Ardennes & Alpes n°220

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#220 / 2e trimestre 2024
Ardennes Alpes

Ardennes & Alpes — n°220

édito

À l’occasion du CAB’aret 2023, Jean Bourgeois me disait que l’alpinisme d’aujourd’hui n’est pas le même que celui qu’il a pratiqué. Bien qu’il apprécie ce qu’il voit, il me disait « Ce n’est pas le même sport ».

En lisant ce qui suit, on peut se rendre compte que nos sports évoluent et deviennent de plus en plus populaires.

À l’ère des grandes découvertes, l’ascension du Mont

Aiguille, jadis appelé « mont inaccessible », par Antoine de Ville sur ordre du roi Charles VIII en 1492 à l’aide d’échelles est considérée comme le début de l’alpinisme.

Le terme « escalade » est d’ailleurs une évolution du mot « échelade ».

Il aura fallu attendre 342 ans pour qu’une seconde ascension y ait lieu.

Aujourd’hui, la voie normale (3c) se parcourt en baskets par quiconque souhaite effectuer une journée d’escalade dans le Vercors.

Le 29 mai 1953, Edmund Hillary et Tensing Norgay parviennent au sommet de l’Everest.

Aujourd’hui les files de touristes s’accumulent à 8 000 m d’altitude sur l’Everest ; parmi eux se trouvait hier encore l’influenceur Inoxtag.

Ce qui était un exploit hier devient accessible à tout un chacun.

Doit-on s’en réjouir ou au contraire s’en méfier ?

Notre rôle se situe sûrement entre les deux.

La présence de l’escalade aux Jeux Olympiques aura sûrement un effet encore inconnu sur notre fédération.

Le monde est en perpétuel changement, notre fédération est là pour accompagner ceux sur lesquels nous avons une responsabilité ou une influence.

Pour ce premier édito de la revue Ardennes & Alpes signée de ma main, je tenais à remercier Didier Marchal de m’avoir transmis sa place après 10 ans de présidence du Conseil d’administration de notre fédération.

Je souhaite également vous remercier vous !

Vous qui donnez tout ce que vous avez pour faire rayonner nos sports à l’international.

Vous aussi qui faites découvrir nos sports à vos collègues et amis.

Ou encore vous qui pratiquez pour vous maintenir en forme.

Vous qui faites vivre l’alpinisme, l’escalade ou la randonnée et leurs valeurs dans votre quotidien !

Être membre d’une fédération sportive, c’est tout ça. C’est à la fois des sportifs de haut niveau, des passionnés et des sportifs occasionnels.

Nous (le Conseil d’administration et l’équipe professionnelle) allons travailler dans les mois qui viennent à élaborer la stratégie guidant nos activités pour la prochaine olympiade (2025-2029). En faisant ce travail, nous penserons à tous les « Vous ».

Quelques mots sur l’A&A que vous avez entre les mains :

Nous y retrouvons un dossier consacré à l’aventure « Paralpine » de Guillaume Funck. Il s’agit d’une traversée « collaborative » des Alpes en parapente et alpinisme.

Un article sur le dernier stage de la BRCT en Allemagne, à Ettringen. L’occasion de s’essayer pour certain.e.s ou de se perfectionner pour d’autres à la grimpe en fissure et sur coinceurs.

Nous soutenons le projet « VALE M la montagne » : c'est l’aventure féminine de Valentine, une jeune fille de 12 ans polyhandicapée et rêvant de sommets et de montagne.

Enfin, nous découvrirons comment Maximilien Drion se prépare mentalement avant ses compétitons ou comment Sébastien Berthe s’est lancé dans la voie trad la plus difficile du monde.

Bonne lecture !

Eline dans « Gelbe Mauer » sur la Cima Piccola (Dolomites)

RÊVE BLANC

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Un « Rêve blanc ». Encore une idée à la con. Après un voyage à vélo hivernal en Laponie, je rêve d’y retourner. Cette région m’obsède, le blanc, l’immensité, les ciels. Cette fois, j’aimerais quitter les routes, me confronter aux montagnes, tirer deux traits dans la neige, dans l’immaculé.

Peten © 2023

Agnès

LA PARALPINE

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La première fois que j’ai fait de l’alpinisme j’avais 13 ans. Je ne me rendais pas bien compte de la chance que j’avais de goûter à ce monde que beaucoup découvrent tard, ou jamais, surtout quand on vient du plat pays.

PUMP UP THE JAM

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Emile Pino © 2024

Lisa Reinhard © 2024

En ce début de printemps, le soleil brille, les oiseaux chantent et les rochers du Namurois sont secs : c’est la saison falaise qui reprend ! C’est faux, car la météo belge n’est bien évidemment pas aussi idyllique. C’est donc en Allemagne, plus précisément à Ettringen (au sud de Cologne) que la Belgian Rock Climbing Team se réfugie le temps d’un long week-end.

VALE M LA MONTAGNE !

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Notre projet a pris naissance au cœur de la montagne, lors d’un trek entre amies. [...] Et puis, l’idée a germé… et si nous emmenions Valentine, jeune fille de 12 ans ayant un polyhandicap, avec nous en montagne pour lui ouvrir le champ des possibles ?

Sommaire

3 Édito

5 Règles pour la pratique de la highline

7 Baguage des rapaces

— sur les rochers belges

9 Les années folles de la Haute Meuse

— Des premiers bivouacs aux escalades au long cours

14 Rêve blanc

— Expédition dans les « alpes » suédoises

18 La Paralpine

— Une traversée des Alpes en parapente et alpinisme

28 Préparation mentale

— L’un des piliers qui m’aident à performer

31 Pump up the Jam

— Dauber en fissure avec la BRCT

37 Des PFAS dans mes vêtements outdoor ?

40 LIRE | Un grand blanc sur la carte

— Une mémorable exploration du Karakoram

40 LIRE | Ma voie

— De la Résistance au grand alpinisme

42 VALE M la montagne !

— Un projet de l’association Itinéraire des Possibles

49 Destination Finale

— Grimpe, vélo et focaccia avec vue sur mer

Ardennes & Alpes — n°220

Règles pour la pratique de la highline

L’activité de highline est de plus en plus populaire et le nombre de pratiquants grandit. Freyr est un des sites belges les plus attractifs et attire aussi des highliners des pays voisins (France, Allemagne et Pays-Bas). Du fait de l’augmentation du nombre de pratiquants, l’activité peut avoir un impact très important sur la végétation des pelouses sommitales qui sont un milieu fragile et protégé. Cet impact est le fait du piétinement par les personnes pendant l’installation et l’attente.

De façon générale, pour installer une highline, il faut s’écarter des sentiers autorisés et accéder à des endroits non autorisés par le Code forestier, il faut donc au préalable obtenir une autorisation spécifique qui ne sera accordée qu’après examen des impacts probables, notamment sur l’habitat sensible des pelouses sommitales. Sans cette autorisation spécifique, vous risquez de vous faire verbaliser et de devoir payer une amende individuelle (qui peut monter à quelques centaines d’euros, voire plus en cas d’équipement sans autorisation), comme cela a déjà été le cas.

L’activité de highline se pratique sur un massif d’escalade qui le plus souvent fait partie d’un site Natura 2000 et parfois d’un site classé. Le respect général de la quiétude du lieu fait partie des conditions du permis d’environnement : pas d’attroupement, pas de feu, pas de moyens de diffusion musicale, etc. Comme il s’agit d’un site d’escalade, il faut également veiller à une bonne cohabitation avec les grimpeurs et ne rien porter qui puisse tomber sur eux.

Seules 10 highlines sont actuellement autorisées sur les sites d’escalade gérés par le CAB et la KBF (voir encadré). Tout nouveau projet de highline doit être d’abord soumis aux gestionnaires des massifs (CAB ou KBF) avant d’être réalisé. Tout projet de highline sur un autre massif (d’escalade) doit être d’abord soumis au gestionnaire de ce massif.

Règles

1. Être membre du CAB/KBF ou d’une fédération membre de l’UIAA (FFCAM, FFME, NKBV, DAV, etc.). Pas seulement pour l’assurance, mais aussi parce que les massifs d’escalade sont loués par le CAB ou la KBF au propriétaire et le montant du loyer est supporté uniquement par les cotisations des membres.

2. PAS de radio ou autre moyen de diffusion de musique : règle stricte du DNF (Département Nature et Forêts) dans les sites Natura 2000.

3. PAS de tente, ni bivouac, ni feu (à l’exception du bivouac à Freyr où les tentes ne peuvent être montées que pour la nuit après 18 h et doivent être démontées chaque matin au plus tard à 10 h).

4. Ne laisser aucun déchet derrière soi, ramener tout à la maison.

5. Limiter au maximum le piétinement de la végétation sur les pelouses sommitales.

6. PAS de « Perma-Rig » ni de highline qui reste en place plus de 3 jours sans autorisation spécifique du gestionnaire du massif.

Ci-dessus et page suivante : Démonstration de Highline lors du CAB’aret 2023

Liste des 10 highlines autorisées sur les massifs CAB et KBF (janvier 2024)

Grands Malades :

1. Entre la fin de la via ferrata et l’extrémité W de la grande muraille : 1 seule ligne (25 m). Les ancrages spécifiques pour la highline sont marqués en rouge.

Frey :

2. Entre la Jeunesse et Louis Philippe : 3 lignes maximum (30 m)

3. Entre 5 Ânes et Mérinos : 6 lignes maximum (50 m – 60 m).

Accès aux 5 Ânes UNIQUEMENT pour l’installation (bien rester sur le sentier avec les marques jaunes). Accès et zone d’attente sur le Mérinos.

4. Entre le Gruyère et l’Al Lègne : 5 lignes maximum (100 m – 150 m).

5. Entre l’Al Lègne et la crête du point de vue : 2 lignes (330 m et 350 m).

Accès à la crête du point de vue UNIQUEMENT pour l’installation, accès et zone attente à l’Al Lègne.

6. Entre l’Al Lègne et le Pape : 2 lignes maximum (70 m).

INTERDIT du 1er janvier au 30 juin en raison de la nidification. Pour la période de juillet à décembre : à confirmer en juin 2024 après évaluation des dégradations à la pelouse sommitale du Pape. Si autorisé, accès au sommet du Pape UNIQUEMENT pour l’installation, accès et zone d’attente sur l’Al Lègne.

Pepinster :

7. Entre les deux côtés de la carrière : actuellement 1 seule ligne (50 m)

Massifs KBF

8. Maizeret : 4 lignes (50 m, 60 m, 80 m et 135 m)

9. Spontin : INTERDIT du 1er février au 1er juin en raison de la nidification du grand-duc. 10 lignes maximum (50 – 100 m)

10.Flône : ATTENTION également possibilité de fermeture pour nidification. Entre les deux côtés de la carrière : 2 lignes (90 m et 100 m).

Woluwé-Saint-Lambert (Métro 1 arrêts Kraainem et Alma, Bus 42, 76, 77, 79, E12, 316, parkings vélos et voitures)

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Baguage des rapaces

sur les rochers belges

Les falaises sont des milieux naturels qui hébergent une faune et une flore caractéristiques : les véritables habitants des falaises.

Chaque printemps, des oiseaux y nichent et y pondent leurs œufs. Les deux principales espèces d’oiseaux qui nichent dans les rochers en dehors des choucas et pigeons sont les hiboux grands-ducs et les faucons pèlerins. Ces deux rapaces avaient quasiment disparu de Belgique dans les années 70, mais avec les mesures de protection, ils sont maintenant à nouveau bien établis chez nous. Le CAB, avec ses partenaires ornithologues, participe au suivi et à la protection de ces espèces.

1. Observation et identification

En février et mars, les oiseaux repèrent un emplacement où pondre leurs œufs. Certains couples utilisent différents emplacements depuis de nombreuses années et s’installent à un endroit précis par saison en fonction de la situation du moment (concurrence intra- ou interspécifique, fréquentation, etc.). À cette période de l’année, il faut donc observer l’accouplement et deviner l’emplacement du nid. En pratique, cela demande de « balayer » les falaises aux jumelles ou de scruter à la longue-vue.

2. « Fermeture » des voies d’escalade

Les oiseaux sont sensibles au dérangement pendant la nidification. L’oiseau parent quitte le nid dès qu’on l’approche, les œufs ne sont donc plus couvés, ils risquent de prendre froid et de ne pas éclore. Certains oiseaux ne reviennent plus au nid et la reproduction est donc ratée. La durée de couvaison dure environ 1 mois avant l’éclosion des œufs. Les jeunes oisillons peuvent être perturbés par la proximité humaine et tomber du nid. Pour éviter cela dès qu’une nidification est suspectée, surtout pour les nids habituels, les voies d’escalade autour des nids doivent être fermées (c’est aussi une obligation du permis d’environnement) et l’escalade y est donc interdite pendant plusieurs semaines (environ 3 à 4 par an). Le CAB met des affiches informatives indiquant les itinéraires fermés au pied des voies concernées et place de la rubalise rouge-blanche dans le premier ancrage.

3. Baguage

Quand les jeunes sont suffisamment développés, mais avant d’être prêts à l’envol (environ 2 à 3 semaines après l’éclosion des œufs), un bagueur certifié par l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique (IRSNB) vient sur place pour baguer les jeunes oisillons. Si l’accès au nid est difficile, il fait appel à un membre de l’équipe rochers du CAB qui accède au nid et apporte les jeunes au bagueur. Le bagueur leur met une « bague » à la patte, qui permet leur suivi (et indirectement leur protection). Il mesure leur longueur alaire et leur poids, il prend quelques plumes de duvet pour une éventuelle analyse ADN, il détermine le sexe de l’oiseau et détecte d’éventuelles anomalies. On observe, dans le nid, le menu du rapace (rongeurs, pigeons, hérissons, etc.). Les voies d’escalade sont ensuite réouvertes dès l’envol des jeunes (environ 6 semaines après l’éclosion).

Découverte d’un nid

Si, en escaladant, vous trouvez un nid (œufs, jeunes), veuillez terminer votre voie le plus vite possible et communiquer aux grimpeurs.euses aux alentours de ne plus grimper les voies proches du nid. Communiquez les informations (localisation, secteur, voie, couleur des œufs, type d’oiseau, etc.) au gestionnaire du site (CAB, KBF, UBS).

Respect des interdictions

Ne grimpez pas dans les voies fermées pendant la période indiquée, jusqu’au retrait de l’affichage sur place. Si vous voyez d’autres grimpeurs qui ne respectent pas les indications, n’hésitez pas à les

interpeller et à le signaler au gestionnaire du site. D’habitude, les voies sont fermées de fin février à fin juin. Les agents du DNF (Département de la Nature et des Forêts) peuvent également intervenir et verbaliser en cas d’approche du nid des espèces protégées.

Espèces

Différentes espèces nichent dans les rochers en Belgique. En plus du Faucon pèlerin et duHibou grand-duc, la Chouette hulotte, le Chouca des tours, le Faucon crécerelle, le Pigeon colombin, la Bernache du Canada (espèce invasive), etc. nichent aussi sur les rochers. Certaines espèces ne nécessitent pas la fermeture d’une zone étendue autour des voies, mais la discrétion s’impose en passant à proximité du nid.

Bénévoles impliqués dans le suivi des oiseaux

Pascal Goset est le bagueur scientifique pour les grands rapaces avec qui l’équipe rochers du CAB collabore depuis 2016. Il fait le baguage sur les différents sites rocheux en Wallonie et s’occupe également du suivi de centaines de nids d’espèces variées. Philippe Lacroix, alias Bibiche, reste un éternel allié dans le repérage et le suivi des nidifications, ainsi que Pierre Mossoux (Natagora) dans la région de Dinant. En 2024, l’équipe rochers a aidé sur une vingtaine d’emplacements et a donc été le premier contact humain pour une quarantaine de jeunes fauconneaux et grands-ducs, ainsi que pour quelques jeunes de Grand Corbeau nichant dans les cimes d’arbres.

L’Ouelette – 1930

Les années folles de la Haute Meuse

Des premiers bivouacs aux escalades au long cours

BERNARD MARNETTE

Notre récit commence par une histoire de bivouac, de bivouac dans les parois de la Haute Meuse.

Au début de l’escalade dans nos rochers, c’est-à-dire dans les années 1920-1930, les hauts massifs de la Meuse étaient relativement difficiles d’accès. Ils nécessitaient une certaine approche pourrait-on dire. Une approche modeste, certes, mais une approche quand même.

Par exemple, on accédait aux rochers de Freyr par le bac de Waulsort. À l’origine, les rochers de Freyr étaient d’ailleurs considérés comme faisant partie de ceux de Waulsort.

L’accès se faisait souvent en train avec approche à pied depuis la gare d’Anseremme ou de Waulsort.

À l’époque de « l’Âge d’or », l’escalade dans les rochers de Haute Meuse était donc « une entreprise » ! Il faut également ajouter que les rochers n’étaient pas équipés… et qu’il n’y avait pas de café à la sortie des voies !

Pour grimper, il fallait donc prendre de quoi équiper son escalade et se nourrir pendant une journée au moins. Il fallait prendre son temps pour grimper à cette glorieuse époque. Ainsi, certains grimpeurs ont pris le temps de s’installer dans les parois, la gamelle et le réchaud faisant partie du voyage et bien souvent aussi la tente et le matériel de bivouac.

En effet, selon les goûts, on allait camper sur le plateau ou bivouaquer dans les grottes, si nombreuses dans nos rochers calcaires.

Plus tard, jusque dans les années 1970-1980, il y eut aussi les nombreuses nuits passées au refuge Duchesne ou dans les granges des fermes de Falmignoul. Par la suite, l’accroissement du nombre d’automobiles réduira les week-ends à Freyr, les nuits sur le plateau et les petits cafés du matin au « Chamonix ».

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Belge ©

Club Alpin

Claude Barbier en artif et toujours « en grosses » dans la paroi de l’Al Légne

À l’époque glorieuse, si on explorait les falaises, on découvrait aussi les grottes de bivouac. Certains y prenaient quartier comme Jean Lecomte qui avait aménagé la grande cavité de la Roche Al’Rue, en face de Freyr. Cette grotte contenait tout le luxe nécessaire : plancher, armoire de rangement, matelas… Un petit hôtel luxueux à l’abri dans la falaise. Pour y accéder, Jean avait équipé une petite voie d’une quinzaine de mètres de haut (un autre accès possible s’effectuait en rappel par une grotte supérieure sur la droite de la paroi). Le bivouac Lecomte était bien connu par les grimpeurs des années 1930 et, comme on s’en doute, il leur était réservé. Pour l’anecdote, l’accès le plus court à l’Al’Rue depuis Freyr était de traverser la Meuse à la nage. Plusieurs l’ont fait !

C’était une spécialité de René Mallieux.

Un second âge d’or du « bivouac en paroi » dans nos falaises sera imposé par la guerre.

Cette grotte contenait tout le luxe nécessaire : plancher, armoire de rangement, matelas… Un petit hôtel luxueux à l’abri dans la falaise.

Le camping étant interdit pendant l’occupation, les grimpeurs de l’époque se cachaient pour passer la nuit discrètement dans les parois. C’est ainsi que l’on bivouaquait volontiers au Trou de la Jeunesse, sous l’auvent des Autours, sur la vire centrale du Mérinos, par exemple. Cette dernière allait d’ailleurs être baptisée d’un fait de guerre. Un souvenir rocambolesque appartenant à Jean Lecomte et René Mallieux qui laissèrent tomber une casserole lors d’un bivouac sur la vire (au niveau du renfoncement où démarre la voie de la « Casserole »).

Ce fait aurait été anecdotique si les Allemands n’avaient été postés au château de Freyr. Le vacarme fait par la casserole a déclenché l’alerte, heureusement, ce fut sans conséquence pour les grimpeurs. Depuis, ce replat porte le nom de « Vire de la casserole ». À propos de toponymie, on mentionnera aussi que, plus bas sur la Meuse le « Massif du Bivouac » dans les rochers de Dave tient aussi son nom d’un aménagement fait par les grimpeurs dans les rochers.

Il y a aussi des bivouacs improvisés dont les auteurs préfèrent rester anonymes. Jean Bourgeois se rappelle les années 60 où les derniers grimpeurs, avant de quitter Freyr, le soir venu, allaient jeter un dernier coup d’œil depuis le point de vue afin de voir si nul ne se trouvait dans les falaises.

Le troisième âge d’or du bivouac dans les parois de la Haute Meuse est marqué du sceau de l’aventure. Il correspond à une page importante de l’exploration de nos rochers, celle de l’escalade artificielle.

Durant les années 50, l’exploration des falaises se faisait généralement du bas (parfois après un nettoyage du haut) avec pour seul moyen de progression « le piton ».

Le temps d’ouverture était souvent bien long et nécessitait de nombreuses séances. Certaines voies d’artif cependant étaient « finies » ou même entièrement gravies après de longues heures d’escalade continues. Certaines d’entre elles nécessitèrent un bivouac en paroi.

Il faut se remettre dans le bain de l’époque et dans l’esprit de ces voies au long cours. Il fallait de la tech-

nique et le matériel adéquat. Guy Richard mentionne1 pour le passage clé de la « Marguerite » (une voie de la Roche Al’Lègne) : « Cette voie est momentanément négligée faute d’un volontaire pour remettre un clou manquant dans la traversée. Sa pause constitue un pas d’A3 très bien assuré : planter un as de cœur dans une ride verticale puis coupler avec une cale de bois un petit cassin légèrement déversé dans un trou. Récupérer l’as de cœur. (Il serait facile de sceller une broche en rappel en partant du 2e relais de l’Al Lègne.) »

Les manœuvres de corde étaient parfois bien complexes et Guy Richard de poursuivre : « Dans la deuxième longueur, le leader démousquetonnera derrière lui les deux premiers clous de la grande fissure pour pouvoir assurer le second en oblique. Le second se munira d’une cordelette pour démousquetonner facilement le dernier clou d’assurance de la traversée. Le clou planté très bas à gauche sert uniquement de prise de pied. »

L’ensemble du matériel nécessaire était souvent volumineux ainsi, pour la voie du « Z »2 : « Prévoir 2 ou 3 coins et une vingtaine de petites chevilles de bois, 20 pitons normaux, 20 pitons cornières, 10 moyens, 10 courts épais (genre petit Cassin), 35 mousquetons, 3 étriers par personne, corde de 60 mètres + montecharge utile (60 mètres), 1 planche relais. Prévoir à 5 gollots suivant la qualité du rocher. » La « première » a demandé plusieurs séances totalisant 30 heures. Voici qui laisse rêveur le grimpeur d’aujourd’hui !

« Si rotche là, on direu vrainmain les couilles du Pape »

ANONYME

Le matériel comprenait parfois des gollots que l’on devait placer dans un trou préalablement foré au tamponnoir à la force du poignet. Cela nécessitait une grande patience dans la progression. Ainsi, le pilier Davaille haut de 40 mètres (pour un surplomb de 12) a nécessité 38 heures effectives en deux week-end de « travail ».

D’autres grimpeurs, plus décidés, partaient du bas sans jamais redescendre avant d’atteindre le sommet. Ainsi, plusieurs grandes classiques de Freyr seront ouvertes d’une traite. Un jeu d’engagement dont les deux spécialistes en Belgique seront Jean Alzetta et Jean Bourgeois.

1 - Paris-Chamonix, février 1964

2 - Paris Chamonix – octobre 1959

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La paroi clé de cette épopée sera la paroi du Pape. De 1956 à 1960, plusieurs voies d’envergure y seront ouvertes, soit totalement, soit partiellement en artif. Cette paroi de par sa hauteur de près de 100 mètres, de par sa morphologie verticale et la consistance de sa roche dolomitique contenait tous les ingrédients pour motiver des aventures dignes de certaines petites parois alpestres.

Rappelons cependant que la première voie ouverte dans cette face date des années 1930. Elle sera réalisée par Camille Fontaine et deux compagnons au rythme d’une symphonie émanant d’une radio branchée « Au Zénith », au pied de la paroi, appartenant à un ami des grimpeurs. Il faut dire que « le Pape » a une histoire alpine originale ! Cette paroi ne doit-

Carte postale du Rocher du Lion à Waulsort – 1913

elle pas son nom au chauffeur de Marcel Nicaise qui s’était exprimé en bon wallon : « Si rotche là, on direu vrainmain les couilles du Pape ». Le nom du rocher était trouvé. Camille Fontaine avait déjà dégoté avec peine des compagnons de cordée tant il avait dû nettoyer péniblement la paroi avant de tenter l’ascension, qui elle-même se révéla difficile.

Ce n’est qu’en 1956 qu’un nouvel itinéraire va voir le jour à l’initiative d’un couple de Parisiens bien connus (Brigitte Robail et René Gervais) : ce sera « Les Tourtereaux ». L’année suivante, Jean Alzetta et Pierre de Radzitzky répètent la voie après 10 heures d’efforts et ils en ouvrent une autre qu’ils dédient au grimpeur autrichien Hermann Buhl. Une voie plus en libre que « Les Tourtereaux » (voie ouverte avec trente-cinq pitons et coins de bois) mais nécessitant elle aussi plus de 10 heures d’efforts.

Cette voie, rapidement répétée par une forte cordée parisienne (Simon Fiegelson et Emile Troksiar) deviendra vite une classique.

Mais, la grande année du Pape sera l’année 1959 ! Plusieurs voies de très haute difficulté y seront ouvertes, parfois avec bivouac. Ce sont des voies

Refusant le bivouac, ils redescendent dans la nuit noire. Mal leur en prit… ils coincent leur corde.

d’escalade artificielle demandant un grand sens du pitonnage… et du dépitonnage. Elles restent en effet peu équipées, ce qui demande pratiquement autant de peine aux répétiteurs qu’aux ouvreurs.

Les notes techniques laissées à l’époque témoignent de l’aspect aventureux de ces entreprises.

Ainsi, rien que pour l’année 1959 :

• le Pilier Davaille a déjà été évoqué ;

• la « Voie du Z » située juste à côté n’a rien à lui envier au niveau de sa difficulté, ouverte en 8 séances par André Focquet et Daniel Huygens. Certaines répétitions nécessiteront des bivouacs dont la seconde et premier parcours intégral réalisé par Jean Alzetta et Guy Donnée en 23 heures 15 effectives ;

• la Physique solaire, voie extrêmement difficile en escalade artificielle, ouverte par Jean Bourgeois et Claude Burlot en 22 heures (avec bivouac sur escarpolette)3

À la suite de ces ascensions, Jean Alzetta ouvrira encore la « Marie-Françoise » avec le Parisien Rémi de Vivie, une voie certes moins importante ou l’escalade libre est prédominante.

On peut ajouter à cette liste de premières ascensions les nombreuses répétitions de voies déjà existantes : les « Tourtereaux » et la « Hermann Buhl » ainsi qu’une autre voie la « Jean Couzy » ouverte aussi avec un bivouac dans le rocher voisin de l’« Al’Lègne » par Jean Bourgeois et Edouard Rozé, avec un concept minimaliste : juste quelques noix pour assouvir sa faim.

Voici donc pour cette remarquable année 1959.

Progressivement, les horaires se feront plus raisonnables lors des répétitions de plus en plus nombreuses. Mais d’autres aventures seront encore réalisées sur le « Pape ».

Ainsi, en 1961, « la Française », une ascension de 14 heures par H. Drabbe et A. Vandemaele.

En 1962, Michel Tamigneaux et André Vandemaele ouvrent « Les Groenlandais ». Le premier jour de l’ascension les voit gravir une bonne partie de la paroi mais sans pouvoir sortir au sommet. Refusant le bivouac, ils redescendent dans la nuit noire. Mal leur en prit… ils coincent leur corde.

3 - A noter que Jean et Claude aménageront un « bivouac secret » dans les rochers de Freyr, une plate-forme faite de pierres et de sable du Rhin.

Jean Bourgeois et Bibiche
Bernard Marnette ©

De haut en bas : Rue de Meuse, Freyr, dans les années 30 Camping à Freyr – 1930

Bienvenue au Trou de la Jouvene, l’invitée est Françoise Gailly – avril 1950

Ils ne devront leur salut qu’à Claude Burlot arrivé de l’autre côté de la Meuse pour éclairer la paroi avec les phares de sa voiture. La voie sera terminée le lendemain.

À partir des année 70, c’est une autre paroi qui va intéresser les grimpeurs en manque d’aventure.

La paroi du « Moniat » est une face fort semblable au « Pape » par sa hauteur et sa structure.

Plusieurs beaux itinéraires y seront ouverts comme la classique « Voie du Cimetière » par Vincent Dewaele et Pierre Gielen en 1970.

Il y aura aussi la « Dieter Marchart »4, l’Eiger Junior, la Dany Heymans mais surtout « les Arts et Métiers », une voie en grande partie artificielle avec une sortie directe en libre. Cette voie forcera Jean Bourgeois et Jean-Pierre Debuyser à un bivouac juste sous le surplomb de sortie. C’était en 1976, le dernier haut fait de ces aventures sur les parois de la Haute-Meuse. Il est à noter qu’il y eut aussi dans ces années des bivouacs pour le plaisir dans la grotte de l’Al’Lègne ou sur le sommet du Pilastre par exemple. Jean Bourgeois se souvient aussi de la nuit de Noël 62 passée au sommet de Bayard enneigé avec Jules Leclercq.

Cependant, pour les amateurs de bivouac en paroi, le temps n’a pas de prise car il est toujours utile de nos jours de bivouaquer, soit pour tester un portaledge par exemple, soit pour se réfugier pour la nuit lors de longues randonnées grimpe-escalade, activité majeure de notre beau massif ardennais.

BERNARD MARNETTE

Bibliographie :

• Chronique : Paris-Chamonix, bulletin du CAB, Namur info.

• B. Marnette : Petit lexique toponymique des rochers et des voies d’escalade de Wallonie (Éd. Sérac – 2013)

B. Marnette : Autour des rochers belges (in Ardennes et Alpes n°146 – 2005)

Remerciements :

Jean Bourgeois, Claude Burlot, Françis Dechany, Thierry Leruth, Michel Tamigneaux & Vincent Dewaele.

4 - La première voie du Moniat ouverte par Renaat Vanmalderen et Tony Peeters début des année 60 (il semble que Claude Barbier ait aussi ouvert une partie de la voie)

Ardennes & Alpes — n°220

Club Alpin
Belge ©
Pierre de Radzitsky
Club Alpin
Belge

Rêve blanc

Expédition dans les « alpes » suédoises

VARD JONATHAN — Texte & images

Un « Rêve blanc ». Encore une idée à la con. Après un voyage à vélo hivernal en Laponie, je rêve d’y retourner. Cette région m’obsède, le blanc, l’immensité, les ciels. Cette fois, j’aimerais quitter les routes, me confronter aux montagnes, tirer deux traits dans la neige, dans l’immaculé.

J’ai récemment découvert le ski de rando et l’infinité de possibilité que cela ouvre. « Le ski de rando est la continuité du trail, de la rando. Il s’agit de se déplacer en montagne, en hiver, de façon autonome. » Amateur de trail, ces paroles de Maximilien Drion raisonnent comme une explication logique à mon amour pour cette pratique : « Je ne prends pas les skis pour la descente, même si elle est fortement appréciable, mais surtout pour évoluer en milieu alpin. »

Bref, comme toujours dans l’élaboration d’un projet, il y a la phase pleine. Pleine d’idée, d’enthousiasme, de folie. Puis la confrontation aux contraintes. Vient ensuite la mise en œuvre, la concrétisation. C’est dans cette période que Georges embarque dans l’aventure.

– Et ça te dirait pas de venir avec ? On prendrait le train de Bruxelles, je ne veux plus prendre l’avion.

– Ah oui, carrément. Chaud.

– Génial, y a plus qu’à voir pour tes congés alors. Moi c’est presque bon.

– Par contre, je n’ai jamais skié.

– Un détail.

Un stage de ski plus tard et une paire de ski en seconde main, voilà Georges documenté sur les contraintes du grand froid, à peine à l’aise sur des skis alpins. L’équipe est prête, les barres énergisantes sortent du four, prennent place dans nos sacs. Nos culs se posent dans le premier train vers Cologne. Puis vers Hambourg, Stockholm, Boden, Galliväre.

C’est dans un brouhaha d’enfer que le train traverse la Suède vers le nord. Bruits du vent qui siffle, des wagons qui s’entrechoquent, du voisin qui ronfle. Georges et moi sommes tout en haut, la pulka, lourde, est à nos pieds. Sous nos corps, quatre suédois et suédoises ferment les yeux sur la nuit profonde. Je peine à dormir, nous y voilà. Nous sommes déjà le 2 mars, des mois de préparation, beaucoup de doutes. Fin janvier, je me brisais une vertèbre par une erreur de manipulation de corde en salle, en ouvrant une voie, en auto-assurage. Une grande frayeur, ne plus vivre, ne plus être libre de mes mouvements.

Enchainer la convalescence avec ce voyage, c’est l’épreuve de la résilience. J’ai mal, une fatigue s’abat sur le bas du dos sous la forme d’une douce inflammation. Les cachets sont dans la pulka, retournée, inaccessible. Nous finissons par sombrer pour ouvrir les yeux dans le blanc. Enfin. Trois jours à traverser l’Europe et nous pénétrons doucement dans son sanctuaire si peu peuplé. Nous descendons à la hâte pour prendre notre correspondance à Boden vers Galliväre. Tout juste réveillés, dents brossées, tout suants du barda, pulka chargée à bloc, skis, sacs à dos plein à craquer.

Nous courrons d’un quai à l’autre dans cette petite gare sous le regard désapprobateur du chef de gare déjà concerné par le retard du train. « Go, go, go ! ». Ben oui, on fait ce qu’on peut.

Puis, Galliväre. Ce n’est pas notre point de départ, mais un point de chute, un camp de base. J’y avais rencontré Sofie et Daniel lors de mon voyage à vélo.

Ils garderont une partie de nos affaires pendant notre expédition. C’est aussi une ville, peu touristique, pas trop chère, à quelques pas (des centaines de kilomètres) des montagnes du Sarek.

Nous y passerons deux nuits. Le temps de faire le plein de provisions, d’en envoyer une partie au premier

Nous allumons un feu dans l’espoir de nous réchauffer. Je n’arriverai qu’à bruler un gant que je raccommode à coup de tape.

tier de notre trek (Ritsem), de récupérer un peu de sommeil, d’ajuster nos plans. Quels plans ? Nous partons pour 400 à 500 kilomètres. Partir d’Abisko vers Ritsem pour ensuite plonger dans le Sarek, y faire une boucle et revenir à Ritsem où il est possible de prendre un bus pour Galliväre. Nous avons, avec nous, des GPS et des cartes permettant d’ajuster notre parcours à nos envies, à la fatigue. Nous avons surtout 30 jours. Notre stratégie ? Light and fast. Une pulka pour deux, surtout pour m’éviter de trop mettre mon dos fracturé à contribution. Rien de superflus. 100 g d’avoine pour chaque matin par personne, quelques barres faites maison pour la journée, un peu de chocolat en bonus et un lyophilisé le soir. Nous touchons les 2 500 kcal par jour, très loin de la consommation réelle de nos corps (selon les dires, entre 5 000 et 6 000 kcal). Une tente légère, trois saisons, facile à monter. Deux duvets chacun. Light and fast and cold pourrions-nous dire aujourd’hui.

Après 5 semaines de convalescence, à prendre du poids, à faire des réserves sans vraiment pouvoir faire du muscle, après 3 jours de train et 2 autres à organiser, ranger, chercher un moyen d’arriver à Abisko (chose plus compliquée que prévue en raison d’un accident de train), nous descendons sur son quai. Nous tirons, poussons la pulka dans les escaliers. Puis, enfin, nous posons les skis à terre. Clac, clac, les bottines font corps avec les spatules. Nos uniques chaussures pour les semaines à venir. « Attends, j’ai pas encore le bon coup de pied. » Georges galère un peu, les fixations de ski de rando demandent une certaine agilité. Ça viendra !

Le ciel s’effondre sur nous alors que nous quittons les dernières cahutes de ce hameau égaré dans les montagnes. Le froid, puissant, mord à pleines dents notre chair fraichement sortie. Le dehors est maintenant notre unique maison. La pulka glisse avec aisance, nous sommes tout au nord. La forêt de bouleaux nains nous accueille, une larme perle enfin, devenant glace. Georges se retourne, son sourire est aussi grand que le mien. Je me sens fort, j’ai survécu à la chute, à l’attente, enfin, je me relève et marche. Nous nous passons de mots alors qu’au-dessus de nos têtes tout devient rose bonbon.

La visibilité chute doucement, quelques descentes mettent déjà les compétences de Georges à l’épreuve qui s’en sort en champion. Puis, lorsque les étoiles se montrent bien présentes, nous tombons sur un

Ardennes & Alpes — n°220

bivouac. Des bancs, couverts de neige. Un fleuve qui coule sous la glace, un abri à bois. Un autre abri, ouvert, avec deux bancs. D’un regard, nous décidons d’y gonfler nos matelas, de nous éviter la tente, le givre, la condensation. Sans savoir que cette nuit serait l’une des plus froides que nous allions connaître. Nous allumons un feu dans l’espoir de nous réchauffer. Je n’arriverai qu’à bruler un gant que je raccommode à coup de tape. Les flammes qui dansent nous obnubilent. Et ce n’est que lorsque que nous levons les yeux, en direction de nos sacs de couchage, que nous croisons une lumière verte voguant dans le ciel. « J’en peux plus, je suis givré, je vais me coucher. » Je rejoins Georges, me glisse péniblement dans la matière froide. Attends que la chaleur vienne, le regard toujours fixé sur l’aurore boréale. Le chaud ne viendra pas, le spectacle est sublime.

Aux premières lueurs du jour, nous cherchons nos thermos dont l’eau s’est figée.

Bien dormi ?

Oui, mais froid. Et toi ?

Pareil.

Dès ce jour, nous nous accordons avec le soleil dans le but de nous lever avec lui, de nous coucher avant lui. Profiter un maximum du peu de chaleur qu’il apporte. Nous apprenons aussi que nos duvets n’amènent pas le confort espéré, deux sacs imbriqués l’un dans l’autre, ça fonctionne à condition que la plume ait assez de place pour gonfler.

Georges découvre les plaisirs du grand froid. « Je ne sens plus mes pieds », rituel matinal. Les chaussons de nos bottines prennent l’humidité durant l’effort et gèlent durant la nuit. Les matins sont un combat inconfortable, mais je retrouve, avec ce camarade,

l’efficacité nécessaire. Une fois sortis de nos sacs de couchage, les minutes sont comptées. Vite chauffer l’eau, engloutir nos flocons, nous gaver de sucre, donner du goût avec de la cannelle (une réussite culinaire) et tout ranger pour engager le mouvement. Les premiers kilomètres s’avalent d’un pas pressé, le temps que nos corps chauffent, brulent, que le sang irrigue nos pieds dont le réveil douloureux nous brûlel’estomac dans une nausée qui deviendra coutume. Signe que nous pouvons ralentir, prendre une vitesse de croisière.

Le soleil lève une brume dont les cristaux se déposent sur nos cheveux, nos barbes. L’humidité nous prend lorsque nous évoluons sur la rivière. Dès que nous reprenons chemin dans la forêt, nous avons à nouveau chaud. Nous sommes seuls, éperdument seuls. Il n’y a que le bruit de l’eau sous la glace, nos peaux de phoques qui caressent la neige, nos bâtons qui l’écrasent.

La vallée s’arrête en un lac au bout duquel est installée une cabane, un refuge. Nous y posons nos fesses dans l’espoir d’une boisson chaude. Ayant pourtant connaissance des cabanes suédoises, j’oublie un instant que nous ne sommes pas dans les Alpes. Ici, tout est payant et aucun service ne vous est offert. Impossible d’acheter une boisson chaude, vous devez la faire vous-même, payer pour l’usage du gaz, payer pour pouvoir rentrer, s’abriter. Ils ont parfois un petit magasin, avec quelques denrées. Parfois, ils vous accueillent avec un sirop chaud. Vous avez le droit entre la taxe de jour, la taxe de nuit et la taxe « campeur » qui vous donne accès à cuisiner et manger au chaud, mais pas à y dormir.

Tout est à votre disposition. Il vous faut couper des rondins de bois, fendre le bois. Briser la glace pour remplir les seaux d’eau.

Nos êtres avachis sur la pulka, nous prenons le soleil alors que la brume se lève enfin. Sans l’effort, nous prenons froid. La gardienne nous montre le thermomètre qui lit -18 °C. Il faisait -22 °C ce matin,

peut-être bien plus froid encore dans la nuit, surtout plus bas, proches de la rivière comme nous l’étions. La sentence s’abat sur ce premier jour. On va se les geler, mais quelle ambiance merveilleuse.

Sous la forme de petits articles, à suivre dans les différentes parutions de l’A&A, Georges et moi allons vous raconter nos péripéties. Il ne s’agit pas de l’aventure du siècle, mais d’une histoire de voyage, voulu à moindre impact, à travers la magie du blanc. Voir de nos yeux le monde à préserver, toucher, sentir, respirer. Prendre le temps, être seul, sans autre stimulation que le néant. Vous découvrirez deux styles pour une même épopée, mais aussi deux visions.

En quelques chiffres, nous allons réellement parcourir près de 450 km et grimper 3 sommets à tout juste 3 000 m. Les 2 500 kcal ingérées par jour seront insuffisantes, nos vêtements flotteront, le froid s’installera de plus en plus profondément, ne nous empêchant pas d’avancer pour autant. Nous ne brulerons que 4 litres de Premium Fuel (de chez Primus) grâce aux nombreuses sources d’eau libre que nous croiserons et à notre très (trop) faible consommation d’eau. Nous rêverons de nourriture, de chaussures confortables, de nuits chaudes. Nous verrons les paysages les plus époustouflants et vivrons les émotions les plus intenses.

2.

3.

Coucher de soleil, Abisko, Suède
Matin givré, Abisko, Suède
Le quotidien, Abisko, Suède

La Paral

Une traversée des Alpes en parapente et alpinisme

GUILLAUME FUNCK

pine

La première fois que j’ai fait de l’alpinisme j’avais 13 ans. Je ne me rendais pas bien compte de la chance que j’avais de goûter à ce monde que beaucoup découvrent tard, ou jamais, surtout quand on vient du plat pays. On était arrivé au sommet du Grand Paradis et de ses quatre milles

et quelques mètres juste après un lever de soleil incroyable sur le Massif du Mont Blanc. J’étais complètement abasourdi par la beauté de cet environnement, associée à la satisfaction de l’effort pour arriver en haut. J’étais conquis.

Ardennes & Alpes — n°220

Depuis, je suis retourné chaque été faire des sommets de plus en plus ambitieux et, en parallèle de ça, je me suis mis au parapente pour descendre des sommets en volant. Quand j’ai découvert qu’il y avait aussi moyen de remonter et de parcourir de la distance en l’air, je suis une nouvelle fois entré dans un nouveau monde. C’est un autre paradigme pour se déplacer : tu utilises les courants d’air chaud ascendant pour prendre de l’altitude avant de transiter sur la montagne suivante. Il y a ainsi moyen de parcourir des centaines de kilomètres en volant et de rester en l’air plus de 10 heures sans mettre les pieds au sol. Manger, boire, se soulager ; on fait tout en l’air. Le flemmard en moi a vite été convaincu et je suis devenu gravement addict à la sensation de surfer un puissant thermique qui te catapulte jusqu’au nuage. Tes fesses s’enfoncent dans la sellette et tu te sens aspiré vers les cieux alors que ton vario hurle sa joie.

Le projet de traverser les Alpes en parapente, je l’ai à peu près depuis que j’ai commencé le parapente, il y a 5 ans

Le projet de traverser les Alpes en parapente, je l’ai à peu près depuis que j’ai commencé le parapente, il y a 5 ans. Pour moi c’était un objectif de vie de parapentiste, un truc pour un jour lointain où je serais bon. En déménageant dans les Alpes, tout s’est un peu emballé, j’ai fait un max de parapente et j’ai progressé rapidement. Je venais de finir mes études. Et si c’était le moment de me lancer ? Je me suis dit que ce serait classe de rajouter l’ascension en alpinisme des plus beaux sommets en chemin avec des potes. Ça m’a empêché de dormir plus d’une fois, ce projet devenait vraiment excitant. Et en même temps j’avais peur. Ce ne serait pas un peu trop ambitieux ? Quelques mois plus tard, me voilà en Slovénie avec mon pote Tonio qui m’accompagne pour les 10 premiers jours du trip. Je n’ai jamais autant préparé un voyage. Déjà niveau parapente, il a fallu se renseigner sur les itinéraires possibles, sur les particularités de certaines vallées auprès de pilotes locaux, etc. Et puis au niveau logistique ce n’était quand même pas une mince affaire puisqu’il a fallu s’assurer que les ami·e·s qui me rejoignent pour les sommets aient le bon matos. Ce sont elles et eux qui m’amènent le matos d’alpi, comme ça je peux voyager vraiment léger. J’ai juste mon matos de parapente (6,7 kg), puis pour le reste je n’ai pris ni tente, ni réchaud, juste un poncho-tarp, un demi-matelas, un sac de couchage

quilt et quelques bricoles pour m’habiller (4,8 kg) ; et mon matos pour filmer évidemment (1,4 kg) ! Au total j’avais 13,5 kg d’affaires avec moi tout compris (chaussettes, slips et tout), auquel il fallait rajouter un bon 3 kg d’eau et de nourriture.

Le voyage commence au Triglav, le mythique sommet de la Slovénie. J’y retrouve mon pote Tonio. On avait prévu de prendre un jour de repos après le voyage en bus mais la météo en a décidé autrement. Un petit créneau s’offre à nous avant plusieurs jours de mauvais, alors on saute sur l’occasion. On est le 1er juin et la montagne est encore complètement enneigée, ce qui ne nous arrange pas trop puisqu’on n’a que nos baskets avec nous. On se débrouille comme on peut avec des piolets en bois improvisés et on finit par arriver au refuge à 22 h, les pieds détrempés. On y trouve du matos pour faire le sommet le lendemain. Avec toute cette neige, c’est magnifique, d’autant qu’il n’y a personne à cette période, quelle chance ! Il n’est même pas 9 heures quand on arrive au sommet, mais le ciel est déjà bien chargé et des orages sont prévus dans l’après-midi. On ne tarde pas à revenir au refuge pour décoller. À partir de là, on a droit à un super vol vers la plaine. On atterri 2 h plus tard dans un petit village à la frontière avec l’Italie. On est euphorique, quelle journée ! On trouve un logement in extremis avant que le ciel nous tombe sur la tête. La dame qui nous accueille est super sympa et nous prépare un goulasch au sanglier de la forêt d’à côté, génial. On peut enfin se reposer un peu. Les jours suivants sont compliqués au niveau de la météo. On arrive à faire quelques vols en direction des Dolomites, mais on passe surtout beaucoup de temps à marcher sous la pluie et on dort dans des abris de fortune : chapelle, préau, etc. Ce n’est pas le grand luxe et nos pieds n’ont pas eu une seule opportunité de sécher depuis le départ.

On retrouve une Eline surmotivée au pied des Tre Cime pour notre 2e sommet. Elle a tout le matos, plein de nourriture, tous les topos, bref elle est en mode support maximal et ça fait plaisir de retrouver son énergie, les premiers jours nous ont déjà bien éprouvés. Notre plan est de gravir « Gelbe Mauer » dans la face sud de la Cima Piccola. Ça a beau être la plus petite des trois Cime, c’est presque la plus belle : un grand pilier élancé avec une raide face sud. La voie est soutenue dans le 7a, quasiment mon niveau max. Ça va être un gros challenge pour mes bras. Heureusement que les 2 autres ont un meilleur niveau et vont pouvoir prendre les devants. Ça fait du bien de se laisser un peu emmener.

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Au levé du jour sur la traversée Berhault – Viso, France Ci-contre :

Un Triglav encore bien enneigé pour nous tout seuls – Triglav, Slovénie

Guillaume Funck © 2023
Sauve-qui-peut !
J’ai des crampes aux biceps, mes épaules sont faibles et mes doigts ont beaucoup de mal à tenir les prises.

Levé à 3 h 30 pour être au pied de la voie au lever de soleil. Ces temps-ci il y a tous les jours des orages l’aprèm, mieux vaut être rentré tôt. La voie commence par un 7a qui nous met dans le vif du sujet. Je suis en mode « économie d’énergie » pour tenter de survivre à toute la voie et je n’hésite pas à tirer sur certaines dégaines. Je suis quand même super

Ardennes & Alpes — n°220

fier d’enchaîner une 7a+ et une 7a. Eline fait les 5 premières longueurs en tête sans aucun soucis, puis Tonio passe en premier pour la suite. Les longueurs sont magnifiques. À la 5e longueur en 7a, je commence à exploser complètement et à partir de là ça devient « sauve-qui-peut ». J’ai des crampes aux biceps, mes épaules sont faibles et mes doigts ont beaucoup de mal à tenir les prises. On se fait rattraper par le mauvais temps alors que Tonio finit d’escalader la 9e et dernière longueur difficile. Il reste 3 longueurs faciles pour atteindre le sommet, mais il commence à grêler. On décide de redescendre avant que ça empire. Dommage pour le sommet, mais on a fait la partie la plus difficile et la plus belle, on est déjà fier de nous. Notre cordée a fonctionné comme sur des roulettes !

Eline et Tonio m’ont quitté et la météo est avec moi ces derniers jours. Ça m’a permis de faire un vol de 4 h 40 et presque 100 km des Dolomites en direction de Bolzano. Ça fait plaisir d’enfin faire un grand vol

Décollage sous le Piz Bernina – Piz Bernina, Suisse

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Tre Cime – Dolomites, Italie

et d’avancer ! Quand on sait qu’une heure en volant équivaut plus ou moins à une grosse journée de marche, on est content d’être en l’air. Pour autant, c’est loin d’être une activité contemplatrice. Il faut avoir tous ses sens aux aguets pour observer le mouvement des nuages, des oiseaux, des feuilles et son propre mouvement et en déduire ce qu’il se passe en l’air et où cela peut bien monter. Souvent ça secoue, ça secoue jusqu’à ce qu’enfin, bingo, ça monte vite, à plus de 5 m/s, vers les cieux. Parfois ça descend, très fort, et il faut garder son sang-froid et s’échapper au plus vite à un endroit plus accueillant. Il faut puiser dans ses ressources mentales. C’est un véritable jeu d’échecs en 3 dimensions, sauf que cela devient très réel quand on a bien ou mal joué.

Les jours suivants me permettent encore de bien avancer et de me poser au pied du Piz Bernina, le plus haut sommet des Alpes orientales (4 049 m). J’y retrouve Agnès, Élise et Albert pour en faire l’ascension. Juste avant qu’il et elles arrivent, un gars m’aborde alors que je cherche un endroit pour dormir. C’est aussi un parapentiste et il est intrigué par mon gros sac. On sympathise directement et je lui demande si on pourrait squatter chez lui. Jan, c’est son nom, est le patron d’une maison pour ados en apprentissage pour la menuiserie, la maçonnerie et cetera, et il a plein de place dans sa maison donc il peut nous accueillir sans soucis. Génial ! Il organise ce soir-là un barbecue avec ses jeunes et il a plein de restes qu’il nous passe aussi. Du coup quand les autres arrivent, j’ai un véritable buffet à leur proposer et un logement, quel luxe !

On part à 2 h 45 de la cabane Tschierva avec Agnès et Albert pour gravir la Biancograt au Piz Bernina. Il paraît que c’est une des plus belles arêtes neigeuses

Agnès Peten © 2023

des Alpes et c’est probablement vrai. On a un peu de mal avec l’altitude, mais on avance bien. Par contre, il y a pas mal de vent et de nuages. J’ai pris un petit parapente dans mon sac, mais j’ai peu d’espoir de décoller du sommet. La fin de l’arête est encore complètement enneigée à cette période, et ça la rend impressionnante et un peu délicate. L’ambiance est incroyable avec les nuages qui défilent autour de nous, pendant qu’Agnès mène la cordée de main de maître jusqu’au sommet effilé. Une fois sortis des difficultés, le vent s’est un peu calmé. Contre toute attente, cela semble possible de décoller. Je sors la voile et décolle avec l’aide d’Albert et Agnès. Quelle sensation ! Je me retrouve en l’air au milieu de ces géants de glace et 23 minutes plus tard, j’atterris dans la vallée. C’est incroyable. De leur côté, les autres prendront 9 h de plus à descendre l’interminable glacier. Bravo ! On repasse une nuit chez Jan avant de se quitter. Encore une belle aventure ! C’est vraiment top d’avoir des ami·e·s qui me rejoignent sur le parcours.

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Mon prochain sommet est le Cervin. J’ai encore profité de 2 jours de relativement bonne météo pour avancer, mais après avoir passé le Furkapass et être entré dans le Valais, la météo a été assez compliquée. Beaucoup de vent, ce qui rend les vols compliqués voire dangereux. Donc j’ai beaucoup marché. Je finis par retrouver les autres à la cabane Hörnli, après une journée intense depuis Visp, tout en bas de la vallée. 3 300 m de dénivelé avec 25 kg sur le dos (j’avais récupéré du matos d’alpi en vallée) et un vol de 2 h. Autant dire que j’étais cuit en retrouvant les autres à 21 h à la cabane !

Je me retrouve en l’air au milieu de ces géants de glace et 23 minutes plus tard, j’atterris dans la vallée.
C’est incroyable.

Nous sommes cinq au refuge : Dam, avec qui je compte faire l’ascension, Alexis et Quentin qui forment une autre cordée et Dom, un ami de longue date qui va nous filmer. On ne tarde pas à aller se coucher avec un réveil à 3 h 15. Mon cœur bat encore la chamade de l’effort de la journée, puis je finis enfin par sombrer. Le réveil sonne. C’est reparti. On part à la file indienne sur l’arête Hörnli. Alexis et Quentin ont bien repéré le départ la veille et on les suit. Dam sent rapidement que ce n’est pas son jour et il préfère faire demi-tour. Nous continuons sur l’arête à 3. Les 2 autres ont moins d’expérience en montagne, surtout Quentin pour qui c’est la première course d’alpinisme, alors je prends le lead. On atteint le bivouac Solvay, perché à 4 000 m, où on laisse une partie de notre matériel. Il fait déjà chaud et la neige commence à ramollir. Cela me fait un peu peur pour la descente, mais je pense qu’on a le temps d’aller au sommet. On y arrive vers 10 h 30. On est seul, c’est génial ! Quelle première expérience pour Quentin, il a un bon pied montagnard et un sourire jusqu’aux oreilles ! On redescend aussitôt. La descente s’avère très longue avec de la neige molle. C’est un peu un terrain de chamois, il faut avoir l’habitude de crapahuter avec des crampons et de cramponner dans différentes neiges pour être rapide. On prend notre temps pour faire les choses bien. On finit par arriver à la cabane à 17 h 30. Encore une belle journée, merci les gars !

Je redécolle le lendemain du refuge et arrive à monter sur les flancs du Cervin aux côtés d’un rapace.

La voie commence par un 7a qui nous met dans le vif du sujet.

De gauche à droite :

Antoine Legat, Eline Le Menestrel & Guillaume Funck – Tre Cime, Dolomites, Italie

• Albert van Zeebroeck, Elise Masquelier, Agnès Peten & Guillaume Funck

– Haute-Engadin, Suisse

Quentin de Pierpont, Damien Lepage, Guillaume Funck, Dominique Snyers & Alexis De Knoop – Cervin, Suisse

Je redécolle le lendemain du refuge et arrive à monter sur les flancs du Cervin aux côtés d’un rapace. Un moment magique.

Un moment magique. Je fais un petit coucou à des alpinistes avant de m’en aller pour la suite de la traversée. Je prends quelques jours de repos bien nécessaires chez ma sœur au Châble avant le MontBlanc. Il ne fait pas très beau donc ça tombe bien.

Cette traversée, c’est fatiguant physiquement et encore plus mentalement. Je vois ça comme si j’avais un nombre limité de points de vie, c’est ma réserve mentale. Quand ma réserve est pleine, je suis un guerrier ; je peux voler sereinement dans de la turbulence et marcher jusqu’à la nuit. Quand elle est vide, je me sens fragile, tout me demande plus d’ef-

fort et je panique plus vite. Je perds des points de vie à chaque coup de stress et les dizaines de décisions à prendre chaque jour, sur quelle montagne aller pour le prochain décollage, où dormir ; tout ça vient également puiser dans la réserve. Alors quand elle est vide, il me faut des moments tranquilles pour la remplir à nouveau.

Je retrouve Lolotte dans le Val d’Aoste pour grimer le Grand Capucin, un monolithe de granite de 400 m de haut à 3 800 m au milieu de la Vallée Blanche. Sa très raide face Est a été gravie pour la première fois par Bonatti et Ghigo en 1951. C’est leur voie qu’on compte escalader.

On attaque les premières longueurs à la frontale. L’équipement de la voie est « traditionnel » (trad pour les intimes), ça veut dire qu’on place nousmêmes les coinceurs pour y faire passer la corde et s’assurer. Chacun à notre tour, on grimpe une longueur en tête. Assez rapidement, je sens que ce n’est pas mon jour. Je sens mon réservoir mental déjà presque vide et mes bras pas franchement vaillants après un mois sans grimper. Je tremble dans les longueurs du début en 6a, alors que des parties bien plus dures nous attendent. À la 11e longueur, mes bras ne répondent plus, pas plus que ma tête qui est vidée. Pendu dans mon baudrier au milieu de cette paroi, je ne vois vraiment pas par quel miracle on va pouvoir arriver en haut des 9 longueurs suivantes. Lolotte de son côté est en pleine forme, elle gère super bien chaque longueur et a l’air de prendre beaucoup de plaisir. Je lui dis que dans mon état je ne suis juste plus capable de faire de longueurs en tête, d’autant que les longueurs du dessus sont les plus dures.

À partir de là, Lolotte a complètement pris le lead, y compris dans deux 7a bien corsés, pendant que je m’efforçais de suivre, en tirant allègrement sur

Guillaume Funck © 2023
Guillaume Funck © 2023

les points. Longueur après longueur, on a continué ainsi. Et puis, finalement, on est arrivé en haut. Incroyable. Inespéré. Je suis fier d’être arrivé en haut.

J’étais convaincu d’en être incapable à la 5e longueur, alors qu’il en restait 15. Je suis super reconnaissant envers Lolotte d’avoir pris les devants, elle a été magistrale. Merci !

Le lendemain, j’ai décollé du côté Italien pour un vol incroyable dans la face Sud du mont Blanc. Les conditions de vol ne sont pas idéales mais je parviens en quelques jours à rejoindre mon pote Sam pour le dernier sommet : le Viso par la traversée Berhault. La voie emprunte tous les sommets de la chaîne Nord du Viso. C’est une longue arête qui se parcourt d’habitude en plusieurs jours. On compte la faire à la journée, donc on n’a pas pris grand-chose dans nos sacs, juste le nécessaire.

On quitte le refuge vers 3 h 50 en direction du premier sommet. Je la sens bien cette journée. En montagne, c’est beaucoup une affaire d’émotions et de sensations. Il y a des jours où on n’est pas dedans, où la montagne fait peur, où on a un peu le cafard à l’idée de se lancer dans une grande course. Puis il y a des jours de montagne joyeuse, où l’on est grisé par ce qui nous attend, on se sent bien avec soi-même et ce qu’il y a autour. Aujourd’hui, c’est la montagne joyeuse.

On arrive rapidement au premier sommet. On voit ce qui nous attend aujourd’hui, avec le Viso au loin. On avance vite dans la pénombre. C’est un terrain relativement facile où on est tous les deux très à l’aise et on évolue sans corde. C’est une succession infinie d’escalade et de désescalade, toujours à l’affût pour trouver le chemin le plus facile. Après 10 heures de course, on est tous les deux bien entamés, au bord de l’hypoglycémie. On s’arrête un bon moment

pour manger, boire et faire une petite sieste et on repart en pleine forme, ou presque, pour la dernière partie qui passe finalement assez vite. 13 h 30 après avoir quitté le refuge, on se retrouve en haut du Viso. Dernier sommet de la Paralpine, c’est incroyable ! Encore une belle aventure, merci Sam. Le panorama est magnifique avec l’Italie baignée dans les nuages. On devine même la Méditerranée au fond, ultime étape du voyage.

Après le Viso, je m’imaginais arriver à la mer assez vite. C’était sans compter sur une période interminable de vent fort d’ouest. J’ai pu faire un petit peu en parapente, mais à un moment j’ai dû oublier l’idée de finir en vol et j’ai juste marché les derniers 100 km. En haut de la dernière montagne, j’aperçois enfin la mer. Yiiiiiiihaaaaaaaaaaaaa ! En descendant, je débarque dans un autre monde. La plage est bondée. Je me fraie un chemin entre les gens qui font bronzette. Ils ne peuvent pas s’imaginer d’où je viens, quelles aventures j’ai vécues, les gens qui m’ont accueilli, les moments que j’ai partagés avec les ami.e.s. Quel voyage. Je me déleste de mon barda et cours vers la mer pour un plongeon bien mérité. C’était de loin les 53 jours les plus intenses de ma vie. Au départ, c’était une idée un peu folle que je n’étais vraiment pas sûr d’être capable de faire et au final, incroyable mais vrai, on a fait ces 6 sommets et j’ai pu découvrir les Alpes comme jamais.

Un énorme merci aux ami·e·s qui m’ont rejoint sur la route. Sans vous le voyage n’aurait pas eu la même saveur !

Dominique Snyers © 2023

Préparation mentale

L’un des piliers qui m’aident à performer

MAXIMILIEN DRION

Pour changer un peu, j’ai décidé d’aborder un sujet qui me tient fort à cœur et qui, j’en suis convaincu, m’a permis de franchir une étape supplémentaire dans ma carrière. Il s’agit de la préparation mentale.

2020, Le déclic

J’ai commencé à m’intéresser à la préparation mentale en octobre 2020, peu après avoir abandonné sur Sierre-Zinal, un trail « à domicile » qui compte beaucoup à mes yeux. À cause ou plutôt grâce à cette désillusion, j’ai remis en question toute ma manière de fonctionner. Avant cela, j’opérais seul. Pour avoir un maximum de flexibilité et de liberté, je ne voulais pas avoir de coach, ni de préparateur mental, de nutritionniste et j’en passe. Mais après cet échec,

Course individuelle au cœur des Dolomites lors de la World Cup de Cortina – Cortina, Italie | Avril 2024

je me suis rendu compte qu’il était temps que je constitue un staff autour de moi pour déléguer une partie de mes tâches et pouvoir affronter les aléas de ma carrière plus sereinement. Je me suis donc entouré d’une belle équipe et assez rapidement j’ai remarqué que me faire soutenir et encadrer pouvait beaucoup m’aider.

C’est donc fin 2020 que j’ai pris contact avec Isabelle Streignard, une psychologue belge spécialisée dans l’accompagnement de sportifs, qui m’a été recommandée par un ami. Dès notre premier entrevue, je me suis senti à l’aise et j’ai compris que la préparation mentale pouvait vraiment m’apporter un plus, tant sur le plan sportif que personnel. Quelques mois plus tard, j’ai obtenu mon premier top 5 à des Championnats du monde, en Andorre, et surtout ma première victoire en Coupe du monde, à Madonna di Campiglio. Un déclic dans lequel mon accompagnement mental a joué un grand rôle, j’en suis persuadé.

Préparation mentale, kesako ?

La préparation mentale permet de donner à l’athlète la faculté d’agir sur différents leviers comme la gestion du stress, la confiance en soi, la faculté de concentration, la mobilisation d’émotions positives ou encore la visualisation d’un objectif.

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Cette pratique me donne des outils afin de me mettre dans les meilleures conditions avant et durant une compétition, mais également lors de mes entraînements et phases de repos.

Dans mon cas, cette pratique me donne des outils afin de me mettre dans les meilleures conditions avant et durant une compétition, mais également lors de mes entraînements et phases de repos. L’objectif d’Isabelle est de me rendre le plus autonome possible, d’apprendre à me connaître et à identifier les différentes émotions que je vis. Nous faisons régulièrement le point entre les compétitions, de manière à définir ensemble des plans d’actions pour travailler sur d’éventuelles faiblesses et optimiser mes forces mentales.

Nous travaillons aussi ensemble sur tout ce qui entoure une performance : la logistique, mes déplacements, mes contacts avec la presse, ma vie sociale, ma vie de famille, mon rapport avec l’alimentation, la qualité de mon sommeil… Notre relation de confiance est primordiale. Je sais que je peux tout lui dire et réellement me confier. Cela me permet notamment d’évoquer mes craintes et des choses plus intimes, que je n’évoque qu’avec elle.

La parole à Isabelle

Comment décrirais-tu le suivi que tu proposes à tes sportifs ?

J’aborde le suivi des athlètes via une approche sur mesure. Chacun est unique, il est donc important de savoir s’adapter. Je commence généralement une collaboration par une analyse assez détaillée des points forts et des axes de progression sur le plan mental. De là, découle un plan d’accompagnement défini en fonction des objectifs que l’athlète cherche à atteindre. Le cœur de mon approche est de stimuler chez l’athlète l’auto-critique, afin qu’il soit en mesure de réaliser lui-même les raisons de ses réussites ou échecs. Je le guide donc pour qu’il puisse prendre du recul sur ses prestations et nous élaborons ensemble des axes de travail. Entre chaque rendez-vous, je définis des objectifs sur lesquels travailler. Nous travaillons aussi main dans la main dans la mise en pratique des différentes techniques apprises lors de nos sessions de coaching.

Ardennes & Alpes — n°220

Comment décrirais-tu ta collaboration avec Maximilien ?

Dans le cadre du suivi de Max et de nos sessions de coaching, je combine l’apprentissage de techniques mentales ainsi que des échanges ouverts. Avec lui, nous avons travaillé sur différentes méthodes telles que la méditation, la relaxation, la cohérence cardiaque, la programmation neurolinguistique (PNL), des exercices de visualisation ou de l’hypnose. Le but est de le rendre autonome afin qu’il puisse aller piocher dans sa « boite à outils mentale » ce dont il a besoin, en fonction des situations.

La préparation mentale doit permettre à Max de consolider sa confiance en lui, de prendre du recul et de la hauteur sur ses performances, qu’elles soient bonnes ou moins bonnes. Il doit aussi pouvoir conserver un bon ancrage dans l’instant présent, malgré tous ses projets. Je pense que notre collaboration lui a également permis de bien développer son auto-critique, ce qui est très porteur car il apprend de ses erreurs et de ses réussites.

Au sommet du Grand Mont durant la Pierra Menta – Arêches-Beaufort, France | Mars 2024

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À vous de jouer

Pour vous guider, voici les outils de préparation mentale que j’utilise le plus.

1. Rapports écrits après chacune de mes courses : rapidement après ma course, j’essaie de faire le bilan de ma journée (avant, pendant, après la compétition) et sépare mon analyse en quatre colonnes, à savoir ce qui s’est bien passé, ce qui a été moyen, ce qui a été parfait, et enfin ce que je dois faire pour corriger, améliorer ou reproduire l’élément qui est ressorti dans les précédentes colonnes.

2. Utilisation et rappel de certains souvenirs forts pour me mettre dans l’état d’esprit que je souhaite à un moment précis (PNL).

3. Méditation guidée pour favoriser un endormissement profond ou me détendre.

4. Visualisation du parcours et des transitions de façon interne (je réalise l’action) et externe (je me vois en train de réaliser l’action).

Cela me permet de rester concentré, motivé et déterminé sur toute une saison.

Quels sont ses qualités et ses faiblesses d’un point de vue mental ?

Max détient de très bonnes bases mentales, solides et bien ancrées. Une des clés de son succès est qu’il ne se repose pas sur ses lauriers. Il part du principe que rien n’est jamais acquis et qu’il faut toujours chercher à se dépasser. Il s’intéresse également aux détails et aime travailler sur des points très précis. Il met tout en place pour s’installer dans les meilleures conditions mentales lors d’une compétition, tout en sachant faire preuve de résilience et d’adaptabilité.

Très exigeant envers lui-même et combatif, il croit en lui sans excès et cherche toujours à apprendre. De plus, il est très efficace pour mettre en place les outils appris ensemble, comme les stimuli de réussite qui lui permettent de se dépasser à un moment stratégique d’une course.

L’une de ses forces constitue également une faiblesse, à savoir son émotivité, sa sensibilité et le fait qu’il fasse les choses avec son cœur et ses tripes. Cela entraine parfois des difficultés à accepter certains échecs. Mais très vite, il arrive à transformer la déception en opportunité pour s’améliorer. La gestion de la pression reste également un élément de travail continu pour Max.

J’aime beaucoup travailler avec Max. Des affinités fortes se sont construites entre nous car il me challenge également. Je sais que je dois veiller à le nourrir en outils et ne pas hésiter à le pousser en permanence vers le haut car il aime cela et a du répondant en ce sens.

Un vrai « plus »

Mon utilisation de techniques de préparation mentale varie dans le temps. À certaines périodes, j’utilise différentes techniques au quotidien. C’est notamment le cas de la relaxation, de la méditation, des analyses de mes performances, de la visualisation ou de la PNL. Il peut aussi se passer plusieurs semaines sans que je n’y fasse recours. Je considère vraiment la préparation mentale comme un ensemble d’outils que je peux utiliser quand j’en ai besoin. Cela me permet de rester concentré, motivé et déterminé sur toute une saison. J’aborde les courses plus sereinement, je suis capable de mieux analyser mes performances et de me donner des coups de boost quand j’en ai besoin.

MAXIMILIEN DRION

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Pump up the Jam

Dauber en fissure avec la BRCT
Texte : BRCT — Images : EMILE PINO
Ardennes & Alpes — n°220

En ce début de printemps, le soleil brille, les oiseaux chantent et les rochers du Namurois sont secs : c’est la saison falaise qui reprend ! C’est faux, car la météo belge n’est bien évidemment pas aussi idyllique. C’est donc en Allemagne, plus précisément à Ettringen (au sud de Cologne) que la Belgian Rock Climbing Team se réfugie le temps d’un long week-end.

Objectif : s’initier au trad climbing, discipline encore inconnue pour certains des membres de l’équipe.

Au sein de ces paysages vallonnés extrêmement bucoliques, des immenses trous plongent dans les abîmes de la terre. Ils sont le vestige d’un passé d’extraction du basalte, roche volcanique proche du granite, qui offre des fissures délicieuses aux grimpeurs qui osent y glisser leurs doigts. Ces anciennes carrières sont le meilleur terrain de jeu de la région pour pratiquer l’escalade traditionnelle, aka trad climbing. L’escalade traditionnelle s’est initialement développée chez nos voisins anglophones d’outre-mer et aux States notamment sur les légendaires parois du Yosemite. Dans l’idée, la paroi est vierge et le grimpeur place lui-même ses protections, en coinçant friends et/ou nuts dans les fissures pour y clipper ensuite sa corde. Ces points d’ancrage sont relativement solides (ou « béton » dans le jargon) selon le placement. C’est donc tout un jeu de confiance à développer et une nouvelle peur de l’engagement à dompter.

En parallèle des techniques de protection, c’est une escalade très particulière. Le grimpeur progresse le long des fissures, à largeurs variables. Pas de prises franches ici, mais des techniques de coincement de doigts, mains, poings, pieds, orteils, genoux, hanches, casque, et tout ce qui passe par là afin de ramper vers le haut. Cette pratique est bien loin des arquées à serrer et des mouvements athlétiques. Il s’agit de coincer ses membres au mieux afin de se hisser vers le haut. Imaginez-vous au pied d’une longue fissure dénudée de prises et de spits. Tous vos repères manquent,

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autant dire que vous êtes tel un débutant. Tout est à réapprendre, c’est intimidant mais si excitant. Une jupe de coinceurs à la taille, vous vous engagez tant bien que mal dans les premiers mètres de la paroi (et quand je dis mal, les coincements c’est rarement confortable). Il faut alors placer la première protection. Mais attention à celle que vous choisissez, il faut que la taille du friend corresponde à la largeur de la fissure. Après en avoir testé plusieurs, vous trouvez enfin le bon – enfin celui qui semble tenir le mieux. Votre main est déjà douloureuse d’avoir été coincée le temps de chipoter aux protections. Il faut alors continuer, accepter la douleur, faire confiance au point que vous venez d’installer et ainsi progresser mètre après mètre jusqu’au sommet. Je vous laisse imaginer l’état mental dans lequel vous vous trouvez lors de la progression, et surtout le soulagement et la sensation de victoire lorsque vous parvenez au sommet. C’est une sensation unique au monde, un goût délicieux de s’être battu mentalement contre la peur et la douleur. Complètement masochiste je vous l’accorde, mais si satisfaisant !

Des sensations toutes neuves pour Lucie Watillon et Maro Hilgert, les deux nouveaux membres de l’équipe. Ils nous racontent :

Lucie : Ce séjour à Ettringen était une très chouette première expérience avec la BRCT ! C’était un tout nouvel apprentissage pour moi de faire du trad. Poser des coinceurs, coincer les mains, coincer les pieds et prendre confiance dans les protections, tout était nouveau ! J’avais un peu l’impression de recommencer l’escalade à zéro. Comme ce premier jour où on pensait être allés dans un 7a qui était en réalité seulement un 6a ! Mais le plus marquant reste notre progression à tous durant le séjour, on a commencé dans des 6a et on a fini dans un 8a ! Au-delà de la cotation, j’en ai appris énormément sur le trad durant cette petite semaine et c’est en grande partie grâce à David, Pablo et Maro, Merci pour tous ces chouettes moments passés ensemble !

Maro : Pour moi ce petit trip était une belle découverte de styles inhabituels, toutes sortes de coincements pour se protéger et se faire bien mal aux doigts. Ce qui reste dans mes souvenirs sont nos efforts communs dans Glühfinger (8a+) et surtout le flash de Pablo qui nous montre comment se mettre les doigts en feu !

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Ce petit trip à Ettringen était une préparation en vue de la prochaine expédition de la BRCT en septembre : le Peak District (Angleterre). Véritable foyer de l’escalade traditionnelle, on y trouve les lignes les plus dures et engagées dans ce style. Se frotter les doigts (et les coinceurs) dans les fissures allemandes en amont était idéal pour apprendre les bases, prendre confiance et même explorer ses limites en fissure. La progression de l’équipe aura été fulgurante durant ce séjour : des frayeurs dans les 6a le premier jour, à l’enchaînement de la kingline Glühfinger en 8a+ sur la fin. Une bonne préparation et une excellente manière de tisser des liens avec nos nouveaux membres à coups de doigts ensanglantés, de frayeurs et de rires ensoleillés. À bientôt, au retour de notre aventure en terre british !

1. Sean nous emmène dans une voie qui n’a pas été libérée depuis 20 ans !

2. Pablo s’échauffe dans une ligne évidente de beauté

3. Maro n’hésite pas à s’aventurer dans des lignes plus dures

4. Découverte de tous les joujous du trad pour Lucie

5. Check de félicitations pour Pablo après un passage dans une magnifique ligne.

6. Maro, heureux de son premier séjour au sein de la BRCT

7. Concert de rock irlandais en attendant que la pluie passe

8. Allé Lucie ! On aime le travail d’équipe dans la BRCT

9. David le coach et sa technique freyrienne légendaire

Ardennes & Alpes — n°220

Des PFAS dans mes vêtements outdoor ?

ÉCOCONSO

On a beaucoup entendu parler des PFAS dans l’eau. Mais saviez-vous qu’on en retrouve aussi dans les textiles, en particulier les vêtements outdoor ? Pourquoi les utilise-t-on ? Quels sont leurs risques pour la santé et l’environnement ? Comment peut-on les éviter ? Topo.

Retrouvez l’ensemble des liens cliquables de cet article dans la version en ligne sur https ://issuu.com/cabsecret

Suite au dossier sur les fibres textiles paru dans le dernier numéro d’Ardennes & Alpes, on continue notre exploration des vêtements techniques, histoire de pouvoir faire des choix écologiques et sains. Cette fois, on se penche sur un sujet d’actualité : les PFAS. Des substances problématiques que l’on retrouve notamment le secteur textile, et plus spécifiquement dans le domaine de l’outdoor

Qu’est-ce que les PFAS et pourquoi les utilise-t-on ?

Les PFAS, on en a beaucoup entendu parler mais ils restent un peu mystérieux tout de même. De quoi s’agit-il exactement ? PFAS est l’acronyme de « substances per- et polyfluoroalkylées » . Ce sont des molécules inventées dans les années 40 qui n’existent pas naturellement et qui contiennent toutes du carbone et du fluor en association avec d’autres atomes (hydrogène, oxygène, etc.). Il y aurait plusieurs milliers de PFAS différents.

Cette association d’atomes est extrêmement résistante et c’est grâce à cette structure que les PFAS sont très stables. Les PFAS font d’ailleurs partie des Polluants Organiques Persistants (les POP), qu’on appelle parfois les polluants éternels (même si persistants est plus correct). Ils mettent effectivement un temps long (parfois plusieurs centaines d’années !) à se dégrader dans l’environnement.

Alors pourquoi les utilise-t-on ? À cause de leurs avantages : les PFAS sont des molécules très stables, antiadhésives, résistantes à la chaleur, qui repoussent l’eau et les graisses.

C’est pour ces propriétés intéressantes qu’on les retrouve dans de très nombreux textiles outdoor, pour lesquels on recherche étanchéité et résistance. Pour avoir une bonne résistance à l’eau on utilise souvent une membrane imperméable que l’on combine avec un traitement appellé « Durable water repellents » (DWR), souvent composé de PFAS. Des PFAS sont également utilisées dans la membrane textile, les plus utilisées sont les fluoropolymères (PTFE). On retrouve ces PFAS surtout dans les vestes, les gants, les pantalons, les vêtements de randonnée, etc.

L’industrie textile (comprenant : textile, ameublement, cuir, habillement et tapis) serait le deuxième secteur à utiliser le plus de PFAS en Belgique1 et donc un secteur à améliorer grandement ! On retrouve toutefois des PFAS dans de nombreux autres objets du quotidien, les caractéristiques des PFAS étant très intéressantes de manière générale pour l’industrie. On en retrouve par exemple dans2 :

• d’autres équipements outdoor tels que des tentes, des sacs à dos, des chaussures et on en trouve même dans le fart des skis ;

1 - « PFAS in Belgian industry – market study » Federal Public Service of Belgium 2023

2 - « An overview of the uses of per- and polyfluoroalkyl substances (PFAS) ». 200 usages de 1 400 PFAS (2020).

des poêles antiadhésives et matériels de cuisine ;

• des cosmétiques (un mascara waterproof par exemple) ;

• des pesticides (car les PFAS améliorent l’efficacité du pesticide) ;

• des emballages en papier et en carton (pailles, boîtes de pizza, sachets pour frites et burgers, etc.) ;

• des mousses anti-incendies ;

• des matériaux de construction, des huiles, des munitions, des cordes de guitare, des peintures et même dans la dépollution des sols ou le traitement des eaux.

Pour en savoir plus, consulter l’article « Que sont les PFAS et pourquoi les utilise-t-on ? » sur www.ecoconso.be.

Pourquoi s’inquiète-t-on des PFAS ?

Ces substances chimiques sont disséminées dans la nature lors de la fabrication (par exemple via le rejet des eaux usées et les émissions dans l’air) et de l’utilisation des objets, notamment des textiles (lorsqu’ils sont lavés, portés, etc.). Des études ont démontré que l’exposition des textiles aux conditions extérieures (UV, pluie, vent, chaleur, etc.) dégradent les fibres et libèrent petit à petit les PFAS qu’ils contiennent3 . En raison de leur persistance, les PFAS s’accumulent dans l’environnement et dans nos corps, ainsi que dans la faune et la flore. 99 % de la population mondiale aurait des PFAS dans le sang4. Or, ces substances sont mises en cause dans diverses maladies et problèmes de santé.

3 - « An Outdoor Aging Study to Investigate the Release of Per- And Polyfluoroalkyl Substances (PFAS) from Functional Textiles » Schellenberger S. et al. (2022)

4 - « Pfas : des perturbateurs endocriniens aux effets encore mal compris », Le Soir, 9 novembre 2023 (abonnés).

En raison de leur dégradation (très) lente dans l’environnement, on retrouve des PFAS partout autour de nous (dans l’eau, l’air, le sol, etc.), même pour des PFAS interdites depuis quelques années déjà. Notre exposition vient donc surtout de notre environnement. On considère qu’on absorbe en priorité des PFAS via l’alimentation et l’eau. Mais aussi par les poussières, l’air, l’utilisation de produits qui en contiennent, etc.

Les PFAS sont une famille de substances qui ont toutes des caractéristiques propres. Certaines ont été plus étudiées que d’autres, ce qui signifie que plusieurs substances sont suspectées d’avoir des effets néfastes sur la santé (humaine et animale), alors que pour d’autres ces effets sont d’ores et déjà démontrés. Parmi les effets qui ont pu être observés ou sont suspectés5, il y a par exemple l’augmentation du taux de cholestérol, le diabète, l’augmentation du risque de développement de cancers (rein, testicules, sein), des troubles du système reproducteur (dont l’endométriose), la baisse de poids des nouveaux nés, des effets sur le développement neurologique, des problèmes de thyroïde, etc.

Notre exposition principale ne dépend donc pas du fait de porter un vêtement imperméable. Et il n’y a actuellement aucune preuve de risque direct sur la santé quand on porte une veste contenant des PFAS. Mais quand on achète des produits qui contiennent des PFAS, on participe tout de même à l’exposition des travailleuses et travailleurs, à la pollution de l’environnement (principalement via la production) et in fine à des risques pour notre santé. Puisqu’elles se répandent dans l’environnement, on peut en ingérer quand on mange ou qu’on respire de l’air contaminé.

Au vu des conséquences associées, on peut décider d’opter pour le principe de précaution en préférant notamment les vêtements et équipements sans PFAS

Pour en savoir plus, consulter l’article « Quels sont les dangers des PFAS pour la santé ? » sur www.ecoconso.be.

Comment peut-on éviter les PFAS dans les textiles outdoor ?

Existe-t-il des vêtements d’extérieur aussi performants sans PFAS ?

C’est le challenge relevé par de plus en plus de marques. On voit se développer des alternatives efficaces en ce qui concerne la résistance à l’eau, que ce soit via le traitement des textiles ou le choix de certaines fibres plus imperméables par nature6. Alors comment faire si on veut éviter de participer à cette pollution aux PFAS ?

5 - « Effets des PFAS sur la santé » Agence Européenne de l’environnement (2021)

6 - « PFAS Substitution Guide for textile suply chains » Research Institutes of Sweden (2022), « Alternatives to perfluoroalkyl and polyfluoro- alkyl substances (PFAS) in textiles » Danish Ministry of the Environment (2015)

Malheureusement les fabricants ne sont pas encore tenus de mettre sur leurs étiquettes les produits utilisés pour le traitement de leurs vêtements. Mais cela n’empêche pas de se renseigner, même si ça demande un certain effort. On fait notamment très attention aux vêtements estampillés « résistants à l’eau ou aux tâches ». Ils sont plus susceptibles de contenir des PFAS que d’autres types de textiles7, en particulier les vestes.

Choisir des vêtements labellisés

Il n’existe pas encore de label pour garantir l’absence de PFAS. On peut toutefois choisir des vêtements qui portent le label Bluesign, GOTS ou OEKO-TEX car tous trois ont des critères qui limitent l’utilisation de substances chimiques.

Opter pour des marques qui bannissent les PFAS

On peut se renseigner sur ses marques préférées. Souvent, leurs engagements se trouvent sur leur site et, si elles font le choix d’éviter les PFAS, cet élément y sera mis en avant (« sans PFAS », « sans PFC »). Certaines associations, comme The Good Goods, répertorient les marques qui n’utilisent pas de PFAS. On y retrouve de grandes marques comme Vaude, Deuter et Patagonia.

Bonne nouvelle également, grâce à une loi sur les PFAS adoptés le 30 mai 2024, les textiles d’habillement (ainsi que les cosmétiques, fart de ski, etc.) français ne devraient plus en contenir dès 2026 !8

Poser des questions

Certains PFAS sont reconnues par la législation européenne comme « substances extrêmement préoccupantes » (SVHC). Pour celles-là, la loi garantit aux consommateurs un « droit de savoir » : si on demande au fournisseur si un produit contient une SVHC, il est obligé de répondre dans les 45 jours. Ce n’est pas vraiment rapide mais c’est toujours ça…

L’application Scan4chem facilite la demande : on scanne le code-barres pour avoir la réponse directement (si le produit a déjà été encodé dans la base de données par le producteur) ou on peut envoyer un mail prêt à l’emploi au fournisseur. On peut avoir la réponse pour tout produit « solide » (pas l’alimentation ni les cosmétiques), dont les vêtements.

7 - « How Well Do Product Labels Indicate the Presence of PFAS in Consumer Items Used by Children and Adolescents ? » Rodgers K.M. et al. (2021)

8 - « PFAS : ce que contient la proposition de loi contre les "polluants éternels ", adoptée à l’unanimité au Sénat » Public Sénat (2024)

Ardennes & Alpes — n°220

Bien entretenir et réparer ses vêtements techniques

Diminuer ses émissions de PFAS passe également par… garder ses vêtements le plus longtemps possible. Cela évite d’en racheter d’autres (qui auront peut-être aussi utilisé des PFAS dans leur fabrication).

Portés dans des conditions parfois difficiles, les vêtements plein air peuvent s’abîmer : un trou, une couture déchirée, une fermeture déficiente, un revêtement qui s’écaille… Alors, on fait quoi ?

D’abord, on respecte les instructions de lavage. C’est très important pour garder les propriétés techniques de certains textiles – tout est rappelé sur l’étiquette du vêtement – ou on consulte le site de la marque qui donne souvent des conseils d’entretien adaptés à ses produits. On veille aussi à bien aérer ou laver ses vêtements après utilisation.

Si un vêtement est abîmé, il existe des kits de réparation ou des tutos pour prendre soi-même les choses en main, comme les guides de réparation proposés par Patagonia ou Vaude. Il est aussi possible de renvoyer son produit pour que la marque se charge elle-même de la réparation : remplacer les fermetures à glissière, recoudre les déchirures, etc. C’est le cas pour Patagonia, Bergans of Norway, Houdini, Arc’teryx et Gore-tex. Certaines marques proposent même la réparation gratuite, ça vaut la peine de se renseigner ! Enfin, l’entreprise Green Wolf est spécialisée dans la réparation de vêtements et accessoires outdoor On peut aussi tenter sa chance dans un Repair Café par exemple.

Si un vêtement commence à perdre ses propriétés déperlantes, on peut souvent les réactiver grâce à l’entretien (nettoyage, chaleur). On se renseigne sur le site de la marque de nos textiles afin de voir la marche à suivre. Pour réimperméabiliser ses textiles, on peut également opter pour des imperméabilisants sous forme de pulvérisateurs ou de produits à mettre en machine, sans PFAS.

ÉCOCONSO

Pour plus d’infos : Les articles suivants sur www.ecoconso.be :

• Comment se protéger des PFAS ?

• Quelles normes encadrent les PFAS ?

• Les vêtements d’extérieur sont-ils polluants et toxiques ?

Comment choisir des vêtements d’extérieur éco-responsables ?

• Scan4Chem, l’app pour vérifier si un produit contient certaines substances chimiques

• L’enquête publiée par Le Monde (2023)

« Revealed : The massive contamination of Europe by PFAS "forever chemicals" »

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UN GRAND BLANC SUR LA CARTE

Une mémorable exploration du Karakoram

Durant l’été de 1937, Eric Shipton envisage l’exploration d’une vaste zone inconnue du Karakoram, au nord et au nord-ouest du K2. Avec ses compagnons Bill Tilman, le géologue John Auden et le topographe Michael Spender, il conçoit d’y séjourner près de quatre mois, en autonomie totale. Sept Sherpas les accompagnent, choisis par Ang Tharkay, le compagnon de Shipton à l’Everest. Des porteurs baltis, recrutés à Skardu et Askole, participent temporairement au transport de plusieurs tonnes de matériel et de nourriture. À s’y reprendre, Eric Shipton aurait préféré engager le double de Sherpas et moins de Baltis. Le choix de la saison d’été pose problème : les crues des torrents issus de ces gigantesques glaciers peuvent à tout moment les bloquer, sans possibilité de retour. Le Karakoram est la région de l’Himalaya où les températures sont les plus sévères et le temps le plus instable. En se nourrissant presque exclusivement de pemmican, de tsampa et de thé, ces explorateurs ont pu cartographier quelque 3 000 km² de terrain vierge. Shipton avoue qu’il aurait bien aimé y séjourner plus longtemps, mais il était déjà pressenti pour une nouvelle expédition à l’Everest l’année suivante. Belle illustration de l’endurance et de l’obstination légendaires des Britanniques !

Le récit est assez aride mais bien appuyé par des cartes relatives à chaque chapitre. Il se lit comme un documentaire, sans cependant qu’on y rencontre l’ennui.

Une réflexion de l’auteur dans les premiers chapitres m’a interpellé :

« Gravir l’ensemble de ces montagnes imposantes va demander du temps. Le territoire qui s’ouvre à nous est si vaste que mieux vaut se concentrer d’abord sur son exploration. Dans deux cents ans, lorsque l’Himalaya aura

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MA VOIE

livré tous ses secrets, il sera temps de se lancer à l’assaut des sommets. Dans deux mille ans, quand ils auront été gravis, nous pourrons envisager d’y tracer des voies plus difficiles afin de retrouver le goût de l’aventure. »

Lorsqu’on songe aux prouesses réalisées en Himalaya en moins de cent ans, je suis confondu par cette estimation à ce point irréaliste. Le hasard veut que je vienne de lire récemment un article sur le calendrier Maya, où l’auteur m’apprend qu’à chaque nouveau cycle de 5 200 ans environ (le dernier vient de s’achever), le temps s’accélère d’un facteur vingt. Depuis, je contemple la succession frénétique des évènements actuels, en montagne et dans le monde, d’un œil stupéfait…

JEAN BOURGEOIS

Un grand blanc sur la carte, une mémorable exploration du Karakoram Eric Shipton, 1937

Traduction de l’anglais par Didier Mille Editions Nevicata, 2024, ISBN 978-2-87523-223-6, 313 pages, 23 €

De la Résistance au grand alpinisme SERGE COUPÉ

Né à Chambéry en 1925, Serge Coupé a été, jusqu’à ses quarante ans, l’acteur et le témoin de l’évolution de l’escalade d’après-guerre, quand presque tout était encore à ouvrir dans les massifs calcaires du sud-est français. Son adolescence rebelle l’avait orienté, durant la guerre, vers les chemins tortueux de la résistance. Mais ensuite, sa soif d’engagement l’a amené à ouvrir un nombre impressionnant de voies nouvelles jusqu’à être pressenti pour cette glorieuse expédition au Makalu en 1955, où tous les protagonistes ont atteint le sommet. Avec son ami Viallatte, ils n’étaient pas programmés pour l’assaut final, eux les jeunes nouveaux. Leur rapidité et leur détermination les ont cependant amenés, à la surprise de leur chef Jean Franco, au bon moment au dernier camp que les ténors venaient de quitter pour le sommet.

De nature rebelle et passionnée, Serge détestait avoir une corde devant lui et réalisait toutes ses ascensions en tête ou en solo. Il est devenu guide de haute montagne et moniteur de ski, moins pour se constituer une clientèle que pour se placer au niveau des plus grands.

Pour la première fois dans un récit d’aventures alpines de l’aprèsguerre, je trouve dans ce livre une réflexion intéressante sur ce qui s’est appelé l’école française de glace et de ski. Sous la férule d’Armand Charlet, la technique sacro-sainte de la progression en glace sur toutes les pointes des crampons était incontournable, ce qui nécessitait une souplesse particulière des tendons des chevilles. J’en sais quelque chose, moi qui ai suivi en 1961 un stage de ce maître incontesté – et incontestable – de cette technique appelée à l’époque « les pieds à plat ». Oser progresser sur les pointes avant était un sacrilège, comme celui de munir son piolet d’une dragonne.

« Un alpiniste ne lâche pas son piolet ! », disait le Maître. Il est vrai qu’à son époque on ne gravissait pas des pentes de glace de plus de 55°, en traversées ascendantes… Il en était de même pour ce qu’on a appelé « le ski français » dont la particularité était de toujours garder les skis parallèles et serrés. Serge Coupé a toujours contesté ce soi-disant purisme, qui limitait drastiquement les possibilités de progression. L’évolution ultérieure lui a donné raison.

Voilà un livre qui témoigne de l’histoire de l’escalade libre et artificielle de l’après-guerre. Il se lit avec intérêt, quoique sans passion. Décidément rebelle, l’auteur y décoche quelques flèches vers les grands de son temps.

JEAN BOURGEOIS

Ma voie. de la Résistance au grand alpinisme

Serge Coupé, Éditions du Mont-Blanc, 2024, 477 pages

ISBN 9782365451680

Bienvenue dans l’Aventure VALE M la montagne !

Un projet de l’association Itinéraire des Possibles

L’équipe du projet VALE M : ANNA BIENFAIT · MARIE CLOP

LISA REINHARD LUCIE ACHARD ELISE LEPAGE

— Photographies : LISA REINHARD

L’aventure | Notre projet a pris naissance au cœur de la montagne, lors d’un trek entre amies. Nous avons l’habitude de parcourir les sommets à pied, à ski, en vélo et surtout de partager ces moments ensemble. Et puis, l’idée a germé… et si nous emmenions

Valentine, jeune fille de 12 ans ayant un polyhandicap, avec nous en montagne pour lui ouvrir le champ des possibles ?

« VALE M la montagne » est né : VALE(ntine) M(aime) la montagne !

Il va s’agir de parcourir des chemins de montagne, de refuge en refuge, avec Valentine dans une Joëlette. La Joëlette, c’est un type de fauteuil roulant handisport, tout terrain, mono-roue, qui permet la pratique de la randonnée ou du trail pour des personnes atteintes de handicap. Son utilisation nécessite l’aide de deux

personnes minimum qui se placent à l’avant et à l’arrière du fauteuil.

Notre aventure se déroulera en août 2024, où nous dessinerons une boucle autour du Lac de Roselend (dans le Beaufortain) durant 4 jours.

Le projet

C’est un projet qui se veut inclusif, puisqu’il va permettre à Valentine de parcourir des chemins de montagne, d’être en contact avec la nature et de vivre des sensations fortes. Il permettra également de sensibiliser un plus large public à la cause du handicap et, nous l’espérons, permettra un soutien à l’association

La Petite Fille qui s’Attarde, qui s’articule autour de Valentine et qui mène des actions pour améliorer la condition des enfants handicapés et de leurs familles.

C’est aussi un projet humain aux côtés de Valentine. Il va s’agir d’apprendre à la connaître, elle et ses fonctionnements et réactions, d’accepter de, peut-être, vivre des moments difficiles.

L’accueil de Valen -

tine dans les refuges sera aussi un défi, puisqu’elle a l’habitude de vivre dans des espaces adaptés à son handicap.

C’est également un projet sportif pour notre équipe de 4 femmes qui effectueront un roulement pour pousser-tirer-porter Valentine et sa Joëlette en montagne sur plusieurs jours. Valentine pèse environ 45 kilos et la Joëlette 30, il faut rajouter à cela le poids des affaires.

Ce sera tout autant un challenge pour la camerawoman qui va suivre l’équipage tout en filmant l’aventure émotionnelle et relationnelle avec Valentine.

Enfin c’est un projet féminin : nous souhaitons mettre en avant la capacité des femmes à vivre une telle expérience. Si nous pouvons le faire, toutes les femmes qui le souhaitent le peuvent aussi.

Le film

Lisa, cinéaste, sera parmi nous pour mettre en images le défi sportif féminin, mais surtout et avant tout l’aventure émotionnelle et relationnelle avec Valentine.

Le film racontera l’expérience vécue par cette jeune fille au cours de l’expédition en Joëlette. La montagne, tout comme Valentine et l’équipe, va traverser des émotions fortes qu’il s’agira de mettre en lumière.

La préparation

de l’aventure

Depuis le lancement du projet en août 2023, nous avons réalisé 3 weekends de retrouvailles avec Valentine, deux autres sont prévus avant le périple.

Comme pour toute expédition en montagne, ces week-ends de préparation sont nécessaires pour plusieurs aspects.

Apprendre à connaître Valentine

Ces week-ends sont des moments précieux pour permettre à l’équipe de mieux connaître Valentine et ses fonctionnements.

La majeure partie de l’équipe ne connaissait pas Valentine avant ce projet, sauf Anna, sa tata. Il a donc semblé essentiel d’apprendre à la connaître avant de se lancer dans ce projet. Accompagner Valentine au quotidien signifie accepter ses changements d’humeurs et l’aider à revenir vers du plaisir. C’est aussi pouvoir l’habiller, la changer, lui donner à manger, jouer avec elle, etc.

Ardennes & Alpes — n°220

Habituer Valentine à la Joëlette

Valentine aime la nature, être dehors, se faire balader dans une poussette adaptée. C’est pourquoi ce projet a du sens pour elle. Mais nous avions plusieurs questionnements, Valentine ne connaissant pas la Joëlette : va-t-elle aimer ? Va-t-elle demander à descendre souvent ? Va-t-elle avoir peur dans des chemins cabossés, escarpés ?

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L’héroïne, Valentine

Valentine au quotidien

• Valentine ne parle pas, mais elle communique (fait des sons, nous tire la main, etc.).

• Valentine ne mange pas seule, mais sait nous montrer lorsqu’elle a faim et c’est un vrai petit glouton.

• Valentine ne peut se vêtir seule, mais si elle est décidée, peut nous aider en tendant son bras pour enfiler une manche par exemple.

• Valentine n’est pas propre, elle porte des couches.

• Valentine joue peu, mais elle adore dribbler avec un ballon.

• Valentine aime faire du bruit : elle tape avec des bouteilles en plastique contre une table, une chaise, etc.

• Valentine se balade, déambule dedans comme dehors. Elle s’assoit puis repart, fait des va-et-vient.

Elle aime que l’une d’entre nous lui donne la main, lui parle, coure à côté d’elle. Elle aime lorsque nous avançons vite et que jamais nous ne nous arrêtons.

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Valentine et ses émotions

• Valentine évoque la météo en montagne.

• Une météo qui peut changer si rapidement parfois.

• La montagne est rayonnante, le soleil doux, le vent léger, le ciel d’un bleu intense.

• Valentine est douce, calme, souriante et parfois rit aux éclats.

• La montagne fait entendre le chant sifflant du vent qui se lève et forcit si vite, emportant tout sur son passage. Elle se charge de gros nuages, rapidement ils déversent sur nous une pluie battante.

• L’orage gronde.

• Valentine se tend, s’énerve, s’impatiente. Elle crie, mord, griffe, tire les cheveux, elle jette tout ce qui est à sa portée…

• Pourquoi ce changement si rapide de météo ?

• Valentine est inconfortable.

• Valentine a mal.

• Valentine est fatiguée.

• Valentine déborde d’émotions. Valentine s’impatiente, elle veut manger maintenant, tout de suite ! Valentine ne supporte pas la contrainte.

• Valentine s’ennuie.

• Valentine veut que l’on joue avec elle.

• Valentine veut sortir mais cela n’est pas possible, là, maintenant.

• Nous allons, pour ce périple, devoir jongler avec la météo : celle de la montagne et celle de Valentine.

Nous allons, pour ce périple, devoir jongler avec la météo : celle de la montagne et celle de Valentine.

Nous avons commencé par 4 km et peu de dénivelé, puis nous avons progressivement augmenté jusqu’à faire 850 m de dénivelé positif pour 13 km sur le mont Ventoux.

Après ces trois week-ends, nous pouvons affirmer que Valentine aime la Joëlette, d’ailleurs plus le terrain est scabreux, plus elle est secouée, plus cela lui plait.

Elle aime que l’une d’entre nous lui donne la main, lui parle, coure à côté d’elle. Elle aime lorsque nous avançons vite et que jamais nous ne nous arrêtons.

Elle s’exprime, elle nous montre lorsque c’est le moment de se dégourdir les jambes ou de faire une pause repas.

Elle aime que nous chantions lorsque les changements d’humeur font leurs apparitions, cela l’apaise. Alors toute l’équipe s’est mise au chant ! Nous chantons à tue-tête, nous rions et Valentine change d’énergie. Nous essayons d’étoffer notre répertoire : de Jean Ferra à Georges Brassens en passant par Stromae, Louise Attaque ou Berceuse du Monde !

Anticiper le déroulement des nuits en refuge

Au quotidien, Valentine a ses habitudes et des espaces adaptés à son handicap. Son sommeil n’est pas toujours évident, surtout l’étape d’endormissement. Nous ne savons pas comment Valentine se comportera dans un dortoir, avec un lit non fermé et une chambre partagée.

Nous allons donc faire une nuit en refuge dans les Cévennes à l’occasion de notre prochain week-end de retrouvaille pour anticiper et trouver des idées en cas de difficultés.

Gagner en expérience : faire équipe autour de Valentine

Ces week-ends nous permettent d’apprendre à fonctionner ensemble, à nous coordonner pour accompagner au mieux Valentine et gérer le matériel.

Ce n’est qu’en faisant ensemble que l’on apprend les réactions de chacune à la fatigue, aux comportements de Valentine…

S’entraîner physiquement et techniquement à manipuler la Joëlette

Manipuler la Joëlette nous a fait découvrir des muscles !

L’ÉQUIPE (de gauche à droite)

Lisa : Passionnée de cinéma, fascinée par la nature et les humains, ravie de pouvoir mettre en images une aventure comme celle-ci.

Anna : Tante de Valentine, psychomotricienne, amoureuse de la montagne et de tout ce qu’elle nous offre comme belles aventures à partager.

Marie : Kinésithérapeute spécialisée en psychomotricité, la nature, le partage, l’inclusion, le goût de l’aventure sont tout ce qui m’anime et me motive dans la vie.

Lucie : Agronome, grande amatrice de montagne, aime parcourir les chemins en escalade, alpinisme, vélo et maintenant Joëlette !

Elise : Amoureuse de la nature, j’aime prendre de la hauteur et contempler les paysages lors de randonnées, trails ou treks, heureuse de contribuer à ce beau projet.

Ces week-ends permettent de rappeler à l’équipe la nécessité de se mettre en condition physique, notamment le renforcement des abdos, épaules, bras et puissance dans les jambes.

Nous avons la chance d’être conseillées par un ami de l’équipe, Robin, ancien kayakiste professionnel qui nous prépare des plans d’entraînement.

Se coordonner est nécessaire car Valentine n’est pas patiente, elle s’énerve vite. Alors il faut anticiper pour que les transitions soient les plus rapides possibles.

La communication est elle aussi essentielle. Connaître les envies, la motivation, l’énergie de chacune de nous au quotidien est indispensable.

Organiser la logistique du projet

Nous communiquons régulièrement par un groupe WhatsApp pour avancer sur le projet, mais les retrouvailles sont aussi des moments précieux pour pouvoir travailler ensemble sur le budget, l’organisation, le matériel nécessaire…

Nous testons d’ailleurs le matériel et les vêtements par tous les temps (pluie, vent, grêle mais aussi soleil !) et températures (2 petits degrés lors d’un entraînement au Pic-Saint-Loup !). Cela nous a permis d’ajuster l’équipement pour Valentine et pour l’équipe.

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Soutenir notre projet

Pour nous aider et si vous souhaitez visualiser notre projet en image, c’est par ici :

VALE M la montange

Suivre l’aventure : @valem_lamontagne

Nous contacter : itinerairedespossibles@gmail.com

Cette association a vocation à proposer, chaque année, des projets d’aventure inclusifs.

Le budget

Comme toutes les expéditions, cette aventure a aussi un coût : autour de 10 000 €. Dans ce budget, on retrouve les refuges, les repas, le matériel, les cinq week-ends d’entraînement, mais également du matériel vidéo.

Pour tenir ce budget, nous comptons sur le précieux soutien de sponsors ou donateurs. Plusieurs nous soutiennent déjà : le Club Alpin Belge, le CAB Brabant, le Club Alpin Français, Lepivits, Le Topo, Alpisport, l’association Soroptimist, le Rotary club de Rouen, Deuter, Sport 2000… Nous sommes d’ailleurs toujours en recherche d’autres sponsors/partenaires. Et pour compléter, nous avons ouvert une cagnotte en ligne permettant à tous ceux qui le veulent de nous aider à la hauteur de ce qu’ils souhaitent.

Ce projet nous permet de vivre la montagne autrement, avec beaucoup de joie, de partage, de moments très forts qui nous permettent de vivre et faire vivre une belle aventure !

VALE M est le premier projet porté par l’association que nous venons de créer : « Itinéraire des possibles »

Ce nom évoque un voyage vers de multiples possibilités.

Il suggère l’idée d’un parcours offrant une connotation d’exploration, d’aventure et de découverte.

L’itinéraire, un tracé sur une carte qui deviendra une aventure.

L’itinéraire vers soi, ouvrant des possibles à ceux qui ne pensaient pas l’aventure envisageable.

L’itinéraire vers les autres, faire du lien, construire ensemble, partager, aider.

Cette association a vocation à proposer, chaque année, des projets d’aventure inclusifs.

L’équipe de VALE M la montagne

1. La Joëlette passe même dans la neige!

2. Itinéraire du projet VALE M

3. Le sourire de Valentine en Joëlette

4. Joëlette

5. Des moments de joie partagés en équipe – Mont Ventoux

6. Moments de complicité

7. Stand lors du trail du Ventoux – Bédoin

8. Valentine

9. Montée délicate en Joëlette – Pic Saint Loup

10. Sur les chemins du Ventoux

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Destination Finale

Grimpe, vélo et focaccia

avec vue sur mer

JULIETTE DELARUE & UGO TADDEI

Que diriez-vous d’une semaine de grimpe avec vue sur mer au paradis du VTT, pour finir la journée avec un plat de maltagliati de sarrasin au pesto dans une osteria familiale avec vue sur d’adorables villages ? Ça vous parle ? Alors, on vous emmène à Finale Ligure en Ligurie !

Disons-le d’emblée, notre niveau d’escalade limité (6A-6B) et la météo capricieuse en mars (oui, il peut faire gris en Italie) ont restreint nos exploits et notre exploration de cet infini d’options, mais voici pourquoi nous avions choisi Finale comme destination et pourquoi nous y retournerons.

On arrive facilement à Finale Ligure en train depuis Bruxelles : départ après le travail de la Gare du Midi, train de nuit Paris-Nice. Le trajet au soleil levant à partir de Marseille vous met déjà dans l’ambiance des vacances. Puis le matin, TER Nice-Vintimille/ Ventimiglia et regionale jusqu’à Finale ; arrivée vers 13 h si tout s’enchaîne bien. Le tout avec un vélo –facile, on vous dit.

Sur place, si vous avez de bons mollets, de nombreux secteurs sont accessibles en vélo. Et ça vous échauffera ! Finale est aussi le paradis du VTT mais les

braves pratiquants ont tendance à monter les côtes en camionnette (VTT downhill)…Vous les reconnaitrez en terrasse au chouette village camp de base de Finalborgo, ce sont les monticules de boue avec des casques sous lesquels on discerne des humains. Niveau escalade, il y en a pour tous les goûts, bien que vous en profiterez surtout a partir du 5C. Ceci dit, la roche et l’équipement sont beaucoup plus sympathiques qu’en Belgique, à part le secteur de Monte Sordo (settore centrale) engagé et qui arrache les doigts, donc vous pouvez vous amuser. L’indis-

Attention, foccacia expressément interdite à l’intérieur du magasin Patagonia [...] le patron est de Gênes et jure qu’il n’y a pas focaccia d’ailleurs qui vaille.
Avec tout notre barda – Finalborgo, Italie

pensable topo (792 pages, 1 042 grammes tout de même) peut être emprunté aux campings ou mieux, acheté sur place partout. Nos voies préférées au secteur Avancorpo Boragni : Fuori Tema/Another Spit in the Wall, fissure de 30 mètres en 6A+ – attention à ne pas prendre la 6B par accident ; Giropizza : jolie dalle avec quelques doigts en 6A ; Chi vola vale : 6B de 40 mètres avec pas dur au pied de l’arbre, attention au vol ; pour vous en remettre, Vista mare avec vue sur mer à la fin.

Les options de randonnée de cotes en grottes et d’échappées en vélo (route ou gravel) ne manquent pas non plus. Le site www.finaleoutdoor.com est une mine d’or. Si vous avez la flemme, faites votre shopping matos et mangez une glace à Finalborgo (les vacances, c’est aussi fait pour cela).

On vous a dit qu’on mange bien en Italie ? Attention, foccacia expressément interdite à l’intérieur du magasin Patagonia de Finalborgo – pas tant car vous risquez de mettre de l’huile sur les vêtements que parce que le patron est de Gênes et jure qu’il n’y a pas focaccia d’ailleurs qui vaille. Nous, nous avons trouvé que ça fait des pique-niques très pratiques.

En somme, c’est une très belle destination avec pas mal de chouettes options dans le 5-6 et une grande réputation dans les niveaux plus durs. Le tout sans ruiner votre budget, ni en euros, ni en carbone.

Disclaimer : cet article n’est pas sponsorisé, nous avons simplement passé de bonnes vacances et espérons que vous en passerez aussi !

JULIETTE DELARUE & UGO TADDEI

Nos bonnes adresses :

• Location de vélo (VTC ou e-bike) à prix d’ami à Bina e-bike ou dans un des nombreux magasins de Finale Ligure.

• Camping Finale Freeride Outdoor Village : près de Finalborgo, prêt du topo

• Camping Le Terrazze : plus loin des villages mais avec accès direct au secteur Avancorpo Boragni ; peu d’espace pour les tentes mais petit-déj (6 €) et repas du soir (15 €) sur demande.

• Antica Osteria, Via Don Mario Scarrone, 17024 Finale Ligure : délicieuse osteria familiale avec vue imprenable, cuisine maison du terroir, excellentes options végétariennes ou le traditionnel lapin. Réservations indispensables (pas cher mais salle petite), ouvert du vendredi au dimanche uniquement.

• Bastian Contrario, Via Calice, 78, 17024 Finale Ligure : grande salle avec ambiance locale

Secteur Avancorpo Boragni, voie Chi vola vale

— Ligure, Italie

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