MA GA ZINE G RAT UIT RÉUNIONNAIS - #38 - SEPT EMBRE / OCT O B R E 2017
MAIS D’OÙ VIENT CE TRICOT ? SÉBASTIEN ET KAY LES HOMMES VOLANTS PAS DE SUPERMAN SUR LE GRAND RAID
MYTHIQUES
MARMITES
Découvrez la richesse, la diversité et la ± ƪ ±
MASCARIN j a r d i n
b o t a n i q u e
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Ouvert du mardi au dimanche de 9h à 17h Visite guidée à 11h, 14h et 15h (sauf le samedi 14h et 15h) 12 hectares de Jardin Expositions Salles de séminaire Boutique souvenirs restaurant Le Vieux Pressoir Entrée payante
Ruizia cordata Bois de senteur blanc Endémique de La Réunion
Saint-Leu Ile de La Réunion ͚ǡ ° Ǧ 97436 SAINT-LEU
tél. 0262 24 92 27 Patrimoine départemental
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ÉDITO
L’INÉGALITÉ DES SEXES DEVANT LE BOUQUET DE PERSIL Il est des inégalités dont on ne parle absolument jamais. La rédaction de BuzBuz, persuadée qu’elle est de son pouvoir de changer les choses dans une société au fonctionnement perfectible, se devait donc d’aborder ce sujet, épineux : l’inégalité des clients au marché forain selon qu’ils sont une dame ou un monsieur. Faites seulement une fois l’expérience. Prenez un homme, et une femme. Donnez-leur exactement – et au gramme près – une liste de courses à effectuer, et envoyez-les donc au marché acheter leurs courses. À leur retour, comparez les deux paniers, les quantités, ainsi que la somme déboursée. Eh bien de notre côté, après une courte enquête auprès des copains – ça vaut ce que ça vaut – madame revient toujours avec plus de fruits et légumes, et a payé moins cher. On en connaît même une qui ramène toujours un bouquet de persil gratuit, quand l’auteur de ces lignes, depuis le temps qu’il va au marché, a peut-être récupéré une ou deux tomates en tout et pour tout. Il n’y a pas de mystère là-dedans : le forain, il drague un peu. Dernièrement, l’un d’eux nous expliquait qu’il faisait toujours un petit cadeau aux jolies filles, parce qu’il “aime bien les voir sourire”. En revanche, un sourire de joli garçon ne rapporte pas grand-chose en termes d’herbes aromatiques. LA RÉ D ACT I ON
RÉDACTION EN CHEF Loïc Chaux
RÉDACTION Clémence Junot, Marie Renneteau, Marianne Renoir, Livy, Loïc Chaux, Laurent Perrin
DIRECTION ARTISTIQUE GRAPHISME
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Pascal Peloux
ISSN 2114-4923 Dépôt Légal : DL 6354 Toute reproduction même partielle est interdite.
COUVERTURE Modèle : Kim Photo : Romain Philippon Stylisme : Catherine Grégoire Remerciements à L’atelier de Maggy
PHOTOGRAPHIE Gwael Desbont, Ania Griuca, Romain Philippon
IMPRESSION BUZBUZ MAGAZINE
Graphica
Bimestriel N°38 Septembre-octobre 2017
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DIRECTION DE LA PUBLICATION Pascal Peloux
SARL au capital de 4 350 euros 62 boulevard du Chaudron Bât. A - Bureau 905 97490 Sainte-Clotilde 0692 55 99 98 contact@buzbuz.re
BuzBuz Magazine Emilie Arolès Tél. 0692 13 60 08 commercial@buzbuz.re
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LE NEZ D E H O RS TEXTES MARIANNE RENOIR, LIVY, MARIE RENNETEAU PHOTOS GWAEL DESBONT
INSPIRATION BOIS... Valentin est un jeune entrepreneur qui ne manque pas d’idées et de style. Il a lancé fin 2015 à La Réunion sa marque de lunettes solaires Hurricane Réunion, des lunettes en bois faites à la main. Son idée lui est venue lors d’un voyage en Afrique du Sud où il a rencontré des artisans qui travaillaient le bois. Il dessine ses modèles, assemble et sélectionne son bois et fait fabriquer ses lunettes dans des ateliers à travers le monde par des artisans. Du coup, ça donne un produit fait main de qualité (verres polarisés) et très stylé. Ses collections sont vendues dans une dizaine de concept stores à La Réunion et sur son site Internet. Pour compléter la collection, des lunettes en plastique et en bambou sont également à découvrir à des prix plutôt intéressants. HURRICANE, DANS PLUSIEURS MAGASINS DE L’ÎLE. HURRICANE-SUNGLASSES.COM
QUARTIER GOTHIQUE
POSE TA GALETTE ! Christophe a décidé, comme beaucoup d’amateurs de son de haute qualité, de remettre au goût du jour le vinyl. Depuis quelques années, la galette est drôlement revenue à la mode : même nos potes font l’acquisition de platines et dénichent de vieux disques dans les brocantes. À présent, ils peuvent aller chiner dans la rue du Four-à-Chaux à Saint-Pierre. Il y en a pour tous les goûts et tous les styles, du neuf, de l’occasion, il est même possible de passer commande. Plus de quatre mille références sont proposées, il y a donc de quoi faire. En parcourant les rayons, on s’est même imaginés s’enjailler sur des grands classiques. Alors, c’est quand, la prochaine soirée ? VINYL RUN, 45 BIS RUE DU FOUR-À-CHAUX, SAINT-PIERRE. OUVERTURE : DU MARDI AU SAMEDI, 10H-19H. TÉL. : 0262 32 44 84.
Les habitants de Barcelone en ont, paraît-il, marre des touristes. Qu’à cela ne tienne ! Cette adresse vous épargnera la grogne catalane. Le Carré cathédrale a en effet des airs du barri Gòtic (quartier gothique) depuis l’ouverture du Sancho Panza mi-août. Vous pouvez y picorer des pinxtos à partir de deux euros, partager des tapas pour six euros en moyenne ou vous offrir une belle assiette de charcuteriefromages. Des classiques espagnols comme la pata Negra, la sobresada et le jambon Serrano en charcuterie, alliés à l’excellence française en fromage. En accompagnement, une quarantaine de vins à la bouteille - vins du monde et de Métropole principalement - dont une dizaine au verre. Enfin, señor Camille - le responsable - vous a sélectionné toute une gamme d’épices et de beurres espagnols mais aussi locaux, à découvrir du côté de l’épicerie fine. À l’étage, vous pourrez aussi aller vous promener dans la galerie Artefact, ouverte au même moment ; mais c’est une autre histoire. LE SANCHO PANZA, 2 RUELLE MAZEAU, CARRÉ CATHÉDRALE, SAINT-DENIS. OUVERTURE : DU LUNDI AU SAMEDI, 11H30-23H30.
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LE NEZ DE H O RS
PASSAGE OBLIGÉ La commune de Saint-Paul a réaménagé son front de mer, pour laisser place à une belle promenade en bois. À côté du débarcadère, il y a peu, s’est ouvert le restaurant la Capitainerie, point de passage obligé de cette balade. Le bâtiment a été rénové et le résultat est magnifique : de belles poutres en bois, de grandes ouvertures sur la mer et des photographies d’époque. Pour faire plaisir à tout le monde, au menu, des poissons, viandes, salades et caris. Une jolie salle à l’intérieur, une très grande terrasse à l’extérieur où se pressent les vacanciers, les travailleurs en pause-déjeuner. À venir, les petits déjeuners les vendredi, samedi et dimanche, ainsi que les concerts le dimanche en fin d’après-midi. LA CAPITAINERIE, 1 QUAI GILBERT, SAINT-PAUL. OUVERTURE : DU LUNDI AU JEUDI, 10H-22H ; LES VENDREDI ET SAMEDI, 10H-22H30, LE DIMANCHE, 10H-21H. TÉL. : 0262 57 79 36.
LAUREL ENHARDI
QUAND L’ITALIE RÉGALE SAINT-PIERRE Depuis quelques mois à Saint-Pierre se trouve un chic et agréable bistro italiano. Des mets raffinés, une cuisine gourmande, des produits frais, des accents italiens… de quoi voyager et mettre tous vos sens en éveil. Dès la lecture de la carte, vous serez transportés… Rigatoni cacio e pépé tartufo, risotto, panzotti di bufala… vous allez vous régaler et vous allez vouloir revenir pour tout goûter. Pour les fanas de chocolat (et les autres) vous succomberez à leur tiramisu… EATALI, 108 B RUE DES BONS-ENFANTS, SAINT-PIERRE. OUVERTURE : LE MARDI, 11H30-15H ; DU MERCREDI AU VENDREDI, 11H30-15H // 18H30-23H30 ; LE SAMEDI, 18H-00H. TÉL. : 0262 78 01 40.
Son atelier est zen, mais Isabelle Campeggi, elle, est une boule d’énergie. Après vingt ans passés en Martinique, cette ancienne hôtesse de l’air débarque à La Réunion avec mari, enfants, valises et meubles. Des meubles faits en Laurel, ou bois de Rhodes, qu’elle affectionne et qui ne se vend pas sur notre île. Son Cordia Alliodora, Isabelle y tient et se lance à la recherche de l’artisan qui pourra le travailler. Quelques voyages en Amérique du Sud finissent de la convaincre qu’elle y a trouvé le bon. Aujourd’hui, les projets commencent à fleurir. Après Le Vieux Cep à Cilaos, le premier hôtel à lui avoir fait confiance, d’autres établissements réclament leur mobilier en Laurel. Et si vous, M. ou Mme Tout le monde, avez envie d’un fauteuil rococo ou d’un bureau personnalisé, il faudra d’abord y mettre le prix – on parle de haut-de-gamme - puis patienter quelques mois, le temps de la livraison depuis l’atelier sud-américain. Un échantillon est aussi visible au Brûlé mais attention, ce n’est pas un magasin. Un petit coup de fil avant de passer est recommandé. L’ATELIER ZEN, LE BRÛLÉ, SAINT-DENIS. TÉL. : 0262 59 66 75.
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LE NEZ DEHO RS
DRÔLEMENT BIEN
En voilà, un resto qui porte bien son nom. Il est là, tapi dans la végétation luxuriante de Montvert-les-Bas, se laissant approcher par ceux qui ont eu le temps de l’apercevoir Montvert-les-Bas l’ au milieu des courbes bitumées. Sur la terrasse, on a pris le soleil en dégustant notre burger. Un classique qui a pourtant ce truc en plus qui vous fait dire que vous y reviendrez. Ce petit truc, justement, c’est que Tom et sa femme Sahondra, les nouveaux gérants depuis juin, ont tenu à garder le même cuisinier. Un ancien boulangerpâtissier pour qui la pâte et le pain n’ont plus de secret. L’autre raison pour laquelle on y retournera à coup sûr se passe du côté de leur “cabaret musical” : tous les samedis soirs, un nouveau groupe sur scène. On est curieux d’y voir un jour Sahondra et son groupe de jazz... Zebrano. On reste dans le thème ! DRÔLES DE ZÈBRES, 80 CHEMIN DÉPARTEMENTAL 29, MONTVERT-LES-BAS, SAINT-PIERRE. OUVERTURE : DU MARDI AU SAMEDI, 11H30-14H30 // 17H30-22H. TÉL. : 0262 53 59 47.
DU DESIGN POUR TOUTE LA MAISON
Design it ! Warehouse, ce sont deux boutiques à La Réunion (Saint-Leu et Sa Saint-Denis) et un e-shop. Chez eux, on trouve de la décoration, des accessoires, des ustensiles de cuisine, de l’art de la table, mais aussi du mobilier. De quoi habiller toute votre maison avec goût, mais surtout avec des produits de qualité. Depuis 2010, l’équipe de Design it ! Warehouse continue de proposer des choses nouvelles et originales et toujours avec des belles marques. DESIGN IT ! WAREHOUSE, 16 RUE LABOURDONNAIS, SAINT-DENIS. OUVERTURE : DU MARDI AU SAMEDI, 10H-19H. TÉL. : 0262 36 98 74.
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LE NEZ DE H O RS
UNE AFFAIRE QUI ROULE Sur la route, toute la sainte journée, Anne-Sophie Ajorque l’est depuis depuis trois ans. Au volant de son camion, l’ex-blogueuse mode ravitaille les fashionistas des écarts et des Hauts. Mais n’est pas ubiquiste qui veut, et la jeune entrepreneuse ne peut être partout à la fois, au grand dam des clientes. Lui vient alors l’idée de créer une boutique fixe, un concept store retiré dans la zone industrielle du Chaudron où l’on retrouve l’univers et les marques vendues de façon itinérante. Avec quelques exclusivités de chaque côté. La boutique, Anne-Sophie l’a imaginée comme un lieu de vie où l’on peut venir se faire coiffer pendant les ateliers, rencontrer des créatrices et même essayer sa future robe de mariée. Et le camion, dans tout ça ? Pas de changement, il suffit de consulter le calendrier pour ne pas le rater. MODE & TRUCK, 26 RUE GABRIEL-DE-KERVEGUEN, SAINTE-CLOTILDE. OUVERTURE : DU MARDI AU VENDREDI, 10H-14H // 15H-18H30 ; LE SAMEDI, 10H-18H30. TÉL. : 0692 12 15 36.
COMPTOIR DE SAVEURS
AU DÉTAIL PRÈS L’animisme, c’est croire que même les objets, les pierres, les plantes ont une âme. Et lorsqu’on se trouve face aux meubles de M. et Mme Safla, notre esprit d’ordinaire si cartésien se met presque à douter. Une chose est sûre, le bois dans lequel ils sont conçus ont une histoire. Les pièces dénichées venues tout droit de l’Inde du nord sont souvent anciennes, parfois uniques, comme cette porte provenant d’un vrai temple. Le linge de maison - nappes, jetées de canapé, dessus de lit, est, lui, entièrement en coton et fait à la main. Au milieu des coffres, des tentures murales et des gravures anciennes de l’Inde anglaise, on laisse glisser nos doigts sur la surface irrégulière du bois, on s’imprègne de son odeur, de ses couleurs, de son histoire. Petite info pratique : la boutique livre dans toute l’Île. BLEU DES INDES, 53 RUE PASTEUR, SAINT-DENIS. OUVERTURE : DU LUNDI AU SAMEDI, 9H30-12H30 // 14H-18H. TÉL. : 0692 85 46 72.
Un dimanche matin, nous sommes montés à l’Entre-Deux (en vélo, même pas peur, histoire d’être bien affamés) pour découvrir le restaurant du Comptoir des Arts, de Vavang’Art. Et le dimanche, c’est brunch, de 11h à 15h. Deux formules à un prix très correct : thé ou café à volonté, jus de fruits frais, tartines, pâte à tartiner et confiture maison ; pour le reste, c’est selon l’inspiration du chef Benji. Ce jour-là : œufs brouillés, guacamole et ses nachos, patatas sauce mayo maison, vivaneau et sa purée de carottes, parsemée de graines germées et d’une délicate fleur de capucine… Vous en voulez encore ? Salon de thé puis restauration le soir, l’ardoise change toutes les semaines, il suffit alors d’aller sur leur page Facebook pour savoir de quoi elle sera faite. On pense déjà à la prochaine fois où on montera dans cette paisible commune des Hauts… LE COMPTOIR DES ARTS, 4C RUE HUBERT-DELISLE, ENTRE-DEUX. OUVERTURE : DU MERCREDI AU SAMEDI, 16H-00H ; LE DIMANCHE, 11H-22H. TÉL. : 0262 54 22 60 OU 0692 67 16 59.
Boisson aromatisée à base de vin - Suggestion de mode de consommation - RCS : B 482 283 694 - Mars 2017
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NOUVEAU
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEUREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.
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2 MOIS DE FAI T S DI V ’ TEXTES LOÏC CHAUX
SLIPS, MANIOC ET HANDSPINNER Lire les pages “Faits divers” du Jir et du Quotidien, c’est aussi prendre des nouvelles de La Réunion. Nous vous avons préparé le résumé de ces deux derniers mois et demi Du 19 au 25 juin
Du 17 au 23 juillet
Un monsieur est écroué pour le harcèlement de son épouse : il lui est notamment reproché de l’avoir insultée avec un mégaphone. À Saint-Pierre, il a fallu évacuer la gare routière ; heureusement, le colis suspect ne contenait que du songe et du manioc. Partie de cache-cache : auteur d’un délit de fuite, un monsieur est finalement retrouvé caché sous le lit d’un voisin. Pour changer du train-train, les gendarmes prennent idée de contrôler les transports en commun. Résultat des courses : sur vingt et un contrôles, douze infractions.
C’est un peu la tradition : pendant l’éruption, on part faire la rando, et vider deux trois canettes devant le spectacle. Sauf que, cette fois, les quatre dalons ont raté un virage en remontant de la Plaine-des-Sables. Au Port, un monsieur se promène en vélo avec un hachoir à la main, attaquant la police qui lui répond avec les lacrymos. Le Bafa pour les nuls : à Saint-Denis, les enfants d’un centre aéré rentrent d’une journée à Saint-Pierre. Au moment de rendre les marmailles aux parents, c’est la boulette : il en manque un.
Du 26 juin au 2 juillet
On ne va pas souvent à Sainte-Anne ; aujourd’hui, c’est pour découvrir que l’épicier, qui vit en face de la gendarmerie, s’est fait voler ses orchidées, ses coqs de combat et sa scie sauteuse. Restons dans l’Est : au Super U de Saint-André, le voleur à l’étalage repart avec un handspinner. À Saint-Louis, un camion se retrouve coincé sous un pont. Après avoir été débloqué, il est remorqué sur la Route des Tamarins, et se retrouve coincé sous le tunnel du Portail. Sur Free Dom, les auditeurs sont formels : il faut dégonfler les pneus.
À Saint-André, un homme appelle le 17 pour insulter la police, et finit carrément par faire de même au commissariat, des coups en sus. On ne sait pas pourquoi. Le plafond du local provisoire qu’occupent les pompiers du Tampon s’effrite. Du coup, ils tiennent leurs gardes dans la cour.
Du 3 au 9 juillet Oh, la belle prise ! Les douaniers ont attrapé un monsieur sortant de l’avion avec une quantité “importante” de cocaïne sur lui. “Importante”, ça veut dire trois cent cinquante grammes, le tout planqué dans le slip. Trois jours plus tard, un passager se fait attraper avec cinq cents grammes d’héroïne et seize kilos (!) de shit. Qui ne devaient donc pas être dans le slip, cette fois. Ça arrive souvent, mais c’est toujours aussi bon : un Portois qui s’était fait cambrioler retrouve son ordinateur en vente sur leboncoin.
Du 24 au 30 juillet
Du 31 juillet au 6 août Les faits-divers ne sont décidément pas les mêmes qu’on se trouve en ville ou à la campagne : à la Plaine-des-Cafres, un randonneur, qui avait conseillé à son fils de caresser un veau, se fait attaquer par une vache. Drame de la mode : un monsieur se bat dans la rue et se fait voler son sac banane à Saint-Joseph.
Du 10 au 16 juillet Au Tampon, une dame arrive au commissariat pour annoncer qu’elle vient de se disputer avec son mari et qu’il l’avait menacée avec quelques objets de sa collection personnelle. À savoir des grenades, des pistolets… tous factices. Dans l’Ouest, un traîteur a posé un lapin à des mariés et à leurs cent cinquante invités. À Saint-Denis, des SDF ont mené grand train : il tapaient des bouteilles dans la réserve perso du colonel de gendarmerie.
Du 7 au 13 août Un jeune homme vole le sac d’une dame, et récupère dedans sa carte bleue et le code qui va avec. Il la cache dans son slip, va retirer des sous… sur un compte bloqué à des retraits de dix euros par jour. Au Tampon, un petit enfant tombe dans une fosse septique, et boit la tasse. Gros bazar au Chaudron : une fois le marché forain terminé, des marmailles commencent leur traditionnelle pousse. La police, venue
en petit nombre leur demander d’arrêter, rebrousse chemin, sous les regards hilares des habitants venus tranquillos assister au spectacle. À Saint-André, un monsieur qui avait perdu son chien, finit par le retrouver. Pour ne pas qu’il s’enfuie à nouveau, il l’attache à sa voiture, stationnée en bord de rue. Mais il se fait agresser par deux occupants d’une boutique ; il décide alors de s’enfuir au volant de sa voiture… oubliant que le chien y était toujours attaché.
Du 14 au 20 août Un jeune homme qui a pris l’habitude de montrer son zizi aux dames et dans la rue est condamné à de la prison. À Saint-Joseph, les gendarmes arrêtent des voleurs chargés de onze régimes de bananes. À Saint-Leu, ils ont cueilli un autre fruit : un parapentiste coincé dans un arbre.
Du 21 au 27 août À Saint-Joseph, une boutique se fait attraper avec cent dix kilos de viande pas fraîche dans les frigos. Bons produits pays, encore : à Cilaos, un planteur de lentilles faisait aussi pousser du zamal.
Du 28 août au 3 septembre Ça commence à faire beaucoup : un monsieur est condamné pour conduite en état d’ivresse pour la dixième fois. À trente ans. ”Je ne m’occupe pas du jardin”, a-t-elle expliqué aux gendarmes venus lui demander des comptes sur les cent soixante-douze pieds de zamal qui décoraient son terrain.
Du 4 au 10 septembre Le tribunal de Saint-Denis se retrouve face à un jeune homme qui avait braqué une pizzeria armé, ganté et cagoulé avec des copains, ramenant cinquante-sept euros. Le périple ne faisait que commencer : dans une boulangerie qui n’a pas de monnaie à leur donner, ils repartent avec des croissants et du Coca. Ils se sont fait attraper car, sur le chemin du retour, ils ont été flashés par un radar, apparaissant sur la photo avec des armes à la main. J’en vois qui se marrent devant leur BuzBuz, là.
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ÉVÉNEME N T TEXTES LOÏC CHAUX
DES FOIS, ELLES SONT LÀ… En juin, La Réunion s’inquiétait encore d’une année où les baleines à bosses seraient absentes du littoral. Trois mois plus tard, c’est une des saisons les plus prolifiques qui est en train de se conclure.
Selon l’association Globice, 2017 devrait être l’année où le plus grand nombre de baleines à bosse a été observé au large des côtes réunionnaises.
Les baleines mettent bas dans les eaux chaudes, et passent quelque temps dans ces eaux (c’est-à-dire vers chez nous) avant de redescendre dans les eaux froides. Dans tous les cas, donc, leur migration peut être impactée par le réchauffement climatique.
Lors du congrès mondial consacré aux baleines à bosse qui se déroulait à Saint-Leu début juillet, les scientifiques s’inquiétaient d’une nouvelle année “sans”.
En 2015 et 2016, très peu de baleines avaient été aperçues ici. Le phénomène d’observation est en fait très irrégulier d’une année à l’autre.
Des hypothèses avaient été avancées pour cette ”disparition” des baleines auprès de nos côtes : une modification des courants marins, un déplacement de leurs sources d’alimentation au niveau de l’Antartique affectant leurs migrations, les travaux de la Nouvelle route du littoral, la trop grande présence de plaisanciers autour des animaux lors de leur passage…
Si aucune étude fiable n’existe, on peut cependant remarquer un fait : de plus en plus de bateaux entourent les baleines, et la charte d’approche n’est pas toujours respectée.
L’observation de baleines à La Réunion est très récent : avant 2001, les observations étaient quasi-inexistantes. L’affluence de cette année montre un fait : on ne connaît pas grand chose du comportement des baleines à bosses.
Ce que, d’ailleurs, les scientifiques avouent bien volontiers.
ÇA SE PASSE AILLEURS ÇA SE PASSE AILLEURS ÇA SE PASSE AILLEURS ÇA SE PASSE AILLEURS ÇA SE PASSE AILLEURS ÇA SE PASSE AILLEURS
99% de l’eau consommée au Qatar provient du dessalement d’eau de mer. // La mairie de Paris a décidé de doubler la distance de ses pistes cyclables avant 2020. // En juillet, l’Île Maurice a annoncé qu’elle construira une ligne de métro entre Port-Louis et Curepipe, d’une longueur de vingt-six kilomètres. // Fin août, Bombay a vu 297,6 millimètres de pluie lui tomber dessus en neuf heures. // En 2018, l’agglomération de Dunkerque (environ deux cent mille habitants) rendra tous les transports en commun gratuits. C’est déjà le cas notamment à Niort, Châteauroux ou Aubagne. // En Suède, le montant minimum pour payer par carte bancaire n’existe pas. // En 2016, Erin O’Flaherty a été la première jeune femme ouvertement homosexuelle à participer au concours Miss America. // En juin, le Canada a autorisé le sexe neutre sur les documents officiels. Les personnes ne s’identifiant ni homme, ni femme, porteront donc la mention “X”. // New York vient de décider que le prix minimum du paquet de cigarettes vendu dans la ville serait de treize dollars.
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ART, CU LT URE URBA I N E E T M ULT I M ED I A TEXTES LOÏC CHAUX PHOTOS GWAEL DESBONT
VOYEZ-Y CE QUE VOUS VOULEZ On ne parle pas souvent d’art abstrait, dans ces pages. Avec Théophile Delaine, ce sera fait.
A
voir pour la première fois devant les yeux les toiles de Théophile, c’est avoir ce réflexe, comme devant toute œuvre abstraite : essayer d’y voir quelque chose, de deviner des formes connues derrière l’accumulation des couleurs. Bonne idée ? “Lors des expositions, j’aime écouter ce que le public voit dans mes toiles. Moi, lorsque je les crée, je pense à quelque chose, oui. Mais chacun arrive avec son histoire, ses sentiments, et chacun va y voir ce qu’il veut. Mais moi, je sais ce que j’y mets.” Son expo, Voyage, encore visible jusqu’à fin septembre au Va Piano, à Saint-Denis, frappe d’abord par ses couleurs. Il a voulu des “toiles vivantes”, jouer sur “le champ sémantique des couleurs”. Chaque tableau exprime une étape personnelle d’un voyage, les teintes et les coups de pinceau faisant le reste. Il faut dire qu’il a eu le temps d’y réfléchir, à cette thématique : “Quand on se déplace, on se confronte à soi-même. Puis, quand on change d’endroit, on emporte avec soi ses expériences précédentes. Et quand je “sclérose” à un endroit, je me dis qu’il est temps de bouger. D’ailleurs, mon expérience me fait dire une chose, c’est que cette notion du voyage évolue, elle devient de plus en plus précise. Mais attention, on n’est pas obligé d’avoir voyagé pour ressentir ce que j’ai voulu exprimer ici. La vie elle-même est un voyage.”
C’est toujours très compliqué, de parler de l’art abstrait, lorsque notre culture dans le domaine est proche du néant. Pourtant, nous vous le disons tout net : les toiles de Théophile sont accessibles au néophyte. Lors de notre visite, il nous a conseillé de prendre du recul, d’embrasser la toile du regard, de ressentir, tout simplement. Et il a raison : c’est fou comme, si on veut bien prendre un peu la peine de plonger son regard dans ces tableaux, tout à coup, nous vient quelques sensations de vertige, de joie, parfois même de mélancolie. On sent bien que l’artiste a voulu nous raconter quelque chose ; cela vaut peut-être le coup de l’écouter… ou de le voir, en l’occurrence. Mieux : le regarder.
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DITES-LE AVEC DU TRICOT On aura eu du mal à les retrouver, ces tricoteuses. Mais après des mois de recherches, et de courriels infructueux, ça y est, nous avons réussi à mettre une voix (à défaut d’une image, ou même d’un nom) sur celles (nous saurons qu’il s’agit de femmes) qui, un jour, ont eu l’idée de tricoter une écharpe à la statue de RolandGarros, mettre des chapeaux fleuris aux canons du Barachois et une écharpe et des bracelets à la porteuse d’eau du rond-point de la Bretagne (qui les a même conservés malgré son déménagement) ou à ses voisins, Héva et Anchaing. L’une des “Fées tricoteuses” raconte : “Pourquoi on a fait ça ? Eh bien, c’est rigolo, non ?” Nous aurons des précisions plus tard : “Ce serait prétentieux de se trouver une raison humaniste, du genre changer le monde, dénoncer les inégalités, lever des fonds… Non, du tout, on fait ça parce qu’on trouve ça chouette d’embellir la ville, de faire sourire les gens, d’apporter un brin de fantaisie à ce monde pas facile facile. On est des filles rêveuses, joyeuses et si on peut partager, c’est déjà pas mal !” N’empêche : les fleurs sur les canons sont apparues après les attentats de janvier 2015 ; Héva et Anchaing ont été décorés pour la SaintValentin… Pas anodin. Pour l’anecdote, lors de leur première action, sur Roland Garros, elles avaient envoyé un mot à Jace
pour lui demander des conseils d’action discrète… Elles avaient donc fini par agir le soir, en escaladant l’illustre aviateur, dans “l’indifférence totale des automobilistes qui passaient devant.” Pas de dégradation, des couleurs, une action somme toute rigolote : on en reviendrait à regretter qu’on lui ait enlevé son écharpe, à ce brave Roland Garros, il aurait l’air moins austère.
UN Œ IL DANS LA RUE
DES YEUX LE LONG DE LA RUE
Inspirés par les Yōkai, ces créatures de la mythologie japonaise caractérisées par leurs gros yeux et représentant parfois des objets qui prennent vie, des artistes se sont amusés à offrir aux tétrapodes de la Nouvelle route du littoral des yeux en noir et blanc. Renseignement pris, le but est de donner la vue à toutes ces pièces de béton chargées de casser les vagues. Il y en a encore beaucoup.
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CULTU RE PO P’ RECUEILLI PAR LAURENT PERRIN PHOTO GWAEL DESBONT
LA BARBE ET LE CHEVEU, UNE HISTOIRE DE MODE À l’époque de papa, c’était rasage tous les jours, et after-shave bon marché pour calmer les brûlures. Aujourd’hui, l’homme prend davantage soin de son style, d’après Panzer.
Quand il a ouvert son salon de coiffure pour hommes, barbier à l’ancienne, (Crazy Hair, à La Possession), les grossistes lui ont ri au nez. L’homme, personne n’y croyait. Ils avaient tort. Quels sont les modèles qui reviennent le plus ? “C’est souvent les mêmes. On ne m’a pas encore demandé Neymar. C’est toujours Ronaldo (Cristiano, ndlr), pas mal de footballeurs. Des coupes avec des crêtes, des dessins. Les ados à douze ans ont déjà un smartphone, et peuvent choper leurs modèles sur Internet. Et ils ont les bouquins au salon, bien sûr. Il y a un style assez prédéfini : le trait sur le côté, dégradé américain sur les côtés et la nuque, plus long au dessus, contours. Et chacun ajoute sa signature. Les styles ont-ils tendance à s’uniformiser ? Chaque époque a ses modes. Et le cheveu parle toujours. Il y a eu le grunge dans les années quatre-vingt-dix, les punks, rasés
avec la crête au milieu dans les années quatre-vingt, les hippies dans les années précédentes. On dégage ses idées par le cheveu. Deux personnes avec les cheveux longs, l’une où ils sont attachés et tressés, propre sur elle, l’autre grunge, avec la veste en velours et la barbe de trois jours, n’ont pas la même personnalité. Le golden boy aura les cheveux gominés plaqués en arrière, le timide mettra ses cheveux vers l’avant pour se cacher. Comment évolue le rapport des gens à leurs coupes ? Les CSP+, les vingt-cinq, cinquante-cinq ans, s’entretiennent plus qu’avant. Jusqu’ici, c’étaient les ados qui pouvaient se permettre des dessins, des fantaisies. Aujourd’hui, on observe que la classe travailleuse se met à la barbe, les cheveux à la hipster. Ça passe
mieux au travail, parce que c’est dans l’air du temps. Comme le tatouage, la boucle d’oreille, qui étaient exclus autrefois. Il y a une tolérance du patronat vis-à-vis de leurs employés. La société évolue, les gens ne veulent plus ressembler à leur père. Même les geeks gardent un look de jeune. Conseillerais-tu ce métier à un jeune ? Oui, mais en ayant en tête que les barber shops, il n’y a pas que ça dans la coiffure. Il n’y a pas que du “rasé” et des dessins. Il y a des jeunes qui viennent me demander du travail. Ils sont de la culture du quartier, la culture barber shop, coiffeur la kour. Ils savent très bien faire ce qu’on leur demande, mais ils ne savent faire qu’une coupe, la coupe barber shop avec un dessin. Il ne faut pas s’enfermer, se ghettoïser dans certaines choses.”
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SÉBASTIEN T URAY
P ORT R AIT
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TEXTE CLÉMENCE JUNOT PHOTO ANIA GRIUCA
DÉCOLLAGE ÇA TOURNE La plupart du temps, Sébastien Turay filme La Réunion et ses Réunionnais. D’en bas mais surtout d’en haut, en avion, en parapente ou en hélico. Mais il lui arrive aussi parfois de filmer les vols planés de Tom Cruise…
Tu vois le groupe sanguin O- ? Seb, c’est ça. Une sorte de donneur universel. Il est capable de donner des idées et de l’affection à tout le monde”, nous avait prévenus Anne Paris, sa compagne. De l’affection, oui, lorsqu’en 2012, il quitte Paris, la ville, pour rejoindre Paris, la femme, à La Réunion. Quant aux idées, il ne faut pas en manquer pour avoir, à quarante-sept ans, endossé les costumes de réalisateur, de présentateur d’émissions télévisées, de journaliste aéronautique et scientifique, avoir écrit deux livres d’investigation et être passé par à peu près toutes les chaînes de télé nationales. “À France 3, ils voulaient m’embaucher. Non, mais jamais ! Moi, je voulais faire des documentaires, être indépendant, pouvoir me barrer”, s’esclaffe le robuste gaillard. Arrivé en 2012 par amour, mais aussi pour fuir une télé dans laquelle il ne se reconnaît pas, “voyeuriste et manquant d’investigation”, Sébastien Turay monte sa société de production, enchaîne les reportages scientifiques. Il promène sa caméra sur les coulées de lave encore chaudes, filme des fouilles archéologiques et documente des missions scientifiques sur les îles alentours
SON DOMAINE DE PRÉDILECTION ? “LA SCIENCE, ET TOUT CE QUI VOLE.” – Mayotte et Juan de Nova. Son domaine de prédilection ? “La science, et tout ce qui vole.” Au début de sa carrière, il couvre un rallye aérien de Toulouse à Dakar à bord d’un petit avion : “J’ai cru que j’allais mourir. La première heure, je me suis dit : mais qu’est-ce que je fous là ? Je vais filmer des mecs pendant une semaine dans un truc où j’ai peur.” La semaine passe, sa peur aussi, et Sébastien décide finalement de passer son brevet de pilote : “Quand j’ai peur d’un truc, j’ai envie de le tester, de comprendre comment ça marche pour passer outre mon appréhension.” Son peu de temps libre, il le passe aujourd’hui à entasser son mètre quatre-vingt-quinze dans de petits avions qu’il pilote, et à pratiquer une panoplie de sports à sensations fortes. Il y a quelques semaines, il a gravi le Piton des Neiges de nuit pour le redescendre en parapente à l’aube. En 2013, Sébastien prend encore de l’altitude. Alors qu’il pose tout juste bagages à La
Réunion, il est mandaté par l’agence spatiale Novespace pour filmer des vols à bord de leur avion “zéro-G”, un Airbus A310 aménagé pour effectuer des séries de paraboles. L’avion monte à la verticale pendant vingt secondes, puis se laisse tomber vingt-deux secondes, avant de recommencer, recréant ainsi les conditions de l’apesanteur. “Tu vis comme Thomas Pesquet mais en vingt-deux secondes. C’est intense !” L’agence spatiale apprécie sa capacité à maintenir son cadrage mais surtout son estomac en place… Sa dernière réalisation à bord de l’aéronef : filmer le making-off de La Momie. “Tom Cruise avait toujours rêvé de tourner en apesanteur, il l’avait proposé pour le dernier Mission Impossible, mais ça ne rentrait pas dans le scenario.” Coup de bol, La Momie comporte une scène de crash. Sébastien partage alors la cabine avec l’équipe du film et capture les coulisses des quatre vols nécessaires au tournage de la scène. “C’était complètement fou de côtoyer Tom Cruise quelques jours. C’est un type incroyable, à l’américaine, qui a toujours le sourire. Tout est toujours “Amazing !”, “Incredible !”, “So happy to see you!”” Tiens, ça lui fait un point commun avec Sébastien : traverser la vie en planant au-dessus de tout.
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SOCIÉTÉ
À GRANDS COUPS DE FOURCHETTES C’est une histoire de patrimoine, de mémoire collective, de transmission… Que La Réunion soit connue pour ses cirques et ses remparts, ses belles vagues et son volcan, tant mieux, mais ils étaient là avant nous, et nous ne sommes pas pour grand-chose dans leurs atouts. Notre cuisine, en revanche, ce sont nos mains, nos réflexions, nos produits qui l’ont créée et améliorée. La cuisine réunionnaise, c’est un peu de nous tous. Pour faire bref : BuzBuz est allé manger avec sa tête.
“ON JUGE LA QUALITÉ D’UN PLAT À LA FIDÉLITÉ ACCORDÉE AU TERROIR.”
“
Pour trouver de bons sujets de reportages, il faut aller dans les bars.” La maxime n’est pas de nous, mais d’un illustre maître à penser, référent de stage auprès d’apprentis journalistes dans une obscure rédaction de Métropole, conduisant certes toute la journée avec son gramme dans le sang, mais toujours au courant du moindre fait-divers, de la plus anodine histoire à raconter. Pour éviter de trop nous éloigner de cette auguste philosophie de travail, nous sommes allés au restaurant ; là-bas, il y avait certes un peu à boire, mais surtout à manger. Une bouchée nous a suffi : il y avait une histoire à creuser. C’est enfoncer une porte ouverte que de dire que La Réunion recèle de bons endroits pour
bien manger. Quoique, comme nous allons le voir, ils ne sont pas vraiment pléthore quand il s’agit de plats traditionnels réunionnais. C’est plus compliqué d’essayer de comprendre le pourquoi, le comment. Au sortir de ce repas chez madame Annibal – c’est de ce restaurant dont il s’agit plus haut – ces questions se sont posées à nous. Ce canard à la vanille, héros d’un menu unique servi à Bras-Panon depuis plus trente ans, ne venait évidemment pas de nulle part. Derrière ce canard cuit parfaitement, derrière cette sauce à la saveur vanillée assez coquette pour ne pas couvrir celle de la viande, il y avait forcément une histoire. Des hommes, des femmes, avec des mains qui ont cuisiné et des cervelles qui ont réfléchi. Et des histoires comme celle-ci, on devait en
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TEXTE LOÏC CHAUX PHOTOS ROMAIN PHILIPPON
Rivière-des-Marsouins - Saint-Benoît
DERRIÈRE CE CANARD CUIT PARFAITEMENT, DERRIÈRE CETTE SAUCE À LA SAVEUR VANILLÉE ASSEZ COQUETTE POUR NE PAS COUVRIR CELLE DE LA VIANDE, IL Y AVAIT FORCÉMENT UNE HISTOIRE.
Les Letchis - Saint-Benoît
retrouver d’autres. On n’accommode pas à l’aveuglette les épices et la viande, on ne cuit pas dans le désordre l’ail, les tomates et les oignons, on ne met pas du thym n’importe où. Naturellement, nous nous sommes tournés vers Alexandre Bègue, dont nous nous doutions de l’expertise, puisqu’il s’occupe d’une rubrique consacrée à la gastronomie dans le Journal de l’Île. Une rubrique que nous vous conseillons vivement de lire, tant pour la plume de ses rédacteurs que pour la qualité de leur palais et des critiques qu’ils savent en tirer. Parlez-lui de cuisine, à Alexandre ; il vous mimera la sauce qui enrobe les viandes et, surtout, vous parlera de “terroir” : “C’est quoi, le terroir ? C’est un savoir-faire familial, une transmission, des lieux, une terre. De vraies saveurs, des produits dont on
connaît la provenance, le lieu où ils ont poussé, le “comment”. Le terroir, c’est un ensemble, et, pour moi, on juge la qualité d’un plat à la fidélité accordée au terroir.” Alexandre nous a ouvert la porte sur un concept qui n’a cessé de se confirmer au long de notre enquête : la cuisine, c’est d’abord une affaire d’aïeuls. On ne va pas vous dire que “c’était mieux avant”, non. Ce qu’on a plutôt entendu, c’est : “C’était très bien avant, continuons de faire ainsi.” C’est avec Sabine Dijoux que nous avons débuté notre périple, à Saint-André. Sabine Dijoux, c’est une des mémoires de la cuisine locale, une des protectrices du savoir-faire réunionnais. On nous avait prévenus : “Sabine, parle-lui de son pâté créole. Et va pas lui demander de mettre de la confiture dedans, elle pourrait t’engueuler.” Taquins, nous avons
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“DEPUIS LE TEMPS QUE JE LE FAIS, CE CANARD, JE PEUX TE DIRE QUE S’IL N’EST PAS AU MENU, LES CLIENTS FONT LA GUEULE.”
quand même évoqué le sujet… “Tiens, la confiture dans le pâté créole, c’est un bon exemple. Des Métropolitains sont arrivés, et ont trouvé que c’était meilleur. Alors, nous, Réunionnais, qui pensons toujours que les autres ont raison, surtout quand ils viennent de Métropole, on a mis de la confiture dans le pâté. Mais non ! Mettre de la confiture là-dedans, c’est tuer notre patrimoine. C’est une autre recette ? Eh bien, vous trouvez un autre nom pour votre truc, vous n’appelez pas ça “pâté créole”. Il faut être fiers de notre cuisine ! On doit se défendre, être fiers de notre patrimoine culinaire ! Quand des chefs de l’extérieur viennent ici, ils sont les premiers à dire que notre cuisine est excellente. Alors ? Demandons à nos grandsmères comment elles faisaient, et gardons ces recettes en mémoire ! Et utilisons les produits que nous avons à disposition. Pourquoi mettre du vinaigre dans une vinaigrette, quand nous avons de bons citrons qui poussent ici ?” Évidemment, c’est donc dans les tables où le souvenir de la mamie est vivace que la cuisine nous a semblé la meilleure. Alexandre Bègue nous avait prévenus : ce sont dans les tables d’hôtes qu’on retrouve le goût d’avant. Et puisqu’il semble que notre périple devait se dérouler dans l’Est et le Sud, nous sommes allés rendre visite à Magalie Guimard, dans la ferme-auberge du même
Beauvallon - Saint-Benoît
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Chez Guimard - Saint-Philippe
“C’EST UNE AUTRE RECETTE ? EH BIEN, VOUS TROUVEZ UN AUTRE NOM POUR VOTRE TRUC, VOUS N’APPELEZ PAS ÇA “PÂTÉ CRÉOLE”.”
nom. Sa salade de palmiste valait le voyage, paraît-il. Elle s’en étonnerait presque : “Nous avons des gens qui viennent de loin pour goûter à notre palmiste, c’est vrai. Notre recette, pour moi, n’a rien d’exceptionnel, mais je sais en tous cas pourquoi elle est bonne : notre palmiste rouge est frais. Pendant que les gens boivent l’apéritif, on le prépare à la minute, et on le tourne immédiatement dans la vinaigrette, pour ne pas qu’il noircisse. C’est une recette de mon papa, qui a essayé plein de trucs pour, justement, garder cette couleur blanche, et conserver ce goût de noisette typique.” L’auberge Guimard a une chance. Elle se trouve dans une région où tout pousse, et accolée au Jardin des épices. Même plus besoin d’aller au marché pour trouver les palmistes, les poivres, les vanilles… C’est une des raisons pour lesquelles ce genre d’établissement profite d’un autre phénomène, celui de la visite des familles réunionnaises venues retrouver le goût des repas lontan, lorsqu’on mangeait ce qui poussait et caquetait dans la cour : “Nos plats sont servis en fonction de ce que la saison nous permet de cueillir. Tous les produits sont des produits “la kour”.” À quelques centaines de mètres de la famille Guimard, c’est un autre bastion de la cuisine réunionnaise qui trône. Dont la réussite économique flamboyante ne doit pas faire oublier qu’on y mange bien : le Cap Méchant. Après avoir salué notre vieille amie Elise (voir BuzBuz #15), nous avons pu passer quelques instants avec madame Courtois qui, avec son mari, a été à l’origine du petit restaurant devenu une institution. Nous étions venus pour parler de son mythique cari bichiques. Elle a fait la moue : “C’est de plus en plus difficile, de trouver des bichiques, vous savez… On doit s’adapter avec d’autres produits, de qualité, mais pas forcément d’ici. Par exemple, comment trouver de bons camarons ?” Et pourtant, les plats du Cap Méchant sont réputés dans toute l’Île, et ce depuis longtemps. “Parce qu’on n’a pas changé les recettes, et mon mari et moi sommes toujours en cuisine. C’est une cuisine
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Chez Nehoua - Saint-André
“JE SUIS SÛR QUE DANS LA CUISINE RÉUNIONNAISE, IL Y A QUELQUE CHOSE DE L’ORDRE DU SPIRITUEL QUI NOUS ÉCHAPPE.”
familiale, que nous avons apprise nous-mêmes, sur les conseils de ma belle-mère. Elle nous a donné les recettes, et elles ne sortiront jamais de la famille. Les produits changent, peut-être, mais la cuisine, non. Et les gens reviennent.” Elle concède cependant être tout particulièrement attentive aux remarques des anciens, sourire lorsqu’ils sont heureux de retrouver les goûts de leur enfance. En remontant dans l’Est, un certain Michel Lhomond, aux Letchis, est presque dans la même veine. “Presque” car son canard braisé est dans le panthéon créole, alors que c’est lui l’auteur d’une recette qui n’est finalement pas si vieille. En fait, il a choisi de “tuner” (ce sont ses mots) le civet canard : “J’ai choisi de diminuer la quantité de vin, et de braiser le canard au lieu de le fumer. Ça m’est venu comme ça, en remarquant que le civet pouvait avoir un goût trop prononcé par rapport à la viande, et que le canard fumé pouvait être trop sec. Depuis le temps que je le fais, ce canard, je peux te dire que s’il n’est pas au menu, les clients font la gueule.” Pour son “tuning” de plat, monsieur Lhomond revient au même discours que ses collègues. Il montre les alentours de la Rivière-desMarsouins : “On a tout ce qu’il faut, ici, pour tuner les plats. Je ne connais pas les doses de mes épices, mais je sais comment apporter de la couleur, du brillant, du goût. Ma braise, c’est du bois de letchi, voire de longani, au pire. Pourquoi j’irais mettre du siave dans mes plats, quand j’ai toutes les plantes dont j’ai besoin pour le goût dont j’ai besoin ? Du safran, du kaloupilé, il y en a partout, je te le dis, il suffit d’essayer, de goûter.” Alors, elle peut évoluer quand même un peu, la cuisine réunionnaise ? Nous avons demandé ce que Sabine Dijoux en pensait, un peu craintifs… “Mais pourquoi pas ? Déjà, il faut savoir que chaque région de l’Île ne fait pas les mêmes caris. À Mafate, ils ne mettent pas de tomates. Et puis, avant, on était toujours actifs, alors on pouvait se permettre de manger un peu plus riche, on se dépensait beaucoup. Aujourd’hui, moins. Alors, d’abord, on peut manger un peu moins de riz. Et puis, l’huile, il faut réduire. Il suffit de prendre une huile de meilleure qualité, et vous en mettez moins. Le piment, aussi, il faut faire attention : avant, les gens avaient tout le temps des maux de ventre…” Il n’était pas question, dans cet article, d’essayer de définir le meilleur rougail saucisses, les
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À PROPOS DES SARCIVES DE CHEZ NEHOUA, NOUS FAISONS AUJOURD’HUI LA PROMESSE DE NE PLUS JAMAIS ALLER DANS L’EST SANS EN RAMENER UN KILO.
meilleurs bouchons (nous aurions pu, au passage, aussi vous parler des sarcives de Camille Nehoua, à Saint-André, à propos desquelles nous faisons aujourd’hui la promesse de ne plus jamais aller dans l’Est sans en ramener un kilo). Mais bien de comprendre la démarche de ces garants du patrimoine culinaire réunionnais. Pas bête, comme interrogation, pour Alexandre : “Eh oui, ça se perd, cette transmission. On en trouve de moins en moins, de lieux, où on mange les mêmes choses que lors de nos repas de famille. Je me souviens du poisson farci de chez Lon Mon Poy, qui apparaissait d’ailleurs dans l’album de Michel Vaillant à La Réunion. Un plat incroyable, que toute La Réunion allait manger. Eh bien, je crois qu’il n’existe plus. Il faut à tout prix que ces recettes ne disparaissent pas.” Sabine Dijoux ne dit pas autre chose : “Il faudrait créer une sorte de label pour certains plats. Ou encore que des associations se créent, pour récupérer les recettes des
grands-mères.” Certes, la cuisine réunionnaise n’a rien inventé. Certes, tous les plats ont des origines africaines, asiatiques, européennes. Mais des siècles de savoir-faire ont réussi à créer des mets qu’on ne trouvera qu’ici, à force d’améliorations, d’accommodements, en fonction de ce que l’Île offrait. La cuisine réunionnaise est le miroir de ses habitants, de sa géographie, de son histoire. Et même, peutêtre, un peu de sa spiritualité. Alexandre, pour conclure : “Une recette qui viendra de ta grandmère, tu pourras essayer de la refaire exactement, avec les mêmes ingrédients, la même marmite, le même tour de main, elle n’aura pas le même goût. Moi, je crois que j’ai une idée là-dessus. C’est que la personne, en disparaissant, emporte quelque chose avec elle, quelque chose de sa recette. Je sais, ça paraît un peu bizarre, mais je suis sûr que dans la cuisine réunionnaise, il y a quelque chose de l’ordre du spirituel qui nous échappe.”
Retrouvez sur www.buzbuz.re l’ensemble des adresses des lieux que nous avons visités pour la réalisation de ce dossier.
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EX TRAMURO S TEXTE LAURENT PERRIN PHOTOS GWAEL DESBONT
VISER PLUS HAUT Il n’y avait pas trente-six possibilités pour cette famille nombreuse : ou bien se serrer, ou bien construire un nouvel étage à leur maison Satec récemment acquise. Ils ont choisi la seconde option.
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ur la colline de Montgaillard, une petite case Satec résiste encore et toujours à la pression immobilière. Les cases Satec, vous savez, ce sont ces maisons en béton, brutalistes. Et indémodables, pour qui aime le mouvement moderne en architecture. Celle-ci est entourée d’immeubles de cinq à six étages, qui se prennent pour des maisons géantes. Quand ils la découvrent, ses futurs propriétaires ont le coup de cœur pour cette case d’un autre temps – sa construction remonte aux années soixante-dix. Et surtout pour sa vue, depuis le jardin, qui domine une bonne partie du chef lieu. “On a grandi dans la cour, parmi les arbres fruitiers, dans un art de vivre à la créole. C’est ce qu’on voulait retrouver pour nous et nos enfants”, nous confie l’heureuse propriétaire. Dans cette maison Satec – l’une des premières à avoir été construites – les nou-
veaux occupants ne veulent pas faire comme tout le monde. Et surtout, c’est la logique qui doit prédominer. Un dialogue fructueux avec l’architecte les mènera à cette conclusion : il faut laisser les chambres en bas, et construire une extension à l’étage pour l’espace de vie, qui profite de la vue aux moments propices de la journée. “L’étage n’est que le salon et la cuisine, soit 80 m2 d’espace totalement ouvert, qui communique avec le jardin arrière”, précise l’architecte Simon de Palmas, de l’agence KZ-A. Le jardin, riche en arbres fruitiers, apporte fraîcheur et tranquillité en fond de terrain. De dehors, la bâtisse au bardage en tôle cuivrée change de couleur à chaque instant, en fonction des nuages qui passent. Et dedans, même impression sereine. L’air traversant, les poutres en bois foncé qui sortent du plafond blanc, évoquent l’architecture tropicale, comme un clin d’œil à la case Tomi. Tiens, justement, un des dadas de l’agence...
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CULTU RE G RECHERCHES LOÏC CHAUX ILLUSTRATIONS MATTHIEU DENNEQUIN
La langue possède dix-sept muscles.
À sa naissance, Louis XIV avait deux dents.
Jean-Paul II est le seul pape à avoir mis les pieds à La Réunion, en 1989.
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À l’état sauvage, les lémuriens ne vivent que dans l’archipel des Comores et à Madagascar.
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Chez la baleine à bosse, la femelle est plus grosse que le mâle.
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Pour faire les malins devant les amis, voici quelques infos qui vous donneront la classe dans les discussions.
Maxime Bouet, qui a participé au Tour de France avec l’équipe Fortuneo-Oscaro cette année, a gagné le Tour de l’Île cycliste de La Réunion en 2005.
En 2016, le centre hospitalier de Mayotte a comptabilisé 9514 naissances. En France, aucun autre hôpital n’a fait mieux.
”Mobylette” est une marque déposée par la société Motobécane, devenue depuis MBK. Avant d’intégrer la NBA, lors de ses années universitaires avec North Carolina, Michael Jordan jouait avec des Converse All-Stars aux pieds. À sa création, l’entreprise Toyota fabriquait des tissus en soie.
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MICRO-T RO T T ’ RECUEILLI PAR MARIANNE RENOIR PHOTOS CHARLES DELCOURT
EN QUEL ANIMAL AIMERIEZ-VOUS ÊTRE RÉINCARNÉ ? Dans l’excellent film The Lobster, les personnages qui ne tombent pas amoureux sont transformés en animaux. Colin Farrell choisit un homard parce qu’il vit plus de cent ans, qu’il a le sang bleu comme les aristocrates et qu’il reste fécond toute sa vie. On s’est donc demandé ce que vous auriez choisi si la réincarnation était possible.
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1- Nathan “En panda, parce qu’ils sont pacifiques entre eux et renvoient une image positive : il est noir, blanc et asiatique. Et en plus, il est en voie de disparition !” 2- Baptiste “En chat, pour ne rien faire de la journée. Et domestique pour avoir de la bouffe gratuite.”
3- Yvan “Je choisirais un aigle pour être libre et avoir du recul sur les choses. Mais aussi parce que personne ne vous embête.” 4- Aurélie “J’aimerais être un tigre. C’est beau, fort et élégant.”
M I C R O- T R OT T’
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5 - Ben et Jennifer “Pour moi, ce serait le lion. Il est calme mais il a son caractère.” “On en parle justement avec mon père et, comme lui, je choisirais l’aigle : vous êtes protégés et vous survolez le monde.” 6 - James “En jaguar, parce que j’aime bien ses taches !”
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7 - Karim “En scorpion. C’est mon signe astrologique, et en plus, c’est discret et rare.” 8 - Élodie “Je ne crois pas à la réincarnation mais s’il fallait choisir, un lion, parce que c’est beau, avec un fort caractère. Je ne craindrai pas la chaleur, non, j’habite au Port !”
9 - Arun “En éléphant. J’en ai un vu une fois dans un parc en Afrique. C’est un animal calme mais il ne faut pas l’embêter !” 10 - Sylvie “Un chat ou rien. C’est à la fois doux et sauvage. Il est indépendant mais a besoin des autres. Un peu comme les femmes, les poils en moins !” 11 - Anaëlle “En chien, peu importe la race.”
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STATISTIQUE M E N T RECHERCHES LOÏC CHAUX ILLUSTRATIONS FREDDY LECLERC
POUR LE PRIX D’UN NEYMAR… Officiellement, donc, le prix qu’a dû payer le club de football du Paris-Saint-Germain pour engager Neymar Junior est de deux cent vingt-deux millions d’euros. À La Réunion, on fait quoi, avec ça ?
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Vous pourriez nourrir l’ensemble de la population réunionnaise pendant vingt et un jours, à raison de deux caris à six euros par jour et par habitant.
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6900 Avec une voiture consommant environ quatre litres aux cent kilomètres, vous pourriez vous payer 21 183 000 tours de l’Île, ce qui vous prendrait environ six mille neuf cents ans.
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Au prix de quarante-deux euros la tonne de canne à sucre, vous pourriez acheter la production totale réunionnaise pendant trois ans.
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Vous pourriez vivre onze siècles dans un lodge au Palm, petit déjeuner inclus.
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La Route des Tamarins ayant coûté environ un milliard d’euros, vous auriez pu financer un quart du parcours.
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Vous pourriez vous payer plus de deux Boeing Dreamliner, comme l’a fait Air Austral il y a plus d’un an.
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LES PAGES SPORT
LA RE N C O N T R E D ON T ON N ’ A PA S PA R L É
TAILLEVENT TIENT BON LA VOILE Lors de la Coupe du CNP, le Taillevent de Jean-Michel Aubry a – encore – tout raflé entre Le Port et la baie de Saint-Paul.
> FICHE TECHNIQUE
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ans cette rubrique, nous avons donc pris l’habitude d’aller voir des sportifs qui ne voient, en général, pas souvent la presse. Pour les pratiquants de la voile à La Réunion, c’est peu dire qu’ils régatent dans une indifférence quasi-générale. L’occasion était donc belle, en ce mois d’août, d’aller voir le Club nautique portois, qui organisait alors sa coupe, qui a réuni pour le coup cinq bateaux. Avant de commencer à vous raconter ce qu’il s’est passé, un petit point sur les règles du jeu. Cette coupe se déroulait en quatre manches ; la première et la dernière, entre Le Port et la baie de Saint-Paul, les deuxième et troisième dans ladite baie. Il s’agit ensuite, pour chaque manche, tout simplement d’effectuer un parcours balisé le plus rapidement possible. À chaque bateau est appliqué un coefficient, destiné à compenser les différences de taille et de conception des navires : ainsi, le plus rapide ne terminera pas forcément vainqueur de la manche. Le jour de notre visite, aucun bateau n’appartenait à la même
Coupe du Club nautique portois Entre Le Port et Saint-Paul. Bateaux participant : cinq. Temps : venteux au bord, ensoleillé. classe, le classement au temps réel n’était donc que peu indicateur. Quoique… Un bateau a, malgré tout, mis tout le monde d’accord, que ce soit en temps réel ou en temps compensé : Taillevent. Sous la houlette du skipper – et propriétaire – Jean-Michel Aubry, le First 36,7 a rendu la copie parfaite, remportant finalement la coupe haut la main. Simon Manlay était au Comité de course ce jour-là ; pour lui, Taillevent, c’est du lourd : “Ce qui fait gagner, c’est d’abord la cohésion de groupe. On ne le dit pas assez, mais la voile, c’est un sport d’équipe. Et Taillevent, ça marche bien, de ce côté-là. Ensuite, il y a évidemment la qualité du bateau, son entretien, la qualité des voiles. Pour les deux bateaux appartenant au club du CNP (Sailfish et Col’Vento, ndlr) et financé par celui-ci, par exemple, c’est un gros budget pour une équipe de bénévoles, c’est un peu plus compliqué. Gagner une régate, c’est arriver à mélanger les côtés humain et matériel. De plus Jean-Michel, il est sur son bateau, et il le connaît par cœur !” En parlant “humain”, justement, nous avons été surpris : ça s’engueule quand même pas mal sur les bateaux. Même sévère. “Comme je
Manche 1 (Le Port - Baie de Saint-Paul) : 1. Taillevent (temps compensé : 1h02’44’’), 2. Sailfish (1h05’53’’), 3. Blue Delight (1h06’01’’), 4. Col’Vento (1h07’28’’), 5. Kazlamer (1h24’20’’). Manche 2 (Baie de Saint-Paul) : 1. Taillevent (temps compensé : 39’18’’), 2. Blue Delight (41’42’’), 3. Sailfish (42’13’’), 4. Kazlamer (43’49’’), 5. Col’Vento (46’25’’). Manche 3 (Baie de Saint-Paul) : 1. Taillevent (temps compensé : 41’27’’), 2. Sailfish (43’04’’), 3. Blue Delight (45’56’’), 4. Col’Vento (47’22’’), Kazlamer (49’’22). Manche 4 (Baie de Saint-Paul – Le Port) : 1. Taillevent (temps compensé : 48’00’’), 2. Sailfish (49’41’’), 3. Blue Delight (49’47’’), 4. Kazlamer (52’41’’), 5. Col’Vento (53’10’’). Classement final : 1. Taillevent (4 points), 2. Sailfish (9), 3. Blue Delight (11), 4. Col’Vento (18), Kazlamer (18).
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TEXTES LOÏC CHAUX PHOTOS GWAEL DESBONT
“TU AS LE SKIPPER, QUI ESSAIE DE S’IMPOSER, QUI DOIT ÊTRE ÉCOUTÉ ET À QUI ON DOIT OBÉIR. ET IL FAUT QUE ÇA AILLE VITE !” te le disais, c’est un sport d’équipe. Tu as le skipper, qui essaie de s’imposer, qui doit être écouté et à qui on doit obéir. Et il faut que ça aille vite ! Il suffit de faire une erreur, et le temps que tu te rattrapes, que tu relances ton bateau, tu vas perdre trente secondes… Sur ce genre de régate, cela ne pardonne pas.” En effet, sur des manches ayant duré environ trois quarts d’heure, les écarts finaux sont d’une ou deux minutes. Pas le temps de musarder : “Les marins terminent la journée très fatigués. D’abord, tout simplement, parce que six heures en mer, c’est usant. Mais aussi parce que les régates sont très intenses, et qu’il n’y a que quelques minutes entre chaque manche. C’est très éprouvant, on n’arrête pas.”
Disputée dans des conditions jugées “pas mal, avec de la houle sur les bords, pas un vent énorme mais assez pour s’amuser à des choses un peu techniques”, cette Coupe n’est, évidemment, qu’une étape dans la saison réunionnaise de voile, qui comporte aussi son championnat. N’empêche, les marins que nous avons rencontrés ont bien insisté : “Dites aux gens de venir faire de la voile, dites bien qu’on existe. C’est un beau sport.” Et qu’on ne se méprenne pas : même si, pour ses premiers pas sur un bateau, on a tendance à rendre son petit déjeuner, cela ne veut pas dire que ça n’ira pas mieux par la suite. Vomir dans les vagues, c’est arrivé même aux meilleurs.
ON A VU ... - Des baleines, au large, évidemment, qui ne se sont cependant pas approché des bateaux. Nous, on les a vues : les marins, en pleines manœuvres et concentrés, n’y ont presque pas prêté attention. - Ou plutôt, on a entendu les équipages s’envoyer des noms d’oiseaux entre eux. La tension pendant une régate est très forte, mais elle disparaît comme par enchantement dès la compétition terminée. - Un équipage partir avec deux ou trois bières dans la besace. Il faut dire que la journée est longue, et que l’hydratation est très importante. - Quelques coups de soleil en rentrant au Port, et de nombreux tubes de crème écoulés pendant ces six heures en plein cagnard.
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PO RT RAI T TEXTE LOÏC CHAUX PHOTO ROMAIN PHILIPPON
CASSER LES REINS AU DESTIN Prince du dunk et du un-contre-un, voyageur par obligation et par choix, rieur et faiseur de rires, voici Kay Botterman, basketteur, artiste et surtout homme hautement recommandable.
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ans le petit monde du basket réunionnais, à une époque où Kay Botterman était un des piliers du Basket club dionysien, ils étaient bien rares, les basketteurs à faire l’unanimité auprès des autres. Dans ces guéguerres picrocholines, où les adversaires adorent envoyer une petite vanne sur le voisin, on a toujours eu du mal à en trouver un pour dire du mal de Botterman. Même au Tampon, chez le rival, on aimait bien Kay, c’est dire. Avec un sourire battant des records de largeur, un style de jeu réjouissant fait de un-contre-un et surtout de dunks aériens, un désir de gagne ne dépassant que très rarement les limites de la loi du jeu, on aurait de toute façon eu du mal à lui trouver un détracteur. Avant de le rencontrer, vraiment – c’est-à-dire autour d’un verre, nous savions de Kay qu’il avait bourlingué. Nous étions loin du compte : né à Bruxelles, il a suivi un papa voyageur, qui prenait les postes que Heineken lui donnait. Il a donc vu le Congo, a dû le quitter lors de événements de 1991 ; retour en Belgique puis, en 1993 départ pour le Rwanda. On se doute de la suite : “J’avais déjà le virus du basket, j’y jouais pas mal. Le Rwanda ? J’étais à l’école, on était tous mélangés, je ne ressentais pas vraiment les tensions ethniques, alors que moi-même, j’ai des origines tutsies, donc pas vraiment du bon côté. On a dû quitter le pays quelques mois avant le génocide. La moitié de ma classe a été tuée.” Revoilà donc la famille en Europe. Belgique, puis Espagne. À Madrid, il intègre de bonnes équipes de basket de jeunes ; il claque son premier dunk, en match : “J’essayais, j’essayais, je n’y arrivais pas. Et un jour, en contreattaque, je me relâche, et ça y est !” Déclic, révélation, le dunk – avec la défense, mais c’est un peu moins spectaculaire pour le public – devient
sa marque de fabrique. Il vient une première fois à La Réunion, ensuite, avant de repartir en Belgique finir ses études, manger du basket, tenter un camp aux États-Unis, re-manger du basket, revenir à La Réunion, s’installer, re-re-manger du basket. Ouf.
“J’ESSAYAIS, J’ESSAYAIS, JE N’Y ARRIVAIS PAS. ET UN JOUR, EN CONTRE-ATTAQUE, JE ME RELÂCHE, ET ÇA Y EST !” Pendant ce temps-là, il devient commercial puis, plus récemment, formateur auprès d’adultes en reconversion. Ce portrait va-t-il se résumer à une énumération ? Compliqué de faire autrement. D’autant que le monsieur est, de plus, devenu membre d’une troupe d’humoristes – les Komiks associés, qu’il est papa, en couple avec une jeune femme d’origine norvégienne. “Faire rire, c’est donner du plaisir aux gens, comme j’aime le faire quand je joue au basket (il est désormais licencié à La Montagne, ndlr). Sentir le public réagir, cela me plaît tellement…” C’est une vie bien pleine, que cela. Ajoutons à cela un paquet de langues parlées, et nous voici avec ce sentiment qu’on n’a pas assez de place pour vous raconter tout ce qu’on a appris sur le bougre.
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DO S S I E R TEXTE LOÏC CHAUX ILLUSTRATIONS LN
IMAGINE-T-ON SUPERMAN AVOIR MAL AUX GENOUX ? Les participants aux courses d’endurance ne sont pas des super héros, loin s’en faut. C’est bien de le préciser : le trail long, ça cabosse parfois. Et pas qu’un peu.
D
ans le film Apollo 13, le personnage joué par Ed Harris demande aux concepteurs du module lunaire si celui-ci peut ramener l’équipage de la mission avortée sur terre. Ils lui répondent que le LEM n’a pas été conçu pour ça. Le directeur de vol de la Nasa lâche alors : “Je me fiche de savoir pour quoi sont conçues les choses. C’est ce qu’elles peuvent faire, qui compte.” Pour en venir à notre sujet, cette phrase illustre parfaitement ce que nous allons vous raconter. Le corps est-il fait pour courir plusieurs centaines de kilomètres en trois jours dans la montagne ? Non. Peut-il le faire ? Oui. À quel prix ? Là est toute la question. Ce serait une grande erreur d’affirmer que tous les traileurs finissent éclopés. Une erreur toute aussi grande que d’affirmer que les participants à ces courses sont des super héros. Un super héros ne se promène pas décoré de bandelettes sous les rotules, les lèvres desséchées ou souffrant de la colique.
“Alors comme ça, vous voulez dire du mal du trail ?” La petite vanne vient de Pascal Blanc, grand coureur reconnu d’ultra, en nous accueillant. Une vanne, évidemment : il a bien compris que le but n’était pas de faire un article à charge sur le Grand Raid et autres courses au long cours. Mais quand même, n’est-il pas un peu légitime de s’interroger sur ses méfaits ? Surtout avec lui qui, après son défi, le Run Trip (quatre cent quarante kilomètres et vingt-six mille mètres de dénivelé en 2013) avait expliqué au Journal de l’Île : “Je pense que ce que j’ai fait est utile. Utile mais dangereux.” À plus petite échelle, peut-on aussi considérer le trail en général comme “dangereux” ? “Oui, c’est possible”, répond Pascal. Il précise : “Je ne vais pas te parler des meilleurs, mais de tous les autres, la majorité, ceux qui se lancent dans le trail long dans un esprit de défi. Et chez certains, ça pèche surtout dans la préparation. Parce que beaucoup se mentent à euxmêmes, entre ce qu’ils veulent faire, et ce qu’ils peuvent faire.” Nous avons eu beau chercher, aucune donnée précise, aucune étude avec un échantillon assez grand pour être représentatif
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n’existe sur des pathologies à long terme liées à la pratique des sports d’endurance, le trail en particulier. Elles existent dans d’autres sports, la plus connue étant certainement celle de Bennett Omalu à propos de l’encéphalopathie traumatique chronique ayant touché plusieurs joueurs de football américain (voir, à ce propos, l’excellent Concussion, avec Will Smith) suite à la violence des chocs répétés propres à la pratique de ce sport. La pratique de masse du trail étant sans doute encore trop récente pour en tirer des conclusions intéressantes, nous ne pouvons nous contenter que de témoignages. Et il n’y a aucune raison de dire que la pratique casse ses adeptes systématiquement. Philippe Doineau est un des quelques médecins du sport à La Réunion, et ancien participant au Grand Raid. S’il explique ne pas voir la fréquentation de son cabinet exploser après les grandes courses – plutôt dans les semaines précédentes, d’ailleurs, il a cependant des exemples de personnes cabossées sur le long terme : “Tu prends le Grand Raid, normalement, le temps de récupération, c’est deux à trois mois. Après, normalement, tout va bien, physiquement. Mais c’est la répétition de ces courses qui peut poser problème, il ne faudrait pas faire un Grand Raid par an, avec tous les entraînements qui vont avec. J’ai le souvenir d’un monsieur, une soixantaine d’années, qui en a fait plus d’une quinzaine. Il a les genoux bousillés, il va falloir lui poser des prothèses. Le problème, c’est que les gens font de la montagne toute l’année, deux grandes sorties par mois, des grosses séances plusieurs fois par semaine… C’est trop, beaucoup trop.” Pourtant, c’est bien la solution pour “performer”, non ? “On fait croire aux gens qu’en s’entraînant de manière intensive, ils deviendront champions, et c’est faux. On sait maintenant qu’il y a des gènes de la performance, c’est-à-dire des prédispositions pour la pratique du sport. Et encore, tu as des gênes
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LE CORPS EST-IL FAIT POUR COURIR PLUSIEURS CENTAINES DE KILOMÈTRES EN TROIS JOURS DANS LA MONTAGNE ? NON. PEUT-IL LE FAIRE ? OUI.
pour chaque type de sport. Tu vas avoir des gens qui vont faire une performance alors qu’ils n’avaient presque jamais fait de trail, et d’autres qui bossent depuis des années, et qui n’y arrivent pas. Ce n’est pas juste, mais c’est ainsi. Avec un moteur de deux chevaux, tu ne peux pas aller aussi vite qu’une Ferrari.” Sans prédispositions particulières, mais en pratiquant un entraînement intensif réservé aux champions, on peut donc finir par se casser… “Il faut évidemment adapter son entraînement à son niveau, parce qu’il y a autre chose qu’on ne dit pas : si, certes, on ne peut pas tous gagner le Grand Raid, on est tous capables de le terminer. Attention, hein, ça reste très difficile, il ne faut pas banaliser le Grand Raid. Mais oui, on peut y arriver. Le corps, il n’a pas de limite.” Si blessures il y a – et nous ne parlons pas de douleur, inhérente à l’exercice – elles seraient donc dues à une mauvaise pratique. “Le corps, il est bien fichu, explique Pascal Blanc. Il t’envoie des alarmes, il faut que tu saches les percevoir. Le problème est que la peur de décevoir les proches, de te décevoir, va te
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faire continuer, et là, tu vas au devant de risques graves. La pression sociale qui existe sur les coureurs participant au Grand Raid, elle est très forte, et peut induire ces conduites à risques.” Heureusement, sur les courses locales, les bénévoles – et notamment les soigneurs – sont de plus en plus vigilants sur l’état des coureurs, et n’hésitent pas à les stopper. De plus, le Grand Raid demande depuis quelques années aux participants d’avoir déjà effectué des courses longues avant de s’inscrire, ce qui a eu pour effet de faire baisser sérieusement le taux d’abandons (de 40% à environ 30%, ce qui reste très élevé). N’empêche : les conduites à risques n’ont pas diminué pour autant, et les blessures – parfois graves – qui vont avec, comme le constate Pascal Blanc : “Je te parlais tout à l’heure des signaux qui t’avertissent qu’il y a quelque chose qui ne
“J’AI LE SOUVENIR D’UN MONSIEUR, UNE SOIXANTAINE D’ANNÉES, QUI EN A FAIT PLUS D’UNE QUINZAINE. IL A LES GENOUX BOUSILLÉS, IL VA FALLOIR LUI POSER DES PROTHÈSES.”
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“LES PROBLÈMES LES PLUS FRÉQUENTS RENCONTRÉS PAR LES MÉDECINS, APRÈS LES COURSES ET SUR LE MOYEN TERME, SONT PLUS D’ORDRE PSYCHOLOGIQUE QUE PHYSIQUE.”
va pas. Certains coureurs essaient donc de masquer ces signaux, pour essayer de “gruger” le cerveau, lui faire croire que tout va bien.” L’avis du docteur Doineau ? “La médication, oui, il faut en parler. Le but étant de “gérer” la douleur, à coups d’anti-inflammatoires ou de cortisone (alors que, pour celle-ci, c’est de la triche, puisque dopante). Combien tu en as qui partent avec de l’Ibuprofène dans le sac ?” Cette “auto-médication” peut ne pas être sans conséquence ; il est arrivé que des coureurs finissent par être dialysés après la course à cause de reins bousillés ou, du moins, ne parvenant plus à faire leur travail correctement. Des ligaments ont été sérieusement abîmés, le coureur continuant à utiliser un genou dont les signaux étaient rendus muets par les médocs. Des épisodes de sportifs ayant terminé en service de réanimation sont aussi arrivés. Il faut cependant nuancer : ces cas – rares – sont de plus limités dans le temps. Un coureur se faisant dialyser ne va pas passer le restant de ses jours à l’hôpital ; les problèmes de déshydratation, d’hypothermie, sont en général réglés en quelques jours. D’ailleurs, les problèmes les plus fréquents rencontrés par les médecins, après les courses et sur le moyen terme, sont plus d’ordre psychologique que physique : après avoir passé un an – voire plus – à se préparer pour un objectif, la sensation de vide est grande ensuite, les cas de dépression, ou, du moins, de tristesse, de nostalgie voire d’irritabilité sont assez courants. Peut-on alors imaginer que le sport est finalement dangereux ? Évidemment non, pense Philippe
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Doineau : “Je préfère raisonner dans la globalité. Le sport de hautniveau, et quel qu’il soit (rugby, hand, etc.) peut être mauvais, oui. Mais sur l’ensemble des pratiquants, les bénéfices sont évidemment plus nombreux que les inconvénients : tu as quand même beaucoup moins d’accidents cardio-vasculaires sur les gens qui pratiquent un sport.” C’est un fait, d’ailleurs confirmé par un décret dans la loi santé de janvier 2016, qui rend possible la prescription par des médecins de séances de sport, donc remboursées par la sécu. Mais de leur côté, les sportifs sont aussi souvent fourrés chez le médecin… “Pas tous, nuance le docteur Doineau. Pour quelques uns, oui, qui ont besoin d’être rassurés. Mais si la question est : “Les sportifs coûtent-ils cher à la sécu ?”, je suis sûr que non. Encore une fois, le sport, dans la globalité des pratiquants, est bon pour la santé. Un champion de la course à pied, il va entraîner dans son sillage quelques sportifs qui voudront être comme lui, et qui vont trop s’entraîner, et se faire mal. Mais aussi un bien plus grand nombre de personnes lambda, qui vont simplement avoir envie de se mettre au sport, de reprendre une activité physique, et ce sera bénéfique.” D’ailleurs, le Grand Raid et tous les sports d’endurance ont la particularité de voir arriver ses pratiquants à maturité sur le tard – aux environs de quarante ans. Une histoire de connaissance du corps, d’alimentation, de gestion de l’effort. Pascal Blanc, qui a quand même bien poussé son corps dans ses retranchements, sourit en écartant les bras : “Regarde-moi, cinquante-deux ans, j’ai pas l’air en pleine forme ?”
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LE J O UR O Ù… TEXTE LOÏC CHAUX ILLUSTRATION ARCHIVES DÉPARTEMENTALES
17 FÉVRIER 1715
DEVIENT OBLIGATOIRE POUR LES HOMMES L’apparition des entraînements dans le but d’améliorer ses capacités physiques avait un seul but : faire de bons soldats. En cas de guerre, mais pas que.
A
Officier français après l’exercice. Louis-Antoine Roussin, 1865. Archives départementales.
u début du XVIIIe siècle, la colonisation de l’Île de Bourbon n’en est qu’à ses balbutiements. Mais la présence des Anglais dans l’océan Indien, et le désir de protéger le petit bout de caillou, pousse le gouverneur Parat à écrire cette ordonnance, le 17 février 1715 : “Obligation est faite à tous les habitants en état de porter les armes de quinze à cinquante ans de se réunir le dimanche après les vêpres pour s’exercer.” Pour la première fois, donc, le sport est institutionnalisé dans la vie courante des Réunionnais. Ces exercices ont, de plus, un autre atout : occuper la jeunesse, dont les représentants du Royaume s’inquiétaient du “désoeuvrement” et de leur fâcheuse habitude à imiter les mauvaises mœurs de leurs anciens, à savoir la picole et la baston. En fait d’exercices, il s’agit surtout de former des gentilshommes au maniement des armes, mais aussi à la danse et à la musique. Le maniement des armes n’ayant pas qu’un but militaire, puisqu’il sert aussi à crapahuter pour ramener du gibier. Rapidement, ces entraînements trouveront une autre “utilité”, plus dramatique, celle-là : la chasse aux esclaves marrons. Des milices sont alors créées pour aller chasser les esclaves qui s’étaient enfuis dans les Hauts. Afin de pouvoir parcourir les étendues sauvages et escarpées du centre de l’Île, ces détachements doivent faire évoluer leurs entraînements physiques.
CES EXERCICES OCCUPENT LA JEUNESSE D O N T L E S R E P R É S E N TA N T S D U R OYA U M E S ’ I N Q U I É T A I E N T D U “ D É S Œ U V R E M E N T ”.
Ces “chasseurs de Noirs”, créés par La Bourdonnais, sont formés et dirigés par le tristement célèbre François Mussard. Pour ce dernier, les grandes battues, pratiquées jusqu’alors, sont inutiles : il faut agir en petits groupes, silencieusement, possédant endurance et connaissance du terrain. Eugène Dayot, dans Bourbon pittoresque, décrivait ainsi les exercices pratiqués en 1750 : du tir sur cible fixe, sur cible mobile (des pailleen-queue, souvent) ; l’escalade sur des arbres avec ou sans matériel (armes, munitions, outils…). Rémunérés, ces détachements de “chasseurs de Noirs” passaient donc leur vie à s’entraîner à faire du sport pour, ensuite, pratiquer leur métier. Ce qui fait poser cette question à André-Jean Benoît, dans Sport Colonial (ouvrage sur lequel nous nous sommes appuyés pour nos recherches) : “Les chasseurs de Noirs auraient-ils été les premiers sportifs professionnels des Mascareignes ?”
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NOV. 2017
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29 KM DE COURSE EN DUO
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