inquiĂŠtude
disquiet
SOMMAIRE CONTENTS #05 printemps / spring 2010 couverture / cover Andreas Kzuppi
1 - claude dityvon / l’intruse 2 - jean-luc cormier / les négatifs 3 - marija jankovic / the history of importance in my life 4 - raphael denis / le vacarme du néon 5 - hervé dez / the betweens 6 - magda hueckel / rem cycle 7 - andreas kauppi / trapped
comité de rédaction : Jean-Luc Cormier, Hervé Dez, Pablo Fernandez. maquette / layout : Virginie Laurent et Hervé Dez contact@bisdes.fr
EDITORIAL Jean-Luc Cormier
Everything we live we do it in the fullness of time. Our lives are constantly creating a past and a future. All that we live in time creates a feeling of loss and lack. In this double feeling of absence a strategy of becoming is borning, a technique of survival of “te being in the world”, disquiet. _______ Tout ce que nous vivons nous le faisons dans l’accomplissement du temps. Notre vie engendre constamment un passé et un avenir. Tout ce que nous vivons dans le temps engendre le sentiment de la perte et du manque. De ce double sentiment d’absence naît une stratégie du devenir, une technique de sur-vie de l’être-au-monde, l’inquiétude. Venir-au-monde, c’est déjà s’inquiéter. Ainsi l’être inquiet veut-il être par delà le monde sans jamais parvenir à vivre sans lui. Sa liberté le fuit continuellement. “Je sens que je suis libre, mais je sais que je ne le suis pas” dira Cioran. Troublé par tant de crainte et d’incertitude, affolé, agité, alarmé, angoissé, tourmenté, préoccupé, anxieux, il se fait du souci. Souci pour lequel Goethe écrira “que ce soient dé-
lices ou tourments, il remet au lendemain, n’attend rien de l’avenir et n’a plus jamais de présent”. Mais l’inquiétude, en tant que telle, n’est pas une émotion. C’est une manière de penser le temps d’avant - en tentant de juguler sa perte - et le temps d’après - en souhaitant anticiper son manque. L’inquiétude est une extrapolation du temps présent. L’inquiétude est une étape de notre devenir. Présent à sa vie dans une vie qui le fuit, l’être inquiet n’a d’autre solution que de prendre conscience de l’inachèvement du monde. Toute tentative de combler ce manque est vaine. L’être inquiet doit vivre-au-monde au plus près comme au plus éloigné, With & Out. C’est par la prise de conscience de cette rupture qu’il peut atteindre à une forme de continuité. L’infini dans le fini.
claude
dityvon L’intruse C’est le printemps, elle s’est annoncée sans crier gare, l’Intruse qui allait changer ma vie. Hospitalisé, craintif et anxieux, je n’avais été qu’une fois hospitalisé dans ma vie en 1996, à la suite d’un empoisonnement médicamenteux. Le temps avait passé, et je me trouvais à nouveau là, dans une chambre agréable, avec vue sur l’extérieur. J’étais en observation, mais très vite il a fallu voir l’évidence, mon corps allait m’échapper, et « Elle » prendrait sa place. Suis-je en sursis ? Je n’arrive pas à imaginer mon avenir. C. m’offre Char dans l’atelier du poète. Quel bonheur cette nuit fût douce et légère, sous mon casque la musique m’enveloppe, je plane dans je ne sais quel autre monde. C. est là, avec Aragon HENRI MATISSE Roman. Je retiens mes larmes, j’ai peur. Je commence à photographier mon décor familier, ce matin tôt, je fixe des projections de lumière, peut être vais-je commencer un carnet de route au quotidien. Je flotte, homme oiseau, mais cette liberté est conditionnée. Je ne peux y croire, ma vie quotidienne va se modifier. Je photographie toujours la chambre. L’insuline inoculée, ange gardien du présent, du futur, me conforte comme un phare dans la nuit guidant le bateau près des côtes sauvages, elle surveille en permanence l’état de mon sang perturbé par cette glycémie maligne. Les bruits de ma chambre me fatiguent, peu dormi, froid, chaud, j’étouffe… Cette maladie sournoise m’a littéralement anéanti, je suis au bord des larmes, le stress s’installe. Avec C. nous parlons surtout de l’Etat de Grâce de la Photographie. Des projets, j’attends…. La Pitié - Notes Avril-Mai 2007 - Claude DITYVON
jean-luc
cormier Les nĂŠgatifs
Les carnets ĂŠthiopiens, Addis Abbeba, 2008
marija
janković The History of Importance in My Life When I was 3 years old, I was unable to speak, but I drew. At 32, when something is important, I still make a picture. Beograd, April 2010. Marija Jankovic
raphaël
denis Le vacarme du néon Comme une odeur d’urée dans la bouche, mais qu’est-ce que c’est ? Et cette fille qui me tourne le dos, mais qu’est-ce que j’ai ? Pourquoi ces plaques apparaissent-elles sur ces mains aux ongles ravagés ? Là-bas, des bouchères édentées corrigent des voleurs de bavette, mais que n’ont elles pas vu ? mais que n’ont-ils pas fait ? Un canard sans pattes, un mur trop épais, une voisine exhibant ses tétons de bovidé, vais-je enfin me décider ? Et ce chien aveugle qui sait où ne pas aller ? dois-je le suivre ? Et toujours ce néon qui vocifère, et ce bourdonnement qui me poursuit dans les rues d’Odessa. Je te quitte avec difficulté. Henri.
magda
hueckel R.E.M CYCLE The project was supported by the Ministry of Culture and National Heritage of Poland. “...The title of the cycle, REM, refers to the stage in our sleep during which dreams occur. The stage is characterised by the specific state of our bodies; a sleep paralysis which disables any physical reaction to the situations observed during the dream, and the rapid movement of eye-balls, which allows us to watch virtual images in our mind (hence the name of the stage, REM, meaning Rapid Eye Movement). Hueckel examines the fears and obsessive illusions hidden inside the visions of these dreams. However, she doesn’t recreate the visual form of the latter but instead tries to picture what they conceal. She reaches beneath their façade to reveal what Sigmund Freud would call our subconscious, hysterical phobias. This act of uncovering can be seen as an individual wrestling with what’s hidden in the depths of the mind and which forces its way out in uncontrolled moments. (...)” Dorota Łuczak, “Images underneath the eyelids”, introduction to the exhibition catalogue “REM cycle” “...For the R.E.M. cycle is exploration of unconscious emotions which appear in dreams, tell of intangible fears, anxieties, premonitions, and being at loss in a symbolic space of a forest; thus in a space which is unknown, convoluted, dense, full of hidden symbolism, and at the same time a space which is living, sovereign; a space of nature, which is stronger than culture, still mysterious, still unexplored, still evoking fear and respect. These ambiguities of nature, dreams and fears point to an inability to control one’s life, avoidance of chance which rules over life, decay, lurking death and mortality.(...)” Kinga Anna Gajda, “Photography of a nightmare”, introduction to the exhibition catalogue “REM cycle” TECHNICAL DATA”: “REM Cycle, Atrophy I - VII”, 2009, B&W photography, silver gelatin prints, 30x30cm, edition: 10 “REM Cycle, Hypertrophy I - VII”, 2009, B&W photography, pigment prints at the Hahnemuhle Photo Rag Baryta paper 315g, 85x85cm, edition: 10
hervé
dez
The Betweens “Nous vivons à la limite des mondes, à la frontière des peuples, exposés à toutes les attaques, toujours coupables. Les vagues de l’histoire se brisent sur nous, comme sur un rocher”. Meša Selimović Le Derviche et la mort, 1966.
andreas
kauppi Trapped Strange Days in Sweden
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