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But et champ d’application du protocole
Sommaire
But et champ d’application du protocole......................................3 Principes directeurs dans le cadre de la protection et l’enquête des charniers........................................................................6 A. Découverte et signalement sécurisé..........................................8 B. Protection.............................................................................................8 C. Enquête.................................................................................................9 D. Identification......................................................................................12 E. Retour des dépouilles humaines .................................................14 F. Justice....................................................................................................15 G. Commémoration................................................................................16 Annexe 1...................................................................................................17 Annexe 2...................................................................................................18 Annexe 3...................................................................................................19 Annexe 4...................................................................................................20 Annexe 5...................................................................................................21 Annexe 6...................................................................................................22
But et champ d’application du Protocole
Les charniers sont trop souvent un héritage de conflits et de violations flagrantes des droits de l’homme. Pour les survivants, le besoin de connaître le sort et le lieu où se trouvent des êtres chers, et de recevoir la dépouille d’un être cher pour l’enterrer et/ou organiser une cérémonie digne, peut être bouleversant. De plus en plus, ce besoin est reconnu comme un droit juridique de connaître la vérité. Les charniers contiennent des preuves essentielles à la découverte de la vérité, l’intervention de la justice et la reconnaissance de la responsabilité des auteurs. Des règles et des procédures efficaces pour la protection, le maintien et l’enquête des charniers sont donc indispensables. Toutefois, à l’heure actuelle, bien qu’il existe un certain nombre d’approches de meilleures pratiques en vigueur parmi les différents intervenants sur le terrain, il n’existe pas de normes universelles, partagées ou communes. Grâce à un processus participatif et consultatif, ce Protocole répond à ces attentes. Il ne duplique ni ne remplace les documents existants sur les principes et les bonnes pratiques1. Au lieu de cela, il offre une approche unificatrice inter et intra disciplinaire pour la protection et l’enquête des charniers. Il suit la chronologie de ces processus dans leur intégralité avec une multitude d’intervenants, de disciplines et de mécanismes réunis pour le double objectif de faire progresser la vérité et la justice qui se renforcent mutuellement, en fournissant:
(1) Un Protocole international pour la protection et
l’enquête des charniers, ancré dans les dispositions juridiques pertinentes, combinant et reliant les branches du droit international en matière de droits de l’homme, le droit international humanitaire et - le cas échéant - le droit pénal international ; et
1 Voir la liste de ses documents pertinents à l’Annexe 1.
(2) un commentaire académique au Protocole, reflétant les fondements et les discussions qui ont mené aux diverses dispositions qu’il contient. Le Commentaire académique, publié séparément, met en évidence et élargit les perspectives et les besoins concurrents qui surgissent lors du processus de protection et d’enquête de charniers pour s’assurer que, dans la pratique, ils sont anticipés et, si possible, atténués. Les utilisateurs : Le Protocole est destiné à être utilisé par les praticiens, y compris, mais sans s’y limiter, les fonctionnaires gouvernementaux et d’État, le personnel chargé de l’application de la loi, les représentants juridiques, les experts en médecine légale, les professionnels de la santé, le personnel de sécurité et les intervenants experts de la société civile.2
Champ d’application et application du Protocole : sur la base du cas par cas
Le mandat contextuel de ce Protocole est limité aux charniers survenant dans le contexte de violations flagrantes des droits de l’homme et de conflits, tant au niveau interne qu’international. Cela n’exclut toutefois pas que le Protocole soit pertinent pour les charniers survenant dans différentes situations.3 Les victimes dans les charniers peuvent être des hommes, des femmes et/ou des enfants. Il peut s’agir de civils et/ou de combattants armés de part et d’autre d’un conflit. Le Protocole est destiné à s’appliquer sans distinction défavorable et sans égard à l’opinion politique ou autre, à l’association avec une minorité nationale, au sexe, à l’orientation sexuelle, à l’identité sexuelle, à la religion ou aux croyances, à l’âge, à la race, à la couleur de peau, à la langue, à l’origine ethnique, à la caste, à l’origine nationale ou sociale, au handicap physique ou mental, à l’état de santé, à la propriété, à la naissance, à l’état civil ou à tout autre motif reconnu par des instruments juridiques internationaux. Il n’existe pas d’enquête ou d’exhumation « standard » ou « type ». Les enquêtes sur les charniers sont très spécifiques au contexte. Cela peut être dû à des facteurs tels que la compétence géographique et temporelle ainsi que l’environnement politique. Par conséquent, ce Protocole n’est pas destiné à être normatif en termes de meilleures pratiques essentielles dans tous les cas d’exhumation de charniers. Le Protocole fournit plutôt des considérations spécifiques qui visent à soutenir et à informer les praticiens lorsqu’ils s’engagent dans un processus d’enquête dans leurs diverses capacités et à toutes les étapes. À cette fin, il convient de noter que les considérations contenues dans le présent Protocole peuvent ne pas s’appliquer intégralement à chaque enquête. Si le Protocole est conçu pour apporter un soutien sur une base universelle, le praticien déterminera l’applicabilité des aspects spécifiques du Protocole sur la base du cas par cas. Cela dit, à un niveau minimum et sous réserve de moyens, les normes d’enquête et de protection appliquées à toute situation devraient être suffisantes pour atteindre à la fois les objectifs de vérité et de justice, c’est-à-dire qu’elles devraient résister au regard critique des autorités.
Méthodologie
Le contenu du Protocole est façonné par l’expérience et la contribution d’experts invités, y compris des experts en médecine légale, des enquêteurs, des juges, des procureurs, du personnel de sécurité/police, des représentants de la société civile et des universitaires, reflétant leur expérience dans le domaine de la protection et les enquête des charniers, de l’expertise dans les droits de l’homme, du droit humanitaire et/ou pénal, ainsi que de la diversité géographique.4
Définitions
Aux fins du Protocole, nous proposons les définitions de travail suivantes : • Le terme charnier, non défini dans le droit international, est utilisé ici pour désigner « un site ou une zone définie contenant une multitude (plus d’un corps) de dépouilles humaines enterrées, submergées ou éparpillées en surface (y compris des restes de squelettes, mélangés et fragmentés), lorsque les circonstances entourant le décès et/ou la méthode utilisée pour disposer du corps justifient une enquête pour déterminer leur légalité ». • Personnes disparues signifie « personnes disparues suite à un conflit, à des violations des droits de l’homme et/ou à des violences organisées »5 • Par victime, le Protocole entend « les personnes qui, individuellement ou collectivement, ont subi un préjudice, y compris un préjudice physique ou moral, une souffrance émotionnelle, une perte économique ou une atteinte substantielle à leurs droits fondamentaux, par des actes ou des omissions qui sont en violation des lois pénales applicables dans l’État ou à la suite d’actes qui constituent des violations flagrantes du droit international des droits de l’homme ou des violations graves du droit international humanitaire».6 Conformément au droit international, la définition de la victime utilisée dans le Protocole englobe non seulement les individus situés dans une fosse commune (victimes « primaires » ou « directes »), mais aussi leurs familles et, le cas échéant, les communautés (victimes
« secondaires » ou « indirectes »). Dans un souci de clarté, le présent Protocole fait également référence aux
« familles », aux « membres de la famille » et aux
« communautés impactées » lorsque des dispositions particulières leur sont applicables.7
2 Cela pourrait inclure des initiatives citoyennes de médecine légale lorsqu’elles sont placées sous les auspices d’une organisation experte de la société civile autorisée. Les initiatives politiques peuvent également « légitimer » les survivants qui peuvent être impliqués dans le processus d’enquête et d’exhumation et qui n’agissent pas à titre professionnel mais entreprennent des exhumations. Pour une discussion plus approfondie à ce sujet, voir le Commentaire académique joint. 3 Par exemple, les catastrophes, y compris les catastrophes d’origine humaine et les décès résultant de l’application des contrôles aux frontières ou de la traite des êtres humains. 4 Des renseignements sur la technique d’échantillonnage pour la participation d’experts sont disponibles dans le Commentaire académique joint. 5 Adapté de l’Union interparlementaire et au CICR (2009), les Personnes disparues – MANUEL à l’intention des parlementaires, page 9, conformément au mandat de la Commission internationale des personnes disparues. Comme pour les charniers, il n’y a pas de définition unique des personnes disparues. La définition suggérée ici est moins étroite dans la conceptualisation que celle qui se trouve dans la résolution de 2019 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les personnes disparues en période de conflits armés, qui fait écho à la définition de 2010 du HCR des personnes « disparues en raison d’un conflit armé international ou non international » uniquement (par. 9). En même temps, cette définition ne comprend pas expressément les migrants disparus, un sujet qui dépasse la portée du
Protocole. 6 Il s’agit d’une définition composite de la Déclaration des Nations Unies des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir, à l’Annexe A, 1, et des Principes fondamentaux et directives des Nations Unies concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire, Annexe V, 8, et fait écho au paragraphe 1 de l’article 24 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. 7 Lorsqu’il y a une référence expresse aux « familles », aux « membres de la famille » ou aux « communautés impactées », cela ne suggère en aucun cas que qu’ils ne sont pas également des victimes. En outre, il est reconnu que les membres individuels de la famille et de la communauté pourraient eux-mêmes être des victimes directes d’autres préjudices infligés dans le contexte plus large des violations en cours d’enquête, et dont les charniers font partie.
• Le terme famille, non défini dans le droit international, est utilisé ici comme un concept qui se rapporte à une pratique sociétale dans un contexte spécifique.8 Aux fins du présent Protocole, l’appartenance familiale est importante pour déterminer, par exemple, le parent le plus proche9 , la personne qui sera destinataires des restes du/de la défunt(e) et la délivrance de documents juridiques à l’égard du statut d’une personne disparue. L’appartenance familiale doit être déterminée conformément aux lois et aux coutumes et/ou aux pratiques locales. • Médico-légal (selon la signification de l’expression terme
« en séance publique ») signifie le domaine scientifique, juridique et sociétal par lequel des affaires sont portées devant les tribunaux et/ou ou soumises à d’autres mécanismes judiciaires (comme un médecin légiste).
Format du Protocole
Le document énonce les divers processus chronologiques applicables à la protection et à l’enquête des charniers tout en suivant une approche normative, de sorte que le contenu du Protocole a un fondement explicite dans les règles et principes juridiques internationaux. Chaque section commencera donc par un encadré bleu décrivant les dispositions normatives fondamentales dérivées du droit international10 (normes internationales), fournissant ainsi la justification juridique du contenu proposé dans le Protocole.
La base juridique
Le point de départ du Protocole dans son ensemble est l’obligation des États de rechercher et d’enquêter. Tout en reconnaissant que les charniers peuvent être situées dans des contextes où l’on est confronté à des mécanismes mal développés ou inexistants, un système judiciaire surchargé, une insécurité et une multitude de besoins concurrents et simultanés, il y a une exigence explicite de législation nationale et de mise en place d’institutions dédiées. Ces législations et institutions sont considérées comme des conditions préalables à une réponse efficace à tous les cas de personnes disparues.
Les normes internationales L’obligation de rechercher et d’enquêteur
En vertu du droit des droits de l’homme, les États ont l’obligation de rechercher et d’enquêter lorsque le droit d’un individu et sa protection ont été bafoués. Le droit à la vie et l’interdiction de la torture ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants comprennent des volets procéduraux qui requièrent une enquête efficace (PIDCP11, articles 6 et 7). En vertu du droit régional des droits de l’homme, une enquête doit être rapide, indépendante, approfondie, impartiale et transparente. Ses conclusions doivent être « fondées sur une analyse approfondie, objective et impartiale de tous les éléments pertinents. »12 L’article 24, paragraphe 3, de la Convention internationale pour la protection de toutes personnes contre les disparitions forcées (CDF13) stipule que « Tout État partie prend toutes les mesures appropriées pour la recherche, la localisation et la libération des personnes disparues et, en cas de décès, pour la localisation, le respect et la restitution de leurs restes ». C’est une obligation continue jusqu’à ce que le sort et/ou l’endroit où se trouvent des personnes portées disparues n’aient été établis (CDF - Principes directeurs14, Principe 7). Dans l’ensemble, le devoir de mener une enquête efficace est une obligation de moyens et non de résultats.15 Le droit international humanitaire exige la recherche des personnes décédées (par exemple, CG I, article 15 ; CG II, articles 18 et 21 ; CG IV, article 16 ; Protocole additionnel I, article 17, paragraphe 2)) et des personnes portées disparues (Protocole additionnel I, article 33, paragraphe 2))16. Le droit international humanitaire coutumier suggère que chaque partie au conflit, qu’il soit international ou interne, soit obligée de « prendre toutes les mesures possibles pour rendre compte du sort des personnes disparues suite à un conflit armé » (DIH Coutumier17, Règles 2006, Règle 117).
Les normes internationales : Législation sur les personnes disparues et Instance chargée de la recherche des personnes disparues
Le CDF exige des autorités compétentes qu’elles disposent de dossiers et de registres officiels de toutes les personnes privées de liberté (Article 17, paragraphe 3). La gestion des registres et des bases de données doit respecter la vie privée des victimes et la confidentialité des informations (CDF - Principe directeur, 11(8)).
8 La Loi type du CICR sur les personnes portées disparues utilise le terme « proche des personnes disparues » en référence à, et conformément aux dispositions de la législation national applicable (Comité international de la Croix-Rouge (CICR) (2009), Principes directeurs/Loi type sur les disparus, Article 2(2)) (abrégé de la
Loi type du CICR sur les personnes portées disparues). 9 Y compris les proches génétiquement apparentés et les parents proches (Massacre de Pueblo Bello Colombie, Décision sur le bien-fondé, Réparations et dépens,
Cour interaméricaine des droits de l’homme Séries C N° 140 (31 janvier 2006), para 273 et 274. 10 La liste des dispositions normatives n’aurait donc qu’une valeur indicative. 11 Pacte international relatif aux droits civils et politiques (adopté le 19 décembre 1966, entré en vigueur le 23 mars 1976) 999 STNU 171 (abrégé PIDCP). Voir également Comité des droits de l’homme des Nations Unies (CDH), Observation générale no 36, Article 6 (Droit à la vie) CCPR/C/GC/35 (3 septembre 2019) para 58. 12 Kukhalashvili e.a. contre Géorgie, Décision, CEDH Requêtes no 8938/07 et 41891/07 (2 mai 2020) para 130. 13 Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (adoptée le 12 janvier 2007 entrée en vigueur le 23 décembre 2010) Doc. ONU A/RES/61/177 (20 décembre 2006) (abrégé CDF). 14 Comité des Nations Unies sur les disparitions forcées, Principes directeurs pour la recherche des personnes disparues (8 mai 2019) Doc. ONU CED/C/7, Principe 7 (ci-après CDF - Principes directeurs). 15 Da Silva contre Royaume-Uni, Décision de la Grande Chambre, CEDH Requête N° 5878/08 (30 mars 2016), par. 231–238, donnant un résumé complet des conditions d’une enquête efficace par la Grande Chambre. 16 La Convention de Genève (I) pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne (adoptée le 12 août 1949) 75 STNU 31 (abrégé CG I) ; Convention de Genève (II) pour l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer(adoptée le 12 août 1949) 75 STNU 85 (abrégé CG II) ; la Convention de Genève (IV) relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (adoptée le 12 août 1949) 75 STNU 288 (abrégé CG IV) ; et le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I) (adopté le 8 juin 1977, entré en vigueur le 7 décembre 1979) 1125 TSNU 17512 (abrégé Protocole additionnel). 17 Henckaerts J-M. et Doswald-Beck L., (2006) Droit international humanitaire coutumier, Volume I : Règles (abrégées règles du DIH Coutumier).