Ardennes Alpes
#214 / 4e trimestre 2022
ACCLIMATEMENT ET ACCLIMATATION. L’acclimatation est notre aptitude temporaire à nous adapter au manque d’oxygène, tandis que l’acclimatement est notre action pour obtenir une bonne résistance à ce manque d’oxygène. Un bon acclimatement nécessite du temps et une progression en altitude adaptée. Si vous souffrez de mal de tête ou de légères nausées, il est mieux de décider de perdre de l’altitude le plus tôt possible et de remettre la progression à un jour ou deux. Outrepasser l’avertissement de notre corps ne nous fait gagner aucune chance d’améliorer notre accli-
matation. Un acclimatement en dents de scie, avec un gain graduel en altitude, est le plus efficace. Un acclimatement en caisson est un gain de temps peut-être, mais que veut-on gagner en définitive, et à quel prix ? Et que penser de l’usage de l’EPO ? L’alpinisme ne doit-il pas rester un jeu subtil entre notre préparation physique et les difficultés de la montagne ? TEXTE DE JEAN BOURGEOIS MIS EN IMAGE PAR AUDREY CAUCHIE
édito Le 11 décembre est la Journée internationale de la Montagne. Cette année, les femmes sont mises à l’honneur. Quoi de plus normal, puisque comme le précise très bien le site de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture)1 : « Les femmes jouent un rôle clé dans la protection de l’environnement et le développement économique et social des zones de montagne. Elles sont souvent les gestionnaires principales des ressources de la montagne, les protectrices de la biodiversité, les gardiennes des connaissances traditionnelles, les dépositaires des cultures locales et les spécialistes de la médecine traditionnelle ». Il y a 20 ans, l’Assemblée générale de l’ONU (Organisation des Nations Unies) a proclamé 2002 « Année internationale de la Montagne » suite à l’attention croissante portée à la situation des montagnes (15 % de la population mondiale, impact des changements climatiques, etc.). Par la suite, les États Membres de l’ONU ont choisi la date du 11 décembre pour célébrer une Journée internationale de la Montagne dès l’année 20032 Transition aisée avec l’impact des changements climatiques sur les populations et l’environnement. Le Club Alpin est l’une des seules fédérations sportives dont les activités se déroulent dans un environnement fragile (la nature, les rochers, les montagnes, etc.). En 2022, les records de chaleur sont tombés les uns après les autres ! Les glaciers reculent, la montagne devient instable, certains iti1 - www.fao.org/international-mountain-day/theme/fr/ 2 - www.un.org/fr/observances/mountain-day
Sean V
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Poincenot Summit, Massif du Fitz Roy, Patagonie, Sean Villanueva, février 2021
néraires deviennent dangereux à parcourir. L’impact des activités humaines est indéniable. Pour l’atténuer, chacun peut agir à son niveau : les politiques, les industriels, chacun d’entre nous. Le Club Alpin développe déjà des actions au niveau de la biodiversité (entretien des rochers, « Charte pour la biodiversité » signée le 22 mai 2015 par le Ministre en charge de la Nature et votre serviteur, etc.). Mais nous pouvons et nous devons faire plus, notamment pour limiter les impacts de nos activités sur l’environnement et le climat. Vous avez pu en découvrir un premier aperçu dans un article d’Éric Berthe et Serge Raucq dans le numéro précédent de votre magazine favori. Mais nous ne ferons pas qu’en parler, nous verrons aussi et surtout comment agir ! Sean Villanueva O’Driscoll a été récompensé par un Piolet d’Or (le deuxième, ce qui est très rare dans la carrière d’un alpiniste !) pour sa « Moonwalk Traverse » du massif du Fitz Roy réalisée en février 2021. Bravo et félicitations, Sean ! Et merci de porter si loin les couleurs du Club Alpin et de nous faire rêver ! Et pour ceux qui s’en souviennent, il y a 10 ans, le 16 novembre 2012, Patrick Edlinger nous quittait… Je vous laisse découvrir ce numéro très varié. N’hésitez pas à nous envoyer vos récits et expériences de montagne, de randonnée, de nature, de respect de l’environnement, … Bonne lecture !
DIDIER MARCHAL Président du CAB page 3
DOSSIER SPÉCIAL PIOLETS D'OR : ET DE 2 POUR SEAN ! PAGE 7
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J’ai encore du mal à y croire. C’est un peu comme un rêve. C’était une expérience incroyable et je suis très reconnaissant d’avoir eu l’occasion de la vivre. Mais c’était surtout une expérience personnelle et je pense que peu de personnes comprennent vraiment.
UN NOUVEAU COORDINATEUR AU CAB : STÉPHANE WINANDY
Éthique et développement durable PAGE 26 33
Sommaire 5
Le Free carbon climbing tour
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Piolets d'or : et de 2 pour Sean !
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Un nouveau coordinateur au CAB : interview de Stéphane Winandy par Didier Marchal
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Pauvres Agneaux
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À pied en automne à travers les Pyrénées espagnoles : un solo féminin autonome, avec mon chien
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Lire : Histoire des refuges du Massif des Écrins
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Hommage à Bruno Balligand
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Bonjour Stéphane, tu viens d’être engagé comme nouveau coordinateur du Club Alpin Belge, la Fédération francophone d’escalade, d’alpinisme et de randonnée. Félicitations et bienvenue ! Qu’est-ce qui t’a motivé à présenter ta candidature pour ce poste ?
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DOSSIER : Éthique et développement durable 17 Wanterbaach : Développement d’un site d’escalade à Berdorf (L)
En ce mois d’août 2022, après un petit périple autour du glacier Blanc avec l’ascension du Pic du Glacier d’Arsine (3 363 m), l’envie était forte de revoir la face NW des Agneaux (3 636 m) dans le massif des Écrins, gravie à deux reprises en 1981 et 1988, et que je n’avais plus approché depuis 2001.
20 Escalade : un brevet pour pratiquer en salle ? Bof… Mais en falaise ? Que pensent les grimpeurs ? 22 La magnésie, toi aussi t’es accro ? 26 Éthique ou éthiques en falaises : se déconnecter pour vivre notre passion 34
Groenland 2022
À PIED EN AUTOMNE À TRAVERS LES PYRÉNÉES ESPAGNOLES
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La plus grande voie artificielle du monde, près de chez nous
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L'écume des cimes
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BRoL-bas de combat ! Belgian Rock climbing League
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Sous la loupe : la saison de ski-alpi 2022-23
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Compétitions : retour sur l’année écoulée
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PAUVRES AGNEAUX PAGE 10
Fin septembre, je me lançais à pied sur le GR11, l’un des sentiers pédestres les plus grandioses du continent européen s’étalant à travers les yrénées espagnoles sur plus de 800 km et ne comportant pas moins de 46 000 m de dénivelé.
Ardennes & Alpes — n°214
Jeff Roba
Le Free carbon climbing tour JEFF ROBA Ce projet vise à la construction d’un voilier en bois local pour offrir à nos jeunes grimpeurs un tour du monde en polluant un minimum, de la construction du voilier jusqu’aux déplacements à vélo des grimpeurs dans les pays touchés.
La construction du voilier se fait avec du chêne local tombé dans une tempête à 5 km en amont de Freyr il y a quelques années. L’atelier pour le stockage et la construction se trouve dans une grange en bord de Meuse à 1 km en amont de Freyr. Un tout petit ruisseau de 100 m de long se jetant dans la Meuse, lui, seulement 100 m en amont des rochers de Freyr, servira à produire l’électricité avec une petite turbine, stockée ensuite dans des batteries où on viendra brancher les accus des petites machines nécessaires à la construction.
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La grange est prêtée par le DNF, qui autorise aussi à placer la turbine sur le petit ruisseau pour une quinzaine d’années. Le tout assuré par le Club Alpin Belge ! Déjà Merci les gars . Pendant le séchage encore nécessaire et la construction, je voudrais le matin faire visiter la grange aux écoles pour bien faire comprendre aux jeunes qu’il y aura quatre places à gagner pour ce tour du monde, en leur montrant de belles vidéos de nos meilleurs grimpeurs et l’après-midi, offrir aux jeunes l’initiation à l’escalade dans les rochers de Freyr. La sélection des quatre gagnants se ferait par un 24 h d’escalade dans les rochers de Freyr, réservé aux grimpeurs venus sans faire tourner de moteur. Pour dégager les chênes qui vont servir à la construction du voilier, j’ai consommé 30 l d’essence et 15 l d’huile de tronçonneuse. Le débardage a consommé une centaine de litres de diesel et le transport jusqu’à la grange (là, ça descend !) devrait en consommer moins de cinquante. Je vous promet de rester dans le même état d’esprit pour toute la construction et que pour le Free carbon climbing tour, il faudra vraiment qu’une grosse tempête nous pousse à la côte et que tout le monde à bord me torture à coups de piolet pour que j’avoue dans quel océan j’ai jeté la clef du moteur . J’espère que l’Union internationale des associations d’alpinisme et les différents clubs alpins des pays touchés m’aideront à organiser des 24 h d’escalade à chaque escale pour échanger le bateau contre des vélos… Que le bateau ne reste pas à nous attendre au port, mais ait le temps de transporter d’autres grimpeurs vers d’autres falaises, d’autres vélos…
JEFF ROBA page 5
Piolets d’Or et de deux pour Sean ! Interview de SEAN VILLANUEVA O’DRISCOLL par DIDIER MARCHAL
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Didier Marchal : Bonjour Sean, tout d’abord toutes mes félicitations pour ton deuxième Piolet d’Or !
Qu’est-ce qui t’a le plus marqué dans cette traversée ? Ton meilleur souvenir ?
Mais revenons un peu en arrière… Tu as livré tes impressions à chaud dans « Par Monts et Par Vaux » (mars 2021). Tu nous rappelles les grandes lignes de ton exploit ?
L’extraordinaire magie de cette ascension est dans la totalité de l’histoire. Le fait que je suis resté « coincé » pendant plus d’un an dans le village de El Chalten, à vivre les quatre saisons, à m’immerger dans l’environnement sauvage et cette météo féroce. Cette vision, qui est devenue un rêve et comment, très lentement, les choses se sont mises en place, les étoiles se sont alignées, pour que cette opportunité de vivre cette incroyable expérience s’ouvre devant moi.
Sean Villanueva O’Driscoll : La ligne commence à gauche du massif du Fitz Roy et termine à droite. Quel est ton ressenti un an et demi après ? Quelles sont les réflexions que cela t’inspire ? J’ai encore du mal à y croire. C’est un peu comme un rêve. C’était une expérience incroyable et je suis très reconnaissant d’avoir eu l’occasion de la vivre. Mais c’était surtout une expérience personnelle et je pense que peu de personnes comprennent vraiment. Je me demande si mon aventure mérite vraiment une telle admiration. Tout s’est passé si facilement. Je pense que j’ai surtout eu beaucoup de chance avec les conditions. Je n’ai aucun doute que si encore plus de fenêtres météo comme celle que j’ai eue se présentent (changement climatique ?), quelqu’un le fera plus rapidement. Ce n’était pas mon but d’aller rapidement. Cependant, cette année, 2 à 3 cordées ont tenté cette ligne. Elles n’ont pas eu cette chance. Avant leur tentative, les grimpeurs m’ont demandé des informations. Le pire, c’est quand je leur ai dit que le plus important c’est de chanter une chanson ou jouer un air de flûte sur chaque sommet… Ils ont cru que c’était une blague !
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Ton plus grand stress ? Peut-être la partie de glace au sommet du Fitz Roy. Il s’est avéré que des chaussures d’approche, des crampons en aluminium, un seul piolet et une broche à glace ne constituaient pas l’équipement approprié pour ce type de terrain ! Tu remportes ici un deuxième Piolet d’Or (ce qui est quand même assez rare, bravo !). Qu’est-ce que cela représente pour toi ? Quelle a été ta première réaction quand tu as appris que tu allais recevoir ce deuxième Piolet d’Or ? Avant d’embarquer pour cette ascension, j’avais l’intention de n’en parler à personne, même si je réussissais. Donc, l’ironie que je sois maintenant récompensé avec la plus grande reconnaissance qui existe dans le monde de l’alpinisme ne m’échappe pas. Personnellement, ce n’est pas important pour moi. Ça m’est égal… Je m’excuse si cela paraît arrogant. Néanmoins c’est une très belle recon-
Rolo Garibotti © 2021
naissance, qui ouvre beaucoup de portes. Et quand j’ai appris que j’allais recevoir mon deuxième Piolet d’Or, je me suis dit que c’était important parce que cela met en avant une approche et un style d’escalade qui peuvent apporter beaucoup. Ce serait dommage que l’alpinisme devienne une course de consommation, une collecte de médailles et de reconnaissance. On perdrait tant de belles choses ! La puissance des Piolets d’Or est que c’est une remarquable vitrine. Une réflexion vers beaucoup plus que seulement le monde de l’alpinisme. C’est une opportunité de communiquer de belles valeurs.
Retour sur l'Ardennes & Alpes n°208 (2e trimestre 2021). Extrait
Même si cela est plus difficile de comprendre pour les médias populaires, les Piolets d’Or ne sont pas une compétition durant laquelle plusieurs équipes sont nominées et ensuite une seule équipe remporte le prix. Au lieu de cela, ils ont décidé de célébrer les ascensions remarquables de l’année.
Quels sont tes projets dans un avenir proche (ndlr : l’interview a eu lieu quelques jours avant la remise des Piolets d’Or) ? En ce moment même, je suis en route vers Briançon, où il semble qu’il y ait une cérémonie, pour que je puisse aller récupérer une pioche dorée avec laquelle je pourrai labourer dans mon jardin. Après ça, j’irai peut-être grimper… Quelle est la question que tu aurais voulu que je te pose ? Et ta réponse ? Où se trouve la sagesse ? Je ne sais pas, mais ce n’est pas au sommet du Fitz Roy. Un grand merci pour cette interview, Sean, encore bravo et bonne continuation !
DIDIER MARCHAL
SEAN VILLANUEVA O’DRISCOLL Piotr Drożdż © 2022
La Charte des Piolets d’Or déclare que « le style et les moyens d’ascension priment sur l’atteinte de l’objectif lui-même ». Le fait que cette année les Ukrainiens, qui ont réalisé une ascension absolument époustouflante sur l’Annapurna III, ne sont pas récompensés avec un Piolet d’Or parce qu’ils ont utilisé un hélicoptère pour accéder au camp de base si difficile d’accès en est un bel exemple. Je pense que leur donner une « mention spéciale » est une bonne manière de solutionner le dilemme, car ce qu’ils ont fait est exceptionnel. Cela envoie quand même un message que le style et les moyens sont importants. En espérant que cela inspire les générations futures…
« On pourrait croire que je n’avais pas un grand choix de partenaires à El Chalten, parce que j’étais resté " coincé " seul à cause de la pandémie, sans mes complices habituels. Quelques semaines auparavant, j’avais réalisé la première traversée du massif de Fitz Roy en solitaire. Ce n’était pas par manque de partenaires que j’y avais été seul, c’était par ce que c’était ça l’expérience que je voulais. Comme quand tu vas te promener un moment dans une forêt ou une prairie, seul, j’avais eu envie d’aller sentir l’odeur des fleurs. Parfois, c’est plus facile là-haut, d’ouvrir la porte et sentir l’odeur des fleurs, que tranquillement en bas dans un champ. »
Un nouveau coordinateur au CAB
G.
interview de STÉPHANE WINANDY par DIDIER MARCHAL Didier Marchal : Bonjour Stéphane, tu viens d’être engagé comme nouveau coordinateur du Club Alpin Belge, la Fédération francophone d’escalade, d’alpinisme et de randonnée. Félicitations et bienvenue !
Qu’est-ce qui t’a motivé à présenter ta candidature pour ce poste ? Stéphane Winandy : C’est l’attrait d’un job en relation avec des activités qui me passionnent et l’envie de relever un nouveau défi après m’être intéressé et impliqué dans la thématique de l’alimentation durable pendant plusieurs années. Tu pratiques régulièrement un ou plusieurs sports de notre Fédération ? Où pratiques-tu généralement ces sports ? Depuis longtemps ? Je touche un peu à tous les sports soutenus par la fédération. Mon premier lien à la montagne est le ski alpin, que je pratique depuis mon enfance. Le reste des activités n’arrive que plus tard pendant mes études où je découvre l’escalade, la randonnée hivernale en raquettes et puis l’alpinisme. Ces activités ont vite pris beaucoup de place dans mon quotidien et tous les temps libres étaient consacrés à leur pratique. page 8
Comment as-tu connu le CAB ? C’est au départ de ma pratique de l’escalade en falaise, en découvrant qu’il était nécessaire d’avoir un accès via la fédération pour grimper sur la plupart des massifs wallons. C’était assez déroutant puisque j’avais découvert la grimpe à Fontainebleau. Tu es affilié au CAB depuis longtemps ? Pourquoi t’es-tu affilié au CAB ? Je suis affilié depuis 2009, peu de temps après avoir commencé à grimper et la raison principale, comme évoqué précédemment, était de pouvoir accéder aux falaises mais aussi de trouver un réseau où me former aux différentes pratiques et techniques. Quelle est ta formation et que faisais-tu avant d’arriver au CAB ? J’ai étudié les sciences agronomiques. J’ai commencé à travailler en premier lieu comme assistant à l’université, puis je suis passé par la case projet de recherche et j’ai poursuivi ce parcours comme coordinateur d’une structure qui accompagne les agriculteurs souhaitant se diversifier en circuits courts. Quels sont tes principaux hobbies ? Les sports d’extérieur dont le vélo, l’escalade et récemment le frisbee. De manière générale, j’aime bien aussi tenter de fabriquer les choses par moi-
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Stéphane Winandy – Montserrat, 2018
même (alimentation et bricolage) mais ce n’est pas sans risque, parfois avec des ratés ! De par ta formation de bioingénieur, tu dois sans doute te sentir concerné par l’environnement et l’évolution du climat que nous connaissons actuellement. Comment vois-tu l’implication du CAB à ce niveau ? Ma formation a certainement contribué à m’outiller pour mieux comprendre les mécanismes et les enjeux autour du climat et de l’environnement mais c’est surtout le contact régulier avec des personnes impactées dans leur quotidien (agriculteurs, forestiers, naturalistes, …) qui me marque le plus. Comme pour des sujets vitaux pour les humains (se nourrir, se loger, …), je pense qu’il est essentiel d’appliquer les mêmes raisonnements à nos loisirs. Nos pratiques vont devoir se réinventer, à nous d’être créatifs et de tourner ce qui est parfois perçu comme un obstacle en opportunités. Ton meilleur souvenir en lien avec nos activités ? L’escalade du Old man of Hoy en Ecosse. Au-delà de l’aventure logistique pour arriver là-bas, cette escapade nous a amené dans un lieu hors du temps où nous avons passé plusieurs jours dans une vieille bâtisse en pierre à attendre un créneau météo pour grimper ce sea stack majestueux (rocher décollé de la falaise côtière principale). Ta pire expérience en montagne ? Qu’en as-tu tiré comme enseignement ? Un jour blanc au refuge des Conscrits où nous décidons d’aller vite faire une petite arrête mixte « à deux pas du refuge » histoire de ne pas rester enfermés une journée entière avant la course du lendemain. Finalement, cette sortie aura duré plusieurs heures à « brasser » dans une neige lourde et nos erreurs d’orientation en pleine purée de pois nous auront couté pas mal d’énergie au retour. Je retiens de cette expérience qu’il faut parfois accepter de ne « rien » faire et attendre le bon créneau (et prendre des piles pour le GPS). Tu as lu ou tu lis régulièrement des livres sur la montagne ? Un auteur / un livre qui t’a particulièrement marqué ? Je ne lis pas quotidiennement des livres de montagne, mais la bibliothèque du CAB devrait peut-être faire changer mes habitudes :) Plus sérieusement, un auteur qui m’a marqué est le grimpeur anglais Andy Kirkpatrick, notamment au travers son livre Psychovertical, dans lequel il
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Nos pratiques vont devoir se réinventer, à nous d’être créatifs et de tourner ce qui est parfois perçu comme un obstacle en opportunités nous emmène suivre sa quête du Reticent wall au Yosemite en solo autoassuré. On a les mains qui transpirent rien qu’à lire les passages de grimpe en artif sur les crochets et autres copperhead. Un alpiniste t’a-t-il particulièrement marqué ? Qui et pourquoi ? Récemment, c’est sans conteste Sean Villanueva et sa Moonwalk Traverse qui laisse rêveur. Quels grands chantiers vois-tu pour le CAB dans les années qui viennent ? Vaste question ! Je pense que je pourrais apporter une réponse plus précise dans quelques mois. Néanmoins, dans les grandes lignes, j’observe déjà une série de chantiers liés à des facteurs internes comme : l’amélioration de certains outils utilisés (site web, affiliation, invitation …), le développement de formations toujours plus en adéquation avec les besoins, la consolidation du travail effectué pour la compétition et le haut niveau, le travail de motivation à venir donner un coup de main pour entretenir les rochers et la fidélisation des affiliés. Des facteurs extérieurs sont aussi la source d’autres chantiers, comme anticiper l’évolution des subsides, intégrer l’impact du changement climatique et les préoccupations liées à la biodiversité dans nos pratiques ou encore réagir face aux nombreuses crises que nous traversons … bref, il y a de quoi retrousser ses manches. Je te souhaite plein succès pour relever les défis que tu viens de mentionner. Merci Stéphane d’avoir partagé avec nous une partie de ton vécu. Au plaisir de te croiser en montagne ou ailleurs !
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Pauvres Agneaux
Coups durs pour la Montagne des Agneaux et sa magnifique face NW, haute de 700 m et justement réputée pour son couloir Piaget ou sa voie de la Calotte ; cette dernière coiffant élégamment le sommet de la montagne par un épais manteau neigeux parfois en glace. Ça, c’était autrefois.
PIERRE MASSART Texte et images En ce mois d’août 2022 après un petit périple autour du glacier Blanc avec l’ascension du Pic du Glacier d’Arsine (3 363 m), l’envie était forte de revoir la face NW des Agneaux (3 636 m) dans le massif des Écrins, gravie à deux reprises en 1981 et 1988, et que je n’avais plus approché depuis 2001. 1
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Les coups de butoir du soleil et des hivers avares en neige ont effacé toute trace blanche estivale sur la paroi. Du coup, la montagne défigurée a perdu beaucoup de son attrait. Déjà la canicule de l’été 2003 avait fait souffrir la face, mais cet hiver et cet été 2022 ont vraiment donné un coup de grâce à la montagne. Pour assister à ce spectacle de désolation, rien de tel que de prendre un peu d’altitude. En ce 9 août 2022 nous décidons, du col du Lautaret, de randonner jusqu’au col d’Arsine (2304 m) via le magnifique sentier en balcon, celui « des crevasses ». Mieux et plus haut encore, c’est à la Tête de Pradieu (2 879 m) que nous décidons d’aller. Ce petit sommet du massif du Combeynot est rarement visité. Isolé, sauvage, il y a très peu de sentes pour y parvenir. Belvédère idéal. En face, tout le cirque du glacier d’Arsine, des Agneaux jusqu’au Pic de Neige Cordier. Sans surprise nous ne verrons, hélas, plus aucune trace de neige sur les parois. Plus bas, les deux lacs proglaciaires retenus par une moraine frontale instable sont toujours là et sous contrôle. En effet, un trop plein a été créé dans la moraine afin d’éviter tout risque d’effondrement. Celui-ci pourrait en effet être à la base d’une lave torrentielle (mélange eau, glace, cailloux) dévalant jusqu’au village du Casset, via le torrent du Petit Tabuc. Pour revenir à notre ascension du Pic du Glacier d’Arsine, même le topo récent de Sebastien Constant (2017) n’est pas d’actualité cette année. Aucune trace de névé dans l’ascension… Mais une chouette varappe sur la crête sommitale entre le col du Glacier Blanc (3 275 m) et le Pic. Ouf.
1. Lacs proglaciaires du glacier d’Arsine du col du glacier Blanc – 6 août 2022 2. Sur l’arête NW du Pic du Glacier d’Arsine – 6 août 2022 3
3. La trace sur la Calotte des Agneaux est bien visible. Un joli morceau d’alpinisme classique, sur un glacier bien alimenté. – Été 1981. 4. La face NW des Agneaux et la belle calotte glaciaire sommitale. Ses jours sont désormais comptés. De la Tête de Pradieu. – Juillet 2001 5. La face NW des Agneaux. De la Tête de Pradieu. – Août 2022
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Pour conclure, on ne discutera pas de l’origine de ce désastre alpin et encore moins de la part de responsabilité entre l’anthropique et le naturel, mais vivement le retour à un « Petit âge Glaciaire »…
PIERRE MASSART avec Dominique Bauwin, Didier Marchal, Olivier De Baecker, Thierry Bruyr, Bernard et Charlotte Delvaux. page 11
À pied en automne à travers les Pyrénées espagnoles Un solo féminin autonome, avec mon chien ALICIA GRAFÉ – Texte et images Fin septembre, je me lançais à pied sur le GR11, l’un des sentiers pédestres les plus grandioses du continent européen s’étalant à travers les Pyrénées espagnoles sur plus de 800 km et ne comportant pas moins de 46 000 m de dénivelé.
Objectivement, mon départ tardif et la présence de mon chien Tuk-Tuk rend la réussite de mon entreprise très hypothétique, mais allez savoir pourquoi, j’y crois ! Si j’ai choisi de parcourir le GR11 plutôt que son cousin français, c’est avant tout parce que ce dernier comporte plusieurs sections interdites à mon compagnon à quatre pattes. Je me dis également qu’étant davantage exposé sud, le sentier ibérique accueillera l’hiver plus tard. Je ne sais toujours pas si cette réflexion tient la route : avec pas moins d’une douzaine de cols dépassant 2 500 m, le GR11
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est plus haut que son homologue nordique qui peine à dépasser cette altitude. Quoi qu’il en soit, me voilà, aux portes de l’automne, bottines chaussées et sac à dos sanglé, prête à entamer cette nouvelle aventure ! Le départ est fixé au cabo de Higuer, péninsule sauvage située en face d’Hendaye où échouent avec force et fracas les vagues de la mer cantabrique. Le sentier m’emmène ensuite à Hondarribia, une ancienne cité cerclée de remparts fortifiés. Il fait bon se perdre dans ses rues labyrinthiques bordées de maisons traditionnelles basques de pêcheurs, aux volets et balcons colorés. Je traverse également Irun et m’élève progressivement dans un cadre verdoyant à l’influence maritime vers Bera, puis Elizondo. Aux alentours de la Sierra de Abodi qui surplombe la forêt d’Iraty, l’environnement prend une allure montagneuse malgré son altitude modeste. Alors que je progresse sur de larges crêtes, je suis violemment rattrapée par une pluie torrentielle et un vent à décorner les bœufs. Je prends tout à coup conscience de ma solitude et suis désolée La météo m’oblige parfois à des sauts de puce de cabane en cabane – Refugi de Baiau, octobre 2022
pour mon chien à qui j’impose ces conditions difficiles. Nous nous réfugions, trempés et frigorifiés, dans un abri délabré où nous passerons la fin de l’après-midi et la nuit en tentant de nous réchauffer. Heureusement, en arrivant à Ostagabia le lendemain, nous sommes gentiment accueillis par un prêtre avec qui nous irons à Pamplune afin de me trouver un nouveau téléphone, le mien ayant été noyé dans le déluge. À Zuriza, aux portes du Haut-Aragon, la douceur du relief cède le pas à un sentier accidenté qui dépassera désormais tous les jours 2 000 m en évoluant le long des plus hauts sommets de la chaîne. Je suis forcée à un arrêt de 4 jours pour laisser passer une grosse tempête qui rendrait ma progression hasardeuse et dangereuse. C’est donc avec un plaisir accentué que je redémarre dans une montagne aragonaise qui me gratifie aussitôt de ses plus belles chandelles, ses aiguilles de sierra de Alano s’allumant l’une après l’autre dans l’aube. Je suis subjuguée par la lumière qui, en cette saison, révèle le relief de la moindre aspérité de l’environnement et confère ainsi aux scènes les plus banales des allures impressionnistes.
Je suis subjuguée par la lumière qui, en cette saison, révèle le relief de la moindre aspérité de l’environnement...
Les cascades sont nombreuses également, déferlant les parois des canyons glaciaires que je remonte avant de déboucher sur de magnifiques cirques qui m’amusent par l’invisibilité de leur destination et leur succession de faux cols. Une autre nuit magnifique gravée à jamais dans ma mémoire sera celle passée au bord d’un lac du nord de Respomuso où les montagnes se reflètent comme dans un miroir. Au réveil, je découvre désormais systématiquement ma tente givrée, sans pour autant souffrir du froid la nuit, mon chien et moi dégageant amplement assez de chaleur dans ma petite tente une place et mon duvet d’hiver étant bien plus épais que nécessaire. L’ascension qui mènera au col du Tebarrai sera la plus difficile de l’aventure. En effet, la rude montée qui débouche, par le cirque de Piedrafita, au joli lac de Llena Cantal, n’est qu’une mise en bouche : suit un pierrier pentu et enneigé composé de petits cailloux glissants qui aboutit sur une paroi quasiment verticale et difficilement franchissable sans crampons en raison de la glace qui la recouvre. Tuk-Tuk gravit cette dernière portion avec bien plus de facilité que je le fais, en dépit de l’utilisation de mes deux mains. Rien ne vaut le plaisir d’un nouvel horizon qui se dégage après un col. – Puerto de Chistau, octobre 2022
Je remonte le val d’Anso, puis celui d’Hecho. L’eau est désormais omniprésente, soit sous la forme de torrents dont les teintes pourpres tranchent avec l’éclat des vertes plaines où ils serpentent tranquillement, soit sous celle de lacs aux nuances infinies de bleu aux abords tantôt rocailleux, tantôt herbeux, le tout sur fond de sommets enneigés. Les chevaux et vaches s’intègrent naturellement dans ce paysage enchanteur dont le calme n’est troublé que par le tintement de leurs sonnettes. Je suis désormais dans le parc national d’Aigues Tortes : mon coup de cœur. Une nuit dans une cabane sommaire située sur la berge vertigineuse de l’Ibon de Estanés et un bivouac au bord de l’Ibon de Anayet, avec un soleil se couchant sur le pic d’Anayet sur celui du Midi d’Ossau, compteront sans conteste parmi les moments forts de ma traversée.
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À l’aube, les aiguilles de la Sierra de Alano m’éclairent telles de vraies chandelles. – Zuriza, octobre 2022
Après Panticosa, j’entre dans le légendaire parc national d’Ordesa. Je décide d’emprunter l’ancien GR qui passe plus haut et comporte quelques portions d’alpinisme sans grande difficulté technique, mais impressionnantes car aériennes et exposées. Je suis prise dans un épais brouillard qui me fait l’effet tantôt d’un cocon protecteur, tantôt d’un décor fantomatique avec cet environnement lunaire et vertigineux où je vois tout juste jusqu’à la prochaine balise et où mes propres pas sont assourdis. D’immenses rapaces percent parfois la brume pour frôler nos têtes. La grêle finit par s’inviter et se transforme en pluie tandis que je bascule dans la longue et raide pente qui me mènera jusqu’à Pineta : sans conteste la seconde portion la plus difficile de mon aventure. Dans la vallée de Chistau et celle de Viados, l’été joue les prolongations. Les lézards, papillons et sauterelles précèdent mes pas. L’approche de l’hiver ne se trahit que par cette lumière rasante si caractéristique, les courtes journées et les températures qui chutent brusquement une fois le soleil couché. Les cabanes non gardées se font de plus en plus fréquentes, ce qui fait mon plus grand bonheur, l’accès aux refuges gardés m’étant systématiquement refusé en raison de la présence de mon chien et le bivouac m’obligeant à me coucher dès le crépuscule et donc à passer plus de 12 h dans mon duvet, ce qui me semble parfois un peu long. Je poursuis sur le versant sud de l’Aneto, vers Llauset puis le lac d’Anglios sur le bord duquel je trouverai ma cabane favorite. Les lacs et cascades sont nombreux et bienvenus pour me rafraîchir après de longues heures passées dans les pierriers. À Restanca, j’apprends avec bonheur que page 14
J’emprunte une splendide variante par les crêtes entre Ordesa et Pineta. – Punda deras Solas, octobre 2022
la saison est bel et bien terminée et que je vais donc désormais avoir accès également aux locaux d’hiver des refuges. À ce stade du voyage, je suis satisfaite de ma progression : je ralentis sensiblement le rythme, rassurée quant au timing. Je laisse donc le sentier m’entrainer doucement vers les lacs de Colomer, d’Obago et l’Estany de Sant Maurici, plus éclatants de couleurs les uns que les autres.
Je mettrai donc 4 jours à parcourir une étape que je pensais initialement faire d’une traite. Mais à partir de Tavascan, la météo se gâte à nouveau. Un vent terrible s’est levé et les températures ont brusquement chuté. Je mettrai donc 4 jours à parcourir une étape que je pensais initialement faire d’une traite, avec une journée d’arrêt complet au pied du port de Baiau, que je finirai par gravir dans des conditions très difficiles, talonnée par la neige, et dont l’ascension comptera parmi les moments les plus challengeants de mon aventure. J’ignore alors qu’en Belgique, ma famille s’inquiète de mon silence prolongé et donne l’alerte… La traversée de l’Andorre est plaisante malgré la proximité de la civilisation. J’aime par-dessous tout
Novembre arrive et je dors à la belle étoile non loin de 3 000 m d’altitude. – Puigmal d'Err, octobre 2022
Dans certaines vallées, l'été joue les prolongations, en témoignent de belles cueillettes. – Parc natural de l'Alt Pirineu, octobre 2022
ses abris de pierre dont l’ingéniosité de construction ne finit pas de m’étonner et qui, avec leurs toits recouverts de pelouse, se fondent parfaitement dans le paysage. Plusieurs hameaux bucoliques encadrés de peupliers flamboyants me font rêver par la douceur de la vie qui semble s’y écouler. L’eau commence ensuite à se faire plus rare, la végétation plus sèche et le relief à s’adoucir, ce qui n’empêche pas le sentier de grimper très haut encore. Je ne résiste pas devant un chemin de crête qui sort de l’itinéraire officiel et ne me mènera ni plus ni moins au sommet du Puigmal, second des Pyrénées orientales. Nous sommes le 29 octobre et j’y passerai la nuit à la belle étoile dans un mélange d’excitation et d’appréhension, consciente que la nuit risque d’y être agitée. Le lever du soleil sur ces hauteurs sera d’une intensité exceptionnelle. Pour descendre dans le val de Nuria, je suis accompagnée de 3 sympathiques catalans. Je poursuis par de nouveaux ravissants sentiers de crête qui me procurent un plaisir immense, ces derniers ayant été rares pendant le reste de la traversée. Le vent souffle souvent très fort, mais en l’absence de difficulté technique, cela ne m’empêche pas d’avancer. À Ulldeter, je décide de bifurquer vers la France pour rester un peu plus longtemps en hauteur, le GR10 se maintenant sur la crête des Albères jusqu’aux dernières heures, au contraire du GR11 qui descend doucement vers le cap de Creus depuis Setcases. C’est ainsi que je rejoins la HRP que je ne quitterai plus jusqu’à mon arrivée à Banyuls. Cela me donne l’occasion de gravir le Canigou par sa mythique cheminée où mon chien
En arrivant, la mer me chatouille les pieds et les larmes les yeux : quelle aventure ! – Banyuls, novembre 2022
que rien n’arrête ne finit pas de m’épater, et ce malgré de grosses rafales ! En dépit de l’altitude qui se fait plus raisonnable au fil de ma progression, le profil montagneux est là jusqu’aux dernières minutes de la traversée et le sentier me réserve encore de belles surprises, notamment avec ses dômes parsemés de rochers blancs aux allures de stalactites, ses magnifiques forêts de chênes-lièges et ses odeurs de thym, de sauge et de menthe qui m’envoutent. La descente sur la méditerranée est splendide. Gagnée par l’émotion, je m’arrête un moment sur le dernier pic, dans l’étonnante cabane de Tommy, dissimulée dans la roche, avant de dégringoler dans les maquis parsemés de légions de tranches de pierres verticales qui semblent tenir là comme par magie.
Le 5 novembre signe la fin de mon aventure. La mer me chatouille les pieds et les larmes, les yeux : je suis si fière et heureuse d’avoir accompli ce petit exploit avec Tuk-Tuk ! Preuve, encore une fois, que tout est possible lorsqu’on y croit ! Cette traversée des Pyrénées aura décidément été une expérience extraordinaire. Je n’avais jamais été tant challengée physiquement, mais quel plaisir ! Au total, 40 étapes, une dizaine de bivouacs et l’essentiel de mes nuits en cabane (non gardée), le tout dans un cadre tout bonnement spectaculaire. Vivement la prochaine aventure !
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Lire HISTOIRE DES REFUGES DU MASSIF DES ÉCRINS ALAIN MARMONIER
HISTOIRE DES REFUGES DU MASSIF DES ÉCRINS Alain Marmonier
Anne-Catherine Dubois © 2019
Editions L’Harmattan, 2022, collection « Historiques» 24,50 €
Alain Marmonier, membre associé de l’Académie delphinale, éprouve depuis son enfance une tendre attraction pour le Massif des Écrins. Dans son livre récemment édité, il s’est attaché par des recherches approfondies et élargies à recueillir des éléments historiques sur les refuges qui font habituellement défaut dans les publications courantes se concentrant souvent sur l’aspect purement photogénique.
Bruno en pleine action à la Hottée du Diable (petit site de blocs, France)
Avec concision et une richesse d’informations précises, Alain Marmonier rappelle l’histoire de l’exploration du Massif des Écrins, explique la naissance des clubs et des sociétés de montagne et démontre l’intérêt indéniable de la construction des refuges. Trente refuges, regroupés par vallées, sont analysés ; d’abord selon les circonstances de leur création, ensuite selon les conditions de leur implantation et de leur construction, enfin de leur évolution jusqu’à ce jour. Des photographies en noir et blanc témoignent des premières constructions par rapport à celles des refuges plus récemment réhabilités. L’auteur termine son étude en se penchant sur l’avenir prévisible des refuges alpins. ALAIN PURNODE
Hommage à Bruno Balligand que nous avons eu le privilège d’encadrer à la formation Alpi-Secours. FREDDY GONDA Bruno est un exemple de gentillesse. Il était un élève modèle pour les autres participants, toujours actif pour aider. Il respectait les formateurs et était venu plusieurs fois nous aider à la carrière de Chokier. Passionné par son métier, mais également par la montagne.
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Quand j’ai appris son décès, j’ai vécu une terrible déception vu la discus-
sion entre nous quelques jours avant son départ pour cette sacrée semaine. Pour moi, Bruno restera chaque année toujours présent dans la formation Alpi-Secours. Bruno est parti trop tôt. Pour moi, il n’est pas mort, il est juste passé derrière le col. Tu étais important pour nous et nous pour toi, que ton nom soit prononcé partout. Bonatti disait que l’alpiniste est un homme qui a conduit son corps là où ses yeux ont regardé. Les montagnes ne vivent que de l’amour des hommes, elles dispensent une richesse qui n’a pas de prix. Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence de BRUNO dans nos mémoires. Il y est toujours vivant... Repose en paix mon ami.
FREDDY GONDA
DOSSIER ÉTHIQUE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE
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Développement d’un site d’escalade à Berdorf (L) FERNAND WICTOR Depuis les années 1950, avec la création du premier club d’escalade « GAL – Groupe Alpin Luxembourgeois », l’escalade est officiellement pratiquée sur de nombreux rochers en grès au GrandDuché de Luxembourg. À l’époque, l’objectif principal était de progresser en mode dit « artificiel » à l’aide de clous et d’étriers pour se préparer pour des cours en montagne.
Au cours des années 1980, avec l’évolution du matériel d’escalade et de l’équipement des voies, il s’y est développé l’escalade « libre » ou « sportive ». L’escalade sportive connait depuis des années un véritable boom de popularité. Une première règlementation est adoptée en 1996, suivie d’une deuxième en 2002, avec comme but de contrôler la fréquentation des falaises. La pratique de l’escalade est fortement réglementée et interdite sur tout le territoire du Grand-Duché à l’exception du site « Wanterbaach » à Berdorf. Celui-ci est complètement rééquipé par une entreprise spécialisée aux frais de l’état luxembourgeois. Cet endroit bénéficie d’un cadre hors du commun, avec ses formations rocheuses impressionnantes
en grès de Luxembourg, entouré d’une forêt de hêtres géants, il est de plus accessible à pied du camping « Maartbusch » à Berdorf. Sur les 17 secteurs alignés, ce site offre plus de 160 voies, de niveau 3 jusqu’à 8c, avec une majorité de voies de niveaux 6 et 7. La grimpe y est très variée : de voies athlétiques en dévers jusqu’à des voies techniques en dalles avec une adhérence parfaite (surtout comparées aux rochers du bord de la Meuse) ! Deux Belges ont pu ajouter des records berdorfois à leur palmarès : en 1987, Claude Lorenzi est le premier homme à libérer la voie mythique « Hermann Buhl 8a+ » et, en 1991 Arnaud t’Kint est le premier à l’enchaîner à vue ! Le règlement grand-ducal de 2002 imposait entre autres aux grimpeurs de se munir d’un permis établi par le ministère de l’Environnement. Cette mesure a néanmoins été abandonnée en 2016, vu le faible impact sur la fréquentation du site. Extrait du règlement en vigueur : « – Pour des raisons de protection de la nature et de protection du patrimoine, l’utilisation de toutes formes de coinceurs ainsi que la sortie par le plateau sont interdites, la poudre de magnésie doit être utilisée avec parcimonie et toute trace visuelle du passage doit être effacée ; - Toute activité d’escalade à caractère commercial est interdite ; - L’escalade ne peut être exercée qu’individuellement ou en cordée avec au maximum six grimpeurs. »
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Secteurs Isatis/Gentiane
DOSSIER ÉTHIQUE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE Les articles qui suivent ont été rédigés par les stagiaires de la formation Moniteur Sportif Initiateur SNE 2022. Dans le cadre du cours d’éthique et de développement durable, il leur a été demandé de réfléchir sur les contradictions entre motivations et réalité de la pratique de la grimpe en milieu naturel. Respect de la nature, utilisation de la magnésie, réseaux sociaux, sécurité, moyens de transport, évolution du matériel et des sites de grimpe… Les futurs diplômés ont ouvert de nombreux débats qu’ils ont mis en lien avec leurs expériences personnelles. Je vous invite à découvrir le fruit de leurs réflexions dans les pages qui suivent ! Si, toi aussi, les formations pour devenir moniteur ou monitrice d’escalade t’intéressent, n’hésite pas à prendre contact avec formations@clubalpin.be pour poser toutes tes questions ! YSALINE SACREZ Responsable des formations
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Fernand Wictor © 2019
Si ces parois existent depuis plus de 200 millions d’années, elles restent malgré tout très fragiles et vulnérables par temps de pluie. C’est pourquoi l’escalade y est fortement déconseillée tant que les voies sont mouillées ! Les diaclases des « Siweschloeff » offrent un microclimat propice pour de nombreuses espèces de mousses rares et hébergent de nombreuses espèces de chauves-souris. Classée en zone de protection NATURA2000, la Wanterbaach est au cœur de la région « Natur- & Geopark Mëllerdall » qui
Si ces parois existent depuis plus de 200 millions d’années, elles restent malgré tout très fragiles et vulnérables par temps de pluie fait partie du réseau international des UNESCO Global Geoparks. Malheureusement le risque d’une surfréquentation temporaire pendant les weekends ensoleillés est inévitable, mais les responsables de la Fédération Luxembourgeoise d’Escalade, Randonnée sportive et d’Alpinisme (FLERA) se sont engagés à prendre en mains la gestion et le développement durable de cet héritage précieux et unique !
Comment préserver ce site hors du commun ? La FLERA, fondée en 2000, réunit les 13 clubs d’escalade du petit pays voisin et compte plus de 1 000 membres affiliés. Tous ces bénévoles motivés et investis organisent tous les ans en septembre une journée « Clean-up Day ». Le but est de nettoyer les alentours et le pied des falaises et surtout de brosser les prises pour enlever les traces de magnésie et permettre aux prochains grimpeurs l’expérience d’une vraie grimpe « à vue ». Cette journée permet aussi de sensibiliser les grimpeurs, majoritairement étrangers, venant d’Allemagne, de France, de Belgique et des Pays-
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Bas, sur l’importance de respecter ce lieu afin de le préserver pour les générations futures. Mais comment financer une bonne gestion d’un site d’escalade sans rentrées d’argent régulières ? Les recettes des cotisations annuelles des clubs et des membres affiliés ne couvrent déjà guère les frais des entraînements de l’équipe nationale et du championnat national. Une convention a donc été signée en 2019 avec Casper Frydendal, gérant du « Casper’s Climbing Shop » et éditeur du topo « Climbing in Berdorf ». Par cette convention, il s’engage à contribuer à l’entretien du site à hauteur d’un euro par topo vendu. L’entretien, qui consiste principalement à vérifier les équipements et à remplacer les maillons aux relais, est assuré par un groupe de bénévoles qui ont tous suivi une formation d’« équipeur SNE » organisée en étroite collaboration avec le CEET – Club Escalade Evasion de Thionville, membre de la fédération française FFME. Grimper en moulinette avec des cordes sales et pleines de sable, use en effet rapidement les maillons ! « Les sacs à corde ne servent pas uniquement pour transporter les cordes mais les protègent aussi des fins grains de sable omniprésents au pied des falaises. » En 2021, un tout nouveau topo avec les nouveaux secteurs et voies des deux sites de Berdorf (L) et d’Audun-le-Tiche (F), a été publié. Les revenus de la vente de ce topo sont partagés entre les fédérations FFME et FLERA et sont investis intégralement au développement de ces sites. Une dernière étape majeure est franchie en avril 2022 avec la signature par Joe Nilles, bourgmestre de l’administration communale de Berdorf et Steve Schiltz, nouveau président de la FLERA, d’une première convention réglant les questions des responsabilités et du financement de l’entretien de l’équipement.
Comment le sport en nature peutil être pratiqué et développé d’une façon durable ? Convaincue que le sport en milieu naturel est un excellent moyen pour sensibiliser à la protection de la nature et du climat et pour mener des actions concrètes pour changer nos habitudes, la FLERA a invité la communauté des grimpeurs, les clubs et les fédérations, les organisations écologistes, les responsables des administrations locales, régionales et étatiques concernées, ainsi
que des experts nationaux et internationaux à participer activement à un colloque intitulé « NEW DEAL », qui a eu lieu les 24 et 25 septembre 2022 à Berdorf. Le colloque a été introduit par Jacques Welter, membre actif au sein de la fédération et personnage incontournable du paysage de l’escalade au Luxembourg. Grimpeur fort des année 1990, il réalise entre autres la voie mythique « Hermann Buhl 8a+ » en 1991. Ce grand amoureux de la nature est aussi co-auteur du nouveau topo de Berdorf & Audun-le-Tiche et équipeur de nombreuses voies à Berdorf et ailleurs. Pédagogue de formation, Jacques s’intéresse depuis toujours aux effets de la nature, et plus particulièrement de l’escalade en falaises, sur l’homme. Parmi les autres experts invités, Koen Hauchecorne (KBF) et Joe Dewez (CAB), responsables de la gestion écologique des Sites Naturels d’Escalade (SNE) en Belgique, ont présenté leurs expériences précieuses : « Les premiers permis d’environnement obtenus datent de 2004, ils sont valables pour 20 ans. Depuis lors, les fédérations ont pu établir une collaboration directe et bénéfique avec les autorités concernées qui se sont rendu compte de l’avantage aussi pour la biodiversité que peut présenter la gestion d’un site rocheux par une fédération d’escalade. » Durant ce colloque, les questions suivantes ont notamment été abordées :
•
Quel sera le futur du sport d’escalade sur structures naturelles (SNE) au Luxembourg et en Europe ?
•
Quel potentiel a le Grand-Duché pour développer des nouveaux sites d’escalade et quelles sont les démarches à entreprendre ?
•
Est-il possible de réunir protection de l’environnement et sport en milieu naturel et comment inciter les amis de la grimpe et du monde vertical à un comportement inspiré du « Green Climbing » à l’empreinte écologique plus basse ?
Le colloque a été un succès et, à sa suite, des questions parlementaires ont été posées, ce qui montre l’importance que revêt la thématique au Luxembourg. Affaire à suivre donc !
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DOSSIER ÉTHIQUE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE
Escalade : un brevet pour pratiquer en salle ? Bof… Mais en falaise ? Que pensent les grimpeurs ? PIERRE VANDENBERGHE – Texte et images Qui n’a jamais entendu dire que l’escalade est un sport noble car il possède une part de risque ? Cette idée est régulièrement abordée lors de conversations plus que moins agitées autour d’une bière ou d’un chocolat chaud entre grimpeurs avertis. Ce débat ne sera certainement pas résolu aujourd’hui, et ne le sera sans doute jamais d’ailleurs.
Mais dans la quête de l’amélioration de la sécurité en escalade, nous avons petit à petit mis en place différentes choses pour permettre de rendre notre magnifique sport accessible et sûr pour toutes et tous. D’après un questionnaire réalisé dans le
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cadre d’un TFE sur la place du risque dans notre sport, 94 % (n = 473) des interrogés disent ne jamais, ou presque jamais, se sentir en danger lors de leur pratique. Cependant, on entend parfois dire qu’il est inutile de chercher à augmenter la sécurité « c’est déjà sans risque », « de mon temps on assurait avec la corde autour de la taille » ; ce sont des discours qu’on rencontre parfois et qui reviennent régulièrement dans les réponses qui ont été données à certaines questions posées lors de mes recherches. Dans les faits, ces arguments nous permettent surtout de mettre en évidence les progrès spectaculaires qui ont été réalisés rapidement en matière de sécurité. Bien que des accidents continuent et continueront à se produire… Puisque s’il est clair que les accidents étaient rares, même à une époque antérieure aux baudriers, notre pratique de l’escalade a changé aussi. Grâce à la mise en place d’équipements de plus en plus dynamiques, la chute est devenue la clé de Le 6 juin 2022 à Namur
Le 6 juin 2022 à Namur
notre entrainement, nous obligeant à redoubler de prudence par rapport à une époque où « on ne tombe pas ». D’un autre côté, les salles d’escalade poussant comme des champignons, à Bruxelles ou ailleurs en Belgique, la pratique s’est démocratisée et les adhérents se sont faits de plus en plus nombreux à franchir la porte de la salle d’escalade près de chez eux. Cela a bien sûr rendu ce sport plus accessible et moins élitiste ; il ne faut plus uniquement connaitre quelqu’un avec un huit qui accepte d’aller en falaise avec nous. Dans notre pratique courante de l’escalade en salle, tout se passe en moulinette, contrairement à la France qui privilégie l’assurage en tête, même en salle. Cela aseptise sans doute encore un peu plus un sport où la plupart des grimpeurs amateurs ne se rendent plus compte des nombreux dangers qui guettent, armés d’un grigri autobloquant et grimpant au-dessus d’un Sol O’ Safe tout neuf. Dès lors, certains grimpeurs ignorent où ils mettent les pieds lorsqu’ils partent en falaise et peuvent se retrouver extrêmement démunis au pied des voies de nos beaux massifs belges. Même armés de leur assurance CAB extérieur, il peut s’avérer dangereux de ne pas connaitre certaines ficelles de l’escalade en tête et en extérieur pour faire en sorte que ce sport reste amusant pour tous. Pour permettre à ces nombreux nouveaux grimpeurs en salle d’effectuer leur transition vers un rocher naturel, il existe pas mal de solutions pour permettre de le faire en sécurité : les différentes formations proposées par le CAB et d’autres sont en effet de bons exemples pour réaliser ce rêve partagé par beaucoup (ex : formation 1er de cordée). Cependant, force est de constater que la plupart des varappeurs de falaise ne sont pas passés par ce chemin bien balisé. En effet, sur plus de 420 pratiquants interrogés, 60 % d’entre eux n’ont pas suivi de formation avant de commencer à pratiquer en falaise.
Avis des grimpeurs Pourtant, une majorité de grimpeurs (65 %, n = 326) pensent que l’instauration d’un brevet obligatoire pour accéder à la pratique en falaise diminuerait les risques d’accidents graves. Il est aussi important de noter qu’un peu plus de la moitié des participants à l’enquête sont plutôt contre l’instauration d’un tel brevet, certains proposent à la place un cours d’initiation obligatoire sans évaluation ou des journées d’initiations gratuites.
Deux visions qui s’affrontent ? Varappeurs contre grimpeurs ? Une constatation : plus les pratiquants sont jeunes, plus ils ont tendance à penser que l’instauration de brevets ou de formations obligatoires est une bonne chose. Il y a de grosses différences de points de vue entre les « nouveaux grimpeurs » qui viennent principalement de la salle et les grimpeurs qui ont commencé directement par la falaise. Une chose est sûre, l’explosion du nombre de pratiquants et une très grosse majorité de grimpeurs en salle, nous impose de repenser l’organisation de la gestion des risques lors du passage vers l’extérieur.
La vraie question à se poser est : que souhaitons-nous pour notre sport en extérieur ? Le rendre le plus accessible possible au risque de laisser des personnes qui n’ont pas toutes les connaissances pour être en pleine sécurité, Ou un sport qui maximise la sécurité avec le risque d’en exclure les personnes qui n’auront pas le courage ou le temps de suivre ces formations.
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La magnésie, toi aussi t’es accro ? MICHAËL PHILIPPART « MikMiK » pour les intimes
La « magne », cette poudre blanche qu’on use et dont on abuse sans réflexion sur l’utilisation de ce produit bien connu du grimpeur, et dont les effets sur notre santé pulmonaire et calcaire pourraient être dévastateurs. On l’utilise pour assécher les mains, les rendre plus adhérentes, mais aussi pour se rassurer psychologiquement. Est-elle vraiment nécessaire dans notre pratique de tous les jours ? Aurions-nous pris de mauvaises habitudes ? Existe-t-il des alternatives ? La « magne » et les salles
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MikMik© 2022
En tant que travailleur dans une salle d’escalade de voie et de bloc, il est très intéressant de s’installer en terrasse et d’observer le comportement des grimpeurs sur les routes.
Jérémy Goldyn en pleine ascension.
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Outre l’aspect technique du grimpeur sur le mur, nous pourrons tous facilement constater qu’un rayon de soleil qui traverse la salle durant les heures d’affluence nous fait rapidement prendre conscience que les fenêtres et les portes ne sont pas ouvertes et qu’il serait temps de le faire. Ce « rayon de lumière » couplé à la poussière de magnésie ambiante me rappelle mes longues heures à casser des murs en tant qu’ouvrier. La différence était que je portais un équipement de protection individuel adapté à la situation. Mais pourquoi tant de particules en suspension ? Il en résulte d’un comportement ; le mien, le tien, le nôtre. Utiliser de la « magne », pour éradiquer toute sueur de nos mains d’un coup de poignet, permettre une adhérence au 0,1 près, ou un support psychologique. La sueur, c’est normal. On fournit un effort plus important que d’habitude, on est sur une voie de travail, ça me semble inévitable d’utiliser cette poudre magique pour nous aider à gérer notre effort. Mais avec parcimonie ! Par contre, si tu es débutant et que tu viens de commencer la pratique, tu n’es surement pas encore totalement à l’aise dans ce nouvel environnement vertical. Pendu sur ta corde et attaché à un relais, tu ne comprends peut-être pas encore comment et pourquoi ce système en salle est censé être infaillible et tu ne lui fais pas encore confiance. La magnésie te rassure et tu es persuadé que ta réussite en dépend. En réalité, tu empruntes un raccourci. Commence par apprendre à respirer : on respire avec le nez et on expire avec la bouche, par le ventre. La respiration c’est la base de toute vie.
Mais comment correctement l’utiliser ? Apprends à frotter tes mains sur ton short et utilise la « magne » seulement quand tu sens que tu te dépasses. Apprend à identifier les moments où elle est vraiment nécessaire et ceux où elle ne l’est pas. Je pense que les compétitions dans les médias nous ont influencés négativement dans l’utilisation de la « magne ». On voit de belles images de grimpeurs soufflant sur leurs mains, à la façon de Clochette et de sa poussière de fée, pour éliminer les excédents de magnésie alors même qu’ils viennent de les sortir de leur sac. Et nous, on copie.
Nombre de grimpeurs, dans leurs voies de chauffe s’en tartinent les mains en début de voie avant de souffler un gros coup dessus. « Poussière de fées ». Ou durant leur ascension plongent à pleines mains dans leur sac débordant de « magne » avant de se mettre des claques blanches sur les cuisses. Et je ne parle pas des grimpeurs qui chutent dans le bloc avec leur sac sur eux. « Allo nan, mais allo quoi » on est en salle, pas dans un environnement ouvert, prends-en conscience. On pourrait dire que c’est la salle qui n’a qu’à ouvrir les fenêtres et les portes, installer des systèmes d’aération avec filtre, après tout, on paye notre abonnement ! C’est sûr que c’est toujours plus simple quand c’est la faute des autres. Mais que dirons-nous quand toutes les salles nous interdiront de nous repoudrer les mains ? « C’est
La magnésie te rassure et tu es persuadé que ta réussite en dépend. En réalité, tu empruntes un raccourci. vraiment trop injuste ». Par chance, la mienne est équipée d’un personnel attentif, d’un système d’aspiration avec filtration, d’une multitude de portes et fenêtres que le pratiquant peut ouvrir par lui-même. Sinon, « un mot, un geste… » et le/la permanent(e) fait le reste. Une fois la séance terminée, il suffit de se moucher pour se rendre compte de ce qui traîne dans nos narines et pourrait s’installer dans nos poumons sur le long terme. Y’a du blanc, y’a du noir, ça pourrait être le Yin et le Yang, mais ce ne sont que poudre de magnésie et semelles de chaussons. Pas besoin de faire d’études scientifiques pour s’en rendre compte, observons. Pratiquant, adapte ta pratique. Instructeurs, instruisons.
La « magne » et le caillou Comme beaucoup de grimpeurs, j’ai commencé à grimper en salle. Rapidement, on m’a emmené sur le caillou et dans son environnement.
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pourraient être mortelles. Et là aussi, on ramène notre fameux « sac à magne », souvent appelé à tort « sac à pof ». Suivi des nombreuses mauvaises habitudes de la salle le concernant.
Il semblerait que la magnésie couplée à la sueur et à la graisse des mains vienne boucher les aspérités du rocher, en plus d’éliminer définitivement les micro-organismes vivants dessus, comme les lichens. J’ai eu la chance de commencer à grimper avec un binôme beaucoup plus expérimenté que moi, qui lui-même grimpait avec des vieux de la vieille, sûrement plus conscients de cet environnement que nos nouvelles générations parties elles aussi « arracher du caillou ». Nous avons la chance d’évoluer dans un milieu où beaucoup d’entre nous développent ou tentent de développer une conscience écologique du monde qui nous entoure. Notre pratique de l’escalade faisant de plus en plus d’adeptes chaque année, surtout en salle, il est normal de voir débarquer sur nos cailloux une panoplie de nouveaux arrivants parfois bien mal informés, ou bien mal instruits. Le confinement n’a pas aidé lui non plus. Nombre de nouveaux pratiquants, souvent venus des salles, sont venus profiter du calcaire de notre « pas si plat pays », souvent méconnu. Le souci, c’est qu’on a tendance à faire un amalgame entre escalade en salle et escalade en rocher, les environnements ne sont pas similaires, pas plus que les techniques de grimpe et de manipulations qui page 24
À l’inverse des salles nous sommes dans un environnement ouvert, l’abus de magnésie nuira moins à l’atmosphère respirable, par contre, il nuira à la santé du caillou majoritairement calcaire dans nos contrées. Il est prouvé1 que l’utilisation de la magnésie liquide en salle nous permet de garder une atmosphère respirable, par contre, tu as déjà certainement remarqué cette « croute blanche » qu’elle laisse sur les départs de voies. Un effet similaire se produit sur le rocher, peu importe qu’on utilise de la liquide ou de la poudre. C’est une des causes de ce que l’on appelle « le patinage » des rochers. « Le patinage », c’est comme les marches d’un vieux château : à force d’avoir été gravies elles deviennent lisses et glissantes. En réalité, les marches du château sont polies par le passage de nos chaussures, comme le sont les rochers par celui de nos chaussons, mais pas que… Il semblerait que la magnésie couplée à la sueur et à la graisse des mains vienne boucher les aspérités du rocher, en plus d’éliminer définitivement les micro-organismes vivants dessus, comme les lichens.
Mais comment correctement l’utiliser ? Mon amie Louise, qui est une grimpeuse très résistante, peut délier ses bras de très nombreuses minutes. Mais à chaque mouvement elle plonge rapidement la main dans son sac à « magne ». Comme d’autres, elle place aussi des « tick marks », ces points de repère blanc que l’on place sur le rocher. Mais quand elle descend de son caillou elle prend soin de brosser méticuleusement chaque prise, ou presque. Parfois, on verra certains grimpeurs se frotter les pieds, pour retirer le sable incrusté dans leurs semelles qui les ferait glisser, mais aussi qui polirait le rocher. La légende raconte que certains balayaient les grains de sable de leur caillou d’un coup de t-shirt. 1 - Si les chiffres t’intéressent je te conseille de lire l’article de Florian Delcoigne (Camp de base), disponible sur le site du Club Alpin Belge ; « Salles d’escalade, blanches de monde ? »
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Et la « Pof », c’est quoi ?
Pas besoin d’aller si loin, il te suffira d’aller à Beez ou à Freyr pour te rendre compte de cet effet de « patinage » sur les rochers. Le patinage c’est gras, ça transpire, le patinage ça glisse.
Si tu viens de commencer à grimper, tu vas être amené à connaître Fontainebleau, qui est la référence bloc de notre côté du continent. Fontainebleau, c’est une forêt domaniale immense, et il y’a des millions d’années c’était l’océan. Cette espace de liberté, jonché d’innombrables rochers sortis d’un océan lointain, abrite des possibilités énormes pour les grimpeurs de bloc. En plus d’un paysage et d’un environnement hors du commun.
Le piège ici c’est de mettre à chaque fois plus de magnésie pour que « ça tienne ». La « pof » pourrait être une solution. Pas besoin de se repoudrer les mains constamment pour absorber la sueur, elle créer une friction entre toi et le rocher grâce aux particules d’eau. Elle ne marque pas le rocher, ne créé pas cette croute sur le caillou, elle ne dégrade pas l’environnement naturel autour d’elle et est digérée par la nature !
Malheureusement, en raison de la fréquentation et de l’utilisation abusive de magnésie, certains itinéraires ne sont plus les même qu’il y’a 70 ans2. Patinés, lisses et brillants. Observons.
À mon sens, il y’a de très nombreuses raisons pour utiliser cette poudre, elle aussi magique, couleur or. Il serait dommage de ne pas permettre aux plus jeunes de gravir les routes d’une autre époque à cause du patinage. Et de ne pas prendre soin de l’environnement naturel dans lequel nous ne sommes que des invités.
La « pof » c’est de la colophane, une partie de ce qui constitue la résine, que l’on trouve sur des arbres et non dans des mines dans je ne sais quel pays. On l’utilise sur les archets de violon, ou sur certains chaussons de danse. On l’a utilisée sur les courroies pour en améliorer la friction.
MICHAËL PHILIPPART aka MikMik
Le Bilboquet, l'un des blocs les plus célèbres de la forêt de Fontainebleau, dans le secteur du Cul de chien Romary - CC
La « pof » c’est de la colophane, une partie de ce qui constitue la résine, que l’on trouve sur des arbres et non dans des mines dans je ne sais quel pays.
Pratiquant, adapte ta pratique. Instructeurs, instruisons.
Contrairement à la magnésie, celle-ci aurait moins tendance à s’agglomérer et à pénétrer dans les aspérités du rocher. Elle est balayée par le vent et la pluie, ou détruite par le soleil ! Les vieux de la vieille du siècle dernier, les « Bleausards », l’utilisaient déjà pour marquer le rocher et leurs mains. Ils n’avaient, apparemment, jamais constaté la dégradation du lichen ou la décoloration du caillou, signe de stérilité de son environnement direct.
2 - Aussi, « Colophane et magnésie à Bleau », tu trouveras la référence sur Wikipédia dans l’article sur « le carbonate de magnésium ». Sinon c’est par ici : www.cosiroc.fr/index.php/informationspratiques/337-colophane-et-magnesie
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« Je grimpe pour me sentir en harmonie avec moi-même, parce que je vis dans l’instant, parce que c’est une forme d’expression éthique et esthétique par laquelle je peux me réaliser, parce que je recherche la liberté totale du corps et de l’esprit. Et parce que ça me plait ». PATRICK BERHAULT
Première production de prises © Laurent Minet Designer pour Comon Wild Climbing
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DOSSIER ÉTHIQUE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE
Éthique ou éthiques en falaises Se déconnecter pour vivre notre passion JULIEN LEGRAND
Traiter de l’éthique en escalade, c’est très vaste. Parle-t-on de son éthique personnelle, de l’éthique de la grimpe, du milieu naturel, de la relation entre entraîneur et athlète ? L’éthique peut se définir comme un ensemble de conceptions morales sur ce que nous jugeons comme bon. Selon Marc le Ménestrel1, ce sont des valeurs individuelles et collectives partagées. C’est aussi une forme de respect de soi, de l’escalade, de la communauté et surtout du milieu naturel dans lequel le grimpeur évolue.
1 - LE MENESTREL M. (2021). Climb Ethic, Les valeurs de l’escalade, CQFD, Lourmarin, p11.
La falaise, ce ne sont pas que des rochers, c’est tout un écosystème, des animaux, des plantes, c’est la rivière qui coule en fond de vallée, ce sont les locaux qui habitent la région, ce sont les promeneurs, les grimpeurs ou les touristes éphémères. Au final, c’est un ensemble de mondes qui cohabitent sans nécessairement se connaître, c’est un espace partagé qui n’appartient à personne et à tout le monde, et dont chacun peut jouir selon son éthique, ses envies, à ses propres fins. Mais comment cohabiter avec la falaise pour ne pas « perdre l’esprit du lieu2 » ? 2 - BERLINER D. (2010). Perdre l’esprit du lieu Les politiques de l’Unesco à Luang Prabang (rdp Lao), Terrain anthropologie et sciences humaines numéro 55.
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Partons d’un fait divers. Nous sommes le 18 février 2022 et le magazine Grimper publie sur son site Web la dernière performance en falaise du mutant niçois Pierre le Cerf avec l’enchaînement de Eagle 4 cotée jusque-là 9b. Outre la question de la proposition de la décote de la voie à 9a+ qui ouvre un nouveau débat, ce qui m’a perturbé le plus c’est le récit de l’incident qui impliquait Cédric Lachat et l’enceinte de musique. Pour rappel, cette enceinte a été utilisée par Pierre le Cerf pour se motiver avant son run et Cédric Lachat, furieux, a pris l’enceinte et l’a jetée dans les arbres. Pierre le Cerf se défend : « La musique nous rajoute tellement de niveau qu’on se permet de demander (aux gens autour). Alors oui, on demande, mais en général ce sont toujours des gens qu’on connaît bien voire des amis. D’habitude, on grimpe presque uniquement sur les falaises du 06 où il n’y a pas forcément du monde et où on se connaît tous. Et les Niçois, on est vraiment connus pour kiffer la musique. Après ça dépend. Si on est entre copains, on met la musique toute la journée. Et s’il y a d’autres gens, on leur demande si on peut la mettre juste pendant les essais, et comme on les connaît bien, en général ils disent oui. Ça dure 5-10 min durant le run et puis on l’éteint. J’avoue qu’on est tellement habitués à ça que ça m’a surpris que mon enceinte se retrouve dans les arbres ! » 3 Cet évènement suscite en moi une profonde question éthique sur l’environnement naturel dans lequel se pratique l’escalade en falaises et sur le respect de celui-ci. Pourquoi grimpons-nous en falaise ? Qu’est- ce qui nous y attire ? Comment préserver le milieu naturel, et limiter les traces de notre passage ? Mettre du son à fond pour se motiver, est-ce éthique ? Et les animaux dans tout ça ? Pour répondre à ces questions, j’ai choisi de rencontrer Florian Funcken, Pablo Recourt et Laurent Minet, tous les trois membres du Club alpin et pour qui la nature et son respect sont des points centraux dans leur pratique de l’escalade et dans leur quotidien. Avec eux, j’ai eu l’occasion d’échanger et d’amener à la réflexion sur notre pratique, nos motivations et comment cohabiter avec cet environnement riche et unique que sont les falaises. L’objectif de la démarche vise en toute modestie à alimenter notre imaginaire, apporter des idées et surtout inspirer tout un chacun.
3 - www.grimper.com/news-pierre-cerf-repeteeagle-4-avec-peu-logique-sais-peux-dire-9b page consultée le 11 mai 2022.
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Sibylle Verniers © 2022
Florian Funcken, Les Contamines Montjoie – mai 2022
Échange avec Florian Funcken Florian Funcken4 a décidé de prendre quelques mois pour partir à vélo, direction les Alpes ; son envie est d’aller pratiquer ses sports préférés tout en limitant son impact, vous pouvez retrouver ses aventures sur son compte Insta5 ; étant aux Houches en ce moment, je l’ai rencontré par Zoom. JULIEN LEGRAND : Que penses-tu de la musique en falaises, des grimpeurs, et de la popularité de l’escalade actuelle ? FLORIAN FUNCKEN : Pour moi, mettre de la musique en falaise, dans la nature, ça fait chier les gens. Avec sa popularité, j’ai l’impression que l’escalade est devenue différente, on voit apparaître des pratiques différentes. Des gens qui viennent des salles et vont en falaise pour faire des croix « ils n’ont pas l’esprit grimpe à la base », suis-je extrême ? Que dire des ventilateurs pour sécher le mur ? Est-ce que ce genre de pratiques ne tend pas à perdre le pourquoi on est dans la nature ? Aujourd’hui le matériel est ultra performant, la magnésie, tout ça, faut se calmer, et se rappeler que c’est de l’outdoor. JL : Intéressant, il y a en quelque-sorte une importation de la salle vers l’extérieur ? Et qu’entends-tu par « L’esprit grimpe » ? FF : Le fait qu’on est en respect avec la nature, les autres, le lieu. En général, il a une énorme politesse entre les grimpeurs, le partage des dégaines, laisser les gens aller dans son projet pour aussi y faire des essais. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il 4 - Florian Funcken, interview du 13-05-2022 5 - www.instagram.com/florianfuncken/
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y a un problème de valeurs qui ne se transmettent plus, les gens qui ne se parlent plus. Maintenant ça change en montagne. Je vois des guides qui ne viennent pas spécialement transmettre les valeurs de la montagne. Selon moi, on ne va pas que faire du sport. Et malheureusement je vois des gens qui sortent « pour faire le truc », ne regardent plus autour d’eux les animaux, les arbres. On est dans la performance. Moi, j’aime être dans la nature dehors, j’écoute le bruit des oiseaux, être dans le flow. Les gens sont regardants de la perf et pas du contexte, c’est tout un apprentissage, la nature.
négatifs : faire 15km à vélo sur une nationale, avec les voitures et camions qui te klaxonnent, les gens qui te frôlent. Et il y a pas mal de connards aussi. C’est au final la réalité du monde, et au milieu de tout ça on voit ce qu’on peut faire. JL : J’aime beaucoup ton résumé de la réalité du monde, il apporte de la nuance. Si tu devais donner des recommandations aux gens, quelles seraient-elles ? FF : Essayer de favoriser au maximum les transports en commun. Aussi le vélo ça va très vite, tu sais mettre plein de choses sur ton vélo. En Belgique, il ne pleut pas tant que ça, on passe généralement entre les averses, et il suffit de s’équiper pour. En falaise, penser à son impact : être en accord avec les gens qui sont sur place, socialement il faut dire bonjour aux gens. Faire l’effort de parler aux autres. Il faut « communiquer ». Pour les déchets, peut-être mettre des
FF : C’est un challenge vis-à-vis de moi et un challenge écologique. Voyager avec le flix bus, le vélo et les transports en commun, je voulais montrer que c’est possible. Simplement qu’on peut faire autrement. Il faut le temps c’est sûr, mais voilà. Inciter les gens à prendre plus le train et le vélo. Sur le côté humain, on rencontre plein de gens, ça intrigue les gens. On rencontre des personnes qui veulent partager des courses, et au final, je fais ce que je fais toujours, mais je me déplace à vélo. Je m’émerveille des paysages, je ne remarquais pas ça en voiture. Ce n’est pas facile. Les points
Florian Funcken © 2022
JL : Parlant de la nature, tu fais actuellement un voyage où tu te déplaces uniquement à pied, en bus et à vélo, tu es parti de Bruxelles jusque dans les Alpes, qu’est-ce cela t’apporte ?
Ci-contre : Col de la Faucile, Ain – mai 2022.
Dorsan Lepour © 2022
En bas : Cabane du Grand Mountet – mai 2022
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Florent Quint © 2022
Pablo Recourt -Traversée des gorges du Tarn – Février 2022
C’est comme les gens qui gueulent en falaise, ils mettent des barrières entre eux et ce qu’il y a autour : c’est hyper égoïste. Alors oui tu peux crier quand tu es dans un mouve difficile, mais les gens qui gueulent à chaque mouvement et qui commentent tous leurs mouvements… T’es pas tout seul. Celui qui crie à chaque mouvement et veut se faire remarquer… Pour moi en falaise, tu te dois de te faire discret, tu t’insères dans un univers.
poubelles, des bacs à composts pour éviter les pelures de bananes. Après, pourquoi les gens ne ramènent pas les déchets chez eux ? En parler, ça sensibilise les gens.
Échange avec Pablo Recourt Ma deuxième rencontre fut celle de Pablo Recourt6. Vous le connaissez certainement : il a eu la folle idée de faire un tour de France à vélo en quête du plus beau 8a ; outre le challenge sportif de parcourir ce vaste territoire et d’enchainer des 8a à outrance, le plus gros défi pour lui est de sensibiliser les gens à l’urgence écologique et surtout de démontrer que chacun peut avoir individuellement un impact.7
C’est la nature, il y a d’autres habitants que les êtres humains. Les traces de magnésie, laisser ses dégaines plusieurs jours… Tu arrives en falaise et tu vois des dégaines dans les dévers, ça te donne l’impression d’être dans une salle d’escalade. Il n’y a plus le challenge d’aller mettre tes paires. Cela nous rend humble et à l’écoute de la nature, de son corps. En fait pour moi, être un grimpeur c’est être à l’écoute.
JULIEN LEGRAND : Explication du contexte de Eagle 4 et du bruit de la musique en falaises : tu en penses quoi Pablo ?
JL : Tu fais la distinction entre milieu en salle et milieu en falaise, qu’entends-tu par-là ? PR : Je pense que j’aime la falaise car cela fait partie d’un écosystème. Tu n’es pas juste là pour grimper, mais pour profiter de ce qu’il y a autour. L’aspect social, la nature, sentir les éléments. Il 6 - Pablo Recourt, interview du 21-05-2022 7 - www.instagram.com/pablorecourt/
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Face de Péniche, 8a, Boffi – Février 2022 Page suivante : Arrivée aux dentelles de Montmirail (Provence) – Décembre 2021 Florent Quint © 2022
PABLO RECOURT : Qu’est-ce que j’en pense ? Bah que ce n’est pas l’endroit pour faire ça, on n’est pas en salle. Lorsque tu vas en falaise, tu vas dans un environnement. Mettre de la musique, ça met une barrière entre toi et ton environnement. Déjà tu te projettes différemment, de par l’habitude que tout soit aseptisé et maîtrisé. Si tu n’as pas de musique, tu seras plus à l’écoute, tu parleras plus facilement avec les gens autour de toi. La falaise est un endroit que tu partages et tu dois t’ouvrir à ce qu’il y a autour.
y a des paramètres en plus dans l’escalade qui sont hyper intéressants. Dans une salle ça ne bouge pas, tu n’as pas à prendre en compte les conditions comme l’humidité, le grain. Tu fais partie d’un tout et tu dois respecter le tout. Tu t’y intègres. Et tu t’ouvres complétement à l’environnement, pour t’adapter, accepter, la voie, les conditions, l’écoute de ton corps.
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JL : Toi qui as fait un tour de la France, est-ce que tu penses qu’on ne prêche pas des convertis, que les gens dans le milieu sont sensibles à ça ?
Échange avec Laurent Minet Pour terminer, j’ai eu l’occasion de parler avec Laurent Minet. Curieuse personne, connue pour son humour décalé, c’est surtout un artiste, sensible à la nature, il travaille le bois, fait des prises d’escalade en bois et des t-shirts en lien avec le milieu naturel. Sa vision du monde a suscité chez moi l’intérêt de cette conversation.9
PB : Si, si complètement. Avant les gens allaient toujours en bagnole, prenaient plein de crash pads… Maintenant on est beaucoup plus attentif, les voyages deviennent plus softs. On prend le train, le vélo, mais oui, selon moi le grimpeur de falaise est souvent sensible à cela. Mais ce que le CAB pourrait faire, et ça serait même son devoir, c’est de faire passer le message au-delà de la communauté. C’est un peu ce que j’ai fait durant mon voyage à vélo. Les grimpeurs, ça leur parle, mais par contre toucher des gens qui ne pensent pas forcément comme ça, c’est aussi notre devoir… Il faut trouver de nouveaux moyens pour communiquer. Tu connais green spit8 ? Ils ont fait un jeu qui s’appelle Pick it up, c’est un jeu qui pousse à ramasser ses déchets en falaise, c’est hyper simple, et moi à force de l’entendre « pick it up, pick it up », bah j’y pense. Il ne faut pas être moralisateur, mais juste transmettre le bon sens.
JULIEN LEGRAND : Point de départ de Pierre le Cerf avec Eagle 4, bruit de la sono en falaises : qu’est-ce tu penses de tout ça, de l’importation de technologies dans la nature ? LAURENT MINET : Pour moi cette évolution des mentalités est à l’image de notre société. Une société dans laquelle il n’y a plus que la performance et l’image qui compte. À la base, l’escalade est une activité qui prône des valeurs de sobriété et de simplicité de vie. C’est malheureux de voir des grimpeurs qui abordent les falaises tel des gymnastes. Il y a un vrai manque de sens au pourquoi on grimpe dans la nature. Ces athlètes sont devenus esclaves de la performance pour garder leurs sponsors. Sur les réseaux sociaux, on peut lire des récits de grimpeurs qui expriment qu’ils sont sous pression d’enchainer tel ou tel projet. Au point qu’ils ne se posent même pas la question concernant l’utilisation de technologies dans la nature. Ce qui compte c’est la perf.
Voyager aujourd’hui, c’est aussi avoir un impact. Il faut sortir de la logique de « je paye donc j’ai droit à un service », de la consommation. Il y a de l’engagement. Pareil dans la manière de consommer, de voyager, de se divertir, se nourrir, être végétarien, c’est un engagement.
8 - https://greenspits.com/fr/ pour plus d’infos consultez également le Pacte Green spits https://greenspits.com/adopte-le-pacte/
Pablo Recourt © 2021
9 - Laurent Minet, Interview du 30-05-2022
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Quand j’ai commencé l’escalade, j’ai été marqué par des grimpeurs qui dégageaient une aura. La quête de l’escalade avait façonné des guerriers, des hommes et femmes qui en plus de tenir des réglettes étaient des personnages. Un ami entraîneur m’a un jour dit : « Aujourd’hui, faire du 9a est d’une banalité ». Et bien il avait raison. Faire du 9a en 2022 n’a plus rien d’impressionnant. Ce qui revient souvent dans les discussions de grimpeurs, c’est la faiblesse mentale. Évidemment ce n’est pas simple de garder la motivation et l’influx dans des voies dures. Pour combler cette faiblesse, tous les artifices sont bons et du coup on part dans des dérives. La base de la motivation réside pour moi dans le pourquoi nous grimpons. JL : Selon toi, qu’est-ce qui pourrait changer et aider à sensibiliser à tout ça ? LM : La base pour moi c’est l’éducation. Le rôle des salles d’escalade, ce n’est pas juste faire des petits champions, c’est aussi d’apprendre le bon vivre en falaise. Quand tu sors de la salle et que tu vas dans la nature, il y a des règles de base. Aujourd’hui avec l’évolution de l’escalade, ce « bon vivre en
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nature » est essentiel sinon ça donne place à des dérives dictées par l’individualisme. Une des premières choses que j’ai apprises quand j’ai commencé à grimper, c’est simplement le fait de dire bonjour quand tu croises un autre grimpeur. Nous sommes une communauté qui utilise le même terrain de jeu et c’est capital qu’il y ait cette reconnaissance entre nous. À Freyr, j’ai été impressionné par Jean Bourgeois qui guidait parfois des collectivités. Ce qu’il faisait : c’était avant tout de l’éducation à la nature en sensibilisant les gens au milieu dans lequel ils se trouvaient. JL : L’éducation a un rôle important, c’est bien ça ? LM : Mais c’est le bon sens, parce que l’éducation, c’est un mot assez dur, moralisateur, qui peut être mal pris. C’est juste le bon vivre quoi. Aujourd’hui, il y a vraiment ce truc « l’image avant tout », on a mis tellement de place à l’égo. Ça bug quoi. JL : Ça me laisse à penser qu’il y a un besoin de transmission des valeurs, comme dans les romans de Frison Roche ou ce que prône Marc le
Ménestrel dans son livre sur la charte des valeurs de l’escalade10 : « Les gens n’ont plus de patience. C’est pour ça que les gens râlent… C’est parce qu’ils sont collés sur la cotation. Par exemple avec mon projet de t-shirt11 j’essaie de raconter une histoire, pour moi j’ai envie de véhiculer un truc dans le milieu de l’escalade. Mais certains, ça ne les touche pas. Ce que je fais ce sont des estampages sur les rochers. Ce sont des motifs que je prélève sur les sites d’escalade ou dans la forêt. J’ai envie d’amener les gens à s’arrêter et à observer. J’ai grimpé dans Samarkande (Freyr) l’autre jour et je n’ai qu’un souvenir de la voie, c’était le vent. Il y avait la voie, il y avait l’escalade et j’avais le vent. Quand je grimpe, j’ai de la joie, je suis dans ce plaisir. Il ne faut pas que dans ta tête ça soit juste le relais, le relais, le relais… Il faut prendre le temps. Il faut être à l’écoute. » Mais avoir du temps pour voyager, faire des trips à vélo, il faut pouvoir se le permettre aussi ? LM : Oui mais tu peux te permettre une journée dans la nature et tu laisses ton téléphone à Bruxelles. Est-ce que je me mets encore un truc sur le retour où je dois encore bouffer en famille, ou alors je me dis, c’est une journée où je fais de l’escalade, je me déconnecte, dans un monde ultra connecté au fait. Je vis pleinement ma journée.
Ces discussions enrichissantes avec Florian, Pablo et Laurent, expriment leur sensibilité vis-à-vis de la nature. Leur vision de l’escalade souligne bien le besoin de connexion avec la nature, l’importance de réfléchir aujourd’hui sur notre pratique, nos motivations, et comment cohabiter avec cet environnement riche et unique que sont les falaises. « Communiquer », « Être à l’écoute », « Le Bon vivre » sont des valeurs qui contribuent à développer une éthique de l’escalade. Dans nos vies et nos villes ultras connectées, les falaises et leur environnement naturel sont comme des oasis de calme et de retour aux sens. Au travers de ces interviews, j’invite tout un chacun à sa manière et dans la mesure de ses possibilités à tenter de se déconnecter de la ville et se reconnecter à la nature, l’espace d’un moment, laisser la technologie à la maison. Être en falaise, grimper sur les rochers, c’est être à l’écoute de soi, de son corps, de ses 10 - LE MENESTREL M. (2021). Climb Ethic, Les valeurs de l’escalade, CQFD, Lourmarin, 220p. 11 - www.instagram.com/laurent_minet_art/
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1. Laurent Minet – Ecorçage des prises – 2020 2. Estampe des galeries de scolytes – 2021, 3. Sous les écorçes les graffitis : préparation des cadres de sérigraphie – Mai 2022 4. Présentation des t-shirts dans un marché de créateurs – Septembre 2022 Crédits images : © Laurent Minet Designer pour Comon Wild Climbing
émotions, de la nature, des oiseaux, du vent, de l’eau. C’est prendre conscience de ce qui nous entoure. De se fondre dans cette nature, s’en imprégner, l’aimer, vouloir la préserver et surtout vouloir partager et transmettre cette sensible simplicité. Si la communauté des grimpeurs est plus que sensible à l’écologie, la nature et le bon vivre : sensibiliser les personnes au-delà de notre microcosme est aujourd’hui une nécessité, nos actions, nos voyages, notre quotidien doivent inspirer tout un chacun. Il est indispensable de transmettre et partager les valeurs qui font de l’escalade un mode de vie et un état d’esprit. Pour ce faire, nous avons un rôle à jouer. Les salles d’escalade ont un rôle à jouer. Et nos clubs alpins se doivent d’être les « passeurs entre le monde urbain et la nature, un échange entre le nouveau et l’ancien12 »
JULIEN LEGRAND
12 - LE MENESTREL M. (2021). Climb Ethic, Les valeurs de l’escalade, CQFD, Lourmarin, p141.
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Antoine Mauclet © 2022
Groenland 2022 NOOTENS MARC Notre périple nous emmène cette fois-ci à l’ouest du Groenland, à Illulisat. Il est organisé par les routards polaires de l’association Nunatak à laquelle se sont associés des membres du noyau alpi pour compléter l’équipe. Trois sont néophytes de ce genre d’expé !
Nous arrivons en cette fin du mois de mars avec Chantal, Antoine, Axel, Michel « Doc the clock » et Michel à Illulisat par un super soleil qui ne nous quittera que trois jours sur notre aventure de quatorze. L’attaque des côtes et cols avec nos pulkas super remplie, trop pour Chantal, démarre dès le premier jour. Destination le glacier Avannarleq (là ça va la prononciation !) par une traversée terrestre et la banquise du Sikuiutsoq fjord (cela se complique !). Il nous faudra cinq jours pour installer notre camp à cinq kilomètres du glacier, gardez la distance en mémoire. Nous aurons de majestueux iceberg sur le parcours de cette banquise. 1
Le jour tsunami Nous sommes partis en exploration vers le front du glacier Avannarleq laissant notre camp aux susceptibles visites des ours. 2 Front énormes à plusieurs étages dont le sommet dépasse l’altitude de milles mètres. 3 Le chaos règne entre le glacier et la banquise, nous sommes émerveillés par les formes créées par ce gigantesque amas de glaces de teintes page 34
variant entre les bleus gris et blancs, que nous parcourons sur sa presque largeur. Nous escaladons un promontoire afin de tenter de voir le dessus de la calotte générant le glacier, mais en vain, il est trop haut. Rencontre rare avec un lièvre polaire.
La casse du glacier avait créé un tsunami sous la calotte. Avec Michel T., nous rentrons vers le camp, les autres continuent l’exploration, mais un tonitruant crac nous surprend, une partie d’un gradin du glacier vient de basculer. La banquise vibre, l’onde a complètement chambardé la banquise, nous y étions deux heures auparavant 4 . À notre arrivée au camp, Chantal qui était retournée prématurément un peu inquiète nous révèle que la banquise à solidement bougé et le camp avec. La casse du glacier avait créé un tsunami sous la calotte. Nous décidons de notre trajet du retour : différentes solutions sont possibles, nous verrons bien, l’aventure c’est l’aventure. Re-traversée du fjord, (non je n’y place pas le nom), dans le brouillard. Tiens, nous n’avons pas de soleil…Trop habitués, cette météo sans précédent nous montre des températures limites positives. Cela nous pousse à devoir faire des détours afin de passer à sec. Notre prochain point sera Oqaatsut (facile), limite terrestre et la mer.
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Antoine Mauclet © 2022
Marc Nootens © 2022
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Marc Nootens © 2022
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Notre exploration nous conduit à travers des vallées à fort dénivelé avec des passages de glaces vives. En raison de la fonte prématurée de la couverture neigeuse, nous devons alterner la traction des pulkas à skis et en crampons. Imaginez un canard atterrissant sur un lac glacé et vous comprendrez pourquoi le passage aux crampons. 5
Antoine Mauclet © 2022
Toujours du soleil à notre arrivé à Oqaatsut.
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Nous finissons notre boucle de 130 km en rejoignant Illulisat un jour plus tôt et enfin, dirais-je, nous avons un peu de mauvaise météo. 6
Le jour Samivel Mal de mer, je décline la sortie de l’équipe en bateau entre les icebergs et décide d’une rando en solo à l’embouchure du fjord qui charrie les icebergs en provenance du glacier Sermeq Kujalleq Le jour filtré par la météo nuageuse rend les vues des monstrueux icebergs en aquarelle à la Samivel. 7
Marc Nootens © 2022
Une expé avec une météo plus qu’exceptionnelle de par ses températures, encore un signe du dérèglement climatique mondial. Un petit regret en clin d’œil : une petite tempête aurait été palpitante pour nos trois néophytes. Merci aux équipiers Chantal Renoy, Antoine Mauclet, Axel Linden, Michel Lejeune et Michel Thomas. 8 Déjà le projet suivant est imaginé : Mont Asgard, un retour en terre de Baffin.
NOOTENS MARC
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Michel Thomas © 2022
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La plus grande voie artificielle du monde, près de chez nous 1
ALAIN BONIVER – Texte et images Francine, mon épouse, et moi-même avons décidé, pour fêter nos 46 ans de mariage, de grimper cet été la plus grande voie artificielle du monde qui est installée sur le barrage de Luzzone en Suisse.
Pour nous entraîner, nous avons tout d’abord escaladé la tour Excalibur aux Pays-Bas qui est, après la salle GYMN à Abu Dhabi (43 mètres), le plus haut ouvrage au monde construit uniquement pour l’escalade. Ces 2 sites sont vraiment chouettes, proches de chez nous et accessibles à de nombreux grimpeurs. Comme peu de personnes semblent les connaître, j’ai proposé au CAB de vous les présenter ci-dessous. page 37
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1. Vue du sommet de la tour 2. Alain au 1er relais (on voit bien la voie) 3. Alain et Francine au sommet de la voie 4. Vue de la voie 5. Francine au sommet de la tour page 38
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FICHE EXPÉ
La tour Excalibur Situation : Groningen dans le Nord des Pays-Bas, à 3 heures de route de la Belgique. Dénivelée : 37 m avec un surplomb au sommet de 12 m, ce qui représente un dévers de 30 %. Période favorable : Toute l’année mais il vaut mieux éviter d’y aller quand il pleut. Matériel : Les dégaines sont installées ainsi que quelques cordes. Il faut prendre une corde de 80 m. Difficulté : Il y a 25 voies allant du 3a au 8a.
Hébergement : Il y a de nombreux hôtels à Groningen. Il est également possible de louer une chambre sur un bateau. Accès : La tour est située à côté d’une très belle salle d’escalade : le Klimcentrum Bjoeks (voir www.bjoeks.nl). Il n’est pas nécessaire de réserver. Parking : Il y a de nombreuses places de parking près de la salle. Budget : On accède à la tour après avoir payé l’entrée à la salle (13,5 € pour un adulte)
Le barrage de Luzzone Situation : Près de Blenio en Suisse italienne, à 7 heures de route de la Belgique. Altitude : 1 600 m. Dénivelée : 170 m Période favorable : Le barrage est accessible du 1er mai au 30 octobre. Matériel : Une corde de 80 m et 14 dégaines. Difficulté : Une seule voie en 5 longueurs : 5b, 5c, 6a, 6a+ et 6b. Les 4 premières longueurs sont verticales et la dernière est en léger dévers. Les 4 relais sont confortables. Il n’y a pas de mouvement difficile ; la difficulté tient dans la durée de l’ascension : environ 3 heures à deux grimpeurs. Astuce : Le barrage étant orienté ouest, il vaut mieux grimper le matin pour être à l’ombre. Recommandations : Il ne faut pas oublier d’acheter une vignette pour rouler sur les autoroutes suisses. Cette vignette coûte 50 €. On peut l’acheter dans les magasins Auto 5 ou sur Internet. Hébergement : Il y a des hôtels sur les 35 km de route après la sortie de l’autoroute n°2 : à Biasca, Acquarossa, Blenio, etc.
Accès : il est nécessaire de réserver le site quelques jours à l’avance. La réservation se fait au restaurant situé au sommet du barrage, mais comme ils ne parlent qu’italien, il est plus pratique de passer par l’office du tourisme de Blenio, à qui on peut s’adresser en français : blenio@bellinzonaevalli.ch ou tél : +41 91 872 74 87 En fait, les premières prises d’escalade se trouvent à 6 mètres de haut et il est nécessaire de placer une échelle qui est verrouillée par un cadenas dont la clé se trouve au restaurant précité.v Parking : Le mieux d’aller chercher la clé au restaurant puis de redescendre en voiture au pied du barrage. L’ascension terminée, redescendre à pied par la route (environ 2 km) pour rejoindre la voiture et verrouiller l’échelle. Astuce : Quand vous allez chercher la clé, vous pouvez laisser au restaurant un sac avec vos chaussures de marche pour ne pas faire toute la descente en chaussons d’escalade. Budget : Il faut payer, au restaurant, 20 CHF par personne et donner une caution de 100 CHF qu’on récupère en rendant la clé.
ALAIN BONIVER page 39
L'écume des cimes CLAUDE MARTHALER – Textes et images
Un été austral à sillonner les hauts plateaux du nord-ouest argentin et ses lagunes de sel. En point de mire, le no man’s land de la Puna de Atacama, avec une incursion au Chili, l’ascension à pied de l’Ojos de Salado (6 893 m) et son tour, à vélo. Privée d’eau douce et d’arbres, on la cite comme la zone la plus élevée de la planète, après le Tibet. Extraits.
Alternant marche et pédalage, je navigue à vue sur un plateau rugueux, immensément vide. De jour, il est brûlé de soleil, de nuit, saisi par le froid du permafrost. Et toujours, le vent. Dans l’auge du monde, couverts de Paya brava, une petite plante jaune extrêmement résistante, les volcans éteints, tout en rondeur, taisent leur altitude à trouer le ciel bleu profond. Je fais détaler des ânes sauvages et des vigognes. Car combien, même à vélo, je crois être un humain discret, je reste un intrus. Leur gracieuse silhouette s’élance alors et se fond dans cet univers d’ocres. Aujourd’hui, mis à part les braconniers, on ne les abat plus pour leur viande, mais on les capture, les tond et les relâche. La fibre de leur toison, « la laine des Dieux », est la plus chère au monde. Dans ces montagnes d’un autre âge, éventrées par des mines de compagnies étrangères, les lagunes salées sont aussi exploitées pour leur lithium. Les zones de nidification de quatre différents flamands roses se voient ainsi menacées. À naviguer page 40
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sur les hauteurs à l’abri des rumeurs, on en oublie que, dans les basses terres, l’austérité peut être politique autant que naturelle. Octobre 2019 : la rue gronde, au Chili, en Bolivie et en Argentine. À chaque jour son col, à chaque col son apachete, l’équivalent du cairn, couvert de bouteilles de vin, parfois ébréchées. L’homme offre à son dieu ce qui lui coûte le plus : l’alcool et les cigarettes. Roches volcaniques refroidies, blocs de pierre bruns qui se dressent comme des murs d’anciennes cités : il faut s’abandonner aux pistes, aux lumières incendiaires du couchant dans l’impossible attente d’une révélation. Ne pas savoir où l’on est, c’est enfin reconnaître qui on est : un grain de poussière. Passé le col du condor, à quatre mille mètres d’altitude, je fuse dans une lumière frisante. Au village encaissé d’Iruya, le clocher de l’église du village, qui date de 1775, sonne étrangement les sept heures à mon apparition, devant tous les petits vieux réunis sur un banc circulaire. La bâtisse contient un mousqueton et le premier drapeau d’Argentine. Iruya a été le point de départ de la lutte pour l’indépendance du pays.
La ruta de los seis miles À la veille de quitter la petite ville de Fiambalà, je fais le plein d’essence pour le réchaud et remplis mes sacoches avec quinze jours de victuailles. Je monte peu à peu au Passo San Francisco à 4 726 m, la frontière avec le Chili, m’abritant dans des refuges de pierres construits pour les
Je marche rêveusement sur le plus haut volcan du monde [...]. Rien à conquérir, mais tout à chérir. Rien à prouver, tout à éprouver.
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automobilistes en cas de tempête. Nous sommes quatre ce soir au col et le lendemain, nous gravirons à pied le Nevado San Francisco (6 018 m). Dans un singulier instant de grâce, un renard sur ses gardes s’approche sur ce haut plateau de lave, de sable et de sel, cerné par une couronne de hauts volcans saupoudrés de blanc. Il a neigé durant la nuit. Au loin, la laguna verde, un couloir turquoise, ressemble à une mer. Même le vent s’est tu. Mâchouillant des feuilles de coca et buvant du maté pour apunarme (m’acclimater à la puna) puis aborder l’Ojos del Salado avec quiétude, je m’appuie, solitaire, sur 30 cols déjà franchis dont 20 entre 4 000 et 4 895 mètres d’altitude. De la laguna verde, comme tous les grimpeurs, je monte en 4x4 au refuge d’Atacama (5 260 m) composé d’un simple container orange et d’une tente-dortoir en dur. Des demi-cercles de pierre abritent les tentes du vent. C’est la première fois que j’aperçois le sommet. Le lendemain, je rencontre au dernier instant Julia, une jeune ukrainienne de 32 ans, passionnée de montagne, quelque peu acclimatée. Spontanément, nous partons ensemble à la mi-journée. Avec chacun un sac d’une vingtaine de kilos sur le dos, nous atteindrons le rudimentaire refuge de Tejos (5 825 m). Sommeil haché. Départ à la lampe frontale à cinq heures du matin. Froid mordant, souffle court, gestes au ralenti. Chacun de mes pas ne mesure que la longueur d’une chaussure. Nous atteignons un petit névé. Il fait jour. J’attache mes crampons, Julia n’en possède pas et me suis de près. La montée est soutenue, entre lave et sable jusqu’au cratère enneigé, à 6 700 m. Plus haut, une petite cheminée équipée de cordes fixes (certaines usées), conduit à la crête sommitale. Je marche rêveusement sur le plus haut volcan du monde, plein de reconnaissance d’exister, irradié par un paysage océanique. Rien à conquérir, mais tout à chérir. Rien à prouver, tout à éprouver. S’élever, sans pourtant jamais atteindre sa vitesse de libération ; puis redescendre, car la montagne ne nous prête sa hauteur qu’un instant…
L’ultime frontière Le rio Turbo méandre et je fais courir contre mon gré un groupe d’ânes apeurés sur un bon nombre de kilomètres, avant qu’ils ne me laissent les dépasser. La vallée s’élargit en même temps qu’elle se désertifie. Je perds le cours du ruisseau qui se meurt dans le sable clair. Le fantomatique poste frontière chilien en tôles blanc cassé, dissimulé dans un plissement, tombe en ruine. La piste elle-même s’évanouit dans ce paysage de claustration minérale. Je ne sais pourquoi, mais je m’étais mis en tête qu’un refuge, tel une thébaïde, m’attendrait au col de Pirquas Negras (4 126 m). D’en bas, la piste enroule le relief. Elle se cache si bien à la vue dans ses traînées blanchâtres et carmin qu’elle en devient mystérieuse. Il me faut la débusquer pas à pas. L’entaille du col se garde bien de se montrer. On dit que Le conquistador Diego di Almagro serait passé par là. Je gravis non moins que la « cuesta El Angel » (la côte de l’ange), douze kilomètres qui finissent en épingles à cheveux et débouchent sur un haut plateau de caillasse mordorée. L’élévation redimensionne le paysage, creuse les vallées et draine mon regard au lointain. Les monstres antédiluviens des volcans barrent déjà la route au soleil, léchant l’étendue de leur ombre menaçante. Il est vingt heures, j’atteins le col et dépose une pierre sur l’apachete. Un ultime coup d’œil sur le versant pacifique en enfilant quelques page 41
couches d’habits, puis je m’élance sous un magistral ciel d’une pureté cristalline où se détachent encore les hautes cimes du Cerro Bonete Chico (6 759 m) et du Pissis (6 882 m). Sa clarté s’estompe peu à peu et vire au noir charbon. Je croyais me tenir sur l’un des rebords du monde, prêt à basculer de l’autre côté, comme sur un col alpin. C’était oublier la phénoménale épaisseur de cette immense colonne vertébrale des Andes, ses liens minéraux invisibles, ses résonances astringentes sous le firmament. 4
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Mon phare ausculte la piste et repêche ici ou là de l’obscurité de grands panneaux indicateurs. Le faisceau de ma lampe frontale combat l’instauration d’un monde assoupi. Je me sens plein et abouti comme mon véhicule à deux roues : rien à retrancher ni à rajouter – « just enough essential parts » (acronyme de Jeep signifiant « juste composé des parties essentielles »). La nuit s’installe et efface la matérialité des confins sublunaires, si profondément qu’ il n’y a que pédaler qui fasse sens, ni plus, ni moins… 27 kilomètres d’heures célestes à péter le feu, bouillonnement intransitif et confus, jusqu’à douter de l’existence même du poste frontière. Le ronronnement d’un générateur, puis la vue du baraquement, tout blanc illuminé, fait baisser ma tension. Il est 23 heures.
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Deux gendarmes m’aveuglent de leur puissants projecteurs puis me font entrer, me portent un thé chaud. Pendant qu’ils vérifient mon identité, je dégourdis mes pieds durcis contre une chaufferette à gaz dans ce poste que se partagent Chiliens et Argentins. Cela traîne, mais à ce stade plus rien n’a d’importance. Ils me mettent à disposition un lit dans une chambre chauffée et une douche brûlante : le paradis à 4 020 mètres d’altitude. Le ventre vide, je dévore un salami, de l’ail et des galettes. À une heure du matin, je me laisse choir, ductile, les pieds au même niveau que la tête. Mortellement vivant.
Voyager à vélo nous apprend à nous fondre dans l’esprit d’un lieu, accepter l’indifférence tragique du monde et accueillir la joyeuse simplicité de toute chose. La transe andine Vrillé de fatigue, je quitte ce matin le poste blotti dans une échancrure pour me fracasser à l’envergure andine : la route se hissera jusqu’à 4 354 m. Elle s’étire alors sur son gros dos pendant 63 kilomètres, sans retomber. Un vent impétueux venu du Pacifique me pousse ou me chasse d’un bord à l’autre de la route. C’est comme si je restais en suspension, condamné à ne connaître qu’un éclat de la convexité terrestre, sa bouillante concavité étant réservée aux dieux. Je m’abrite dans le refugio Destapado, rond et construit en pierres et en mortier, un robuste ancrage qui domine à peine la laguna Brava. Je m’accorde une trêve à l’intérieur pour cuisiner un plat chaud et oublier le souffle courroucé qui chambarde jusqu’à tout emporter. Voyager à vélo nous apprend à nous fondre dans l’esprit d’un lieu, accepter l’indifférence tragique du monde et accueillir la joyeuse simplicité de toute chose. L’adversité commande de ralentir encore un peu plus, à fractionner, à parer au plus pressé, à redouter l’illisibilité d’une expiration
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Claude Marthaler Né à Genève en 1960, Claude Marthaler est un cyclonaute passionné devenu conférencier, journaliste et écrivain. Ses deux derniers ouvrages parus font converger ses passions parallèles du voyage à vélo et de la montagne. Avec sa compagne, Claude a acquis récemment une maison dans le Luberon. Ils œuvrent à réaliser des chambres d’hôte, une bibliothèque du vélo, une plateforme de yoga et un camping à prix libre pour les cyclistes dans leur jardin. Bienvenue ! Infos et contact : La Bastide de la Source, Domaine Le Pont, F-84490 St-Saturnin-lès-Apt. www.claudemarthaler.ch cyclonaute@gmail.com
pourtant inéluctable où chacun n’est semblable qu’à lui-même, vulcanisé. Vivre : quitter la terre ferme, dériver sur le même bateau et apprendre à le réparer quand il est au large… Un peu plus loin, l’asphalte se termine sans coup férir. La piste opère un tournant à 180 degrés et longe la laguna Brava d’une blancheur salée et aveuglante, en résonance à la neige éternelle des volcans Veladero (6 436 m) et Pissis (6 792 m). Le vent déchaîné me cingle et m’oblige à marcher arc-bouté ; il me rabat en équerre, la tête presque à hauteur de guidon, le dos parallèle à page 43
Je traîne derrière moi le vide assourdissant de mon absence la puna. Je traîne derrière moi le vide assourdissant de mon absence. Qu’importe mon angle d’incidence, je pousse de mes pieds chancelants le sable et les temps reculés. L’espace se dilate. Un groupe de motards passe, leur leader s’arrête m’offrant même de charger mon vélo sur leur voiture suiveuse, ce que je refuse. Marcher est ma dernière parole, mon inaudible part vivante gravée en lettres de feu – le feu des volcans. Les pilotes redémarrent alors en trombe soulevant de vociférants panaches de poussière.
Voyages sellestes, Les montagnes du monde à deux roues (éditons Glénat, 2020) « Alpes, Andes, Rocheuses, Caucase, Pamirs, Himalaya, j’ai toujours été un grimpeur à deux roues. Pédaler des milliers de kilomètres pour atteindre un massif ne m’effraie pas. Le vélo et la montagne ont fait partie de tous mes voyages, comme si ces deux pratiques n’allaient pas l’une sans l’autre… » Depuis trente ans, Claude Marthaler parcourt le monde sur deux roues. Le vélo est son mode de vie et d’existence, la roue son mode de pensée et d’expression. Il s’intéresse à la bicyclette dans tous ses états, à sa culture sur les cinq continents, au vent des routes. Dans ce livre, le dixième que lui inspirent ses pérégrinations cyclistes, il relate trois voyages où la pente a été plus présente et exigeante que jamais : à travers les Pamirs, au Kirghizistan, Tadjikistan, et en Afghanistan ; vers l’Amnye Machen au Tibet oriental ; et tout le long de la Great Divide dans les montagnes Rocheuses, du Canada à la frontière américano-mexicaine.
Allié au dénivelé et à l’altitude, le vent abrase et relègue le plus valeureux des cyclistes dans sa réclusion solitaire, loin de toute rédemption, la condition même de l’existence. Mon seul salut ? La piste qui vire au bout de treize irréductibles kilomètres. Au lieu-dit de Potezuelo de la Laguna (la porte de la lagune) – miracle – la piste s’enfonce dans un monde soudainement apaisé et rétréci : un canyon aux roches cisaillées. Les Andes s’inversent à présent et me retournent. Mon vélo bondit, je culbute dans leurs ventrailles, elles me possèdent. Une rivière aux munificents méandres
1. Derniers lacets pour parvenir au Passo San Francisco (4 726 m) au-devant du volcan San Francisco (6 016 m) 2. La laguna verde apparaît comme une mer intérieure dominée par de majestueux volcans 3. Baignade dans un bassin alimenté par une source d’eau chaude au bord de la Laguna Verde (4 328 m) 4. L’un des plus hauts cols de la région 5. La discrète approche d’un renard sauvage 6. Descente de l’Abra de Acay (considéré comme le plus haut col routier d’Amérique latine), en direction de San Antonio de los Cobres 7. Montée sur le versant chilien du Passo Picas Negras (4 164 m) 8. Bivouac à l’intérieur du Refugio El Penon (3 600 m)
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se taille une trouée. La vie comme une succession de ruptures qui décompose le monde en cendre, l’ascèse comme une douloureuse tentative de perfectionnement de soi. Courbe et contre-courbe, la véritable force motrice, c’est la patience et la fidélité à soi-même qu’incarne le rio el Peñon sans jamais sortir de son cours. Ce soir, pour me prémunir de la poussière, je plante ma tente à l’intérieur même du refugio El Penon (3 600 m). Une chaleur bienveillante m’invite auprès du dieu Vulcain. La sensation ataraxique d’avoir touché terre.
Descendre encore, pour mieux laisser l’écume des cimes affleurer, les souvenirs remonter des profondeurs avec une extrême netteté. N’at-on donc jamais pris congé des hauteurs ? J’avais contourné l’Ojos del Salado et déposé mes sédiments à son sommet. Voilà que j’étais passé de l’autre côté de la montagne.
CLAUDE MARTHALER
L’appel du volcan (La Salamandre, 2021) Le récit littéraire d’un feu intérieur exposé aux vents de l’aventure.
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Écrivain aventurier, Claude Marthaler côtoie toutes les latitudes à la force des jambes, d’un tour du monde de sept ans à vélo jusqu’à l’ascension à pied récente du plus haut volcan de la planète. Avec sa plume affirmée, il nous partage son feu intérieur qui l’amène à se remettre toujours en selle. Au fil des chapitres, il dévoile les ressorts intimes et secrets qui l’ont poussé sur les chemins de cette errance choisie, notamment un accident de parapente l’ayant contraint à repartir d’une page blanche pour réécrire sa vie. Des milliers de mètres de dénivelé et des bivouacs aux confins du monde lui ont permis, en se perdant, de se trouver soimême et de donner un sens à la vie, à sa vie. Apprendre à accepter l’incertitude est la plus belle leçon délivrée par ce parcours composé d’itinéraires, de paysages et de rencontres aussi improbables que magnifiques.
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BRoL-bas de combat ! Belgian Rock climbing League PABLO RECOURT Tenez-vous prêt(e)s car cette année, le CAB vous dévoile un nouveau projet d’équipe nationale : la BRoL (Belgian Rock climbing League). Elle a l’ambition de promouvoir la performance belge en falaise. Prenez une poignée de bons grimpeurs traînants dans le fond des salles, rassemblez-les autour de leur passion brûlante pour l’escalade en extérieur, donnez-leur le nom d’un groupe de rock et laissez mijoter l’idée durant une petite année : vous obtiendrez ce joyeux cocktail qu’est la BRoL.
En haut : Eline Le Ménestrel En bas : Thomas Salakenos
Sven Lempereur
Notre cher plat pays regorge d’athlètes excellant sur le rocher. Des blocs extrêmes en Suisse aux réglettes ignobles de Freyr, les croix en extérieur émoustillent tout autant que les podiums sur les circuits de compétition. Et bien souvent, la visibilité de ces performances est étroitement liée à celle de l’athlète. C’est une fatalité tristement individualiste. Mais comme tout bon belge sait que l’union fait la force, le CAB a décidé d’unir certains bons grimpeurs esseulés pour cultiver cette excellence sur le rocher. Quoi de mieux pour s’élever que de surfer sur l’émulation d’une équipe ?
Pour cette première édition de BRoL, l’équipe est un joli mélange d’athlètes venant de différents horizons. Thomas Salakenos : Friand de rochers suisses, il aime broyer les pinces et péter les arquées dans des blocs extrêmes. Vous l’avez peut-être aperçu à Magic Wood ou raflant une place de podium lorsqu’il décide d’aller se détendre à une compétition.
Florian Gourgue
Ardennes & Alpes — n°214
Notre cher plat pays regorge d’athlètes excellant sur le rocher. Sven Lempereur : Il est entré dans le petit cercle des nonogradistes belges en enchainant Pornographie à Ceüse il y a un an. Depuis, Sven s’est donné pour mission d’enchainer toutes les voies les plus dures de Belgique. Mais la rumeur raconte qu’il commence aussi à être attiré par les grandes voies. Loïc Debry : Grimpeur ultra polyvalent, il a récemment enchainé le potentiel premier 9a de Freyr avec Shogun. Mais ça ne l’a pas empêché de libérer son premier 8b bloc à Bleau et d’accomplir l’intégrale de Peuterey en alpinisme dans la même année. Aux dernières nouvelles, il s’essayait au deux roues en partant pour une traversée de l’Afrique à bicyclette. Eline Le Ménestrel : Grimpeuse dans l’âme, musicienne dans le cœur et activiste dans la tête, elle a plus d’un tour dans ses chaussons. Elle revient d’une longue blessure à la cheville, plus forte et motivée que jamais pour montrer à ses amis français ce que c’est d’être belge. Florian Gourgue : Ouvreur talentueux pour les athlètes belges (les autres, ceux qui font de la compétition), il sait où puiser la vraie inspiration. S’il n’est pas en train d’ouvrir au Camp de Base, vous le retrouverez sur le rocher, à Freyr ou ailleurs. Pablo Recourt : Grimpeur aux grandes valeurs environnementales, il aime aussi se promener à bicyclette. Il revient d’un voyage de 6 mois, durant lequel il a parcouru la France à vélo à la recherche du plus beau 8a du pays.
David Leduc
Loïc Debry
David Leduc : Gardien de Freyr recyclé en coach BRoL, il sera notre ange gardien durant le projet. Il adore aussi les coinceurs et les pitons rouillés sur du rocher péteux. Il parait qu’il lui manque à peine une poignée de voies à faire à Freyr. Légendaire.
Cette variété de profil est une véritable force et une motivation pour chacun des membres. Même si pour être honnête, cette diversité a dans un premier temps rajouté son grain de poivre pour trouver une direction commune au projet. Mais comme on aime le challenge, on s’est tous rassemblés lors d’un weekend à Fontainebleau en octobre et, après de nombreuses discussions et beaucoup d’escalade, la BRoL a réussi à mettre en lumière les deux objectifs principaux du projet. Premièrement, cette équipe crée un espace pour stimuler la performance personnelle de chacun en mettant en commun nos forces et nos expériences. Elle vise à créer un bouillon de motivation. Mais ce n’est pas tout, car un gros projet commun est aussi en cours de construction. Affaire à suivre. D’ici là, afin de se préparer et de créer une cohésion d’équipe, nous nous rassemblons au moins une fois par mois pour une séance spécifique : équipement en falaise, coaching mobilité, leçon de gainage, aussi des sorties pour simplement grimper et échanger ensemble. Le projet en est à ses prémices mais nous pouvons déjà vous annoncer que la première expédition est planifiée. Merci au CAB d’avoir fait naitre ce(tte) BRoL et à très vite pour la suite des aventures !
PABLO RECOURT
Pablo Recourt
Compétitions Retour sur l’année écoulée STÉPHANIE GREVESSE 2022 a marqué le grand retour à un calendrier « normal » des compétitions d’escalade avec, en point d’orgue, le championnat d’Europe à Munich (GER). Organisé selon le nouveau format du combiné olympique 1, il représentait l’objectif de l’année. Parmi les athlètes de la Belgian Climbing Team (BCT), Nicolas Collin, Simon Lorenzi, Hannes Van Duysen et Chloé Caulier ont eu l’occasion de s’y essayer. C’est surtout notre Chloé 1 - D’une part, le bloc et le lead et, de l’autre, la vitesse.
Le point de vue de Tijl Smitz, directeur sportif 2022 était une année charnière avec effectivement de beaux résultats aux World Games, une belle expérience à Munich et de l’espoir pour le futur au vu des résultats à Dallas. Mais 2022 fait aussi figure d’avertissement. Malgré les beaux résultats, nous avons senti et constaté qu’il reste beaucoup de boulot si nous voulons vraiment arriver à faire des résultats aux J.O., au niveau supérieur. Nos jeunes ont encore un long chemin à faire. Globalement, nous constatons un écart significatif entre le niveau belge et le niveau international et, au niveau mondial senior, il reste difficile d’être performant tout au long de la saison. La concurrence est devenue rude et il va falloir coopérer au mieux en Belgique, entre fédérations et avec tous nos cercles, si l’on veut vraiment réaliser les rêves de nos athlètes, aussi bien ceux qui sont déjà au top maintenant que les enfants qui sont inspirés par nos stars actuelles. Nous avons les outils, avec le centre d’entrainement à Loverval, et nous avons l’expérience nécessaire. Si nous nous mettons tous derrière ce même objectif, il est vraiment possible d’arriver et de rester au top pour de nombreuses années. 2022 peut être l’année qui a déclenché tout cela et je suis impatient d’en voir la réalisation.
Chloé Caulier, Munich (GER) 2022
nationale qui a pu le savourer : en se hissant à la 4e place des finales en bloc, elle a pu faire partie des 8 heureuses élues du combiné. Durant l’été, ce sont les World Games à Birmingham, en Alabama (USA) qui ont créé la ou plutôt les surprises. Initialement sélectionnés pour une seule discipline – elle le bloc et lui le lead, Chloé Caulier et Nicolas Collin ont pu participer dans les deux disciplines, suite à des blessures et autres problèmes de visa de grimpeurs sélectionnés. Et c’est là que la magie a opéré… Sorti 6e des qualifications de bloc, Nicolas Collin s’est hissé en finale pour y décrocher la médaille d’or : il s’est imposé devant les Japonais Kokoro Fujii, champion du monde, et Yoshiyuki Ogata, médaille d’or aux Jeux mondiaux de 2017, en atteignant 4 tops en 6 tentatives et 4 zones en 4 tentatives. « J’ai abordé la compétition de bloc de façon vraiment cool, c’était du bonus. Je l’ai fait sérieusement, mais je n’avais pas d’attentes en termes de résultats sur cette compétition-là. En finale, je n’ai pas vraiment ressenti de stress, c’était vraiment de l’amusement pour moi. Au fur-et-à-mesure, je voyais que ça sentait quand même très bon pour faire un médaille, puis très bon pour gagner. Donc, effectivement quand je sais avant de démarrer dans le dernier bloc que si je le fais du premier coup, je gagne la compétition, il y a un certain stress, mais c’était plus de l’excitation qu’un stress négatif. Avec l’expérience, je sais qu’il faut se concentrer uniquement sur l’escalade et pas sur le résultat et, en démarrant, je savais que le bloc me convenait et que j’avais la capacité de le faire. J’ai débranché mon cerveau et je l’ai réalisé comme je l’avais vu à la lecture et ça s’est passé nickel. Gros coup d’émotion, étonnement, j’étais super heureux de remporter cette compétition. » Nicolas termine 6e en lead, Hannes 7e en bloc et Chloé 8e en lead et en bloc. Le championnat du monde des jeunes en septembre à Dallas (USA) a vu, une nouvelle fois, le sacre de Hannes Van Duysens (KBF) comme champion du monde de bloc (catégorie junior). L’ambition du jeune Flamand de participer aux
© 20 22 IFSC
J.O. 2024 et 2028 semble en bonne voie ! Cette compétition a aussi révélé Corentin Laporte en tant qu’espoir de la BCT : le jeune Bruxellois de 15 ans a en effet terminé 8e de sa catégorie (jeunes B) en bloc et 13e en lead. « Participer au championnat du monde, j’en rêvais depuis que j’étais tout petit. Au début je disais ça plus pour rire mais au fur à mesure des années qui passaient, j’ai vu que mon rêve pouvait se réaliser. J’ai donc investi de plus en plus de mon temps personnel dans l’escalade. » dit Corentin avant de poursuivre : « En arrivant sur place je me sentais différent. J’ai commencé à me poser plein de questions : Est-ce que j’ai vraiment ma place ici ? Est-ce que je vais assurer ? Et c’est dans ces moments-là de doute que je me suis rendu compte que l’équipe nationale belge était là pour nous aider, pour nous soutenir, nous encourager. En démarrant les qualifications, le ton était donné et le stress était très présent. Je pense même que c’était la première fois que j’étais autant stressé. À la fin de mes qualifications, j’étais fort déçu de mon résultat, même si j’étais qualifié, et du fait que le stress avait ruiné ma grimpe. Donc mon moral n’était pas au plus haut. Mais je devais rester focus sur les demi-finales. En partant en demi-finale, je me suis mis comme objectif de grimper sans stress et sans me mettre la pression ;
Sous la loupe La saison de ski-alpi 2022-23 STÉPHANIE GREVESSE La neige est tombée dans les Alpes et c’est depuis Saas Fee (SUI), où il s’entraîne, que Maximilien Drion nous a dévoilé le calendrier de sa saison de ski-alpinisme.
De novembre à avril, le jeune athlète belge participera à une bonne vingtaine de compétitions. Sept manches de coupe du monde sont au programme : après le sprint fin novembre à Val Thorens (FRA) et mi-décembre à Pontedilegno (ITA), où il participe aussi à l’individuelle, il débutera l’année 2023 en s’engageant dans les trois disciplines (verticale, sprint et individuelle) à Morgins (SUI) et aux courses individuelle et verticale à La Massana (AND). Le 4 février a lieu le championnat de Belgique individuel à Torgon (SUI), en marge du championnat de Suisse. Si d’autres compatriotes comme
tout simplement en faisant du mieux que je pouvais. Je pense vraiment que c’est grâce à ça que j’ai pu grimper si bien en demi-finale. » Lucie Watillon s’est quant à elle hissée à la 9e place en bloc. De magnifiques prestations qui démontrent combien il est important de mettre l’accent sur l’entrainement des jeunes au sein de la BCT. On relèvera comme nouveauté cette année l’importance que revêtent les coupes d’Europe dans l’évolution des jeunes athlètes. Elles marquent en effet la transition entre les compétitions jeunes nationales et mondiales. Au nombre de huit cette année, elles on permis à plusieurs de nos jeunes de goûter aux compétitions internationales et d’y exprimer leur potentiel (voir les principaux résultats dans le tableau). Dans ce contexte, nous sommes heureux d’annoncer qu’une manche de la coupe d’Europe pour les jeunes se déroulera les 27 et 28 mai 2023 à Loverval, dans les nouvelles infrastructures du centre ADEPS.
STÉPHANIE GREVESSE
Gauthier Masset et Jérôme Vanderschaeghe devraient y être présents, Maximilien invite tous les Belges qui font du ski de rando à y participer. Après la manche de coupe du monde en individuelle et en sprint à Val Martello (ITA) mi-février, Maximilien affrontera son objectif de la saison : les championnats du monde à Boí Taüll dans les Pyrénées espagnoles (fin février-début mars), où il espère réaliser un top 10 dans les 3 disciplines. La saison se poursuivra en mars par la coupe du monde en sprint et verticale à Schladming (AUT) et les championnats du monde Longue Distance par équipes à Pontedilegno avec Gauthier Masset. Elle passera ensuite mi-avril par Tromso (NOR) pour la dernière manche de la coupe du monde (dans les trois disciplines) et se terminera le 22 avril par le Trofeo Mezzalama (ITA), une course à très haute altitude (+ de 4 000 m) à la frontière italo-suisse, par équipe de 3. Les coéquipiers restent à définir. Les compétitions de Val Thvorens, Boí Taüll et Tromso proposent aussi une course en relai mixte. Maximilien en appelle aux skieuses belges qui seraient intéressées d’y participer avec lui. À bon entendeuses…
STÉPHANIE GREVESSE page 49
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