LA GAZETTE édition N°42 Décembre 2018 / janvier 2019
AUTO Portrait
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S E PA S S E A I L L E U R S
En avril 2019, les véhicules diesel âgés de quatre ans ou plus ne pourront plus circuler en centre-ville de Berlin.
TEXTES : LOÏC CHAUX
LORS DE LA DERNIÈRE ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE AU BRÉSIL, un électeur sur cinq n'est pas allé voter, alors que le vote y est obligatoire.
L’Argentine est le pays au monde avec le plus fort taux d’autosuffisance alimentaire : 273%. Il produit donc 2,73 fois plus de nourriture qu’il n’en consomme. EN MARS, LA VILLE DE ROUBAIX A MIS EN VENTE DIX-SEPT MAISONS À UN EURO, À CONDITION QUE L'ACHETEUR LES RÉNOVE.
EN ITALIE, UN NOUVEAU CONDUCTEUR POSSÈDE VINGT POINTS SUR SON PERMIS. À CHAQUE FOIS QU'IL PASSE DEUX ANS SANS EN PERDRE, IL PEUT EN GAGNER DEUX, ET PORTER SON CAPITAL À TRENTE POINTS AU MAXIMUM.
En Australie, un paquet de cigarettes coûte environ quinze euros.
LA GAZETTE
En Islande, chaque entreprise doit prouver qu’elle rémunère également à poste équivalent les femmes et les hommes, sous peine d’amende.
COUVERTURE Illustration : LN
DIRECTION DE LA PUBLICATION Pascal Peloux
BUZBUZ MAGAZINE Bimestriel N°42 Décembre 2018- janvier 2019
RÉDACTION Marie Renneteau, Marianne Renoir, Loïc Chaux, Laurent Perrin
édition N°42 Décembre 2018 / janvier 2019
AUTO Portrait
ILLUSTRATIONS Freddy Leclerc, Hélène Moignard IMPRESSION ICP Roto
LES RÉUNIONNAIS ET LEURS VOITURES
DIRECTION ARTISTIQUE ET GRAPHISME Pascal Peloux PHOTOGRAPHIE Gwael Desbont, Romain Philippon, Pablo Wayne
PUBLICITÉ BuzBuz Magazine Stéphanie Consolo Tél. 0692 13 60 08 commercial@buzbuz.re
SARL au capital de 4350 € 62 Boulevard du Chaudron Bât. A - bureau A903 97490 Sainte-Clotilde Tél. 0692 55 99 98 contact@buzbuz.re
www.buzbuz.re ISSN 2114-4923 Dépôt Légal : DL 6398 Toute reproduction même partielle est interdite
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NEZ DEHORS
T E X T E S : M A R I A N N E L E N O I R , M A R I E R E N N E T E A U – P H O T O S : G WA E L D E S B O N T
Les petites gourmandises du bout de la ville “La petite boulangerie du bout du monde”, c’est le titre d’un livre que la mère de Romain avait dans sa bibliothèque. Sur la couverture, “un petit oiseau trop mignon”, un macareux. Tellement mignon que Romain lui a rendu hommage en baptisant sa boulangerie / coffee shop du même nom. Au Macareux, vous pourrez déguster de bons cafés classiques-latte, mocha, macchiato, etc., des cafés froids, du thé mais aussi goûter aux sandwichs, pizzas, quiches, salades et gâteaux fait·e·s maison. Avec des années d’expérience dans la boulangerie et une sœur à la pâtisserie, tout cuisiner soi-même était une évidence pour le gérant. D’autant que le Petit marché n’est pas très loin pour s’approvisionner. Nous aurions aimé goûter au cake citron-pavot mais celui-ci a été victime de son succès avant notre arrivée. Nous nous sommes consolé·e·s avec un fabuleux cookie !
Le chic a son adresse Vous connaissez sans doute déjà Addict, le magasin de vêtements pour femmes né il y a huit ans en centre-ville de Saint-Denis. Et bien, sa gérante a ouvert en juin une seconde boutique pour répondre à la demande d’une clientèle en quête de tenues plus habillées. Robes, améliorés, bustiers, voilà un tout petit échantillon de ce vous y trouverez, pour une soirée spéciale ou simplement pour être élégante au travail. Quelques accessoires et paires de chaussures ont aussi été choisi·e·s avec soin pour compléter les tenues. Les tendances du moment ? Le léopard revisité et le jaune, parfaits pour l’été. ––––––––– L A D R ES S, 5 7 RU E J U L I E T T E - DODU, S A I N T- DE N I S. O UV ERT UR E : D U M A RDI AU S A M E DI , 1 0 H - 1 2 H 3 0 / / 1 4 H - 1 9 H . TÉL. : 0262 82 81 81.
––––––––– LE MACAREUX , 10 RUE DE PA R IS, S A IN T-D EN IS. OUVERTURE : DU LUNDI AU S A M ED I, 7 H-1 9 H. TÉL. : 0262 28 1 2 8 7 .
Génération 90
Ceci n’est pas une galerie d’art
C’est une maison bleue qui n’a aucun rapport avec celle dont parlait Maxime Le Forestier. Non pas adossé à une colline mais en plein centre-ville, ce salon de tatouage loge trois chouettes artistes. Lou, exgraphiste, infographiste, documentaliste et institutrice, a fait ses armes dans le tattoo en autodidacte. Léah, son amie de longue date, s’est elle formée à l’art de piquer les clients. Klara a rejoint plus tard le duo en apportant ses compétences en réalisme. Si vous êtes à la recherche de tatouages graphiques, minimalistes ou si vous avez été bercé·e par la pop culture des années 1990, ne cherchez plus, vous avez trouvé vos nouvelles tatoueuses préférées. Les phobiques de l’aiguille restent les bienvenu·e·s, ne serait-ce que pour découvrir l’expo en cours et les créations d’artistes locaux·ales.
Une vitrine tellement belle que certain·e·s n’osent pas y entrer, s’imaginant qu’il s’agit sans doute d’une galerie d’art. Et pourtant, vous auriez tort de ne pas franchir la porte. Si l’art et le design sont au cœur de Macha, le lieu est avant tout une boutique de déco. Fred et François, “les tauliers” de l’établissement, ont chacun des goûts et des regards différents mais ont en commun l’amour des pièces de qualité, “des choses bien faites”. Des divergences qui donnent une boutique éclectique dans laquelle on peut aussi bien s’offrir une lampe-singe, des tentures murales tissées à la main aux Pays-Bas, d’immenses tapis signés Toilet Paper, une coiffe irian jaya de Papouasie Nouvelle-Guinée ou encore une réplique de la tête de cheval exposée au British Museum. Macha offre aussi une belle place à l’un de leurs coups de cœur, le designer Jimmie Martin et sa touche “moderne vintage décalée”, dont vous reconnaîtrez les pièces au premier coup d’œil.
––––––––– MAISON BLEUE, 33 RUE LABOURDO N NA IS, S A IN T-D EN IS. DU MARDI AU SAMEDI, 10H30-19H. T ÉL . : 0 2 6 2 9 8 9 3 9 4 .
––––––––– M AC HA , 5 0 RUE D U GÉN É RA L - DE - G AU L L E , S A I N T- G I L L E S - L E S - BA I N S. O UV ERT UR E : L E L UN D I, 1 5 H-1 9 H ; DU M A RDI AU S A M E DI , 1 0 H - 1 3 H / / 1 5 H - 1 9 H . TÉL. : 0262 74 55 34.
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Trinquer dans un bar flottant Prendre un cocktail les pieds dans l’eau, ça vous tente ? Non pas au bord de la plage mais véritablement dans l’eau, à bord d’une péniche. Il y a un an, la Marie Louise a largué les amarres dans le port de Saint-Pierre. À la barre, Philippe Angaud, un ancien skipper qui, après sept ans de pratique, a fait une pause d’une vingtaine d’années pour se consacrer à la restauration. Reprendre une péniche pour y ouvrir un bar a donc été une belle transition pour celui qui n’exclut pas de renouer avec ses premières amours. Sur la carte, bières, rhums, cocktails, et autres boissons, ainsi que quelques assiettes de charcuterie-fromage. Et par le hublot, l’appel du large. ––––––––– LA MARIE LOUISE, QUAI NORD DU PORT L IS L ET-GEO F F ROY, S A IN T-PIER R E (APRÈS L’EX -CAFÉ DE LA GARE). OUV ERT UR E : D U M ER C R ED I AU DIMANCHE, 17H-00H30. TÉL . : 0 2 6 2 0 8 1 5 6 2 .
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CHAUSSURES, VÊTEMENTS & ACCESSOIRES
On s’en grille une ? Non, la cuisine japonaise ne se résume pas aux sushi et yakitori. À quelques mètres de leur établissement incontournable, les patrons du Fujiya ont ouvert le Shabu, où d’autres plats traditionnels de l’archipel sont à l’honneur. Le shabu shabu, une fondue qui n’a rien à voir avec celle des soirs d’hiver métropolitains, se compose de tranches de viande cuites dans un bouillon puis trempées dans une sauce. C’est à nous de concocter notre plat et de gérer notre temps de cuisson, sur la plaque chauffante incrustée dans chaque table. Pour le yakinishu (viande grillée), même concept. À noter que des versions végétariennes existent aussi. Une carte atypique, des plats copieux, que l’on recommande vivement. ––––––––– LE SHABU, 18 RUE LABOURDON NA IS, S A IN T-D EN IS. OUVERTURE : DU MARDI AU DIM A N C HE, 1 8 H3 0 -2 2 H ; SAMEDI ET DIMANCHE, 11H45-14H. T ÉL . : 0 2 6 2 9 3 4 8 7 9 .
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NEZ DEHORS
Jacomédit
Nostalgeeks
Jacob et nous-mêmes sommes bien d’accord sur ce point, le yoga et ses disciplines voisines ont le vent en poupe. Il suffit de papoter autour de nous pour entendre causer détente, relaxation, détox (quand ce n’est pas de jeûne) et prof de yoga. Depuis septembre 2017, Jacob a ouvert son centre de yoga, juste au-dessus de la boutique Wake up de GrandFond. C’est grand, lumineux, épuré, à l’image de ce que ce professeur souhaite proposer. Au programme, à la fois pour les novices et les connaisseur·euse·s du hatha yoga, de la méditation. Qu’on se le dise, on serait bien restés, pour une séance complète de yoga, pour se relaxer, un peu, surtout que certaines séances ont lieu sur la plage.
Quand deux mordus de jeux vidéo décident d’ouvrir un bar ensemble, ça donne Les Toiles Noires. Un bar où les cocktails ont des noms de personnages issus de la pop culture, où vous pouvez revivre les frissons de votre enfance sur des consoles rétro telles que la NES, la Megadrive et la Master System. Des soirées à thème, des apéros quizz, des soirées Picsou le samedi - on vous laisse découvrir le principe, des tournois d’e-sport, de la danse, etc. Vous l’aurez compris : tout est prétexte pour retrouver les héros de sa jeunesse et partager de bons moments avec les nombreux autres “nostalgeeks” de l’Île.
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Histoire de famille Laurie est une fille de la famille Boyer qui possède Le Relais des Gouverneurs, à Hell-Bourg. Avec Florent, ils ont décidé de perpétuer la tradition familiale en ouvrant leur propre chambre d’hôtes, à BourgMurat. Au départ de la randonnée du Piton de La Fournaise (Cratère Dolomieu) ou du Piton des Neiges, Côté Volcan est un point d’étape intéressant pour les marcheur·se·s ou les randonneur·se·s du dimanche. En tout cas, on a rapidement envie de se prélasser dans les grands canapés du salon, qui sont de toute façon réservés à cet effet. Les proverbes en créole inscrits au mur nous donnent l’occasion d’échanger. On essaie de les expliquer à nos ami·e·s, plus ou moins facilement.
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Un chef dans ma cuisine Depuis le mois d’avril, l’ancien chef du feu Beau Rivage, de BoucanCanot, est devenu chef à domicile, pour le plus grand plaisir de ses inconditionnel·le·s. Le concept est bien huilé : vous rentrez en contact avec Vincent Lagrange (dont la réputation n’est plus à faire) qui vous adresse ses menus et le détail de la prestation. Puis vous lui confiez les clés de votre cuisine et c’est parti. Notre chef se déplace avec ses ustensiles, pas de panique donc pour les mini-cuisines sous-équipées. Une chose est sûre, les invité·e·s ne seront pas déçu·e·s : à la vue de la carte et des plats proposés, ça laisse rêveur. Surtout si vous êtes, comme nous, amateur·rice·s de grande cuisine..
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NEZ DEHORS
Bien ensoleillé
Camion de partout
Un mardi midi, nous sommes allé·e·s déjeuner aux Caves du Soleil, car cela faisait un long moment que l’on voulait tester. Et on va être honnêtes avec vous, les photos d’assiettes sur les réseaux sociaux nous avaient fait tellement saliver, tout comme les intitulés, qu’on ne pouvait pas passer à côté. Oui d’accord, après quatorze d’années d’existence pour la cave, et quatre pour la partie restauration, on a un peu attendu. Le vivaneau et son jus de crustacés nous a laissé·e·s ravi·e·s et repu·e·s, tout comme le dessert. On n’a pas pu s’empêcher de prendre un verre de vin, surtout qu’il était naturel, sans sulfite, en biodynamie. On reviendra en tout cas, pour sûr.
Céline et Stefan n’ont finalement pas enfilé leur gros sac à dos de voyageur·se·s, ils ont même eu du mal à quitter le caillou. Alors, après l’expérience réussie de l’Art i Show, ils ont décidé de se lancer dans l’aventure du food truck. Ah, décidément, aujourd’hui, quel cuisinier ne rêverait pas de retrouver son indépendance et de sillonner un peu l’Île ? On peut les suivre facilement, grâce notamment à leur page Facebook, et retrouver les petits plats épicés, aux saveurs exotiques qui caractérisaient tant la carte du précédent restaurant. Passionné·e·s, ils le sont toujours et proposent même leurs services pour des événements privés, du catering (c’est-à-dire que le camion se déplace sur les lieux de tournage, rien que pour vous).
––––––––– LES CAVES DU SOLEIL, 53 RUE VICTOR -M AC -AUL IF F E, S A IN T-D EN IS. OUVERTURE : DU MARDI AU SAMEDI, 1 2 H-1 4 H ( R ES TAUR AT IO N ) . TÉL. : 0262 30 5 7 8 6 .
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S’envoyer en lèr
De la grande cuisine
À partir de cinq ans et jusqu’à… quatre-vingts, pour les plus téméraires ? C’est en tout cas l’âge d’une pratiquante et amatrice d’octobre dernier ; respect à elle. Ce qui est certain, c’est qu’au-delà de soixante-cinq ans, on vous demandera un certificat médical et si vous ne pesez pas plus de cent kilos pour moins d’1,95m, figurez-vous qu’ils vont pouvoir vous mettre en lèr. L’entreprise Outfly de Sophie n’est autre que le premier et unique simulateur de chute libre indoor de La Réunion. Un temps est consacré aux consignes et conditions de sécurité. Soyez rassuré·e·s, on ne va pas vous lâcher comme ça, Sophie veille de toute façon sur vous. Tout le monde a la banane en descendant les marches à la fin des deux vols, c’est bon signe.
Il y a un peu plus d’un an, Florian a lancé son restaurant. Ça aurait pu ne pas se faire, mais avec son bagou, on a quand même de gros doutes. Ne vous laissez pas impressionner par le mobilier actuel, au contraire, puisqu’il est amené à évoluer. Et on sait tous que l’assiette en argent ne faisant pas systématiquement un excellent cuisinier, il faut passer le pas de porte. Dans la cuisine de Florian, c’est bien de la cuisine de haut vol, le chef aime s’amuser à travailler de beaux produits, en plus c’est un fervent locavore. Et comme il va au bout des choses, ils ont même un compost, pour limiter les déchets organiques dans la poubelle ménagère.
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POINT CULTURE
T E X T E S : L A U R E N T P E R R I N – P H O T O S : PA B L O WAY N E
DANS LA COUR DES
GRANDS Dans une cour d’école, à la récré, un marmaille effectue quelques mouvements de danse hip-hop devant ses camarades fascinés. La scène n’est pas si anodine que cela. Elle montre bien comment cette culture façonne plus que jamais les bambins de tous âges.
Shany est une tête connue du mouvement hip-hop à La Réunion. On l’a souvent croisé au festival Big Up 974, ou à la Battle de l’Ouest dont il est l’instigateur. Quand il repense au collège, ce sont de bons souvenirs qui remontent. “On se retrouvait à la récréation ou entre midi et deux pour “rale le rond”. J’y ai beaucoup progressé, c’est là que j’ai rencontré mes complices de danse, avec qui je traîne toujours pour certains.” Des rivaux à la base, qui deviendront ses partenaires dans Soul City, l’un des crews les plus remarqués de l’Île. Pour lui, c’est donc au sein de l’institution que tout s’est joué. “Je remercie les profs d’EPS, du collège au lycée. Ils nous ont toujours encouragés, que ce soit dans le moringue, le hiphop, le break, l’acrobatie. C’étaient toujours les fêtes de fin d’année, on faisait un show, ce n’était pas très structuré, c’était de la démo, de la performance.” Et autant d’anecdotes qui ont fait “ce que je suis aujourd’hui”.
Mélangez-vous Et aujourd’hui ? Les jeunes continuent évidemment de s’échanger des techniques. Un langage aussi. “On voit bien l’impact des
modèles sur les jeunes quand on intervient dans les écoles. Les réseaux sociaux y jouent pour beaucoup, avec Messenger. Les petits de nos jours parlent en “what”, en “lol”, en “mdr”. On ne peut pas leur en vouloir. Nous aussi, à l’époque, on parlait comme NTM, avec des “wesh wesh” et du verlan.” Pour ce qui est de la danse, Shany observe une évolution avec les danses afro qui se mêlent au hip-hop, au point de brouiller les codes. Lui cherche à développer un style réunionnais. “Je m’efforce de mettre en valeur mon histoire, mon patrimoine, mon identité.” Il a même donné un nom à son style : l’afrop, pour “afro hip-hop”, un mélange de moringue, de maloya et de hip-hop. Dans les mois qui viennent, il sera dans les quartiers (Dos-d’Âne à La Possession, Ravine-Daniel à Saint-Paul, et La Chaloupe à Saint-Leu) pour initier ceux qui le souhaitent à cette danse. On pourra alors les retrouver en mai lors d’une restitution dans chaque quartier. Et sinon, Shany bosse sur son solo Feeling 3, dans lequel il veut montrer “le lien tradition-urbain, l’identité réunionnaise, et aussi mon lien avec l’environnement à La Réunion.”
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NINJA
L’ENVIE DE S’EXPRIMER, TOUJOURS Il y en a qui savent depuis tout petit ce qu’ils veulent. Dioxyne est de ceux·elleslà. Alors qu’il venait à peine de rentrer au collège, le rappeur demande à la "vie scolaire" des créneaux avec une petite salle et un poste pour commencer à faire des ateliers. “J’étais autonome, je n’avais pas d’appui des profs, je fédérais les gens comme ça”, se souvient-il. Les profs par contre, de français et de musique notamment, apprécient la démarche. Le reste, il l’a fait tout seul, sans rien demander à personne. “On n’attendait pas grand-chose de nous. C’était très enfantin, une activité parmi les autres activités proposées au collège.” S’en suit l’époque du lycée et les premiers vrais featurings avec des artistes. “Le hip hop et le rap ça permettait de s’affirmer, surtout devant, les filles.” On l’aura compris, Dioxyne est motivé.
bubble, des highlights, ou des reliefs. Il y a des gamins qui comprennent assez vite le principe des lettres en 3D, les effets de lumière, les dégradés. Ils commencent déjà à faire leur sketchbook”, le fameux carnet de croquis, qu’on se partage pendant la récré.
Esprit subversif
Dans le graffiti aussi la cour de récré joue le rôle de catalyseur. Le graffiteur Oneshoz peut en témoigner, puisqu’il intervient dans les écoles de Mafate, La Possession et Rivière-des-Galets. “Les ateliers consistent en une initiation au street-art et en plus, en dix heures, à développer un projet, discuté avec les professeurs. Je donne mon aval, on réajuste si besoin. C’est souvent la réalisation d’un mur dans l’école ou de contre-plaqués à exposer.” Évidemment, tous les enfants ne sont pas intéressés. Aucun problème, personne ne va les forcer. Mais parmi eux, il y en a toujours deux ou trois qui sont particulièrement motivés. “Ils sont contents que je leur montre comment faire des effets
Ado, il découvre le graff dans les sketchbooks des dalons. “Et ensuite on a fait le DKP”. Pour l’observation des styles et des techniques, il y avait le magazine Radikal. “On n’avait que ça, quatre, cinq pages sur le graffiti, c’était du luxe. Et aussi un vieux bouquin, qu’avait un gars, Ashe du OCB, c’était le Paris Tonkar. Il nous le passait de temps en temps.” Le grimoire, avant l’arrivée d’Internet, était quasiment la seule source d’inspiration pour ces artistes en devenir. C’est d’ailleurs au lycée que Oneshoz a réalisé l’une de ses premières pièces. “De nuit, on est partis poser une belle pièce au lycée de Plateau-Caillou, se souvient-il. On n’a pas vandalisé, pas de tag, mais une jolie petite pièce propre. J’ai largué un de mes premiers persos, un B-Boy.” Et puis la responsable du foyer leur passe commande, preuve que le mouvement prend de l’ampleur. Aujourd’hui, Oneshoz intervient aussi aux Beaux-Arts. Lors du workshop En dehors, il a “formé une dizaine de ninjas” à l’intervention dans la rue, de nuit. Avec entraînement physique le matin, comment se cacher, comment ramper, et des techniques de furtivité. Pas de vandales certes, mais des projets élaborés. N’empêche, avouez, c’est pas mal pour un projet validé par l’institution.
Casquette à l’endroit
Et le style dans tout ça ? Là aussi, c’est une question d’époque. Shany : “Quand on était jeunes, on n’avait pas les moyens de s’acheter un baggy à cent euros, on se prenait un petit bas chinois, rouge ou jaune pour faire bien flashy à l’Américaine. Les gens nous prenaient pour des fous.”
La coupe de JuL Non seulement le style n’est plus le même, mais il est beaucoup plus varié qu’autrefois. “Les gars de la danse hip-hop sont assez discrets, observe Oneshoz. Ils vont être habillés en jogging de foot, par exemple. Pour la Battle of the Year, les gars qui ont gagné, c’étaient vraiment des “gars la kour”, petit bas satellite, T-shirt basique, les gars envoient.” Idem chez les rappeurs, selon Dioxyne, chez qui “on voit émerger des styles différents, il y en a pour tous les goûts. Il n’y a plus de style vestimentaire rap. Je pourrais citer SCH ou des rappeurs aux États-Unis qui ont les cheveux longs et sont habillés en rockeurs, en punks.” Au CM Barber Shop au Chaudron, on nous confirme que le style du moment c’est bas de survêtement et baskets Jordan. Pour la coupe de cheveux, le modèle souvent demandé, c’est le rappeur JuL, “bien dégradé sur le côté, avec un trait, plaqué”. Ça ne s’invente pas.
Aujourd’hui, quand il intervient dans les collèges, il constate : “Les jeunes ont déjà des studios chez eux, ils ont douze, treize ans, et sont déjà acteurs, se voient artistes et stars. Avant même de passer par tout l’apprentissage.” L’envie de s’exprimer est la même, mais les moyens ont changé, l’accès à la technologie étant facilité. Bien sûr, ça ne fait pas tout. “Avant, on était tout ouïe quand une personne qui s’y connaissait nous parlait de rap, des précurseurs, des anciens, ceux qui ont fait le hiphop et le rap. Aujourd’hui, bien qu’Internet leur donne accès au savoir, il y a beaucoup moins de jeunes qui s’intéressent à ceux qui étaient là avant, et pourquoi la musique est comme ça.” Une mission pour cet activiste acharné ? Pourquoi pas. Les occasions ne sont pas rares, avec les nombreux ateliers qu’il anime, autour de l’écriture, la prise de parole en public, ou le manque de confiance en soi. Il peut s’y coller dans son travail d’accompagnement, pour les albums qu’il réalise, avec la triple casquette d’ingénieur du son, coach vocal, et directeur artistique. Et si ça ne suffit pas, vous le retrouverez comme speaker sur les podiums des festivals et autres battles. Motivé, on vous dit.
12 / P O R T R A I T
J E A N - Y V E S M I N AT C H Y
À soixante et onze ans, Jean-Yves Minatchy a consacré plus de la moitié de sa vie à militer pour l’industrie de la canne et les droits des planteurs. Des chevaux de bataille qui étaient déjà ceux de son père.
“Excusez-moi, je suis un peu bavard”, prévientil. Ça tombe bien, à BuzBuz, ce sont ceux qui nous intéressent. Ceux qui, au-delà d’une loquacité avérée, ont mille choses à nous confesser. Des confessions, JeanYves n’en fera finalement que très peu au cours de notre entretien, ne pouvant s’empêcher de revenir à ce qui a rythmé sa vie : la canne. Le planteur le plus célèbre de l’Île naît à Domenjod, en 1947, dans une fratrie de six filles et six garçons. Sa mère, Germaine, se charge de les élever. Son père, André, cultive la canne en tant que colon. “Il est parti de rien et a travaillé dur pour pouvoir s’offrir cinq hectares d’exploitation à Sainte-Marie. J’ai un grand respect pour lui”, souligne-t-il.
Canne de combat
TEXTE : MARIANNE RENOIR
– PHOTO : ROMAIN PHILIPPON
Tenir presque à bout de bras le sort de tous les planteurs de “Je n’ai jamais eu peur”. canne n’est pas de tout repos. Entre cette manifestation au cours de laquelle ça chauffe sévère avec les forces de l’ordre, ou ce jour où il arrache le portail d’un “gros terrien” avec son 4x4 Cette figure paternelle lui transmettra ou encore ce soir où il retrouve un pneu de deux choses. La première, la passion sa voiture trafiqué. Dénoncer, c’est aussi pour la terre. C’est ainsi qu’il décide de déranger : “Je n’ai jamais eu peur. Je sais creuser son propre sillon, après plusieurs où je vais et pourquoi je le fais”, dit-il. Mais années en tant que facteur remplaçant et d’insister : “Sans mes camarades du syndicat, un passage à l’armée. La seconde ne vous je n’y serais jamais arrivé.” surprendra pas : la fibre syndicale. En Sans le soutien de son épouse et de ses plus d’avoir “toujours été un combattant”, cinq enfants non plus. “Quand on se lève Jean-Yves Minatchy grandit auprès d’un à quatre heures du matin, que l’on tient une père qui multiplie les participations aux exploitation, que l’on doit parfois traverser manifestations pour défendre le prix de l’Île pour aider un agriculteur en difficulté, la canne et les droits des planteurs, de que l’on se retrouve avec neuf communes à ces “colons muselés”, payés à l’époque en gérer et que l’on rentre à une heure où les trois fois, le dernier versement n’étant enfants sont déjà couchés, forcément, on ne effectué que l’année suivante. les voit pas. Ils s’en sont très bien sortis... T En 1976, il adhère à la CGPER (Conféous diplômés, je suis fier d’eux.” dération des planteurs et éleveurs de Difficile d’imaginer ce que Jean-Yves La Réunion) et en devient le président Minatchy aurait bien pu exercer d’autre, dix ans plus tard. Le patron ne laissera lui qui a consacré quarante années de sa sa place qu’en 2016. “On commence par vie au syndicat. “Plus jeune, je rêvais d’être parler de toutes les avancées que nous avons avocat, comme l’était le frère de Jean-Paul obtenues ? Il faudrait une demi-journée, ou Virapoullé, Louis. Mais je bégayais trop !”, plus !” plaisante à moitié Jean-Yves s’amuse-t-il. S’il n’est “plus capable de courir Minatchy. Les yeux du septuagénaire partout comme a vant”, Jean-Yves Minatchy s’illuminent lorsqu’il énumère les continue de suivre quelques dossiers combats menés – l’aide au transport, et reste le deuxième vice-président de la l’assurance maladie, le prix de la Chambre d’agriculture. Comme son père, il mélasse, celui de la bagasse à quatorze a su transmettre sa passion à l’une de ses euros la tonne, etc. “Certains n’y croyaient filles, qui reprendra l’exploitation. pas, m’ont traité de menteur.”
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En 2017, 1,5% des voitures neuves vendues en France l’ont été à La Réunion.
Le ratel est le seul mammifère, avec l’être humain, à pouvoir courir en reculant.
La Tyrell P34, qui a participé à deux saisons du championnat du monde de Formule 1, possédait six roues.
Raser un poil ne le fait pas repousser plus vite, ni ne le rend plus épais ou plus foncé.
CU
Dimitri Payet n’a jamais remporté aucun titre en tant que joueur professionnel. Son seul trophée est la Coupe de La Réunion, avec l’Excelsior en 2004.
L
En 1958, l’armée française diffuse une circulaire interne préconisant le port du slip, plutôt que celui du caleçon.
UR
E
G T
Pour faire les malins devant les copains, voici quelques savoirs vérifiés et parfaitement inutiles à sortir entre deux Dodos.
La cathisophobie est la peur de s’asseoir.
Chez les papangues, la femelle est plus grande que le mâle.
L’album de musique le plus vendu en France de tous les temps est D’eux, de Céline Dion, devant Un samedi soir sur la Terre de Francis Cabrel et Thriller de Michael Jackson..
Un pénis de baleine à bosse mesure environ deux mètres.
La morue et le cabillaud sont le même poisson. Durant la saison 1987-1988 de NBA, les Washington Bullets comptaient dans leurs rangs le plus petit joueur de l’histoire du championnat, Muggsy Bogues (1,58 m) et le plus grand, Manute Bol (2,31 m).
La Réunion est le département d’Outre-mer comptant la plus grande moyenne d’habitants par commune (34 524 en 2014).
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BLOUSON PINKO
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T E X T E S : M A R I E R E N N E T E AU, M A R I A N N E L E N O I R , L AU R E N T P E R R I N
– PHOTOS : ROMAIN PHILIPPON
Des
jantes et des hommes 71% des ménages réunionnais ont une voiture. Contrairement aux idées reçues, “L’île aux voitures” est moins bien équipée que la province, où 84% des ménages le sont. Mais La Réunion compte aussi paradoxalement plus de voitures par habitant·e qu’en province : 2,5 véhicules en moyenne contre 1,9 en Métropole. Si les difficultés de se déplacer par d’autres moyens justifient en partie la motorisation locale, entre les Réunionnais et la voiture, c’est aussi une histoire d’amour. Celle avec un grand “A”.
“La voiture est indispensable ici, tout le monde le dit. Ce n’est pas comme dans une grande ville de Métropole, où les transports en commun sont tellement bien développés, que la voiture, on peut s’en passer. (…) Essayez d’aller de La Possession à Saint-Gilles-lesHauts par exemple, vous allez voir ce que ça donne !” plaisante à moitié Christophe Fourgeaud, soixante ans, membre du 4C, le Créole classic car club. Un équipement nécessaire, donc, mais qui demande parfois des sacrifices. Tout le monde n’a pas les moyens de s’offrir un véhicule sans passer par un crédit ou un emprunt. Né peu après l’arrivée de la voiture sur l’Île, le crédit reste un des moyens privilégiés de la classe populaire, profitant de taux d’intérêt bas, 3,9% en moyenne en 2017 contre 7 % en 2011. Résultat : le crédit à la consommation a progressé de 20% en 2017 selon une étude de l’Institut d'émission des départements d’Outre-mer (Iedom) de février 2018. “Et il y a les fausses bonnes offres que font les concessionnaires. Vous remarquerez qu’on n’affiche plus le prix des voitures, on affiche les mensualités,” poursuit Christophe, pour qui le territoire, n’a pas besoin d’autant de voitures neuves. Le parc existant suffirait à pourvoir tous les “besoins”, dans la mesure où les véhicules sont bien entretenus. Mais “les lobbies automobiles ici sont très puissants, ils font tout pour vous faire changer de voiture” et “les organismes de crédit sont complices dans tout ça.”
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Dans le rétro
En roue libre
Un peu de soi Toutes les occasions sont bonnes pour nous convaincre d’acheter un véhicule ou d’en changer. Lors du Grand Raid, événement sportif emblématique de l’Île, les spots et affiches publicitaires abondent en ce sens. Un jeune homme qui court dans la Plainedes-Sables, suivi de très près par une voiture dernier cri. Voici la savante mise en scène. Une ancienne cheffe de pub, Virginie (1), cite le cas d’un client chargé de deux grosses marques automobiles. “Il n’avait même pas de message, pas de slogan. Sa seule exigence était d’avoir le véhicule, les équipements et le prix sur la pub.” Avoir une voiture d’accord, mais pas n’importe laquelle. Plus elle est récente, en bon état, et bien entretenue, plus son propriétaire en est fier et y tient. Car l’état de notre voiture, dans l’imaginaire réunionnais, renvoie à notre état intérieur. Pour Fabien, trente-deux ans, spécialiste du nettoyage auto à Saint-Pierre, “l’image du·de la Réunionnais·e est véhiculée par sa voiture. Souvent, la propreté de la voiture reflète la personne.”
“Même si j’ai une vieille Saxo, je l’entretiens pour me sentir bien… comme dans une maison”, témoigne Émilie, vingt-quatre ans. Et ça va même plus loin. “J’ai vu des gars avec de grosses voitures et de petites maisons, pas trop soignées”, complète Fabien. Samuel Hoareau, technicien informatique, lui, la bichonne, sa voiture. Le Tamponnais de vingt-neuf ans est passionné de tuning. Son œuvre, une “Saxaudi”, une Saxo presque entièrement transformée pour imiter une Audi. Vous ne la croiserez pas sur les routes. La “Saxaudi” réserve ses sorties aux expos et meetings où elle rafle souvent des prix. “On le fait avant tout pour soi mais le regard des autres compte, c’est sûr”, indique le tuneur. Le truc de Kévin Yebo, gérant d’une entreprise de stickers et tuneur, c’est la street, catégorie n’autorisant que de légères modifications. Alors Kévin met le paquet sur la peinture, la sono et la déco, qu’il met des mois à concevoir pour rendre sa 206 unique. C’est important. Et visiblement, ça marche: “Ma voiture ne passe pas inaperçue, elle marque les esprits, se réjouit-il. C’est gratifiant.”
L’évasion, voilà le mot que Samuel associe à l’automobile. Le trentenaire a passé le permis dès la majorité: “Ma mère n’avait pas de voiture, mon père travaillait, c’était nécessaire pour sortir.” Dans son mémoire Le phénomène automobile à La Réunion (1998-1999) : une image du quotidien, Maryse Couchot-Mengin explique que la première voiture représente un événement important : “Elle est associée à l’obtention du permis de conduire, qui est la marque officielle de l’accès au monde des adultes, et aide à la socialisation.” L’étudiante en ethnologie parle même d’un “rite de passage, celui du monde de l’adolescence à celui des adultes. Ce passage est une fête et les parents offrent un cadeau à leurs enfants: leur première voiture.” L’émancipation passe aussi par le travail. Mais pour en décrocher un, la bagnole est souvent exigée, sinon “fortement recommandée” par les employeurs. Émilie, vendeuse en boulangerie, dit avoir dû renoncer à plusieurs offres d’emploi avant de pouvoir acquérir le Saint-Graal de la vie active. La voiture procure aussi un sentiment de sécurité. Quoi de mieux que l’habitacle de son véhicule pour se sentir protégé·e des agressions extérieures ? Ou pour arpenter certaines routes dangereuses, impraticables à pied ? Reste à savoir si ce facteur de sécurité motive les petits déplacements, les trajets locaux ne dépassant pas 8,8 km en moyenne.
Pour Mickael, du garage Couleur Chrome, sa Coccinelle - sa “Cox” comme il aime à dire - ou son combi Volkswagen sont des “véhicules populaires, de vieux machins”. Tous les jours, il roule avec et les préfère aux “véhicules modernes”. Dans les embouteillages, et Dieu sait qu’il y en a, à bord de son joli combi orange, Mickael s’amuse avec les autres automobilistes. “Alors oui, j’ai peut-être perdu une heure dans les embouteillages mais au final, je leur ai filé la banane.” Ses client·e·s possèdent de vieilles motos, de vieilles autos et “c’est rarement purement pour la frime, c’est surtout le plaisir d’avoir un bel objet.” Il y a un sentiment d’appartenance à une communauté, à un mouvement. Entre passionné·e·s, on se retrouve. Emmanuel Payet, quarante ans, président de Passions Peugeot 205 Réunion, a créé une page Facebook pour que les collectionneur·euse·s de Peugeot 205 puissent “s’entraider, échanger, discuter, organiser des sorties, des rassemblements, des pique-niques.” Quel que soit le modèle, quand deux passionné·e·s se croisent sur la route, il se passe quelque chose. Il suffit parfois d’un détail, un petit message sur la voiture, souvent en créole, via des stickers personnalisés. Ou encore le prénom des enfants : entre parents, on se reconnaît aussi. Quant à Alain Joineau, président du fan club PSG 974, son véhicule floqué aux couleurs du club de foot parisien lui sert clairement à “montrer sa fierté du PSG.” Nous étions persuadé·e·s que sa voiture, c’était son “précieux” et qu’il passait des heures dessus. Pas du tout, “c’est juste utilitaire, un bout de tôle pour aller d’un point à un autre. Je dois avoir cette image de celui qui adore sa voiture.” Il faut reconnaître qu’elle accroche le regard. Bleu, blanc, rouge avec la Tour Eiffel, le slogan “Ici c’est Paris”. Alain ne passe jamais inaperçu : les signes de sympathie, c’est tous les jours qu’il en reçoit. Ce ne sont donc pas deux passions qui cohabitent mais bien une seule, et qui prend toute la place.
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Un peu de soi Impossible de parler bagnole sans donner la parole à ceux·elles qui n’en ont pas. Un microcosme équivalent à 21% de la population. Il y a ceux·elles qui n’ont pas le choix, comme Corine, mère au foyer. À vingt-quatre ans, elle s’est offert une 205 Peugeot de 20 000 francs, répondant au doux nom de Caroline. Succéderont à Caroline quelques véhicules d’occasion. Avec pour seul revenu le RSA, la quinquagénaire ne peut aujourd’hui plus s’offrir ce luxe. Quant au crédit, il faut le rembourser. Non merci. Et puis il y a ceux·elles qui se sont volontairement tourné·e·s vers des alternatives. Antoine d’Audigier Empereur, trente-deux ans, en fait partie. Prendre le volant, il a tenté. Six mois. “Je me suis rendu compte que la voiture isolait énormément, alors que j’apprécie le contact humain.” C’est après avoir pris Francis Lalanne en auto-stop et vécu “la panne de trop” qu’il fera ses adieux à sa citadine vieille de seize ans. Antoine se remet à lever le pouce. “Cette liberté dans l’auto-stop, ces échanges avec les autres, c’est grisant”, raconte-t-il. “Et je ne culpabilise plus de me dire qu’un véhicule de quatre tonnes ne serve qu’à transporter un petit boug de soixante-cinq kilos.” Là, c’est la conscience écologique qui parle. Certes, nous ne savons jamais combien de temps nous allons poireauter au bord de la route avant d’être pris·e. Pas tant que ça, assure-t-il.
Alors combien d’années reste-t-il à cet amour inconditionnel du “tout-voiture” ? Nous n’avons pas la réponse. Ce que nous savons en revanche, c’est que l’Île prend à contresens la tendance européenne. Alors que la voiture est de plus en plus boudée sur le continent (2), à La Réunion, c’est une affaire qui roule toujours. Pas moins de 25 300 véhicules se sont écoulés en 2017, un nouveau record depuis dix ans.
En chiffres
66%
des déplacements quotidiens effectués en voiture
80%
des trajets domicile-travail se font en voiture
70%
des automobilistes ne pratiquent jamais le covoiturage
Chez 88%
des ménages possédant une voiture, au moins une personne travaille
Seuls 48%
des ménages où personne ne travaille sont équipés d’un véhicule
1 milliard d’euros
Le chiffre d’affaires réalisé par les concessionnaires en 2017
Sources : Enquête "Déplacement grand territoire" pilotée par le Syndicat mixte des transports // enquête Insee “L’équipement automobile des Réunionnais”, janvier 2018 // étude Iedom sur “La bonne santé du secteur automobile” , 21 février 2018. (1) Prénom d’emprunt - (2) “Pourquoi l’automobile n’est plus le symbole de la réussite sociale”, Huffington Post, 11/01/2017
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TEXTES : MARIE RENNETEAU
– P H O T O S : PA B L O WAY N E
L’eau y coule à seaux
Dans cet espace public aquatique, papas et mamans peuvent laisser leur progéniture s’y amuser, se rafraîchir, jouer, parfois batailler un peu, sinon c’est pas drôle. Une bénédiction pour nombre d’entre eux. Ça crie, ça court, ça rit beaucoup et ce qui est amusant, c’est que certains parents se prennent au jeu. On en a fait les frais, en se faisant bien arroser, par un papa, mort de rire devant notre stupeur. Nous aussi, même si on était vraiment trempés, ça rigole pas ces sortes de lances à incendie, limite on aurait bu la tasse.
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Balade entre Saint-Pierre et Saint-Paul, à la découverte des jeux d’eau. Les marmailles en raffolent, leurs parents aussi.
Pour d’autres, cette attente est longue, très longue. Certains parents s’ennuient terriblement aux abords des structures aquatiques, ils pianotent frénétiquement sur leurs portables, quand ils ne sont pas à deux doigts de piquer du nez. D’autres en profitent pour y échanger, un vrai lieu de sociabilisation. On pourrait y rester des heures, juste à observer tout ce petit monde s’agiter. Un peu comme les parcs d’enfants. Et puis il y a aussi des ados, ou des adultes sans enfant qui viennent juste se poser, prendre le frais, bouquiner, lézarder à l’ombre d’un arbre ou d’une voile. Sans parler de ces jeunes gens, qui peuvent fièrement exposer leurs torses musclés. Plaisir des yeux, joie de voir.
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La rue est à chacun. Skate, longboard, parkour, street workout, street golf : toutes ces pratiques ont en commun de se jouer du mobilier urbain. Alors, comment cohabitent-elles, dans des lieux pas forcément prévus pour ?
TEXTES : LAURENT PERRIN
– I L L U S T R AT I O N : F R E D DY L E C L E R C
LE NEZ DANS LA RUE On a tous vu ces vidéos d’un mec en drapeau sur un poteau en ville. Pour certain·e·s, on a même eu la chance d’en croiser. Envie de se montrer, se mesurer, de jouer les étendards ? Ou simplement, développer sa pratique, avec les moyens du bord. Le street workout, c’est cette discipline qui clairement, est née parce que la salle de muscu, c’est trop cher. “Au départ on s’appropriait des endroits où il y avait des poteaux, des échafaudages, des bancs, on utilisait ce qu’on trouvait pour faire du sport”, se souvient Teddy Nourry, vingt-huit ans, champion de street workout. Des échafaudages, oui, vous avez bien lu. Imaginez les marques sur les mains, la douleur. Sans parler du danger. On comprend donc que les pratiquant·e·s aient demandé à avoir des parcs. “Au début, c’étaient des petites barres, on ne travaillait que la force. Puis on a eu les grandes barres, et on s’est permis de faire du freestyle, ou comme les gymnastes, travailler des mouvements plus dangereux, comme le soleil”, poursuit celui qui ira défendre les couleurs de La Réunion l’été prochain en Russie. Le dernier parc en date, à Champ-Fleuri (Saint-Denis), a été inauguré début novembre. Il est aux normes internationales, pour l’accueil de compétitions mondiales. Mais demandez à Teddy s’il passe tout son temps au parc. “J’ai gardé le côté street, que j’apprends à mon groupe. À la base on n’avait pas ce matos, on utilisait les agrès, le matériel de la rue. J’ai commencé là et c’est ce qui m’a fait le plus évoluer. La motivation, c’était de faire avec ce qu’on avait.” Et d’ajouter : “Dans la rue on respire mieux, on a de l’air.”
27 /
ÉCOLE BUISSONNIÈRE
LE CORPS ET L’IMAGINATION À dix-neuf ans, Thomas Fortes, alias Angelo, a continué à fréquenter les écoles le mercredi et le dimanche après-midi. Non pas en tant qu’enseignant, mais pour pratiquer sa passion, le parkour, “l’art du déplacement”. “À l’époque, je ne savais même pas que ça s’appelait comme ça.” Angelo se forme auprès de pratiquants chevronnés, dont un Yamakasi. La grande classe. Aujourd’hui prof de parkour et de freerun, il a ouvert une école à Saint-Pierre avant de la fermer pour revenir aux sources : l’espace urbain. “J’ai ouvert cette salle pour démocratiser le parkour mais aussi l’enseigner aux jeunes, justifie-t-il. Elle était finalement trop petite pour leur permettre d’évoluer.” Les cours se font donc de nouveau en extérieur, aux yeux de tous. Des spectateur·rice·s souvent impressionné·e·s : le parkour, ça claque. Et si l’on pourrait penser qu’il n’est réservé qu’à des sportif·ive·s aguerri·e·s, gainé·e·s comme jamais, que nenni. “Les seules limites selon moi, ce sont le corps et l’imagination, indique Angelo. Pour ça, il faut bien se connaître, savoir si on est La danse hip-hop aussi a le nez dans la rue. Les frères Tic & Tac, capable de sauter ou pas.” Il ne le cache deux breakeurs réunionnais, se sont taillé une réputation sur les pas : le parkour n’est pas sans risque. “Je scènes de l’Île, et en dehors. Pour eux, la pratique a ses racines me suis déjà dit que j’étais un grand malade dans la street, et l’évolution vers des lieux professionnels ne doit en sautant de tel ou tel toit. Mais c’est aussi pas le faire oublier. “On a commencé à danser dans le chemin”, se ça, le dépassement de soi.” Et surtout, rappelle Ulrich, l’un des jumeaux. Après l’étape des battles, des surtout, “un prétexte pour partager un premiers shows, ils en sont à celle des spectacles en création. Et moment avec des potes.” ne délaisseraient la rue pour rien au monde. “Pour moi un danseur hip-hop est tout-terrain, il doit pouvoir danser partout. Même, sur deux ou trois mètres carrés, sur un plancher, on doit toujours s’adapter. Le danseur s’approprie l’endroit où il danse.” Sur la cohabitation interdisciplines, il reste fair-play. “Ce n’est pas un problème. On a assez de place pour pratiquer. Si quelqu’un a besoin de l’emplacement, on discute. On n’arrive jamais en terrain conquis.”
FAIR PLAY
Les skateur·euse·s aussi partagent leur espace. Avec des disciplines comme le BMX ou la trottinette, et avec le quidam. “Au départ, on était considérés comme marginaux, aujourd’hui c’est beaucoup plus accepté. Les parents sont ouverts à ce que leurs enfants pratiquent ces disciplines”, explique Marc Tranchard, skateur et président de l’association Wax. Au point parfois de lâcher les bambins comme sur une aire de jeux ? “Dans un skate park, c’est une question de niveau, confirme Marc. La gestion de l’espace se fait bien entre ceux qui pratiquent depuis un certain nombre d’années, et mal entre ceux qui ne pratiquent jamais.” Pour remédier à ça, l’asso propose des créneaux débutant·e·s, et l’équilibre est sauf. Mais pour les puristes, rien ne vaut la rue. L’Île a cette particularité d’un fort relief, qui se ressent dans l’architecture des villes. “Ce qu’on recherche avant tout c’est du mobilier à plat, avec une surface roulante agréable, et du mobilier urbain en descente, des marches, des murets, des rails (rampes d’escaliers, NdBB).” Avec une préférence pour les établissement scolaires où les riders de l’Île se rejoignent le week-end. Ils y trouvent le terrain de jeu idéal pour leur pratique. Mais chut, ne le dites pas à leur mère...
“LA LIBERTÉ TOTALE” Classé·e·s dans la catégorie des piéton·ne·s, les longboardeur·euse·s sont tenu·e·s de respecter certaines règles de circulation : sur les trottoirs ou les accotements s’ils ne dépassent pas les trente kilomètres à l’heure. Des règles a priori absurdes quand on connaît ce sport. Le longboard, ce sont des figures, mais aussi de la descente, du freeride, et l’adrénaline de filer sur des routes sinueuses. “En moyenne, on descend à une vitesse comprise entre trente et cinquante kilomètres à l’heure”, expliquent les adhérent·e·s du Bourbon Longskate. Alors, il a fallu trouver des solutions. L’association, née il y a quatre ans, a pris les devants pour expliquer la discipline, la faire accepter. “Dans certains départements de Métropole, le longboard est interdit. On a la chance à La Réunion que ce ne soit pas le cas”, se réjouit Julien, ancien président de l’asso. L’adrénaline, d’accord, mais la sécurité grand mec enchaîner les pompes, de se avant tout. Une voiture ouvreuse joindre à lui. Touche-à-tout, Michaël précède les pratiquants deux-cents à s’est mis au trike bike (sorte de vélo à trois cinq-cents mètres devant. Genouillères, roues permettant le drift, ou “dérapage”). coudières, gants, casque intégral et Zieutez donc des vidéos si vous ne dorsale sont de rigueur. L’asso s’offre connaissez pas. “Là, on fait super gaffe. On même le luxe d’une portion de route rien fait d’abord des repérages à pied. On choisit que pour elle, le dimanche, vers Troisdes coulées vertes, comme près de la fac, des Bassins. De 14h30 au coucher du soleil, rues abandonnées ou des pistes cyclables les rotations s’enchaînent. “C’est là qu’on en pente peu fréquentées. Dans tous les cas, s’amuse le plus. On jouit d’une liberté totale !” mon pote passe devant pour libérer la route.” S’il continue de prendre son pied dans l’espace urbain, ce téméraire s’est assagi. Le roller en pleine ville, plus jamais. “Une fois, mes roues ont fondu et j’ai failli atterrir contre le pare-choc d’un bus. Quant à se faire tirer par une voiture, j’ai aussi arrêté. À chaque fois, les flics ont débarqué !”
POMPES SUR LES TOITS ET TRIKE BIKE Sur les sentiers, en centre-ville, à la Cité des Arts ou sur les toits : lorsque Michaël Thazard, photographe, a une envie de faire des pompes, la quête du spot idéal ne dure pas longtemps. Il a généralement fait un repérage au préalable, lors d’une de ses explorations. “Je voulais allier cette passion à mon envie de changer mon corps et améliorer ma santé”, sans passer par la salle de sport. En extérieur, c’est simple : aucun équipement n’est nécessaire. Pourquoi les pompes ? “Parce qu’il s’agit d’un exercice complet et pas trop difficile, que l’on voit vite le résultat de ses efforts.” Le Dionysien filme ses séances et les partage sur YouTube, notamment pour motiver son audience. Parfois, il propose aux passant·e·s, surpris·e·s de voir ce
Bienvenue au club
De la mode au code de la route…
Petite dernière des activités nées dans la rue, le street golf commence à se faire bien voir chez nous. Pierrick Pignolet a découvert ce sport à une époque où “c’était difficile pour [lui] d’aller régulièrement sur le green, d’acheter les clubs.” Il se dit qu’il y a quelque chose à faire. Et lance en 2017 un club sur Saint-Denis, le Bourbon club street golf, puis un second fin 2018 à La Possession baptisé PSG, Possession street golf. Le principe est simple : c’est une version adaptée à la ville, plus souple que le golf traditionnel – il n’y a pas l’étiquette – avec une balle bien plus légère, et un fort accent sur la convivialité. “La troisième mi-temps est aussi importante que le jeu”, confirme Pierrick, qui vous invite à venir essayer.
Les skates et autres trottinettes sont apparus dans la rue par le biais d’un usage ludique. Mais désormais, elles ont évolué vers une utilisation pratique, grâce à l’apparition des batteries intégrées : ce n’est plus seulement un amusement, mais désormais un moyen de se déplacer du point A au point B. Maintenant, donc, que ces nouveaux moyens de transport sont de plus en plus présents sur l’espace public, il faut leur trouver une place : la ministre des Transports, Élisabeth Borne, a annoncé très récemment qu’une nouvelle catégorie d’engins allait donc faire son apparition au code de la route, avec de nouvelles règles de priorité, notamment.
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Petites
HISTOIRES 1/ Julien a dix-neuf ans et Shadey en a dix-huit. Ils sortent ensemble depuis à peine une semaine. Lui est en plein CAP boucherie, elle s’apprête à s’engager dans l’armée, “Surtout pour être sûre d’avoir une retraite.” Apparemment, ses professeurs lui ont fait peur pour son avenir. Alors que Julien ne s’inquiète de rien, il préfère vivre “le jour le jour”. Comment feront-ils pour entretenir une relation à distance, alors ? “On verra bien”, répondent-ils ensemble, avant de s’embrasser.
R E C C U E I L L I E T P H O T O G R A P H I É PA R R O M A I N P H I L I P P O N
2/ Denis a vingt ans. Il est en train de manger un hamburger sur le pouce, pendant que son collègue commande la même chose derrière lui. Il débute une carrière en tant que pisciniste. Pour l’instant, la vie lui plait bien ainsi. De toute façon, pour sa génération, “essayer de changer les choses, c’est peine perdue.” 3/ David a vingt et un ans. Il est en train de faire une pause (un coca et un feuilleté) au milieu de sa course à vélo de 80 km. Il pédale surtout pour la santé, mais aussi “pour se libérer de la vie” : “C’est pas simple tous les jours, je travaille à droite et à gauche.” Mais il s’en sort mieux que certain·e·s de ses camarades, dont “certains ont pris de mauvais chemins”.
4/ Loïc a vingt et un ans. Après trois à vivre en Métropole, en région parisienne, il a décidé de “revenir à la source”, sur son île. Malgré la galère de la recherche d’emploi, il est content d’être revenu, et d’avoir quitté “la campagne” métropolitaine. Ici, au moins, il y a le soleil, la plage mais surtout, la famille. 5/ Cela fait vint et un ans qu’Edwige peint sur le même bout de trottoir. Une “pionnière” du street art en quelque sorte, explique-t-elle en souriant. Elle peint La Réunion et son patrimoine, “avec ses défauts”. C’est selon elle ce qui fait le charme de cette île : ses défauts.
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L’A B U S D ’A L C O O L E S T D A N G E R E U X P O U R L A S A N T É . À C O N S O M M E R AV E C M O D É R AT I O N .
30 / I N T E R V I E W
Combien de risques naturels sont présents à La Réunion ? “Ils sont tous présents (cyclone, éruption volcanique, mouvement de terrain, inondation, feu de forêt, houle et marée, séisme, NdBB), excepté le risque d’avalanche. Lesquels sont les plus réguliers ou importants ? Les mouvements de terrain et les inondations sont ceux qui surviennent assez fréquemment en saison cyclonique. Nous travaillons notamment sur le suivi d’un mouvement de terrain de grande ampleur à Salazie. La partie littorale est, elle, davantage concernée par l’érosion côtière ainsi que par la submersion marine lors d’événements assez forts, des cyclones ou de la houle australe. Ces deux dernières problématiques sont liées : si la terre disparaît, forcément, la mer a tendance à aller plus loin dans les terres. Quels sont les facteurs d’érosion côtière ? Tout dépend des secteurs. Plusieurs phénomènes peuvent en être à l’origine, parmi lesquels l’apport de sédiments des rivières sur le littoral non protégé par des récifs coralliens, même s’il est difficilement quantifiable d’évaluer l’évolution de ces apports au cours du temps. Sur les plages coralliennes, la dégradation des coraux va à la fois influer sur leur rôle protecteur face à la houle mais également sur la production de sable. Ensuite, l’un des facteurs majeurs est, selon moi, l’urbanisation. Nous avons construit trop près du littoral, ce qui réduit son espace de mobilité et sa capacité à se protéger vis-à-vis des assauts de la mer. De ce fait, l’urbanisation a tendance à accélérer ce phénomène d’érosion. Nous le voyons aux Roches-Noires ou encore à Saint-Pierre où, sur les secteurs urbanisés les plus avancés en mer, la plage a totalement disparu alors que de part et d’autre, il y encore du sable. Cela montre bien que cette avancée vers la mer favorise le phénomène d’érosion. Ce phénomène s’est-il accéléré ces dernières années ? La situation n’est pas la même partout. Par contre, nous observons que les zones naturelles sont moins touchées que les zones urbanisées. Pour reprendre l’exemple des Roches-Noires, depuis 2010, il y a plus d’interventions à faire en termes d’aménagement et de sécurité de plage qu’auparavant.
R E C C U E I L L I PA R M A R I A N N E L E N O I R E T I L L U S T R É PA R L N
RISQUES NATURELS :
À QUOI DEVONS-NOUS NOUS ATTENDRE ? Quatre zones de l'Île seront-elles réellement submergées d'ici à 2100 ? Quel est le risque naturel majeur à La Réunion ? Peut-on anticiper ces phénomènes ? Rémi Belon, ingénieur et chef de projet littoral au Bureau de recherches géologiques et minières nous répond.
Le mur a été détruit il y a une dizaine d’années, nécessitant plusieurs enrochements pour protéger le haut de plage. En revanche, à Trois-Bassins, la côte n’a quasiment pas bougé depuis les années 1950-1960. Comment étudiez-vous cette évolution ? Dans le cadre du Plan de prévention des risques, nous observons comment évolue le littoral depuis les années 1950-1960, nous étudions les traits de côte et recueillons des données. Dans le cadre du projet Obscot, nous réalisons, sur une vingtaine de sites autour de La Réunion, des relevés tous les ans d’un certain nombre d’indicateurs. Les traits de côte mais aussi les profils topo-bathymétriques pour voir si la morphologie de la plage a été modifiée, les fonds marins, etc. Anticiper reste la principale difficulté. Météo France est actuellement capable de donner des valeurs qui sont assez proches de la réalité en termes de prévision de houle, mais il est encore difficile de prévoir son impact en raison de la complexité des phénomènes et du fait que la plage est en perpétuelle évolution. Difficile, donc, de prédire un tsunami aussi intense que celui qui a touché l’Indonésie à La Réunion ?
Les probabilités de tsunamis à La Réunion sont très faibles. Ils représentent un phénomène en marge par rapport à tous les autres. Nous avons tout intérêt à mieux gérer les cyclones, qui surviennent chaque année, les anticiper et mieux prévoir leurs conséquences. Pourquoi êtes-vous, en revanche, capables de prévoir des phénomènes de submersion dans quatre zones de l’Île ? Les secteurs annoncés (le quartier de Bel-Air à Saint-Louis, le centre-ville de Sainte-Suzanne, le littoral de Saint-Benoît et celui de Saint-Paul, NdBB) sont ceux qui sont déjà les plus vulnérables à ces problématiques de submersion ; il y a donc de fortes chances qu’ils le soient plus d’ici à 2100. Cependant, Saint-Louis n’en faisait pas partie avant d’être confronté à ces problématiques depuis l’hiver austral 2017. C’est actuellement le secteur le plus touché, ce qui montre aussi que cela peut changer en fonction des phénomènes et de leur fréquence. Par ailleurs, nous pouvons penser que des secteurs tels que l’Hermitage seront davantage touchés à l’avenir, à cause du réchauffement climatique qui risque d’entraîner une hausse du niveau de la mer et une dégradation de la barrière de corail.
Si la mer est plus haute et que les coraux ne peuvent plus jouer leur rôle de protection face à la houle, le phénomène de submersion marine risque d’être plus important à l’avenir sur ces secteurs. La solution est-elle la relocalisation ? La meilleure solution serait de redonner leur aspect naturel aux choses. Le littoral, les embouchures, sont en perpétuel mouvement, et ces mouvements peuvent être amples. On se souvient de Gamède dans la baie de Saint-Paul, où il y a eu un retrait de dix mètres sur le haut de plage. Si des enjeux, comme des habitats, s’y trouvent, ils seront directement touchés. S’il y a de la place pour ces mouvements, il sera possible de les protéger et aider, de manière anthropique, la reconstruction de la zone. Il n’y a pas de solution miracle, il faut juste penser, anticiper et mettre en place une manière de rattraper les erreurs du passé et le faire en bonne intelligence, sans léser tout le monde. Mais il faudra aussi prendre conscience qu’il n’est plus possible de vivre les pieds dans l’eau et repenser ainsi notre urbanisation le long du littoral. Vos recommandations sont-elles prises en compte ? Certains messages ont du mal à passer et la notion de risque littoral est la plupart du temps sous-estimée car elle ne s’observe qu’en cas d’événement extrême. Il existe encore des fausses idées sur les moyens de protection et notamment sur les protections dites "lourdes" (épis, enrochements, murs…). Si ces protections sont parfois le seul rempart à la disparition des enjeux présents en arrière, ces aménagements aggravent le phénomène et entraînent la plupart du temps des impacts de part et d’autres de l’ouvrage. Ces méthodes ne permettent que de gagner du temps mais sans une réflexion plus globale du devenir du littoral, le phénomène ne s’arrêtera pas. Vis-à-vis des risques, la commune de Saint-Louis est pour moi un bel exemple. Lors de la procédure d’élaboration du Plan de prévention des risques littoraux qui a été approuvé en juillet 2017, la plupart des personnes trouvaient que les aléas étaient largement surestimés, et de ce fait non réalistes. Et ce jusqu’au moment des houles australes du 23 juillet 2017, où des maisons du front de mer ont été inondées, ce qui a amené la population et la commune à prendre conscience du phénomène.”
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION