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Principes directeurs dans le cadre de la protection et l’enquête des charniers

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Annexe 5

Annexe 5

Il est suggéré qu’une Instance chargée de la recherche des personnes disparues, désignée pour la coordination des efforts de recherche des personnes disparues (Article 7 de la Loi bosniaque sur les personnes disparues18, voir également CDF - Principes directeurs 12(1) et 12(3)) et l’expertise pertinente nécessaire, est suggérée, pour comprendre la responsabilité de la protection et de l’enquête des charniers et de la récupération des dépouilles humaines. L’Instance devrait également fournir des mécanismes sûrs pour recevoir les demandes de recherche (Loi type du CICR sur les personnes portées disparues19, Articles 12 et 12(3)) et créer un registre des personnes disparues et des informations connexes. La résolution de 2019 du Conseil de sécurité des Nations unies souligne la nécessité « d’adopter une législation » (CSNU 247420 à la page 2) au niveau national pour répondre à la question des personnes disparues. La législation devrait être non discriminatoire, assurer la protection, l’enquête et l’identification de toutes les personnes, dans la mesure du possible.

Bien que les autorités de l’État ne disposent pas toujours de structures préexistantes pour gérer les circonstances exceptionnelles des charniers avant un conflit, les violations des droits de l’homme ou les catastrophes, il est probable qu’il existe néanmoins un cadre juridique applicable dans lequel les processus sont régis par les lois, la législation et les pratiques du pays touché.21 À moins qu’un mandat juridique international n’ait préséance, le respect de et l’adhésion à ces préceptes juridiques s’appliqueront à tous les intervenants. Ils régiront les questions de savoir qui a le droit de rechercher les personnes disparues et de demander la tenue de l’enquête concernant les charniers, et dicteront les processus de restitution des dépouilles humaines.

Une note de mise en garde sur la protection et l’enquête des charniers

Malgré l’existence de droits juridiques, les enquêtes sur les charniers ont des obligations de moyens et non de résultats (c’est-à-dire qu’il faut fournir les meilleurs efforts et que cela dépend des ressources disponibles). Les enquêtes sur les charniers sont généralement un processus très complexe, long et coûteux, qui exige une planification, une coordination, des ressources, une autorisation officielle et une volonté politique importantes. L’enquête elle-même aura probablement des répercussions sur de multiples parties prenantes, y compris notamment mais pas uniquement, les survivants individuels et les familles ; les témoins ; les groupes de victimes ; les communautés touchées ; les agences spécialisées ; les ONG ; les autorités locales, régionales et nationales et les organismes d’État ; et les entités internationales telles que les commissions d’enquête des Nations Unies et les organisations internationales. Par conséquent, il y aura un large éventail d’intérêts et de besoins individuels, collectifs et sociétaux, qui pourraient ne pas être compatibles ou facilement conciliables. En outre, dans des situations de grande ampleur, il pourrait ne pas être possible de récupérer, d’identifier et de rapatrier toutes les victimes provenant de charniers, ce qui est susceptible d’avoir des répercussions sur les familles des personnes portées disparues et les communautés touchées. Cela pourrait également avoir un impact sur la perception de la justice et des activités menées pour que justice soit faite tant à l’échelle nationale qu’internationale, lorsque l’exhumation constitue un aspect d’un processus judiciaire.22

Principes directeurs dans le cadre de la protection et de l’investigation de charniers

En plus des facteurs indiqués dans le présent Protocole qui s’appliquent à diverses étapes du processus de protection et d’enquête, il existe un certain nombre de principes directeurs généraux qui devraient éclairer et guider le(s) processus(s) dans leur intégralité, s’appliquant à toutes les étapes, à tous les acteurs, au niveau national et international. Bien qu’ils soient répertoriés séparément ci-dessous, ils sont en pratique interdépendants.

(1) Ne causer aucun préjudice

Une approche visant à « Ne causer aucun préjudice » sous-tend tous les autres principes fondamentaux, et nécessite une compréhension de la ou des façon(s) potentielle(s) par laquelle/lesquelles la présence et la conduite d’une enquête sur des charniers pourraient affecter le contexte et l’environnement au sens plus large, ainsi qu’une appréciation de la ou des façon(s) dont les impacts négatifs pourraient être évités et/ou atténués dans la mesure du possible. Tout comme les interventions dans le cadre des droits de l’homme, dans les situations de conflit et de post-conflit, ces opérations feront par nature partie de la dynamique plus large du contexte de leur opération. Les communautés pourraient subir un changement social rapide, qui pourrait inclure un certain degré de fluidité dans les structures sociales et de pouvoir et le rétablissement des normes sociales. Une approche visant à « Ne causer aucun préjudice » dans ces circonstances cherchera activement à éviter d’affaiblir les structures et les relations existantes qui sont essentielles au maintien de la paix et de la coexistence au sein des communautés. Elle devrait également s’efforcer d’éviter de créer des inégalités ou des perceptions de partialité ou de favoritisme, y compris en ce qui concerne le statut et les ressources, ou de conforter les inégalités existantes, y compris en ce qui concerne l’égalité entre les sexes. Elle comprendra un respect clair et, dans la mesure du possible, une adhésion aux sensibilités et aux normes culturelles, et les croyances religieuses connues des victimes et/ou celles de leurs familles devraient être prises en considération dans la mesure du possible et sous réserve qu’elles ne nuisent pas à la conduite d’une enquête efficace.

(2) Sécurité physique et émotionnelle

La sécurité physique et émotionnelle de l’équipe chargé de l’enquête, des familles des personnes portées disparues, des témoins et de toute autre partie impliquée dans l’enquête est primordiale. La sécurité, la dignité, la vie privée et le bien-être des victimes et de leurs familles devraient rester une préoccupation majeure pour tous les intervenants sans distinction. Cela peut nécessiter avoir recours à des initiatives visant à soutenir la sécurité physique et psychologique des personnes, y compris les orienter vers des services adaptés et adopter les approches envisagées lors de la conduite des entretiens avec des personnes potentiellement traumatisées. De plus, il faut veiller à réduire au minimum l’incidence des traumatismes indirects et des autres effets émotionnels négatifs parmi les membres de l’équipe et d’y répondre.23

18 Bosnie-Herzégovine : Loi sur les personnes disparues (21 octobre 2004), Journal officiel de la Bosnie-Herzégovine 50/04. 19 Loi type du CICR sur les personnes portées disparues. 20 Conseil de sécurité des Nations Unies, résolution 2474, du 11 juin 2019, Doc. ONU S/RES.2474. 21 Voir, par exemple, Interpol (2018) Guide d’identification des victimes de catastrophes, Partie B, Annexe 1, Section 4.1. 22 La liaison entre la famille et la communauté, y compris la gestion des attentes, est traitée plus en détail ci-dessous, dans les principes directeurs et dans la

Section C du présent Protocole. 23 Voir, par exemple, le chapitre 12 du Manuel du suivi des droits de l’homme du HCDH, qui contient des recommandations détaillées sur les entretiens avec des personnes traumatisées, ainsi que sur les soins personnels.

Des stratégies et des activités de protection spécifiques devraient également être élaborées. Le public devrait être informé de l’existence des mesures de protection afin de le rassurer et d’encourager sa participation au processus d’enquête. Lorsque la situation en matière de sécurité le permet, le contenu spécifique des mesures de protection relatives aux familles des victimes et aux éventuels témoins pourrait également être placé dans le domaine public. Les personnes qui participent directement à une enquête devraient être informées du contenu des mesures de protection pertinentes, y compris les limites du programme de protection offert afin que toute participation à l’enquête soit fondée sur une décision éclairée. Le respect de la dignité des victimes comprend le traitement respectueux et prudent des dépouilles humaines. La question de la sécurité devrait être réexaminée.

(3) Indépendance et impartialité

Une approche non discriminatoire et impartiale devrait s’appliquer à tous.24 Pour qu’une enquête soit perçue comme légitime aux yeux d’une communauté touchée et qu’elle encourage ainsi la participation de la communauté, le soutien d’un État de droit et la responsabilité du public, toute équipe chargée de l’enquête doit non seulement agir en toute indépendance et impartialité, mais elle doit également être perçue comme telle. Dans la mesure du possible, les équipes chargées de l’enquête devraient chercher à éviter, limiter ou atténuer les situations qui pourraient faire que leurs activités soient perçues comme étant sous une influence ou un contrôle politique, religieux ou ethnique. Il convient toutefois de noter que les charniers se situent généralement dans un contexte politique et/ou culturel très chargé, où les problèmes peuvent encore subsister au moment de l’enquête. En conséquence, les équipes chargées de l’enquête devraient être conscientes que l’exhumation des corps retrouvés dans un charnier en particulier pourrait, en soi, être perçue comme un acte de partialité dans certains secteurs de la société.

(4) Confidentialité

L’assurance et le respect de la confidentialité en ce qui concerne les informations personnelles et d’autres données d’identification peuvent être essentiels pour établir la confiance avec les familles des victimes supposées et assurer leur sécurité. Cela pourrait jouer un rôle déterminant dans le signalement d’éventuels sites où se trouveraient des charniers, l’identité des parents portés disparus et la fourniture de données relatives aux personnes portées disparues et d’échantillons de référence d’ADN. Les procédures de confidentialité devraient être établies, comprises et appliquées par tous les membres de l’équipe chargée de l’enquête. Les conditions des procédures de confidentialité devraient être conformes aux dispositions nationales, communiquées aux communautés touchées et rendues publiques. Les familles des personnes portées disparues et les autres membres de la communauté devraient également être informés des limites des procédures de confidentialité. Lorsque les processus d’identification et/ou d’enquête impliquent la nécessité ou l’obligation de partager des données, le processus, la nature et le but du partage devraient être rendus apparents dès que possible. Tout partage de données devrait être uniquement limité aux personnes et organismes nécessaires afin que les objectifs du processus d’exhumation puissent être atteints, et dans la mesure convenue par la ou les personnes concernées.

(5) Transparence

Toutes les étapes du processus d’enquête, d’exhumation, d’identification et de retour des dépouilles humaines devraient être aussi transparentes que possible pour toutes les parties impliquées dans l’effort de protection et d’enquête, les familles des personnes portées disparues et le public. La transparence permettra de résister à l’examen public du processus. L’établissement de procédures et de protocoles officiels, clairs, transparents et accessibles pour guider le processus sera essentiel. Lorsque les praticiens experts sont membres d’organismes statutaires/réglementaires, les processus selon lesquels ces organismes attestent de la compétence de ses membres devraient également être accessibles et transparents afin d’améliorer la perception du public et de la famille par rapport à la crédibilité des praticiens. Le cas échéant, l’accréditation spécifique des laboratoires scientifiques utilisés dans le cadre de l’examen d’échantillons ou de tissus humains devrait être disponible, ainsi que toute procédure scientifique, technique et administrative existante adoptée par le laboratoire. Toute limite de la transparence devrait être strictement nécessaire, conforme aux droits à la dignité et à la confidentialité des victimes et de leurs familles, et servir un but légitime, y compris la sécurité de tous les intervenants actuels et potentiels impliqués.

(6) Communication

L’établissement et le maintien rapides de stratégies et de canaux de communication (y compris par le biais des réseaux sociaux) avec la communauté touchée, les médias et le public de manière plus générale sont essentiels pour instaurer la confiance, la bonne volonté et la légitimité de l’opération. Cela favorisera également la réalisation d’autres aspects essentiels, y compris le signalement - à la fois des charniers et des personnes portées disparues - ainsi que la participation dans les processus d’identification et d’enquête. Une communication claire et continue fournit également une plate-forme de transparence. Les stratégies de communication devraient idéalement envisager et permettre un flux d’informations bidirectionnel et prévoir la transmission de mises à jour régulières.

(7) Des attentes réalistes

Les familles des personnes portées disparues nourrissent peut-être de grands espoirs que leurs proches seront identifiés et leur seront retournés pour leur permettre d’organiser une cérémonie digne. Dans la pratique, cependant, l’identification et le retour des dépouilles humaines ne sont pas toujours être possibles, et les attentes doivent être gérées autant que possible pour garantir un engagement et un soutien continus des familles pour le processus d’exhumation. Les difficultés peuvent être particulièrement importantes dans les situations où des atrocités ont été perpétrées à grande échelle, lorsqu’on est face à un grand nombre de charniers et de personnes disparues, lorsque les charniers ne sont pas découverts et/ou lorsque le manque de capacités et de ressources sont susceptibles d’entraver les efforts d’exhumation /ou d’identification. Toutes les parties impliquées dans la protection et l’investigation des charniers devraient éviter de prendre des engagements envers les familles qu’elles pourraient être incapables de tenir.

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