N#8 VOS PAPIERS, SVP !
T I U T A GR
SORJ CHALANDON # BENJAMIN KELTZ # MICHEL CLOUP # ÉRIC QUEMENER # MARC CLERIVET
«SI,
EDITO
cependant, il y a une identité collective, ce ne peut être que celle du partage et donc de la production d’un sens collectif, mais d’un partage mouvant, aux frontières floues, d’un partage dans lequel interviennent des influences multiples. C’est une illusion de croire que notre identité repose sur une entité unique, homogène, une essence qui constituerait notre substrat d’être. C’est une illusion au nom de laquelle, malheureusement, bien des exactions sont commises. »
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Le retour des barbes à papa D’abord, un coup de rasoir, puis Jean Bernard passe une crème suivie d’une serviette chaude et c’est l’arrivée du coupe-chou pour bien délimiter la barbe. De la crème, encore, la serviette chaude, toujours. Une mousse à raser et c’est l’heure des finitions et des questions au ''Barber shop'' de la rue Vasselot. Est-ce une cage à Hipster ? Un salon de beauté pour Mister ? Rencontre avec le patron de ce business qui cartonne... Par Cyril
À la lecture de ces quelques lignes écrites par le professeur en science du langage à Paris XIII Patrick Charandeau et par ces temps de conflits identitaires, la rédaction de l’Hypocrite s’est interrogée sur le concept d’identité culturelle. Hasard ou Coïncidence, au théâtre de l’Aire Libre se jouait ‘’Mon traître’’, adaptation du livre de Sorj Chalandon que nous avons rencontré pour ce numéro et avec qui nous avons échangé sur la culture irlandaise et le conflit qui ronge ce pays depuis les années 60. Toujours synchrones, nous avons interviewé le journaliste Benjamin Keltz pour la sortie de son ‘’manuel officieux du palet’’ et avons échangé sur les emblèmes de la culture bretonne et du pays gallo. La rédaction a aussi rencontré des anonymes œuvrant à l’existence de mouvements culturels qui intriguent, inquiète où font sourire… Loin des clichés qui les cloisonnent, nous avons voulu comprendre ce qui les rend si singuliers, la manière dont ils perçoivent le monde, le regard des autres. Ce qui nous a aussi amenés à interroger les identités culturelles qui fondent le collectif Entrée Libre. Mais cela on vous en reparlera en juin… Finalement, peut-être que nous ne sommes tous que des poupées russes, nous empilant dans un même corps avec un potentiel infini. Des matriochkas, uniques, multiples et identiques à la fois. L’équipe
« De plus en plus d’hommes portent la barbe, parce que c’est vrai qu’au travail, c’est mieux perçu.»
Hypocrite : Quels styles d’hommes viennent chez vous ? Jean Bernard : Tous les styles. Ca va du hipster au cadre qui vient se détendre avant un gros rendez-vous. J’ai quelques joueurs du stade rennais qui viennent aussi. Des plombiers, des électriciens, des retraités, des jeunes, même des imberbes qui viennent pour leurs cheveux. H : Depuis combien de temps est ouvert votre salon ? JB : Depuis deux ans maintenant. Il y a une partie salon de coiffure et barbier, puis une partie esthétique, épilation, soin du visage... H : D’ou vous est venu l’idée d’ouvrir un ''Barber Shop'' sur Rennes, sachant qu’à Paris il en a toujours existé ? JB : Ça, c’est une idée reçue, il n’en restait que deux sur Paris. Sur Rennes il n’y avait pas de demande. Une fois que le créneau a redémarré, je me suis dit qu’il fallait le prendre. H : C’est le retour à la mode de la barbe qui vous a poussé à créer ce salon / institut pour homme ? JB : Effectivement l’effet de mode « hipster » m’a bien arrangé, mais je pense que même sans, j’aurais ouvert le salon de coiffure et l’institut. J’y pensais déjà il y a dix ans. J’avais envie d’ouvrir un endroit masculin, mais on ne parlait pas de barbe. On parlait de coiffure et d’esthétique. Pour ouvrir, c’était encore un peu trop tôt. Et puis j’ai vendu mon salon qui était dans une galerie, j’en avais marre, je voulais autre chose. J’avais un salon mixte ou j’ai coiffé beaucoup de femmes.
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Il faut savoir que dans un salon mixte, le pourcentage d’hommes ne doit pas dépasser 15%. Alors je me suis dit, mais où vont tous les autres ? En fin de compte, ils se coupent souvent les cheveux et la barbe seuls chez eux. Alors le fait d’ouvrir un salon de coiffure et un institut pour homme, c’était quand même un pari fou. Mais je m’aperçois que les hommes ouvrent facilement la porte et sont supers contents du cadre qu’on leur a réservé. Il n’y a pas que les femmes qui ont droit à des jolies choses. H : Justement, la plupart de vos clients viennent d’eux-mêmes ou c’est une demande de leurs copines ? JB : Il y a toujours des curieux, mais c’est vrai que les femmes m’ont beaucoup aidé à développer mon commerce. On fait des cartes cadeaux et elles sont venues pour leurs hommes. Elles disent ‘'je t’offre ça , prends soin de toi'' . Ils y prennent goût et reviennent seuls. De plus en plus d’hommes portent la barbe, parce que c’est vrai qu’au travail, c’est mieux perçu. H : Il existe des formations de barbier ? JB : Oui, il y a de nouveau des formations. Elles sont assez courtes. Mais pour être barbier, il faut être coiffeur. C’est indispensable pour pouvoir comprendre les volumes, les formes du visage... Sur une grosse barbe, c’est le même principe qu’une coupe. H : En 2016, c’est quoi la barbe branchée ? JB : En ce moment, c’est plutôt la barbe qui n’est pas dénaturée, on va respecter l’implantation sur la joue, pas trop
stylisée, avec juste un bon entretien… Il y a certains hommes qui rêvent de la grosse barbe, mais professionnellement, je ne peux pas tout faire. Quelques-uns ont des moustaches bien étudiées, pour le reste, ça reste classique. H : Comment fait-on pour avoir une belle barbe ? JB : Il faut l’hydrater, tout comme sa peau, c’est pour ça que l’institut est important. Il faut l’entretenir, la brosser... H : Il y en a qui veulent se démarquer avec un style plus rétro ? JB : Il y en a qui veulent que leur moustache soit plus remontée sur les bouts par exemple. Mais on essaie de rester cohérent, tout le monde ne peut se permettre des trucs dingues.
INFOS JB’s ‘’Barber Shop’’ 12 Rue Vasselot 02 99 32 11 27
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Transformisme sauce Wasabi À l’aube d’une foire internationale consacrée cette année au Japon, nous avons rencontré des amoureux du pays du soleil levant. Fan de mangas et d’héroic fantasy, les cosplayers s’affrontent lors de compet’ où costumes ‘’faits maison’’ et interprétations théâtrales se complètent pour séduire un jury d’experts. À la sortie de l’une d’elles, nous échangeons avec Jimmy, Mégane et Florian, alias Wirdem, Lilou et Achimiti. Par Cyril et Christophe
Hypocrite : Comment avez-vous découvert le Cosplay ? Wirdem : Cela fait un an et demi que je fais du cosplay et beaucoup plus d’années que je m’intéresse à la culture du Japon et de l’Asie ». Lilou : C’est mon copain Jimmy qui m’a conduit à m’y intéresser . Achimiti : Cela fait également un an et demi que je fais du cosplay, j’ai été bercé par cette culture depuis tout petit notamment avec DragonballZ.
la musique pour d’autres. Je crois que le temps que l’on y passe nous fait d’autant plus rentrer dans la peau de notre personnage. Je le découvre autrement, le fais découvrir autrement, notamment un personnage comme ''Freezer''. J’ai fait beaucoup de recherches, car on le voit très peu de dos et pour réaliser son armure c’était primordial afin d’être le plus réaliste possible. En faisant ces recherches, on en apprend plus sur le personnage.
H : Combien de temps as-tu mis pour ce costume ? Achimiti : Celui là ce n’est pas moi qui l’ai fait, mais j’ai fait une armure d’IKI, le chevalier du phénix de la série ''Les chevaliers du zodiaque seinseya''. Ça m’a pris trois mois. J’en ai fait un autre récemment de ''shiriou'' Chevalier du dragon de senseya qui m’a pris cinq mois.
H : Recevez-vous des critiques d’autres fans pointilleux lorsque vous incarnez ces personnages de mangas célèbres ?
H : Donc ça représente un gros investissement ? Achimiti : En temps et en argent, car a coté, il y a le boulot et les études ... Wirdem : Moi pour la réalisation de mon costume de ''Freezer'', j’en suis a cent cinquante euros... H : Qu’est-ce qui vous a fait vraiment fait plonger dans cet univers ? Wirdem : À la base, c’était plutôt les contes et légendes , puis à force de remonter dans le temps je me suis intéressé à ce qui existe maintenant. Achimiti : J’ai découvert le cosplay en allant à la ''Japan Expo'' avec des amis il y a huit ans. H : Préparer un concours de Cosplay, ça vous prend beaucoup de temps ? Wirdem : Ça demande plus de temps qu’on l’imagine. La préparation des costumes, les techniques de représentation... Mais à la fin, on prend tellement de plaisir à voir les sourires des gens, les étoiles dans les yeux des enfants que l’on oublie tout ça. C’est une réelle passion, comme le sport pour certains ou
« Je me suis ouvert à des outils et des techniques que je ne connaissais pas et que je ne pensais pas utiliser. » Wirdem : Oui, mais on essaye d’être le plus fidèle possible, car on aime le personnage que l’on incarne. En général, les critiques sont bonnes. Le plus drôle, c’est qu’elles viennent souvent de personnes qui ne sont pas cosplayer et plutôt sur les forums internet que sur les salons. H : Lorsque l’on commence à faire du cosplay quelles sont les premières difficultés rencontrées ? Achimiti : La couture, les techniques de bricolage, les peintures... Je me suis ouvert à des outils et des techniques que je ne connaissais pas et que je ne pensais pas utiliser. La plupart des cosplayers mettent des tutoriels en ligne, échangent sur les matériaux et les techniques, donc on s’y fait rapidement. C’est une chance ! H : Dans la vie de tous les jours comment faites-vous pour associer votre style aux exigences du travail ?
Wirdem : Pour ma part, je fais des efforts. Mais ma patronne est assez cool donc ça va. Au départ avec mes parents,c’était plus par rapport au côté financier. H : Un cosplayer ça n’écoute pas que de la k-pop, ça ne lit pas que des mangas et ça ne joue pas tout le temps à la console ? Achimiti : Nooon ! Nous sommes très ouverts. J’écoute du classique et de la variété française. H : C’est quoi exactement un Otaku ? Wirdem : Pour moi, un Otaku, c’est quelqu’un qui s’intéresse à la culture populaire du Japon, plus particulièrement ce qui tourne autour de l’animation, du manga, des auteurs, la j-pop, la k-pop... Ce sont des personnes qui adorent ces univers, qui y passent énormément de temps, notamment sur les jeux vidéos. H : Vous sentez-vous réellement appartenir au mouvement Otaku ? Wirdem : Je ne sais pas, car pour moi les mouvements se croisent, se confrontent, se mélangent. Il n’y a plus vraiment de style. En disant ça, je vais me faire ''tuer'' par certains qui sont à fond. Mais moi ce qui me plait, c’est le mélange des styles. Je m’habille d’un style gothique, mais je n’en suis pas un. Je ne suis pas un geek non plus. Certains mouvements deviennent ''cool'' à un moment donné, du coup certains s’en revendiquent. Mais je ne suis pas sûr que l’on choisisse un style pour faire partie de tel ou tel mouvement, c’est plus en rapport avec sa personnalité.
INFOS Foire internationale de Rennes Parc Expo St Jacques de La Landes du 19 au 28 mars 2016
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Yes future !
Février 2016. Le punk n’est pas mort, il vit encore. Pour s’en persuader, nous avons pris rendez-vous avec Vincent, dans les locaux du label Mass prod’ au Jardin Moderne, fin connaisseur du mouvement, à l’aise dans ses rangers... Par Aurélien Hypocrite : Quand a commencé le mouvement punk en France ? Vincent : Aux USA, on peut situer ça aux environs de 1970-72, en Angleterre en 1975, même si la popularisation c’est 76 avec les scandales provoqués entre autres par les Sex Pistols. C’est souvent en rapport avec des événements politiques. En France, le punk existe depuis 1976, mais la grosse explosion populaire est aux alentours de 1985 avec les Béruriers Noirs qui ont rendu le mouvement très populaire, notamment lors des manifestations contre la loi Devaquet. Il y a eu un gros mouvement alternatif. Des groupes comme Téléphone étaient punk rock à leurs débuts. D’autres ont fait un métissage musical comme la Mano Negra. H : La contestation de l’ordre établi, c’est-ce qui a poussé à la création du mouvement punk ? V : Exactement. C’est une protestation. Dans le cas de l’Angleterre, il y a tout un attirail pour se moquer de la Reine, comme avec les Sex Pistols en 76 qui critiquaient le décalage entre la richesse de la royauté et la pauvreté du peuple. Il y a eu les contestations des années Tatcher, la guerre des Malouines en 82, d’où une seconde explosion du mouvement. Il y a les émeutes entre communautés, notamment à Brixton, Londres (cf Guns of brixton des Clash), des grèves de mineurs où des groupes se sont engagés dans des syndicats pour représenter ce problème. H : Quelle est la langue du punk ? V : Le mouvement punk est surtout un mouvement idéologique, qui évolue suivant chaque pays. Des pays d’Asie du Sud-est comme l’Indonésie ont un mouvement punk très développé malgré le fait que le pays soit musulman. Le Japon a aussi son mouvement punk depuis 30 alors qu’en Chine il n’existe que depuis 10 ans au grand jour après une longue existence souterraine. Le langage punk comme les idées punk dépendent donc beaucoup du pays. À la base, le mouvement punk est une rébellion contre l’ordre établi, la religion, les inégalités sociales.
H : Comment ont réagi tes parents quand ils ont compris que tu devenais punk ? V : Ça doit être très dur de voir son enfant mal tourner !!! Maintenant mes parents sont heureux, car je suis posé, mais à mon adolescence, ça devait être dur. H : Quels types de vêtements portent les punk ? V : Ce sont surtout des t-shirts, des pantalons miliaires avec des poches sur les cuisses et des rangers (certains trouvent les Doc Martins trop fragiles). Certains punks portent aussi beaucoup de tatouages. Pour beaucoup de punks, un signe évident c’est la coiffure colorée avec la crête, les piercings, les vêtements à clous et les peintures sur le cuir et des chaines. Certains portent des ceintures faites de cartouches de mitrailleuses, ce qui est très lourd à porter... H : Quel est le slogan punk que tu préfères ? V : Il y a des tas et des tas de slogans et en retenir un, c’est chaud. S’il fallait en choisir un, ce serait « Yes future », retenu par Mass Prod. Ce qui est égal à « punk not dead » H : Est-ce que le mouvement punk a donné naissance à un autre mouvement ? V : Il y a toujours eu des ramifications comme pour les rockeurs. Les premiers morceaux de Motorhead sont sortis sur le label punk qui s’appelle ''Kiswik'', ce qui montre les ramifications. Le mouvement punk a suivi les skateurs qui écoutaient du punk rock assez mélodique. Il y a aussi le mouvement ska-punk suivi par les Clash.
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Coup de kick à Médréac Fiction Par Hélène en journaliste d’investigation
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ans le village de médréac circule une rumeur. Un club de bikeuses aurait posé son QG du côté des menhirs. Je suis allée faire un repérage avec Alexandre du journal l’Hypocrite. Des traces de grosses cylindrées laissent à penser que ça bouge la nuit. Nous avons interrogé quelques villageois ciblés : garagiste, buraliste, producteur de chanvre et pour l’instant difficile d’établir le contact. Nous avons commencé la récolte d’informations pour établir la carte d’identité du club des Bikeuses de Médréac. Nom : The Ailes Dindes VIP Date de création : Janvier 2012 Musique : Rock, métal , Motorhead Film : Vol au-dessus d’un nid de coucou Marque de moto : Customs MZ Look : jean usé et cuir Casque : Bol Devises : Le goudron et la plume / La bielle et la bête
Équipée d’un casque bol, de lunettes type grosse soudure, j’enfile mon perfecto en cuir, l’écusson sur le sein gauche, le blason dans le dos, j’enfourche ma MZ. Je fais péter les gaz histoire de ne pas passer inaperçue dans le bled. Comme chacun le sait, dans les bleds comme Médréac ça jase ! Tout se propage comme une trainée de poudre et là pour le coup la trainée c’est moi. Mon téléphone sonne. Je suis à la fois très exciting et totale flippée. La poudre se répand trop vite, ça risque de péter. Je réponds et tombe sur bloody mare, comprendre mare sanglante, cauchemar sanglant. Je n’ai pas le temps d’en placer une, elle parle fort avec un accent franco-breton. « Garde tes distances, range ta bécane et attend que je te sonne pour réapparaitre » Le message me parait clair, je suis démasquée, mais l’affaire n’est pas enterrée. Affaire à suivre…
H : Tu te sens appartenir au mouvement punk ? V : Je suis rentré dedans à l’âge de 12 ans, plutôt dans le punk anglais. Pour quelles raisons, je ne sais pas. J’ai toujours été attiré par des idées de société comme la solidarité. Mais bon, je considère que je n’appartiens pas à ce mouvement, je participe à ce mouvement vu que mon travail en fait partie. Il y a des jours où je le fais pour mon travail, d’autres où je le fais en bénévole dans plusieurs associations qui défendent des valeurs musicales, punk et autres... H : Tu te sens proche d’autres mouvements ? V : Je ne suis pas proches d’autres mouvements, mais d’associations, de type reggae, ska, afro world… Mass Prod, c’ est surtout punk et ska !
INFOS www.massprod.com
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Festival punk ‘’Breizh Disorder’’ Samedi 28 Mai au Jardin Moderne.
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Full métal quintet C’est sous un crachin rennais que nous donnons rendez-vous à Pierre, guitariste du groupe ‘’Sideburn’’ pour un entretien dans les loges du Mondo Bizarro, le mythique café-concert où son groupe de Trash métal moderne va se produire le soir même. Après l’avoir aidé à ranger les bières et la salade de pâtes au frigo, nous discutons métal, filles et régime Vegan. Par Jérémie
Hypocrite : D’où venez-vous et que faitesvous ? Pierre : Le groupe à un peu plus de 3 ans. On vient d’un peu partout en Ille-et-Vilaine. Moi je suis étudiant en musicologie à Rennes. Le chanteur est fonctionnaire à Vitré en métallerie/serrurerie, le batteur est pizzaiolo dans la cafeteria d’un supermarché. Le deuxième guitariste est maraicher, et puis manu est électricien, souvent en intérim. H : À Rennes, comment vivent les différents mouvements issus du ‘’Métal’’ ? P : En terme de groupes et d’assos, il y a pas mal de monde. Surtout depuis deux ans, j’ai l’impression qu’il y a une sorte de regain d’intérêt, beaucoup d’événements... Plus dans certaines branches que d’autres. Les fans de Blacks Métal ne sont pas satisfaits de la scène rennaise parce qu’il n’y a rien. Il y a plus des groupes liés au hardcore.
H : Et dans le métal, beaucoup de gens ont une culture classique ? P : Je ne sais pas, par contre il y vraiment une culture de la dextérité et de la virtuosité. Pour un guitariste, un bassiste ou un batteur, il y a l’objectif d’être une « bête ». Il y a un côté performance. Avec ‘’Sideburn’’, nous ne sommes pas dans ce délire-là : deux notes et ça tabassent. Je me considère d’ailleurs sans doute plus comme un punk. Si ça passe c’est bien, s’il n’y a que deux notes je m’en fous… H : Métal, rap, punk, les cultures qui se mélangent, c’est une évidence selon toi ? P : Il y a toujours des passerelles. Il y a des musiciens de métal qui sont des gros fans de comics et ça se ressent dans leur musique, leur visuel, leurs textes. ‘’Sideburn’’ avait fait un morceau avec un sample de ‘’Mortal Kombat’’ dedans. On aime les univers de jeux vidéo. Il y a d’ailleurs un mouvement qui s’appelle le ‘’Nintendocore’’, mélange de son 8 bit électronique avec du métal. Il n’y a rien d’impossible en terme de mix.
« Pas mal de batteurs de métal ont aussi une formation jazz.»
H : ‘’Ils ont les cheveux longs et hurlent Satan à la mort tous les soirs’’, bref, que penses-tu des clichés sur les ‘’métalleux’’ ?
P : C’est vrai qu’il existe des clichés sur les métalleux et ce n’est pas forcement péjoratif. Les rangers, la chevelure... ce sont des looks que l’on croise souvent, mais au final sur un festival comme le ‘’Hellfest’’, ça ne représente même pas la moitié du public. Il y a plein de gens qui font du métal, écoute du métal et qui ne sont pas dans ce cliché-là. La question c’est : est-ce que l’on appelle métalleux tous les gens qui écoutent du métal ? Je me suis toujours demandé si j’étais un métalleux parce que je ne m’identifie pas aux gens que je croise sur les concerts, même s’ils sont souvent très sympathiques.
H : Pourrais-tu qualifier la philosophie du mouvement métal ? P : Ce que j’aime vraiment dans la communauté ‘’métalleuse’’, c’est qu’il n’y a aucune timidité. Il n’y a pas de problèmes d’adresse à l’autre. Pouvoir parler de tout avec tous, même ceux que l’on ne connaît pas. H : C’est vrai que vous avez la réputation d’être un public sympa… P : J’ai souvent entendu ça, notamment avec des intermittents qui préféraient bosser avec des groupes de métalleux plutôt que dans des soirées électro… Après, étant dans le milieu
métal je ne peux pas me permettre de juger. Les embrouilles, ça arrive partout. Et les filles dans le milieu du métal ? P : Un groupe avec une fille qui joue de la guitare, tout le monde se dit ‘’ tiens c’est un groupe avec une fille qui joue de la guitare’’, ça devient donc important parce qu’il y a une fille. C’est bien de mettre ça en avant, parce que c’est vrai qu’il y a de plus en plus de filles, mais ce n’est pas juste de s’intéresser à un groupe juste à cause de ça. C’est assez dégradant en fait. Comme de dire ‘’ouah, tu joues bien pour une fille…’’ H : Dans le Métal, pourquoi ce chant souvent guttural ? P : C’est une technique pas facile à choper. Nous faisons partie de la génération qui à héritée de ce type de chant, donc on ne se pose pas trop la question dans la mesure on l’on a toujours entendu ça. Ça vient peut-être du blues, des mecs qui chantaient à se péter la voix sur scène, qui sortait leurs tripes. En revanche, il n’y a pas de mélodie, c’est surtout rythmique. H : À tes yeux, l’identité culturelle est-elle plus importante que l’identité nationale ? P : Je n’aime pas parler de choses qui ont trait à la politique ou au gouvernement. Ce sont des débats qui m’horripilent depuis quelques années, ce truc ‘’made in France’’. J’avoue que j’ai tendance à tout penser par rapport à ce que je connais. Je connais Rennes, mes amis, ma famille… Le reste, l’identité nationale, je m’en contrefous. Pour ce qui est de l’identité culturelle, je me dis que j’ai des valeurs et je ne sais pas si elles font partie de la scène métal en général, mais j’aime les retrouver chez les gens. Le respect, par exemple. Je préfère penser les relations sociales en terme de valeurs plutôt que de les coller à une identité.
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Un romantisme 2.0 Dans les allées du Thabor, nous avons rencontré une étrange créature. Chaussée de New Rock compensée, pantalonnée d’un velours noir, habillée d’une chemise blanche à dentelle aux manches large et corset, c’est avec une jeune fille élégante que nous découvrons le romantisme 2.0. Au-delà des clichés qui cloisonnent entre quatre planches ces âmes fragiles, nous avons sillonné le temps d’une promenade la terre des gothiques... Par Louis Hypocrite : Tu te sens vraiment gothique? • Pas exactement, je suis un mélange de plusieurs choses, très présentes dans mon look et dans ce que j’apprécie. Mais ce mouvement me plaît. Je suis beaucoup plus à l’aise avec ces vêtements-là que dans un jean, je trouve qu’ils sont trop serrés... Après, ce qui m’intéresse, c’est aussi l’imagerie gothique plus que celle de la mode. Je trouve cela esthétiquement plus intéressant, plus beau. H : Quelle est l’histoire du mouvement ? • Dans les années 1960-1970 sont apparus les ''Tilts'' en même temps que les punks qui rejetaient la société de manières différentes. Les punks n’avaient pas d’argent et ne voulaient pas faire dans la dentelle. Qu’ils disent ce qu’ils pensent, franco, on s’en fiche. Bref, les gothiques se sont mis à l’écart, ils voulaient des choses plus raffinées. H : De quel autres mouvements te sens-tu le plus proche ? • Je me sens proche des mouvements comme le steampunk, le médiéval, le fantasy, tous ceux qu’on a tendance à croiser dans le mouvement gothique. H : Selon toi, ce mouvement a-t-il un lien avec un milieu social ou socio-professionnel ?
• Non, pas vraiment... Je connais des nanas maquilleuses qui sont gothiques. Des gens qui sont dans le cinéma, dans le marketing. Tout cela n’a rien à voir, c’est vraiment très personnel. En revanche, on a tendance à être mal accepté au niveau professionnel. H : Quels contradictions portent les gothiques ? • Les gothiques ont tous tendance à avoir une esthétique raffinée, mais ils existent des tensions : il y a ceux qui se sont renseignés, et ceux qui ont adopté le look parce que c’est ''Dark''. Il y a ceux qui s’intéressent vraiment à la culture romantique et ceux qui trouvent ça « cool » le côté sombre et dépressif. Ce que je trouve un peu idiot d’ailleurs. H : Comment vit le mouvement sur Rennes ? • Il y a un peu de tout sur Rennes, différentes branches du mouvement, tous les milieux professionnels, tous les styles, toutes les couleurs. On a tendance à s’intéresser aux jeux de rôle, aux trucs fantastiques ou médiévaux. H : Quel est le préjugé le plus grotesque que tu aies entendu ? • On m’en a sorti des ''belles'' : les gothiques sont suicidaires, dorment dans les cercueils et sacrifient des rats. C’est magnifique !
H: Combien de temps ça te prends de chercher des fringues et de t’habiller le matin ? • Pour acheter des fringues, je vais sur des sites internet, j’y reviens très régulièrement. Je trouve aussi des choses chez les antiquaires, dans les brocantes. Je fais du troc avec des amis. Pour l’habillage, ça dépend. S’il s’agit d’enfiler une robe, une chemise et un pantalon, ça me prend cinq minutes. S’il s’agit d’enfiler un truc plus compliqué, comme quatre jupons, un corset, une chemise, c’est plus de dix minutes. Souvent, c’est plus long pour la coiffure. H : Face à tes choix de vie, tes choix vestimentaires, comment ont réagi tes parents ? • Mes parents s’en fichent un peu, car mon père est un ancien loubard, et ma mère une métalleuse. Ça ne les dérange pas plus que ça. Après, il y a des parents qui ont plus de mal, car ils ont des préjugés sur l’esthétique, le mouvement. Parfois, c’est à cause de leurs enfants qui n’ont pas compris le truc. Mon père est musicien, ma mère fait de la peinture. Généralement, les artistes ont plus d’ouverture sur la question. H : Et comment perçois-tu le regard des gens
sur ton style ? • ça dépend des régions, de la société dans laquelle on vit. J’ai vécu en région parisienne. Là-bas, c’est mal vu parce que les préjugés sont extrêmement présents. À Rennes, les gens sont plus ouverts, ils ont l’habitude de voir des gens un peu originaux. Il y aura toujours des personnes qui réagissent mal parce qu’elles ne comprennent pas. Les enfants et les personnes entre trente et quarante ans, j’ai l’impression que ça ne les choque pas plus que ça.
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CULTURE
Poster Central
« Galettes saucisses, je t’aime » Aux premiers rayons de soleil, dans les ruelles de Rhoazon, on entend le bruit sourd des plombs qui tombent sur des carrés de peupliers homologués. Dans les effluves de « Robiquettes », des équipes de jeunes tour à tour reprennent la main. C’est le retour en grâce du palet, célèbré par ‘’un manuel officieux’’ édité aux éditions du coin de la rue. Avec son auteur Benjamin Keltz, nous avons questionné les emblèmes du pays Gallo, l’identité bretonne et nos vies de rennais.. Par Julien Hypocrite : Pour toi le palet et la galette saucisse, ce sont des symboles identitaires ? Benjamin Keltz : Lorsque l’on chante ‘’Galette saucisse je t’aime’’, ce n’est pas juste pour la déconne. Effectivement, il y a un second degré, mais c’est aussi dire que c’est un emblème de notre territoire. On en mange à Rennes, mais pas à Brest. C’est notre emblème à nous qui souffrons d’un complexe identitaire, parce que nous sommes considérés comme des « parisiens » par les bretons du Finistère. C’est donc une affirmation de notre appartenance à la Bretagne avec nos propres emblèmes. C’est d’ailleurs avec le palet les deux seuls emblèmes que nous arrivons à exporter de l’autre côté de la région. H : La galette est un symbole identitaire Gallo, mais les produits qui la composent sont-ils issus de la région ? BK : Il y a pas mal de camelots qui vendent de la galette saucisse et leur priorité c’est la rentabilité. La majorité de la farine de blé noir que l’on retrouve dans nos galettes provient de Chine ou de Russie. À un moment, on s’est même retrouvé avec 95 % de farine de blé noir qui venait ailleurs que de Bretagne. Aujourd’hui, c’est retombé à 80%. En gros, une galette sur cinq est faite avec du blé noir breton. Pour le Porc, c’est un peu plus compliqué. Je n’ai pas de chiffres, mais lorsque l’on voit comment les agriculteurs se mobilisent pour dénoncer la vente de porcs venus d’Espagne ou d’Italie dans les supermarchés, il y a des chances pour qu’une partie des saucisses vendues ne soit pas d’ici. Malgré tout, certains, comme au marché des Lices, achètent localement leurs viandes et leurs matières premières. H : À la terrasse des cafés, on voit de plus en plus de jeunes gens jouer au palet, comment expliquer son retour en force ? BK : On y a toujours joué dans les troquets, mais pas la génération de nos parents. Le jeu du palet a sauté une génération. Pour nos parents, l’équation c’était : jeu traditionnel égal plouc. Notre génération s’est rendu compte que le palet c’est ‘’cool’’, c’est un jeu marrant, un jeu de copains, d’apéro dès qu’il y a un bout de soleil. C’est notre pétanque à nous. Il y a aussi le fait que l’entreprise ‘’David’’ sert d’ambassadeur. On retrouve le jeu partout, donc c’est plus facile d’y jouer H : Pourquoi le besoin pour cette génération d’affirmer son identité bretonne ? BK : En Bretagne, les gens ont eu la chance de comprendre que l’identité n’est pas un repli sur soi. Je travaille pour le magazine « Breton » dont la ligne de conduite est « Est breton qui veut » et j’ai rencontré un maire
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Breton, Kofi Yamgnane qui s’est présenté à la présidence du Togo, et qui se sent Breton. Pour moi l’identité bretonne est très ouverte et accueillante, il suffit de voir le score du FN en Bretagne, c’est le plus faible de toutes les régions françaises. Je pense qu’il y a un élan de sympathie pour l’identité bretonne et les gens se retrouvent dans cette identité relativement ouverte et qui n’est pas dans un repli sur soi-même. H : Existe-t-il d’autres raisons à cet élan ? BK : Je pense qu’à l’heure de la mondialisation, de l’aseptisation, nous avons besoin de retrouver nos racines afin de savoir où l’on va
Éric Quemener à animé les ateliers de réalisation de la page Blanche lors d’un travail collectif à l’acrylique sur contreplaqué. Éric Quemener a fait les beaux-Arts de Brest, son travail est influencé par le punk/rock et l’art naïf/art brut. Ses thèmes favoris concernent l’âge d’or du rock anglais, et la remise en cause du système. Il travaille à la fois en peinture et en assemblage de métal. Éric s’occupe de la galerie Accroche-toi au pinceau où il organise des expositions et anime des ateliers de peinture. Accroche-toi au pinceau - 80 canal St Martin 35000 Rennes – 06 62 27 85 99
H : Y a-t-il une identité rennaise ? BK : Rennes est particulière, car c’est un carrefour, beaucoup de rennais ne sont pas d’ici. Moi je ne suis pas né ici, j’y suis venu pour les études comme beaucoup d’habitants de la ville. On dit souvent « Rennes, ville rock », moi je ne m‘y retrouve pas. Peut-être la génération précédente, mais je pense que c’est plus un fantasme aujourd’hui. J’ai envie d’y croire à cette ville un peu « underground », mais c’est une ville tendance bobo qui fait le marché des Lices, qui y mange des galettes saucisses, joue aux palets alors que ce sont des pratiques originellement très rurales.
« C’est notre emblème à nous qui souffrons d’un complexe identitaire, parce que nous sommes considérés comme des « parisiens » par les bretons du Finistère.» et notre génération est à l’écoute de cela. Auparavant, on parlait breton et du jour au lendemain on nous a dit qu’il fallait parler français, car parler breton c’était mal. À un moment il y a eu cette culpabilisation d’être breton, il fallait aller chercher le boulot à Paris. Aujourd’hui, nous sommes dans une région particulièrement dynamique, où l’on peut faire une carrière professionnelle, où l’on a le droit de parler breton. Quand tu es à Brest, tu es plus proche de l’Amérique que de Paris donc tu développes forcément ta propre identité. C’est pourquoi les rennais sont souvent considérés comme des banlieusards de Paris. En fait, c’est dans l’air du temps, il y a vingt ans on allait au supermarché pour acheter les produits les moins chers, désormais il y a une vraie conscience de « manger bien, acheter bien » , c’est cette conscience de savoir d’où viennent les choses et d’où nous venons. Par exemple, à l’école on enseigne l’histoire de France, mais peu de choses sur l’histoire de la Bretagne (c’est la même chose en Auvergne, en Guyane...). C’est important d’enseigner l’histoire du territoire sur lequel on vit, car la Bretagne a été indépendante pendant un bon bout de temps et ça, les enfants ne le savent même pas. H : Pour ceux qui voudraient se sentir bretons, as-tu quelques conseils ? BK : La langue n’est pas pour moi un critère impératif. Ça peut être un mix de plein de choses : habiter ici, adopter l’état d’esprit, supporter un club de football régional…
H : Existe-t-il encore en Bretagne des mouvements bretonnants virulents, un peu à l’image des nationalistes corses ? BK : Dans les partis bretons qui défendent une régionalisation ou une certaine autonomie, il y en a d’extrême gauche et d’extrême droite. Quelqu’un comme Christian Troadec, maire de Carhaix, qui est le régionaliste le plus emblématique aujourd’hui fut encarté au PS et co-créa les Vieilles Charrues. Il était membre des bonnets rouges, et se situe plus à gauche que le PS. L’identité est souvent perçue comme une question de droite dure alors que pour moi il ne faut pas leur laisser cette question-là. Certains prennent la consommation de galettes saucisses comme acte de résistance. On ne peut pas laisser utiliser politiquement ce symbole de fête de la Bretagne en parlant de « menace identitaire ». H : Finalement, c’est être ouvert que de défendre les langues régionales, la culture Bretonne ? BK : Tout à fait. Moi je le fais modestement avec le palet, la galette, car je pense que ce sont des emblèmes qu’il faut défendre, décrypter, expliquer. Si le travail de recherche des origines de ces éléments n’est pas fait aujourd’hui, ça va être totalement oublié. Venir de Bretagne ou d’Alsace, cela ne nous empêche pas de défendre l’équipe de France lorsqu’elle joue. Les politiques ont peur de ce débatlà. Il y a eu un débat à l’Assemblée nationale sur les langues régionales, il n’y a eu qu’une trentaine de votants. De plus, il n’y a pas de
clivage politique, les défenseurs étaient de droite comme de gauche. Il faut faire vivre ces langues, ce sont des héritages de notre identité. Parler breton n’est pas un repli, mais une ouverture culturelle. Nous défendons la francophonie, pourquoi pas les langues régionales ? H : Le palet peut-il être un outil d’intégration pour des gens qui ne se sentent pas rennais, bretons … ? BK : Bien sûr ! Un exemple : Lorsqu’on fait un barbecue avec plusieurs groupes d’amis pour un anniversaire ou autre, le moment où l’on réussit à briser ces groupes, c’est quand on joue aux palets, car tu fais des doublettes, triplettes, quadrettes avec des personnes que tu ne connais pas et que tu apprends à connaître en jouant. C’est à ce moment-là que les liens se créent.
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Les Éditions du coin de la rue 27 boulevard de la liberté 35 220 Châteaubourg Fax 09 72 34 25 27 Mail : benjamin@ editionsducoindelarue.fr
Rencontre à
TROIS
TRÈFLES
Dans deux de ses ouvrages, l’écrivain et journaliste Sorj Chalandon raconte une époque douloureuse de l’histoire irlandaise mêlée à celle plus intime d’une trahison. Celle d’un de ses amis, figure emblématique de l’IRA. À l’issue de l’adaptation du livre ‘’Mon traître’’ imaginée par le metteur en scène Emmanuel Merieu et
jouée au théâtre de l’Aire Libre, nous rencontrons tard dans la nuit, l’auteur amoureux de ce pays toujours divisé. Par Louis et Jérôme Hypocrite : Quelle(s) différence(s) faites-vous entre Irlandais du Nord et Irlandais du Sud ? Sorj Chalandon : Aucune ! Je pense qu’il n’y a qu’une seule Irlande, qui a 32 comtés, le seul problème c’est que lorsque les britanniques l’ont envahie il y a 800 ans, ils sont arrivés par le Nord. Quand les armées anglaises ont attaqué le nord de l’Irlande, ils avaient avec eux des colons très pauvres, presbytériens, écossais, et ils leur ont dit : « voilà des terres sans peuple et vous êtes des peuples sans terre, occupez-les ». Pourquoi est-ce qu’aujourd’hui, en Irlande du Nord, il y a une majorité de protestants ? C’est parce que des protestants sont arrivés dans les bagages des britanniques de l’armée anglaise il y a 800 ans. Ils se sont installés sur les terres des catholiques. H : Comment définiriez-vous l’identité des Irlandais ? SC : D’abord, c’est un peuple qui a été vaincu 1000 fois, vaincu militairement, culturellement, politiquement, et qui s’est relevé 1000 fois. C’est un peuple de rebelles, un peuple qui a souffert des envahisseurs et qui se bat depuis la nuit des temps pour sa dignité.
H : Les sentiments et questionnements du luthier français sont-ils les vôtres, en rapport à l’histoire de l’Irlande, sa culture et ses fondements ? SC : Je suis journaliste. Il n’empêche que mon cœur penchait d’un côté, et dès qu’il a penché trop fortement, j’ai arrêté de travailler sur l’Irlande dans mon journal (NDLR : Libération à la belle époque). J’ai estimé que je n’étais plus à même de travailler dessus. Ce que vit Antoine, ce qu’il pense, croit, veut, espère, c’est ce que je vis, pense, crois, veux, espère. H : Qu’est-ce qui fait que vous ayez un lien aussi fort ? SC : Parce que je suis arrivé en Irlande par la musique, la littérature et la bière. Ça, c’était au sud. Et un jour, je suis allé au nord, comme Antoine, et je me suis aperçu que tout ce que j’aimais dans le sud était dans le nord soit interdit, soit juste toléré. J’avais 18 ans. Je n’ai pas supporté que les danses, que l’hymne irlandais, que le drapeau vert/blanc/ orange qui est le drapeau commun aux 6 comtés d’Irlande du Nord, autorisé par toutes les nations, soit interdit. Je n’ai pas supporté.
affaiblir sa communauté. Des gens sont morts à cause de lui. Mais quelque part, tout le monde espère toujours que cela va se passer sans trop de souffrance ? Oui, d’autant que moi ce qui me touche c’est que les britanniques lui ont proposé, comme à tous les traitres, des faux papiers, une identité, de l’argent, etc. Il a refusé, sachant qu’il allait mourir en Irlande et il y est mort. J’espère qu’au fond de lui il a cru travailler pour le bien-être de sa communauté, même si pour moi ce n’est pas le cas.
H : Et ça vous est resté ? SC : Toujours.
Eugène Oneguine
« Tant que la frontière existera, il y aura une volonté de la faire disparaitre.»
H : Pourquoi existe-t-il une telle haine entre une partie de l’Irlande et des Anglais ? SC : Parce que les Anglais s’y sont installés, qu’ils ont toujours dit que l’Irlande était à eux, parce qu’ils y ont installé dans des pans entiers de l’Irlande du Nord leurs propres colons. Cromwell, un célèbre officier anglais avait déclaré « En Irlande il n’y aura pas assez de lacs pour vous noyer et pas assez d’arbres pour vous pendre ». C’est une violence ancestrale, de domination d’un peuple sur un autre. Mais comme un jour, un roi qui s’appelait Henry VIII souhaitait divorcer de sa femme, le pape refusa et créa ainsi une religion nouvelle, la religion Anglicane. Le protestantisme qui s’est installé dans cette partie de l’Irlande vient de là, d’une histoire de divorce refusé par le pape, ce qui fait que les envahisseurs britanniques ont changé de statut : leurs ennemis n’étaient plus seulement les irlandais mais les irlandais et les catholiques. H : Les irlandais défendaient-ils tous la cause de l’IRA ? SC : L’IRA était une armée clandestine qui avait un parti politique appelé « Sinn Féin » qui signifie « nous-mêmes » et non pas « nous seuls » comme le disent les britanniques. Sinn Féin est aujourd’hui le 2e parti d’Irlande du Nord et du Sud. Les gens votent Sinn Féin parce qu’ils soutenaient l’IRA, et ce jusqu’à aujourd’hui. H : L’IRA existe toujours de manière philosophique ? SC : Bien sûr ! Tant que la frontière existera, il y aura une volonté de la faire disparaitre. Ce n’est pas parce que la lutte armée est terminée que la volonté de réunifier l’Irlande est morte. Elle continue par les voies démocratiques
H : Dans votre roman, quelles est la part de réel et la part de fiction ? SC : Pour la fiction, je ne suis pas luthier, je ne m’appelle pas Antoine, mon traitre est mort à 55 ans et pas 81 ans. Le reste est la réalité. Je suis tombé amoureux de ce pays, de la dignité de ce pays, de son combat, et j’y ai adhéré. La fiction c’est : comment parler de la réalité en changeant un tout petit peu. La fiction permet de mettre une carapace, un masque même s’il est transparent, je me protège en faisant ça. Quand je fais une conférence de presse en Angleterre et qu’on me dit «Qui êtes vous Monsieur Chalandon? » je réponds que je n’ai pas à répondre à cette question, c’est l’histoire d’Antoine et de Tyrone Meehan. H : Donc vous avez une identité de substitution ? SC : Les irlandais savent tout, mais quand un journaliste britannique me dit : « Antoine a aidé l’IRA, avez-vous aidé l’IRA ? » je leur réponds que je n’ai pas à répondre à cette question, et je n’y répondrai pas. Est-ce que quand on voit la vie de Tyrone, on peut dire qu’il trahit réellement la cause de l’IRA par la position qu’il prend ? Oui. Il a un tel orgueil et un tel amour de son pays que j’espère qu’il pense ne pas avoir trahi, et j’espère qu’il pense qu’il travaillait pour l’Irlande par d’autres moyens. Le connaissant, je ne crois pas qu’il se soit senti traitre. L’orgueil fait qu’il a dû se sentir en avance sur son temps. Les britanniques lui ont dit : « Tu veux travailler pour la paix ? Nous aussi. » Sauf qu’il ne travaillait pas pour la paix, mais à
INFOS ‘’Mon Traître’’ Grasset - 2008 ‘’Retour à Killibegs’’ Grasset - 2011
Le drame d’un Dandy...
C’était une première à l’Opéra. Il y a maintenant comme une envie d’y retourner. C’était triste et tragique , impressionnant, ça m’a pris aux tripes. Le personnage principal la pièce m’a rappelé mon père, un peu. Dans le style, son aura, son côté frenchy, sa manière de parler, son côté dandy... Par Cyril
C’
est une œuvre importante de la littérature russe mise en scène par Alain Garichot qui se joue entre le velours et les dorures de l’Opéra de Rennes : ‘’Eugène Oneguine’’ L’histoire d’un Dandy au destin tragique a qui l’amour semble échapper. Malgré sa volonté de ne jamais être concerné, l’homme, élégant, distingué, voit son destin chamboulé par deux sœurs qui l’ont aimé. Vêtu d’un grand manteau qu’il porte sur les épaules, d’une redingote et d’une chemise à jabots, d’un pantalon à pince et d’un chapeau haut de forme, Yandi se rend a l’anniversaire de la fiancée de son meilleur ami. Tatiana, la sœur de la prétendante, en voyant ce bel homme, croit reconnaitre en lui le magnifique garçon qui hante ses rêves et qu’elle dessine sans cesse. Elle en tombe immédiatement amoureuse. Pour le lui faire savoir, elle lui écrira une lettre.
Malheureusement, l’endimanché n’est pas du tout intéressé et lui préfère sa sœur déjà promise. Lors de cet anniversaire,il s’arrange pour être au plus prés d’elle afin de l’inviter à danser. Il la séduit avec ses élégantes manières. Son ami s’en aperçoit et par jalousie le défie. Le duel lui sera fatal. Yandi, triste de ce dénouement, part en voyage pendant quelques années. À son retour, il recroise Tatianna qui est devenu une femme importante. Après ces nombreuses années sans la revoir, l’homme est stupéfait et se découvre des sentiments pour Tatiana qui s’est mariée depuis. Elle l’aime toujours, mais leur amour est désormais impossible. Yandi sombre alors dans le chagrin et le désespoir et une question subsiste : qui sont les nouveaux dandys ?
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S E É N N A S E L E S R E V TRA musicien Cloup, Michel et exigeant toulousain profité de son attachant, à nnes lors de passage à Re our animer un p ’’ g in ll ve ra T ‘’ re avec les atelier d’écritu journal. Pour rédacteurs du
ectif, en lien ll o c e xt te e c lle création, il avec sa nouve chacun d’entre a demandé à r un souvenir eux de rédige rtir d’un objet a p à l e n n o rs e p nu à leurs ayant apparte ds-parents. parents ou gran
s. mbreuses galère s, lors de mes no ent de la famille, in em ch le déchirem i eu à peine Si tu avais vu le la peine. Peut-être que m’as appelé, j’a , de it fa de ta maison, tu les quatre dernières marches t ai ur cela t’a r rais compris tu étais absent, temps de grimpe re ce vieil album vinyle. Tu aidé, que tu au s ps ai m ur te ien. ’a du m t tu ar nd La plup rais été un sout er ta vie. je t’ai vu me te possédais depuis 1979, son oix et que tu au e j’ai appris que le m’as offerts ch ussie pour gagn ts où je recevais R tu es e m en qu s x ai le ét au ce tu tu de qu’à us tard qu m’as dit que y a peu de ca eler ces instan je peux te jurer voyageurs, Ce n’est que pl ienne. J’adore me rapp rappelle ceux que j’écrivais sortie en bacs, les ait le saint des is. Lorsque de é ét e gr e né al ph M an to . dont je me souv itage is e ris hr m rp C e t Sain Je m le sava i été très su un courrier. Je re Or Hér aits de cadeaux. e, comme si tu moment-là, j’a pu avoir, je tiens à ce que tu Chevalière Pè ille encore un sign , j’embrassais la médaille et i avec mes souh pendant des heures am to a F ur t y po en ’il qu em ch ns op tensio emier je restais Précieux Atta je galérais en st n se débloquait. Je n’ai album fût le pr e j’ai eu, grâce compter les rappelle quand saches que cet la maison pour dée situatio qu la nt nt t va rta en Ne pas oublier de jamais forcé. po uv nc im so e ba sur le e et tu ne m’y as ir de famill ais persua u ét en ie J’ uv D t. so e. en en u ai cr ss s pa Garder une trac partie de moi jamai activité sportiv ou telle voitures qui e ncilié avec une uvelle vie, tu à toi. nombre de telle co in ré s rta ’a ce C’est comme un m un Tu ès qu’apr eur pour ma no uche silence que je it la tienne. Force Tu as été salvat qui m’a fait sortir la tête de uleur, il y aura même sous la do ance boiteuse du t devenu ton s, co rr ai m l’e r ja e lie in èv ub pl nl O m Je ne l’e ment étai as été ce tre rveau rer. Tu m’as nées eais ostensible ion à donner sens à la ée que mon ce ig dé à me réinsé id ai nfl e s t’i us ’a ge m ra u s .T l’o Traverse les an el at r au nn in pa un s l’e e tio rm er de ra te ité é uv né dé ab nn tro H gé Ta do é liens tu m’as é dans t imagin obsession. Maintenir des fait confiance, ncontrer des au destin bascul autre ncal, j’ai souven uilibre. Assassinée re s ite ba is ne t su fa es on s la rs ’a ire pe m s tru Tu . vie de éer un uver un éq Et ainsi cons responsabilités un jour nous cr ctuelle est tuteur pour tro t l’incertitude va nté un outil de t ans, ce bstance intelle s ng su vi ne a m . on es le f, rs m el eu pe t, m’apprécien ur or l’o po rp dans ’as offert coquille co et qui m’aiden é out of de. Tu as inve a tit nt on m it en ue m ns id iq nu da at la on pr ée is m es Celui que tu m te à fo rm pagn qui adapté à gros restée enfe vrier 1997, une uer. Tu m’accom ge et te iqué une boîte communication s croisé nos intelligences. soir de la fin fé élioré » is, et me font évol rta ur, tu m’as fabr bo am pa jo on « en n te s av U er je pa us si re c, ca no sa le s Et un . on line. tombée, aprè s Leatherman alphabet dans souvent dans m s. une pince-outil all, je me sens bobos, un tre Enfance primerie. im d’ -b d’anniversaire, e se ss présente à d’au ba ca de e genr s ce gant ge ya Vo ai ener J’ x. Lorsque je met eu é objet peut ram a volont fort, plus heur Cinq ans a transformé m ue comment un r ng lie tu di cu transformé, plus e de moi-même et je fais ur st rti jo ’e . n pa C ire ’u ur na e Ce jo le ordi tim enirs. Est-ce qu Être sur la rout orageuse en fil une meilleure es mage que je reflète. autant de souv voir ? Je pourrais te montrer d’être une fille ta voie, je ne re l’i iv à su je n s e r ri io de m ca nt r Pa e, i, te ni to rir at éc er à plus pourrais te pourras ve Si je cessais d’ ferais. À travers tes livres, qui me fait pens enir suis installée, je rêve. En uv e m So je t je en e m C’est un cadeau ent. qu m co i« sais pas ce uv Mais ça reste un et surtout celui-c Gitanes ne te vois pas so montrer ma vie. précieusement cette vers ces lignes, oire d’une lilloise », je tra à e a rd i ld Va er, hist e que j’a attendant, je ga Charlotte Merci nce, ton adolescence. Je Saint Christoph de se lle lis e. ai ég ch éd R , an m ut bl fa parto Cette des mots sur écharpe découvre ton en oi qui t’ai peu connue. a poche me suit mencé à mettre s la voiture m an co D s m on n e, av to vi s toujours dans m rdue.Tu me l’as offerte e, ta ou N s, et encore des -grand-pèr découvre s pe Aire de repos nces différente s influencé ait mon arrière te ét pa is i s je ne l’ai jamai ex qu ’a s m ds no la rencontre du ne en pr tu s J’ap ection, e je n’ai pa mmes allées à sans fin. mir so qu or D er us ci no er Et M 5, comme une prot ligieux.Tu me l’as offerte s. er 94 ot m re 39-1 ns époux Rog le re . Quelle aventu à la guerre de 19 Parc d’attractio ait et sur son symbo monde extérieur e des tourments du silence, u. Il a participé lle me protéger le nn ’e à co qu d or el is ab iff va E d’ sa rti , ur tu so er To à isonni comme si de et diffici Mon écriture, et tu as donné et il a été fait pr Dresde. Je découvre votre terait une gran Amis angeait sur une écho au théâtre ison d’être à m is un e on pu qu’elle représen Elle a été un de mes piliers, , s, uv rg ur tro be jo x em au Nur tit vie. ncale une ra Pendant les be atre, avec un pe période de ma ujours là, avec cette identité ba jeunesse. de bois tous les qu ges.Tu étais to on en fu m e re le bl . es ta re ut m ai to . nt e de un où volo entendue rès, avant qu nces d’été 2012 t éloignement in tour du parc ap . silence. moi, malgré ce aissais pratiquement rien iens de ces vaca site avec uv so e er m ill te Je on cerveau du va pu tra s vi nn retourne et je n’ai pa s te rendre s ont délivré m ose. ot ir nu m ch en Avant, je ne co ve je d es év , ns . an pr M ny io gr ns e ét hn s m se Jo us pa no n de moins ucement un Tu es parti sans gré ça, tu m’as quand e disais être fa S, car c’était de ta vie ou du rd de la France La vie prend do ma mère. Tu m revoir. Mal s KIS seule dans le no ai au jà s ér dé ce re éf di is pr us tre va to je e vi no rs de Tu gné à trave t’ai répondu qu de Rock que j’avais art des membres vivre ailleurs, même accompa comme la plup ge rtis ta ier groupe pa l’é em ns à t pr io ét en le m us te no es monté subi téressais famille. Nous, découvert. Tu part, je ne m’in et avant notre dé . -là pas à ces choses
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INFOS
Michel Cloup • Nouvel Album ‘’Ici et là-bas’’ • Concert à Mythos le 22 avril 2016
FICHE MÉTIER Chercheur en ethnologie Par Christophe Hypocrite : Quelle est la différence entre l’anthropologie, l’ethnologie et la sociologie ? Marc Clerivet : L’anthropologie est une science de « l’Homme », la plus ultime, la plus en abstraction avec le terrain. Elle se nourrit d’un ensemble d’observations faites sur le terrain pour essayer de comprendre la quintessence même de « l’Homme ». L’ethnologie est présentée comme une science de l’autre, contrairement à la sociologie qui étudie la société dans laquelle nous vivons. L’ethnologie est utilisée pour étudier les populations dites primaires, éloignées, les civilisations de l’oral et pas de l’écrit. Tout cela est assez mouvant, certains peuvent faire partie des deux disciplines. Durkheim qui est le fondateur de la sociologie d’aujourd’hui a nourri des gens comme Mauss.
C’est sur un fond de musique moderne, dans un charmant préfabriqué du conservatoire de musique de rennes, que nous avons rencontré le professeur Marc Clerivet, chercheur en ethnologie, ethno musicologie et socio ethnologie. Entre la harpe et le piano, il nous a parlé de son métier, de ses recherches, de la culture bretonne et de sa théorie des poupées russes. Par Christophe
La différence peut être aussi méthodologique. L’ethnologue sera plus observateur même s’il est impliqué dans la population. Le sociologue aura plutôt tendance à être engagé, à prendre parti et défendre une thèse. C’est pour cela que certains sociologues comme Bourdieu sont très marqués politiquement. Ils observent, mais vont défendre une vision politique à un certain moment. Pour finir, il faut savoir que l’ethnologie est très hiérarchisée. Il y a l’ethnographe qui est plutôt dans la description, l’ethnologue qui est dans la compréhension globale, le fonctionnement d’une population. Enfin, au-dessus, l’anthropologue, qui propose une vision de « L’Homme ». H : Concrètement, quels sont vos missions et travaux en tant que socio-ethnologue ? MC : Entre 2000 et 2005, j’ai eu des missions répondant à des appels d’offres : par exemple, une étude sur l’enseignement de la musique traditionnelle pour savoir quels en étaient les acteurs, les publics, essayer de les typer, savoir comment tout cela fonctionnait. J’ai également fait des missions sur des petits territoires ruraux,
notamment des études préalables à des questions de développement... Et, il y a quatre ans, j’ai travaillé avec une autre sociologue sur Rennes et Brest, sur des collectages divers concernant des populations d’origines étrangères de la première à la troisième génération. On a aussi proposé des recherches-action sur l’accès à la culture des publics en insertion professionnelle … Les missions et recherches-action s’inscrivent dans des grandes thématiques proposées par des institutions nationales, régionales ou locales. H : Quelles sont les compétences ou formations requises pour être socio-ethnologue ? MC : Il faut avoir fait des études en fac de sociologie, d’histoire, d’ethnologie… bref, des études avec une approche des sciences humaines. Comme qualités, il faut avoir une curiosité de mécanicien, aimer comprendre comment tout cela fonctionne, savoir aussi écouter l’autre. C’est cela qui me passionne, comprendre comment chacun s’inscrit avec l’autre. H : Quel est votre parcours? MC : À la base j’ai fait des études de biologie, avec une spécialité d’écologie au sens scientifique du terme, c’est-à-dire comprendre comment les organismes vivants s’organisent les uns par rapport aux autres. Après mon master, vu qu’il n’y avait pas beaucoup de débouchés, je suis rentré dans une école d’agronomie, à l’INSA, où j’ai acquis une spécialité en sociologie des milieux ruraux. Ça dépasse amplement le fonctionnement des organismes. On bascule sur le côté humain. Comment les populations s’organisent et arrivent à créer du sens. En parallèle, j’ai développé une passion pour la musique et la danse traditionnelle, et peu à peu j’ai mené le pari fou de vivre de ces deux domaines. Du coup, l’un a nourri l’autre et vice versa. De ces expériences est née la volonté de ne pas me restreindre à la sociologie pour pouvoir aller plus loin, vers l’anthropologie et l’ethnologie.
H : En tant que socio-ethnologue, vous gagnez bien votre vie ? MC : Actuellement, c’est mon métier de professeur de musique qui me fait vivre, à d’autres moments c’est mon métier de socio-ethnologue. Et puis je travaille toujours en recherche fondamentale, c’est-à-dire que je participe à des colloques à la fac, ce qui n’est pas rémunérateur. Mais l’activité est toujours là, des portes s’ouvrent... H : Pour vous, qu’est-ce qu’une identité culturelle ? MC : C’est la façon dont une personne se conçoit par rapport à l’autre. Même si elle a un sentiment d’appartenance à une identité culturelle, elle reste toujours porteuse de sa propre identité. Cette identité peut être multiple, comme des poupées russes. Par exemple, il y a des gens qui se disent français à l’étranger et quand ils sont en France se revendiquent breton, gallo, de culture urbaine... H : Pensez-vous qu’il y ait un regain de la culture bretonne ? MC : Cela dépend de ce qu’on entend par regain et à quoi l’on fait référence. Le politique s’en saisit un peu plus aujourd’hui, avec la marque Bretagne par exemple. On a le sentiment qu’ils essayent de vendre la région en se servant du modèle irlandais qui a bien fonctionné. Avec la Fête de la Bretagne, il y a la possibilité pour les groupes de musique d’aller à l’étranger. Du coup, ça peut donner une image positive du sentiment d’appartenance, une certaine ‘’Bretonitude’’ aussi. Mais il faut sortir d’une vision monolithique de la Bretagne. La Bretagne c’est historiquement cinq départements, deux zones linguistiques et dans chaque zone des grands ensembles culturels qui peuvent apparaître bien différents. Ce sont les villes, les pays de la côte, ceux de la campagne... Si on prend le palet ou la saucisse, un touriste qui s’arrête à Rennes aura l’impression que c’est très fort dans l’identité bretonne. Mais si vous allez à Carhaix, ils n’en auront jamais entendu parler parce que c’est un phénomène très rennais, très local.
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HOROSCOPE PAR HÉLÈNE
Capricorne // Du 22 décembre au 20 janvier Les natifs du capricorne, vous squattez la constellation des identités capricieuses. Vous avez une chance de sortir de ce piège de hard rockeur ou de punk à chien avec le passage de Mars dans votre signe. Vous allez passer un moment à décorner les bofs’ en embarquant dans la navette extra sensorielle de la musique électronique. Verseau // Du 21 janvier au 18 février Les natifs du verseau vous oubliez de nourrir votre culture générale trop occupés à regarder la lune. Vous allez être récompensés, elle traverse prochainement votre constellation. Vous pourrez profiter de ses lumières pour sortir dans des soirées métal et briller comme une étoile. Poisson // Du 19 février au 20 mars Les natifs du poisson vous êtes fragiles du bocal. Restez vigilants à ce que le navire ne prenne pas l’eau. Avec le printemps, votre signe va traverser les turbulences de vénus. Vous aurez envie de faire le vide autour de vous Profitez du courant de la mode de la crête en couleur pour jouer les requins et garder le cap. Bélier // Du 21 mars au 20 avril Les natifs du bélier vous dormez sur vos acquis. Le monde bouge et vous ménagez trop la chèvre et le chou. Le mouvement hipster est une mode pour vous, c’est l’occasion de tailler les poils d’hiver et les barbes trop touffues en petits boucs de printemps. Un conseil, foncez. Taureau // Du 21 avril au 21 mai Les natifs du taureau vous courez après le succès facile. Coéquipiers du plaisir vous foncez tête la première dans les fiestas branchées électroniques. Le printemps devrait vous aider à mettre de l’ordre dans vos circuits amicaux. Stop aux relations un peu ‘’olé olé’’. Gémeaux // Du 21 mai au 21 juin Les natifs du gémeau vous êtes nés sous un signe ‘’borderline’’. La terre approche votre constellation en avril. Cela devrait vous ouvrir l’accès à la culture populaire. Il est temps de sortir votre jeu de palets pour rencontrer d’autres habitants de votre planète.
Cancer // Du 22 juin au 22 juillet Les natifs du cancer vous êtes souvent attirés par les grands espaces, vous avez besoin de courir, de dépenser de l’énergie. Avec l’arrivée du printemps notre conseil de l’Hypocrite, adhérez à un club de bikers pour dépenser plus d’énergie dans plus d’espaces. Lion // Du 23 juillet au 22 août Les natifs du lion, vous aimez contrôler votre destinée. Un peu casanier vous risquez de passer à côté de l’exotisme culturel. Osez la coiffure afro pour réveiller votre animalité et sortir du ronron quotidien. Vierge // Du 23 aout au 22 septembre Les natifs de la vierge vous avez tendance à brûler des cierges comme on allume des signaux de détresse. Stop. Ressaisissez-vous, c’est fini le mouvement hippie et les sucettes à l’anis. Avec le printemps, sautez directement dans les belles romances de la pop. Balance // Du 23 septembre au 22 octobre Les natifs de la balance sont attirés par les arts et la culture. Mars traverse votre signe avec l’arrivée du printemps et risque de perturber vos habitudes. Vous aurez envie de tout balancer. Votre côté punk risque de peser lourd, pensez à votre entourage pour faire le contre poids.
Scorpion // Du 23 octobre au 22 novembre Les natifs du scorpion vous aimez savoir où vous posez vos pinces. Très solitaires, vous risquez de faire fuir les amoureux du métissage culturel. Un conseil, troquez votre panoplie de punk à piquants contre des baskets ‘’peace and love’’ de hip-hop si vous ne voulez pas finir comme un vénéneux dans son désert. Sagittaire // Du 23 novembre au 21 décembre Les natifs de sagittaire vous aimez la paix et le calme. Vous êtes vernis. Jupiter la planète du mystère approche votre signe au printemps et vous donnera du rêve. Un peu comme les tortues Ninja tout droit sorties du monde des mangas.
II HYPOCRITE 8 II SAISON 04 II TRIMESTRIEL II MARS 2016 RÉDACTEURS & ILLUSTRATEURS : Christophe - Benjamin Leila - Mariana Aurélien - Cyril Élodie - Nicolas Hélène - Véro Flo - Manuela Louis - Alexandre Florian - Carine Julien - Jérôme
COORDINATION ARTISTIQUE : Établissements Bollec MISE EN PAGE : Delphine Marie Louis IMPRESSION : Imprimerie Chat Noir - Rennes INTERVENANTS : Michel Cloup Éric Quemener Alain Faure
SOUTIENS : Ville de Rennes Conseil Régional Conseil Général 35 Fond de dotation BNP Paribas Fondation SNCF DRAC Bretagne DDCSPP 35 Contrat Urbain de Cohésion Sociale
REMERCIEMENTS : Sorj Chalandon Benjamin Keltz Marc Clerivet Pauline Goasmat Pierre Aurore Vincent Jimmy
Mégane Florian Jean Bernard Théâtre de l’Aire Libre Opéra de rennes Cdas de cleunay et l’antipode MJC pour leur accueil
II ENTRÉE LIBRE TOUT ATOUT 44, rue champion de cicé Tél 09 54 73 77 50 coordination@toutatout.org Coordination artistique : ÉTABLISSEMENTS BOLLEC etbollec@gmail.com etablissementsbollec.com
Le projet Entrée Libre est une action de l’association Tout Atout, centré sur la découverte du monde artistique et culturel. Nous proposons à des jeunes rennais de former un collectif et de les accompagner sur un parcours liant des spectacles (concerts, pièces de théâtre…), des rencontres (artistes et professionnels) et du bénévolat. Pour favoriser leur engagement sur la durée et valoriser leurs expériences de découverte,
Tout Atout et les établissements Bollec ont choisi de leur proposer la réalisation d’un journal trimestriel qu’ils ont intitulé L’Hypocrite. Tous les mercredis, les jeunes se retrouvent pour échanger sur leurs envies, découvrir des événements et/ou des structures culturels. Ils créent ensuite leur journal en utilisant à chaque fois des techniques d’impression et d’illustration différentes dans le plus pur esprit Do it yourself. //