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5G : UN FUTUR ENVISAGEABLE ?
Attendu pour 2021, le lancement de la cinquième génération en téléphonie mobile suscite de nombreuses questions et rumeurs en termes de consommation, santé et environnement. Le déploiement de la 5G va permettre un débit de connexion plus puissant. Son réseau augmentera le débit permettant ensuite de nouveaux usages comme de nombreuses connexions simultanées et par exemple le développement de la réalité virtuelle. Néanmoins, elle représente un bond technologique moins surprenant que l’ancienne génération. La 4G, ou LTE (Long Term Evolution), est la quatrième génération des standards pour la téléphonie mobile. Succédant à la 2G et la 3G, elle permet le « très haut débit mobile » ou, plus simplement, permet d’utiliser des applications, lire des vidéos et télécharger plus rapidement. Rappelons que cela n’était pas le cas avec la 3G qui offrait un accès internet certes, mais restreint et la 2G qui nous permettait uniquement d’envoyer des appels et d’envoyer des SMS. [1][2]
Avant de rentrer dans le vif du sujet, voici quelques notions sur ces technologies. Tout d’abord, un champ électromagnétique se manifeste lorsque circule un courant électrique. Il en existe partout autour de nous et leur intensité varie selon leur consommation électrique. Certains champs, tels des orages, surgissent de manière naturelle. Les rayonnements électromagnétiques sont des séries d’ondes et fréquences progressant à la vitesse de la lumière. “Fréquence et longueur d'onde sont donc totalement indissociables : plus la fréquence est élevée, plus la longueur d'onde est courte”. [3]
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Ces champs proviennent de nos ordinateurs, aspirateurs, machines à cafés et télévisions (cette dernière émet 60 V/m comparativement à 5 pour une ampoule). Elles sont également présentes hors de chez nous près des lignes de tram, de train, des radars, etc. Nos smartphones fonctionnent grâce aux stations relais installées sur les toits des immeubles. Les antennes diffusent constamment des signaux (= champs électromagnétiques) dans diverses directions. Pour la 5G, il s’agirait d’une nouvelle génération d’antennes qui orienteraient (cette notion d’orientation des champs est importante, car elle engendre des concentrations) leurs signaux vers les appareils qui en ont directement besoin, jumelés à des bandes de fréquences hautes, pour accroître les débits. C’est justement ces bandes de fréquences hautes qui suscitent des polémiques. En effet, ces dernières fonctionneraient à plus de 24,25 Ghz (gigahertz), or les basses fréquences sont 20 fois moins importantes (entre 3 et 6 Ghz).[4]
Les nouvelles antennes MIMO (Multiple Input Multiple Output. En français, entrées multiples sorties multiples) permettent des transferts de données sur de plus longues portées avec des débits plus élevés que des antennes SISO (Single input single output). Les antennes MIMO sont déjà employées en Belgique. Cependant pour couvrir la 5G, elles devront être beaucoup plus nombreuses. [5] «Le but est de desservir plusieurs utilisateurs simultanément sur la base de faisceaux d'antennes séparés par utilisateur. Le massive MIMO est considéré comme l'une des clés et composantes de base d'un nouveau réseau 5G moderne». [6] Ces nouvelles antennes seraient « plus intelligentes » car se dirigeraient vers un signal dans une direction précise et non pas dans toutes les directions comme le font actuellement les antennes pour la 4G. De manière générale, ces nouvelles et nombreuses antennes comptent plus de connecteurs pouvant envoyer et recevoir de données en même temps.
Afin de pouvoir installer ces antennes, son cadre légal belge pour la région bruxelloise s’arrête à 6 V/m et pour que la technologie fonctionne, les antennes devraient passer au minium à 14 V/m. Le processus belge est actuellement à l’arrêt, car son cadre légal sur les normes d’expositions aux ondes électromagnétiques ne permet pas l’implantation des nouvelles antennes à la 5G. [7] Rémi de Montgolfier, directeur général d’Ericsson pour la Belgique et le Luxembourg annonce que “nous sommes en retard par rapport au reste de l’Europe. La Belgique, sans la complexité, ça ne serait pas la Belgique. Mais on n’arrivera pas à développer la 5G avant 2022”.[8]
Ce sont les entreprises qui profiteront davantage de cette tendance (voitures autonomes, pilotage automatique de certaines industries, chirurgies à distance…). D’abord, pour le consommateur il faudra un nouvel appareil compatible avec le haut débit. On peut s’attendre à une augmentation des abonnements proposés par les opérateurs téléphoniques, qui quant à eux devront renflouer leurs caisses pour obtenir les fréquences 5G. De plus, les opérateurs affirment que la nouvelle génération sera moins énergivore que la génération actuelle. « Mais les antennes MIMO doivent offrir un débit jusqu’à dix fois plus élevé, de façon très réactive et à davantage de personnes. C’est cette augmentation des capacités du réseau qui permet d’affirmer qu’à bande passante équivalente, elles sont moins énergivores que les installations des générations précédentes » résume l’opérateur Orange. [9] Or, pour Huawei, les stations seraient au contraire jusqu’à 3 fois plus énergivores. Aussi, l’opérateur Orange assure qu’un développement marquant de la cinquième génération concerne les modes de veilles possibles. En effet, les opérateurs pourront éteindre un ou plusieurs équipement(s) faute de trafic. En Chine où la 5G est déjà opérante, Unicom laisse ses stations en pause la nuit afin d’alléger le réseau électrique. Orange affirme que ces systèmes de veilles pourraient engendrer 50% d’économies d’énergies. [10] Néanmoins, à ce jour aucune stratégie de démantèlement des anciens équipements n’a été mentionnée.
Voici l’avis de 3 opérateurs mobiles différents où il est évident que leur prise de position tente de nous rassurer sur cette consommation d'énergie. Mais il n'en est rien. Ces opérateurs ne prennent pas en compte l’effet rebond. Certes les énergies peuvent réduire les impacts négatifs sur l’environnement, mais l’accroissement de notre consommation nécessite une augmentation de stockage numérique et par conséquent rompt tout bénéfice environnemental de ces gains. [11] De plus, notre industrie numérique repose sur une multitude d’infrastructures (câbles satellites, ordinateurs, tablettes, serveurs…) tous produits à partir de minerais variés et rares. Ces derniers sont bien souvent issus d’Afrique et Asie du Sud-est. Entre autres les collines du Congo contiendraient 24 000 milliards de dollars d’or, de cobalt, de cassitérite, etc. Beaucoup de ces minerais sont indispensables à la fabrication d’équipements numériques et font l’objet de guerres incessantes, exploitation d’enfants, d’hommes et de femmes qui doivent travailler sous la contrainte de groupes armés ... [12] Un smartphone est composé d 40 et 60 minerais différents, ce qui à lui seul rend une économie circulaire compliquée. Les minerais sont tous entremêlés par des alliages complexes rendant leur recyclage ou réparation envisageable. De ce fait, plus les métaux employés sont éparpillés, plus leur récupération est coûteuse et difficile. Selon le rapport Ericsson publié en juin 2020, au kilomètre carré, jusqu’à un million d’objets pourraient communiquer entre eux avec le déploiement de la nouvelle génération. Or, cette année, on compte déjà 20 milliards d’objets connectés dans le monde. Pour en venir à une évolution si importante, l’industrie prévoit donc l’équipement de millions d’antennes 5G tous les 50 à 150 mètres en milieu urbain.
Une étude récente réalisée en France par Jean-Marc Jancovici a indiqué que la 5ème génération entraînera des coûts colossaux et multipliera par 2,5 à 3 notre consommation énergétique actuelle. [13] On peut dès lors parler de e-pollution, celle-ci constituant une crise écologique. Derrière l'électricité, internet serait le troisième “pays” polluant, après la Chine et les Etats-Unis. Internet et ses multiples objets connectés émettent plus de gaz à effet de serre que l’ensemble du secteur aérien. Un rapport de Shift Projet (2018) exposait déjà l'empreinte énergétique directe du numérique. Ce dernier augmente de 4% par an et ses émissions de gaz à effet de serre sont d’environ 4% également. L’envoi d’un mail est de 1 Mo, qui équivaut au fonctionnement d’une ampoule de 60 watts pendant 25 minutes soit 20 grammes de CO2 émis. “Tous ces équipements sont très gourmands en énergie : un simple routeur consomme 10 000 watts (10 kW), un grand data center frise les 100 millions de watts (100 MW), soit un dixième de la production d’une centrale thermique». [14] Enfin, à ce jour, aucune stratégie de démantèlement des anciens équipements n’a été mentionnée.
Au-delà du coût financier mentionné, attendons-nous à davantage de surveillance ou encore « mieux », un capitalisme de surveillance. Sur un modèle de « villes intelligentes » en évolution dans le monde, il implique de manier une quantité considérable d’informations personnelles de tout citoyen. Dominique Dubarle, logicien, a exposé en 1948 une idée plutôt avant-gardiste de la politique et de l’informatique en la nommant « machine à gouverner ». Il prédit que l’accroissement du stockage et traitement de données amènera à un surgissement d’un prodigieux Léviathan politique (Léviathan : personnage de monstre biblique considéré comme un chaos pouvant modifier la planète). [15] De ce constat, le confinement nous permet de percevoir plus clairement les incitations à la technologie dans nos processus d’achats.
Qu’en est-il de notre santé ? Il y existe tout d’abord deux types de rayonnements : ionisant et non ionisant. Le premier est un rayonnement pouvant porter atteinte à notre matériel génétique (ADN) émis par des substances radioactives ou encore par l’activité humaine (radiothérapies, centrale nucléaire…). Ensuite, le rayonnement non ionisant transporte, lui, peu d’énergie pour altérer notre ADN, du moins en théorie. Nos smartphones, les antennes, nos appareils électroniques émettent donc ces rayons non ionisants. Des doutes persistent quant à notre utilisation intensive de nos smartphones. [16] Lorsqu’un tissu biologique est orienté à une onde électromagnétique non ionisante, une partie de l’énergie transposée par cette onde est ensuite réfléchie ; une autre sera alors absorbée. Et cette dernière peut avoir des conséquences biologiques et sanitaires. [17] Les champs électromagnétiques ont des effets néfastes sur la santé humaine. L’OMS mentionne qu'il existe “des effets biologiques établis associés à une exposition aiguë à de fortes intensités (bien au-dessus de 100 ..Teslas) qui s’expliquent par des mécanismes biophysiques reconnus. Les champs magnétiques ELF (fréquence extrêmement basse) extérieurs induisent des champs et des courants électriques dans l’organisme qui, lorsque l’intensité du champ est très forte, provoquent une stimulation nerveuse et musculaire et modifient l’excitabilité des cellules du système nerveux central ”. En d’autres termes, « on a recensé des lacunes dans les connaissances et ces dernières constituent la base d’un nouveau calendrier de recherche. » [18] En France, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, l’environnement et du travail a déclaré en janvier 2020 qu’elle manquait encore de données scientifiques pour se prononcer quant aux effets des technologies sur la santé publique. [19]
Le déploiement de la 5G va donc engendrer une multitude de changements environnementaux et économiques puisqu’il est en constante évolution. Autant il dévore continuellement notre environnement à divers et nombreux niveaux, autant il en sera davantage néfaste pour notre santé. Les impacts environnementaux directs et indirects sont bien souvent sous-estimés. Nous pouvons nous poser les questions suivantes : Dans un monde déjà hyper-connecté et vivant une crise sanitaire depuis presque un an, allonsnous entrer dans une réalité totalement virtuelle et interconnectée ? Dans un système enclin à l’écologie personnelle et en augmentation, tous nos efforts individuels et collectifs sont-ils déjà voués à l’échec ?
ANASTASIA DE BRAEKELEER
[1] Damgé, M. (2020), Sur la 5G, ce qui est vrai, ce qui est faux et ce qu’on ne sait pas encore. Le Monde. URL : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/09/24/5g-le-vrai-lefaux-et-ce-qu-on-ne-sait-pas-encore_6053447_4355770.html (Consulté 4 novembre 2020)
[2] Lemke, C. (2020). La 5G est-elle dangereuse pour la santé ?. Sciences et Avenir. URL: https://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/reseaux-et-telecoms/5g-et-danger-pour-la-santel-article-pour-tout-comprendre_135033 (consulté le 4 novembre 2020)
[3] Duraffourg, L., & Arcamone, J. (2015). Nanosystèmes électromécaniques. ISTE Group.
[4] Lemke, C. (2020). La 5G est-elle dangereuse pour la santé ?. Sciences et Avenir. URL: https://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/reseaux-et-telecoms/5g-et-danger-pour-la-santel-article-pour-tout-comprendre_135033 (consulté le 4 novembre 2020)
[5] Damgé M. (2019). Non, Bruxelles n’a pas interdit la 5G pour des raisons de santé.Le Monde. URL : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/08/07/non-bruxelles-n-a-pasinterdit-la-5g-pour-des-raisons-de-sante_5497462_4355770.html(consulté le 4 novembre 2020)
[6] IBPT. (2018). L’impact des normes de rayonnement bruxelloises sur le déploiement des réseaux mobiles. Bruxelles. URL: https://www.bipt.be/file/cc73d96153bbd5448a56f19d925d05b1379c7f21/08c338ae8ae4e42488f85998879c14e6a4789a2d/ Etude_impact_normes_rayonnement_bruxelloises_deploiement_reseaux_mobiles.pdf
[7] Witsel V. (2020). Le climat ou la 5G ? La Belgique à l’heure des choix. Politique. URL: https://www.revuepolitique.be/le-climat-ou-la-5g-la-belgique-a-lheure-des-choix/
[8] Marsac, A. (2020). La 5G a été associée à une multitude de fake news, selon Ericsson. La Libre. URL: https://www.lalibre.be/economie/entreprises-startup/la-5g-a-ete-associee-aune-multitude-de-fake-news-selon-ericsson-5f97282f7b50a66bd816560d
[9] Damgé M. (2020). La 5G va-t-elle réduire ou augmenter la consommation d’énergie ?. Le Monde. URL: https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/09/23/la-5g-va-t-ellereduire-ou-augmenter-la-consommation-d-energie_6053336_4355770.html
[10] Bonnemé R. (2020). 5G : un bilan énergétique et écologique qui fait débat. LaLibre. URL:https://www.lalibre.be/planete/environnement/le-lourd-poids-environnemental-et-energetique-de-la-5g-5f59061b9978e2322faffd69
[11] Ferreboeuf, H. (2018). Pour une sobriété numérique. The Shift Project. URL: https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2018/11/Rapport-final-v8-WEB.pdf (consulté le 30 novembre 2020)
[12] Lepidi, P. (2017). “Congo : la guerre des minerais”. Le monde. URL: https://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2017/03/15/tv-congo-la-guerre-des-minerais-le-recit-d-undesastre_5095053_1655027.html (consulté le 22 novembre 2020)
[13] Ferreboeuf H., Jancovici J. (2020). La 5G est-elle vraiment utile ?. Le Monde. URL: https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/01/09/5g-ne-sommes-nous-pas-en-train-de-confondre-ce-qui-est-nouveau-avec-ce-qui-est-utile-ce-qui-semble-urgent-avec-cequi-est-important_6025291_3232.html (consulté le 23 novembre 2020)
[14] Caillosse L. (2018). Numérique : le grand gâchis énergétique. URL: https://lejournal.cnrs.fr/articles/numerique-le-grand-gachis-energetique
[15] Tréguer F. (2019). La « ville sûre » ou la gouvernance par les algorithmes. Le Monde Diplomatique. URL: https://www.monde-diplomatique.fr/2019/06/TREGUER/59986
[16] Blondet, M. (2020). Tout savoir sur les antennes 5G. Ariase. URL: https://blog.ariase.com/mobile/dossiers/antennes-5g
[17] Société Française de Physique. (2020). Les ondes de téléphonie mobile. Reflet de la physique. N 23. URL: https://www.refletsdelaphysique.fr/articles/refdp/pdf/2011/01/ refdp201123p20.pdf(consulté le 22 novembre 2020)(consulté le 24 novembre 2020).
[18] Organisation Mondiale de la Santé. (2007). Champs électromagnétique et santé publique. URL: https://www.who.int/peh-emf/publications/facts/fs322/fr/(consulté le 23 novembre 2020)
[19] ANSES. (2020). Déploiement de la 5G en France : l’Anses se mobilise pour évaluer les risques pour la santé. URL: https://www.anses.fr/fr/content/d%C3%A9ploiement-de-la-5g-en-france-l%E2%80%99anses-se-mobilise-pour-%C3%A9valuer-les-risques-pour-la-sant%C3%A9(consulté le 23 novembre 2020)