Au fil de la vilaine

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NUMÉRO SPÉCIAL

Une croisière sur les vedettes jaunes Une visite chez des luthiers Avec les pêcheurs de civelles Une halte au Sarah B Le marron de Redon...

Au fil de la Vilaine

Des trésors à découvrir

Ce magazine vous est offert par la Compagnie des ports du Morbihan


CARTE : LÉONIE SCHLOSSER

LA VILAINE

Des découvertes au fil de l’eau

L

a Vilaine prend sa source en Mayenne et parcourt l’Ille-et-Vilaine avant d’arriver à Redon. De là, elle poursuit son chemin à travers le Morbihan, du sud de Redon jusqu’à Pénestin, pour se jeter dans l’Atlantique. Tout au long de son cours, des paysages


EN COUVERTURE : LE PORT DE FOLEUX

Photo Frédéric Henry / Auteurs de vues

FRANÇOIS GOULARD

“La Vilaine, un havre somptueux” LE PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DU MORBIHAN REVIENT SUR CETTE RÉGION MÉCONNUE, QUI RECÈLE POURTANT DES RICHESSES INSOUPÇONNÉES, NOTAMMENT POUR LES PLAISANCIERS.

La Vilaine est peu connue ?

Oui, et pourtant c’est vraiment un endroit à découvrir. Je connais la Vilaine de son embouchure, entre Penn Lann et Pénestin, jusqu’à Foleux. Ce sont des paysages absolument magnifiques, très sauvages. C’est très peu bâti, et quand ça l’est, c’est joli, comme à La Roche-Bernard. Le lieu est propice à la navigation ?

2, place de la République BP 43950 56039 Vannes Cedex 02 97 47 22 30 www.bretons-mag.com redaction@bretons-mag.com Directeur artistique : David Yven Textes : Adélaïde Haslé et Maiwenn Raynaudon-Kerzerho. Photographes : Emmanuel Pain et Gwénaël Saliou Relecture : Nathalie Perrot Publicité, promotion : Cécile Derré, Claire Guillemot pub@bretons-mag.com

étonnants, des jolis villages et des ports accueillants s’égrènent. Ce magazine vous propose de découvrir la Vilaine, son patrimoine et ses habitants, Bretons d’origine ou visiteurs amoureux de la région, le long d’une balade au fil de l’eau.

BRETONS est édité par : Les Éditions Blanc et Noir Directeur de la publication : Didier Le Corre Imprimeur : Calligraphy-Print 35220 Châteaubourg Magazine réalisé en partenariat avec la

18 rue Alain Gerbault CS 62221 56006 Vannes Cedex 02 97 42 63 44

Il est tout à fait représentatif de ce contraste que les marins aiment entre le large et les havres, des endroits tranquilles et beaux. Quand on navigue, on éprouve ce sentiment : le bonheur d’être au large, dans le vent et les embruns, et puis celui d’arriver en eaux abritées, dans le calme. C’est très humain d’avoir ce goût pour les deux. La Vilaine, c’est cela : on continue le plaisir de la navigation, les paysages sont somptueux, tout en étant malgré tout à l’abri, même s’il y a des petites difficultés de navigation, des courants, des vents changeants… Avec des ports tous intéressants ?

Arzal est un très grand port, très commode avec énormément d’avantages pour les marins, puisque l’eau est presque douce et qu’il y a donc beaucoup moins d’algues à se développer sur les coques. La Roche-Bernard est vraiment magnifique, encore plus vue de la rivière. Et Foleux, qui est très peu connu, est étonnant, car c’est véritablement un port maritime, avec des pontons, des voiliers, mais en pleine campagne, extrêmement calme. On oppose souvent le Morbihan maritime et littoral à celui de l’intérieur. La Vilaine, c’est un trait d’union entre les deux. Quand vous êtes dans la rade de Lorient, dans la rivière d’Etel ou dans le Golfe du Morbihan, ce sont des paysages maritimes. Là, le paysage est vraiment celui d’une rivière, avec de très belles rives, des falaises et d’autres endroits plus plats, des marais, une végétation très riche... •


Au fil de la Vilaine / ENTRETIEN

PIERRE LEGLAND

“La Vilaine a doté la région de son identité” PASSIONNÉ PAR LA RÉGION, PIERRE LEGLAND MÈNE, EN PARALLÈLE DE SES ÉTUDES D’HISTOIRE, DES RECHERCHES SUR LA VILAINE. IL TRAVAILLE ÉGALEMENT POUR LE MUSÉE DE LA VILAINE MARITIME, À LA ROCHE-BERNARD.

La maritimité de la rivière a marqué son histoire jusqu’à la construction du barrage d’Arzal, en 1970. La Vilaine est sous l’influence de la mer. Elle se caractérise d’abord par la violence du flot, des courants, du vent. L’eau salée influe également sur les espèces de poissons qu’on y trouve. La rivière est connectée pleinement à l’océan. Il y a bien deux Vilaine, l’une qui est maritime jusqu’à Redon, et l’autre, ensuite, qui est fluviale, donc plus calme. Pour la région, la rivière a été une force, puisqu’elle a permis de développer les échanges et le commerce ?

Oui. La Vilaine est un axe de commerce ancien, on peut remonter jusqu’à l’Antiquité et aux Vénètes, avec le commerce de l’étain, puis au Moyen Âge, avec le développement de La RocheBernard. Mais c’est surtout au 17e et au 18e siècle que la Vilaine s’est développée grâce au commerce. En même temps, c’est un paradoxe, la Vilaine est aussi un danger. Les accidents, les naufrages 4

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GWÉNAËL SALIOU

La Vilaine est une rivière maritime. Qu’est-ce que cela signifie ?

sont nombreux. C’est une rivière hostile à l’homme, on l’a vu lors de la construction d’ouvrages comme les ponts ou, plus récemment, le barrage d’Arzal. Le commerce qui s’y développe est local, entre La Roche-Bernard et Redon ou Nantes, mais il va aussi plus loin, vers Bordeaux et même vers le Pays de Galles ?

Oui. Deux dynamiques peuvent être observées. D’abord le cabotage, qui est commun à toute la région : il s’agit des connexions privilégiées avec Redon, avec les ports de la presqu’île guérandaise, Piriac, Mesquer, mais également avec Nantes. Au-delà, il existe des connexions plus lointaines, avec Bordeaux, La Rochelle et le Pays de Galles. Au 19e, on y exporte des poteaux pour les mines, et on revient avec du charbon. Au 18e, on trouve des traces, plus rares,


de commerce avec l’Espagne et avec la Scandinavie. Qu’exporte-t-on depuis la Vilaine ?

Principalement du blé, du seigle, de l’avoine, donc des céréales. Du bois de chauffage également, mais au 18e, c’est surtout du grain qui part pour Nantes ou pour Bordeaux. Cela montre bien que La Roche-Bernard fait partie de l’aire d’approvisionnement de ces ports qui se développent, dont la population augmente et qu’il faut nourrir. Ce commerce développe une population d’armateurs et de marchands qui ont laissé, notamment à La Roche-Bernard, un héritage patrimonial intéressant ?

Il est encore possible, aujourd’hui, de voir ce patrimoine architectural, qui montre l’importance que la Vilaine a eu sur le déve-

a connu son heure de gloire au moment de la construction de La Couronne, un vaisseau de guerre du 17e siècle, commandé par le cardinal de Richelieu qui était alors le principal ministre de Louis XIII. Il choisit La RocheBernard pour construire le premier vaisseau à trois ponts de la marine française. Il faut imaginer des centaines d’ouvriers hollandais qui viennent avec leur savoirfaire, pour travailler à partir de matériaux locaux. Cette activité de construction s’est perpétuée au 18e, avec une importance moindre. On trouve la trace d’un chantier naval sur le port, où on construit des petits voiliers et des petits caboteurs, qui font entre

“La Vilaine est un axe de commerce ancien, on peut remonter jusqu’à l’Antiquité et aux Vénètes.” loppement et la richesse de la ville, dès les 15e et 16e siècles. Il existe des maisons, je pense notamment au château des BassesFosses, qui ont une double fonction : c’est à la fois le domicile de riches armateurs et négociants, qui a donc d’un côté le visage d’une maison bourgeoise, mais, côté port, on a l’impression d’avoir affaire à un magasin. Ce qui est le cas, puisqu’on a deux niveaux de caves, qui permettaient de stocker les marchandises qui arrivaient sur le quai. Une activité de construction navale a aussi existé à La Roche-Bernard…

Il a existé un chantier de construction navale dès le Moyen Âge. Il

trente et cent tonneaux, c’est-àdire des unités moyennes pour l’époque. Ces constructions ne se font pas pour les Rochois, mais pour des négociants nantais, de la presqu’île guérandaise, voire même pour des négociants du nord de la France, de Calais. Cette activité est relayée sur d’autres ports, comme Foleux, jusqu’à Redon ?

L’embouchure de la Vilaine, de Pénestin-Billiers jusqu’à Foleux, est ponctuée de différents centres. La Roche-Bernard est le centre névralgique. À côté, il y a différents

petits ports : Vieille-Roche en Camoël, Tréhiguier en Pénestin, Foleux en Nivillac-Béganne. Il s’y développe au 18e des pôles de chargement-déchargement, qui concurrencent l’activité de La Roche-Bernard. Preuve de l’importance de cet axe, on a pu évoquer l’idée que le canal de Nantes à Brest passe par La Roche-Bernard ?

C’est une des idées d’aménagement qu’on a eue au 18e. Louis XVI a autorisé les États de Bretagne à aménager des canaux pour faciliter la navigation. La ville de Nantes a voulu lancer des projets et a fait appel à un ingénieur, qui a proposé différentes solutions pour relier la Loire et la Vilaine. L’une de ces solutions était de partir de Donges, sur la Loire, de traverser ensuite La Chapelledes-Marais et de déboucher sur la Vilaine au niveau de La RocheBernard. Ce projet n’a pas abouti, mais il a été repris en partie par Napoléon en 1804 : c’est le canal de Nantes à Brest tel que nous le connaissons. Paradoxalement, la Vilaine a pu aussi être une faiblesse, un danger, dans le sens où elle a pu amener des envahisseurs, à commencer par les Vikings ?

Oui. L’histoire des Vikings est intéressante. Nous sommes aux 9e et 10e siècles. Les Vikings sont présents en Bretagne. Ils remontent la Loire en 843, jusqu’à Nantes. En 855, ils vont jusqu’à Redon, qu’ils tentent de piller. Au 19e siècle, sous la plume d’érudits locaux, notamment l’abbé Le Breton, apparaît l’idée qu’un groupe de Vikings aurait remonté la Vilaine sur leurs knörr et aurait découvert le promontoire rocheux qui est aujourd’hui La Roche-Bernard. Ils auraient décidé de s’y établir, d’y implanter une base avancée en Bretagne. Les érudits locaux ont ainsi créé le mythe fondateur de la cité rochoise. C’est un mythe qui est aujourd’hui à revoir et à réévaluer… B R E T O N S / NUMÉRO SPÉCIAL

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Au fil de la Vilaine / ENTRETIEN

POUR ALLER PLUS LOIN

“À la Révolution, la Vilaine constituait une frontière entre les troupes républicaines et les chouans.” L’importance stratégique de la Vilaine a été marquante jusqu’à la Seconde Guerre mondiale !

La Vilaine était un axe d’invasion, mais aussi un axe à contrôler, un axe de tension, une frontière entre une rive et l’autre. À la Révolution, la Vilaine constituait une frontière entre les troupes républicaines et les chouans. Lors de la Seconde Guerre mondiale, toute la rive gauche (Pénestin, Nivillac, La Roche-Bernard) était dans la poche de Saint-Nazaire, sous contrôle des Allemands. De l’autre côté, les Américains tentaient de percer cette poche de résistance allemande. L’histoire de la Vilaine, c’est aussi celle de son franchissement, depuis les bacs jusqu’aux ponts d’aujourd’hui ?

La Vilaine est un axe qu’on remonte et qu’on descend, mais c’est aussi un axe qu’on peut traverser. Ça pose des problèmes. Dès l’Antiquité, des bacs plus ou moins rudimentaires ont été mis en place. Au 18e siècle, c’était un radeau, des morceaux de bois mis bout à bout et attachés par des cordes. Au 19e existe un bac plus élaboré. C’est ainsi qu’on franchissait la Vilaine, sur différents points de traversée. Le passage de Guédas, à La RocheBernard, était le plus fréquenté à l’époque. Les accidents étaient nombreux. En 1709, soixante-dix pèlerins ont péri en se rendant en pèlerinage à Férel. 6

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Le curé de Camoël préférait ainsi traverser à la nage ?

À la fin du 19e, le curé de Camoël, pour rejoindre l’autre rive de la Vilaine, payait le passeur, mettait sa soutane sur le bac et traversait la rivière à la nage, suivi de ses deux chiens ! À quel moment le trafic sur la Vilaine a commencé à diminuer ?

Cela s’est passé par phases. Finalement, c’est dans les années 1920 que, peu à peu, moins de navires ont remonté la Vilaine. Ce qui a mis un terme définitif à l’activité commerciale de la Vilaine, c’est la passerelle flottante installée en 1948 en remplacement du pont qui avait sauté. Les voiliers ne pouvaient plus passer. Depuis des siècles, les habitants de la région vivaient grâce à la Vilaine. Comment se sont-ils réapproprié la rivière malgré la disparition du trafic commercial ?

La création du barrage d’Arzal a permis le développement d’une activité touristique sur la Vilaine, principalement de plaisance. La Roche-Bernard a ainsi pu se doter d’une nouvelle identité, en mettant en avant tout le patrimoine architectural de son âge d’or. La Vilaine, même assagie, a permis de donner à la région une nouvelle identité, notamment économique. •

Des musées chargés d’histoire LE MUSÉE DE LA VILAINE MARITIME DE LA ROCHEBERNARD ET LE MUSÉE DE LA BATELLERIE DE REDON RACONTENT L’HISTOIRE DE CETTE RIVIÈRE ET DES HOMMES QUI L’ONT EXPLOITÉE.

“Ce musée a vraiment une âme.” Bruno Noguès, président de l’association des Amis du musée de la Vilaine maritime, est un passionné. Il aime guider les visiteurs, de l’anecdote à la grande histoire, dans ce magnifique hôtel particulier du 16e siècle, qui accueille aujourd’hui le musée de la Vilaine maritime. Cet établissement présente des collections qui racontent l’histoire de La Roche-Bernard et de ses environs. Des expositions temporaires, consacrées à la guerre 14-18 ou aux 20 ans de la construction du pont du Morbihan, complètent la découverte. Ouvert toute l’année pour les groupes, il l’est également aux visites individuelles à partir du 13 juin. À Redon, le musée de la batellerie, ouvert à partir du 15 juin, est quant à lui consacré à la navigation sur les canaux. Le port de Redon fut en effet un véritable carrefour des voies navigables de l’Ouest, rythmé par la navigation de labeur, les mariniers, les voyageurs au long cours, avant de se reconvertir dans le tourisme…

Musée de la batellerie

12, quai Jean-Bart, 35600 Redon 02 99 72 30 95

Musée de la Vilaine maritime Château des Basses-Fosses 6, rue du Ruicard 56130 La Roche-Bernard 02 99 90 83 47


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GWÉNAËL SALIOU

Au fil de la Vilaine / ARZAL

Sur la Vilaine, place aux vedettes DEPUIS QUARANTE-QUATRE ANS, LES VEDETTES JAUNES REMONTENT LA VILAINE, D’ARZAL À REDON OU JUSQU’AU PORT DE FOLEUX.

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e samedi-là, sur la vedette restaurant Anne de Bretagne, on fête des anniversaires. Ceux de Marie-Thérèse et de Jocelyne. Elles sont venues toutes deux, entourées de leur famille, y fêter ce grand moment. Depuis près de quarante-quatre ans, cette vedette de 120 tonnes, de trente mètres de long et sept mètres de large, remonte la Vilaine, d’Arzal jusqu’au port de Foleux, à Béganne, tous les jours de la semaine. 13 000 passagers par an entre avril et décembre, une vraie fierté pour Hervé Dréno, le fils qui a repris l’affaire familiale il y a dix-huit ans : “Mon père a participé à la création du barrage d’Arzal. Le tourisme se développait beaucoup. Il a eu l’idée de construire des vedettes promenade. L’une d’elles part l’après-midi jusqu’à Redon, et l’autre remonte jusqu’à Foleux”. Pour lui, c’était une évidence de reprendre l’affaire familiale. Il gère désormais l’entreprise avec sa femme, Nathalie. Son fils, âgé de 18 ans, va


sans doute perpétuer la tradition, “en tout cas, ça me ferait plaisir, oui”, sourit Hervé. En pleine saison, ils sont jusqu’à quinze à travailler sur les vedettes et sur le petit train touristique de La Roche-Bernard, créé par Hervé : “Les croisières, c’est une idée de mon père, mais le petit train, c’est moi ! C’est un peu mon bébé”. Ici, tout le monde connaît ces fameuses vedettes promenade qui remontent la Vilaine tous les jours. La Anne de Bretagne, par son statut de vedette restaurant, est l’une des plus réputées : “Tout est fait sur place ici, c’est rare pour un bateau”, sourit Hervé. Le chef Yvonnick est le spécialiste du fait maison et le roi de la sauce au beurre blanc. Au menu ce midi-là : foie gras, filet de sandre, spaghettis à l’encre de seiche et gâteau au caramel. Au micro, le capitaine souhaite la bienvenue aux passagers, et c’est parti pour quatre heures de croisière. Les questions vont bon train : “C’est un fleuve, non ? – Je ne

Port d’Arzal-Camoël Ce port technique, le plus grand port de mer en eau douce de la côte atlantique, peut accueillir 1 159 places à flot dont 57 places visiteurs et dispose de 28 000 m2 de terre-plein pour le stockage à terre. 02 97 45 02 97

pose ses couverts et on sort les appareils photo : “Sur votre gauche, vous pouvez apercevoir des petites maisons de douaniers. On arrive peu à peu vers la partie plus sauvage de la Vilaine”. DES JUMELLES ET L’ÉQUIPE

14 h, l’heure du trou normand et de la pause sur la terrasse du bateau. Il ne fait pas très beau ce jour-là, mais on profite des quelques éclaircies pour prendre la pose. Après avoir passé Arzal, on arrive à proximité de La Roche-Bernard, une petite cité de caractère peut-être créée par les envahisseurs vikings en 920. Hervé Dréno ne se lasse pas de manœuvrer son bateau : “J’aime mon métier et j’aime mon bateau. Et je ne me lasse pas jour après jour de raconter la Vilaine. Les gens ne m’écoutent pas toujours mais je continue. Je trouve que c’est important de continuer à le faire, ça fait partie de mon job”. Dans sa cabine, à côté des jumelles et près du journal L’Équipe,

“J’aime mon métier et j’aime mon bateau. Et je ne me lasse pas jour après jour de raconter la Vilaine. Je trouve que c’est important de continuer à le faire, ça fait partie de mon job.” HERVÉ DRÉNO, LE CAPITAINE DE LA ANNE DE BRETAGNE sais pas. Elle prend sa source dans la Loire ? – Non, c’est une rivière, je crois. – Tu en es sûr ?” En réalité, la Vilaine est bien un fleuve. Elle prend sa source dans la Mayenne et traverse l’Ille-etVilaine pour aller se jeter dans l’océan Atlantique, entre Pénestin et Muzillac, non loin de là. Il n’y a que six à huit mètres de profondeur, sauf à La Roche-Bernard où elle atteint trente-trois mètres. Hervé, le capitaine, connaît son sujet par cœur : “La Vilaine est large de 410 mètres à Arzal. Elle rétrécit à 180 mètres à mesure que nous remontons vers Béganne”, dicte-t-il. Il en profite pour distiller ci et là quelques commentaires, l’histoire des pierres, des anecdotes sur la plus vieille falaise de la Vilaine, une description des baraques de pêcheurs. À chaque intervention d’Hervé, on

qu’Hervé prend le temps de feuilleter, “quatre heures de croisière, ça peut être long”, il porte une casquette de capitaine : “C’est juste pour les enfants quand leurs parents veulent faire une photo d’eux. Moi, je suis modeste, je ne la porte jamais. Mais elle est toujours là”, sourit-il. Plus on approche du port de Foleux, plus on croise des voiliers et des pêcheurs. Ils pêchent à l’épuisette, sur des petits bateaux pneumatiques ou sur les bords de la Vilaine. 16 h, après un petit café pour bien clôturer le déjeuner, c’est déjà la fin de la croisière sur la Anne de Bretagne. Hervé Dréno descend à la rencontre de ses clients : “Alors, ce déjeuner ? Et la sauce au beurre blanc ? Fabuleuse, non ?” La sauce au beurre blanc était fabuleuse, oui. La croisière, aussi. • B R E T O N S / NUMÉRO SPÉCIAL

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EMMANUEL PAIN

Au fil de la Vilaine / ARZAL

de façon plus personnelle et de construire mon propre bateau”, explique-t-il. C’est par le hasard des rencontres qu’il atterrit au port d’Arzal. Avec quelques amis, il crée un chantier naval de toute pièce : “C’était une belle opportunité. Il y avait des terrains disponibles au bord de l’eau et on pouvait y accueillir des bateaux de grande taille. Nous avons d’ailleurs construit la toute première vedette jaune”. Peu à peu, il construira son voilier, le bel Algol. Pourquoi ce nom ? “Algol est une étoile de la constellation de Persée qui varie périodiquement. Elle brille donc différemment d’une semaine sur l’autre”, sourit-il. C’était il y a trente-cinq ans. Il met l’Algol à l’eau en septembre 1980 et part pour sa première expédition en Norvège, sur le toit du monde, avec trois marins et quatre alpinistes. À son retour, il crée alors son entreprise et organise des expéditions touristiques.

JEAN-BAPTISTE PIGOT

L’homme et la mer LE PROPRIÉTAIRE DE L’ALGOL, UN VOILIER QU’IL A CONSTRUIT LUIMÊME, AIME PARTIR EN EXPÉDITION DANS LES MERS DU NORD. MAIS LE PASSIONNÉ DES FJORDS EST AUSSI UN AMOUREUX DE SA RÉGION ET DE LA VILAINE.

C

e jour-là, rendez-vous est pris avec JeanBaptiste Pigot sur le port d’Arzal, là où son voilier, un ketch en acier de 17,50 mètres nommé Algol, est amarré. À l’intérieur, on y installe le chauffage et on refait la menuiserie. C’est bientôt le départ. Le 30 avril, le bateau partira en expédition pour quatre mois et demi dans l’Arctique. L’homme des mers a aujourd’hui 60 ans, une grande barbe blanche et des allures de capitaine. Ce Parisien d’origine a toujours eu la mer dans le sang. NAVIGUER DE FAÇON PLUS PERSONNELLE

Il devient officier de marine marchande en 1974 et part naviguer sur les mers du Sud. Et puis, très vite, “j’ai eu envie de naviguer 10

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SUR LA ROUTE DU WHISKY

Il embarque les touristes pour les emmener tout là-haut, dans le froid du Nord, sur la route du whisky ou des fjords, en Norvège, au large de l’Écosse ou au Groenland. “Les touristes vivent à bord avec nous. Le but de ces expéditions est de faire participer tout le monde aux différents aspects de la vie en mer”, explique-t-il. Ses voyages et ses projets, il les montre sur son atlas un peu usé par le temps. Mais l’amoureux des fjords apprécie aussi de s’évader à quelques encablures de là sur la Vilaine, près de chez lui, à Marzan. Conseiller municipal de sa commune, il aimerait bien s’investir un peu plus : “Pour le moment, je pars trop souvent, je ne peux pas être ici et là-bas”. Ici et là-haut. Les pieds sur terre mais la tête dans son étoile. •


ARZAL ENTRETIEN

Après plus de 50 ans de services, le bilan est plutôt positif. Les habitants des quartiers inondables de Redon ne vivent plus dans l’eau tous les deux ou trois ans. Paradoxalement, le travail des dernières années a été de rappeler que cette protection a des limites, et que les très grandes crues restent dangereuses. La réserve d’eau potable est devenue stratégique et permet de garantir la sécurité de l’approvisionnement dans le triangle entre SaintNazaire, Auray et Rennes. La navigation a connu un spectaculaire développement… qui n’était pas celui envisagé en 1960 ! Car si la navigation commerciale s’est éteinte, l’amont du barrage est devenu un des plus importants ports de plaisance de la région. Mais le projet d’agriculture intensive des marais n’a pas vu le jour. Et c’est tant mieux car, aujourd’hui adoucis, ils sont une zone humide particulièrement riche.

LE BARRAGE D’ARZAL

UN OUVRAGE PEU COMMUN

PROTECTION CONTRE LES CRUES, RÉSERVOIR D’EAU DOUCE... LE BARRAGE D’ARZAL EST PRÉCIEUX POUR TOUTE LA RÉGION.

Le mot barrage évoque la montagne et ses grandes vallées barrées par des ouvrages imposants. Les barrages, construits entre la mer et le fleuve, dont l’objectif est de stopper la remontée de l’eau de mer et de séparer ainsi les eaux douces des eaux salées, se comptent sur les doigts de la main. Le plus proche cousin d’Arzal, très ressemblant, se situe à Diama, près de Saint Louis sur le fleuve Sénégal. Leur conception diffère beaucoup des usines marémotrices, comme celle de la Rance, qui laissent passer alternativement l’eau dans un sens puis dans l’autre pour faire tourner des turbines. Arzal a été imaginé dans les années 60, dans la dynamique générale de la reconstruction et de la modernisation de la France. Les objectifs du projet sur la Vilaine étaient multiples : protéger Redon des crues à répétition, désenclaver la région en permettant une nouvelle navigation commerciale, gagner des terres

agricoles en dessalant les marais. Un autre objectif s’est ensuite greffé : utiliser le volume d’eau douce ainsi créé pour alimenter en eau potable le littoral dont les besoins explosaient… LA MER PLUS HAUTE QUE LE FLEUVE Pièce maîtresse de l’aménagement, le barrage a été terminé en 1970 au terme d’un chantier complexe. Le barrage fonctionne sur un principe simple : à marée montante les vannes sont fermées dès que la mer est plus haute que le fleuve… et l’inverse à marée descendante. En dehors de faible variations saisonnières, le niveau de la Vilaine est donc maintenu constant, sans le stockage ni les lâchers des grands barrages classiques. Au paroxysme des grandes inondations, le fleuve est toujours plus haut que la mer, et les vannes grandes ouvertes laissent passer sans les freiner les millions de mètres cubes qui descendent de l’amont.

UNE HISTOIRE PAS TERMINÉE L’impact environnemental du barrage ne peut être nié. Les estuaires sont des immenses machines naturelles à produire et à stocker la vase; le barrage a déplacé et accentué l’envasement dans l’estuaire transformé. Les poissons migrateurs ont vu un obstacle supplémentaire sur leur route ; une passe à poissons rajoutée au barrage rétablit ce passage. Elle permet aussi de suivre le détail des migrations, et la Vilaine est devenue un centre de référence européen pour le suivi des civelles. La pêche de ces alevins d’anguille devient ainsi mieux suivie et plus durable. L’histoire du barrage n’est pas terminée. Demain une nouvelle écluse verra le jour, mieux adaptée à la plaisance, elle empêchera le sel de contaminer la réserve d’eau potable, et améliorera la navigation en prenant en compte le changement climatique. Mais au-delà de cet ouvrage, le travail de nos prédécesseurs a permis de mettre en place sur le grand bassin de la Vilaine un établissement public capable d’apporter une expertise et d’agir dans les domaines des inondations, de l’eau potable, des zones humides et des petits cours d’eau, des poissons migrateurs… et toujours en associant les usagers de ces politiques publiques. •

Solène Michenot Présidente de l’Institution d’Aménagement de la Vilaine Établissement Public Territorial de Bassin B R E T O N S / NUMÉRO SPÉCIAL

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Au fil de la Vilaine / ARZAL

LA PÊCHE À LA CIVELLE

Contre vents et marées

AUJOURD’HUI TRÈS RÉGLEMENTÉE, LA PÊCHE À LA CIVELLE NE CONCERNE PLUS QU’UNE PETITE CINQUANTAINE DE PÊCHEURS. VOICI QUARANTE ANS, ILS ÉTAIENT QUATRE FOIS PLUS NOMBREUX. 12

B R E T O N S / NUMÉRO SPÉCIAL

J

ean-Pierre Noël et son fils Jonathan sont pêcheurs de civelle à Arzal. Père et fils ont les yeux clairs, les mains épaisses de ceux qui travaillent dur et la peau légèrement burinée des gens qui vivent dehors. À Arzal, on est souvent pêcheur de père en fils. Ici, on prône une pêche artisanale. Depuis la construction du barrage d’Arzal à la fin des années soixante-dix, l’eau salée ne passe plus. Dans l’eau douce, de l’autre côté du barrage, on pêche des coques, des crevettes grises et la civelle qui se réfugie ici, tout l’hiver, poussée par les vents d’ouest et la pluie. Jusque dans les années soixante-dix, la pêche à la civelle était surtout une activité secondaire, destinée à compléter l’alimentation des habitants,


GWÉNAËL SALIOU

agriculteurs ou riverains, qui habitaient près des cours d’eau. Ce plat de pauvre était régulièrement au menu des cantines, servi froid avec du pain. Peu à peu, le marché s’organise et l’activité se professionnalise, augmentant ainsi fortement les quantités pêchées. 230 € LE KILO

“Quand j’ai commencé, on la vendait vingt francs le kilo, ça ne valait pas grand-chose”, se souvient Jean-Pierre Noël. Les bateaux pêchaient ce qu’il y avait, jusqu’à 200 ou 300 kilos par nuit. Viennent les années quatre-vingt-dix, la mondialisation de l’économie et de la pêche. Les acheteurs chinois s’intéressent alors de près au bébé anguille. Ils en achètent énormément pour les revendre ensuite sur le marché japonais “qui en font quelque chose d’assez farineux, pas

là à chaque débarquement et peuvent être trois ou quatre contrôleurs par pêcheur”, complète Jean-Pierre, que ça étonne encore, lui qui n’a “pas connu ça”. DES ARTISANS DE LA PÊCHE

Mais les efforts des pêcheurs ont fini par payer. Peu à peu, la civelle repeuple la Vilaine. On en compte près d’un million sur la dernière saison. Jean-Pierre et Jonathan insistent sur l’aspect artisanal de leur métier : “Nous sommes les petits artisans de la pêche. On part à la journée, et les pêcheurs ici travaillent seuls sur leur bateau”, explique Jean-Pierre, qui assiste un peu désemparé à la transformation des petits ports de pêche en ports de plaisance emplis de voiliers qu’il surnomme les “bateaux Tupperware, ces trucs de touristes”. Il regrette aussi, lui, longtemps syn-

“Je dois déclarer ma pêche en temps réel via mon portable. On risque gros, donc on ne rigole pas avec ça, croyez-moi.” très bon”, explique Jean-Pierre. Elle atteint à ce moment là 4 000 francs le kilo. Conséquence : la ressource s’épuise. Face au phénomène de surpêche, l’espèce est menacée, l’Europe met donc en place une politique de quotas très restrictive et très réglementée. À l’époque de JeanPierre, près de deux cents bateaux jouaient à cache-cache dans la Vilaine avec la petite anguille. Aujourd’hui, seuls cinquante pêcheurs possèdent la précieuse licence : “Je ne peux pêcher que 58 kilos de civelles par saison entre le 1er décembre et le 30 avril, et je dois y être trois heures avant la pleine mer et une heure après”, explique Jonathan. Les pêcheurs doivent consacrer 40 % de leur pêche à la consommation et 60 % au repeuplement. Elle est actuellement vendue autour de 230 € le kilo. Les contrôles par la gendarmerie maritime et l’Onema (Office national de l’eau et des milieux aquatiques) sont fréquents : “Je dois déclarer ma pêche en temps réel via mon portable. On risque gros, jusqu’à 22 500 € d’amende, donc on ne rigole pas avec ça, croyez-moi”, raconte Jonathan Noël. “Ils sont

diqué, que les petits pêcheurs ne soient pas assez représentés et peu protégés. Ainsi, une fois à la retraite, il lui fut impossible de transmettre sa licence à son fils, et son bateau fut démoli : “Je n’ai rien pu faire. J’aurais aimé donner mon bateau, le Saint-Pierre, à mon fils. Ça m’a fait quelque chose, c’est mon outil de travail qu’on détruisait”. Un monde sépare désormais le père et le fils. L’économie à grande échelle de la pêche a profondément bouleversé leur métier et il a fallu s’adapter. L’un a connu la grande époque, trop de civelles et des prix trop bas, l’autre vit au rythme des restrictions. Tous deux ont connu les méfaits d’une pêche locale devenue mondiale. Mais le fils garde le même amour du métier que son père : être sur son bateau au grand air, et vivre de sa pêche. Ce jour-là, Jonathan ne travaille pas mais, après l’interview sur le port d’Arzal, père et fils ne peuvent s’empêcher d’aller non loin de là, où le bateau de Jonathan est amarré entre deux vedettes jaunes. On ne se refait pas. Quand on naît artisan, on le reste. • B R E T O N S / NUMÉRO SPÉCIAL

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GWÉNAËL SALIOU

Au fil de la Vilaine / LA ROCHE-BERNARD

LE SARAH B

L’empire du milieu ANCIENNE GRANGE À GRAINS, PUIS THÉÂTRE FANTASQUE, LE LIEU EST AUJOURD’HUI UN CAFÉ BRETON TRÈS CONNU DANS LA RÉGION. À MI-CHEMIN ENTRE UNE CANTINE DE QUARTIER ET UN LIEU ALTERNATIF.

Port de La Roche-Bernard Sur la limite sud du Morbihan, le port de La RocheBernard permet de découvrir cette magnifique petite cité de caractère, grâce à ses 563 places à flot dont 56 places visiteurs et ses 200 places à terre. 02 99 90 62 17

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C’

est en construisant un donjon en 920, en quête d’un site défensif, que le viking Bern-Hart aurait créé la petite cité de La Roche-Bernard. Puis, au cours des siècles, l’activité portuaire s’est développée rapidement et est devenue florissante grâce au commerce du sel. La construction d’un arsenal, d’où est lancé le premier vaisseau à trois ponts en 1635, dynamise encore le site. Et c’est après la construction du barrage d’Arzal en 1972 que La Roche-Bernard devient un port de plaisance. Mais la cité est comme divisée en deux. Il y a le bourg du haut et ses jolies maisons colorées qu’on parcourt par de nombreuses promenades, cheminant de venelles anciennes en belvédères, offrant ainsi des points de vue exceptionnels. Et puis en bas, on arrive au petit port de plaisance. Au bout de celui-ci, une majestueuse maison trône fièrement, Le Sarah B. Éric Gérardin en est l’heureux propriétaire.

B R E T O N S / NUMÉRO SPÉCIAL

Ce Parisien, qui a longtemps travaillé comme consultant, souhaitait changer de vie : “Je me suis rendu compte que je m’ennuyais. J’avais envie de créer quelque chose de nouveau et je cherchais un lieu pour en faire quelque chose d’alternatif. Mais au départ, je souhaitais un endroit ouvert sur l’eau, peut-être sur pilotis. Impossible de trouver mon bonheur. Et puis, on m’a parlé de cet endroit”, explique-t-il. Ce lieu est un théâtre dont le nom fait référence à la tragédienne Sarah Bernhardt. Son propriétaire d’alors, directeur d’une compagnie lyrique, voulait vendre. Éric Gérardin l’achète en 2006, mais il ne sait pas encore quelle couleur donner au lieu : théâtre, bar… “Je voulais un endroit pour y faire des concerts, du spectacle, du stand-up, des lectures, de l’improvisation.” Il désirait surtout intégrer un concept urbain, né de ses déambulations entre Paris et Londres, entre ses soirées passées au Bataclan et des squats d’artistes, conçu comme un lieu d’exception. Il y organise des concerts improvisés à la dernière minute, un Nouvel An chinois, des brunches. Mais Éric Gérardin se précipite. Il veut tout faire, trop vite. Et il s’épuise. Il décide alors de mieux structurer le lieu. Il installe une cuisine professionnelle et, peu à peu, opère une grande série de travaux pour rendre le lieu plus fonctionnel. Mais sans le dénaturer. Au plafond, haut de sept mètres, on y voit des poutres épaisses et majestueuses qui rappellent le passé de ce qui était un grand hangar à grains en 1800 : “Elles servaient à tenir d’immenses toboggans pour y faire glisser les sacs de grains”, explique-t-il. Le lieu était un endroit commercial très stratégique “avec de nombreux échanges avec Bordeaux. Le


GWÉNAËL SALIOU

port avait très mauvaise réputation, c’était sale, vaseux et fréquenté uniquement par les dockers et les prostituées. Encore aujourd’hui, les gens du bourg du haut ne descendent pas tellement par ici”, précise-t-il. TOURISTES ET PÊCHEURS

Le Sarah B bénéficie actuellement d’une réputation qui dépasse les frontières du pays de Vilaine : “Quand il y a un concert ici, les gens viennent de Nantes ou de Vannes”. Le Sarah B brasse une population hétéroclite, touristes, pêcheurs ou plaisanciers, à l’image de la programmation du lieu : bals tango, concerts de jazz... En cette fin d’après-midi un peu pluvieuse, une éclaircie soudaine balaie le port et inonde immédiatement les tables en bois chiné, le piano à queue, la bibliothèque et le grand escalier. La cuisine, ouverte sur la salle, embaume de fumets de poissons épicés. Il est 18 h et on s’active en cuisine. Loïc, le chef, propose une cuisine fraîche de saison et surtout voyageuse. Ici, on partage une pizza à plusieurs, on accompagne un vin de Loire de tapas à base de tartinades au homard ou d’un wrap aux tomates séchées. Mais on peut

aussi y dîner et déguster un steack de thon micuit ou un burger. Éric Gérardin a gagné son pari, il souhaitait un lieu qui ne ressemble à aucun autre, un endroit qui ne serait ni un restaurant ni une salle de spectacle ni un bar, mais tout ça à la fois : “C’est le lieu du milieu, un Mitaod, c’est comme ça qu’on appelle les gens de la commune, ici, en référence à sa situation géographique enclavée entre Morbihan et Loire-Atlantique, les gens du milieu sont les Mitaod”. Ancienne grange à grains puis théâtre fantasque, aujourd’hui café breton, Le Sarah B a été témoin et acteur des mutations de ce petit port de commerce. Trois siècles plus tard, il reste fidèle à ce qu’il est, un endroit du milieu : au croisement des époques et des générations, lien entre les gens du haut et ceux d’en bas, entre terre et mer. À jamais un Mitaod. •

Le Sarah B

9, quai Saint-Antoine, La Roche-Bernard 02 99 90 74 60 B R E T O N S / NUMÉRO SPÉCIAL

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Au fil de la Vilaine / FOLEUX

IAN ET ALISON

Marins d’eau douce IAN ET ALISON DESOER SONT LONDONIENS. ILS ONT CRAQUÉ POUR LA BRETAGNE, LE MORBIHAN, LA VILAINE ET LE PORT DE FOLEUX.

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B R E T O N S / NUMÉRO SPÉCIAL

I

an et Alison Desoer voient la vie en rose. À 68 et 67 ans, ce couple d’Anglais vit aujourd’hui une paisible retraite entre leur maison de campagne de Ménéac, près de Ploërmel, et leurs croisières à bord de leur voilier, Le Nocturne, amarré au port de Foleux. Et ils sont nombreux, les plaisanciers, anglais, français, belges ou allemands, à avoir choisi ce petit port du Morbihan pour y installer leur bateau. En effet, depuis la construction du barrage d’Arzal il y a quarante-quatre ans, la Vilaine est jalonnée de charmants ports de plaisance enchâssés entre le Golfe du Morbihan et la presqu’île de Guérande. Depuis les ports qui tapissent le fleuve, Arzal-Camoël, La Roche-Bernard, le port de Cran en Saint-Dolay ou le port de Foleux situé sur la commune de Béganne, dans lequel se côtoient près de 320 bateaux, il est facile de rejoindre tous les ports bretons ainsi que ceux de la côte atlantique.


EMMANUEL PAIN

Ian et Alison Desoer sont Londoniens. Ils habitent, aujourd’hui, une maison cossue à la campagne au cœur d’un petit hameau. Leur maison regorge d’anciens outils et de meubles bretons. Avec l’aide de son dictionnaire de langues, Ian raconte la vie à bord et décrit son beau voilier de dix mètres bleu et blanc : “Je vais vous montrer des photos, ce sera plus facile”, explique-t-il dans un français mal assuré. On y découvre Le Nocturne vu de face, vu de dos, vu de côté, Ian à côté du bateau, Ian à la barre avec sa casquette de marin... Ils en sont fiers de ce voilier qu’ils ont acquis il y a vingt-sept ans et avec lequel ils ont, depuis, visité cinquante-huit ports. Ian Desoer a la passion de la mer depuis son enfance, Alison, elle, a appris à aimer ça et est aujourd’hui aussi mordue que son marin de mari. UN COUP DE CŒUR POUR MÉNÉAC

Quand ils vivaient en Angleterre, ils s’échappaient régulièrement de la capitale pour aller na-

aimons descendre aussi le long de la côte atlantique, La Rochelle, Les Sables-d’Olonne, ou le long de l’estuaire de la Loire”, explique Ian. Ils peuvent naviguer des semaines entières ou partir à la journée, en week-end : “Il nous est arrivé de partir en week-end à dix-huit bateaux”, sourit Ian. “UN BON PASTIS”

Ils se sont fait beaucoup d’amis ici, des Anglais, rencontrés à l’église anglicane de Ploërmel, mais également des Français, notamment grâce au club nautique du port, avec qui ils aiment se réunir régulièrement et partager des moments “très génial” avec “un bon pastis”. Ian et Alison ne regrettent pas leur choix de vie : “La mer, ici, est différente de la côte anglaise. Là-bas, c’est plus brumeux et plus gris”, complète Alison. “Sur la côte sud du Morbihan, les paysages sont magnifiques et la mer est bleue, très bleue, et ça nous plaît beaucoup.”

Port de Foleux Le petit port de Foleux attire grâce à la beauté de ses rives vertes au doux relief et au calme de ses eaux. 369 places à flot sont disponibles. 02 99 91 80 87

“Londres est bruyante, le rythme est rapide et ça peut être très fatigant. S’installer ici est un choix de vie. La vie y est plus douce et beaucoup plus calme.” viguer sur la côte anglaise à Walton-on-the-Naze, dans le comté d’Essex. En 2002, ils décident de quitter le port de cette petite station balnéaire pour partir à la découverte du littoral breton. Ils embarquent pour quatre mois de croisière et de grandes vacances. Ils arrivent alors par la côte normande à Cherbourg, passent par la Côte d’Émeraude, longent le Finistère, font une halte à Brest avant de découvrir toute la côte sud. C’est le déclic. L’année suivante, ils reviennent dans la région à la recherche d’une petite résidence secondaire : “Nous cherchions quelque chose dans le centre Bretagne à mi-chemin entre la côte nord et la côte sud. Nous n’avions qu’une semaine pour trouver et ce fut le coup de cœur pour cette maison”. Ils passent aujourd’hui leur retraite ici, à Ménéac, et partent environ trois mois par an sur “la côte bretonne essentiellement. Mais nous

C’est donc sans regret qu’ils ont définitivement quitté la tumultueuse capitale britannique : “Londres est bruyante, le rythme est rapide et ça peut être très fatigant. S’installer ici est un choix de vie. La vie y est plus douce et beaucoup plus calme. Nous aimons être au vert à la campagne. Ici, nous sommes entourés de trois maisons, pas plus”. Avec l’arrivée du printemps, c’est le moment de s’occuper du jardin et du bateau. D’ici quelques jours, ils repartiront pour une petite croisière d’une semaine sur la Vilaine. Cet été, ce seront les grandes vacances et une croisière de deux mois. Objectif : l’archipel des Glénan, Bénodet et Brest. Entre jardinage et navigation, vie à la campagne et croisières sur la Vilaine, c’est la vie en rose d’un couple de Britanniques dans le Morbihan. • B R E T O N S / NUMÉRO SPÉCIAL

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GWÉNAËL SALIOU

Au fil de la Vilaine / BÉGANNE

LE CHÂTEAU DE LÉHÉLEC

Une histoire de famille LE CHÂTEAU DE LÉHÉLEC APPARTIENT À LA MÊME FAMILLE DEPUIS PLUS DE QUATRE CENTS ANS. À 86 ANS, L’ACTUEL PROPRIÉTAIRE, MARC LE MINTIER, CONTINUE DE FAIRE VIVRE L’HISTOIRE FAMILIALE.

L

e 1er mai, la famille Le Mintier s’installe pour la saison dans le château familial situé à Béganne. Marc Le Mintier, le patriarche, 86 ans, a beaucoup de travail qui l’attend : “La maison est un peu à l’abandon presque la moitié de l’année. Il faut tondre la pelouse, planter les géraniums, enlever les mauvaises herbes. Tout au long de la saison, je tonds quatre hectares de pelouse tous les quatre jours. Mais heureusement, j’ai un petit tracteur”. Marc Le Mintier entretient le château en mémoire de sa famille qui a acquis cette propriété au 16e siècle. Le lieu serait habité depuis la haute Antiquité. Marc Le Mintier a d’ailleurs découvert, il y a deux ans, une tombe vénète qui daterait de l’âge du fer, soit au moins cinq cents ans avant Jésus-Christ. 18

B R E T O N S / NUMÉRO SPÉCIAL

Mais l’histoire vraiment connue du château commence en 1554, la date de la construction d’un petit manoir par la famille Bocan. François Le Mintier, alors gouverneur de Redon, achète la propriété en 1578. Il vient d’épouser Marie Bocan, dame de Léhélec, dont le père est conseiller du roi. Vers 1660, son petit-fils délaisse le manoir, trop petit, et construit le château actuel dont les pierres rouge sombre, provenant des carrières de Béganne, tirent vers le rosé quand le soleil les illumine. L’entourage des portes et des fenêtres provient du granit de Péaule. Une architecture et une histoire exceptionnelles que Marc Le Mintier se plaît à raconter aux visiteurs qui viennent ici tout l’été, environ 2 000 personnes par saison. DES FÊTES PENDANT LA GUERRE

Passionné par son sujet et infatigable, il propose même des visites commentées et personnalisées pour des petits groupes. Durant la Première Guerre mondiale, le lieu était aussi celui de toutes les fêtes. “Les Américains ont débarqué à Saint-Nazaire en 1917 pour être formés à Redon. Lors de leurs rares permissions, ils venaient se distraire ici. Un fils d’un des officiers est d’ailleurs venu visiter le château dont son père lui avait tant parlé. Il tenait absolument à venir ici avant de mourir”, raconte Marc Le Mintier. Le château est également l’un des premiers édifices à ouvrir ses portes au grand public, il y a quarante-cinq ans. Marc Le Mintier, dont l’un des aïeux (François Marie Le Mintier de Léhélec) a été maire de Vannes entre 1824 et 1828, poursuit la sauvegarde du patrimoine familial envers et contre tout : “C’est beaucoup de travail. Mais c’est une obligation familiale, on ne peut pas le laisser. Mes enfants continueront ce que je fais aujourd’hui. Nous sommes attachés à cette propriété. Que voulez-vous ? C’est viscéral”. •

Infos pratiques Château de Léhélec à Béganne. Pour les visites commentées, réserver impérativement au 02 99 91 84 33


EMMANUEL PAIN

EMMANUEL PAIN

RIEUX

LA FAMILLE HERVIEUX

Fabricants de sons sur mesure TUDUAL ET GILBERT HERVIEUX AVEC LEUR ASSOCIÉ OLIVIER GLET FABRIQUENT DES BOMBARDES ET DES BINIOUS DANS LEUR ATELIER FAMILIAL À RIEUX, PRÈS DE REDON.

S

ur la devanture de leur atelier, il est écrit “Luthiers”. Mais c’est un petit mensonge : “Nous avons écrit luthiers sur l’atelier parce que c’est plus court, mais en réalité, nous sommes facteurs d’instruments à vent”, explique Gilbert Hervieux, le père. C’est joli comme de la poésie. En effet, si pendant longtemps les premiers musiciens fabriquaient eux-mêmes leurs instruments, très vite des corps de métier se sont spécialisés dans la conception et la réalisation d’instruments de musique. Ces faiseurs sont désormais appelés des “facteurs”. Chez les HervieuxGlet, Gilbert, le père, Tudual, le fils, et

Olivier Glet, l’associé, conçoivent et fabriquent des bombardes, des binious, mais aussi des cornemuses écossaises ou des flûtes. CRÉER LE BON SON

La musique bretonne, c’est une histoire de famille, tout le monde en joue. Et père et fils sont intarissables sur le sujet : “La musique bretonne est une musique traditionnelle mais pas folklorique. Traditionnelle, parce qu’elle traverse les époques et évolue en fonction des modes. C’est parce qu’elle continue de vivre à travers les autres musiques, notamment les musiques du monde, qu’elle est réellement traditionnelle et

qu’elle reste aussi riche. On trouve des mariages exceptionnels notamment avec la musique roumaine ou chinoise. C’est un peu comme la crêpe”, sourit Gilbert Hervieux, qui discute tout en travaillant sur une cornemuse écossaise. Dans la pièce à côté, Tudual est concentré sur une bombarde. “Quand on fabrique un instrument, ce qui est important, c’est de créer le bon son. On échange avec les musiciens et on fait beaucoup de recherches avant d’arriver au résultat souhaité. Il faut fabriquer un instrument qui sonnera comme nulle part ailleurs”, raconte Tudual. RECHERCHES ET TECHNIQUE

En réalité, il y a donc autant de sons que de musiciens différents. C’est là toute la richesse de cet instrument au “bruit sourd”, qui, associé au biniou, forme ce que l’on appelle un couple de sonneurs. La fabrication de ces instruments nécessite des dizaines d’heures de travail et beaucoup de prototypes : “Au fur et à mesure que mes recherches avancent, je fais écouter l’instrument à différentes personnes pour mieux avancer. On se remet perpétuellement en question”. Un travail très technique et de grande précision. Alors, quand Tudual se souvient de ce que son instituteur lui avait prédit lorsqu’il était en CM2 quand ses notes n’étaient pas à la hauteur : “Attention ! Si tu ne travailles pas bien à l’école, tu finiras par faire un métier manuel”. Ça le fait rire. Nous aussi. • B R E T O N S / NUMÉRO SPÉCIAL

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EMMANUEL PAIN

Au fil de la Vilaine / REDON

LE MARRON

Le trésor de Redon FONDÉE EN 1983, LA CONFRÉRIE DU MARRON DE REDON VEILLE SUR SON PRÉCIEUX FRUIT. SON GRAND MAÎTRE, ANNETTE TOURNAN, NOUS LIVRE QUELQUES SECRETS.

L

e marron, avant, elle n’aimait pas trop ça. Ça nous étonne. Ça la fait rire. Du marron, elle garde un souvenir familial : “On le dégustait dans la farce de la dinde à Noël ou sous forme de confiserie, glacé et emballé dans du beau papier. Mais c’est un peu sucré, je trouve”. Annette Tournan a appris à aimer le marron en entrant dans la confrérie. UNE CONFRÉRIE FONDÉE EN 1983

Originaire de la région parisienne, elle et son mari avaient une maison de campagne dans la région. Ils s’y sont installés quand a sonné l’heure de la retraite. Très investie dans les associations locales, elle devient, il y a deux ans, grand maître de la Confrérie du marron. 20

B R E T O N S / NUMÉRO SPÉCIAL

Fondée en 1983 par trois amis, JeanYves Chatagnier, Louis Le Coz et Jean Caro, la confrérie veut rendre au marron ses lettres de noblesse. Jugé parfois trop farineux ou fade, le marron – à ne pas confondre avec la châtaigne – a pourtant de belles choses à offrir. Il adoucit un potage de potimarron et agrémente joyeusement une tartine au goûter. Issu de châtaigniers sauvages, des générations de paysans de la région l’ont cultivé et ont mis au point de nombreuses variétés qui se greffent comme des pommiers. On en trouve aussi en Corse, autour de Limoges, au cœur de l’Ardèche ou dans le Périgord. JURER FIDÉLITÉ AU MARRON

Comme toute confrérie, celle de Redon a ses propres codes vestimentaires. En

plus des gants blancs, l’uniforme est aux couleurs de l’automne : “verte comme la bogue, ocre comme le marron, dorée comme la feuille d’automne jaunie par le temps”. Pour autant, la confrérie ne souhaite pas cultiver le mystère, l’objectif est bien de s’ouvrir au grand public. Seule condition pour être intronisé, jurer fidélité au marron : “Je jure sans condition de défendre le marron, digne fruit du pays de Redon”. La confrérie fait partie de l’Académie des confréries gastronomiques et culturelles du grand duché de Bretagne qui en regroupe dixsept, dont celles de l’artichaut de SaintPol-de-Léon, du coco de Paimpol ou de la coquille Saint-Jacques de la Côte d’Émeraude. UNE FÊTE MILLÉNAIRE

Chaque année, quand vient l’automne, on fête le marron lors de la millénaire foire Teillouse, la grande foire de Redon. Hormis de bonnes dégustations, on y organise également un prix littéraire sur l’art de vivre et la gastronomie, mais aussi un concours de terrine de volaille aux marrons et surtout de nombreuses recherches culinaires comme des recettes de bière aux marrons ou de crème de marron. La confrérie vient d’ailleurs de trouver sa propre recette. Elle est secrète, évidemment. Et excellente, paraît-il. C’est le grand maître qui le dit. •


EMMANUEL PAIN

REDON

peu à peu, crue après crue, entraînant des inondations. Et cela, principalement lors des phénomènes de grandes marées. Pour les éviter, et pour agir également sur celles provenant de l’Oust, un barrage a été construit sur la basse vallée de la Vilaine, au niveau d’Arzal. Mais elles n’ont pas pour autant complètement disparu. Alors, les Redonnais se sont habitués à ces débordements. Ils en ont connu des dizaines. Et ils s’y préparent avec l’aide de la mairie, notamment via le DICRIM (Document d’information communal sur les risques majeurs). Celui-ci les informe sur les risques d’inondation et met en place des mesures de prévention, d’alerte et de sauvegarde ainsi qu’une série de consignes de sécurité à respecter. UNE PÉNICHE SUR UNE CABINE

Redon-plage en 2100 ? REDON CONNAÎT RÉGULIÈREMENT DES INONDATIONS IMPRESSIONNANTES, QUI CRÉENT QUELQUES SOUCIS MAIS FORMENT AUSSI DES PAYSAGES ÉTONNANTS. LA VILLE A NOTAMMENT VÉCU DES CRUES INCROYABLES EN 1936 ET EN 1995. CONSÉQUENCE DE CE PHÉNOMÈNE, ALLIÉ AU CHANGEMENT CLIMATIQUE : UN JOUR, PEUT-ÊTRE, ON IRA VOIR LA MER À REDON !

L’

histoire de Redon est indissociable de ses inondations fréquentes, qui peuvent être très fortes. Comme une île au cœur des terres, Redon est située au confluent de l’Oust et de la Vilaine. En aval de l’Oust, la Vilaine prend sa source en Mayenne, parcourt l’Ille-et-Vilaine avant de se jeter près de Pénestin dans l’océan

Atlantique. La rivière de l’Oust, elle, est le principal affluent de la Vilaine qu’elle rejoint ici, à Redon. Son cours traverse le Morbihan, les Côtes-d’Armor et l’Illeet-Vilaine, et constitue une partie du canal de Nantes à Brest. L’eau appartient donc à l’histoire de la ville... et les inondations aussi. La faible altitude du marais de Redon (moins de quatre mètres) permet à la mer de remonter la Vilaine

Les crues à Redon sont plutôt lentes, les centimètres se gagnent à l’heure, les inondations ici n’ont donc rien à voir avec des crues orageuses et torrentielles qu’on peut connaître ailleurs. Cependant, elles peuvent tout de même être très impressionnantes. En 2001, l’eau est montée jusqu’à 4,50 mètres. Mais les plus spectaculaires restent les inondations de 1936 et de 1995, liées à des pluies persistantes d’une durée de deux jours, où le niveau d’eau a atteint 5,62 mètres. En 1995, le port a littéralement disparu sous l’eau et on a retrouvé avec stupeur Redon en pleine page dans le magazine Paris Match, avec la photo d’une péniche accrochée à une cabine téléphonique ! Ici, tout le monde s’en souvient encore. Associé à la montée de la mer liée au réchauffement climatique, le paysage redonnais pourrait bientôt changer de visage avec des conséquences en termes de tourisme, dans cette ville accessible en TGV. Le nautisme, par exemple. Pour le moment ici, on peut pratiquer l’aviron et le canoë-kayak en bassin d’eau douce. Mais qui sait ? Un jour, peut-être, on y fera du kayak de mer et du char à voile. Un jour, peut-être, on ira à Redon-plage ramasser des coquillages... Mais ce n’est pas pour demain ! En attendant, une balade dans les marais recouverts d’eau, dans la belle lumière rasante de l’hiver, reste une expérience inoubliable… • B R E T O N S / NUMÉRO SPÉCIAL

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RONAN GLADU / CRT BRETAGNE

Au fil de la vilaine / BALADES

LA VILAINE AUTREMENT

À pied, en kayak, en péniche, à dos d’âne… LA BELLE VALLÉE DE LA VILAINE PEUT SE DÉCOUVRIR DE MULTIPLES FAÇONS, DE LA SIMPLE RANDONNÉE À LA LOCATION DE PÉNICHE QUI NE NÉCESSITE PAS DE PERMIS !

I

ls s’appellent Toupie, Pompon, Mouche ou encore Carambole. L’une est gourmande, l’autre adore les caresses, la troisième est un peu grassouillette et le dernier, farceur… Et, oui, ils peuvent eux aussi vous permettre de découvrir la Vilaine. De quoi parle-t-on ? D’ânes ! À Nivillac, Des marais des ânes propose en effet une formule originale. Au lieu-dit La Grée Rouault, tout près de la Vilaine, Séverine et Alain Balay louent des ânes, pour partir en randonnée. L’animal porte votre sac, ou même les enfants lorsque les pieds fatiguent. Pour quelques heures, à la journée ou en bivouac, vous pouvez ainsi trottiner au rythme de l’âne, à la découverte de la région. DORMIR SUR UNE PÉNICHE

Si les longues oreilles ne vous séduisent pas, c’est peut-être que vous préférez les poissons ? Parce que la Vilaine est une rivière accessible, que de nombreux ports et haltes nautiques jalonnent. Pour une balade de quelques heures, vous pouvez opter pour le canoë-kayak. Plusieurs clubs offrent cette possibilité. À Camoël, Au Gré du vent loue kayaks, paddles et bateaux à moteur, avec ou sans permis. À Arzal, l’école de voile Pep 56 vous propose des cours dans toutes ces 22

B R E T O N S / NUMÉRO SPÉCIAL

disciplines, tout comme Loisir temps libre à La Roche-Bernard. À défaut de ramer, vous pouvez laisser le vent pousser vos voiles. Embarquez à bord du Morwenna, par exemple. Ce très beau ketch aurique vous emmènera découvrir la Vilaine au rythme des flots. De la simple balade à l’apéro – voire même la nuit – à bord, toutes les formules sont possibles. Sur Morwenna, le skipper vous accompagnera. Mais il existe des solutions pour naviguer en autonomie. Aventure fluviale propose à la location des péniches aménagées. Au départ de La Roche-Bernard, vous pourrez embarquer sur Pénichouette au joli look rétro en bois. Ce sont aussi des péniches pouvant accueillir de deux à huit personnes qu’Eau fil de l’eau loue. Et pour partir à l’aventure sur la rivière, pas besoin de permis… Enfin, dernière solution pour découvrir la Vilaine : vos pieds ! De nombreux sentiers de randonnée parcourent la vallée. Le GR 39, venant de Redon, traverse Péaule, Marzan et La Roche-Bernard. Le GR 349 relie les circuits classés petite randonnée de la région. Un topo guide 100 % rando, disponible dans les offices de tourisme, en présente vingt. •

Des marais des ânes Nivillac 06 42 53 46 95

Au gré du vent Arzal-Camoël 02 99 90 56 91

Pep 56 Arzal 02 97 45 03 58

Loisir temps libre La Roche-Bernard 02 99 90 83 25

Morwenna La Roche-Bernard 06 08 08 19 68

Aventure fluviale La Roche-Bernard 07 82 90 83 58

Eau fil de l’eau La Roche-Bernard 06 09 72 98 62


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L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

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