HORS SÉRIE
N°11
Citad ’elles Le féminin sans barreaux
L'ÉTÉ DES RENCONTRES
RÉALISÉ AU CENTRE PÉNITENTIAIRE POUR FEMMES DE RENNES - ÉTÉ 2016 - GRATUIT
INVENTAIRE À ' LA Prevert Un rayon de soleil Une pompière à moins que l'on ne dise femme pompier Une naturopathe Un raton laveur Des betteraves façon tartare Un éléphant d'Inde Un éléphant d'Afrique Un flic épuisé Du henné Des fleurs Deux ratons laveurs Des tatouages Quelques ratons laveurs Une juge et une jurée Des points de croix Une femme à barbe Marcel Proust Un Chef et son étoile Plusieurs ratons laveurs Le sommaire de ce 11e numéro de Ciatd'elles ressemble à « un inventaire à la Prévert ». Ce fameux poème écrit en 1946 par Jacques Prévert et qui énumère des sujets apparement sans liens communs. Pourtant, un lien, il en existe un, puisque nous vous proposons de profiter de ce numéro d'été pour rencontrer des gens connus ou non au travers d'une vingtaine de portraits. Laissez-vous emmener dans cette galerie riche et hétéroclite. Ce projet est ouvert à toutes, n'hésitez pas à venir rejoindre l'équipe pour nous proposer vos idées d'articles et d'illustrations. Citad'elles est un projet mené conjointement par le SPIP 35, la Ligue de l'enseignement d'Ille-et-Vilaine et l'association rennaise les Établissements Bollec. Il n'existerait pas sans le soutien de nos partenaires privés que nous remercions au passage. Tous les numéros de Citad'elles sont lisibles gratuitement sur le site etablissementsbollec.com Alain Faure, coordinateur du projet.
3
CITAD'ELLES Revue éditée à 600 exemplaires • COORDINATION GÉNÉRALE : Les Établissements Bollec Ligue de l’enseignement d'Ille-et-Vilaine • COORDINATION ARTISTIQUE : Les Établissements Bollec • RÉDACTION ET ILLUSTRATION : Sisi - Mina Anic - Xafi Choupinette - Sabrina Mowgli - Lady J. Ina - Ata22 Dominique - Geob Anic - Angélina Laurie • INTERVENANTS : Audrey Guiller Agathe Halais Alain Faure Magali Arnal Delphine Marie Louis Nolwenn Weller • PARTENAIRES : SPIP 35 Ligue de l'enseignement d'Ille-et-Vilaine Centre pénitentiaire des femmes de Rennes Fondation La Poste Fondation M6 Fondation Raja Fondation ELLE Joop Stoop Fondation Agir Sa Vie • REMERCIEMENTS : Anne-Héloïse Botrel-Kerdreux Olivier Marie Julien Lemarié Catherine de la Hougue Amélie Marie Lastenet Gilles Guillotin Minaloveless Mona Luison Laurent Valo Béatrice Le Cointre Magny Pierre Texier Marjolaine Peuzin Hélène Bedrine Yves Neveu Catherine Vidal Hervé Bertho et la rédaction de Dimanche Ouest-France Emmanuel Chaunu Félicie Bonin André-Pierre Grenier La médiathèque Les surveillantes du bâtiment J Merci à Mika pour sa relecture efficace ! Merci à tous ceux qui nous ont généreusement apporté leurs compétences pour la réalisation de ce numéro. Illustrations Couv et gimmick : freepik.com Imprimerie Chat Noir - Rennes
5
RENCONTRE AVEC UN artificier
L'artificier,
roi des "boum" colorés
Les soirs de feux d'artifice, tout le monde a les yeux rivés sur les scintillements multicolores dans le ciel. Mais on oublie que derrière cette magie, il y a des artificiers, comme André-Pierre Grenier. Par Sisi
À
67 ans, André-Pierre Grenier est artificier dans le Morbihan. Pourtant, il a commencé à travailler comme grossiste en boissons : "J’ai commencé à travailler à 17 ans chez mon père. J’ai repris son affaire à sa retraite." A 45 ans il cède son affaire, puis travaille pendant dix ans comme magasinier. Mais il s’ennuie... Par hasard, il rencontre un patron artificier à Rodez, qui le forme. Il obtient sa qualification pour devenir artificier. De cette période, il garde de très beaux souvenirs : "J’ai eu le plaisir de tirer trois fois des feux d’artifice sur le Viaduc de Millau et de participer au festival pyrotechnique de Cannes." Au château de Fougères André-Pierre Grenier revient en Bretagne d'où il est originaire et crée sa propre entreprise. Deux ans après, il recrute un jeune qu'il forme. De leur association est née la société Bretagne-Pyro : "Aujourd’hui, nous tirons environ une soixantaine de feux chaque année. Nous faisons aussi des spectacles son et lumière,
6
des contes de Noël ou des feux pour des mariages." Ils conçoivent tous leurs spectacles, de la mise en scène au tirage : "notre plus gros spectacle se déroule au château de Fougères". Pour de grands événements comme le 14 juillet, André-Pierre et son associé s'entourent d'une vingtaine d'artificiers ! Les professionnels conçoivent tous leurs feux d'artifice après avoir été visiter le site où ils seront tirés. "Nous préparons ensuite un devis avec tous les produits qui seront utilisés pendant le spectacle, puis nous réalisons également la bande son que les gens entendront pendant
le spectacle". Ils trouvent leurs clients via les mairies ou les associations, mais c'est le bouche-à-oreille qui reste leur meilleure publicité. Métier dangereux En plus d'une bonne connaissance des produits et de leur dangerosité, il faut connaître les règles de sécurité pour être artificier. "Il faut respecter les distances de sécurité entre les spectateurs et le spectacle". On pourrait croire que les artificiers "se la pètent" autant que leurs fusées... Pas André-Pierre : "Dans notre métier, il faut être très humble à cause de la dangerosité des produits."
"Aujourd’hui, nous tirons environ une soixantaine de feux chaque année."
7
' RENCONTRE AVEC UNE juree
Vis ma vie de jurée d’assises Félicie a été tirée au sort pour être jurée d'assises. Elle pense toujours à l'homme accusé, en se sentant coupable que la Cour l'ait condamné à tant d'années de prison. Par Mina
U
n jour, Félicie reçoit un recommandé avec accusé de réception par le facteur : "J’ai été surprise, j’ai pensé tout d’abord à une amende et il a fallu que je relise plusieurs fois pour comprendre que j’étais désignée pour siéger aux Assises en tant que jurée, c’est très impressionnant." Félicie, 45 ans, a deux enfants et est assistante maternelle. Elle passe une journée de formation au tribunal, "il y avait un juge et un avocat qui m’ont expliqué le déroulement d’un procès et les termes juridiques". Ensuite, on lui a proposé de visiter une prison, mais ce n’était pas une obligation. Elle a été convoquée pour visiter la prison des femmes, puis celle des hommes. "Etre juré, c’est une obligation que l’on ne peut pas refuser, c’est un devoir citoyen". Impossible de se défiler en prétextant une raison médicale : "il faut que ce soit quelque chose de vraiment sérieux avec un certificat médical". Tirée au sort, non récusée Tous ceux qui reçoivent ce courrier ne deviennent pas forcément jurés. "J'ai été tirée au sort pour une affaire seulement. Certains n’ont pas été tirés au sort du tout, d'autres pour les deux affaires de la session. Au moment
8
du procès, certaines personnes sont récusées par les avocats". C'est-àdire que les avocats leur demandent de sortir et de ne pas être jurés. Ils n'ont pas à dire pourquoi il le font. Après, c'est le flou. "Personne ne nous dit combien de temps ça va durer. Dans mon cas, le procès a duré une semaine. Une fois, on est resté au tribunal de 8h du matin à minuit !" Quelques pauses sont faites dans une salle à l'arrière. Félicie ne se sent pas larguée lors des discussions avec le juge ("on pouvait poser des questions"). Les jurés n'étaient pas du tout informés sur les affaires : "on était soucieux des faits et touchés par le côté humain, quand même". Elle est gênée face à l’accusé, pas par peur des représailles, mais parce que l'homme pleure beaucoup. Il est très timide et parle très peu. Un mobile incompréhensible La Cour aborde la vie de l'accusé, son attitude. Sa famille est là, sauf ses enfants. "On a été impressionnés par tout ce qui concerne les expertises", se souvient Félicie. Dès le départ, l'homme reconnaît les faits, "sans chercher à se dérober". "Ça aurait pu être délicat si on avait eu un doute, mais là, en plus, il y avait des témoins. Mon sentiment n'a pas changé durant le procès, ce qui m'a soulagée". Félicie ne comprend pas le
mobile de l'accusé : "il nous a expliqué pourquoi il avait fait ça, mais ça reste incompréhensible, comment on peut en arriver là". Même si un processus les aide à comprendre, difficile de se mettre à leur place, de savoir ce qui se passe dans leur tête. "On pose des questions en faisant passer des petits mots au juge durant le procès et c’est le juge qui les pose à l’accusé ; par contre on n’a pas le droit d’interrompre le procès", explique Félicie. Dans une pièce derrière la salle d'audience, les jurés échangent entre eux : "on ne se connaît pas, mais jour après jour on se parle et on se rapproche. Dans cette affaire, on n’avait pas d’avis divergents". A bulletin secret Pour le délibéré, Félicie a voté à bulletin secret : "on note sur un papier plié qu’on donne au juge". La décision est prise à la majorité sur la culpabilité et sur la peine. "Quelques jurés sont ressortis fiers d’avoir "fait justice", mais ce n’était pas une majorité. Moi, je n’étais vraiment pas fière. Je suis ressortie de cette expérience avec un sentiment de culpabilité d’avoir condamné un homme à tant d’années de prison. Je repense tout le temps à cet homme. Je compte le temps qui lui reste à faire pour pouvoir sortir ou prétendre à un aménagement de peine…"
"Je repense tout le temps Ă cet homme. Je compte le temps qui lui reste Ă faire."
9
RENCONTRE AVEC UNE femme a' barbe
La belle à barbe Pendant longtemps, Harnaam Kaur a détesté la barbe qui pousse chaque jour sur son visage. Depuis qu'elle l'a assumée, sa vie a changé de manière extraordinaire. Par Xafi.
I
l y a une phrase qu'elle aime dire : "Vous êtes le seul "moi" que vous ayez". Harnaam Kaur est une jeune femme de 25 ans qui a une barbe et qui la porte maintenant fièrement. Elle est née le 29 novembre 1990 à Slough, dans le banlieue ouest de Londres, en Angleterre. Ses parents sont d'origine indienne et sont arrivés en Angleterre un peu avant qu'elle naisse. Elle a un petit frère qui a 6 ans de moins qu'elle.
A l'âge de 11 ans, son corps connaît un véritable bouleversement. Sa pilosité générale se développe et des poils poussent sur son visage. Elle a aussi des symptômes comme des menstruations déréglées, de l'acné, une prise de poids et du diabète. "J'ai découvert que j'étais atteinte du syndrome des ovaires polykystiques. C'est un déséquilibre hormonal qui touche 5 à 10% des femmes" (1). Cette période de sa vie n'est pas facile. Elle est moquée et harcelée moralement et physiquement par les autres élèves. Elle se renferme dans son seul et unique espace vital, sa chambre : "Ma chambre c’était mon refuge, mon havre de paix." Puis le miracle se produit. Elle se dit à ellemême : "Les gens te disent de haïr ton corps. Pourquoi tu n'essaies pas de l'aimer ?" Jamais sans ma barbe A 16 ans, Harnaam décide de ne plus jamais se raser et de garder sa barbe telle que Dieu lui a donnée : "C'est comme ça que j'ai été faite et je suis contente telle que je suis". Elle veut montrer au monde entier qu'il y a
10
Clémentine Delait Illustre femme à barbe (1865-1939)
plusieurs beautés et qu'il faut être fière de soi. "Ma barbe, c'est ma dame à barbe. Je n'imagine pas ma vie sans elle !" Elle accepte de faire de la publicité pour la marque de produits cosmétiques pour barbe Kalamazoo. Après le lycée, la jeune femme décide de travailler comme aide a domicile auprès d'enfants de 2 à 3 ans. Puis elle fait la rencontre de Marianna Harutunian, l'organisatrice d'un événement mode très réputé. Elle est devenue la première femme à barbe à défiler pour une création de bijoux : "J'ai été la première à ouvrir le défilé du Royal Fashion Day, sous le portrait du légendaire David Bowie". Celle qui a grandi
en regardant ''America's Next Top model'' n'en revient toujours pas. "J'ai toujours voulu être comme ces beaux mannequins, et je me rappelle imiter leur manière de poser et de marcher. On m'a toujours dis que j'étais trop grosse, trop laide et trop repoussante pour défiler. On m'a dit que je ne défilerais jamais..." Depuis, elle a signé un contrat avec un agent de mannequins anglais. En osant tout simplement être elle-même, la "dame à barbe" a réalisé son rêve d'enfant. (1) C'est ce qu'elle a expliqué lorsqu'elle a été reçue, cette année, dans l'émission "Salut les terriens" de Thierry Ardisson.
"C'est comme ça que j'ai été faite et je suis contente telle que je suis"
11
RENCONTRE AVEC UN dessinateur
Chaunu, trait pour trait Mardi 31 mai 2016, zone d'activités de Chantepie, le ciel est bleu. Une partie de l'équipe des rédactrices de Citad'elles pénètre dans l'imposant bâtiment du journal Ouest-France. Elles sont invitées par la rédaction du Dimanche Ouest-France (D.O.F.), édition dominicale de Ouest-France.
D
ans le hall d'entrée lambrissé qui rappelle ces hôtels montagnards des années 60, elles sont accueillies par Hervé Bertho, rédacteur en chef qui leur souhaite la bienvenue et leur explique le programme, chargé, de la journée : visite de la rédaction du D.O.F., de l'imprimerie, des stocks papier, de la plate-forme de diffusion, rencontre et entretien avec les journalistes. Aux côtés d’Hervé Bertho, un homme, teint halé, chemise sans cravate, mallette à la main, fait le pitre. Qui est ce ? Mais… mais... c'est Chaunu !
Chaunu, de son prénom Emmanuel est né à Caen, il y a 50 ans. Il est détendu, sert les mains avec vigueur et a un petit mot pour chacune. Très vite, il ouvre sa mystérieuse mallette pour en sortir papier et crayons. Il dessine. Sa première victime est Angelina, qui a du mal à cacher sa fierté d'être croquée par le caricaturiste normand. Il a commencé sa carrière en 1986. Depuis, il publie un dessin d'actualité chaque jour dans Ouest-France et l'Union de Reims. Ses dessins sont vus par plus d'un million de personnes. Anic, se fait à son tour tirer le portrait. Chaunu sait mettre les gens à l'aise tout de suite. Tout au long de la visite, il multiplie les plaisanteries et les dessins. Il faut dire que le bonhomme
12
est habitué à prendre la parole en public puisqu'il a même son propre one-man show qui mélange humour, Histoire avec un grand H et dessins en direct. Il fait également partie des intervenants de l'Université Populaire de Caen, créée par Michel Onfray, où il enseigne, toujours par le rire, une contre-histoire de la Normandie. Alors que les rédactrices de Citad'elles sont interviewées par Gilles Kerdreux et Pascale Vergereau, Chaunu suit l'entretien assis dans un coin. A la main, celui qu'il considère comme son collègue de travail. Il croque les rédactrices. Ses dessins illustreront les articles consacrés à votre magazine préféré dans le D.O.F.
OUEST-FRANCE EN CHIFFRES 2,5 millions de lecteurs fidèles. 53 éditions locales 63 rédactions dans les 12 départements des régions Bretagne, Basse-Normandie et Pays de la Loire et une à Paris. 1506 personnes en CDI (dont 576 journalistes) Chaque nuit, 125 000 lignes sont imprimées dans les 53 éditions du journal. Chaque nuit, entre 18 H et 1 du matin, plus de 853 pages sont montées en moyenne.
H
60 000 exemplaires à l’heure sortent des rotatives au petit matin 5 238 porteurs glissent 453 043 exemplaires d’Ouest-France dans les boîtes aux lettres. 41 580 abonnés reçoivent chaque jour leur exemplaire des mains du facteur.
Joyeux
Beau
Beau
Chaleureux
Dessine tout le temps
Souriant
Beau
Drôle
Imposant Bavard
Observateur
Caricaturiste hors pair
Très beau 13
' ' RENCONTRE AVEC UN elephant
En Asie, l'éléphant sacré, mais menacé Il vit dans 13 pays (comme le Bangladesh, la Birmanie, le Cambodge ou l'Inde) et est classé parmi les espèces les plus menacées au monde en raison de la perte son habitat et du braconnage : l'éléphant. Par Mina C'EST LE PLUS GRAND ANIMAL TERRESTRE VIVANT en Asie. Les mâles mesurent environ 3 mètres, les femelles 2,5 mètres. Pesant environ 4 tonnes, ils sont capables de briser les reins d'un tigre.
LE MÂLE ET LA FEMELLE sont mûrs sexuellement vers l’âge de 14 ans. Mais les mâles ne pourront s’accoupler que s’ils réussissent à dominer les autres mâles adultes. Les autres mâles quittent le troupeau natal. Les femelles, elles, restent avec leurs parents durant toutes leur vie.
E T D'AFRIQU L'ÉLÉPHAN e ul pa l'é e ch • L'oreille ca , est munie , plus longue • La trompe de 2 doigts u'à 7 tonnes • Poids : jusq
14
L’ÉLÉPHANT DONNE NAISSANCE à un petit tous les 3 ou 4 ans et peut se reproduire tout au long de l’année après une gestation d'environ un an et demi.
LES ÉLÉPHANTS D'ASIE forment des troupeaux d'environ 20 individus. Ces groupes sont menés par des femelles. La plus âgée coordonne les mouvements, va chercher la nourriture et l'eau.
L'ÉLÉPHANT D'ASIE a commencé à être domestiqué il y a plus de 4500 ans, dans la vallée de l’Indus. Il servait d'abord pour la guerre.
L'ÉLÉPHANT D'ASIE • Le dos est vouté • Les défenses sont courtes, voire inexis tantes • De petites oreilles • La trompe, plus cou rte, est munie de 1 doigt
ILS MAINTIENNENT le contact par des vocalisations et des sons de basses fréquences.
L'ÉLÉPHANT D'ASIE vit une soixantaine d'années.
LES YEUX de l'éléphant sont petits. Il voit mal et flou.
IL AIME LES FORÊTS DENSES et ombragées, où la nourriture et l’eau sont en suffisance.
LES DÉFENSES SONT LES INCISIVES des éléphants. Elles lui servent à fouiller le sol. Mais, malheureusement pour lui, elles sont en ivoire. C'est d'ailleurs ce qui lui vaut d’être traqué pour la valeur marchande de ces incisives géantes.
LEUR TROMPE compte environ 150 000 muscles.
CHAQUE MOLAIRE DE L'ÉLÉPHANT est une plaque massive d'environ 30 cm de long et 10 cm de large. Quand ses dents sont usées par la végétation, elles sont remplacées par d'autres.
SA PEAU mesure entre 1 et 2,5 cm d’épaisseur. Elle n'a rien d'une carapace, contrairement aux idées reçues. La peau est très sensible aux attaques du soleil ou des parasites.
15
RENCONTRE AVEC UNE sapeur-pompier
Catherine, une femme au
feu !
Catherine est une femme exceptionnelle. Elle est officier sapeur-pompier à Rennes et évolue dans un milieu masculin. Elle est aussi mère de quatre enfants. Par Choupinette
F
emme, officier, curieuse : voilà Catherine en trois mots. On pourrait dire beaucoup d'autres choses d’elle, par exemple que cette femme de 39 ans, dynamique, aux cheveux longs et châtains, a l'air en même temps décontractée et sérieuse. Elle aime rigoler. Mais en un coup d’œil, on sent que c’est une femme de sang froid, qui sait gérer les situations difficiles. Catherine est née en 1976 à SaintEtienne. Personne dans sa famille n’exerce le métier de sapeur-pompier et elle non plus ne se destine pas à cette carrière. Elle fait d'abord une école d’ingénieurs à Lyon (Bac +5). En 1999, lorsqu’elle a 23 ans, elle a un déclic. Elle voit une grève des sapeurs-pompiers de Lyon. C'est le métier qu'elle veut faire. Elle passe alors le concours d’Officier et en décembre 2001, elle sort Lieutenant des sapeurs-pompiers.
16
Elle aime porter secours Lorsqu’on lui demande pour quelles raisons elle a choisi ce métier, Catherine répond : "Ça donne du sens à mon travail. J’aime porter secours et travailler dans un contexte masculin". Sur les 3000 sapeurspompiers volontaires de Rennes, 16% sont des femmes. Et parmi les professionnels, seules 5% sont des femmes Pour autant, elle n’estime pas ce milieu « macho » même si l’ambiance est très différente d'un milieu de femmes. Malgré son métier prenant, Catherine a trouvé le temps de fonder une famille. Elle est mère de 4 enfants : "c’est juste une organisation différente". Après avoir débuté sa carrière comme lieutenant adjointe, elle a ensuite travaillé dans le service Recherche et Développement. Ce ne sont pas les pompiers les plus visibles, pourtant, leur rôle est crucial. "On travaille sur
les retours d'expériences, expliquet-elle. Après une intervention, on décortique ce qui s'est passé afin de trouver les points positifs et améliorer les procédures". Le service réfléchit aussi aux innovations souhaitables en terme de matériel. Aujourd’hui capitaine, elle travaille à la formation des personnels. Dans sa carrière, le plus dur pour Catherine, a été d'enchaîner des interventions éprouvantes, c'est-à-dire quand il y a des décès. Elle se souvient d'une des interventions les plus émouvantes qu'elle a vécues : "J’étais alors chef de salle au centre de traitement des appels. Une mère de famille nous appelle en nous informant que sa fille a eu un accident de cheval et qu'elle est introuvable. Elle a disparu. J'envoie un équipage sur les lieux. Ils passent plusieurs heures à la chercher. Et ils l'ont retrouvée ! Saine et sauve !"
"J’aime porter secours et travailler dans un contexte masculin"
UNE JOURNÉE DE TRAVAIL DE CATHERINE Elle est de garde pendant 24 heures, de 7h à 7h le lendemain matin. 7 h : Début de la journée. Elle fait le point avec les officiers qui descendent, c'est-à-dire qui terminent leur service. Cela dure entre 10 et 30 minutes. Petite pause-café. 7 h30 à 8h : Réunion avec le chef de salle de l'équipe qui reçoit les appels au secours du 18 ou du 112. Organisation opérationnelle. Passage de consigne à l’ensemble de la garde.
8 h à 9h30 : Sport. 1 0h à 12h : Elle forme le personnel. 1 2h à 14h : Pause repas. 1 4h à 18h45 : Travail dans le service. 1 8h45 à 19h : Relève de la garde des opérateurs et du chef de salle. 1 9h à 7h : repas, organisation des opérations sur le terrain, pauses dodo quand c'est possible.
17
RENCONTRE AVEC UN non-bachelier
Sans le bac, avec des galères…
il réussit ! Yves Neveu n’a pas eu le bac. Mais il est aujourd’hui chef d’entreprise. Il nous a raconté comment, malgré ses galères, il s'est débrouillé pour en arriver là. Par Sabrina
C
hef d'une entreprise de ménage qui compte plusieurs dizaines de salariés, Yves Neveu a arrêté l'école en troisième. Et il s'est lancé dans les « HEV », pour « hautes études de la vie ». Apprenti géomètre, il a aussi travaillé dans le bâtiment et dans les usines. Quand il retrace ce parcours très varié, il parle de « mille métiers, mille misères »... « Ne pas avoir de qualification professionnelle, c'est un peu compliqué », dit-il. Mais il était débrouillard et a même un temps été travailleur social. Pendant qu'il était au chômage, il a rénové sa maison. Et puis un jour, il s'est mis à faire le ménage. C'était en 1990, il avait 32 ans. Et seulement 8000 euros pour lancer son entreprise. « Il y avait un syndic de propriétaires qui commençait à externaliser ses services, parce que les femmes de ménage qu'il embauchait jusque-là partaient toutes à la retraite. » Les gens lui ont fait confiance ; et petit à petit il a eu de plus en plus de travail. « Pour monter une entreprise, il faut prendre en compte plusieurs choses : le métier, le commerce et la gestion, décrit-il. On ne maîtrise jamais ces trois choses en même temps. Il faut donc savoir s'entourer, sachant que la gestion, c'est vraiment un truc clef. » Un patron qui connaît le métier « Ce n'est pas toujours facile d'être autodidacte, glisse-t-il. J'ai commis beaucoup d'erreurs, perdu beaucoup
18
de temps et d'argent. » Mais il a appris à bien se connaître et a sorti de la galère pas mal de monde. Yves Neveu a en effet l'habitude d'embaucher des gens qui ont eu des parcours de vie chaotiques. Son premier salarié, c'était un homme de 51 ans au RMI. Plusieurs anciens détenus ont signé des contrats avec lui. Son discours, c'est : « si t'es à l'heure le matin et que tu fais correctement le ménage, c'est ok. Peu m'importe d'où tu viens ».
poule aussi ! » Il sait écouter, et a le cœur sur la main. Ses quatre enfants sont tous passés par l'entreprise, à partir de 16 ans, pendant leurs vacances scolaires. Et le troisième a l'air motivé pour prendre la suite de son père. Depuis le 1er janvier, il est directeur de l'entreprise.
Vice-président de la chambre de commerce de Rennes, Yves Neveu est très actif dans un collectif œuvrant pour les femmes de plus de 40 ans en Neuf nationalités différentes se galère de boulot. Il fait aussi partie côtoient dans son entreprise. Le fait d'une fondation qui parraine les jeunes d'avoir pratiqué le métier avant ses chefs d'entreprise. Et participe à la salariés (et de continuer à le pratiquer formation d'entrepreneurs africains, parfois!), lui en plus d'être permet de bien « Si t'es à l'heure le matin i n v e s t i d a n s connaître leur la formation travail. Un jour et que tu fais correctement des apprentis le ménage, c'est ok. Peu de son secteur qu'un apprenti passait sur un m'importe d'où tu viens » d'activité sur des chantiers de le campus de l'entreprise, il a été très surpris de voir Ker Lann. Et quand il ne s'occupe son patron en train de faire le ménage. pas de son entreprise, ou de celles « Mais beaucoup de patrons savent ce des autres, Yves Neveu bricole, que c'est de travailler. Il ne faut pas fait du jardin, voyage et … court. confondre les grandes entreprises, où « J'ai fait mon premier marathon à il y a des bandits de grands chemins, 50 ans. C'était à Chicago en 2008. et tous ces petits entrepreneurs qui Depuis j'en ai fait dix. Londres, mettent les mains dans le cambouis. » Paris, Berlin …. et New York en novembre prochain. » Yves Neveu ne Ses 4 enfants sont passés par s'est jamais marié. Et il n'a pas fait l'entreprise baptiser ses enfants. Bref, il n'a jamais Quand on lui demande de lister ses organisé de grande fête, sauf pour ses défauts, il se dit « têtu, avec une 50 ans. Et ce jour-là, sur le livre d'or tendance à décider pour les autres. Je qu'il avait mis en place, beaucoup suis aussi trop fonceur. » Côté qualité, d'amis lui ont dit : « surtout ne change il se dit « papa poule, et grand-père rien ! »
"Ce n'est pas toujours facile d'ĂŞtre autodidacte"
19
' RENCONTRE AVEC LE henne
Tout sur le henné,
Portrait-Quizz Du cuivre au marron en passant par le rouge. Mon nom scientifique est "Lawsonia inermis", mais je suis plus connu sous le nom de "henné". Connaissez-vous tous mes secrets ? 10 doigts - 10 questions. Par Mina 1- LE HENNÉ NATUREL EST : a) une plante b) une pierre c) un coquillage 2 - ON ME TROUVE : a) en Europe b) en Amérique du Sud c) en Afrique et en Australie 3 - LA TEINTE ORANGÉE QUE JE PRODUIS VIENT DE : a) mes fleurs b) mes feuilles couleur vert olive broyées c) ma sève
4 - AU MAROC FEMMES ET HOMMES M'UTILISENT POUR : a) manger b) en application locale, pour teindre et traiter des cheveux. c) contre les pellicules et pour cicatriser 5 - LES MOTIFS AU HENNÉ SONT GÉNÉRALEMENT APPLIQUÉS SUR : a) les pied et les mains b) le front c) les lèvres 6 - TRADITIONNELLEMENT, ON FAIT LES TATOUAGES AU HENNÉ : a) pour aller travailler b) pour les grandes occasions, les mariages, les cérémonies religieuses et festivals. c) aux nouveaux-nés
7 - DANS LES MARIAGES, ON ESTIME QUE PLUS LA TEINTE DU HENNÉ EST PROFONDE, PLUS LES JEUNES MARIÉS AURONT UN MARIAGE a) malheureux b) heureux c) fortuné 8 - TOUS LES TATOUAGES OU TEINTURES AU HENNÉ SONT-ILS NATURELS ? a) oui b) non 9 - LES MOTIFS TRADITIONNELS DES TATOUAGES AU HENNÉ S'INSPIRENT DE : a) fleurs mogholes b) vignes et spirales c) gouttes d'eau 10 - À QUAND REMONTE LES PREMIÈRES TRACES DE SON UTILISATION : a) à l'Égypte ancienne il y a 5 000 ans sur les cheveux et les ongles des momies b) au Moyen-âge c) à la Rome Antique
1/a - 2/c - 3/b - 4/b et c ! - 5/a - 6/b 7/b - 8/b - 9/a, b et c ! - 10/a
20
21
' RENCONTRE AVEC UN grand ecri vain
Qui suis-je ? Je suis connu pour mon célèbre "questionnaire" auquel je soumettais mes invités et qui a été remis au goût du jour par Bernard Pivot dans son émission "Bouillon de culture". Qui suis-je ? Par Mowgli.
J
e suis né à Paris en 1871 d'un père médecin et d'une mère issue de la haute bourgeoisie juive. J'ai grandi entre Paris et Illiers, un village de la Beauce, où je passais la plupart de mes vacances. Je souffre dès l'enfance de graves crises d'asthme et suis de ce fait, l'objet d'une attention excessive de mes proches.
D
ès le plus jeune âge, je mène une vie oisive de dandy et côtoie dans les salons aristocratiques écrivains et artistes ; ce qui éveille en moi le goût de l'écriture. C'est d'ailleurs en décrivant ces milieux mondains que je commence à écrire en m'inspirant de personnes réelles pour mes personnages.
J
e suis l'un des premiers grands romanciers européens à traiter le thème de l'homosexualité dans mes œuvres. Ainsi, "Albertine", le personnage d'un de mes romans est inspiré par mon amant Alfred Agostinelli avec qui je vivais une liaison depuis 1907.
E
n 1903, je perds mon père puis en 1905 ma mère, à qui je vouais une véritable admiration. Ces deux événements dramatiques me plongent dans un profond chagrin et marquent le début de ma seconde vie. Dès lors, j'abandonne définitivement ma vie mondaine et me replie dans l'écriture.
E 22
n 1908, je m'enferme dans l'isolement et vis dans ma chambre cloisonnée de
liège. J'y compose un livre, Contre Sainte-Beuve, qui sera le véritable point de départ de mon œuvre pour laquelle je suis notamment célèbre, A la recherche du temps perdu. Ce récit en sept tomes est une sorte de théâtre social, où se mêlent réflexion sentimentale et mémoire affective. Le bonheur, que mon héros a recherché toute sa vie à travers sa vie mondaine et l'amour, il le découvre "par hasard" en une sensation retrouvée : la petite madeleine trempée dans le thé. Le rappel de cette saveur oubliée lui fait alors revivre toute son enfance.
L
a mort accidentelle de mon amant, Alfred Agostinelli, en 1914, me plonge à nouveau dans un immense chagrin. Dès lors et jusqu'à ma mort, rongé par la maladie, je mène une course contre la montre pour la publication de A la Recherche…
J
LE SAVIEZ-VOUS ? Le questionnaire de Proust est issu d'un jeu anglais appelé "Confessions" datant des années 1860 et qui figurait dans un album dont le titre original est "An album to record thoughts, feelings, & co" (un album pour garder pensées, sentiments, etc.)
e meurs en 1922 d'une pneumonie, à l'âge de 51 ans.
Q
uant à A la recherche…, l'ensemble est achevé mais les trois derniers volumes ne seront publiés qu'après ma mort.
JE SUIS, JE SUIS… MARCEL PROUST.
"Qui peut prétendre me connaître, sans se contenter du paraître (…) quand moi-même je cherche et me perds"
P. Obispo, "La Prétention de rien", Studio Fan Live Fan, 2004
23
24 Les réponses de Marcel Proust à son questionnaire : Ma vertu préférée : le besoin d'être aimé et, pour préciser, le besoin d'être caressé et gâté bien plus que le besoin d'être admiré La qualité que je désire chez un homme : des charmes féminins La qualité que je désire chez une femme : des vertus d'homme et la franchise dans la camaraderie Mon principal défaut : ne pas savoir, ne pas pouvoir "vouloir" Ce que j'apprécie le plus chez mes amis : d'être tendre pour moi, si leur personne est assez exquise pour donner un grand prix à leur tendresse Mon occupation préférée : aimer Mon rêve de bonheur : j'ai peur qu'il ne soit pas assez élevé, je n'ose pas le dire, j'ai peur de le détruire en le disant Quel serait mon plus grand malheur ? : ne pas avoir connu ma mère ni ma grand-mère A part moi-même, qui voudrais-je être ? : moi, comme les gens que j'admire me voudraient Le pays où je désirerais vivre ? : Celui où certaines choses que je voudrais se réaliseraient comme par un enchantement et où les tendresses seraient toujours partagées La couleur que je préfère : la beauté n'est pas dans toutes les couleurs mais dans leur harmonie La fleur que j'aime : la sienne, et après, toutes L'oiseau que je préfère : l'hirondelle Mes auteurs favoris en prose : aujourd'hui Anatole France et Pierre Loti Mes poètes préférés : Baudelaire et Alfred de Vigny Mes héros dans la fiction : Hamlet Mes héroïnes favorites dans la fiction : Bérénice Mes compositeurs préférés : Beethoven, Wagner, Schumann Mes peintres préférés : Léonard de Vinci, Rembrandt Mes héros dans la vie réelle : M. Darlu, M. Boutroux Mes noms favoris : Je n'en ai qu'un à la fois Mes héroïnes dans l'histoire : Cléopâtre Ce que je déteste par-dessus tout : ce qu'il y a de mal en moi Les faits historiques que je méprise le plus : je ne suis pas assez instruit Le fait militaire que j'estime le plus : mon volontariat ! Le don de la nature que je voudrais avoir : la volonté, et des séductions Comment j'aimerais mourir : meilleur, et aimé L'état présent de mon esprit : l'ennui d'avoir pensé à moi pour répondre à toutes ces questions La faute qui m'inspire le plus d'indulgence : celle que je comprends Ma devise : j'aurais trop peur qu'elle ne me porte malheur
' RENCONTRE AVEC UN grand ecri vain
Faites votre questionnaire de Proust !
version Bernard Pivot
Ma vertu préférée : Le principal trait de mon caractère : La qualité que je préfère chez les hommes : La qualité que je préfère chez les femmes : Mon principal défaut : Ma principale qualité : Ce que j'apprécie le plus chez mes amis : Mon occupation préférée : Mon rêve de bonheur : Quel serait mon plus grand malheur ? A part moi-même, qui voudrais-je être ? Où aimerais-je vivre ? : La couleur que je préfère : La fleur que j'aime : L'oiseau que je préfère : Mes auteurs favoris en prose : Mes poètes préférés : Mes héros dans la fiction : Mes héroïnes favorites dans la fiction : Mes compositeurs préférés : Mes peintres préférés : Mes héros dans la vie réelle : Mes héroïnes préférées dans la vie réelle : Mes héros dans l'histoire : Ma nourriture et boisson préférées : Ce que je déteste par-dessus tout : Le personnage historique que je n'aime pas : Les faits historiques que je méprise le plus : Le fait militaire que j'estime le plus : La réforme que j'estime le plus : Le don de la nature que je voudrais avoir : Comment j'aimerais mourir : L'état présent de mon esprit : La faute qui m'inspire le plus d'indulgence : Ma devise :
25
INTERMÈDE AVEC NOS pieds
26
27
RENCONTRE AVEC UNE nat uropathe
Pour Hélène, la santé passe
par les plantes Hélène Bédrine est docteure en biologie. Mais elle a laissé tomber les tubes à essai pour devenir naturopathe et aborder la santé dans sa dimension humaine. Par Lady J
U
ne chose est sûre, Hélène Bédrine aime les plantes. Sa préférée, c'est même l'ortie : "Avec les jeunes feuilles d’ortie, je fais des soupes, des pesto et des tartes. On peut également l’utiliser comme des épinards ou bien en tisane. Cette plante n'a que des qualités : revitalisante, reminéralisante, tonifiante et diurétique..."
Hélène Bédrine est naturopathe depuis 2012. Malheureusement, le diplôme de naturopathe n’est pas reconnu. "La naturopathie est une approche globale de la santé qui utilise uniquement des méthodes naturelles pour préserver et améliorer la santé, explique-telle. Par exemple, par l’alimentation, l’activité physique, la relaxation, les plantes et les huiles essentielles." Selon elle, c’est complémentaire de la médecine classique. Mais le point de vue est différent : le médecin traditionnel travaille sur la maladie et ses symptômes, tandis que le naturopathe s’occupe de la santé. Hélène Bédrine a l’habitude d’accompagner ses clients sur le plan global, c’est-à-dire aussi bien sur le plan physique, psychologique, qu'au niveau de leur rythme de vie. D'abord docteure en biologie Passionnée par son métier, Hélène, brune à la silhouette fine, est observatrice et posée. Avant de devenir naturopathe, elle a travaillé dans la recherche en biologie, à l’université et à l’hôpital. Elle a même obtenu un doctorat. "Mais j’ai soudain
28
eu envie d’aborder la santé dans sa dimension humaine et moins dans les tubes à essais !", sourit-elle. Elle a eu le déclic en lisant un article de magazine sur la naturopathie : "Ce métier me permettait de rassembler tout ce que j’aimais : à la fois l’aspect intellectuel, l’approche de la psychologie, la biologie et les techniques manuelles". La naturopathie fait alterner le dialogue, le manuel, l'écoute et le ressenti. Hélène reçoit des clients en consultation, à Rennes et à Dinan. Dans son cabinet, elle s’occupe de leur santé : "je donne des conseils alimentaires, en hygiène de vie, je fais des massages, de la réflexologie, de la respiration et de la relaxation". Elle est également enseignante dans des écoles de naturopathie, où elle forme des jeunes stagiaires. "J'aime mon travail parce que c’est très varié et parce que je suis indépendante et cela est précieux pour moi". Cosméto bio et pop électro Pour Hélène Bédrine, la naturopathie, c'est aussi un art de vie. "J'ai le plaisir de manger des produits frais, non transformés". Elle est écolo. "J’ai un
jardin avec des plantes aromatiques. Mon projet, c’est d’avoir un jardin avec des plantes médicinales". Comme... l'ortie ! Côté salle de bains, elle n’utilise que des produits cosmétiques naturels et bio à base de plantes et d'huiles essentielles. En soins de visage : de beurre de karité avec une goutte d’huile essentielle de lavande. Pour les cheveux, de l’huile de coco. Son autre passion, c’est la pop électro. Elle est fan de "Beach House", un groupe américain de Baltimore, dont un des derniers album s’appelle "Depression Cherry". Hélène Bédrine pratique aussi la danse et les arts martiaux, "mais je n’ai pas le temps de tout faire". Pas tout, mais presque... Elle est Dragon-Feu dans l’astrologie chinoise.
29
RENCONTRE AVEC UN policier
Gilles Guillotin, un flic brisé à jamais ? Son livre, intitulé "33 ans flic pour rien" ? (1) est plein d’amertume et de regrets. Le professionnel de la police judiciaire a été relaxé. Avant, il avait répondu sans détours aux questions de Citad’elles. Par Ina
U
ne âme brisée après 33 ans de travail au sein de la police judiciaire. En juillet, Gilles Guillotin, ancien n°2 de la PJ grenobloise, a été relaxé car le tribunal correctionnel de Paris a estimé que les faits qui lui étaient reprochés (il était soupçonné d’avoir détourné des scellés de drogue pour son chef, Michel Neyret) n’étaient pas caractérisés. Michel Neyret, lui, a été condamné à deux ans et demi de prison ferme pour corruption.
Traîné dans la boue avec Michel Neyret, Gilles Guillotin a vu sa carrière finir pas très glorieusement, sur le banc des prévenus, avec une mise en examen pour infraction à la législation sur les stupéfiants. Cinq ans d’enquête. Deux semaines de procès. Questionné et cloué sur la croix. Un supplice insupportable pour lui. Au final, un livre-confession. Pour se justifier ? Pour se racheter ? Ou pour crier l'injustice ? Qui est le vrai Gilles Guillotin ? "Il n'y a pas de vrai ou de faux. Seulement un homme ordinaire". Marié deux fois, trois enfants, un peu comme Obelix, il est "tombé dans la marmite Police" : "Je suis entré dans la police parce que papa l'a voulu. Nous étions trois enfants à la maison et mes parent ne pouvaient pas payer d'études. Donc il fallait aller travailler. Je suis parti, après le bac, à l'armée faire mon service. Durant cette année, mon père m'a inscrit au concours de gardien de la paix. Et c'était parti..."
30
Dès les premiers instants, une passion est née "Je suis un passionné, avec les excès que cela comporte, reconnaît Gilles Guillotin. Dans le travail, dans le sport, dans les relations que j'ai avec les gens. J'aime ou j'aime pas. Pas de juste milieu". Son caractère n'est donc pas facile. Il n'aime pas les obstacles qui nuisent à ce qu'il souhaite réaliser. "Mais comme le dit mon épouse, j'ai bon fond. Je suis tendre et sensible et ne supporte pas les trahisons, petites ou grandes, d'où qu'elles viennent". Il se dit un sens du service public. Le but de sa carrière ? "Me mettre dans les meilleures dispositions pour faire honneur à la maison. Je voulais être bon dans ce que je faisais, comme tous les passionnés, je pense". Il veut que collègues et "ennemis" le reconnaissent comme un bon, voire un très bon flic. Les super-flics existent-ils ? "Michel Neyret en était un. Squarcini, Broussard, Pellegrini, qui avaient du charisme et qui flairaient les plus belles affaires de la police. Je ne mets pas dans cette catégorie. J'étais un bon flic, pas un super-flic". Sur le banc des prévenus Il a fait de sa carrière une lutte permanente contre le trafic de stups. Pour lui, il a bien fait son travail. Mais cette carrière, il l'a finie sur le banc des prévenus. "Le gâchis est dans l'image que cela renvoie. Pas dans le contenu, car ce qui a été fait le restera, mais dans le sentiment que cela donne." La justice lui a
reproché d'avoir détourné des scellés au profit d'informateurs. "Mais ça s'est toujours fait ! ai-je entendu bon nombre de fois. C'est ça que les gens n'ont pas compris..." Il ne pense pas que les flics souhaitent s'associer avec des caïds. Selon lui, ils veulent s'en rapprocher pour tout savoir, pour au final faire des affaires. "Après, suivant les personnes que vous avez en face de vous, vous glissez ou pas vers des terrains infréquentables pour des flics. C'est une mauvaise gestion d'une relation qui est par définition nocive". Il ne renie pas son amitié, néanmoins refroidie, avec Michel Neyret. "Michel Neyret a été un grand flic qui a perdu un peu le fil des choses dans les derniers mois de sa carrière. Aujourd'hui mon regard professionnel sur lui n'a pas changé. Il connaissait tout sur tous les délinquants de la région. Il avait une capacité de synthèse et une grosse capacité de travail. Je suis un peu moins admiratif, car ce sont ses erreurs qui m'ont conduit là où je suis aujourd'hui, mais je n'arrive pas à lui en vouloir". Tous deux sont fans de sport et de belles voitures Relaxé Gilles Guillotin ne cache pas sa tristesse quand il évoque le passé. "Je suis amer aujourd'hui, j'ai voué toute ma vie à un travail, pour être le meilleur possible. Mais quand il a fallu gérer le problème Neyret, ça a été "sauve qui peut". On ouvre le parapluie personnel et tant pis
pour les autres." Personne dans sa hiérarchie ne l'a aidé pour le tirer de ce "merdier". Il a appris que rien n'était acquis et que tout pouvait basculer rapidement. "La perspective que j'avais du temps judiciaire et des pouvoirs des juges d'instruction a changé. Être entre les mains d'un magistrat déterminé à vous briser est juste insupportable. Être sur le banc des prévenus, pour un flic et juste inconcevable. Par nature et par fonction. C'est une épreuve très dure qui m'a physiquement épuisé, nerveusement aussi". Il parle d'un énorme sentiment de gâchis, d'injustice, de rancœur, de colère. Un sentiment de honte aussi.
Il a partiellement perdu le goût, la foi en l'être humain. "Comment des personnes peuvent-elles se défausser à ce point et se regarder dans la glace après ?" Mais il a aussi constaté la solidité de son entourage proche, familial et amical. Gilles Guillotin a obtenu la relaxe qu'il attendait pour essayer de tourner la page. Reste à essayer de lutter contre cette passion pour les affaires de police, qui le hante encore aujourd'hui, "et à donner à mes proches tout ce que je n'ai pas pu ou su leur donner, parce que j'étais "dedans" et que rien d'autre ne comptait". (1) Editions Temporis.
31
RENCONTRE AVEC UN cosplayeuse
Carte d'identité
d'une cosplayeuse
Elle se déguise en personnages de mangas et de jeux vidéos. Pour Aurore, cette passion est loin d'être puérile. Par Ata 22
QUI ?
Aurore, 32 ans.
PSEUDO ?
Minaloveless, en référence à des mangas qu'elle aime.
QUOI ?
Fait du Cosplay depuis 5 ans. Ce loisir consiste à jouer le rôle de personnages de mangas japonais ou jeux vidéos, en imitant leur costume et leur coupe de cheveux. Quand une envie de Cosplay la prend, elle se lance dans la recherche de références visuelles. Elle va chiner dans plein de magasins, à la recherche de la meilleure matière de tissu. Ensuite, il faut soit acheter et modifier un patron soit le concevoir car un Cosplay n’a, à quelques exceptions près, pas de patron existant ! Bien sûr, il ne faut pas oublier de commander une bonne perruque sur internet, éventuellement des lentilles de couleurs, et d’autres éléments comme la créamousse, la peinture, le Worbla (thermoplastique) si l’on fait de l’armure... "Entre temps, j’écris la prestation scénique, je l’enregistre et réalise un montage audio." La suite se passe sur scène, lors de conventions, et dans des shootings photos.
OÙ ?
Vit en banlieue de Rennes, en appartement (encombré par ses tissus et autres matériaux pour le Cosplay!) et va à des conventions
32
(rassemblements) de cosplayeurs, surtout dans l'Ouest.
POURQUOI ?
"Cela a été pour moi l’occasion de faire preuve d’imagination dans un tas de domaines : conception de patrons, couture, accessoires, écriture de saynètes théâtrales, enregistrement et montage audio..." La première fois qu'elle est montée sur la scène mythique de « Japan Expo », qui est la plus grande d’Europe, "des milliers de gens nous regardent, nous prennent en photo et plein de caméras reliées aux écrans géants relayent notre image... Cela a vraiment été un grand frisson..."
COMMENT ?
Ayant une formation artistique (études de chant lyrique et depuis, professeur en Conservatoire de musique), elle avait quelques bases de théâtre qui l’ont bien aidée au début. Elle accorde une très grande importance à sa prestation scénique (écriture, choix des musiques, réécriture de chansons). "La prestation scénique est pour moi la finalité et l’aboutissement du Cosplay : je le vois comme une démarche artistique, au même titre qu’un artiste qui compose et présente son œuvre".
D’OÙ ÇA VIENT ?
Petite, Minaloveless est bercée par le "Club Dorothée", où bon nombre de
mangas sont diffusés pour la première fois. "Comme beaucoup d’enfants, je "jouais" et me déguisais comme mon héroïne préférée. Plus tard, au lycée, j’ai rencontré deux amies qui m’ont initiée "aux mangas". Le Cosplay permet ce fantasme d’incarner et de vivre comme à l’intérieur d’un manga, d’une série ou d’un film... Mais la manière dont elle vit le Cosplay aujourd’hui n'a rien de l’univers à l’eau de rose dans lequel elle baignait étant petite : défis techniques, scéniques, artistiques...
QUELLES DÉCOUVERTES GRÂCE AU COSPLAY ?
Le Cosplay a beaucoup de bénéfices : être dans la peau d’un personnage, se désinhiber, se décomplexer par rapport à son apparence physique, son jeu théâtral et être dans un cadre "peace and love". Minaloveless est quelqu’un qui, souvent, n’arrive pas à dire les choses. Les prestations scéniques où elle chante des fois lui permettent de s’épanouir en tant qu’artiste. Elle se décomplexe par rapport à son physique, à son rapport aux autres... "Cette pratique m’a, personnellement, aidée à assumer mon homosexualité grâce au « Crossplay » (le fait de cosplayer un personnage du sexe opposé) : j’ai été émerveillée de voir à quel point cela permettait aux « Crossplayeuses » homos de s’assumer au grand jour !"
"Comme beaucoup d’enfants, je "jouais" et me déguisais comme mon héroïne préférée."
33
RENCONTRE AVEC UN cosplayeuse
34
EST-CE UN MÉTIER ?
C'est un art éphémère et en vivre n’est pas une chose aisée. Elle préfère transmettre : "Pendant deux ans, j’ai co-animé des ateliers Cosplay bénévolement dans une Maison des jeunes et cela m’a, par contre, beaucoup plu !"
MOQUÉE ?
" M e s p a re n t s é t a i e n t u n p e u indifférents à cette passion tardive... Ce n’est que lorsque j’ai commencé à rapporter des prix qu’ils m’ont posé plus de questions ! Ma compagne me soutient et me coache avant mes prestations scéniques : grâce à elle, j’ai décroché bon nombre de récompenses. Je n’ai jamais été critiquée par qui que ce soit : j’ai fait de ce hobby peu commun une force !"
font pas attention lorsqu’ils nous croisent.»
AVENIR ?
Avec les années qui passent, Minaloveless ne se sent plus toujours en phase avec les délires des 1620 ans. En septembre 2016, elle passera de l’autre côté de la barrière, et préparera une exposition sur le Cosplay pour le salon « Roch’fort en bulles ». www.facebook.com/ MinaLovelessCosplay/
PERSONNAGE PRÉFÉRÉ ?
Mérida du dessin animé « Rebelle » (Studios Pixar et Disney). "Dès que je l’ai vue à l’écran, j’ai aimé son côté têtu et libre, en plus de sa crinière rousse. Je me fiche d’être bien apprêtée ou féminine lorsque je l’incarne et cela fait un bien fou !"
MANGAS ET JEUX VIDÉO PRÉFÉRÉS ?
« Loveless », « Black Butler » (de Yana Toboso). Pour le jeu vidéo, « Final Fantasy VII ».
PIRE MOMENT ?
CHRONOPHAGE ?
Les Cosplayeurs passeront des semaines, des mois, voire un an à confectionner leur costume, accessoires, éléments de décor... Elle y passe ses week-ends et ses vacances. Un costume peut aller de 30 à plus de 200€ pour les plus complexes ; il faut ensuite compter entre 25 et 50€ pour une perruque de qualité. Sans compter les conventions : le prix du voyage, l’hébergement, les entrées, le budget pour les achats personnels...
«Ce jour-là, je portais pour la première fois une armure (« Hilda de Polaris » des « Chevaliers du Zodiaque ») et j’étais particulièrement stressée que tout tienne le coup... A la sortie de scène, le présentateur a pris mon diadème et voulu le mettre sur sa tête, sans ma permission ! Moi qui craignais pour la fragilité de mes accessoires, j’ai vu rouge ! Heureusement, tout a bien tenu mais bien souvent, la plupart des visiteurs de conventions ne se doutent pas de la fragilité des costumes et ne
35
' RENCONTRE AVEC UN comedien
Laurent Valo, parcours d'un comédien
plein d'enthousiasme Laurent Valo était récemment à l'affiche d'une pièce jouée au Théâtre de Rennes (TNB) : Dormir cent ans. Le comédien est sourd, mais cela ne l'a pas empêché de vivre ses rêves… Portrait "entre guillemets". Par Sisi
«J
e m'appelle Laurent Valo. Je suis né à Paris et y ai grandi. Je suis né dans une famille d'entendants dans laquelle je suis le seul sourd. Comme dans toutes ces familles, les échanges étaient limités. J'ai profité de la télé, des images. J'ai changé six fois d'école. Comme je maitrisais à la fois la langue des signes et que j'étais appareillé, je servais d'interprète à mes camarades sourds. Les profs croyaient que je bavardais (ce qui n'était pas faux non plus). J'ai été renvoyé de deux établissements. Quand j'étais adolescent, j'avais peu d'échanges avec mes parents. Je sortais beaucoup pour me retrouver avec des sourds. Lorsque je revenais, mes parents voulaient savoir ce que j'avais fait, je résumais, j'allais à l'essentiel, nos échanges étaient très limités. Que faire après la terminale ? J'avais fait des stages en entreprise, dans des banques. Il n'y avait que des entendants, les échanges étaient très superficiels. Moi, je rêvais de théâtre. Déjà à l'âge de 8 ans, j'avais intégré un cours de théâtre avec Emmanuelle Laborit. Je voulais retrouver cet univers d'artistes avec une ouverture d'esprit. Les échanges étaient simples, soit à l'aide d'interprètes ou directement avec les artistes qui voulaient apprendre la LSF, contrairement au monde de l'entreprise très hypocrite. A 21 ans, j'ai fait le choix d'être comédien professionnel. La première pièce dans laquelle j'ai joué racontait l'histoire
36
des sourds stérilisés pendant la guerre. A cette époque, des metteurs en scène entendants viennent aussi me rencontrer et me proposent de jouer dans leurs pièces. La surdité ne m'a jamais gêné dans mes échanges avec les autres. Par contre cela a été un frein dans ma carrière professionnelle. Pas dans le monde artistique, mais avec les entendants. Mais c'est comme ça, je suis sourd ! J'ai accepté, j'ai assumé. Quand j'étais plus jeune, je m'exprimais un peu à l'oral et à 21 ans, j'ai décidé d'ôter mes appareils auditifs. J'ai commencé à travailler à "L’œil et la main", une émission sur France 5. D'abord comme intervieweur, puis comme réalisateur de documentaires. Grâce à cela et grâce au théâtre, j'ai intégré le monde professionnel artistique. C'est une réussite. Le théâtre m'apporte un sentiment de liberté. Dans la société, on ne prête pas attention à nous, alors que là, il y a un public. Les entendants découvrent ma langue et sa richesse : j'adore ! Jouer différents personnages c'est très riche. Moi, avant, à l'école, lire c'était pas mon truc, je me fichais des cours de français, des textes. Mais maintenant, grâce au théâtre, j'ai découvert tous les styles. Pour apprécier les textes, il faut s'y plonger. Ce que j'aime aussi, c'est voyager, aller au cinéma, rencontrer de nouvelles personnes, échanger avec elles lors de fêtes. Pour l'avenir, il faut rester positif. Avant, la communauté sourde était très dynamique, active, fédératrice.
Peut-être dû aux nouvelles technologies, la communauté sourde se rencontre de moins en moins. La communauté doit rester associée à la LSF, sinon les personnes risquent de se marginaliser et de s'isoler au lieu de s'intégrer. Le côté rassurant, c'est que la LSF est présente dans de nombreux médias, qui permettent aux sourds de s'informer et aux entendants d'en profiter et de la découvrir.
«
LAURENT VALO en quelques dates
A 21 ans : Laurent Valo devient comédien professionnel A 33 ans : un souvenir incroyable, il participe a une expédition dans l’Antarctique durant 6 semaines avec une équipe d'entendants, suivi du film La montagne du silence. A 34 ans et 35 ans : la naissance de ses enfants à un an d'intervalle 1 999 : il reçoit le prix du meilleur espoir comédien des Mains d'or. Pour faire l'interview, Laurent Valo a envoyé une vidéo de lui en train de répondre aux questions en langue des signes. Un super moment !
"Mais c'est comme ça, je suis sourd ! J'ai accepté, j'ai assumé."
37
RENCONTRE AVEC UNE break danseuse
Marjolaine : baskets, casquette et breakdance au féminin Le breakdance vient des Etats-Unis et a traversé les générations. Cette discipline attire toujours autant de jeunes et a ses fans, comme Marjolaine Peuzin. Par Dominique
J
eune femme au style simple, brune aux cheveux longs, un joli foulard bleu au cou, Marjolaine Peuzin est passionnée de breakdance. La passion de la danse l’a conquise à l’âge de seize ans. "J'ai eu envie de pratiquer grâce à des émissions télévisées et en voyant le film La Haine, de Mathieu Kassovitz." A l’époque, elle écoute du rap, du reggae, mais elle s’adapte vite à la rythmique qu’impose le Break, comme le Funk ou la Soul. Aujourd’hui son style de musique est varié, elle danse, par exemple, sur de l’électro. Marjolaine, native de Rennes, a commencé à breaker à la MJC de son quartier où étaient organisés des stages de breakdance. Plus tard, elle fonde un groupe de break uniquement composé de filles, les "Walkyries". Elle a choisi un crew complètement féminin pour les encourager dans cette discipline où la majorité est
38
très masculine. "Cette danse leur apporte confiance en elles, leur permet d’assumer leur corps et de s’exprimer sans complexité", apprécie Marjolaine. C'est aussi pour cela qu'elle-même aime danser... Energie et liberté Question style, Marjolaine n'est pas compliquée. "La tenue vestimentaire n’est plus aussi importante qu’au début des années 70. Le principal, c'est de bonnes baskets et la casquette", qui lui permettent de rester ancrée au sol. D'ailleurs, ceux qui portent un bonnet s'en serve comme repère pour tourner plus vite. Parfois ils l'imbibent même d'une bombe aérosol pour cirer les meubles, afin de glisser plus vite. Marjolaine dégage énormément d’énergie lorsqu’elle danse et elle ressent une certaine liberté. "Cela demande beaucoup de travail
personnel. Je m’entraîne donc entre 5 à 10 heures par semaine, voire plus si je participe à un championnat". Son mouvement préféré est le footwork, c'est-à-dire le jeu de jambes. Elle a participé à un championnat national de battles à Paris et elle est arrivée en demi-finale. Celui qu’elle a le plus apprécié, c’est en 2004, le championnat mondial en Allemagne, même si son équipe n’a pas obtenu de victoire. Elle s’est rendue en Egypte, en Angleterre, au Cameroun, rien que pour le plaisir de breaker. Pourtant, Marjolaine n'a pas que la danse dans sa vie. Elle est professeure de français et même maman d’une petite fille de quatre ans. Elle s’occupe aussi d’une association linguistique pour les étrangers. Dans l’avenir, elle envisage de travailler à mi-temps pour s’adonner pleinement à sa passion car pas facile de tout concilier ! Mais Marjolaine a de la souplesse à revendre...
"Cela demande beaucoup de travail personnel (…)"
CREW : groupe de danse BATTLE : défi de danse entre deux crew ou deux danseurs TOPROCK : pas de préparation du breaker avant sa descente au sol PASSPASS/FOOTWORKS : construction ou pas de danse exécutés au sol DROPS : ce sont des mouvements de transition entre les toprocks et les
footworks, entre la danse debout et la danse au sol FREEZE : position statique sur une ou plusieurs parties du corps, qui peut aller de la position élémentaire du Baby Freeze à des formes plus évoluées PHASES/POWERMOVES : mouvements les plus acrobatiques et aériens du break dance, ces techniques s’appuient sur des
mouvements circulaires répétitifs des jambes. Les phases comportent notamment différentes figures la coupole, le thomas, la vrille... SPIN : tourner sur une partie du corps (ex : rotation sur la tête sans poser les mains : le headspin) SCRATCH : Se servir de ses mains pour relancer une rotation par exemple : scratcher en headspin pour prendre de la vitesse où se stabiliser
RENCONTRE AVEC UNE break danseuse D'OÙ VIENT LE MOT BREAKDANCE ? Il a été créé par les médias américains dans les années 80, à la sortie de plusieurs films en rapport avec la danse comme Flashdance ou Beat Street. La danse existait depuis 10 ans déjà et se nommait alors "breakin" ou "B-Boying". Les danseurs et les danseuses étaient des "B-Boys" et des "B-Girls". Aujourd'hui, nous les connaissons sous le nom de "breakers".
LA GÉNÉALOGIE DU BREAKDANCE A la fin des années 70, New York compte énormément d’immigrés qui ont développé chacun leur style de danse. Comme le Good Foot et le Popcorn, issues des chansons « Get On The Good Foot » et « Popcorn » de James Brown. Ces danses consistent en un mouvement rapide des jambes, sous forme de défis. Le fait de se défier par la danse viendrait de l’atmosphère gangster environnante et des concours de talents qui sont alors très populaires. Les films de Kung Fu, la salsa, les arts martiaux chinois (beaucoup de positions au sol) et la Capoeira (position aérienne) sont aussi à l’origine du breakdance. Ces influences permettent à chaque breaker de créer son propre style.
LA MINUTE HISTORIQUE Le break-dance est issu du mouvement Hip Hop basé sur le respect et l'originalité. Il est né dans les années 70 aux Etats-Unis, à New-York, dans le quartier du Bronx. A cette époque, dans ce quartier, règnent misère, drogue, gangs et chômage. Mais le Bronx est aussi un des lieux réputés de la musique. C'est grâce à DJ Kool Herc que de grandes fêtes sont organisées dans les coins de rues, en bas des bâtiments, à l'intérieur d'immeubles brûlés ou dégradés. Ces manifestations illégales, appelées des "jams", ont pour objectif de faire la fête, de danser, d'unir les habitants pour échapper à la violence quotidienne. C'est là que les premiers breakers apparaissent, ils dansent sur la partie solo jouée par le batteur, qui s'appelle des breaks. Les breakeurs dansent dansent dans la rue, sur du béton.
40
LES FRANÇAIS Les crews françaises reconnues au niveau international sont : Pockemon Crew (Lyon), Vagabond Crew (Paris), La Smala (Bordeaux), Legiteam Obstruxion (Le Mans)…
CÔTÉ MUSIQUE Les breakers dansaient sur de la funk, et non sur du rap. Ils ont été influencés par la musique de James Brown. Les breakers dansaient avec des groupes qui jouaient en live, composés d'un batteur qui fait des solos très rapides, un bassiste, un ou deux guitaristes et un ou deux chanteurs. Réagissant sur la musique, les danseurs sont de véritables instruments qui ne font qu’un avec la musique.
LE BREAKDANCE AUJOURD'HUI
MODE D'EMPLOI Il se pratique en solo ou en équipe au milieu d’un cercle, le breaker danse au centre. Les danseurs font des passages chacun leur tour. Un danseur s’avance au milieu du cercle, effectue des mouvements de danse debout (toprocks) et bouge au rythme de la musique. Lors des autres passages, chaque breaker s’investit davantage en exécutant des mouvements aériens ou au sol de plus en plus compliqués tant par leur vitesse de réalisation que par leurs difficultés (Freezes, Powermoves). Les breakers doivent respecter tous les éléments de base : toprock, drop, footwork, freezes et powermoves. Cependant, rien ne les oblige à les réaliser dans l’ordre, le principal étant que le tout soit effectué sur le tempo de la musique avec énergie, fluidité, souplesse, style et originalité. En général, chaque breaker fait partie d’un crew. Les crews se défient : il s’agit d'une battle.
Toujours en vogue, cette danse attire toujours autant de jeunes issus désormais de n’importe quel milieu. Les danseurs adaptent de nouveaux styles et des techniques plus performantes sur un réseau de musique beaucoup plus large (Rap, Electro…). Certaines écoles de danse ont su insérer cette branche artistique parmi celles déjà existantes (danse classique, contemporaine…) tout comme les MJC qui proposent régulièrement des stages de breakdance, sans compter sur de nombreuses associations qui développent ce mouvement. Ce qui était au départ un effet de mode, devient aujourd’hui une danse de renom. Le breakdance toujours dans le move, toujours prêt à bouger avec son temps !
41
RENCONTRE AVEC UN voyant
Le voyant qui veut éclairer les gens Pierre Texier est médium à côté de Rennes. Il lève le voile sur le monde de la voyance : pour lui, il ne s'agit pas de faux semblants, mais de regarder et ressentir les choses avec plus d'intuition. Par ATA22
P
ierre Texier est un homme de 63 ans, assez discret, qui dégage un petit quelque chose de mystérieux. Il est voyant, médium, astrologue et numérologue. Il avoue volontiers que les deux tiers des médiums sont des femmes et qu’il fait partie d’une minorité. Il tient son don et sa passion de sa mère, qui était aussi voyante. Comme un héritage héréditaire : "J’ai appris la voyance très jeune avec ma mère. Ado, j’ai étudié par moi-même et j’ai volé de mes propres ailes vers l’âge de 22 ans". Avant de faire de la voyance sa profession, il a eu d’autres professions assez variées, entre autres dans le domaine de la parapharmacie, de l’horlogerie-bijouterie ou dans le domaine bancaire… sans pouvoir tourner le dos à son don. Il est toujours partant pour aider les gens qui le lui demandent.
Il ne cherche pas à convaincre Aujourd’hui, il a repris la voyance à plein temps, il reçoit dans son cabinet tous les jours. "Avant, je faisais plus de la voyance en lisant les lignes de la main, mais aujourd’hui la demande a évolué et je fais plus dans les tarots, les astres, la numérologie et la voyance directe, par flashs ou sur photos". Il a aussi écrit deux livres : un sur le tarot et l’autre sur la voyance (1). Contrairement à ce que l’on pourrait croire, sa famille ne l’a pas trop encouragé à poursuivre le métier de la voyance. Ils trouvaient cela trop marginal. Certains même n’y
42
croient pas. Lui ne cherche pas à les convaincre. "Je suis fasciné par la voyance et je trouve très gratifiant de pouvoir éclairer les gens sur certaines questions qu’ils se posent. La majorité de ceux qui viennent me voir veulent être rassurés. C’est vrai qu’il y a une marge d’erreur. Ce n’est pas difficile d’être voyant, mais c’est difficile d’être bon. Ce n’est pas une science exacte, mais je m’efforce toujours de faire des consultations franches, claires, précises et datées". "Je dis que je suis représentant" Il doit faire face aux clichés habituels, il y a beaucoup de monde qui n’y croit pas, mais ceux qui viennent le voir y croient et la plupart du temps "ceux qui n’y croient pas n’y connaissent rien", pense-t-il. Ils ne cherchent même pas à se renseigner pour savoir comment cela fonctionne. "Lorsque je rencontre des gens dans la vie de tous les jours, je ne leur dis pas forcement ce que je fais, si je vois qu’ils sont fermés, je leur dis juste que je suis représentant". Il explique qu’en règle générale, les médiums croient au paranormal au sens large : fantômes, esprits, l’au-delà…et aussi en Dieu : "La voyance génère une certaine foi religieuse, plus ou moins claire". Pierre Texier explique avec poésie que tout le monde peut faire de la voyance tout comme on peut faire de la musique : "c’est un peu de l’intuition et un ressenti très développé des choses". Et il y a des
outils, comme les tarots par exemple. La voyance sans support existe mais c’est moins structuré, c’est plus fatiguant et moins cohérent… "On a des flashs de voyance comme on dit, ce sont des images, des idées qui nous viennent à l’esprit. Quand on est expérimenté, on sent que c’est vrai, que ce sont des flashs qui nous viennent d’une source extérieure et l’on sent que cela concerne vraiment la personne que l’on voit". Ouvrir une fenêtre sur la vie des gens Son idée de la voyance, c’est comme regarder un paysage à plusieurs : on a la même vue mais nous ne voyons pas les mêmes choses. "Faire de la voyance pour quelqu’un, c’est comme ouvrir une fenêtre sur sa vie, en donner un point de vue dans le but d’éclairer, de donner une nouvelle vision mais on ne voit pas toute la vie de la personne." Par contre, Pierre Texier reconnaît que c’est plus difficile de lire son propre avenir ou celui de ses proches, il faut un certain détachement : "ceux-ci peuvent plus ou moins nous influencer par leurs émotions, c’est plus difficile de rester objectif". C’est un homme passionné par son métier, "j’ai fait ça toute ma vie, j’aurais du mal à arrêter, c’est ma façon d’aider, de servir les autres". S’il devait se représenter par des cartes de tarot, il choisirait "le Jugement, le Pape et le Soleil".
(1) Le tarot spirituel et divinatoire (éditions des Trois monts) - Manuel pratique de divination (éditions Ambre).
nnent à l’ s vie
voya nce co
no u
h de
i qu
des fl as
mm eo
n
es
esprit"
" On a
dé si de
es sont d image s, ce dit,
43
RENCONTRE AVEC UNE plasticienne
Mona Luison recycle et sculpte La brestoise crée des sculptures textiles, "enfantines" et vivantes, à partir de matériaux qu'elle recycle. Par Mina
L
e matin en se levant, la première chose que fait Mona Luison est d'aller prendre une bonne douche et un bon petit-déjeuner... Puis elle se rend à pied à son atelier, à Brest, et reprend son travail où elle l'avait terminé le jour d'avant. Mona Luison est artiste dans le milieu des arts plastiques. Elle crée des sculptures textiles à partir de matériaux qu'elle recycle. "C'est de l'upcycling, explique-t-elle. Je récupère des matériaux ou des produits dont on a plus l’usage afin de les revaloriser. L'idée, c'est de recycler "par le haut", en produisant des objets dont la qualité est supérieure au matériau d’origine".
Mona Luison travaille avec ces matériaux depuis 2009 : "J'ai toujours aimé me servir des objets de notre quotidien". Elle a fait les Beaux-Arts à Brest et à Dakar et ensuite fait l'Ecole des arts décoratifs de Strasbourg, en option "bijou". Après ses études, elle s'est installée dans un village d'artisans comme bijoutière en argent, pendant cinq ans. "J'ai aussi fait toutes sortes de travail : enseignante en arts appliqués, hôtesse d'accueil, employée agricole, aide à domicile." "Chaque sculpture raconte une histoire mêlant notre histoire
44
commune, l'histoire personnelle de l'artiste et notre organisme. Je pars d'une idée ou d'un sujet qui
m’interpelle et puis je cherche des images sur ce thème, des écrits : poèmes, extraits de livre, journaux", raconte la créatrice. Dans chacun de ses objets, il y a un centre. C'est la partie de la sculpture qu'elle fait en premier. Après, elle évolue au fur et à mesure... "Je ne sais jamais la
forme finale qu'elles vont avoir", explique celle qui est aussi une mère de famille. Elle dit qu'elle n’aime pas affirmer des choses ou des faits. Dans ses sculptures non plus. "J'aime que les gens ressentent des choses en voyant mes objets, que ça leur évoque des sentiments, des souvenirs". Dans ses œuvres, elle aime bien représenter notre organisme : "Cela montre que tous les êtres humains sont conçus de la même façon et j'adore cette idée". D'autres sujets lui tiennent à cœur : la création de l'être humain avec les différents stades de sa vie ou la conquête spatiale, car cela parle de fragilité, de ce qu’on retient de quelqu'un ou quelque chose après sa disparition. "Mes sculptures sont avant tout joyeuses et "enfantines", bien que nous soyons souvent entourés de choses ou d'informations souvent douloureuses. Je veux garder et représenter cet espoir, cette légèreté." Mona Luison, de son vrai nom Emmanuelle Loison, se définit comme "persévérante, utopique et bricoleuse". Sa plus grande réussite ? "Toujours pouvoir exercer ma passion. Bien que je sois obligée de travailler quelquefois à côté, car il est souvent difficile d'avoir assez d'argent pour vivre de ce métier, je n'ai jamais abandonné."
"Toujours pouvoir exercer ma passion. "
45
RENCONTRE AVEC UNE fille de...
Fille de… Parce que les gens qu'on aime, proches de nous, sont aussi des personnages ! Portrait d'une fille par sa mère. Par GeoB
F
ille de… Célébrité ? Ne vous y trompez pas ! Entre nous, ce serait tellement plus sympa. Donc fille de… Personne beaucoup trop et défavorablement médiatisée. Bref, ma fille voudrait simplement pouvoir aimer sa mère sans qu’on vienne le lui reprocher. C’est une jeune femme de 20 ans, déjà ! Elle voit le jour dans une clinique au milieu d’un magnifique parc arboré et vallonné d’une petite ville de l’ouest lyonnais. A sa naissance, elle fait bien sûr évidemment le bonheur de ses parents et de ses grands-parents. Elle restera fille unique. Un père artiste dans l’âme, peintre à ses heures, chanteur amateur, une nature bohème. Moi, sa mère, touche à tout, passionnée par tout… Tous deux en conflit permanent entre notre amour et les contraintes qu’impliquait la vie à deux puis à trois. Elle est le meilleur de nous. Lecture et robes de mariées Après des études dans les métiers du vêtement et de la mode, elle obtient son Bac Pro avec mention et enchaîne avec une année de spécialisation pour devenir costumière, année qu’elle passe en Avignon en colocation. Durant cette période, elle fait des stages motivants, par exemple à l’opéra de Saint-Etienne, mais aussi dans un atelier de robes de mariées sur mesure, basé dans l’ouest lyonnais.
46
C’est une grande lectrice, c’est d’ailleurs elle qui m’a fait connaître l’un de mes auteurs favoris, à savoir Guillaume Musso. Elle nourrit également une vraie passion pour le chant et la musique, elle joue du piano et entonne avec plaisir des chansons de Brel ou de Piaf. Aujourd’hui, elle bosse dans une usine qui fabrique et conditionne des rubans de toutes sortes. On vient de lui proposer un CDI pour septembre. Elle a hâte de signer son contrat. Elle envisage son avenir avec son compagnon plus sereinement. Ils forment un jeune couple d’actifs plein d’avenir. Créative et combative C’est une jeune fille très créative et combative. Elle a participé à de nombreux concours, sans jamais remporter le premier prix peut-être par manque de «piston», mais aussi par manque d’expérience… Ses plus belles réalisations s’intitulent «chocolatine», «robe en jean», «enrubannée», ou encore «robe salopette», etc… Beaucoup d’idées germent dans son esprit, sa plus grande difficulté étant de canaliser tout ça pour construire ses projets. Ce qu’elle aime, c’est créer, dessiner, découper, coudre… Ce qu’elle n’aime pas : qu’on lui dise ce qu’elle doit faire, où comment elle doit le faire. Son plus grand rêve serait d’intégrer une équipe de costumiers, soit
au sein d’un opéra, soit dans une troupe théâtrale, mais les places sont chères ! Un rêve qui pourra peutêtre se concrétiser en passant par le bénévolat. Je suis fière d'elle Petite brunette, cheveux courts, grands yeux marron, le nez légèrement en trompette. Son look associe confort et élégance. Comme la plupart des jeunes gens de sa génération elle parle trop vite, n’articule pas assez et veut toujours avoir le dernier mot. Plutôt réservée, mais dès qu’elle se sent en confiance, c’est une vraie pipelette… Les gens qui ne la connaissent pas, la voient comme une jeune fille immature, cela s’explique par le fait qu’elle a du mal à parler de l’essentiel, bien qu’elle en soit parfaitement capable grâce à d’excellentes capacités de raisonnement et de réflexion. Elle se protège en restant dans le superflu. Pour moi, elle est créative, espiègle et passionnée. Je suis fière de ma fille, fière de sa réussite dans ses études, malgré mon incarcération. Fière de l’amour inconditionnel qu’elle me porte. Fière de l’humilité dont elle sait faire preuve quand c’est nécessaire. Fière de nos crises de fou rire pour des peccadilles. Fière de son altruisme. Fière parce qu’elle ne ressemble à personne, ne cherche à ressembler à personne. Elle est elle, juste elle !
47
RENCONTRE AVEC UNE juge
La juge et la vie des autres Pas facile pour une juge, marquée à chaque fois par les parcours de vie des accusés et la souffrance des victimes, de ne jamais pouvoir évoquer son ressenti à son entourage. Par Lady J
C
atherine de la Hougue a 70 ans et elle est juge retraitée. Tout au long de sa carrière, comme les autres magistrats, elle a été soumise au secret professionnel. Et ce n'est pas toujours facile. La professionnelle, qui est aussi mère et aujourd'hui multi grand-mère n'a jamais présidé une Cour d'Assises mais elle a souvent été assesseure : "ce sont les magistrats en robe noire, aux côtés du président en robe rouge". On pouvait la voir dans les tribunaux de Caen et de Coutances.
Elle est rentrée dans la magistrature sur le tard : "Avant, j'ai eu d'autres métiers passionnants. Puis j'ai passé et réussi le concours de la magistrature à 45 ans et j'ai eu la chance d'exercer comme juge pendant 22 ans". Elle a exercé comme juge aux affaires familiales, au tribunal d'instance, en correctionnel, aux Assises, comme juge des tutelles, et pour terminer, pendant dix ans comme juge des enfants : "la meilleure décennie de ma carrière". "Etre juge est difficile, nous dit Catherine. C'est néanmoins un métier très intéressant que j'ai beaucoup aimé malgré les multiples difficultés." Beaucoup de délibérés l'émeuvent ou la marquent Catherine de la Hougue se rappelle de son premier jugement. Il a été très
48
marquant, tout comme beaucoup d'autres : "A chaque fois que j'ai siégé à la Cour d'Assises et que j'ai eu à me prononcer avec les autres participants sur le sort d'un prévenu, au moment des délibérés, à la prise de décision, chaque histoire s'est avérée intéressante, voire émouvante et souvent marquante". Certaines fois plus que d'autres. Mais son humanité l'a toujours poussée à s'intéresser aussi bien à la personnalité et aux parcours de vie des accusées et accusés, qu'à la souffrance des victimes. La juge pense que les qualités requises pour ce métier sont la concentration, l'attention, la philanthropie et l'impartialité. "Elles permettent de se faire une opinion et de juger en son âme et conscience". C'est certain, il n'est pas facile, après une journée d'audience, souvent longue et émotionnellement chargée, de revenir à la vie quotidienne : "Une session d'assises peut durer parfois plusieurs jours ou semaines. On peut travailler 10 h à 14 h par jour. Pendant ce temps-là, on se met un peu entre parenthèses… On oublie autant que possible son quotidien pour être le plus disponible possible". Il faut arriver à oublier tout le reste... "Sans compter que nous sommes tenus au secret professionnel, nous interdisant d'évoquer ni les coulisses du procès, ni même notre ressenti à notre entourage". Parfois, c'est lourd à
porter : "Il m'est arrivé, les weekends ou les soirs, de sortir seule pour marcher, me libérer la tête, ne plus trop penser... Ne pas être trop envahie... Car c'est dur et souvent oppressant". Parfois, des cas de conscience Parfois rendre son jugement lui a créé un cas de conscience. Dans les cas où les décisions ont été prises collectivement et qu'elle était en désaccord avec les autres sur la culpabilité ou la peine. Une fois le verdict prononcé, il lui est impossible d'en oublier les protagonistes. "Il y a une femme en particulier. Elle était dans une situation difficile. Un dossier très lourd". L'ex-juge y pense souvent en se demandant ce qu'elle fait dans la vie depuis sa sortie de prison. Pour Catherine de la Hougue, son métier a été une histoire d'intégrité : "Je sais bien que beaucoup pensent que certains d'entre nous sont corrompus. Les juges sont des êtres humains, ils ont eux aussi leur propre histoire. Mais il me semble, en tous cas en ce qui me concerne, que j'ai toujours veillé à faire abstraction de mon histoire personnelle, de ne pas m'arrêter systématiquement sur mes premières impressions. En faisant l'abnégation de mon humeur et de ma fatigue, de façon à rester la plus sereine et impartiale possible…"
"Ne pas ĂŞtre trop envahie... Car c'est dur et souvent oppressant."
49
' RENCONTRE AVEC UNE interprete
Ses mains
parlent aux non-entendants Béatrice Le Cointe Magny est travailleuse sociale bilingue, à cheval entre le français oral et la LSF (Langue des Signes Français). Pour elle, redonner la parole aux gens, c'est leur rendre une place dans la société. Par Ata 22
À
Citad'elles, elle est interprète. Surtout avec ses mains. Elle traduit en LSF (Langue des Signes Français) tout ce qui se dit à l'oral, lors des ateliers, pour une des rédactrices qui n'entend pas. Béatrice Le Cointe Magny est une belle personne, douce, gentille. A 50 ans, cheveux clairs, elle est ouverte et un brin discrète. Son atout majeur, c'est la maîtrise de la langue des signes. Elle a choisi d'en faire son métier. L'histoire a commencé il y a 27 ans, "lors d’un mémoire pendant mes études en sciences humaines. J'ai alors choisi de travailler avec un des étudiants, sur le thème de la surdité". Elle rencontre d’abord la compagne de cet étudiant, qui est sourde : "J’ai eu la sensation d’être désemparée", raconte-t-elle. Elle se rend compte que la communication est difficile. La compagne de son binôme peut lire sur les lèvres mais c’est un exercice assez fatigant. Ensuite, ils interviennent dans une classe d’enfants sourds. Là, de voir son ami pouvoir communiquer aisément avec les enfants alors qu’elle-même ne comprend rien, l’interroge : "pourquoi ne pas apprendre la langue des signes ?"
50
Redonner une place
Elle fait un an d’école d’interprète, mais le métier ne lui plait pas : "le rapport à l’autre était différent". Il lui manque quelque chose, qu'elle trouve lors d'un stage à l'Uradepa. L'Union régionale d’association de parents d’enfants déficients auditifs est une association créée pour réfléchir à l'intégration des enfants dans des écoles avec des entendants. Les enfants ont grandi et ont repris l’association, ont embauché des professionnels et ont ouvert une structure pour aider les nonentendants. Béatrice est embauchée comme formatrice pour adulte à l'Uradepa, avec un petit niveau de LSF, et poursuit son apprentissage de la LSF.
Elle a une fibre profondément sociale. "Je n’aime pas l’injustice, la mise en marge au regard des différences, c’est un combat personnel. La LSF permet à des gens mis en marge de leur citoyenneté de reprendre leur place à part entière dans la société, d’être à nouveau des acteurs de leur vie", explique l'interprète souriante, qu'on connaît aussi pleine d’humour. Elle travaille auprès de beaucoup de gens non-entendants différents : des détenus, des parents qui sont soumis à une mesure éducative, des personnes qu'elle accompagne dans leurs démarches administratives. Pendant plus de cent ans, la langue des signes a été interdite. Il n’y avait aucun moyen d’expression. "Redonner la parole aux gens est
"On espère pouvoir sauver, révolutionner le monde et c’est impossible."
un but qui m'a toujours guidée. Que les personnes comprennent leur environnement et qu'elles soient plus armées pour se construire, aller de l’avant et gagner leur indépendance". Laisser de l'espace à l'autre Son métier lui plaît et ça se voit. Autant elle ne supporte pas le non-respect et la course effrénée pour le profit, autant elle aime le côté humain : "il y a toujours un sentiment d’impuissance dans le social. On espère pouvoir sauver, révolutionner le monde et c’est impossible. Mais d’un autre côté, cette impuissance nous rend plus
forts : ça nous apprend à laisser de l’espace à l’autre, à le laisser trouver ses propres ressources". Au quotidien, soit elle fait des choses seule avec la personne nonentendante, soit elle sert d'interprète. La place de tierce personne est parfois difficile à tenir. "J'ai parfois un peu de mal à garder de la distance, notamment quand j'accompagne une personne non-entendante dans les services sociaux et qu’elle tombe face à de jeunes professionnels un peu maladroits." Difficile de traduire des choses qu'elle ne se serait jamais permis de dire... "Avec le temps on acquiert de l’expérience, des
compétences. J’innove tout le temps, on ne peut pas s’ennuyer quand on travaille avec l’humain, qui par nature évolue en permanence. C'est un travail riche". Béatrice n’est pas que travailleuse sociale bilingue, c’est aussi une mère de famille et ses enfants sont sa plus grande fierté. Si elle pouvait avoir un pouvoir, elle avoue qu'elle aimerait pouvoir voler. En attendant, elle se définit comme une grande pessimiste/ optimiste. "Mes grandes déceptions ? Avoir beaucoup de projets et de ne pas pouvoir les réaliser tous !" Mais, comme elle le dit, "on s’en sort plus fort".
51
' RENCONTRE AVEC UNE policiere
Amélie, une policière
au service
des autres
Positive, communicative et sociable. C'est ainsi qu'Amélie, policière municipale, se décrit en trois mots. Des qualités très importantes pour exercer son métier au quotidien. Par Choupinette
P
olicière municipale depuis bientôt un an, j'ai 36 ans. Je suis originaire de la Manche et maman d'une fille de 6 ans 1/2. Personne, dans ma famille, n'exerce le même métier que moi.
O
n ne peut pas dire que c'est un métier de macho car de plus en plus de femmes sont dans les effectifs. Après, comme dans tout métier, on peut rencontrer des individus machistes. Personnellement j'en ai rencontré très peu sur mon parcours professionnel. Je suis rentrée en école de sous-officier de Gendarmerie à l'âge de 19 ans. Profession que j'ai exercée pendant 8 ans avec passion. J'ai décidé d'arrêter pour des raisons personnelles, mais je continue d'exercer ponctuellement dans la réserve opérationnelle de Gendarmerie.
L
'intervention la plus émouvante était lorsque j'étais gendarme. C'était un 25 décembre vers 16 h et je suis intervenue sur un accident de la route. Parmi les six personnes impliquées, un jeune homme a été très grièvement blessé, il avait mon âge. Sa mère est arrivée sur les lieux une heure après l'accident et son fils était en cours de désincarcération. Cette maman, il faut l’empêcher, lui interdire d'aller voir son fils, la rassurer, la faire patienter. Deux jours plus tard, elle m'appelait
52
pour m'informer que son fils était en mort cérébrale et elle me demandait mon avis, à savoir si elle devait faire le don d'organes de son fils. Pendant plus de 6 mois cette maman m'a appelée régulièrement pour parler de son fils. Une intervention dont je me souviendrai toute ma vie et à chaque fois que je passe sur les lieux de l'accident. En tant que maman, je comprends la douleur de cette mère qui a perdu son fils un jour de Noël.
I
l n'y a pas de journée type dans mon métier de policière municipale. Chaque jour passe et ne se ressemble pas. Voici un pêle-mêle des missions effectuées : Présence aux abords des écoles, constat de dégradations ou dépôt sauvage divers sur la voie publique, médiation pour régler divers conflits, accident de la route, rédaction d’arrêtés, occupation du domaine public, urbanisme, environnement, patrouille de surveillance générale en véhicule ou VTT, prévention, police route, navette entre les diverses administrations, renfort aux fonctionnaires d’État, police secours, surveillance des bâtiments communaux…
C
e qui me plaît dans ce métier, c'est d'être en contact avec l'ensemble de la population tout le temps. De plus, l'avantage d'être en police municipale, c'est
que l'on travaille sur une seule commune et, avec le temps nous connaissons une bonne partie des administrés. J'aime aussi la variété des missions et la routine n'existe pas car les journées sont remplies d'imprévus. Quand j'étais dans la gendarmerie, les missions étaient également très variées. Cela me plaisait beaucoup. Si j'ai choisi d'être gendarme, c'est aussi parce que c'est une institution militaire en contact direct avec la population. Quand j'étais adolescente, je voulais être militaire car j'aime l'ordre, la rigueur, la discipline et avoir la possibilité d'aider les populations.
E
tre policière municipale, cela nécessite une vraie motivation. Personnellement, j'ai passé un concours de la fonction territoriale d'agent de police municipale. C'était plutôt difficile car il faut le travailler, le préparer plusieurs mois avant l'échéance. Et il y a beaucoup d'inscrits, pour peu d'élus ! Une fois que le concours est en poche, le plus difficile est à venir : il faut trouver une collectivité qui veuille bien vous recruter en tant que gardien stagiaire. J'ai fait ce stage de six mois à Saint-Brieuc. Cela m'a permis de mieux appréhender ce métier pour lequel il faut aimer communiquer, être patient, juste et rigoureux.
"On ne peut pas dire que c'est un mĂŠtier de macho car de plus en plus de femmes sont dans les effectifs."
53
' ' RENCONTRE AVEC UN chef etoile
Julien Lemarié, chef étoilé mais cool
I
l a un crâne rasé et le sourire. Sur sa veste blanche de chef, on voit son nom brodé : "Julien Lemarié". Au poignet, il porte quelques bracelets d'ailleurs qui laissent penser qu'il a voyagé. Ses gestes sont souples et, en cuisine, il est dynamique et rapide. "J'aime quand ça pulse", rit le chef breton qui a déjà été étoilé. Julien Lemarié commence la cuisine lorsqu'il a 17 ans. Il fait un CAP cuisine en Bretagne. Puis il part trois ans en Angleterre "pour changer d'air". Là-bas, il apprend l'anglais et découvre "autre chose que la cuisine de bistrot ou de restaurant gastronomique". Il revient en Bretagne, pour approfondir ses connaissances et faire un deuxième apprentissage, puis repart en Angleterre pendant huit ans. À Londres, il ne travaille pas chez n'importe qui, mais chez Gordon Ramsay, ce célèbre cuisinier qu'on voit souvent à la télé. "Ce que j'adore en Angleterre, c'est le mélange, y compris dans la cuisine. Là-bas on trouve toutes les influences, indiennes, jamaïcaines, européennes. En termes de mixe, ils vont plus loin que nous. Et Londres est très dynamique". En six mois, il est nommé chef de la pâtisserie. "Il y a un tel turn-over dans le staff que seuls les plus endurcis restent", sourit le chef, qui reconnaît que les Britanniques donnent beaucoup plus d'opportunités aux jeunes, "à eux de faire leurs preuves !" Direction Japon Gordon Ramsay lui demande d'ouvrir un restaurant à Tokyo. "C'est comme si j'arrivais sur la planète Mars : je n'avais aucune référence, ni pour la langue, ni pour les produits à cuisiner. Au départ, en cuisine, on gueulait sur
54
A 39 ans, Julien Lemarié, chef cuisinier, a déjà eu deux enfants, une étoile et a vécu dans quatre pays différents. Accrochez-vous ! Par Xafi.
tout ce qui bouge comme on avait qui arrive dans l'assiette." Les clients l'habitude de faire à Londres. Mais adorent. les Japonais n'ont pas compris et ont détesté. On a repensé toute notre Chef étoilé, c'est énormément de manière de faire..." travail : "Je ne sers pas quelque chose Julien Lemarié aime l'artisanat que je ne mangerais pas. Tout ce qui japonais et leur culture du produit : sort de ma cuisine, je l'aime". Très "telle recette correspond à telle région pris, il a peu de temps pour lui et sa et à tel produit". Les Japonais adorent famille. Quand il est chez lui, Julien la cuisine française très classique Lemarié lâche les fourneaux : "j'ai à laquelle on rajoute deux ou trois une femme qui cuisine divinement touches japonaises. C'est à Tokyo bien. On mange beaucoup japonais qu'il rencontre sa femme, avec qui il à la maison." Sur son temps libre, aura un garçon le chef aime et une fille. faire du vélo Dans chaque numéro Mais le voyage et bouquiner... n'est pas fini ! de Citad'elles, nous invitons " s u r t o u t d e s Il part ensuite un chef à venir cuisiner avec b o u q u i n s d e pour Singapour !" l'équipe un menu élaboré cuisine pendant deux "Julien est ans, dans un uniquement avec des produits curieux, ouvert cantinables. Pour l'été, hôtel très sur le monde, très prestigieux. c'est Julien Lemarié qui enthousiaste et "Quand on surtout humain : s'est prété à l'exercice. voyage, il faut il fait attention Vous aussi, cuisinez les se remettre à aux gens. C'est recettes d'un chef étoilé. très rare dans chaque fois en question, il faut ce métier, décrit s'adapter. C'est Olivier Marie, intéressant. Le fait de bien savoir journaliste culinaire qui le connaît parler anglais m'a beaucoup aidé". bien. Et grâce à sa culture japonaise, sa cuisine est très pointue". Étoile et carte blanche Proche de la nature Retour en France. Avec des bouts de vie éparpillés partout sur la planète, où Julien Lemarié aime cuisiner avec est la maison ? "La maison c'est là où la saison. Ses coups de cœur, ce sont l'on est", s'amuse le chef. A Rennes, les produits qui lui donnent envie il arrive au restaurant Lecoq Gadby : de créer. Il aime faire des mélanges il y a une étoile et il l'a conservée. inspirés de ses voyages. Et aussi Pourtant il change le style de la travailler des produits locaux. Il cuisine de cette maison classique de connaît les producteurs de tout ce manière très radicale. "J'ai créé deux qu'il met dans les assiettes : "Si menus qui fonctionnent sur la manière on veut que les aliments de terroir de la carte blanche. On demande aux ne disparaissent pas, il faut les gens s'ils ont des allergies ou des utiliser". Il a appris ça de son séjour choses qu'ils n'aiment pas du tout, et au Japon, car là-bas, car ils sont ensuite c'est la surprise pour tout ce très proches de la nature. L'autre
aspect très important de sa cuisine, c'est la précision : "une julienne, par exemple, doit être taillée exactement à la bonne longueur". Le chef pense aussi qu'un restaurant ne se résume pas à la cuisine. Il ne faut jamais oublier le service en salle. D'ailleurs, dans le restaurant qu'il compte ouvrir, il voudrait une cuisine ouverte sur la salle pour que les clients voient les cuisiniers en train de travailler et où les cuisiniers apportent eux-mêmes les plats sur la table et les présentent. Car si le rêve d'enfant de Julien Lemarié était de devenir cuisinier (c'est fait !), son rêve est désormais d'ouvrir un nouveau restaurant qui aura son étoile. C'est pour cela qu'il a récemment quitté Le Coq Gadby. Y cuisinera-t-il son plat préféré ? Depuis qu'il est enfant, c'est toujours la galette saucisse, comme la faisait sa grand-mère. Chut ! On ne le dira à personne...
"La maison, c'est là où l'on est"
55
' ' RENCONTRE AVEC UN chef etoile ENTRÉE // BETTERAVE COMME UN TARTARE Pour 4 personnes 1/2 botte de radis 1 betterave
Câpres Estragon
Huile de tournesol Moutarde Cornichons Échalotes
1 œuf Sel Poivre
Couteau
Hacher les betteraves. Tailler les échalotes, les herbes, les câpres, les cornichons
Mandoline
Faire une mayonnaise avec une cuillère à soupe de moutarde, l'œuf et l'huile de tournesol.
Mélanger tous les ingrédients.
Tailler en rondelles les radis le plus fin possible. Les mettre au frais.
Emporte-pièce*
Dressage : remplissez l'emporte-pièce avec le tartare.
Tapisser de radis en tranches.
Décorer des feuilles d'estragon.
* À défaut, une boîte de thon en conserve, lavée, évidée des deux côtés fera l'affaire.
56
PLAT // TOURNEDOS DE BŒUF, PURÉE MENTHOLÉE, PLEUROTE AUX POIREAUX Pour 4 personnes 1 kg de pommes de terre
4 tournedos
Sel Poivre
Lait
Beurre
Pleurottes (ou champignons de Paris) 2 gros oignons 1 botte de poireaux
+ Faire infuser à feu doux la crème fraîche et les feuilles de menthe. Filtrer.
Tailler les champignons et les poireaux.
Égoutter.
Éplucher les pommes de terre. Les faire cuire dans de l'eau légèrement salée. La Gremolata
Marquer la viande quelque minutes. Réserver. Terminer la cuisson au four à feu doux.
Écraser les pommes de terre, incorporer la crème infusée. Ajouter du beurre.
+
+
+
Hacher grossièrement le persil,la menthe et les anchois. Zester le citron et hacher un peu de pulpe. Hâcher très finement 2 gousses d'ail. Assaisonner d'huile d'olive, de sel et de poivre.
Faire cuire dans du beurre à feu doux
Dressage
Présenter joliment le tournedos, la purée et l'émincé champignon-poireaux. Ajouter quelques herbes et un peu de Gremolata.
57
' ' RENCONTRE AVEC UN chef etoile DESSERT // COMPOTÉE DE RHUBARBE Pour 4 personnes 1 botte de rhubarbe
1 sachet de thé
Sucre
Le jus d'une orange
Laisser cuire à feu doux 20 min avec un peu de sucre.
Éplucher la rhubarbe en enlevant les fils.
Ajouter le jus d'orange et le contenu du sachet de thé. Couper en tronçons.
DESSERT // CRUMBLE AU THÉ Pour 4 personnes
1 sachet de thé
18O gr de farine 100 gr de beurre
58
50 gr de poudre d'amande
100 gr de cassonade
Mélanger à la main le beurre coupé en morceaux, la farine, la poudre d'amande, la cassonnade et le contenu du sachet de thé en sablant. Cuire sur une plaque à four doux jusqu'à coloration.
DESSERT // TOURTE AU CHOCOLAT Pour 4 personnes 150 gr de chocolat à pâtisser
15 gr de farine
70 gr de sucre
4 œufs 125 gr de beurre
Séparer les blancs des jaunes. Monter les blancs en neige.
Incorporer la farine, le sucre, les jaunes au mélange chocolat-beurre. Incorporer délicatement les blancs. Mettre dans des moules type muffins. Mettre au congélateur (à défaut, mettre au froid) Faire cuire 13 min au four à 180°C.
Présenter la tourte au chocolat démoulée avec la compotée de rhubarbe soupoudrée de crumble au thé.
59
RENCONTRE AVEC UN peintre
Ming et moi Il y a 20 ans, le peintre Yan Pei-Ming est venu faire des portraits au centre pénitentiaire. En juin, des femmes sont devenues des artistes comme Ming, le temps d'un atelier. Par Sisi
I
l s’appelle Yan Pei-Ming. Comme son nom, ainsi que la forme de ses yeux l’indiquent, il est d’origine asiatique. Il a les cheveux longs de couleur poivre et sel. Il a 56 ans. Il est aussi petit que ses tableaux sont grands. Ses toiles mesurent d'1m80 à 2m. Il est souvent habillé de noir, cette couleur qu'il met en valeur dans ses créations. C’est peut-être le noir, justement, qui, quand Ming joue avec la matière et les contrastes, donne vie à ses portraits. Il est venu au CPF. En 1996, Ming a animé un atelier d’arts plastiques au CPF, autour du thème du portrait individuel. Et cinq femmes détenues sont devenues des modèles pour ses peintures. Ses portraits sont de profil, car Ming ne "peut pas croiser
60
pendant deux heures leur regard intense". "En général, quand une femme pose pour un portrait, elle attend beaucoup de choses sur le plan esthétique, explique l'artiste. Avec les prisonnières, j’ai eu le sentiment qu’elles ne cherchaient pas une esthétique, mais une existence". Sur fond blanc, par projections, Ming travaille avec de grosses brosses et crée des saturations de noir, de blanc, de gris. En jouant avec la texture de la peinture noire à l’aide de pinceaux et spatules, ses modèles se dévoilent, nous révélant leur tristesse, leur fougue, leur solitude, leur âge, leur nationalité. Ming met en scène leur âme.
J'ai fait un tableau-portrait comme Ming. Je voulais présenter ma langue, la langue des signes. Je voulais qu'il soit beau. Sur une grande feuille blanche peinte en noire, j'ai découpé et froissé des bandes que j'ai collées sur le fond du tableau pour donner du relief, j'ai dessiné mes mains entourées de soleil pour montrer la vitalité. Je suis fière de ce tableau.
À lire : MING vingt ans après, Féminins/singuliers.
61
RENCONTRE AVEC UNE brodeuse
Autoportrait d'une brodeuse Si vous me croisez, vous n'imaginez peut-être pas que je suis fan de point de croix. Attention... je pourrais peut-être même vous refiler ma passion. Par Anic
I
l y a quelques années, si on m'avait dit que j'aimerais un jour la broderie, j'aurais ri. Je pensais qu'il n'y avait que les vieilles qui faisaient ça. Alors que non, il y a même des hommes qui s’y mettent, et des jeunes, qui vont dans des merceries pour prendre des cours : ça me bluffe ! J’ai découvert la broderie il y a à peu près deux ans, grâce à sœur Annick. Je la voyais tous les jours à l’atelier. Je ne faisais alors que du tricot. Je ne connaissais strictement rien à la broderie.
J’ai voulu apprendre. J’ai commencé à broder mon prénom. Entre nous : quelle patience il a fallu à sœur Annick !!! Les jours et les semaines passant, je progressais. Mon premier chef-d’œuvre fut un coussin pour ma visiteuse de prison (Béatrice). Plus j’apprenais et plus j’aimais ça. La broderie, c’est magique, c’est comme un tableau. A partir d’un dessin, d'un modèle, tu crées. Tu n’es pas obligé de le suivre exactement, tu peux prendre des libertés, tu peux changer les couleurs à l’infini. J'aime laisser partir mon imagination. J’aime aussi le geste. Cela demande beaucoup de concentration. Tu comptes, tu comptes. Quand tu te concentres, tu
62
fais le vide. A partir du moment où tu es distraite, tu te trompes. Anic qui brode, elle a beaucoup plus de patience que la Anic de tous les jours... Depuis, je ne fais que ça. C'est devenu une vraie passion. Le point de croix que je fais s’appelle le point de croix compté. Mais il n’y a pas que ça, il y a aussi le point de tige ou le point de chainette. Bien sûr, au fil des semaines et des mois je m’améliore encore. Mais je pense que je n’en ai pas fait le tour et que j’ai encore des choses à apprendre. Je varie : je peux faire une simple broderie qui fera quelques centimètres, des coussins ou alors carrément une nappe. C'est ce que je suis en train de faire en ce moment. C’est le cadeau de mariage pour ma fille. Elle mesure 1,90m sur 0,90m. Voilà déjà plusieurs mois que je suis dessus.C’est un sacré morceau et beaucoup de travail ! Je vais tous les jours à l’atelier, car j’ai toujours besoin des conseils de mon maître, la spécialiste sœur Annick. Ce n'est pas donné d'aimer broder. Il faut d'abord acheter la toile, il y en a de plusieurs sortes. De la plus simple à celle qui a des fils argentés. Le prix au mètre peut doubler. Puis il en faut, des fils à broder ! Il faut compter au
moins 1€50 à 2€ l’écheveau, selon la marque et la qualité. Mais comme dit le proverbe : "Quand on aime, on ne compte pas". Parfois je brode plus de 8 heures par jour, à l'atelier ou en cellule. Si tu n’as pas de patience, ce n’est pas la peine. Le pire c’est de m’apercevoir que je me suis trompée dans ma broderie. Il faut alors que je défasse. J’ai horreur de ça, car ça abime la toile. Il n'y a qu’un truc qui me hante, que ma fille me dise que la nappe que je fais pour son mariage n'est pas terrible. Mon vrai plaisir, c’est de voir le plaisir de la personne qui reçoit la broderie. Depuis que je brode, pour moi, je n’ai fait qu’un coussin. Tout le reste, je l'ai fait pour les autres : ma famille, des amies ou pour des filles ici que j’aime bien. En tout cas, il me tarde de l’avoir finie, cette nappe. Je n’aime pas les broderies qui prennent un max de temps. Si j'avais à broder un truc un peu fou, je broderais le palais de Sissi impératrice sur tout un mur de ma cellule. Tu t’imagines ? C’est mon rêve d’y aller. J’adore l’Autriche, c’est là que j’irais vivre si je devais quitter la France… En attendant, quand je serai dehors, je ne sais pas si j’aurai autant de temps à consacrer à ma passion.
63
RENCONTRE AVEC UNE maquilleuse
Marie, chef maquilleuse derrière l'écran On a rencontré pour vous Marie Lastennet : elle est maquilleuse, coiffeuse et perruquière dans le cinéma. Son parcours est atypique et son univers beaucoup plus humain que superficiel. Par Ata 22.
DANSE. Dans le jargon, on l'appelle "chef maquilleuse spécialisée" (pour les effets spéciaux). Marie Lastennet une femme tout sourire, débordante d'énergie, très ouverte et à l'écoute des autres Elle a 55 ans. À l'âge de 5 ans, elle commence la danse, pendant 15 ans. Elle est passionnée, malheureusement, la recherche de l'excellence doublée d'une chute à mobylette lui provoque des problèmes aux genoux et la forcent à se réorienter. CLOWN. Pendant 5 ans, elle ne sait pas vraiement quoi faire. Un jour, elle s'arrête en plein Paris pour regarder un spectacle de rue et fait la rencontre de Bernard Mangin, connu aussi sous le nom d'Alberto le clown. Il va lui ouvrir les portes du monde du théâtre. Elle commence une nouvelle vie et opère un virage impressionnant. Elle fait des spectacles où elle parodie la danse. Elle s'investit dans le théâtre petit à petit, tant sur la scène que derrière la scène. Elle apprend toutes les ficelles et se familiariser avec les techniques de maquillage, jusqu'à maquiller la petite compagnie. MAQUILLAGE. Jusqu'ici, le théâtre reste une passion et elle enchaîne les petits boulots pour vivre. "J'ai vu que j'avais un bon coup de pinceau, alors j'ai décidé de prendre des cours du soir pour avoir une vraie formation de maquillage." La maquilleuse est née. "Comme j'avais déjà fait de la scène, j'étais à l'aise en public, alors j'ai été frapper à toutes 64
les portes pour avoir du travail. Un jour, la porte s'est ouverte et j'ai fait de très belles rencontres. Les gens du théâtre m'ont emmenée vers le cinéma." Elle a travaillé huit ans au théâtre et à l'opéra Pour elle, le théâtre et le cinéma sont deux formes de création très différentes, mais tout aussi bien l'une que l'autre.
C I N E M A . Son travail consiste, au cinéma, à faire que l'acteur ressemble chaque jour à son personnage. C'est bien plus compliqué que ça en a l'air. Elle me montre un scénario de film avec les scènes numérotées un "plan de travail" : c'est comme un planning. Un tableau qui indique l'ordre de tournage des scènes, car cellesci ne sont pas tournées dans l'ordre, pour des questions d'ordre technique, pratique ou autre. "C'est là que tout se complique : d'une prise à l'autre, les personnages peuvent changer de coiffure, de vêtements ou se retrouvent avec un bleu sur le visage. Il ne faut pas faire de faux raccords !" EFFETS SPECIAUX. Quand on fait appel à elle, la production lui envoie d'abord le scénario et elle le lit avant de s'engager. Comme elle est chef maquilleuse, c'est elle qui constitue son équipe. "Je peux m'en sortir seule s'il y a deux ou trois acteurs. Mais s'ils sont plus nombreux ou s'il y a des effets spéciaux, je fais venir d'autres maquilleurs". Les effets spéciaux, c'est lorsqu'elle doit créer l'illusion d'une blessure, d'une cicatrice, d'un doigt coupé ou vieillir quelqu'un.
ESSAIS. Avant de commencer le tournage, on a un travail de préparation. Il faut par exemple faire des essais filmés, pour voir le résultat à la caméra. Comme pour les films d'époque. Ca peut aller jusqu'à 15 jours ! Marie Lastennet montre également un livret appelé, dans le milieu, "la Bible". Il répertorie chaque nom et coordonnées de tout ceux qui travaillent sur le tournage du film, des acteurs aux techniciens, en passant par les services comptabilité. Dans sa carrière, elle a vécu quelque chose de fort en travaillant sur le tournage du film de Brigitte Sy Les mains libres, où la réalisatrice raconte son histoire : Intervenante dans une prison pour hommes, elle a vécu une très belle histoire d'amour avec un détenu longue peine. "HMC". Contrairement à ce qu'on peut penser, le travail de maquilleuse ne consiste pas uniquement à maquiller des acteurs, mais aussi à prendre soin d'eux. "Nous, on fait partie de l'équipe la plus proche de l'acteur, les "HMC" (habillage, maquillage, coiffure). On est là pour l'aider à se mettre dans la peau du personnage mais aussi prendre soin de lui. Lui permettre de se reposer sur nous. On est à l'écoute, on les tranquillise". C'est un métier très tactile, où il y a beaucoup de pudeur, mais pas de gêne. "Tout le monde est au même niveau, à égalité, et chacun fait attention à l'intimité des autres". Ils forment un groupe. "On est une équipe qui vit une aventure, une énergie. C'est difficile quand un tournage se finit."
DIOR. Elle a aussi côtoyé les tapis rouges. "J'ai représenté la marque Dior lors d'un festival de Cannes : c'était vraiment le côté paillettes de la profession !" Elle faisait de la mise en beauté de vedettes avant qu'elles ne montent les marches. Marie Lastennet a beaucoup voyagé au gré des tournages. C'est une vraie nomade, mais elle a aussi une vie personnelle riche. "J'ai deux
enfants et j'ai toujours mis un point d'honneur à garder une vie de famille, même si ma vie professionnelle l'a un peu bousculée".
B E A U. P o u r e l l e , ê t r e maquilleuse, c'est rechercher ce qu'il y a de beau dans un visage, pour le faire ressortir. Pour être une bonne maquilleuse, il faut avoir le sens de l'observation, savoir anticiper et avoir
du doigté, "il y a un travail de trait, de dessin, de couleur, d'harmonie". Malgré 30 ans de métier dans le maquillage, elle est et restera toujours une danseuse dans l'âme. "La danse m'a beaucoup appris dans la vie, c'est une discipline artistique qui demande beaucoup de travail et qui apprend à transmettre aux autres". Elle continue et continuera à danser.
65
66
fédératIon
ille-et-VilAine