MAG AZINE G RAT UIT RÉUNIONNAIS - #29 - FÉVRIE R /M A R S 2016
LOUIS VENDEUR À LA CRIÉE LE GESTE QU’IL FAUT UNE CITÉ DE BÉTON ET D’AIR FRANCE-CHINE 2010 LE DÉBUT DE LA FIN
ATTENDRE ET VAINCRE L’ENNUI
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0262 411 471
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ÉDITO
L’ORTHOGRAPHE, NOUVELLE PASSION Cela fait des années qu’on reçoit des courriels, des textos, qu’on lit des journaux, écrits avec les pieds et bourrés de fautes, et voilà-t-y pas que lorsqu’est appliquée une proposition vieille de vingt-cinq ans, visant à simplifier l’apprentissage de l’orthographe, ça beugle au scandale. Avant toute chose, rappelons que personne n’a rien compris à cette histoire de “réforme de l’orthographe” : il s’agit en fait d’une proposition de l’Académie française datant de 1990, visant seulement quelques particularismes. En 2008, ces nouvelles règles devenaient officiellement “l’orthographe de référence”. Et en 2016, les manuels scolaires ont choisi de les appliquer. Sans que ces nouvelles manières d’écrire ne soient obligatoires : il est encore autorisé d’écrire oignon, porte-monnaie, a priori, de conserver tous les accents circonflexes qu’on veut… Pour résumer : cette soi-disant réforme ne change rien. Elle autorise des formes orthographiques plus logiques. Autorise. À notre grand étonnement, pourtant, l’orthographe est venue occuper les discussions de monsieur tout-le-monde. Ce même monsieur s’indignant du “nivellement par le bas”, de “régression”, de ces “élèves toujours plus nuls”. On pourra les entendre, ces arguments, lorsque monsieur tout-le-monde saura différencier un infinitif d’un participe passé. En attendant, qu’il ne nous fasse pas croire qu’il s’intéresse à l’orthographe : vu ce que nous lisons chaque jour, tout porte à croire qu’il s’en fout. LA R ÉDACT I ON DE BUZ B U Z
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Modèle : Yann Photo : Romain Philippon
BuzBuz Magazine Ludovic Benard Tél. 0692 13 60 08 contact@buzbuz.re
BUZBUZ MAGAZINE Bimestriel N° 29 Février - mars 2016
DIRECTION DE LA PUBLICATION Pascal Peloux
RÉDACTION EN CHEF Loïc Chaux
Anne et Pierre Chans, Virginie Tressens, Marianne Lenoir, Livy, Loïc Chaux
SARL au capital de 8250 euros 1, rue Claude Monet - Apt n°5 97490 Sainte-Clotilde 0692 55 99 98 contact@buzbuz.re
DIRECTION ARTISTIQUE GRAPHISME
www.buzbuz.re
RÉDACTION
Pascal Peloux
PHOTOGRAPHIE Gwael Desbont, Morgan Fache, Romain Philippon Nicolas Anglade
IMPRESSION Graphica
ISSN 2114-4923 Dépôt Légal : 6135 Toute reproduction même partielle est interdite.
VOUS SOUHAITEZ FAIRE CONNAÎTRE UNE BONNE ADRESSE, UN BON PLAN, UNE NOUVEAUTÉ. N’HÉSITEZ PAS À NOUS ENVOYER UN COURRIEL À L’ADRESSE SUIVANTE : CONTACT@BUZBUZ.RE
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LE NEZ DE H O RS TEXTES MARIANNE RENOIR, LIVY PHOTOS GWAEL DESBONT
OBJECTIF “ZÉRO DÉCHET” Qu’y a-t-il de plus barbant que d’aller faire ses courses au supermarché ? Les ranger. Ôter l’emballage d’un paquet de yaourts avant de le mettre au frigo, retirer le film plastique autour du pot de moutarde et les citrons de la poche, etc. Vérifier que chaque emballage est bien recyclable pour le jeter dans la poubelle adéquate. Du coup, on est allés faire un tour du côté de la nouvelle épicerie de vente en vrac. Comment ça marche ? On amène ses propres contenants, on se sert aux fontaines et dans les bocaux et on pèse le tout. Chouette, on n’aura pas à sortir la poubelle tout de suite. Et on prend juste ce dont on a besoin. WAKE UP, RUE BOYER-DE-LA-GIRAUDAY, SAINTE-CLOTILDE. OUVERTURE : LE LUNDI, 14H-19H ; DU MARDI AU SAMEDI, 9H-19H. TÉL. : 0692 73 17 94.
SUR PRESCRIPTION DU MIXOLOGUE On y vient pour se délecter d’un bon vieux whisky américain, japonais ou russe de la gamme “réserve”, ou pour découvrir l’une des nombreuses “signatures” de Tristan Petit. Au paradis de la mixologie, celui qui a défendu La Réunion et l’océan Indien à la finale du World Class en 2015 sublime les plus nobles spiritueux. Dans un cadre rappelant le New-York des années vingt, confortablement installés dans l’un des canapés en cuir et un verre de Old Fashioned à la main, on finit rapidement par se croire dans une scène de Boardwalk Empire.
SOUS LES TROPIQUES EXACTEMENT… Dès votre arrivée au Dina Morgabine, vous tomberez sous le charme des lieux… Les toiles avec ses flamants roses, les portraits de Créoles, les meubles indiens et chinois rivalisent de couleurs chatoyantes. Les chambres sont simples et on s’y sent à l’aise de suite, tout comme dans le restaurant où vous pourrez profiter d’un copieux petit déjeuner, d’un casse-croûte élaboré le midi et d’une carte plus sophistiquée le soir sous la houlette du chef Pascal Michel. Le bassin de 25 mètres satisfera les nageurs, et un spa le fera pour les moins sportifs. Le petit plus, c’est que Véronique et son compagnon ont travaillé avec des artisans et entreprises de La Réunion. DINA MORGABINE, 80 BIS RUE DES ENGAGÉS, LA SALINE-LES-BAINS. TÉL. : 0262 61 88 88.
APOTEEK, 18 RUE RONTAUNAY, SAINT-DENIS. OUVERTURE : DU MARDI AU SAMEDI, 10H-00H30. TÉL. : 0262 20 19 19.
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Jeep® nouveau Cherokee longitude 2.0 CRD 170CH. Conso mixte : 5,8 L/100KM émissions de CO2 : 154 G/KM
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LE NEZ DE H O RS
TU TIRES OU TU TRINQUES? Les habitués du Barachois l’ont sans doute remarqué. Depuis un an, il y a comme du changement - beaucoup, même - à la rondavelle jouxtant le boulodrome. Le café-bar s’est progressivement mué en une brasserie qui entend apporter un nouveau souffle sur le front de mer. Comment ? En proposant des soirées à thèmes, du karaoké, des concerts le dimanche et des soirées de boulistes. Les proprios ont d’ailleurs récemment créé un nouveau club de pétanque. L’endroit idéal pour remettre d’aplomb les vaincus contraints d’embrasser Fanny ou tout simplement siroter un cocktail face au coucher du soleil. LE DÉTOUR, BOULODROME DU BARACHOIS, SAINT-DENIS. OUVERTURE : DU LUNDI AU DIMANCHE, 8H-23H (VOIRE 00H).
LA SAVATE DEUX DOIGTS, ÇA ISOLE ÉCHOS ÉLECTRO “J’ai envie d’organiser une soirée chiadée mais je n’ai pas assez de place dans mon 30 m². Que faire?” On a peut-être trouvé la solution, à quelques mètres seulement de la ravine du Chaudron. Un restaurant proposant une carte à l’ardoise le midi, mais qui accueille surtout toutes sortes d’événements comme des anniversaires, des mariages, des soirées privées, des repas d’affaires, des concerts de jazz, de maloya… Le collectif de musique électro des Clandestines, devenu presque orphelin depuis la fermeture des Récréateurs et des Potirons, en a fait son nouveau refuge. CÔTÉ RAVINE, 19 RUE DE LA GUADELOUPE, SAINTE-CLOTILDE. OUVERTURE : DU LUNDI AU VENDREDI, 11H-14H ; LES SAMEDI ET DIMANCHE SUR RÉSERVATION. TÉL. : 0262 21 80 82.
C’est un gîte qui n’a rien de récent. Mais quand BuzBuz y est passé, il s’est juré d’en parler un jour. Les murs extérieurs sont recouverts de savates ; de vieilles godasses de rando font office de pots de fleurs. Dedans, une bibliothèque de BD toute en bois avoisine les pièces aux noms de rues et la salle à manger ressemblant à un musée d’objets lontan. Le patron, le pince-sans-rire Pilou, fait des repas hyper originaux (pas de caris !) à base de produits locaux et rince le tout avec de sacrés rhums arrangés venant baigner son fameux gâteau tout bleu. Pour qu’on choisisse de vous parler d’un endroit qui ne vient pas d’ouvrir, c’est vraiment que ça vaut le coup. LA MARMITE LONTAN, 200 ROUTE DU VOLCAN (LA DERNIÈRE MAISON SUR LA ROUTE), LE TAMPON. TÉL. : 0692 60 51 38.
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BOUCAN CANOT, LE RETOUR
Mi-décembre 2015, les premiers filets anti-requins ont été posés à Boucan Canot, suivis par ceux des Roches Noires. Depuis, la plage est noire de monde. Nous sommes allés faire un tour et force est de constater qu’en ce dimanche, il est difficile de se trouver un petit bout de plage tranquille. Et ce ne sont pas les restaurateurs de l’esplanade qui vont se plaindre ! Et c’est donc tout à fait normal de croiser des surfeurs, bronzeurs, dragueurs… Allez y faire un tour, et retrouvez le Boucan d’avant… sans les voitures, en plus. PLAGE DE BOUCAN-CANOT, SAINT-PAUL. OUVERTURE : TOUT LE TEMPS.
RECONVERSION
Il en a vécues, des vies, ce lieu. Plus de six ans auparavant, ce n’était encore qu’un poulailler abandonné, un terrain non constructible. Il a ensuite brièvement servi à y entreposer des voitures de rallye. Aujourd’hui, l’établissement à flanc d’un champ de letchis est devenu un restaurant traditionnel créole de quarante à soixante couverts et une salle de réception qui accueille une fois par mois un déjeuner dansant. Il paraît que les gramounes adorent se dépenser sur la piste de danse et que rien ne peut les arrêter. À part peut-être le porc aux letchis fait maison. LA CABANE AUX ÉPICES, 22 CHEMIN MAINGARD, SAINT-BENOÎT. OUVERTURE : DU LUNDI AU SAMEDI, 11H-14H ; SALLE DE RÉCEPTION LE MIDI ET LE SOIR SUR RÉSERVATION. TÉL. : 0692 86 63 90.
132D JULIETTE DODU SAINT DENIS FACEBOOK : SO BOUTIQUE
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IL Y A LE CIEL, LE SOLEIL ET LA MER… …et le Battant des lames, qui vient d’ouvrir sur le front de mer de Saint-Pierre. Pour vous accueillir : trente chambres - dont deux suites. Facile de s’y sentir à l’aise, au bord de la piscine à débordement ou de son bar extérieur, à quelques mètres de la plage, et pourtant si près du centre-ville. Le restaurant de l’hôtel ouvert également au public offre une très belle carte de poissons et une cuisine “bistrot”, accessible aussi en profitant de l’offre à la journée, permettant de traîner au bord du bassin… Bientôt, une salle de sport et de détente viendra compléter la panoplie d’un bien bel hôtel. LE BATTANT DES LAMES, 117 BOULEVARD HUBERT-DELISLE, SAINT-PIERRE. TÉL. : 0262 61 61 61.
POUR LES FANS, ET LES AUTRES MODE GIGOGNE C’est l’histoire d’un dépôt-vente qui en cache un autre... La matriochka sudiste de la mode féminine a donné naissance à un deuxième local à Saint-Denis. Le principe reste invariable. Il suffit de prendre rendez-vous pour déposer ses vêtements et accessoires haut de gamme. La vendeuse effectue un tri et vérifie leur état en présence de la cliente. Celle-ci empoche 45% du prix de vente ou récupère ses invendus. Pour celles qui n’auraient pas encore saisi, ce nouveau dépôt-vente signifie surtout qu’on a désormais deux fois plus d’occasions de renouveler sa garde-robe. LES POUPÉES RUSSES, 1 RUE CHARLES-GOUNOD, SAINT-DENIS. OUVERTURE : DU MARDI AU SAMEDI, 10H30-17H. TÉL. : 0693 13 20 02.
Bienvenue dans cette galerie-boutique : l’Usine à Gouzou. Ici, vous allez pouvoir retrouver des œuvres originales de Jace : des peintures, mais aussi des objets dérivés comme les classiques t-shirts, cartes postales, mais aussi du ruban adhésif et des bouquins. C’est aussi un lieu pour venir voir des œuvres et discuter d’art, rencontrer Jace le temps d’une dédicace ou d’une expo et découvrir d’autres facettes de son travail. L’USINE À GOUZOU, 170 RUE MARIUS-ET-ARY-LEBLOND, SAINT-PIERRE. OUVERTURE : DU MARDI AU SAMEDI, 10H-13H // 14H-18H. TÉL. : 0262 34 78 80.
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ART, C ULT URE URBA I N E E T M ULT I M ED I A TEXTES LIVY, PIERRE ET ANNE CHANS PHOTOS GWAEL DESBONT
CITÉ MUSÉE MANUELLE PELLISSIER N’EST PAS UNE SPÉCIALISTE DU STREET ART. ELLE A POURTANT RÉUSSI, AVEC LE VILLAGE TITAN, À CRÉER LE PREMIER MUSÉE À CIEL OUVERT QUI Y EST CONSACRÉ.
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epuis que le street art se vend et rentre dans les galeries, la question se pose : comment l’exposer ? Bien sûr, il a fait son apparition sur toiles ; les magazines spécialisés ont depuis longtemps montré les productions dans leur milieu “naturel”, la rue. Mais aucune de ces solutions n’a jamais vraiment convaincu. Donc, après l’avoir sorti de la rue, certains acteurs du milieu ont tenté de ramener le street art vers son origine. Le M.U.R., acronyme pour “Modulable, urbain et réactif”, propose depuis 2003 dans le XIe arrondissement de Paris à des artistes de s’emparer d’un ancien espace publicitaire pendant deux mois, le caractère éphémère de l’œuvre rappelant celui du graffiti. En octobre 2013, cent huit artistes investissent une tour vouée à la démolition dans le XIIIe arrondissement. En 2014, la même galerie investit le village d’Erriadh à Djerba, en Tunisie ; le projet se présente comme “une expérimentation du musée idéal pour le street art.” La Réunion ne pouvait rester trop éloignée du concept : elle-même a vu nombre d’artistes se développer, certains rejoignant les galeries ; ne manquait plus qu’un musée à ciel ouvert. Grâce à l’association du Village Titan, c’est chose faite. Gorg One a posé la première pierre du futur musée dans le quartier portois de la Rose des Vents, début 2015, avec un cerf coloré tenant un cœur humain. Par la même, il instaure un lien avec les habitants du quartier, autre fil rouge de la démarche du Village Titan. En fin d’année,
l’expérience prend une ampleur toute nouvelle : pour la première fois sur d’immenses façades, plusieurs street artists interviennent en même temps. Manuelle Pellissier, membre de l’association à l’origine du projet, a donc réussi à réunir Gorg One, Jace, Méo et l’invité métro Seth Malland. D’autres plasticiens se sont aussi greffés sur le projet. Résultat ? L’ambiance du quartier en est complètement modifiée. Les habitants, dont certains se sont fortement mobilisés pour la logistique, ont tout de suite adhéré au projet. Certains ont même déjà proposé d’autres murs à recouvrir. D’autres y ont trouvé la motivation pour peindre aussi l’aire de jeu… et donner ainsi au passant l’envie de s’arrêter admirer des immeubles.
ET GEORGESBRASSENS BALANCE DU ROCK
Il y a cinq ans, pas grand-chose ne distinguait la radio du lycée Georges-Brassens à Saint-Denis des autres. Mais ça, c’était avant que David “Fly” ne s’en empare pour donner à Radio LGB une vraie teinte rock’n roll. Engagé par le lycée en tant qu’assistant d’éducation, son travail consiste en fait à s’occuper entièrement de la radio, à laquelle les lycéens participent. Il faut dire qu’il y avait un créneau à prendre : on entendait bien peu de rock et ses dérivés sur nos ondes. La démarche n’est pas commerciale : si David a choisi ce genre, c’est surtout pour diffuser ce qui lui plait. Radio LGB, c’est lui : programmation, antenne, technique, il fait tout, aidé par une quinzaine d’élèves qui changent au fil des passages du bac… À noter que le Bénédictin d’origine coorganise aussi la Nuit de Kal au Palaxa, et espère développer les fréquences de Radio LGB dans toute l’Île, histoire de promouvoir encore plus de groupes locaux et métros inconnus des radios généralistes… En attendant, les Dionysiens peuvent mettre la radio sur 91.9, les autres l’écouter via le web.
SUR LA TOILE...
GERSHWIN STRAVINSKY BERNSTEIN WEILL COPLAND PAR L'ORCHESTRE DE LA RÉGION RÉUNION SOLISTES
ROMAIN FONDER PIANO
OLIVIER DROUADAINE CLARINETTE
SOUS LA DIRECTION DE
LAURENT GOOSSAERT MERCREDI 23 MARS // 20 H AU THÉÂTRE LUC DONAT, AU TAMPON
VENDREDI 25 MARS // 20H À LA SALLE GRAMOUN LÉLÉ, À SAINT-BENOÎT
SAMEDI 26 MARS // 18H
AIDER AVEC SON TÉLÉPHONE Share The Meal est une appli qui permet de faire un don de quarante centimes, par carte ou par virement, par un simple clic. Son but, venir en aide aux enfants souffrant de malnutrition.C’est un jeune autrichien, ancien de la Fondation Bill Clinton, qui en a eu l’idée, partant du principe qu’il y a vingt fois plus d’utilisateurs de smartphones que d’enfants souffrant de la faim. Cette appli est en lien avec le Programme alimentaire mondial des Nations unies, qui fournit les repas.
LES AVENTURES DE TITO, MARTY ET ROCKET Lancé par l’IRT il y a peu de temps, Run Island est un jeu à télécharger sur les tablettes et téléphones. Il s’agit d’un jeu d’aventures se jouant à La Réunion, où l’on combat des ennemis, déjoue des pièges et débloque des niveaux. Le tout en déplaçant Tito le dodo sur la terre, Marty le dauphin dans les mers et Rocket le paille-en-queue dans les airs. Un jeu qui n’est pas seulement fait pour les touristes.
À LA SALLE PIERRE ROSELLI, AU MUSÉE STELLA MATUTINA À SAINT-LEU
ENTRÉE AU TARIF UNIQUE DE 10€ Billetterie au 0892 707 974 ou sur www.monticket.re Suivez l'actu du CRR sur www.conservatoire.regionreunion.com
NE MANQUEZ PAS BIENTÔT ! Les 4 Saisons de Vivaldi avec Gilles Apap du 14 au 17 avril 2016 billetterie sur www.monticket.re dès le mois de mars
POUR LES ENFANTS… MAIS PAS QUE ! Titou, c’est le copain explorateur des enfants, il a quatre ans et découvre le monde qui l’entoure. Les tortues, le miel, la fabrication du sucre de canne… autant de sujets qui l’intriguent et qui vont trouver des explications dans des petites séries pédagogiques qu’il va réaliser. Une façon innovante d’intéresser les enfants à leur île, que cette web TV, www.titou.tv.
INSOLITE ? Et voici www.hey-world.fr, un site d’actualités un peu… différent qui dit “s’ouvrir sur le monde” Il propose des angles différents, donne la part belle à la photo décalée, aux looks, à la sculpture… On y a vu la Petite Sirène souillée de pétrole ou Chicken Little flipper devant un KFC. Avec un type à la barbe bleue.
Requiems pour Reines de Chœur avec le Chœur Régional du CRR et l'Orchestre de la Région Réunion du 19 au 22 mai 2016 billetterie sur www.monticket.re dès le mois d'avril
Musique sacrée Française avec le Chœur de Chambre les 17 et 18 juin 2016 entrée libre dans la limite des places disponibles Plus d'infos sur la programmation du Conservatoire à Rayonnement Régional sur www.conservatoire.regionreunion.com et le facebook CRR Réunion
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CU LTU RE POP RECUEILLI PAR LOÏC CHAUX
T’as lu le dernier BUZ BU...
Ça s’écrit BuzBuz!
Aujourd’hui, les auteurs semblent de plus en plus s’intéresser à leurs côtés “obscurs”. Jérémy : Oui. Marvel a travaillé en plusieurs phases. Phase 1, les personnages se retrouvent dans leur contexte, ils apprécient plus ou moins qui ils sont et commencent à accepter leur vie de super héros. Phase 2, ils sont confrontés à de grosses menaces ou dilemmes, ils commencent à douter de la direction qu’ils prennent. Puis la phase 3 va arriver, on verra bien, avec Captain America : Civil War, et Avengers : Infinity War. Maxime : Il faut dire aussi qu’avec autant de pouvoirs, n’importe qui pourrait devenir le roi du monde et s’en foutre du reste. Forcément, le côté “obscur” va ressortir à un moment ou à un autre.
COMICS TRIP DES SUPER HÉROS, PARTOUT, TOUT LE TEMPS? SÛREMENT. SAUF QUE LES UNIVERS DE CEUX-CI NE SONT PAS QUE DU “BOUM BOUM” ET DU “PAF PAF”. PARLONS-EN. JÉRÉMY ET MAXIME SONT PLUTÔT CALÉS EN COMICS. NOUS, PAS VRAIMENT : IL FALLAIT DONC LEUR DEMANDER L’INTÉRÊT DE VOIR DES TYPES COSTUMÉS SE METTRE SUR LA FIGURE. C’EST EN FAIT PLUS COMPLEXE, CES HISTOIRES-LÀ..
Racontez-moi un peu quel est votre lien avec les comics, comment vous avez connu la chose ? Jérémy : Ça remonte à loin, j’étais tout gamin, je regardais l’Incroyable Hulk et Wonder Woman dans l’émission La loi des séries. Maxime : Moi, mes parents m’autorisaient à regarder Batman, le dimanche soir. Le dessin animé avec l’insigne avec le fond jaune sur le costume gris. Qu’est ce qui vous intéressait particulièrement ? Maxime : Leur classe et leur pouvoir. Jérémy : Ça faisait rêver. Mes parents m’avaient offert le costume de Batman quand j’avais cinq ans. Quand tu le portais, t’avais l’impression d’être lui… Maxime : C’est un peu le même délire que Dragon Ball : on a tous essayé de se transformer en Super Saiyan devant le miroir dans la salle de bains !
Et les comics, vous en avez achetés ? Jérémy : Oui, j’ai même eu une réédition du premier exemplaire de Spider Man. Mais je me suis plus concentré sur les films et séries Marvel, et quelques série DC. Ils ont évolué comment, justement, depuis cette époque ? J’imagine que le Spider Man de 1963 n’est pas le même que celui de 2016… Jérémy : Le personnage en lui-même ne change pas tellement. Les accessoires, les costumes se modernisent. Puis dans le comics, Iron Man est au Vietnam, et est capturé par les les Viets. Cela correspondait à l’époque. Dans le film plus récent, il est capturé en Afghanistan. Captain America à été créé après la Seconde guerre mondiale. Il représentait le patriote sans faille, au service de son pays.
Il y a un super héros qui ressort particulièrement, que vous aimez plus que les autres ? Jérémy : Moi c’est Spider Man. L’histoire de cet étudiant un peu tête de turc, qui a beaucoup souffert et qui, au lieu d’utiliser ses pouvoirs pour se venger, va plutôt chercher à faire le bien, ça me plaît. Et puis ça doit être génial de se balader entre les tours et de grimper aux murs… Maxime : Moi c’est Wolverine. Le côté crooner motard, indestructible, qui n’a peur de rien et, au contraire, sensible, amoureux… un gentil méchant. Comme Vegeta, quoi…
“IL FAUT DIRE AUSSI QU’AVEC AUTANT DE POUVOIRS, N’IMPORTE QUI POURRAIT DEVENIR LE ROI DU MONDE ET S’EN FOUTRE DU RESTE.” Quelle place ont les super héros dans la culture populaire ? Jérémy : Ils sont devenus des icônes, on en voit un peu partout, dans les fringues, la déco… Ça a fait un gros boom depuis les films Marvel je pense. Ça existait déjà avant, mais ce n’était pas autant populaire chez tout le monde, c’était vraiment réservé aux grands fans. Maintenant, c’est partout.
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DERRIÈRE LA PO RT E
D ER R I ÈR E L A P O RTE
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MON COQ, MA BATAY TRADITION CRUE LLE E T MOTIV É E PA R L’A PPÂ T DU GA IN ? P E U T-ÊTRE. M AIS BUZBUZ A V OULU D’A BORD S E PE NCHE R S UR CE CURIE UX LIE N Q U I SE CRÉE ENTRE L’ ÉLEVE UR E T S ON COQ. UN É LE V E UR À LA F OIS MA ÎTRE, ENTRAÎNEU R, INF IRMIE R E T MA MA N- POULE . TEXTE MARIANNE RENOIR PHOTO NICOLAS ANGLADE
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omprendre la passion de ces messieurs ? Cela semble difficile, pour celui qui n’est pas tombé dedans tout petit. Tentons de l’expliquer. Pour l’achat de l’animal, d’abord, inutile de chercher du côté des marchés ; il faut aller voir un éleveur qui transmettra par la même occasion quelques ficelles du “métier”. On compte deux cents euros pour un jeune coq, quinze fois plus pour un gallinacé au palmarès fourni. Autrefois, l’espèce la plus prisée était le “kok lespès”. Aujourd’hui, les métissages on amené des souches brésiliennes, thaïlandaises, américaines… Des coqs devenus “zébrides”, comme on dit. À dix mois, le jeune coq commence l’entraînement. De simple éleveur, celui qui l’a pris sous son aile devient alors son entraîneur. Il lui apprend à se défendre et à attaquer. Ses pattes sont recouvertes de bouchons artificiels qui font office de gants de boxe lorsqu’il entre pour la première fois dans le rond, vers treize mois. C’est le moment de vérité : trois essais, pas plus, révéleront si son animal est un batayeur. L’entraîneur “chouchoute” son protégé à toutes les étapes de sa carrière. Quotidiennement, il lui “coffre” les cuisses (il s’agit de les muscler), lui masse le cou (pour
MUSCLER, BADIGEONNER, NOURRIR
la même raison) et le badigeonne d’eau et d’huile de ricin, pour durcir sa peau qui devient aussi rouge qu’un flamboyant. Moins agréable pour la bête, il lui rase la crête, lui ôte les ergots et taille ses plumes. Le régime alimentaire évolue au fil du temps et les grains de maïs sont moins concassés à mesure que le gallinacé grandit. Persil, oignons et autres herbes aromatiques peuvent accompagner le maïs pour doper l’animal. La taille des portions sont laissées à l’appréciation du combattant : il a beaucoup de nourriture à sa disposition, il n’a plus qu’à picorer ce dont il a besoin. Certains éleveurs donnent un petit nom à
leur coq, mais ce n’est pas systématique. Tous, néanmoins, tiennent à leur bête comme à la prunelle de leurs yeux. Tout est prétexte pour passer du temps auprès de son coq, parfois au détriment du reste : on l’entraîne, on le nourrit, on le soigne, on s’assure qu’il est toujours là , on le montre à ses dalons ou on lui rend visite après une dure journée. Sa seule présence suffit à oublier tous ses tracas, paraît-il. Reste l’épreuve du combat, et l’éleveur est toujours proche de son coq. Il scrute, marmonne, encourage, éponge son champion. Puis, juste après, il brûle les blessures à l’alcool pour accélérer la cicatrisation, avant de prescrire médicaments, vitamines et repos au guerrier. Voire un rendez-vous chez le véto, mais c’est rare : l’éleveur préfère toujours soigner lui-même les bobos. Une défaite dans le rond est souvent synonyme d’échec personnel pour l’éleveur. Un combat gagné, au contraire, une victoire commune. Au bout de trois ans, une fois sa carrière terminée, l’animal garde une place de choix auprès de son maître. L’ex-champion, qui a fait la fierté de son coach, deviendra un excellent reproducteur.
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MICRO- T RO T T ’ RECUEILLI PAR ANNE CHANS PHOTOS MORGAN FACHE
ET SI VOUS POUVIEZ VOUS DÉDOUBLER ? SAMEDI MATIN À L’ENTRE-DEUX, ÇA NE MANQUAIT PAS D’ACTIVITÉ. LA BIBLIOTHÈQUE ACCUEILLAIT SES LECTEURS, L’ASSOCIATION VAVANG’ART PRÉSENTAIT SON PREMIER ÉVÈNEMENT DE MISE EN VALEUR DES ARTISTES ET ARTISANS LOCAUX ET C’ÉTAIT L’HEURE DES COURSES DU WEEK-END AU SUPERMARCHÉ DU COIN. PENDANT CE TEMPS LÀ, NOUS, ON S’IMAGINAIT DOUBLER LA POPULATION.
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1 - Sébastien “Nous partirions tout le temps partout ensemble, comme deux frères.” 2 - Catherine “Grâce à mon double, je me sortirais des situations tendues et difficiles en allant me promener dans un endroit agréable.”
3 - Rebecca “J’aimerais pouvoir faire ce que je dois faire, mes missions de la vie de tous les jours et pouvoir en même temps garder un œil sur les gens que j’aime.”
4 - Gracet “Mais j’ai déjà mon double, c’est mon “ombrage”, qui me suit partout. Pas besoin de plus.” 5 - Didier “Je ne peux pas me dédoubler, je suis unique.”
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6 - Geneviève “L’une de moi resterait à l’Entre-Deux et l’autre partirait en voyage, bien sûr. Peu importe où, tant que je découvre le monde.”
8 - Marcie et Pauline “Nous passerions beaucoup de temps avec nos familles et nos enfants pendant que l’“autre” irait travailler.”
10 - Papi Moustache “Je peindrais mon double en noir. J’aurais tellement aimé naître Africain, un rêve depuis toujours.“
7 - Gabrielle et Enzo “Ce serait le prétexte idéal pour rentrer dans mon “île natale”, Strasbourg. L’autre partirait faire le tour du monde.”
9 - Matthieu “Si j’avais pu me dédoubler pendant le Grand Raid, je l’aurais fini”
11 - Patrick “Mon double aurait la possibilité de voler dans les airs.”
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LOU IS
P ORTRA IT
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LA GRANDE DISTRIBUTION LOUIS EST PEUT-ÊTRE UN DES DERNIERS VENDEURS DE JOURNAUX À LA CRIÉE DE FRANCE. ET IL NE FAIT PAS QUE ÇA : DU PAPIER, IL EN DISTRIBUE PARTOUT, TOUT LE TEMPS. TEXTE LOÏC CHAUX PHOTO ROMAIN PHILIPPON
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u départ, il s’agissait “d’écrire un portrait du type qui crée des bouchons à Saint-Denis en distribuant des pubs.” Ça, Louis s’y attendait : “Les bouchons, c’est un fléau ici, mais que je sois là ou pas, il y en a. Il faut être honnête, je ralentis peut-être un peu, mas je ne suis pas là pour ennuyer les gens. On m’a déjà jeté des choses à la tête, je me suis fait courser au Port !” Et puis, Louis, ce n’est pas que ça. Nous connaissions la meilleurs manière de le trouver, à coup sûr : dimanche matin, marché forain du Chaudron. Pas la peine de fouiller partout… “Le Jiiiiiiiiiiir ! Faites la queuuuuuuuue !” Il est là, tous les dimanches, à vendre le Journal de l’Île, à crier d’une voix suraigüe les titres et quelques boutades… “Ah, il ne faut pas être timide ! J’essaie d’être un artiste. J’en rajoute dans ma voix, dans mon rire. Tout le monde connaît mon rire ! Et je trouve quelques petites phrases… “Le Journal de l’Île, journal n°1 dans vos cœurs !” ; “Le Jir, la 8e merveille du monde !” Faut s’adapter. De toute façon, j’adore ce journal, je le trouve très beau. Et il se vend très bien !” La tour Cadjee est rassurée. De sa vie, Louis ne tient pas à parler en détails, même s’il lui “arrive quand même
plein de choses.” Il tient à rester “Louis”, sans nom. Il explique malgré tout être né à Toulon, de parents réunionnais qui rentreront dans l’Île à ses quinze ans. Suit un CAP de conducteur offset – typographe, un passage à l’armée, et pas vraiment de boulot. En 1991, il décide de créer son travail : “Mes
“LE JIIIIIIIIIIIR ! FAITES LA QUEUUUUUUUUE ! ” parents voulaient que je fasse quelque chose. Alors, je suis allé sur le boulevard Vauban, et j’ai fait les pare-brise des voitures. J’avais repéré un feu qui durait longtemps. Première journée, 800 francs de gagnés ; je me dis que ça peut marcher.” Juste un début : “Mon but, ce n’était pas de laver des pare-brise, mais de me faire connaître des gens susceptibles de me donner du travail. Et à force de me voir, on m’a proposé plein de choses : laver des voitures entières,
faire du jardinage, de la plonge, j’ai été pompiste… Un jour, un monsieur est venu avec une pile de prospectus, en me demandant si je ne voulais pas en distribuer. Moi, je connais bien la route, je connais les bons endroits : j’ai commencé à en donner aux gens. Et j’en ai aussi profité pour vendre des boissons dans les embouteillages ; j’ai dû être le premier à faire ça.” Une date a tout changé : le 7 juin 1999, un lundi : “Je lavais un pare-brise à mon feu, vers le bowling, une voiture m’a renversé. Coma, un mois d’arrêt… J’ai failli perdre la vie. Il fallait que je m’éloigne un peu de la route.” Il trouve le moyen de distribuer un magazine télé, avant de se mettre à vendre le Jir. Sans délaisser la route, il rejoint alors les marchés et les braderies. À la tête de sa propre entreprise depuis 2005, il a arrêté de laver les voitures. Mais continue de “travailler tous les jours, sauf pendant les cyclones. Je ne prends jamais de vacances, et je suis récompensé de mes efforts. Mais je sais que je peux encore en faire plus.” Il nous a dit ça avant de reprendre le petit paquet de prospectus qu’il avait amené avec lui, et qu’il est parti distribuer. Encore.
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MODE STYLISME MANON PHOTOS MORGAN FACHE
LÉA Robe Petite Brindille Boléro Simone Baskets ADN Pochette La Tête dans les Étoiles
OCÉANE Jeans et baskets ADN Débardeur Salut Chéri Les Jolies Choses Sautoir Joséphine Crève Cœur Pochette La Tête dans les Étoiles
SPECTACLE JEUNE PUBLIC
BLICK BASSY “KWEM KWEM”
BLICK BASSY
CHANSON CAMEROUN
DIMANCHE 10 AVRIL
SAMEDI 09 AVRIL
REGGAE JAMAIQUE
ABYSSINIANS
SAODAJ
MALOYA REUNION
SAMEDI 19 MARS
VENDREDI 11 MARS
HOMMAGE A NAT KING COLE
HUGH COLTMAN
VENDREDI 15 AVRIL
SCENE DECOUVERTE
DOCK SESSION
VENDREDI 01 AVRIL
INFOS ET RÉSERVATIONS - 0262 540 540 - MON TICKET.RE - WWW.KABARDOCK.COM
SAISON FÉVRIER-JUIN 2016
LE KABARDOCK
JEUNE PUBLIC
SAMEDI 11 JUIN
JESSICA PERSÉE & TINE POPPY
ELECTRO
VENDREDI 13 MAI
YUNA PROJECT & DO MOON POP REUNION
ALDEBERT
BREAKBOT LIVE
ELECTRO HIP HOP
MERCREDI 27 AVRIL
SAMEDI 23 AVRIL
SEGA / MALOYA
HOMMAGE À NARMIN DUCAP
SAMEDI 25 JUIN
WORLD FRANCE
YAEL NAIM
SAMEDI 30 AVRIL
Illustration Matthieu Dennequin
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SOCIÉT É
ET POURTANT, ELLE TOURNE, LA PENDULE C’EST REBUTANT, D’ATTENDRE. QUE CE SOIT DE TEMPS EN TEMPS OU SOUVENT, ATTENDRE EST UNE EXPÉRIENCE CURIEUSE. VOYAGE AU PAYS DE L’ENNUI, DU VAGABONDAGE DE L’ESPRIT ET DES YEUX DANS LE VIDE. TEXTES LOÏC CHAUX PHOTOS ROMAIN PHILIPPON
S O CIÉ TÉ
“P
endant ce temps, la pendule qui était en face du bureau continuait de moudre la vie, et les doigts du colonel, maigres, desséchés par les années, s’obstinaient à nettoyer, à l’aide du mouchoir, les verres de ses lunettes, et ceci bien que le besoin ne s’en fît pas sentir.” Lisez donc Le Désert des Tartares ; Giovanni Drogo y est le symbole du personnage qui attend et qui ne fait que cela. Évidemment, tout le monde n’est pas affecté dans un fort militaire du bout du monde à surveiller des cailloux ; mais on se retrouve tous, à un moment ou à un autre, à poireauter. Plus ou moins longtemps. Plus ou moins souvent. Pour commencer, il a fallu trouver un temple de l’attente, histoire de voir vraiment ce que c’est, que de faire le planton. De se mettre dans la peau de nos personnages. On avait pensé à La Poste ; mais la réorganisation des bureaux est assez bien fichue, puisqu’on a mis moins de dix minutes à envoyer notre colis (nous n’y sommes pas allés en début de mois, aussi). De toutes façons, on nous avait plutôt conseillé la Préfecture, alors, nous nous y sommes rendus. Un mercredi matin, huit heures. Une vingtaine de personnes, certaines présentes depuis l’ouverture des bureaux, une demi-heure plus tôt. Et, oui, ça s’ennuie déjà sévère. Pendant les deux heures que nous occuperons à regarder nos concitoyens faire le pied de grue, nous compterons trois fourrages de doigts dans le nez (dont un avec grignotage), une dizaine de cigarettes grillées, deux journaux lus, et cinq défaites à Angry Birds (le petit assis par terre n’était franchement pas doué sur le GSM de sa maman). “Ça me saoule.” La phrase est lâchée par la jeune femme d’à côté. “J’ai pris une journée de congés pour ça. Une matinée de perdue. Et j’ose pas sortir pour au moins aller acheter le pain, ils vont trouver le moyen de m’appeler à ce moment-là.” Comme le héros du Désert des Tartares, l’usager de la Préfecture fait passer le temps – et supporte l’attente – en se persuadant qu’il va se passer un truc. L’appel de votre numéro étant l’ultime Graal, en attendant… On envoie des textos. On essaie de deviner le nom du parfum de nos compagnons de misère. Un monsieur s’est mis à compter sur ses doigts, avant de grommeler tout seul. On soupire, on grogne, on pique du nez et on se demande s’il n’y en a pas un qui a pété, et ça nous fait sourire d’imaginer qu’il s’agit du jeune homme en costume. Lassitude ? Oui. Colère ? Non. Délire ? Un peu. On accepte son sort, semble-t-il, mais des fois, l’esprit part un peu dans tous les sens.
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TROIS FOURRAGES DE DOIGTS DANS LE NEZ, UNE DIZAINE DE CIGARETTES GRILLÉES, DEUX JOURNAUX LUS, ET CINQ DÉFAITES À ANGRY BIRDS.
C’est dur à entendre, mais on a de la chance. Pour beaucoup de personnes, attendre, c’est un métier. Il y a quelque temps, une des rues de Sainte-Clotilde montant vers les Hauts se trouvait rongée par les travaux de voirie. À double-sens, elle était transformée en voie à sens unique, et les ouvriers, travaillant sur un chantier étalé sur une centaine de mètres, se voyaient dans l’obligation d’organiser la circulation. Ce travail, souvent alloué à des feux tricolores provisoires, était ici effectué par deux hommes, un de chaque côté, avec un petit panneau dans la main, un côté vert, un côté rouge. Dans l’autre main, un talkie-walkie pour la coordination. Pendant une journée de travail, donc, deux hommes debout et sans bouger, tournaient un panonceau pour faire passer les voitures. Travail, en général, dévolu au jeune intérimaire de passage, pendant tout le temps du chantier. On a demandé à l’un d’eux s’il “ne s’emmerdait pas trop”. “Si, mais on se raconte des blagues au talkie pour passer le temps. Dans les voitures, des gens nous font coucou, on leur répond. Et puis, il y en a toujours un qui essaie de passer alors qu’on a mis le côté rouge, alors on doit quand même faire attention, faut pas se perdre dans nos pensées, il y a des piétons qui marchent, ça peut être dangereux. On n’en est pas à espérer qu’il va se passer quelque chose… Mais quand des gens nous disent deux-trois mots, quand des enfants nous disent bonjour à travers les fenêtres, ça passe un peu le temps. On essaie aussi d’avoir l’air sérieux : je suis sûr que les automobilistes qui me voient se disent tous la même chose : “Qu’est-ce qu’il doit s’ennuyer, celui-là…”” On y a pensé, c’est vrai. Comme pour les pêcheurs. Les routiers dans les embouteillages. Les gens qui attendent le bus. Les vigiles.
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SOCIÉT É
Tiens, les vigiles, justement ou, plus précisément, les agents de sécurité. Nous en avons trouvé deux, Éric et Marie-Pierre, de chez Brigade de sécurité et protection privée (BSPP). Pour tout dire, nous craignions un peu de les vexer, à leur soumettre l’idée qu’ils pouvaient s’“ennuyer” dans leur travail. Eh bien non ! “Notre métier est basé sur l’attente ! Ça peut arriver que ce soit long, oui, quand on fait douze heures de surveillance d’un bâtiment la nuit. On attend que les voleurs arrivent !”, nous confirme Éric. “Je suis le patron de la société, alors j’emmène mon ordinateur et j’en profite pour envoyer des mails, faire des papiers. Je fais aussi des tours de garde, je fais du sport. En décembre, je gardais un bâtiment sur plusieurs étages, je montais, je descendais : je me dépense, et en plus, je fais mon travail de surveillance, je montre ma présence. Il ne faut surtout pas rester à attendre.” Marie-Pierre enchaîne : “Si on commence à 18h, il faut dormir avant, puis un quart d’heure pendant les premières heures. C’est important d’être vigilant de 23h à 3h du matin, on sait que c’est à ce moment que les voleurs arrivent.” En est-on à espérer que, justement, il se passe quelque chose ? Un peu. Mais pas trop.
PASSER DES JOURNÉES COMPLÈTES À ATTENDRE : IL Y A DE QUOI DEVENIR FOU.
Éric : “Dans les premières heures, par exemple, je téléphone à mes proches. Ça occupe, ça remonte le moral, oui, mais c’est aussi parce qu’on ne sait jamais ce qui va se passer ensuite…” Face à l’attente, il semble que nous ne soyons pas tous égaux. Marie-Pierre explique particulièrement s’attarder sur les mouvements de voitures, leurs conducteurs, les plaques. “Il arrive une heure où il ne passe plus personne. À ce moment-là, le moindre mouvement devient suspect. Nous sommes en éveil permanent, il faut savoir utiliser nos cinq sens. Et l’adrénaline fait beaucoup passer le temps. Le vent, une porte qui claque sont autant de raisons d’aller voir ce qui se passe.” Eric se souvient de quelques conversations : “C’est vrai qu’avec Internet, je peux envoyer des mails, lire. J’ai discuté avec des gardiens plus anciens, ils me racontaient qu’ils écoutaient la radio jusqu’à minuit, après, cela devenait plus difficile pour eux…” Tiens, justement, c’est ce que nous racontait un chauffeur de poids-lourds, pris régulièrement dans les bouchons : “Heureusement qu’il y a Free Dom !” Pour une autre raison, d’ailleurs : “En plus, ça nous prévient des embouteillages, on peut prévoir
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les raccourcis. Imaginer un second itinéraire, avec toutes les petites routes qu’on a ici, ça, ça occupe !” Pour en revenir au monde des gardiens de nuit, on trouve des chanceux, plus que d’autres : “Les maîtres chiens sont encore moins seuls, ils ont leur chien ! Je sais que la nuit, ils profitent justement de l’attente pour faire refaire les exercices d’entraînement à l’animal.” Pour discuter un peu, sûrement aussi… L’ennemi de l’attente, outre le sommeil, quand il s’agit de poireauter la nuit ? La montre. Éric n’en porte jamais. “Je ne m’en sers que pour relever l’heure de mon tour de garde. Avec une montre, tu vois le temps s’écouler, ça ne va pas vite. Si tu décides d’aller faire un tour toutes les heures, au bout d’un moment, tu vas y aller un quart d’heure plus tôt, et à la fin, tu vas te retrouver avec beaucoup de temps à combler, c’est terrible. Car les heures les plus longues sont toujours les dernières.” On plaint tout à coup fortement les vigiles des administrations, obligés de se tenir debout face aux pendules. “Si vous nous voyez avec le regard fixe, c’est peut-être qu’on est dans la lune, lâche l’un d’eux, qui a préféré rester anonyme. Oui, on peut
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être un peu dans la lune. Essaie donc de demeurer statique pendant une journée et de rester concentré. On n’est pas la garde de la Reine d’Angleterre.” Dans sa vie personnelle, le citoyen lambda est laissé seul face à son attente. Le médecin lui met des magazines périmés dans sa salle d’attente, La Poste réorganise ses bureaux, la hotline diffuse de la musique, certes. Mais l’attente à la Caf, au Pôle emploi, au bus, n’est bien souvent pas atténuée. L’attente dans l’espace public est un sujet peu porteur. Et qu’on ne nous parle pas des boutons farceurs aux feux rouges pour les piétons. On rigole, on rigole. N’empêche : il arrive que l’attente et l’ennui ne soient pas que des péripéties dans la vie de tous les jours, ou une activité professionnelle voulue. Cela peut être imposé, contre son gré. Et on ne rigole plus. Michaël Vauthier est enseignant-chercheur en psychologie, il s’intéresse notamment aux problèmes psy en milieu professionnel. Lui, il n’a pas l’air de s’ennuyer, et de toutes façons, ce n’est pas pour cela qu’on l’a contacté. Nous voulions surtout lui demander si ça ne mine
O N A C C E P T E S O N S O R T, SEMBLE-T-IL, MAIS D E S F O I S , L’ E S P R I T PART UN PEU DANS TOUS LES SENS.
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ON SOUPIRE, ON GROGNE, ON PIQUE DU NEZ ET ON SE DEMANDE S’IL N’Y EN A PAS UN QUI A PÉTÉ.
pas un peu, au bout d’un moment, de passer ses journées à ne rien faire. “Votre question me fait surtout penser à des situations de “mise au placard” d’un employé. Il ne fait rien, parce qu’on ne lui donne plus rien à faire.” Ah, on a enfin trouvé un avantage à attendre et à s’ennuyer : quand, en plus, on est payés. “Les rentiers, ça existe ! Mais vraiment, à la longue, ce n’est pas tenable. Ne rien donner à faire à un salarié, c’est le meilleur moyen de s’en débarrasser. En faisant cela, on lui grignote son sentiment d’exister, d’utilité. C’est la négation d’une partie de sa vie.” Rappelons, au passage, que le travail représente un tiers de nos journées. Ne rien faire pendant ces heures-là peut devenir dramatique… “Pendant ces moments d’ennui, on essaie de s’occuper, de trouver un sens à sa présence. Ça ronge, la question “Qu’estce que je fais là ?” On se retrouve face au vide. L’individu a besoin de se sentir compétent, d’avoir une prise sur son environnement, sur son lien avec les autres.” Et ce, d’autant plus que, socialement, celui qui ne “fait rien”, est considéré comme suspect ; il faut être débordé, travailler beaucoup. Celui qui a un boulot n’aurait pas vraiment le droit de s’en plaindre, même s’il passe ses journées à compter ses crayons ou à
battre ses records sur Candy Crush. “Mais ça peut emmener à la dépression, bien sûr ! renchérit Michaël Vauthier. D’autant plus si l’on n’a pas de ressources, dans sa vie personnelle et amicale, sur lesquelles on peut s’appuyer.” Quelques bouquins sont sortis récemment pour relier ces situations au surmenage, que les psys commencent à analyser comme toutes aussi néfastes. Imaginez donc, passer vos journées à attendre le bus, à la boucherie, à Pôle emploi… Y a de quoi devenir fou. Mais ne nous y trompons pas : parfois, on croit voir des gens qui s’ennuient. On se trompe. Éric, l’agent de sécurité, s’esclaffe : “Les gens pourraient souvent croire qu’on s’ennuie, qu’on ne fait rien, je pense notamment à notre travail dans les supermarchés. C’est faux, nos yeux, eux, voient beaucoup de choses.” Il y a un monsieur, dans le quartier du Bas-de-la-Rivière, à Saint-Denis, qui passe ses journées devant l’ancien Bar des Pêcheurs. Il se tient debout, fait des gestes aux passants. Toute la journée. On a cru qu’il attendait on ne sait quoi. Qu’il s’ennuyait, qu’il ne faisait que regarder passer les autos. “Non, nous a-t-il dit. J’aide les voitures à passer le virage.”
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ON S’OCCUPE L’ E S P R I T E N S E PERSUADANT QU’IL “VA SE PASSER UN TRUC”.
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“ÇA RONGE, LA QUESTION “QU’EST-CE QUE JE FAIS LÀ ?” ON SE RETROUVE FACE AU VIDE.”
VOTRE TEMPS D’ATTENTE EST ESTIMÉ À… Chez BuzBuz, si on vous parle d’une étude, c’est que celle-ci nous a paru avoir été réalisée avec assez de sérieux pour être significative. Celle du magazine professionnel En-Contact, spécialisé dans le service client, a retenu notre attention : elle a été réalisée entre 2013 et 2014, par le biais de douze mille appels effectués auprès de cinq cents “services clients les plus contactés en France”. Résultat des courses, un Français passe vingt-huit heures par an à joindre une hotline (entre le fait de trouver le numéro en question, puis d’attendre de trouver un interlocuteur). Le pompon revenant à l’Urssaf, dont un appel sur trois seulement aboutit, au bout de plus de seize minutes d’attente. Et pour joindre le directeur d’une agence lambda du
Crédit Mutuel à Paris, les sondeurs ont mis vingt-quatre jours à coups de téléphones et de courriels. Manuel Jacquinet, en charge de l’étude, a cependant relevé avec malice que “lorsque l’appelant s’est déclaré comme un journaliste, il a dans de très nombreux cas obtenu très vite son interlocuteur.” C’est vrai que c’est utile ; mais pour réaliser notre article, il nous a fallu, nous aussi, attendre des jours et des jours avant d’obtenir un rendez-vous avec un de nos interlocuteurs… qui a fini par nous dire qu’il n’aimait pas les journalistes car “ils racontent n’importe quoi”, et qu’il n’avait aucun intérêt à répondre à nos questions. On a attendu pour rien. Comme Giovanni Drogo.
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STATIS T I Q UE M E N T TEXTES LOÏC CHAUX ILLUSTRATIONS FREDDY LECLERC
Les ménages réunionnais consomment
2 FOIS PLUS
18%
1 MÉNAGE RÉUNIONNAIS SUR 5
du budget des ménages réunionnais est consacré à la nourriture.
d’huile que les ménages métropolitains.
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On compte
établissements de restauration rapide pour 10 000 habitants à La Réunion. C’est deux fois plus qu’en Métropole.
LA NOURRITURE À LA RÉUNION
consomme des aliments qu’il a produits lui-même, ou qu’il a cueillis.
1 PRODUIT FRAIS SUR 2 à La Réunion est acheté au marché ou chez le primeur.
En Métropole, on consomme
12%
de poisson en plus que sur notre île.
Les Réunionnais consomment
3 FOIS PLUS
de porc que les habitants de Métropole.
10,8 C’est le nombre de commerces de détail de proximité (boucheries, boulangeries) existant à La Réunion, pour 10 000 habitants. C’est plus qu’en Métropole ; pourtant, les Réunionnais y achètent de la nourriture deux fois moins souvent.
Les ménages réunionnais consacrent
25 EUROS
par mois à l’achat d’alcool.
Les ménages modestes réunionnais achètent
12 FOIS PLUS de riz que leurs équivalents métropolitains.
Chiffres extraits de l’étude de L’Insee parue fin 2015 et portant sur les habitudes alimentaires des Réunionnais sur l’année 2011.
Rafale - Dassault Aviation
ABONNEMENT POUR RECEVOIR BUZBUZ DIRECTEMENT CHEZ VOUS
JE M’ABONNE À BUZBUZ PENDANT UN AN (7 NUMÉROS) 22 € RÉUNION ET MÉTROPOLE UNIQUEMENT PAR CHÈQUE BANCAIRE À L’ORDRE DE BUZBUZ MAGAZINE COUPON À DÉCOUPER ET À RENVOYER AVEC VOTRE RÈGLEMENT À : BUZBUZ MAGAZINE 1 RUE CLAUDE MONET - APPT N°6 - 97490 SAINTE-CLOTILDE
NOM _______________________________________________________ PRÉNOM __________________________________________________ SOCIÉTÉ ________________________________________________________________________________________________________________ ADRESSE MAIL __________________________________________________________________________________________________________ ADRESSE _______________________________________________________________________________________________________________ CODE POSTAL ______________________________________________ VILLE _____________________________________________________ PAYS____________________________________________________________________________________________________________________
POUR TOUTE INFORMATION : CONTACT@BUZBUZ.RE
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MA BULLE RECUEILLI PAR ANNE CHANS PHOTOS GWAEL DESBONT
CHEZ INOUÏ ET COMPAGNIE JEAN-SÉBASTIEN CLAIN, DIT KID KRÉOL, CRÉE À SAINT-CLOTILDE UN ANTRE DE DÉCORATION DISPARATE, RENDEZ-VOUS DES BONS COPAINS.
M A BU L L E
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ENTREVUE EXPRESS Nous sommes chez qui, ici ? Chez Inouï, mon bouledogue français. Un ami de lycée et moi sommes ses colocataires. Il a même sa petite piscine pour se rafraîchir. C’est le seul animal ? Non, il y a deux tortues radiata dans le jardin. C’est la mère d’un ami qui nous les a données avant son départ de La Réunion. Est-ce qu’on peut voir des œuvres à vous ? Non, pas vraiment, c’est plutôt des trucs qui viennent de camarades, comme Shoz et Mumushick ou des affiches que j’aime, à l’image de celle de William Zitte, pour la Fêt kaf de 1992. Votre dernière acquisition ? Une tête de lion utilisée pour les défilés des cérémonies chinoises. Vous êtes collectionneur ? Je débute une collection de statuettes religieuses mais pas consacrées. Il y a quoi dans votre bibliothèque ? Des livres sur La Réunion mais aussi sur la photographie et des revues d’art. Où vous trouvez tout ça ? À Emmaüs Réunion. Nous y allons presque tous les samedis. On essaye à chaque fois d’y être à la première heure mais arrivons à la dernière. Mais… vous êtes joueur ? Mon colocataire est arrivé avec ses guitares et sa collection de jeux de plateau. Le petit détail en plus ? Ce n’est pas petit, mais nous louons à un ami une borne d’arcade avec plus de trois cents jeux, notamment Street Fighter, Metal Slug ou Bubble Bobble.
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EXTRA M URO S
ENTREZ DANS LA LUMIÈRE LA CITÉ DES ARTS VIENT D’OUVRIR SES PORTES OFFICIELLEMENT. DÈS MAINTENANT, ET JUSQU’À 1 HEURE DU MATIN, TOUT UN CHACUN PEUT VENIR S’Y PROMENER. TANT LES PROJETS CULTUREL QU’ARCHITECTURAL POUSSENT À CE QUE LE PUBLIC S’APPROPRIE L’ENDROIT. TEXTE ANNE CHANS PHOTOS GWAEL DESBONT
C
eux qui se souviennent du Palaxa ou de l’espace Jeumont verront la différence. Bien sûr, tout est nouveau ; en deux ans, un tout nouvel espace bâti sur 2 hectares a vu le jour… Mais l’une des choses les plus frappantes, c’est la lumière. D’abord il y a le Fanal, du mot créole désignant une lanterne. La double peau de l’espace est composée de sept cents lumières blanches qui peuvent être manipulées chacune indépendamment et dont l’intensité est modulable. Rien n’empêche certains artistes de s’imaginer des projets autour des possibilités offertes ici. La lumière du fanal est aussi un signal qu’il se passe quelque chose dans les murs. Un rétro-éclairage intégré dans le mur anti-bruit côté mer a la même fonction. De manière générale, l’atelier d’architectes a “dissimulé” un peu partout des sources lumineuses. Évoquons un reproche qui lui a été fait, la forme de la Cité : c’est cubique. Un choix assumé par les concepteurs. Ne croyez pas que cela soit plus facile que de faire des courbures, au contraire, cela rajoute à la clarté des “routes de circulation” ouvertes aux vents dominants, un point crucial de la Cité des Arts. Tout est fait pour créer un lien entre les artistes et le public. Tout badaud qui le souhaitera pourra voyager entre les différents espaces. Il
visitera les expositions, regardera travailler les plasticiens, et assistera aux répétitions des acteurs et danseurs, dans la mesure où il ne les dérangera pas. Tout en pouvant se restaurer ou acheter à la boutique. Ce qu’il ne verra pas, par contre, c’est toute la technologie dernier cri cachée dans les murs. Les studios sont sur “ressorts”, pas directement liés aux murs qui les entourent. Il y règne donc un silence absolu. Les trois cent cinquante places des gradins du Fanal se déplient en dix minutes et les techniciens bénéficient d’un filet – au lieu d’une passerelle – pour fixer lumière et décors de la scène centrale. La technique utilisée pour le toit est une première en milieu tropical européen : les ouvriers ont posé de l’aluminium serti sur place. Plus de vis ni de boulon, et ce n’est pas une coquetterie : proche de la mer, la Cité des Arts va subir les assauts de la corrosion. Les matériaux et leurs techniques d’assemblage ont donc été réfléchis pour supporter le poids des ans. Tous les bois ont été protégés pour cette raison, à l’exception de ceux de la passerelle d’entrée. Cette anticipation de l’avenir répond ainsi à un deuxième reproche qu’on pourrait lui faire : ça ne manque pas de béton. Laissons tout de même le temps à la végétation de prendre sa place.
EXT R A MU RO S
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ÇA SE PAS S E LÀ- BA S TEXTES VIRGINIE TRESSENS PHOTOS FOTO AUTOMAT
SE FAIRE TIRER LE PORTRAIT À L’ANCIENNE I L S U F F I T D E R E N T R E R D A N S U N E C A B I N E F O T O A U T O M AT P O U R V O YA G E R DANS LE TEMPS ET OUBLIER NOS DERNIÈRES PHOTOS D’IDENTITÉ QUI NOUS DONNAIENT DES AIRS DE TUEUR EN SÉRIE.
QU’EST-CE QUE C’EST?
POURQUOI C’EST GÉNIAL ?
Foto Automat, ce sont des photomatons en noir et blanc, témoins d’une époque où l’on pouvait prendre la pose.
Parce que c’est le retour de l’aspect “ludique” du photomaton, que cela donne une bonne tête version “années cinquante”… En pleine “dématérialisation”, c’est toujours original de se retrouver avec des photos en papier dans les mains.
D’OÙ ÇA VIENT ? Eddy Bourgeois a rencontré en 2006, à Berlin, Ole et Asger qui restauraient de très anciens photomatons depuis sept ans. Ils sauvaient ces vestiges promis à la casse. Ils ont décidé tous les trois de continuer l’aventure à Paris et d’installer leur première photocabine au Palais de Tokyo en 2007.
COMMENT ÇA MARCHE ? Comme un photomaton classique, sauf qu’il y a autant de flashs que de photos (quatre portraits argentiques en colonne). Cela coûte deux euros, et les machines sont louées pour n’importe quel événement.
ET À LA RÉUNION? Difficile de faire voyager tout ce matos sur notre île. Toutefois, si on cherche bien, il y a peut être un collectionneur qui a gardé un vieux photomaton au fond d’une remise… Qu’il se manifeste !
C U LT URE G
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TEXTES LOÏC CHAUX ILLUSTRATIONS MATTHIEU DENNEQUIN
La récolte du corail a été interdite en 1969 à La Réunion.
Au départ, C’est arrivé près de chez vous n’était que le film de fin d’études du réalisateur, Rémy Belvaux. Jusqu’en 1994, la Ferme Corail servait à élever des tortues afin de les manger ou d’utiliser leur peau ou leurs écailles.
CU
Le groupe Caillé vend des Peugeot depuis 1919, ce qui en fait le plus ancien concessionnaire au monde de la marque au Lion.
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La dernière exécution publique à La Réunion eut lieu en 1940, au Barachois. Un an après la dernière en Métropole.
T
UR
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G
En France, le nom de rue le plus courant est “rue de l’Église”.
POUR FAIRE LES MALINS DEVANT LES AMIS, VOICI QUELQUES INFOS QUI VOUS DONNERONT LA CLASSE DANS LES DICUSSIONS.
Napoléon mesurait 1,69 m, soit quatre centimètres de plus que la moyenne des hommes de son époque.
Né à La Réunion, Ambroise Vollard verra passer dans sa galerie parisienne notamment Paul Gauguin, Henri Matisse ou Pablo Picasso, qu’il a tous fait connaître.
Dans l’histoire, le livre le plus distribué au monde est la Bible, avec presque quatre milliards d’exemplaires. Elle devance le Coran (trois milliards) et le Petit Livre Rouge, de Mao, et son milliard d’impressions.
Un arbre permet de fabriquer seize ramettes de papier.
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SPORT
LE “SAVOIR-FAIRE”, CE N’EST PAS QUE POUR LES ARTISANS OU LES ARTISTES. CELA CONCERNE AUSSI LES SPORTIFS QUI, PARFOIS, RÉUSSISSENT DES CHOSES HAUTEMENT IMPROBABLES. TEXTE LOÏC CHAUX ILLUSTRATIONS MATTHIEU DENNEQUIN
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n ne sait toujours pas vraiment qui est le plus fort entre l’hippopotame et l’éléphant, mais USA Today a tenté de répondre à une autre question fondamentale, il y a quelques années : la frappe, au baseball, serait le geste sportif le plus difficile à accomplir. Dans ce classement, subjectif mais sûrement pas éloigné de la réalité, on retrouve le fait de conduire une voiture de course, sauter à la perche, renvoyer un service à 200 km/h au tennis ou arrêter un pénalty au foot. Ce qui implique une chose : être sportif, dans certains cas, nécessite de développer des aptitudes particulières. Des aptitudes qu’on n’acquiert pas dans la vie de tous les jours. Prenons le saut à la perche ; peut-on trouver geste plus étrange, dans le sport ? “Oui, ce n’est pas vraiment naturel, comme mouvement !”, sourit à peine Morgane Perret, médaillée d’or aux derniers Jeux des Îles dans la discipline. Une discipline qui nécessite un long apprentissage : courir, sauter, tout le monde peut le faire, plus ou moins bien. Sauter à la perche, non. “La barre, tu peux bien la passer comme tu veux, mais “piquer” la perche dans le butoir, basculer, il faut du temps avant que cela devienne un geste facile à réaliser.”
On peut en dire autant pour le gardien de but de football. Imaginez : le point de pénalty est situé à 11 mètres de la cage, les frappes peuvent partir à plus de 100 km/h. Ce qui laisse moins d’une demi-seconde au gardien pour réagir… Rudy Pounoussamy, le gardien de l’US Sainte-Marie, a terminé la séance de tirs aux buts du 32e de finale de Coupe de France invaincu, il sait de quoi il parle : “Tu peux attendre le dernier moment, anticiper, regarder la position du corps du tireur, attendre la frappe, compter sur la chance… C’est difficile, d’arrêter un pénalty : théoriquement, le ballon peut partir à gauche, à droite, au centre, en haut, en bas. Pour y parvenir, et devenir bon dans ce domaine, il faut répéter les gestes à l’entraînement.” Répéter, travailler, permet à l’auteur de ce genre de gestes de se sentir en confiance, et de les réussir. Ne pas y croire, c’est rater, pense Morgane : “Il y a quelque temps, j’ai chuté, j’ai eu très peur. Pendant un moment, je n’y arrivais plus.” Rudy complète : “La confiance, c’est important, cela aide à réussir. Un gardien qui fait un bon match risque fort de faire une bonne séance de tirs aux buts.”
DES DÉCISIONS À PRENDRE EN UNE FRACTION DE SECONDE…
S P O RT
Et puis il y a la confiance dans les autres. Mamisoa Rajoël, le dernier champion de La Réunion de rallye, réussit des prouesses quasiment en aveugle… “Contrairement aux circuits, sur un rallye, tu ne sais pas toujours le virage qui t’attend, tu dois écouter ton copilote (le sien est sa femme, Muriel, ndlr). Parvenir à maîtriser un engin de course, même si on n’est pas non plus au plus haut niveau ici, cela nécessite donc de la concentration, une bonne connaissance de la mécanique, de la manière dont une voiture fonctionne, une confiance en soi et en celui qui dicte les notes.” Car Mamisoa et Morgane se retrouvent avec la même problématique : réussir leurs gestes dépend aussi du matériel qu’ils ont dans les mains. Elle, “prend beaucoup de soin de [s]es perches, pas seulement pour passer une barre, mais surtout pour ne pas [s]e mettre en danger !” Et puis, il y a un facteur, non négligeable, celui de la chance. Si on retourne vers le foot et ses pénaltys, on peut évoquer le cas de Mickaël Landreau, reconnu comme expert dans le domaine, qui a terminé sa carrière en en stoppant… un sur trois. Le geste est donc plus souvent manqué que réussi : “Normalement, un tireur doit le marquer. Pour réussir l’arrêt, tu peux jouer sur des facteurs extérieurs, lui mettre la pression, lui faire croire que tu vas partir d’un côté… C’est ce que faisait Landreau, j’ai aussi fait ça en Coupe. Mais ça rate plus souvent que ça ne réussit.” Pas étonnant si, en matière de pénaltys, on parle plus souvent du tireur qui “rate” que du gardien qui “arrête”, au grand dam de Rudy : “Un pénalty peut être bien frappé et le gardien la sort. Il ne faut pas oublier, aussi, le travail du gardien pour empêcher le but dans ces situations-là. Tout ne se joue pas au moment de la frappe, c’est parfois bien avant, au moment où les joueurs se croisent, se regardent.”
Voilà ce qui rend un geste particulièrement ardu, la combinaison entre apprentissage, maîtrise des facteurs extérieurs et chance. Voilà pourquoi le fait de frapper une balle de baseball à la batte paraît comme le geste le plus difficile à réaliser : les meilleurs joueurs de tous les temps ont à peine atteint les 33 % de réussite… et, selon les médecins qui les ont étudiés, semblent avoir développé des capacités physiques uniques, notamment au niveau nerveux. “Réussir à sauter à la perche, raconte Morgane, cela m’a permis d’affronter la peur. La première fois, il faut parvenir à se dire qu’on va se retrouver la tête en bas, et qu’il faudra surmonter cela. Il en faut, de la confiance en soi, pour courir, “piquer” la perche, rentrer dedans, s’élever la tête en bas, monter à quatre mètres…” Ou comment la maîtrise d’un geste pour la pratique d’une activité de loisir améliore les capacités de l’humain qui y parvient…
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LE FACTEUR CHANCE,, ÉÉVIDEMMENT ESSENTIEL.
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LE JOU R O Ù…
4 JUIN 2010
DE FOOTBALL PERD CONTRE LA CHINE À SAINT-PIERRE C’EST L’ÉVÉNEMENT SPORTIF LE PLUS MÉDIATISÉ DE L’HISTOIRE DU SPORT RÉUNIONNAIS : LA SÉLECTION EMMENÉE PAR RAYMOND DOMENECH A JOUÉ – ET PERDU - CONTRE LA CHINE À SAINT-PIERRE AVANT D’ALLER RATER SON MONDIAL EN AFRIQUE DU SUD. TEXTE LOÏC CHAUX
suite à une erreur d’arbitrage contre l’Irlande, allait peaufiner sa préparation à La Réunion, une semaine avant le début de la compétition. Saint-Denis et SaintPierre, en concurrence pour accueillir la rencontre, agrandissent leurs enceintes ; c’est la cité sudiste, là où bat le cœur du foot local, qui est choisie quelques mois plus tard.
RÉUSSITE POPULAIRE, MAIS DÉROUTE SPORTIVE.
I
l est toujours aisé, a posteriori, d’affirmer qu’on avait vu venir le coup. Que le cirque du bus, d’Anelka, de l’hôtel luxueux, de la “taupe”, étaient prévisibles. Mais ce serait mentir. On pourrait en rire, de la “une” du Jir du 2 juin, et de la photo de Franck Ribéry barrée du titre “Sympas, ces Bleus”. Or, la venue de l’équipe de France de football pour un match amical contre la sélection chinoise, si elle s’est soldée par un ratage sportif, a bel et bien été un succès populaire. Et si les observateurs de l’époque pouvaient légitimement s’interroger sur l’avenir sportif des Bleus, pas grand chose ne laissait présager de l’ampleur de la déroute sud-africaine. Six mois plus tôt, la Ligue de La Réunion, par la voix de son président d’alors, Yves Ethève, avait fait une annonce fracassante chez Antenne Réunion. L’équipe de France de foot, qualifiée de justesse pour le Mondial
Le 1er juin, l’arrivée des joueurs à Pierrefonds s’effectue en direct à la télé, et devant plusieurs centaines de supporters. Les Bleus jouent le jeu des autographes et des photos, avant de partir s’installer au Palm. C’est la liesse. Dans les jours suivants, de nombreux moments sont accordés aux rencontres avec le public ; le sélectionneur, Raymond Domenech, y tient. Dans l’Ouest, l’adversaire chinois, venu avec une équipe de remplaçants, s’entraîne à peine, et dans tous les cas dans l’indifférence générale. Toute la presse sportive française n’a d’yeux que pour Gourcuff, Ribéry, Domenech et les autres. Le 4 juin, dans un stade Michel-Volay rempli à ras-bord et devant les caméras de TF1, la fête tourne court, sur un coup franc chinois à la 68e minute. La Chine, pourtant franchement faible dans le jeu, bat l’équipe de France, incapable de marquer. La suite ? Un départ dans la nuit pour l’Afrique du Sud, des polémiques en série, une élimination dès le premier tour et toutes les répercussions qu’on connaît. Dans son livre paru deux ans plus tard, Tout seul, Raymond Domenech en dira un peu plus sur le passage réunionnais. Et notamment des discussions tendues, au Palm, sur le placement d’Anelka en attaque, sur les états d’âme de Thierry Henry relégué sur le banc ou le désir de brassard de William Gallas. À le lire, le ver était déjà dans le fruit ; le public réunionnais, lui, n’y a vu que du feu.