MAG AZINE G RAT UIT RÉUNIONNAIS - #40 - FÉVRIER / M A R S 2018
ENTRAÎNEUR ET YOUTUBEUR MICHEL VAILLANT A ROULÉ SUR LE VOLCAN LES MILLE VIES DE VALÉRIE FONTAINE BANDE DE MOULES À GAUFRES !
DANSER
SON IDENTITÉ
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ÉDITO
DIX RAISONS DE REGARDER LES JEUX OLYMPIQUES D’HIVER À l’heure où vous lirez ces lignes, il y a de grandes chances pour que les JO de Pyeongchang soient en train de se dérouler. Comme ici, on n’a plus vu de neige depuis quinze ans, et que de toute façon, il n’y en a jamais eu assez pour faire du ski, nous allons quand même essayer de vous convaincre de vous y intéresser : - Il n’y a (que) cinq heures d’écart avec la Corée du Sud. Pensez donc à la Métropole, qui en a huit ; - Une skieuses d’origine malgache et ayant grandi en Haute-Savoie va participer à l’épreuve du slalom ; - Plusieurs concurrents africains vont participer aux compétitions de skeleton, une luge où on descend à 140 km/h la tête la première ; - La dernière vidéo de Candide Thovex montre qu’il est tout à fait possible de skier sur des scories ou du sable ; - La Réunion a un passif avec le patinage artistique : Surya Bonaly est d’origine réunionnaise, et Philippe Candeloro est déjà venu présenter des spectacles ; - Beaucoup de snowboarders sont aussi d’excellents surfeurs ; - Le curling, ce n’est finalement que de la pétanque avec un balai. Et de la glace. Et des boules en pierre. Enfin bref, ça y ressemble un peu ; - Au hockey, il est toléré de se battre, en un contre un, comme dans les plus beaux galas de boxe du Stade de l’Est ; - On en est persuadés, Jean-Louis Prianon aurait été costaud sur le ski de fond ; - Ils annoncent des -25°C, ce qui fait une différence d’environ soixante degrés avec la température de la piscine du Chaudron. LA RÉ D ACT I ON
RÉDACTION EN CHEF
Marie Renneteau, Marianne Renoir, Livy, Loïc Chaux, Laurent Perrin
SARL au capital de 4 350 euros 62 boulevard du Chaudron Bât. A - Bureau 905 97490 Sainte-Clotilde 0692 55 99 98 contact@buzbuz.re
DIRECTION ARTISTIQUE GRAPHISME
www.buzbuz.re
Loïc Chaux
RÉDACTION
Pascal Peloux
PHOTOGRAPHIE COUVERTURE Modèles : Dimitri et Tino Photo : Romain Philippon Assistant : Vincent Dambreville
Gwael Desbont, Jean-Noël Enilorac, Romain Philippon, Sébastien Marchal
IMPRESSION BUZBUZ MAGAZINE
Graphica
Bimestriel N°40 Février-mars 2018
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DIRECTION DE LA PUBLICATION Pascal Peloux
BuzBuz Magazine Pierre Dehais Tél. 0692 13 60 08 commercial@buzbuz.re
ISSN 2114-4923 Dépôt Légal : DL 6398 Toute reproduction même partielle est interdite.
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LE NEZ D E H O RS TEXTES MARIANNE RENOIR, LIVY, MARIE RENNETEAU PHOTOS GWAEL DESBONT
VOILAGES, VOILAGES L’atelier existe depuis sept ans, mais la nouveauté, c’est la boutique en ligne ouverte en décembre, au tarif de la Métropole. Forte de trente ans de métier, Séverine Dunoguiez habille vos fenêtres, vos murs et vos meubles. “Il n’y a pas que du prêt-àposer”, rappelle la tapissière et décoratrice. Vous recherchez une tringle et un rideau adaptés à votre fenêtre ronde ou vous souhaitez poser un papier peint au-dessus d’un meuble ? Pas de problème : un premier rendez-vous pour évaluer le travail à accomplir, puis une prise de mesures, de précieux conseils et place à la confection. Séverine se fournit auprès de Designers Guild, Christian Lacroix, Casamence et Camengo, ses partenaires, mais aussi bien d’autres nobles éditeur·rice·s. La professionnelle restaure également vos fauteuils anciens. ATELIER SÉVERINE, 13 CHEMIN COMMINS, LA MONTAGNE. OUVERTURE : SUR RENDEZ-VOUS. TÉL. : 0692 03 98 86.
LIBERTÉ D’EXPRESSION
ÉCO-SYSTÈME Il y a vingt ans, Yannick quitte le métier d’artisan, plus vraiment conciliable avec ses valeurs anti-système, pour faire “le plus beau gîte du monde”. “Je voulais être libre et faire quelque chose de bien, d’utile”, dixit celui qui, avec sa compagne Reine-Claude et sa bande de potes, a tout construit de A à Z. Ses cinq piliers : un peu d’argent mais, surtout, beaucoup de temps, l’entraide familiale, l’amour et les amitiés et la récup’. Le Repaire du Dodo, c’est 80% de matériaux trouvés, reçus gratuitement, recyclés. De la charpente au sol, de la chambre-cabane des enfants aux robinets. Ce Robinson Crusoé des temps modernes veut lier ses hôtes avec la nature, en partageant sa philosophie de vie à travers ce gîte fait main et son jardin qui cache des “pieds de chocolat” ou des “pieds de tee-shirt”. LE REPAIRE DU DODO, 45 RUE TIOUCAGNA, LA SALINE. TÉL. : 0692 19 07 61.
La première fois que nous avons mis les pieds à la galerie Artefact, c’était pour aller voir Métropolis. Un film muet, en noir et blanc, projeté au beau milieu du quartier le plus noctambule de SaintDenis... On a compris que le lieu promettait tout à fait autre chose que ses voisins. L’idée vient de Peter Mertes, qui souhaitait y ouvrir une galerie d’art “pour faire revenir la culture dans l’hypercentre”. Une galerie gérée par l’association Carré Cathédrale et sa directrice artistique, Laurène Mazier. Tous les mois, une expo différente d’artistes comme Yann Le Gall, Aurelll ou Gorg One mais aussi d’autres moins connu•e•s tel que Patrick Guilbaud. Artefact entend laisser s’exprimer un maximum de créateur•rice•s. D’où les ateliers de kokedama, de poterie, d’aquarelle, de massage, les soirées contes, etc. Quoi de prévu bientôt ? L’expo d’Aurellll en mars et celle de Fred Mallet et Lionel Lauret en avril. Quant aux vieux films, ils sont toujours diffusés les derniers mardis du mois. GALERIE ARTEFACT, 1 RUELLE MAZEAU, SAINT-DENIS. OUVERTURE : DU MARDI AU JEUDI, 15H-23H ; LES VENDREDI ET SAMEDI, 15H-23H30. TÉL. : 0693 66 97 50.
L E N EZ D EHO RS
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UNE ADRESSE À NE PAS GARDER SECRÈTE ! Bienvenue chez VAO. Que vous cherchiez une allure bohème, chic, moderne, rétro, décalée, plus sage... Chez VAO, vous trouverez la pièce parfaite qu’il manque à votre dressing. Un large choix de vêtements, bijoux sacs et chaussures pour tous les prix, et des marques très sympathiques : ORFEO, Mamouchka, Jane Wood et plein d’autres encore. La boutique est chaleureuse, la déco est canon et l’on s’y sent bien. Emmanuelle vous y accueillera et vous conseillera dans la bonne humeur. Si vous étiez venu•e•s pour les fêtes, vous pouvez déjà revenir : de nouvelles marques font sans cesse leur apparition, toujours sélectionnées avec soin et goût. VAO, 4, RUE AUGUSTIN-ARCHAMBAUD, SAINT-PIERRE. OUVERTURE : LE LUNDI 14H-18H ; DU MARDI AU SAMEDI, 10H-18H. TÉL. : 0262 14 18 99.
C’EST UNE BELLE HISTOIRE D’ÉPICERIE COLLABORATIVE... POUR SE LÉCHER LES BABINES Il y a deux mois, Anne-Sophie lançait le Chat Flambé, un service de restauration événementielle. Des prestations de traiteur tels que des apéros dînatoires pour cent cinquante personnes. Le concept plaît et la Souris Mécanik lui propose rapidement de venir régaler ponctuellement ses client·e·s. Assiettes de tapas, burgers, terrines de pâtés maison, bruschettas, galettes, voilà à quoi ressemble la carte. L’idée, explique cette Bretonne d’origine, est que “chacun puisse assouvir sa petit faim avec cinq euros en poche” et “qu’il se sente comme à la maison”. C’est désormais tous les soirs que vous pourrez découvrir sa cuisine familiale et gourmande au bar de Trois-Bassins. LE CHAT FLAMBÉ, 2A CHEMIN DES BOUDOUS (À LA SOURIS MÉCANIK), TROIS-BASSINS. OUVERTURE : SERVICE DU SOIR. TÉL. : 0693 44 85 04.
En 2017, un ti groupe de furieux·ses motivé·e·s ont décidé de lancer le Comptoir du vrac. Petit à petit, le projet a pris forme pour accueillir aujourd’hui en son sein quelque deux cents adhérent·e·s. Oubliez ce que vous connaissez sur les supermarchés et découvrez une alternative plutôt séduisante qui repose sur un principe fondamental : l’adhésion et la collaboration de chacun·e. Car oui, vous allez consommer différemment, en remplissant vos petits bocaux, tout en réduisant sensiblement vos déchets. Mais pour cela, il va falloir mettre la main à la pâte. Par mois, chaque adhérent·e fournit trois heures de son temps pour assurer le bon fonctionnement de l’épicerie collaborative. Alors on agit pour demain, en adoptant une consommation active et responsable. LE COMPTOIR DU VRAC, 146 CHEMIN DÉGUIGNÉ, PITON-SAINT-LEU. OUVERTURE : LE MERCREDI ET LE JEUDI, 16H-19H30. TÉL. : 0693 30 57 72.
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LE NEZ DE H O RS
UN RESTO QUI FAIT SON SHOW Vous n’êtes pas sans savoir que le très célèbre restaurant l’Art I Show a vu partir ses anciens propriétaires, pour laisser place à de nouveaux. Outre la déco, le chaleureux accueil et les plats proposés, le nom reste le même. Pourtant, une page s’est tournée et la nouveauté est au rendez-vous. Le midi, pour seize euros, une formule déjeuner très compétitive permet de se faire plaisir avec de très bons produits, à un prix doux. Ce jour-là, le crémeux de chou-fleur était agrémenté de chorizo et de crumble de parmesan, et on ne vous parle que de l’entrée. Le soir, on monte en gamme puisque le menu passe à trente-cinq euros. Pas de carte, juste un menu. C’est simple, des produits du marché, mais savamment agrémentés pour une cuisine élaborée. Bravo, la relève est franchement assurée. ART I SHOW, 107 RUE SUFFREN, SAINT-PIERRE. OUVERTURE : DU MARDI AU VENDREDI, 12H-14H // 19H30-21H ; LE SAMEDI, 19H-21H30. TÉL. : 0693 50 45 30.
LA CHANDELEUR, À TOUTE HEURE
UN DRESSING DE MESSIEURS Depuis juillet, une nouvelle boutique au style sportswear chic et urbain a fait son apparition à Saint-Pierre : Tamba. Les hommes vont donc aimer le shopping (enfin, c’est de plus en plus le cas, de toute façon)... car Tamba propose des collections inédites, mais aussi des collaborations avec des marques telles que Pull-In, Bench, Puma, New Balance, etc. Aficionados de la mode, vous trouverez votre bonheur en vêtements, chaussures et accessoires. En plus (et c’est assez rare à La Réunion pour être signalé), la boutique en ligne permet des livraisons dès le lendemain, ou une récupération en boutique en deux heures. Une expérience à faire car, parfois, on est pressé•e•s. TAMBA, 3 RUE AUGUSTIN-ARCHAMBAUD, SAINT-PIERRE. OUVERTURE : LE LUNDI, 14H-18H ; DU MARDI AU SAMEDI, 10H-18H. TÉL. : 0262 70 15 72.
À la surprise de nombreux Dionysiens, le Clos Saint-Jacques a baissé le rideau après trente années d’existence, et laissé place à une crêperie. Les Bretons ont, d’ailleurs, peut-être déjà vu son nom. Le Saint-Georges, c’est d’abord deux crêperies implantées à Rennes. Après un coup de cœur d’un des gérants pour La Réunion, alors qu’il venait courir le Grand Raid, il propose à son autre associé Manu, de s’implanter sur l’Île. Frédérique, la compagne de Manu, étant Réunionnaise, le couple saisit l’occasion. Ça, c’est pour la petite histoire. Pour la carte, on a le choix entre George Clooney, Boy George, George Harrison, etc. : des galettes au sarrasin, au froment, traditionnelles ou revisitées à la sauce locale, ou encore à composer soi-même. À accompagner avec du cidre brut ou doux, bien évidemment. LA SAINT-GEORGES, 5 RUELLE ÉDOUARD, SAINT-DENIS. OUVERTURE : DU MARDI AU SAMEDI 12H-14H // 19H-22H. TÉL. : 0262 21 59 09.
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LE NEZ DEHO RS
ON S’Y APPLIQUE
SAINT-PIERRE / SAINT-GILLES
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FROMAGES FERMIERS AU LAIT CRU ET AOP
Charcuteries artisanales, vins fins, foies gras fermiers, truffes fraîches... NOUVEAU !
L’initiative est unique sur l’Île. Depuis quelques mois, un restaurant d’app d’application de la Fondation Père-Favron a ouvert dans le centre-ville de Saint-Pierre Saint-Pierre, à côté du commissariat et de la mairie. Formule imbattable avec un buffet à volonté, où sont proposés plusieurs caris, avec toujours un poisson. Comptez sept euros cinquante si vous optez pour les caris. Une carte permet de compléter le choix et des formules sont aussi proposées. On s’y sent bien, dans cette grande salle de restauration, où le personnel est aux petits soins. À venir, la possibilité de prendre son repas à emporter. L’ATELIER PONT NEUF, 3 RUE PIERRE-RAYMOND-HOAREAU, SAINT-PIERRE. OUVERTURE : DU LUNDI AU VENDREDI, 11H30-14H. TÉL. : 0262 70 59 95.
Bar à fromages à l’Ermitage tous les midis
E Horaires sur www.enfinlefromager.fr SAINT-PIERRE / 8, rue Victor Le Vigoureux - 02 62 14 54 58 SAINT-GILLES / Mail de Rodrigues - L’Ermitage - 02 62 08 80 04 06 92 46 01 13 / contact@enfinlefromager.fr /
LE BISIK QUI MONTE, QUI MONTE
À l’Est, il y a du nouveau depuis l’ouverture du Bisik, il y a trois ans. Le lie lieu de diffusion bénédictin, né sous l’impulsion de l’association Acter, propose chaque mois deux concerts et un événement autour de l’oralité. Côté prog’, on passe du maloya de Christine Salem aux contes coquins de Véronique Insa et Beurty Dubar, du jazz de Gaël Horellou au sound system des Électropicales. Le tout à cinq euros l’entrée. Deux salariés, vingt bénévoles, trois services civiques et “beaucoup de bonne volonté” permettent de faire tourner la machine et de multiplier les projets. Les Réparali cafés, les soirées d’improvisation, les résidence d’artistes, pour ne citer que cela. Dans la vouve de la nouvelle saison : le blues touareg des Filles de Illighadad, René Lacaille et son fidèle accordéon ou encore le seggae de Racine Tatane, fraîchement reformé. BISIK, 44 RUE AMIRAL-BOUVET, SAINT-BENOÎT. OUVERTURE : SELON LES CONCERTS ET/OU ATELIERS ORGANISÉS (SUIVRE LA PAGE FACEBOOK). TÉL. : 0692 12 69 09.
enfin le fromager
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2 MOIS DE FAI T S DI V ’ TEXTES LOÏC CHAUX
SAVANE, GALETTE ET GASPILLAGE Parce que lire les pages “Faits Divers” du Jir et du Quotidien, c’est aussi prendre des nouvelles de La Réunion, voici un rappel de ce que vous auriez raté ces deux derniers mois. Du 20 au 26 novembre
chemin par des voisins qui en ont marre du bruit tous les week-ends.
Un jeune homme comparaît devant le tribunal de Saint-Denis pour s’être énervé sur des policier dans l’aéroport, et alors qu’il allait prendre l’avion ; c’est la troisième fois qu’on lui refuse de décoller : les deux fois précédentes, c’est parce qu’il était sous le coup d’un mandat d’arrêt. Quand ça veut pas… Une dame met en vente des poupées sur leboncoin, une autre qui a vu l’annonce appelle les gendarmes pour qu’ils aillent vérifier si ce ne sont pas de vrais bébés.
Bon plan : faire des allers et retours devant le commissariat du Port en scooter, sans casque, avec deux grammes et en insultant la police. Inconvénient : finir en garde à vue. Chasse au gaspillage : un restaurant de bord de plage se fait attraper avec une chambre froide défaillante, et se retrouve à devoir jeter trois cents kilos de nourriture.
Du 27 novembre au 3 décembre
Du 25 au 31 décembre
“Je ne suis pas agressif : je n’ai jamais tapé mon chien”, a expliqué ce monsieur au tribunal, qui l’a finalement condamné pour avoir tapé sa femme. À Saint-Louis, un autre qui avait porté plainte pour le vol du contenu de son coffre-fort finit par découvrir le pot-auxroses : c’est sa compagne qui a tout pris, après avoir remarqués des SMS un peu ambigus avec d’autres copines dans son portable. On ne le dira jamais assez : verrouillez vos téléphones.
À Saint-André, un monsieur va acheter une bouteille de whisky dans une grande surface. Mais il a soif, et en boit un petit coup sur le parking. En repartant, il tape une voiture à un feu rouge, et en voulant redémarrer, il retape la même. La police arrive, et le trouve en train de poser une galette sur le trottoir. Joyeux Noël ! À Salazie, deux jeunes gens repartent d’une maison avec une petite moto électrique. Devant le tribunal, la propriétaire de la maison cambriolée explique que, depuis, son marmaille pleure en réclamant sa moto.
Du 18 au 24 décembre
Du 4 au 10 décembre Ce monsieur de soixante-douze ans explique au tribunal que ses quinze pieds de zamal, c’est pour des infusions et pour ses coqs. Fête des voisins : de retour de pique-nique, un monsieur se dispute sévèrement avec toute sa famille, menace de mettre le feu à la maison, et le fait. Puis, bien lancé, il va casser le tracteur, la voiture, et d’autres affaires de son voisin. Un Lyonnais en vacances s’est fait envoyer par la post un Savane (le roi des goûters d’anniversaire) fourré au shit. Ce sont les policiers qui lui ont livré eux-mêmes.
Du 11 au 17 décembre Deux Possessionnais sont attrapés pour avoir volé des tortues et des fleurs dans un jardin. À Sainte-Marie, c’est le drame, des participants à un mariage se voient empêchés de rejoindre le lieu des agapes, bloqués sur le
c’est la ruée dans les magasins pour acheter de l’eau. C’est sûr qu’avec les pluies qui s’annoncent, de l’eau, on risque d’en manquer.
Du 1er au 7 janvier Retrouvé dans une crèche (pas celle avec l’âne et le bœuf, une vraie crèche) en pleine nuit du réveillon, un homme affirme qu’il cherchait seulement un endroit pour faire pipi.
Du 8 au 14 janvier À Saint-André, un usager de la Poste flaire la bonne affaire. Il profite de l’inattention d’un guichetier pour subtiliser une carte prépayée. Butin : quinze euros. La Route du littoral est fermée, un galet de plusieurs centaines de tonnes menaçant de se casser la figure. Un touriste perdu aux environs du volcan depuis plusieurs jours est finalement retrouvé. Folle épopée : il n’avait plus de chaussures, plus rien à boire, et pour la postérité, a filmé le tout. Alors que Berguitta approche de La Réunion,
Du 15 au 21 janvier Passage de Berguitta : plein d’eau dans le Sud, le Nord se marre ; La Réunion découvre que des maisons ont été construites parfois n’importe comment et n’importe où. À Cilaos, la route est coupée. Tout le monde est bloqué là-haut, va falloir sortir les dominos et le Monopoly. Ça rigole un peu plus à Saint-André, où un boug’ propose à son copain de boutique de se déshabiller. La police passe à ce moment, et arrête un monsieur tout nu qui, selon lui, ne voulait pas vraiment être tout nu.
Du 22 au 28 janvier Dans “bois sous tôle”, il y a “tôle”, et c’est là que le bât blesse. Un jeune garçon de quatorze ans l’a bien compris, et a pris l’habitude de voler des boutiques en perçant les toits. Cette fois, pas de bol, il a semé son butin sur le chemin du retour ; en l’occurrence, des piles plates. Pour le retrouver, la police n’a eu qu’une chose à faire : suivre la route du rhum, qui les a ramenés à lui. On est le 28 janvier, et toujours pas de voleur qui montre son butin sur Internet ? Mieux vaut tard que jamais : sur Facebook, un Portois pose avec le fruit du cambriolage d’une maison.
Du 29 janvier au 4 février Tentative ratée de resto basket dans un hôtel chic de l’Est : il faut dire aussi que les dalons en question avaient juste pu se payer de l’essence avec le portefeuille qu’ils avaient volé plus tôt, et qu’il ne restait plus rien pour le petit dej’. Quatre mois de prison : il fallait pas se venger d’une séparation avec sa copine en postant sur Internet les vidéos réalisées lors de ces temps complices où on tentait des trucs pour pimenter son quotidien, en se disant : “Tiens, si on allait se filmer dans la nature, ça nous changerait pas un peu de la chambre à coucher et de ce lit trop dur ?” Pardon, on s’égare, mais c’est bientôt la Saint-Valentin.
ÇA SE PASSE AILLEURS ÇA SE PASSE AILLEURS ÇA SE PASSE AILLEURS ÇA SE PASSE AILLEURS ÇA SE PASSE AILLEURS ÇA SE PASSE AILLEURS
Au sud de la Floride, une île de trois cents hectares a été mise en vente pour seize millions d’euros. // Aux Philippines, l’éruption du volcan Mayon a obligé le déplacement de soixante mille personnes. // En, prévision de la Coupe du Monde de football, la Russie a décidé d’abattre en masse les chiens errants des villes-hôtes. // Dans une grande partie du XVIIIe arrondissement de Paris, un arrêté interdit la consommation d’alcool sur la voie publique de 16h à 7h, ainsi que la vente, de 20h à 8h. // À Séoul, les transports en commun sont gratuits aux heures de pointe.
L’ ÉV ÉN EM ENT
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TEXTES LOÏC CHAUX
LA TEMPÊTE BERGUITTA EST PASSÉE AU LARGE DE LA RÉUNION Le 18 janvier, une tempête tropicale est passée à environ quatre-vingts kilomètres à l’Est de La Réunion.
Le 9 janvier, le Centre météorologique régional spécialisé (CMRS) annonce une perturbation tropicale à plus de mille kilomètres au nord-est de La Réunion. Sa trajectoire est alors très incertaine.
Le 13 janvier, la perturbation, alors tempête modérée, est nommée Berguitta.
Le 14 janvier, les grandes surfaces réunionnaises constatent une affluence supérieure à la moyenne, certaines se retrouvent presque sans eau. Chaque pays de la zone de l’Ouest de l’océan Indien propose un nom pour la saison à venir. Ils sont classés par ordre alphabétique, et donnés par ordre chronologique (le premier cyclone baptisé dans la saison aura un nom commençant par “A”, le deuxième commencera par “B”, etc.).
Chaque saison correspond à un genre : l’année dernière, les noms donnés étaient masculins, cette année, féminins, et ainsi de suite.
En fin de journée du 14, Berguitta devient tempête tropicale forte. Météo France continue d’insister sur le fait que sa trajectoire est incertaine, parlant “d’un transit du cyclone à proximité nord de nos îles entre mercredi (Maurice) et jeudi (La Réunion).”
Le 15, Berguitta devient un cyclone tropical intense, sa course est très ralentie. Le même jour, Météo France annonce déjà qu’il devrait s’affaiblir lors de son passage au plus près de La Réunion.
Cette perturbation étant la deuxième à être nommée dans la saison, son nom est donc Berguitta, un nom qui avait été proposé par les Seychelles.
Le 17 janvier, le préfet annonce que l’Île est placée en “Alerte orange”.
Au même moment, Berguitta n’est plus un cyclone, mais une forte tempête tropicale. Un cyclone est défini par la force de ses vents, pas en fonction de sa pluviométrie. Une alerte orange annonce un danger météo dans les vingt-quatre heures ; il demande simplement de “se préparer”.
Les vents n’ont pas été particulièrement forts, avec une pointe à 144 km/h à Piton Sainte-Rose.
Berguitta, alors tempête, passe au plus près de La Réunion le 18, en fin d’après-midi, à quatre-vingts kilomètres de Saint-Philippe à l’Est.
Le préfet ne place pas La Réunion en “Alerte rouge”.
Le passage en “Alerte rouge” s’effectue en cas de conditions cycloniques. L’alerte rouge interdit à la population (hors secours, et quelques personnes habilitées) de se déplacer.
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ART, CU LT URE URBA I N E E T M ULT I M ED I A TEXTES MARIANNE RENOIR, LAURENT PERRIN PHOTOS GWAEL DESBONT
BANDE À PART S’il ne paraît plus qu’une fois par an, Le Cri du Margouillat a passé le cap de la trentaine. Avec un numéro de plus de deux cents pages et une pléiade d’auteur·e·s, la plus ancienne revue réunionnaise de BD nous montre, au contraire, qu’elle est loin d’avoir brûlé ses dernières cartouches.
C
omme tout bon reptile qui se respecte, Le Margouillat a connu plusieurs mues. Il y a trente et un ans, un groupe de lycéens et d’étudiants donnaient vie au premier journal local de bande dessinée. “Un journal en noir et blanc, sur du papier de mauvaise qualité”, se souvient Appollo, l’un des “briscards de la première heure” et actuel rédac’ chef. La version fondée et chapeautée par Boby Antoir dure seize ans. “On a grandi avec le journal, c’était un peu notre groupe de rock à nous.” En 2000, feu André Pangrani prend les manettes. La revue, rebaptisée Le Cri du Margouillat, devient un tabloïd “esprit Charlie Hebdo”. C’est aussi à cette époque qu’ils créent Cyclone BD, festival dont ils ont été “dépossédés” depuis. Oui mais voilà, les étudiants d’autrefois – Téhem, Serge Huo-Chao-Si, Appollo – prennent de la bouteille, puis le large, pour se professionnaliser en Métropole. “On s’est retrouvés le souffle court”, poursuit Appollo. Le second souffle, ils le trouveront aux Récréateurs, ancien lieu culturel de Saint-Denis où Stéphane Bertaud déniche un vivier de jeunes dessinateur·rice·s passionné·e·s et fonde le fanzine Alerte Rouge. Ensemble, ils publient plusieurs albums comme Légendes Créoles, Chaleurs Créoles, etc. (éditions Centre du monde). “Ç’a recréé une nouvelle
dynamique, confie le rédac’ chef. Ils n’ont pas la même culture BD, ils sont nourris d’images différentes, ont une culture graphique très différente aussi.” On parle ici des Logan, Anna Vitry, Maca Rosee, Guillaume Clarisse ou encore Émeline Chan. Des illustrateur·rice·s issu·e·s pour beaucoup d’une école d’art, toujours partant·e·s pour animer des stages, des conférences, organiser des expos autour de la BD. Et qui ainsi ont évité à l’emblème pays d’être classé sur la liste rouge des espèces menacées. La colonie de geckonidés sera réunie les 16 et 17 mars au Rock à la Buse, à La Cité des Arts, pour croquer les concerts en live et assurer son Marg Bazar, sur lequel on pourra se procurer un fanzine à tirage limité.
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CARTON MÉCANIQUE Pour sa première nuit dans son nouveau logement, le héros de ce spectacle se retrouve seul face à ses questionnements. Et plutôt que fuir sa part d’ombre, il va jouer avec. Comme Pinocchio, il s’interroge sur la réalité de ce monde, en interagissant avec… lui-même. Capturée et projetée en temps réel, après être passée à la moulinette des effets spéciaux, son ombre se joue de lui, se démultiplie à l’infini comme autant de facettes avec lesquelles il devra composer. L’issue de cette nuit pleine de turpitudes est incertaine mais le résultat est forcément savoureux. Jeune homme moderne passé
par l’informatique avant de se décider pour l’art du clown, Guillaume Lung Tung a imaginé ce dispositif à partir de ses connaissances empiriques et l’aide d’une petite équipe, pour faire rêver son public. Le bruit des ombres, c’est le nom du spectacle, est en cours de création. Il sera présenté au public dès mars. Pour la petite histoire, le nom de la compagnie Carton Mécanique fait en partie référence à l’univers de bric et de broc d’un Michel Gondry ou d’un Tim Burton. Pour l’autre partie, on l’aura compris, il s’agit de l’informatique au service de l’art. Et ça, ce n’est pas un jeu !
UN Œ IL DANS LA RUE
JOLIE CITERNE
En général, les zones indus’, surtout celles avec des citernes et des tristes murs gris, c’est pas jojo. C’est donc une plutôt bonne idée qu’ont eue Rubis Mécénat et la SRPP, en lançant un appel à projet pour embellir ce coin de la Pointe-des-Galets. Et comme les lauréats ont été Kid Kreol & Boogie, il était bien évident que ça allait en jeter pas mal…
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CULTU RE PO P’ RECUEILLI PAR LOÏC CHAUX
E R B M O S R U T FU
Réunion 2029 est sombre : pour résumer, Laurent Bicchierelli a tenté d’imaginer ce qui arriverait dans un futur proche à La Réunion si, tout à coup, elle se retrouvait sans aucun moyen de communiquer avec l’extérieur. Spoiler alert : c’est le bazar, pour rester poli.
Dans votre livre, vous imaginez un futur proche assez moche. Pourquoi ? “Parce que dans l’Histoire, c’est quand même rare que ce soient les choses bien qui s’améliorent, non ? Moi, l’idée de ce livre est partie d’histoires que me racontait ma grand-mère : elle a connu La Réunion isolée pendant la Seconde Guerre Mondiale, les tickets de rationnement, le bringelier marron pour s’essuyer les fesses, ce sont des récits qui m’ont marqué, enfant. Plus tard, je me suis dit : “Putain, mais imagine qu’un truc comme ça se passe maintenant !” De manière générale, les auteurs d’anticipation n’imaginent que rarement un futur radieux… C’est vrai que quand tu penses à Soleil Vert, 1984, Le Meilleur des Mondes, I am a Legend, la Planète des Singes… C’est souvent très sombre. Sombre, mais ils ont parfois vu juste ! Dans Soleil Vert, ils imaginent du cannibalisme pour survivre ; et on fait quoi, avec nos vaches, actuellement ? On leur fait manger de la vache ! Amazon, qui va ouvrir un magasin sans caisse, où tous tes agissements sont scrutés, ta manière de consommer de choisir, tu ne penses pas à Orwell ? Il y a des œuvres, du coup, où l’anticipation vous plaît ? En tous cas, une, où le futur paraît moins sombre, c’est le film avec Joaquin Phoenix, Her. Il me paraît, de plus, particulièrement plausible.
Dans votre livre aussi, à sa lecture, on pense à des situations très plausibles. Comment on imagine un futur “qui pourrait arriver” ? J’ai fait beaucoup de recherches avec des personnes compétentes, rencontrées parfois par hasard. Un journaliste de faitsdivers, un cadre chez EDF qui m’a parlé de leur manière de travailler en cas de crise… Pourquoi ce désir, pour beaucoup d’auteurs, d’imaginer le futur ? Parce qu’on est humain, et que le futur, c’est ce qui nous préoccupe le plus. À partir du moment où tu construis un foyer, tu réfléchis à ça. Le fait de se reproduire, de conserver des choses, c’est une manière d’envisager les problèmes dans le futur auxquels tu devras faire face. On imagine le futur autrement, quand on écrit sur La Réunion ? En tous cas, dans la culture, on n’est pas nombreux à l’avoir fait. Ousanousava, Baster ont fait de superbes chansons dessus, mais dans la littérature… On a beaucoup parlé du passé, du présent, mais très peu du futur. Je pense qu’il y a des influences de l’extérieur, qui fabriquent notre avenir, mais je pense que nos particularités géographiques et sociales nous feront réagir de manière particulière aux événements qui vont nous arriver.”
C U LT U R E G
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RECHERCHES LOÏC CHAUX ILLUSTRATIONS MATTHIEU DENNEQUIN
Amphitryon est un personnage de la mythologie grecque.
Un patapouf est une personne considérée comme “grosse”. Un bachi-bouzouk est un soldat de l’armée ottomane originaire d’un autre pays et envoyé en première ligne.
CU
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Un va-nu-pieds est un nom péjoratif pour désigner une personne sans domicile fixe.
T
UR
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Un catachrèse est une figure de style en Français, dans laquelle on détourne le sens premier d’un mot pour en étendre sa définition. Par exemple, un “bras” de mer, un “pied” de chaise…
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Cette fois, pour faire les malins devant les amis, nous vous proposons de nous pencher sur les jurons du capitaine Haddock, bande de moules à gaufres.
La coloquinte est une plante de la famille des cucurbitacées, mais non comestible.
Un sapajou est un singe d’Amérique du Sud.
Un écornifleur est une personne qui effectue des menus larcins.
Jocrisse est un personnage de théâtre de comédie, souvent naïf et benêt. Un sabord est l’orifice sur le côté des coques de navires par lequel on peut faire passer un canon ou des rames.
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VALÉRIE FO N TA I N E
P ORT R A IT
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TEXTE MARIANNE RENOIR PHOTO ROMAIN PHILIPPON
DES AUTRES Dans l’ombre des artistes qu’elle gère, Valérie Fontaine s’épanouit plus que jamais. Cette touche-à-tout, toujours en quête de challenge, a fini par trouver sa voie. Celle du cœur.
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e 12 juillet 2011, à La Rochelle. Sur la scène DOM-TOM des Francofolies, quinze mille spectateur·rice·s se grisent du maloya de Grén Sèmé. Le groupe est remarqué par Dominique Fillon – frère de – avec qui naîtra une collaboration. Le Total Jazz de Saint-Gilles, le Printemps de Bourges, le Sakifo, le prix Alain-Peters : les dates s’enchaînent et Grèn Sémè creuse rapidement son sillon. Si elle ne le confesse que du bout des lèvres, Valérie Fontaine y a été pour beaucoup dans l’ascension du groupe : pour Carlo de Sacco, auteur, compositeur et interprète, elle est “un accélérateur de rêves”. Rien – ou presque – ne prédestinait Valérie Fontaine à devenir un jour la manager - entre autres - de ce groupe qui lui a fait prendre une “calotte” un soir, à l’Endroit. Issue d’une famille de musicien·ne·s, c’est bien d’autres voies que la discrète et pétillante rousse a empruntées tout au long de sa carrière. Tour à tour employée à l’Assedic, agente immobilière, co-fondatrice d’une société de transport express 24/24h près de Lyon, “cas-
“HEIDI DES MONTAGNES”, ENTRE AUTRES MÉTIERS. teur” de public, hôtesse de l’air, déléguée médicale, “Heidi des montagnes” quand elle doit s’occuper de chevaux à Bourg-Murat, responsable commerciale dans l’agroalimentaire, auteure d’un livre pour enfants sous son pseudo Cerise Australe (Anouk la fée, éd. Epsilon)... elle enchaîne des boulots aussi différents les uns que les autres. La liste est loin d’être exhaustive. Plus encore que les postes en eux-mêmes, ce sont les rencontres qui tracent son parcours. Comme celle avec ce chef cuisinier dont elle tombe amoureuse, et pour qui elle n’hésite pas à quitter son job. Elle le rejoint aux Kerguelen, à bord du Marion-Dufresne, pour l’épouser sur la calotte, glacière cette fois. “On sent qu’on est peu de choses quand on croise un iceberg”, nous souffle-t-elle. À leur retour, ils lancent, avec le second pâtissier du chef, la marque Coco Cannelle.
Un concept qui marche bien, encore. Mais comme toujours, avant de se lasser ou pour saisir d’autres occasions, Valérie Fontaine n’hésite pas à mettre les voiles. Quitte à se faire radier de l’aviation civile, par exemple. “Je n’ai jamais eu peur”, dit celle qui n’a, selon elle, jamais écrit un CV de sa vie. “Mon père m’a montré que tout est possible, et ma mère, hyper optimiste, capable de nous off rir un Noël en plein mois de juillet, m’a appris à toujours rechercher du plaisir dans les petites choses.” Un plaisir qu’elle trouve inconditionnellement au contact des autres. “C’est simple, c’est une femme en or, avec beaucoup de valeurs. Valérie retient énormément de choses sur les gens qu’elle rencontre et ne fait pas de hiérarchie, explique Carlo De Sacco. Elle accorde à tout le monde autant d’attention et parle à chacun avec autant d’authenticité.” Valérie Fontaine se dit que “son talent, c’est d’être entouré d’autres talents.” Carlo De Sacco, lui, la voit comme “une artiste” à part entière, dont la “créativité”, “l’humilité” et “l’enthousiasme” lui ont tout de suite valu la confiance de Grèn Sémè. Et son respect.
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EX TRAMURO S TEXTE LUCILE REBOUL PHOTOS GWAEL DESBONT
Une grande villa nichée sous un éperon rocheux au bord de l’eau : exemple réunionnais d’architecture organique et preuve que les villas de béton peuvent être esthétiques ! ette grande villa sur le littoral ouest compte en tout une quinzaine de pièces. Mais ce n’est ni un palace, ni une maison pour famille très nombreuse : elle a toujours été partagée en quatre logements imbriqués mais indépendants. Invisible depuis la rue et la plage, elle se fond bien avec son environnement rocheux, malgré son étage ouvrant des terrasses avec la vue sur les vagues. Inspirée de l’architecture organique, qui bâtit non sur la terre, mais avec elle, offrant une proximité avec la nature : minéral, végétal, aquatique. Le parangon de cette école est la splendide Maison sur la cascade, en Pennsylvanie, de Frank Llyod Wright. Ici l’architecte, Luc Cazanave, tire profit de l’éperon rocheux qui domine le terrain pour donner une ossature tellurique à la maison : un mur d’une vingtaine de mètres, paré de pierres de lave tangente la maison, conférant aux chambres et salle de bain un aspect très minéral et une forme trapézoïdale.
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Les autres signatures de Cazanave se retrouvent ici aussi : la part belle au béton, avec des terrasses et larges débords de toits, un bardage en bois horizontal et de longues lignes vitrées. Le Centre de formation des apprentis (CFA, à Sainte-Clotilde), la Chambre d’agriculture (à la Source) sont dans la même veine. Veine qu’on pourrait considérer comme dépassée, si la villa n’avait pas fait au fil des années l’objet de réajustements. Réfection de la piscine, mise en place d’un deck en bois, plantations d’endémiques dans le jardin par Lorenzo, le paysagiste de De l’autre côté du miroir. Grâce à ces travaux et au goût de ses occupant·e·s actuel•le•s, la villa exprime un standing, une belle convivialité et fait oublier la frénésie du béton des années soixante. Et puisque l’architecture organique veut “exister à l’instant présent et renaissant toujours et encore ; suivre le mouvement et rester flexible et adaptable”, gageons qu’elle aura encore évolué d’ici vingt ans !
EXT R A M U R O S
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MICRO-T RO T T ’ RECUEILLI PAR MARIANNE RENOIR PHOTOS CHARLES DELCOURT
QUEL FILM AIMERIEZ-VOUS VOIR EN VERSION INDIENNE ? Le Huffington Post nous apprend que la société de production Original Entertainment prépare un Rambo à la sauce bollywoodienne. En attendant de voir si Tiger Shroff est à la hauteur de Sylvester Stallone - permettez-nous d’en douter - on a voulu savoir quelles autres adaptations indiennes vous plairaient.
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1- Petchavady “Divergente parce qu’il n’y pas de science-fiction à Bollywood.” 2- Kévin et Lucas “Inception, ça serait le bordel. Et Taken, un film d’action.”
3- Stéphane & co. “La Ligue des justiciers !” 4- Karine “Pirates des Caraïbes.”
M I C R O- T R OT T’
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5 - Egadevi “Titanic pour le scénario romantique.” 6 - Alex et Louise “Trainspotting ou La Soupe aux choux, ça serait pas mal !”
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7 - Sylvie et Michel “La Cage aux folles ! Vu qu’on ne s’embrasse pas dans les films bollywoodiens, on aimerait bien voir ce que ça donnerait.” 8 - Nadège “Ça serait très marrant de voir Camping adapté. Je le regarderais, c’est sûr.”
8 - Gunavathi “La série Quantico. C’est américain mais l’actrice principale est une Indienne.” 10 - Camille et Gina “Pretty Woman serait tout à fait dans le style mais il existe déjà, non ? Alors, on va dire Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu.” 11 - Thangavel “La Princesse et la grenouille. Des films d’animation indiens, ça existe, oui.”
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SOCIÉTÉ
D A N S E R S O N I D E N T I T É Lorsqu’on s’interroge sur une éventuelle spécificité réunionnaise de la danse contemporaine, on en vient rapidement à discuter identité, hiérarchisation, normes… et on se dit que la danse contemporaine à La Réunion est une fenêtre sur le monde tout comme un miroir grossissant sur notre société.
Nicolas Aphane (Corps Urgents, cie Morphose)
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n imagine souvent la danse contemporaine comme un enchevêtrement de corps nus (ou presque) et sensuels déambulant sur la scène. C’est un peu ça, mais pas que : la danse contemporaine est aussi une exploration de soi-même, de sa culture, ses origines. À La Réunion, elle est arrivée dans les années quatre-vingt, quatrevingt-dix, à la faveur de quelques grands noms toujours présents : Valérie Berger, Éric Languet, Yun Chane et Pascal Montrouge. Ces pionniers forment des danseurs-interprètes, créoles et zoreils, avec souvent un parcours métropolitain. Bénéficiant d’une proximité avec les institutions et les programmateurs, dans un milieu où tous se
connaissent, cette seconde génération commence à s’exprimer en tant que chorégraphes dans les années deux mille : on compte alors une quinzaine de compagnies ! Dans le même temps, la danse urbaine se développe dans les quartiers. Des jeunes s’approprient la culture américaine et la métissent avec leurs origines. Ils s’illustrent à haut niveau via, notamment, le Battle of the Year. Didier Boutiana, de la Konpani Soul City, marmaille du Port “forcé” à voir un spectacle de danse contemporaine au lycée, en est resté marqué à jamais. Aujourd’hui, la discipline est assez visible à La Réunion et n’a pas à rougir face aux compagnies françaises, occidentales ou sudafricaines. À BuzBuz, on a voulu explorer ce domaine, se demander s’il existait une danse contemporaine propre à notre île.
S OC I É TÉ
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TEXTES LUCILE REBOUL, LAURENT PERRIN PHOTOS ROMAIN PHILIPPON, JEAN-NOËL ENILORAC, SÉBASTIEN MARCHAL
Luc Bénard (Rouv la kaz, asso Mov-A et cie Artefakt)
ON IMAGINE SOUVENT LA DANSE CONTEMPORAINE COMME UN ENCHEVÊTREMENT DE CORPS NUS ET SENSUELS DÉAMBULANT SUR LA SCÈNE. C’EST UN PEU ÇA, MAIS PAS QUE.
Soraya Thomas et Thabo Kobeli (Head Rush, cie Morphose)
Ce qu’il en ressort, c’est qu’il existe en tous cas plusieurs écoles partageant une énergie commune. Laquelle ? “Multiple”, “protéiforme”, il n’y a pas une danse réunionnaise, mais différentes générations, plusieurs écoles. Les danseur·euse·s et chorégraphes citent souvent une influence tellurique et donc quelques emprunts au territoire, souvent de manière inconsciente, parfois de manière explicite. Citons par exemple l’exploration de Sylvie Robert (compagnie Argile) sur l’aspect volcanique de l’île, sa terre magmatique, qui résonne beaucoup dans sa danse, bouillonnante en surface et parfois explosive. Ludovic Chaussalet, danseur, tente une explication pleine de métaphores : “Nous sentons bien qu’il se passe dans le monde et surtout à La Réunion quelque chose de puissant dû
à l’énergie tellurique de notre île. Si nous nous connectons à cette énergie, nous comprenons que le changement est en train de s’opérer en nous ; que la lave qui jaillit de notre être peut encore créer des terres où nous pouvons marcher librement ; que les cyclones qui passent sont à l’instar de nos âmes qui se purifient ; que la danse des nuages au sommet du Piton des Neiges est à l’image de notre imaginaire qui change de forme infiniment. Oui, à La Réunion, il y a encore de la magie dans l’air, des cœurs qui vibrent avec notre terre-mère et la plus belle danse réunionnaise est la danse qui s’exprime dans le fait de lâcher les codes imposés.” Dit plus pragmatiquement, la danse à La Réunion s’inspirerait, aussi (surtout ?), des particularités géographiques, météorologiques, naturelles propres à cette région…
Si la terre est certes une source d’inspiration, elle ne peut être la seule ; sur ce sol, se trouvent des femmes et des hommes, avec leur histoire. Jérôme Brabant témoigne : “Pour Impair (son spectacle inspiré du travail de tisaneur de ses ancêtres, ndlr), j’ai juste posé des questions à ma famille, je suis allé sur les lieux où vivaient mes arrière-grands-parents. Je me suis inspiré de ça. Ma tante m’a montré la cuisine où ils faisaient les tisanes, les sirops, la petite boutique où ils vendaient les plantes ; mon père m’a expliqué comment il allait chercher les plantes dans la montagne avec son père.” Cela donne des jeux de mains, de corps, rappelant la préparation des remèdes ancestraux, dans la marmit si feu d’bwa. Des gestes ancrés profondément dans la mémoire populaire, qu’il faut aller faire émerger, parfois en débranchant le cerveau.
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SOCIÉTÉ
“SI JE PUISE DANS DES RITUELS OU DANS DES RÉFÉRENCES HISTORIQUES COMME LE MARRONNAGE, J’ESSAIE DE BIEN LE FAIRE, DE M’INFORMER.” “Dans ma recherche de rituels, de danses répétitives, exotiques, je me suis rendu compte que j’étais en train de faire quelque chose qui était proche du maloya, avec les trois temps : rouler, craser, piler. Alors que je n’ai jamais dansé le maloya, je ne sais pas le danser, je n’ai pas appris ; c’est arrivé comme ça. C’est instinctif. Ça ne sert à rien d’aller chercher trop loin des fois. Il y a quelque chose qui est inscrit dans le corps, ce patrimoine génétique…” Les ascendances, donc. Fortes à la Réunion, très fortes même. Le métissage aura produit des êtres hybrides, riches de leurs multiples origines. Didier Boutiana analyse : “Si je puise dans des rituels ou dans des références historiques comme le marronnage, j’essaie de bien le faire, de m’informer. Lors de mes premières chorégraphies, il y a un truc naturel qui est sorti, et je me suis dit : “Ah, ok, ça me plait d’aller dans ce sens, je vais creuser encore plus.” Quand je crée une chorégraphie, il faut que ce que je crée me parle avant tout à moi. Ce qui me parle, c’est d’utiliser subtilement des codes, des objets, des images propres à ici. Je parle de ce que je connais, c’est ma manière de faire.” Pour ses créations, notamment Priyèr’ sï Priyèr’, le chorégraphe s’est rendu avec le musicien Labelle dans des rituels pour capturer des sons, mais aussi la magie de l’instant. C’est cette immersion dans sa culture - marches sur le feu, kabars, etc. - qui nourrit son travail. Il n’est pas le seul : avec son concept SanGoulou Nadjani Event, la chorégraphe Nadjani propose un kabar en co-création dans une cour, pour plus de contact avec la nature, le public et les lieux, souvent chargés d’histoire, voire d’“esprits”, selon elle.
Wilson Payet et Éric Languet (Fragments d’un corps incertain, cie Danses en l’R)
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Créadanse (prof. Nadia Raud, CRR)
LA RÉUNION “N’ÉTANT PLUS ISOLÉE D’UN POINT DE VUE ARTISTIQUE, ELLE SE DOIT D’ÉCHANGER AVEC TOUTES LES DISCIPLINES, AVEC LES PAYS VOISINS, NOTAMMENT L’AFRIQUE DU SUD.”
Créadanse (prof. Régine Le Dréau, CRR)
Il est normal que leurs créations s’inspirent de l’histoire d’une terre sur laquelle ils ont grandi, de femmes et d’hommes qu’ils ont connus : “Les racines, on les trouve là où nos yeux se posent, là où nos pieds se posent”, affirme Soraya Thomas (compagnie Morphose). La danse réunionnaise est particulière, parce que l’histoire même de La Réunion est particulière : Céline Amato (compagnie Artefakt), arrivée sur l’Île il y a dix ans, a ainsi été influencée par le kozé rényoné et les gens qu’elle y a rencontrés. Il ne faudrait pas croire, cependant, que parce qu’elle se nourrit de son terroir, la danse contemporaine réunionnaise ne pourrait parler qu’aux Réunionnais•e•s. Quand Soraya Thomas retranscrit, par le corps et les émotions, des questions sociétales comme les addictions, elle parle certes d’un problème réunionnais, mais aussi universel. Pas étonnant que Florence Boyer, lorsqu’elle compose une chorégraphie de libération, se défaisant sur scène de film plastique, allégorie des “chaînes morales” du•de la Réunionnais•e qui s’est toujours abaissé par rapport à la France coloniale, trouve un écho aux Antilles ou en Guyane… “La danse contemporaine est un espace de liberté à prendre pour s’exprimer”, dit Nadjani, qui explore notamment des sujets historiques tels que la place des femmes et celle des cafres dans la société réunionnaise hiérarchisée, en écho au Code Noir (Legacy). Mais alors, lorsque les chorégraphes s’inspirent des kabars, de l’esclavagisme, des “Réunionnais de la Creuse” (Florence Boyer, Kaniki, ces enfants qui dérangent), n’y a-t-il pas une limite, celle de la perception d’un public pour qui ces interrogations sont étrangères ? Est-ce qu’il n’y a pas le risque de s’enfermer dans une danse identitaire, voire un peu “exotique” ? Boutiana : “Il y a un côté exotique pour eux bien sûr, parce qu’on est black, il y a le maloya dans les sons. C’est exotique parce que ça vient de loin ; mais on n’est pas dans le folklorique, on arrive quand même à se faire respecter en tant qu’artistes à l’extérieur. Nos chorégraphies ont des sujets sérieux, donc on n’est pas pris à la légère.”
SOCIÉTÉ
LES PIEDS ANCRÉS DANS LA SOCIÉTÉ
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Actuellement, les danses contemporaines réunionnaises tentent d’être inclusives, non élitistes, pour questionner l’identité et la place de chacun·e. Même s’il n’est pas dans la quête identitaire, Éric Languet (voir précédemment) s’intéresse avant tout au “vivre ensemble”, aux relations de pouvoir. Dans ce sens, son travail sur la danse intégrante (on ne dit plus “intégrée”, ndlr), qui fait évoluer ensemble personnes valides et porteuses de handicap, questionne fortement le rapport à l’autre, dans sa différence. C’est aussi le cas de Soraya Thomas avec des patient•e•s en addictologie, de Florence Boyer en ateliers artistiques avec les détenues de Domenjod, de Céline Amato qui fait la part belle aux amateur•rice•s et aux publics ruraux dans ses créations et ateliers. D’autres encore travaillent dans les quartiers avec les bailleurs sociaux. Il s’agit d’impliquer des publics qui ne se sentent pas concernés par la culture, a fortiori la danse. Leur montrer qu’il•elle•s ont le droit de ressentir des émotions à travers la danse, de rire, d’exprimer qui il•elle•s sont, de dire ce qu’il•elle•s aiment ou n’aiment pas. Les productions hors les murs, parfois simplement devant une boutique, ont le mérite d’apporter la danse là où on ne l’attend pas, où on ne la connaît pas, où on ne pense pas la mériter. La médiation scolaire est aussi essentielle pour renouveler le public et les danseur•se•s, mais aussi pour travailler la perception du métier, de la discipline et de la création artistique par les Réunionnais•e•s. Conclusion de Yun Chane (de la compagnie éponyme) : “Danseur à La Réunion, ce n’est pas une profession. C’est comme dans les campagnes françaises, c’est pour s’amuser. Faut donner confiance aux familles pour qu’ils lâchent leur enfant, qu’ils fassent des formations. N’oublions pas que la culture est une des premières économies de France. On est une manne économique.”
Danse classique (CRR)
Et puis, il faut nuancer. Si la danse réunionnaise a, certes, ses particularités, elle n’est pas non plus imperméable. D’abord, comme dans d’autres domaines (cuisine, musique, peinture…), elle surveille – et s’inspire de – ce qui se fait ailleurs, notamment en Métropole. Eric Languet (compagnie Danses en l’R), abonde : “On est sur une île, avec une mentalité ilienne, pour ne pas dire insulaire, on tourne en rond très vite, ce n’est pas une critique, c’est le fait de l’exiguïté de ce territoire. On est entourés par la mer, d’où isolement.” Justement, pour Soraya Thomas (compagnie Morphose), La Réunion “n’étant plus isolée d’un point de vue artistique, elle se doit d’échanger avec toutes les disciplines, avec les pays voisins, notamment l’Afrique du Sud.” Oui, la danse contemporaine réunionnaise n’est finalement pas si différente de tout ce qui fait la culture réunionnaise. Elle se nourrit de sa géographie, de sa qualité d’île, de son passé, forgé grâce à ses nombreux métissages. Et encore aujourd’hui, elle continue de s’abreuver de ses changements, de ses interrogations, de ses craintes et de ses espoirs. La danse contemporaine à La Réunion, c’est simplement un miroir tendu à ses habitants, et une histoire racontée au reste du monde. Qui, parfois, peut aussi s’y reconnaître.
Peut-on dire que vous aimez la mode ? “Oui, on peut le dire… D’ailleurs, j’ai toujours rêvé d’en faire. Alors, qu’est-ce qui vous inspire, lorsque vous vous habillez ? Je regarde pas mal les magazines de mode. Vous êtes pas un peu décalé ? Non, non, je ne suis pas une personne décalée, c’est juste mon style.”
—AUGUSTIN
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LA MODE , C ’ E S T V O US
PHOTOS ROMAIN PHILIPPON DÉNICHEUSE CATHERINE GRÉGOIRE
Comment vous définiriez votre style ? “On peut dire que j’en ai deux : le style BCBG, que j’adopte pour aller travailler ; et un style plus “chic-décontracté” en dehors de la vie professionnelle. Donc, vous aimez penser à la manière dont vous allez vous habiller… Oui, j’aime vraiment ça, tout ce qui est branché. J’essaie de me tenir au courant, j’adore Les Reines du Shopping !”
—MINA
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LA MODE , C ’ E S T V O US
S TAT I S T I Q U EM E NT
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RECHERCHES LOÏC CHAUX ILLUSTRATIONS FREDDY LECLERC
LA PÊCHE DANS LES TAAF La canne, la canne, la canne… Saviez-vous seulement que la pêche dans les Terres australes antarctiques françaises (Taaf), organisée depuis La Réunion, procure un chiffre d’affaire quasiment comparable à celui du sucre ?
= En millions d’euros, La Réunion exporte quasiment autant de légines et de langoustes que de sucre.
1/4 Sur quatre poissons pêchés dans les Terres Australes, un est exporté vers les Etats-Unis.
Source : Insee Réunion
45 En Métropole, le kilo de légine est vendu, en gros, à quarante-cinq euros, soit deux fois plus que le saumon.
2% La Réunion ne mange que 2% des légines et des langoustes qu’elle pêche. Le reste est exporté.
380 La pêche à la légine et à la langouste fait travailler directement trois cent quatrevingt personnes. Les deux tiers sont des marins.
0,5 Sur dix salarié·e·s des six armateurs de pêche australe 0,5 sont des femmes.
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MA BU LL E RECUEILLI PAR MARIE RENNETEAU PHOTOS GWAEL DESBONT
ÇA PROMET ! Pour ce numéro, BuzBuz est allé rendre visite à une figure emblématique du maloya à La Réunion, Christine Salem. L’artiste nous a ouvert ses portes, une jolie case en devenir.
M A B U LL E
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ENTREVUE EXPRESS Depuis quand vivez-vous dans cette maison ? “C’est tout récent, mais avec des séjours en Métropole, donc peu de temps finalement ici, c’est encore en emménagement. Et ça, ce n’est pas un vrai ? Si, si, c’est un vrai appareil photo, je te montre. C’est plus pour le design que pour les photos, que je l’ai acheté au duty-free de Maurice. On peut même en faire une. Ah, et là il faut que je vous montre, quand on ouvre, voilà les CD. Oui, ça fait une belle collection... C’est tout mélangé, enfin non, là, c’est rangé sur ce côté. J’écoute beaucoup ceux à gauche, pas mal de blues, sinon c’est surtout les vinyles que je mets, la qualité est meilleure. Il est superbe, ce meuble, c’est toi qui a peint les tiroirs ? Pas du tout, je l’ai eu comme ça, à la Case-Dépôt à La Salineles-Bains. Et les chaises de bar que tu vois à droite, avec la table haute, les pédales ne bougent plus, mais c’est fait avec des vieux vélos. Et ce tableau, très coloré avec le petit bateau, c’est marqué “Le rêve inachevé” ? C’est une copine qui me l’a donné, elle déménageait. Là, il faut que je fixe la plaque qui ira ensuite avec. Tout comme la pendule qui est posée sur l’étagère des vinyles, faudra que je l’accroche. Tu vas avoir le temps de profiter d’ici ? Mercredi, j’entame un projet au Musée de Villèle qui me tient beaucoup à cœur et qui s’achèvera en mars 2018, en parallèle d’autres, avec Rosemary Standley notamment. Mais aujourd’hui, normalement, les gars vont casser le mur de devant, et pis derrière aussi, la cour va changer... C’est marrant, la plaque avec ton prénom, c’est quelqu’un qui te l’a offert ? Pas du tout, je l’ai achetée dans un magasin en Norvège. J’ai voulu la mettre sur mon scooter mais il n’y avait pas la place (rires). Je peux regarder les livres ? Oui, regarde, là, tu as trois petits livres que j’ai trouvés au marché de Montreuil, ils sont rouges. Des chansons de Jacques Brel, Léo Ferré et Boris Vian. Quand je suis à Paris, j’aime bien aller dans les marchés, les brocantes.”
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LES PAGES SPORT
LA RE N C O N T R E D ON T ON N ’ A PA S PA R L É
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Le 27 janvier, BuzBuz est allé voir ce qu’il se passait du côté de l’athlétisme, à l’occasion des championnats régionaux de l’été austral. Plus particulièrement, nous sommes restés à l’écart, du côté de ces gens qui jettent des poids et des javelots.
l fallait que cela arrive : lors de notre arrivée sur le stade de Champ-Fleuri, la première personne qu’on a croisée fut bien évidemment Jean-Louis Prianon, toujours dans le coup, et bien content qu’on vienne voir ce qui se passait autour du tartan régional. Il faut dire que la piste – en opposition avec le “hors stade” – souffre d’un déficit d’image, sans doute dû en partie à une faiblesse de niveau assez générale. N’empêche : Il•elle•s sont plusieurs centaines à s’entraîner toute l’année, à améliorer leurs records persos, et il n’y a pas de raison qu’on n’écrive pas sur eux•elles, après tout : on parle bien ici de la discipline reine des Jeux olympiques. Sauf qu’à La Réunion – comme en France en général, d’ailleurs – des épreuves d’athlé sont encore moins populaires que les autres : les lancers, et notamment le poids et le javelot. C’est donc assis dans l’herbe, taillant le bout de gras avec les athlètes et les officiel•le•s – seul public autour – que nous avons vu les victoires de Rachel Hoareau (US Pointe-des-Galets) en poids et en javelot, et de Corentin Clain (CS Saint-Denis) en javelot. Les athlètes que nous avons vu concourir ne sont pas vraiment des spécialistes, loin
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s’en faut : ainsi, nous avons dû attendre que certain•e•s terminent d’autres concours (hauteur, perche), tandis qu’on voyait passer sur la piste Rudy Collet, ayant fait l’impasse sur un de ses six essais au javelot, participer aux séries du 200 m (!). Rachel Hoareau est carrément joueuse de hand ! Au loin, nous le voyions : sur le tartan, les visages étaient crispés, ça sentait la compétition. Sur l’aire des lancers ? Les filles étaient souriantes, détendues ; il faut dire qu’à raison de deux – voire une, chez les seniors – par catégorie d’âge, elles étaient toutes assurées de monter sur un podium. Chez les hommes, c’est bien le javelot qui eut droit à un vrai concours : chez les cadets, ils étaient quatre à se mesurer. Remarque de béotien : ce n’est pas forcément celui qui possédait la plus jolie technique qui a lancé le plus loin. Petit monde à l’intérieur lui-même d’un autre petit monde, celui de l’athlé réunionnais, les lancers semblent, au moins, amuser véritablement ceux qui les pratiquent. Les officiel•le•s rigolent avec les sportif•ve•s, ces dernier•ère•s le font entre eux•elles, et deux ou trois copains de passage viennent donner leurs conseils. C’est bien, aussi, le sport, quand c’est un jeu.
S P ORT
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TEXTES LOÏC CHAUX PHOTOS ROMAIN PHILIPPON
> FICHE TECHNIQUE
ON A VU ...
Championnats régionaux de l’été Austral - Poids et javelot Au stade de Champ-Fleuri (Saint-Denis). Temps : chaud, couvert. Spectateurs : environ 200 dans les tribunes, à l’opposé, mais entre deux et trois autour des aires de lancers.
- Des officiel•le•s rappliquer dare-dare, car il•elle•s n’étaient au départ pas le nombre convenu. - Des sportif•ve•s rappliquer dare-dare, car il•elle•s étaient en train, au même moment, de participer à d’autres concours. - Un participant au javelot en catégorie vétéran, blaguer pendant les lancers, annoncer “Je fais 41 m et c’est bon”, et ne jamais les faire. - Ce même participant s’éclipser un moment pour aller chercher sa médaille sur le lancer de poids. - Les aires d’atterrissage du disque et du javelot s’entrecroiser, sans incident. - La meilleure performance sur le disque battre la meilleure performance sur le javelot, alors qu’en général, c’est le second qui va plus loin. - Des épreuves où tous les physiques semblent pouvoir s’exprimer.
POIDS FÉMININ (3 KG) : 1. Manon Alezan (CSSDA) : 8,63 m ; 2. Shelsee Pedre (CCSDA) : 7,68 m. POIDS FÉMININ (4 KG) : 1. Rachel Hoareau (USPG) : 9,63 m ; 2. Laurianne Begue (CSSDA) : 9,22 m ; 3. Marie-Francie Zela (USPG) : 7,32 m. POIDS MASCULIN (5 KG) : 1. Daryld Thomas (USPG) : 12,76 m ; 2. Ilian Maurice (Caposs) : 8,63 m. POIDS MASCULIN (6 KG) : 1. Gwandal Ivoula (CAGSP) : 11,75 m ; 2. Arnaud Deurweilher (CAPDP) : 10,76 m ; 3. Christian Nacoulivala (Caposs) : 10,56 m. POIDS MASCULIN (7 KG) : 1. Adrien Bialoux (Cospi) : 10,58 m ; 2. Virgil-Augustin Tiouira (CAGSP) : 8,67 m ; 3. Johan Dalery (CSSDA) : 6,42 m. JAVELOT FÉMININ (500 G) : 1. Albane Jeanson (CASM) : 22,57 m ; 2. May-Lise Lapersonne (Caposs) : 20,90 m. Javelot féminin (600 g) : 1. Rachel Hoareau (USPG) : 24,64 m ; 2. Laurianne Begue (CSSDA) : 24,11 m ; 3. Marie-Francie Zela (USPG) : 19,93 m. JAVELOT MASCULIN (700 G) : 1. Rudy Collet (Samsora TASA) : 38,54 m ; 2. Quentin Boyer (Cospi) : 33,45 m ; 3. Florian Hoarau (ASSL) 31,83 m ; 4. Alexandre Luspot (Cospi) 29,78 m. JAVELOT MASCULIN (800 G) : 1. Corentin Clain (CSSDA) : 41,59 m ; 2. Chrisitian Nacoulivala (Caposs) : 39,53 m.
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E N T RE T I E N RECUEILLI PAR LOÏC CHAUX
S E D E N Î A R T N E I U Q I U L CE DE OC RPS
S R E I L IM L
Dans la faune assez imposante – et parfois gratinée – des Youtubeurs sportifs, David semble faire partie de ceux qui font aussi du sport avec leur tête. Et en plus, il vit à La Réunion.
DAVID SIEGL est coach sportif. Il dirige la chaîne Youtube santedefer ainsi que le site du même nom, où il vend des programmes d’activité physique. Sa chaîne compte plus de soixante-mille abonnés, et sa vidéo sur les erreurs à éviter pour prendre des abdos a été vue plus d’un million de fois, ce qui en fait un des youtubeurs vivant à La Réunion les plus suivis.
Comment t’es-tu retrouvé dans le monde d’Internet ? “Ça me trottait dans la tête depuis plusieurs années, car lorsque je regardais des vidéos sur Youtube, et que j’avais commencé le coaching, je me disais – sans avoir un égo démesuré : “Attends, si ces mecs arrivent à marcher sur Internet, je peux marcher sur Internet.” C’est surtout un côté “C’est possible pour tout le monde”. J’étais au chômage, j’en ai profité pour acheter une caméra, un trépied, et essayer de voir ce que je pouvais faire. Et ç’a a pris très rapidement : en six mois, j’avais déjà plusieurs milliers de personnes qui me suivaient. J’ai pu en vivre rapidement, en moins d’un an. Ce n’était pas par la monétisation des vidéos sur Youtube : pour en vivre, il faut des millions de vues. J’ai commencé par vendre un programme à télécharger qui t’apprenait à sauter à la corde.
comme il faut les dire”, “Tu tournes pas autour du pot”. Et puis il y a un petit côté “pédagogie”, on va direct dans la pratique. Je pense que c’est essentiel : le problème de l’Internet, c’est qu’on peut regarder beaucoup de vidéos théoriques, passer des heures à engranger de la théorie, mais si on ne passe pas à la pratique, ça n’a pas de valeur.
“MÊME SI ON EST SUR INTERNET, IL Y A TOUJOURS CE CÔTÉ “ON PASSE À LA TÉLÉ”.”
Qu’est ce qui fait que ça “prend” ? car des vidéos, sur Youtube, on en a un paquet… Je pense que c’est le côté “pote”… Je fais comme si je m’adressais à des personnes que je connais. Je suis un peu le bon copain qui donne des conseils. En tous cas, c’est ce qui revient souvent dans les mails que je reçois : “J’aime bien ta façon de parler”, “Tu dis les choses
Tu as l’air de pas mal te documenter, pour faire tes vidéos, et notamment en cherchant des articles scientifiques. Et j’ai l’impression que vous n’êtes pas beaucoup à le faire. C’est dommage : aujourd’hui, c’est facile de prendre une caméra, et de dire plein de choses, c’est à la portée de tout le monde. Le problème, c’est que les propos que tu tiens, ils vont impacter des gens, qui vont t’écouter et te suivre. Il y en a même qui deviennent carrément fans ; tu leur dis : “Ce soir, on saute de la falaise pour essayer de s’envoler”, t’en as qui vont essayer de sauter, parce que c’est ainsi, ils te suivent. Il y a une “gouroutisation” sur Youtube, c’est à chacun de prendre ses res-
S P O RT
ponsabilités, de se dire qu’avant de tenir tel ou tel propos, on va quand même essayer de se documenter. Quand on est dans le sport, il y a beaucoup de notions scientifiques qui entrent en jeu, que ce soit en physiologie ou dans l’alimentation. Quand on commence à tenir des propos sur l’alimentation, il faut se documenter, faire attention, fouiller un petit peu sa conscience perso, pour se dire : “Voilà, je dis pas que des bêtises”. Tu dis qu’il y a des gens qui te suivent limite aveuglément… Tu t’en es rendu compte quand, de ça ? On s’en rend compte par les mails. Les gens t’envoient des mails de remerciements : “Depuis que j’ai vu ta vidéo sur tel sujet, j’ai changé telle ou telle chose dans ma vie”. Je le remarque aussi dans les achats des formations que je vends : j’ai des personnes, elles me les achèteront les yeux fermés. Mais cela nous arrive à tous : regarde, moi, je suis fan de Gary Moore. S’il n’était pas décédé, et qu’il sortait un album, j’irais l’acheter, sans l’avoir écouté avant. Parce que tu adhères complètement à un personnage. Sauf qu’acheter un album, cela n’implique pas grand chose, quinze euros… Ces personnes suivent des recommandations qui sont sensées leur apporter des changements positifs, d’où l’intérêt de me responsabiliser, d’aller voir du côté des études scientifiques, pour vérifier que ce que je dis n’est pas trop bête. Du moins, à défaut de ne pas leur donner de résultats spectaculaires, de ne pas les mettre en danger.
blog, par exemple. Je pourrais écrire des articles, j’aurais beaucoup moins d’impact qu’avec la vidéo. Quand même, tu es content, de savoir qu’une vidéo a fait des milliers de vues, tu le regardes, ça ? Oui, bien sûr, on n’a pas envie de ne pas être vu, c’est pour ça qu’on fait des vidéos. Mais il faut trouver un équilibre entre “Je veux essayer de faire un mini buzz lorsque je sors une vidéo, parce que je veux qu’elle soit vue”, et le fait de faire n’importe quoi pour obtenir ce nombre de vues souhaité. Il faut trouver un équilibre entre les deux, rester sérieux, mais trouver le petit truc qui va être ludique et divertissant, voire qui incite aux clics. Essayer de trouver un titre qui ne soit pas un mensonge, mais qui amène au clic, et qui ne soit pas juste : “Comment faire ses lacets”. Tu en penses quoi, des gens qui ne font pas du tout de sport ? Je suis attristé. Mon site s’appelle santedefer, et pas bodybuilding.com. Il y a vraiment un côté “santé” que je recherche. En général,
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On a l’impression, avec l’augmentation des Youtubeurs sport, qu’il y a un peu une “injonction” à faire du sport. Une injonction à avoir des abdos, à être sculpté… On va dire que c’est la carotte qui fait le plus avancer, aujourd’hui, l’aspect physique. Une fois que les personnes sont dedans, qu’en quelques mois, elles ont obtenu leurs abdos, elles n’en ont plus rien à faire, pour la majorité. Et elles vont vraiment changer de style de vie. Cela peut être le premier coup de pédale. On va d’abord faire du sport pour changer son apparence physique. Et après, on y reste, parce qu’on se rend compte que ç’a grandement amélioré notre quotidien, qu’on vit mieux, qu’on a plus d’énergie, qu’on est plus motivés par l’idée de faire plein de choses. Cela ne veut pas dire que les personnes ne sont pas préoccupées par leur santé d’abord. Il y a quand même pas mal de personnes qui se foutent pas mal de leur apparence physique, mais cela arrive plus en avançant dans l’âge. Alors, c’est quoi, ton public ? Il est très varié, mais je pense être dans une fourchette de trente, cinquantenaires. Des personnes qui se rendent compte qu’elles sont sédentaires depuis plusieurs années, qui ont envie de se bouger.
“ C’EST LA CAROTTE QUI FAIT LE PLUS AVANCER, AUJOURD’HUI, L’ASPECT PHYSIQUE. ET APRÈS, ON Y RESTE, PARCE QU’ON SE REND COMPTE QUE Ç’A GRANDEMENT AMÉLIORÉ NOTRE QUOTIDIEN. ”
Tu y penses souvent, justement, au fait de ne pas les mettre en danger ? Oui, parce que je me rends compte qu’il y a d’autres Youtubeurs qui sont très prolifiques, en matière de vidéos… Moi, parce que je passe beaucoup de temps à fouiller, cela m’empêche de l’être. Il m’arrive de refaire des vidéos d’un quart d’heure parce qu’il y a une phrase qui ne me plaît pas. Et comme je suis un peu perfectionniste… Je me complique peut-être la vie pour rien. As-tu déjà été inquiet à propos des gens qui te suivent ? Un moment où tu t’es dit “Wow, là, ça craint un peu” ? Pas “ça craint”, car j’ai pas des millions de personnes qui me suivent, je reste dans des proportions raisonnables. Mais à un moment, on se dit : “Cette personne, si elle me connaissait en vrai, elle se dirait : “C’est un débile”.” Peut-être qu’elles m’idéalisent un peu. Parce qu’il y a l’aspect “écran”. Même si on est sur Internet, il y a toujours ce côté “On passe à la télé”. Le fait de passer à la télé, ça crédibilise, ça donne une aura. Eh bien, même passer sur Internet, ça donne une aura. Même si on se filme avec un iPhone, la vidéo a énormément de pouvoir. Beaucoup plus que la lecture de
il y a une focalisation à l’extrême sur l’alimentation, et beaucoup moins sur l’activité. Du moins, dans un sens très superficiel : pour avoir les abdos, les fessiers… Chose avec laquelle je joue également, de toutes façons, pour attirer les gens. Parce que la santé pour la santé, ça attire pas tant de monde que ça. La plupart des gens aiment aussi travailler l’aspect physique, ce qui est légitime, on se regarde tous dans le miroir avant de sortir de chez soi. Je n’ai aucun problème avec ça. Mais je trouve surtout qu’il y a trop de sédentarité, qu’on ne pousse pas assez les gens vers le mouvement, alors que le facteur “sport”, quel qu’il soit, est primordial au niveau de la santé. Il permet de déclencher un système vertueux : quand on fait une activité physique, on n’a pas envie de manger n’importe quoi, il y a une interaction. C’est plus facile de changer une alimentation en démarrant une activité physique, que l’inverse. On a un rapport très émotionnel à la nourriture : quand on a très faim, on a envie de manger des chips, et des conneries… Ou alors quand on est de très mauvaise humeur. Quand on est de très bonne humeur, on se dit : “Tiens, je me ferais bien une salade d’avocats”.
Ce qui a été ton cas, si j’ai bien compris ? À la base, j’étais très sportif, quand j’étais jeune. Mais quand j’ai arrêté l’école, j’ai “fait ma jeunesse”, comme on dit. On sort, on fume, on boit… Au bout de plusieurs années de sorties, de boissons, de tabac, j’en avais ras-le-bol. Mon déclencheur, ç’a été l’arrêt du tabac. Lorsque j’ai arrêté le tabac, j’ai eu beaucoup d’énergie à canaliser : j’ai arrêté de fumer un samedi, le lundi je me suis inscrit dans une salle de sport. Ç’a été la meilleure décision de ma vie. En l’espace de quelques mois je me suis dit qu’au lieu de perdre plusieurs heures par jour à faire du sport hors de mon travail, je vais en faire mon travail. Quand tu regardes ces années, tu les regrettes, ou pas ? Non, parce que mine de rien, si je ne les avais pas vécues, je n’aurais pas été coach. Il faut accepter son parcours tel qu’il est, ne rien regretter, parce que ce sont ces passages qui te paraissent négatifs qui t’emmènent à des actions qui vont te mener où tu es aujourd’hui. Mais est-ce que tu les vois comme du temps de perdu ? Je me dis que ç’aurait pu être plus court. Trois ans, au lieu de dix, ç’aurait pu être bien. Mais après, chacun son rythme pour ses prises de conscience.”
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PO RT RAI T TEXTE LOÏC CHAUX PHOTO GWAEL DESBONT
NE PAS OUBLIER
Nous cherchions quelqu’un pour nous parler des premières heures du skate à La Réunion et nous avons trouvé Stéphane Garnier, pour discuter d’une époque où il fallait se débrouiller avec le mobilier urbain.
’est un peu le tonton des skateurs à La Réunion, nous a soufflé Fabrice, du côté de chez Ridinbox. Et en plus, il est encore dans le coup, il s’occupe des marmailles à Saint-Pierre.” Au bord du bowl sudiste, donc, Stéphane Garnier est là. Il tient à préciser, plusieurs fois : “Je suis pas le meilleur, hein. Je l’ai jamais été.” On n’est de toute façon pas venus ici pour parler “performances”. Car, à quarante-trois ans, le président d’Asphalte, le club de Saint-Pierre, a plus de vingt-cinq ans de pratique du skate derrière lui. Des débuts coïncidant avec ceux des années quatre-vingt dix, où ils n’étaient pas nombreux à glisser dans la rue : “J’arrivais d’Algérie, et juste avant mon départ, un camarade de classe m’avait donné son vieux skate, bien usé. Je débarque avec ça, dans l’Ouest. Au départ, on a tous commencé pareil, ici : on faisait des descentes avec des copains.” Puis, il y a la rue, et les premiers tricks : “On s’échangeait des VHS de skateurs américains, on essayait de les imiter. Ces VHS, qu’on ramenait quand on partait en Métropole, ont été très importantes, c’étaient de vrais films de trois quarts d’heure : on s’est mis à mettre des baggys parce qu’ils en portaient dans les films. On écoutait la musique des bandes sons, du rock, pas mal.” Surtout, la ville devenait un réel terrain de jeu : “Saint-Paul, Le Port, on traversait les villes de long en large. On avait un peu l’impression d’être des rebelles, des punks qui écoutaient la Mano negra, les Ludwig von 88, les Bérus… On allait dans les lycées quand ils étaient fermés, parce qu’il y a toujours des marches, des trucs à sauter… On s’est souvent fait courser par les chiens des gardiens !”
“C
Et puis, il s’amuse à faire des vidéos lui-même. “C’est beau, une vidéo de skate, dans la rue, et puis, tu dois toujours revenir à la rue. Les gamins qui commencent à être bons dans les skate parks, je leur dis, toujours, d’aller dans la rue. Il faut toujours faire en sorte que le skate s’adapte au milieu urbain.”
“ON TRAVERSAIT LES VILLES DE LONG EN LARGE. ON AVAIT UN PEU L’IMPRESSION D’ÊTRE DES REBELLES.” Si, comme il le dit, Stéphane “skatouille encore un peu”, le désormais enseignant continue cependant à faire le tonton. Persuadé de l’intérêt des skate parks dans les villes, et conforté par l’affluence dans ceux de Saint-Denis et de Saint-Pierre, il tente, en ce moment, de faire agrandir ce dernier. Parce qu’entre-temps, le skate, c’est devenu un sport : “Maintenant, c’est les parents qui amènent les enfants, qui espèrent qu’ils vont réussir. On les emmène faire des compétitions à l’extérieur, on leur dit de prendre une licence auprès de la Ligue. Enfin, remarque, moi, à l’époque, on m’aurait dit de prendre une licence, j’aurais dit non. Mais c’est pas bien.” L’œil pétille : l’ado n’est jamais très loin.
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LE J O UR O Ù… TEXTE LOÏC CHAUX ILLUSTRATION ÉDITIONS GRATONS
24 JUIN 1981
La
EST PUBLIÉ La trente-neuvième aventure de Michel Vaillant se déroule à La Réunion, où il a décidé de participer au Rallye des 1000 kilomètres.
E
n 1981, La Réunion avait, en vrai, accueilli le jeune Laurent Fignon pour le Tour de l’Île cycliste (voir 68 #1). Nous précisons “en vrai” car, dans la fiction, cette même année, c’est carrément Michel Vaillant qui est venu, lui, participer au Rallye des 1000 kilomètres, dans le Sud, avec une Ford Escort équipée d’un moteur de Vaillante (c’est d’ailleurs le nœud de l’intrigue). L’histoire, justement, est tarabiscotée (à base de courses de voitures, d’espionnage industriel et de volcan), nous vous laisserons donc lire cet épisode, Rallye sur un volcan, qui marquera bien évidemment n’importe quel•le Réunionnais·e pour deux raisons : la reconstitution, superbe, des personnages et des lieux mais aussi, malheureusement, l’accumulation des clichés sur l’Île. L’auteur, Jean Graton, était venu en vacances ici : il en a ramené les connaissances suffisantes pour un bref rappel historique de l’histoire récente de La Réunion, des dessins précis de flamboyants, de lieux (les routes des Hauts, la Plaine-des-Sables, les boutiques), de personnages et évidemment, de leurs autos (avec des vrais pilotes et journalistes locaux de l’époque), intégrant même dans l’intrigue Joseph Lon Mon Poy, véritable propriétaire d’une boutique dans les Hauts de l’Ouest, et dans laquelle Jean Graton avait laissé une bafouille sur le livre d’or (1).
I L S E M B L E Q U E J E A N G R AT O N A PLUS PÉCHÉ PAR NAÏVETÉ QUE P A R R É E L M A U V A I S E S P R I T. Hélas ; le récit y parle de “races”, la belle-mère de Vaillant s’inquiète d’un “pays de sauvages” où les femmes “recherchent les blancs pour les épouser” (propos qui, concédons-le, sont nuancés par le récit et les autres personnages) ; le méchant est aidé d’un Réunionnais patibulaire armé d’une “machette, l’outil employé par les coupeurs de canne à sucre pour leur travail… et pour leurs règlements de comptes !” Il faudra sûrement se remettre dans le contexte des années quatre-vingt, et ne pas juger l’œuvre à l’aune de nos réflexions de citoyens des années deux mille. D’ailleurs, au vu de l’album dans son ensemble, il semble que Jean Graton a plus péché par naïveté que par réel mauvais esprit. Et puis il faut surtout retenir qu’il a choisi de mettre le plus grand pilote français fictif de tous les temps dans notre Île, preuve qu’il a parfaitement saisi l’engouement tout particulier des Réunionnais pour le sport auto, quinze ans avant la visite de Didier Auriol, vingt avant celle de Sébastien Loeb.
1. Voir, à ce titre, le passionnant récit de l’Azenda en ligne, qui avait retrouvé la boutique de Joseph et même le fameux livre d’or.
TEMPÊTE DANS UN CERVEAU
#FAISTACOUV
VOTRE REGARD NOUS INTERESSE
AVEC “TEMPÊTE DANS UN CERVEAU”, BUZBUZ CRÉE SON NOUVEL ESPACE D’EXPRESSION, DESTINÉ ET CONSACRÉ À VOTRE TALENT...
POUR CETTE PREMIÈRE ÉDITION, NOUS INVITONS ARTISTES, ILLUSTRATEURS, GRAPHISTES, PHOTOGRAPHES, GRAFFEURS, À PARTAGER LEUR CRÉATIVITÉ EN
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LES PRODUCTIONS LES PLUS ORIGINALES SERONT SELECTIONNÉES POUR UNE EXPOSITION. LA MEILLEURE DE TOUTES DEVIENDRA LA “UNE” DU NUMÉRO DE DÉCEMBRE 2018.
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