Ardennes Alpes
#217 / 3e trimestre 2023
© Sophie Planque
L E S M E I L L E U R S F I L M S O U T D O O R D E L’A N N É E
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Didier Marchal © 2023
Ardennes & Alpes — n°217
édito
En revenant de l’Aigle
Jamais la Belgique n’avait connu une vague de chaleur au mois de septembre. Les records de chaleur tombent les uns après les autres : « Le jour le plus chaud jamais enregistré un 10 septembre », « Le mois le plus chaud… », « L’été le plus chaud… ». Des records dont on se passerait bien, mais qui montrent à ceux qui ne l’ont pas encore compris que les changements climatiques sont bien une réalité ! Cette chaleur a des répercussions en montagne, où l’instabilité grandit et où on ne compte plus les éboulements et effondrements de parois. Cela rend la pratique de l’alpinisme plus risquée par endroit et nous devrons donc nous y adapter, revoir nos ambitions, modifier nos activités, changer nos plannings… Mais ce qu’il faut surtout, c’est changer nos comportements afin de diminuer notre impact sur l’environnement !
choix des dates, mais aussi avant d’entreprendre vos activités favorites, que ce soit la randonnée, l’escalade ou d’autres choses.
Des records, nous en avons aussi dans nos sports, même s’ils ne sont pas aussi médiatisés. Lucie Watillon termine troisième en Italie en Coupe d’Europe Lead (3 septembre), tout comme Ties Van Craeynest (KBF) chez les hommes. Félicitations !
Au gré de ce numéro, vous découvrirez une belle histoire « d’envies » : l’aventure extraordinaire de 10 femmes qui ont traversé l’épreuve du cancer.
Côté grandes voies, on retiendra la performance de Sébastien Berthe et Siebe Vanhee qui ont flashé la grande voie Rayu (8c, 600 m) en une journée le 19 août dernier dans les Picos de Europa (Espagne). Bravo !
Je vous laisse découvrir ce numéro, une fois encore riche et varié. Merci à tous ceux et celles qui y contribuent !
L’automne qui débute reste propice aux activités en extérieur. Mais c’est aussi la saison de la chasse ! Renseignez-vous donc lors de la préparation et le
L’automne marque aussi le début de la période de l’entretien des rochers : des infos et le calendrier dans votre magazine ! N’hésitez pas à rejoindre ceux qui prennent régulièrement soin de nos rochers ! Ils vous en seront reconnaissants (et nous aussi !). Depuis plusieurs années, nous souhaitions relancer l’alpinisme au sein de notre Fédération, qui est un Club « Alpin ». Cela semble sur la bonne voie depuis cet été ! Eric Thille et Marc Nootens, parmi d’autres, y ont grandement contribué et je les en remercie. Dans les pages qui suivent, Raphaël Dugailliez nous raconte comment s’est déroulée la première formation des initiateurs en alpinisme au cours de cet été.
Et aussi plusieurs articles dédiés à l’alpinisme, à l’escalade, au sport de haut niveau…
Bonne lecture ! DIDIER MARCHAL Président du CAB page 3
STAGE GIVRÉ AU MONT VISO PAGE 7
Paul Amicelli
© 2023
L’hiver vous paraît long, vous en avez assez de grimper en salle, vous avez soif de nouvelles activités liées à la grimpe, l’escalade en cascade de glace est faite pour vous : que ce soit en moulinette ou en grandes voies, vous serez rassasiés.
PROMENADE AU MONT-BLANC
Sommaire 3
Édito
5
Formation des nouveaux initiateurs en alpinisme — Un bon cru 2023 !
7
10 raisons de tenter l’aventure — Stage Givré au Mont Viso
10
Promenade au Mont-Blanc — Une traversée de quatre 4 000
12
Slowly but surely — Une ascension sur le Denali
17
Du cercle polaire au Cap Nord — Une traversée de 64 jours en skis-pulka en hiver et en solitaire
25
En-Vies — 10 femmes en quête d’envies
28
Henri La Fontaine et Émile Vandervelde — Une cordée au sommet (partie 2/2)
32
Un tableau pour Freyr — Présentation de Kato Van de Mosselaer
33
Du bloc au Tessin — Un premier trip pour la BRCT (Belgian rock climbing team)
36
Saison 2023 de la Belgian Climbing Team — Vers de nouveaux horizons
38
Opération Liberty
42
Paumenade aux Drus
48
Entretien en gestion collective des rochers — Saison 2023-24
50
We need you
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Chloé Mar
chal © 20
23
Lundi 10 juillet, 9 h. Je suis dans le bus qui me ramène de Chamonix, où je viens de faire ma plus longue course en montagne à ce jour : le mont Blanc par les 3 Monts, avec un retour par le dôme du Goûter et son fameux Grand Couloir.
SLOWLY BUT SURELY PAGE 12
Souply Fernand
Pierard ©
2023
Tout a commencé dans un bar, comme bien souvent d’ailleurs : Fernand Souply-Pierard et moi-même faisions connaissance et Fernand m’exposait son projet Climb for Kids qui consiste à récolter de l’argent pour des enfants porteurs de handicap ou issus de milieu défavorisé.
DU CERCLE POLAIRE AU CAP NORD PAGE 17
Sébast ien Me rc
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023
Biologiste de formation, je travaille dans une petite startup, créée en 2018, dans la recherche contre le cancer dans la région de Marche-en-Famenne. Après trois ans de recherche intense [...] je décide [...] de repartir à l’aventure. En janvier 2022, je demande aux boss si une pause carrière serait envisageable l’année prochaine. Ils sont d’accord !
Alexandre de Bie © 2023
Formation des nouveaux initiateurs en alpinisme Un bon cru 2023 ! RAPHAËL DUGAILLIEZ
Nous étions 11 à entamer la nouvelle formation « initiateur en alpinisme » de 6 jours en Belgique et de 8 jours dans les Alpes (qui ne s’était plus tenue depuis 11 ans au CAB…), et deux parmi nous n’ont pu nous rejoindre au plissement géologique franco-italien. Nous étions donc 9 (8 hommes et une femme) encadrés par Marc Nootens (CAB, responsable formation Init Alpi) et Damien Luc, (CAB, du cercle Esprit d’Altitude) sous le training intensif et passionnant de Pascal, un guide de haute montagne de la cinquantaine basé pas loin de Chamonix. Un type engagé, qui a des yeux partout et aussi du second degré, indispensable avec des Belges !
Rendez-vous à 16 h au Chalet du CAF du Tour, le dimanche, pour commencer, avec… des abricots. Raphaël en a amené 5 kg, on en a mangé toute la semaine.
Promotion 2023 des initiateurs alpinisme du CAB, avec les encadrants
Le programme, très intense, était très varié. Briefing le soir pour le lendemain, un verre à la main quand même, repas 3 services du refuge, faire son sac, tenter de dormir un max, puis 6 h 30 levé, p’titdéj’ 7 h, 7 h 30 départ, jusqu’à 17 h, puis retour, débriefing, briefing, mini douche, repas, puis faire son sac… et préparer encore quelques challenges dans le cadre de la formation… bref, il nous a juste manqué 1 h pour faire une sieste. Et pour ceux qui ont testé l’UCPA, le programme était plus dense avec le CAB, plus engagé, plus responsabilisant, beaucoup plus orienté « formation ». Sinon, de l’avis de tous, beaucoup d’apprentissages reçus et un guide qui a donné vraiment de sa personne, en s’engageant corps et âme pour notre groupe : chapeau bas ! Une formation d’un très bon niveau, plus qu’attendu par chacun, qui a bien exploité les forces du groupe et ses complémentarités. Martin, l’un de nous, a trouvé un mini jeu chaque jour pour déterminer les cordées, de sorte que chacun a testé autrui, pour expérimenter aussi… le fameux facteur humain et ne pas s’écharper les égos, la montagne à elle seule étant déjà assez abrasive. Une semaine aussi pour expérimenter le leadership en montagne, la communication plus poussée, apprendre à renoncer aussi, ou à changer d’itinéraire, à se concerter, à être bienveillant plus que performant, à s’engager, comme nous le disait Pascal, le guide « à page 5
sentir battre le cœur des gens à travers la corde », à sentir qui est le plus à l’aise pour être en tête, à devenir de plus en plus efficace dans les manip de cordes, à ne pas perdre de temps en montagne et à toujours cultiver l’humilité, le respect du milieu face à la montagne et à ses dangers objectifs, à sa météo singulière. Grande voie en grosse, école de neige plus poussée et exercices de sécurité en neige/glace, pose de pitons, escalade en trad, courses d’arrête, course glacière, mouflages variés, évaluation écrite de secourisme en montagne, préparation de courses, tester d’être leader, devenir second, tester des cordées de 3, de 2, des nœuds, préparer un exposé sur la montagne, des nouveaux nœuds, des nouvelles manips de cordes, etc. Un menu beaucoup plus diversifié qu’au chalet du CAF, qui nous a servi des pois chiches à 4 repas du soir…
[...] à toujours cultiver l’humilité, le respect du milieu face à la montagne et à ses dangers objectifs, à sa météo singulière. Au menu des courses, la petite fourche et tête blanche, par l’arrête NE au départ du Refuge Albert 1er et la traversée des perrons de Valorcine, depuis le lac d’Emosson, parmi d’autres. Un groupe qui a su s’émuler, se compléter, être bienveillant, s’écouter, se gérer, avec aussi une bonne ambiance d’inclusivité et ça, c’est un beau moment humain partagé, car l’alpinisme, c’est d’abord une histoire de relation. De l'avis unanime de tous : une formation enrichissante, un guide expérimenté, entrainé à la formation pour adulte et secouriste en montagne et qui a transmis sa passion, des méthodes innovantes et actualisées et aucun blessé à déplorer.
Alexandre de Bie © 2023
Alexandre de Bie © 2023
Le rassemblement « Alpi » du Noyau Alpi s suivi dans la foulée à Chamonix, à nouveau sous le signe de l’auto-organisation et des courses vécues selon les envies, les disponibilités et la météo. Et puis une année de canicule encore avec 25 à 38 °C à Chamonix, un isotherme zéro bien au-delà des 4 000 m et l’Arve à un niveau très élevé, signe que le changement climatique fait vraiment reculer les glaciers plus vite encore et que l’alpinisme neige/glace doit se réinventer, s’adapter et qu’il nous faut encore nous engager pour un alpinisme « bas carbone ». Chacun des « stagiaires » a été validé par le CAB, devenant ainsi « initiateur en alpinisme » pour le CAB. Reste pour chacun à valider une course organisée par un cercle sous la supervision d’un « sachant » dans les mois à venir pour obtenir la validation complète du parcours. Cerise sur le gâteau, la formation se terminait le jour de la coupe du monde d’escalade de difficulté à Chamonix et certains ont pu voir les champions s’écharper sur du 8C+ à flasher avec un devers à 42°… une magnifique organisation et une belle soirée partagée sous le mont Blanc, par 22 000 personnes environ. RAPHAËL DUGAILLIEZ
En haut : Cordée sur le Pic Janvier
page 6
En bas : Alexandre de Bie, le Photographe
Paul Amicelli © 2023
STAGE GIVRÉ AU MONT VISO (PIÉMONT)
10 raisons de tenter
l’AVENTURE Cascade de glace au Refuge Jervis
L'autre Quentin en pleine ascension d'une cascade de glace
JONHATAN DELCHAMBRE 1. L’hiver vous paraît long … vous en avez assez de grimper en salle, vous avez soif de nouvelles activités liées à la grimpe, l’escalade en cascade de glace est faite pour vous : que ce soit en moulinette ou en grandes voies, vous serez rassasiés. Vous serez prêts à attaquer des goulottes de 200 m sur les faces nord de vos montagnes favorites.
2. Le refuge Jervis … ou disons plutôt l’hôtel, où vous serez hébergés, possède beaucoup d’atouts : son hospitalité, la chaleur de ses saisonniers, son feu de bois, l’eau chaude des douches, les jeux de cartes, la salle de bloc, sans oublier la musique pop italienne pendant la vaisselle ! Et, en plus, en semaine, vous y serez pratiquement tout seul.
3. La qualité de la nourriture italienne … et sa quantité ! Vous découvrirez les limites de la capacité d’absorption de votre estomac. Le buffet au petit déjeuner, le panier repas entre 2 voies, la bière et les chips à l’apéro, et enfin, les diners bien mérités comportant antipasti, primo piatti, secondi piatti e dolce rassasieront les plus affamés d’entre vous.
4. La découverte de l’onglée L’onglée est une conséquence douloureuse mais bénigne du froid sur les extrémités des doigts. L’onglée est une affection présente chez les alpinistes (Wikipédia). Ou la redécouvrir à sa juste valeur.
5. Le paysage grandiose … le panorama du cirque de la vallée de Pellice offre une vue imprenable.
6. La bonne ambiance … du collectif isolé en pleine montagne.
7. Le professionnalisme, la bienveillance et la passion … des guides, Robi et Marco, vous permettront de vivre l’expérience dans son entièreté.
8. Les trajets en motoneige … derrière le conducteur ou même dans la remorque valent mieux que n’importe quelle montagne russe !
9. Un apéritif … de marche et raquettes dans la poudreuse vous sera servi avant d’arriver au plat de résistance : votre cascade de glace quotidienne.
10. Si vous n’avez pas encore acheté tout votre matériel d’alpinisme … le refuge met à disposition l’équipement nécessaire pour l’alpinisme (piolets, crampons, chaussons d’escalade, casque, chaussures d’alpinisme, cordes, broches à glace, mousquetons, sangles, grigri, poignée jumart, etc.). page 7
Jonathan Delchambre © 2023
Paul Amicelli © 2023
Le refuge Jervis dans la nuit
À partir de maintenant, nous allons vous conter notre petite escapade. En espérant qu’elle soit divertissante et qu’elle vous donne envie de tenter l’aventure.
Les givrés du CAB-B en Italie 19 décembre 2022 Réunion d’informations dans les locaux du CAB-B. Les aventuriers se rencontrent, échangent et planifient la logistique (horaires avion, autocar, train) pour le départ. Le stage s’effectue du 14 au 21 Janvier au Refuge Jervis, à environ 1 h de Turin. WhatsApp, Excel, les outils élémentaires pour une bonne organisation. Une fois la réunion terminée, chacun rentre chez soi et se lance dans les préparatifs.
Vacances de Noël 2022 Parmi les six membres du groupe, un seul pouvait être considéré comme un « touriste ». Il ne disposait d’aucune expérience en alpinisme (encore moins en cascade de glace), aucun équipement, seulement quelques sorties en skis et un peu d’escalade en bloc. Néanmoins sa condition sportive (cardio qui peut être mis à l’épreuve et une bonne endurance musculaire, un bon rapport poids/puissance), sa bonne appréhension des hauteurs et son ouverture aux challenges jouaient en sa faveur. Une fois la liste des courses en main, le touriste est allé faire du shopping. Dans un premier temps, les vêtements : bonnet, gants d’alpinisme, chaussettes, sous-couche thermolactyl (2x manches longues, 1x legging), pantalon d’alpinisme, veste softshell d’alpinisme / jacket multi-sport mountain, doudoune, lunettes d’alpinisme. Concernant les chaussures d’al-
Le groupe après une autre ascension. De haut en bas et de gauche à droite: Jonathan, Quentin, Ulrich, Barbara et Quentin page 8
Val Pellice
pinisme, la location était le choix le plus approprié ne sachant pas si l’expérience allait être réitérée dans le futur. L’objectif ici était de pouvoir grimper en étant libre de ses mouvements aka légèreté sans pour autant avoir froid. Dans un second temps, le matériel : 90 % pouvait être loué au refuge. En revanche, il a fallu acquérir un sac d’alpinisme (35 litres minimum), un baudrier (d’escalade ou d’alpinisme, la différence est négligeable) et une lampe frontale. Une fois le matos acquis, le voyage.
14 janvier 2022 Certains ont pris l’avion, d’autres ont pris l’autobus ou encore le train. Dans tous les cas, tout le monde s’est rejoint à l’aéroport de Turin. Une navette-taxi nous a transportés jusqu’à un parking avant de nous abandonner à une petite marche de 500 mètres de dénivelé pour atteindre le refuge Jervis, notre nouvelle maison. Nous avons atteint notre destination en début de soirée après avoir marché sur une route couverte d’une fine couche de neige. Son caractère chaleureux, c’est la première chose que l’on ressent une fois dans le refuge : une décoration rustique, des chambres qui nous ramènent à l’époque des dortoirs et lits superposés, et surtout, une atmosphère simple et pleine de bienveillance. Nous avons été accueillis par les hôtes de la maison et Robi, le patron, qui nous a expliqué le programme de la semaine. Nous avons diné, on nous avait dit que l’on mangeait beaucoup et très bien. Ce n’était pas un mensonge : 4 plats complets, du vin, de la bière… Nous avons discuté, nous nous sommes découverts et une fois la peau du ventre bien tendue, il était temps d’aller nous reposer.
La semaine montagnarde Les journées respectent un programme horaire simple : •
8 h 00 : petit-déjeuner
•
9 h 00 : départ
•
10 h > 15 h : Escalade de cascades de glace diverses et variées
•
15 h > 16 h : retour à la maison
Ardennes & Alpes — n°217
Du 14 au 21 janvier. Après une demi-journée de formation à l’ARVA (appareil de recherche de victimes en avalanches), nous nous lancions déjà dans une première cascade de glace "école". Nous passions le reste de la semaine à découvrir les différentes cascades qui se trouvent dans la vallée autour de refuge. Avec les bons conseils techniques et de multiples exercices, nous grimpions en moulinette des cascades d’une ou de plusieurs longueurs. Les plus aguerris se laissaient tenter à monter en tête.
Son caractère chaleureux, c’est la première chose que l’on ressent une fois dans le refuge Les conditions de météo étaient éprouvantes : les cascades étaient la plupart de temps à l’ombre, sur les versants nord des montagnes. De plus, elles n'étaient pas à côté du refuge : pour atteindre la cascade de glace, c’était comme une roulette russe. Nous partions soit pour une « petite marche d’échauffement » de 45 minutes à 1 heure ou pour 10 minutes de motoneige et 15 à 20 minutes de marche. Heureusement, le soleil qui brillait dans un ciel bleu au-dessus des
montagnes, nous réchauffait et le paysage, à couper le souffle, nous permettait de mieux résister au froid. Au niveau technique, nous avons appris à « lire » la glace afin d’y planter correctement nos piolets et nos crampons. Au niveau sécurité, l’activité était très bien encadrée et personne ne s’est blessé pendant le stage. Cependant, les chutes de blocs de glaces ne sont pas négligeables ; surtout si nous sommes à plusieurs dans une cascade. Après l’effort, le réconfort : une fois rentrés au refuge, nous nous posions dans la salle de séjour Devant un bon feu, chacun s’étirait, prenait une bonne douche chaude. Nous avons pris l’habitude de prendre un petit apéro composé de bières, chips et popcorn afin d’attaquer le repas 4 plats (antipasti, primi piatti, secondi piatti, dolce) afin de bien charger les batteries pour la journée suivante. Nos soirées se finissaient en général par un jeu de cartes, un peu de musique traditionnelle italienne (pas toujours du goût de nos hôtes) et une tisane. Nous avons particulièrement apprécié les guides de haute montagne piémontais Robi et Marco, les repas interminables et le cadre merveilleux du Val Pellice ! Nous vous encourageons à faire l’expérience mais sans vous presser. Comme nous ont dit les guides : Qui va piano, va sano e va lontano (qui va lentement, va sainement et loin !). JONHATAN DELCHAMBRE
Paul Amicelli © 2023
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Chloé Marchal © 2023
Promenade
au Mont-Blanc Une traversée de quatre 4 000 QUENTIN MEEUS
Le très moderne refuge du Goûter
Lundi 10 juillet, 9 h. Je suis dans le bus qui me ramène de Chamonix, où je viens de faire ma plus longue course en montagne à ce jour : le mont Blanc par les 3 Monts, avec un retour par le dôme du Goûter et son fameux Grand Couloir.
a rendu la neige dure : l’évolution y est aisée. Il y a déjà quelques cordées devant nous, leurs frontales virevoltant joyeusement dans la montagne. Chloé prend la tête et entame la face nord du mont Blanc du Tacul. Les passages délicats font office de goulots d’étranglement où il faut attendre son tour pour passer. Cependant, cette première montée ne présente pas de difficulté particulière et nous n’en faisons qu’une bouchée.
Je me suis rendu à Chamonix depuis Bruxelles en bus de nuit pour arriver à 9 h après une nuit mouvementée. Je rejoins Chloé qui est arrivée d’Alsace en BlaBlaCar la veille. Sans plus tarder, nous partons pour l’aiguille du Midi. Acclimatation expresse et 2-3 rappels techniques plus tard, nous voilà attablés au refuge des Cosmiques pour déguster un délicieux repas préparé par nos hôtes. La météo sera idéale, grand soleil, et le vent se lèvera dans l’après-midi, quand nous serons, on l’espère, loin des sommets. Nous allons dormir à 20 h, ou en tout cas essayer. Le réveil est prévu à une heure moins le quart.
Je prends la tête et nous nous dirigeons vers le mont Maudit. La difficulté technique de l’itinéraire est une paroi quasi verticale de 80 mètres qui mène à l’épaule du mont Maudit. Lorsque nous arrivons au pied de la difficulté, plusieurs cordées sont déjà présentes. Les guides vont installer les cordes pour assurer leurs clientes et clients. Les autres évoluent corde tendue, grimpant en même temps. Dans ces conditions, on n’a pas droit à l’erreur. La chute de l’un entraîne indéniablement celle de l’autre.
La traversée des 3 Monts
1 h 45. C’est l’heure de chausser les crampons, s’encorder et partir. La nuit est claire et un bon regel
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Heureux d’avoir passé cet obstacle avec brio, nous sommes accueillis sur l’épaule par le soleil qui com-
Page suivante : · Notre itinéraire depuis l’aiguille du Midi · Le sommet bien mérité
Quentin Meeus © 2023
Si les repas en refuge sont souvent délicieux, les nuits y sont souvent courtes, entre les grincements, ronflements, l’altitude et l’anticipation du lendemain. Je finis finalement par m’endormir 10minutes avant que les premiers levés me réveillent en se préparant. Résigné, je vais préparer mes affaires et réveille Chloé à l’heure convenue. Nous mangeons sans faim un bol de muesli et buvons une tasse de thé. Puis, nous nous dirigeons vers l’extérieur.
Comme les conditions sont idéales, nous choisissons la seconde option qui offre l’avantage d’être rapide et efficace. Nous voyons une ouverture et je fonce en entraînant ma partenaire avec moi. Les piolets et les crampons s’enfoncent facilement dans la neige gelée et y restent solidement accrochés. L’escalade est presque trop facile, sauf un petit pas de traverse en glace vive qui nous demande une attention particulière.
Nous sommes à 4 400 mètres, il n’en reste que 400. La pente n’est pas forte, le terrain n’est pas difficile, mais ces quelques centaines de mètres nous semblent interminables. Nous avançons tels des escargots et tout le monde autour de nous bouge au ralenti. Je propose à Chloé d’aller devant afin qu’elle puisse décider de l’allure à prendre, à son aise. Chaque pas est un combat. 4 600 mètres et le sommet est toujours invisible et le restera jusqu’au dernier moment. Au sommet, le vent est bien présent et nous frappe le visage. Nous avons froid, nous sommes épuisés, mais contents. Pas de quoi s’éterniser, la route est encore longue et ça caille. On prend deux ou trois photos, puis je regarde Chloé : « On se casse ? – Ouais de ouf ». On ne sera pas resté plus de 10 minutes au sommet.
L’arête, le dôme et son Grand Couloir On rejoint l’arête des Bosses, l’arrivée de la voie normale du mont Blanc. L’arête est effilée et vertigineuse par endroit, mais pas difficile. Elle tient son nom des deux protubérances, les Bosses du Dromadaire, qui troublent sa régularité. Celles-ci paraissent si petites vues de Cham’, mais imposantes vues de près. Nous nous dépêchons de perdre de l’altitude. De nombreuses cordées grimpent sur la voie normale et nous les saluons gaiement, euphoriques d’avoir atteint le sommet. Cependant, la descente est difficile. J’ai un mal de crâne qui perdure depuis la veille et ne fait que s’intensifier. Je ne sais si c’est dû au manque de sommeil, à la déshydratation ou à l’altitude, probablement un bon mélange des trois. Je dois tellement lutter que j’en oublie presque le paysage magnifique qui m’entoure, les glaciers immenses et leurs séracs majestueux, les sommets qui émergent de la glace. Plus bas, nous apercevons le refuge Vallot qui a sauvé plus d’un alpiniste du mont Blanc et de ses fréquentes sautes d’humeur. Nous nous y arrêterons un instant, afin de pouvoir souffler et échanger quelques blagues avec une autre cordée qui vient de faire la voie normale avant de nous remettre en route. Il nous faut atteindre le dôme du Goûter et descendre, puis tra-
Chloé Marchal © 2023
mence à poindre à l’horizon, nous donnant une vue magnifique sur les massifs proches et moins proches, le Cervin et le mont Rose. Nous faisons une pause au col de la Brenva pour discuter avec les autres cordées, manger et prendre des photos. Ensuite, nous prenons d’assaut la dernière difficulté de l’ascension.
verser le Grand Couloir, étape que nous voulons passer au plus vite parce que celui-ci est réputé pour ses chutes de pierres meurtrières, fréquentes les chaudes après-midi d’été. Bien qu’étant arrivés tôt au sommet, la descente de la voie normale nous aura pris beaucoup de temps. C’est sur les coups de midi que nous arrivons au refuge du Goûter, cette structure ovoïde métallique, mythique à défaut d’être jolie. Nous rejoignons la sortie du couloir, où nous nous désencordons et rangeons notre matériel. Bien qu’épuisés tous les deux, nous entamons la descente sans tarder, une sente escarpée avec de temps à autre une rampe métallique. Ce qui ne nous aurait pas posé de difficulté en temps normal nous a semblé extrêmement difficile, un peu comme si nous avions pris 50 ans en une heure. Une désescalade ardue, mais tout de même bien appréciable puisque c’étaient les premiers pas de grimpe rencontrés sur la course. Nous arrivons enfin à la traversée tant redoutée du « couloir de la mort ». Le passage est quand même impressionnant : il se fait dans un étroit couloir de neige creusé par les alpinistes ou chacun attend son tour avant de foncer le plus rapidement possible pour atteindre l’autre rive. Cependant, nous n’avions entendu qu’une seule chute de pierre depuis le refuge du Goûter. Nous nous engageons donc, confiants, chacun à son tour, sans courir, mais sans trainer non plus. Ensuite, le sentier escarpé continue pour faire place à des chemins de plus en plus roulants et finalement à une piste qui mène à la gare du Nid d’aigle où nous prendrons un train qui nous ramènera à la civilisation.
Nous voilà au bout de notre objectif, fatigués, mais ravis de cette aventure qui nous aura tout de même pris 13 heures. Nous quittons Chamonix, Chloé avec ses passagers BlaBlaCar, moi dans mon bus de nuit, chacun la tête remplie de paysages merveilleux et l’envie de repartir le plus vite possible retrouver les cimes.
QUENTIN MEEUS page 11
Slowly but surely Une ascension sur le Denali SÉBASTIEN LAURENT Tout a commencé dans un bar, comme bien souvent d’ailleurs : Fernand Souply-Pierard et moi-même faisions connaissance et Fernand m’exposait son projet Climb for Kids qui consiste à récolter de l’argent pour des enfants porteurs de handicap ou issus de milieu défavorisé.
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Ardennes & Alpes — n°217
Pour donner une visibilité à ce projet, il souhaitait relever des défis sportifs… comme un seven summits challenge par exemple. Il n’en fallait pas moins pour me motiver et, l’année dernière, vous avez pu lire le compte rendu de Fernand de notre première ascension dans le cadre de ce projet : celle du Kilimanjaro.
Cette année c’est donc sur le Denali, point culminant de l’Amérique du nord situé en Alaska, que nous nous sommes rendus, accompagnés de Paul Hegge et de Thomas Plumanns et coachés en Belgique par Marc Nootens. C’est ainsi que notre petite équipe s’est retrouvée un 19 mai à Talkeetna, village pittoresque (certains diront un trou de nez), prêts à décoller pour atterrir à 17 h sur le glacier Kahiltna, située à 2 195 m, d’où nous nous sommes lancés dans cette ascension.
Sébastien Laurent © 2023
Le Denali, « celui qui est haut » en koyukon, est un beau gros morceau. Avec ses 6 190 mètres cette montagne est réputée pour ses conditions climatiques extrêmes – étant proche du cercle polaire – pour sa météo changeante, pour son dénivelé important, pour la difficulté liée à la latitude et enfin pour ses effroyables pulkas, luges qui permettent de tirer son matériel et ses vivres et dont nous n’avons toujours pas réussi à maîtriser le maniement. Arrivés en fin de journée au camp de base, nous tentons d’avancer au plus proche du camp 1 situé
à 2 400 m et nous nous arrêtons finalement à Ski hill, situé à une encablure de notre objectif. Nous rejoignons celui-ci dès le lendemain et profiterons de cette seconde journée pour aller faire une cache proche du camp 2, situé à 3 400 m.
21 mai Nous nous rendons au camp 2 à travers une masse nuageuse qui rend difficile l’orientation, nous croisons notre cache qui a été visitée par des corbeaux mais qui, heureusement, a été rebouchée par des alpinistes entre temps… la solidarité est toujours là en montagne ! Nous refaisons une cache plus profonde et continuons. C’est fatigués que nous atteindrons notre but. Le lendemain nous récupérons notre cache mais devons affronter des vents violents. Le 23 nous partons en direction du camp 3 pour une nouvelle cache, c’est à ce moment que nous affrontons les célèbres Motorcycle hill, Squirrel hill et Windy corner qui, pour le coup est plutôt calme.
24 mai Nous nous mettons en route vers le camp 3 (4 270 m) et attaquons à nouveau Motorcycle hill par un beau rayon de soleil. Mais le temps change et c’est le vent qui nous accueillera à Squirrel hill et au bien nommé cette fois Windy corner. Le vent glacé m’arrache le visage et une petite chute sans casse dans une crevasse nous rappelle d’être vigilants sur cette section. Poussés par l’envie de sortir de cet enfer blanc, nous poussons donc jusqu’au camp 3 où nous arrivons exténués, mais où nous nous efforçons de monter notre campement et d’ériger des murs de neige en prévision des vents annoncés. Nous terminerons cette longue journée vers 22 h. Le froid se fait doucement ressentir, -20 °C deviendra notre quotidien.
Sébastien Laurent © 2023
Les brûleurs qui nous permettent de cuisiner deviennent de plus en plus capricieux et nous n’arrivons pas à identifier ce qui dysfonctionne, par précaution nous dormons désormais avec les bouteilles d’essence afin de les maintenir au chaud. Le camp 3 est un mini village qui se transforme au gré des équipes qui vont et viennent. Seul pilier stable de ce campement, la tente des rangers assure un service sur le Denali. Le 25 au matin, ils supervisent d’ailleurs l’évacuation par hélicoptère d’une équipe en difficulté. On nous annonce du mauvais temps pour le 26 et nous décidons donc d’en faire une journée de repos…. loi de Murphy oblige, le temps est finalement superbe.
Page de gauche : Vue de Paul et Thomas qui traînent leurs pulkas Ci-contre : De gauche à droite : Fernand, Thomas, Paul et Sébastien page 13
En haut : L’ambiance est bonne au camp 2 En bas : Vue du camp 2 Page suivante : · Le Denali vu depuis l’avion qui nous y déposera · Sébastien et Paul au sommet
27 mai Reposés, nous nous lançons dans les « fixed lines » – cordes fixes – qui nous aident à gravir le mur de 250 mètres qui mène au chemin du high camp (5 240 m). L’objectif de la journée est de faire une cache et le temps est avec nous. Durant l’ascension, Thomas prend la difficile décision d’arrêter l’ascension et retourne, miné, au camp 3. Nous le rejoignons en fin de journée après avoir fait notre cache. Il arrête l’aventure ici. Nous décidons donc de partir à trois le lendemain vers le high camp, Thomas restera au camp 3 avec une tente, nous monterons avec l’autre.
28 mai Fernand Souply Pierard © 2023
Nous repassons par les « fixed lines » et embarquons notre cache au passage. Nous montons notre campement et nous nous préparons pour l’ascension du lendemain, les températures sont désormais en dessous de -30 °C.
Sébastien Laurent © 2023
Au moment des photos souvenirs, je réalise que je ne suis plus vraiment moi-même, le mal d’altitude me touche 29 mai, jour J À 9 h 30, nous voilà en route et nous rejoignons rapidement l’autobahn, section ainsi nommée avec une certaine ironie pour les vitesses qui résultent de la glissade d’un grimpeur inattentif. Après une solide ascension, une section plate, appelée Football field, est surplombée par le dernier effort de la journée « Pig hill » qui mène à la crête qu’il restera alors à longer pour atteindre le sommet. Sur Football field, l’équipe rencontre un problème : Fernand n’a plus de jus et doit rebrousser chemin. Je salue ici le courage et la force de caractère qu’il faut pour ne pas céder à la tentation de « pousser » et de se retrouver en difficulté par la suite. Objectif mais déçu, Fernand décide donc malgré nos encouragements d’arrêter pour cette fois l’aventure. Après un moment, Paul et moi partons donc à l’assaut de cette dernière section. Une fois la crête atteinte nous rejoignons le som-
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met qui ne nous a jamais semblé aussi loin. Nous y arrivons finalement et nous nous prenons dans les bras, grisés par cet accomplissement. Au moment des photos souvenirs, je réalise que je ne suis plus vraiment moi-même, le mal d’altitude me touche et j’en averti immédiatement Paul qui s’empresse de repartir avec moi pour descendre et atténuer les effets. J’ai l’impression d’être ivre, heureusement les études mènent à tout et je me rappelle comment j’arrivai à faire bonne figure malgré mes cuites d’étudiant. Je me concentre donc pour cette descente qui sera des plus pénible car, sur l’autobahn, un groupe guidé se sécurise tous les 5 mètres et nous nous retrouvons statiques et coincés derrière lui sous un vent qui avait choisi ce moment pour se lever. C’est finalement à 22 h 39 que nous arriverons dans la tente qui ne nous a jamais semblé aussi confortable.
30 mai Malgré l’épuisement de l’ascension de la veille, nous partons au plus vite du high camp pour éviter de s’y retrouver coincés tant que le temps le permet. Nous partons donc aux aurores et devons faire appel à un peu de technique pour traverser quelques passages. Nous retrouvons finalement Thomas au camp 3 et partons au plus vite en direction du camp 2 que nous atteindrons vers 20 h.
31 mai
empressement à regagner le camp de base, l’équipe n’a pas pris le temps de faire de l’eau… me voilà à remplir ma gourde à moitié remplie d’eau avec de la neige pour la faire fondre… je me retrouverai en fin de journée à sucer de la glace. Un dernier dénivelé mène au camp de base, un dénivelé qui relève de la promenade sur un terril en temps normal mais qui, après ces jours d’ascensions de froid et de fatigue, nous semble interminable. Une fois au camp, il nous faudra y passer la nuit dans l’espoir d’avoir un avion le lendemain. En effet, les conditions météo clouent les avions au sol. Le lendemain, à la première heure, nous avons la chance d’embarquer dans les premiers avions de la compagnie Talkeetna air taxi. L’équipe est malheureusement splittée en deux. Paul ira dans le second avion. Les deux avions, moteurs allumés, s’apprêtent à décoller. Le nôtre prend son envol et, sur l’entrefaite, les conditions changent et le second ne partira que… le lendemain !
C’est donc le 2 juin que nous récupérons à Talkeetna une équipe au complet, pressée de prendre une douche avant d’aller fêter, hasard du calendrier, les 100 ans du pub de Talkeetna comme il se doit… car en Belgique nous n’avons peut-être pas de montagne mais nous avons une bonne descente ! Et c’est ainsi que cette histoire se termina comme elle avait commencé.
SÉBASTIEN LAURENT
Sébastien Laurent © 2023
Nous continuons vers le camp de base. La descente avec les pulkas est des plus fastidieuses et vient à bout des nerfs de certains. Une masse nuageuse et de la neige rendent l’orientation difficile. Dans son
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Du cercle polaire au cap nord Une traversée de 64 jours en skis-pulka en hiver et en solitaire SÉBASTIEN MERCX — Texte & images Biologiste de formation, je travaille dans une petite startup, créée en 2018, dans la recherche contre le cancer dans la région de Marche-en-Famenne. Après trois ans de recherche intense où l’on découvrira un traitement basé sur une immunotoxine, a priori, redoutable contre les lymphomes, je décide, malgré ce travail passionnant, de repartir à l’aventure. En janvier 2022, je demande aux boss si une pause carrière serait envisageable l’année prochaine. Ils sont d’accord ! Le compte à rebours est lancé ! Il me reste un an pour me préparer.
LE PROJET Je souhaitais une aventure intense dans le froid, en hiver et en solitaire, avec de la neige et des conditions polaires pour une durée d’environ trois mois. Etant donné que je ne souhaitais plus prendre l’avion, je cherchais un endroit où je pourrais accéder en train et bus. La destination s’est donc portée sur la Scandinavie. Je commence à me renseigner par-ci, par-là. Je n’ai aucune expérience du ski de randonnée nordique, ni d’aventure en conditions polaires. Je pratique régulièrement l’alpinisme et l’escalade depuis 5 ans et depuis que j’ai 21 ans, je réalise des treks en montagne. J’ai réalisé quelques traversées en solitaire de durée plus ou moins longue, comme par exemple une traversée de 26 jours en solitaire et autonomie totale avec un packraft dans les montagnes de l’île sud de la Nouvelle-Zélande ou encore la traversée complète des Pyrénées sur le GR10. Pour me préparer au mieux, je me suis renseigné auprès de personnes étant parties dans le Grand Nord. J’ai pu recueillir des conseils avisés, ainsi que du matériel à prêter auprès de Dominique Snyers, créateur de capexpe.com et habitué du Grand Nord ou en encore de Nicolas Borchers1, qui était parti pour une traversée de 6 mois en 2008. Ils seront mes gardiens lors de cette traversée.
Cap Nord, le lendemain de l’arrivée
1 - www.facebook.com/nicolas.borchers.3
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Pour me préparer, j’ai pris des douches froides tous les jours (ou presque) pendant six mois et j’allais tirer trois pneus régulièrement dans la forêt. Je voulais tester le matériel dans le Jura ou dans le Vercors avant de partir. Malheureusement, aucune chute de neige n’est à signaler. Tant pis, on verra ! Décembre 2022, la tension monte, le départ est proche, tout le matériel est prêt, plus de 70 kg de nourriture minutieusement préparée (dont de la nourriture déshydraté maison : sauce tomate, sauce champignon, sauce aux légumes) et emballée pour les trois grandes étapes du périple. Le départ est donné à Jäckvik, juste au sud du cercle polaire arctique. Je prévoyais une première étape en autonomie totale pour une durée de 20 à 30 jours, soit 350 km jusqu’Abisko qui était le premier village sur mon tracé où je puisse me faire livrer un colis fin janvier. Il faut savoir qu’au mois de janvier, toutes les auberges ou refuges sont fermés et il n’y a pour ainsi dire personne qui se balade dehors en skis et avec une pulka en janvier. Ce n’est vraiment qu’en mars, lorsque les
[..] Quoi qu’il en soit, je suis encore là pour raconter que ce détour a été le plus long de toute mon existence page 18
journées deviennent plus longues et ensoleillées que les gens commencent à sortir. La deuxième étape sera de 270 km jusque Kautokeino où un deuxième colis était censé être livré. De là, je traverserai le plateau Finnsmark vers le cap Nord, 300 km plus loin. Le 29 décembre 2022, direction la gare de Namur avec mes parents, ma copine Sarah et ses parents. Nous sortons la pulka (montée sur une structure en bois avec roulettes fabriquée maison) chargée de matériel, 30 jours de nourriture et 10 l d’essence. Après avoir fait rouler la pulka sur au moins trois mètres et demi, la structure en bois se brise ! Je sors (déjà) le fil de fer et le duct tape pour « réparer » les roulettes, ça tiendra plus ou moins. On monte à la gare, on descend vers le quai et je me rends compte que je n’ai plus mon petit sac noir rempli de matériel électronique. Sarah me demande si je ne l’ai pas oublié dans la voiture, je suis persuadé que non mais le doute m’envahit. Sarah court jusque la voiture stationnée derrière la gare. Mon père aussi est parti voir, ils se croisent, mon père n’a rien vu. Ma mère est dans un état de stress intense : « Quel sac ?, il est où ?, le sac noir ? ». Sarah revient en courant… ; salvatrice, elle a le sac ! Il reste 5 minutes avant le départ. Embrassade d’au revoir, ma mère pleure toutes les larmes de son corps (désolé maman, je serai prudent). Dans la précipitation, nous embarquons les bâtons de marche de mon père. Puis Sarah sort de sa poche les clés de voiture de mes parents avec une tête surprise et un grand sourire : « OUPS ! j’ai les clés de tes parents ». Éclat de rire, nous regardons mes parents avec un regard ahuri et faisons des gestes désolés, un grand sourire sur notre visage. La couleur
Il y a quelque chose qui ne va pas, je ne vais jamais y arriver, ce n’est pas possible, je suis trop lourd, la pulka n’est pas la bonne, je ne suis pas assez fort, le doute m’emporte. Je veux abandonner. de l’aventure est annoncée ! Finalement, l’accompagnateur de train parviendra à rendre les clés quelques heures plus tard.
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plus loin ». Elle insiste, elle veut savoir le nom du lac. Je réponds :« Le lac, euh.. Hornovan ». « Hornovan ? Tu ne peux pas passer par là, je me renseigne mais c’est très dangereux . Les lacs ne sont pas encore bien gelés, nous sommes tôt dans la saison, les conditions sont très dangereuses, tu dois contourner par l’ouest, par l’autre lac, plus petit, et commencer à suivre la Kungsleden ». Je reste perplexe, je suis inquiet, je remets en doute mon idée de partir en solitaire dans ces conditions où la moindre erreur peut avoir de lourdes conséquences. Avant de partir je téléphone à l’aubergiste de la station STF à Kvikkjok, mais celle-ci ne sera sur place que dans 3 ou 4 semaines. Elle ne me rassure pas du tout en m’expliquant de nouveau que les lacs ne sont pas encore bien formés partout, qu’il faut rester très prudent. Je décide d’acheter des pics à glace que je garderai autour lors de traversée de lac, ils sont conçus spécialement pour se sortir d’une chute à travers la glace.
Grâce à Sarah qui m’accompagne jusque Jäckvik, nous avons pu, non sans difficulté, trimbaler tout le matériel, la pulka et les sacs de courses, de train en train et de bus en bus. Il nous a fallu deux jours pour arriver à l’endroit de destination. Nous arrivons à Stockholm en changeant régulièrement de train : Namur, Liège, Cologne, Hambourg, Copenhague, Stockholm. Ensuite, le train de nuit de Stockholm devait nous emmener à Jörn, mais celui-ci est tombé en panne. La panne est annoncée vers 5 h du matin. Nous irons jusque Umea et prendrons un bus pour finalement arriver à Jäckvick après une nuit à Arjeplog. Jäckvick est un petit village isolé proche des premières montagnes où nous passerons quatre jours dans un Airbnb. Ici les jours sont courts, le soleil se lève à 10 h 30 et se couche à 13 h 30, ce qui laisse une luminosité relative de 9 h 00 à 15 h 30. Je vais enfin pouvoir tester le matériel, tirer la pulka, tester les moufles. Je ne suis pas convaincu des miennes, je vais en acheter de meilleures à Arjeplog. Deux jours avant le départ de Sarah, il commence à neiger, sans cesse, ça ne s’arrête pas, les déneigeuses travaillent à plein régime. Je suis à l’intérieur de la petite maison que nous louons et mon inquiétude grimpe. Comment vais-je pouvoir avancer dans toute cette neige avec mon fardeau d’un peu moins de 70 kg. Le jour J est arrivé, nous sommes le 7 janvier, des locaux viennent chercher Sarah pour l’emmener à la gare car il n’y a pas de bus le samedi. Il est 6 heures du matin, il fait noir, il neige. Une femme descend de la voiture et me demande ce que je compte faire et par où je vais. Je lui dis négligemment que je vais traverser le lac vers le Nord. Elle me demande d’être plus précis, quel lac je compte traverser. Je réponds en lui montrant une direction : « Le lac là-bas un peu
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Aujourd’hui, je ne sais toujours pas ce qu’il se serait passé si je m’étais aventuré sur le lac Hornovan, mais quoi qu’il en soit, je suis encore là pour raconter que ce détour a été le plus long de toute mon existence ! Il m’a fallu six jours pour faire 20 km. Le premier jour, je traverse ainsi le premier petit lac, gelé, j’arrive dans une zone boisée, la quantité de neige tombée est impressionnante, avec la pulka je trace un sillon de presque 1 mètre de haut, je suis presqu’à l’arrêt, je finis par monter ma tente et réalise que j’ai oublié ma liseuse à l’appartement. L’aventure a commencé, je suis seul, livré à moi-même, dans cette nature hostile avec des températures pouvant aller jusque -30 °C. J’ai peur de l’inconnu, du froid, du vent, je galère à monter la tente dans toute cette neige et je suis surpris de la difficulté de tirer la pulka. Je m’effondre dans ma tente et éclate en sanglot.
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Je finis par faire un aller-retour pour récupérer la liseuse que finalement je n’utiliserai jamais. Le soir il fait trop froid, je n’ai pas le courage de sortir mes mains du sac de couchage. J’ai un petit lecteur MP3, à l’ancienne, sur lequel j’ai chargé quelques livres audio, podcasts et musiques pour me changer les idées. Le troisième jour est éreintant, je ne ferai que 1,5 km en 6 heures. Il y a quelque chose qui ne va pas, je ne vais jamais y arriver, ce n’est pas possible, je suis trop lourd, la pulka n’est pas la bonne, je ne suis pas assez fort, le doute m’emporte. Je veux abandonner. Je suis en contact avec Dom qui me dit d’attendre que la neige se tasse, il y a en général deux trois grosses chutes de neige par an dans ces régions et je suis tombé sur l’une d’elles, il a neigé plus de 80 cm. C’est normal, il me rassure et me motive à continuer. Je laisse la tente et décide de traverser le lac sans pulka en attendant que la neige se tasse. Je longe prudemment la berge. Nous sommes encore très tôt dans la saison, il semble que je sois le premier à m’aventurer dans ces régions hostiles. Sans la pulka, il est possible d’avancer assez vite, je suis à environ 1,5 km de ma tente lorsque les traces de rennes que je suivais bifurquent vers les bois. La glace semble fine mais je décide de continuer car cela me parait un peu compliqué de monter dans les bois. J’avance prudemment lorsque, sans prévenir, la glace se brise sous mes pieds ! Horreur ! je m’enfonce dans l’eau jusqu’aux cuisses, j’arrive à m’extirper et remonter sur la glace, je décide de rentrer le plus rapidement possible à ma tente, l’eau qui trempe mes chaussures et mon pantalon se transforme rapidement en glace. Plus de peur que de mal, j’apprendrai (ou pas : je retraverserai la glace une fois sur une rivière gelée dans le Sarek) qu’il faut éviter les embouchures de rivière qui se jettent dans les lacs. Cela peut créer un courant et ralentir la formation de la glace. J’apprendrai aussi qu’il faut faire confiance aux rennes qui, semble-t-il, sont dotés d’un sixième sens, ils ne tombent jamais dans l’eau ! En attendant, je peux dire au revoir aux chaussures sèches. J’avais placé un « vapor barrier liner », un sac en plastique en somme,
Petite parenthèse importante « Comment va-t-on aux toilettes dans le Grand Nord ? » Et bien c’est l’un des moments les plus pénibles… Tu sors de la tente, tu abaisses ton froc, tu fais ce que tu as à faire, tu te gèles, surtout les mains, à la place du papier toilette tu fais des boules de neige pour t’essuyer. Sinon pour le pipi j’ai une gourde dédiée, ce qui m’évite de sortir de la tente la nuit, çà n’en reste pas moins pénible de devoir sortir à moitié du sac de couchage.
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entre mon pied et la chaussure pour éviter que l’eau de ma transpiration ne finisse gelée dans la chaussure. Les chaussures sont gelées et le resteront. Mes tentatives de faire évaporer l’eau avec ma gourde Nalgene remplie d’eau bouillante resteront vaines. J’aurai le même problème avec mon sac de couchage en duvet (mes sacs de couchages en réalité), j’ai emboîté un sac de couchage 0 °C confort dans un sac de couchage -8 °C confort pour ne pas acheter un nouveau sac -25 °C. Malgré que ce système ait l’inconvénient d’être plus lourd, il aura l’avantage que le premier sac de couchage restera sec. En effet la transpiration du corps (même si on a l’impression de ne pas transpirer) fini inéluctablement dans le deuxième sac de couchage, là où se fait le point de rosée. Pour faire sécher les sacs, le matin, on peut les placer dehors sur les skis. Cette technique fonctionne uniquement lorsqu’il y a une bonne brise. Dans la première partie de mon périple, il y avait vraiment très peu de vent. Je passerai mon temps à utiliser la technique du fer à repasser (merci Nico pour le conseil !) avec ma gourde Nalgene, assez long et pénible et beaucoup moins efficace.
La vue est imprenable et je serai récompensé par mes premières aurores boréales, spectacle hallucinant, l’émotion est intense ! Le cinquième jour, je vais affronter la montée la plus dure de tout mon périple. Elle est située en pleine forêt, elle est raide et remplie de neige molle. Grâce à mon sac à dos de 70 l, je vais pouvoir alléger la pulka au maximum. Sans ça, il m’est impossible d’avancer. Je vais devoir faire un aller-retour à vide, sans matériel ni nourriture uniquement pour faire la trace. Je ferai ensuite un aller-retour avec de la nourriture et de l’essence sans la pulka et enfin un aller avec la pulka pour venir à bout de cette montée de 3 km. Après cette journée exténuante, j’arrive sur un plateau dégagé, où la neige commence à être légèrement meilleure, la vue est imprenable et je serai récompensé par mes premières aurores boréales, spectacle hallucinant, l’émotion est intense ! Les paysages de forêts, montagnes enneigées et lacs (presque) intouchés par l’homme sont sensationnels ! Malgré la difficulté physique, je suis content d’être là. Plus on monte en altitude, plus on s’écarte de la forêt et meilleur devient la neige car elle est soufflée par le vent. Dès lors mon credo sera d’éviter au maximum les zones boisées (celle-ci deviendront comme
une phobie), si cela est possible. Après 13 jours de nuit en tente, la veille de mon arrivée à Kvikkjokk, je tombe sur une petite cabane, quel bonheur ! Il n’y a malheureusement pas de bois pour se chauffer. Le lendemain, après 50 mètres, je soulève mon pied droit mais le ski ne vient pas, il reste dans la neige, la fixation de mon ski s’est détachée. Malheur ! Je retourne à la cabane tant bien que mal, j’allume le réchaud pour essayer une réparation, j’essaye de revisser les fixations et de mettre de la glue mais les trous sont trop grands. Finalement, j’attacherai la fixation avec du fil de fer et enchainerai 18 km grâce au tout premier tracé salvateur des motoneiges. J’arriverai à 21 h à Kvikkjokk, petit village isolé, point de convergence pour rentrer dans le fameux parc national du Sarek !
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Ce qui est moins agréable, c’est cette pluie fine et cette neige molle et collante qui forme des sabots sous les skis. Je décide de m’arrêter et attendre le regel. J’entre dans le parc national du Sarek. Ici, plus de motoneiges, c’est interdit. Plus de balisage, c’est sauvage ! Les rafales de vent n’ont pas mis à mal ma tente qui a tenu bon. Par contre, mauvaise manipulation, j’entends un crac en insérant un arceau dans la tente, je viens de fendre deux tubes d’arceaux. Je les renforcerai plus tard avec un sandwich duct-tape-fil de fer-duct-tape, ça semble tenir. J’ai définitivement perdu mon thermos dans une descente où je
Il n’y pas vraiment quelqu’un qui peut réparer mes fixations ici, j’hésite à continuer avec ma réparation de fortune mais la raison me pousse à rejoindre Jokkmokk pour faire réparer la fixation. En montant dans le bus, j’ai l’impression d’être dans un sauna, en effet, je viens de passer deux semaine entre -25 °C et -5 °C. J’en profite pour passer une nuit dans un airbnb. J’ai perdu de la sensibilité aux extrémités des doigts et des orteils. Je profite de la douche pour faire couler de l’eau chaude sur mes pieds pendant des dizaines de minutes. Cette perte de sensibilité n’est pas étonnante. Il y avait des jours où je n’arrivais pas à réchauffer mes orteils de toute la journée, je devais parfois enlever mes chaussures et masser mes pieds pendant de longues minutes pour récupérer un peu de sensations.
[...] J’entends un crac en insérant un arceau dans la tente, je viens de fendre deux tubes d’arceaux. Je les renforcerai plus tard avec un sandwich duct-tape fil de fer et duct-tape, ça semble tenir. Retour à Kvikkjokk, les fixations sont, a priori, mieux fixées qu’avant (le réparateur a mis des vis plus grandes et de la colle !) C’est reparti pour une étape de 270 km jusque Kautokeino ! Des vents de (sud-)ouest apportent la chaleur de l’Atlantique. Cela a pour conséquence des températures positives et des rafales de vent pouvant atteindre les 80 km/h. Ce qui a été assez bénéfique pour durcir la neige !
Lever de soleil
ne finissais pas de tomber. Déjà sans pulka, skier avec des skis de rando nordique en descente est presqu’impossible mais avec pulka, c’est la misère. J’ai tout essayé : avec skis, sans skis, en étant assis sur la pulka, en décrochant la pulka, en lâchant la pulka. Celle-ci n’en fait qu’à sa tête, elle me rentre dedans, me fait tomber, glisse seule vers je ne sais où et finit dans un arbre. Je suis content lorsque je suis en bas. L'enfer ! Je comptabilise... au moins 15 chutes et 100 insultes. Il y a un abri dans le parc et je ne me suis pas fait prier pour dormir dedans. Il n’est pas fait pour, il est là en cas d’urgence, je dois dormir à terre pour avoir assez de place. Je suis sans aucun doute le premier à passer (je le savais déjà) mais le cahier de présence relève un dernier passage en septembre. Les autres années, mars semble être le début des passages ! Je suis tôt dans la saison, je suis seul au monde. Je ne vois pas d’âmes (humaines) qui vivent pendant sept jours. Des lagopèdes alpins sont assez présents, ils m’ont effrayé plus d’une fois
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en s’envolant. Je finis par sortir du parc du Sarek, d’une beauté sauvage époustouflante. Les montagnes forment de grandes vallées encaissées dans lesquelles j’ai évolué. Tout est blanc de neige, bleu de glace et parfois un peu noir de roche. Je sors du parc national et arrive à Ristem. Maintenant c’est direction Abisko ! Le vent se lève et soulève la neige, il y a des jours où le vent souffle tellement qu’il est presqu’impossible de continuer à cause de la faible visibilité. Je rejoins heureusement le Kungsleden bien marqué par des croix rouges. Il y a un jour où j’évolue presqu’à l’aveugle, d’une croix rouge à l’autre. Lorsque je ne vois rien, j’attends que le vent se calme un peu, repère la prochaine croix et me dirige dans sa direction. Je suis d’ailleurs resté coincé deux jours dans une cabane à cause du mauvais temps. Le système suédois est bien fait : la STF laisse en permanence une partie des cabanes ouvertes, ce qui est bien utile pour s’abriter pendant les nuits froides et venteuses de l’hiver ! Nous sommes le 5 février, 29 jours après mon départ, je n’avais pas encore rencontré de trekkeur. Je me pose à la cabane « Salka ». Alors que j’allais dormir vers 21 h, j’entends un bruit sourd venant de la porte d’entrée (très difficile à ouvrir). Je me lève et je vais ouvrir. Un gars mouillé jusqu’au genou se présente « I fall in the river, I’m French ». Je passerai donc la soirée avec lui. Il est tombé dans la rivière en passant un pont de neige fragile. Il a loupé le pont en bois juste à côté à cause de la nuit noire. Le 9 février, j’arrive enfin à Abisko ! Merci à mes parents, je récupère 15 kg de nourriture, merci à Nicolas Borchers pour le dépôt d’essence via un pote. Je prépare mes petits paquets et je reprends la « route » le lendemain, direction Kilpisjarvi, en Finlande, à 170 km puis Kautokeino, en Norvège à 270 km depuis Abisko.
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Après mon départ d’Abisko le 11 février j’essuie deux jours de tempête avec des vents de plus de 100 km/h et des températures positives, encore ce vent d’ouest ! J’ai pu me cacher sur le bord du lac en bordure de forêt. Je me bats contre la condensation de la tente qui me tombe dessus à chaque coup de vent. Mes affaires sont plus que mouillées à l'intérieur. Par la suite, les conditions s'améliorent, le vent et le réchauffement ont tassé la neige, fabuleux. À la frontière entre la Suède et la Norvège, je m’aperçois que je n’ai plus mon téléphone. Celui-ci m’était d’une grande aide pour m’orienter mais aussi communiquer avec ma famille, surtout avec mes parents et ma copine, via mon appareil satellite Garmin inReach Mini. Je rebrousse chemin pendant plus d’une demiheure et le retrouve posé sur la neige, OUF ! Un peu après la frontière, j’arrive à la cabane Altevashytta où je rencontre Kjell, un Norvégien de 70 ans, ancien militaire mais surtout personne que Nicolas Borchers a rencontrée lors de son voyage en 2008. Tous les deux ont été pris dans une avalanche la même année et ont survécu ! Kjell a été sauvé par son fils grâce au canon de son fusil de chasse qui sortait de la neige. Coincé dans l’avalanche, il réussit à sortir son téléphone de la poche ventrale de sa veste et appelle sa femme qui ne répond pas. Il laisse un message… L’attente est longue et horrible, il pense mourir. Sa femme entend le message et appelle les secours et son fils qui n’était pas loin ! L’hélicoptère arrive et survole la zone. Pendant ce temps, son fils remonte l’avalanche le plus vite possible sur 3 km. L’avalanche est énorme, 450 mètres de large sur 200. Kjell était parti chasser avec son fusil en bandoulière et a eu le réflexe de l’enlever lorsqu’il a déclenché l’avalanche. Il a cependant gardé le fusil en main. Ce qui l’a sauvé… Le canon dépassait de 30 cm et son fils a pu extraire son père de la neige après qu'il ait été enseveli pendant 1 h 30. Kjell a lui-même sauvé son père qui lui-même a sauvé son
Quelques chiffres... père d’une avalanche. Histoire de dingue ! Kjell m’a donné une nouvelle pelle (j’avais cassé le manche de la mienne), du chocolat, des bières et des gaufres maison ainsi que de super conseils d’itinéraires qui me permettent d’avancer plus vite jusque Kilpisjarvi ! Je le remercie encore ! Je casserai sa pelle lors d’une chute de 5 mètres dans une rupture de pente qui n’était pas visible. Je la pose toujours au-dessus de la pulka et elle s’est cassée lors de l’impact. La chute fut assez stressante, elle m’a paru durer une éternité, la pulka que je tire derrière moi m’est tombée sur la tête, heureusement sans gravité. Dans la cabane Daerthytta, lors d’une pause midi, je croise aussi Paul, ancien militaire de l’armée suédoise, qui me donne des conseils sur le montage et repliage de la tente. Lorsque l’on crée la plateforme en tassant la neige avec les skis, il suffit d’attendre 20 minutes pour que la neige durcisse en gelant, chose que j’ignorais. J’étais habitué à monter la tente sur une plateforme instable où il est facile de s’enfoncer en la montant mais aussi créer de petites vallées en y rentrant. L’ancien militaire m’explique aussi qu’il est possible de laisser les arceaux dans la tente et de rouler la tente sur la pulka. Ceci fait gagner un temps considérable. Mais je l’apprendrai à mes dépens, le risque est bien plus élevé d’abimer la tente. Un autre conseil de l’ancien militaire est de mieux couvrir mon cou et ma tête pour avoir chaud aux mains et aux pieds. Le cerveau étant un organe critique, celui-ci doit absolument rester à 37 °C. Si le cerveau refroidi, le corps n’envoie plus de sang vers les extrémités pour conserver la chaleur !
La chute fut assez stressante, elle m’a paru durer une éternité, la pulka que je tire derrière moi m’est tombée sur la tête. Le 24 février (soit 47 jours après mon départ), je crée un trou par mégarde dans ma gourde en la rapprochant trop près du réchaud afin de dégeler l’eau qui se trouvait à l’intérieur. Cela peut paraître anodin mais ça ne l’est pas du tout. Ma gourde est le seul récipient dans lequel je peux stocker de l’eau (je n’ai plus mon thermos car perdu dans le parc national du Sarek). Cela voulait dire que si je n’arrivais pas à réparer le trou, je n’avais plus de récipient pour transférer la neige fondue et m’hydrater pendant la journée, à moins d’utiliser ma gourde « pipi »…Heureusement, j’ai pu colmater le trou en faisant fondre un bout de colson au niveau du trou.
• Nuits : 45 en tente 11 cabanes non gardées 1 cabane gardée 7 hôtels/Airbnb (Jokkmokk, Abisko, Kautokeino) • Température la plus basse : entre -25 et -30 degrés Celsius • Température la plus haute : +3 degrés Celsius • Vent le plus fort : 100-120 km/h • Nombre d’insultes : Indéfini • Tombé dans l’eau : 2X • Nourriture : 4 000 - 5 000 calories/jour • Journée la moins productive : 1,5 km • Journée la plus productive : 33 km
Ce n’était pas prévu initialement mais mon objectif était d’atteindre le cap Nord le 12 mars pour être de retour pour l’anniversaire des 30 ans de Sarah le 17 mars ! Cela voulait dire que je devais faire presque 30 km par jour en 12 jours ! « Challenge accepted ! ». Après deux jours de repos à Kautokeino, mes muscles fatigués se sont remis (pas totalement de l’étape Abisko-Kautokeino). Pour faire 30 km par jour, je dois skier de 9 à 10 h par jour (pauses incluses) pour enchainer les 330 km qui me séparent du cap Nord. Tout se passe sans encombre, journées froides et ensoleillées, neige bien tassée, j’enchaine les kilomètres… jusqu’à ce que… Lors d’une descente raide, la pulka se retourne et finit dans un arbre, deux tubes d’arceaux de la tente se cassent. Il est 16 h 30, il fait en dessous de -15 °C et la nuit approche, je ne sais pas si je pourrai planter ma tente. J’ai la chance d’être proche d’une route (chose extrêmement rare durant les 64 jours de traversée). Je décide de faire du stop jusque Kautokeino et de récupérer, je l’espère, de nouveaux arceaux. Un gentil Sami me prend dans sa camionnette et m’explique qu’il est éleveur de rennes et que le langage Sami est super riche (700 mots existent pour décrire l’état de la neige Jje suis ahuri et lui dis, à moitié en rigolant, que pour moi il n’y a que trois états de la neige : molle, dure, glacée). Finalement je réussi à réparer les arceaux moi-même avec un tube de remplacement et un tube plus large qui encercle le tube cassé et un nouvel élastique que j’avais pris dans mon sac « brols de secours » en me disant « ça peut toujours servir »… Le lendemain, je repars en stop à l’endroit où j’étais arrivé la veille. Et voilà que des chutes de neige ralentissent ma progression, je suis en plein doute. Vais-je vraiment pouvoir enchainer les kilomètres dans cette neige molle ? Mon rythme ralentit mais se maintient à plus de 20 km par jour. Le vent se lève, alléluia ! La neige se tasse ! page 23
Deux jours avant la fin de mon expédition, je commence à cuisiner sous l’auvent de ma tente, j’allume le réchaud à essence. Comme d’habitude une flamme se fait avant d’avoir une belle petite flamme bleue. Je me retourne pour prendre quelque chose dans la tente et là le feu commence à prendre dans la boite où le réchaud est placé, mais aussi sur la paroi de la tente ! Mon premier réflexe est de souffler mais pas d’effet évidemment. Puis, je prends la casserole remplie de neige et balance tout ce que je peux sur les flammes d’abord sur la paroi de la tente, ce qui fait s’éteindre les flammes puis dans la boîte, OUF, j’ai échappé belle. La tente s’en sort avec deux petits trous. Je ne comprends toujours pas très bien ce qu’il s’est passé. Il est possible que de l’essence ait giclée à la sortie de la pompe… Pourquoi ? Je ne sais pas.
Vais-je vraiment pouvoir enchainer les kilomètres dans cette neige molle ? Mon rythme ralentit mais se maintient à plus de 20 km par jour. J’arrive au niveau du tunnel pour rejoindre l’île qui mène au cap Nord : 6,8 km à passer sans neige. On m’avait dit que c’était interdit à pied. Je fais du stop. Un gars qui habite sur l’île fait demi-tour en se disant qu’il allait m’aider. C’est en fait autorisé à pied. Mais sans neige… avec la pulka à porter, je me dis : « aaaah c’est bon hein ». Je passe donc le tunnel en voiture, plante ma tente et me prépare pour la journée la plus longue de mon expédition ! Une montée raide pour passer la vallée me donne du fil à retorde. J’ai une petite crainte d’avalanche. Les signaux sont au maximum dans la région en raison des récentes chutes de neige et du vent fort qui a soufflé. Mais je sais que le vent a soufflé depuis le sud-ouest et la pente est au sud donc l’accumulation de neige se fait du côté opposé (nord-est), ça devrait être bon. Puis même si la pente est raide, je ne suis pas sûr qu’elle atteigne les 30 degrés. Je fais des conversions avec les skis et la pulka et me retrouve sur le plateau, croise la femme du monsieur qui m’a pris en stop (qui était là aussi la veille). Elle me dit de couper à travers tout, je suis ses conseils et je suis le tracé motoneige jusqu’au cap Nord. Montée interminable, je n’ose plus checker ma localisation. Je finis par arriver au panneau cap Nord ! Encore quelques centaines de mètres pour LE cap Nord.
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Aurores boréales, météorites qui traversent le ciel et au moins 15 cars de touristes ! La situation est irréelle, je me fraye un chemin parmi tous les gens prenant en photo les aurores. Je cherche le point GPS cap Nord, il est 20 h 30 quand j’arrive, mission accomplie ! Un gars vient me parler et me demande ce que ça fait d’avoir fini. Je réponds : « Je ne sais pas, ça fait bizarre ».
Je plante ma tente pour la dernière fois à 300 mètres de là, hors de la foule. Je suis triste, soulagé, content, fier, ému. La fin d’une aventure éprouvante physiquement et mentalement mais tellement belle. On se rend compte que la vie ne tient qu’à un fil, qu’une erreur peut être fatale dans ces milieux hostiles. Le bonheur n’est pas seulement de partir à l’aventure, mais de retrouver les siens. Cela n’aurait pas de sens de partir sans que personne ne t’attende à ton retour. Nous sommes le 12 mars, il me faudra cinq jours de bus et train pour revenir en Belgique, le 17 mars, le jour de l’anniversaire de Sarah. Mes parents et Sarah sont sur le quai de la gare avec un drapeau belge et une pancarte : « bienvenue ». Merci, vous avez été mon essence, chaque jour passé me rapprochait un peu plus de vous.
Remerciements : Bertrand et Max Houry pour m’avoir laissé l’opportunité de faire 6 mois de pause chez atbtherapeutics. Énorme merci à Nicolas Borchers qui fut mon gardien lors de cette traversée. Merci pour le prêt de matos, les conseils d’itinéraires, le dépôt d’essence et la rencontre avec Kjell Hanstad que je remercie mille fois aussi. Merci pour la pelle, la nourriture, les conseils et les cartes ! Énorme merci à Dominique Snyers pour les conseils, la rencontre avec Nico et le soutien lors de mes galères le premier jour, sans toi, j’aurais abandonné. Je remercie aussi Fabrice Morelle pour les bons conseils. Je remercie mes parents, ma sœur et Sarah Fadeux qui m’ont soutenu tous les jours sans exception. Et enfin les potes, les amis. Ça me faisait tellement du bien de recevoir vos messages de soutien !
SÉBASTIEN MERCX
En savoir plus : https://capexpe.org/expes/scandinavie2008/ gpages/lavalanche/
Christelle Janssens © 2023
En-Vies 10 femmes en quête d’envies
NATHALIE MILOT – membre d’En-Vies 10 femmes ayant eu un cancer du sein (Françoise, Gaëtane, Nathalie, Martine, Christelle, Laurence, Alissa, Vanessa, Magali et Laura), 3 soignants, 1 photographe, 2 accompagnateurs en montagne.
1.
Une aventure sportive, humaine et solidaire après avoir traversé l’épreuve du cancer, le tout accompagné d’une partie de ceux qui ont pris soin de nous : une équipe pluridisciplinaire de soignants (kinés, infirmier).
2. Un défi à relever : marcher 100 km en 5 jours sur la West Highland Way en Écosse du 15 au 22 juillet 2023 avec, comme cerise sur le gâteau, l’ascension du Ben Nevis (sommet du Royaume-Uni). 3. Se reconstruire, redonner l’espoir d’une vie normale après le cancer et promouvoir les bienfaits d’une activité physique dans le domaine de l’oncologie. Un dépassement en groupe au profit de l’« Espace + » (espace de bien-être, d’activités et de revalidation, sur le site du CHC MontLégia à Liège, ouvert aux patients atteints d’un cancer, qui fonctionne grâce aux dons privés, aux récoltes de fonds et au mécénat). 4. 10 femmes qui ne se connaissaient pas et qui vont se rencontrer grâce à l’expérience éprouvante du cancer. 10 femmes qui vont s’unir dans un projet et s’élever toutes ensemble dans tous les sens du terme.
Si le choix de l’Écosse s’est fixé avant la constitution de l’équipe, il nous restait à trouver les perles rares pour l’organiser. Ce fut chose faite par la rencontre de Jean-François Fauconnier et Nicolas Pirotte (accompagnateurs en montagne). Jean-François, accompagnateur en montagne professionnel depuis 2015, est également moniteur de course d’orientation. Il est un grand fan de contrées celtes. Ce qui le motive à organiser des randonnées, tout comme Nicolas, c’est de permettre aux participants de réaliser des choses qu’ils ou elles sont capables de faire, mais qu’ils ou elles n’accompliraient probablement pas sans son accompagnement. Le projet « En-Vies » l’a donc particulièrement enthousiasmé. Créer un tel évènement demande du temps, de l’engagement, de l’investissement, de l’énergie, de la créativité et de la détermination… Plus d’un an ! Notre but était multiple : récolter des fonds et nous entraîner. Ce projet repose en outre sur une amitié et une solidarité qui grandit de plus en plus au fur et à mesure de toutes les activités au sein du groupe. Concernant la promotion du sport, outre l’encadrement par deux accompagnateurs en montagne durant la randonnée proprement dite, une préparation physique à l’endurance, incluant des randonnées préparatoires, a été mise au point tout au long de l’année qui a précédé. Notre projet ambitieux ne s’improvisait pas !
Les 10 femmes qui se sont lancé le défi, au sommet du Ben Nevis, sous la pluie, le brouillard et le froid. Arrivées au sommet, fières, souriantes dans des conditions climatiques typiquement écossaises page 25
Dans un souci évident de démarche respectueuse de l’environnement, tout le groupe s’est rendu et est revenu d’Écosse en train Ce projet demandait de la part de chacun un véritable engagement pour atteindre l’objectif final, le sommet du Ben Nevis, dont l’altitude (1 344 m), combinée à sa proximité avec la mer et sa topographie, sont responsables des rudes conditions climatiques qui règnent fréquemment au sommet, entouré de brouillard environ 50 % du temps, même en été.
Christelle Janssens © 2023
Dans un souci évident de démarche respectueuse de l’environnement, tout le groupe s’est rendu et est revenu d’Écosse en train (Eurostar et trains locaux), évitant ainsi l’avion. C’est d’ailleurs ce trajet en train qui nous a permis d’entrer doucement au contact de l’Écosse et de découvrir des paysages grandioses qui allaient être notre décor et le théâtre de notre randonnée. Se sentir arriver, approcher, observer… Mesurer que l’on y est vraiment ! Notre randonnée s’est organisée en étapes. Nous logions soit dans des hôtels, soit dans des gîtes, soit dans des auberges de jeunesse.
Jour 1 : Train Liège > Glasgow … Via Bruxelles, Londres (12 h de trajet). Nous avons traversé de magnifiques paysages écossais. Arrivés à Glasgow, nous avons effectué quelques courses pour les 3 pique-niques de midi à venir.
Jour 2 : Christelle Bovy © 2023
Train Glasgow > Crianlarich (2 h de trajet Crianlarich > Bridge of Orchy (23 km, 600 m+, 600 m-, 7 h de marche) La randonnée commence vraiment ! Vu la météo variable (entendez qui change toutes les 10 minutes voire les minutes), nous avons été épargnés par les midges (mouches microscopiques hyper voraces qui piquent et vous mangent la peau). Nous avons pu pique-niquer sans pluie avec une magnifique vue.
En haut : Ascension du Ben Nevis (point culminant du Royaume-Uni) sous le soleil En bas : Toutes l’équipe d’En-Vies (10 femmes ayant eu un cancer, 3 soignants, 1 photographe et 2 accompagnateurs en montagne) pose au pied du symbole de la fin de la West Highland Way à Fort William page 26
Les paysages étaient époustouflants et nous avons croisé nos premiers moutons.
Jour 3 :
Ardennes & Alpes — n°217
Bridge of Orchy > Kings House (20 km, 600 m+, 500 m-, 6 h 30 de marche)
Au fur et à mesure de l’ascension, le chemin devenait plus ardu et exposé aux conditions climatiques et nous allions y goûter pleinement… Le vent, le brouillard et la pluie battante se sont invités sur le parcours. 4 °C au sommet et une température ressentie de 0 °C. On en perdait nos doigts. Nous étions trempés mais notre détermination et notre endurance nous ont amenés au sommet. Vu la météo, nous ne nous sommes pas éternisés et n’avons pas pu admirer la vue panoramique. Nous avons vécu le sommet du Ben Nevis en version écossaise.
Première rencontre avec un nuage de midges et mise en place de notre merveilleux filet anti-midges. Marche le long des tourbières de la lande de Rannoch Moor d’Harry Potter (lorsque les mangemorts arrêtent le Poudlard Express). Chemin long et sinueux rempli de cailloux (ancien chemin militaire terrassé du 18e siècle). On a même eu le soleil ! Nous avons terminé la journée avec une vision féérique de deux cerfs entourés de canetons et d’oisillons devant notre hôtel. Magnifiques paysages à 360° de collines et cours d’eau.
Jour 7 Jour 4 :
21 juillet, jour de fête nationale belge. Nous représentions fièrement la Belgique avec ce que nous venions d’accomplir. Nous avons repris le train en direction d’Edimbourg pour célébrer cette aventure dignement et profiter de cette belle ville.
Kings House > Kinlochleven (15 km, 600 m+, 800 m-, 5 h 30 de marche) En route vers les escaliers du diable (Devil’s staircase), le point culminant de la West Highland Way. 45 minutes de montées en lacets non-stop ! Journée la plus courte avant 2 journées plus hard (900 m et 1 500 m de dénivelé positif respectivement). On a aperçu au loin le Ben Nevis (sommet du Royaume-Uni par lequel nous passerons le surlendemain). Jusqu’à présent, la météo est top !
Jour 8 Trains Edimbourg > Londres et retour à Liège via Bruxelles. Nous avons été magistralement accueillis à notre arrivée à la gare des Guillemins. Ce fut une merveilleuse surprise bien émouvante !
Nous avons logé dans un gîte où nous avons investi les lieux pour organiser une fondue « écossaise » (cheddar et whisky).
Nous sommes fières du trajet parcouru et nous pouvons mesurer à quel point nous sommes puissantes et soudées dans les difficultés et les moments de joie.
Jour 5 : Kinlochleven > Glen Nevis (22 km, 900 m+, 900 m-, 8 h de marche)
Quelle aventure! Quel merveilleux groupe et quel défi! Nous sommes capables de tout traverser.
Nous avons démarré la journée par un dénivelé de 250 m, ce qui donnera le ton de la randonnée. Le paysage était très varié. L’après-midi, nous avons marché avec le Ben Nevis en point de mire qui nous attendait le lendemain. Nous sommes arrivés à Glen Nevis d’où nous démarrerions le lendemain directement par une ascension constante de 1 344 m jusqu’au sommet !
Nous voulions terminer notre randonnée par quelque chose de très symbolique (Ben Nevis). Laisser derrière nous ce qui doit rester derrière, avancer, s’élever, prendre conscience du chemin parcouru et tout traverser quoi qu’il arrive, comme dans cette épreuve du cancer ! Nous remercions tous nos sponsors, dont le Club Alpin Belge.
Jour 6 : Glen Nevis > Ben Nevis > Glen Nevis > Fort William (20 km, 1 500 m+, 1 500 m-, 9 h de marche)
Nous avons mesuré pleinement le chemin parcouru dans tous les sens du terme.
Un paysage comme nous en avons rencontré beaucoup en dehors des lacs et cours d’eau. Vaste étendue majestueuseet chemins sinueux qui traversent ces paysages loin de toute civilisation
Christelle Bovy © 2023
Nous avons démarré très tôt, sous un soleil radieux, l’ascension de l’emblématique Ben Nevis. Nous avons démarré au niveau 0 ! 4 h 30 de montée et 4 h 30 de descente. Le paysage était époustouflant ! Grandiose.
NATHALIE MILOT
Une cordée au sommet — PARTIE 2/2 BERNARD MARNETTE Ces quelques éléments montrent bien que nos deux protagonistes n’ont pas animé le club alpin par hasard et qu’ils ont eu, l’un comme l’autre, une relation de réelle passion avec la montagne. Mais, somme toute, quelle était la pratique de la haute montagne pour les deux membres de cette cordée formée dès 1884?
Leur démarche d’alpiniste est semblable à celle des Victoriens. Grands bourgeois, comme le sont les explorateurs anglo-saxons de la première heure, c’est la découverte et l’aventure qu’ils vont chercher dans les Alpes. Ce sont de véritables « entrepreneurs », riches mais nobles ! Même s’ils ne font pas de véritables « premières » sur les sommets alpins, le récit de leurs voyages dans
Document : Mundaneum
Henri La Fontaine et Émile Vandervelde
les Alpes1 est le témoignage de cette recherche et de ces découvertes. Ces comptes-rendus sont dans la même lignée que ceux des Britanniques de l’époque, ils sont empreints d’explorations et de découvertes. On y trouve des renseignements sur les itinéraires à suivre, les horaires d’ascensions, les difficultés rencontrées… mais aussi les moyens d’accès aux vallées, les descriptions de paysage, des détails sur les coutumes locales, la toponymie des lieux et tant d’autres choses qui tiennent à la culture montagnarde. Il est vrai qu’à cette époque l’ascension d’un sommet est un véritable voyage qui commence, pour les Belges comme pour les Anglais, loin des Alpes. Ainsi, Émile Vandervelde mentionne, en 1885, son fastidieux horaire pour se rendre au pied de l’Ortler : deux jours de train de Bruxelles à Landeck, six heures de malle-poste à travers les montagnes plus une quinzaine de kilomètres à pied pour se rendre à Sulden. Ils sont, comme les Britanniques, d’excellents marcheurs, comme eux, ils descendent aussi souvent dans les hôtels de luxe où leurs bagages sont acheminés par la route. Mais parfois, ils emportent leur barda avec eux. Cela ne va pas toujours sans mal, surtout quand la pluie survient. Henri La Fontaine raconte2 : « Pendant ce galop, nos bagages, au dos d’un baudet rétif, se transformaient en éponges d’une nouvelle espèce, si bien qu’à leur arrivée, au lieu d’ouvrir nos sacs, il nous fallut les tordre. Hébergés par des gens courts et gros, il nous fallut, quoique longs et maigres, nous affubler de leurs défroques, dont les manches nous arrivaient aux coudes, les pantalons aux 1 - On remarquera que pour Émile Vandervelde il s’agit de ses premières publications… lui qui a tant écrit ! C’est également le cas pour Henri La Fontaine mais, dans une moindre mesure. 2 - Henri La Fontaine : Un ouragan au Mont Rose (Bulletin du CAB -Tome II – 1893)
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Page précédente : Henri La Fontaine (2e rang à gauche) lors d'une réunion dans les montagnes bulgares
genoux, les vestons aux reins, tandis que des plis flottaient autour de nos os d’un air désespérés, veufs qu’ils étaient de bedaines et de pectoraux. » Arrivés au pied des glaciers, les choses ne sont pas toujours plus simples. Certains refuges sont dans un état précaire. Ainsi, le refuge Tuckett, au pied du Glacier Blanc dans le Massif des Écrins3 : « Cet asile recommandable se compose de deux rochers et d’une planche qui est censée représenter la porte. Pour mobilier : deux peaux de mouton sur lesquelles, voluptueusement étalés, nous faisons un léger somme. » Comme le synthétise Henri La Fontaine4 « S’il se tracasse parce que le potage est trop maigre, le lit trop court ou les matelas trop durs, ce n’est plus un alpiniste. » Le luxe des grands hôtels est donc vite oublié lorsqu’on se trouve en altitude. D’autant que les personnes qui fréquentent les refuges sont parfois rustiques et peu sociables, surtout la nuit. « Le ronfleur est l’accessoire obligé de toutes les nuits alpestres… Si noire que soit la nuit, elle sera blanche pour nous. » évoque Émile Vandervelde5. Lorsque ce ne sont pas les hommes, ce sont les bêtes qui jouent les trouble-fêtes : puces, fourmis, taons, rats sont légion. Pour ce qui est de la pratique de la haute montagne, ils se tiennent à un alpinisme classique de bon niveau. « Pas de premières courses mais pas de catastrophe non plus » écrit Henri La Fontaine6. Un problème belgo-belge est cependant récurrent : les « clubistes ». Les deux compères devront souvent traiter7, voire se séparer de ceux qu’ils nomment « les mangeurs de truites », ceux qui ont « bonne plume mais mauvais piolet. » Pour ce qui est de la haute montagne, la pratique de La Fontaine et Vandervelde est proche de la philosophie victorienne. Ils utilisent toujours des guides pour leurs grandes ascensions, quoique l’on retrouve Henri La Fontaine réalisant une aventureuse randonnée en solitaire autour du Col du Grimsel en 1902.
3 - Émile Vandervelde : Dans les Alpes du Dauphiné (Bulletin du CAB – Tome 1 – 1886) 4 - Henri La Fontaine : Autour du Titlis (Bulletin du CAB – Tome 1 – 1886) 5 - Émile Vandervelde : Sur l’Orlter et l’Uri-Rothstock (Bulletins du CAB) 6 - Henri La Fontaine : Notre passé (Bulletin du CAB – décembre 1925) 7 - À noter qu’ils marchent souvent avec François Crépin (membre fondateur du CAB) mais celui-ci, botaniste réputé, se limite souvent à l’ascension des alpages pour ses études.
Ardennes & Alpes — n°217
Leurs guides les plus fidèles seront les frères François et Jean-Baptiste Bich8 de Valtournenche qui les suivront de l’Oberland Bernois jusqu’aux Alpes du Dauphiné. Nos deux alpinistes sont aussi ce que l’on appelle à l’époque victorienne des « excentristes ». L’excentriste est une sorte de globe-trotteur devrait-on dire aujourd’hui, c’est-à-dire un voyageur qui après avoir passé un col, traverse une vallée et continue vers un autre col qui mène à une autre vallée, réussissant de-ci de-là de belles ascensions de sommets. Cette pratique est à l’opposé de celle d’un « centriste » qui grimpe en « étoile » autour d’un même village, c’est-à-dire, qui s’installe dans une grande station et qui gravit des sommets en partant de ce point « central ». La pratique de l’excentrisme nécessite une bonne condition sur le long terme car on enchaine alors des journées de 8 à 13 heures de marche entre cols et sommets. Cela peut être fastidieux dans ses voyages même si certains déplacements de fond de vallée se réalisent en malle-poste. La saison 1885 est une belle illustration de cette pratique. Du 10 août au 3 septembre, Henri La Fontaine et Émile Vandervelde (avec différents compagnons) vont traverser le Dauphiné, la Maurienne, la Tarentaise pour terminer par les sommets du Mont Rose. Ils réalisent lors de ce périple l’ascension de nombreux cols et sommets : Croix de Belledonne, Pic de Neige Cordier, Rochemelon, Pointe de Méan Martin9, Grand Tournalin, Mont Rose (dans la tourmente !). Il ne s’agit pas là de grands exploits mais cette liste témoigne de la résistance et de la détermination de nos alpinistes. Vandervelde considère d’ailleurs son collègue comme un « alpiniste infatigable ». D’autres sommets sensiblement plus techniques seront gravis dans d’autres circonstances : l’Ortler, le Grand Paradis, le Grand Combin, le Pic Roseg, l’Aiguille du Midi (ce dernier uniquement par Émile Vandervelde). D’autres sommets ne seront qu’envisagés comme le Cervin ou la Dent du Géant.
8 - Jean-Baptiste Bich est un guide célèbre. Il a notamment participé à la 1re ascension de la prestigieuse arête du Lion au Cervin. Il est aussi connu pour la conquête de la grandiose Aiguille Noire de Peuterey, avec Émile Rey et Lord Wentworth (le petit fils de lord Byron). 9 - Ils retrouveront au sommet du Pic de neige Cordier et de la Pointe de Méan Martin la carte du célèbre alpiniste W.A.B. Coolidge. Il était de coutume, au début de l’époque victorienne, de laisser sa carte de visite au sommet de la cime que l’on avait gravi. Ceci montre que nos Belges gravissaient parfois des sommets qui ne comptaient que quelques ascensions. Ils font probablement la 3e ascension de la Pointe de Méan Martin.
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Document : Mundaneum
Document : Mundaneum
Lettre de J. Delwart
Lors de ces ascensions, qui ne sont pas encore des courses trop fréquentées, ils gravissent parfois des passages difficiles. Ainsi, le Mont Emilius nécessite de la persévérance, la Pointe Rousse possède une courte difficulté dans les derniers rochers. La descente du Dudenhorn demande de l’attention à cause de sa forte déclivité et des raidillons qui séparent les diverses terrasses. Lors d’une remontée de la Vallée blanche, Vandervelde et ses guides (les frères Bich) doivent batailler sept heures pour franchir les 300 mètres des séracs du Géant. Les choses se compliquent encore lorsque la tempête s’en mêle. Ainsi, La Fontaine près du sommet du Mont Rose raconte10 : « La force du vent était telle que notre corde, longue de dix mètres entre chacun de nous, à peine détendue, se soulevait comme une mince ficelle. Accroupis, le piolet enfoncé dans la paroi méridionale du contrefort, il nous fallait nous arcbouter contre les rafales, qui, non contentes de nous fouetter, nous jetaient encore au visage des poignées de neige durcie, dont les 10 - Henri La Fontaine : Un ouragan au Mont Rose – Revue du CAB – Tome II - 1893
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Lettre de Lefébure
grumeaux cinglaient comme des pierrailles. Bich, qui fermait la marche, avait des stalagmites aux moustaches : on eût dit que des dents formidables saillaient de sa bouche décharnée, tandis que sa mine bleuie par le froid s’était amaigrie encore et ossifiée. Pareil au spectre de la mort, il semblait nous descendre vers quelque macabre et sinistre vallée, par une échelle aux vertigineux échelons. » Nous sommes là en face de véritables alpinistes de la fin du 19e siècle. Une autre notion type de l’alpinisme de cette époque est la prise de notes et de croquis. Émile Vandervelde, à l’image des grands illustrateurs et cartographes victoriens, tels Whymper et Adam Reilly, emportait toujours dans ses courses un carnet de dessin. Il est cependant à noter qu’aucun croquis n’apparaît dans les comptes-rendus de la revue du CAB à cette époque. La montagne est difficile à décrire aussi par le dessin semble-t-il ! « On ne raconte pas une symphonie de Beethoven ! Comment décrire la symphonie en blanc majeur de la haute montagne ? » écrit Vandervelde dans son article sur l’Ortler.
Ardennes & Alpes — n°217
En fait, à cette époque, les Anglais sont synonymes de tourisme de masse, un tourisme que nos Belges fuient. S’il trouve du charme à Valtournenche, Saint-Christophe-en-Oisans, Suze, Engelberg, … pour Henri La Fontaine, Zermatt est devenu une coloniale foire aux vanités, pour Émile Vandervelde, Chamonix est devenu un lucratif caravansérail regorgeant de philistins. Photo : H. La Fontaine
Comme on peut le voir, c’est bien avec un certain esprit qu’Henri La Fontaine et Émile Vandervelde ont entretenu un lien étroit avec la montagne. Ce lien étroit qu’ils ont maintenu tout au long de leur vie n’a pas été innocent dans les valeurs humaines qu’ils ont défendues avec ardeur à d’autres niveaux. Paysage de montagne
Si nos compères pratiquent un alpinisme à la victorienne, certains éléments les opposent cependant aux anglo-saxons. Émile Vandervelde, par exemple, utilise des crampons dès 1886 lors de l’ascension de l’Ortler un des sommets majeurs des alpes autrichiennes. À cette époque, les écoles françaises, suisses et anglaises sont assez réticentes à l’utilisation de ces « armatures métalliques ». Ce seront les Autrichiens et les Italiens qui seront les premiers à développer les véritables crampons au début du 20e siècle. Au tournant du siècle, les évolutions s’annoncent, les courses sans guides se développent, le matériel évolue, les alpinistes recherchent de plus en plus la difficulté. Cette évolution irrémédiable est portée en partie par certains anglais (encore victoriens ?)11. Cela ne plait pas spécialement à nos amis belges et notamment à Henri La Fontaine qui explique ceci12 : « Les Anglais sont en pays de montagnes ce que les virtuoses sont en pays de plaines. Ce qui les attire, ce n’est pas la splendeur des vues, la vastitude des espaces, l’émotion des solitudes et des silences. Ce qu’ils cherchent, c’est le triomphe des pieds, des mains et des genoux, c’est la volupté des muscles et le mépris des fatigues. Revenir écorchés, balafrés, déchirés par les roches et les glaces les charme mille fois plus que la griserie radieuse du formidable et du sublime. Ce qu’ils adorent, dans la musique, ce sont les masses monstres que des gestes prodigieux parviennent seuls à diriger et à mener ; ce qu’ils aiment encore, c’est la phalange aux volubilités excessives, l’archet aux arpèges aigus, la glotte aux trilles stridents. L’art pour eux est la difficulté vaincue, pour eux l’alpinisme est le vertige dédaigné et la paroi gravie. Ils sacrifient l’enthousiasme à l’acrobatie, la poésie à l’audace. L’audace et l’acrobatie sont esclaves : ils leur ont décerné le triomphe, ils ont mal fait. »
Et Henri La Fontaine de conclure13 : « S’il est bon pour l’homme des villes de venir vers l’homme des vallées, il est encore meilleur de venir vers les Alpes, de s’y souvenir que nous sommes les enfants de la terre et que c’est sur son sein, au creux des montagnes, ces mamelles de notre mère commune, que la nature nous initie à ses préceptes les plus purs et à ses lois les plus hautes. »
Remerciements : Dans un article consacré à un bibliophile et un auteur prolixe, on ne peut omettre de remercier les archivistes et bibliothécaires : Joffrey Liénart (pour l’Institut Émile Vandervelde) Stéphanie Manfroid (pour le Mundaneum) Alain Purnode (pour le Club Alpin Belge)
BERNARD MARNETTE
Bibliographie : •
Borlée Jacques : de Freyr à l’Himalaya (Didier Hatier – 1987)
•
Collectif : Henri La Fontaine, prix Nobel de la paix – 1913 (Racine – 2012)
•
Deffet Eric : Internet est définitivement une idée belge – Le Soir du 8 juin 2012
•
N.B. : Voir sur le sujet : site Google – blog Europe – Le Monde du 19 décembre 2009, Libération du 25 juin 2015
•
Janty Georges : Henri La Fontaine - Namur informations n° 245 – novembre 2002
•
La Fontaine Henri : Revue du CAB : Tome I – 1886, Tome II – 1893, Tome III – 1905
•
Vandervelde Émile : Revue du CAB : Tome I – 1886, Tome II – 1893
•
Vandervelde Émile : Souvenirs d’un socialiste (Ed. Denoël – 1939)
•
Van den Dungen Pierre : Henri La Fontaine (Samsa – 2022)
11 - La reine Victoria meurt en 1901 12 - Henri La Fontaine : Un ouragan sur le Mont-Rose – Revue du CAB, tome II -1893
13 - Henri La Fontaine : Autour du Titlis – Bulletin du CAB, Tome I - 1886
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David Leduc © 2023
Un tableau pour Freyr Présentation de Kato Van de Mosselaer DAVID LEDUC — Gardien de Freyr Après l’ours en bois sculpté à la tronçonneuse par Timothé Verlaine l’année passée, une autre jeune passionnée a fait don de son art pour décorer cet endroit où elle passe tant de beaux moments.
Kato Van de Mosselaer, Anversoise, infirmière de 23 ans ; a créé une peinture pour décorer le local de cours à l’entrée du parking, là par où affluent ces centaines de grimpeurs et visiteurs chaque semaine. Un triangle représentant le panorama des rochers de Freyr depuis le point de vue, triangle de 4,5 m de large en bas, sur 1,7 m de haut au milieu ; et pour Kato environ 15 heures passées en compagnie de ses pinceaux et tubes de peinture acrylique. C’est un beau cadeau pour la communauté et pour ces dizaines de grimpeurs qui dorment dans leur camionnette sur le parking chaque weekend. Il fallait donc bien vous présenter cette sympathique grimpeuse : on lui a posée quelques questions !
Rencontre avec Kato David Leduc : Quelques mots pour te présenter ? Kato Van de Mosselaer : Je m’appelle Kato, j’ai 23 ans, je viens de Mortsel, près d’Anvers. Je travaille comme infirmière depuis ce début d’année. Quelle est l’histoire de ce tableau ? David, le gardien du site, m’a parlé de son idée de décorer le local et je trouvais ça super chouette. Il a su récupérer un tas de peinture chez Wouter, un slackliner qui vient souvent à Freyr. Mon copain Tobias m’a aidée à mesurer, à couper et ensuite à fixer les 4 panneaux en bois qui allaient être peints. Donc c’est vraiment produit par et pour la communauté de Freyr.
Kato Van de Mosselaer à côté de sa fresque décorant le local de cours page 32
J’ai peint le panorama de Freyr depuis le point de vue. Comme le tableau est très grand et en triangle c’était difficile d’avoir une bonne vue d’ensemble et aussi des dimensions, j’ai peint pendant environ 15 heures réparties sur plusieurs semaines. Qu’est ce qui t’attire à venir si souvent à Freyr et à escalader ? Au début, ce n’était pas un cadeau de grimper à Freyr. L’escalade semble tordue, je tombais dans du 5c. Mais j’y ai découvert quelque chose de magique et je voulais à chaque fois y retourner. Déjà que c’est un des endroits les plus beaux de Belgique… Il faut prendre son temps pour s’adapter au style de grimpe ; à la méthode, à la technique, aux petites réglettes…et en fait j’ai appris à adorer. On y découvre des voies incroyables cachées même là où l’on ne s’y attend pas ! Freyr c’est un peu les vacances. En grimpant je m’échappe du quotidien, de la routine, de la ville. Et quand je trouve le bon « flow », je me retrouve complètement dans l’instant et j’oublie tout le reste, ça me fait tellement de bien. Tu fais partie de la bande anversoise de « Klimzaal Wallstreet » ? Oui, avant ça je grimpais et j’encadrais les jeunes à Magnesia à Mortsel, mais la salle a dû fermer. Ensuite, avec nos jeunes, on a été bien accueillis par Gert et Erik, les gérants de Wallstreet. Il y a une très bonne ambiance et nous sommes une bonne bande de copains qui aiment se retrouver en falaise le weekend et pendant les vacances. Quelques anecdotes de ton rapport à la peinture ? J’ai appris à dessiner et peindre à l’école, comme j’allais dans une école « Steiner », où ils t’apprennent des choses très variées pour que chacun y découvre ce qui lui plait ou ce qui lui convient. Encore aujourd’hui ça m’arrive de prendre des crayons et du papier et de dessiner mes idées. À la maison, j’ai fait une grande peinture sur notre placard, donc je dors avec la vue sur le massif du Fitz Roy, j’ai la Patagonie dans ma chambre. Interview de KATO VAN DE MOSSELAER par DAVID LEDUC
Florian Delcoigne © 2023
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Du bloc au Tessin Un premier trip pour la BRCT (Belgian rock climbing team) FLORIAN GOURGUE La BRCT est une équipe motivée par le haut niveau en falaise. L’objectif du projet est de créer une émulation autour de l’escalade en falaise, en bloc, en grande voie et tout ce qui existe… et de rassembler les connaissances de chacun pour développer une équipe polyvalente et créative qui inspire les grimpeurs belges. Les membres de l’équipage actuel sont Thomas Salakenos, Sven Lempereur, Eline Le Menestrel, Pablo Recourt, Florian Gourgue, Loïc Debry et David Leduc.
Pour notre premier trip en tant que BRCT (Belgian Rock Climbing Team, mais toujours BRoL dans nos cœurs), on a choisi de faire confiance à Thomas et d’aller passer une semaine dans le Tessin suisse. Au menu, du bloc, du bloc et encore du bloc.
En effet, la région du Tessin (partie sud de la Suisse où on parle italien) est connue pour ses nombreux spots, tous plus majeurs les uns que les autres, comme Cresciano, Valle Bavona, Brione et bien d’autres. Le but ? D’abord passer une première semaine tous ensemble pour voir comment se passe l’entente entre les membres de l’équipe et surtout se mesurer à des blocs durs et classes ! Malheureusement, Sven ne sera pas de la partie, car il se concentre sur le travail de Supercrackinette, une voie cotée 9a+ qui se trouve de l’autre côté des Alpes, à Saint-Léger-du-Ventoux. Il aura bien fait puisqu’il enchaînera la voie quelques semaines plus tard. Bravo à lui ! De même pour Eline qui est de sortie à vélo pour son projet Upossible, où l’idée est de relier 3 sites de grimpe renommés à vélo en partant de grandes villes. Mais attention, on prend le train entre ces différentes villes. Avec Simone, ils auront relié Marseille, Bruxelles, Naples pour visiter Freyr, Berdorf, le Frankenjura et les falaises italiennes. Oh yeah ! De notre côté, il reste une place dans la camionnette : on convainc sans trop de difficultés Florian Delcoigne de quitter une petite semaine le Camp de Base pour page 33
se joindre à nous. Une fois toutes les affaires préparées, on se donne rendez-vous à 4 h du mat’ pour démarrer. Un premier stop à Kraainem pour prendre Thomas et un second à Freyr pour faire monter David et c’est parti pour une belle journée de route. Comme on est parti suffisamment tôt, on arrive juste à temps pour une petite session à Chironico avant qu’il ne fasse noir et qu’on doive rejoindre notre Airbnb. Le but du trip était de souder l’équipe, mais aussi de se préparer à dépasser ses limites en bloc. Pour cela, avant de partir, on s’est tous défini un ou plusieurs objectifs. Pendant et après le trip, on analyse ensemble si on a atteint ces objectifs individuels ou d’équipe, et on cherche les paramètres à améliorer. Pas facile de choisir où aller tant le choix est vaste. Mais on opte pour Brione les deux premiers jours parce que les conditions semblent optimales et que Thomas, notre guide dans le Tessin (il est déjà venu plusieurs fois) travaille le départ assis de Vecchio Leone. Avec le reste de l’équipe, on fait nos armes sur des blocs un peu moins extrêmes mais tout aussi classiques et beaux comme Pamplemousse, Molonk, Frogger et bien d’autres.
Voici une petite liste de croix : • • • • • • • • • • • • • page 34
Nobody ist der Größte 8a Fake pamplemousse 8a Frogger 8a La persistencia de la memoria 8a Te fue il americano 8a Teamwork 8a Pamplemousse 7c + Wie im urlaub 7c+ Molunk 7c Yoga roof 7c Musher 7c Läckerly crack 7a+ There is no spoon 7a+
On s’en donne à cœur joie en mettant nos doigts dans de beaux projets comme Coup de Grâce (9a) et Off de Wagon (8b+) Malheureusement, un jour de pluie est annoncé et, avides de grimper, on prend la voiture jusqu’à Chironico où le toit de Alphane (9a) reste sec. Il y a quelques blocs plus à notre portée à essayer, mais on finit vite la journée par du repérage dans des blocs tous plus jolis les uns que les autres. Après un jour de repos (on en a profité pour faire notre petit pèlerinage à Dreamtime à Cresciano), on prend la direction de Valle Bavona, dans la vallée parallèle à Brione. On monte jusqu’à Sonlerto où on reconnaît tout de suite le décor des Rampagers, ces fameux films de grimpe dans lesquels Chris Sharma, Dave Graham, Daniel Woods et d’autres découvrent le Tessin et ouvrent un nombre impressionnant de blocs et de voies. Là, on s’en donne à cœur joie en mettant nos doigts dans de beaux projets comme Coup de Grâce (9a) et Off de Wagon (8b+). Encore un jour à Brione, où on passe plus de temps dans le secteur du bas. Ici, on est le long du torrent (parfois même dans le lit de celui-ci) et la roche est plus lisse, plus sculptée. L’adhérence et la forme des prises ne sont pas du tout les mêmes et ce n’est pas facile de s’adapter. L’escalade n’en est pas moins belle et on s’amuse bien dans des blocs moins durs comme la fameuse dalle de There is no Spoon qui donne du fil à retordre à certains d’entre nous. C’est déjà le dernier jour de notre petit voyage et on décide à nouveau de partir tôt pour pouvoir aller
Pablo Recourt © 2023
Pablo Recourt © 2023
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Ça aura été une belle découverte du Tessin pour David, Pablo et moi grâce à Thomas et Florian !
Maintenant, place à la résistance et au volume, car le prochain objectif est de taille : on se mesurera fin septembre à Alibaba, une grande voie bien dure et déversante à Aiglun dans le sud de la France.
Pablo Recourt © 2023
grimper à Chironico. Les deux petites heures qu’on a devant nous passent vite, et le manque de peau commence à se faire sentir, d’autant plus qu’il fait très chaud ce jour-là.
Pablo Recourt © 2023
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Merci mille fois au Club Alpin Belge de nous soutenir dans ce projet outdoor !
FLORIAN GOURGUE
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Pablo dans Pamplemousse 7c+, Brione
2. Florian dans Fake Pamplemousse 8a, Brione 3.
David dans Coup de Grâce 9a, Val Bavona
4. Thomas dans Off the Wagon 8b+, Val Bavona 5. Échange de méthodes en dessous de Coup de Grâce 9a, Val Bavona page 35
de la Belgian
Climbing Team Vers de nouveaux horizons TIJL SMITZ – Coordinateur Haut Niveau & Compétitions La saison 2023 s’est avérée être un nouveau départ prometteur pour la Belgian Climbing Team (BCT). Avec un nouveau staff composé de Liselotte De Bruyn, Antoine Kauffmann et Silke Ghekiere, ainsi que la réintégration ponctuelle de Christophe Depotter et l’arrivée de Michael Timmermans dans le système, l’équipe a renforcé ses rangs. De plus, des contributions extérieures sont venues enrichir celle-ci, avec Urh Cehovin de Slovénie et le retour de Marco Jubes d’Espagne. Le volet médical s’est également consolidé avec les kinés Arius Thiry et Stijn Verhaeghe ainsi que les psychologues Jean Colinet et Viktor Van der Veken.
La saison a été marquée par des séances d’entraînement communes pour les grimpeurs seniors et juniors. Le programme intensif a inclus un stage en Slovénie ainsi que des déplacements en France et aux PaysBas. Les installations et le mur de compétition du centre Adeps de Loverval, ainsi que la collaboration fructueuse avec certaines salles belges telles que Camp de Base et Blok, ont renforcé la dynamique de l’équipe. Notons également le lancement d’entraînements dédiés aux grimpeurs U14 et U12, démontrant ainsi un réel engagement envers la préparation de l’avenir.
Les Coupes Le volet compétition n’a pas manqué de moments forts. Avec la convergence du circuit européen et mondial au cours des dernières années, le niveau de compétition est monté en flèche. Cela a toutefois permis aux grimpeurs de progresser vers le plus haut niveau. La Coupe d’Europe de Bloc de Chambéry (FRA) était une entrée en matière pour nos athlètes, tandis que la Coupe du Monde de Bloc de Hachioji (JPN) a vu Hannes Van Duysen décrocher une médaille d’argent, une première pour l’escalade masculine belge en Bloc. Du côté des jeunes, la Coupe d’Europe de Bloc Jeunes de Soure (POR) a vu Corentin Laporte poursuivre
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Club Alpin Belge © 2023
Saison 2023
SAC/davidschweizer.com © 2023
sur sa lancée avec une médaille de bronze, tandis qu’Alexandre Noël a atteint la finale. La Coupe d’Europe de Bloc Jeunes de Kaunas (LIT) a vu les deux mêmes athlètes décrocher l’or et l’argent, et Lorraine Kervyn également accéder à la finale. Lors de la Coupe du Monde de Bloc de Seoul (KOR), Hannes Van Duysen, Simon Lorenzi et Nicolas Collin ont réalisé des performances honorables en se classant respectivement 13e, 14e et 16e.
Javipec © 2023
La saison continue avec de beaux défis à l’horizon, notamment le Championnat d’Europe de Lead Jeunes à Helsinki
Les moments forts se sont multipliés avec la Coupe d’Europe de Bloc de Liebana (ESP), où Corentin Laporte a remporté le bronze, Lucie Delcoigne a pris la 5e place et Alexandre Noël la 7e. Entre-temps, à la Coupe du Monde de Salt Lake City (USA), Frederik Leys a triomphé en paraclimbing et Hannes Van Duysen a atteint sa seconde finale en bloc, terminant à la 6e place. La compétition de la Coupe d’Europe à Loverval a suscité de vifs intérêts, en particulier grâce à la victoire éclatante de Chloé Caulier sur ses terres. Cependant, gérer la pression à domicile n’a pas été une tâche aisée. La suite de la saison a vu les athlètes se tourner vers l’escalade en tête (lead). Les jeunes ont également brillé, avec Nathan Rouselle atteignant la deuxième marche du podium à la Coupe d’Europe de Lead Jeunes à Imst (AUT). Les compétitions suivantes, telles que les Coupes du Monde de Lead de Villars (SUI) et Chamonix (FRA), ont permis aux athlètes seniors de passer du mode bloc au mode lead sans performances exceptionnelles. Il aura fallu attendre la Coupe du Monde Lead de Briançon pour voir Ties Vancraeynest accéder à sa première demi-finale (17e) pour ensuite gagner la médaille d’argent lors de la Coupe d’Europe de Lead à Zilina (SVK).
Les Championnats Le point culminant de la saison était les Championnats du Monde du mois d’août. À Berne (SUI) pour les seniors et à Séoul (KOR) pour les jeunes, l’équipe a montré sa détermination. À Berne, les hommes ont manqué de justesse les demi-finales dans les deux disciplines. À Séoul, Hannes Van Duysen a réalisé Page précédente : Entraînement de la BCT à Camp de Base Ci-dessus : · 7e place de Lorraine Kervyn à la European Youth Cup Lead de Niederwangen
une performance extraordinaire en décrochant l’or en lead et le bronze en bloc. Des médailles et des performances remarquables ont ponctué la saison, bien que le ticket olympique reste à obtenir.
La Suite La saison continue avec de beaux défis à l’horizon, notamment le Championnat d’Europe de Lead Jeunes à Helsinki (FIN) en septembre et diverses coupes d’Europe et du monde. Le tournoi de qualification olympique bloc et lead (combiné) à Laval (FRA) en octobre sera un moment crucial où les athlètes de la Belgian Climbing Team se battront pour décrocher le seul ticket continental en jeu.
En conclusion, la Belgian Climbing Team a d’ores et déjà accompli une saison exceptionnelle en 2023, marquée par 13 médailles et 2 titres mondiaux. Malgré l’absence d’un ticket olympique, l’équipe peut être fière de ses réalisations. La saison n’est pas terminée et nos athlètes nous réservent certainement encore de belles surprises.
TIJL SMITZ
· Finale de la European Boulder Cup de Liebana - Corentin Laporte page 37
Opération LIBERTY SÉBASTIEN VANNEROM — Images : GILLES VANOVERBERG
Le 4 septembre 2022, nous sommes à quelques centaines de mètres du pied de la voie normale. Après une montée à l’aube vers le refuge du Soreiller, nous nous apprêtons à clore un chapitre inoubliable dans le massif des Écrins par l’ascension de l’arête nord de l’aiguille Dibona. Gilles, inhabituellement derrière moi, me fait comprendre qu’il ne saurait aller plus loin. Ses ligaments en ont décidé autrement. C’est seuls dans ce désert minéral que, non sans larmes, nous décidâmes de revenir un jour. Ce retour se fera le 2 juillet 2023 : à cette date, nous reprendrons l’écriture d’un chapitre au goût d’inachevé…
La montée depuis le hameau des Étages, se fera en un peu plus de cinq heures. À la place de l’euphorie de voir notre projet se réaliser, un sentiment de responsabilité, de concentration, grandit pas à pas. Cette approche nous laisse l’occasion de réfléchir au sens de ce que nous faisons. Que venons-nous chercher si haut ? Une performance sportive ? Je ne pense pas. Tester nos limites ? Non plus. Nous pensons que notre plus grande motivation est de pouvoir raconter quelque chose à nos enfants. À l’approche du refuge, la raréfaction de l’oxygène commence à se faire sentir. Pas après pas, mètres après mètres, citadins que nous sommes, nous apprenons l’humilité. Arrivés au refuge, le bivouac est monté dans un spot de rêve, au pied de magnifiques dalles de granite qui donnent le ton. Un dernier coup d’œil aux différents topos et nous voilà gonflés à bloc. Nous préparons le sac pour l’ascension. Au lieu de huit dégaines comme annoncé dans la documentation, nous en prenons douze. Cette décision, se révélera salutaire, mais nous ne le savons pas encore. Le réveil sonne, il est 5 h 30. La nuit cède la place à l’aube pour faire oublier les trois degrés nocturnes. Sans tarder, nous nous retrouvons pour le petit déjeuner. Les différentes cordées se mettent en route. C’est avec un bon regel que Gilles ouvre la
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À ce moment, j’ai l’impression de tirer quatre sacs de ciment tant le tirage est fort. J’ai même la certitude d’avoir sorti les 60 mètres de corde en dessous de moi. marche sur le névé nous menant au pied de la voie du Nain. C’est à l’approche du mur de granite que nous laissons passer une cordée plus rapide que nous. Quand vient notre tour, nous entrons directement dans le vif du sujet. Le pas de 5a en traversée sous un toit tant redouté est à portée de doigts. Un coup d’œil en bas me fait prendre conscience de l’engagement. Les fissures successives se prêtent aux placements de friends complémentaires. Je ne m’en prive pas. On serre les dents, on respire un coup et ça passe. Le relais est vite installé. Gilles me rejoint sans tarder. Étant donné que c’est moi qui grimpe en tête, les cordes sont remises dans le bon sens sans traîner. Les dégaines et friends sont récupérés, et je repars. Spit après spit, la progression est longue. L’espacement entre les points est conséquent. Les protections supplémentaires sont les bienvenues. Ces friends ont un effet pervers : le tirage commence à se faire sentir. Un coup d’œil au baudrier pour constater qu’il ne reste plus beaucoup de dégaines. Quelques mètres au-dessus, j’aperçois Pierre, le second de la cordée qui nous précède. À ce moment, j’ai l’impression de tirer quatre sacs de ciment tant le tirage est fort. J’ai même la certitude d’avoir sorti les 60 mètres de corde en dessous de moi. Pierre me confirme ce que je pressentais : j’ai doublé une longueur sans m’en apercevoir. Je clippe ma dernière dégaine dans le dernier spit, un dernier effort et me voilà vaché au relais. Une dernière longueur qui nous sépare de la brèche des Clochetons sera vite gravie. À ce moment, plusieurs pensées nous traversent l’esprit. Aussi bien Gilles que moi, nous sommes rincés par cette voie annoncée comme facile et rapide. D’un commun accord, nous décidons d’avancer étape par étape, mètre après mètre. Devant nous se dresse la voie normale de l’aiguille précédée de sa traversée cotée 2, mais non équipée. Nous préférons jouer la sécurité, car une petite erreur aurait de graves conséquences. De ce
Page précédente : Nos 2 longueurs de rappel pour la désescalade de la voie normale. Ci-contre : · Nous voila au sommet de l’aiguille Dibona · Au pied de la voie du Nain page 39
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La magnifique dalle de granite qui surplombe notre zone de bivouac
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L’aiguille est derrière nous, retour au refuge de Soreiller
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L'aiguille et en contre bas : notre zone de bivouac
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Ascension vers le pied de la voie du Nain, il est 6 h 00
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fait, quelques coinceurs sont vite placés. Le sommet est proche, plus que deux longueurs. L’euphorie commence à se faire sentir, mais nous restons concentrés. J’arrive à l’avant-dernier relais. Nous y serons quatre, vachés sur un relais chaîné. Tous les quatre de cordées différentes. Nous prenons notre mal en patience. Gilles trouve une ouverture pour me rejoindre. Nous n’avons jamais été aussi proches du but. J’entame la dernière longueur qui est la plus impressionnante par le vide qui nous entoure. Nous survolons cette dernière arête sommitale, pour nous retrouver au sommet. Une étreinte forte clôt un projet préparé depuis dix mois. Le rappel de descente se fait toujours dans les embouteillages, mais nous permet de redescendre au pied de la voie en sautant un relais, volontairement cette fois. La descente vers le camp de base sera longue, mais cela nous laissera le temps de réfléchir à notre prochaine aventure… SÉBASTIEN VANNEROM page 41
Paumenade aux Drus
MERLIN DIDIER
Vue sur le mont Blanc depuis le bivouac dans la voie. e, n Delcoign ia r lo F c e v A ps qu’on m e t e u lq e ça fait qu les Drus, ir v a r g e e miroite d iconique d ns e c a f e t t e c e da de granit s e r t è m 1 000 t-Blanc. n o M u d if le mass edi soir, r d n e v n U opo primé le t im ir o v a e après américain e e t c e ir D ont de la ue qui rem e iq s s a l c itt (la voie est), on qu e… u o e c a f e l t la bel coup de tê n u r u s s e Merlin & Flo Bruxell page 42
CAB - Belgique
SAMEDI 15 h 00 | Gare du Montenvers – Mer de Glace Le conducteur de train ajuste son képi et lance : Teeeeeeeeeerminus, tout le monde descend ! Attention à la marche et aux yeux, vous allez en prendre plein la vue… Florian Delcoigne : Aïe ! Merlin Didier : Ouille ! Dame anglaise avec un style de montagnarde fraîchement acheté à « Cham’ » : Astonishing ! Well, this is a serious piece of a rock ! Amazing !
15 h 30 | Mer de Glace F : Ben elle est où cette Mer de Glace ? M : T’es en plein dessus banane, ça fait 30 minutes qu’on prend des tubes de poussière et de caillasse. F : Ça valait bien la peine d’embarquer les crampons et les pioches…
16 h 22 | Moraine M : C’est marrant sur Google Maps elle avait l’air moins infranchissable cette moraine.
Flo à la plage.
F : Heureusement qu’on a trouvé ces cordes fixes, sinon on y serait encore. Aller, il reste le pierrier à avaler. J’espère que t’as faim parce que ça n’a pas l’air d’être de la tarte.
19 h 30 | Bivouac aux pieds des Drus M : J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. F : J’écoute. M : La bonne c’est que l’approche est terminée, la mauvaise c’est qu’il y a 3 autres cordées déjà là. F : Boh, au pire on les laisse trouver l’itinéraire et on leur colle au cul. M : Ouais en plus ce sont des Italiens, des Polonais et des Tchèques. Le genre de types plutôt expérimentés contrairement à d’autres…
DIMANCHE 6 h 20 | Pied de la voie F : C’est quoi ce truc blanc ? M : C’est de la neige. Ça glisse un peu, mais si tu mets tes pieds dans les empreintes formées ça passe nickel. F : J’aime pas trop beaucoup ça je crois. M : Aller faut qu’on s’bouge sinon on va perdre les autres.
6 h 40 | Longueur 3 M : J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. F : J’écoute. M : La bonne nouvelle c’est qu’on les a rattrapés, la mauvaise c’est que c’est déjà la file…
J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle...
F : C’est pas vrai ? C’est pire que le Yosemite ici… Ça valait bien la peine de venir s’isoler pour finalement se marcher dessus. M : Surtout qu’à ce rythme-là, on va pas aller très haut…
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Tu ne leur as pas proposé un morceau de couque de Dinant aussi ? MERDE ! Je pense qu’elle est restée dans la voiture…
10 h 00 | Longueur 9 F : Aller, plus qu’à passer devant les Polonais et l’affaire est jouée. M : Ils n’ont pas trop râlé les Tchèques ? F : Ils n’ont plus de gaz en fait, du coup ils portent 5 l d’eau chacun. C’est pour ça qu’ils sont lents. Je leur ai dit que s’ils nous rejoignaient au bivouac, on pouvait leur faire fondre de la glace. M : Tu ne leur as pas proposé un morceau de couque de Dinant aussi ? F : MERDE ! Je pense qu’elle est restée dans la voiture… M : TRAGÉDIE !
14 h 32 | Longueur 15 M : J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. F : J’écoute. M : La mauvaise c’est qu’on a mal refermé la bouteille d’eau et elle a coulé dans mon sac, la bonne c’est qu’on est plus légers.
19 h 58 | Longueur 21 F : J’suis cuit, il m’a vidé ce dièdre de 90 m en 6c. M : Ouais à la fin j’avais les bretelles de mon sac qui me cisaillaient tellement les épaules que j’ai failli lâcher prise !
Flo dans la très belle 9 longueur, une fissure bien physique et légèrement déversante. e
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21 h 21 | Bivouac aux 2/3 de la voie M : Pas dégueulasse la vue sur le toit de l’Europe. F : J’aperçois les Tchèques. Mais les Italiens et les Polonais ont abandonné.
MATÉRIEL1 • • • • • • •
Sac à dos 35l x2 Sac de couchage x2 Matelas x2 Doudoune x1 Corde à double 60 m x1 Piolet light x2 Paire de crampons x2
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Camalot BD : n° 0,4 > n° 1 x2 n°2 x1 n° 3 x1
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Jeu de nuts x1 Nut tool x2
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Dégaines x6 Dégaines allongeables x6 Sangles 120 x4 Sangles 60 x4 Cordelette de réchappe 10 m
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Grosses bottines pas indispensables, mais confortables. Chaussures d’approche classiques font l’affaire. 1 - Liste qui ne comprend pas son petit matériel perso habituel (vêtements, lunettes, chaussons, réverso, crème solaire, frontale, …)
Le fameux dièdre de 90 mètres, le crux de la voie. Miam miam !
LUNDI 5 h 12 | Bivouac à 1/3 du sommet Les Tchèques : Moc děkuji za plyn a teplou vodu !1
10 h 32 | Longueur 25 M : On avance pas ultra vite, mais bon au moins on ne s’est pas encore planté.
12 h 13 | Longueur 28 F : On est à quelle longueur là ? M : La longueur d’avance !
13 h 30 | Longueur 31 M : Merde c’est un cul-de-sac glacé… Je fais une réchappe. F : C’est con, t’es vraiment juste sous le sommet. Il y a la vierge2 qui te fait coucou.
15 h 30 | Longueur 32 M : Merde, un autre cul-de-sac ! F : L’enfer… Je commence à comprendre le sens du mot « paumatoire » qu’on a lu dans la description pour atteindre le sommet. M : Sur un des topos, il semble y avoir un passage qui contourne en face sud. F : Prions pour…
1 - Merci beaucoup pour le gaz et l’eau chaude !
2 - Statue de vierge iconique au sommet du petit Dru.
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CONSEILS •
En montagne, toujours prendre un MAXIMUM d’infos sur l’approche, la voie et la descente. Une version du topo c’est bien, deux c’est mieux. Un témoignage d’une précédente ascension, c’est idéal.
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Si, comme nous, ce sommet vous fait rêver, foncez ! Il y a 3 longueurs soutenues (6b, 6c, 6c) mais le reste ça avance bien !
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Ne pas oublier la couque de Dinant pour le sommet.
Selfie avec le sommet du grand Dru
17 h 43 | Longueur 37 M : ÇA PUE !!!
Vue sur le mont Blanc depuis le bivouac dans la voie.
F : Hein ? M : ÇA PUE LE SOMMET !
18 h 00 | Sommet F : Et mais c’est pas ton annif aujourd’hui ? M : Ah si ! Ahah j’avais oublié… F : Bon elle est où la vierge ? M : Ben en fait elle est au sommet du petit Dru et là on est arrivés direct au sommet du Grand Dru. Tu veux y retourner pour la photo ?
ÇA PUE !!!
F : Non non dis, on est pas fanatiques à ce point. Cherchons plutôt la ligne de rappels avant qu’il fasse noir. M : Amen.
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REMECIEMENTS Grand merci à Thomas Joannes et Olivier Zintz pour les précieuses infos sur la voie. Merci au magasin LECOMTE pour le matériel de qualité, comme d’hab ! Merci aux Tchèques avec qui on a partagé les rappels de descente et qui nous ont promené à travers le glacier à la frontale.
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Richard Mardens © 2018
Entretien en gestion collective des rochers
Petit tour d’horizon en questions – réponses Pourquoi gérer les rochers ? La gestion rencontre trois objectifs :
Saison 2023-24
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Objectif sécurité : enlever les pierres et blocs instables, surveiller/réviser l’équipement
L’ÉQUIPE DU CAB
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Objectif biodiversité : enlever les végétaux envahissants, ouvrir les milieux
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Objectif plaisir : grimper des chouettes voies dans un cadre agréable
Le CAB gère actuellement une vingtaine de sites d’escalade pour un total d’environ 1 700 voies. L’ouverture et la demande de permis pour de nouveaux massifs est également en cours et des dossiers de régularisation pour des massifs existants, mais interdits à l’escalade, sont aussi en chantier (le rocher du Calvaire à Bomal par exemple).
On ne rappellera jamais assez que le rocher est un matériau qui « vit » au fil des saisons (gel-dégel, érosion) et la végétation qui l’entoure également. Pour continuer à grimper sur nos falaises et assurer le maximum de sécurité, nos rochers ont besoin d’être entretenus. Ce travail est réalisé tout au long de l’année par l’équipe rochers de la Fédération (4 personnes, pour environ 2 ETP) et les différents mandataires et bénévoles réguliers (un équivalent de 373 jours-hommes en 2022). Aux entretiens réguliers viennent s’ajouter les entretiens collectifs supervisés par l’équipe rochers où des bénévoles ponctuels viennent donner un coup de main à la Fédération. Ces entretiens collectifs ont lieu d’octobre à mars. La nouvelle saison 2023-2024 débute bientôt. Cet article est l’occasion de vous en communiquer le calendrier et de vous informer sur ce qu’on entend par entretien collectif.
Qu’est-ce qu’on fait lors d’un entretien collectif ? Lors d’une gestion, on peut être amené à travailler à différents endroits : •
Travail au sol : aménager les chemins, couper ou arracher les plantes invasives, aménager les chemins, couper ou arracher les plantes invasives, abattre les arbres dangereux ou instables.
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Travail en paroi : enlever les pierres et blocs instables, enlever la végétation non désirée
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Travail au sommet : dégagement et entretien des zones d’intérêt paysager et biodiversité
Que faut-il comme matériel ? Pour participer à un entretien collectif, il suffit de vous munir d’un baudrier, d’un casque et d’une paire de gants. Le CAB met à disposition le reste du matériel.
Faut-il être un expert en nœuds, tronçonnage, etc. ? Non, il y a toute une série de tâches réalisables par toutes et tous. Pour les tâches plus spécifiques et techniques, l’équipe est là pour vous transmettre son savoir. C’est par exemple le cas pour le travail en paroi : descente et remontée sur corde, etc.
Qui contacter et comment ? L’équipe rochers par e-mail : rochers@clubalpin.be ou par téléphone au 0483/04.61.26
Maillon - Entretien collectif page 48
Vous venez en train ou vous n’avez pas de voiture ?
Entretien collectif
On essaie de tout mettre en œuvre pour faciliter le covoiturage, n’hésitez pas à le mentionner lors du contact avec la Fédération.
En bas : Pause de midi - Entretien collectif
Les prochains entretiens collectifs •
Dimanche 1 oct.
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Grands-Malades
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Dimanche 8 oct.
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Sy
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Samedi 14 oct.
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Dave
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Samedi 21 oct.
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Landelies
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Samedi 4 nov.
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Freyr
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Dimanche 12 nov.
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Awirs
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Samedi 18 nov.
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Dave
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Dimanche 26 nov.
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Sy
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Dimanche 3 déc.
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Dave
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Samedi 9 déc.
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Chaleux
Nous espérons vous voir nombreux et nombreuses lors des prochains entretiens mais si aucune date ne fonctionne pour vous et que vous voulez quand même apporter votre pierre à l’édifice, il est aussi possible de s’impliquer tout au long de l’année :
Suivez le lien : www.clubalpin.be/entretiens
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Didier Marchal © 2021
We need you LE CONSEIL D'ADMINISTRATION Le Conseil d’administration du Club Alpin Belge est à la recherche de nouveaux administrateurs, et particulièrement d’administratrices !
Organe essentiel dans la vie d’une Fédération, le Conseil d’administration est un lieu d’échange où se dessine le futur du Club Alpin.
Intéressée, intéressé ? « Oui, mais concrètement, ça consiste en quoi ? » Cela représente environ une dizaine de réunions au cours de l’année. Elles ont lieu en soirée en semaine à Namur, avec possibilité d’y assister en visioconférence en cas de nécessité. On y aborde des sujets
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variés comme la gestion des rochers, le renouveau de l’alpinisme, le développement du haut niveau, etc. le tout dans une dynamique d’intelligence collective et avec convivialité. Certains sujets sont aussi traités en profondeur au sein de groupes de travail et de commissions comme la mise sur pied d’une charte environnementale. Les postes à pourvoir concernent l’Assemblée générale de mars 2024. Rien ne presse, il s’agit des élections qui auront lieu l’an prochain (eh oui, 2024 est bel et bien une année électorale !). Mais mieux vaut y réfléchir avant … Vous souhaitez en savoir plus ou vous êtes motivé(e) à proposer une candidature, alors n’hésitez pas à contacter Didier Marchal via president@clubalpin.be.
LE C.A.
Club Alpin Belge
Fédération Francophone ASBL (CAB) n° d’entreprise RPM : 0418 823 432 ISSN : 1781-7501 www.clubalpin.be Imprimerie
SECRÉTAIRE Frédérique Gomrée Lundi, mercredi, jeudi et le vendredi des semaines paires 08h30 - 12h30 T +32(0)81/23.43.20 secretariat@clubalpin.be COORDINATEUR Stéphane Winandy T +32(0)497/04.86.31 stephane@clubalpin.be PRÉSIDENT Didier Marchal president@clubalpin.be
COORDINATEUR HAUT NIVEAU & COMPÉTITIONS Tijl Smitz T +32(0)491/08.17.41 tijl@clubalpin.be TECHNICIEN HAUT NIVEAU & COMPÉTITIONS Jean Dorsimond T +32(0)496/30.22.74 jean@clubalpin.be
RESPONSABLE ADMINISTRATIVE Ambre Tudisco T +32(0)490/42.81.88 ambre@clubalpin.be
RESPONSABLE FORMATIONS Ysaline Sacrez Lundi, mardi et mercredi T +32(0)499/71.75.62 formations@clubalpin.be
COMPTABLE Éveline Thomas Lundi et mardi (sur rendez-vous) 9h30 - 12h30 / 13h30 - 15h30 T +32(0)495/88.50.46 comptabilite@clubalpin.be
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*Vivez la différence
Peut-on rêver mieux que ces incroyables murs gris et ocres de Manikia (Grèce), sculptés d’innombrables écailles et prises bien crochetantes, pour se faire plaisir ? Il faudra une vie de grimpeuse pour explorer toutes les voies du coin, bien équipée d’un casque BOREA, d’un harnais CORAX et des nouvelles dégaines DJINN AXESS de la gamme DISCOVER. © 2022 - Petzl Distribution - Marc Daviet