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D. Identification

Les normes internationales

L’Article 15 du CDF stipule : « Les États parties coopèrent entre eux et s’accordent l’entraide la plus large possible pour porter assistance aux victimes de disparition forcée ainsi que dans la recherche, la localisation et la libération des personnes disparues et, en cas de décès, dans l’exhumation, l’identification des personnes disparues et la restitution de leurs restes. » (caractères gras ajoutés). Les informations doivent également être communiquées à des personnes ayant un intérêt légitime pour cette information, par exemple les proches de la personne concernée (ibid, Article 18). Et l’Article 24(3) du CDF exige la restitution des dépouilles humaines. Les États sont tenus de fournir des informations documentaires sur la personne décédée51 et d’allouer les ressources nécessaires pour la fouille des sites où les personnes ont été enterrées, y compris pour la collecte, le stockage et l’identification des dépouilles humaines.52 La délivrance d’un certificat de décès est d’une importance majeure.53 En outre, dans le cas du Massacre de Pueblo Bello contre la Colombie, la Cour interaméricaine a suggéré que l’État devrait exhorter le public de lui transmettre des informations qui pourraient aider à l’identification des victimes.54 La valeur de l’analyse de l’ADN comme principal moyen d’identification est reconnue (Principes de Paris de l’ICMP, Principe 6).55 Le droit international humanitaire coutumier prévoit que les parties au conflit (qu’elles soient internationales ou non) doivent retourner sur demande les restes des personnes décédées (Règle 114 du DIH coutumier). En outre, « Chaque partie au conflit doit prendre toutes les mesures pratiquement possibles pour élucider le sort des personnes portées disparues par suite d’un conflit armé, et doit transmettre aux membres de leur famille toutes les informations dont elle dispose à leur sujet » (Règle 117 du DIH coutumier). Le CICR élargit cette position : « Une fois qu’il a été établi qu’une personne portée disparue est décédée, tous les moyens disponibles doivent être mis en œuvre pour permettre la récupération du corps ainsi que des éventuels effets personnels » (CICR, Loi type sur les personnes portées disparues, Article 19). Les dispositions couvrent également les pratiques requises dans le cadre de l’inhumation, de l’exhumation et de la cérémonie commémorative, ainsi que la façon de traiter les dépouilles humaines non identifiées, demandant que les dossiers soient conservés, que les efforts d’identification se poursuivent et que la famille soit informée.

Bien que l’identification constitue un aspect crucial des enquêtes et de l’exercice des droits, elle est généralement comprise comme une obligation de moyens.56 L’identification des dépouilles humaines est une condition préalable à la restitution des restes aux familles pour faciliter les pratiques commémoratives, mais également pour que la famille puisse recevoir un certificat de décès.57

Les exigences sur site :

La récupération, l’enregistrement et la garde des dépouilles humaines et des éléments de preuve connexes devraient être conformes aux dispositions de la section sur l’enquête.

Les efforts à l’extérieur du site :

L’examen post-mortem58 et des preuves associées sont entrepris à la morgue. Ce travail exige généralement une planification et une affectation spécifiques de ressources supplémentaires. En outre, les éléments suivants sont requis : • le maintien d’une chaîne de traçabilité claire pour les processus d’identification et de responsabilisation ; • des installations suffisantes pour le stockage et la conservation des dépouilles humaines ; et • la capacité pour les familles qui se rendent à la morgue d’identifier et/ou de visualiser les preuves associées.

La collecte de données sur les personnes disparues, y compris

des échantillons d’ADN de référence auprès de la famille est nécessaire pour établir les renseignements qui faciliteront l’identification. Ces données doivent être recueillies en toute confidentialité afin de protéger les droits des survivants et des personnes décédées. Ces pratiques relatives aux données à caractère personnel, aux informations génétiques et au stockage de ces informations doivent être conformes aux dispositions nationales relatives aux données, mais également aux dispositions internationales.

51 Les massacres d’El Mozote et d’autres lieux contre El Salvador, Décision sur le bien-fondé, Réparations et dépens, Cour interaméricaine des droits de l’homme

Séries C N° 252 (25 octobre 2012) paragraphe 334. 52 Aslakhanova e.a. contre la Russie, Décision, CEDH Requêtes No 2944/06 et 8300/07, 50184/07, 332/08, 42509/10 (18 décembre 2012) paragraphe 226. 53 La délivrance et le traitement des certificats de décès étaient au cœur de la Convention des Nations Unies sur la Déclaration de décès des personnes disparues après la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) qui était en vigueur jusqu’en 1972. La Loi type du CICR sur les personnes portées disparues explique dans son commentaire à l’article 4 « En cas de décès, il est obligatoire de fournir un certificat de décès, de traiter les dépouilles humaines avec respect et dignité, et de restituer le corps à la famille ou d’assurer la sépulture » (page 12) et devrait être délivré par l’autorité compétente (page 44). En outre, les certificats de décès sont identifiés dans la Gestion des dépouilles mortelles lors de catastrophes du CICR : Un Manuel pratique à l’usage des premiers intervenants, page 30 ; et dans Interpol, Identification des victimes de catastrophes, paragraphe 5.4. Phase 4 : Réconciliation, page 17. 54 Massacre Pueblo Bello Colombie, Décision sur le bien-fondé, Réparations et dépens, Cour interaméricaine des droits de l’homme Séries C N° 140 (31 janvier 2006) paragraphe 272. 55 Commission internationale sur les personnes portées disparues (2019), Principes de Paris ICMP, version annotée, ICMP.DG.468.1.W.doc 56 Bien que le Guide d’identification des victimes de catastrophes d’Interpol suggère une approche plus catégorique en déclarant : « Les victimes ont le droit à une identité après leur décès » (Partie B, Annexe 2, Livre blanc - IVC). 57 Une exception est la loi Argentine n° 14,321 du 11 mai 1994 qui crée une catégorie de personnes portées disparues de force en tant qu’équivalent juridique à un décès à des fins civiles. Elle permet aux familles d’appliquer les dispositions contenues dans un testament, de traiter la succession des personnes portées disparues et les questions d’héritage, avec la possibilité de « réapparition » de l’individu reste possible. Une telle déclaration reconnaît par nature la participation ou la responsabilité de l’État pour le décès de l’individu (contrairement à un simple certificat de décès). 58 Par exemple, conformément aux Directives du Protocole du Minnesota sur l’autopsie qui offrent des conseils pour l’analyse de dépouilles humaines, l’examen dentaire et l’analyse anthropologique des squelettes, telles qu’elles figurent à la ligne directrice E aux pages 49-51 et aux Annexes 1 à 5, pages 57-87.

Ses examens peuvent avoir lieu dans des installations mortuaires temporaires sécurisées.

Un système de gestion des données pour faire correspondre tous les aspects de la collecte et des analyses doit également se trouver à l’extérieur du site pour faciliter l’identification. Au minimum, cela comprend : • un registre des personnes portées disparues et les informations la concernant ; • des informations, y compris des échantillons de référence d’ADN provenant des familles des personnes portées disparues ; • les données sur les opérations d’archéologie judiciaire et la récupération des dépouilles humaines et des preuves connexes ; • un examen anthropologique et un inventaire du cas ; • les processus d’analyse de l’ADN ; • une base de données sur les profils ADN ; et • la comparaison d’ADN.

Le pays ne doit pas nécessairement être capable de traiter

l’ADN car des organisations tierces capables d’analyser l’ADN à grande échelle peuvent être mandatées pour effectuer cela. La stratégie de communication facilitera : • L’explication des processus et des délais d’identification et de traitement des données aux membres de la famille et à la communauté en général afin qu’ils puissent accepter ces démarches ; • Tenir les familles informées des décisions relatives aux examens post-mortem et aux résultats de ces examens.

Cela devrait inclure des informations sur le soutien aux familles et les possibilités d’orientation de ces personnes vers d’autres services ; • Une communication efficace avec les organismes qui peuvent détenir et fournir des informations complémentaires ; • Une communication efficace avec les médias qui respecte le droit à la vie privée des familles touchées, reconnaît les sensibilités des familles et le droit de connaître les résultats avant qu’ils ne soient communiqués aux médias.

Les résultats potentiels des efforts d’identification

(1) L’identification positive : elle est établie lorsqu’il y a une cohérence entre les données ante mortem et les données post mortem d’une personne portée disparue et qu’aucune erreur ne peut être expliquée la correspondance entre ces éléments. Des méthodes d’identification scientifiquement fiables, y compris les empreintes digitales, l’examen dentaire, un profil biologique établi grâce à l’examen anthropologique lorsque les restes sont uniquement composés du squelette, et l’analyse de l’ADN devraient être utilisées. La reconnaissance visuelle (y compris à partir de photographies), la description personnelle, les tatouages, les effets personnels et les vêtements retrouvés sur le corps ainsi que les conclusions médicales peuvent servir à établir l’identification mais doivent être évités comme seul moyen d’identification.59 Lorsque l’identification a été établie, l’autorité compétente devrait délivrer un certificat de décès60 . (2) L’identification n’a pas été établie : lorsque, par exemple, des preuves confirment l’exclusion d’une hypothèse particulière concernant l’identité des dépouilles humaines, ou lorsqu’aucune conclusion ne peut être établie en ce qui concerne l’identification des dépouilles humaines.61 Un dossier doit être maintenu actif afin de permettre une future identification et une notification ultérieure aux parents et aux parties intéressées, y compris aux autorités de l’État. Des mesures de conservation et de stockage pour une plus longue durée sont nécessaires pour préserver la perspective d’une identification à une date ultérieure. Lorsque les mesures de conservation et de stockage ne sont pas disponibles ou inappropriées, les dépouilles humaines non identifiés peuvent être enterrés dans des tombes recensées selon les coutumes culturelles ou religieuses probables du défunt.62 Afin de pouvoir procéder à une identification ultérieurement, les crémations doivent être évitées dans la mesure du possible. La traçabilité des dépouilles humaines doit être garantie par des méthodes telles que : • la documentation et la cartographie du site, y compris la cartographie de l’emplacement des organismes individuels à l’intérieur du site ; • l’attribution d’un numéro et l’étiquetage de chaque corps et de chaque sac mortuaire/cercueil avec référence au numéro d’échantillon d’ADN et au stockage ; • l’utilisation de panneaux pour marquer le site ; • le stockage sécurisé des informations pour garantir leur sécurité.

(3) La mauvaise identification : lorsqu’il y a une erreur dans l’attribution d’une identité aux dépouilles humaines. Une mauvaise identification aura des effets néfastes sur les deux familles concernées ainsi que sur l’enquête. En cas de découverte d’une telle erreur, l’agent de liaison de la famille et un soutien approprié devrait être mis en place ainsi que des mesures correctives conformément aux Procédures Opérationnelles Normalisées.

Les droits de la famille en cas de non-identification

En cas de non-identification, les membres survivants de la famille peuvent néanmoins exiger un certificat pour prouver l’absence de leur proche, ce qui leur permettra de faire valoir d’autres droits ou de procéder à la vente de biens, toucher un héritage, se remarier, etc. Un statut manquant ou un certificat d’absence doit être délivré pour protéger les droits des familles.63

59 Voir les méthodes d’identification (primaire et secondaire) dans le cadre du Guide d’identification des victimes de catastrophes d’Interpol, page 18 ;

Guide d’identification des victimes de catastrophes d’Interpol Annexe 12 sur les méthodes d’identification et le Protocole du Minnesota, section E sur l’Identification des cadavres, pages 21 à 24. 60 Comme exemple, le Modèle de certificat de décès figurant à l’Annexe 2 du CICR /Loi type sur les personnes portées disparues. 61 Voir le Protocole du Minnesota, Section E sur l’Identification des cadavres, page 24. 62 L’inhumation de dépouilles humaines non réclamés et non identifiés est jugée appropriée par la Déclaration de Mytilini, qui concerne le traitement digne des personnes portées disparues et décédées et de leurs familles à la suite de voyages de migrants (La Déclaration de Mytilini pour le Traitement digne de toutes les personnes portées disparues et décédées et de leurs familles à la suite des voyages de migrants (2018), A.16). La Loi type du CICR sur les personnes portées disparues, dans son commentaire de l’article 22 (Burial et exhumation), stipule que « La crémation devrait être évitée, sauf en cas de nécessité (par exemple pour des raisons de santé publique) auquel cas on conservera trace des raisons de la crémation; les cendres seront conservées » (page 48). 63 Similaire à la catégorie des personnes portées disparues en Argentine et à l’article 7 de la Loi 1531 de 2012 de la Colombie sur la déclaration d’absence des personnes portées disparues. En vertu du droit international, le statut juridique de la personne disparue ou victime d’une disparition forcée et de ses proches n’est pas réglementé, mais le CDF prévoit dans l’article 24, paragraphe 6, que « Sans préjudice de l’obligation de poursuivre l’enquête jusqu’à l’élucidation du sort de la personne disparue, tout État partie prend les dispositions appropriées concernant la situation légale des personnes disparues dont le sort n’est pas élucidé et de leurs proches, notamment dans des domaines tels que la protection sociale, les questions financières, le droit de la famille et les droits de propriété. »

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