eris (Equipes régionales d'intervention et de sécurité).

47 000 serviettes 23 000 gants 16 000 draps housses 5 000 taies d’oreiller 5 000 draps blancs destinés aux établissements pénitentiaires sont aussi fabriqués en un an à Rennes.

1 COMMANDE

ORIGINALE Un client, détaillant en déguisements et gadgets, a fait fabriquer des strings léopard pour hommes à l’atelier du CPF !

C’est la pointe des fibres de la laine qui est responsable de la désagréable sensation de pull qui gratte. Pour piquer, ces fibres doivent être rigides. Or cette rigidité varie selon leur diamètre. Plus les fibres sont fines comme pourl’Alpaga, plus elles sont douces !

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1 mois et demi sont nécessaires pour couper et assembler un pantalon d'uniforme, qui passera par 20 postes de fabrication différents. Tous les articles destinés à l’Administration Pénitentiaire sont expédiés à Arles où se situe la plateforme de redistribution vers les Directions Interrégionales qui envoient ensuite les articles aux établissements.

• 23 000 pochettes pour cartes grises destinées aux concessionnaires automobiles. • 300 tabliers de maçon, • 200 serviettes de cantines pour enfants. Les clients privés fournissent tout le nécessaire pour la fabrication et la Riep ne livre que le service.

4 QUALITÉS POUR UNE BONNE CANDIDATURE

d'une personne détenue qui voudrait travailler dans un atelier Riep :

une bonne vision, de la volonté, de l’assiduité et le sens du respect.

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études

Etudier à l’ombre, au CPF de Rennes

Les détenues de Rennes ont participé à l’exposition de l’université de Rennes 2 sur les études supérieures en détention. 42% des Français de 25 à 29 ans ont un diplôme de l’enseignement supérieur. En détention, 0,4% des détenus suivent des études supérieures ! Par Ata 22

LA PAROLE À

Anne Rubin

Responsable Ligue Enseignement (RLE), chargée du suivi des étudiantes au CPF de Rennes. « Les détenues arrivantes sont reçues par le RLE pour savoir quel est leur niveau scolaire et si elles veulent suivre des cours. L’administration pénitentiaire ne gère pas les études supérieures. Le pôle scolaire en détention dépend de l’Éducation nationale. Les étudiantes post-bac ne sont pas le public prioritaire, notre mission première c’est l’alphabétisation, la lutte contre l’illettrisme et le FLE (Français Langue Etrangère) c’est-à-dire apprendre le français aux détenues étrangères. Moi, par exemple, je suis professeure des écoles Dans notre académie, l’argent n’est pas un frein, par contre on doit rendre des compte : il n’y a pas d’obligation de réussite de la part des étudiantes, mais une obligation de se présenter aux examens. L’université de Rennes 2 a voté la gratuité des études pour les détenus de la ville. Ici, au CPF de Rennes, nous nous occupons des inscriptions à Rennes 2, nous sommes aussi centre d’examen. Les filières proposées sont psychologie (cas particulier, il y a une préinscription à faire 1 an avant), anglais, AES, histoire, géographie, lettres modernes. Si une détenue veut s’inscrire en maths, elle peut s’inscrire à la fac de Besançon. Mais il faut alors que les détenues aient quelqu’un à l’extérieur pour faire la liaison avec les cours et autres infos... Les études supérieurs à distance, c’est assez difficile, car aujourd’hui tous les cours à distance se font via internet. Les cours en version papier reste une exception. Or il n’y a pas d'accès à Internet en détention. Avant, les étudiantes pouvaient s’inscrire sur le Cned (cours pas correspondance) mais maintenant, c’est très compliqué. »

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En chiffres

(Source : Ministère de la Justice)

En 2013, 25% des personnes détenues suivaient une formation : 63% : formation de base (alphabétisation, illettrisme, remise à niveau, CFG) 27% : préparation au brevet, CAP, BEP 8.4% : BAC ou DAEU 1.6% : études supérieures À lire : Etre étudiant en prison. L'évasion par le haut, de Fanny Salane, La Documentation Française, 2010.


Le mouton est l’un des premiers animaux à avoir été domestiqués par l’humain et il est apprécié pour son lait (fabrication de fromages), sa viande, sa peau avec laquelle est préparé un cuir appelé « basane » et bien-sûr sa laine.

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études

LA PAROLE À

Stéphanie Chat

employée à la bibliothèque universitaire de Rennes 2. Quand venez-vous en détention et pourquoi ? Quand venez-vous en détention et pourquoi ? Je viens au pôle scolaire de la prison une fois par mois. J’amène les livres des BU (bibliothèque universitaire) de Rennes 2 pour les étudiantes détenues. C’est l’occasion de rencontrer, d’échanger avec elles et de prendre en compte leurs besoins et leurs remarques. Pourquoi est-il important que la BU soutienne les étudiants ? C’est le rôle des BU de soutenir tous les étudiant.e.s en leur proposant la documentation dont ils ont besoin pendant leurs études et en leur facilitant l’accès à cette documentation, papier et électronique. Sur le campus de l’université, la BU propose de nombreux services comme l’aide à la recherche sur Internet par exemple. Une des difficultés pour les étudiantes en détention, c’est l’impossibilité d’accéder à Internet, ce qui est très discriminant et problématique par rapport aux étudiant.e.s à l’extérieur. Le partenariat mis en place avec l’administration pénitentiaire et le pôle scolaire depuis quelques années peut permettre de travailler à l’amélioration des conditions d’études. Par exemple, en ce moment, le projet « Sup-box » est en cours de discussion qui, nous l’espérons, aboutira. Il permettrait aux étudiantes d’avoir accès notamment à leurs cours en ligne mais aussi au catalogue de la BU afin de faire leurs propres recherches.

Murielle « Je voulais reprendre mes études, une envie que j’avais depuis l’extérieur. Pour se reconvertir il faut passer le bac ou le DAEU. Je voulais satisfaire ma curiosité, j’aime découvrir, me réaliser, pouvoir préparer mon futur, ma réinsertion. J’ai passé quand même 6 ans d’études en maison d’arrêt avec toutes les difficultés que ça impose : changement de cellule, triplette, être tributaire des mouvements. Quand on travaille, on nous demande de faire un choix entre le travail et les études. On rencontre des difficultés de concentration, plus difficile de rendre un travail correct. Egalement au niveau des contacts, c’est ce qui m’a manqué. J’ai eu la chance, à un moment, d’avoir une co-détenue qui faisait aussi des études. Oui, j’ai vu au fil du temps des améliorations dans mes conditions d’études, mais j’ai dû les quémander : avoir accès au bâtiment J, aux ordi… Ici, ce qui est vraiment bien c’est le partenariat avec la BU pour avoir accès aux livres et aux DVD. J’apprécie aussi que l’on puisse rencontrer la responsable du SUP-CED et tous ceux qui interagissent avec nos études. La mise en place du tutorat avec l’association de retraités Agir ABCD est aussi un plus pour ceux qui en bénéficient. »

"Le premier soir je me suis donc endormi sur le sable à mille milles de toutes les terres habitées. J’étais plus isolé qu’un naufragé sur un radeau au milieu de l’océan.

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LA PAROLE À

Béatrice Puillandre

responsable de l’enseignement à distance à l’université de Rennes 2. Quelles différences entre un étudiant en prison et dehors ? Il y a deux statuts étudiants à l’université : les étudiants assidus et les étudiants en enseignement à distance (SUPCED). Sont concernés par le CED les étudiants répondant à des critères : ils doivent être soit salariés, soit en double cursus (c’est-à-dire qu’ils passent un autre diplôme en même temps), en situation de handicap ou bien privés de liberté. En prison, il y a beaucoup moins d’étudiantes que d’étudiants. Dans l’Ouest, il y a : 94 étudiants et 13 étudiantes. Il y a 7 étudiantes au CPF de Rennes, 3 à Fleury, 1 à Caen, 1 à Fresnes, 1 à Nantes. Ont-ils les mêmes chances de réussir ? Oui, en général les résultats montrent qu’il y a plus de réussite en enseignement à distance qu’au niveau des assidus. Les étudiants du CED sont plus âgés, plus motivés et leur reprise d’études est réfléchie. Au niveau du CPF, il y a eu de très belles réussites et d’autres à venir encore ! Mais je pense que c’est plus difficile pour vous car vous n’avez pas accès à Internet pour consulter les articles de recherche, les vidéos des cours, les extraits d’émissions de radio conseillés dans certains cours, surtout en langue. Vous ne pouvez malheureusement pas non plus avoir des réponses immédiates à vos questions avec les enseignants ou les étudiants via les forums. Ni partager vos idées et votre savoir. Il vous faut beaucoup de courage et de motivation mais je sais que vous en avez.

Alors vous imaginez ma surprise, au lever du jour, quand une drôle de petite voix m’a réveillé. Elle disait: S’il te plaît... dessine-moi un mouton !" Antoine de Saint-Exupéry - Le Petit Prince - 1943

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citoyen

Européennes : Y a qu'à voter...

voter

Le 26 mai 2019, les électeurs français et les ressortissants de l’Union européenne résidant en France sont appelés à voter pour choisir leurs représentants au Parlement Européen. Nouveauté : une urne est accessible au CPF pour voter par correspondance... pour celles qui en ont fait la demande. Par Collectif

QUAND ? Les élections européennes ont lieu le 26 mai 2019, il n'y a qu'un seul tour. QUOI DE NEUF ? La possibilité de voter directement dans les établissements pénitentiaires, par correspondance, sous enveloppe, dans une urne. Toutes les enveloppes de toutes les prisons seront envoyées à la Chancellerie qui sera l'unique centre de dépouillement. Les résultats du scrutin ne seront pas donnés établissement par établissement : on ne pourra pas dire: "dans telle prison on vote ci ou ça", mais il sera possible de connaître la teneur du vote de l'ensemble des détenus dans les prisons françaises, comme pour une ville ou un département. POURQUOI ? Cette nouvelle modalité de vote a été voulue par le Président. Le texte a été voté en mars. Parce que seules 2 % des personnes incarcérées

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ont voté à la présidentielle de 2017, soit à peu près 1000 votants. Pourtant, il y a très peu de détenus en France qui sont privés de leur droit de vote. 50 000 détenus sur 70 000 personnes incarcérées ont conservé leurs droits civiques. Jusque là, pour voter, ils devaient soit le faire par procuration, soit obtenir une permission de sortie : deux solutions compliquées. QUI PEUT VOTER ? Le droit de vote est un principe réservé aux citoyens français. Mais les citoyens des pays de l'UE peuvent voter aux élections des représentants français au parlement européen, s'ils ne sont pas déchus de leur capacité électorale et s'ils sont inscrits sur la liste électorale de leur commune. Au contraire, ne peut pas voter une personne qui est sous tutelle et à qui le juge des tutelles a supprimé le droit de vote. Ou bien les personnes privées de droit de vote par une juridiction pénale.

COMMENT FAIRE CONCRÈTEMENT ? Vous avez dû remplir un imprimé renvoyé au BGD ou remis au gradé de secteur avant le 1er avril. Vous avez choisi de voter par correspondance ou bien par procuration ou encore dans votre commune d’élection, en obtenant une permission de sortir (les demandes devront être transmises pour la CAP du 7 mai). Le vote par correspondance aura lieu dans une salle du centre pénitentiaire de Rennes, en semaine entre le 17 et le 23 mai 2019. La date sera communiquée plus tard.


Vous n'êtes pas inscrits sur les listes électorales ? Inscrivez-vous pour la prochaine fois ! Vous êtes Français ou ressortissant d'un autre Etat de l'Union européenne, vous êtes âgé de 18 ans, vous n’avez pas été privé de votre droit de vote ? Inscrivez-vous sur la liste de la commune dans laquelle se trouve votre domicile, en remplissant le formulaire à demander au SPIP ou au greffe de votre établissement. Vous pouvez aussi contacter une personne de votre choix et en lui remettant un courrier l’autorisant à effectuer les démarches à votre place. Si vous n’avez pas de domicile, vous pouvez choisir de vous faire domicilier à l’établissement pénitentiaire. Le SPIP vous guidera dans cette démarche.

VISITE GUIDÉE

Le Parlement Européen Le vote du 26 mai 2019 510 MILLIONS DE CITOYENS DES 28 ETATS-MEMBRES sont appelés à choisir leurs représentants au Parlement européen. En France, 79 eurodéputés seront élus, soit 5 de plus que lors des élections de 2014. Le système en vigueur est celui de la représentation proportionnelle : le nombre de députés élus de chaque parti dépend du pourcentage du vote obtenu par leur parti. POUR CINQ ANS. Les députés sont élus au suffrage universel direct dans l'ensemble de l'Union européenne depuis 1979. Leur mandat dure cinq ans.

DE 6 À 28 PAYS. Signé en 1951, le premier traité avait donné naissance à l'Assemblée parlementaire, qui allait devenir le Parlement européen. L'objectif était de faire travailler six pays Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas - qui étaient encore en guerre quelques années plus tôt. Les traités suivants ont défini de nouveaux domaines de collaboration ou ont amélioré le fonctionnement des institutions de l'Union Européenne (UE), à mesure que le nombre de ses États-membres passait de 6 à 28.

37% DE FEMMES. L'actuel Parlement ne compte que 37% de députées. Une proportion variable selon les pays : par exemple, 55% de femmes pour la République d'Irlande, 42% pour la France, 17% pour Chypre, 9% pour la Lituanie... HUIT GROUPES POLITIQUES. Les 751 élus(es) se rassemblent selon leur appartenance politique en huit groupes. Pour constituer un groupe, il faut au minimum 25 membres et au moins un quart des États doivent être représentés au sein de ce groupe. Actuellement, les groupes les plus importants sont le PEE (Parti populaire européen, démocrate-chrétien), avec 221 sièges (29,4%) et le S&D (Alliance progressiste des socialistes et démocrates) avec 191 sièges (25,4%).

Parce que la fibre de la laine a une croissance continue, un mouton a dû être tondu en urgence après des années d’errance en 2015 en Australie. Le mérinos, qui pouvait à peine marcher, a été délesté d’une toison de plus de 40 kg.

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citoyen

Est-ce important de voter ? Pourquoi ? "Je suis pas inscrite, j'ai jamais voté de ma vie. D'où je viens, la politique c'est une grosse blague, c'est arnaque et compagnie. Les gens qui sont trop haut placés sont déconnectés de la réalité du terrain, ils prennent des décisions sans savoir. Moi j'y crois pas. Mais je ne m'y connais pas..." "Avant j'aurais dit que ça n'a pas d'importance : je n'ai voté qu'une fois dans ma vie. Ici, avoir le choix et la parole devient motivant. Je reste sceptique sur l'impact d'un vote, sur ce qu'un élu fait de nos votes. J'ai rencontré des élus qui semblaient bien loin de maitriser leur sujet. Ils sont toujours plein d'empathie et d'écoute, mais ça s'arrête à la fin de l'entretien. Faire élire des gens qui n'ont pas fait une carrière politique, c'était une super bonne idée. Mais ne sont-ils pas tous rattrapés par la fonction ? "Je doute... Pendant les campagnes, ils promettent tout et quand ils sont élus, ils ne font plus rien. Mais tout ce qui concerne le climat et l'écologie m'intéressent. C'est de la politique ! Si on veut réussir à garder notre terre vivable, il faut que les hommes qui ont du pouvoir prennent des décisions !" "Pour les présidentielles, c'est important de choisir qui nous gouvernera. Mais depuis que je suis en détention, ça me parait beaucoup moins important. Je me rends compte que la politique, c'est hypocrite. Les politiques ne sont pas inactifs mais pas ils n'écoutent pas les Français, on l'a vu avec les "gilets jaunes". Et puis les hommes politiques s'intéressent peu aux détenus. Pour eux on est tous des terroristes et des dangereux criminels." "J'essaie de m'intéresser à la politique européenne, mais j'arrive pas trop à comprendre. Ça ne parle jamais concrètement. Pour moi, la politique devrait parler de notre quotidien, de ce qu'on vit, de ce qu'on achète, du pouvoir qu'on laisse aux grandes entreprises. Mais ils discutent de choses qui ne nous concernent pas vraiment." "Ma mère m'a toujours dit qu'il fallait voter pour donner son avis sur l'école, sur les salaires, sur l'écologie, sur les nouveautés. Moi je n'en parle pas avec mes enfants, car souvent les jeunes s'en fichent. Pourtant, voter ça permet de réfléchir sur l'avenir..."

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UN PRÉSIDENT ITALIEN Antonio Tajani préside le Parlement européen. Il a été élu en janvier 2017 par les député(e)s. Son mandat est de 2,5 ans renouvelables. Pour mémoire, c'est la Française Simone Veil qui présida le Parlement de 1979 à1982. A STRASBOURG ET À BRUXELLES. Chaque année, le Parlement se réunit pour douze séances plénières à Strasbourg et pour six séances additionnelles à Bruxelles. LES PRINCIPALES MISSIONS Le Parlement représente les intérêts des citoyens de l’Union européenne au niveau européen. Il élit le président de la Commission européenne, nomme ses commissaires (en tant que collège) et leur demande de rendre compte de leurs actions. Il adopte des lois et des budgets. Les débats des députés déterminent le programme politique et social de l’Union européenne. Le Parlement promeut les droits de l'Homme en Europe et au-delà. Entre 2014 et 2019, les eurodéputés ont voté des lois pour, notamment, améliorer l'emploi et la mobilité des jeunes, définir le statut de travailleur « détaché », mieux surveiller les banques, protéger la vie privée sur Internet, renforcer la santé publique, réformer la pêche et l'agriculture... LE CASSE-TÊTE DU BREXIT Le Parlement actuel compte 73 eurodéputés britanniques. Si le Royaume-Uni sort de l’Union européenne, 27 des 73 sièges devraient être redistribués à d’autres pays (dont la France) et les 46 sièges restant gardés en réserve en cas d’élargissement de l’UE. Le nombre de députés à élire en 2019 s’élèvera donc à 705 (contre 751 aujourd'hui).


D'AUTRES INSTITUTIONS EUROPÉENNES • Le Conseil européen. Il regroupe les chefs d'Etat et de gouvernement des 28 pays, le président de la Commission, etc. Le Conseil est présidé par le Polonais Donald Tusk. Il définit les grandes orientations et priorités politiques de l'Union européenne.

• La Commission européenne. Elle est composée de commissaires (un par Etat-membre). Elle est présidée par le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker. La Commission propose des textes législatifs, veille à leur application et met en œuvre les politiques et le budget de l'UE.

Un peuple de moutons finit par engendrer un gouvernement de loups. Proverbe

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débat

Le grand debat s’invite au Centre Pénitentiaire

Le 8 mars dernier, le « Grand Débat » voulu par Emmanuel Macron a aussi eu lieu en prison, au CPF de Rennes. Par Barbara

S

elon le Président Macron, « la France n’est pas un pays comme les autres […] et dans une période d’interrogations et d’incertitudes comme celle que nous traversons, nous devons nous rappeler qui nous sommes ». Conformément à ses convictions, le Président a organisé un Grand Débat national afin de récolter les pensées des Français sur quatre grands thèmes : • Nos impôts, nos dépenses et les services publics : comment pourrait-on rendre notre fiscalité plus juste et plus efficace ? Quels impôts faut-il à vos yeux baisser en priorité ? • L’organisation de l’Etat et des collectivités publiques (école, police, armée, hôpitaux, tribunaux…) : comment voudriez-vous que l’Etat soit organisé et comment peut-il améliorer son action ? Faut-il revoir le fonctionnement de l’administration et comment ? • La transition écologique qui permet de réduire les dépenses contraintes en carburant, en chauffage, en gestion des déchets et en transport. Comment finance-t-on la transition écologique : par l’impôt, par les taxes, et qui doit être concerné en priorité ?

• La démocratie et la citoyenneté : faut-il reconnaître le vote blanc ? Faut-il le rendre obligatoire ? Quelles évolutions souhaitez-vous pour rendre la participation citoyenne plus active, la démocratie plus participative ? Au CPF, c’est dans une ambiance sérieuse mais détendue, que les détenues se sont exprimées sur ces sujets. En présence d’Emmanuelle Ro u s s e t, a d j o i nte au m a i re de Rennes, déléguée à la Prévention de la délinquance ; d’Yves Bidet, directeur du Centre pénitentiaire ; de Stéphanie Mullier, directriceadjointe du service d’Insertion et de Probation et d’une quinzaine de détenues. Désir de vert Etonnant dans un milieu fermé, c’est sur l’écologie que les premières paroles se sont déliées. Une jeune femme s’insurge de l’existence d’un « continent » dérivant dans le Pacifique, formé par des microdéchets plastiques et autres, dont la superficie représenterait trois fois celle de la France. Cette information a été reprise par ses voisines qui proposent « d’interdire l’utilisation des objets en plastique (sacs, gobelets, emballages…) par les grandes surfaces pour endiguer le phénomène ». Une

détenue interpelle « sur les façons de faire fonctionner les voitures, autres que le pétrole, comme l’air comprimé et les huiles de moteur bio comme l’huile de chanvre (sourires dans l’assistance), huile de maïs… ». Un e d é te nu e q u i n q u a n o u s explique qu’elle s’est très bien faite au tri des déchets et qu’elle faisait elle-même son compost lorsqu’elle vivait à l’extérieur. Elle souligne que «nos jeunes sont éduqués dès l’école maternelle au tri des déchets et surtout beaucoup plus sensibilisés à l’écologie que dans les années 1990 ». L’assemblée est d’accord sur le fait qu’il faut faire preuve de patience et qu’avec un apprentissage dès l’enfance, le citoyen prendra de meilleures habitudes pour protéger la planète. A la question, comment finance-ton la transition écologique ? Une détenue propose d’ « attribuer une partie des 20% de la T.V.A. versée par les entreprises à l’Etat à une caisse destinée à financer les recherches contre le réchauffement climatique et la pollution de l’air. » Une jeune femme replace le débat dans son contexte pénitentiaire: « Il faudrait construire des prisons (7 000 nouvelles places créées d'ici à 2022 dans des établissements existant, dans des « structures d'accompagnement vers la sortie » et

Le mouton ne supporte pas les températures supérieures à 25 degrés. Il est donc préférable de lui enlever le surplus de laine qui pourrait le faire suffoquer tout l’été !

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dans deux prisons expérimentales) qui seraient auto-suffisantes au niveau de l’alimentation. Il faudrait, dès la construction, prévoir des panneaux solaires pour se passer d’électricité, recycler les déchets, exploiter le potager, les serres pour nourrir la détention. Ce qui pourrait occuper les détenues plus intelligemment ! », rajoute-t-elle à bon escient. Le peuple plus sévère que les juges ? Comment améliorer l’exercice de la Justice ? Une détenue n’approuve pas l’existence de jurés populaires aux assises : « Depuis quelques années, le quantum des peines est de plus en plus élevé, les jurés populaires sont trop dans l’affect. Conséquence directe, les peines de 30 ans sont distribuées comme des bonbons ». L’assemblée s’interroge, le directeur de la prison intervient :  La durée des peines a certes nettement augmenté pour des faits identiques par rapport à ce qui se passait il y a quinze ou vingt ans, mais la délinquance a évolué, l’apparition du terrorisme en est une des causes ». Il rajoute que «les jurés populaires, c’est une des avancées démocratiques issues de la Révolution française ». Un autre détenue trouve qu’ « effectivement, les jurés se font déjà leur idée de l’affaire, les émissions télévisées de faits divers ou les journaux

peuvent influencer leur jugement ». Une réflexion est en cours en France sur cette idée de supprimer les jurés populaires, ce qui, notamment, permettrait de réduire la dépense publique…. Premier emploi, pas d’impôt Une détenue suggère l’exonération d’impôts sur le revenu pour un premier emploi : « Il est dur pour un ou une jeune qui débute dans la vie de payer son loyer, son électricité, les assurances, la nourriture. Cela demande un temps d’adaptation et si on rajoute des impôts, ça ne va pas arranger les choses ». Il y a une vingtaine d’année, une loi permettait l’exonération d’impôts pendant deux ans pour les créations d’entreprises : pourquoi ne pas penser à nos jeunes, cette fois ? La détenue réplique : « Si le jeune a des membres de sa famille pour l’aider, ce n’est pas un problème. Mais si ça n’est pas le cas, les ennuis commencent et la fracture sociale s’amplifie encore plus». Les autres détenues apprécient l’idée et particulièrement celle de réduire les inégalités sociales. Concernant la démocratie, les avis sont assez partagés sur la reconnaissance du vote blanc. Certaines sont pour, d’autres contre. Une question subsiste : « Si les Français votent blanc en majorité

et que le vote blanc est reconnu, il n’y aura alors aucun Président de nommé ? » L’interrogation peut faire partie des craintes des Français. Ce que souhaitent les détenues A l’évidence, la prison reste un sujet qui préoccupe la salle… Une détenue propose d’élire un ou une délégué.e chez les détenues pour les représenter dans l’institution pénitentiaire. Le directeur affirme qu’il note la demande. Des regrets sont émis concernant la difficulté à obtenir des aménagements de peines et permissions de sortie. À cela, Madame Mullier affirme aux détenues que « les aménagements de peines sont plus fréquents depuis 2005 ». Après deux heures d’échanges intéressants, le Grand Débat s’est conclu. Chacune à sa manière a eu l’occasion de donner son point de vue et peut-être l’impression, pendant ce laps de temps, de se sentir une personne qui compte pour le reste de la société. L’estime de soi n’est-elle pas aussi le début de la réinsertion ?

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assos

une asso? Hé, si on montait

Pour partager une activité, soutenir une cause, défendre un projet... rien de mieux que l'élan collectif ! Et une solide organisation. Comment créer une association ? Les réponses encourageantes d'un expert. Par Ata 22 et Sophie Raphaël Madys fait partie de l’association Bug de la Maison des associations de Rennes, ville où l'on compte 4 500 comités, mouvements, collectifs, etc. « Mon métier est d'informer et de conseiller les gens à propos de la création d’une association, puis de son fonctionnement. A la Maison des

Tout d'abord, il faut définir le but de attention car une coprésidence l’association et lui trouver un nom. s’organise, il faut une bonne communication. • Déclarer l’association en Le processus de création préfecture, remplir l’imprimé • Rédiger les statuts : on a les CERFA, donner la liste des statuts-type, l’objet, comment administrateurs (payant autour des fonctionne l’organisation (la loi 40 euros) ce qui permet de valider dit qu’il faut qu’il y ait un groupe l’association au Journal Officiel qui organise l’association),

associations, on forme 500 personnes par an, on organise des ateliers autour du numérique. On aide à acquérir des compétences.» Pour Citad'elles, Raphaël Madys détaille clairement la marche à suivre.

le conseil d'administration (CA), un bureau, l’assemblée Générale (AG)… Les statuts peuvent être différents d’une association à l’autre concernant l’objet et la gouvernance (règle de fonctionnement). Il existe deux types de gouvernance. La plus répandue est la gouvernance verticale : le CA décide et le bureau - un président, un trésorier, un secrétaire - applique. Il existe aussi une gouvernance horizontale, collaborative où il n’y a pas de grand chef mais une coprésidence. Dans cette situation, il faut faire

La loi de 1901 C'est une loi très démocratique, très souple, qui permet la création d’associations. Deux choses sont indispensables : qu’il y ait au moins deux personnes ayant un projet commun et que ce soit à but non lucratif. Une association peut faire de l’argent, mais cet argent ne doit pas revenir aux administrateurs.

des associations et ainsi exister en tant que personne morale. A partir de la parution au JO, l’association peut prétendre à recevoir des financements. Monter une association est facile, simple. On n’a pas besoin d’argent. C’est un bon moyen de tester un projet. La durée de vie 60% des associations disparaissent au bout de trois ans. Car l'objectif est atteint, le projet pas renouvelé, les adhérents se dispersent, le leader part et n'est pas remplacé, etc. Il n’y a pas d’obligation

L'association Le petit mouton noir a pour but d'aider les animaux victimes de maltraitance ou en fin de vie en leur trouvant une famille d'accueil.

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de déclarer une cessation d’activité ; les associations restent en sommeil. Embaucher ou pas Une association peut embaucher. Un bénévole peut passer salarié. Pour cela, il faut entreprendre des démarches administratives. Le président de l’association devient employeur ce qui nécessite, des connaissances (management, rédaction d'un contrat…). Nous, on accompagne les associations dans ces démarches : déclarations URSSAF, budgets prévisionnels, fiches de paies… Une association à une obligation de comptabilité. Une comptabilité basique des entrées et sorties financières. D'où vient l'argent ? • Des adhésions : les adhérents – personne physique, administration, autre association...- payent une cotisation. Le montant des cotisations est libre, mais doit être stipulé dans les statuts. • Des dons: il faut que l'association soit reconnue d’intérêt général. Le donneur bénéficie alors d'une réduction d'impôt. Contreexemple : une association d’anciens élèves n’est pas une association d’intérêt général et ne peut donc pas recevoir de dons. • De financements publics : Ville, Département, Région, Etat… Il faut monter un dossier de projet pour tenter d'être subventionné par ces collectivités. • De financements privés attribués

par des mécènes, des Fondations, etc. • De l'auto-financement : une association peut vendre des produits ou des services mais l’argent doit revenir à l’association, financer le projet. À Raphaël, le mot de la fin « Une association, c’est l’organisation humaine la plus difficile à mettre en place. Il y a beaucoup de gens à mettre en synergie. Il faut des capacités de leader et d’animateur, avoir de l’écoute. Chacun a des qualités, apporte un savoir-faire. Une association, c’est un vrai travail d’équipe .»

Alain - 50 ans Association Les Établissements Bollec "Mes parents ont toujours été impliqués comme bénévoles ou responsables d'associations de choses qui les passionnaient comme la photographie, la randonnée ou la couture. Ils partageaient leurs passions avec d'autres. Je me rappelle enfant des randonnées qui finissaient par d'immenses pique-niques joyeux ou des fêtes de la Sainte Catherine pour les couturières. A mon arrivée à Rennes, j'ai été salarié d'une association qui organisait un festival de BD indépendante. L'aventure s'est arrêtée faute de moyen humains et financiers. Etre membre d'une association n'est pas toujours facile, il faut gérer les egos de chacun. Aujourd'hui, je suis salarié de l'association Les Établissements Bollec que j'ai créée, je développe des projets dans le domaine de l'éducation populaire et du faire ensemble. C'est passionnant. "

Les pièges à éviter

•S urtout ne pas commencer tout seul, il ne faut pas que ce soit un projet individuel déguisé. Mieux vaut prendre le temps de trouver des partenaires vraiment intéressés par le projet. • Vouloir tout diriger tout seul, sans écouter personne. Pour qu’une association fonctionne, il faut de la bienveillance. • Ne pas suffisamment anticiper (budget prévisionnel, tâches à effectuer...). Une association, c’est comme une petite entreprise.

TOP 3

des bons conseils

• Restez passionné, persévérant. • Soyez agile, adaptez-vous. Aller au plus simple ne signifie pas qu'il faut cesser d'être rigoureux, mais qu'on doit rester pragmatique. • Partagez les responsabilités, afin que tout ne repose pas sur la même personne.

L’association pour le Mondial de Tonte de Moutons est une association créée dans l’objectif d’organiser le concours mondial de tonte france 2019.

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parentalité

Meres porteuses

Le débat s'ouvre en France

GPA : trois lettres qui signifient "gestation pour autrui". Cette pratique soulève de nombreuses questions éthiques, notamment à cause de l'utilisation du corps de la femme ainsi que la place de l'enfant dans ce système. Par Elisabeth

POUR LA GPA l'association Clara

Son histoire : Clara (Comité de soutien pour la législation de la GPA et l'aide à la reproduction assistée) a été créée en 2006 par Sylvie et Dominique Mennesson. Ils sont parents de jumelles nées par GPA en Californie, en octobre 2000. Ils mènent depuis plusieurs années un combat juridique pour que la France, qui interdit la GPA, transcrive les actes de naissance américains de leurs filles, afin qu'elles soient reconnues par l'état civil français. Ils ont obtenu gain de cause : la France, rappelée à l'ordre par la Cour européenne des droits de l'homme, a accepté que les jumelles aient la nationalité française et soient inscrites sur leur livret de famille. Ses objectifs : L'association dit défendre les intérêts des enfants nés par GPA. Elle aide les couples infertiles qui souhaitent recourir à la GPA par l'information, le conseil, l'écoute et le soutien psychologique. Elle aide les parents à obtenir les papiers des enfants (carte d'identité, passeport, certificat de nationalité française).

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Les adhérents : Clara est épaulée par la philosophe Elisabeth Badinter, les gynécologues Israël Nisand, Karine Morcel et François Olivennes, l'avocate Laurence Roques, etc. L'association compte 2 000 adhérents. Ses buts : Obtenir la légalisation de la GPA en France lors de la prochaine révision des lois de bioéthique. Proposer un encadrement légal, médical et social qui reconnaisse la GPA comme un don entre femmes ayant donné leur consentement libre et éclairé. Ses revendications : La régularisation des enfants nés par GPA de parents français. L'accès à la GPA pour les couples hétérosexuels infertiles et homosexuels. La gestation ne peut pas être un don anonyme. La gestatrice devra être Française ou vivre en France depuis dix ans et devra répondre à des critères médicaux, financiers et psychologiques précis. La GPA devra être agréée ou autorisée par un juge.


MARC-OLIVIER FOGIEL Papa grâce à la GPA

Dans Qu'est-ce qu'elle a ma famille ? (Grasset) l'animateur télé raconte comment il a eu recours à la GPA pour fonder une famille. Il a écrit ce témoignage, dit-il, "contre les préjugés". Tout a commencé par un samedi tout à fait banal en 2013, boulevard Saint Germain, lors d'une « manifestation pour le mariage pour tous » . Marc-Olivier Fogiel est dans la rue. D'un geste d'une grande violence, les manifestants jettent des tracts à l'intérieur de la poussette de ses enfants. Ces enfants sont nés d'une GPA (gestation par autrui). Il décide donc d'écrire ce livre où il dévoile son cheminement, avec son mari, pour devenir parents grâce à une mère porteuse habitant aux Etats-Unis.

La GPA en bref

• La GPA, ou gestation pour autrui, est le fait d'avoir recours à une mère porteuse : une femme qui porte un enfant pour un couple. L'enfant leur est remis à sa naissance. • Une centaine de couples français ont recours chaque année à la GPA. • La GPA est interdite en France mais autorisée ou tolérée (sous certaines conditions) aux États-Unis, Mexique, Israël, Inde, Ukraine, Russie, Roumanie, Moldavie, Belgique, Grèce, Portugal, Pays-Bas, Pologne, Slovaquie, Royaume-Uni, Canada, Australie. • Il y a plusieurs types de GPA : GPA « altruiste » : (surtout en Belgique) La mère porteuse n'est pas rémunérée, suit un traitement hormonal lourd, est inséminée, devient enceinte, accouche, puis donne le bébé aux commanditaires dont elle le plus souvent « une proche ». • GPA « éthique » : Aux États-Unis et dans d'autres pays, les mères porteuses sont rémunérées. Elles doivent être majeures, avoir eu au moins un enfant, ne jamais avoir perdu d'enfant, ne pas dépendre des aides sociales, avoir une situation financière stable.

La GPA est un enjeu de société important, un débat où il est question de vies humaines, d'enfants et de parents. Il dit : "Les grands concepts invoqués sans fin : marchandisation, filiation, fraude s'incarnent dans des prénoms, des parcours de vie, des émotions réelles." Les couples qui ont recours à la GPA se retrouvent face à des listings de donneuses d'ovocytes. Ces listes détaillent, pour chacune, le physique (couleur des cheveux, des yeux, de la peau, taille), le curriculum vitae, le parcours scolaire, une lettre d'explication de leur démarche, en passant par la génétique, l'histoire des maladies familiales, jusqu'aux grands-parents et le sexe des enfants qu'elles ont déjà. Pourtant, Marc-Olivier Fogiel refuse de parler de bébé sur mesure... Dans son ouvrage, il décrit les embûches que tout couple qui se lance dans la GPA doit franchir : complexité de la jurisprudence, bataille administrative pour officialiser la filiation des enfants sur le livret de famille. Ainsi que le coût : onéreux ! De 100 000 à 150 000 € pour une GPA, qui couvrent les frais d'agence, la rémunération de la mère porteuse, le suivi médical et les avocats. Impressions de lecture. Par Elisabeth : "Certes, ce livre traite d'un sujet important dans notre société, qui perturbe nos mœurs habituelles et notre représentation de la famille « type ». On comprend tout ce que Marc-Olivier Fogiel a dû surmonter. La GPA n'est pas simple. Lors de la lecture de ces témoignages, je n'ai pu que constater l'amour mutuel que ce couple se porte. Et qui le pousse à avoir envie d'enfants. C'est magnifique, presque un conte de fée : « Ils se marièrent et ils eurent beaucoup d'enfants …. » Mais justement, où place-t-on l'intérêt de l'enfant dans ce système GPA ? N'est-il pas considéré comme un « objet » que l'on achète sur catalogue ? Ne peut-il pas se trouver au centre de batailles juridiques ? Comment vivent-ils cette origine au quotidien ? Quel regard les autres enfants portent-ils sur eux ?

Dolly, née le 5 juillet 1996 à Édimbourg (Institut Roslin) et morte le 14 février 2003, est une brebis célèbre pour être le premier mammifère cloné de l'histoire à partir d'un noyau de cellule somatique adulte.

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parentalité

CONTRE LA GPA

le collectif pour le respect de la personne (Corp) Ana-Luana Stoicea-Deram est porteparole du Corp, qui milite, au nom des droits humains, pour l'abolition de la pratique dite de maternité de substitution.

dehors de son corps. On ne peut pas non plus vendre un enfant, or la GPA est de la vente d'enfant : il y a échange d'argent contre enfant et transfert du lien de filiation.

La GPA est illégale en France, mais légale ailleurs en Europe : pourquoi ? Cette pratique est interdite dans plusieurs pays européens, notamment l'Italie, l'Allemagne, l'Espagne, l'Autriche, la Suède. Loin de ce que les Médias veulent faire croire, les pays européens qui l'interdisent sont plus nombreux que ceux qui l'autorisent. La France interdit la pratique dite de "gestation pour autrui" car elle pose comme principe que le corps n'est pas un patrimoine qui peut être mis à disposition. Cela veut dire que l'on ne peut pas vendre son corps ou des parties de son corps, car le corps fait partie de la personne : on ne vit pas en

Pourquoi votre association est-elle opposée à la GPA ? La GPA est contraire à la dignité humaine des femmes et des enfants. La plupart des femmes qui mettent au monde des enfants en tant que mères porteuses, le font par besoin d'argent. Elles disent que s'il n'y avait pas de rémunération ou de dédommagement financier, elles ne le feraient pas. Accepter cette pratique, c'est accepter de maintenir les femmes dans la pauvreté et les besoins, afin qu'elles fournissent des "services reproductifs" à ceux et celles qui veulent se les offrir. Il faut rappeler que des mères porteuses sont mortes,

UNE GPA EN 7 ÉTAPES

pendant la grossesse ou pendant l'accouchement, en laissant leurs autres enfants orphelins. L'ensemble des procédures médicales que subissent les mères porteuses sont très intrusives. De nombreuses femmes se retrouvent avec des séquelles à la suite d'hémorragies post-accouchement, des pré-éclampsies ou du diabète gestationnel.Les situations les plus connues se sont produites en Inde et aux Etats-Unis. Mais comme la GPA est un énorme business, estimé à plus de 6 milliards de dollars au niveau mondial, les médias n'en parlent pas ! L'analyse que nous faisons de cette pratique est partagée par des associations féministes universalistes de plusieurs pays. Nous avons créé une coalition internationale pour combattre la GPA, qui rassemble 28 associations de 8 pays.

1 un couple infertile 2 une gestatrice dans un pays où la GPA est légale 3 la rencontre avec le recueil du consentement libre et éclairé de chacun 4 la fécondation in-vitro des ovules et des spermatozoïdes 5 l'implantation de l'embryon à j+5 6 la naissance et la délivrance des papiers nécessaires pour que les parents puissent rentrer en France avec leur enfant. 7 les relations futures éventuelles entre la gestatrice, l'enfant et les parents

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DELPHINE LANCE

Delphine Lance est doctorante en anthropologie et achève une thèse sur le thème de la GPA en Ukraine et aux États-Unis. Elle est l'auteure d'un documentaire intitulé « Paroles de femmes porteuses ». Citad'elles : En quoi la GPA peut-elle intéresser une anthropologue ? Delphine Lance : Un anthropologue est un chercheur qui étudie des faits sociaux, comme l'évolution de la famille. En France, à l'heure actuelle, nous sommes à l'aube d'un grand bouleversement : celui des nouvelles technologiques de reproductions. Ça nous demande de revenir sur notre manière de penser la reproduction et la filiation. Car maintenant, une femme qui ne pouvait pas devenir mère car elle n'avait pas d'utérus, par exemple, ou un couple homosexuel peuvent accéder à la parentalité grâce à une femme qui porte l'enfant pour eux. Ces questions sur l'humanité et l'avenir de la société sont intéressantes. C'est aussi dans une dimension féministe. C'est très important de se poser la question de l'appropriation du corps des femmes. C : Comment avez-vous choisi vos pays d'enquêtes ? DL : En fonction de la façon de considérer la GPA en France. Souvent, on fait une distinction entre la GPA aux Etats-Unis, qui serait éthique et la GPA dans les pays pauvres, tels que l'Inde ou l'Ukraine, qui serait non éthique. J'ai voulu dépasser ce clivage en comparant l'Ukraine et les Etats-Unis et ainsi éviter cette opposition entre pays pauvres et riches. C : Qu'avez-vous découvert en allant voir les mères porteuses sur le terrain ? DL : J'ai observé des infirmières et des médecins dans deux agences de femmes porteuses, j'ai rencontré les femmes et j'ai découvert qu'elles avaient « une parole », car dans les débats bioéthiques, on ne donne jamais la parole à ces femmes. J'ai découvert qu'elles avaient des choses à dire. Par ailleurs, elles ne veulent pas qu'on les appelle "mères"

porteuses, mais "femmes" porteuses. Car elles ne se considèrent pas un rôle de mère pour ces enfants. Elles sont mères de leurs propres enfants. Elles se considèrent plus comme « nourrices », certaines diront même qu'elles sont « incubateurs ». C : Quelles sont les motivations des femmes porteuses ? DL : En Ukraine, leur motivation première est l'argent, pour subvenir aux besoins de leurs enfants ou de leur famille, car il y a très peu de travail en Ukraine. Leurs motivations peuvent aussi être religieuses : aider leur prochain. Elles pensent qu'elles sont élues de Dieu et que Dieu, grâce à cette technique de la GPA, leur a permis de gagner de l'argent. Aux Etats-Unis, on retrouve cette même croyance religieuse autour de l'amour du prochain chez les baptistes et les évangélistes. Sinon, les femmes le font pour aider un proche, ou bien c'est un acte militant pour un couple gay. D'autres femmes aiment tout simplement être enceinte ou décident de devenir femme porteuse après avoir elles-mêmes connu l'infertilité. L'argent est une motivation moindre aux Etats-Unis, car elles gagnent moins pour une GPA. C : Sont-elles payées ? Combien ? DL : Les femmes porteuses que j'ai rencontrées sont rémunérées. Aux Etats-Unis, une GPA coûte environ 150 000 dollars. Une femme porteuse touche au maximum 25 000 dollars. À qui va le reste ? Une bonne donneuse d'ovocyte touche de 5 000 à 10 000 dollars, les avocats demandent 40 000 à 50 000 euros, les agences touchent 25000 dollars pour le fait de mettre en relation parents d'intention et femmes porteuses, le reste couvre les frais médicaux. En Ukraine, une GPA coûte 30 000 euros. Les femmes

touchent de 5 000 à 10 000 $, selon qu'elles passent par une agence ou non. C : Qu'est-ce que la parole de ces femmes apporte aux débats en France ? DL : Elles peuvent apporter leur expérience, leur parole aux débats qui ont actuellement lieu en France. Cela sert à ne plus les invisibiliser. Car, par exemple, j'ai assisté à un colloque pour ou contre la GPA organisé à l'Assemblée nationale, et aucune femme porteuse n'était présente. Avec ce travail de thèse et de documentaire, j'espère qu'on prendra un peu plus en considération la parole des femmes et qu'on sortira de ce dualisme pour ou contre la GPA. Que l'on arrivera à une écoute de toutes les parties prenantes et qu'on évitera d' individualiser la GPA. C : Que pensent-elles du débat pour/ contre en France ? DL : Souvent, elles ne savent même pas qu'il y a débat. En Ukraine, la GPA est très mal connue. Les femmes se cachent. C'est une société assez religieuse qui est plutôt contre la GPA, de même qu'ils contre les FIV. Mais ces femmes porteuses considèrent qu'elles ne vont pas à l'encontre des croyances religieuses, puisqu'elles sont comme Marie, qui a porté Jésus. Quand je leur dis qu'en France certaines femmes considèrent que leur corps est utilisé, comme des prostituées, elles sont très en colère contre ces féministes qui parlent en leur nom. Les Américaines, elles, considèrent qu'elles font ce qu'elles veulent avec leur corps. Elles trouvent qu'il ne devrait pas y avoir débat. Pour elles, c'est aussi ridicule que le débat français sur le mariage pour tous.

CITAD’ELLES N°19 - 27


cuisine

Une brigade

en cuisine Par Ata 22, Marina, Charlotte et Elisabeth.

Romain Ancien photographe de presse (pendant 12 ans), Romain s’est reconverti dans la cuisine, en passant un CAP cuisine, afin d’ouvrir son propre restaurant. En 2016, il voit son rêve se réaliser en devenant chef cuisinier de "La cantine des atelier". Le restaurant est dans une ancienne usine qui fabriquait de la moutarde, à Rennes, à côté d'ateliers d'artistes. À La cantine, il gère tout sauf la comptabilité. Leur carte est renouvelée tous les jours car les proportions sont en petite quantité afin d’avoir du choix. Le restaurant est ouvert tout les jours à midi, sauf le week-end. Romain est une belle personne passionnée, qui aime son travail et qui a de l'ambition. Dans quelques mois, il va ouvrir un nouveau restaurant avec Tabarra, une micro-brasserie. Malgré une vie professionnelle mouvementée, Romain a le temps de nager et de faire du vélo.

Tabarra Tabarra est responsable de salle à La cantine des ateliers : "Je suis gourmande, j’ai toujours pensé que la cuisine pouvait me faire voyager, au sens propre comme au sens figuré. J’ai passé un CAP en cuisine générale, pour adulte, en alternance en entreprise. Ensuite, j’ai travaillé dans d’autres restaurants. J’ai fait une pause, j’en ai eu marre, j’ai fait autre chose que la cuisine : de la couture. J'en ai eu marre, j’ai un peu voyagé. Et puis j’ai repris en restauration, mais en tant que serveuse. Et je fais aussi de l’aide en cuisine. En ce moment, j’apprends la pâtisserie en autodidacte. En cuisine, je suis inspirée par le changement des légumes et des fruits selon les saisons, par leurs couleurs et leur formes. Les clients sont satisfaits de notre travail et des soins qu'on apporte à la nourriture."

Christophe "J’ai découvert la cuisine dès mon enfance avec ma mère. Mes parents avaient un resto en Bourgogne. Je seconde Romain à La cantine des ateliers. C’est différent des autres restos à cause des produits qu’on utilise. Ce sont des produits frais et locaux, du bio, sans produit chimique. On sait d’où vient la nourriture. La qualité nous tient à coeur. On fait des choses simples qu’on peut refaire chez soi. Ce que j’aime dans la cuisine, c’est l’inspiration. En cuisine, ce qui m’inspire, ce sont mes voyages : j’ai été à Tahiti et à Mayotte. J’ai travaillé dans l’hôtellerie là-bas. Je suis parti en sac à dos au Mexique depuis la Californie. J’aime cuisiner les poissons et les produits italiens. Je travaille de 7h à 15h, ça me laisse mes fins d’après-midi pour moi. À la fin de l’année je vais passer mon CAP cuisine."

L'agneau pascal est un symbole dans les religions juive et chrétienne. Le sacrifice de l'agneau tire son origine d'un ordre de Dieu à Moïse, avant la traversée de la mer Rouge, pour immoler un agneau par famille.

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Christophe

Romain

Tabarra

// Entrée // Ravioles roquefort/noix/poires 1.Pâte à raviole:

275 g de farine T45 2 œufs 3 jaunes d’œufs 2 cuillères à soupe d’huile d’olive une pincée de sel Mélanger et pétrir l’ensemble. Filmer et laisser reposer au frais au minimum 2 h. Passer la pâte au laminoir jusqu’à l’épaisseur n°7 en s’assurant de bien fariner le plan de travail et la pâte (ou abaisser la pâte au rouleau très finement) Faire des cercles dans la pâte au diamètre voulu selon la quantité et la forme des ravioles que l’on aura choisies (rond, demi-lune, tortellini..) avec un emporte pièce

2.Farce

1 roquefort 1 sachet de cerneaux de noix concassés Mélanger le tout et mettre en poche sans douille. Mettre l’équivalent d’un demi-pouce de farce dans chaque rond de pâte, les fermer en demi-lune en humidifiant à l’eau les bords pour coller. Effectuer un geste précis pour rapprocher les deux bord de la demi-lune pour former la tortellini. Plonger 2 min dans l’eau bouillante salée au moment de servir.

etirer la peau des poires, R les couper en petits cubes et les mettre à compoter sur feu doux avec un gros trait de vinaigre, deux grosses pincée de sucre, du sel et du piment, un peu au pif! Laisser compoter 15 min. Mixer et réserver au frais.

4.Montage

u moment de servir, A mettre dans le fond de l’assiette un peu de chutney, disposer 3 ou 4 tortellinis dessus, un peu de mache ou roquette, un trait d’huile d’olive et de vinaigre balsamique!

3.Chutney de poire

4 poires sel, sucre, vinaigre, piment (facultatif)

Les fromages au lait de brebis les plus connus sont la feta en Grèce, le roquefort en France, le manchego en Espagne, le pecorino romano et la ricotta en Italie.

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// Plat // Ballotine de poulet farci / Gnocchis / Pesto Gnocchis

pour 4 personnes 1 kg de pommes de terre environ 500 g de farine 1 œuf 2 branches de sauge une pincée de sel aire cuire sur du gros sel F les pommes de terre au four jusqu'à que la chair soit tendre. Les ouvrir en deux et récupérer la pulpe (vous obtenez alors environ 700 g de pulpe) Passer toute la pulpe au moulin à légumes

L a mettre en casserole sur feu doux sans cesser de la mélanger pendant 10 min, ceci pour la déssécher. Mélanger toute cette pulpe avec 500 g de farine en l’incorporant bien, ainsi que la sauge émiettée et le sel. Faire alors des boudins et tronçonner pour former des gnocchis de la taille voulue. Les plonger ensuite dans l’eau bouillante. Quand ils remontent à la surface, les réserver. Au moment de servir, dorer les gnocchis à la poêle avec du beurre.

ccompagner de sauce A tomate maison dans le fond de l’assiette et de parmesan et roquette!

ballotines de poulet:

4 blancs de poulet 1 poignée de tomates séchées 1 poignée de basilic frais mincer finement les E tomates et le basilic. Mélanger avec un peu d’huile d’olive Bien ouvrir et aplatir les blancs de poulet (si besoin, aplatir au rouleau à patisserie) Incorporer un peu de farce tomate-basilic, puis rouler les blanc en ballotines avec du film transparent (moment technique !) Faire bouillir de l’eau. A ébullition, éteindre le feu, mettre les ballotines et couvrir. Laisser pendant 50 min Au moment de servir, retirer le film transparent, couper en deux les ballotines et les saisir à la poêle avec de l’huile d’olive

L'agneau est symbole des vertus de douceur, d'innocence et de bonté. Il représente le souvenir du Christ et de son sacrifice sur la croix et c'est pourquoi les chrétiens dégustent par tradition le gigot à Pâques.

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// Dessert // Tarte au citron meringuée 1.Pâte à tarte sucrée:

60 g de beurre pommade 35 g de sucre 12 g de poudre d’amande 1/2 œuf (battre 1 œuf et n’en prendre que la moitié!) 100 g de farine Mélanger le tout. Former une boule, filmer et réserver 2h au frais

2.Crème d’amande:

50 g de beurre 50 g de sucre 50 g de poudre d’amande 50 g d’œuf (=1 œuf) Mélanger le tout et réserver

3.Crème citron:

2 citrons 70 g de sucre 70 g d’œuf 85 g de beurre Mettre le jus des citrons et les zestes, le sucre et les œufs dans une casserole, sur feu doux et mélanger jusqu’à épaississement. Intégrer le beurre hors du feu sans cesser de remuer. Passer le tout au chinois pour retirer les éventuels morceaux.

4.Meringue:

50 g de blanc d’œuf 50 g de sucre Monter les blancs avec le sucre, mettre en poche a douille

5.Montage

.Abaisser la pâte à tarte et 1 piquer à la fourchette.Cuire au four 15 min à 160°C 2.Appliquer la crème d’amande dans le fond de la tarte à la sortie du four. Enfourner 6 min à 165°C. Attendre le refroidissement. 3.Appliquer la crème citron sur l’ensemble de la tarte. Réserver au frais 4.Former des boules de meringue sur la tarte. Passer à four chaud (240°C) pendant 1 min pour colorer (ou bruler au chalumeau)

BON APPETIT

Romain, Christophe & Tabarra de La Cantine des Ateliers

Chez les mulsulmans, l’Aïd-el-Kébir est célébrée à partir du dixième jour du mois lunaire de Dhou Al Hijja et dure trois jours. En souvenir de Dieu qui demanda à Abraham de sacrifier son fils pour éprouver sa foi, les mulsumans sacrifient un mouton.

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radio

Pascal Cefran

on air ! *

* À l'antenne.

Tous les jours de 6h à 9h, l’équipe de la matinale radio du Mouv' (107.3 MhZ) nous ambiance dès le réveil avec son émission Good morning Cefran. Trois heures de bonne humeur, de rires, d’infos people du web, et de pure musique autour du rap et du hip hop. Pascal Cefran (« Cece » pour les intimes) nous a super gentiment accordé une interview pour nous expliquer son parcours et son métier. Par Nouchine

A

u début des années 2000, avec un BEP Vente en poche, Pascal Cefran se met en quête d’une entreprise pour son Bac Pro … sans succès. Il devient vendeur pendant deux ans, mais passionné de musique et plus particulièrement de rap, il se lance dans une formation d’ingénieur du son, ponctuée de trois stages, dont le dernier effectué chez Génération (radio hip hop parisienne de référence à l’époque et qu’il écoute beaucoup ). C’est le déclic ! Citad'elles : Depuis combien de temps fais-tu de la radio ? Pascal Cefran : J’ai démarré à Génération en 2003 comme technicien. Après plusieurs petits boulots comme des voix de pub ou des apparitions à l’antenne, j’ai eu ma première émission en 2006 avec Parlez-vous français ? C : Une émission, ça se prépare comment ? PC : Good Morning Cefran se termine à 9h. Ensuite, on travaille

jusqu’à environ midi sur celle du lendemain, on cherche un thème. Dans la matinale il y a moi, l’animateur principal, Virginie la co-animatrice, First Mike le DJ qui est un peu la caution musicale et Gianni, l’humoriste et auteur de l’émission. C’est lui qui écrit 70 % de ce qui est dit à l’antenne, y compris les vannes : plus il y a d’écrits, plus on est à l’aise dans l’impro parce qu’on peut plus facilement retomber sur nos pattes et notre conducteur (le plan de l'émission). Le soir, je repasse à la station pour réécrire, mettre en forme ou compléter par d’autres inspirations, mais aussi préparer ma rubrique Le Qui a dit ? en surfant un peu sur les réseaux et trouver des news. Le matin, on arrive entre une heure et 30 minutes avant le début de l’émission. Les quatre membres de l’équipe préparent et animent ensemble. On ne délègue pas. Seul un stagiaire travaille avec nous et s’occupe du standard et des cadeaux auditeurs. C : Comment décidez-vous des titres

diffusés : top streaming, nouveauté, son à l’ancienne ? PC : Comme dans toutes les radios, un directeur musical sélectionne les titres et définit la programmation, sauf Le son de la night et le Wake up Mix qui sont choisis par First Mike. C : Y a-t-il un quota d’artistes français et étrangers ? PC : Depuis les années 90, 40 % de titres français sont imposés, dont 40 % de nouveaux talents. Le rap français est tellement foisonnant et productif que c’est plutôt facile. C : Etre animateur, c’est avoir des CDD d’un an toute sa vie ?! PC : Ça dépend ! Dans mon cas, Mouv' faisant partie du groupe Radio France - donc du service public - la politique est qu’il n’y a quasiment pas d’animateur en CDI. Ce sont des contrats d’intermittents du spectacle. A la fin de la saison, c’est le chômage, il n’y a pas de congés payés ! Dans les radios privées, les directions sont libres de choisir entre un CDD et un CDI. Mais si l’émission ne marche

Le bêlement est le cri naturel du mouton, de l'agneau et de la brebis.

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radio

pas, un CDD permet de se séparer à la fin de la saison. Les CDI sont plutôt réservés aux animateurs vedettes. Pour moi, il n’y a pas de sécurité de l’emploi. C : Ton meilleur souvenir à l’antenne ? PC : Vaste question : des bons souvenirs, j’en ai plein. Il faut le dire : on travaille beaucoup, mais on s’amuse beaucoup aussi ! Entre les lives, les rencontres avec de nombreux artistes et les barres de rires, difficile de choisir un meilleur souvenir. Mais un concours est prévu prochainement pour faire gagner à un auditeur une émission qui se déroulera chez lui. C’est quelque chose que je n’ai jamais fait mais que j’espère garder dans mes meilleurs souvenirs, parce que prendre le petit déj', la douche et faire l’émission au même endroit … ça promet ! C : Ton pire souvenir ? PC : C’est difficile aussi de trouver, mais peut-être le jour où j’ai reçu le rappeur Sadek qui n’était pas bien : il avait des soucis sur Internet, avec le public qui était remonté contre lui. Il avait le moral dans les chaussettes et n’avait pas envie de participer. Sur le coup, c’était difficile à gérer mais avec du recul, on en rigole. C : Quels sont tes goûts en matière de rap ? PC : J’aime le rap bien vénèr, bien caillera, mais j’aime aussi le rap conscient et le rap du bendo. C : Tu sais que tu ressembles à l’acteur Tarek Boudali ? PC : Oui, mais ça c’était avant. Depuis que je me suis laissé pousser les cheveux et la barbe, tout le monde dit que j’ai la même tête qu’Alonzo ! Il vient prochainement, alors j’en profiterai pour faire un selfie avec lui pour vérifier !

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Mouv’, service public hip-hop.

Mouv’ est un réseau de radios de Radio France, qui parle surtout au jeune public. La station est centrée sur les cultures urbaines, le hip-hop et la musique électronique. En 2015, Le Mouv' change de nom pour devenir « Mouv' », proposant par la même occasion de nouveaux genres musicaux comme le hip-hop ou la culture urbaine. Avec à peu près 420 000 auditeurs, Mouv’ enregistre actuellement son meilleur résultat d’audience depuis 9 ans. Elle affiche une hausse sensible sur les 13-24 ans, la plus forte progression sur ce public, toutes radios confondues.


Vos messages via Canal B tous les dimanches

« 94 degrés à l’ombre » est l’émission qu’on peut entendre à Rennes sur Canal B tous les dimanches, sur 94.0, de 9h à 11h30. Des bénévoles de l’association étudiante du Genepi investissent la radio pour permettre aux personnes incarcérées et à leur proches de communiquer par messages interposés, via la station. Les proches des personnes détenues peuvent communiquer leurs messages écrits, vocaux ou dédicaces musicales. Soit par téléphone au 02 99 52 77 66. Par email : radiogenepi @ gmail.com ou Par courrier à : Canal B - 94° à l'ombre , 3 rue Alexandre Lefas, BP 50106 , 35701 Rennes Cedex. Les messages doivent durer 3 minutes maximum. Vous pouvez accompagner votre message d'une dédicace musicale. Vous ne devez pas parler des affaires ni laisser de noms de famille.

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sport

Le sport en prison

ça fait un bien fou ! En détention se pratique un large choix d’activités sportives. Pour mieux comprendre ce à quoi peut servir le sport et en quoi il peut être bénéfique pour notre bien-être, les deux moniteurs du Centre pénitentiaire pour femmes de Rennes, Nicolas Margely et Jérôme Bodiguel, ont bien voulu répondre à nos questions. Par Marina

Gym douce, badminton, et même Tchoukball... S’extérioriser en détention est une chose importante pour se sortir du quotidien. Certains(es) détenus(es) le font à leur façon et l’administration pénitentiaire l’a très bien compris aussi, et ont mis un point d’honneur à faire du sport en détention une de leurs priorités, selon l’article 27 de la loi pénitentiaire, qui propose aux personnes détenues des activités physiques dans le but de se réinsérer.

Au Centre pénitentiaire pour femmes de Rennes, beaucoup de détenues - « entre 25 et 30% à l’année » - participent aux activités, et la fréquentation peut varier « cycliquement », expliquent les moniteurs Jérôme et Nicolas. Le Centre de détention a davantage accès aux séances de sports que la Maison d’arrêt (soit 7 heures de sport hebdomadaire pour la Maison d’arrêt) et aussi plus d’activités, beaucoup d’intervenants de l'extérieur interviennent au CD. Le sport collectif ainsi que le

« cardio, le cross-fit ou le badminton sont beaucoup demandés par les détenues, tandis que de nouveaux sports commencent à faire leur arrivée, tels que le Tchoukball (dérivé du handball), l’ultimate (sport collectif se jouant avec un frisbee) ou le thêque (du baseball qui se pratique avec une raquette). » Les nouveaux sports se pratiquent selon ce que veulent ou suggèrent les détenues. « On s’adapte ». La gym douce, par exemple, peut convenir à des femmes âgées ou qui doivent se réadapter en douceur au sport. En parallèle, pour des raisons de sécurité, il y a des disciplines interdites dans toutes les détentions tels que « le saut à la perche, le tir», ajoute le moniteur. Les sports à contacts physiques et violents sont également interdits. Bien-être, santé : une « soupape » bien utile Le sport procure un bien-être physique et mental. On y trouve « du plaisir, parfois de la détente, un dépassement et un respect de soi, ainsi que celui des autres, un esprit de compétition et il est également bon pour l’hygiène. » Selon Jérôme, le sport est comme une « soupape », un moyen de décompression en se dépassant physiquement si on est trop submergés mentalement. « Souvent, les femmes découvrent

Ne jouez jamais à saute-mouton sur une licorne ! (Proverbe Citad'elles)

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« Un moyen de rester debout et de garder la force de vivre » Sabrina, 41 ans « Le sport pour moi est une activité qui fait du bien au moral, qui permet de se défouler et de reprendre une énergie dans ce qu’on fait. L’inconvénient, c’est qu’après une opération, quelle qu’elle soit et qui n’est pas bénigne, on ne peut plus reprendre certaines activités qu’on faisait avant. Le sport est un moyen de rester debout et de garder la force de vivre. J’ai fait plusieurs randonnées avec Jérôme. C’était des moments émouvants de sortir et de voir autre chose que la prison en oubliant le milieu carcéral pour une journée. Le plus déchirant, c’est quand on voit l’entrée et ça fait un choc en se disant qu’il faut remettre la tenue de détenue. Alors celles qui ne bénéficient pas encore de permissions, qu’elles gardent la pêche car tout arrive vite et on n’y croit pas de suite quand on a la première permission, on a du mal à y croire et à dormir la veille. C’est impressionnant, alors gardez cet espoir de découvrir la liberté. »

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sport

le sport en prison », et c’est souvent poussées par leurs co-détenues qu’elles s’y mettent. « Les bonnes fréquentations peuvent aider », disentils. Certaines femmes, qui peuvent avoir des problèmes de santé ou qui viennent de se faire opérer, veulent se mettre ou se remettre au sport. Elles bénéficient des séances de kinésithérapie et c’est le praticien qui va autoriser à reprendre le sport, avec certaines activités autorisées ou interdites. Randonnée en ville et kayak de mer Le sport en détention ne se pratique pas seulement en milieu fermé au Centre pénitentiaire. On peut prétendre à des permissions sportives en extérieur, à condition d’avoir un « bon comportement au sein de la détention, d'être à mipeine et permissionnable. » Pour poser une demande de permission sportive, « il faut aller voir les moniteurs de sport qui déposeront les noms des détenues pour la prochaine

CAP (Commission d'application des peines). » L’acceptation ou le refus se fait lors de la commission, avec tous les services. Lors de ces sorties, on pratique différentes activités telles que la « randonnée en ville, en campagne ou en mer, qui est tout public. Il y a aussi le kayak, l’aviron, l'escalade qui exigent une bonne condition physique ». Des détenues ne sont pas obligées d’aller aux cours pour demander une permission sportive. Mais l’avantage d’aller régulièrement au sport avant d’en demander une est que « les moniteurs connaissent nos performances physiques ». Un moniteur nous accompagne lors de ces sorties, ainsi qu’une surveillante. Ils sont bien entendu habillés en civil, « un petit groupe lambda.» Pour le moment, il n’y a pas encore eu de permissions prévues pour aller voir une rencontre sportive entre deux équipes adverses, mais peut-être que ça pourrait se faire prochainement.

« Pour courir, taper dans un ballon et rire ensemble » Marina, 32 ans « Lorsque j’étais en Maison d’arrêt, je suis allée aux cours assez souvent mais je ne sais pas pour quelle raison, j’avais décroché et je n’y allais plus. J’ai repris les séances de sport grâce à une détenue qui m’avait poussée à aller aux séances de zumba, qui se pratiquaient à l’époque le jeudi à 16h, et j’ai vite remarqué que ça me déstressait de ma journée entière aux ateliers. Maintenant, je vais régulièrement aux séances de zumba le mardi à 16h et au renforcement musculaire le jeudi à la même heure avec l’intervenante qui vient spécialement pour nous. Pendant les vacances de Noël, j’allais au sport le matin à 9h, histoire de ne pas rester au lit et de garder un rythme, et il faut le dire, faire du sport en matinée fait beaucoup plus de bien je trouve. J’avais l’impression de bien commencer ma journée en ayant l’impression de faire quelque chose d’agréable et d’utile. Aller aux sports, ce n’est pas que courir ou taper dans un ballon, c’est aussi rencontrer des personnes, discuter et rire avec elles. J’attends avec impatience de pouvoir être permissionnable et de faire des randonnées en extérieur. Moi qui suis une grande marcheuse - j’adore ça - même si je sais que je vais revenir totalement épuisée mais au moins, je rentrerai avec le sourire et de bons souvenirs. »

Comme tous les ruminants, les moutons sont des ongulés marchant sur deux doigts.

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Comment le sport s'est imposé dans les prisons françaises

Si le sport peut prendre une place importante dans la vie en général, il semble encore plus primordial dans un milieu fermé tel qu’un Centre pénitentiaire. Une activité physique a pour but d’aider les personnes détenues à se réinsérer, de créer un équilibre mental et physique, de prévenir la récidive, de faciliter l'intégration dans un groupe, et de respecter la réglementation. • Le 15 novembre 1946 : la promenade en extérieur est décrétée obligatoire. • En 1949 : une note de l’administration pénitentiaire recommande une demi-heure par jour d’activité sportive pour les détenus de moins de 35 ans condamnés à de longues peines. • Entre 1958 et 1972 : une réglementation est mise en place, alors que les prisons font face à la difficulté de devoir aménager des espaces assez grands dans des établissements désuets et petits. Seuls les sports de combat y sont bannis, et jusqu’à ce jour, dans certains établissements, ils le sont encore. • Dans les années 1990 : priorité est donnée à la qualification et à la formation de l’encadrement. Les moniteurs de sport qui travaillent dans les prisons sont des surveillants de l’établissement formés pendant 8 mois à l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire. • Depuis la rentrée 2006 : les surveillants suivent la formation du Brevet professionnel de la jeunesse et de l’éducation populaire, spécialité activités physiques pour tous. • Près de 300 moniteurs de sport proposent différentes activités sportives encadrées aux personnes détenues comme du football, de la musculation, du ping-pong ou du basket. • Le 16 janvier 2004 : quatorze fédérations sportives signent des conventions avec l’Administration pénitentiaire pour développer l’encadrement et l’animation de la pratique du sport, et faire découvrir encore plus de sports comme le football, l’athlétisme, la pétanque, le basket, la musculation ou même le rugby. Avec un champ visuel de 270 à 320° environ, les moutons peuvent voir derrière eux sans avoir à tourner la tête.

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sport

Emiliano Sala

l'attaquant mort en plein vol Emiliano Sala est un jeune footballeur nantais récemment décédé dans un accident d’avion au-dessus de la Manche. Retracer son parcours, c’est s’apercevoir que c’était une bonne personne qui avait un très bon avenir. Raconter son histoire, c’est se rappeler qui il était. Par Marina

E

miliano Raùl Sala Taffarel est décédé le 21 janvier 2019 dans un accident d’avion au nord de Guernesey alors qu’il partait pour finaliser son transfert dans le club de football Cardiff City, qui aurait dû avoir lieu deux jours plus tard. Emiliano, 28 ans était un footballeur italo-argentin qui évoluait au poste d’attaquant, révélé au FC Nantes. Ses débuts. Son père est routier, et sa mère, femme au foyer. Emiliano Sala grandit à Progreso, à Santa Fe où il joue au football dès l’âge de 4 ans, jusqu’à ses 15 ans au club San Martin. Il intègre ensuite le centre de formation Proyecto Crecer, la filiale des Girondins de Bordeaux à San Francisco. En 2009, il fait un bref passage au Futebol Clube do Crato au Portugal. A l'été 2010, il arrive en France et intègre la réserve des Girondins de Bordeaux afin d’y poursuivre sa formation. Prêté pour apprendre. Pour la saison 2012-2013, il est prêté à l’US Orléans en National afin d’augmenter son expérience. Il y termine deuxième meilleur buteur ex-aequo du championnat avec 19 buts au compteur en 37 matchs. Les années suivantes, Emiliano joue à Niort, Bordeaux, Caen. U n e p l a c e ro y a l e a u F C Nantes. Le 20 juillet 2015, il signe pour cinq ans au FC Nantes. En

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2015-2016, il finit meilleur buteur des Canaris avec six réalisations. Pour la saison suivante, il devient indiscutablement attaquant du FC Nantes avec Claudio Ranieri et permet à plusieurs reprises de remporter de précieuses victoires. Au début la saison 2018-2019, le footballeur est sur le départ. Le nouvel entraîneur, Miguel Cardoso, ne le fait pas rentrer dans ses plans et le club serait prêt à le vendre contre plus de 10 millions d’euros. Nantes refuse l’offre de prêt de Galatasaray et le joueur reste dans le club.

Il disparait en vol. Le 21 janvier 2019, Emiliano Sala disparaît en vol alors qu’il allait à Cardiff pour son transfert. Le soir même, l’avion reste introuvable. La police de Guernesey annonce l’arrêt l’arrêt des recherches aériennes. Mais deux jours plus tard, après de nombreuses réactions et des dons qui dépasseront les 300 000 euros, la famille du disparu peut reprendre leurs recherches privées, en faisant appel à un navire spécialisé dans les opérations sousmarines. Le 3 février 2019, l'épave est détectée à 63 m de profondeur.

Son début de saison commence bien avec 8 buts marqués en 10 matchs. Il se classe troisième meilleur buteur européen en championnat le 29 octobre 2018, après un triplé face à Toulouse. Il devance Leo Messi en devenant le meilleur buteur argentin d’Europe de la saison. Le 11 novembre 2018, il permet à Nantes d’égaliser dans le derby face au Stade rennais et devient, à égalité avec Kylian Mbappé, le co-meilleur buteur d’Europe.,

Quatre jours plus tard, le corps d’Emiliano est remonté. Dès l’annonce de sa disparition, le soir même, des supporters du FCN se sont réunis, place Royale, à Nantes, pour manifester leur soutien au joueur et à sa famille. Au match de la Ligue 1 opposant le club de Nantes à celui de SaintEtienne, un hommage est rendu au joueur par ses anciens camarades du FCN. Le jeu est interrompu à la neuvième minute en raison d’applaudissements. Le décès de l'attaquant est confirmé. Le lendemain, le FC Nantes décide de supprimer le maillot numéro 9, pour honorer sa mémoire. Ses obsèques ont été célébrées le 16 février en Argentine. Emiliano Sala a été incinéré à Santa Fe.

Ve r s C a r d i f f C i t y. Le 19 janvier 2019, Emiliano Sala est officiellement transféré à Cardiff City et s’engage jusqu’en juin 2022. Le montant du transfert est estimé à 15 millions de livres sterling (17 millions d’euros), réalisant un record pour le club gallois.


Par Marina « J’ai été touchée par l’histoire d’Emiliano Sala, par le coup du sort qui a fait qu’il n’est plus de ce monde. Le foot, ce n’est pas mon truc, j’ai découvert l’existence d’Emiliano seulement au moment du drame, mais je crois que j’ai fait un transfert visà-vis de mon frère, qui a à peu près le même âge et qui aime le foot. J’ai également été touchée de m’apercevoir, au fur et à mesure de mon article, que c’était une personne authentique. Malgré le succès, il ne s’était jamais pris la grosse tête et avait su rester généreux. Il était important pour moi d’avoir une trace de son parcours quelque part, même si on en a entendu beaucoup parler. Comme quoi la vie ne tient qu’à un fil. Je dis toujours que le ciel a besoin de ses anges et son décès en est la preuve. »

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psycho

Qui est

votre enfant intérieur ? C’est le petit garçon ou la petite fille qu’on a été dans le passé. Il peut être blessé et, pour devenir un adulte libre, il peut être guéri. Le thérapeute Moussa Nabati explique comment. Par Kaléï Citad'elles :Qu'est-ce que l'enfant intérieur ? Moussa Nabati : C’est le petit garçon ou la petite fille qu’on a été dans le passé. Si la vie était un livre, alors ce serait les toutes premières pages. Car dès avant la conception, un enfant est « parlé » et désiré. On ne sait pas toujours notre histoire : l’enfant qu’on a été dans le désir des parents. On a peut-être été aimé, accepté, voulu, peut-être conçu dans la gratuité du désir. Mais peutêtre qu'on est venu pour rafistoler un couple bancal ou pour satisfaire un besoin. Puis, une fois nourrisson, on a peut-être été aimé, peut-être été maltraité. C : Pourquoi l'enfant intérieur peut-il être blessé ? MN : Il se peut qu’un enfant n’ait

BioExpress Moussa Nabati, né à Téhéran, est psychanalyste, thérapeute, docteur en psychologie et chercheur à Paris. Il est l'auteur de Guérir son enfant intérieur (Le livre de poche) et Réussir la séparation, pour tisser des liens adultes (Fayard).

pas été aimé ni désiré : peut-être que c’était une fille, alors que les parents attendait un garçon. Peut-être qu’il est arrivé après un petit frère décédé, peut-être que l’enfant a été maltraité, victime d’abus sexuels. Ou qu’il a assisté à la violence d’un parent sur l’autre. L'enfant qu'on a été une victime innocente... mais pourtant, il se sent coupable ! Un enfant croit toujours que ce qui arrive est de sa faute, même si c’est lui qui subit la maltraitance. Finalement, l’enfant arrive à l’âge adulte avec cette pensée inconsciente qu’il n’est pas digne d’être aimé. Alors il passe son temps à mendier de l’amour ou bien il détruit, il casse et renverse tout l’amour qu’il reçoit, car il pense qu'il n'est pas digne d’amour ou il a peur que cet amour ne soit pas vrai. Selon moi, la culpabilité de la victime innocente est une des premières causes de la délinquance. La personne, victime enfant, n’a pas appris à exprimer ses émotions et passe à l’acte en dépassant les bornes. Certaines personnes maltraitées dans leur enfance et pensant que c’est leur faute cherchent les ennuis, comme si elles pensaient qu'elles devaient payer.

C : Quel chemin prendre pour guérir son enfant intérieur ? MN : La première démarche, essentielle, c'est de le repérer, cet enfant intérieur. Souvent, un adulte a certaines émotions : il peut être emballé, paniqué et il a certaines conduites (il peut faire mal aux autres ou à lui-même, vouloir se battre ou fusionner avec quelqu’un) et il est persuadé que c’est lui qui est aux commandes de tout ça. C'est là qu'il peut prendre conscience que dans la maison « soi-même », il y a deux colocataires : l’adulte et l’enfant intérieur. L'adulte est aussi sous l’emprise de cette autre force qui est enfant intérieur. La première démarche est donc de repérer cette dualité interne. J’ai deux énergies. Il y a des émotions qui ne sont pas les miennes ici et maintenant, mais qui sont en lien avec mon histoire, avec mon enfance. Je ne maîtrise pas tout. C’est comme apprendre à faire la différence entre l’autonomie et la liberté. Je peux dire que je suis libre de boire 10 litres de vin par jour, mais l’alcoolisme me montre que je ne suis plus autonome, car je ne peux plus dire non à l’alcool. C : Comment faire au jour le jour ? MN : Repérer dans nos réactions ce

La gestation de la brebis dure au total 149 jours,soit 5 mois.

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qui vient des blessures de l’enfant intérieur. Par exemple, si je mange du matin au soir, ce n’est pas parce que j’ai faim. Mais parce que je suis dans une quête intense de la mère qui m’a manqué dans mon enfance. Si je fais tout pour déplaire et éloigner les autres, il se peut que ce soit la petite fille qui s'exprime et qui croit qu’elle n’est pas digne d’être aimée. Autre exemple : si je m’engage toujours avec des hommes indisponibles, c’est parce que je ne

veux pas réellement m’engager, car la petite fille en moi a du mal à recevoir de l’amour. À chaque fois que je pense que je ne suis pas à la hauteur, que je ne suis pas digne d’être aimé et que je manque de confiance en moi, ce n’est pas la vérité : c’est parce qu'enfant, je n’ai pas été aimé de manière gratuite. Repérer ces réactions, ça me permet d'agir en adulte et de ne plus laisser l’enfant blessé en moi continuer à me maltraiter.

Par Kaléï En décembre 2018, par l'intermédiaire d'une copine, j'ai entendu parler d'enfant intérieur. Elle m'a prêté le livre de Moussa Nabati. Dans mon expertise psychologique, j'avais lu quelque chose sur ma pluralité. Je me suis demandé : étais-je schizophrène ? Bipolaire ? Etait-ce lié à ma gémellité ? Je sentais une voix en moi, très présente. J'appelais ça mes vieux démons. Et j'ai découvert ce concept d'enfant intérieur... qui peut être un ange gardien ou bien un fantôme du passé. Ça m'a rassurée : je ne suis pas folle ! Ce que je ressentais et sur lequel je ne mettais pas de mot, c'est l'enfant intérieur. A un moment de ma vie, mon enfant intérieur était "malade". J'ai vécu plusieurs deuils très proches, des abandons, des séparations, puis l'acte qui m'a amenée ici : tout cela était des fantômes qui m'ont hantée. Puis j'ai pris le chemin de la guérison. J'ai mis en place toutes sortes d'activités cérébrales ou physiques. Par l'intermédiaire de mon père, mon "être de lumière", quelqu'un d’extrêmement généreux et d'aimant, qui m'a donné l'exemple. Et grâce à la correspondance passionnée et passionnante avec un autre détenu de Vezin, Or-Man : tout ce que je lui ai écrit, ainsi que son écoute, m'ont énormément libérée. J'ai aussi lu différents ouvrages qui conduisent à une paix spirituelle, j'ai suivi une formation sur la résilience et la non-violence avec Mme Laurence Poirier-Natur, j'ai participé à des ateliers : sport, danse, dessin, chant et enfin Citad'elles. Accepter son enfant intérieur, comprendre son passé, son histoire, permet d'en exorciser ses fantômes, ses vieux démons, et d'être davantage en osmose avec soi-même. Ne plus lutter contre les souffrances liées à l'abandon, mais les apprivoiser est le moyen, je pense, de transformer sa faiblesse en une force : son ange-gardien. J'ai perdu 12 kilos, je suis végétarienne, j'ai arrête le traitement psychiatrique qu'on m'avait prescrit. Je me sens beaucoup plus vivante, joyeuse, heureuse. Je me sens pratiquement libre, parce que j'ai trouvé cette paix à l'intérieur de moi. J'ai en moi ce qui me suffit, de l'amour, que j'apporte à mon entourage.

À la naissance, un agneau pèse de 3 à 5 kg. Le plus souvent, la brebis donne naissance à un ou deux agneaux.

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psycho

C : Et quand on voit quelqu'un qui réagit mal, car son enfant intérieur est blessé et qu'il n'en a pas conscience, que faire ? MN : On peut juste le remarquer, on ne peut intervenir. Avoir conscience de son enfant intérieur, c'est déjà pas mal ! On peut juste réaliser quand l'autre est dans l’exagération, l'agression, la panique ou l'excès de tendresse. Et que ça ne correspond pas à ce qui se passe ici et maintenant, mais que cela a à voir avec ses blessures passées et son enfant intérieur. On peut peutêtre le lui faire remarquer. Cela nous permet, à nous, de prendre une certaine distance et de ne pas réponde du tac au tac, de prendre son temps. Par exemple, quand on rencontre quelqu'un de très prétentieux, on comprend que c'est le petit garçon qui parle à travers lui. On devient alors indulgent. Souvent, quand les gens nous parlent, ils parlent en fait d'eux-mêmes, de leur besoins liés à leur passé. C : Sur notre planète, y a-t-il plus de gens avec un enfant intérieur blessé ou un enfant intérieur guéri ? MN : Je n'ai pas fait de statistiques !!!

(rires). Ce que je sais, c'est que dans les rapports humain, on est comme des chiens, on sent ce que les gens cachent. Si vous avez de l'amour pour vous-mêmes, de la confiance en vous, les gens détectent ça et vous respectent à cause de ça. Si vous pensez profondément que vous êtes une fille moche et bête, qui manque de ci ou ça, (alors que tout ça est faux, ce qui vous manque c'est juste l'amour de vous-même, car vous n'avez pas été suffisamment aimée), alors vous allez attirer les "enfants blessés" des autres. Je sais donc qu'en fonction de ce que l'on a en soi, on attire ou on se prémunit du fantôme blessé blessant des autres. Plus on a d'amour de soi, plus on attire de la lumière. C : Comment aider l'humanité à prendre conscience de son enfant intérieur ? MN : Je ne sais pas. L'important, c'est de repérer l'enfant intérieur et de comprendre que s'il a été maltraité, il a un dérèglement de son énergie vitale. Il passe de +40°C à -40°C. Il s'emballe dans des considérations très ambitieuses, puis il déprime et pense qu'il est foutu. Excusez-moi,

Elo Elo est directrice artistique et illustratrice. Avec elle nous avons illustré les articles sur les assos et l'enfant intérieur. Sa technique est à base de découpage et de collage. (elodiejarret.com)

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mais le fait de vouloir changer l'humanité, c'est une idée de la part d'un enfant intérieur, qui est dans le tout ou rien. L'adulte, lui, sait qu'il peut changer les choses avec seulement un petit pas, une goutte. Il ne cherche pas à gravir l’Himalaya en trois secondes, ni à devenir quelqu'un d'autre. Il n'est pas question de devenir résigné ou impuissant, mais d'accepter ses limites et qu'en tant qu'être humain, connaître joies et souffrances est indéracinable. C : Croire aux miracles et à la magie, est-ce une partie de la solution ? MN : Je ne crois pas. Certes, vous pouvez avoir la foi, l'optimisme. Mais ce qui est très important, c'est de ne pas refuser la désespérance. Rien ne peut exister sans son contraire. Les roses ont des épines. Il y a le jour et la nuit. Je crois que dans les vies humaines, il n'y pas de bonheur, il y a des joies et des souffrances. Les décès et les révolutions font partie de la vie. Sans croire aux miracles, mais en croyant que nos petits pas d'adultes ont beaucoup de force et d'impact, on peut changer les choses.

« Personnellement, j'ai vécu des miracles : ils sont vivants. Y croire, c'est déjà leur donner leur pouvoir ! Et cela n'est que la partie visible de l'iceberg... » Kaléï


interview

Myriam

une sœur de cœur

Sœur Myriam Bécourt a été aumônier au centre pénitentiaire pendant douze ans. Elle a quitté ses fonctions. Elle revient sur son engagement, qui a éclairé des femmes détenues autant qu'il l'a enrichie. Par Sisi

Citad'elles : Pourquoi avoir choisi d’être sœur ? Sœur Myriam : Depuis l’âge de 6 ans, je désirais devenir religieuse. Ma tante était religieuse missionnaire en Inde et cela me faisait rêver. Les lettres qu’elle m’écrivait révélaient une vie riche, pas ordinaire et remplie de joie. Elle me disait que Dieu avait tracé pour elle ce chemin de vie et qu’elle était heureuse. Cependant, je ne comprenais pas pourquoi il lui fallait rester sans mari et sans enfant. Et puis, j’ai grandi, j’ai eu des amis, j’ai acquis des connaissances, et je n’y ai plus pensé ! Ce désir est revenu plus tard lorsque j’ai eu 18 ans. C’était comme un appel intérieur qui revenait sans cesse. C : Pourquoi avoir eu envie de travailler en prison ? Sœur Myriam : C’est une mission qui m’a été donnée et confiée par Mgr d’Ornellas, archevêque de Rennes. J’ai été envoyée au nom même de l’Evangile (« J’étais en prison et vous êtes venus jusqu’à moi » Evangile de St Matthieu chapitre 25, verset 36). Je l’ai vécu aussi comme un service, habitée par le désir de rencontrer les femmes sans jugement, sans aucune intention de « convertir ». C’est une mission portée en équipe.

C : Combien d’années êtes-vous restée ici au CPF ? Sœur Myriam : Je suis venue au CPF pendant 12 ans : c’est la limite imposée par l’aumônerie catholique nationale des prisons. Car je devais répondre de ma mission à la fois devant l’administration pénitentiaire et devant l’évêque. Être aumônier est un service pour

lequel on n’est pas rémunéré. Avant d’entrer la première fois en prison, je me demandais comment les femmes détenues faisaient pour tenir aussi longtemps, quel était leur ressort de vie, qu’est-ce qui leur permettait d’ être des femmes tout simplement ? Est ce qu’il y avait des rires, des chants, du plaisir en prison ? Après avoir franchi les grilles,

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interview

Par Sisi « Sœur Myriam est venue me voir la première fois dans ma cellule à la maison d’arrêt. Comme je suis sourde, on a communiqué par écrit. Elle m’a invitée à assister à la messe du dimanche. Pour que je puisse suivre, elle s’est installée à côté de moi avec un livre pendant que le prêtre faisait la messe. Sœur Myriam est une personne souriante, sympathique. A chaque nouvelle venue, elle offre une Bible. On a pris l’habitude d’échanger, même si elle ne connait pas la langue des signes. Un jour elle a appelé mon ami Xavier Loppinet, un religieux pour les sourds de France. Il est venu faire une intervention et signer devant les filles et sœur Myriam a trouvé que c’était formidable ! Chaque jeudi à 16h15, un groupe de paroles se rassemble à la chapelle. On échange sur nos familles, le parloir, ce qu’on a fait dans la semaine, on discute. Tous les samedis, à 9h30, on fait le ménage dans la chapelle et on s’occupe aussi du jardin. À Noël, on prépare toutes les décorations, on découpe du papier, du tissu. On fait le calendrier de l’Avent et 200 enveloppes pour offrir les cadeaux de Noël. C’est sœur Myriam qui organisait tout ça, parfois avec sœur Marie-Odile. Soeur Myriam a du cœur. Elle est précise, organisée, courageuse, super. Elle était toujours là. Elle n’a pas de défaut. Voilà. Je suis triste qu’elle parte. Peut-être qu’un jour, on se reverra… Peut-être avec des amies de la prison, quand on sera libres, on ira la voir ».

des personnes sont venues me dire bonjour et m’embrasser alors qu’elles ne me connaissaient pas. J’ai rencontré des femmes, j’ai croisé des regards, j’ai entendu des paroles de souffrance. J’ai été bouleversée. Il y avait la vie de l’intérieur ! C : Qu’aviez-vous fait avant ? Sœur Myriam : Lorsque j’avais 20 ans, j’ai été enseignante dans une classe de CP dans le Nord de la France. Puis je suis partie à Montpellier, dans la congrégation du Sacré Cœur de Marie. J’ai ensuite suivi des études bibliques et théologiques, et en même temps des études de psychopathologie pour devenir psychologue. Vivant en communauté à Rennes, j’ai été envoyée pour être aumônier en hôpital psychiatrique auprès d’enfants autistes et psychotiques. Ensuite, j’ai été appelée à d’autres responsabilités en catéchèse et au catéchuménat des adultes. C : Comment considériez-vous votre mission ici? Sœur Myriam : Quatre mots résument la mission des aumôniers : rencontrer, accompagner, réfléchir et célébrer. Ma mission a pris la forme d’un cheminement avec la personne détenue pour la soutenir dans cette dure épreuve, pour l’écouter, pour l’accueillir telle qu’elle est avec ses forces et ses faiblesses, pour découvrir avec elle et en elle ce qu’il y a de grand

et de beau, pour lui permettre de trouver un sens et du sens à sa vie, pour témoigner que la vie est plus forte que toutes formes de mort, pour l’aider à se remettre debout et à retrouver sa dignité de femme. Ma foi m’invitait aussi à reconnaître en toute personne rencontrée sa dignité d’enfant de Dieu et à témoigner humblement de son amour et de son pardon, à prier et à célébrer avec celles qui fréquentaient l’aumônerie. Cette mission est aussi d’accueillir l’autre sans condition, de dire aux femmes qu’elles ont de l’importance et qu’elles ne sont pas oubliées des chrétiens et de la société. Car exister pour quelqu’un c’est déjà vivre debout. La mission consiste non pas à les juger (cela a déjà été fait par la justice humaine) mais à les aimer de cet amour gratuit qui vient du Christ. C : Qu’est-ce que le contact avec les personnes détenues vous a apporté ? Sœur Myriam : J’ai beaucoup reçu, tant sur le plan humain que spirituel ! J’ai appris la patience, celle qui permet de voir les petits pas, de croire en l’autre, en ses capacités à rebondir et à espérer que du nouveau est possible. J’ai été remuée au plus profond par leur détresse, leur souffrance, leur courage qu’elles vont puiser au fond d’elles-mêmes. J’ai appris à me laisser accueillir par elles. J’ai été touchée par leur délicatesse,

A partir du XIVe siècle en Espagne, la royauté autorise l'exploitaion et l'élévage intensif des moutons, notamment le Mérinos ce qui a entraîné un changement radical des terres traversées, une désertification des sols et un changement climatique.

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« J’ai beaucoup reçu, tant sur le plan humain que spirituel. »

par leurs gestes d’amitié, leur reconnaissance. J’ai découvert ce que le mot fraternité voulait dire et au fil des années, ces femmes sont devenues des sœurs, mes sœurs. Je n’ai jamais eu peur d’être avec elles. Je leur faisais confiance. Comme les autres aumôniers, j’ai rencontré les personnes détenues en cellule, dans leur lieu de vie, leur intimité. Il faut du temps et de la délicatesse pour faire connaissance, pour que la relation se tisse, pour parler en vérité. Nous évoquions ce qui fait leur quotidien, la difficulté de vivre loin de la famille, des enfants, des relations conflictuelles. La Bible, la prière, le pardon, le mal, la souffrance sont autant de questions a b o rd é e s e t e n s e m b l e n o u s cherchions des réponses. Certaines me demandaient de prier avec elles, de parler à Dieu en leur nom en attendant qu’elles puissent le faire elles-mêmes. J’ai reçu également des femmes au bureau de l’aumônerie, je pouvais leur offrir un petit café. Nous pouvions aussi aller prier,

mettre une bougie, lire un passage de la Bible dans la chapelle. Avec les femmes étrangères, j’essayais de parler en anglais. Pour d’autres, je faisais un dessin genre bande dessinée. Les femmes étaient reconnaissantes de la visite même si parfois nous ne parlions pas beaucoup. C : Qu’allez-vous faire maintenant ? Sœur Myriam : Je retourne vivre avec Sœur Marguerite-Marie en communauté dans le Nord. C’est une décision qui a été mûrie avec notre supérieure. Dans la vie religieuse, il n’y a pas de retraite comme dans la vie professionnelle. C’est une vie donnée au service des autres pour toute la vie. J’ai beaucoup de projets ! M’investir au niveau de la paroisse, étudier et partager la parole de Dieu, composer des bouquets pour fleurir l’église. J’aimerais beaucoup retourner en prison (soit à Lille, Douai ou Valenciennes) mais cette fois comme visiteuse. J’aimerais

écrire et raconter des histoires pour enfants. Enfin j’aimerais beaucoup être auprès des migrants pour leur apprendre le français. Et si j’ai du temps libre, j’aimerais me remettre à peindre des aquarelles ! Je veux dire aux femmes du CPF : merci parce que grâce à vous, je me suis enrichie d’un « plus » de vie ! Gardez confiance, demain sera un jour nouveau !

La transhumance de millions de moutons, deux fois par an, chaque année,s'est exercée pendant six siècles. Là où les troupeaux passent, l'herbe ne repousse pas. L'autorisation royal est abolie en 1836. Mais il est trop tard. Les millions de moutons ont causé des dégâts quasiment irrémédiables à la couverture végétale.

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vécu

Retour sur expérience

« Je quitte Citad’elles. J’ai adoré ce que j’y ai fait ! » Par Sisi « À mon arrivée à la maison d’arrêt de Rennes, j’ai lu un numéro de Citad’elles. J’ai demandé à Mme Botrel, la médiatrice culturelle, d’être rédactrice, mais sa réponse m’a déçue : « Impossible, car c’est réservé aux filles qui sont aux CD ». Dès mon passage au CD, j’ai rejoint l’équipe qui en était au numéro 7. J’avais envie de partager des idées et des expériences, de faire découvrir des thèmes. J’étais très motivée, à 100% dopée ! Parce qu’il y avait aussi

l’atelier dessin, j’adore. Et l’atelier cuisine, pour préparer les pages « recettes » où j’ai cuisiné auprès de supers Chefs, Norbert de M6, Julien Lemarié, Numa et son triporteur, François le pizzaiolo… et tous les autres. J’adore cuisiner et c’est aussi l’occasion de découvrir d’autres plats, de manger autre chose que d’habitude. Je n’aurais pas préparé ce type de plats autrement. J’ai écrit sur la santé, la surdité, la culture… Les articles les plus

difficiles à faire ? Ceux sur la santé (thyroïde, diabète), à cause du vocabulaire. Mais je trouvais ça important d’informer les autres filles. Le plus facile ? Le sujet sur la surdité, j’évoquais mon handicap Je suis très fière de ces articles, je les ai montrés à mes quatre fils. Citad’elles stimule les idées, oblige à réfléchir, à se poser des questions, à faire des recherches. Les ateliers de dessin, c’est mieux que ce que je savais faire. Alain et Agathe , les animateurs, nous ont appris plein

Château Mouton Rothschild : 84 hectares de vignes au Nord-Ouest de Bordeaux et un Premier Cru Classé connu dans le monde entier.

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de techniques (découpage, dessin, décalco). Quand on dessine, on oublie ses problèmes. J’aime bien le groupe parce qu’on s’entraide, on se corrige, on veut que le résultat soit beau. Ensemble, on a interviewé la ministre Mme Belloubet, l ’ a n i m a t r i c e M a r i n a C a r rè re d’Encausse, la journaliste Nathalie Renou, le directeur du CPF Mr Bidet. Dans les interviews et les ateliers, mon interprète Béatrice m’accompagne, parce que personne d’autre ne connaît la langue des signes et que j’ai du mal à lire sur les lèvres. C’est rassurant de savoir que Béatrice est à mes côtés. Je ne serai plus là au numéro 20 parce que je serai sortie. Je ne viendrai plus jamais à la prison. Merci à toute l’équipe de m’avoir accueillie et aidée. Vous les filles, vous devez continuer ! Moi, je vous lirai sur Internet. Je suis contente pour vous, vous serez libres bientôt !

Une belle aventure ! Par Béatrice Comme un métronome, Citad’elles a rythmé mes vendredis après-midi durant quelques années. J’interviens comme interprète auprès de Sisi, rédactrice sourde. Il y a eu un début, au numéro 7. Guidées par l’expertise d’Audrey pour finir les articles à temps. « On peut le faire ! ». Le regard et les conseils d’écriture de Colette pour être compris de tous. Les séances, avec les « blagounettes » d’Alain que je traduisais et qui faisaient rire toute le monde, surtout Ata. L’atelier de dessin d’Agathe qui nous fait croire que tout le monde a des compétences artistiques. Le maquettage de Delphine pour que le tout fasse magazine… et vous les filles : vos tripes. Aujourd’hui, c’est le bouclage du numéro 19, notre dernière participation… Continuez cette belle aventure. Un grand Merci à ce beau collectif.

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poésie

MENU

Comment exister

Savez-vous ce dont j’ai besoin pour préparer un bon repas ?

J’aurais voulu être quelqu’un d’autre, un savant, un roi, un apôtre, au lieu d’être cette femme futile

Par Elene

Voici les ingrédients : - Peu de dinde et de friandises. - Une bonne mesure de simplicité et beaucoup de compréhension. - Quelques grammes de honte pour notre silence devant tant d’injustices. - Une pincée de regrets pour le courage et l’audace que nous n’avons pas eus. - J’assaisonne de bonne volonté. - J’enlève les morceaux d’égoïsme et de prétention. - Il reste alors une femme petite et faible. J’essaie de trouver quelques brins de foi. Dans un emballage neuf ou ancien j’ajoute les fleurs de l’amitié et je laisse reposer le tout. Ce ne sera pas facile et pourra prendre quelques temps, mais je pourrai le partager avec ceux et celles qui ont vraiment gout et consistance. Et si quelqu’un me demande de qui je tiens cette recette je lui réponds tout simplement de Jésus-Christ.

Par Elene

Maniant dans tous ces textes le mot « inutile ». J’aurais voulu être un crayon, même recyclée… une feuille de brouillon. Avoir aussi des consonnes et des voyelles pour la muse de mes modestes ritournelles. J’aurais voulu être une émotion pour transmettre mes états d’âmes avec conviction. Trouver dans ma foi la force et la joie, ces idéaux essentiels lorsque l’on guerroie. J’aurais voulu être la terre pour conserver l’eau dans les zones austères, ou l’air pour gonfler D’amour les cœurs, ou encore le feu pour préserver l’ardeur. J’aurais voulu être n’importe quoi, ce que l’on voudra, mais pas moi ! Comment exister assez pour te couvrir de ma douceur ? J’ai tellement besoin d’être près de ton cœur !

Un message si doux Par Elene

Un bisou, c’est une petite aspiration des lèvres sur chaque parcelle de ta peau de velours. Une magie digne d’un orfèvre qui s’offre sans compter tous les jours. Ce baiser est là pour te Rappeler que je t’aime, que je t’aime bien, que je pourrais t’aimer. Le plus grand dilemme est de savoir combien il doit durer. Ne retient jamais un bisou souhaitant s’exprimer qu’il soit sur la bouche, sur la joue ou dans le cou. Ne refuse un baiser mérité, car il ne coûte rien et offre beaucoup. Un baiser pour un adulte, un enfant, une prière. C’est la paix, un don du cœur, un message pour la terre entière qui propage la paix, l’amour et le bonheur. Dans ce monde ou nous manquons de bisous, présentons notre joue à notre voisin Et, si c’est un peu trop pour vous, alors tendezlui avec un sourire votre main. Et si vous avez des problèmes d'insomnie : comptez les moutons !

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é t i c i l b u P ! b e w e l est sur

Vous y retrouverez gratuitement TOUS LES NUMÉROS PUBLIÉS depuis 7 ans en version numérique Feuilles Libres, la mini-série documentaire de Pierre-François Lebrun consacrée AU MAGAZINE EN INTEGRALITÉ LES LIENS VERS LES PARTENAIRES qui soutiennent activement le projet

PRATIQUE !

LA BASE DE DONNÉES remise à jour régulièrement.

Les structures venant en aide au détenu(e) et à leurs proches sont regroupées par thématique.

une seule adresse : citadelles.org CITAD’ELLES N°18 - 51


citadelles.org


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