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Nouveau topo de Freyr – 2022

MARC BOTT

Un matin, comme un vilain matin de confinement, je découvre un message sur l’écran de ma pomme. «Hey Marc, tu es au courant que 2 Hollandais qui pratiquent à Freyr préparent un topo?» (avec l’inévitable smiley en fin de phrase!) En voilà une nouvelle qui fait cogiter. Pour ceux qui ne me connaissent pas, Freyr et moi, c’est une énorme histoire d’attachement et de passion qui dure depuis 40 ans. Des milliers d’heures d’escalade, des centaines d’ouvertures, d’équipement et de rééquipement. Ce sont 4 éditions du topo, du travail et des kilomètres mais aussi des dizaines de rencontres et d’amitiés inoubliables.

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Les applications pour smartphone gérées par des personnages qui n’ont pour la plupart jamais mis un pied sur la falaise ne sont déjà pas évidentes à tolérer. Ils pillent littéralement les auteurs des topos papiers qui ont passé des années à répertorier, dessiner et ont beaucoup investi dans l’équipement de leurs sites favoris. Ne l’oubliez pas, le jour où vous trouverez que payer 30€ pour un topo papier revient plus cher qu’un abonnement annuel en promo à 19,99 € chez « Crags-chelou » ou autre. L’éthique, chez les escrocs, c’est comme l’argent: elle n’a pas d’odeur et c’est fort dommage. À l’heure ou la mondialisation est de plus en plus remise en question et le développement local une sérieuse alternative, les topos papier devraient aussi rester la faveur des grimpeurs locaux et pas copiés par des visiteurs inconvenants. En résumé, je suis contre. Fermons cette parenthèse de petite mise au point. Après une semaine de réflexion, je décide de repartir à l’assaut d’une 5e publication en mode «premier ascensionniste à la conquête d’une face vierge». Chaque jour, il l’observe depuis la vallée, il la connaît, c’est sa montagne. Il sait qu’il doit y aller avant que des cordées venues d’ailleurs

essaient de planter leur drapeau avant lui. Après quelques heures de cours par correspondance pour connaître les bases d’InDesign, je réunis la cordée idéale et spécialisée. À la souris : Guy, le couteau suisse qui trouve toujours une solution et Wouter à la traduction. Une équipe très complémentaire et efficace. Nous nous lançons sans plus attendre dans l’ascension de ce projet en espérant atteindre le sommet les premiers ! Je décide malgré tout de suivre un itinéraire complètement différent des parutions antérieures : un nouveau format A5 «à l’italienne». Les traditionnels dessins de tracés remplacés par des photos. Les commentaires remaniés. Les photos de grimpeuses et grimpeurs quel que soit le niveau des voies, mais en rapport direct avec le massif. Il sera plus évident de voir la différence entre, par exemple, le style d’escalade sur le rocher du Louis-Philippe et celui des Pucelles. Depuis longtemps, chaque fois que je parcours à nouveau les anciennes éditions, l’ordre d’apparition des massifs ne me semble pas logique. Pourquoi ne pas suivre et descendre le cours de la Meuse plutôt que de le remonter? L’idée de départ est de faire quelque chose de différent. En conséquence, cette fois le massif de la Jeunesse sera le premier et le Mérinos arrivera en dernier. Question d’habitude et de logique au final. Une petite remarque à ceux qui pensent encore que Freyr est une falaise très engagée. Ils devront regarder attentivement les photos d’archives des pionniers de Freyr. L’équipement minimaliste des voies et des grimpeurs de l’époque ne peut qu’inspirer le respect. Les anciens qui ont contribué à l’histoire

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de ce site magique depuis presque 100 ans sont mis en avant dans les secteurs «classiques» de l’Al Lègne et du Mérinos. Une autre nouveauté: chaque niveau de cotation est représenté par sa couleur. Tous les 3 sont jaunes, les 4 orange, les 5 verts, etc. jusqu’au 8. Cette très longue et ambitieuse expédition aura nécessité plus de 3000 heures de recherche, d’encodage, de mise en page et de vérifications assis sur une chaise et devant un écran. Et quasiment le même temps actif sur le terrain pour équiper et essayer encore une dernière nouvelle voie. Pendu sur corde fixe à attendre le bon geste, j’ai aussi photographié des dizaines de motivés. Été comme hiver, dans des conditions parfois proches des Highlands écossais et tout ça dans une bonne humeur générale et contagieuse. Cette belle aventure m’a encore permis de rencontrer et de mettre en place une fameuse collaboration avec de vrais passionnés de Freyr. Sans eux, c’est comme avec les guides népalais: le sommet devient de plus en plus difficile voire impossible à atteindre.

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1. Pat et Jean – L1 Bleue 4c

Marc Bott © 2021 2. Jehanne Jancloes – Ligne de Fuite 7b

Marc Bott © 2021 3. Merlin Didier – Pilier Davaille 8a

François Kivik © 2021 Ardennes & Alpes — n°212

Pour conclure, pas de selfie traditionnel avec doigts levés en « v » et têtes grimaçantes pour dire à tout le monde que c’était dur mais qu’on a réussi. J’invite simplement toutes les participantes et tous les participants dès la sortie de presse début mai, à trinquer ensemble sur le plateau… Et, on pourra aussi faire des photos une bière à la main! Un tout grand merci à toutes celles et tous ceux qui ont aidé, même une seule fois, et déjà mes excuses pour celles ou ceux qui m’ont échappé. Dans l’ordre, mes partenaires de cordée : Guy Deneyer et Wouter Debusscher. Et pas dans l’ordre : ma famille, François Kivik, Alain Herbosch, Merlin Didier, Florian Castagne, Ben Guitton, Yves Kerkhofs, David Leduc, John Janssens, Paul Lahaye, Bernard Marnette, Mark Sebille, Pierre Guyaux, Karel Cusse, Michael Timmermans. Merci aussi à toutes les actrices et tous les acteurs présents ou pas dans le topo et à tous les photographes qui ont envoyé des photos. Aux annonceurs qui m’ont fait confiance. Le CAB – La KBF – PETZL - ENTRE CIEL ET TERRE – LECOMTE – TERRES NEUVES

MARC BOTT

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