BuzBuz #47

ÉDITO

L’ÉTERNEL RECOMMENCEMENT

On fait croire à l’homme qu’il possède une finitude, or tout dans la vie n’est qu’une question de cycle. Les saisons, la reproduction et la production. Ni début, ni fin. D’ailleurs, il existe une expression pour dire que cela a commencé ; “depuis la nuit des temps” mais aucune pour signifier quand est-ce que cela s’arrête ?

L’homme est fait pour évoluer face à son environnement et face à lui-même, face à ses propres contradictions et aux problèmes qu’il crée. Il évolue parfois en bien, crée la médecine, la roue et l’imprimerie, il sait s’armer d’humour pour déjouer la vie. Et la rend plus belle grâce à l’art.

Recommencer n’est pas refaire, mais faire mieux, différemment ; on crée, on réinvente, on reprend là où on a échoué, on s’améliore, on se répète parfois, mais il reste toujours l’action. Et ne rien faire, c’est faire.

Laurie Ferrère Rédactrice en Chef

8 Société

développe à La Réunion, grâce aux associations et vient redorer l’image des courses d’accélération.

12 Portrait

À même pas 30 ans, la réalisatrice Marine Hervé, découverte sur Canal Plus Réunion a déjà tout pour devenir une professionnelle hors-pair : sensibilité, vrai regard esthétique, talent d’écriture, et une grande humanité.

14 Dans l’air du Temps

Le stand-up, cet art de pratiquer l’humour en encapsulant une époque, s’invite à l’île de La Réunion avec le premier Comedy Club à Saint-Denis, qui donne au public l’occasion de découvrir des punchlineurs péi, pas mal doués, il faut l’avouer.

28 V.I.P.

Une voix unique qui dès les premiers vibratos donne des frissons, un univers musical et visuel atypique et enchanteur, des textes qui font sens, un artiste à part entière. Découverte d’Aurus.

30 The place To Be

Clients de l’hôtel ou de l’extérieur, le restaurant du Dina Morgabine à Saint-Gilles invite à redécouvrir l’île de La Réunion, son histoire, ses traditions et ses saveurs, à travers une carte moderne et résolument ingénieuse.

Qui de la girafe ou de l’autruche ?

“J’ai un long cou, deux pattes et uniquement deux doigts à chaque patte. Je peux mesurer jusqu’à 2,75 mètres et avoir six femelles en même temps. Qui suis-je ? L’Autruche (Struthio Camelus), bien sûr. On dit souvent que je suis bête et couard, et que j’ai tendance à mettre la tête dans le sable, pour fuir. Mais c’est faux ! C’est une affirmation de l’écrivain et naturaliste Pline L’ancien, qui ne me connaissait pas personnellement, et tout le monde l’a reprise. C’est comme ça qu’on crée des rumeurs. Bref, mais petite anecdote entre vous et moi, si j’ai un long cou, c’est certes pour me nourrir et surveiller plus facilement les environs, mais c’est aussi pour réguler ma température, et ainsi “garder la tête froide””.

LES MATHÉMATIQUES, CONTRE L’ESCLAVAGE

Dans le monde de la littérature, on connaît “L’analphabète qui savait compter” de Jonas Jonasson. Et dans la réalité, il y a TOM FULLER, ou Thomas Fuller, né en 1710 né en Afrique occidentale. À 14 ans il est enlevé, emmené aux États-Unis et vendu aux propriétaires d’une plantation en Virginie. N’ayant reçu aucune instruction, c’est donc un analphabète qui révèle pourtant d’étonnantes facultés, notamment ses capacités en calcul mental. Il commence alors à faire parler de lui et des visiteurs parfois connus veulent le rencontrer et observer “le phénomène”. Et il ne déçoit pas : 2 minutes pour établir le nombre de secondes comprises dans 18 mois. Tom Fuller va ainsi aider ses maîtres dans la gestion de leurs comptes. S’il ne reçoit pas les hommages qui lui incombent à sa mort, sa figure va aider les révolutions contre l’esclavage, en montrant qu’un Noir n’est pas inférieur à un Blanc.

Dieu n’aime pas les artistes

Pendant longtemps, l’église catholique a excommunié les comédiens, assimilant les acteurs appelés histrions, aux prostitués, en raison de leur activité estimée à une feinte de faux semblants. Pour l’Église, “mimer la vie d’un autre”, n’est pas digne d’un chrétien et sont donc exclus de la communauté de Dieu. L’exemple le plus connu est celui de MOLIÈRE, mort en 1673, qui sera inhumé dans un cimetière, de nuit et sans aucune cérémonie.

C’est quoi un clochard ?

Selon le Petit Robert, “un clochard” est une personne socialement inadaptée, qui vit sans travail ni domicile dans les grandes villes. Mais d’où vient l’origine du mot “clochard” qui étymologiquement n’a rien de la rue ou du dépouillement. Elle vient du Moyen-Âge, où à l’époque les mendiants étaient recrutés durant les cérémonies religieuses pour sonner les cloches en échange de quelques pièces. On les appelait donc les “clochards”.

Fumer fait tousserabeilles) (les

C’est une image connue de tou.te.s. Un apiculteur, dans sa combinaison blanche et muni d’un enfumoir. Afin de récolter le miel des ruches, l’apiculteur doit enfumer ces dernières. Pourquoi ? Pour éviter les piqûres. Les abeilles pensent ainsi que le danger c’est le feu, et non l’humain.

L’enfumage désarme d’autant plus l’agressivité des abeilles qu’il brouille les messages chimiques qu’elles ont coutume de s’adresser. Elles perdent ainsi ce qui fait l’essentiel de leur force, la capacité à s’organiser.

“Malgré tout”, ils sont heureux. Selon un sondage Elabe, quand on demande aux Français quel est le mot qui caractérise le mieux leur état d’esprit, c’est d’abord des mots négatifs : lassitude, peur, nostalgie, tristesse et colère. Des forts qui sont notamment à mettre en lien avec un contexte socio-économique compliqué, après la crise sanitaire du Covid-19, place est faite à l’inflation, réchauffement climatique et conflit géopolitique.

6.400€ par mois pour une mère au foyer

Un village en vente pour 260.000€

Salto de Castro, un village du nord-ouest de l’Espagne, est mis en vente. Le prix demandé est de 260.000 euros. En dépensant cette somme, l’acheteur pourra profiter de 44 logements, un hôtel, une église, une école, une piscine municipale, et d’une caserne utilisée autrefois par la garde civile. Rien que ça. Situé dans la province de Zamora, proche de la frontière avec le Portugal, le village est à trois heures de route de Madrid. Mais depuis 1980, les habitants ont peu à peu déserté les lieux, et ne reste qu’un irréductible octogénaire, actuel propriétaire.

PARENTS : SIX ANS AVANT DE RETROUVER UN SOMMEIL DE QUALITÉ

Encore une étude ! Si les nuits sont particulièrement difficile les premiers mois qui suivent une naissance, une étude a tenté de calculer à partir de quand les nuits des parents retrouvaient leur qualité réparatrice d’antan. Et surprise : c’est long, très long. Cette étude que l’on retrouve dans la revue scientifique Sleep montre ainsi qu’il faut six ans (six ans ?), en moyenne, pour retrouver un sommeil satisfaisant. Et s’il fallait le préciser, les mères perdent en moyenne 62 minutes de sommeil contre seulement 13 minutes du côtés des pères

Toujours selon une étude, si les mères au foyer percevaient un salaire pour l’ensemble des tâches accomplies, celles-ci toucheraient environ 6.400€ par mois, soit 5 fois le SMIC actuel. Pour parvenir à ce montant, les chercheurs ont calculé le coût de la facture si chacune de ces tâches, selon le temps qu’elles demandent chaque mois, était effectuée par le professionnel correspondant (et en prenant en compte le partage de certaines d’entre elle avec le père). De quoi faire taire les mauvaises langues affirmant que les mères de famille “ne travaillent pas vraiment”

Lorsque les voitures électriques prennent feu, les incendies sont difficiles à éteindre. En témoigne l’expérience des pompiers de la Morris Township Volunteer Fire Company #1 (Pennsylvanie) qui ont eu besoin de 45.000 litres d’eau pour éteindre le feu d’une Tesla. C’est bien plus que l’incendie d’une voiture thermique, qui ne demande en général “que”

Malgré le manque de pistes et de circuits dédiés, la filière du drag-racing à La Réunion se mobilise via des associations : le but étant de désacraliser la pousse, mais surtout de professionnaliser et sécuriser la pratique de la course d’accélération.

TEXTE > LAURIE FERRÈRE PHOTOS > GUILLAUME HAURICE

ALWAYS FAST, LESS FURIOUS se réinvente

La pousse

Il y a plus de vingt ans sortait le film “Fast & Furious”. Un longmétrage qui aura marqué son époque – à tel point que huit autres volets ont succédé au premier, grâce à son univers : des bagnoles qui filent à vive allure, l’illégalité et la fraternité aussi. Tout le monde se souvient d’ailleurs de cette phrase : “Quand le soleil se couche, un autre monde voit le jour”.

Un sport automobile à part entière Ce monde étant celui des courses de drags ou encore des “runs”. Si pendant longtemps l’amalgame était fait dans cet univers, aujourd’hui à La Réunion, plusieurs associations se battent afin de rétablir l’image de ce sport automobile, aussi raisonnable et légal qu’une course de rallye. “C’est même moins dangereux” risque Dimitri, président de l’association Performance CAR qui organise plusieurs “runs” tous les ans, aux quatre coins de l’île. Pour comprendre de quoi il s’agit, direction Saint-Leu, sur l’ancienne route nationale qui longe la côte. Au niveau de la Pointe au Sel, la préfecture a fermé une portion pour que s’y déroule un RUN400, “une course d’accélération, départ arrêté sur quatre-cents mètres” explique Emeric, mécanicien, passionné d’automobile et trésorier de l’association. Là des dizaines de véhicules, homologués ou non, vont s’affronter, deux par deux et tenter de réaliser les meilleurs chronomètres sur la distance.

Pour la plupart des voitures, c’est beaucoup de modifications, il faut savoir dompter son véhicule

Sécuriser la pratique

On retrouve dans ce rendez-vous dominical un peu de l’ambiance du film porté par Vin Diesel : des tentes et des stands où se préparent les voitures, les barbecues qui crépitent, l’esprit de convivialité, le public et surtout les moteurs qui vrombissent. “Mais rien d’illégal” insiste Dimitri, “ici tout est encadré et règlementé”. Et c’est là tout l’enjeu. Après de longs mois à lutter contre les rodéos sauvages sur route ouverte, “la pousse” comme diraient les créoles, les associations tentent de réhabiliter les runs comme un sport à part entière. Un pari encore loin d’être relevé tant les idées reçues au sujet de ces courses automobiles ont la vie dure : des jeunes inconscients qui trompent l’ennui en faisant de la vitesse, un jeu. “On a tous commencé par-là” avoue cependant le président de Performance CAR. Durant deux décennies, les courses de voitures sur le front de mer de SaintDenis étaient des rituels hebdomadaires. La foule se rassemblait pour voir les véhicules tunnés, tracer le long du boulevard. Un phénomène qui s’est apaisé avec le temps, mais qui demeure et met la vie des autres usagers, comme des pratiquants, en danger. En l’absence de mesures de sécurité, la moindre faute peut se payer très cher.

“Dans les runs, le risque est moindre, même s’il persiste” admet Emeric, le pilote n’étant pas à l’abri d’une perte de contrôle. “Pour la plupart des voitures, c’est beaucoup de modifications, il faut savoir dompter son véhicule” reprend ce dernier. Une préparation mécanique, physique et mentale, tout à la fois. Et il s’y connaît.

Des passionnés techniciens

Dans le quartier de la Convenance, à Sainte-Marie, un garage. C’est là qu’Emeric passe la plupart de son temps, semaine et week-end. À l’arrière, à côté des véhicules sur les ponts, des carcasses. Quelque chose interpelle dans ces ossatures, et pour cause : loin d’être vétustes, elles vont servir pour les runs. Ici, une Seat Arosa, un diesel 1,4 litre TDI, qui n’a quasiment plus rien d’origine. Le train arrière est celui d’une Golf (Volkswagen), les vitres sont en polycarbonate, à l’intérieur il ne reste plus qu’un fauteuil de compétition avec harnais de sécurité, et un moteur d’une Seat Leone, d’origine de 150 chevaux entièrement préparé pour en lâcher 500 et 1000 N.m de couple. Et un peu de NOS. “Pendant les runs, sur de telles voitures, on ne roule pas sans combinaison et sans casque” rappelle le pilote.

Sur la piste éphémère de Saint-Leu, on se rend compte du réel savoir-faire de ces mécaniciens autodidactes, véritables passionnés de l’automobile, qui savent, à la force de leurs mains, réinventer une voiture. Des hommes et des femmes unis par une seule envie : faire-valoir leur sport tant auprès des professionnels comme la LSAR (Ligue du Sport Automobile Réunion) que du grand public.

“On est encore mal ou peu considéré” regrette Dimitri. Pourtant les ambitions de ces associations vont bien au-delà des seuls runs dominicaux de l’île. Performance CAR ayant ainsi déjà participé à plusieurs compétitions à l’international. “Demain, l’objectif est de présenter des voitures au Portugal, en Italie ou encore en Angleterre” s’enthousiasme Emeric. Et démontrer, qu’à La Réunion, si la voiture se veut culturelle, elle est aussi un art, une virtuosité de technique et de pilotage.

150 chevaux entièrement préparé pour en lâcher 500 et 1000 N.m de couple. Et un peu de NOS

Nouveau Kia Sportage.

À même pas 30 ans, Marine Hervé fait preuve d’une certaine sensibilité, d’un vrai regard esthétique, d’un talent d’écriture, assurément, mais surtout d’une grande humanité. Bref, avec son premier court-métrage “À travers”, elle a déjà toutes les qualités pour devenir une réalisatrice hors-pair.

MARINE HERVÉ

“ÇA CRÈVE L’ÉCRAN ET LE CŒUR”

J’y ai posé mes sentiments”. C’est par ces quelques mots, d’une douceur infinie, autant qu’elle l’est, que Marine Hervé introduit son premier film, un court-métrage d’une vingtaine de minutes, qui aborde un sujet Ô combien tabou : le deuil périnatal, c’est-à-dire un enfant né sans vie, avant le terme de la grossesse.

Un sujet tabou “À travers” raconte ainsi l’histoire de Louise qui doit subir une interruption médicale de grossesse, à sept mois. Avec son conjoint, Pierre, ils vont se battre pour survivre à cette épreuve. Mais comment faire le deuil d’un enfant

qu’on n’aura pas ? Partager ces ultimes heures et l’accompagner une dernière fois ? Le choix narratif qu’en fait Marine Hervé révèle son talent. L’esthétisme, l’ambiance, l’exactitude des dialogues et des émotions, tout y est juste, et la fiction laisse voir une réalité bien trop tangible. La mortalité périnatale en France concerne plus de dix grossesses sur 1.000. Et il a fallu attendre décembre 2021 pour que la loi accorde aux parents de nommer leur enfant.

Questionner l’identité SI Marine Hervé n’est pas originaire de l’île de La Réunion, sa sensibilité et son empathie lui ouvrent la porte des histoires qui s’y déroulent. “J’ai plein d‘histoires qui pourraient faire des histoires de cinéma” lui raconte un jour un médecin. Mais celles-ci, particulièrement la marquent, et font émaner un trouble, “un genre de mélange d’éléments affectifs et émotifs, de couleurs et de formes” détaille-t-elle encore.

Son prochain sujet de réalisation ? Le mythe de Lémurie, “une sorte d’Atlantide de l’océan Indien” qui est à l’origine de nombreux débats en géologie et en zoologie, mais qui questionne également l’identité créole, le métissage et en particulier à l’île de La Réunion au regard de sa société post-esclavagiste.

Marine Hervé a construit son cinéma entre Amélie Poulain, Alabama Monroe ou encore Cinéma Paradisio. Sa façon de créer ? “Tout part de l’envie, celle de partager et de dire les choses” confie-t-elle. Elle sait pertinemment que faire de l’art est une chance de pouvoir dire et montrer, elle s’en saisit pleinement et le spectacle est magnifique.

TEXTE > JOSÉPHINE TEREISSA PHOTOS > D.R.

Le rire, l’arme d’une jeunesse

En un peu plus d’une décennie, “le stand-up” forme d’humour plus directe, qui capte l’air du temps, a connu un véritable boom, comparable à celui du rap en musique. Il s’invite à La Réunion, avec le RUN Comedy Club.

> JOSÉPHINE TEREISSA PHOTOS > DYLAN VISION

Il existe en France plusieurs noms connus et reconnus en matière de drôlerie : Florence Foresti, Jamel Debbouze, Gad Elmaleh, Franck Dubosc, etc. Mais ceux-là sont d’une autre génération, d’un ancien temps. Aujourd’hui, ielles portent plutôt les noms de Paul Mirabel, Romain Freyssinet, Fanny Ruwet ou encore Lilia Benchabane. Les nouvelles voix de l’humour.

Des séries sur le sujet  Tou.te.s ont en commun d’avoir commencé de la même façon : seul.e sur scène, face à un public et s’adressant directement à lui. Si l’exercice donne

parfois à incarner un personnage, le plus souvent, le stand-up parle de soi-même, de situations du quotidien et d’expériences, en histoires courtes qui se succèdent et donnent à rire de soi avec les autres. Au 19e siècle, Mark Twain est cité comme l’un des premiers à présenter des lectures humoristiques sur scène. Deux cents ans plus tard, le phénomène du stand-up s’est emparé de la France entière. On ne compte plus les (très bonnes) séries sur le sujet : avec Jeune & Golri ou Drôle en tête, mais aussi Louie, I’m Dying up Here ou encore The Marvelous Mrs Maisel. Autre fait qui ne trompe pas : le nombre de Comedy Club qui se crée un peu partout en Hexagone et à La Réunion, qui ne fait pas exception.

TEXTE

Une salle spéciale stand-up

Le RUN Comedy Club est à l’initiative d’Arnaud Pothin, un jeune humoriste, “100% péi” malgré son faciès trompeur, il en joue d’ailleurs, qui pendant ses études de droit découvre les concours d’éloquence. De l’art de manier les mots et du don de la parole, il se réoriente très vite vers l’humour ; faire rire plutôt que persuader. Un jour, en 2019, il s’essaie sur la scène du Café Oscar à Paris. C’est la révélation.

Lorsqu’il revient sur son île natale, il se met en quête de ce lieu “dédié à l’humour” mais il n’en existe pas vraiment. “Jouer dans un restaurant ou un bar, ce n’est pas pareil. Le public n’est pas aussi attentif” souligne Arnaud Pothin.

Alors qu’un Comedy Club, les gens viennent pour rire, voir du stand-up, de façon régulière, hebdomadaire. Ce sera trois dimanches par mois.

LES RÈGLES DU STAND-UP

Un humour 100% péi

Au 18 avenue de la Victoire, à Saint-Denis, les artistes en devenir, majoritairement des hommes à l’allure urbaine, montent sur scène – seuls, et micro à la main parlent du quotidien, des origines des religions, des réseaux sociaux, etc. Il y a des femmes aussi. On s’adresse au public, on improvise, on teste et on tâtonne parfois. Le public est ravi : une heure d’impertinence, de sarcasme, de cynisme parfois, mais surtout beaucoup d’humour. À la sortie, les spectateurs récompensent les artistes en mettant un billet dans le chapeau. Les noms de cette scène réunionnaise sont ainsi Bouclette (Arnaud Pothin), Kanageek, Mika H, Seb, Lysiane, Stefy, Malika Potter, etc. Bref, l’île regorge elle aussi de talents formidables qui savent rayonner à travers un art simple et populaire, typique d’une certaine jeunesse française.

Selon le journaliste Dorian Saigne, le stand-up suit quelques règles à savoir que l’artiste doit provoquer le rire du public, toutes les vingt secondes (!), tout en donnant l’impression qu’il ne s’agit pas d’un texte, spontané, debout face au public – d’où le terme de stand-up. La structure d’une blague comporte ainsi une prémisse et une phrase choc – la fameuse punchline.

OSCAR ET SES AMIS

Au Café Oscar, spécialisé dans l’humour depuis trente ans, des dizaines d’apprentis passent chaque semaine en audition en public, dans l’espoir d’être remarqués puis programmés dans le spectacle du soir. La patronne Monika Oscar note le quasimonopole du genre standup. “Depuis Jamel, l’humour s’est démocratisé”, indiquet-elle dans une interview.

“Beaucoup plus de personnes tentent leur chance. Mais le nombre d’humoristes vraiment drôles est resté le même. Ce n’est pas parce qu’on fait rire ses amis en racontant sa vie qu’on y arrivera devant des inconnus. C’est un métier”. Les Comedy Clubs offrent à des artistes en devenir un immense terrain de jeux pour s’exprimer. Et le public en redemande.

LES SIMONES S’EMPARENT DES RUES

Elles s’appellent Hélène, Reine-Claude, Christine ou encore Gabrielle. Toutes sont des Simones qui s’expriment d’une façon originale sur les murs et façades de l’île de La Réunion. Derrière ce projet au nom évocateur, deux femmes de passion et d’art qui ont voulu mettre en avant des destins de femmes, parfois trop méconnus.

Àl’œil attentif, dans le centre-ville de Saint-Denis, des médaillons en céramique apparaissent, au détour d’une rue, sur un mur, une façade. Sur le bijou revisité, apparaissent des portraits de femmes, en noir et blanc.

On y reconnaît, rue Jean-Chatel, à côté d’une boutique de prêt-à-porter, celui de Gabrielle Chanel, dite Coco. À TerreSainte, le visage de Christine Salem se cache sous les banians, et celui d’Anita Conti veille sur la baie de Saint-Paul.

Un féminisme désuet

Sur ces médaillons, une inscription : Les Simones et un QR-code. Une fois flashé, celui-ci renvoie vers une courte biographie à travers laquelle on découvre le destin de femmes ayant un jour marqué l’histoire mais ô combien méconnues. Ce projet de street-art, de réappropriation de l’espace public par les femmes, est né d’une discussion entre deux amies. “On parlait de femmes illustres avant d’arriver au constat que trop souvent, leur parcours manquait de visibilité” confie Anne, artiste céramiste.

De fil en aiguille, elles construisent ensemble l’idée des “Simones”.

L’objet désuet s’approprie le contemporain, en replaçant la femme dans la rue, en s’emparant des codes de l’art urbain, en le détournant pour en faire un objet de culture, générale destiné à tous. “L’idée était aussi de faire du féminisme non agressif”, souffle l’artiste. Ne pas dire “Regardez !”, mais “N’oubliez pas”.

Se rapproprier l’histoire et les quartiers  Ne pas oublier qu’Anita Conti fut la première femme océanographe en France. La première à dresser des cartes de pêche, quand il n’y avait que des cartes de navigation. Son activité a permis de rationaliser les pratiques, et dès 1940 elle s’inquiéta des effets de la pêche industrielle sur les ressources halieutiques. Des portraits, dispersés ici et là, aux quatre coins de l’île, qui interpellent et élèvent les esprits les plus curieux.

“C’est également une façon d’animer un quartier et de se réapproprier l’histoire” poursuit Anne. Intrigué par ces médaillons lors d’un séjour à La Réunion, un touriste venu de Briançon a fait une commande auprès des Simones pour faire revivre une personnalité de la ville. “À terme, notre souhait est de créer du lien entre l’histoire, les lieux et les gens” poursuit-elle.

Des baleines plus efficaces que les arbres Par leur masse et leur longévité, les baleines sont des pompes à carbone indispensables à l’écosystème océanique. Pour la première fois, une étude propose une estimation de cette dynamique de séquestration du carbone. Ainsi, quand un arbre absorbe 20 kg de CO2, une baleine en séquestre 33 tonnes.

(NE PAS) RÉPONDRE À L’APPEL DES BALEINES (NE PAS) RÉPONDRE À L’APPEL DES BALEINES

La baleine à bosse est l’un des mammifères les plus gros de la planète, capable d’engloutir jusqu’à une tonne et demie de nourriture par jour. Et tous les ans, durant l’hiver austral, on peut en observer au large de l’île de La Réunion.

“Intensément

biodiversité”

Majestueuses. Imposantes. Infatigables. Indomptables. Mystérieuses. Les adjectifs ne manquent pas pour qualifier les baleines à bosse, ces mégaptères pouvant atteindre dixhuit mètres de long et qui, chaque hiver austral, viennent offrir un spectacle unique au large des côtes de La Réunion. “Et 2022 fut une saison particulièrement exceptionnelle” souligne Jean-Marc Gancille, responsable communication et développement à Globice.

Un record battu

Exceptionnelle par le nombre d’observations, puisque pas moins de 417 ont été contemplés cette saison, et exceptionnelle par sa durée : en décembre, quelques irréductibles spécimens baignaient encore dans les eaux tropicales aux alentours de l’île. La dernière migration aussi tardive remonte à novembre 2008. Record battu.

Les premiers déplacements remontent à plus de vingt-ans. C’est d’ailleurs suite à la curiosité de quelques passionnés qui observaient les cétacés aller et venir que l’association Globice voit le jour en 2001, “avec l’objectif d’approfondir les connaissances sur les rorquals à bosse”. Structurer, professionnaliser et crédibiliser, pour aujourd’hui s’afficher comme l’une des références scientifiques sur l’étude de ces mammifères marins, mais pas seulement.

Son expertise se fonde sur de nombreux programmes de recherche que l’association initie afin d’enrichir la compréhension de l’écologie et de la biologie des différentes espèces de cétacés fréquentant l’océan Indien. Ainsi, pas moins de vingt-quatre espèces vivent aux abords de l’île. “La Réunion est un hot spot de biodiversité marine, comme il en existe aux quatre coins de la planète” explique Jean-Marc Gancille, “mais il faut dire qu’il reste exceptionnel, par sa densité”. À ce titre, les baleines à bosse, et les cétacés de manière générale, constituent un véritable patrimoine culturel pour l’île, tout comme ses “Cirques, Pitons et Remparts”, estime le responsable développement de Globice. Le comité régional de tourisme, l’IRT n’hésitant d’ailleurs pas à communiquer en ce sens, “L’île intense, intensément biodiversité”.

Penser à l’intégrité du milieu marin Une attraction touristique qui n’est pas sans risque, puisque depuis une décennie, de nombreux business et activités économiques en lien avec l’observation des cétacés se sont montés autour des côtes de La Réunion, “ce qui accroît la pression sur les animaux, perturbe leur cycle et leur mode de vie” regrette Jean-Marc Gancille. Pour tenter de règlementer la situation, la Préfecture a publié un arrêté en 2019, partiellement respecté.

“L’île demeure l’un des derniers endroits au monde où cela est encore autorisé” explique le passionné. “Et il serait peut-être temps de savoir où l’on souhaite mettre le curseur” poursuit-il. Ainsi, ne faudrait-il pas privilégier la préservation plutôt que l’observation ? Le littoral est désormais une interface terremer où activités humaines et vie sauvage se côtoient dans un contexte économique sensible, voire conflictuel. Une question se pose alors : ces activités sont-elles compatibles avec l’intégrité d’un écosystème marin ?

Le saviez-vous ?

La baleine, avant d’être aquatique, était un mammifère terrestre – qui s’est progressivement adapté à son environnement, soit un milieu qui devenait marin, d’où la présence de poumons, de structure osseuse et

même de poils sur la tête. Son ancêtre terrestre se nommant: Pakicétus. Les baleines à bosse, qui viennent chaque hiver, visiter les eaux tropicales sont en pleine migration. Elles quittent leur site d’alimentation, à des dizaines de

milliers de kilomètres dans les eaux de l’Antarctique, pour rejoindre leur site de reproduction, et mettre bas aux abords de La Réunion en vivant sur leurs réserves. Le baleineau, lui, prend en moyenne 50 kg par jour.

Globice fonctionne grâce à sept personnes dont quatre scientifiques mais surtout grâce à un réseau de bénévoles qui accompagnent les équipes en mer, collectent les informations, photographient les animaux, etc. Après plusieurs années d’apprentissage sur le terrain dans la collecte de données et la diffusion de connaissances scientifiques, la montée en compétences de l’association est consacrée par sa reconnaissance comme “association agréée protection de l’environnement” en 2006. Depuis, Globice multiplie les programmes de recherche, les publications scientifiques et les opérations de sensibilisation du public au service de la conservation des cétacés de La Réunion.

À PROPOS DE GLOBICE

TEXTE > JULES BERCANTO PHOTOS > GLOBICE

ZOU, ET L’ENFANT GRANDIT

Ici, La Réunion est mise en valeur. Par ses talents de dessinateurs, par ses auteurs, par ses éditeurs, grâce aux cartes merveilleuses et originales qu’on retrouve sur l’île, dans les histoires que petits et grands peuvent découvrir, sur La Réunion, ses origines, son environnement, son passé, et son monde fantastique ! Bref, pour les passionnés ou les curieux, la libraire Zou ! est un lieu incontournable, pour (se) faire plaisir.

ZOU !, Boutik à lire

81 rue Fond Générèse - 97435 Saint-Gilles-Les-Hauts

Du lundi au samedi de 10h00 à 18h00 Téléphone : 0692 26 40 03

MINIMALISTE, BEAU, RESPONSABLE

La mode ça ne s’invente pas. Enfin, oui mais non. Ça se crée, comme Alexandra Payet sait si bien le faire depuis deux ans maintenant au travers de collections exceptionnelles, pensées pour toutes les femmes. De la pièce basique, indispensable, à la tenue qui fera la différence, il y a chez Jordane Lou, tout ce que l’on recherche en matière de fashion aujourd’hui : du minimaliste, du beau, du responsable, de l’unique, presque. Le petit plus ? Les marques exclusives comme Mayrena Paris, disponible aussi en boutique.

Jordane Lou 16 rue du commerce - 97460 Saint-Paul

Le lundi, de 14h00 à 18h00, et du mardi au samedi de 9h30 à 18h00. Téléphone : 0262 96 02 44

AU BAR, ENTRE DALONS

Leur histoire, c’est celle d’une success-story qui commence dans un garage (donc forcément bien). Celle de trois copains qui décident de brasser une bière locale, artisanale et surtout évolutive. La bière devenue incontournable aujourd’hui, se targue désormais d’un lieu dédié, “Les Dalons, le bar” à Saint-Denis. Amateur de quizz de culture générale, de karaoké, de concerts, de match de foot, de babyfoot, de livres, etc. etc. bref chaque jour est différent dans ce nouveau bar.

Bar Dalons

7 rue Amiral Lacaze - 97400 Saint-Denis

Les lundi et dimanche, de 17h00 à 22h00, et du mardi au samedi, de 17h00 à 00h00.

Téléphone : 0692 52 04 80

CALME, LUXE & VOLUPTÉ

Salazie avait déjà la quiétude naturelle des lieux avec ses cascades, ses sentiers au travers les treillis de chouchous, ses villages pittoresques, et désormais son hôtel et spa ****, le Sarana, au lieu-dit de Mare à Vieille Place. Ce nouvel établissement est un lieu préservé, un refuge où le temps s’écoule dans la douceur de vivre. Ici, calme, luxe et confort sont les atouts d’un séjour heureux et ressourçant, au cœur du cirque.

Le Sarana Hôtel 63 chemin du Butor - Mare à Vieille Place - 97433 Salazie Téléphone : 0 262 37 24 17

Contact : reception@sarana-hotel.com

LA FRIPE, C’EST LA VIE

Il y a celleux qui aiment flâner et celleux qui aiment friper. Verbe du premier groupe qui signifie dénicher une pièce de mode exclusive. Certes, si la pratique de l’achat de vêtements de secondemain est motivée avant tout par des raisons économiques, elle l’est aussi pour les merveilles de sapes que l’on peut trouver en boutique. D’ailleurs, le lieu porte bien son nom “Fripe Paradise”, ce sont des pièces de mode uniques et vintage qui feront de vous des personnes tout autant authentiques.

Fripe Paradise 51 rue Rhin et Danube - 97460 Saint-Paul Du lundi au samedi de 10h00 à 17h00.

Téléphone : 0262 26 07 31

LE BEAU ÉCOLOGIQUE N’EST PAS UNE UTOPIE

Ouvert depuis peu au centre-commercial Super U de l’Éperon, le concep-store “Utopia” fait d’un rêve une réalité pour de nombreuses personnes. Objets de décoration, ustensiles de cuisine, jouets, bijoux et trésors du quotidien se parent de matières nobles et durables, et apportent un large choix de ce qui se fait de mieux ailleurs, ici. Avec le slogan, “Utopia, bringing the world to La Réunion”.

Utopia (Éperon) 25 rue d’Eden - 97460 Saint-Gilles les Hauts Ouvert aux horaires du centre-commercial Super U de l’Éperon. Également présent à Saint-Pierre, rue des bons enfants et au Hyper U la Chatoire du Tampon. Téléphone : 0262 57 21 33

PETIT ET MIGNON

On connait trop bien cet adage : “tout ce qui est petit est mignon”. Et l’Atelier des Songes, créatrice de vêtements pour bébé vient le confirmer. On adore les matières choisies, douces et agréables, on adore aussi les couleurs chatoyantes et modernes qui habillent ses collections. Et surtout, on adore ces pièces d’une qualité infinie qui donnent envie de dévaliser l’e-shop. Doudou, gigoteuse, shorty, cape de bain, il y a tout ce qu’il faut pour accueillir les nouveaux nés dans la légèreté.

L’Atelier des Songes En ligne

Contact : latelierdessonges974@gmail.com

LA FRATERNITÉ GASTRONOMIQUE

“Très beau restaurant, accueil chaleureux, repas excellent”. À lire les commentaires sur le restaurant bistronomique de l’Atelier des Frérots on ne peut pas se tromper. Les deux frères David Clavreul, chef cuisinier et Pierrot Clavreul en salle, vous accueillent dans une ambiance chaleureuse et gourmande. Autodidacte et passionné, le chef propose des plats raffinés et savoureux élaborés à partir de produits de saisons et locaux, et le cadre dans un jeux de matières chaudes, fait plonger dans l’univers particulier de Frérots.

L’Atelier des Frérots 78 rue fond Générèse - 97435 Saint-Gilles-les-Hauts Du mardi au jeudi de 9h00 à 18h00 et les vendredis et samedis, de 9h00 à 22h30.

Téléphone : 0262 55 84 43

SUR LES BRAISES

TEXTE & PHOTOS > BASTIEN DOUDAINE

Sur l’île de la Réunion, des hommes et des femmes marchent sur le feu, et n’ont ni brûlures ni blessures. Ils sont de la religion tamoul, une variante de l’hindouisme venue avec les engagés indiens de la région de Pondichéry après l’abolition de l’esclavage. Aussi connue sous le nom de “Thimithi” dans certaines régions d’Asie, cette cérémonie consiste à braver les braises scintillantes d’un carré de feu dans le cadre d’une tradition très codifiée localement. Festivité à la fois fascinante et effrayante, c’est un acte d’autopurification, une demande de bénédiction adressée à la déesse Draupadi,

elle-même née des flammes. Les engagés indiens, à la différence des esclaves, pouvaient disposer de leur propre culte. Historiquement, les marches sur le feu avaient lieu le 1er janvier, jour de congés des usines sucrières de l’île. Point culminant de plusieurs rites religieux tamoul, cette cérémonie est en l’honneur de Draupadi, femme d’Aldunin et mère d’Alvan, dit “le gardien du feu”. Elle signe la rupture d’un carême de dix-huit jours en écho à la guerre qui opposa les familles Pandavas et les Kauravas du culte hindou. Deuxième marche sur le feu de l’année, les fidèles des temples des Casernes et de Bois de lait nous ouvrent les portes de cette cérémonie si spéciale.

Cela peut paraître incongru, mais la flemme est devenue un sujet de société. Pis, sujet de recherches. Selon l’Ifop, 60% des Français considéraient que le

travail était important dans leur vie, il y a encore trente ans. Un chiffre tombé à 24% aujourd’hui. Alors, la flemme s’entend-elle désormais comme un principe de vie ou n’est-elle qu’une expression de la paresse ?

Les gens & la flemme

Le monde a la flemme. Il y eut d’abord les Hikikomori : ces Japonais préférant rester cloîtrer chez eux plutôt que d’affronter le monde, se retirant et refusant l’action. Puis il y a eu “la tribu des couchés” en Chine, refusant làaussi un rythme effréné, avec cette phrase forte d’un ouvrier en 2021 : “se coucher, c’est la justice” . Il y a aussi la “Great Resignation” aux États-Unis, traduit par “La Grande Démission”, avec des dizaines de milliers d’employés quittant leur poste. Et la France n’est pas exempte de ce phénomène de flemme et de repli chez soi.

Mais c’est quoi la flemme ? De l’expression “tirer sa flemme” : paresser. La flemme est l’expression d’un sentiment de paresse donc, d’un désir de ne rien faire. On parle même de flémingite aiguë. Mais surtout, elle est en opposition au travail (ou à la religion), et ce de tout temps. Thomas d’Acquin considérait ainsi “l’indolence spirituelle” comme un péché capital, “l’acédie”, J.J Rousseau critiquait durement la paresse et les lettrés du 16e siècle voyaient dans l’inactivité une menace civique.

Syndrome d’une société avilie ?

Les hikikomori : ces Japonais qui s’enferment chez eux à cause de la crise.

Mais la flemme actuelle n’est pas celle des paresseux, mais celle de gens fragilisés, épuisés, démunis face aux crises successives (attentats terroristes, pandémie, crise sociale, guerre, etc.). La flemme, aujourd’hui, est l’expression de stigmates. Cloitrés chez eux, dans le confort de leur canapé, à l’abris du monde et de ses excès, les gens paraissent et se soignent. Le travail perdant de son sens et de sa valeur, l’épidémie de flemme augmente, comme une prise de distance. Avoir la flemme et refuser le monde n’est donc pas le syndrome d’une société avilie, mais au contraire celle qui refuse. La France résiliente, certes mais pas sans conséquences. Que faire de la vie qu’il nous reste quand on a failli la perdre ? Le repli sur le proche et les proches. L’envie d’ailleurs, le besoin de voyage, le sentiment d’être à soi, plutôt que d’être à une tâche. Ayez la flemme, c’est synonyme de bonne santé.

“Éloge

“Le

(1926)

COMPRENDRE

“Dictionnaire de la fatigue”, Philippe Zawieja (Droz, 2016).

TEXTE > JOSÉPHINE TEREISSA PHOTOS > D.R.

À LIRE

de la Paresse” Eugène Marsan

droit à la Paresse” Paul Lafargue (1880).

À VOIR

“Les Vitelloni” Federico Fellini (1953)

POUR ALLER PLUS LOIN

LE TOUR DES ROCHES

(SAINT-PAUL)

C’est un vestige, niché dans un petit coin de paradis. Le Tour des Roches est un lieu chargé d’histoires, et son moulin à eau donne à se souvenir de ce passé. Construit en 1820, il sert à la fois à la production d’énergie, mais aussi pour moudre les blés, le manioc et autre maïs cultivé tout près de là. D’où son premier nom : Moulin à Manioc. La construction a également servi à irriguer les champs des habitants jouxtant le lieu.

TEXTE > JULES BERCANT PHOTO > GUILLAUME HAURICE

AURUS

Sur la grande scène des Francofolies de La Réunion, il y a quelques mois, il y avait celleux qui le connaissaient déjà, et attendaient que sa voix unique les transcende, et celleux qui n’avaient encore jamais expérimenté la musique d’Aurus. Celleux-là ont connu ce qu’est être subjugué, ce qu’un artiste peut faire naître comme émotions, comme épreuve au corps et à l’esprit.

Percutant en percussions Aurus, c’est tout cela à la fois. Un personnage mystique qui prend possession de la scène, dès les premiers instants. Un charisme qui fait vibrer une voix inégalable. Pour mieux l’appréhender, peut-être faut-il revenir sur son parcours. Bastien Picot, de son identité civile, était l’un des membres-fondateurs du groupe électro-tribale 3SomeSisters. Il fut également choriste pour Stevie Wonder, Fred Wesley ou Charles Aznavour, et a collaboré

TEXTE

entre autres avec Richard Bona et Maya Kamaty. Le ton est donné. Son truc à lui, c’est la voix, être percutant en percussions. Cet artiste, qui emprunte la sonorité de son nom à un dieu (lire par ailleurs), distille le Maloya de ses racines dans un écrin pop orchestral qui n’est pas sans rappeler Nakhane, Peter Gabriel ou encore Woodkid. En 2021, Aurus devient ainsi l’artiste Révélation du Chantier des Francofolies.

Album hybride

Son premier album Chimera (facile à traduire) est un album hybride, conçu entre Paris et l’île de La Réunion et tout comme lui, il vogue entre deux univers, entre mélancolie et transe, entre rythmique tribales et ballades lunaires. “J’aime mélanger un peu les instruments traditionnels avec des sonorités un peu plus électro. Mélanger l’anglais et le créole. Pour moi, cela me parle, cela fait du sens” confie l’artiste.

Aurus, c’est un mirage moderne, l’incarnation des contradictions d’une époque. À l’origine de cet album, mais également du pseudonyme de l’artiste : l’œil d’Horus, une divinité égyptienne mihomme mi-faucon symbole de l’intuition, “un pouvoir accessible à tous”. Si l’artiste entend refléter cette ère contemporaine ambivalente, il n’omet pas de le faire dans ses différences.

Figure queer

Ainsi, Aurus signe également le tire : KUHU, “Keep Ur Head Up”, une invitation à aimer sa propre singularité ; considéré depuis comme l’hymne de la communauté queer à La Réunion. Dans le clip de ce morceau, Aurus incarne la Pyonte, qui est son alter-ego drag. Il définit d’ailleurs cette réalisation visuelle comme un “cri de liberté”, une “ode à la diversité”.

On retrouve donc autour d’Aurus des visages connus, comme : Louïz, Luna Ninja, Malaïka Salatis,  Khazel Ali (Shei Tan), Benoît Charnaland (Destiny’s Way), Loki Lonestar, Brandon Gercara, Julie Gonthier, Dilo (Gringo Star), Nour Rakotoson, Jérôme Weghemacker et The Dog Squad (Mogwaï, Tupac, Permaphore, Tina, Alien). En 2022, Aurus s’est également produit au festival Chorus, l’évènement phare des Hautsde-Seine, véritable vivier de nouvelles découvertes musicales.

Bref, s’il ne fallait retenir qu’une chose : Aurus est l’incarnation d’une musique nouvelle, qui abolit les frontières et les différences, mélange les genres, les cultures et les histoires et donne à vivre en rythme, les sens s’imprègnent des mélodies,  le genre de découverte dont ne ressort pas indemne, ni même indifférent.

JOYEUX ANNIVERSAIRE

200 ANS D’HISTOIRE

10

CAVES

À LA RÉUNION MERCI À VOUS

LE DINA MORGABINE À l’Ouest, le renouveau

Clients de l’hôtel ou de l’extérieur, le restaurant du Dina Morgabine à Saint-Gilles invite à redécouvrir l’île de La Réunion, son histoire, ses traditions et ses saveurs, à travers une carte moderne et résolument ingénieuse.

Nul n’arrive au Dina Morgabine par hasard. Niché dans un écrin de nature, entre savane et bout de jardin luxuriant, l’atypique hôtel *** devenu un lieu incontournable, notamment grâce à sa table, se cache des regards. L’ambiance des lieux retrace une histoire inconnue de La Réunion.

Un cadre historique Ainsi, l’hôtel emprunte son nom à l’arabe, puisque ce sont eux, qui les premiers, découvrent ce territoire bien trop abrupt, montagneux à la végétation luxuriante qui semble n’avoir rien à offrir sinon l’hostilité sauvage. Dina Morgabine signifie ainsi “l’île de l’Ouest”. La décoration, à la fois bohème et tropicale, retranscrit le caractère de l’île : une oasis insouciante où il y eut, le saviezvous ? – des flamants roses, jusqu’en 1730. C’est d’ailleurs un gimmick des lieux, qui revient à la fois dans les chambres et sur certains sets de table. La table justement est le point fort du Dina Morgabine. “D’ailleurs demain, on espère reproduire le restaurant aux quatre coins de l’île” confie Mathieu Payet, chef cuisiner du restaurant de Saint-Gilles.

Moderniser les saveurs d’antan

Pour l’heure, seule une seconde table éponyme a ouvert à Saint-Denis, où l’on retrouve le chef exécutif du groupe, Kévin Minatchy, fourchette d’Or 2023, élu par le Club des Uniques et “Chef de l’Année 2023” par le Guide Kaspro. C’est d’ailleurs en tant que chef de parti de ce dernier, puis second, que Mathieu Payet a commencé au Dina Morgabine.

Aujourd’hui, il gère une brigade de quatorze personnes, quand dix-neuf autres coordonnent la partie du service et de la restauration et assurent ainsi un balai culinaire sans pareil. Du petitdéjeuner à l’apéro, en passant par le déjeuner ou le dîner, le Dina Morgabine propose une carte étonnante en saveurs et en compositions. “Ce que j’aime avant tout, c’est de faire redécouvrir des saveurs d’antan, grâce à une cuisine moderne et atypique” confie Mathieu Payet.

Un cadre exceptionnel Et en ce sens, il s’inscrit comme un virtuose. Au travers de ses créations, on redécouvre le râble de lapin, on s’élève avec du foie gras acidulé de mangue et de passion, accompagné d’une brioche au coco, et on tombe des nues face à la découverte d’une purée de brèdes mourong. “Ce sont les saveurs typiquement créoles, les plats traditionnels et les légumes anciens que j’aime travailler”.

Mais Mathieu Payet ne signe pas tous ses plats. “Je suis à l’écoute des autres et de mon équipe, et j’adore quand ils me proposent des recettes et ouvrent ainsi le champ des possibles de l’assiette” poursuit-il. Entre saveurs et raffinement, les plats changent au fil des saisons et des marchés locaux, de la pêche et des envies. Ce que l’on aime au Dina Morgabine ? Les lueurs du coucher de soleil, les reflets dans la piscine à midi, l’ambiance cosy et trendy du rooftop bar, les cocktails aussi imaginatifs et envoûtants que la cuisine.

Mathieu Payet, chef cuisiner du restaurant du Dina Morgabine de Saint-Gilles.