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UNE BRÈVE HISTOIRE DU CLIMAT

Depuis quelques dizaines d’années, le climat et ses enjeux sont devenus une préoccupation majeure et un sujet d’actualité. Pourtant, bien que le réchauffement climatique d’origine anthropique (c’est-à-dire causé par l’activité humaine) fasse bien consensus [1] auprès des scientifiques, certains mythes circulent encore.

Pour bien comprendre les enjeux, il est nécessaire de poser les bases du savoir scientifique qui a permis aux chercheur·e·s, en l’espace de moins d’un siècle, de reconstituer les climats du passé et modéliser son évolution.

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Le présent article a comme seule ambition de passer en revue l’historique de la démarche scientifique qui a conduit à la prise de conscience du réchauffement climatique. Il y sera expliqué, dans les grandes lignes, comment nous avons pu établir les courbes d’évolution des températures et de CO2 sur une durée de plus de 100 000 ans. Et comment la connaissance du passé peut donner des indications pour les modèles d’évolution du climat à moyen terme.

COMPRENDRE LE PASSÉ

Pour déterminer la température du passé, les scientifiques ont recours à des extractions de carottes polaires (pas le légume évidemment, mais un cylindre de glace foré sur une grande profondeur).

La neige en Antarctique s’étant accumulée au fil du temps, chaque épaisseur, chaque couche de glace de la carotte nous révèle des informations sur la composition de la glace à différentes époques. Ces carottes sont une véritable ligne du temps, où ce dernier ne se mesure non pas en secondes, mais en centimètres, en profondeur. Les plus longues carottes analysées mesurent près de 3.3km et couvrent une période de 800 000 ans !

Le prélèvement et l’analyse de ces carottes peuvent donner accès à deux paramètres : la teneur en gaz carbonique (symbolisé CO2) et la température.

La teneur en gaz carbonique est directement accessible par analyse des bulles dans la glace. En effet, le gaz carbonique est piégé dans la glace sous forme de petites bulles (comme dans les boissons gazeuses). Plus il y a de bulles sur l’échantillon, plus la teneur en CO2 est importante.

La température s’obtient de manière plus indirecte, via un thermomètre isotopique. Cet instrument mesure le taux de deutérium présent dans la glace. Le deutérium est un isotope de l’hydrogène (noyau constitué d’un élément neutre en plus dont la durée de vie est différente) dont il a été observé qu’il était directement proportionnel à la température du site.

L’étude des carottes glaciaires permet donc de tracer l’évolution temporelle du CO2 et de la température en Antarctique (là où on a foré). Pouvons-nous tirer des conclusions globales d’un relevé de température et de CO2 pris dans une seule région, l’Antarctique ? La réponse est oui. Certes, l’Antarctique est le seul continent où la nature n’a pas été perturbée par l’intrusion de l’homme et son environnement est très différent de ce qu’on retrouve partout ailleurs. Mais l’air se mélange extrêmement rapidement dans l’atmosphère et les gaz présents d’un côté du globe se retrouvent très vite au pôle Sud.

L’étude du continent blanc, et plus précisément à la base polaire de Vostok, n’est pas perturbée par une source locale de gaz et reflète bien une tendance globale des constituants atmosphériques qui circulent et ont circulé aux quatre coins du globe.

Voici l’évolution des températures et du gaz carbonique sur une période de 420000 ans, obtenus par analyses des carottes glaciaires.

Le résultat est plus que frappant (si frappant que je vous mets le graphique [2] – promis ce sera le seul de cet article !): les deux courbes montrent des variations importantes sur des cycles longs.

Les grands cycles de variations sont dus à la trajectoire de la Terre autour du soleil et reflètent le fait que notre planète a connu une alternance de périodes glaciaires et interglaciaires tout au long de son évolution. Les périodes glaciaires désignent les ères géologiques marquées par un abaissement significatif des températures conduisant à l’expansion des glaciers, principalement dans l’hémisphère nord. Comme on peut le constater sur le graphique, notre planète a connu quatre périodes glaciaires et nous nous situons actuellement dans une phase interglaciaire.

Une corrélation entre ces deux variables est donc indéniable. Quant au lien de cause à effet entre de l’augmentation de la concentration de CO2 et l’élévation des températures, il est qualifié d' « extrêmement probable » (Rapport du GIEC 2013).

Le second intérêt de la courbe est la partie tout à droite, donc la plus récente, de l’évolution du taux de gaz carboniques. On voit que celui-ci augmente de manière quasi exponentielle, s’écartant ainsi de son évolution qui était jusqu’ici périodique. Cette augmentation subite de gaz carbonique dans l’atmosphère est principalement liée à l’activité humaine, plus précisément à l'activité industrielle de ces derniers siècles. Puisque les deux courbes sont corrélées, cela laisse présager une augmentation significative des températures qui, quant à elles, impliqueraient une augmentation du niveau des mers.

POUR PRÉVOIR LE FUTUR

Comment peut-on donc extrapoler l’augmentation future de température et la quantifier ? Quelles sont les incertitudes et la fiabilité de ces prédictions ?

Le GIEC (IPCC en anglais) est l’acronyme de Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat. Cet organe, créé en 1988, est composé de près de deux-cents experts qui ont pour mission d’évaluer de la manière la plus scientifique et objective [3] possible les causes, les risques et les conséquences d’un réchauffement climatique d’origine anthropique.

Dans son rapport le plus récent, le GIEC mentionne une augmentation de température de 1.5 à 6 degrés d’ici la fin du siècle. Si cet intervalle peut paraitre large de prime abord, c’est parce qu’il prend en compte deux choses : premièrement, les incertitudes liées au fonctionnement du système climatique et, deuxièmement, les futures éjections de CO2 qui dépendront des énergies utilisées dans les années à venir.

La première incertitude est intrinsèque à toute science. Une modélisation, par essence même, est une simplification d’un système et toute simplification implique des écarts à la réalité. Il est donc impossible de s’affranchir entièrement de cette source d’incertitude, mais il est tout à parier que les modèles vont gagner en fiabilité dans les prochaines années grâce aux avancées dans le domaine climatique et aux progrès technologiques des supercalculateurs qui permettront de gagner en précision.

Mais rappelons tout de même, quand on parle de températures qu’il ne faut pas confondre les prévisions climatiques avec les prévisions météorologiques qu’on écoute chaque matin à la radio pour choisir entre parapluie et crème solaire.

En effet, la météorologie étudie des valeurs instantanées et locales de température, précipitation et pression. Pour cela, elle se base sur des modèles d’évolution de l’atmosphère, recourant aux équations de la dynamique des fluides pour décrire les nuages, la pluie et le vent.

La climatologie s’intéresse aux valeurs moyennes de l’atmosphère à long terme et dans une zone géographique étendue, en tenant compte des interactions entre les différents composants du système terre : atmosphère, biosphère, océans, glaces... Recourant à des équations très complexes, l’incertitude vient principalement des paramètres ajustables.

Dans son rapport le plus récent, le GIEC mentionne une augmentation de température de 1.5 à 6 degrés d’ici la fin du siècle. Si cet intervalle peut paraitre large de prime abord, c’est parce qu’il prend en compte deux choses : premièrement, les incertitudes liées au fonctionnement du système climatique et, deuxièmement, les futures éjections de CO2 qui dépendront des énergies utilisées dans les années à venir.

La seconde cause de cet intervalle de température est l’émission de gaz à effet de serre et ce faisant l’utilisation des énergies. L’émission de CO2 par l’homme se fait par exemple lors de la combustion d’énergie fossile ou par la déforestation (les arbres coupés se décomposent en éjectant le CO2 présent dans le tronc et les feuilles).

Ainsi la température et le niveau des mers, dans les prochaines décennies, seront dépendants de l’activité humaine. Notre espèce est donc capable de modifier l’ensemble du système terre (constitué de l’atmosphère, la biosphère, l’hydrosphère et la lithosphère).

Face à cette nouvelle puissance – car oui l’homme est devenu la force géologique la plus puissante – les géologues et géophysiciens ont introduit une nouvelle ère géologique : « l’Anthropocène »[4], quittant ainsi la précédente : l’holocène, longue de dix-mille ans.

Cette entrée dans l’anthropocène, ou l’ère des humains, marque bien une rupture. Une rupture brutale où les humains ont transformé la planète à une vitesse inédite, modifiant de manière irrévocable le cours des évènements et introduisant un déséquilibre dont nous commençons enfin à réaliser l’ampleur.

Face à cette nouvelle puissance –car oui l’homme est devenu la force géologique la plus puissante – les géologues et géophysiciens ont introduit une nouvelle ère géologique : « l’Anthropocène »[4], quittant ainsi la précédente : l’holocène, longue de dix-mille ans.

DEMAIN UN AUTRE MONDE

Au vu de ce qui a été exposé dans cet article, une question de l’irréversibilité se pose. Est-il encore possible d’envisager de retourner à la situation d’avant en inversant la tendance actuelle ? Ou devons-nous sombrer dans un catastrophisme inactif ?

Les climatologues parlent aujourd’hui d’un seuil (les fameux « +2°C ») à partir duquel la situation deviendrait irrémédiable : montée des eaux, libération du méthane stocké dans la banquise, diminution de l’albédo , et autres surprises climatiques qui pourraient entrainer des réactions en chaine non prévisibles.

Aujourd’hui, nous sommes au seuil. Une transformation mondiale sans précédent va découler de la crise environnementale. C’est à l’espèce humaine de se rendre compte de son implication et de prendre ses responsabilités et à agir, collectivement. L’urgence de la situation ne doit pas appeler au renoncement, mais servir de moteur pour un bouleversement radical de notre système.

LÉA PLANQUART

[1] Le consensus scientifique est une prise de position collective de la communauté scientifique. Il ne nécessite pas l’unanimité absolue, mais bien un accord général basé sur une méthode et des arguments scientifiques. Le débat du réchauffement climatique anthropique est donc purement médiatique car il fait consensus auprès des scientifiques.

[2] From : https://environmentcounts.org/ (présenté comme “An independent source of information on environmental matters, based on the best available evidence. We do not advocate any particular position.”)

[3] Si cet organe, politique, se dit le plus objectif possible, il est qualifié par beaucoup de scientifique comme trop optimiste dans son positionnement, considérant a minima certaines conséquences du réchauffement climatique sur l’environnement, compte tenu des recherches actuelles.

[4] Les ères permettent de classifier l’échelle de temps géologique. L’évolution de la terre est actuellement découpée en plusieurs éons, composés d’ères, elles-mêmes divisés en périodes, elles-mêmes subdivisées en Epoques. (vous suivez ?)

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