Ardennes Alpes
#209 / 3ème trimestre 2021
Dans une situation critique, deux sortes d’imaginations peuvent survenir ; l’une est négative, c’est celle qui vous fait entrevoir les conséquences de ce qui peut se passer, l’autre est positive et centrée sur le présent immédiat et l’action. C’est alors de la création pure.
La peur est un sentiment bénéfique dans la mesure où elle donne la juste mesure du danger que l’on encoure ; elle est consciente. La panique ne l’est pas car elle résulte d’une inaptitude à mobiliser correctement son instinct de conservation ; elle est destructrice. La crainte, quant à elle, nous fait appréhender des évènements imaginaires ; elle est paralysante. Et l’inconscience alors ? À user avec modération. TEXTE DE JEAN BOURGEOIS MIS EN IMAGE PAR AUDREY CAUCHIE
édito
Across the Atlantic for another adventure in Greenland ! 2021
Un dossier « Hissez haut ! » pour une Fédération d’Alpinisme ? Et puis quoi encore ? !
Je vous laisse découvrir les autres articles de ce numéro.
Réfléchissons-y un peu…
On parle beaucoup des effets dus aux changements climatiques. Pour contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, pensez au covoiturage : covevent.be/fr/clubalpin-belge est la plateforme de covoiturage du Club Alpin Belge pour rejoindre les sites d’escalade, de rando, de slack et … la montagne ! Vous en saurez plus en visitant le site Internet de la Fédération.
De tout temps, la mer et les montagnes ont attiré les explorateurs. On utilise des cordes en mer et en montagne. Eh oui, finalement, pourquoi pas un dossier alliant la mer et la montagne ? Et il y a aussi la Mer de Glace, non1 ? Plusieurs de nos grimpeurs combinent l’océan et la roche dans leurs projets. Vous en découvrirez un peu plus sur ceux de Sébastien Berthe (El Capitan) et Sean Villanueva accompagné de Nicolas Favresse et Jean-Luc Wertz (Groenland) dans les pages qui suivent. Et pour compléter, une expédition scientifique (Glaciaris). Côté escalade de haut niveau, Sven Lempereur nous raconte son premier 9a. Une première fois qui compte ! Bravo, Sven !
Nous connaissons tous des personnes touchées par les inondations de juillet dernier. Parmi toutes les aides à apporter, notons l’action de solidarité « Propreté inondation » de l’ASBL Be Wapp. N’hésitez pas à participer individuellement ou avec votre cercle. Il est également possible de s’inscrire pour le Grand Nettoyage des 23, 24, 25 et 26 septembre.
La troisième édition du désormais célèbre CABaret, c’est le 25 septembre ! N’hésitez pas à venir y jeter un coup d’œil et plus si affinités. Toutes les infos figurent sur le site Internet de la Fédération.
Les conditions sanitaires évoluent, mais nous ne sommes pas encore débarrassés de ce virus dont on parle tant. Continuez à bien prendre soin de vous et des autres !
Quelques informations sur les rochers du Néviau : un vent nouveau y souffle !
DIDIER MARCHAL Président du CAB
1 - Lisez ou relisez « Le Port de la Mer de Glace », de Dominique Potard, aux Éditions Paulsen-Guérin.
page 3
LA VOIX DU NORD PAGE 6
DOSSIER
Hissez haut ! Parce que l'on utilise
Îles mystédes cordes en mer autant qu'en montagne rieuses de la Norvège; l’archiPAGE 10 20 pel des Lofoten est un coin de paradis pour la pêche et pour les attractions naturelles dont les aurores boréales, pour les randonnées ainsi que pour les petits villages hors du temps...
CAP SUR EL CAP
Sven Lempereur
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La première semaine d’octobre, c’est avec émotion que les marins du port Catalan de Torredembarra salueront le départ de la belle au bois dormant : le grandiose voilier « Samsara »...
LA VALLE DEI SOGNI PAGE 21
C'est le petit surnom de la vallée de San Lucano, située près du village d’Agordo, dans le sud des Dolomites. Cette vallée est entourée d’immenses parois, versant nord celles de l’Agner et côté sud les labyrinthes des Pale di San Lucano.
UN VENT NOUVEAU SOUFFLE SUR LE NÉVIAU ! PAGE 32
Pour un grand nombre « d’anciens grimpeurs », les rochers du Néviau à Dave étaient un haut lieu de l’escalade belge. Début des années 80, certaines voies étaient mythiques par leur aspect engagé et très aérien.
Adri Martinez_Ceuse © 2021
Sommaire 5
Mon premier 9A
6
La voix du nord
DOSSIER : Hissez haut ! 10 Cap sur El Cap 18 Across the Atlantic 19 Expédition Glacialis 21
La valle dei sogni
25 La Pierra Menta 28 Solius, Gelida, y otras curiosidades. 32
Un vent nouveau souffle sur le Néviau !
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Orage
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Arco Iris
39 Cyril Lapka, ouvreur 42 À la recherche des coins perdus 45 Le bel été de l'escalade de haut niveau 48 Lire
Ardennes & Alpes — n°209
Mon premier 9A SVEN LEMPEREUR Après la défaite de la Belgique contre l’Italie à cet Euro de football, je décide de remplir la voiture et de partir pour la France avec ma petite Citroën C3. Direction Ceuse pour un mois durant lequel je comptais bien réaliser mon premier 9a. Comme d’habitude, je n’ai pas choisi la facilité : une falaise de près de 2000 m d’altitude avec une heure de marche d’approche et 1000 m de dénivelé. Durant les premiers jours du périple, j’avais peur de me sentir seul en falaise et sous ma petite tente, mais finalement, le fait d’être seul m’a, au contraire, amené à faire énormément de rencontres très diversifiées. Au niveau grimpe, tout est au beau fixe, car je fais directement tous les mouvements de la voie. Les jours de repos étaient bien planifiés : exercice de force pour les doigts, étirements et course à pied. Restant un mois sur cette falaise, j’ai vite décidé de me fixer des objectifs intermédiaires en séparant la voie en trois parties. La première se compose de gros mouvements physiques avec une grosse composante de tenue de prise. La particularité de la deuxième est qu’elle se termine par un mouvement dynamique dans un trou qu’on ne voit pas très bien. La troisième est un mouvement où il faut tenir un bi-doigt qui n’est pas accueillant pour les personnes avec de grosses saucisses au bout des doigts comme les miens. Après avoir enchaîné la voie avec deux stops puis avec un stop (après avoir décomposé la voie en prenant des pauses/repos entre les sections), je décide de mettre des runs du bas. Après trois jours, je tombe déjà au dernier mouvement de cette deuxième section. À ce moment-là, je me dis que l’enchaînement est proche. Force est de constater que je me suis bien trompé. Après une progression linéaire, le rocher très abrasif me charcute tellement la peau que mon cerveau ne peut plus inhiber la douleur. C’est à
ce moment-là que tous les événements se sont enchaînés : une peau détruite, de la fatigue due à la marche d’approche, la frustration de ne plus progresser, etc. Car imaginez-vous, faire tous les jours une heure de marche d’approche, mettre trois essais en redescendant avec les doigts en sang, tomber plus de 20 fois par fatigue à juste essayer de viser un trou, tomber et refaire dix fois le mouvement d’affilée, redescendre à 22 h, manger, puis aller dormir et recommencer le lendemain. Après 20 jours dans la voie, me voilà au pied de celle-ci, complètement abattu. J’étais encore tombé deux fois lors de ce foutu mouvement de visé. Je n’avais qu’une seule envie : redescendre mes affaires et rentrer en Belgique. Après une heure, la tête dans la main, je me dis : « O.K., cette voie va être un combat mental et pas un combat physique, alors retournes-y ». Je me reconcentre et remets un run où je tombe tout en haut après toutes les difficultés de la voie. Ça aurait pu être une désillusion de tomber là, mais après tant de galères, j’ai le sourire, la machine est relancée. Après le jour de repos, je retombe encore deux fois dans cette voie, mais maintenant j’en ai compris la philosophie. Ça sera à celui qui aura le niveau physique, mais surtout, qui aura un mental d’acier. Alors, me voilà à refaire mon exercice de respiration pour me mettre dans mon mood mental idéal et repartir dans la voie. Pour tout avouer, je ne me souviens pas de toute la première partie de la voie. Je suis suspendu au bac final, tous les gens au pied de la falaise m’encouragent et je clippe le relais, je crie, je reprends ma respiration et je crie de nouveau. Toute cette pression retombe, tout ce stress. Ce périple d’un mois m’aura appris énormément et surtout apporté cette réussite qui me rend fier après quatre années pas évidentes. J’en ressors plus motivé que jamais, avec l’envie de repousser les barrières mentales toujours plus loin, mais aussi les limites physiques. Prochain projet à suivre…
Je tiens à remercier l’ensemble des Belges qui sont passés à Ceuse et qui m’ont supporté dans ce processus. Merci aussi à Antoine Kauffmann et au reste des gens qui m’aident dans ma progression (Xavier, Élodie…), pour l’ensemble du travail réalisé cette année et enfin merci à SEEONEE pour leur soutien.
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Laetitia
La voix du nord MARIE SPIES Îles mystérieuses de la Norvège; l’archipel des Lofoten est un coin de paradis pour la pêche et pour les attractions naturelles dont les aurores boréales, pour les randonnées ainsi que pour les petits villages hors du temps, comme montés sur l’eau ou suspendus aux flancs de montagnes majestueuses.
Le projet d’un petit groupe constitué autour de Pierre Dewit est d’explorer la partie méridionale des îles au travers de l’ascension de quelques sommets en mode alpinisme à technicité simple et modérée. Pierre, Bruno, Laetitia, Rachida, Frédéric, Colette, Mélissa, Marie… Nous ne sommes pas un petit groupe réellement homogène, ni dans sa manière de s’exprimer, ni dans les capacités physiques de chacun, mais c’est ce qui fait notre richesse. Chacun a quelque chose à montrer à l’autre. Mais une chose certaine semble nous lier tous, c’est l’émerveillement. Il y a en chacun de nous ce souhait non révélé mais perceptible à la fois de dépasser quelque chose; de s’ouvrir à plus grand, à plus beau. Pour page 6
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Lesenfan
certains, ça en restera à quelque chose de très personnel, pour d’autres, ça se manifestera très clairement dans et par le groupe. On s’approche, on s’interpelle, on se taquine, on joue, on rit, on prend nos marques dans la montagne. Les cordées se forment. Tout ça dans le courant de février 2019 lors d’un week-end « prise de sensations »… Mouvements, expressions, manifestations de Vie. C’est un subtil équilibre entre lâcher et prendre… Lâcher : son caractère et ses attentes pour la cohérence et la cohésion du groupe. Prendre : sa place, ses responsabilités, assumer ses besoins, ses envies pour être cohérent avec soi. Une valse entre le Je, le Nous, le Rien, le Tout. 6 semaines s’écoulent encore et c’est le grand départ. Bodo, dans le nord de la Norvège est une halte. L’occasion de nous balader un peu, de nous imprégner d’un autre air. Je sens la pureté. Pas de neige. Le climat est même franchement chaud ! 2° C. Le Hundholmen Bar pose l’équipe le soir. Un peu notre QG. Magnifique et somptueux dans son aménagement, ses produits artisanaux, ses bières, la chaleur de son atmosphère, nos bavardages et nos fous-rires.
Dimanche C’est la traversée… 3 h de ferry. Je sens qu’on s’enfonce un peu plus vers l’Essentiel. Les banquettes aux premières loges sont les nôtres. Laisser sur le continent certaines histoires…
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Laisser autre chose se dévoiler. À l’horizon… Rien. Le mouvement des vagues me berce. Intentionnellement, j’ai choisi de mettre mon corps dans son axe, à ce point d’équilibre où depuis mon assise je ne peux plus que « aller avec »… Balancement… Progressivement, mon regard est absorbé par ces formes grises, blanches, qui sur la ligne de fond apparaissent… Je me défais un
Nous sommes engagés dans une longue journée et, à ce moment-là, personne ne sait encore ce qu’il en sera… La montre nous donnera 13 h de course, 29 km, avec un cumul positif de 1 900 m. Le Stovla d’accès par l’arrière s’avère difficile avec l’équipement qui est le nôtre pour ce voyage. Changement de programme au bout de quelques heures de marche à crampons. Nous ascensionnerons l’Hermannsdalstinden à 1 029 m.
Je sens qu’on s’enfonce un peu plus vers l’Essentiel.
Un instant le doute me traverse. Je comprends que je serai dans le rouge compte tenu de la longueur de la route de retour et du fait que nous sommes encore suffisamment loin de ce sommet. Je comprends, je sais et je choisi. Je choisis le dépassement de moi. Pour moi, pour la beauté révélée, pour l’équipe, par l’équipe. 3 cordées, dans lesquelles je remercie chacun pour sa patience, sa vigilance, sa bienveillance, son écoute et son respect.
bon moment. Indescriptible splendeur. Ça bouge et rien ne bouge. Sentiment d’infini…
Si le sommet est à 1 029 m, nous sommes arrêtés pourtant à mon avis à 1 010 m. Une fois encore, le matériel de chacun n’est pas adapté à cette couche de glace qui couvre les derniers cailloux.
Amarrage. Sur cette autre rive… 1 h de marche. L’un derrière l’autre, sur le bord de la route nous atteignons A°. Typique petit village de pêche. Encore une fois, là, rien ou presque rien… en ces quelques jours sur place, à part nous, je n’y croiserai personne.
Par la fenêtre de l’auberge, les couleurs défilent, les nuages se succèdent et alternent avec le soleil… Toutes ces saisons en une journée… Nous avons pris place. Demain, première ascension.
Laetitia Lesenfants © 2019
Majestueuse montagne, au flanc de laquelle s’adossent des petites maisonnées, rouges, blanches, parfois jaunes, presque toutes construites sur tiges en bois. Elles se tiennent, se soutiennent…
C’est tout le monde ou personne. Instant de déception pour certains. Il s’agit pourtant d’accueillir ce qui est là, pour nous, face à nous, au-delà de la petite croix dans le palmarès.
Lundi Rachida ne vient pas n’ayant pas fermé l’œil de la nuit. Nous laissons l’auberge pour le Stovla. Il a neigé quelque peu et quelques flocons encore se répandent… C’est presque un cadeau cette blancheur jusqu’à la mer en fin de nuit. Magique ambiance feutrée et sérieuse. Quelque chose d’imposant et de doux à la fois. Le rythme est donné. À 7, nous sommes engagés.
Page précédente : Vers l'Agskaret après une traversée à 45° Ci-dessus : Ambiance rose, la vue des matins et des soirs depuis l'auberge page 7
Le point culminant… en tout cas presque… Du blanc, du bleu, du gris, les plans et arrièreplans se superposent. Immensité. Lumière filtrante, venue de nulle part. Hormis nous, le Tout. Réjouissons-nous.
L’équipe est au complet aujourd’hui. On se remet dans le corps et le mouvement, en douceur, ça respire…
La descente se fait sans encombre, retraversée du lac en contre-bas sur les traces que notre passage a laissées à l’aller. Le sillage est tout tracé jusqu’à la route, mais ça n’aide pourtant pas à avancer. Les quelques dernières montées de retour se sentent dans le corps de chacun, mais en fin de compte, ces instants où le corps trinque un peu sont dérisoires par rapport à l’empreinte laissée sur nos âmes de tant de beauté.
Les sensations sont bonnes pour chacun. L’équipe ne fait qu’une bouchée de ces hors d’œuvres et nous sommes de retour à l’auberge en début d’après-midi, riches de Lumières plus variées les unes que les autres et d’horizons qui nous remplissent d’immensité.
Demain sera plus doux. Le soir tombé, la plupart dort déjà. Infime couleur verte dans un ciel étoilé… Nous ne sommes plus tout à fait dans la saison, mais ce petit éclat nous témoigne simplement encore de la magie de l’endroit.
Vue depuis l'Hermannsdalstinden
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Mardi
3 petits sommets en enfilade : le Kollfjellet, le Kjollen et le Merraflestinden.
Une après-midi et soirée pour soi. Lire, encore se promener, contempler, photographier, écrire, échanger, partager, communiquer, rire…
Mercredi C’est moi qui ne pars pas en course, j’avais choisi cette matinée pour plonger dans le silence au sein de ce joyau de nature à l’état sauvage. Le soleil est présent et l’ambiance de ce rayonnement dans la pièce au petit déjeuner laisse pressentir une journée encore de qualité. À 7, ils ascensionnent le Tinddalstinden, avalé encore tout cru par une équipe en forme. À 12 h, la
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[...] Ces instants où le corps trinque un peu sont dérisoires par rapport à l’empreinte laissée sur nos âmes de tant de beauté. course est bouclée, avec un goût de trop peu pour certains. Enchainer un petit 20 km aller-retour sur la route asphaltée pour Reine par cette belle après-midi enchante chacun. L’âme en joie de ma matinée à la mer, je prends place à la virée ; c’est Pierre ici qui choisit de partir seul en repérage pour la course du lendemain.
Laetitia Lesenfants © 2019
Des paysages qui défilent et se succèdent. Un temps d’introspection pour certains. Je sens ce point un peu charnière au-delà du milieu de cette aventure où je mesure qu’il faudra la quitter. Je ne sens pas d’émotions, c’est juste un constat, l’occasion de sentir et d’observer ce dans quoi chacun est. Ce dans quoi je suis. Et laisser être. Majestueuse Reine, ville où la montagne se miroite à la perfection dans ce bras de mer. « Tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ». Équilibre. Vulnérable équilibre, qu’une brise de vent frais peut suffire à venir troubler.
Jeudi La montagne choisie par Pierre la veille pour la dernière course de ce voyage se trouve juste derrière où nous logeons. Contourner ce grand lac qui a amorcé son dégel, enjamber les cailloux recouverts de mousse verte et glissante, nous faufiler entre les arbres… Il fait couvert ce matin à l’aube et ça accentue le charme presque mystique de ce dernier jour d’exploration en équipe. Nous cramponnons et nous nous encordons 2 h plus tard pour une traversée en neige à 45° avant d’atteindre l’arrête. À 8 h 18, nous sommes au sommet de l’Agskaret. De chaque côté en bas, l’eau . Sous nos pieds, presque rien. En haut, le ciel. Savourer… l’innommable.
Sur le retour près du lac, je replonge dans cet univers magique et fantasmagorique. En capter quelques images en solo. Rentrer, c’est retrouver le groupe. Apéro, musique, rikiki, repas maison, humour, partages,… presque le train-train des fins de journée ensemble. Bonheur. Simple. Chacun refait son sac pourtant, demain nous fermerons la porte.
Vendredi À 6 h tout est propre. Pas de trace de notre passage ici. Tout ce qui s’est vécu, chacun le porte en soi. À peine franchi le seuil de la porte, il se met à pleuvoir. 1 h de marche jusqu’à embarquer sur le ferry. Les gouttes ruissèlent sur mon visage découvert et ma goretex. Cette pluie est une bénédiction. Indéniablement elle m’aide à partir, à sentir sans regrets ni tristesse que tout ce qui se donnait à vivre ici a pu l’être. J’observe la Lumière sur le continent au loin. Cette Lumière vers laquelle je m’en retourne avec mes compagnons d’aventure tandis qu’ici le ciel semble triste. Cette Lumière qui façonne chacune de mes journées ici sur Terre. Voir, écouter, nous relier… Juste ça… Riches dans nos cœurs nous sommes. Traversée tranquille. Assez silencieuse pour chacun, avant de reposer nos affaires dans ce lieu par lequel nous avons transité à l’aller. Bodo. C’est joyeux que nous nous en retournons au Hundholmen Bar en fin de journée. Enchainer les parties de shuffleboard, se prendre au jeu, rire et même danser ! Un groupe de musiciens irlandais se produit ce soir-là. Impossible de ne pas laisser cette musique me transporter… ce sera communicatif. La Joie s’exprime toujours et nous voilà tous à danser, à faire danser. Remercier et partager ce Feu qui nous anime. Parce que, au final, c’est la seule chose que nous possédons réellement… « Nous sommes nés pour la simple joie de nous sentir pleinement vivants » a dit Thomas d’Ansembourg.
Samedi Quelques heures à dormir et nous en retourner… simplement… une histoire d’aurevoir.
MARIE SPIES
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Auteur © An née
Cap sur D O S S I E R H I S S E Z H A U T !
Naufrage en terre Yosemitique ! SÉBASTIEN BERTHE
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El Cap La première semaine d’octobre, c’est avec émotion que les marins du port Catalan de Torredembarra salueront le départ de la belle au bois dormant : le grandiose voilier « Samsara » resté
à quai durant les 10 dernières années. Ses princes ? Notre équipe hétéroclite aux passions et talents divers qui se croisent tous derrière la même envie, la même piqûre : l’aventure. page 11
Illustrations Jean-Elie Lugon ©
Alors qu’il a un an, je me retrouve catapulté dans ma carrière de grimpeur pro grâce à mes escalades dans mon endroit de prédilection, le magnifique parc du Yosemite, je tentais depuis de contenir mon envie d’y remettre les pieds. En effet, suite à ma volonté de réduire mon empreinte écologique, j’ai décidé de ne plus avoir recours au transport aérien. C’est lors d’une agréable soirée automnale, mes amis entourant un feu crépitant, que je fais la blague qui va changer nos vies : « Est-ce qu’on n’irait pas au Yose en bateau ? ». Chacun rigole et s’imagine, y va de son petit commentaire rêveur. Le feu s’éteint, mais l’idée devient braise. Cette blague est différente des autres ; car je l’ai adressée à des personnes assez folles pour la considérer comme possible. Nous voici donc, huit mois plus tard, en plein préparatifs et plus de doutes à l’horizon. Un à un, les problèmes se résolvent, les défis sont relevés, l’excitation monte… Il semblerait que rien ne va nous arrêter ! Au programme : une traversée de l’Atlantique aller-retour à 8 sur un bateau alu de 51 pieds (15 m) du nom de Samsara, un road-trip de plusieurs mois aux États-Unis grâce à un bus scolaire réaménagé, des aventures verticales sur des parois gigantesques ! Mais pourquoi cette idée, à la différence des dizaines d’autres qui traversent nos têtes, va-elle devenir réelle ? Eh bien parce qu’elle est belle et que, en y réfléchissant, elle n’est pas si absurde :
• À l’heure de la remontée imminente des océans, quoi de mieux qu’une aventure à flots, à bord d’un navire ?
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• À l’aube d’une crise environnementale sans précédent, quoi de mieux qu’une expédition verte et responsable ? • À l’heure où la mondialisation a rendu accessible en un clin d’œil toutes les ressources et régions de la planète, quoi de plus beau que de rendre inaccessible la paroi la plus accessible du monde ? Grimpeurs‑consommateurs‑globe‑trotteurs, reconnaissons que l’aventure assis dans un avion a perdu de sa saveur !
« L’Atlantique ? ! C’est pas la mer à boire pour grimper sur les plus beaux cailloux du monde ! » Les protagonistes : moussaillons, pirates ou marins d’eau douce ! Dans notre équipe, composée de grimpeurs de haut et de très haut niveau, de photographes ou encore d’un marin aguerri, chaque membre est irremplaçable, indispensable et unique. Bien plus qu’une addition d’individus, nous sommes un collectif enflammé qui vit au rythme des rires, de l’affection, de la solidarité… et encore des rires. Ciment de cette aventure, notre profonde amitié garantit une réussite certaine : celle d’une ambiance folle, d’idées disjonctées et d’initiatives productives ou loufoques.
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Page précédente : La vallée du Yose 1
Jean-Elie Lugon, rêveur pris en flagrant délit
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Baptiste Verdin guitare à la main lors d'une journée de repos
Antarctique, épicurien notable, amateur de bonne cuisine, de calcaire compact et d’aventures en tout genre, compagnon de tous les instants, patient, à l’écoute et joyeux.
Soline Kentzel 1
Celui qui porte ce crayon, et qui a l’air heureux et rêveur, c’est le Suisse de la bande. Guide de haute montagne de profession, il se définit avant tout comme un amoureux de liberté et de grands espaces. Quoi de mieux qu’être en plein air, en bivouac autour d’un feu ou en pleine paroi ?
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BIM, une chute ! BAM, encore une, plus longue cette fois ! Elle tombe, tombe, et retombe encore… 30 m au-dessus du sol, dans la nuit noire, on ne distingue plus que sa frontale qui avance et recule Julia Cassou ©
Une odeur de café emplit le camion, la mine d’un crayon parcourt une feuille vierge. Les traits sont rapides et précis : des personnages, un bateau et de grandes parois apparaissent sur ce morceau de papier. C’est un rêve qui se dessine !
Julia Cassou ©
Jean-Elie Lugon
Ni manuel ni intellectuel, il est plutôt l’artiste, l’amateur de l’esthétique des choses. L’escalade, que ce soit par la gestuelle imposée ou la beauté naturelle d’une ligne, est, de fait, une démarche aussi artistique que sportive.
Baptiste Verdin
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Julia Cassou ©
Grimpeur passionné depuis une quinzaine d’années, son expérience du domaine vertical est immense. Des couennes du Valais au bigwall vierge de l’Himalaya, en passant par la face nord de l’Eiger, il a passé la moitié de sa vie à traîner sa bosse à la recherche de pur challenge à réaliser.
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3 Soline Kentzel dans son premier 8b+ cet hiver en Espagne
Couvreur-cordiste de formation, couteau suisse d’origine belge ayant travaillé plusieurs années à la station Princesse Elisabeth en
Julia Cassou ©
Magnifique clairière, au pied d’une falaise ; près d’un tabouret, des débris de bois s’accumulent. Des copeaux virevoltent, et virevoltent encore. Au rythme des mouvements précis d’une lame aiguisée, des formes commencent à apparaître sur ce vulgaire bout de bois. Dans ce morceau de cade se cachait une magnifique cuillère, et cette cuillère n’attendait qu’un homme doué de ses mains et patient pour la révéler au grand jour. Il s’agit-là de la troisième de la journée, chacune entrecoupée d’interludes musicaux à la guitare. Une chose est sûre : aujourd’hui, Baptiste est en journée de repos !
8 Capitaine Maud à l'aise à terre comme en mer
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Jan Novak ©
sur la falaise au rythme de ses chutes et avancées. Tous, sauf elle, le savent : dans cette voie, elle n’a aucune chance ! Tous, sauf elle, se sont arrêtés pour la journée. On pourrait la croire fatiguée, en détresse ou découragée, mais tout dans le son de sa voix, de ses cris et ses rires, semble indiquer le contraire : elle kiffe ! Cette voie, elle finira par l’enchainer, c’est sûr… Soline, c’est la gonzesse pas vraiment coquette, la cadette, l’étudiante en Sciences humaines, rédactrice à Grimper magazine et surtout leur petit poulain… Du haut de sa vingtaine fraîchement entamée, tout lui semble possible et le monde rempli de défis, aussi fous soient-ils. Désinvolte, aventureuse, joyeuse et surtout ambitieuse, ses cojones sont souvent bien plus grosses que ses capacités réelles objectives.
4 Julia Cassou douée aussi de l'autre côté de l'appareil
Alexandre Eggermont ©
Julia Cassou
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Le soleil se couche, une brise de vent secoue une feuille sur laquelle la pluie, une heure plus tôt, a déposé de délicates gouttelettes en parfait équilibre. Poursuivant sa descente, le soleil rase la terre et sa lumière rougeoyante perce tout à coup la végétation et habille l’ensemble d’un délicat équilibre d’or. CLAC, CLAC, « Allez Julia, grouille toi, qu’est ce que tu fais encore le nez fourré dans les buissons ? On rentre on a faim ! » Ils ne comprennent pas… Ce n’est pas grave, elle leur montrera… Julia, deuxième « gonzesse » de l’équipe est la photographe du navire. Sagittaire ascendant sagittaire c’est le rêve et les passions qui l’animent. Il y a deux ans, elle a tout quitté pour se lancer dans une aventure folle et retourner à ses premiers amours : la photographie et les parois à écumer. Boulimique d’aventures verticales en tout genre, elle mixe toutes les pratiques : alpinisme, cascade de glace, grande voie, bloc, escalade sportive. Revendicatrice, elle a foi en un monde meilleur et veut incarner la vision utopique qu’elle prône !
Clovis Roubeix
Sébastien Berthe dans le Nose lors de mon précédent voyage au Yosemite 6
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Au pied du Ventoux, sur la petite falaise de St-Léger où habituellement le calme règne, des cris en tous genres retentissent ! Des cris ? Non, une cacophonie ! C’est sûr, Clovis est à la falaise. Aigus quand il a peur, grave quand il faut forcer, des mots pour s’encourager ou se concentrer, ses
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cris provoquent des sourires sur les visages de son assureur et des quelques spectateurs présents. Personnage unique, intègre et passionné d’escalade depuis 7 ans, il est le végan et le plus engagé de l’équipe. À l’aise dans le 8c penché et moins penché, il est grand temps pour lui de s’attaquer aux dalles de granite.
Loïc Morize (Co-Capitaine n°1)
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Novembre 2019, la nuit tombe sur El Capitan, perchés sur leur portaledge à 700 m de haut, deux grimpeurs américains prennent l’apéro après leur longue journée de grimpe. Ils sont seuls au milieu d’un océan de granite et rien ne semble perturber leur solitude. Soudain, quelqu’un apparaît à quelques mètres dans la pénombre : il porte un collant rose troué, du sang coule de son genou et de son coude, sa frontale semble manquer de batterie… Haletant, le regard déterminé, de la sueur coule sur son front. Il semble surgir d’un autre monde. Il s’arrête quelques secondes, boit une gorgée d’eau, échange quelques courtoisies avec les deux grimpeurs surpris, crie deux mots en français à son assureur qui se trouve 30 m plus bas, puis reprend son escalade, rapide et efficace, dans l’un des passages les plus durs de la voie. Assis dans leur portaledge, éberlués, les deux Américains suivent attentivement l’ascension des yeux. Une vingtaine de minutes plus tard, le mec en collant et son partenaire avaient disparu vers le sommet, avalés par la nuit.
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Un petit voilier voguant de fjord en fjord sur la côte norvégienne, une joviale mélodie de flûte fait écho : c’est l’intrépide capitaine Loïc qui espère voir s’attrouper des hordes de maquereaux autour de son bateau ! Bio-ingénieur de formation, le challenge avec Loïc, c’est de trouver quelque chose qu’il ne sait
Julia Cassou ©
Seb Berthe
consommer et de penser, prouver que haut-niveau et respect de l’environnement sont compatibles, …
5 Clovis Roubeix suspendus dans son domaine de prédilection le devers
Sur son compte Instagram, l’un des deux Américains qualifiera plus tard ce spectacle de « one of the most impressive things I’ve ever seen in climbing ». Ce mec en collant, c’est bien Seb lors de son ascension en deux jours de « El Corazon », l’une des voies les plus dures et engagées d’El Capitan au Yosemite. Loubard, pirate, guerrier, grimpeur mû par une quête insatiable de performances, il est le chef d’orchestre de ce projet. Master en Education Physique à l’université de Louvain, entraîneur et coach de l’équipe nationale, ouvreur en compétitions, plusieurs fois champion de Belgique, Seb est un véritable passionné qui est prêt à tout pour repousser ses limites et celles de son sport. Végétarien et soucieux de son impact environnemental depuis de nombreuses années, il a désormais l’ambition de poser des actions concrètes sur ses valeurs : promouvoir d’autres façons de vivre, de
Comment suivre notre aventure ? De cette histoire, paraîtra un film long-métrage produit par Solidream (une petite production française de film d’aventure), mais vous pourrez également suivre notre voyage en direct via nos réseaux sociaux ou au travers de nos régulières newsletters et articles (notamment dans Grimper magazine ou Ardennes et Alpes).
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Julia Cassou ©
7 Capitaine Loic, attentif, à la barre de son bateau lors de son voyage en solitaire dans le grand nord
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pas faire, ou qu’il n’a pas déjà fait. Piloté par son désir de comprendre, notre Loïc brille par sa perspicacité et son ingéniosité. Il apprend vite. En expédition, sa lucidité lui permet de garder la tête froide et de prendre la bonne décision, peu importe la situation. Mi-Français et mi-Flamand, en voilà un cocktail détonnant ! De cette union remarquable résulte un humour bien singulier.
de cailloux, de chats, de dancefloor endiablés et de croquettes lubrifiées à l’huile d’olive bio, il est aussi excellent joueur de attrape-moi-oumon-bâton-si-tu-peux. En vélo ou en bateau, une chose est sure : Kroux est prêt à tout pour suivre, dans la bonne humeur, son maître jusqu’au bout du monde.
Véritable enthousiaste de la fissure, notre capitaine entreprend régulièrement d’aller se coincer les mains dans le plafond d’une gare bruxelloise, entre deux dalles de béton, équipé de gants faits maison bien sûr !
D’avance merci à tous nos partenaires, dont le Club Alpin Belge, Escal’pades et Petzl Benelux, de croire en ce projet et de nous aider à en faire une réalité !
Maud de Hemptinne (Co-capitaine n°2)
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SÉBASTIEN BERTHE
Autour d’un feu quelque part en Europe, au milieu d’un groupe hétéroclite, un rire communicatif retentit, c’est Maud ! Du haut de son 1 m 80 sa bonne humeur est aussi contagieuse que la COVID dans un espace clos pas aéré. À peine de retour dans son pays natal, après avoir sillonné l’Europe pendant plus de 3 ans pour se spécialiser en ingénierie/innovation alimentaire et avoir crapahuté sur tous les rochers de Campanie en Italie, la voilà déjà prête à repartir à la découverte du monde.
Dernier nœud dans nos préparatifs : obtenir nos Visa pour les US. Encore une fois, si vous êtes expert en la matière et que vous avez des idées, contacts à l’ambassade ou encore envie de nous aider, merci de nous contacter !
Capitaine Kroux à l'assurage
Polyglotte et sociable, elle est à l’aise partout et avec tout le monde. Prête à aider le monde et son prochain, elle laisse de côté son boulot pour l’ONU, où elle œuvre à trouver des solutions innovantes pour éradiquer la faim dans le monde, afin de rejoindre l’aventure et de faire filer Samsara droit. Tombée dans la mer étant petite, elle grandit clopinant sur des bateaux. Une grande passion pour le monde (sous-)marin en a découlé.
Capitaine Kroux (une boule de poils pas comme les autres)
Du haut de ses deux ans, ce jeune croisé Border Collie – Golden Retriever semble déjà avoir tout vécu : d’un voyage en vélo à travers les alpes, à une vie de bohême en camion, en passant les séances bronzage au pied de tous les plus beaux spots de grimpe ! Amateur de morceaux de bois,
Julia Cassou ©
Des aboiements… Rauques d’abord, aigus ensuite… Kroux est chaud : il veut venir avec, qu’on ne le laisse au pied de ce ressaut rocheux. Dans ces yeux, on peut lire « Ne m’abandonne pas ! », dans ses jappements on entend « Moi aussi je sais faire de la via-ferrata ». Soit, allons-y ! harnaché comme il se doit, voilà que cette boule aux poils brillants s’élance dans sa première via-ferrata, toutes griffes dehors !
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D O S S I E R H I S S E Z H A U T !
Across the Atlantic For another adventure in Greenland ! MARIE PIERRET Ils sont partis le 5 juillet de Brest sur le KamaK avec pour objectif le Groenland. Nos joyeux acolytes Sean Villanueva O’Driscoll, Nico Favresse et Jean Louis Wertz (photographe) ont d’abord réalisé un petit détour par l’Écosse pour récupérer le capitaine révérend Bob Shepton, le conseiller en glaces maritimes âgé de 86 ans maintenant. Aleksej Jaruta, un jeune grimpeur suédois, fait aussi partie de l’équipage.
Une fois au Groenland, après avoir fait un peu d’exploration avec le bateau le long des fjords, ils seront déposés pour grimper des gros murs vierges et y resteront environ un mois et demi en autonomie complète. Ils utiliseront des kayaks pour pouvoir passer d’un objectif d’escalade à un autre.
Voici leur premier message reçu début juillet : « Bonjour à tous ! Nous venons de passer les 3 derniers jours à charger du matériel et de la nourriture dans Kamak (notre camp de base flottant pour les 3 prochains mois). Notre support d’escalade minimaliste comprend 7 flûtes, 2 guitares, 2 harmonicas, une cornemuse et une mandoline. On espère vraiment que les grands murs du Groenland pourront gérer tout ce son ! Nous quittons ce soir la rade de Paimpol (Bretagne, France) pour traverser la Manche puis longer la côte ouest de l’Irlande pour finalement nous diriger tout droit vers l’est du Groenland. Si tout se passe bien, nous devrions rencontrer quelques tempêtes, vomir par-dessus bord et enfin arriver au Groenland dans environ deux semaines. All the best ! »
Les dernières nouvelles (début août) : « Salutations du Groenland ! Après 13 jours sur notre luxueux navire de croisière, nous commençons à nous habituer à la grande vie. Nous avons tout de même réussi à nous prendre quelques vagues en plein visage, à servir de bons petits plats aux poissons et à jouer quelques airs au rythme de quelques orages. Au milieu d’une brume dense, nous avons rencontré notre premier glaçon à environ 100 km au large des côtes groenlandaises. Des phoques et une baleine nous ont accueillis alors que nous voyions le sommet des montagnes enneigées émerger de la brume. Nous l’avons fait ! Quelles sensations de fouler la terre ferme après 13 jours en mer ! Le monde ici est beau. Il ne s’agit principalement que de glace, de roches et d’eau. L’exploration des fjords a été très difficile avec une tonne de glace forçant Kamak à faire preuve de grandes compétences en brise-glace afin d’amener notre mode de vie luxueux toujours un peu plus loin. Nous avons trouvé d’excellents spots de baignade et quelques murs que nous soupçonnons d’avoir une acoustique décente. Alors que Kamak poursuivra son voyage le long de la côte du Groenland, nous nous préparons maintenant à retourner sur la terre ferme avec tous nos instruments de musique, notre équipement d’escalade, nos kayaks et notre nourriture pour durer un moment. À suivre… » Sean Villanueva O’Driscoll, Nico Favresse et Jean-Louis Wertz interprètent l’hymne du Club Alpin Belge en hissant le drapeau pour une nouvelle aventure vers le Groenland !
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Swenn
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D O S S I E R H I S S E Z H A U T !
Expédition Glacialis Une aventure scientifique en arctique RICHARD MARDENS Cela fait une semaine que je suis arrivé sur le bateau Atlas à Praia de Vitória aux Açores. Il nous aura fallu un an et beaucoup de travail pour partir d’une idée et être enfin tous réunis, prêts à hisser les voiles pour étudier les baleines dans la mer de Baffin proche du Groenland.
De gauche à droite : Arnaud Conne (capitaine, photographe et fondateur d’Atlas expédition), Virginie Wys (biologiste), Chicha (chat polaire et co-pilote), Richard Mardens (biologiste, photographe et caméraman), Matthew Ryle (biochimiste), Matthieu Marzelière (technicien en environnement), Laurence Tremblay (biologiste)
Cela fait une semaine que je suis arrivé sur le bateau Atlas à Praia de Vitória aux Açores. Il nous aura fallu un an et beaucoup de travail pour partir d’une idée et être enfin tous réunis, prêts à hisser les voiles pour étudier les baleines dans la mer de Baffin proche du Groenland. L’idée de base qui nous a tous rassemblés est d’accroître la connaissance des mammifères marins et leur habitat dans les régions reculées. Les changements climatiques et la fonte des glaces entraînent des modifications importantes des régions polaires et offrent l’opportunité à l’Homme de créer de nouvelles routes maritimes, d’élargir les zones d’exploration pétrolière, minière et de pêche. Outre la pollution plastique déjà présente dans une grande partie du globe, les nouvelles activités humaines pourraient avoir des impacts négatifs sur la biodiversité de ces milieux. On peut citer de façon non exhaustive : la fragmentation page 19
Richard Mardens ©
Richard Mardens ©
En haut : Dauphin de Risso
ou la perte d’habitat, la pollution sonore et les risques de déversements pétroliers. Les baleines, pour être général, sont des animaux encore relativement méconnus. Que ce soit d’un point de vue écologique, comportemental ou migratoire, ces espèces nous cachent encore bien des secrets, bien qu’elles soient de véritables indicateurs de la santé des mers et des océans. C'est à la suite de ce constat que l’expédition Glacialis a vu le jour. Menée par la biologiste en chef Virginie Wyss, c’est une petite équipe de passionnés qui ont œuvré pour faire de ce projet une réalité. Pratiquement, Expédition Glacialis est un projet chapeauté par l’ASBL Atlas Expéditions et la Société Suisse pour les cétacés. L’objectif premier est d'accroître et de favoriser la collecte de données sur les mammifères marins en créant des protocoles scientifiques reproductibles sur d’autres plateformes. J’entends par là d’autres voiliers de taille modeste appartenant à monsieur et madame Tout-le-Monde. Le développement de la science participative est pour nous très important. Les données collectées seront partagées de façon totalement libre à tous les chercheurs désirant les utiliser. page 20
En bas : Echantillonnage microplastique
Nous comptons déjà de nombreux partenaires scientifiques (instituts, universités, ONG). Ceux-ci nous ont aidés à acquérir le matériel nécessaire à la réalisation de cette expédition et vont analyser les observations que nous aurons recueillies. La collecte de données se veut le plus variée et précise possible afin de donner des résultats intéressants pour la compréhension des baleines. La photo-identification reste l’information de base et celle-ci sera complétée par des suivis acoustiques, des prélèvements d’échantillons ADN, de la photogrammétrie par imagerie drone, l’analyse physico-chimique et d’ADN environnementale, la présence de micro et macro plastiques ainsi que la présence et la répartition d’autres espèces (proies, prédateurs, oiseaux). Tous ces protocoles ont déjà été testés dans les Açores, vous pouvez découvrir quelques images de nos observations. Ces dernières semaines auront également été très productives et très occupées par différentes interventions avec des classes de tous âges suivant notre aventure. Ce partage d’histoire et les échanges que nous avons avec la jeune génération nous motivent énormément. À l’heure où j’écris ces mots, nous sommes en pleine finalisation des préparatifs. Le voilier, un Ketch de 43 pieds en acier, ressemble de plus en plus à un navire d’expédition. Le gréement a été inspecté, la maintenance mécanique a été faite, le pont et la coque ont été poncés, traités et peints et les bouteilles de plongée ont été gonflées. Il n’a pas été facile de caser à peu près deux mois de nourriture, le matériel photo/vidéo ainsi que l’équipement scientifique. Optimisation de l’espace est le maître mot à bord.
D’ici quelques jours, nous lèverons l’ancre pour naviguer plein Nord vers le Groenland où nous attendent des paysages exceptionnels et une aventure humaine insoupçonnée.
RICHARD MARDENS
En savoir plus : Visitez notre site Internet : www.glacialis.ch Abonnez-vous à nos réseaux sociaux pour ne rien rater de l’aventure : Facebook et Instagram : @expeditionglacialis Youtube : Atlas expéditions Et suivez notre position en direct sur share.garmin.com/atlas
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David Leduc © 2021
La valle dei sogni Les gitans et leur solitaire DAVID LEDUC « La vallée des rêves » est le petit surnom de la vallée de San Lucano, située près du village d’Agordo, dans le sud des Dolomites. Cette vallée est entourée d’immenses parois, versant nord celles de l’Agner et côté sud les labyrinthes des Pale di San Lucano.
se joindre à la fête et de découvrir ce terrain d’aventure. Ça tombe bien car mon compagnon de cordée m’a lâché en dernière minute. On recrute quelques Italiens qui trainent par-ci, par-là et l’expédition est lancée.
Camp 1 Il fait beau. Piscine et naturisme le long de la Tegnas. Dégustation comparative de café : on pensait préférer le café Italien, mais on s’est tous fait avoir par le Graindor ramené de Belgique.
Camp 2 Des parois « hors-normes », car leurs dimensions, leurs approches et leurs descentes sortent de l’ordinaire ; mais aussi parce qu’elles résident dans un univers sauvage, où les normes de la société se font envoyer balader ! J’y débarque en famille, avec Laura, et Fauve, notre petite fille sauvage. Là-bas, c’est presque comme à la maison… Le torrent Tegnas est toujours aussi froid, Stefano et Mara nous accueillent encore comme des rois… Cette fois-ci, une bande de gitans Bruxellois-Freyr-iens est motivée de
Contest de douches : tentatives d’escalade de grandes voies à Moiazza, résultat : des douches froides. Les champions de la bande ont fait 3 jours de suite de marches d’approche, de premières longueurs trempées, de promenades de matos sous l’orage. La nuit, on rencontre le monstre de la vallée : des sandales retrouvées en lambeaux dans la forêt, un alpiniste attaqué de nuit et mordu dans son sac de couchage. Orage terrible, tentes recouvertes de boue, grandes coulées de pierres et de terre. page 21
Camp 3 On s’invite tous à la maison chez Luca et on fout le bordel. Une journée de grimpette au soleil sur la falaise de Erto, où le gitan Cédric fait sécher le linge sur les dégaines en place dans le dévers. Notre équipe a signé certaines premières ascensions historiques dans des voies sèche-linge !
Sommet ! Enfin « le gland bleu », comme disait Fred. Une toute petite fenêtre météo nous permet de sortir la ferraille et de s’attaquer au Campanile di Val Montanaia, symbole phallique, avec son beau gland dressé au milieu d’un cirque parfait. 2 cordées belges sur la voie normale, 1 cordée de 3 belgo-choucroute-tchèque sur la voie Corona-Carratù. Les 2 cordées belges, Cédric-Léo et Britte-Thomas ont ouvert par erreur une variante de la voie normale, en traversée pourrie. Pas mal pour une première grande voie ! Le gland y était, le bleu n’est pas resté longtemps, le ciel a bien giclé sur les cordées les plus mollusques. Quel spectacle !
Camp 4 Douche sous les 25 mètres de la cascata dell’inferno. Spritz en terrasse. Personne ne l’aime mais tout le monde le boit. Fête d’étudiants dans notre camp, on est bien obligé de participer. Des enfants tirent des coups de feu. Braulio, l’ami de tout le monde, est là aussi. On peaufine notre stratégie de l’expé : on va tout enchainer !
Sommet ! Une belle grande cordée se dissipe et part à l’assaut. L’amitié nous lie comme une corde invisible. Trois cordées chatouillent la Torre Venezia, et se chamaillent dans la voie Andrich-Faé. Un bon test pour ces aspirants qui prennent leur envol ! Moi je m’en vais, seul, de mon côté, affronter un défi qui me tenait à cœur, sans quitter ma vallée : je me balade sur le spigolo de l’Agner, le versant nord des rêves.
L’histoire d’un sommet Le spigolo de l’Agner est une interminable arrête rocheuse, avec ses 1600 mètres d’escalade, la plus longue voie des Dolomites. Inclinée et végétale dans sa première partie, c’est presque du « gardeneering », un fin mélange de jardinage et page 22
d’alpinisme. La deuxième partie est plus raide et offre un rocher compact et des difficultés autour du III, IV et V avec une seule longueur en VI. Je l’avais gravie 5 ans auparavant en 1 belle cordée de 4 avec mon frère, mon ami Stéphano et son fils, avec un bivouac confortable sur une grande vire. Les années passèrent, et je me mis à rêver d’un jour siffloter en toute légèreté sur ce géant. Une fois je suis monté dormir au pied, mais le matin je suis redescendu. Peut-être que les rêves doivent rester des rêves ? Pourtant je suis retourné cet été pour voir si la montagne voulait de moi. Dès les premiers mètres je la sentais accueillante. C’est un immense plaisir de pouvoir se sentir
Deux cordées belges sur la voie normale, une cordée de trois belgo-choucroutestchèques sur la voie « Corona-Carratù » serein, tout en se déplaçant rapidement et sans fatigue, regarder le rocher et sentir qu’on ne fait plus qu’un. Finalement ces sensations-là sont le fruit de nombreuses années de pratique, d’entrainement et de préparation. L’effort est agréable, un sac minuscule sur le dos, une pause pour boire un coup de temps en temps, pour observer le cheminement de la voie et pour admirer le paysage. 3 h 30 après mon départ je déguste un pamplemousse au sommet, plus de 2 km au-dessus de mon point de départ. Je galope dans la descente. Arrivé au premier village je commence à faire de l’autostop et à 15 h 00 je me trouve derrière une bière en terrasse à Agordo. Un rêve de légèreté devenu réalité le temps d’une escalade
Camp 5 La joyeuse bande retrouve son solitaire, dans la Val Corpassa. On se raconte nos promenades tout en prenant un bain. On déménage vers Agordo ; tournoi de pétanque sur la place du village. De l’Aperol à l’apéritif au digestif, des projets se forment pour le lendemain. Certains se font séduire par la belle Moiazza (voies Décima et Cai Bologna), d’autres par le sympathique Formin. Je
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présente mon projet : je partirai seul pour 2 jours, avec une corde, sur l’autre versant des rêves, son versant sud, sur les Pale di San Lucano.
Sommets ! La grande cordée s’évapore et se dissout dans cette immensité minérale. Le spectre de Freyr hante les Dolomites. Les sommets tombent à nos pieds.
Histoire d’un sommet M’aventurer seul dans un univers minéral aussi intimidant, aussi grand, j’en rêvais depuis longtemps. Comme pour le spigolo, une tentative avortée il y a 2 ans, ce n’était probablement pas le bon moment. Mais comment vais-je me sentir ? Ce n’est pas le but de douter, voire d’avoir peur tout le long ! ? D’un côté, c’est incroyable de se sentir tout petit, insignifiant, dans ces labyrinthes de rocher. Mais de l’autre, il faut se sentir en confiance pour profiter de cette ambiance de folie sans devenir fou pour autant ! J’avais déjà parcouru la voie 4 ans auparavant, en 2 jours, avec mon amoureuse, nous avions bivouaqué dans une toute petite niche en pleine paroi. La voie s’appelle le Diedro Casarotto-Radin, le cairn porte le nom de Spiz di Lagunaz. C’est la voie-voyage la plus incroyable que j’aie jamais grimpé.
Pour ceux qui aiment les chiffres, la voie fait environ 800 mètres et offre de l’escalade principalement dans le VI, le V, avec différents passages de VII et VII+ (6b-6c). Heureusement cette voie ne se laisse pas résumer en chiffres : l’ambiance sauvage, la marche d’approche et la descente, parmi
Page 21 : Au sommet du Spiz di Lagunaz Ci-contre : Le grand dièdre dans la voie Casarotto-Radin
David Leduc © 2021
M’aventurer seul dans un univers minéral aussi intimidant, aussi grand, j’en rêvais depuis longtemps.
Je m’assieds et me colle au rocher, en tenant mon grand sac de hissage au-dessus de moi pour me protéger un maximum de la flotte. Que faire ? les plus longues et complexes des Dolomites, en font un véritable voyage. Deux jours après la légèreté, place à la lourdeur : réveil à 4 h 00, départ à 5 h 00, grand sac de hissage sur le dos, comprenant 80 m de corde, sac de couchage, 5 litres d’eau, coinceurs, marteau-pitons… J’avance lentement et je mets 4 heures pour arriver au départ de ma voie. Ensuite je m’autoassure longueur par longueur : je renforce tous les relais en place en rajoutant un piton moyen, ou des coinceurs si c’est possible. Dès la première longueur mon sac reste coincé, je dois donc re-redescendre. Mais je me sens en confiance et je progresse bien malgré la logistique complexe : renforcer les relais, relover la corde à chaque fois sur une vire ou dans le sac, me donner du mou en grimpant, redescendre pour récupérer protections, dégaines et sac, remonter et hisser le sac. En paroi je sens assez vite que mon but est atteint : ces montagnes me sont devenues familières ! J’avais le sourire aux lèvres tant la situation me paraissait absurde : en remontant au jumar dans une partie dévers en traversée, je pendouille dans le vide avec mon sac 20 mètres à gauche, lui aussi en plein vide ; je le regarde et j’ai l’impression que ce gros sac est mon ami, mon complice. Il est encore tôt quand je dépasse la dernière niche de bivouac, je décide donc de continuer. Après une petite traversée j’entre dans l’énorme dièdre, ouvert comme un grand livre d’aventures, et cela sur 300 mètres et autant de pages ! Il n’est encore que 18 h 00 quand je trouve une petite vire qui peut faire l’affaire, et je sens que je n’ai ni l’envie ni probablement le temps et l’énergie de sortir du dièdre avant la tombée de la nuit. Devoir faire 2 fois chaque longueur m’a bien cuit finalement ! Je m’installe dans mon sac de couchage et savoure quelques pâtes préparées la veille. Je me sens heureux perché là-haut et le sommeil m’appelle… quel bonheur… mais une averse me réveille ! Oh non ! Pourtant les prédictions disaient 0 %… surprise ! Je m’assieds et me colle au rocher, en tenant mon grand sac de hissage au-dessus de moi pour me protéger un maximum de la flotte. Que faire ? page 24
Attendre et risquer de se prendre la douche dans ce dièdre ? Grimper 300 mètres de nuit sur du rocher mouillé ? Redescendre en rappel dans le noir, avec des traversées en bonus et des relais à renforcer ? Je suis crispé, ces 30 minutes semblent interminables, ensuite la pluie s’arrête quelques heures, mais de beaux éclairs blancs – ambiance disco – et une nouvelle averse me font passer une nuit blanche : pas besoin de dormir pour vivre du rêve ! À l’aube, je me sens bien fracassé, j’ai le tournis en grimpant. À midi, j’atteins le sommet du Spiz Di Lagunaz. Je ne m’attarde pas trop car je sens que ça va barder. Quelques rappels, puis 180 m d’escalade vers le sommet d’une tour, d’autres rappels, remonter une pente, désescalader… et me voilà 3 heures plus tard les pieds sur un sentier, un vrai. L’orage explose ! Quel timing de rêve. Je me fais rincer comme presque jamais auparavant et c’est exactement ce que je voulais !
Sommets ! 2 jours plus tard, 5 Italiens me rejoignent, on part caresser le doux rocher compact du Mulaz. De la Magie Noire cette fois : ainsi se nomme cette voie exceptionnelle de 8 longueurs, protégée uniquement par quelques pitons, lunules et coinceurs. Les gitans se reposent au camp de base après leur ascension du Spiz Di Mezzodi par son spigolo en belle grande cordée de 7. Petite soirée festive italo-belge dans les bars et pizzeria du coin. Cours de danse avec DJ Léo et natation nocturne dans le laghetto delle peschiere. On s’entraine jour et nuit !
Retour à Freyr, le sommet de nos rêves ! Moi et d’autres déserteurs quittâmes la valle dei sogni. Le rêve fait place à la réalité, ainsi les rêves restent des rêves. Une partie de notre tribu envahit encore ces lieux. Le spigolo Tissi sur la Torre Trieste vient de passer un mauvais quart d’heure parait-t-il. La relève est assurée. On a porté un peu de Freyr en montagne, on portera un peu de montagne à Freyr, notre plus belle montagne.
DAVID LEDUC
Équipage vallée des rêves 2021 : Fred, Cédric, Léo, Thomas, Britte, Liane, Galia, Luca 1, Luca 2, Davide, Fabio, Laura, Elena, John, Hélène, Sat, Julien, Julie
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ports.co
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La Pierra Menta Été 2021 MATHIEU VAN OVEREEM La Pierra Menta (PME), compétition phare de ski-alpinisme, se décline aussi depuis 2015 en épreuve de skyrunning à Arêches-Beaufort, en Savoie. Il s’agit d’une course en équipe de 2 (hommes, femmes et mixtes) qui se court sur 3 jours (une étape par jour) pour un total cumulé d’environ 70 km avec 7 000 m de dénivelé positif.
Les parcours sont techniques, engagés et escarpés, que ce soit en montée ou en descente, avec des passages de crêtes encordés (un baudrier et une longe de via ferrata sont obligatoires lors de la course), du hors sentier et quelques sentiers « roulants » de GR. L’inscription comprend la nourriture et le logement dans un centre de vacances réunissant la majeure partie des coureurs. Cela favorise le partage avec les autres équipes et les bénévoles. Pendant toute la compétition, on sent vraiment que c’est toute une vallée qui vibre et vit au rythme de la course.
Participer à la PME 2021 a déjà été une épreuve en soi. La course est réputée et les places s’arrachent à vitesse grand V. Avec mon coéquipier, Hugo, nous sommes inscrits depuis novembre 2019. La COVID étant passée par là, l’édition 2020 a été annulée ainsi que celle de 2021, avant d’être maintenue à la date initialement prévue. Du coup, nous arrivons à cette épreuve sans entraînement spécifique, un peu la fleur au fusil, tout en ayant l’ambition de réaliser une solide performance. Nous sommes accompagnés d’amis, Pierre-Yves et Dodo, qui courent en mixte. Ils se sont joints à cette aventure sans trop savoir ce qui les attendait. Après le visionnage des films des éditions précédentes, une légère appréhension se lisait sur leur visage même si la volonté d’en découdre avec cette course mythique primait.
ÉTAPE 1 : Pointe de Lavouet – Pointe de la Grande Journée – Légette du Mirantin Le réveil sonne à 4 h 45, le petit-déjeuner est avalé à 5 h puis le départ est donné à 6 h 30. Ça y est ! 250 équipes partent à l’assaut de la première difficulté, la Pointe de Lavouet. Il faut mettre les gaz dès le départ pour ne pas être coincé dans les bouchons lors des premiers single-track. Les premières côtes et descentes sont relativement faciles et peu techniques. Chaque binôme se cale dans son propre rythme. Il ne faut pas griller trop de cartouches au risque d’exploser lors des deux autres étapes. Les coureurs élites, hommes et femmes, s’éloignent à une vitesse affolante. Cette course sera une grande leçon d’humilité à titre personnel. Mon binôme, Hugo, s’avère être en forme olympique et je vais devoir m’accrocher
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En haut : ÉTAPE 1 (jeudi 01/07) Pointe de Lavouet – Pointe de la Grande Journée – Légette du Mirantin (24 km – 2 500 m D+ – 4 h 41)
Ci-contre : Étape 2 (vendredi 02/07) Le Grand Mont – l’antécime du Grand Mont (30 km – 3 000 m D+ – 5 h 33)
pendant 3 jours pour suivre son train d’enfer sans (trop) défaillir. Nous arrivons au premier ravitaillement au km 10, avant l’épaule de la Pointe de Lavouet, puis le chemin disparaît, il faut monter droit dans le pentu, à travers la caillasse et la bruyère. Nous nous encordons avec Hugo pour grimper au même rythme et atteindre ensemble la Pointe culminant à 2 410 m. Nous suivrons ensuite la ligne de crête jusqu’à la Pointe de la Grande Journée (2 460 m), enveloppée par un épais brouillard. L’ambiance est vespérale. Le terrain et les racines de rhododendrons sont rendus glissants par la pluie qui s’est abattue sur la région les derniers jours. C’est ensuite la bascule. Nous descendons les névés sur les fesses, en usant de nos corps comme des luges improvisées pour atteindre le contrebas de la Légette du Mirantin (2 353 m). Cette pointe sera la dernière ascension du jour, que nous gravissons en via ferrata. Une fois au sommet, il nous reste 6 km et 1 300 m de D- pour rentrer à Arêches, littéralement à travers tout. La pente avoisine par endroit les 50 %. Certains cailloux fusent autour de nous, projetés par page 26
accident par des coureurs encore au sommet. Les cuisses brûlent, les traits du visage sont tirés. Il faut s’accrocher, ce n’est que la première journée.
ÉTAPE 2 : Le Grand Mont – l’antécime du Grand Mont L’étape reine. Lors du briefing, l’organisation prévient : ils n’ont jamais tracé une étape aussi longue et difficile, avec une double ascension en point d’orgue, le Grand Mont (2 686 m) et son antécime (2 630 m). À cette annonce, les coureurs ne répondent que par un grand silence, suivi de quelques murmures. Le stress est palpable. Nous n’avons pas le choix, on a tous signés pour ça. La météo est parfaite : plein soleil et 20 ° C sont attendus. Le départ est également donné à 6 h 30. Globalement moins technique, cette étape sera très longue et éprouvante. Nous traverserons les nombreux névés présents dès 2 000 m d’altitude qui éreinteront à l’usure les corps déjà endoloris par l’étape de la veille. L’épaule du Grand Mont que nous abordons après 11 km de course est un véritable mur à gravir. Les bâtons sont vite rangés et on grimpe les rochers avec les mains. Le ciel dégagé nous permettra d’admirer la splendeur du massif du Beaufortain, avec une vue imprenable
Lors du briefing, l’organisation prévient : ils n’ont jamais tracé une étape aussi longue et difficile, avec une double ascension en point d’orgue, le Grand Mont (2 686 m) et son antécime (2 630 m) sur le massif du Mont Blanc. Une fois au sommet, nous redescendons pendant quelques kilomètres avant d’attaquer l’antécime en suivant la ligne de crête, une nouvelle fois encordé avec la longe. À l’antécime, nous sommes aux environs de la 30e place. Cela fait 4 h 20 que nous sommes partis et nous avons parcouru 22 km et 3 000 m de D+. Les jambes sont meurtries, l’envie de courir n’y est plus. Je suis vidé et déshydraté. Il reste encore 9 km et 1 600 m D- à faire. Seul Hugo me maintient en course, en étant aux petits soins avec
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moi. La descente est interminable. À l’arrivée, nous perdrons près de 30 places par rapport à notre position au sommet. L’après-midi de récupération va être cruciale pour être d’attaque le lendemain.
ÉTAPE 3 : Cuvy – Roche Parstire Dernière étape, habituellement très nerveuse, tous les participants sont comme les chevaux qui sentent l’écurie, on a tous envie d’en finir. Nous traversons le village d’Arêches sous les vivats pour ensuite attaquer directement par la montée du plateau du Cuvy (1 620 m), en lisière de la piste de ski du Grand Mont. Une foule impressionnante nous attend. Après avoir franchi cette haie d’honneur, s’ensuit une descente rapide pour enfin partir à l’assaut de la Roche Parstire (2 108 m), un couloir raide, hors-piste, sur du schiste. Au loin, on entend l’écho du public sur la crête qui crie, les cloches qui raisonnent. Les feux de détresse allumés nous guident. Quand les rares rayons de soleil de la journée nous atteignent enfin à la sortie du couloir, on comprend qu’on a vaincu la Pierra. L’ambiance devient épique, on découvre une vue incroyable sur le lac de Roselend. Hagard et titubant un bref instant en raison de l’effort intense, il faut relancer la machine pour entamer l’ultime descente. Place maintenant à la fête, à la bière, au repos et à la satisfaction d’avoir poussé son corps dans ses derniers retranchements.
Au final, nous aurons mis un temps cumulé de 12 h 43 (50e), à 3 h 19 des premiers. Pierre-Yves et Dodo termineront en 17 h 23 (194e). Cette PME est une expérience humaine inoubliable, faite de belles rencontres, de partage et de paysages somptueux. Chaudement recommandée !
MATHIEU VAN OVEREEM Étape 3 (samedi 03/07) Cuvy – Roche Parstire (18 km – 1 500 m D+ – 2 h 29)
CRÉDITS | Cartographies : ©Mapbox©OpenStreetMap Profils : ©Strava
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grand Julien Le
Solius, Gelida, y otras curiosidades. JULIEN LEGRAND Parler de l’escalade en Catalogne nous évoque généralement des sites majeurs tels que Siurana pour ses réglettes bien affutées, Margalef et ses petits trous par milliers. Un peu plus au Nord, nous avons Oliana et ses colonnettes et finalement Montserrat et son splendide décor lunaire réputé pour ses grandes voies sur conglomérat qui surplombent Barcelone. Ce sont tous des sites avec des voies extrêmes dans le 9b/9b+. Mais, outre ces sites rendus populaires car très médiatisés pour leurs voies dans le neuvième degré, il reste cependant quelques autres petites pépites dans cette magnifique région, pour qui sait les débusquer. page 28
© 2021
C’est par l’intermédiaire d’un ami, Vincent Serra Di Migni, que j’ai découvert ce qui se grimpe en Catalogne. Vincent vit depuis près de vingt ans dans la région de l’Emporda, située entre les provinces de Gérone et de Barcelone, c’est la région de la Costa Brava juste en dessous des Pyrénées orientales. Vincent est avant tout un ouvreur passionné d’escalade qui fit ses armes à Freyr dans les années 80 ; peut-être avez-vous eu l’occasion de grimper Samarkande, la Pilule, Ricky Banlieue ou encore Middle Rocky II. Accompagné d’un petit Chihuahua blanc nommé Léo, roulant dans une vielle petite FIAT jaune, Vincent m’emmène chaque été à la découverte d’un nouveau site de grimpe local. Il y a trois ans, il m’a emmené à la découverte de la vallée Solius, massif très atypique aux dimensions gigantesques. Constitué de granite marin d’un rouge ocre, c’est une perle à découvrir absolument. Situé à 1 h 20 de Barcelone, ce site propose une escalade principalement en dalle, technique, sur un rocher ultra adhérent. Il s’agit d’une dizaine de petites aiguilles qui constituent chacune un secteur à part entière et qui offrent principalement une escalade en couennes de type sportive d’une hauteur qui varie entre dix et trente mètres. Les cotations vont du III+ au 7c+. Grimper à Solius est exigeant, car si pour l’escalade à Freyr, tout est
En haut : Solius, secteurs principaux.
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dans les pieds, à Solius, tout est dans le bout des orteils, le placement, l’équilibre précaire et surtout la confiance en ses adhérences de pieds. Pour les doigts, ça attaque aussi, surtout la peau des doigts, et ce n’est pas pour rien que le plus gros secteur se nomme Roca ponça, principale aiguille du site, les cotations y varient entre 5+ et 7c+, l’escalade à vue est sévère, de fins placements sur des dalles très verticales. On y grimpe toute l’année, mais principalement d’octobre à avril. L’été, on choisira les secteurs à l’ombre, comme ce sont des aiguilles, les faces ouest restent à l’ombre jusque 13 h, ce qui permet ensuite de finir l’aprèsmidi à la plage de Platja d’Aro située à 15 minutes en voiture, ou encore d’aller se poser dans l’une des nombreuses petites criques qu’offre la Costa Brava. Durant l’automne dernier, qui fut dirigé au rythme des confinements, de nouveaux secteurs ont été équipés, notamment un magnifique rocher creusé où ont été ouvertes trois voies très déversantes, chose rare pour le site qui est plutôt réputé pour ses dalles. Les cotations pour ce secteur sont de plus ou moins 7a+/7b, 7b+ et d’un potentiel premier 8a. Si vous cherchez un secteur plus à l’ombre, allez à 10 kilomètres de Solius, entre San Feliu des Guixols et Tossa del Mar, où se trouve, caché dans les collines face à la mer, le massif de La Rocosa. Petit secteur sans prétention, sur un granite rouge mais nettement plus lisse que son voisin de Solius, c’est un secteur très athlétique qui offre quelques voies dans le 4/5+, quelques-unes dans le 6a/6b et ensuite ce sont des 7a/7a+ et 7c+ dans de gros toits. Voies explosives, à bras pour les amateurs de force pure aux placement délicats. La vue en haut au relais est époustouflante, on aperçoit les pins parasols, les rochers dispersés sur les collines et l’horizon bleu de la méditerranée. À faire : Graons Invertits 6b+, La Bella y la Bestia L1 5+ & L2 6c+, et Solucions 7a/7a+. Après l’escalade, vous pourrez longer les falaises pour vous baigner à la Cala Ramon, petite plage très sauvage. Cet été, Vincent m’a dit : « Il faut que nous prévoyions une journée pour grimper sur le calcaire de Gelida ! » ; cela faisait trois ans qu’il suggérait de m’y emmener, et nous sommes donc partis à la découverte de cet endroit. Cette zone d’escalade de l’Alt Penedes, offre une roche calcaire jaune ocre et fait office de salle d’escalade en plein air, car située à seulement 30 minutes en voiture de Barcelone. Selon les Barcelonais, Gelida est le rocher local idéal pour venir grimper après le travail ou en soirée. Le site d’escalade Font Freda
Par chance, nous étions seuls sur le site, chose absolument rare . Peut-être faisait-il trop chaud ? 42 ° C affichés au thermomètre [...] (suivez le panneau Font Freda) se situe à la sortie du village de Gelida, caché au détour d’un chemin boisé où se mêlent randonneurs, vététistes et grimpeurs. Gelida offre une centaine de voies d’escalade qui vont du 5 au 8a avec une majorité de voies dans le 6a et le 8a. Légèrement surplombant, le secteur Central offre une escalade dans des lignes très bien pensées avec des mouvements puissants, sur réglettes très similaire à Siurana. Le site étant beaucoup fréquenté, on regrettera la présence en abondance de magnésie, ce qui vous poussera à faire un petit brossage préalable de votre projet. Le secteur Izquierda offre globalement des voies dans le 5 et le 6, parfois de deux longueurs. Le calcaire est magnifique et très différent du calcaire qu’on trouve généralement en Catalogne. En été, il faut venir tôt car les rochers sont tous en plein soleil à partir de 14 h et ce jusque 19 h. Par chance, nous étions seuls sur le site, chose absolument rare ; peut-être faisait-il trop chaud ? 42°C affichés au thermostat de la voiture lorsque nous sommes retournés au parking. Pour ce qui est des journées plus chaudes, je vous conseille un petit détour vers les pré-Pyrénées, sur les magnifiques sites de Beuda, Bellavista et Saderness, situés à environ 45 min / 1 h de Gérone dans la vallée de l’Alta Garrotxa, parc naturel de 3300 hectares. Le site majeur de ce parc naturel est sans aucun doute Sadernes situé dans un canyon où coulent deux magnifiques rivières (Escales et Sant Aniol). Sadernes, c’est plus de 300 voies réparties sur une vingtaine de secteurs allant du 4 au 8b en dévers, en dalle, verticales, où tous les styles se retrouvent. La météo y est plus clémente car nous sommes au pied des Pyrénées orientales, le cadre est somptueux et page 29
Julien Legrand © 2021
Julien Legrand dans Solucion 7a+ Rocosas
FICHE EXPÉDITION
Solius y otras Accès : voiture. Région de l’Alt et Bax Emporda ; Barcelone & Gérone.. Saison : Toute l’année, sauf Sadernes et Beuda dont la majorité des secteurs sont fermés au printemps pour cause de nidification.. Topos : •
Solius : Escalada a Solius ; Els fills de Solius ; edicio 2017/2018.
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Sadernes : Sadernes I Sales de Llierca – Zones d’escalada esportiva, édité en 2011 par Jordi Cruz.
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Bueda : topo sur Internet > www.enlavertical. com/files/pdf/ressenyes_beuda.pdf
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Gelida et autres secteurs autour de Barcelone : Barcelona y Alrededores ; Vol. I ; Luis Alfonso ; édition 2017.
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La Rocosa : topo sur Internet > https ://menosloboscaperucita.files.wordpress. com/2011/05/imag0022.jpg
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l’accès aux voies très facile. Comme le site se trouve dans une gorge, il est possible de grimper à l’ombre ou au soleil toute la journée en choisissant les secteurs, ce qui permet d’y grimper toute l’année. De plus, en été, vous aurez également la possibilité de vous baigner dans une cascade ou dans l’une des deux rivières de la vallée. Le calcaire y est gris et jaune, la grimpe technique et continue (voies de 40 m), il faut savoir gérer correctement son effort pour ne pas être à court de jus dans les longues voies. Sadernes rappelle le Verdon ou certains secteurs de Freyr. Pour les amoureux des colos et des fissures, vous serez également servis ! Secteur à ne pas manquer : Can Pixa. Juste à côté, à 25 minutes en voiture, se trouvent également les sites de Bueda et Bellavista. Le rocher est le même, les voies vont du 5 au 7b/c. Moins protégés du soleil, ces sites sont plutôt à visiter à l’automne/hiver ou lorsqu’il fait nuageux. L’escalade est en dalle à Beuda et très déversante et athlétique à Bellavista. En fin de journée, je vous conseille de faire un petit arrêt à Besalu, splendide village médiéval catalan : vous serez charmé par ses petites places, ses ruelles et son majestueux pont roman qui enjambe la rivière Fluvia.
Destination phare à bien des points de vue, la Catalogne attire par son climat, ses plages, ses campagnes, ses sites d’escalades majeurs où les stars internationales viennent se frotter aux voies les plus difficiles au monde. Mais ce sont aussi, pour qui souhaite s’y attarder et découvrir l’arrière-pays plus en profondeur, des petits villages typiques, des plages sauvages, des sites d’escalade qui offrent une diversité de rochers allant du calcaire au granite rouge marin. De l’escalade en couennes, des grandes voies en bord de mer. Habitant dans la région, j’ai le plaisir de m’y rendre chaque année et de visiter de nouveaux sites avec mon ami Vincenzo et son chihuahua Léo.
JULIEN LEGRAND
CABARET Ardennes & Alpes — n°209
25.09 FREYR
Image : Olivier Herter Gravity is myth
INFOS & RESERVATIONS WWW.CLUBALPIN.BE/CABARET SLACK & HIGHLINE ATELIERS CHALLENGE "ON VIENT SANS AUTO", GRIMPE & RANDO LIBRE BAR RESTAURATION (À RESERVER) CONTE JONGLÉ "GRAINES DE LUNE" PROJECTION CONCERT "LES PO'BOYS" JAM "LE WOODSTOCK DU CLUB ALPIN BELGE DANS L'ÉPICENTRE DE L'UNIVERS" SEAN page 31
Dimit
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© 20 20
Un vent nouveau souffle sur le Néviau ! DIMITRI CRICKILLON Pour un grand nombre « d’anciens grimpeurs », les rochers du Néviau à Dave étaient un haut lieu de l’escalade belge. Début des années 80, certaines voies étaient mythiques par leur aspect engagé et très aérien. Il suffisait de prononcer quelques noms de voies pour que les regards s’illuminent d’aventures vécues ou à vivre… « Le Triangle du Diable », « Le Salaire de la Peur » , « La Cassin » …
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C’est dans les années 80 qu’un grand travail d’ouverture de nouvelles voies et de rééquipement est réalisé par Pascal Hublet , Philippe Lacroix (Bibiche), Eddy Abt, Roelands… Nous sommes au cœur des années de « l’escalade libre » et apparaissent les premières gommes résinées et collants rose bonbon ! Une floppée de voies dures sont ouvertes comme Kangourou (7c, A. T’Kint) Dans les années 2000, les voies d’escalade sportive connaissent toujours autant de succès ainsi que les voies plus faciles de la dalle des Autrichiens. Par contre, certains grands classiques tombent petit à petit dans l’oubli. Le caractère vétuste et parfois très engagé de ces itinéraires décourage plus d’un grimpeur. Je pense aux lignes qui se parcouraient sur deux longueurs pour sortir sur le
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Page précédente : Isabelle Dorsimond dans La Possédée 6b+ En haut : Serge De Brouwer dans La Possédée
[…] En 2020 nous rééquipons et rallongeons d’une dizaine de mètres une ligne extraordinaire. Une formidable envolée de 30 m sur un superbe pilier : « La Possédée » (6b+).
Dimitri Crickillon © 2020
En bas : Christian Fontaine
plateau comme la seconde longueur du salaire de la Peur ou encore les Escaliers retournés. C’est à partir de 2018 que, sous la houlette de Joe Dewez (responsable rocher), se constitue une équipe qui va réaliser un travail considérable pour rafraîchir de nombreux secteurs tombés dans l’oubli et sur lesquels la nature a vite repris ses droits. Cette équipe va aussi s’attaquer au laborieux et difficile travail de rééquipement des voies. Jacques Ciparisse, Stéphane De Vleeschauwer, Bruno Groynne, Louis Henri de Generet et Marc Raucq ont remis à neuf des secteurs entiers comme la Waasland, la dalle du Chat et le massif de l’Oubliée.
C’est avec son ami Vincenzo Semeraro qu’il sort de l’oubli des voies magistrales comme « Zizi coincé », « Les escaliers retournés », « Magic fly », les deux longueurs de « Globules », « Idées folle », « La Cancouin », « Huit cars fous », la seconde longueur de « Caméléon », « Impatience », le toit de « La Jomouton » …
Dimitri Crickillon © 2021
J’ai la chance d’accompagner un autre acteur incontournable du moment, Serge De Brouwer. Depuis 2013 et surtout ces 5 dernières années, c’est avec passion que Serge a rééquipé des dizaines de lignes, mais aussi redessiné le parcours de certaines d’entre elles. L’Ange, un magnifique 7a de 35 m rééquipé avec son ami Erwin.
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Un vent nouveau souffle sur le Néviau ! Un topo est en chantier et devrait être avec vos cordes et dégaines pour la fin de l’année. Celui-ci est réalisé avec soin pour vous permettre de trouver votre bonheur quel que soit votre niveau. Il y aura de magnifiques dessins réalisés par Koen Hauchecorne et quelques photographies prises par mes bons soins. En attendant, voici quelques perles à ne pas manquer : • Découverte des nombreuses belles voies dans la dalle de la Waasland • Nunez par la Gautier. Enchainer les deux longueurs d’une traite (6a+)
Orage FLORIAN FUNCKEN Je m’appelle Florian, j’ai 17 ans, je suis passionné de montagne… L’été dernier, en 2020, je suis parti en Corse avec ma famille. Sur la fin du voyage, nous sommes allés à Corte, dans les montagnes. Je suis parti faire une randonnée seul, pendant que les autres faisaient une plus petite randonnée de leur côté.
• Magic Fly par la Gautier (7a) • L’Ange, les deux longueurs d’une traite (7a) • L’Impatience avec sortie sur le plateau (5c) • La Possédée, départ Jefke. Sortie à droite (6b+), sortie à gauche par le toit Cassin (6c) • Et toutes les autres… Attention ! Pour les longues moulinettes, une corde de 80 m est impérative. Le port du casque est fortement recommandé, car les chutes de pierres sont fréquentes. La traversée de la route est dangereuse.
Je suis arrivé au sommet en trois heures, tout allait bien. J’y ai rencontré des gens qui étaient montés depuis l’autre versant, par le refuge de Petra Piana. Ils étaient étonnés de voir un jeune tout seul et on a sympathisé. Ils m’ont dit de faire attention parce que souvent, en Corse, les orages sont là à midi sur les hauteurs.
C’est avec Serge qu’en 2020 nous rééquipons et rallongeons d’une dizaine de mètres une ligne extraordinaire. Une formidable envolée de 30 m sur un superbe pilier : « La Possédée » (6b+).
Mon plan pour la suite était de redescendre sur le refuge de Petra Piana, puis de prendre le GR20 pour descendre sur le lac Melo depuis le col de Bocca Soglia.
Il y a peu, accompagné de Jean-Luc Lannoye, Serge ouvre une traversée spectaculaire et aérienne, « La traversée du Grand-Duc » 300 m, 11 longueurs (5c).
J’ai donc entamé ma descente sur le refuge de Petra Piana. Sautant de blocs en blocs, j’ai rejoint le lac de Bellebonne puis le refuge en franchissant une passe dans la montagne. Et effectivement, en redescendant, le brouillard s’installait déjà. Je suis passé devant le refuge sans dire bonjour et j’ai continué sur ma lancée, fonçant à travers les pierriers et les sentes.
Un tout grand bravo et merci à toutes les personnes qui œuvrent ou qui ont œuvré pour assurer la sécurité et le plaisir d’exercer notre belle passion.
DIMITRI CRICKILLON
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C’est comme ça que le 13 juillet, à 7 h 00, je commençais à grimper sur les lacets d’un chemin, dans la vallée de la Restonica, pour monter au sommet du Monte Rotondo (2 622 m, Ritondu en corse). J’avançais vite, j’étais heureux. Parfois en courant, parfois en marchant, je profitais de mon ascension pleinement. L’ascension du Monte Rotondo par la Restonica ne présente pas de difficultés, seulement de la recherche d’itinéraire, 1 822 m de dénivelée depuis le parking et un peu d’escalade dans du 4 à la fin.
J’ai continué à courir. J’ai croisé quelques randonneurs qui allaient se mettre à l’abri de la pluie qui commençait à tomber. Moi, sûr de moi, je continuais de foncer. Heureux, je voulais arriver à temps pour le rendez-vous avec la famille au lac Melo.
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Je me trouvais sur une belle arrête, tantôt que des rochers, tantôt que de l’herbe. C’est là que l’orage a éclaté, quand je me trouvais sur le chemin de crête, au plus haut sans aucun abri. Les orages en montagne, ce n’est pas une simple petite pluie avec quelques éclairs… C’est le déluge, la température chute très fort, la grêle s’invite, les éclairs tombent, effrayants, on a l’impression que ça n’arrête pas. Et quand on se trouve sur une crête à 2 000 m d’altitude, c’est généralement là aussi que la foudre aime frapper. Mais comme je n’étais pas en retard et que j’étais sûr d’être sur le bon chemin, pas trop de raisons de s’inquiéter. Je me disais : « L’orage fait peur, mais je vais bientôt redescendre sur les lacs, tout ira bien ». J’avançais vite, mais je ne comprenais pas pourquoi c’était si long. Normalement j’étais censé voir le lac Melo sur ma droite, même à travers l’orage. Mais là je ne voyais qu’un versant abrupt. J’ai commencé à légèrement dévier de ma trajectoire en me disant que j’avais dû louper le chemin qui descend au lac. Mais ne trouvant pas de chemin, je remontais à chaque fois sur la crête. Le terrain commençait à descendre très fortement, cela me paraissait étrange, je devais arriver au col de Bocca Soglia vers 2 050 m mas j’avais l’impression de descendre beaucoup plus. L’orage se faisait de plus en plus fort et je commençais à avoir peur. À un moment, j’ai sauté au-dessus d’une bute et de l’autre côté, j’ai failli retomber sur le cadavre d’un bouquetin, là depuis sûrement deux ou trois jours… En plus de cette vision horrible, le contexte a rendu cette « rencontre » plus effrayante. Dans ma tête je me disais : « C’est surement la foudre », « Elle va me tomber dessus aussi »… Je suis enfin arrivé à un col mais là, je n’ai plus rien compris. Selon un panneau, je me trouvais à 1 400 m d’altitude alors que j’étais censé arriver à un col à 2 050 m. Sur ma carte je ne trouvais pas de col à cette altitude. J’essayais de capter du réseau mais dans les montagnes, en Corse, c’était peine perdue. J’ai donc pris la décision de descendre dans une vallée sur la droite, en espérant quitter l’orage. Après 200 mètres, dans le stress, je me suis mis sous ma couverture de survie. Mais je n’y suis pas resté longtemps. Après cinq minutes, je suis descendu encore plus bas. Après avoir traversé un torrent en furie, je suis tombé sur une vieille bergerie. J’ai décidé de m’y abriter pour me sécher et manger un bout. Pendant ce temps j’ai essayé de retrouver du réseau ; à nouveau, rien. Avec ma boussole, les
Parfois je pleurais, je m’effondrais au sol, trempé jusqu’aux os. courbes de niveau et la végétation, j’ai compris que je n’étais pas du tout au bon endroit et je ne comprenais toujours pas où j’étais. J’ai décidé de revenir sur mes pas et de retourner sur cette crête. J’allais trouver le fameux col de Bocca Soglia. Le problème est que j’étais descendu vraiment bas et j’ai dû remonter assez longtemps. De retour au col, à 1 400 m, je suis aussi retourné dans l’orage. Quand j’ai vu tout ce que je devais remonter, j’ai compris que je n’en avais pas fini avant un bon bout de temps avec cet orage. J’ai continué mon chemin… Et je suis passé dans un « mode » que je ne connaissais pas chez moi, le « mode survie ». Je ne voyais rien à dix mètres, trois pas me paraissaient parfois infiniment longs. Parfois je pleurais, je m’effondrais au sol, trempé jusqu’aux os. Je désespérais, je n’avais aucun moyen de contacter ma mère qui devait sûrement s’inquiéter, j’avais peur de ne pas arriver à temps au rendez-vous. J’avais peur de l’orage, de cette foudre qui tombait très proche de moi. Parfois je comptais le nombre de secondes entre l’éclair et le tonnerre : moins d’une seconde, cela voulait dire que la foudre était tombée à moins de 300 mètres de moi. Parfois, je pétais un câble en me disant « Pourquoi je n’ai pas trouvé le bon chemin ? », « Il y a trois heures j’étais sous le soleil au sommet du Monte Rotondo et maintenant ici ? », il me paraissait tellement loin ce sommet d’ailleurs. Je me relevais et je jetais des cailloux de rage le plus fort possible puis j’éclatais en sanglots, ensuite je me ressaisissais, mais vingt secondes après je retombais. L’expression « pleurer sa mère », elle est vraie. Je ne voulais qu’une chose, c’était ma mère. J’ai 17 ans et c’est bizarre de dire ça, mais je pleurais ma mère. Dès qu’il y avait une brèche vers la gauche, je descendais à travers tout sans vraiment savoir ce que je faisais. Je me disais que j’allais sûrement retomber sur le lac. Un moment, je me souviens d’être tombé sur une dalle glissante et d’avoir chuté de six ou sept mètres sans avoir peur, sans me dire « Mais putain, qu’est-ce que tu fous, ressaisis toi ». J’étais en mode survie et j’avançais sans vraiment réfléchir. Je suis remonté pour une énième fois sur cette crête, me rendant compte que le lac n’était vraisemblablement pas là à gauche.
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Cette fois-là, en arrivant sur la crête, je suis tombé sur deux randonneurs sous leurs ponchos de pluie. Ils étaient aussi trempés que moi, mais ils avaient l’air de savoir où ils allaient. J’ai crié, l’homme s’est retourné et il m’a regardé vraiment surpris de me voir sortir de nulle part. Je n’ose pas imaginer la tête que j’avais. Je me souviens de lui avoir demandé « You speak English ? », « I’ve lost myself in this storm, I don’t know where I am standing. Do you know where we are ? I have to go to the “ Lake Melo ”, in the Restonica valley ». Le gars m’a répondu que j’étais à deux jours de marche de la Restonica et que je ferais mieux d’aller jusqu’au refuge de Petra Piana où j’étais passé au matin. Je ne comprenais pas, j’étais parti le matin même de la vallée de la Restonica. Comment je pouvais me trouver à deux jours de marche de celle-ci ? Je me suis dit que, de toute façon, le gars avait raison, il fallait que je retourne au refuge. Cette rencontre avec les deux randonneurs m’a servi en quelque sorte à sortir de mon mode survie, de commencer à revoir le jour. J’ai continué mon chemin, cette fois en restant sur la crête. Mais l’orage était toujours aussi fort et je voyais la foudre tomber sur la crête voisine. À un moment, l’éclair était tellement fort et tellement près de moi que je me suis dit qu’il était sur moi. Je me suis mis à courir de plus en plus vite, voulant sortir au plus vite de ce cauchemar (on m’a d’ailleurs expliqué qu’il ne fallait surtout pas courir dans un orage, car on augmente la différence de potentiel entre nos pieds et cela attire plus la foudre). Finalement, le refuge… Je voulais y arriver tellement vite que je me souviens avoir coupé à travers tout, escaladant des buissons, en tombant tous les cinq pas. Je suis arrivé au refuge vers 16 h 30. Tous les gens assis sous l’abri devant le refuge se sont arrêtés de parler quand ils m’ont vu. Je me demande quelle tête j’avais… Après cinq heures et demi dans la tempête, plus ou moins 45 km depuis le matin, et 3 000 m de dénivelée positive, je m’arrêtais au refuge. Le brouillard s’est levé et j’ai vu l’autre chemin… celui que j’aurais dû prendre. En regardant sur ma carte, je me suis rendu compte que j’avais pris une variante du GR20, en passant au refuge le matin et en m’engageant sur ces fameuse crêtes. Je venais d’enchainer l’équivalent de trois grandes étapes du GR20. Tout ce que je venais de vivre au niveau émotionnel, je l’ai rangé de côté en quelques secondes, car tout allait mieux. Sigmund Freud aurait appelé ça « le refoulement ». J’ai refoulé sur le moment tout ce que je venais de vivre. Le gardien a été super sympa avec moi. Il m’a prêté des vêtements secs puis il m’a dit qu’il me
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gardait là pour la nuit, qu’il ne voulait pas me laisser repartir dans la tempête. Je n’arrivais toujours pas à joindre ma mère pour la prévenir. On a finalement pu joindre les pompiers de la ville (Corte) pour que si jamais ma mère les appelle, qu’ils la rassurent et qu’ils ne déclenchent pas de secours. Et j’ai finalement réussi à la joindre et lui dire que j’étais en sécurité, que je redescendrai le lendemain, cette fois par le bon chemin. C’est une semaine après avec un ami, Bruno, que je me suis rendu compte de ce que j’avais vécu. Nous étions sur le glacier d’Argentière, en train de redescendre en vallée, à cause d’un orage. En me retrouvant à nouveau dans un orage en montagne tout ce que j’avais refoulé en Corse en arrivant au refuge m’est revenu. Je n’ai rien dit à Bruno… Les deux semaines qui ont suivi, j’ai passé la moitié de mes nuits à penser à « mon orage ». Je pense que si je ne m’étais pas perdu et que je m’étais « seulement » trouvé dans cet orage, en sachant où j’étais, je n’aurais pas perdu mes moyens à ce point. Le fait d’avoir un rendez-vous avec ma mère et de ne pas pouvoir la prévenir m’a aussi rajouté beaucoup de stress. C’est tous ces faits qui m’ont plongé dans ce mode survie : l’orage, la peur de la foudre, le stress que ma mère s’inquiète, le fait de ne pas du tout savoir où j’étais et la fatigue. Ce qui m’est arrivé m’a servi à grandir et à éviter de commettre certaines erreurs à l’avenir. Premièrement, j’avais regardé la météo la veille, mais pas le matin même, les prévisions peuvent changer. Ensuite, je pense que j’ai été beaucoup trop sûr de moi. Cela peut nous être fatal en montagne dans certaines situations. Je me suis dit que je connaissais la montagne et que j’allais seulement faire une petite randonnée. Je connais peut être les Alpes, et surtout aux alentours de Chamonix. Mais je ne connaissais pas les montagnes corses. Ce ne sont pas du tout les mêmes montagnes, la météo y est très différente étant donné le fait que la Corse est une île. De plus, dans les Alpes, la limite où les arbres poussent est souvent vers 1800 m alors qu’en Corse cette limite se trouve plus vers 1200 m.
J’ai ce caractère assez fonceur qui me met parfois dans des situations délicates. Cette fois-ci, je pense que la situation n’était pas entièrement de ma faute, mais si j’avais pris le temps de plus me renseigner et faire attention à la météo peut-être que rien ne me serait arrivé…
FLORIAN FUNCKEN
Arco Iris
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SÉBASTIEN BERTHE Des tours de conglomérat les plus impressionnantes les unes que les autres, elles sortent du sol comme par magie ! Nous sommes à Montserrat ! Un mur se démarque des autres : La Paret del Diables, le mur des démons, une face nord énorme, des dévers et des toits à tout va ! Sur ce mur, on distingue une proue déversante de 200 m parcourue de traînées multicolores, une ligne magnifique !
Cette ligne, c’est « Arco Iris », et c’était l’un des objectifs de mon année. « Arco Iris », arc-en-ciel en espagnol (du fait des trainées de couleurs que l’on distingue depuis la vallée) est une proue, une arête, un pilier d’his-
toire à Montserrat : elle devient mythique en 1979 lors de sa première ascension en artif par Armand Ballart et German Folch. Des petits pitons plantés tous les mètres leur ont permis d’en venir à bout. Ces protections sont aujourd’hui rouillées et désuètes : on peut s’y pendre, ou du moins une partie de son corps, avec précaution, mais il semble délicat de tomber dessus. Bon, je n’ai pas tenté le coup, mais ils s’arrachaient sans doute… Cette voie reste un monument de l’escalade artificielle pendant 40 ans jusqu’à ce que Edu Marin envisage il y a quelques années de la grimper en libre. Pour ne pas gâcher la voie d’artif – l’éthique est très stricte à Montserrat – il ne rajoute que très peu de plaquettes, le strict minimum pour pouvoir tomber sur autre chose que sur les pitons. En octobre 2020, après de nombreuses visites à Montserrat, Edu libère enfin le mythe qui devient la grande voie en libre la plus difficile d’Espagne et sans doute l’une des plus difficiles d’Europe. 6 longueurs : 6b, 6c, 8b+, 8c+, 8b, 8a+, le tout pimenté par de potentielles chutes de 25 m. Au printemps dernier, j’ai eu l’occasion d’y faire une première visite et n’ai pas été déçu du voyage : page 37
Julia Cassou © 2021
la voie est bel et bien difficile, rési et engagée. Je parviens cette fois-là à enchaîner le premier 8b+ et à faire la plus longue chute de ma vie dans le 8c+, pas loin de 25 m à transpercer les airs, mon assureuse propulsée violemment dans le premier point… La chute n’est heureusement pas dangereuse grâce au dévers prononcé, mais elle est bigrement impressionnante. Petite astuce pour la prochaine fois et pour préserver l’assureur : qu’il se longe avec une très longue vache quelques mètres sous le relais pour avoir de la distance pour dynamiser. Cet été j’ai donc eu l’occasion d’y retourner à plusieurs reprises car je prépare un gros projet pour l’année prochaine en Espagne (plus d’info dans un autre article de ce numéro d’A&A) juste à côté de Montserrat. Malgré la chaleur et grâce à de belles conditions venteuses, j’y suis allé plusieurs fois. Des prises qui cassent, la peur, des chutes effrayantes, mes avantbras daubés comme jamais auparavant,… Après quelques jours de travail et de combats acharnés, je suis venu à bout de cette voie avec beaucoup de joie ! Il s’agit pour sûr de l’un de mes plus beaux accomplissements en escalade, et certainement la grande voie la plus difficile que j’ai enchainée. Concernant les cotations, à mon avis, la longueur crux est bel et bien 8c+ (encore plus après avoir cassé la prise), mais les autres longueurs pourraient être un peu plus faciles que ce que disait Edu : je dirais 8b au lieu de 8b+ pour la 3e longueur, 8a+ au lieu de 8b pour la 5e et 8a au lieu de 8a+ pour la dernière. Voyons ce qu’en penseront les prochains répétiteurs...
Julia Cassou © 2021
SÉBASTIEN BERTHE
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Michaël
Cyril Lapka, ouvreur INTERVIEW DE STÉPHANIE GREVESSE Les ingrédients d’une compétition sont au nombre de quatre : des grimpeurs, du public, des arbitres et... des ouvreurs. Travailleurs de l’ombre, leur présence discrète – presque invisible, si ce n’est son résultat sur le mur – est décisive pour la réussite d’un événement. Devenir ouvreur, a fortiori aux niveaux national et international, ne s’improvise pas : beaucoup d’aspects entrent en jeu dans ce métier, qui requiert une formation officielle.
Pour soutenir les ouvreurs nationaux, augmenter leur niveau afin qu’ils développent l’escalade sportive dans leur pays et promouvoir la communication entre les fédérations nationales, l’IFSC-Europe, la fédération internationale d’escalade sportive européenne, a mis au point le Routesetter Exchange Program à partir de 2020, à l’initiative de la Belgique. Dans le cadre de ce programme, chaque pays organisateur d’une compétition laisse, au sein de l’équipe des ouvreurs, une place disponible pour
018 ans © 2
Timmerm
un ouvreur d’un pays participant. Les fédérations nationales choisissent les compétitions pour lesquelles elles souhaitent présenter un candidat et l’IFSC-Europe sélectionne un ouvreur dans le cadre du programme d’échange. L’ouvreur national a ainsi l’opportunité d’acquérir de l’expérience dans des événements internationaux, ce qui est indispensable pour participer aux formations d’ouvreur international organisées par l’IFSC, mais était presque impossible à obtenir par le passé. En mai 2021, un de nos talentueux ouvreurs nationaux, Cyril Lapka, a ainsi mis un pied dans le circuit international. Sa candidature a en effet été proposée par la fédération belge, qui salue son professionnalisme, la qualité de ses ouvertures et son attitude constructive et ouverte au feedback. Il a ainsi fait partie de l’équipe d’ouvreurs pour la coupe d’Europe de bloc des jeunes qui s’est tenue du 14 au 16 mai à Graz, en Autriche. Rencontre. A&A – Comment es-tu devenu ouvreur ? Raconte-nous ton parcours. Cyril Lapka – J’ai commencé l’escalade quand j’étais jeune. Je pratiquais d’autres sport à côté. J’ai ensuite étudié en France, à Nancy, en fac de sport. C’est à ce moment que je me suis mis davantage à l’escalade. J’ai progressé assez vite et j’ai délaissé les autres sports pour m’y consacrer. Vers 2004-2005, je fréquentais la salle d’Arlon et on m’a proposé de donner des stages et des cours. J’ai commencé à ouvrir en septembre 2007 : c’étaient mes premières ouvertures de voies. À partir de 2009, j’ai ouvert en bloc et en voies et je
Cyril Lapka en plein travail page 39
ne me suis plus arrêté. Cela fait environ 8 ans que j’ouvre en compétition nationale, d’abord pour les jeunes, puis pour les seniors. As-tu suivi une formation spécifique ? Oui, j’ai suivi une formation en 2011-2012 avec le CAB et Jérôme De Boeck. Il s’agissait d’une formation d’ouvreurs pour faire le lien entre l’ouverture et les compétitions. On n'y apprend pas à créer des mouvements, mais on reçoit des conseils pour les améliorer. Ouvrir, ça s’apprend en côtoyant d’autres ouvreurs, en regardant des vidéos, en grimpant. La formation sert à apprendre des points de règlement, des choses importantes à savoir quand on ouvre en compétition. Il y a quelques mois, CMBEL a proposé ton nom pour faire partie du Routesetter Exchange Programme et tu as eu l’opportunité d’ouvrir à Graz en mai. Parle-nous de cette expérience. Tout d’abord, je tiens à remercier Jean Dorsimond et Tijl Smitz pour leur implication. En 2018, j’ai déjà eu une expérience internationale
L’ouverture est un processus créatif, on cherche l’inspiration un peu partout, un peu comme un musicien. au championnat d’Europe organisé par le CAB au Cinquantenaire à Bruxelles et j’ai aussi eu l’occasion d’ouvrir à Gand et à Mons avec des ouvreurs internationaux comme Remi Samyn (FRA), Christian Bindhammer (GER) et Jan Zbranek (CZE), mais aussi Marco Jubes, Nicolas Mathieu et Igor Depoorter. Ils ont rédigé des lettres de recommandation à mon sujet et, grâce à cela, ma candidature a été acceptée par l’IFSC. J’aurais dû aller à Trondeim, Norvège, en avril 2020 pour la coupe de jeune de bloc, mais la compétition a été annulée à cause la pandémie. Fin mars de cette année, lorsque j’ai appris que j’allais à Graz, j’ai été ravi, mais stressé, presqu’effrayé. La salle à Arlon était fermée depuis fin octobre et je n’avais pas énormément ouvert depuis, si
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ce n’est une fois mi-mars pour un entrainement de la Belgium Climbing Team à Braine-l’Alleud. Je me suis pas mal remis en question. Puis je me suis dit que j’avais un objectif. Pendant un mois, j’ai démonté deux zones de bloc à la salle et je suis venu quasiment tous les jours ouvrir. Je filmais, les réussites et les échecs, et je les analysais. En un mois, j’ai évolué et j’étais plus confiant en arrivant à Graz. J’étais stressé parce que je ne connaissais ni l’endroit, ni les personnes, contrairement à Bruxelles (où j’ai ouvert avec Nicolas Mathieu, Igor Depoorter). Mais j’avais surtout envie de faire honneur à ma présence. Jean et Tijl s’étaient démenés et je n’avais pas envie de les décevoir, ni eux ni les autres ouvreurs. Je m’étais bien préparé et je me sentais plutôt à l’aise dans les ouvertures et les tests des blocs. Concrètement, quand on se trouve sur le lieu d’une compétition, comment se passe le travail de l’ouvreur ? On ouvre à plusieurs, la réussite d’une compétition tient à plusieurs personnes : on travaille en équipe. Chaque chef ouvreur a sa façon de fonctionner et ça me convient à chaque fois, car je pars du principe qu’il faut s’adapter. À Bruxelles, on devait ouvrir un tour à la fois. Il y avait des étiquettes sur le mur avec des consignes de style et de difficulté. En général, on travaille avec les échelles easy, medium et hard. Presque tout le monde doit réussir le niveau easy, même les moins forts, ou en tout cas bien bouger. Si les moins forts réussissent en un essai, c’est que c’est trop facile. Au niveau hard, le nombre de réussite doit être assez peu élevé. Pour Graz, le chef ouvreur était Martin Hammerer (AUT). On avait pas mal de boulot, car il a fallu ouvrir plus d’une cinquantaine de blocs en 4 jours pour les catégories A, B et juniors, pour les garçons et pour les filles, soit six groupes d’ouvertures en tout. On était 5 ouvreurs et on divisait l’équipe en deux par catégories pour le testing. Il n’y avait pas de consignes bien particulières, ni pour la difficulté, ni pour le style. On devait toutefois veiller à l’homogénéité des styles dans le circuit, par exemple en n’ouvrant pas uniquement des blocs de coordination. C’était moins précis qu’à Bruxelles : toutes les prises étaient posées au sol et on faisait ce qu’on voulait. Évidemment, il y a une tendance à rester dans la même gamme de prises dans un même bloc. Perso, pour les prises de main, j’aime les grosses prises qu’on voit de loin. J’aime utiliser ce genre de prises et j’ai développé ma grimpe dans ce style-là plutôt que dans
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des mini-réglettes qui demandent énormément de force dans les doigts. J’aime les prises macro, pour leur côté visuel.
même temps, travailler avec des ouvreurs internationaux aide à atténuer ce stress, et même à prendre de la confiance.
Où puises-tu ton inspiration pour ouvrir des blocs à chaque fois différents ?
Comment vois-tu le futur ?
L’inspiration vient des fois sur le moment, surtout quand on débarque dans une nouvelle salle. On a plein d’idées en voyant un profil de mur. En parlant récemment avec un ouvreur qui ouvre tout le temps dans la même salle, il me disait
Je suis pour que des filles ouvrent davantage sur les compétitions. [...] Ce serait clairement bénéfique d’avoir plus de femmes parmi les ouvreurs. qu’il était un peu à court d’inspiration. Je le ressens aussi : c’est toujours le même profil, les modules permettent de varier, mais c’est plus facile d’avoir de l’inspiration, d’avoir des idées dans un nouvel endroit. Certains blocs que j’ai ouverts à Graz comprenaient des mouvements que j’avais déjà en tête. Je n’ai pas inventé de mouvement, j’ai dû les voir quelque part, les faire en grimpant. L’ouverture est un processus créatif, on cherche l’inspiration un peu partout, un peu comme un musicien. Que retires-tu de ton expérience à Graz ? Je n'en retire que du positif, que ce soit au niveau de l'ouverture à proprement parler, mais aussi au niveau humain, car j'ai eu la chance de rencontrer de chouettes personnes tant parmi les ouvreurs que parmi toute l'équipe de la salle Bloc House. Quelques jours après la compétition, le chef ouvreur doit remettre un rapport et j’ai reçu une lettre de recommandation plutôt positive pour moi, même un peu trop. Je suis très satisfait de ce qui est écrit, mais ça me met du stress encore. Je pense que si on atteint un certain statut, on doit faire honneur à ce statut. Ça me met de la pression, j’ai envie que ça se passe bien. En
Le fait que ça se soit bien passé à Graz me motive en tant qu’ouvreur et en tant que grimpeur. Début juillet, j’ouvrirai à Puurs lors d’une coupe d’Europe jeunes de Lead. Cela fait deux compétitions internationales en deux mois de temps ! Maintenant que j’y ai goûté, j’ai envie de continuer. Je ne sais pas jusqu’où ça m’emmènera, mais si au moins je peux continuer sur des compétitions pour les jeunes, je serai très satisfait. Évidemment, mon rêve serait d’ouvrir sur une compétition internationale pour les seniors. Pour la saison 2020, la Commission des ouvreurs de l’IFSC a décidé de nommer deux femmes « routesetter » : Katja Vidmar et Hélène Janicot. Que penses-tu de la place des femmes dans l’ouverture au haut niveau ? Je suis pour que des filles ouvrent davantage sur les compétitions. Elles apportent un plus en termes de morphologie. Parfois, en tant qu’homme, on mesure avec une main, un avantbras, en se disant qu’une fille peut passer, mais c’est difficile de fonctionner ainsi, surtout en bloc, par exemple pour les mouvements de coordination. Ce serait clairement bénéfique d’avoir plus de femmes parmi les ouvreurs. Souhaites-tu encore ajouter quelque chose ? Je remercie Jean et Tijl qui font beaucoup pour moi et qui croient en moi. Je remercie aussi Eric et David, mes deux chefs à la salle l’Escale de Arlon qui m’encouragent beaucoup dans l’ouverture. Grâce à eux, j’ai pu me libérer pour aller à Graz, à Bruxelles ou à d’autres compétitions en Belgique : ils me remplacent dans mes activités quotidiennes à la salle. Je remercie aussi ma femme, Carine, qui s’arrange beaucoup de son côté pour faire garder les enfants quand je pars. Si elle ne faisait pas tout ça, ce serait difficile pour moi de partir une semaine entière. Je remercie aussi tous les ouvreurs avec lesquels j’ai pu travailler jusqu’à présent et qui m’ont inspiré. Merci aussi aux grimpeurs qui me font des feedbacks sur les ouvertures ou des compliments, cela m’encourage à encore continuer et à m’améliorer.
STÉPHANIE GREVESSE
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2021 ebelle © Thibaut D
À la recherche des coins perdus Partie III, Le mur de Léopold MARK SEBILLE
Dans la recherche de murs d’escalade oubliés, nous allons aujourd’hui remonter au tout début : le tout premier mur. Il est lui aussi situé en Belgique, plus particulièrement à Laeken, dans le domaine royal du Stuyvenberg.
C’était un secret de Polichinelle que le roi Léopold III s’était fait construire un mur d’escalade. Non pas qu’il ait moins envie d’aller sur les rochers le long de la Meuse et de la Lesse, non, il avait aussi envie de s’entraîner plus intensivement chez lui. L’alpinisme était une activité familiale depuis deux générations, ses parents partaient ensemble à la montagne, la reine Astrid et leur fille aînée Joséphine-Charlotte les accompagnait souvent aux Aiguilles de Chaleux. page 42
Le « mur royal » n’est donc pas du tout un mythe, mais sa construction n’a jamais figuré dans la presse. Aussi grande que fût la passion des rois pour l’escalade, c’était pour eux une affaire privée sans lien avec le monde extérieur. De ce fait, ni l’archiviste du Palais Royal, ni l’archiviste du Fonds Roi Léopold III ne peuvent nous dire exactement quand et par qui le mur d’escalade a été construit. Quelques rares photos nous donnent toutefois quelques indices. Léopold III a fait venir à Bruxelles Hans Steger, son fidèle compagnon de cordée. Steger est né en 1907 dans les Alpes bavaroises. Il a commencé l’escalade et le ski très jeune, pour ensuite devenir ébéniste comme son père. Mais l’histoire se déroula différemment. Après une errance ponctuée de stages, notamment à Rome, il se retrouve à Bolzano où il fait la connaissance de la Tyrolienne Paula Wiesinger, qu’il épousera. Wiesinger a été la première femme à grimper dans le sixième degré. Le comte milanais Aldo Bonacossa, grimpeur notoire, industriel et membre à vie du CIO, a présenté le couple au roi Albert Ier. Le couple a accompagné les ascensions d’Albert dans les dernières années de sa vie et, après sa mort en 1934, son lien avec Léopold est devenu toujours plus proche. La reine Astrid perdit la vie dans un accident de voiture en 1935. Une semaine avant, elle grimpait encore dans les Dolomites avec son mari et Hans Steger. Selon toute vraisemblance, le mur d’escalade du Stuyvenberg a été construit en 1937. Steger resta à cette époque quelque temps à Laeken. Des photos le montrent pêchant dans les étangs du domaine royal et conduisant la vieille Bugatti du roi. Tout le monde n’a pas eu cette opportunité
« La Belgique compte encore sept murs d'escalade construits en pierre ou en béton, pourtant celui de Laeken est le seul qui m'a donné l'impression de faire de l'escalade en rocher »
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la seule des enfants de Léopold qui a continué à grimper de manière récréative pendant longtemps. Donc probablement ici aussi. La Seconde Guerre mondiale a probablement joué les trouble-fête quelques années après la construction. Le mur de Laeken était donc la propriété privée du roi Léopold III puisqu’il l’a payé lui-même. Cela explique que les archives royales, bien qu’abondantes, n’en gardent aucune trace. Cela souligne aussi une fois de plus à quel point la famille royale a protégé son passe-temps de l’opinion publique et de la politique. Et en même temps, cela illustre à quel point la passion pour l’escalade était grande chez le roi Léopold III.
Le domaine et le château du Stuyvenberg sont la propriété de la Donation Royale. Pour mes recherches sur les activités d’escalade de la famille royale, j’ai essayé en vain de visiter le mur d’escalade depuis 2017. Au final, en juin 2021, j’ai été invité amicalement. Avec le photographe Thibaut Debelle, nous avons entièrement documenté et mesuré le mur, et l’avons même escaladé. Il s’agit d’une construction en béton atteignant 6,25 m de haut. Le mur total fait 21 m de large, pour une surface grimpable de 90 m2. Huit anneaux sont incorporés dans le béton. Il y a un toit qui, à 2,3 m du sol, dépasse de plus de 90 cm du mur, en plus d’une cheminée et de plusieurs fissures de plus de 6 m de long.
Pour en savoir plus sur les activités d'escalade de la famille royale, consultez les livres Escalades Royales (Bernard Marnette) ISBN 9782875230928 et De Speeltuin van de Koningen (Mark Sebille) ISBN 978963960564
Page précédente : 90 m2 de béton avec des fissures et des cheminées soigneusement incorporées, qui après 84 ans donnent encore le sentiment de grimper sur un rocher. En bas : Probablement le premier topo du mur d'escalade, mesure précise de chaque section de mur et les 8 anneaux pour l’escalade en moulinette Thibaut Debelle © 2021
Le mur du Stuyvenberg est peut-être le tout premier, probablement au monde, mais il n’a pas été une source d’inspiration pour les autres. La Belgique compte encore sept murs d’escalade construits en pierre ou en béton, en particulier à Woluwe, au Sart-Tilman, à Bornem, Nieuwkerke-Waas, Bütgenbach et Buggenhout, et je les ai presque tous grimpés. Pourtant celui de Laeken est le seul qui m’a donné l’impression de faire de l’escalade en rocher.
MARK SEBILLE
Quarante ans après le mur initial, la tour d’escalade de Woluwe et les murs du Sart-Tilman ont été conçus en Angleterre par Dan Robinson. Pour sa part, il a basé son concept sur ses recherches scientifiques lorsqu’il était encore professeur à l’Université de Leeds. Les autres murs en pierre ont été conçus par des grimpeurs de clubs locaux, avec le savoir-faire des années 1980. Nous ne savons pas si le roi a utilisé son mur de manière intensive. Sur les photos, on voit à plusieurs reprises sa fille aînée, la princesse Joséphine-Charlotte (plus tard Grande-Duchesse de Luxembourg) marcher parmi les ouvriers. Elle est
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Le bel été de l’escalade de haut niveau STÉPHANIE GREVESSE La saison de grimpe 2021 était attendue à plusieurs égards : elle était en effet synonyme de reprise (enfin !) des compétitions internationales pour la Belgian Climbing Team et d’entrée de notre sport favori aux Jeux Olympiques. Si la Belgique n’a pas pu décrocher de ticket pour cette première édition des olympiades, nos athlètes se sont bel et bien illustrés lors de plusieurs rencontres de haut niveau. Rétrospective sur les deux fronts.
Focus sur nos athlètes Ils étaient dans les starting-blocks. Plusieurs semaines d’entraînement les ont préparés au mieux à amorcer cette reprise, qui a débuté mi-avril par la Coupe d’Europe de bloc senior à Klagenfurt (AUT), suivie une semaine plus tard par la Coupe du monde de bloc senior à Meiringen (SUI). On retiendra qu’en Autriche, Lucie Watillon s’est classée 15e et Simon Lorenzi et Nicolas Collin ont atteint respectivement les 10e et 11e places. Début mai, Hannes Van Duysen a remporté la médaille d’argent en lead aux Championnats d’Europe des jeunes à Perm (Russie). Mi-mai, c’est à Graz (AUT) à la Coupe d’Europe des jeunes de bloc que Lucie Watillon a décroché la médaille d’or chez les juniors. Deux médailles supplémentaires sont venues compléter le palmarès belge : François Mertens a remporté l’argent chez les juniors et Hannes le bronze chez les jeunes A. Les deux derniers week-ends de mai avait eu lieu une double Coupe du monde à Salt Lake
City (USA). Qualifié pour la première fois pour les demi-finales, Simon Lorenzi termine 7e de la première compétition, à une place d’un ticket pour la finale. Chez les dames, Chloé Caulier se classe 13e. Simon et Nicolas Collin sortent respectivement 6e et 8e des qualifications pour les demi-finales de la seconde compétition et termineront en 12e et 17e position au général. Entre ces deux événements a eu lieu la 1e édition d’une compétition internationale mixte par équipe. Un nouveau format où la Belgian Climbing Team, aidée par la Française Fanny Gibert, a remporté la médaille d’argent. Une belle illustration de la devise « L’union fait la force ! ». Juin rimait avec Coupes d’Europe de lead pour les jeunes à Imst (AUT) et à Ostermundigen (SUI). Ties Vancraeynest et Hannes Van Duysen ont tiré leur épingle du jeu en terminant respectivement 5e en junior et 8e en jeunes A à Imst. Pour sa part, Alexandre Noël s’est classé 7e en jeunes B en Suisse. En juin toujours, Innsbruck (AUT) accueillait la Coupe de monde de lead et de bloc pour les seniors. Héloïse Doumont est sortie 6e des qualifications et a terminé 14e en lead, Nicolas Collin 18e. En bloc, Simon Lorenzi a atteint sa première finale en coupe du monde et s’est classé 5e après un combat dynamique contre la montre dans un des blocs qui a mis le feu au public (voir photo). En dépit d’un tendon blessé quelques jours avant la compétition, Chloé Caulier termine 15e. page 45
Focus sur les trois disciplines 1. BOULDER
L’escalade de bloc est une discipline explosive et spectaculaire. Il s’agit de grimper sur différentes structures de 4 à 5 mètres de haut sans corde, mais avec d’épais tapis de chute sous le mur d’escalade. Les blocs exigent beaucoup de force, de souplesse et de coordination de la part des grimpeurs. Les voies de bloc requièrent aussi beaucoup de perspicacité, c’est pourquoi on les appelle à juste titre « problèmes ». L’objectif est de parvenir à résoudre le problème en un minimum d’essais et dans le temps imparti. L’itinéraire comporte une prise de sommet et des prises de zone. Si l’une de ces zones est atteinte pendant l’ascension, mais pas le sommet, une partie des points est tout de même attribuée. En cas d’égalité, le nombre de tentatives est pris en compte. 2. LEAD
En lead (ou grimpe en tête, aussi appelée « difficulté »), il n’y a pas de corde dans la voie au préalable. Le grimpeur commence au bas du mur, attaché à la corde. Au fil de son escalade, il place la corde dans des dégaines présentes sur le mur pour se sécuriser. Au sol, l’assureur adapte la tension de la corde et donne du mou au fur et à mesure que le grimpeur
Page précédente : Lucie Watillon, Puurs. Thibaut Debelle © 2021
Ci-contre : Ties Vancraeynest, Puurs. Page suivante haut : Simon Lorenzi, Innsbruck. Page suivante bas : Hannes Van Duysen, Puurs.
Le premier week-end de juillet avait lieu la coupe d’Europe des jeunes de lead et speed à Puurs. À domicile, nos jeunes champions ont remporté trois médailles d’or en lead : Lucie Watillon et Ties Vancraeynest en junior, Hannes Van Duysen en jeunes A. Alexandre Noël atteint pour la seconde fois une finale en coupe d’Europe et termine à nouveau 7e en jeunes B. Le même week-end avait lieu la Coupe du monde de lead et speed à Villars (SUI). Nicolas Collin et Céline Cuypers terminent 23e et 29e en lead. page 46
progresse. Cela permet au grimpeur de gravir la voie en toute sécurité et d’être retenu par la corde et l’assureur en cas de chute. Les athlètes sont autorisés à étudier la voie à l’avance pendant 6 minutes depuis le sol, puis retournent en isolement et sont ensuite appelés au mur un par un. Ils ont alors une chance de grimper le plus haut possible sur la voie de 15 mètres. Ils ne peuvent donc pas voir les tentatives des autres. Le run se termine lorsque le grimpeur chute ou atteint le sommet de la voie. Le jury peut également y mettre fin prématurément s’il a une raison de le faire. 3. SPEED
Le nom de cette discipline ne laisse place à aucun doute : c’est la vitesse qui prime. Il s’agit de grimper une voie standardisée dans le temps le plus court possible. Un sprint vertical, en quelque sorte. La voie est identique partout dans le monde, ce qui permet aux athlètes de se mesurer plus facilement les uns aux autres. Le niveau de cette voie est d’environ 6a+/6b sur une paroi en dévers de 5° sur 15 mètres de haut. Le record du monde chez les hommes est détenu par Veddriq Leonardo (IDN) avec un temps de 5,208 secondes réalisé cette année à Salt Lake City. Chez les femmes, la polonaise Aleksandra Miroslaw a pulvérisé le record mondial (6,964 secondes, détenu par la Russe Iuliia Kaplina depuis novembre 2020) avec un temps de 6,84 secondes à Tokyo.
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Une semaine plus tard, Chamonix accueillait la coupe du monde de lead. Aucun de nos athlètes ne s’est qualifié pour les demi-finales. Le circuit mondial a continué à Briançon le week-end suivant. Nicolas Collin et Ties Vancraeynest se sont classés 14e et 24e.
pour les 20 meilleurs du classement mondial et lors des championnats continentaux.
Le combiné de Tokyo : un format controversé Le format de la compétition pour cette première édition a fait beaucoup de bruit. Des favoris de l’épreuve olympique, tels que Tomoa Narasaki, Adam Ondra ou encore Alexandre Megos, ne figurent pas sur le podium. Comment l’expliquer ? Dans cette formule, le champion n’est pas le meilleur dans les trois disciplines simultanément. Les capacités des athlètes, aussi optimales soient-elles, ne leur permettent pas d’exceller en même temps en bloc, en lead et en speed. Un grimpeur expert en tête a d’autres capacités qu’un grimpeur de bloc ou même de vitesse et vice versa. Obtenir de bons résultats dans les trois dis-
Alors que l’escalade faisait ses débuts aux J.O. et après les compétitions de juin et juillet, nos athlètes sélectionnés pour les Mondiaux ont préparé, lors d’un stage d’été, les prochaines compétitions en Russie (qui, au moment d’écrire ces lignes, se profilent à l’horizon : à Voronezh fin août pour les jeunes et à Moscou mi-septembre pour les seniors). Ce stage fut marqué par de très grandes interactions entre les athlètes, les ouvreurs et coaches. Les prochains moments forts pour la BCT sont les Mondiaux, les plus grands rendez-vous de l’année, et sans aucun doute, des rêves déjà tournés vers Paris 2024 !
Lena Drapella © 2021
Après le bloc à Klagenfurt au printemps et avant le lead en automne, une nouvelle manche de la Coupe d’Europe senior de bloc a eu lieu à Cracovie (POL) début août. Lucie Delcoigne a atteint la 12e place. Ce circuit européen senior prend de plus en plus d’importance : les sélections pour le championnat européen à Munich en 2022 se baseront largement sur le teamranking européen.
Tokyo 2020
Thibaut Debelle © 2021
Fin 2014, l’Agenda olympique 2020 – la feuille de route stratégique pour l’avenir du mouvement olympique – invite le comité organisateur des prochains jeux à ajouter au programme de nouvelles disciplines, parmi lesquelles figure l’escalade. Ce sport reflète au mieux la devise olympique « Citius, Altius, Fortius » (plus vite, plus haut, plus fort), illustrée au travers de ses trois disciplines de compétition : speed, lead et boulder (voir encadré). Trois disciplines pour un seul sport médaillé, cela signifie qu’il faut rassembler les disciplines et déterminer un mode de comptabilisation des résultats des athlètes. Le CIO a décidé de combiner les trois épreuves dans le format présenté à Tokyo. Pour sa part, l’IFSC a élaboré le processus de sélection des vingt grimpeurs et vingt grimpeuses qui se sont affrontés au Japon. Les quarante « tickets » ont été distribués lors des championnats du monde d’escalade IFSC de 2019, ainsi que lors d’’un tournoi sélectif à Toulouse
Thibaut Debelle © 2021
L’escalade fait son entrée aux Jeux
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ciplines est donc une tâche exigeante qui oblige les athlètes à changer constamment d’approche physique et mentale. Au final, les mathématiques définissent, comme dans d’autres sports, qui se classe le mieux dans les trois disciplines et qui remporte l’or. Le système récompense donc la régularité et la polyvalence des athlètes plutôt que leur excellence dans les trois disciplines. Les six médailles ont été décernées respectivement, chez les hommes, à l’Espagnol Alberto Gines Lopez, l’Américain Nathaniel Coleman et l’Autrichien Jakob Schubert, et chez les femmes à la Slovène Janja Garnbret et aux Japonaises Miho Nonaka et Akiyo Noguchi. Des podiums panachés, avec de jeunes athlètes comme des athlètes plus habitués des compétitions ou déjà en fin de carrière.
Le changement est en marche En 2024 à Paris, l’escalade de vitesse sera séparée du bloc et du lead, ainsi l’escalade sportive distribuera 4 médailles d’or. Si le format et les critères
Lire Cheminements, Lettres d’altitude et d’ailleurs JEAN BOURGEOIS
de sélection définitifs retenus par l’IFSC ne sont pas encore connus, nos athlètes se préparent d’ores et déjà pour les JO de la Ville Lumière et au-delà. Un centre d’entraînement fédéral avec le soutien de l’Adeps et d’Infrasport verra bientôt le jour dans ce but. Les débuts olympiques de l’escalade ont en tout cas présenté un excellent spectacle et ont fait une belle promotion de l’amitié et de la coopération sans frontières. Avec Paris 2024, la fédération est en marche vers des Jeux annoncés plus durables, ce qui lui tient tout particulièrement à cœur, en escalade comme dans ses autres sports. Notons aussi que le CAB fédère désormais deux sports olympiques puisque le ski-alpinisme sera présent pour la première fois aux J.O. de Milan 2026, où la Belgique devrait être représentée par Maximilien Drion.
STÉPHANIE GREVESSE
ration totale. Que ce soit avec Olga ou avec la montagne, le guide, qui porte un autre nom que Michel, se voit transporté à des niveaux de conscience qui le grandissent continuellement. Ce cheminement est écrit dans une langue imagée et poétique, où tout est continuellement exprimé avec les mots de l’alpiniste : la tempête, le sérac, le rocher qui se détache, c’est aussi la colère, l’incertitude et les dangers dans la vie de tous les jours.
Un guide avec un véritable talent d’écrivain se penche sur son passé. Ses expériences himalayennes le Ses parents l’ont trop gavé d’air mettent parfois en rapport avec des pur et de bivouacs à Fontaineamateurs à l’égo surdéveloppé, mais bleau pour qu’il puisse exercer Cheminements, jamais il ne les juge. À chacun son Lettres d’altitude et d’ailleurs trip. Ses nombreux voyages l’amènent autre chose que ce beau métier Michel Zalio cependant à exprimer un avis mitigé au service de ceux qu’on appelle Editions du Mont-Blanc, 2021, 193 pp. EAN 9782365451093 sur les actions humanitaires qui, pour des clients mais qui, fréquemlui, s’écartent trop souvent du vériment, offrent à leur guide une table humanisme. foule d’émotions qui les rend chers à son cœur. Il La lecture de ce récit est un véritable plaisir et j’y y a Olga aussi, qu’il a conduite trois jours en monai trouvé encore plus de délectation quand, après tagne, en laquelle il découvre la femme idéale mais l’avoir parcouru entièrement, je me suis mis à lire, inaccessible, avec laquelle il va entretenir une corresau hasard, les pages qui s’ouvraient sous mes doigts. pondance assidue. Olga, c’est aussi la représentation Chacune d’elles, chaque ligne, est un régal pour l’œil humaine de la Montagne à laquelle il voue une admiintérieur. Un livre à garder près de soi. page 48
Lire Le pari fou de Jules Janssen Le savant épris du mont Blanc JEAN BOURGEOIS Établir un observatoire astronomique au sommet du Mont-Blanc, tel était le rêve de l’astronome Jules Janssen. Plus qu’un rêve, ce projet avait pour la science de l’époque un intérêt majeur. À la fin du dix-neuvième siècle, le mécanisme de la fusion nucléaire, à l’origine du déploiement formidable de l’énergie du Soleil, n’était pas connu et l’astronome était perplexe devant ce phénomène à l’origine de toute vie terrestre. De quelle combustion pouvait-il donc s’agir ? À l’aide d’un spectroscope, Jules Janssen avait discerné dans le spectre de la lumière solaire les raies de la vapeur d’eau et de l’oxygène, mais il se doutait que l’atmosphère terrestre, que traversent les rayons solaires, en était en grande partie responsable. Pourtant la présence d’oxygène dans l’atmosphère solaire pourrait expliquer un formidable dégagement d’énergie lorsque, se combinant avec l’hydrogène – l’élément le plus abondant dans le Soleil – ces deux éléments synthétiseraient la molécule d’eau. Effectuant ses observations à des altitudes de plus en plus élevées, il constatait l’affaiblissement des raies de l’oxygène et de la vapeur d’eau dans le spectre solaire, mais il fallait en avoir le cœur net : y a-t-il de l’oxygène dans l’atmosphère solaire ? Pour s’affranchir au mieux de l’atmosphère terrestre, établir un observatoire au sommet même du Mont-Blanc devint bientôt son idée fixe. Il n’était pas le premier à envisager une telle idée, car Joseph Vallot, un savant autodidacte, avait érigé sur les derniers affleurements rocheux, trois cent mètres sous le sommet du Mont-Blanc, un observatoire météorologique dès 1868. Jules Janssen soumet son projet au célèbre architecte Gustave Eiffel qui accepte d’en envisager la construction si l’on découvre une assise rocheuse à moins de douze mètres sous le sommet. Mais un sondage par un tunnel creusé de mains d’hommes sous le sommet n’en trouve pas la moindre trace. Sans se décourager, l’astronome envisage une construction en bois posée à même la cime, munie de quatre vérins pour compenser au mieux les
Le pari fou de Jules Janssen, le savant épris du mont Blanc Daniel Grévoz, Editions du Mont-Blanc, 169 pages EAN 9782365451109
dérives inévitables de la construction, Cette structure se maintiendra tant bien que mal durant une quinzaine d’années avant d’être démantelée. Mais l’astronome était satisfait, il pouvait enfin affirmer que l’atmosphère solaire devait être exempte d’oxygène. L’observatoire a aussi permis d’étudier comme jamais la composition de l’atmosphère de Vénus et de confirmer l’absence d’atmosphère sur Mercure. L’auteur, lui-même guide de haute montagne, décrit parfaitement les embûches d’un tel projet, d’autant plus que l’astronome, handicapé depuis sa jeunesse, ne pouvait envisager l’utilisation de son observatoire qu’en s’y rendant… en chaise à porteurs et traîneau ! Il reproduit de nombreux écrits de Jules Janssen qui montrent bien le tempérament fougueux de cet alpiniste hors norme qui gravira trois fois le Mont-Blanc à un âge avancé. De nombreuses illustrations d’époque parsèment le récit. Ce que l’auteur semble ignorer, c’est que Jules Janssen avait découvert en 1868, dans le spectre du Soleil, des raies relatives à un élément inconnu, que le britannique Norman Lockyer dénommera un peu plus tard l’hélium. Cet élément, l’astronome Arthur Eddington, l’identifiera en 1920 comme résultant de la fusion de l’hydrogène au sein du Soleil. Jules Janssen avait touché, mais un peu tôt, au mystère de la source de l’énergie solaire. Ce livre intéressera autant les alpinistes que les astronomes.
JEAN BOURGEOIS
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