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UNE EUROPE VERTE ? LE PLAN DE RELANCE DE L’UNION EUROPÉENNE
Une Europe plus verte, voilà l’objectif souvent répété des dirigeant·e·s européen·ne·s. C’est également un élément principal dans le plan de relance de l’UE. Négocié le 21 juillet 2020 par les dirigeant.e.s des états membres, cet accord est proclamé comme historique par certains ( Charles Michel ), voire même qualifié de « nouveau plan Marshall » par d’autres ( Pedro Sanchez ). Néanmoins certains dirigeant·e·s semblent davantage cacher leur joie face à ce plan de relance qu’iels estiment contraignant et contre lequel iels ont du lutter pour obtenir des accords favorables. Dans cet article, nous allons décortiquer le dessous des cartes des négociations ainsi que le contenu de cet accord, qui n’est pas aussi aussi «vert» que prétendu.
PLAN DE RELANCE
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750 Milliards d’euros, voilà le chiffre sur lequel les dirigeant·e·s européen sont tombés d’accord après des jours de tractation soutenue à Bruxelles. Ce chiffre est à nuancer par bien des aspects, car bien que le plan de relance européen « Next Generation EU » soit imaginé dans un objectif plus global, le Green New Deal, visant le zéro carbone en 2050 pour l’UE, une quantité importante de cette somme sera avant tout allouée sous forme de subvention aux états membres afin de pallier aux problèmes financiers urgents dont ceux-ci souffrent depuis maintenant plus de 6 mois et qui promettent de se prolonger pour au moins quelque temps encore. En effet, dans les 750 milliards d’euros du plan, pas moins de 670 milliards seront versés aux états membres pour soutenir les réformes et leurs économies par des investissements dans des secteurs comme le numérique, la transition écologique ou tout bonnement pour pallier le déficit financier des états les plus gravement en difficulté, une partie de cet endettement sera mis en commun pour éviter que ceux-ci ne sombrent dans une crise profonde.
L’autre partie du montant (presque 80 milliards d’euros) sera quant à elle essentiellement utilisée pour renforcer de nombreux programmes européens déjà préexistants comme le programme REACT-EU [1] qui capturera plus de la moitié du montant restant afin d’aider et de soutenir l’emploi dans les états européens ainsi que divers autres secteurs économiques, privés ou publics.
D’autres programmes existants comme Invest EU [2] visant à capturer les investissements privés bénéficieront aussi d’importantes donations (plusieurs milliards) ou encore le programme Horizon EU [3] ayant pour objectif le développement de la recherche scientifique et la modernisation d’un certain nombre d’industries et d’infrastructures. Certaines institutions dont la controversée Banque d’Investissement Européenne [4] (pour son financement d’entreprises minière en Afrique [5]) et travaillant elles aussi en collaboration avec les acteurs privés bénéficieront aussi de ce renflouage des caisses.
Finalement, un peu moins de 20 milliards d’euros seront investis directement dans le fond au développement durable et à l’agriculture ayant des objectifs de transition écologique . Ce qui, pour un plan initialement annoncé comme voulant lancer l’UE dans une transition verte, peut paraître très faible.
BUDGET
Toutefois, le plan de relance, bien qu’important, se diluera dans l’espace et le temps. En effet, celui-ci s’étalera sur plusieurs années et est donc à mettre en parallèle avec le budget de l’UE 2021-2027 qui est estimé pour le moment à une somme un peu supérieure au billion d’euros (environ 1050 milliards d’euros) ce qui, sur la période 2021-2027, portera les dépenses de l’UE à un peu plus de 1,8 billion d’euros qui sont censés servir majoritairement à de nombreux programmes (notamment le renforcement des investissements dans les domaines dits stratégiques comme les programmes spatiaux européens, le programme Horizon Europe qui finance la recherche et l’innovation,etc.), mais aussi au service de la transition écologique.
Sur cette même période, 30 % du budget (soit un peu plus de 500 milliards) devra s’inscrire dans l’objectif zéro carbone que l’UE vise à l’horizon 2050.
LES FRUGAUX
Un accord aussi important a dû être ratifié par l’entièreté des états membres. Comme une bonne partie des débats en Europe, la négociation sur le pacte de relance a été très houleuse. Bien que cet accord soit majoritairement soutenu par nombre de pays se trouvant en grande difficulté économique comme l’Italie l’Espagne ou la France du fait de la crise, certains pays montraient une certaine opposition à ce plan de relance. Un groupe de pays (Pays-Bas Danemark, Suède, Finlande, Autriche) surnommés les ‘’ frugaux ‘’ ou les ‘’ radins ‘’ selon l’article de presse, voulant respecter l’orthodoxie libérale, s’étaient à l’origine opposés à ce plan. Finalement, l’opposition de ces pays riches, favorables à une stricte discipline budgétaire avait pour but de limiter les dépenses de l’UE pour sauver des pays comme l’Italie qu’ils considèrent comme beaucoup trop laxistes au niveau des finances publiques.
Cependant, en échange de très nombreuses concessions, les frugaux ont fini par choisir d’adhérer au plan de relance. Toutefois leurs contreparties obtenues dans les négociations vont solidement fragiliser différents pans de l’UE.
Premièrement, le budget du plan de relance a dû être revu à la baisse (les pays frugaux ne voulant pas alourdir la dette) et davantage financé par la création de dettes que par des fonds propres limitant ainsi les dépenses et les contributions directes des états au plan. La deuxième victoire des frugaux est leur propre contribution au budget européen. Ceux -ci ont obtenu un rabais de plusieurs milliards sur leur propre contribution au budget de l’UE alors même que de nombreux autres pays voulaient mettre fin à ce système depuis que le Royaume-Uni a quitté l’UE.
Une des autres victoires des frugaux est une coupe dans certaines dépenses de l’UE, notamment dans les programmes communautaires d’avenir proposés par la commission (Erasmus, recherche et innovation, etc…).
L’OPPOSITION DE VARSOVIE ET DE BUDAPEST
En plus d’une opposition menée par les frugaux, les partenaires européens ont dû affronter la Pologne et la Hongrie. Le pacte de relance était à l’origine accordé seulement à des pays assurant la sauvegarde de l’état de droit, or les partis au pouvoir en Pologne et en Hongrie qui mènent depuis plusieurs années des politiques de sape de la séparation des pouvoirs et des droits des minorités auraient été freinés sec par ce conditionnement des subventions européennes, alors que ces deux pays sont relativement dépendant des dites subventions.
Voyant donc leurs ambitions de politique intérieure menacées par le plan de relance, Viktor Orban (Premier ministre hongrois) et Andrej Duda (président polonais) ont marqué leur opposition au plan de relance et menacé de ne pas voter en sa faveur si celui-ci restait conditionné à la sauvegarde de l’état de droit. Les Hongrois et les Polonais ont dans les faits un levier très puissant entre leurs mains, car l’endettement commun de l’UE doit être ratifié par presque tous les parlements nationaux pour être valide et effectif, de plus l’accord doit également être ratifié à l’unanimité par les dirigeant.e.s des pays membres.
À la suite de ce chantage, les pays européens ont dû revoir leurs positions sur le conditionnement des subventions à l’état de droit, tout d’abord en supprimant le régime de sanction pour de nombreuses ingérences ainsi que le conditionnement des subventions à la sauvegarde de l’état de droit. Et ce alors même que les parlementaires européens de la commission des libertés civiles semblaient vouloir établir une ligne intransigeante sur le conditionnement des subventions à la sauvegarde de la démocratie.
UN ACCORD SI HISTORIQUE QUE ÇA ?
Pour finir après tant de concessions, de réduction, de débat et de division, cet accord est-il si historique que prévu ? Comme écrit plus haut dans l’article, les 750 milliards d’euros du fonds ne seront pas disponibles tout de suite et l’impact que ceux-ci auront sur l’économie réelle ne sera chiffrable que dans quelques années. Mais le contenu de l’accord et les négociations nous donnent déjà le début d’une réponse.
On pourrait qualifier d’historique cependant la mise en commun de dettes pour éviter un surendettement individuel de certains états encore lourdement atteints par les impacts de la mise en commun de dettes pour éviter un surendettement individuel de certains états encore lourdement atteints par les impacts de la crise de 2007 et de 2011 (comme l’Espagne l’Italie ou la Grèce et dont bien souvent les systèmes de santés ont été dégradés pour des raisons budgétaires).
Il a été ainsi décidé que plusieurs centaines de milliards d’euros seront empruntés auprès des marchés financiers par l’émission de titre au nom de l’UE. Ce nouveau système de mise en commun des dettes, qui a longtemps été bloqué par les pays du nord de l’Europe est vu par certains comme un pas supplémentaire vers une construction européenne. De plus, cette émission de titres au nom de l’Europe, qui jusque-là devait garder un budget à l’équilibre, rompt avec un certain nombre de traités assez restrictifs (notamment le très médiatisé traité de Maastricht qui limite les dépenses budgétaires au-delà d’un certain déficit).
Ce nouveau système a été soutenu par des pays qui réclamaient un système de mutualisation des dettes depuis plusieurs années, mais aussi par la très libérale chancelière allemande, et ce, aussi bien dans un objectif économique (dont le pays très exportateur dépend des bonnes santés économiques de ses voisins friands de ses produits) et un objectif plus global de renforcement de l’UE. Ce système de mutualisation va cependant représenter un désavantage pour certains pays, en effet certains pays ayant une forte santé économique et un haut taux d’épargne (les pays frugaux) vont devoir prendre sur leur économie pour financer celle des pays du Sud de l’UE, selon certains une mutualisation de la dette est ‘’ donc une redistribution de l’épargne réelle européenne qui est en jeu ! '’ [6]
ET LE VERT ?
30%, voilà l’objectif annoncé des partenaires européens en matière de transition écologique sur un budget de plus de 1 800 milliards pour la période 2021-2027, ce qui devrait amener à une somme un peu supérieure à 500 milliards. Ce montant peut paraître énorme mais il reste insuffisant pour réaliser la transition écologique dont l’Europe a besoin et l’accomplissement des objectifs de diminution d’émission de carbone, c’est finalement assez peu en comparaison des besoins. N’oublions pas que l’UE est un des premiers producteurs mondiaux de carbone derrière la Chine et les USA, qu’une bonne partie des pays européens sont encore alimentés en électricité par des centrales à charbon, et que notre principal moyen de transport reste encore la voiture. L’UE veut s’appuyer sur des projets massifs [7] de digitalisation, automatisation, d’une dépendance moins forte aux énergies fossiles en développant un transport plus vert et en accentuant l’utilisation des énergies vertes, et en pariant sur une réduction des émissions de carbone grâce à une meilleure efficacité énergétique aussi bien pour les logements que pour les industries les plus polluantes. Cependant, le problème est comme bien souvent une question d’argent, car faire passer une des aires géographiques les plus polluantes de la planète en un exemple à suivre risque de coûter cher.
Ainsi selon de récentes estimations de la commission, il faudrait pour réaliser les objectifs en matière de climat un budget annuel de 260 milliards d’euros pendant les dix prochaines années, donc un budget total de 2600 milliards d’euros. Les 550 milliards investis directement dans la transition écologique sont donc à prendre avec prudence selon la Cour des comptes européenne. De plus, la méthodologie attribuant les fonds est « profondément biaisée ». Nombre de projets estampillés « verts » ne devraient plus l’être si une nouvelle méthode d’attribution des fonds voyait le jour.
Pour finir, bien que d’importantes dépenses du projet de relance soient concentrées sur la transition écologique, d’autres fonds européens tel que le « fonds pour une transition juste et durable » ont été rabotés pour éviter un déficit trop important.
CONCLUSION
Le plan de relance, bien qu’étant défini par certain·e·s comme ambitieux et historique sur certains aspects, notamment sur l’endettement commun et le non-respect des traités instituant une intransigeance pour un équilibre des budgets et qu’il est vu comme une prolongation de la construction européenne qui depuis le brexit et la crise de la dette en 2011 semblait prendre du plomb dans l’air, celui-ci est très loin d’être parfait.
Outre les rabotements de certains budgets, la réduction des recettes du fait de la négociation des frugaux, et un projet annoncé comme vert alors qu’il n’est ni suffisant, ni réellement vert, cet accord, annoncé ambitieux et historique, ne l’est pas vraiment.
Cependant, il pourrait constituer une première étape vers davantage de communication et de mise en commun entre les différents états européens par l’utilisation du mécanisme de mutualisation de la dette. De plus, et ce grâce à de récentes évolutions au sein du parlement européen, de nombreuses choses risquent encore de changer (le parlement a notamment obtenu une légère hausse de l’enveloppe et la création de nouvelles taxes dans les années à venir (même si les modalités de celle-ci ne sont pas encore définies)). [8]
ARTHUR NOTERIS
[1] https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/QANDA_20_948
[2]https://ec.europa.eu/commission/priorities/jobs-growth-and-investment/investment-plan-europe-juncker-plan/whats-next-investeuprogramme-2021-2027_en
[3] https://ec.europa.eu/info/horizon-europe_en
[4] https://www.eib.org/en/stories/climate-bank-roadmap.htm
[5] https://www.isf-france.org/articles/bei-leurope-mine-lafrique
[6] https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/12/thierry-aimar-derriere-la-mutualisation-de-la-dette-c-est-une-redistribution-de-l-epargneeuropeenne-qui-est-en-jeu_6055662_3232.html
[7] https://www.connaissancedesenergies.org/la-commission-europeenne-veut-tracer-la-voie-de-la-neutralite-carbone-181129
[8] https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/11/10/plan-de-relance-europeen-un-nouvel-obstacle-est-leve_6059257_3234.html