Ardennes Alpes
#222 / 4e trimestre 2024
16.03. BRUXELLES | Espace Lumen
15h00 Avec sous-titres français.
19h00 Avec sous-titres anglais.
TICKETS À PRIX RÉDUITS POUR LES MEMBRES DU CAB
Fin d’année rime avec période des fêtes.
Le 22 novembre, nous en avons profité pour fêter nos athlètes aux côtés de nos collègues de CMBEL et du KBF.
J’ai envie de partager avec vous le discours que j’ai rédigé pour cette occasion :
« Une olympiade s’achève, une autre commence.
À peine avons-nous refermé la page de Paris 2024 que nos sportives et sportifs se préparent déjà pour Los Angeles 2028.
À l’image de leur détermination, notre fédération s’engage également dans une nouvelle étape.
En 2024, le CAB a défini sa vision, ses missions et ses valeurs. Cette réflexion a donné naissance au plan programme 20252028, récemment remis à l’Adeps, et une nouvelle stratégie sera présentée à notre assemblée générale en mars 2025.
Ce projet ambitieux abordera tous nos sports et s’appuiera sur des axes clés :
L’environnement, pour promouvoir des pratiques respectueuses de nos montagnes et de notre planète ;
La diversité, afin que nos disciplines soient accessibles à toutes et tous ;
La communication, pour renforcer notre visibilité ;
• La labélisation, pour reconnaître et valoriser nos clubs ;
• La formation, afin de partager notre passion ;
• Et, bien sûr, le haut-niveau, où nos athlètes continuent d’exceller.
Nos disciplines sont multiples et fascinantes :
L’alpinisme, qui incarne l’esprit d’aventure ;
• Le paraclimbing, où dépassement de soi et inclusion vont de pair ;
• L’escalade indoor, dont le berceau se trouve dans notre plat pays ;
édito
• L’escalade outdoor, où nous faisons nos preuves depuis de longues années ;
Le sky mountaineering, le skyrunning et la slackline, des disciplines plus récentes mais tout aussi exigeantes.
Aujourd’hui, grâce à nos championnes et champions, la Belgique est présente sur toutes les scènes internationales. Merci à nos athlètes et à nos entraîneurs pour leur engagement et leurs performances qui suscitent la passion et inspirent les générations futures. »
Je souhaite que la nouvelle année apporte à chacune et chacun de vous son lot de nouveaux projets et d’aventures.
Dans ce numéro :
• Bernard nous relate l’art d’ouvrir des voies.
• La BRCT nous emmène au Peak District pour une grimpe sur le Grit.
• Charlotte et Jonathan (chacun de leur côté) nous entraînent en quête du voyage vers soi-même.
• Charlotte et Louise reprennent le gardiennage du refuge de la Leisse.
Damien et Mathieu nous partagent l’expérience de leur stage d’accompagnateurs en montagne au sein de l’UCPA.
La rubrique Écoconso d’Elsa nous donne
7 conseils sur notre impact sur l’environnement.
Marie a interviewé Jordane Liénard qui a cédé à l’appel des 4 000.
YANN LEFRANÇOIS Président du CAB
PAGE 7
La BRCT est partie une bonne semaine en Angleterre en cette fin de septembre 2024. Objectif : découvrir cette nouvelle facette, cette nouvelle « culture » de l’escalade, et nous n’avons pas été déçus.
RANDONNÉE : L’EXPÉRIENCE UCPA
PAGE 19
Roth © 2024
Mathieu
La randonnée a le vent dans le dos ! Un nombre croissant de membres du CAB décident de devenir Accompagnateur en Montagne (AeM ou « Mountain Leader »). Cœur de métier ou métier de cœur, l’objectif est de pouvoir emmener des groupes de randonneurs en montagne estivale (randonnée pédestre) ou hivernale (raquettes à neige).
AVENTURE HIVERNALE EN VUE
PAGE 26
Il y a trois ans, j’ai décidé de dépasser le fantasme. J’ai eu l’envie de m’y frotter, de découvrir l’envers de ce joli décor. [...] Je suis montée un bout d’hiver prêter main forte au refuge de la Leisse. [...] Cet été, une incroyable opportunité s’est présentée : reprendre en tant que gardienne ce refuge pour la prochaine saison d’hiver.
Charlotte Rigolet © 2024
J.Liénard/F.Brehe ©
ENTRETIEN AVEC
JORDANE LIÉNARD
PAGE 32
À l’aube de ses 45 ans Jordane Liénard a décidé de changer de cap et de se consacrer pleinement à la montagne et à l’écriture. Elle a récemment terminé de gravir les 82 plus hauts sommets des Alpes, et elle raconte son aventure dans un film et un livre, parus il y a quelques mois.
Sommaire
3 Édito
5 Le Club Alpin Belge recherche des administratrices & administrateurs Assemblée générale 2025
7 Du grit au Peak La BRCT en terre british
15 Ouvrir la voie Fiche expé
19 Randonnée : l’expérience UCPA Au cœur de la formation d’Accompagnateur en Montagne
26 Aventure hivernale en vue En route pour deux mois et demi au refuge de la Leisse, au cœur de la Vanoise enneigée
28 Rêve blanc - Épisode III Expédition dans les « alpes » suédoises
32 Entretien avec Jordane Liénard L’appel des 4 000
37 Lire : Confronter ses rêves Auto-édité, pour aller au bout des rêves
38 L’essence du voyage à vélo solo
41
7 conseils pour limiter l’impact du sport sur l’environnement
Assemblée générale 2025
Le Club Alpin Belge recherche des administratrices & administrateurs
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Alors ceci peut t’intéresser !
Petite sortie via-ferrata pour les membre de l'OA — Namur, 2024
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Comment faire :
T’adresser à ton Cercle pour lui demander de présenter ta candidature. Celle-ci sera transmise avant le 31 janvier 2025 au président de l’Organe d’Administration : president@clubalpin.be.
Au plaisir de te compter parmi les administratrices et administrateurs pour faire progresser ta fédération !
Pour tout renseignement : president@clubalpin.be
Du grit
au Peak
La BRCT en terre british
Texte : BRCT – Images : EMILE PINO
La BRCT est partie une bonne semaine en Angleterre en cette fin de septembre 2024. Objectif : découvrir cette nouvelle facette, cette nouvelle « culture » de l’escalade, et nous n’avons pas été déçus. Le Peak District offre une quantité impressionnante d’escalade variée allant de grottes de calcaire rappelant vaguement notre trou Magritte national, aux falaises de gritstone (ces dernières étant la raison principale de notre venue). Le gritstone, ou « grit » pour les intimes, est un grès compact à gros grains qui rappelle parfois par son aspect le granit. Les falaises se présentent sous la forme de longues barres rocheuses au sommet de plateaux dégagés magnifiques. Le grit présente plusieurs particularités. La première est que les falaises sont généralement très basses, allant de 4 à 15 mètres de haut. La seconde est que le rocher est totalement vierge. En effet, l’éthique anglaise interdit formellement l’ajout de
On connaît trop bien l’escalade sportive, très attrayante et qui procure une satisfaction rapide. On tire (fort) sur des prises, on clippe des spits, la démarche est simple, efficace, internationale. Mais bienvenue au Peak District. Cette région, où une activité qu’on a l’habitude de faire – monter sur des cailloux – peut être interprétée et vécue d’une manière différente, imposant plus de lenteur et une attitude moins consumériste pour une pratique beaucoup plus radicale.
protections fixes. L’approche est puriste, on n’équipe et on n’aménage pas le rocher. Si on veut y grimper, on ramène sa propre sacoche de courage et de détermination, on développe ses capacités physiques et surtout mentales.
On part donc chargés comme des mules avec plein de matos comme pour une expédition d’alpinisme… sur ces blocs de quelques mètres de haut. Car il faut : cordes (à double), coinceurs, dégaines, sangles, crashpads, tout ça pour grimper 10 ou 15 mètres. Si les fissures évidentes, et donc souvent accessibles, sont facilement protégeables, il n’en est pas de même lorsque la difficulté des lignes augmente. Moins de prises entraîne forcément moins de protections à placer, rappelant rapidement au grimpeur que le sol n’est jamais très loin. Nous avons donc le choix
Caractéristiques d’une escalade au Peak District
1. Il n’y a pas de relais – on se débrouille pour installer une moulinette avec des sangles et des coinceurs.
2. Pour déséquiper, il faut descendre en rappel ou grimper en second comme en grande voie.
3. Souvent, les longueurs relativement dures sont travaillées en moulinette jusqu’à connaissance des mouvements et des placements des protections, et ensuite seulement essayées en tête.
4. Il faut accepter l’engagement et savoir qu’une chute peut avoir des conséquences.
5. On protège parfois le début des voies avec des crashpads. Le reste de la voie – si vous avez de la chance – il y a parfois moyen de mettre 1, 3, 5, 8, etc. bons ou moins bons coinceurs, mais pas toujours là où on le voudrait.
entre des lignes très faciles à grimper en sécurité ou des lignes beaucoup plus difficiles en risquant sa vie. On a bien cherché mais on n’a pas trouvé d’entre-deux ! Nous sommes donc souvent restés bien en dessous de notre niveau max pour éviter de prendre trop de risques, et se familiariser à cette grimpe technique et mentale. Heureusement, le pied des falaises est souvent parsemé de beaux blocs qui permettent de forcer un petit peu entre deux voies terrifiantes.
Risque ou engagement ?
Le gritstone est l’essence même de l’escalade au Peak. C’est un rocher unique en son genre. Le grain ultra adhérent dessine des courbes lisses sculptées par le vent. Très peu de prises franches pour s’y sécuriser avec les doigts, tout n’est qu’un grand jeu de fissure, de compression de plats et de confiance en ses adhérences. Un type d’escalade qui ne s’apprivoise qu’en grimpant ici. Pour des grimpeur.euses de calcaire, le challenge n’est pas seulement physique mais aussi mental : qui dit rocher peu prisu dit peu (voir pas) de protections. Quand le mur est lisse, il n’y a parfois pas le choix que d’avancer loin, même très loin au-dessus du point. Au Peak District, le risque de chute dangereuse ou de retour au sol fait partie du jeu et s’intègre même dans la cotation.
Cela peut paraître complètement insensé au premier abord. Mais en s’y intéressant de plus près, cette philosophie est passionnante. En préservant le rocher de la perfo, une face reste pure et fière face au grimpeur. Elle conserve sa prestance et sa beauté, ce qui la rend d’autant plus mythique et désirable. Le rocher y regorge de mystère d’escalade, de failles, de passages. Seuls les plus téméraires pourront alors s’offrir ses secrets.
Quand le mur est lisse, il n’y a parfois pas le choix que d’avancer loin, même très loin au-dessus du point.
Mais le risque dans tout cela ? Le risque s’apprivoise, la prise de risque s’apprend. Cela requiert de la patience et de l’humilité. Une moulinette devient alors une alliée. Une ascension en moulinette, une fierté. On prend le temps de décortiquer le rocher, de comprendre son sens. Pendu dans la corde, les mouvements aléatoires sont répétés encore et encore. Jusqu’à ce que l’aléatoire, le risque, ne le soit plus. Le corps a intégré la chorégraphie tellement profondément que l’esprit n’a plus besoin d’être présent. À ce moment-là, l’ascension en tête (ou en solo, la différence est parfois très fine) ne paraît plus si folle que ça. Le risque s’est métamorphosé en engagement. Le corps s’élève presque seul, l’esprit à la fois ailleurs et complètement présent. Ce n’est plus qu’une danse parfaitement exécutée, un envol, une respiration. Je pense que c’est ce qu’on appelle le flow
La complexité des cotations
Vous l’aurez compris, nous avons découvert une éthique de grimpe bien particulière en arrivant sur le gritstone. Aucun point, aucun relais, ici on ne laisse aucune trace de notre passage sur le rocher.
Mais au-delà de cette éthique, c’est aussi une approche ainsi qu’un fonctionnement de cotation et de l’enchaînement bien différents de chez nous ! Les Anglais utilisent une échelle de cotation propre à eux qu’on appelle les « E grade ». Elle est aussi complexe qu’incompréhensible, même si nous commencions à en saisir quelques subtilités au fur et à mesure du séjour.
Le E grade prend en compte l’expérience globale vécue lors de la réalisation de la voie. La cotation intègre autant la difficulté des mouvements que l’engagement et la dangerosité.
Prenons l’exemple de la voie nommée Gaïa (la perf du séjour enchaînée par Maro) : elle est cotée « E8 6C ».
Le E8 détermine un mélange des difficultés physiques, techniques ainsi que du danger (sur une échelle qui va actuellement de E1 à E11). Dans ce cas-ci, il n’y avait qu’une seule possibilité de protection sur toute la voie, ce qui en fait en partie la difficulté.
Cette cotation est toujours suivie d’un autre chiffre (dans ce cas-ci 6C), ce niveau fait référence à la difficulté physique, qui représente le niveau du mouvement le plus difficile de la voie. Cette cotation n’a de sens que si elle est combinée au « E ».
Nous avons pu remarquer au fur et à mesure des voies qu’un E3 peut être bien plus dangereux qu’un E5. Et inversement, tout dépend de la difficulté de la voie et de bien d’autres facteurs qui sont pris en compte dans l’équation complexe du E grade. Même les locaux avaient du mal à nous expliquer la logique de ce système. C’est aussi pourquoi il est considéré comme l’échelle de cotation la plus controversée au monde !
Météo et gastronomie
Une semaine de trip dans le Peak District ne signifie pas seulement se faire peur en trad sur des voies bien trop courtes et bien trop aléatoires. C’est aussi le moment de profiter de tout ce qui nous semble bizarre et farfelu chez nos voisins d’outre-Manche.
Commençons par la météo. On a beau dire qu’il fait souvent moche en Belgique, c’est bien pire en Angleterre. En 8 jours sur place, 6 ont été marqués par la pluie ou à minima le brouillard. Les deux autres par le froid et le vent. Il ne faut par contre pas se décourager pour sortir grimper. En effet, il y a toujours un rocher ou l’autre qui reste sec quelles que soient les conditions.
Le premier jour de grimpe, alors que tout semblait perdu au vu de la pluie qui ne s’était pas arrêtée de la nuit, on a décidé de tout de même aller jeter un coup d’œil au site le plus proche du camping (conseil : ne pas aller en camping au Peak District) : Raven Tor. Et là, surprise, la majorité des voies étaient sèches et nous n’étions même pas les seuls grimpeurs ! On a pu faire la rencontre de Stone, un vieux de la vieille qui grimpe dans le coin depuis plus de 50 ans et qui connaît tous les secrets du Peak District. Après une longue explication sur les orientations des faces, les températures du rocher et la direction du vent à laquelle on ne comprend pas tout, on est sûr d’une chose : on trouvera du rocher sec toute la semaine.
Les Anglais l’ont bien compris, il faut composer avec la météo et ne pas faire la fine bouche avec le temps. Et pour être honnête, il ne faut pas non plus faire la fine bouche avec certaines de leurs spécialités culinaires. En vrac, la « clotted cream », les « scones » ou les « crumpets », les « pies », les « palek paneer », la « guiness » et bien d’autres que certains auront plus ou moins appréciées… ou pas.
Gaia, par Maro Gaia, c’est la première voie (ou peut-on dire monument ?) qui me vient en tête quand on mentionne le Peak District et l’escalade sur grit. Libérée en 1986 par Johnny Dawes (la légende anglaise de l’escalade audacieuse) et cotée E8 6c, elle bénéficie quasi immédiatement d’une immense réputation. Cette tour arrondie super engagée offre très peu de protections, pour ne pas dire une seule. Il ne manque pas de vidéos sur Internet de personnes prenant des chutes sensationnelles en étant sauvés à 2 cm du sol par leur assureur. Gaia est une ligne mythique et aujourd’hui encore, elle fait rêver de nombreux grimpeurs. Elle m’attirait particulièrement.
Les Anglais l’ont bien compris, il faut composer avec la météo et ne pas faire la fine bouche avec le temps.
En partant en Angleterre, j’étais loin de me projeter dans un tel engagement et de potentielles blessures. Et pourtant. Je souhaite partager ici mon cheminement. Le plus important aura été d’embrasser mon dialogue intérieur : ces voix qu’on essaie souvent de bloquer peuvent parfois être utiles, voire sages. Ça commence comme ça :
« – Wow regarde cette voie comme elle est belle ! Il faut absolument que je l’essaie. »
– Un enchaînement serait dingue mais est-ce que ça vaut une jambe cassée ? »
Avec une voie comme celle-ci, encore plus que dans l’escalade sportive ou même le trad normal, il y a de vrais risques qui se présentent. Dans Gaia, il y a un seul placement de coinceur à 6 mètres du sol, juste avant le crux physique. Ensuite, c’est parti pour 8 mètres de dalle psycho sur plats tout en équilibre.
L’escalade en Grande-Bretagne
Il y a aussi des falaises calcaires qui ressemblent aux belges, équipées avec des spits et des broches. Le site le plus connu est peut être Raven Tor, avec la minuscule et extrême voie Hubble de Ben Moon, le premier 8c+ au monde.
Il y a aussi différents sea cliffs, permettant parfois l’escalade de plusieurs longueurs le long des côtes, où la maîtrise du trad est indispensable. La pratique du bloc est courante, il y a différents sites un peu partout.
Un des personnages mythiques et historiques est Jerry Moffat, un des meilleurs grimpeurs des années ’80 et ’90, le premier à faire par exemple 7c+ à vue, 8a+ et 8c+ après travail, et aussi 8B bloc au Peak District avec « The Ace ».
« – Ouf, c’est dur, je ne sais pas si je veux vraiment essayer ça en tête. Il n’y a aucune réglette où prise franche à serrer.
– N’abandonne pas tout de suite, vas-y encore quelques fois en moulinette. Ah ça roule déjà mieux. Trois fois de plus et c’est rando ! Peut-être après la dixième répétition ? On verra. »
1. Jour 4 – Stanage Plantation : Maro dans les blocs mythiques de Stanage Edge
2. Jour 7 – Black Rocks (Gaia) : Maro enchaîne Gaia E8 6c alors que tout le monde retient son souffle
3. Jour 2 – Raven Tor : Lucie cale les méthodes dans Call of Nature, un 8a classique du Raven Tor
4. Jour 2 – Raven Tor : C’est ce qui arrive quand le van (et la cuisine) est garé à 40 m de la falaise
5. Jour 3 – Thor’s Cave : Au Peak, il y a toujours moyen de trouver un bout de rocher sec sous le déluge
6. Jour 3 – Thor’s Cave : Peak it up !
7. Jour 6 – Repos : Jour de pluie, jour de tri !
8. Jour 5 – Millstone : Millstone edge, là où jadis les pierres de moulins (mill) étaient extraites
9. Jour 8 – Higgar Tor : Loïc prend confiance sur coinceurs à Higgar Tor
10. Jour 8 – Higgar Tor : Pablo s’adapte aux mouvements morpho
C’est un beau jeu de pouvoir inclure tout cet aspect mental et décisionnel dans notre sport. On accepte de se dire
« je n’ose pas » et « tant pis pour moi ».
À la fin j’arrive à avoir une sensation de légèreté, tellement je connais bien les mouvements, et je grimpe sans effort. À un moment donné, pendant cette après-midi ensoleillée, je savais qu’il ne me restait plus qu’à essayer la voie en tête. On a caché le relais improvisé derrière le bord du rocher et David a mis son casque pour m’assurer (au cas où je lui tombais dessus). Dans le début facile de la voie, jusqu’au coinceur, je réfléchissais encore. Mais dès que j’ai senti la prise du crux dans mes doigts, je suis rentré dans le flow le plus intense de ma vie. Je ne pensais à rien du tout sauf au caillou sous ma peau. Je
ne me suis pas rendu compte du temps qui passait ni de la corde qui disparaissait sous mes pieds. Avant de le savoir, j’étais assis au sommet du rocher.
C’était une expérience de fou que je n’oublierai jamais de ma vie et pour laquelle je veux remercier toute l’équipe.
Le fait d’être là ensemble m’inspirait et me réconfortait. Ainsi les objectifs deviennent réalisables et le processus est beaucoup plus agréable. Vive la BRCT !
L’escalade est une culture
En résumé, l’escalade anglaise est un mélange bizarre et unique de bloc et de grande voie en trad, la plupart du temps en compagnie des moutons, du brouillard, d’un bon vent froid et/ou de la pluie.
Il est donc absolument utile d’avoir déjà pratiqué l’escalade sur coinceurs, les frites à la mayonnaise et la météo belge avant de débarquer ici !
En plus, il faut se prêter à un processus de questionnement permanent : est-ce que je me sens prêt, est-ce que j’ai vraiment envie d’engager ? Chaque membre de notre équipe a dû renoncer plusieurs fois à des montées en tête, par peur de se faire mal ou par manque de détermination. C’est un beau jeu de pouvoir inclure tout cet aspect mental et décisionnel dans notre sport. On accepte de se dire « je n’ose pas » et « tant pis pour moi ».
Au Peak, un rocher est un rocher, il n’est pas vêtu de spits. Il n’est pas modifié pour nous permettre de le grimper. C’est à nous de développer nos capacités. Gaia, ce légendaire caillou de 12 mètres en E8 6c, aurait pu n’être rien d’autre qu’une des milliers de voies spitées dans le monde, une banalité qui ne vaudrait pas le voyage. Mais sans spit, elle révèle sa beauté et son véritable intérêt : Gaia est magnifique et elle se mérite. C’est aussi ça, la variété de la pratique, qui fait que l’escalade n’est pas seulement un sport mais aussi toute une culture. On ne grimpe pas de la même façon au Peak, à Bleau, au Yosemite, à Kalymnos, dans les Grandes Jorasses ou à Freyr, et c’est ça la richesse de la grimpe. On y vit d’autres histoires, on y ressent d’autres émotions, on s’y perd et on s’y retrouve.
BRCT
L’ouverture d’une voie et, plus singulièrement la toute « première », est en général assimilée à un exploit. La découverte, et plus largement l’équipement d’un itinéraire, est pourtant l’apanage de la plupart et n’est pas forcément liée à la performance sportive. La notion de première est davantage liée à l’aventure, à la découverte, c’est-à-dire l’esprit d’initiative, base fondatrice de l’alpinisme lui-même.
Les premiers récits des découvreurs des Alpes sont là pour nous rappeler cette chose essentielle : l’alpinisme n’est pas qu’un sport de performances mais avant tout un sport d’exploration, de curiosité, de découvertes pour ne pas dire plus largement un sport de « savoir ».
L’ouverture d’une voie, c’est d’abord la signature d’une connaissance, d’une compréhension, d’un savoir et, par de-là, la détermination d’un territoire (voire d’une culture) plus que l’apologie d’une performance. « C’est une ambiance à part » disait Gaston Rebuffat1 .
Si les premières de Messner ou autre Bonatti signent des exploits, d’autres grands alpinistes se sont spécialisés dans la recherche des voies esthétiques à vocation plus classique, plus populaire. De remarquables guides comme
1 - Gaston Rebuffat : Entre Terre et Ciel (Arthaud – 1962)
Ouvrir la voie
BERNARD MARNETTE
Les pionniers avaient du mérite, mais aussi de la chance. Il est si extraordinaire d’être dans une paroi vierge, de chercher et de trouver, de tracer son chemin. « C’est l’incertitude de l’issue finale qui fait l’attrait d’une aventure. » Gaston Rebuffat – Entre Terre et Ciel
Gaston Rebuffat ou André Contamine se sont fait les chantres de ces premières.
Gaston Rebuffat s’affirmait dans sa jeunesse comme un des meilleurs guides de sa génération avec la répétition de la plupart des grandes parois des Alpes2. Il n’a cependant pas pris part aux luttes pour les premières hivernales et solitaires qui alimentèrent les chroniques de son époque, pas plus qu’il n’a ouvert de voies dans de grandes parois d’exception à part, peut-être, la Face Nord du Requin (parfois comparée à la Face Nord des Drus). Pourtant, Gaston Rebuffat a beaucoup exploré et a ouvert pas mal de voies. Il ne cherchait cependant pas l’exploit mais la découverte. De son aveu même, ce sont des « premières récréatives »3
On pourrait parler de même d’André Contamine. Dans sa vie d’ouvreur, celui-ci a essentiellement cherché un terrain classique. Armé de son appareil photo, il écumait le massif du Mont-Blanc à la recherche de la ligne nouvelle plus esthétique que difficile.
2 - Seconde de la Walker, du Nant-Blanc, de la Face
Nord du Badie, quatrième du Croz aux Jorasses de la Face
Est du Grand Capucin et de la Face Nord du Plan, huitième de l’Eigerwand, quinzième de la Face Nord des Drus…
3 - Gaston Rebuffat : Quelques premières de récréation (LMA n°75 – déc.1969)
« Là où il y a une volonté [...] il y a un chemin, là où il y a une compréhension peut naître un grand bonheur secret... »
GASTON REBUFFAT
Une première est donc aussi une question d’esthétisme et parfois, simplement, de « récréation ». Mais, il ne faut pas s’y tromper, cela reste ardu et souvent aventureux. On se rappellera Pierre Chapoutot et Jeff Lemoine emportant des sacs énormes pour ouvrir la face ouest du Pic Sans Nom. Une paroi qui se révéla finalement une escalade assez modeste mais qui ne fut pas si récréative que cela.
De nos jours, la variété des équipements possibles (spits, pitons, friends) nécessite parfois des portages ou des repérages laborieux pour venir à bout de parois souvent secondaires mais bien intéressantes. Cela est parfois pénible et demande du savoir-faire mais cela élargit le territoire de l’alpiniste et c’est sans doute bien là l’essentiel. Car c’est bien la question ! Il ne suffit pas d’ouvrir un itinéraire, faut-il encore que celui-ci prenne place dans un territoire, pour ne pas dire tout simplement dans le paysage.
Ceci nous rappelle les « Horizons gagnés »4 de Gaston
Rebuffat : « Là où il y a une volonté – non pas un entêtement mais une volonté – il y a un chemin, là où il y a une compréhension peut naître un grand bonheur secret : celui des horizons gagnés face aux grands espaces ». C’est donc une question de savoir et d’expression.
En fait, la découverte d’un itinéraire est une chose plus vaste et plus complexe que ce que l’on pense généralement. Il ne suffit pas de grimper dans un terrain que l’on devine vierge. Il faut aussi le définir. Ouvrir une voie, c’est pour l’essentiel : repérer, réaliser, équiper, topographier, nommer et publier !
Repérer : c’est à travers l’histoire de la paroi que l’on imagine un nouvel itinéraire possible en y incluant le questionnement sur la qualité du rocher et l’intérêt probable de l’escalade.
Réaliser : c’est rassembler les moyens de la réalisation en hommes et en matériel. C’est appréhender la lourdeur des sacs et les aléas de la montagne.
Équiper : attenante à la réalisation, c’est la poursuite du travail de terrain avec les questions parfois vastes concernant les techniques et l’éthique : friends, spits, pitons, nettoyage plus ou moins intensif, équipement des relais, etc. Se pose aussi l’éventuelle question du financement.
Topographier : c’est la suite logique de la réalisation. Reste à déterminer le support : croquis ou écrits, photos ou dessins, descriptions détaillées ou relatives (laissant place à l’imagination des répétiteurs !).
4 - Gaston Rebuffat : Les horizons gagnés (Denoël – 1981)
Nommer : c’est l’identification du tracé. Il faut donc donner un sens à la nomination. Comme le disait mon ami Pierre Chapoutot : « Il faut donc qu’il y ait une correspondance entre l’idée et l’objet ».
Publier : c’est la touche finale. Si on se place dans une démarche culturelle d’identification de territoire, pourquoi cacher ce que l’on a trouvé ? Encore faut-il chercher où il y a des choses à découvrir répondront certains ! La publication peut se résumer à un croquis (plus ou moins esthétique) mais peut s’élargir à une monographie (ou l’auteur mêlera récits, histoires, poésie, etc.), si l’on veut remettre son ascension dans un contexte plus large. C’est là que l’ouvreur pourra se dire : « Je sais » et pas uniquement « J’ai fait ». C’est à ce prix qu’il deviendra auteur et qu’à ce titre, il sera parfois cité et le monde qu’il défend avec lui ! Faudrait-il encore que l’auteur soit suivi dans sa démarche collective. Ce n’est pas toujours le cas. Il en va du monde de l’escalade comme ailleurs, l’homme d’action est souvent critiqué et même parfois banni. C’est pourtant une question de perspective, de vision et surtout d’avenir. Quand le savant montre la lune, l’imbécile regarde le doigt : on connait le proverbe !
Quoi qu’il en soit, au travers de ces éléments, on peut le voir, l’ouvreur n’est pas qu’un performeur. S’il sait s’ouvrir l’esprit, urbi et orbi, il se révèlera davantage comme l’arpenteur d’un territoire, comme l’architecte qui bâtit la cité.
Tout ceci pour en venir à dire que le territoire vertical, cela se travaille, se définit, s’entretient, se protège. Pardi ! Il mérite bien un peu de sueur et de réflexion.
Comme le disait mon maître en kinésithérapie, faut-il sans doute attendre les « clartés qui viennent des grands silences… monastiques, car, souvenez-vous, ainsi allait déjà le moine sous sa bure, serein mais souriant à son enluminure. »5
Deux premières récréatives en Valpelline
Le territoire alpin est vaste et de nos jours, contrairement aux croyances, le terrain de jeu des alpinistes a encore beaucoup de choses à révéler. Il y a, dans certains recoins des Alpes, pas mal d’ascensions à découvrir pour le curieux qui se plait encore au jeu du défrichage.
C’est notamment le cas en Valpelline, vallée retirée au nord de la vallée d’Aoste.
5 - Raymond Sohiers : Justifications fondamentales de la réharmonisation biomécanique des lésions « dites ostéopathiques » des articulations.
(Ed. Kiné-sciences – 1982)
Nous proposons ici deux voies nouvelles effectuées dans un esprit de découverte que l’on pourrait à la « Rebuffade » qualifier de « récréatives ».
Ces voies donnent accès à la Pointe Elena Balliano située sur les hauteurs de la place Moulin au fond de la vallée. Cette pointe qui domine le lac du mont Rouge est accessible en deux heures depuis le parking du fond de la vallée. Un article publié dans la revue du Brabant (Par monts et par vaux – décembre 2020) avait déjà évoqué deux nouvelles voies dans la face est de cette aiguille haute de +/- 150 mètres.
FICHE EXPÉ
Une nouvelle voie a été réalisée sur la partie gauche de la face. Elle a été dédiée à un fils d’un des auteurs. L’autre itinéraire a été réfléchi sur le mode d’une voie normale (la première ascension date de 1928 et parcourt l’arête sud) donnant accès à cette belle aiguille. L’autre voie normale se déroulant dans un rocher précaire, il était intéressant de réfléchir à un accès facile mais bien aménagé dans un niveau modeste et un rocher attirant. Il y a peu de voies de ce niveau en Valpelline.
Pointe Elena Balliano Voie Luic : Face est
1e r : B. Marnette, D. Pieiller, R. Pieiller & M. Petitjacques le 28 juin 2024
D : 160 m / P : 200 m / d : D- 5b
Matériel :
Corde de 50 m. Éventuellement un jeu de friends moyens. La voie est équipée de spits et de pitons (éventuellement marteau pour retaper les pitons).
Accès :
de la Place Moulin au fond de la Valpelline, suivre le sentier qui mène au Lac du mont Rouge au pied de la pointe Balliano.
Itinéraire :
L1 : Démarrer l’ascension au point le plus bas de la paroi. Celle-ci est caractérisée par deux piliers. Débuter par une fissure cheminée à droite de l’éperon de droite puis une dalle rouge suivie d’un petit pilier secondaire. On arrive sur une grande rampe inclinée : R1 (45 m – 5a). Il est possible de démarrer par cette rampe (2b).
L2 : Suivre au-dessus de la terrasse un éperon plus vague et plus couché. Continuer par une cheminée. R2 (35 m – 4c) sur une terrasse à gauche d’un grand dièdre.
L3 : À gauche du relais, démarrer par une petite vire herbeuse ascendante sur la gauche et continuer par des dalles sur la gauche pour rejoindre un semblant de petite brèche. R3 (35 m – 5a) sur une grande vire herbeuse.
L4 : Traverser à gauche du relais pour rejoindre un système de dalles qui conduit à une large vire herbeuse. R4 (45 m – 5b).
L5 : Par des cannelures à gauche du relais, rejoindre l’arête facile qui mène au sommet. R5 (40 m – 4c).
Descente :
En rappel dans la voie ou par l’arête nord.
FICHE EXPÉ
Pointe Elena Balliano Voie normale : Arête nord
1e r : B. Marnette & D. Pieiller le 30 août 2024
H : 140 m / D : AD – 4b
Matériel :
La voie est équipée. Éventuellement friends petits et moyens.
Itinéraire :
La partie droite de la face est marquée par un large couloir herbeux qui mène à une brèche sous l’arête nord.
La première partie de la voie se déroule à droite de ce couloir.
L1 : démarrer au point le plus bas par une série de dalles qui conduisent sous un surplomb (R1 – 50 m – 4a).
L2 : Sortir du surplomb par la gauche et gravir successivement les dalles blanches d’abord à droite puis à gauche pour rejoindre le fil du pilier (R2 – 45 m – 3b).
L3 : Sur la gauche du relais, suivre une dépression horizontale qui conduit à la brèche (R3 – 15 m – 4b).
L4 : Depuis la brèche, redescendre légèrement le côté opposé pour rejoindre un petit dièdre puis continuer par des passages faciles jusqu’à une vire (R4 – 25 m – 4b).
L5 : Par des gradins, continuer tout droit puis à gauche pour rejoindre une bonne plateforme (R5 – 25 m – 2b).
Atteindre facilement le sommet par une traversée et des gradins.
Descente :
Redescendre jusqu’à L5 puis de là : 3 rappels sur le col et dans le couloir (40-50 m).
Gaston Rébuffat Dans l’éperon sud du Minaret
Randonnée : l’expérience UCPA
Au cœur de la formation d’Accompagnateur en Montagne
DAMIEN HALLEUX & MATHIEU ROTH Aspirants AeM
La randonnée a le vent dans le dos !
Un nombre croissant de membres du CAB décident de devenir Accompagnateur en Montagne (AeM ou « Mountain Leader »). Cœur de métier ou métier de cœur, l’objectif est de pouvoir emmener des groupes de randonneurs en montagne estivale (randonnée pédestre) ou hivernale (raquettes à neige). À l’issue de la formation organisée par le CAB et l’UPMM1, qui dure en principe trois ans, les Accompagnateurs brevetés peuvent exercer en France et dans les 24 autres pays membres de l’UIMLA, l’association internationale des Mountain Leaders.
1 - UPMM : Union Professionnelle des Métiers de la Montagne (https ://www.upmm.be).
Quand la montagne vous appelle…
Organisé entre Ardennes et Alpes, le cursus se décline en contenus théoriques et mises en pratique, exercices et évaluations. Dans ce cadre, un stage pédagogique doit être effectué en fin de deuxième année.
Cet été, 21 stagiaires CAB/UPMM ont effectué leur stage auprès du Centre UCPA2 Les Arcs (Alpes du Nord). Dans ce numéro d’ Ardennes & Alpes, deux d’entre eux reviennent sur cette expérience au cœur des Alpes, entre le Beaufortain et le Grand Paradis.
2 - L’UCPA (Union nationale des Centres sportifs de Plein Air) est une association française créée en 1965, qui propose des séjours sportifs et des formations aux métiers du sport et de l’animation pour les jeunes et les adultes. Elle gère également des équipements sportifs et organise des activités de plein air pour promouvoir un mode de vie actif et convivial (https ://www.ucpa.com).
Sublime Pierra Menta
— DAMIEN HALLEUX
Un stage de rando avec l’UCPA. Pour les participants, amateurs de randonnée, c’est la promesse de vacances différentes. Le temps d’une semaine, la montagne devient le cadre d’une aventure estivale, un trek loin des villes et du quotidien. Pour les futurs AeM belges, ce stage auprès de l’UCPA fait partie intégrante du parcours de formation. C’est l’occasion de faire le plein d’expérience(s), de retrouver la réalité du terrain et des vrais clients, après des mois de cours théoriques, de jeux de rôle et mises en situation.
Un centre UCPA, c’est un peu comme un camp de base. Ça tourne et ça grouille de monde, mais on s’y sent bien. Les participants y sont attendus la veille du départ, pour le check-in, les briefings, la récupération du matos et les premiers repas. La même chorégraphie est répétée toutes les semaines, mais le staff se donne à 200 %, sur scène et en coulisses, pour faire de chaque séjour une représentation unique.
Cet été, j’ai participé à cet incessant ballet, en coencadrant un séjour en itinérance autour de la sublime Pierra Menta. Icône du Beaufortain, dans les Alpes du
Nord, cette montagne en forme d’aileron de requin, reconnaissable entre mille, a donné son nom à une célèbre course de ski-alpinisme, à un ultratrail, mais aussi à… un séjour UCPA ! Lever de rideau le 18 août, me voilà parti sur les sentiers avec Marylou (Accompagnatrice UCPA) et 12 jeunes adultes hyper motivés !
Premier acte
La montagne est le témoin d’une aventure humaine. Sur la ligne de départ, les participants, arrivés des quatre coins de l’Hexagone, ne se connaissent pas. Ils s’observent, se jaugent, mais après quelques virages les individualités se dévoilent à travers la brume et la mayonnaise prend. Le premier soir, après avoir atteint notre altitude de croisière, quand il s’agit de préparer ensemble une fondue dans une cabane non-gardée, il n’y a pas de partition mais chacun trouve sa place et ça sonne juste.
Avec Marylou, nous faisons en sorte que tout le monde se sente bien, quelle que soit la motivation de chacun. Pour certains, c’est un défi sportif. L’occasion de se tester, de se dépasser, de se prouver. L’Accompagnateur peut alors prodiguer des conseils, montrer le chemin,
Subtil jeu d’équilibriste que d’essayer de répondre aux besoins de chacun tout en gardant le groupe et la destination à l’esprit !
gérer le rythme, encourager. Comme dans cette brèche de Parozan, un pierrier raide comme un mur de 300 m de haut. Pour d’autres, c’est une découverte, une recherche. L’occasion de se changer les idées, de retrouver une autre manière d’être vivant. L’Accompagnateur peut alors inviter à observer la parade des vautours ou le jeu des marmottes. Partager en toute humilité sa connaissance du milieu, des sommets environnants (massif du MontBlanc, Vanoise, etc.), voire le processus de fabrication du « Prince des gruyères », le Beaufort ! Subtil jeu d’équilibriste que d’essayer de répondre aux besoins de chacun tout en gardant le groupe et la destination à l’esprit !
Deuxième acte
Un matin brumeux, au réveil, nous observons sur la mer de nuages la projection géante de notre ombre entourée d’une gloire aux couleurs de l’arc-en-ciel. Féérique ! C’est un spectre de Brocken, phénomène optique spectaculaire, à défaut d’être mystérieux, qui peut apparaître lorsqu’on a un soleil bien dégagé d’un côté et un ciel nuageux de l’autre, avec un objet ou une personne entre les deux. Un moment suspendu, que certains participants qualifieront de « point culminant de la semaine » ! La gestion des imprévus fait partie du métier d’Accompagnateur, et parfois l’imprévu est de notre côté !
Troisième acte
Le ciel s’est dégagé, mais quelques nuages tournent autour des sommets. Des petits bobos ici et là, des ampoules qui électrisent les pieds, des genoux qui rejettent le dénivelé négatif, l’accumulation d’un sommeil de dortoir. Un participant qui connaît un trop plein émotionnel, face à une pente qui libère le stress accumulé le reste de l’année. Pas à pas, avec bienveillance, on trouve des solutions. Plus délicat, le dernier soir nous partageons le refuge avec un groupe de seniors touché par une épidémie de gastroentérite. La vision de personnes affaiblies et se nourrissant exclusivement de coca effraie certains participants. Petit rappel des gestes barrières et on croise les doigts.
L’itinéraire est vendu par l’UCPA comme étant « sublime ». Il l’est, très certainement. Il est aussi très diversifié. Les jours s’enchaînent et ne se ressemblent pas. Crêtes dans le brouillard, montée raide sous un soleil de plomb, traversée des derniers névés, quelques sections techniques, lacs de carte postale, un sentier dans un tunnel et même une cabine téléphonique en plein milieu des alpages ! Et, en grand final, un sommet exigeant, le Grand Mont d’Arêches, superbe balcon sur les massifs du Beaufortain et du Mont-Blanc !
Dernier acte
Que retenir de ce stage, en tant que futur AeM ? Tout d’abord, il m’a permis de prendre conscience du chemin parcouru depuis le début de la formation. Aider des participants à se dépasser et en être fier, recevoir et tenter d’honorer leur confiance, partager leur émerveillement face à un paysage inattendu, observer la création d’une dynamique de groupe, les interactions et les conversations spontanées, l’entraide entre participants, sont autant d’expériences gratifiantes et qui donnent tout leur sens à l’effort fourni pour progresser dans cette formation. Le partage avec de futurs collègues français fut aussi riche d’enseignements.
À l’heure du tomber de rideau, je n’ai qu’un seul regret : cinq jours, ça passe vite. Je suis rentré avec un petit goût de trop peu, mais beaucoup de motivation pour la suite. La rando hivernale nous attend !
DAMIEN HALLEUX
1. Le groupe au pied de la Pierra Menta – Pierre Menta, Beaufortain
2. En route vers la base de la Pierra Menta (2 714 m) – Pierre Menta, Beaufortain
3. Le deuxième jour, un spectre de Brocken sur une mer de nuages – Lac de Roselend, Beaufortain
4. Descente à travers le Beaufortain minéral – Col du Grand Fond, Beaufortain
5. Au loin, le col de la Louze et le Grand Mont (2 686 m) – Lac de Saint-Guérin, Beaufortain
Una quattro stagioni per favore
— MATHIEU ROTH
« Moniteur sportif éducateur en randonnée sportive », c’est la dénomination officielle de la formation à laquelle je me suis inscrit. Derrière ce barbarisme se cache une réalité bien plus poétique. Nos amis Français parlent d’Accompagnateur Moyenne Montagne (AMM) ou d’Accompagnateur en Montagne (AeM) ; à l’international c’est le terme de « Mountain Leader » qui s’impose. C’est en effet bien de cela qu’il s’agit : emmener un public à la découverte des merveilles procurées par la montagne, partager les connaissances de ses milieux particuliers, éduquer sur les enjeux liés à la préservation de ses écosystèmes et de son patrimoine,
le tout dans un esprit de sécurité et de plaisir. Une des grandes étapes de cette formation est le stage pédagogique estival que l’on doit effectuer au sein de l’équipe de l’UCPA des Arcs, cinq jours d’itinérance pour mettre en pratique les nombreux acquis des cours théoriques auprès d’un vrai public de randonneurs amateurs, sous la supervision d’un AMM expérimenté.
L’un des défis de ce stage pédagogique est qu’on n’est mis au courant de l’itinéraire que quelques jours avant le départ, ce qui laisse peu de temps pour préparer celui-ci.
À cette loterie inégale, certains s’en sortiront mieux que d’autres… Pour ma part, je suis assigné au trek intitulé « Grand Paradis Sauvage », côté niveau 4 sur une échelle de 4. Un trek exigeant donc, dans un massif italien que je ne connais que de réputation : parfait, je prends ! Je me familiarise avec le roadbook, je fais mon sac, je regarde les prévisions météos… Pas terrible, on nous annonce les quatre saisons cette semaine, avec une belle fin de semaine hivernale, assez précoce pour un 10 septembre… Allez, je rajoute un bonnet et une paire de gants.
Enfin le grand jour
Dimanche soir on découvre notre AMM et nos (premiers vrais) clients lors du briefing de début de séjour. Ici aussi c’est la loterie et encore une fois je m’en sors plutôt bien : Sébastien, mon AMM commis d’office, est un sympathique montagnard avec une solide expérience et une belle approche de la montagne, et le groupe de dix randonneurs semble bien motivé à aller se mesurer aux sentiers du Grand Paradis dans une ambiance bienveillante et bon-enfant.
Le premier jour, les conditions sont printanières humides. C’est-à-dire qu’il pleut toute la journée, y compris pendant le passage au Col de la Roche Blanche qui fait la frontière entre la France et l’Italie. Il y a du vent à décorner les bouquetins. On ne s’attarde donc pas trop à contempler le paysage ni à s’attendrir sur les charmes discrets de la carline, cette fleur qui se ferme en conditions humides, et on arrive tôt au Rifugio Mario Bezzi, 2 200 m, qui sera notre niveau de base pour les prochains jours. Une journée pluvieuse, ça met tout le monde d’accord : ça permet de jauger le niveau de motivation et de solidarité du groupe, et c’est un bon test sur la qualité du matériel. Bref, une première journée idéale, même si tout le monde était content de pouvoir faire sécher bottines et capes de pluie dans la chaleur de la salle commune du refuge.
Deuxième jour
Le lendemain, on passe à une journée estivale : ciel bleu et soleil, même si la température reste fraîche en raison de l’altitude à laquelle nous progressons : 3 337 m pour la pointe de la Traversière d’où nous avons un panorama complet sur le Gran Paradiso, les massifs des monts Blanc et Rose, la Vanoise, les Écrins et tous ces autres massifs que PeakFinder nous fait découvrir. Le soleil, les paysages à couper le souffle, les subtiles nuances des bleus des lacs d’altitude reflétant l’azur du ciel, ces sensations de grandeur, de sauvage et de solitude : c’est tout ça qu’on est venu chercher ici. C’est ça aussi qui restera gravé dans nos cœurs et nos mémoires, et qui alimentera les discussions passionnées le soir au refuge Benevolo.
Troisième jour
Le troisième jour démarre sous le même ciel bleu que la veille. Le point d’orgue du jour sera la partie terminale de l’ascension de la Punta Basei, surmontant le col et le glacier du même nom. Une partie technique équipée de câbles et de marches que gravira le groupe avec plus ou moins d’aisance et d’appréhension. C’est ici un des rôles essentiels de l’Accompagnateur en Montagne qui est mis à l’épreuve : être présent pour que chacun puisse gravir en sécurité ces quelques mètres, être à l’écoute
Mettre ensemble dans un cadre magnifique mais inhospitalier douze inconnus peut mener au meilleur comme au pire.
et en observation des facilités et des craintes de chacun pour adapter au mieux l’accompagnement nécessaire. Et en échange, se prendre de plein fouet les sourires sur les visages, l’extase de l’accomplissement et la fierté du surpassement de soi. On touche ici à l’essence même de ce métier, ce qui me donne envie d’y retourner et qui me remplit de bonheur. Mais les nuages commencent à colorer le ciel, l’automne pointe le bout de son nez, on file au refuge Savoia avant la pluie pour fêter tout ça autour d’un Spritz, d’une polenta et d’une panacotta.
Suite et fin
Les prévisions météo hivernales se confirment pour la fin de la semaine. Il nous reste un col technique à 3 000 m à franchir pour retourner en France, sous peine de rester bloqués dans le Grand Paradis pour quelques temps. L’isotherme zéro est aux alentours de 2 500 m, autant dire que ce col sera saupoudré de neige. De plus, on annonce pas mal de vent et donc une température ressentie bien négative. La prise de décision en fonction des connaissances du milieu, des prévisions météo, de l’évaluation des aptitudes et de l’état du groupe est une autre compétence essentielle de l’AMM s’il veut pouvoir ramener tout le monde à bon port. Dans ce cas-ci, la décision est prise d’avancer d’un jour le retour en France pour optimiser les chances de passer le col de la Loze en toute sécurité. La montée vers celui-ci se fait dans une ambiance sibérienne, le col se cache dans les nuages et jusqu’au bout on ne sera pas sûrs qu’il soit praticable. Grâce à la cohérence et à l’esprit de groupe, au guidage de Sébastien, et au fait que la neige est fraîche et pas encore gelée, nous parvenons au sommet dans ces conditions dantesques mais heureux d’y être arrivés.
Dans la descente, la neige fait progressivement place aux cailloux, on sort des nuages accueillis par les bouquetins et les marmottes qui profitent paisiblement des vallées du parc national de la Vanoise. Au refuge du Prariond, c’est une fine équipe de douze montagnards qui, soulagée, fêtera l’exploit accompli en partageant breuvages et collations. Le lendemain, la neige est descendue jusqu’au
refuge, ce qui rend féerique la descente finale vers Val d’Isère. Plutôt Val Désert à cette période, tout ce qu’on trouvera pour étancher notre soif sera un salon de thé où l’on partagera une dernière fois boissons et pâtisseries (après toutes ces aventures, on n’est plus nareux !). Et on passera une dernière fois « à la toilette » tout en devisant joyeusement sur les différences de langage entre Français et Belges.
Que retenir de cette expérience ?
C’est d’abord et avant tout une merveilleuse aventure humaine. Mettre ensemble dans un cadre magnifique mais inhospitalier douze inconnus peut mener au meilleur comme au pire. J’aime à penser que le rôle de l’AMM est également de construire la dynamique de groupe, même si ce rôle peut être grandement facilité par les personnalités individuelles de chacun. Cet aspect de la fonction est difficile à théoriser et avoir pu l’expérimenter lors du stage fut le meilleur des enseignements. Aventure humaine également par la rencontre de ces individus ayant chacun leur histoire et leur vécu, et dont on se fait une joie d’honorer la confiance (aveugle) qu’ils placent en nous.
C’est ensuite une magnifique opportunité de confronter nos acquis théoriques à la réalité du métier tel qu’il est pratiqué sur le terrain. L’occasion aussi d’échanger sur les pratiques et les expériences avec quelques AMM français. Que de chemin parcouru depuis ce jour où je me suis inscrit sans aucune attente particulière à cette formation de moniteur randonnée proposée par le club alpin ! Un pas après l’autre au gré des mes déambulations, grâce au dévouement de l’équipe pédagogique du CAB et de l’UPMM ainsi qu’à l’enthousiasme inspirant de chaque collègue de formation que je remercie chaleureusement, c’est un peu moi même que j’ai réussi à trouver dans ces montagnes.
MATHIEU ROTH
1. Le groupe posant devant le Gran Paradiso – Col Bassac Déré, Italie
2. Restons attentifs dans le passage technique de la Punta Basei – Punta Basei
3. Cinquante nuances de bleu : les lacs Leità, Rosset et du Nivolet – Descente du Colle Basei
4. On avait dit stage estival ? – La montée du col de la Loze
5. Dans le Grand Paradis Sauvage… – Descente du col Bassac Déré
Aventure hivernale en vue
En route pour deux mois et demi au refuge de la Leisse, au cœur de la Vanoise enneigée
CHARLOTTE RIGOLET — Gardienne hiver du refuge de la Leisse — Texte & images
Depuis fin septembre, l’ambiance au fond de mes tripes est à la flip-excitation, ce fameux mélange de beaucoup d’excitation et d’un peu de flip… C’est un signe qui ne trompe pas : une nouvelle aventure se prépare ! Après un été à y penser, la décision a été prise avec les premières couleurs d’automne. Louise et moi reprenons le gardiennage du refuge de la Leisse pour la prochaine saison hivernale.
Les refuges de montagne, ces abris d’altitude, petits ilots humains au milieu des montagnes sauvages, m’ont toujours fascinée. Mes souvenirs de nuits passées en refuge ont tous une saveur particulière. J’aime ces lieux qui tentent de se fondre dans les paysages alentours, où l’ambiance est à la simplicité, au partage, à la ren-
contre, à la chaleur humaine. J’aime ces lieux remplis de récits qui sont des postes d’observation, d’apprivoisement d’une montagne qui émerveille, parfois effraye et toujours appelle. J’aime ces lieux qui sont des camps de base à sa découverte, à son exploration patiente. J’aime les refuges de montagne depuis longtemps d’un amour romantique.
Il y a trois ans, j’ai décidé de dépasser le fantasme. J’ai eu l’envie de m’y frotter, de découvrir l’envers de ce joli décor. J’ai intégré l’équipe estivale du refuge de la Femma puis je suis montée un bout d’hiver prêter main forte au refuge de la Leisse. Et, surprise, j’ai découvert que derrière la tarte aux myrtilles, il n’y a pas que du poétique (entre nous, la tarte aux myrtilles est aussi un fantasme à déconstruire). En refuge, les journées de boulot sont longues. Entre le ménage, l’accueil des randonneurs, la préparation des repas, le service des parfois 75 bouches à nourrir, l’anticipation des prépas du lendemain, on n’a pas toujours une minute à soi. Les contraintes matérielles d’un site isolé demandent anticipation et adaptation. Les aléas météo impactent le travail, comme les matins d’hiver qui
Du 14 février au 26 avril, Louise et moi enfilerons le costume de gardiennes, sous-couches thermiques, gros polar, doudoune sans manche et bonnet de laine...
commencent par un déneigement express de l’accès aux toilettes, ou les lendemains d’orage où il faut dare-dare décrasser le filtre de la pico-centrale hydroélectrique. L’organisation d’un espace de travail et de vie restreint est un enjeu crucial et une gymnastique continue, tout comme les relations humaines dans une équipe de collègues en quasi huis clos.
Le vrai tableau du travail en refuge est moins rose, plus terre-à-terre, pas toujours aussi rayonnant qu’il ne l’était dans mon imaginaire. Et pourtant, il me plaît toujours autant. J’aime ce rythme de travail qui a quelque chose d’une casserole sur le feu. J’aime ce boulot très concret où la reconnaissance est immédiate et surtout exprimée par des randonneurs repus et heureux d’être là. J’aime les liens qui, de par la proximité, se tissent dans l’équipe. Puis, évidemment, j’aime aussi être là-haut, immergées en altitude pour une longue période de temps. J’aime explorer les alentours du refuge, commencer à les connaître, à m’y sentir à la maison. Alors d’été en été, en passant par l’hiver dernier, j’ai rempilé.
J’ai rempilé, jusqu’à cet été où une incroyable opportunité s’est présentée : reprendre en tant que gardienne le refuge de la Leisse pour la prochaine saison d’hiver. Une opportunité un peu folle, pour un projet complètement flip-excitant ! Parce qu’une saison complète aux manettes du refuge de la Leisse, c’est une mission bien concrète et pas que romantique… Elle implique un énorme engagement, en termes de temps, de responsabilités, de charge mentale et de travail avant, pendant et après la saison. Elle est aussi un engagement humain et physique car les conditions du refuge en hiver sont loin d’être confortables.
Le refuge de la Leisse, ce sont trois petits chalets « chaloin » perchés sur un rognon rocheux, juste sous la Grande Motte, trois coquilles de noix au milieu d’une immensité neigeuse. Un chalet cuisine, un chalet réfectoire et un chalet dortoir. Les deux premiers sont chauffés grâce à deux poêles à bois, le troisième ne l’est pas. Les toilettes sont à l’extérieur. Par gros temps, un petit pipi peut devenir une expédition et, après des chutes de neige, le déneigement des accès entre les chalets peut être un travail herculéen (avec une petite saveur ajoutée de travail de Sisyphe).
Là-haut en hiver, il n’y a pas d’eau courante, avec le gel, les canalisations qui, l’été, approvisionnent le refuge depuis une source risqueraient de péter. Il faut donc faire fondre de la neige en permanence pour avoir de quoi s’abreuver, de quoi cuisiner, faire la vaisselle, un brin de
ménage et de régulières toilettes de chat. La tâche est contraignante et surtout très chronophage !
L’approvisionnement du refuge pour tout ce qui sera consommé sur place est aussi une fameuse tâche. Il se fait en une et unique fois, par un héliportage à l’ouverture de la saison. Denrées alimentaires, bois, gaz, il faut viser juste. Passé l’héliportage, on ne peut plus compter que sur les sacs à dos des copains pour se ravitailler. Et il y a aussi la météo et, avec elle, la fréquentation du refuge qui oscille parfois en dent de scie. Quand la tempête gronde ou que les conditions nivologiques sont trop risquées, il peut arriver de se retrouver seuls là-haut pendant quelques jours à se regarder dans le blanc des yeux. Le temps parait alors long et les chalets étroits. Voilà les conditions. Elles sont rudes sur le papier comme en réalité. Et, même si il y a évidemment toujours une part d’incertitude, j’ai le sentiment de plutôt bien les conscientiser. Je sais à quoi devenir gardienne du refuge de la Leisse cet hiver engage. J’ai quand même envie d’y aller, mais avec une certitude : pour me lancer, il me faut un binôme. Quelqu’un avec qui partager le projet, relever le défi, et en faire une aventure collective, mais aussi quelqu’une avec qui je me vois monter au refuge pour deux mois et demi de travail et de vie commune intense, et redescendre toujours amis. Ma short-list de copains se compte sur les doigts d’une main. Je leur en parle, et très vite Louise me dit que ça la botte. Je suis ravie, je crois que je ne pouvais pas rêver meilleure associée pour ce projet un peu fou ! Louise et moi avons été colocataires pendant trois ans, autant dire que nous nous connaissons bien dans le quotidien. Elle connaît mes chaussettes sales et je connais les siennes. Nous sommes partenaires de cordée. En rando, en escalade, en alpinisme, notre duo fonctionne bien quand ça roule, mais aussi quand ça roule moins. La prise de décision et la communication sont fluides entre nous. Puis avec Louise, on se marre bien, on partage très naturellement nos grains de folie et nos mauvaises blagues, et ça, ce sera précieux là-haut ! Notre tandem tient la route, il n’y a plus qu’à saisir l’opportunité.
Alors fin septembre, Louise et moi nous retrouvons à Grenoble pour rencontrer Félix, le gardien estival, et fixer les modalités du projet. Nous montons au refuge sous les premières neiges de l’automne pour une visite des lieux en tant que gardiennes, pour faire le tour des bâtiments et nous y projeter, accueillant skieurs et raquettistes dans quelques mois. L’excitation monte, le flip un peu aussi. Et ce qui est certain, c’est que c’est parti, du 14 février au 26 avril, Louise et moi enfilerons le costume de gardiennes, sous-couches thermiques, gros polar, doudoune sans manche et bonnet de laine, pour relever le défi. On a hâte d’y être et de partager l’expérience avec toutes celles et tous ceux qui pourront venir nous voir !
CHARLOTTE RIGOLET
Pour nous contacter : refuge.leisse@vanoise-parcnational.fr
+33 (0)9 72 40 03 23 (en saison)
+33 (0)6 14 27 93 07 (hors saison)
Louise et Charlotte, aka l’équipe des Princeleisse, nouvelles gardiennes hiver du refuge de la Leisse
Pour les réservations et plein de renseignements utiles : https://refuge-leisse.vanoise.com
Épisode III
Rêve blanc
Expédition dans les « alpes » suédoises
JONATHAN VARD — Texte & images
Après les quelques histoires de Georges, reprenant des moments précis et bourrés d’intensité de ce qui peut se vivre à l’instant du voyage (oui, l’émerveillement vient souvent après, la souffrance pendant), je reprends la main. Nous cheminions sur la Kungsleden, quittant le Parc National d’Abisko.
personne à l’horizon. Le froid nous rattrape encore, le blanc devient bleu glaçant. Il n’est que 16 h lorsque nous cherchons un coin où s’arrêter, mais rien, juste cette étendue d’un plat déconcertant. Au loin, sur l’autre rive, un point noir. Il n’y a rien qui distingue le lac de ses berges, si ce n’est le GPS qui nous situe sur une étendue d’eau insoupçonnée. La vue porte loin, ce n’est qu’une heure plus tard que nous rejoignons ce point noir. Une cabane, peut-être fermée, mais l’espoir chauffe nos cœurs malgré le jour qui décline.
Nous quittons la vallée, le cours d’eau gelé, les arbres frigorifiés, mélange de bouleaux et de sapins. Croyant être nulle part, nous suivons la carte et le GPS sur le sentier d’été. Aucune trace, quelques balises qui nous font danser entre les arbres. La pulka est difficile à manœuvrer, d’autant qu’elle est pleine et que nous montons. Les peaux glissent, on doit s’y mettre à deux pour, finalement, buter sur un ravin. La carte indique un pont ainsi qu’un chemin escarpé, impraticable pour nos skis. Puis, de l’autre côté, nous apercevons ces grandes croix rouges qui nous guideront tout du long.
« – Je crois qu’il y a un chemin d’hiver, regarde en face. – J’y vois même des gens ! Faut redescendre – Là, en bas, y en a un autre. On s’est enfoncé sur le chemin d’été. Y a du monde en fait. »
Demi-tour pour découvrir une trace évidente qui grimpe doucement ; la pulka nous suit, non sans difficulté, mais elle monte avec nous. Nous découvrons que nulle part, nous ne sommes pas seul.
Le petit col débouche sur un immense plateau, une sorte de succession de lacs, un désert blanc surplombé de montagnes, pas une branche, pas un arbre. Nous y sommes, en plein rêve. Le soleil décline doucement, plus
La porte s’ouvre, la neige s’engouffre. Un petit poêle, la gueule débordant de bois et de déchets. Une table, deux bancs larges, fixés aux murs. Nos lits, notre refuge. Ce n’est que notre deuxième nuit, mais tout de suite les rituels s’installent de force. Dans le froid chaque seconde compte. Fondre la neige, préparer un thé, s’hydrater, grignoter, cuisiner, manger.
Ce n’est qu’une fois nos thermos pleins et chauds, comme nos estomacs, que nous sortons le nez dehors sous un ciel parsemé d’étoiles et fendu d’une aurore verte. Spectacle merveilleux, toutes nos couches sur les épaules, nous nous laissons refroidir les yeux rivés sur ce spectacle à 360°. Après le merveilleux, nous cherchons l’accomplissement. La Kungsleden est toute tracée, balisée, et la neige tassée par les nombreux passages. Nous découvrons également qu’elle est parsemée de refuges gardés dans lesquels mettre un pied peut vous coûter cher (taxe de jour), mais où il est également possible d’acheter, à prix fort, beaucoup de paquets de biscuits sucrés. Les « balerinas » qui accompagneront tous nos repas et nos coup de mou, au prix de nombreuses couronnes suédoises.
Depuis Abisko, pour s’approcher du Kebnekaise, nous passons un col dit, pour les aventuriers du coin, « The path ». Il s’agit de l’unique col un peu sérieux sur les centaines de kilomètres de la Kungsleden, culminant à 1 135 mètres. Une belle balade offrant une vue interminable sur la vallée de Tjäktjavagge. À nouveau, une
L’arrête est vertigineuse. À pic d’un côté, pente raide de l’autre. Il n’y a plus que glace et roche, nos respirations sont profondes, nos cerveaux sont trompés par la sensation d’altitude.
large vallée entourée de sommets avoisinant les 2 000 mètres, sans arbres. Du blanc sans fin dont, de temps à autre, un caillou dépasse, nous voilà dans une cuvette aveuglante sous un soleil radieux, tirant droit vers le sud. Nous passerons cinq jours sans voir un arbre, ni une branche si ce n’est sous la forme de buches ou de planches. Une sensation isolante, puissante. Et la vue du premier arbre nous rappellera combien les forêts sont des lieux rassurants, protégeant du vent, partageant la vie.
Nous gravirons le Kebnekaise par une vallée peu empruntée, dans une brume presque totale. Suivant deux vieilles traces, ne sachant pas où elles mènent. Nous croiserons un élan solitaire, tout aussi surpris que nous de cette rencontre. Beau, majestueux, s’éloignant doucement, rappelant que les plus peureux, ce sont nous, pas lui. Nous sommes chez lui, il nous laisse doucement passer. « Tu crois qu’on peut y aller, il est assez loin là ? »
Les traces mènent directement sur les crêtes à l’ouest du sommet, nous menant au-delà de la masse nuageuse, passant de l’ombre à la lumière.
Là-haut, la neige soufflée est partiellement absente, laissant poindre de nombreux rochers compliquant la progression zigzagante. Nous finissons par mettre nos skis sur le dos, cheminant à pied.
L’arrête est vertigineuse. À pic d’un côté, pente raide de l’autre. Il n’y a plus que glace et roche, nos respirations sont profondes, nos cerveaux sont trompés par la sensation d’altitude. Nous sommes sous les 2 000 mètres alors que la vue rappelle celle d’un 4 000 alpin.
Une fois que nous rejoignons la voie normale, la progression se simplifie jusqu’au glacier sommital, sorte de dôme de glace de plusieurs dizaines de mètres d’épaisseur posé sur ce tas de caillou, formant un aileron de requin. On y monte, tente un selfie avant que les téléphones ne flanchent dans le froid. Puis la longue descente s’engage, non sans mal.
Le jour tombe, nous avons du retard sur le programme et, dès le premier virage sur la neige croutée de glace, Georges se retrouve à terre, incapable de progresser debout.
« – Fais confiance à tes carres !
– J’arrive pas, je vais prendre mon piolet.
– Mais non, debout, de côté, tes carres vont déraper. »
J’oubliais un détail, non des moindres. Georges se retrouvait là face à son premier hors-piste, sur une pente à 40° dure comme du bois. Je pose mes fesses sur ce sol frigorifiant et observe. Il se lève, toujours le dos courbé vers le sol, se laisse déraper en étant incapable de freiner puis, d’un geste brusque, se jette au sol, côté amont, piolet en premier. L’opération se répète pour ce qui me semble une éternité. Mais Georges, en nage, tient bon. Seul son piolet, qui l’oblige à se tenir dans l’inconfort et le déséquilibre le plus total, lui permet de se rassurer, d’avancer. J’essaye de le forcer à se redresser, à se poster correctement sur ses spatules, impossible. Ce n’est qu’une fois que la pente s’adoucit, que nous descendons sous l’arrête et que nous retrouvons une très fine couche de neige soufflée, qu’enfin la tension descend. Et petit à petit, tirant la plus belle ligne, nous finissons par arriver à une centaine de mètre de notre petite cabane où le reste de nos affaires nous attend. Fatigués, la nuit doucement menaçante, si proches du but, nous gardons les peaux dans le sac et arrivons skis en main. Nous enfonçant pas après pas. Ces cabanes, qui nous évitent de sortir la tente, qui se bourrent de glace dès le premier usage et qui ne sécheront jamais, nous permettent aussi de manger assis, de sécher nos sacs. Le bois est réservé pour les cas d’urgence mais nous brulerons quand même quelques buches, qui ne font qu’à peine monter la température pendant quelques dizaines de minutes. Dans ces cabanes, nous
tomberons sur Bernard, un vieux Suisse, rencontré dans un refuge. Un gars assertif, qui vous explique la vie et fait la leçon sans compréhension. Fièrement, nous lui racontons notre ascension du Kebnekaise et notre camp de base, monté dans ce petit abri. Cela lui monta directement à la tête, horreur pour lui que l’on puisse profiter de ces abris d’urgence ! « Quoi, vous ne saviez pas qu’ils étaient réservés aux urgences ? Il est interdit d’y dormir ! ».
Bon, Bernard, nous ne connaitrons jamais son vrai prénom, rien ne nous donnait envie d’en savoir plus. Mais Bernard restera ce compagnon un peu réac’ qui crache sur l’autre, étant lui-même l’autre pour nous, pour les gardiens et gardiennes de refuge où il s’étale, ronfle et s’étend de tout son être et son paraitre. Tout ça, pour qu’il nous avoue finalement avoir lui aussi usé de ces abris d’urgence … L’urgence, en hiver, au-delà du cercle polaire, est toute relative et régulièrement présente d’autant que la nuit s’abat, que le noir écrase le blanc.
Parfois, il faut oser. Après un voyage en solitaire, à mon rythme, effréné, j’étais heureux de tenter l’aventure à deux. Malgré les difficultés, ce genre d’épisodes reste pour moi mémorable, des journées héroïques. Non que je sois fier de moi, mais cela me procure une immense joie que d’être fier de Georges qui, pour la première fois de sa vie, dans un environnement inconnu, hostile, loin de tout, dans des montagnes sans réseau, a accepté de me suivre. A accepté de se mettre au défi d’apprendre sur le moment, d’être patient et précautionneux, de s’éviter, avec intelligence, un accident.
L’accomplissement est tout autre lorsque l’on attend son partenaire, que l’on est dans un relatif confort face à l’autre qui donne tout. Cela oblige à rester patient, à rester disponible, s’apprêter à ce que l’autre, en difficulté, ne soit plus capable d’avancer. Dans ma tête, tout y passe. S’il fait nuit, si la tempête s’abat, s’il se casse une jambe … Car en montagne, la vitesse est souvent un certain gage de sécurité. À ne pas confondre avec précipitation
1. La descente — Kebnekaise
2. Coucher de soleil — Abisko
3. Passé au-dessus des nuages — Kebnekaise
4. Au sommet — Kebnekaise
5. Aurore boréale — Rádunjárga
6. Ascension du Kebnekaise — Kebnekaise
7. Les abris d’urgence — Tjäktjapasset
8. L’immense vallée surplombée des plus hauts sommets de Suède — Tjäktjapasset
Entretien avec Jordane Liénard
L’appel des 4 000
E ntretien avec JORDANE LIÉNARD par MARIE VERKAEREN
À l’aube de ses 45 ans Jordane Liénard a décidé de changer de cap et de se consacrer pleinement à la montagne et à l’écriture. Elle a récemment terminé de gravir les 82 plus hauts sommets des Alpes, et elle raconte son aventure dans un film et un livre, parus il y a quelques mois.
De mon côté, grimpeuse, randonneuse et également maman de trois enfants, j’ai été fascinée par son récit. J’ai rencontré Jordane Liénard cet été, à l’occasion de la projection de son film « À la hauteur » et de la parution de son livre L’appel des 4 000, aventures sur les 82 plus hauts sommets des Alpes (éditions Paulsen). On a discuté de la mise en lumière de nouveaux modèles féminins, de son entraînement un peu stakhanoviste et du plaisir contemplatif.
Marie Verkaeren : Bravo, Jordane ! J’ai trouvé ton livre et ton film très inspirants. Ils m’ont (re)donné envie de ces sommets à 4 000 mètres qui parfois me paraissent trop inaccessibles pour des raisons logistiques, familiales ou financières.
Tu dis dans ton livre que plus tu avances dans le niveau de difficulté, moins tu trouves de femmes en refuges et sur les cimes. Qu’est ce qui pourrait aider les femmes à plus s’autoriser à réaliser leurs rêves de haute montagne ?
Grandes Jorasses, Arrête des Hirondelles — massif du Mont Blanc
Portrait : Jordane Liénard, retour du Stralhorn — Alpes valaisannes
Jordane Liénard : On sait tous que les femmes, surtout lorsqu’elles ont des enfants, assument tellement de charges dans leur quotidien qu’elles ont plus de mal que les hommes à s’accorder leur bulle d’oxygène. Par ailleurs, la société n’accepte pas encore qu’une femme prenne des risques alors qu’elle a des enfants qui l’attendent à la maison.
Je pense que la solution passera par un changement plus global dans la société et par la mise en avant de nouveaux modèles de femmes qui partent, qui s’autorisent à réaliser leurs rêves quitte à prendre des risques, qui en reviennent, qui sont épanouies et qui montrent que c’est possible.
Au démarrage du projet, mon entourage était plutôt réticent et je m’étais faite à l’idée de ne pas trop compter sur son soutien. Mais avec le recul, je constate qu’il y a eu beaucoup de retombées positives pour ma famille : mon mari a eu l’occasion de passer plus de temps avec les enfants, les enfants ont gagné en autonomie. Des amies m’ont confié que ce qu’elles voyaient au départ comme une quête un peu égoïste leur a finalement donné le désir de sortir elles aussi de leur quotidien et de réaliser leurs rêves.
Cela montre que développer de nouveaux modèles est important. Il faut parler des femmes qui vont en montagne, montrer leurs films et éditer leurs récits, et comme l’a dit Catherine Destivelle, il y en a !
Ci-contre : Jordane Liénard sur la traversée des Grandes Jorasses — massif du Mont Blanc
On a fait les 50 premiers sommets en cinq semaines et demie. C’était dingue, et sans le Covid ni ma vie de famille, je les aurais bouclés en un été !
MV : Tu as fait les 82 ascensions en 2,5 ans. Est-ce que c’est le calendrier que tu avais imaginé dès le départ ?
JL : Venant du monde de l’entreprise, je suis d’emblée entrée dans un mode projet car j’ai senti que c’est ce qui me permettrait d’aller au bout. J’ai été chercher des sponsors, j’ai démarré un blog, j’ai annoncé que j’allais écrire un livre. 4mil82 était devenu mon travail, il était devenu le centre de mes préoccupations et j’en parlais à mon entourage comme de mon métier.
Je ne m’étais pas fixé de deadline mais j’étais consciente que l’entraînement allait être hyper exigeant. J’avais 45 ans quand j’ai commencé et je savais que mon corps ne pourrait pas supporter ces doses d’entraînement éternellement. Je savais aussi que les derniers sommets seraient les plus compliqués et qu’il faudrait les enchaîner car chaque sommet aidait le suivant. Le rythme soutenu était un gage à la fois de sécurité et d’arriver au bout. On a fait les 50 premiers sommets en cinq semaines et demie. C’était dingue, et sans le Covid ni ma vie de famille, je les aurais bouclés en un été ! Mais je ne
regrette pas d’avoir pris plusieurs années car j’avais aussi envie d’en profiter et d’ancrer mes souvenirs. Je me suis donc un peu calmée après ce premier été…
MV : Encadrée par un coach et avec les conseils d’un nutritionniste, tu t’es entraînée comme une athlète professionnelle. Est-ce que tu as toujours été aussi sportive ?
JL : J’avais besoin de cette radicalité à ce moment-là de ma vie. J’ai eu trois enfants en moins de deux ans, j’ai déménagé beaucoup à l’étranger et j’ai créé plusieurs entreprises, ce qui m’a apporté beaucoup de satisfaction. Mais j’avais aussi envie de montagne depuis tellement longtemps et j’avais l’impression que le temps que je pouvais y passer était toujours trop peu. Les 82 sommets, c’était un prétexte pour réaliser un pèlerinage en montagne et parcourir le chemin qui allait me transformer intérieurement et physiquement.
Je ne viens pas d’une famille de sportifs et j’ai découvert le sport avec mon mari. Après la naissance de mes jumeaux, j’ai commencé à courir tous les jours et j’ai eu l’occasion de réaliser quelques courses et trails à Singapour. Plus c’était long, meilleure j’étais et j’ai même fait quelques podiums. En plus de la course, je faisais du yoga et un peu d’escalade depuis longtemps. Ce sont des sports hyper complémentaires.
J’ai la même rigueur dans l’entraînement que dans tout ce que je fais. Pour le projet des 4 000, je n’ai loupé aucun entraînement en trois ans, quitte à me lever à 4 h du matin pour pourvoir le caser dans mon emploi du temps. Cela m’a permis d’être rapide pendant les courses, notamment dans les marches d’approche car nous ne
Jordane Liénard, courte bio
Après une carrière dans la communication et le management interculturel, une vie d’expatriations au Mexique, au Canada et à Singapour, Jordane Liénard ouvre une nouvelle page avec la montagne et l’écriture.
Pour y passer le plus de temps possible, elle commence par gravir les 82 plus hauts sommets des Alpes, les 4 000. Elle y trouve une soupape au monde d’en bas et un terrain de jeu infini qu’elle assure vouloir explorer aussi longtemps que possible.
L’appel des 4 000, son premier livre, est une invitation au vagabondage en haute altitude.
prenions pas les remontées mécaniques. J’étais même plus entraînée que mon guide !
Cet entraînement m’a donné une belle marge de sécurité pour les cas où il a fallu accélérer car la météo changeait. Mais le mieux est que le fait d’être bien dans mon corps me permettait de pouvoir prendre le temps de lever la tête et contempler le paysage. Quand on est trop dans le dur, on ferme les écoutilles, on ne voit plus rien. Si j’ai un conseil à donner, ce serait celui-là : de bien s’entraîner pour pouvoir mieux en profiter.
MV : De quelle manière ce projet a développé tes compétences techniques en alpinisme ?
JL : Comme j’ai fait beaucoup de courses, dont des courses plus techniques que les 4 000, je me sens assez autonome et c’est donc plus facile d’avoir confiance en moi. D’autre part, avec Fred (Fred Bréhé, guide de haute montagne, ndlr), j’ai aussi eu l’occasion de passer devant, notamment dans les descentes ou quand il se sentait moins bien. Je lui ai demandé de m’apprendre à sécuriser au maximum, comme si j’étais avec un débutant. J’ai donc une belle marge de sécurité, qui me permet d’emmener mes enfants ou des amis en montagne dans des niveaux faciles. Ces journées où j’emmène mes proches sont d’ailleurs pour moi les plus belles !
Par contre, je n’irai jamais dans de grands niveaux d’engagement sans guide avec eux car j’ai conscience des dangers et du temps qu’il faut pour apprendre à se rendre compte des dangers. De mon côté, c’est seulement après 50 semaines que j’ai commencé à me rendre compte des risques objectifs que je prenais. Si cela a changé mon regard sur l’alpinisme, cela n’a pas remis mon projet en question, car mon choix entre une vie plan-plan et une vie palpitante était fait depuis longtemps.
MV : Dans ma pratique de la montagne, je trouve qu’il est souvent difficile de partager le vécu d’une course
Arrête du jardin, Aiguille Verte — massif du Mont Blanc
avec notre entourage. Entre l’intensité du plaisir ressenti et ce que nos amis et notre famille imaginent à partir de quelques photos, de notre récit un peu technique et de l’imaginaire collectif nourri de conquêtes glorieuses et d’accidents tragiques, il y a souvent une différence énorme. Pour qui as-tu écrit le livre ?
JL : Je l’ai écrit pour mes enfants et ils le liront quand ils le voudront. Ils étaient petits et ne se rendaient absolument pas compte de ce que je faisais. À la fin du projet, les sommets étaient de plus en plus difficiles, avec des passages très engagés, notamment sur l’Intégrale du Brouillard. Je sentais qu’un écart se creusait entre mon vécu en montagne et la vie quotidienne faite de réunions parents-élèves et de matchs de foot. Quand je suis redescendue des Grandes Jorasses et que je suis rentrée à la maison, j’ai été accueillie comme si je revenais d’avoir fait des courses au supermarché. Je revenais de trois jours complètement déments en montagne, je n’avais dormi que quelques heures sur la paroi et mon mari m’a demandé ce que j’avais prévu pour le dîner. Alors, je me suis posée avec une bière afin de reprendre mon souffle et de gérer ce décalage sans me sentir en colère… Ce grand écart, il existe aussi entre ce que j’ai vécu et ce que mes amis en ont compris. Ne connaissant rien à l’alpinisme, ils ne visualisaient pas du tout ce que je faisais en montagne. Certains avaient uniquement retenu que je faisais des cols ! C’est pour cette raison que j’ai accepté le film. Il n’y a que l’image qui peut rendre un peu la réalité ce qu’on fait là-haut.
MV : Quels sont tes projets ?
JL : Je me suis plus entraînée en escalade ces derniers mois, car j’avais pour objectif de traverser le massif du Mont-Blanc en itinérance en faisant les plus grandes voies de granit. Du Petit clocher du Portalet, jusqu’à la
Noire de Peuterey. Les conditions de ce début d’été ont fait que nous n’avons pas pu le réaliser en traversée, mais j’ai malgré tout beaucoup grimpé et pu faire la quasi-totalité des voies prévues. Ce projet un peu avorté m’a donné envie d’écrire sur notre rapport au rocher, sur le pourquoi il est si important pour nous, les grimpeurs, et ce que cela peut nous enseigner sur la vie.
J’aimerais aussi beaucoup aller en Antarctique et en Patagonie, ouvrir des 4 000. Là, je me trouve confrontée à un gros problème logistique : ce sera plus compliqué de partir deux ou trois mois d’affilée et je dois encore attendre un peu que les enfants sortent du nid.
MV : Si tu devais choisir un des 82 sommets pour emmener un·e ami·e, ce serait lequel ?
JL : La course qui m’a le plus marquée, c’est la Traversée Rochefort-Jorasses ! Mais si c’est un·e ami·e parfaitement débutant·e, je l’emmènerait plutôt dans le massif du mont Rose ou au Grand Paradis. C’est un bon rapport satisfaction/difficulté.
MV : Et celui que tu voudrais refaire absolument ?
JL : Tous, par des autres voies ! Afin de vivre des aventures totalement différentes. De plus, certains sommets ne m’ont pas laissé une très bonne impression lorsque les conditions n’étaient pas terribles. Le Lagginhorn, par exemple, ne m’a pas laissé un très grand souvenir et j’y retournerais bien. Quelle que soit la montagne ou la discipline, tant que j’y suis, je suis contente !
MARIE VERKAEREN
Ci-contre :
Vers le mont Blanc de Courmayeur — massif du Mont Blanc
Pointe de l’Androsace, Arrête Kufner, Mont Maudit — massif du Mont Blanc
Lire
CONFRONTER SES RÊVES
Auto-édité, pour aller au bout des rêves
Jonathan Vard
Avant de partir à vélo, dans les régions polaires de l’Europe, je rêvais d’écrire. Quoi de mieux que la blancheur infinie de ces paysages pour y déposer des mots ? Rêve de solitude, de blancheur, d’aurore, de noirceur et d’écrire. Tout ce mêle dans ce périple de 3 300 kilomètres givrés, de 370 pages effrénées.
« Impossible de dormir. Depuis que Mario a doucement fermé la porte, je lutte contre l’envie pressante de bouger. De bricoler, de ranger, de manger, de pédaler. Pédaler, voir le monde, sortir, faire défiler le paysage. » La seule chose qui me maintient assis, c’est d’écrire. Sinon, je bouge, je pédale, je grimpe, je cours sans arrêt. L’enjeu n’est pas de partager un exploit, mais d’exposer mes faiblesses. Dans le numéro 211 de l’Ardenne et Alpes, je partageais un épisode de ce voyage, percutant une barrière de plein fouet. Percutant la fatigue, la folie, brisant le rêve qui me portait éveillé. Cette aventure n’est pas l’histoire d’une barrière, que chacun, chacune de nous rencontrera dans la vie lorsque l’épuisement accable notre corps, nous pousse à l’erreur, espérons la plus minime possible. À travers ces 370 pages, je vous emmène à l’intérieur de mon rêve fou qui mêle vélo, neige, hiver, nuit omniprésente et solitude. Tout cela au Nord. Un combo pas gagné d’avance, pourtant ça résonnait bien dans mon crâne avant d’embarquer. À croire que, lorsque l’on a trop d’espoir, notre tête se vide et laisse l’écho de la folie se propager seul. Et, ai-je précisé que j’ai peur du noir ? Le rêve était de partir, le rêve était d’écrire. J’écris seul comme je pédale seul. Il n’y a pas d’histoire de cordée, seulement celle du rêve qui devient palpable. Il en est de même lorsque l’on prépare un séjour en montagne : on regarde les voies, les sommets, les distances. On s’imagine l’accomplissement, le bonheur. Puis vient le moment, la météo changeante, la fatigue, le froid mordant. Il y a celles et ceux qui persistent, rêvent encore du sommet alors qu’ils en chient, parfois s’entêtent de trop. Et les autres qui, lorsque la dure réalité s’abat, font demi-tour, sagement. « C’était trop ». Je n’ai rien d’un sage, pourtant je me suis souvent arrêté avant le sommet.
Les mots reviennent sur la violence du réel mais aussi sur sa beauté, sa folie. Seules les émotions s’expriment sans retenue. Elles éclatent dans ces pages. Lorsque je croise quelques lecteurs, qui ont cru en mon rêve, ils commentent souvent d’un « c’est fatiguant de te lire, on est épuisé avec toi ». Ma frénésie se transmet. Je vous laisse un extrait, puisse la beauté de ce monde vous emmener.
« Les températures chutent loin sous zéro avec le vent qui se lève, transformant cette neige lourde en blocs de glace. Les vêtements, mouillés, durcissent. Tant que je roule, que je force à travers les congères, je reste au chaud. Ma bonne humeur, le repos des derniers jours et l’envie d’en découdre à nouveau brisent mon visage d’un sourire disproportionné. J’ai chaud. Mon corps est humide, ma veste détrempée, tout est prêt à geler dès que je poserai un pied à terre. Je passe les tas, les monticules déposés par les chasses-neiges qui ne s’en sortent pas. Cette blancheur tombe sur le monde avec tant d’avidité que rien ne peut faire revenir la noirceur du macadam. L’acharnement humain n’est que perte de temp et d’énergie. La nature est démente, l’homme ridicule. Le temps de prendre froid, je m’arrête, contemple, souris encore, rigole. Moi qui croyais avoir quitté le grand Nord, voilà que je vis ma plus belle tempête. Je repars, conquérant de cette merveille blanche. Quelle folie d’avoir pris la route ce jour, quel bonheur d’être dehors ce jour. Sentir le froid me bruler le visage, ma veste dure de glace, mes gants qui craquent, mon dérailleur coincé dans la même vitesse par la neige qui s’est accumulée dessus.»
Lorsque la nature éclate de sa puissance, il faut savoir être humble, ne pas combattre. Ce jour-là, au nord du Danemark, je reprenais la route après une brève pause. Paré à en découdre, j’ai vite dû me calmer, prendre le temps, réduire. Mon sommet à moi se trouvait 100 kilomètres plus loin, je n’en ferai que 30. On dit souvent que tout seul, on est plus rapide et qu’ensemble on ira plus loin. Cela s’est clairement appliqué à mon expérience, j’ai traversé les 3 300 kilomètres qui me séparaient de la maison en 42 jours, j’en prévoyais 60. Seul, il n’y aura eu que le ciel pour m’accompagner. Comme un fou, comme pour d’autres peuples, il sera mon interlocuteur, me priant de ralentir, m’incitant à avancer. Mon compagnon. Athée jusqu’au bout des ongles, je m’engage souvent dans ce genre de discussion animique, donnant de la volonté à l’inerte. Seul, on s’y ouvre plus facilement, mais être ensemble ne doit pas être un frein à l’écoute. Écouter l’autre, ses besoins, ses envies, écouter la montagne, le vent qui tourne, les nuages qui approchent ou qui s’en vont. Les meilleures ascensions ne sont pas celles des alpinistes les plus puissants, mais des plus sages qui savent écouter leur corps, qui savent écouter les conditions, attendre que la voie s’ouvre, « que les planètes s’alignent ». La nature n’est pas une salle de sport climatisée, elle est vivante, changeante, colérique et bienveillante, serait-elle bipolaire ? Elle est souvent poussée à bout.
Le respect est le maître mot : faites attentions à vous, aux autres, à l’environnement. J’espère transmettre ces notions, partager mes erreurs et mes succès dans ce livre, dans les prochains. Vous pourrez le retrouver chez Lecomte ainsi que dans de nombreuses salles de Bruxelles (Itinéraires AMO, New Rock, Petite Île), magasins de vélo (Yellow Bike, La maison du vélo, Monkey Bike), en ligne sur publier-un-livre.com et sûrement ailleurs. Écrivez-moi, retrouvez-moi sur les réseaux si vous souhaitez trouver un exemplaire, communiquer.
JONATHAN VARD
Confronter ses rêves
Jonathan Vard, Grand air, sortez de chez vous !, 2024
Disponible en ligne ici : publier-un-livre.com
Également là : lecomte-alpirando.be
Pour me joindre : jonath.vard@gmail.com
L’essence du voyage à vélo solo
CHARLOTTE LECONTE — Textes & images
J’ai toujours trouvé difficile de résumer les voyages. Alors, à la place d’un résumé, ce que je te propose est une plongée à la découverte de soi. Une ode à la solitude qui a transformé un simple voyage en profonde transformation intérieure. Allez viens, je t’emmène avec moi !
Je fais partie de ces gens qui ne se sont jamais vraiment sentis à leur place, comme si j’étais en quête perpétuelle de mon identité. Automne 2023, je viens d’avoir trente ans… J’ai besoin d’ailleurs. Et surtout, cette envie persistante de découvrir qui je suis vraiment et ce que j’ai au fond de moi – loin des influences et du jugement des autres. De ces réflexions naît un projet de voyage : c’est décidé, je partirai seule avec un vélo que j’aurais acheté deux semaines avant le départ.
Je me souviens encore de cette boule au ventre quelques jours avant de partir, avec cette désagréable impression de sauter dans le vide. C’est vrai que j’enchaînais les premières fois : premier voyage à vélo, premier voyage en itinérance et premier voyage solo.
Et puis un beau jour, qu’on soit prêt ou non, c’est le grand départ. Le réveil qui sonne terriblement fort – et bien trop tôt – mais l’excitation rend très alerte. Vélo enregistré, carte d’embarquement validée. Une fois dans l’avion direction Alicante, je réalise. C’est maintenant. Bien plus qu’un itinéraire (je compte remonter la Méditerranée sur plus de 1 000 km) – c’est un monde inconnu qui s’ouvre à moi.
Les premiers jours sont éprouvants, malgré le cadre magnifique de la côte espagnole méditerranéenne. Je me sens maladroite, lente et pas très dégourdie. Un rien me paraît obstacle. Certains chemins sont en très
De gauche à droite :
Un moment suspendu — Cadaqués, Espagne
La beauté des chemins apportent de la douceur à mon cœur
— Aux alentours de Perpignan, France
C’est le grand départ !
— Aéroport de Zaventem, Belgique
Et un beau jour, on arrive à destination, le sourire aux lèvres. Le « sourire » du vélo.
— Aix-en-Provence, France
mauvais état. J’essaie de prendre mes marques tout en continuant de tenir le rythme. Le monde est une jungle que j’ai du mal à dompter avec mon deux-roues. Face à ces premières difficultés naît le plaisir de la solitude dans l’effort. Parfois, je passe plusieurs dizaines de kilomètres sans âme qui vive.
Au jour 6, le vent gronde férocement depuis le début de la journée. Sa puissance fait courber tout ce qui se trouve sur son passage : arbres, feuillages, buissons, moi inclus. Faire du vélo ce jour-là, c’est lutter contre une force surnaturelle invisible qui me pousse en sens inverse. Elle puise dans mes réserves et je sens ma résistance approcher dangereusement du rouge.
Alors que j’évolue sur une énième section en graviers, je me rends compte que la fin de journée s’annonce plus rapidement que prévu. Éreintée, je décide de regarder où se trouve le camping le plus proche – j’imagine déjà la douche chaude sur mes muscles éprouvés. La route zigzague un peu sur la carte, mais je n’y fais pas attention, l’envie d’arriver ayant pris le dessus sur la vérification de l’itinéraire. Le soleil tombe rapidement et laisse place à la nuit. Il me reste la dynamo de mon vélo et ma frontale –faible consolation face à l’obscurité ambiante ! Je peine à savoir dans quelle direction aller, d’autant plus qu’il faut prendre en compte le relief des chemins. Sous le pont ? À droite ? À gauche ? Est-ce que seulement cela mène quelque part ? Le cœur s’accélère et le cerveau s’emballe. Je me rends compte que je suis complètement seule, dans le noir, au milieu de nulle part. Comme un vieux disque rayé, je sens la terreur de la nuit prendre possession de mes pensées. Se succèdent ainsi toutes les questions commençant par « Et si… ». Et toujours le vent qui me
Le monde est une jungle que j’ai du mal à dompter avec mon deux-roues.
Face à ces premières difficultés naît le plaisir de la solitude dans l’effort.
tambourine les oreilles. Seul rempart à la panique, le bruit rassurant d’une autoroute que j’aperçois au loin. L’enchainement des petites lumières apporte un peu de calme à mon esprit tourmenté et me ramène à la réalité. Je me mets à parler toute seule pour me rassurer. « Oui Yoshi (c’est le prénom de mon vélo), je sais, moi aussi j’ai envie d’arriver, mais on avance, ça va aller ». Oui, c’est difficile, mais tout va bien, je ne suis pas attendue, je peux prendre mon temps. J’essaie de ne pas imaginer le pire et de réfléchir rationnellement. Tournant après tournant. Les montées et les descentes sont abruptes, alors je me retrouve à pousser le vélo vraiment longtemps. Parfois la route s’améliore et je reprends espoir, mais déjà elle redevient caillouteuse. Je fais attention, et dès qu’une portion m’inquiète, je descends du vélo et je marche. Je suis lente, mais j’avance. Après ces moments de lutte interminable, les cailloux font place à du goudron. J’en pleure de joie, je pleure tout court, je suis fatiguée… Il est vraiment temps d’arriver.
De gauche à droite : Goûter en bord de mer — Espagne
Le royaume des oranges — Potriès, Espagne
En bas : Une île de pierre baigne dans la lumière de fin de journée — El perelló, Espagne
Après la dernière demi-heure sur le goudron, c’est avec l’esprit agité, le coeur gros et les yeux rougis que je pousse la porte d’entrée du camping. Le gars de l’accueil est tellement calme que j’ai l’impression de recevoir une gifle. La différence entre son énergie et la mienne me fait l’effet d’un plongeon dans l’eau froide : le retour brutal à la réalité, la fin d’un cauchemar.
Ce jour-là, quelque chose se débloque : je viens de me prouver que je suis capable, capable de m’en sortir seule, même dans le noir. Tout en prenant conscience de ma vulnérabilité, c’est dans cet espace de confrontation que j’ai réveillé en moi une force nouvelle. Comme si je venais de me réconcilier avec mes propres faiblesses. Cet épisode donnera une nouvelle dynamique à la suite du voyage. En me libérant de mes peurs, j’ai découvert des instants de pleine conscience d’une profondeur jusque-là inexplorée, comme si j’avais changé mon regard sur le monde extérieur. C’est dans l’ancrage au moment présent que j’ai pu saisir la beauté de ces moments suspendus où tout s’aligne. Des moments magiques où un rien devient tout. Il suffit d’un regard, d’une sensation pour se plonger en transe durant ces longs efforts après des heures sur le vélo. Silence – seulement mes pneus sur le gravier, je lève les yeux sur le paysage qui se déroule devant moi – les montagnes, la côte, le coucher de soleil, une forêt. Doucement, les lumières changent, la fin de journée approche. Des teintes chaudes, rassurantes, se fondent dans le ciel et les nuages. Chaque minute possède un paysage insaisissable qui disparaît l’instant d’après. Le vélo me porte, le vent caresse mon visage. Une larme coule sur ma joue engourdie par le froid, rendant chaque sensation plus vive, plus présente. Prise dans un flot d’émotions, le rire se mélange aux larmes. Je sens une vibration qui vient de l’intérieur – un instant suspendu
– où la beauté de la solitude se mêle au paysage pour ne former qu’un. Et dans ce moment unique, mon cœur gonflé de joie chante. Les émotions vont et viennent, laissant cet instant volatil prendre son essence dans le moment présent et s’évanouir dans le silence de la nuit. J’ai tellement aimé l’expérience du voyage à vélo solo que je suis partie une seconde fois cet été. J’y ai découvert une liberté totale, celle de partir quand on veut, sans contrainte. C’est une forme de lâcher-prise où, finalement, peu importe la destination : ce sont les chemins empruntés et les rencontres faites en cours de route qui nous façonnent. S’élancer et dans un souffle de vie – un coup de pédale –la course commence. Le défilé reprend. Une impulsion, un sourire. On vit, on regarde, on s’éprend. De la beauté à chaque tournant. Le vent dans les cheveux, on n’a qu’une idée en tête : « On repart quand ? ».
CHARLOTTE LECONTE
7 conseils pour limiter l’impact du sport sur l’environnement
ELSA DERENNE — Écoconso
Foot, tennis, basket, gym, fitness…
La pratique d’un sport rime souvent avec déplacements, matériel et pollution. Comment combiner sport et écologie ?
Retrouvez l’ensemble des liens cliquables de ce magazine dans la version en ligne sur https ://issuu.com/cabsecret
Faire du sport, c’est bon pour la santé et pour le moral !
Mais comme pour toutes nos actions, l’impact environnemental n’est pas neutre… Pourtant, l’environnement influence lui aussi notre pratique sportive.
Alors que faire pour continuer à faire du sport tout en préservant la planète ? Quelles actions ont réellement de l’impact ? Quelles sont les bonnes adresses pour louer et/ou acheter du matériel ? Existe-t-il des marques de sport éco-responsables ? Et l’alimentation sportive et durable, ça existe ?
Connaitre l’impact environnemental de son sport
Les chiffres le démontrent, les Belges sont de plus en plus sportifs et sportives. Le nombre d’affilié·es dans les clubs est en constante augmentation1 .
Quel est le sport le plus pratiqué en Belgique ? Chez les hommes, le trio de tête est le foot, le tennis et le basket. Du côté des femmes, c’est l’équitation qui se démarque, suivie de la gymnastique et du tennis.
Remarque : Difficile de trouver des chiffres renseignant toutes les pratiques sportives (en et hors club). On garde donc en tête que les données ci-dessous n’incluent pas les sports pratiqués hors des clubs comme la course à pied, la natation, le fitness, le vélo, etc.
Les activités sportives ont divers impacts sur l’environnement : émissions de gaz à effet de serre, impacts sur la biodiversité, participation à la pollution plastique… Que faire ? Tout d’abord, on se renseigne sur l’impact du sport que l’on pratique. On peut par exemple faire le quiz de « Mon match carbone » (français) qui permet d’évaluer l’impact de sa pratique sportive individuelle2 et donne différentes pistes pour le diminuer.
1 - « Nombre d’affiliés dans les Fédérations sportives reconnues par la FW-B » Fédération Wallonie-Bruxelles (2021)
2 - Reprenant l’alimentation, les transports, les compétitions, le matériel ainsi que le fait d’être spectateur ou spectatrice
FEMMES —
Ligue
Nombre d'affilié·es dans les fédérations sportives en Wallonie-Bruxelles
SOURCE
FÉDÉRATION WALLONIE-BRUXELLES
ANNÉE 2021
Quelques éléments pour se faire une idée rapide de l’impact des activités sportives : les trois sports les plus polluants en termes d’émissions de GES quand on ne prend en compte que les transports seraient la plongée, le surf et le golf ; toujours en prenant en compte le transport, les sports les moins émetteurs de CO2 en ne prenant en compte que les transports seraient le fitness, le tennis et le football ;
• les sports utilisant le plus d’eau seraient le hockey et le golf ; le tennis et le badminton participeraient fortement à la pollution en matière de déchets, leurs balles et volants étant jusqu’à présent très peu recyclés.
On constate que la discipline qu’on a choisie est particulièrement émettrice de gaz à effet de serre, très gourmande en eau ou encore fortement polluante ? On réfléchit : est-il possible de faire changer les choses en discutant avec son club ? On peut amener la discussion et réfléchir ensemble à des mesures globales.
Choisir des modes de déplacement moins polluants
Pour se rendre à l’entraînement ou à des compétitions, il arrive souvent qu’on parcourt plusieurs dizaines de kilomètres (et parfois bien plus !). Le transport est le levier sur lequel on a le plus de pouvoir d’action. Ce poste est responsable de plus de 20 % des émissions de GES totales de la Belgique3. La voiture est le moyen de transport quotidien le plus impactant et le plus utilisé : 16 % de nos déplacements en voiture sont destinés au sport et autres loisirs4 .
Comment faire pour diminuer son impact ? Si on en a l’opportunité, on choisit un club de sport proche de chez soi ou accessible en transports moins émetteurs (à pied, à vélo, en transports en commun, etc.).
3 - « Transport » Climate challenge
4 - « Transport » Climate challenge
Si ce n’est pas possible, on voit s’il est possible d’organiser du covoiturage avec des coéquipier·es. On s’aide des sites facilitant le covoiturage (dont Togetzer pour les particuliers ou Blablacar Daily pour les trajets réguliers) et du listing des parkings de covoiturage gratuits en Wallonie
Et pourquoi ne pas élargir nos pratiques sportives dans nos trajets de tous les jours ? Le vélo ou la marche au quotidien, c’est déjà du sport !
Envie de randonner dans notre pays ? Le Club Alpin Belge a créé un document compilant des ressources pour « Randonner autrement » sans voiture en Belgique (ou en montagne) !
Préférer des boissons et de la nourriture à moindre impact
L’alimentation et donc l’alimentation sportive a aussi ses impacts sur notre planète. On estime que l’alimentation représente environ 15 % de notre empreinte carbone générale. Les personnes sportives ont souvent un apport en protéines extrêmement important.
Ce qui pèse le plus dans la balance ? Les protéines animales. Dans l’imaginaire collectif, les protéines sont spécifiquement retrouvées dans les matières animales telles que la viandes et les produits laitiers. Pourtant, elles sont présentes dans bien d’autres types d’aliments !
Pas forcément besoin de passer du tout au tout si on ne se sent pas prêt·e. Diminuer sa consommation de protéines animales, c’est déjà faire un premier pas ! On opte pour « l’alimentation flexitarienne » grâce à laquelle on peut déjà diminuer de moitié son impact en réduisant la viande et les autres produits carnés !
Spécifiquement pour les sportifs et sportives, on retrouve un tas de références en cuisine végétale et sportive, d’encas fait maison, de nourriture déshydratée, de boissons isotoniques, etc.
Opter pour un équipement qui tiendra longtemps
À chaque sport son équipement. Un mot d’ordre ici : opter pour du matériel de qualité, que l’on va garder longtemps et que l’on peut réparer (presque) à l’infini !
Mais trouver des alternatives aux matières techniques ultrasophistiquées5 qui ne font que se développer n’est pas une mince affaire…
On liste ici de bonnes adresses de location et d’achat de matériel durable. On vous parle aussi de quelques marques qui développent des solutions éco-responsables innovantes.
Utilisation occasionnelle : on opte pour la location
Pas besoin de son matériel quotidiennement ? On se tourne vers la location. Pratique et économique, c’est un bon plan pour la planète.
La location de matériel sportif se répand et il est facile de nos jours de trouver une tente, un vélo ou des raquettes en prêt. En plus de ne pas s’encombrer, on fait plaisir à son portefeuille.
On retrouve parfois ces services dans les infrastructures sportives. Certains magasins proposent également ce service : O2 max ;
• Les Petits montagnards ;
• AS adventure ;
• Decathlon ; Urban tri sport ...
Équipement régulier : on achète responsable
Pour l’équipement que l’on utilise régulièrement, la location peut ne pas être suffisante. On se renseigne alors sur les alternatives du secteur. Entre matières écoresponsables et seconde main… on fait le point.
Un équipement éco-responsable
Le matériel le plus éco-responsable est celui qu’on garde longtemps. Alors on s’assure de la solidité de celui-ci, pour autant qu’il respecte les critères de performance liés à la discipline (poids, taille, etc.).
Certaines alternatives à base de matières naturelles (du liège, du caoutchouc, du bois, etc.) ou recyclées commencent à se développer. Voici quelques exemples : on retrouve du matériel de camping en matières naturelles chez « Vivre dans la nature » ;
• des ballons de sport éco-conçus chez Rebond ;
• des accessoires d’escalade en textiles recyclés chez Symbioz Climbing ;
• des vélos en bois de la forêt de Soignes fabriqués en Belgique chez Zafi Cycle ;
• du matériel de yoga en matières naturelles ou recyclées chez Pierre Sport.
La liste est encore longue. On se renseigne près de chez soi si on souhaite soutenir ces initiatives.
Et si un élément est abîmé, on le répare si c’est possible. On voit ça dans le point « Limiter ses déchets ».
La seconde main
Acheter du matériel sportif de seconde main, est-ce possible ? Et est-ce recommandé ? Tout dépend du matériel… Acheter du matériel de sécurité en deuxième main n’est pas forcément une bonne idée. On pense par exemple à une corde, un piolet (pour l’alpinisme ou l’escalade) ou un casque (attention aux casques accidentés !).
Pour toute une autre série d’équipement, cela ne pose aucun problème. La seconde main permet alors de faire de bonnes affaires. On pense aux raquettes de sport, aux sticks, aux poids de musculation, aux sacs de sport, etc. En optant pour ces alternatives, on est gagnant·es sur tous plans : budget et environnement.
Voici des magasins d’équipements et/ou de textiles de seconde main.
Cyclup sport : Magasin de sport de seconde main à Bruxelles. On y trouvera très bientôt matériel et textiles. En attendant, ils organisent des collectes. Alors on n’hésite pas à leur donner le matériel qui prend la poussière dans nos armoires.
• Sportswitch : Recyclerie pour vêtements de sport à Bruxelles. Idem : on n’hésite pas à les contacter pour faire des dons !
• Sport2Life : Magasin de sport de seconde main à Chaudfontaine.
• Ekwip : Site de vente de matériel d’occasion ou de déstockage pour le tennis, paddle, hockey et golf.
• Decathlon : Vente de matériel et de vêtements deuxième main.
Sportseed : Plateforme d’achat et vente de matériel sportif entre particuliers
5 - « Objectif : Zéro Pesticide Pour des terrains de sport diablement naturels ! » Adalia (2018)
Campsider : Plateforme d’achat et vente de matériel sportif outdoor entre particuliers
Vinted, Marketplace… : Il est possible de faire de bonnes affaires sur ces sites de revente entre particuliers. Attention toutefois aux arnaques !
Choisir des vêtements de sport durables
Le problème des vêtements de sport
Les vêtements de sport sont en grande majorité réalisés en matières synthétiques issues de la pétrochimie. Le problème de ces fibres ? Elles vont rejeter des microplastiques lors de leur utilisation et de leur lavage.
Certains vêtements sont également traités avec des matières très polluantes comme les PFAS et ne respectent pas souvent les droits humains lors de la conception… L’industrie des textiles n’est pas toujours à la pointe au niveau environnemental et l’industrie du sport semble encore plus à la traîne.
Mais il existe des alternatives. Leur but ? Allier performance et impact moindre sur la planète.
On le sait, malheureusement, très peu de textiles sont recyclés lors de leur fin de vie. C’est d’autant plus vrai pour les matières synthétiques. Il est d’ailleurs plus simple de faire un textile synthétique à partir de bouteilles recyclées qu’à partir d’anciens vêtements de sport.
Alternatives aux fibres synthétiques
Même si les fibres synthétiques sont les plus utilisées, il est possible de trouver des alternatives naturelles et/ou recyclées. Les matières naturelles végétales et animales telles que le lin, le coton bio, la laine, les matières artificielles (tencel, à base d’huile de ricin, des coquilles d’huitres ou encore d’algues), polyester et nylon recyclé… Même dans ces matières alternatives, on retrouve des propriétés intéressantes et techniques. Certaines ont la propriété d’être très respirantes ou très chaudes par exemple.
Le problème des substances ajoutées
Si on pratique un sport d’extérieur, on est souvent exposé aux intempéries. L’industrie de l’outdoor propose des solutions innovantes face à ces problématiques. Le hic ?
Ces innovations vont souvent de pair avec la présence de substances très polluantes qui laissent leurs traces dans l’environnement… Heureusement, de nombreuses marques s’engagent à retirer les PFAS dans leurs textiles.
Les labels qu’on peut repérer
Il existe quelques labels environnementaux qui permettent d’y voir plus clair dans les textiles de sport.
• Bluesign : regarde les impacts de la fabrication du point de vue environnemental.
• GOTS : indique les textiles à base de fibres naturelles
• Oeko-Tex 100 : limite l’usage des certaines substances nocives pour la santé RDS : un label « bien-être animal » pour les plumes et duvet
Fair Wear Foundation : assure des conditions de travail décentes dans l’industrie textile… Alors on n’hésite pas à les repérer sur l’étiquette.
Des marques qui innovent
Voici une liste non exhaustive de marques qui développent des alternatives plus éco-responsables (labels, fabrication en Europe ou travail à partir de matières naturelles ou recyclées).
• Aerth : Matières européennes : naturelles ou recyclées, fabrication en Europe.
• Armed Angels : Matières naturelles ou recyclées. Brassières, leggings, shorts, etc. pour femmes.
• Azar Gang : Matières européennes dont tout une gamme en matières recyclées. Label Oeko-Tex.
• Chlore : Une gamme en matières recyclées. Label Oeko-Tex, fabrication en France. Maillots de natation pour femmes.
• Circle sportwear : Matières naturelles et/ou recyclées. Fabrication en Europe
Coureur du dimanche : Matières recyclées. Fabrication en France. Vêtements et accessoires de course à pied.
Dear Denier : Matières synthétiques recyclées. Pour femmes.
Francus : Matières naturelles ou recyclées. Vêtements de sport pour hommes.
• Gayaskin : Matières recyclées, teintures. Label Oeko-Tex. Fabrication en Europe. Pour femmes.
• Hopaal : Matières recyclées. Fabrication en Europe. Pour le hiking, le trail, etc.
• Jog & Jim : Matières naturelles. Fabrication en Europe
• Kaly Ora : Matières recyclées. Yoga et maillots de bain.
• Kitiwaké : Matières naturelles ou recyclées. Label Oeko-Tex. Yoga, pour femmes. Lagoped : Matières recyclées.
Les actives : Label Oeko-Tex. Tissus fabriqués en France. Jogging, tennis, yoga, etc. Pour femmes.
Moov360 : Matières recyclées. Label Oeko-Tex Fabrication en Europe. Marque belge pour course à pied, cyclisme, etc.
Nosc : Matières recyclées. Labels GOTS et Oeko-Tex.
• Ogarun : Matières naturelles (laine de mérinos). Pour le trek, la marche, etc.
• Patagonia : Matières naturelles ou recyclées.
• Mise en avant de la réparation des produits. Vêtements sportifs et techniques (randonnée/marche).
• Sensus : Matières biosourcées ou recyclées. Marque made in France sous précommandes. Running.
• Unrun : Matières naturelles ou recyclées. Label Oeko-Tex. Fabrication en Belgique. Running, pour femmes. Marque belge
• Veja : Matières recyclées. Chaussures de running.
Youmiwi : Vêtements en chanvre. Fabrication en France. Pour la course à pied.
Recyclage des balles de tennis en Wallonie — Source : bouncesports.co
Zero : Matières recyclées. Fabrication en France. Pour le basketball.
Où les trouver ? Chez We dress fair, Made Nature, J’achète belge, etc.
La seconde main
Comme pour l’équipement, on peut se tourner vers des magasins de seconde main pour trouver ses vêtements de sport. On trouve la liste des magasins plus haut.
Préserver la nature et la biodiversité dans sa pratique
De nombreux sports se pratiquent dans les milieux naturels. On pense à l’escalade en falaise, la randonnée, le trail, l’alpinisme, la course à pied, le ski, la plongée, le VTT, etc.
Le plein air et la nature ont beaucoup d’effets positifs sur nous, sportifs et sportives. Mais de plus en plus souvent, cela a potentiellement des répercussions négatives sur la faune et la flore qui nous entourent : piétinement, érosion, dérangement de la faune, dégradations accidentelles, pollutions plastique et sonore, etc.6 Des conséquences parfois difficiles à démontrer. Alors on prend soin de l’environnement et de la biodiversité pendant notre pratique sportive !
Quelques conseils globaux : on reste sur les chemins balisés et on évite les zones sauvages ou protégées afin de ne pas détruire la végétation et/ou déranger la faune. Si on voit des animaux sauvages, on ne s’approche pas et on évite de les nourrir. La Ligue de Protection des Oiseaux (France) propose des ressources pédagogiques en fonction du sport que l’on pratique (trail, ski de rando, VTT, etc.).
On constate une augmentation des mesures favorisant le respect de la biodiversité et c’est tant mieux ! Par exemple, pendant la période de nidification, certains secteurs d’escalade sont fermés aux grimpeurs et grimpeuses7 .
6 - « Le sport dans la nature : oui, mais… ! » Be biodiversity (2018)
7 - « Massifs ou secteur fermés : nidification en cours » Club Alpin Belge
Limiter la production de déchets
La pratique sportive génère souvent de nombreux déchets. Généralement conçu dans des matériaux complexes visant la performance, le matériel est malheureusement peu recyclé.
Le mot d’ordre ? Réduire ses déchets, trier et recycler. Certains sports émettent plus de déchets que d’autres, c’est notamment le cas du tennis, du badminton et du golf qui utilisent du matériel qui devient obsolète assez rapidement (balles et volants).
Alors on commence par où ? Voici quelques astuces pour réduire ses déchets au cours de sa pratique sportive.
Réparer quand c’est possible
On répare son sac de couchage, sa doudoune, sa raquette, on ressemèle ses chaussons d’escalade et ses chaussures de marche… Prolonger la vie de nos objets permet de diminuer ses impacts sur l’environnement. De plus en plus de marques s’engagent à offrir un service de réparation en ligne ou même des tutos de réparation pour ses équipements.
Se renseigner sur le recyclage de son matériel et de ses textiles
Trouver les infos concernant le recyclage des vêtements et le matériel de sport en Belgique n’est pas une mince affaire. Heureusement, les choses devraient bientôt changer. D’ici 2025, des filières de tri pour les chaussures et les textiles devraient voir le jour. En attendant, il existe des initiatives intéressantes.
• Des chaussures de course usagées ? Running Tilff à Liège les envoie en France chez RunCollect qui les recycle.
• Des chaussures de sport ou des vêtements trop abîmés ? Les magasins AS Adventure, Nike et Decathlon collaborent avec des filières de recyclage. On peut donc les déposer dans les « recycle box ».
• Des cordes d’escalade usées ? Le Sac de Nœuds en fait des bracelets, ceintures, porte- clés, etc.
• Les balles de tennis sont désormais récoltées en Belgique afin de les transformer en granulats afin de fabriquer des nouveaux terrains de sport par exemple8
8 - « Recyclage » Score
L’équipe des climatosportifs
— Source : Ecolosport
Des textiles sportifs abîmés ? Upcycling Champions (Bruxelles) utilise ces matières premières pour créer des objets du quotidien. This is FC88 (Pays-Bas) upcycle des maillots de sport en sacs, bobs, t-shirts, etc. Des pneus de vélo/chambres à air crevés ? Bicloo et la Vie est belt en font de l’upcycling pour en créer de la maroquinerie ou des accessoires vélo. Des initiatives de recyclage sont également en train de se développer par exemple avec Schwalbe (France).
Adopter des habitudes et du matériel « zéro déchet »
Utiliser une gourde ou des gobelets réutilisables lors de compétitions, ça peut réellement faire la différence. Par exemple, l’utilisation de gobelets réutilisables lors des 20 km de Bruxelles en 2023 aurait évité 7 tonnes de déchets sur la journée par rapport aux autres éditions9 !
Gels, boissons isotoniques, barres énergétiques… si on fait un sport d’endurance, on a parfois l’habitude de les utiliser. La bonne nouvelle, c’est qu’il est également possible d’en faire soi-même afin d’éviter les déchets générés. En bonus, on sait exactement ce qu’ils contiennent et la qualité de ce qu’il y a dedans.
Les initiatives « zéro déchet » sont parfois spécifiques au sport que l’on pratique. Par exemple, la start-up Bounce a créé des tubes de balles permettant de créer la pression nécessaire pour garder les balles intactes plus longtemps. On évite ainsi de les jeter trop rapidement.
Pour aller plus loin
Certain·es sportifs et sportives se lancent dans l’aventure « Climatosportifs », un collectif de professionnel·les, amateurs et amatrices qui essayent de diminuer l’impact de leurs pratiques sportives, notamment en signant une charte qui fait réfléchir sur le transport, l’alimentation, le matériel, etc.
Certaines personnes profitent même de leurs activités sportives pour faire des bonnes actions environnementales. On retrouve par exemple le plogging, un jogging ou l’on ramasse des déchets en chemin, qui est également décliné également sous format de marche.
Il est possible d’agir de mille et une façons ! On peut décider de s’engager et tenter de faire changer les choses dans son club par exemple. On partage ici des inspirations, sites et podcasts pour faire évoluer notre pratique sportive vers un monde plus durable.
• Fair play for the planet Ecolosport
• Vent debout
• Les articles d’Info Durable sur le sport
• Le magazine Sport et écologie d’Info Durable Le magazine spécial sport par l’Adème (agence de la transition écologique en France)
Le projet « Décarbonons le sport » de The Shift Project...
ELSA DERENNE — Écoconso
9 - « 20 Km de Bruxelles 2023 : des gobelets recyclables aux ravitaillements, 7 tonnes de déchets évités » L’avenir (2023)
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Le choix de Simon pour l‘escalade sur glace:
Simon Gietl est un grimpeur et un alpiniste passionné. Depuis qu‘il a 18 ans, il trace de nouvelles lignes dans le rocher et la glace. Son nouveau compagnon pour les voies exigeantes en mixte et en glace est le RAGE. Simon a été directement séduit par la prise en main et l‘adhérence exceptionnelle qu‘elle offre. Les pointes en acier du RAGE sont
remarquablement robustes et peuvent supporter de charges lourdes (8 kN). Grimpez comme Simon et préparezvous pour la prochaine saison d‘escalade sur glace !
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