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GRATUIT
JUIN - JUILLET - AOÛT 2015
POP CULTURE
KIKI, BOWIE ET ORDIS
SPORT
TOUS TERRAINS
PORTRAIT
GUY PIGNOLET
PUB
DÉJÀ DANS LES PACKS
DE LA TERRE À LA LUNE
ÇA SE PASSE LÀ-BAS
EXTRAMUROS
À VOT’ BON CŒUR !
C’ÉTAIT UN PETIT JARDIN SOCIÉTÉ
SAVEURS DU PALAIS
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ÉDITO
BIENTÔT, UN SUPPLÉMENT SPÉCIAL CLÉS À MOLLETTE ? Comme vous êtes chanceux, chers lecteurs, devant tous ces magazines qui apparaissent dans nos kiosques, stations-services et autres boîtes aux lettres ! Vous êtes un homme ? Vous avez votre magazine spécial “hommes”. Vous êtes une femme ? Vous avez votre magazine spécial “femmes”. Et pareil si vous aimez les voitures, les appareils numériques, la télé, les placements financiers, le shopping… Mais certains grognent, là, au fond. Vous dites ? Ah, vous aimez les plantes en pots ? Mais oui, allons, pourquoi personne n’y a pensé ? Faisons un magazine sur les plantes en pots ! Et vous, là ? Les quoi ? Les cintres en fer ? La peinture acrylique ? Les chiens à poils ras ? Les cumulo-nimbus ? Les spécialités culinaires du Caucase ? Allons, oui ! Attendez, attendez. Remarquez bien, ce n’est pas parce que vous vous intéressez à la reproduction du gecko de Manapany que va être créé un magazine sur la reproduction du gecko de Manapany. Non. Les amateurs du gecko de Manapany ne rapportent pas grand chose, financièrement parlant. Il faut s’attendre à tout. Genre, à un “Clé à mollette magazine”. À sa lecture, vous aurez peut-être envie d’acheter des clés à molette chez l’entreprise qui a financé, dans ses pages, une publicité pour son magasin de clés à molette. Ça intéressera rudement les créateurs du magazine : le vendeur de clés à mollette sera satisfait, il donnera des sous au magazine, et tout le monde sera content. Tout le monde ? Peut-être pas vous, lecteurs. Peut-être que vous n’apprendrez rien ni ne prendrez pas de plaisir à lire “Clé à mollette magazine”. Mais vous l’avez compris, ce n’est pas le but. LA R ÉDACT I ON DE BUZ B U Z
RETROUVEZ-NOUS SUR LE NOUVEAU SITE WWW.BUZBUZ.RE
RÉDACTION Anne Chans, Anne Rochoux Raïssa Sornom-Aï, Loïc Chaux, Victoria Banes
DIRECTION ARTISTIQUE GRAPHISME
SARL au capital de 8250 euros 1, rue Claude Monet - Apt n°5 97490 Sainte-Clotilde 0692 55 99 98 contact@buzbuz.re
Pascal Peloux
MODE COUVERTURE
Stylisme : Catherine Gregoire
Modèle : Gaby Assistantes : Julie, Vanessa Photo : Romain Philippon
PHOTOGRAPHES
BUZBUZ MAGAZINE
Romain Philippon, Gwael Desbont, Morgane Fache, Emmanuel Blivet
Bimestriel N° 25 Juin, juillet, août 2015
IMPRESSION Graphica
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Pascal Peloux
RÉDACTEUR EN CHEF Loïc Chaux
PUBLICITÉ BuzBuz Magazine Ludovic Benard Tél. 0692 13 60 08 contact@buzbuz.re
www.buzbuz.re ISSN 2114-4923 Dépôt Légal : 6029 Toute reproduction même partielle est interdite.
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LE NEZ DE H O RS TEXTES RAÏSSA SORNOM-AÏ PHOTOS GWAEL DESBONT
CAFÉ ET MEZZE Pour l’heure du déjeuner, voici un café atypique. Son nom : Lokobé, comme une des réserves naturelles de Madagascar, mais aussi en référence aux voyages, à la zénitude et à la nature. Christine, qui tient l’endroit, a voulu en faire un lieu de vie… et c’est parfaitement réussi ! En entrant chez elle, on se sent hors du temps et transporté ailleurs. Le café est confondu avec la boutique pour une immersion carrément originale. Pour une pause sur le pouce, on se laisse volontiers tenter par un jus à base de pomme, carotte et gingembre. Dans l’assiette, on cède face aux falafels faits maison à déguster en sandwich avec du pain pita ou avec une belle salade. Le houmous et les carottes épicés sont follement délicieux. À coup sûr, ces influences méditerranéennes raviront les palais ! LOKOBÉ CAFÉ, 94 RUE FOND-GENERESE, VILLAGE ARTISANAL DE L’ÉPERON, SAINT-GILLES-LES-HAUTS. TEL : 0692 49 47 27 OU 0262 45 48 60. OUVERTURE : DU MARDI AU SAMEDI, 10H-18H
THAÏ EXPRESS
LE GOÛT DE L’AUTHENTIQUE L’Étang-Salé tendrait-il à devenir un rendez-vous de gourmets ? Après la boulangerie-pâtisserie hors pair côté bains, le boucher traditionnel dans le centre-ville, voilà que Yann Bonfils vient d’installer une crèmerie-fromagerie artisanale. Ce professionnel affine ses fromages au lait cru sur place. Les fromages, coupés au fil, viennent de producteurs métropolitains sélectionnés : roquefort de Carles, camembert de François Durand, beurre Bordier… En prime, Yann Bonfils propose de la charcuterie artisanale et de l’épicerie fine. Le tout pouvant être dégusté au bar, avec un verre de vin. AU BON FROMAGE, 145 AVENUE RAYMOND-BARRE, L’ÉTANG-SALÉ. TÉL : 0262 57 82 18. OUVERTURE : DU MARDI AU SAMEDI, 9H - 12H30 // 15H30 - 19H30 (FROMAGERIE) ; 12H - 14 H // 19H - 22H (BAR)
Si vous vous prenez à rêver des échoppes de rue et des plats thaï délicatement relevés, filez à la table de Wibool. Le chef sait ravir les papilles de ses convives avec ses recettes traditionnelles. Les irréductibles opteront pour la salade de papaye verte assaisonnée maison, le poulet coco, le porc à l’ail, la salade sea food, les pâtes thaï ou le tom yum. Le restaurant propose une cuisine traditionnelle réalisée avec des produits frais, à déguster sur place ou à emporter. Ici, on travaille en famille : aux fourneaux, Wibool, le chef thaï, manie les saveurs au fur et à mesure des commandes tandis qu’en salle, le patron, Lilian Pothin, assure le service, rapide et bon enfant. On a le choix entre un espace climatisé à l’intérieur et une petite terrasse qui domine la rue. Parfait pour un voyage des papilles le temps d’un repas. LA TABLE DE WIBOOL, 34 RUE RODIER, SAINT-PIERRE. TÉL : 0262 02 85 51 OU 0692 95 47 02. OUVERTURE : DU MARDI AU SAMEDI, 10H30 - 14H30 // 18H30 - 22H
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sur les articles signalés en magasin
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LE NEZ DE H O RS
DU SURF ET DU SON Wave & Fun, c’est la vague statique du parc Akoatys, mais pas que. Dès le coucher du soleil, on peut apprécier les surfeurs depuis le bar Le Spot, tout en sirotant un cocktail ou une bière fraîche. Et pourquoi pas se restaurer avec un assortiment de tapas ou un plat à la carte, dans le vaste jardin du parc. Au programme : démonstrations de free ride, baptême et initiation… Le tout dans une ambiance électro assurée par un DJ ou un groupe, avec une entrée libre. Une vraie soirée, quoi. Le Wave & Fun fonctionne aussi pendant les vacances scolaires. WAVE AND FUN, AKOATYS, 84 RUE OCTAVE-BÉNARD, L’ETANG-SALÉ-LES-BAINS. TÉL : 0693 00 00 31 (RESTAURANT), 0693 00 00 35 (SURF). OUVERTURE : LES VENDREDI ET SAMEDI, 18H-23H
CHICS TYPES
LE SACRE DU FARNIENTE On a visité le lieu, tout étonnés de trouver derrière le portail un univers si dépaysant. Les bungalows se nichent dans un grand jardin, qui n’est autre qu’une ancienne palmeraie. Grâce à la ténacité et au travail de Fred et Bruno, le site est devenu un véritable paradis pour les amoureux. Les hôtes, anciens propriétaires du restaurant Le Flagrant Délice, ont conçu un refuge qui allie l’art de vivre et la sérénité. Chaque bungalow en bois respire le raffinement. Devant la varangue de la maison principale, une ravissante piscine en pierre ponctue la quiétude du lieu. C’est l’adresse qui nous manquait pour une échappée belle dans le Sud. LODGE PALMAE, 59 CHEMIN JULES-FERRY, LA RAVINE-DES-CABRIS, SAINT-PIERRE TÉL : 0262 26 46 92 ; 0692 69 39 96
Devred, la marque masculine française, s’installe au cœur de Saint-Pierre, dans la nouvelle ZAC du Mail, avec sa gamme de vêtements chics, casual ou sportswear, à prix abordables. Saviezvous que c’est monsieur Devred lui-même qui a créé cette marque en 1902 ? À une époque où l’on s’habillait chez le tailleur, la couturière, ou via la confection maison, ce visionnaire ouvrait un magasin de prêt-à-porter abordable à Amiens, qui comprenait aussi un atelier de coupe. Plus de cent ans après, le magasin a su asseoir une vraie marque française, tout en traversant les époques, avec force jeans bruts, chinos, tee-shirts, polos, chemises… Et en plus, la nouvelle collection a débarqué. DEVRED, 45 BIS AVENUE DES INDES, SAINT-PIERRE. TÉL : 0262 35 66 70. OUVERTURE DU LUNDI AU SAMEDI, 9H30 - 18H30
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JARDIN DE L’ÉTAT
SUR LA ROUTE DU BURGER
Point de ralliement des gourmets du monde, des burgers introuvables aill ailleurs, une déco inattendue, vous devinez déjà le lieu dont on va vous parler. Le 66 Burger club, une table ultra conviviale qui s’est dévoilée il y a quelques années avec le fameux duo F. et F., puis Anouk et Raphaël. Tout récemment, Nicolas et Magalie ont fait le pari de reprendre le secret des burgers mais surtout de garder l’esprit d’un endroit comme à la maison. Comme ils ont plein d’idées, le lieu est bourré de références que l’on découvre à chaque passage dans le club. Côté burger, on a pris le Papaoudopolopoulos entre les mains : tzatziki, feta, aubergine grillée et olives noires. Ça dégouline, on s’en met un peu partout mais c’est hyper bien cuisiné ! Un café frappé sera parfait pour boucler l’escale. 66 BURGER CLUB, 38 BIS BOULEVARD ROLAND-GARROS, SAINT-GILLES-LES BAINS. TEL : 0692 29 99 65. OUVERTURE : DU MERCREDI AU DIMANCHE, MIDI ET SOIR
L’ÉPICERIE DES ÉPICURIENS
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BUREAUX DE STANDING AU CŒUR DE SAINT-DENIS
DES PRESTATIONS DE GAMME ans une cons construction moderne, à l’architecture de e traditi tradition créole, vous profitez pour vos futurs bureaux d’espaces modulaires et lumineux, d’une consommation énergétique contrôlée et d’un parking spacieux.
UNE SITUATION UNIQUE Une épicerie d’un nouveau genre vient d’ouvrir dans la capitale. Christophe et Freddy, père et fils, ont lancé une boutique qui fait la part belle au terroir réunionnais et aux produits d’ailleurs. Dans une seule et même épicerie, on trouve des produits déjà bien connus sur les marchés réunionnais, mais aussi des pépites à découvrir. Les producteurs, eux, sont soigneusement sélectionnés. Le jus de caramboles et la confiture de sapotes noires viennent de l’Atelier floral de Mélissa. Le nouveau produit qui fait déjà tourner les têtes, velours de caramel au beurre salé, est signé Savor & Sens tradition. Pour les amateurs de charcuterie, goûtez la référence Sauveur Nunzi. C’est fabriqué en Corse, dans un village entouré d’une immense châtaigneraie. À la Petite Rivière, tout est raffiné, de qualité et goûteux. LA PETITE RIVIERE, 43 RUE RUISSEAU-DES-NOIRS, SAINT-DENIS. TEL : 0692 65 20 61 OU 0692 80 67 79. OUVERTURE : LE LUNDI, 15H-20H ; DU MARDI AU VENDREDI, 9H-13H // 14H30-20H ; LE SAMEDI, 9H- 20H
A proximité immédiate du Jardin de l’État et de la rue de Paris, vous bénéficiez d’une adresse prestigieuse dans un quartier historique, à deux pas du centre-ville et des principaux axes routiers.
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L’ART DE LA COIFFURE On a découvert un salon de coiffure où l’on se sent comme chez soi. C’est confortable, avec de belles photographies aux murs et Stéphanie, celle qui s’occupe de nous sublimer, est une passionnée. Pour réveiller notre texture, elle les façonne avec les produits Davines. C’est italien, à base d’huiles essentielles et ça sent bon ! Notre coup de cœur, le sea salt, donne des boucles à la mode des surfeuses du coin. En plus de l’effet “après plage”, on est magnifiés par une belle odeur florale ! Chez Hår, vous aurez même des conseils pratiques pour avoir une jolie tête. Le mieux, c’est de passer entre les mains de notre experte. La coiffure d’un soir fera bien l’affaire. Une chevelure domptée, de bons conseils et de quoi obtenir un nouveau look. HÅR, 30 RUE DES COCOTIERS, POINTE-DES-CHATEAUX, SAINT-LEU. TEL : 0692 75 50 50. OUVERTURE : LES LUNDI ET MARDI ; DU JEUDI AU SAMEDI (SUR RENDEZ-VOUS UNIQUEMENT)
LA CANTINE JAPONAISE DES PURISTES UN PIED À BALI Caroline débarque tout juste d’un troisième séjour à Bali. L’année dernière, elle a ouvert sa propre boutique de meubles et de décorations balinaises. Une aventure toute neuve qu’elle prépare depuis pas mal de temps. Son sens de la déco se décline dans chaque recoin de la boutique. Des objets religieusement posés ou rangés par couleur, des paniers en bambou sont empilés à même le sol et des meubles anciens trônent de part et d’autre de la boutique. Toutes les créations sont minutieusement fabriquées à la main. Miroirs et vasques en nacre, art de la table en rotin, un véritable savoir-faire artisanal qu’elle prend plaisir à dénicher. Elle apprécie particulièrement les meubles anciens, blanchis et cérusés. Une tendance qui illumine et donne du chic. VILLA BALIKA, LOCAL 28B, PORT DE PLAISANCE, SAINT-GILLES-LES BAINS. TEL : 0692 60 81 71. OUVERTURE : DU MARDI AU SAMEDI, 9H-12H // 14H30-19H
Amoureux du Japon et de la cuisine traditionnelle, nous avons découvert votre prochaine cantine ! Chez Jean-Marie et Patricia, aux fourneaux comme en salle, tout se passe sur la table. Le chef s’est formé directement dans le quartier de Shibuya, à Tokyo. Sa spécialité : les donduri, des plats chauds traditionnels consommés par toutes les familles japonaises. Là, un katsudon nous saute aux yeux, une sorte de bento de riz au filet de porc pané recouvert d’œufs et d’oignons frétillants. Sur l’ardoise du jour, on imagine les saveurs encore inconnues du tonkatsu, de l’oyakodon ou encore du tendon. Les puristes connaissent forcément ! Les curieux se laisseront surprendre par de nouvelles sensations mijotées longuement en cuisine. Même la sauce yakitori et les udon, sortes de nouilles fraîches, sont préparés avec soin ! RACONTE-MOI DES SALADES, ANGLE DES RUES DU BOIS-DE-NEFLES ET MAZAGRAN, SAINT-DENIS. TEL : 0262 98 19 91. OUVERTURE : LES LUNDI ET SAMEDI, 12H-15H // 19H30-22H ; DU MARDI AU VENDREDI, 12H-15H
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ART, C ULT URE URBA I N E E T M ULT I M ED I A TEXTES LIVY, ANNE CHANS, LOÏC CHAUX PHOTOS GWAEL DESBONT, DR
UNE CAPSULE TEMPORELLE...
NUMÉRIQUE
P
réserver des témoignages, des informations pour les générations futures, c’est bien la définition d’une capsule temporelle. Ces boîtes dans lesquelles on met des objets, témoins de notre époque, avant de les enterrer à l’adresse de nos descendants. Sur le principe, l’association Fenêtre ouverte sur La Réunion fait exactement cela, mais sous forme numérique. En effet, si les Archives départementales travaillent, par exemple, sur la conservation des documents, aucune œuvre collective et globale dans l’Île ne s’était attardée sur la préservation du patrimoine visuel ; de ce que l’on voit tous les jours. Le volcan, un bout de telle ravine, de plage, d’usine… Le projet n’a pas forcément vocation à avoir un penchant “artistique” ; il s’attache surtout, sous la houlette de trois photographes vidéastes (Fabrice H, James Caratini et Luc Perrot) et avec l’aide de plusieurs partenaires, à conserver des traces, dans la meilleure définition possible. Pour stocker le tout, et pouvoir espérer que tout puisse survivre des années (voire des siècles ?), il a fallu se poser la question de l’archivage. Elle a été résolue en utilisant des disques durs synchronisés, des stockages sur des serveurs chez OVH (hébergeur de sites) ainsi que chez Amazon. Pas bête : dans des centaines d’années, il y en a peut-être bien au moins un des trois qui sera mort, en plus de nous et de nos souvenirs de La Réunion en 2015.
SUR LA TOILE...
COMME AUTREFOIS…
SERIAL MOTHER
Stéphane Belleguic est un artisan, artiste, graphiste, peintre… rencontré au Salon de l’agriculture à Paris et qui nous propose une décoration rétro et artisanale pour des plaques, tableaux, horloges et thermomètres souvent humoristiques. Comme d’hab’, si on vous en parle, c’est qu’on peut commander depuis La Réunion, ici : www.belleguic-stephane.fr.
On connaît tous une maman au bord de la crise de nerfs… mais qui ne l’avoue pas. Sauf sur serialmother.yoopies.fr. Un blog de mères partageant coups de cœur, coups de gueule, coups de sang, coups de pieds, coups de soleil, coups de mou… et c’est drôle.
DU BON SON TOUT SIMPLEMENT ! Voilà un portail musical qui va vous intéresser : www.akout.com. Ici des actus, de la musique en libre écoute, des clips vidéos, un agenda, des événements à venir et un mag’ en ligne. Beaucoup d’artistes locaux, mais pas que.
À TABLE Découvrez vite foodinvaders.fr, un réseau social culinaire lancé par une bande de copains de Masterchef. Ici, on partage des recettes simples ou plus élaborées, et on se refile des astuces avec la rubrique “Entraides”, le vrai plus de ce réseau. Genre : “J’ai un reste de chair à saucisses sur les bras, je sais pas quoi en faire.”
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DESSINE-MOI UN DEMAIN UN GROUPE DE RÉUNIONNAIS A REMPORTÉ LE CONCOURS DE BD TRANSMURAILLES, UNE RÉCOMPENSE “OFF” DU FESTIVAL D’ANGOULÊME. PARTICULARITÉ : IL EST RÉSERVÉ À DES DÉTENUS.
U
n article sur des Réunionnais remportant un prix national consacré à la bande dessinée, on aurait pu l’écrire. On l’écrit, d’ailleurs. Mais avec cette précision, qui n’est pas là pour amenuiser le mérite des participants : le concours, appelé Transmurailles, était réservé à “toute personne détenue dans un établissement pénitentiaire en France métropolitaine ou d’outre-mer”, comme le disait son règlement. Ce prix, c’est d’abord l’histoire de l’Association réunionnaise pour l’aide au lien social et à l’insertion (Arpalsi) qui s’occupe des activités culturelles en prison au sein du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip). Il s’agissait donc, dans l’établissement pénitentiaire du Port, d’encadrer un groupe de détenus et de leur faire réaliser des planches de bande dessinée, puis d’immortaliser le tout en photo. Sur la base du volontariat, un noyau de quatre hommes, rejoints de temps en temps par quelques autres, s’est investi dans le projet. Chapeautés par deux collaborateurs réguliers de BuzBuz, Helene Moignard (illustratrice) et Gwael Desbont (photographe), ils ont donc planché pendant quatre mois. En commençant par les bases du dessin, d’abord. Et puisque les participants ont décidé de parler d’environnement, en apprenant à dessiner un arbre.
Il a donc fallu travailler avec des livres de paysages – la prison du Port n’étant pas réputée pour sa forêt luxuriante – de jolies photos de La Réunion, petits moments d’évasion, voire de promenade, simplement : parfois, les lieux photographiés, ils ne les avaient jamais vus en vrai. Et donc parfaire une technique qui n’avait comme base que quelques gribouillages sur des feuilles, murs, ou la peau des copains… Ces bases posées, et à raison de quatre heures par semaine, ont amené la production de deux planches de six cases. Le quatuor, âgé de dix-huit à… soixante-cinq ans (Tiens, ça rappelle le sous-titre du Journal de Tintin, “Le journal des jeunes de sept à soixante-dix-sept ans”) a donc gagné, dans la catégorie “Grand prix collectif”, un prix remis en début d’année à la prison portoise. Encourageant.
CU LTU RE POP
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TEXTE LOÏC CHAUX PHOTO DR
Overseas a sorti son premier album, Undock. Se définissant comme un groupe de rock “alternatif”, les Guillaume (gitare), Raynald (clavier), Laurent (batterie) et Bruce (voix) cherchent désormais à se confronter à la scène. Le reste de l’interview est disponible sur www.buzbuz.re.
musicaux quand même très riches… On était bombardés de nouveautés. Je me rappelle, y avait des imports qui venaient de Londres. T’avais des disc jockeys, ils te disaient au micro : “Voilà les derniers imports ! Le dernier Blondie, le dernier Bowie…” Aujourd’hui, il y a une mainmise de l’électronique, on reprend la musique, et on la retraduit. Parfois d’une manière exceptionnelle, comme Gorillaz le fait, où on retrouve le meilleur de tous les mondes. On a peut-être besoin de se recoller, avant de créer. Guillaume : On a l’impression aujourd’hui qu’il ne reste plus rien à découvrir. Est-ce que, dans les années cinquante, on ne se posait pas aussi ce genre de questions ? La rupture, tu ne peux jamais la voir venir.
“ON N’EST QU’UN MAILLON.”
KIKI, BOWIE ET ORDIS... ON EST ALLÉS RENCONTRER OVERSEAS. LA RETRANSCRIPTION TOTALE DE L’INTERVIEW REPRÉSENTANT QUARANTE MILLE SIGNES, ON VOUS A SÉLECTIONNÉ UN TOUT PETIT BOUT. CELUI OÙ L’ON SE DEMANDE SI LA MUSIQUE VA ENCORE ÉVOLUER.
[…] BuzBuz : Vous dites que vous avez tous des influences différentes. Vous arrivez quand même à vous entendre ? Guillaume : On tombe très vite d’accord. Quand j’amène des sonorités, comme du scratch, par exemple, je pourrais me dire que Bruce pourrait ne pas aimer… Bruce : Ce n’est pas forcément un univers que je connais… BuzBuz : Oui, mais quel que soit le groupe, il se nourrit d’autres influences, de ce que d’autres ont fait avant… Bruce : C’est toujours comme ça. On n’est qu’un maillon. Guillaume : Tu peux trouver de nouveaux concepts… Mais l’Humanité est ainsi, ceux d’avant te laissent des legs. Laurent : Quand tu vois l’histoire, c’est un balancier. Tu es passé de l’obscurantisme aux Lumières… Là, depuis l’ordinateur, on n’a plus rien inventé. On est dans l’évolution, plus que dans de la créativité.
BuzBuz : On ne disait pas ça déjà il y a dix, vingt, cinquante ans ? Laurent : L’ordinateur était un bon support de réflexion. La suite relève plus de l’évolution technologique que de l’invention. C’est bien, mais il n’y a plus de créativité. Et la créativité, elle arrive quand c’est l’heure. Aujourd’hui, ce n’est pas l’heure. Rappelle-toi, à la fin des années soixantedix, au tournant des années quatre-vingt, le disco vient de laisser la place au funk, on a une accélération du rythme. Et puis là, dans les années quatre-vingt, on va voir arriver la new wave… Bruce : Le Rubik’s cube, le kiki, le TGV, Goldorak… Laurent : Non, mais je me rappelle, quand même, je passais des Floyd à Téléphone, à Bob Marley, à Talk Talk, à Daho… Ça côtoyait Claude François, Annie Cordy, Nana Mouskouri, Mike Brandt… Y avait les Sparks, les Rita Mitsouko qui émergeaient… Des courants
Laurent : La rupture, elle vient de la distorsion de la réalité. Regarde Dali, regarde Picasso. Picasso, il va peindre la femme en utilisant la distorsion. Il casse les formes, il s’affranchit, il y a une forme d’émancipation. Bowie, c’est ce qu’il a fait, une émancipation. Le côté androgyne, il est intégratif, masculin/féminin. Il intègre. Il va cultiver la différence, mais intégrée. Intégrée, parce qu’il l’incarne. Guillaume : Tout ça, c’est le côté rupture que tu peux pas anticiper. Dans les années soixante, tu pouvais pas imaginer qu’il y aurait le hip hop, tout ça… J’ai un peu l’impression qu’on est dans un monde fini, en termes de musique. Je vois pas trop qu’est-ce qui pourrait nous arriver. BuzBuz : On a aussi l’impression de ne plus rien louper. Bruce : On est dans un monde à deux clics de tout. Laurent : Peut-être que là-dedans sont les ingrédients de la distorsion potentielle… Après, je suis assez satisfait du paysage musical, y a vraiment des gens très intéressants. Mais ça repose beaucoup sur eux. BuzBuz : Peut-être même sur un titre. Laurent : Peut-être qu’on est devenus consuméristes. BuzBuz : On se met à picorer ? Laurent : Il y a la position des majors. Pour elles, la musique se consomme. Avant, elle portait une culture, une idéologie, des problèmes sociaux, des messages… […] Avec Woodstock, un état d’esprit…
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LE CINÉMA ET LA MUSIQUE L’ONT BIEN COMPRIS : LE “TEASER” EST LE MEILLEUR MOYEN DE FAIRE PARLER, D’ATTISER L’ENVIE ET DE PRÉPARER LE PUBLIC. C’EST LA STRATÉGIE QU’A UTILISÉE ANIS POUR LE LANCEMENT RÉUNIONNAIS DE LA BIÈRE BLUE MARLIN. TEXTE LOÏC CHAUX PHOTO MORGAN FACHE
Évidemment, on avait compris qu’il s’agissait d’une bière. Que son logo était bleu. Et qu’elle débarquait à La Réunion. Mais pour en savoir plus, il a fallu attendre quatre jours. Tadam ! Voici donc la Blue Marlin, marque de chez Phoenix. Pour l’agence Anis, Laëtitia Dumont (directrice d’agence), Véronique Stéphan (directrice de création) et Jérôme Dupire (directeur artistique) nous en ont dit plus.
Pourquoi avoir retenu l’idée du “teasing” pour le lancement de la “Blue Marlin” à La Réunion ? V. S. : Nous voulions créer une interrogation. J. D. : Le “teaser”, ça va réveiller le consommateur. Il va se dire “Tiens, y a un truc qui se prépare…” V. S. : Il y a en effet un côté “jeu”, qui fait un peu plus appel à la réflexion, et des remarques du genre “Ah, tu vois, je te l’avais bien dit !”. L. D. : Il faut dire aussi que les agences, en général, sont assez friandes des “teasers” !
Sur la première affiche, on ne distingue d’ailleurs rien de la marque… V. S. : Oui, on a veillé à ce qu’on ne puisse pas distinguer le logo en entier, ni le nom de la marque. Le laps de temps entre les deux affiches a été de quatre jours. Pourquoi pas plus ? Pourquoi pas moins ? V. S. : Moins, c’est trop court. Plus ? On n’aime pas que ça dure trop : au bout d’un moment, les gens n’y font plus attention. Et ça passe à la trappe. Et pourquoi des grues et une ambiance de “construction” ? J. D. : On voulait montrer la construction d’un projet. V. S. : La Blue Marlin existait déjà ici, de manière confidentielle. Phoenix Réunion a vraiment pris le parti de l’implanter ici, c’est l’aboutissement d’un vrai projet. Il y a un côté “en construction”, qui traduit ce projet, mais aussi le travail réalisé pour l’élaboration de cette bière de qualité par le brasseur. La deuxième affiche, c’est donc aussi la fierté du travail accompli.
J. D. : Cette campagne essaie vraiment de raconter l’élaboration de la bière et du projet. L. D. : Dans cette campagne, il n’y a rien de gratuit. On a choisi de raconter vraiment une histoire, et c’est en général très compliqué. Le “teaser” est venu bonifier cette histoire. Vous avez vraiment découpé une bouteille ? L. D. : C’est de la 3D, évidemment. On a travaillé avec Nawar productions. J. D. : C’est un mélange de 3D, de textures bidouillées, de retouche d’image. Il fallait vraiment que le rendu soit réaliste. V. S. : Jusque dans la couleur de la bière ! L. D. : Pour la couleur de la bière, je crois qu’on est arrivés à la couleur la plus proche de la réalité qui soit. Enfin, question subsidiaire : pourquoi des accroches en anglais ? V. S. : C’est un anglais compréhensible par tout le monde. Et il s’agit de la “Blue Marlin”, pas de la “Marlin bleu”…
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DERRIÈRE LA PO RT E
POULET SECRET ❚❁
C’E S T LE RE PA S DU D IM A N C H E , LE POULE T GRILLÉ Q U ’ O N VA CHE RCHE R E N BORD D E R O U T E . MA IS CE S IMPLE MO R C E A U D E V IA NDE PA S S É S UR L E G R IL E S T PLUS QUE CE LA . ON A E S S AY É D’E N S AV OIR PLUS A U P R È S D U P’TIT POULE GRILLÉ, À S A INTE - MA RIE . NE V O U S ATTE NDE Z PA S À OB T E N IR L A RE CE TTE : ON LA CH E R C H E TOUJOURS . TEXTE LOÏC CHAUX PHOTO ROMAIN PHILIPPON
“DE TOUTE FAÇON, S’ILS VOUS DONNENT LA RECETTE, VOUS N’ARRIVEREZ PAS À LA FAIRE COMME EUX.”
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es cyclistes et coureurs du dimanche, et tout ce que fait La Réunion de lève-tôt, vont avoir les narines frétillantes à nous lire. Souvenirs dominicaux de fumées qui viennent parfumer les routes à peine le nez sorti dehors. Souvenir, aussi, de l’achat d’un bon repas à peu de frais pour le pique-nique ou la réunion familiale. Et souvenir, encore, de celui qui croque pour la première fois dans cette chair blanche à l’intérieur, mais marron orangée à l’extérieur, en se demandant d’où vient ce goût, qui ne rappelle rien de connu, mais presque addictif. Un vrai bonbon sucré-salé. Et qui ne s’est jamais posé cette question, “Qu’est-ce qu’ils mettent dedans ?” Qui ne l’a jamais posée, d’ailleurs, à son vendeur de poulet grillé ? Et qui a déjà eu droit à une réponse précise ? On a essayé. On est allés, tôt, un dimanche matin, saluer la famille qui tient le P’tit poule grillé, à Sainte-Marie, à côté de l’ancienne Poste. Un des meilleurs de l’île, nous a-t-on plusieurs fois assuré. On a attaqué tout de suite, sur cette histoire de recette. Réponse : “La recette ? C’est secret.” C’est Louis-Claude
qui parle, celui que tout le monde appelle “le patron”, alors qu’il est retraité, qu’il vient donner un coup de main et que c’est sa femme, la vraie patronne, Marie-Annick. Louis-Claude, lui, prépare la sauce. Et amène de sa bonne humeur à la petite boutique. Cette sauce, donc… “Lorsque j’ai rencontré ma femme, je lui ai donné le secret assez vite. Mes enfants la connaissent aussi. S’il y a des gens de la famille qui me demandent, je leur dis. C’est tout ! Et elle n’est écrite nulle part, elle est dans ma tête.” On peut en parler malgré tout. “C’est une recette naturelle, typiquement créole. Aujourd’hui, il y a beaucoup de sauces pour poulet où l’on met un peu de tout, où il y a un mélange de trop de choses. Mon secret, que je tiens de ma mère, qui le tient de ses ancêtres, c’est un dosage d’épices, et je ne goûte jamais. Après, il ne faut pas laisser macérer, ne jamais mariner ! Jamais ! Le poulet, il arrive à la boutique déjà un peu cuit, on le badigeonne de sauce, et on le met à griller tout de suite !” Sus à la marinade, donc. Une idée reçue qui tombe. “Nos ancêtres, ils faisaient la cuisine direct, sans attendre, ils ont toujours su que c’était meilleur pour la santé.” Une dame, venue chercher son poulet, donne son avis : “De toute façon, s’ils vous donnent la recette, vous n’arriverez pas à la faire comme eux. Ils ont un truc.” Ce sont donc quatre gardiens du temple qui fournissent les Sainte-Mariens en poulet, les vendredi, samedi et dimanche. Hirelyasse, la fille, et Stéphane, le fils, viennent compléter la tribu. Confirmant que, finalement, ils ne font pas que vendre de la volaille : ce sont aussi des sourires qui sont distribués. Avec des clients qui viennent parfois de loin, d’autres qui passent plusieurs fois par jour. “On ne gagne pas des mille et des cents, mais on a envie de partager. On s’en fiche, du rendement, on veut vendre de bonnes choses”, conclut Marie-Annick, avant de se relancer dans une fournée de poulets.
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GUY PIGNOLET DE LA TERRE À LA LUNE LE LETCHI EN ORBITE AUTOUR DE LA TERRE, C’EST LUI. L’ÉTRANGE BOULON SUR UN ROND-POINT DU BOULEVARD SUD À SAINT-DENIS, ENCORE LUI. À SOIXANTE-TREIZE ANS, GUY PIGNOLET EST UN BONHOMME CURIEUX DE TOUT QUI ÉVOLUE DANS UN MONDE À PART. TEXTE VICTORIA BANES PHOTO MORGANE FACHE
C’
est dans un petit resto de Piton-SainteRose que Guy Pignolet nous a donné rendez-vous. Il débute la conversation par une tradition japonaise : parler du temps. Il enchaîne avec l’avenir de l’Humanité, les élections départementales ou encore Charlie Hebdo. Guy est un grand bavard qui passe d’un sujet à l’autre en une demi-seconde. Né à Cherbourg de parents réunionnais, il passe une enfance tranquille et suit un cursus des plus normaux. C’est sur les conseils d’un prof de maths qu’il tente sa chance à Louis-le-Grand à Paris où il suit une prépa Math sup’. Il a ensuite fréquenté les bancs de Polytechnique. “Au bout de quelques mois, je me suis demandé ce que je foutais là. J’ai passé trois nuits à regarder le ciel et à me poser des questions. À la fin de la première année, je ne savais pas quoi faire. Je suis parti dans l’industrie privée, je fais partie de la famille des Zellidja*. C’est une école de caractère, j’avais vingt ans et ne connaissais rien au monde”. Son diplôme d’ingénieur l’entraîne dans l’industrie pétrolière lui permettant de voyager des Etats-Unis au Koweit en passant par l’Iran où il a passé trois mois sans voir une femme, à son grand désespoir ! À la fin de années 60, après cinq ans de baroud en Asie du SudEst, il refuse un poste de directeur adjoint
pour cette zone chez Schlumberger et démissionne. “J’ai refait un doctorat en sciences de l’organisation et du comportement dans une grande business school américaine. Je suis ensuite rentré à La Réunion en 1972 où j’ai eu diverses activités. J’ai notamment monté la première société audiovisuelle de l’Île et fait de la télé pirate bien avant Camille Sudre !”.
DIRECTION L’ESPACE Guy n’a pas toujours été passionné par l’espace. Son initiation a commencé en 1978 lors d’un voyage à Huntsville en Alabama où il a visité le Space and Rocket Museum. “J’y ai vu des doubles de jeeps lunaires, je me suis assis dans un modèle d’essai d’une capsule Apollo, j’ai touché du matériel spatial... Là, je me suis rendu compte que c’était les mêmes instruments et technologies que ceux utilisés pour le pétrole”. Quelques années plus tard, après un congrès à Munich
où il était venu présenter un remorqueur d’astéroïdes, ses partenaires de travail lui soumettent l’idée de devenir cosmonaute. “J’ai commencé à remplir les papiers, à franchir les étapes et je me suis fait virer à la fin du programme. Je me suis alors fait harponner par le directeur général du CNES pour créer un département de prospective et de vision du futur. J’ai fait le grand écart entre Piton et Paris pendant vingt-cinq ans. Depuis que j’ai quitté le CNES, je me consacre au développement des activités spatiales régionales”. D’où le letchi en orbite qui a déjà parcouru 2,5 milliards de kilomètres ou le monument dionysien en hommage à son grand pote Vladimir Syromiatnikov. Il espère maintenant développer des baptêmes de vol en apesanteur à Pierrefonds et faire renommer son quartier Pluton-Sainte-Rose en juillet prochain. En parallèle, celui qui a dessiné le drapeau régional de La Réunion poursuit son exploration politique. Il se chauffe pour les prochaines régionales même si sa candidature est encore incertaine. “Mon programme électoral est très simple : je ne connais rien à la politique mais je promets, si je suis élu, que je prendrai deux spécialistes comme premiers adjoints ex aequo, Didier Robert et Thierry Robert”. Joli défi, bon courage !
* Bourse de voyages pour les 16-20 ans qui donne l’opportunité de voyager en solo dans le cadre d’une étude au sujet librement choisi.
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MICRO- T RO T T ’ RECUEILLI PAR ANNE CHANS PHOTOS ROMAIN PHILIPPON
QUEL ANIMAL VOUS AIMERIEZ VOIR À LA RÉUNION ? CETTE QUESTION A DIVISÉ LA RÉDACTION. ON NE DOIT PAS FAIRE ENTRER D’ANIMAUX ÉTRANGERS SUR L’ÎLE POUR PROTÉGER LA BIODIVERSITÉ, “MAIS C’EST UNE QUESTION POUR RIGOLER, FAUT SE CALMER.”
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1 - Jimmy “Un éléphant, bien sûr, parce que je suis de religion tamoule.” 2 - Jean-Louis “Un panda parce que c’est un symbole connu de la défense des animaux.”
3 - El-Kabir “Un renard, parce que d’une, j’aime bien l’animal, mais aussi parce qu’il court vite et est fûté, comme moi.” 4 - Matthieu “Un lycaon, c’est une sorte de hyène en moins touffue. Je les aime bien parce que c’est des animaux qui vivent en équipe, ils sont très sociaux et solidaires à la chasse. Ils s’entraident entre eux. Bon, en tous cas, c’est ce qui est dit dans les documentaires.”
5 - Laetitia “La panthère rose, parce qu’elle est mimi. Et comme c’est un dessin animé, elle est forcément sympa.”
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6 - Samuel “Un aigle, parce que c’est royal et nous, à La Réunion, nous avons de super montagnes. Par contre, il faudrait vérifier comment ça marche avec le paille-en-queue, histoire qu’il ne l’attaque pas.”
8 - Alexandre “Ben, la réponse du sportif : le dodo, bien sûr ! Pour qu’il nous apporte des boissons à la mi-temps. Non, plus sérieusement, pour rendre quelque chose de légendaire réel.”
7 - Yvette “Des éléphants, parce que ça serait quand même rigolo d’en voir passer, là, comme ça, sur le boulevard Sud.”
9 - Mirante “Un koala, parce que c’est mignon et doux, même s’il paraît que ce n’est pas très câlin. Ensuite, il vient d’un pays chaud, aussi.”
10 - Damien “Des tigres, parce qu’ils ont la classe, la grâce et la puissance” 11 - Baptiste “Un lion à la Plaine, parce que c’est sauvage et en plus il y a déjà des vaches.”
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MODE STYLISME CATHERINE GRÉGOIRE PHOTOS ROMAIN PHILIPPON
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STATIS T I Q UE M E N T TEXTES LOÏC CHAUX ILLUSTRATIONS FREDDY LECLERC
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SOCIÉT É
SAVEURS DU PALAIS NOUS AVONS PASSÉ UNE JOURNÉE AU PALAIS DE JUSTICE DE SAINT-DENIS. ON Y A VU DES GENS INQUIETS, HEUREUX, DE PETITES LARMES, BEAUCOUP DE SOURIRES… ON Y A ENTENDU DES CONVERSATIONS ANODINES, QUELQUES DISPUTES ET PAS MAL DE CHOSES DRÔLES. LE TRIBUNAL EST AUSSI UN LIEU DE VIE. TEXTES LOÏC CHAUX ILLUSTRATIONS HYPPOLITE
S O CIÉ TÉ
”C’
“EN PLUS, J’AVAIS FUMÉ DU ZAMAL. - EUH, ÇA FAIT UNE DEUXIÈME INFRACTION, ÇA…”
est pas fini, pour vous ? Bonne nuit, alors. Vous êtes pas sortie de l’auberge !” L’avocat venu de Métropole vient de terminer une audience qui a duré six heures. Il lance un clin d’œil à sa consœur qui a attendu toute la journée avec ses clients. C’est leur tour : il est 21h au palais de justice de Saint-Denis, la journée n’est pas tout à fait finie, et le vigile à l’entrée attend la fin des débats dans la salle d’audience du tribunal de grande instance pour refermer les lourdes portes du palais. “Tous les mardis, c’est comme ça. Moi, j’attends.” Il sourit. Sa journée, comme la nôtre, avait commencé plus de treize heures plus tôt.
7h45. Le palais e justice ouvre ses portes à un petit groupe de personnes. A-t-on oublié une lettre ? Peut-être ; n’empêche que c’est ce qui est écrit devant le bâtiment, “palais e justice”. Le “d” a disparu. 7h47. “Vous avez pas de couteau ?” Le vigile, à l’accueil, ne veut pas de couteau dans le tribunal. Il faut dire que c’est interdit. “C’est quoi votre nom ? Ah, oui, Chaux, je suis au courant, madame la présidente m’a dit !” 8h02. Dans n’importe quel bâtiment public, on appellerait ce lieu un “hall”. Mais dans les tribunaux, c’est une “salle des pas perdus”. À cette heure, elle est bien remplie : Saint-Denis fait partie des tribunaux français expérimentant les Services d’accueil unique du justiciable (Sauj). Celui-ci peut ainsi prendre des nouvelles de n’importe quelle procédure le concernant. Apparemment, ça marche bien, ils sont déjà une bonne trentaine à patienter. “À La Réunion, les gens n’hésitent pas à se renseigner sur le droit, ce qui est plutôt une bonne nouvelle”, nous avait prévenus Françoise Andro-Cohen, la présidente du tribunal. Eric Tuffery, le procureur de la République, nous confirmera la chose plus tard. 8h11. “J’ai pas réfléchi.” Le jeune homme accusé d’avoir volé une Playstation au Port est bien embêté, dans la salle d’audience correctionnelle du tribunal de grande instance. “C’était l’occasion, le vigile regardait pas.” “Vous avez quand même un peu réfléchi, alors”, remarque le Parquet. 8h13. “En plus, j’avais fumé du zamal”, avoue benoîtement le même. “Euh, ça fait une deuxième infraction, ça…” La juge unique est taquine. 8h16. Dans ses réquisitions, la procureure parle de “Plèstachone”. C’eût été plus simple s’il avait volé un jokari. 8h23. Un grand costaud arrive à la barre. Il tient une petite enveloppe.
8h30. Le Parquet cite la Bible : “Ne fais pas aux autres ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse.” Le grand costaud aimerait-il qu’on lui pique son pistolet et qu’on lui fasse une clé de bras ? 8h47. “Deux grammes cinq, ça fait beaucoup, non ? Surtout à trois heures de l’après-midi…” La jeune juge n’en revient pas. 8h48. Le monsieur ne se souvient pas d’avoir brisé la vitre d’une voiture pour y voler des allumettes, un stylo, des CD et du charbon de bois. 8h52. Le monsieur ne se souvient pas non plus de combien de condamnations il a déjà écopées. Il tente quarante-quatre. Raté : c’était dix-sept. 9h00. Une maman attend au premier étage, à côté d’un grand ado penaud qui regarde ses chaussures. Devant eux, la porte du juge pour enfants. Elle, a les yeux mouillés. 9h10. Dans la salle d’audience du tribunal correctionnel, une dame tente d’expliquer pourquoi elle n’a pas rendu tout de suite un portefeuille qu’elle avait ramassé chez Leclerc, et pourquoi le passeport qui était dedans a disparu. Elle devra payer le passeport.
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SOCIÉT É
9h18. Dans la salle des pas perdus, peu de monde fait des pas, personne n’a l’air perdu : on attend sagement son tour au guichet du Sauj. Il y a du monde. Et, toujours, avec des petites enveloppes ou une pochette plastique dans les mains. “J’ai réussi à venir, mais j’espère qu’il y aura de l’essence aujourd’hui, je suis à sec”, entend-on. 9h22. “Parlez plus fort ! Je ne comprends rien !” Pour la sixième fois, la présidente demande au grand échalas devant elle d’élever le ton. Elle aimerait bien savoir pourquoi, au volant de son scooter sans assurance, il s’est enfui en le poussant après être rentré dans son copain qui circulait sur un vélo sans frein. Nous aussi. 9h25. Le copain en question explique qu’il a eu les deux poignets et la mâchoire cassés. Pourtant, lui, il parle assez fort. 9h26. “Je vous en prie, parlez plus fort, on n’y arrivera jamais !” Le jeune prévenu murmure en créole, les magistrats tendent l’oreille. 9h27. “Un mur ? Y avait un mur ?” tente la présidente pour comprendre pourquoi le jeune scootériste regardait derrière lui au moment de l’accident. “Non, un meurtre, madame la présidente” précise l’avocate de la victime. Un ange passe. 9h49. Direction la fameuse “porte cinquante, celle sous les escaliers à droite en sortant” où la présidente envoie les personnes condamnées. Il s’agit du bureau d’exécution des peines, où une dame très gentille les attend. “Souvent, ils arrivent sans avoir rien compris à leur condamnation. On leur explique, on cause en créole avec eux…” 9h55. Devant le tribunal, un monsieur en survêtement et maillot de moto-cross, s’inquiète : “Vous ne sauriez pas où je peux trouver les avocats ? Je suis allé à la Maison de Justice, ils m’ont donné un numéro, mais quand j’appelle, ça fait biiiip, biiiiip, ça doit être un fax.”
“JE VOUS EN PRIE, PARLEZ PLUS FORT, ON N’Y ARRIVERA JAMAIS !”
10h. Dans la salle du Conseil des Prud’hommes, les participants sont un peu plus âgés et portent des chemises à carreaux. Ils ne sont pas là parce qu’ils ont volé des allumettes et du charbon dans une voiture. 10h14. L’avocat d’un homme licencié – abusivement, à son goût – lit une lettre de l’employeur faisant ses louanges et qui n’apparaît pas au dossier. L’avocate de celui-ci n’est pas contente : “J’ai pas fait dix heures et demi d’avion pour entendre ça !” “Ben, si !” répond l’autre, avant de poursuivre sa lecture. 10h16. “Effets de manche !” dénonce l’avocate. Le contenu de la lettre n’apparaîtra pas au dossier. Mais tout le monde l’a entendu. 10h25. “Mais en fait, les gens sont gentils, ici !”, s’étonne presque une dame venue pour demander des renseignements au guichet. Elle reviendra ? “Euh, en général, les tribunaux, vaut mieux éviter de les fréquenter, non ?” 10h34. “Vous avez bien tout compris ce que je viens de vous dire ?” lance, pédagogue, la présidente dans le tribunal correctionnel. “Oui, oui”, répond un jeune homme venant de prendre six mois de prison avec sursis. On ne le parierait pas. Heureusement, il y a la porte cinquante.
S O CIÉ TÉ
10h42. Il n’y a pas d’huissier dans la salle d’audience. La greffière doit, encore une fois, se contorsionner pour toquer à une porte et faire passer les dossiers à une main invisible. C’est l’autre côté de la porte cinquante ! 10h56. Le premier étage du palais, où se trouve notamment le procureur de la République, est sécurisé : la porte d’accès est condamnée par un digicode. 10h58. En fait, non. Il suffit de monter par l’ascenseur, et de ne pas prendre garde à l’écriteau, moins contraignant que le digicode: “Le premier étage est seulement accessible aux personnes ayant rendez-vous.” Brrrrrr… 11h20. Devant le juge (une femme) et le Parquet (une femme), un homme essaie de justifier les coups et la tentative d’étranglement sur sa compagne : “Elle m’a griffé, aussi !” Il concèdera “une petite embuscade” alors qu’il avait picolé et fumé du zamal. 11h30. “Vous avez des problèmes d’alcool, monsieur ?” “Non, une petite bière de temps en temps !” À un gramme le soir des faits, ça devait être une sacrée bière. 11h37. Une dame est emmitouflée dans un blouson. Dans la salle des pas perdus, elle essaie de savoir si l’affaire dans laquelle elle est victime va bientôt être jugée : “Je ne sais rien, on ne m’a rien dit.” 11h41. C’est vrai qu’il fait super froid dans les salles d’audience. 11h47. Trois mois de prison avec sursis, six mois de suspension de permis, cent cinquante euros d’amende : le jeune homme qui s’est endormi sur la route du littoral avec un gramme et demi d’alcool dans le sang en sortant du Mahé ne pourra pas reprendre ses études d’infirmier tout de suite. 11h49. “Monsieur, vous attendez pour quelle affaire ?” La présidente croyait en avoir fini. “Aucune, je suis là en simple spectateur”, rassure le monsieur. À l’extérieur, il explique : “C’est la deuxième fois que je viens, j’habite à côté depuis peu. Je viens voir un peu comment ça se déroule. Les avocats, ils parlent bien, mais les prévenus, on n’entend rien de ce qu’ils disent.” Et ça donne quelle impression ? “On voit les difficultés des gens, leurs addictions. C’est le spectacle de la vie, un peu comme au théâtre. Mais je me demande : ils ont tous de petits revenus. Comment ils vont pouvoir payer les amendes ?” 11h55. Le hall se vide, le tribunal ferme dans cinq minutes. En attendant, on a trouvé le moyen de différencier les avocats et magistrats en civil du reste du public : les premiers ont de belles chaussures, de belles montres, de beaux cheveux et portent leurs lunettes sur le bout de leurs nez.
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12h14. Dans le petit restaurant d’à côté, on comprend que la clientèle est composée essentiellement d’avocats : la salade césar – excellente, au demeurant - est à 17,50 euros. 13h17. Vue l’heure qu’affiche notre Casio, il est temps de retourner au tribunal. Vue la note de resto pour deux salades, deux jus de fruits, et deux cafés, on n’aurait de toute façon pas pris de dessert. On porte une Casio. 13h35. Au rez-de-chaussée du palais de justice, la porte des toilettes pour les hommes est condamnée, et il n’y a pas de lavabo pour se laver les mains. On ne serrera plus de mains de la journée : on en a vu passer, du monde, dans ces toilettes. 13h55. Devant le guichet, un monsieur demande : “Mais je dois payer, ou de dois pas payer ? Elle m’aura fait chier jusqu’au bout, celle-là !” Derrière le guichet, une dame répond avec patience et le sourire. On nous avait prévenus : ils ont eu des heures et des heures de formation. 13h58. Après avoir passé le portique de sécurité, un petit homme maigrelet, les mains tremblantes, essaie vainement de replacer son mouchoir dans la poche de son pantalon. Nous découvrirons plus tard qu’il est accusé d’attouchements sexuels. Nous n’en saurons pas plus, son procès se déroulera à huis-clos. 14h00. Devant un groupe d’une dizaine de personnes, un avocat explique : “Ce qu’on attend de vous, c’est uniquement de dire ce qui s’est passé.” Les futurs témoins écoutent à moitié. À côté, un autre avocat fait les cent pas en relisant ses fiches. 14h05. C’est le début des audiences collégiales. Les affaires sont renvoyées une à une en mai, ou en juin. Une avocate entre, elle a les cheveux mouillés, et sent bon le shampooing aux fruits. 14h12. Le procès du petit monsieur est donc annoncé à huis-clos. Tout le monde sort. 14h27. Dans un couloir du rez-de-chaussée, une pendule affiche 18h38. 15h01. Le vigile n’est pas rassurant : “On en a pour au moins jusqu’à 22h.” Alors, discutons. Il doit en voir, des choses. “Oh, plein de gens inquiets. On les voit, dans la file d’attente, ils sont tout transpirants. Ils ne savent pas toujours ce qui va se passer, dans le tribunal !” Il n’y a presque plus personne dans le hall. Les guichets sont fermés. 15h28. À la barre, un bel homme très bien habillé se tient droit comme un “i” en attendant de savoir si ses avocats parviendront à renvoyer une énième fois une affaire datant de 2009. Raté. 15h49. Un des avocats de la partie adverse a des lunettes qui s’assemblent par le devant, avec un aimant. On n’avait jamais vu ça. C’est plutôt rigolo.
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16h21. Pendant les interminables questions de droit obscures pour le commun des mortels, on remarque qu’il y a un micro multi-directionnel au dessus du président. “On se croirait dans James Bond, mais ça ne marche pas”, nous avait prévenus Eric Tuffery. 16h26. Le président du tribunal développe les faits pour lesquels le beau monsieur se retrouve à la barre. Il s’agit, en gros, de fraude contre la Sécurité sociale ; le monsieur est médecin. 16h33. Un des journalistes présents à l’audience se renseigne auprès de l’avocate aux cheveux qui sentent bon, pour la suite : “Pour ton affaire, tu vas demander le huis-clos ?” “Oui.” “Grrrrrrr !”, grogne-t-il. 16h44. Un des avocats de la défense essaie de montrer à quel point il a été mal reçu à une audition du juge d’instruction. Il explique notamment que, pendant que son client parlait, le magistrat se faisait un thé. Pour mimer la chose, il a amené un gobelet avec un sachet de thé. On a bien compris, du coup. 16h53. Le prévenu parle beaucoup. Il essaie de s’expliquer en faisant des gestes. On apprend qu’il a été candidat aux municipales, qu’il fait donc de la politique. Ceci explique cela. 17h44. La salle des pas perdus est vide. Seule une petite famille attend, pour l’affaire suivante, celle qui se déroulera à huis-clos. 18h02. Un des avocats de la défense, venu de Métropole et qui fume ses cigarettes après en avoir coupé le filtre, demande si ça va encore durer longtemps. Il demande aussi si on a des nouvelles du procès qui se déroule au même moment aux Assises, rue JulietteDodu. Non. Alors il nous parle de son service militaire à Verdun. “Il y avait des forts, là-bas. Superbes !” 18h12. Le nuit est tombée, on a allumé les lumières dans la salle d’audience. Dans le lustre, les deux tiers des ampoules sont grillées. 18h20. Pour se défendre, le docteur a amené une douzaine de témoins. “C’est rare, en correctionnelle”, complète un journaliste. Parmi eux, la compagne du prévenu qui raconte, les larmes aux yeux, à quel point sa garde-à-vue lui a paru difficile. 19h25. Le défilé des témoins est interminable. Un avocat des parties civiles fera remarquer qu’ils doivent bien l’aimer, leur docteur, pour être encore là à cette heure. En tous cas, ils ont l’air en bonne santé.
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“À À VERDU VERDUN, UN, IL Y AVAIT DES FORTS, À-BAS. SUPERBES !” LÀ-BAS.
19h44. La greffière est comme le reste de la salle, elle s’ennuie ferme. Elle va surfer sur Clicanoo pour savoir si les stations-services ouvriront ce soir. 19h47. Clicanoo n’en savait rien ; apparemment, Imazpress non plus. 19h52. La greffière a besoin de vacances : elle surfe maintenant sur des sites d’agences de voyage. 20h52. Le tribunal décide de rendre son délibéré à la fin du mois. L’audience est terminée. 20h55. Place à la dernière affaire. À huis-clos, donc. “C’est pas fini, pour vous ? Bonne nuit, alors. Vous êtes pas sortie de l’auberge !” lance l’avocat venu de Métropole à sa consœur. Le vigile, lui, attend que le tribunal se vide définitivement. Sa journée n’est pas tout à fait finie.
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PETITES HISTOIRES… Pour le lecteur qui n’est pas habitué aux pages “faits divers“ des quotidiens locaux, quelques précisions seront peut-être nécessaires. Le palais de justice dont nous parlons dans ces pages abrite les tribunaux d’instance, de grande instance, de commerce, pour enfants et le Conseil des Prud’hommes. Il est donc chargé de régler les litiges qui ne sont pas des crimes. Toutes les petites histoires que nous pouvons lire dans le Journal de l’Île ou Le Quotidien, de vols, de violences, souvent dramatiques, parfois cocasses, proviennent de ces murs dans lesquels nous avons passé une journée. À La Réunion, les crimes sont jugés rue Juliette-Dodu. Ce sont en général eux qui font la une des journaux : lors de notre journée passée à Champ-Fleuri, les avocats n’ont eu de cesse d’essayer d’avoir des nouvelles du procès se déroulant au même moment rue Juliette-Dodu, où l’avocat métropolitain Eric Dupont-Moretti défendait un homme soupçonné de meurtre et de deux tentatives de meurtre.
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Relier l’Ouest au Sud ? L’ancienne nationale, d’accord. On roule en bord de mer, c’est joli. La Route des Tamarins, oui, aussi. Jolie vue, mais comme on bourrine au volant de l’auto, on ne fait pas attention à grand chose. Et puis il y a la départementale 3, plus joliment appelée route Hubert-Delisle. Celle qui serpente dans les Hauts, passant par Saint-Paul, la Saline, Saint-Leu, Trois-Bassins… pour finalement atterrir aux Avirons. Saint-Paul – Les Avirons : trente minutes sur la quasi-autoroute, une heure en passant par une départementale invitant franchement à la balade. L’itinéraire est connu par les cyclistes, cherchant des routes agréables et moins fréquentées… Le gouverneur Louis Hubert Delisle avait imaginé cette route au milieu du XIXe siècle comme une artère essentielle à la circulation entre les habitants des Hauts. Elle est aussi, désormais, un superbe parcours pour visiteurs en goguette.
L’EXPOSITION SUR LA ROUTE… HUBERT-DELISLE SERA VISIBLE DU 23 JUIN AU 10 JUILLET AU CAUE, 12 RUE MONSEIGNEUR DE BEAUMONT, SAINT-DENIS.
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EXTRA M URO S
C’ÉTAIT UN PETIT JARDIN… BAS DE LA RIVIÈRE, SAINT-DENIS. LA COUR DE L’ANCIEN COLLÈGE REYDELLET EST DEVENUE UN JARDIN OÙ IL FAIT BON FLÂNER AU MILIEU D’HERBES PAS SI FOLLES QUE CELA. TEXTE LOÏC CHAUX PHOTOS GWAEL DESBONT
“C’
était un petit jardin / Avec une table et une chaise de jardin…” On ne parlera pas ici d’un jardin au fond d’une cour à la Chaussée d’Antin, mais on y a pensé très fort, en se promenant dans l’espace Reydellet. Ça ne sent pas le métropolitain, mais la ville n’est pas loin… Reydellet fut d’abord une école, puis un collège. Des bâtiments vieux de cinquante ans, devenant trop exigus et, disons-le, vieillots, pour accueillir les élèves du Bas-de-La-Rivière. Le Conseil général décida donc de déménager tout le monde pas loin, puis de réhabiliter les lieux. “C’était abandonné et désaffecté, mais nous n’avons rien démoli, se souvient Mariam Locate, l’architecte ayant travaillé sur cet “Espace Reydellet”. Les murs en maçonnerie étaient encore assez solides.” Les anciens bâtiments – dont les étages ont dû être condamnés – sont devenus des locaux pour quelques associations, ainsi que l’atelier de la filière “bois de goyavier”.
Voilà plusieurs dadas – Reydellet, les associations, les bois de goyavier… de Nassimah Dindar, présidente du Conseil général élue à Saint-Denis, réunis en un même lieu. Le site trouve surtout son originalité dans ce qui fut, pendant longtemps, la cour de récré. Au pied de la falaise reliant le “BLR” au centre-ville, et entre les bâtiments, adieu bitume. “Il a été découpé au laser, poursuit Mariam Locate. Nous voulions conserver les grands arbres déjà présents, qui apportaient un peu d’ombre, pour ensuite réorganiser le jardin autour. Garder du végétal dans le minéral.” Ouvert il y a un peu plus d’un an, l’Espace Reydellet a quelque peu évolué. Le bardage en bois des façades imaginé par Mariam Locate s’est vu “décoré” de sculptures en bois de goyavier, les habitants du quartier se sont approprié le lieu et un petit “marché péi” se tient une fois par mois. On appelle ça un lieu de vie.
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MA BULLE TEXTE ANNE ROCHOUX PHOTOS GWAEL DESBONT
CITADIN NOUS SOMMES ALLÉS CHEZ LAURENT SEGELSTEIN, MONSIEUR “PATRIMOINE CULTUREL” DE LA MAIRIE DE SAINT-DENIS. CHEZ UN HOMME “BORDÉLIQUE MAIS QUI [S]E SOIGNE”, AMOUREUX DE LA VIE CITADINE.
MON DERNIER COUP DE CŒUR
M A BU L L E
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L’INTERVIEW EXPRESS
MON OBJET FÉTICHE
Ton endroit favori dans la maison ? Une maison, c’est un ensemble d’espaces complémentaires. Je suis célibataire, je vis avec mon fils la moitié du temps, je peux donc investir les lieux à mon gré. Les pièces de toilette sont celles qui restent sans doute les moins agréables : conçues à l’ancienne, elles ne sont ni belles, ni fonctionnelles. Ordonné ou bordélique ? Bordélique, mais je me soigne ! La présence d’un enfant ne permet pas de dérive. Je ne peux pas demander à mon fils de ranger sa chambre et ne pas montrer l’exemple… Ville ou campagne ? Ville, mais dans une maison, avec un jardin arboré, comme ici. Je suis un vrai citadin, j’aime la ville, sa dynamique, et tout le paroxysme de la société qu’elle représente. C’est là que ça se passe. Je suis parisien d’origine, j’ai été formaté ainsi, en citadin. Qu’est-ce qui te ferait craquer ? Une œuvre d’art, de Francis Bacon par exemple… La chose la plus insolite que l’on puisse découvrir chez toi ? Le rail de chemin de fer qui se trouve dans le jardin. Il a été planté dans un coin pour baliser le terrain, certainement à l’époque du démantèlement du chemin de fer. Si tu ne devais garder qu’un seul objet ? Ah non, ne touchez pas à mes objets ! Une anecdote à propos d’un de ces objets ? La petite porte de cuisinière en fonte émaillée, je l’ai trouvée dans un terrain vague en voie de reconstruction. Elle évoque une certaine époque, et le design spécifique des années 50. Qu’est-ce que tu ne pourrais pas avoir chez toi ? Il n’y a pas d’objets qui ne soient pas intéressants, c’est une question de contexte. En cuisine, astu une spécialité ? Une blanquette de veau et une charlotte au chocolat en dessert. J’ai d’ailleurs un sac de chocolat pâtissier dans mon placard, pour les desserts. Un bon plan “maison” à La Réunion ? Je chinais beaucoup quand j’étais parisien. Je continue à avoir le réflexe de ramasser des choses dans la rue, comme la porte de la cuisinière, ou le jouet à tête cassée. Où aimerais-tu vivre, ailleurs qu’ici ? J’ai choisi de vivre ici, à Saint-Denis, et je trouve que c’est un petit paradis. Le rêve : une maison d’architecte ultracontemporaine, dans Saint-Denis.
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ÇA SE PAS S E LÀ- BA S TEXTES LIVY ILLUSTRATION FREDDY LECLERC
À VOT’ BON CŒUR! DES ROCKEURS QUI JOUENT AU PÈRE NOËL AVEC UN BLOUSON EN CUIR NOIR... ÇA EN VAUT LA PEINE ET ÇA MARCHE!
QU’EST CE QUE C’EST?
D’OÙ ÇA VIENT ?
Les rockeurs ont du cœur est un concept de mini-festival, où des groupes de rock offrent à leur public, le temps d’une soirée avant Noël, un concert gratuit. Seule condition d’accès au concert : amener un cadeau neuf et non emballé qui sera ensuite offert aux enfants défavorisés. Un vrai cadeau, pas d’argent.
La première édition a eu lieu en décembre 1988, à Saint-Sébastien-sur-Loire (vers Nantes). C’est donc français ! Pour l’anecdote, c’est la maman du guitariste des Elmer Food Beat qui en a eu l’idée. On est donc à mille lieues des Live Aid et autres immenses raouts genre concert des Restos du cœur… Aujourd’hui, la Belgique et d’autres villes françaises ont développé le concept.
ET À LA RÉUNION? Ce concept en tant que tel à La Réunion n’existe pas, mais pourrait vite se développer dans la veine de bien des concerts soutenus par des artistes locaux pour des associations humanitaires ou caritatives
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CULTU RE G TEXTES LOÏC CHAUX ILLUSTRATIONS MATTHIEU DENNEQUIN
À l’œil nu, la muraille de Chine n’est pas visible de l’espace, encore moins de la Lune.
Aux Jeux des îles de 2011, aux Seychelles, La Réunion n’a remporté aucun titre en sports collectifs. Georges Pompidou est le seul président de la Ve République à n’avoir jamais mis les pieds à La Réunion pendant son mandat.
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En décembre 2007, lors de la construction de la prison de Domenjod, un des architectes avait répondu au Jir, qui lui demandait pourquoi il n’y avait pas de filet anti-hélicoptères : “Il n’y a pas de grand banditisme à La Réunion. Et de toute façon, où un hélicoptère pourrait-il s’enfuir ?” Deux ans plus tard, Juliano Verbard s’évadait de Domenjod par hélicoptère.
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Aucune étude scientifique n’a prouvé la nocivité des ondes émises par les antennes-relais.
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POUR FAIRE LES MALINS DEVANT LES AMIS, VOICI QUELQUES INFOS QUI VOUS DONNERONT LA CLASSE DANS LES DISCUSSIONS.
Pour atteindre 0,5 gramme d’alcool par litre de sang, un homme de 80 kg à jeun devrait manger environ quarante-cinq Mon Chéri.
L’Hawaiien Gareth McNamara détient le record officiel de la plus grande vague jamais surfée : au large du Portugal, elle mesurait trente mètres de haut.
Avec 17,96% des voix au premier tour de l’élection présidentielle de 2012, La Réunion est le département français où Nicolas Sarkozy a fait le plus mauvais score.
Lors de la sortie du film de Bernard-Henri Lévy, Le Jour et la Nuit, en 1997, Gérard Lefort, le critique de Libération, a écrit : “Je suis allé à la séance de 18h, deux heures plus tard, j’ai regardé ma montre : il était 18h20.”
Si l’Histoire de la Terre était ramenée à un an (le Big Bang se situant le 1er janvier à 00h00), La Réunion aurait été découverte le 31 décembre à 23h59, 59 secondes. Neuf minutes après la domestication du feu, trois secondes après la naissance de Jésus.
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SPORT
DANS “KOP PORTOIS”, LE GROUPE DE SUPPORTERS DE LA JEANNE D’ARC, IL FAUT SURTOUT RETENIR LE TERME “PORTOIS”. IL ARRIVE EN EFFET QUE LES SUPPORTERS DE FOOT SE DÉPLACENT POUR D’AUTRES TERRAINS DE SPORT. TEXTE LOÏC CHAUX PHOTOS MORGAN FACHE
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n 2011, les supporters du Panathinaikos (club omnisports d’Athènes), surtout connus pour être derrière leur club de foot, avaient fait tout un ramdam. Ils avaient en effet débarqué à deux mille dans le bassin olympique d’Athènes, pour supporter l’équipe du Pana de water-polo lors du derby face à l’Olympiakos. Banderoles, chants, fumigènes, tambours, porte-voix… Moment assez hallucinant pour qui connaît les ambiances feutrées des piscines. Les bougres sont des habitués : volley, basket, ils sont supporters des sports co’ du Pana avant d’être ceux des footeux. Toutes proportions gardées – restons calmes, aucune ambiance, à La Réunion ou même en France, ne peut arriver à la cheville de ce qui se fait en Grèce – les supporters du Port ont le même esprit. Pas celui de craquer des fumigènes ni de bastonner les adversaires, mais bien d’avoir la faculté de changer de terrain. S’ils ne supportent pas le même club, ils encouragent en tous cas une même ville. Fait rare. Le “kop portois”, c’est d’abord le groupe de supporteurs de la Jeanne d’Arc, le club de foot phare du Port, depuis presque vingt ans. Avant, les tribunes du stade Lambrakis étaient quelque peu turbulentes. On a retrouvé dans
les archives des journaux quelques histoires de bagarres ; on n’y venait pas vraiment en famille. “C’était chaud, oui, avant 1997, concède Tonino Marcel, président du kop depuis sa création. On a alors décidé de structurer les supporters, de ramener un peu de sérénité dans les tribunes. Ç’a changé l’image que les clubs extérieurs avaient du Port, ils se sont rendu compte qu’on n’était pas tous des délinquants et quand on arrive dans un stade, on est super bien accueillis. Et qu’on vient sans méchanceté aucune.” C’est donc d’abord autour des terrains de foot que le “kop portois” s’est fait un nom. Pas le seul groupe de supporters à La Réunion, certes, mais le mieux structuré et sûrement le plus connu. Entre un maillot géant en finale de Coupe et les distributions de petits drapeaux mauves, le kop a su marquer les esprits… et dépasser ses propres frontières. Faisons un pas en arrière. Un pas de cinq ans. Et quittons aussi le stade Lambrakis pour le gymnase de Cotur, toujours au Port. Les filles du CS portois, le club de basket, jouent la finale du championnat de La Réunion face au BC Saint-Denis. Dans les minuscules tribunes d’un des plus beaux gymnases de La Réunion s’entassent une trentaine de supporters de la
“C’ÉTAIT CHAUD, AVANT 1997. ON A ALORS DÉCIDÉ DE STRUCTURER LES SUPPORTERS.”
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Jeanne d’Arc, armés de tambours, de drapeaux, d’écharpes. Le kop est là, ça se voit, ça s’entend. Et il ne serait pas uniquement fan de football… “Pour les autres sports, on a toujours répondu présents, confirme Tonino. Car on représente aussi la ville du Port. Quand une équipe, quelle qu’elle soit au Port, arrive en finale, elle représente aussi la ville. Elle permet de donner une image “positive” du Port, on essaie donc de participer. Il ne faut pas se mentir, à La Réunion, Le Port a une image, disons… pas toujours très bonne. Malheureusement, on pense tout de suite aux jeunes délinquants… Nous, on veut montrer autre chose, on sait qu’il n’y a pas que ça. Aller aider dans les autres sports, mettre une bonne ambiance, ça participe aussi de cela.” L’ancienne présidente du club de basket du Port, Josseline Arnould, aime bien les voir arriver, les membres du kop :
“On leur demande de passer, ils sont toujours d’accord ! C’est très gentil de leur part. Quand on a été championnes, en 2010, je pense franchement qu’ils y étaient pour quelque chose, ils ont fait du bruit ! Vous savez, au Port, on aime aussi quand c’est la fête, on se connaît un peu tous. Récemment, ils n’ont pas pu venir pour un de nos matches, ils se sont excusés, c’est vous dire s’ils sont motivés.” Les habitudes sont prises, d’ailleurs, aussi avec le hand féminin, à qui il arrive de jouer des finales. “On a hâte que le rugby en joue aussi, on ira !”, salive à l’avance Tonino qui, malgré tout, précise, que le kop “vient toujours habillé en mauve. On est le kop de la Jeanne, des Mauves !” Revenons au foot. Et à ce match de Coupe de France, fin 2013, opposant, à Saint-Denis, Sainte-Marie au Paris FC. Dans les tribunes, tambours, maloya, et supporters en mauve.
Tiens, les revoilà ! “La plupart du temps, ce sont les clubs qui, eux aussi, nous sollicitent. Quand il s’agit de la Coupe de France, où il n’y a plus qu’un club réunionnais en lice, on vient supporter La Réunion.” Pas si étonnant : le reste de l’année, la Sainte-Marienne a beau être une ennemie, elle n’est pas pour autant conspuée. C’est une autre des particularités du kop, celle de ne pas insulter les adversaires. “On est bon enfant. Nos idées de chant viennent de ce qui se fait en Métropole, à Marseille notamment, car je suis supporter aussi… On adapte un peu, on créolise parfois, on ajoute un peu de maloya. On est Réunionnais, hein !” Réunionnais et bons animateurs. Il paraîtrait même qu’au Port, on vient aux matches de la Jeanne autant pour le foot que pour l’animation des tribunes. On vous en reparlera peut-être un jour.
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LE JOU R O Ù…
6 MAI 2001
REMPORTE LE TOUR DE L’ÎLE AUTO AVA N T QUE LE GRAND RAID NE PHA GOCY TE TOUT LE RE S TE DU CA LE NDRIE R S PO R T IF R É U N IONNAIS, UN ÉVÉNEM ENT TE NA IT LA TÊ TE D’A F F ICHE : LE TOUR DE L’ÎLE AU T O . LA VENUE DE SÉB A S TIE N LOE B, E N 2 0 0 1 , F UT S ON A CMÉ . TEXTE LOÏC CHAUX PHOTO FRÉDÉRIC LE FLOC’H / CITROËN RACING
En mai 2001, le Sébastien Loeb qui débarque à La Réunion est favori du championnat de France. Vainqueur dans toutes les catégories de jeunes les années précédentes, il participe à son premier championnat national complet et atterrit en tant que leader de la compétition, ayant remporté le “Charbo” un mois plus tôt. Hélas : des favoris de 2001, Loeb fut le seul à faire le déplacement. Il dut donc se satisfaire de la concurrence réunionnaise. Avec un énorme avantage par rapport aux autres : sa Citroën Kit Car, considérée – encore aujourd’hui – comme un petit bijou… acheminé par avion spécial et pris en photo par les fans lors de son passage en douane à Gillot.
LE RÉUNIONNAIS CHAUSSALET EST LEADER… LORSQU’IL EST VICTIME D’UNE CASSE SUR SA SUBARU. SÉBASTIEN LOEB ET DANIEL ÉLÉNA AVEC DES AMIES
C’
est sans nostalgie aucune que Alain Albany, ancien président de l’Association sportive automobile de La Réunion (Asar) se souvient : “On invitait des pilotes, ils venaient, le Tour Auto était un vecteur de communication formidable.” L’édition 2001 fut, selon lui, “une sorte d’apogée”. Une apogée qui se résume en un nom, Sébastien Loeb. Mais qu’est-il est venu fiche là ? Le Tour Auto avait déjà vu les participations – et les victoires - de Jean Ragnotti ou Didier Auriol. Pour amuser la galerie, surtout. Or, quand Loeb est venu participer, le Tour Auto revêtait un intérêt sportif pour la star, dont la renommée n’avait pas encore dépassé le milieu des sports mécaniques. À la fin des années quatre-vingt dix, quelques pilotes réunionnais, ainsi que des membres de l’Asar, avaient fréquenté le championnat de France, et notamment la Corse, histoire de faire parler de La Réunion et de ses routes. Un lobbying utile : l’édition 2001 du Tour Auto devenait une manche du championnat de France ; au même niveau que le Lyon-Charbonnières, le Rallye d’Alsace ou celui du Var…
Avant le rallye, Loeb – déjà accompagné de Daniel Elena - ne cesse de répéter qu’il craint les locaux, “qui connaissent très bien le terrain”. Foucque, distributeur de Citroën à l’époque, achète des pleines pages de pubs dans les journaux, organise des séances de dédicaces. C’est un événement énorme à La Réunion, “la plus importante épreuve sportive d’outre-mer en 2001” pour Le Quotidien. Lors des premiers tours de roue, et surtout sur la route de La Montagne et dans l’Ouest, Loeb est dominé. Après sept spéciales, c’est le Réunionnais Jean-Claude Chaussalet et sa Subaru qui se trouvent en tête du rallye. Las : à Trois-Bassins, Chaussalet voit la transmission de sa Sub’ lui jouer des tours. L’histoire retiendra qu’il abandonnera en tant que leader, les larmes aux yeux. Auraitil pu aller au bout ? Pas sûr : Loeb revenait sur ses talons, et si l’Alsacien avait avoué avoir mis du temps à s’adapter aux conditions particulières de l’Île, il concédait aussi avoir conduit “prudemment” lors des premières spéciales afin de se “familiariser” avec le bitume pays. Finalement, c’est donc Loeb qui s’imposait, avec plus de deux minutes d’avance sur le local Philippe Maître. Le Quotidien titrait alors : “Encore un futur grand nom qui gagne à La Réunion”. Bien vu : il allait finir le championnat avec six victoires en sept manches. L’année suivante, il effectuait une première saison pleine en WRC.