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ulnzalne littéraire du 16 au 30 juin 1970
Entretien avec Pierre Naville sur J'U.R.S.S.
Théâtre 'noir à New York
SOMMAIRE
J
LE LIVRE DE LA QUINZAINE
Andréas et autres récits
par Diane Fernandez
S 6
liatail1e paraît Entretien avec Roger Caillois
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L'illimité de la pensée Les dames de Bataille Bataille forcé Le dauphin
par Denis Hollier propos recueillis par Gilles Lapouge par Maurice Blanchot par Jean Schuster par Lucette Finas par Alvaro Manuel Machado
Rliche ou r herbe rance L'air du large L'Expressionnisme
par Jean Gaugeard par Marc Saporta par Marcel Billot
Les Galeries La rose des vents 32 rhumbs l'our Charles Fourier Charles Fourier ou la contestation globale Wittgenstein La théorie générale du droit et du marxisme Grèves d'hier et d'aujourd'hui Qu;est-ce que l'U.R.S.S. ?
par Nicolas Bischower par François Châtelet
9 10 12 13 14 16 18
LITTERATURE ETRANGERE ROMANS FRA ~ ÇAIS ESSAIS ARTS PHILOSOPHIE
Hugo von Hofmannstahl
José Cardoso Pires Jacques Chatain Michel Mohrt
Michel Butor
René Schérer
19 20 21 22 23 2S 26
ECONOMIE POLITIQUE ENTRETIEN
G.G. Granger Eugène B. Pasukanis Georges Lefranc Pierre Naville Robert Conquest
LETTRE DES ETATS-UNIS FEUILLETON
François Erval, Maurice Nadeau.
Conseiller: Joseph Breitbach.
La Quinzaine litteraire
Comité de rédaction: Georges Balandier, Bernard Cazes, François Châtelet, Françoise Choay, Dominique Fernandez, Marc Ferro, Gilles Lapouge, Gilbert Walusinski. Secrétariat de la rédaction : Anne Sarraute.
Courrier littéraire: Adelaide Blasquez.
Maquette de couverture: Jacques Daniel.
Rédaction, administration: 43, rue du Temple, Paris (4"). Téléphone: 887-48-58.
par Christian Descamps par Robert Paris
La grande terreur Plus de noir que de nu
par Michelle Perrot propos recueillis par J. P. par Dominique Desanti par Jean Decock
W
par Georges Perec
Publicité littéraire: 22, rue de Grenelle, Paris (7"). Téléphone: 222-94-03.
Crédits photographiques
Publicité générale : au journal. Prix du nO au Canada: 75 cents. Abonnements : Un an : 58 F, vingt-trois numéros. Six mois: 34 F, douze numéros. Etudiants: réduction de 20 %. Etranger: Un an: 70 F. Six mois: 40 F. Pour tout changement d'adresse : envoyer 3 timbres à 0,40 F. Règlement par mandat, chèque bancaire, chèque postal : C.C.P. Paris 15551-53. Directeur de la publication: François Emanuel. Imprimerie: Abexpress Impression S.I.s.s. Printed in France.
p. p. p: p. p. p. p. p. p. p.
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D.R.
5 Pauvert éd. Gallimard éd. 8 Gallimard éd. 9 Bulloz 10 Pauvert éd. Il Pauvert éd. 12 D.R. 13 Le Seuil éd. 14 Gallimard éd. 7
p. 18 p. 21 p. 23 p. 24 p.25
Seghers éd. Snark Stock éd. Stock éd. Magnum
I.E LIVRE DE
LA QUINZAINE
Andréas
Voici un livre qui s'impose avec la luminosité des œuvres vraiment belles, un des textes les plus riches, les plus mystérieux du début du siècle. Andréas est un roman inachevé, dont les deux premiers épisodes, qui se suffisent à eux-mêmes, nous sont ici donnés. Il en comporte un troisième, essentiel, curieusement absent de l'édition française: Das Venezianische Erlebnis des Herrn von N., demeuré à l'état de notes, dont chaque formule. chaque fragment, a des résonances infinies (1).
Hugo von Hofmannstahl Andréas et autres récits Trad. de l'allemand par Eugène Badoux et Magda Michel Préf. de Henri Thomas 'Gallimard éd., 264 p.
Itinéraire intérieur et spirituel, ce' récit d'une adolescence et de son passage 'à la maturité, ce roman d'éducation et d'apprentissage a l'importance d'une Education Sentimentale ou d'un Wilhelm Meister. On ne saurait prétendre pré· senter en quelques mots une personnalité aussi complexe que celle de Hugo von Hofmannsthal (2). Rappelons seulement que ce génie précoce fut célèbre dès le lycée (1891), grâce à son œuvre poétique; imprégné de plusieurs littératures, profondément marqué par une Vienne en décomposition, aussi sensible à la musique et à la peinture qu'au langage, l'auteur d'Andréas était un homme d'une culture prodigieuse dont on retrouve sans cesse l'écho dans ce roman où tout est allusion, réminiscence en même temps que poème et pure création personnelle. D'étranges obsessions courent à travers ce texte dont il est difficile de savoir à quelle angoisse intime on peut les rattacher étant donné le soin extrême avec lequel Hofmannsthal a évité toute littérature de «confession ». Ain· si retrouve-t·on à plusieurs repri· ses le thème d'un valet, d'un la-
quais, d'un subordonné diaboli· que, assassin ou voleur. Faut-il voir là le souvenir de la fin tragique de Winckelmann, sur lequel Goethe, Pater et Hofmannsthal ont tous écrit des essais, étranglé par son compagnon de voyage Archangeli que tentèrent ses médailles d'or? (le valet criminel d'Andréas s'appelle Dieudonné). Quoiqu'il en soit, cette angoissante présence d'un alter ego pervers ou meurtrier qui se retrouve dans presque tous les récits de ce volume, comme dans Andréas, est à rattacher au thème du double: parmi les lectures entreprises par Hofmannsthal avant de composer la fin de son roman se trouvent Docteur leckyll et Mr. Hyde et le livre d'un phi. losophe américain Morton Prince : The Dissociation of a personnality. Le grand sujet de l'œuvre de Hofmannsthal, ce sont ces tenta· tions passionnées qui, malgré les garde-fous des principes et des convenances grâce auxquels les instincts sont maintenus dans les profondeurs comme sous la pesanteur purifiante d'un couvercle, ne ces sen t d'affleurer. Certaines phrases laissent deviner des abîmes, comme celles qui décrivent le jeune et pur Andréas chevau· chant aux côtés du valet sadique, écoutant ses méfaits avec un trouble dégoût qui le fait «brûler et transir ». Les rêves dans lesquels, à cause des récits du valet, An· dréas se perd (... « il n'est plus un jeune chevalier, plus rien de galant, de respectable, plus rien de beau mais un acte sauvage, un meurtre dans la nuit:t) prouvent
La Q!!inzaine Littéraire, du 15 au 30 juin 1970
assez à quel point Dieudonné est l'inquiétant miroir des virtualités de son maître à qui le proverbe «tel maître, tel valet» vient à l'esprit et, «comme l'éclair, l'idée inverse... » Le récit de la Pomme d'or sug· gère en une page admirable le bouillonnement obscur des passions qui remonte insidieusement, grâce au sommeil, chez une jeune femme dont les «défenses sont mmees ». «Elle luttait contre f ennemi invisible dont la voix subversive résonnait en elle, irra· diant pas même le désir, simple. ment, la possibilité de tout le mal, de tout ce qui existait de crimi· nel et de tentateur.» La saisissante Histoire de Cavalerie culmine dans un «regard de haine bestiale» que jette un maréchal des logis à son capitaine : ce sont ces rapports de sour· de violence, ces ébauches de sentiments, ces velléités et ces tentations, ce démoniaque et cet irrationnel qui sont les forces agis· santes de l'œuvre rappelant par là l'univers de J.-P. Jacobsen dont Rilke avait été si frappé. Maria Grübbe, tourmentée de lubies et de désirs suicidaires, Niels Lyhne oscillant entre la vie et le, rêve sont des personnages dont la, texture, nerveuse est voisine de celle des héros de Hofmannsthal. Jacobsen, écrit l'auteur d'Andréas, «nous révèle en tout premier lieu une double vue des choses » ; il observe le conte· nu de la vie psychologique «de manière psychiatrique ». De fait, Hofmannsthal est .davantage hanté par le dédoublèment de l'être que par l'aspect protéen de la personnalité sur lequel tant de récits romantiques mettent l'accent; d'où un monde bien plus angoissant que celui des métamorphoses. Monde à la fois réaliste, magique, ironique et sensuel, qui n'a rien de la mollesse voulue et recherchée d'un pur esthétisme (terme dont Curtius a montré combien, souvent utilisé de fa· çon arbitraire, superficielle, il ne convient guère au cas de Hof· mannsthal: «Quand, on est artiste, on est toujours plus qu'un simple esthète:t) (3). En lutte contre tant de forces maléfiques, il y a dans cette œuvre d'admirables moments de tendresse et d'espoir. Certaines
scènes d'Andréas qui communi· quent au lecteur, de façon quasitangible, un bonheur d'une qualité très rare, prennent toute leur force et leur sérénité en contraste avec la morbide identification du maître au valet. La rencontre dans la ferme entre Andréas et la jeune Romana, jeune fille pure, instinctive, essentiellement libre, d'une «terrible innocence» et qui rappelle la Girolame du Miguel Ma1Îara de Milosz, est inoubliable. Semblable aux héros pirandelliens qui ne savent plus s'ils sont ou' non coupables d'un méfait irréparable, Andréas est sans cesse confronté avec des visions criminelles : c'est un chat «dont jadis il avait brisé la colonne vertébrale avec Je timon d'un char» et dont «le faciès est en proie, tout ensemble, aux affres de la mort et à la volupté, en un Olé· lange hideux»; c'est un chien dont il aurait disloqué l'échine et «qui rend l'âme en frétillant ». - «Andréas avait.il vraiment fait cela ? Il n'en était luimême pas certain. Mais ces ima· ges naissent de lui. C'est rinfini qui feffleure.» Visions qui semblent trahir au sein de l'œuvre si dissimulée, si discrète, une note de violence où la cruauté se mêle au plaisir, comme dans certaines scènes de Musil. Le mal peut être poésie, quoique la pureté répugne à cette constatation, et c'est. parce qu'il y a «dans tout, absolument dans tout, le germe d'un fétiche, d'un dieu» que Hofmannsthal admire t.ant Balzac à qui rien ne demeure inconnu et à qui il fait dire, dans un dialogue imaginaire: «Pathologique! Elargissons suffisamment cette idée et f enfer et le ciel y tiendront. Pour ma part, je ne peux renoncer ni à fun ni à fautre. » (4) La conception du personnage romanesque, les limites ou les non-limites de la personnalité, tous l~ problèmes que posent l'inspiration et la création, ont très tôt tourmenté Hofmannsthal comme en témoigne sa superbe Lettre à Lord Chandos (5) qui est moins un texte sur le désespoir et la stérilité que l'expression d'un silence gestatoire néces· saire à l'élaboration de nouvelles formules. «Le temps où f on vit octroie des formes. Franchir le cercle de sa fascination et obtenir des formes nouvelles, tel est f acte
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Hoffmansthal
créateur ». écrit. Hofmannsthal dans le Livre des A mis. La Let· tre à Lord Chandos exprime ce nloment. de transition, un moment de retour sur le moi où l'artiste s'interroge sur l'acte créateur, et non la croyance an vide ou au néant: jamais, comme le précise Henri Thomas dans sa préface, Hofmannsthal ne met en doute la valeur. la notion d'œuvre d'art. comme telle. Ce n'est plus seulement le «beau» qui ravira le poète, mais nn détail puissamment investi de symbolisme, un «objet dont la forme sans apparence» devient source «d'extase énigmatique ». une situation pleine d'horreur comme celle où des rats agonisent dans une cave clo· se et se rencontrent avec un froid regard de fureur devant une fen· te bouchée. Moment de terreur sans doute, de désintégration, quand le poète comprend à quel point tout est significatif, combien il ne doit rien refuser dans un effacement quasi mystique du moi, dans une confusion des temps qui rend le passé sans cesse présent. Tout sur· vit dans la mémoire, comme par exemple ce personnage étrange nommé Agur: «Quelque part en
moi cet Agur hab'ite avec les choses que j'ai vécues avant d'avoir trois ans, et dont ma mémoire . .. consct.ente n' ao ]amaM rt.en su, avec [es mystères de mes rêves les plus obscurs, avec ce quP. j'ai pensé derrière mon propre dos ... » (4"1 Moment de terreur mais aussi de prodigieuse découverte lorsque le mal est guéri par le mal, lorsque l'angoisse du poète est conjurée par celle du peintre et que, devant les objets ressuscités par un V an Gogh, il s'écrie: «Tout me .~emblait renaître, sur·
gir hors du chaos formidable du non-être. Je savais que chacune de ces choses, chacune de ces créa· tures était le produit d'un doute abominable et que paT' son exis· tence elle recouvrait à tout jamais 'Une horrible bouche d'ombre.» (Lettres du voyageur reM vellu) (4). Hofmannsthal a laissé quelques notes, quelques fragments intimes intitulés Ad me /psum: ce sont des cris intérieurs laconiques d'une densité et d'une profondeur rarement égalées; ainsi qu'un reM cueil dc pensées et de citations (le Livre des Amis) oÙ le choix
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de telle pensée de Valéry (<< tout ce qui eompte est bien voilé ») ou de telle citation de Baudelaire ( « L'étude du beau est un duel où l'artiste crie de frayeur avant d'être vaincu ») éclaire une œu· vre chargée de discrétion. et de mystère. L'angoisse née de ce que l'on pense « derrière son propre dos », la «frayeur devant le beau », la violence des passions sont .ici contrebalaD<~ées par une compréhension universelle, une empa· thie, une participation à autrui rendues possibles par certaines absences. Absence de tout juge. ment qui fige. absence de toute pruderie qui condamne, de tout parti pris qui rapetisse la vision, de tout repli sur soi qui clôture. Le personnage qui personnifie le mieux cette générosité complexe est peut·être ce chevalier de Mal· te Sacramozo qui, à la fin d'An. dréas, parvient au faîte de sa personnalité dans un suicide-communion avec le monde, suicide que Hofmannsthal a voulu dépourvu de tout veule abandon aux forces de dissolution. Devant une telle œuvre qui fait apparaître ce que la notion d'un « moi» vécu comme entité dis· tincte du moi d'autrui a d'étriqué, le lecteur éprouve ce vertige silencieux mais comblé que Hofmannsthal a si souvent décrit : de tels textes se commentent moins qu'ils ne se vivent. Ils illustrent parfaitement cette réflexion de leur auteur dans ses cahiers inti· mes: «Le ..chemin de la vie nous
conduit vers une magie tOIl jours plus puissante. Magie: capacité de saisir d'un conp d'œil enchanté des corrélations, don de faire vi· vre le chaos par r amonT. » Dian{' Fernandez (1) Cf. l'édition d'Andréas, in Se· lected Prose (Bollingen Series), 1952. (2) Le lecteur français peut se référer à la belle étude de Hermann Broch: Hofmannsthal et son temps, dans Création' littéraire et Connaissance, Gallimard 66; aux pages de du Bos dans Approximations III et à sa préface aux Ecrits en Prose (Schiffrin 1927) ; au n° 333 des Cahiers du Sud (février 56) et au Hugo von Hofmannsthal, fort clair et utile. d'E. Coche de la Ferté (Seghers 64). (3) Essais sur la Littérature Européenne, d'E.R. Curtius(Grasset 54). (4) Cf. Ecrits en Prose (Schiffrin, 1927) .. (5) Lettre à Lord Chandos, trad. J.C. Schneider (Mercure de France, 1969).
A. paraitre Dans la collection • Domaine· fantastique. de Pierre Belfond, Claude Seignolle présente un recueil de nouvelles intitulé Histoires vénéneuses, suivi de La Brume ne se lèvera plus, tandis que dans la collection • L'âge d'or. de Flammarion nous sont proposés, sous le titre de Spirite, suivi de La. morte amoureuse, 'deux des romans les plus étranges de Théophile Gautier. Chez Grasset, Isabelle Alvarez de Toledo, duchesse de Medina Sidonia, publie un roman·document auquel celle que l'on a surnommée la • duchesse rouge. et qui fut emprisonnée pour' avoir déclenché une grève en Andalousie après l'incident de la bombe de Palmares, a donné le titre de Grève en Andalousie. Signalons égaIement, chez le même éditeur, l'Eté de la cigale, par la romancière canadienne Yvette Naubert qui y relate les drames provoqués aux Etats-Unis par le mariage d'un fils bourgeois avec une Noire.
Les revues Critique No 276
A propos 'du Flaubert de Maurice Nadeau, Michel Butor ouvre la dernière livraison de Critique par une lecture de Flaubert qui, si elle ne nous apprend pas grand chose sur l'auteur' de Madame Bovary, nous renseigne assez bien sur la méthode de EJutor. une méthode qui, depuis le rêve de Baudelaire. n'a guère' varié. Par ailleurs au sommaire, notre ami Serge Fauchereau parle de la poésie irlandaise (mais, en 1970, y a-t-il plus grande poétesse que Bernadette Devlin qui s'est exprimée sur les barricades de l'Ulster?) et Cathe· rine Backès découvre le jeune écrivain Roger Laporte. La Revue de Paris (avril 701 Il est toujours triste de constater la mort d'une revue. La Revue de Paris annonce, au seuil de cette livrai· son, son absorption par le groupe Réalités. Pour son adieu. un sommaire assez brillant: Henry de Montherlant, Marcel Arland. Alfred Sauvy, Jacques Madaule, Matthieu Galey et Robert Kanters.
La Passerelle (N0 2)
Suite des œuvres complètes de M. Pierre Béarn. Cahiers du cinéma (N° 220.221)
Les Cahiers du Cinéma, après de multiples tribulations. ont repris leur autonomie et l'on sait qu'il s'agit là pour eux d'une aventure dont l'issue est finan'cièrement très incertaine. C'est pourquoi il faut souligner leur
Chez Denoël paraît, sous le titre de Journal d'un ambassadeur, un ou· vrage de J. K. Galbraith qui y évoque les souvenirs de sa mission en Inde au début de l'ère Kennedy. Dans la collection • Poétique. du Seuil. paraît une importante étude de Vladimir Propp, que Levi-Strauss considère comme un de ses précurseurs, sur les contes du folklore russe: Morphologie du conte. Chez Pierre Belfond. Gilbert Touiouse publie. sous le titre de Contre· écriture, un pamphlet des plus corrosifs où il prend à partie l'abstraction trop souvent systématique du Nouveau Roman. Enf:n, dans la collection des • Let· tres nouvelles» de Denoël, paraîtra, sous le titre du Spectacle intérieur, l'autobiographie d'un professeur au Co liège de France. spécialisé dans l'histoire littéraire. Jean Pommier.
courage: leur premier numéro est le moins commercial qui soit. puisqu'il est consacré au cinéma soviétique des années vingt. C'est un numéro presque exhaustif. d'autant plus • fantastique • qu'il concerne des films qui ont pour la plupart disparu. Je les soupçonne d'ailleurs, parce qu'ils ne manquent pas d'humour, d'avoir donné une petite note borgésienne à l'ensemble en inventant quelques œuvres. Bref, un numéro assez extraordinaire où l'on peut lire notamment uri très grand texte du romancier louri Tynianov, l'auteur du Disgracié. Métamorphoses (No 12)
En vedette de cette jeune revue, André Frénaud, Franz Hellens et sur· tout les premiers poèmes traduits en français de Miroslav Karleja. dont on a pu lire récemment • Je ne joue plus.. Par ailleurs. quelques jeunes poètes: Oleg Ibrahimoff, Georges Badin. Jean-Claude Schneider, ;>ierteSylvestre Clancier (fils de Georges· Emmanuel) et Jean-Louis Chrétien (curieusement. il écrit un poème sur Dieu ... ). La Nouvelle Revue Française (N° 209)
Tandis que Louis Guilloux, dans un texte intitulé • Les Quatre sous', retrouve le chemin de • La Maison du peuple " Jorge Luis Borges chante Buenos Aires: il s'agit d'un poème extrait de ses œuvres complètes à paraître incessamment. Quatre lettres inédites de Marcel Proust. une étude sur Supervielle par Jacques Borel et un très beau texte de Jacques Réda à propos de Pierre Qster complètent cette livraison. J. W.
Présence de Bataille Les éditions Gallimard ont entrepris de publier les Œuvres complètes de Georges Bataille. Deux volumes viennent de paraître: Premiers écrits (19221940), 658 p., qui rassemble Histoire de l'œil, l'Anus solaire, Sacrifices et des articles, avec une présentation de Michel Foucault, Ecrits posthumes, 19221940 (464 p., où l'on trouve, en particulier, le Dossier de Documents et quantité de textes en
marge d'Acéphale et du Collège de sociologie). Nous avons demandé à l'éditeur de ces deux volumes (qui couvrent l'activité de Georges Bataille jusqu'à la guerre) : Denis Hollier, de préciser l'apport de Bataille en cette période d'entre les de u x gue r r e s. Gilles Lapouge s'est entretenu avec Roger Caillois à propos du Collège de sociologie. Jean Schuster, qui appartint jusqu'à
ces derniers mois au groupe surréaliste, mais qui parle ici en son nom personnel, donne son sentiment sur la conception que se faisait Bataille de la femme érotique, tandis que Lucette Finas mesure l'impact de la lecture de Bataille sur un jeune philosophe: Jacques Derrida. On ne s'étonnera pas que nous reproduisions enfin des extraits d'un texte capital, tiré de l'Entretien infini (voir la
Quinzaine n° 86) où Maurice Blanchot dit ce qu'était un « entretien » avec le plus grand de ses amis. Tous les aspects de l'activité et de la pensée de Georges Bataille ne sont certes pas ici passés en revue. Du moins convenait-il de marquer la place que détient l'auteur de l'Expérience intérieure dans nos préoccupations actuelles.
" Bataille paraIt par Denis Hollier
, «Et puis viendra le temps des œuvres complètes », avait annoncé Maurice Blanchot: le voici. Mais il ne faudrait pas que dispa.~aisse dans cette présence ce qui la motive, c'est-à-dire ce qui a permis à l'œuvre de Bataille d'avoir une telle force qu'elle domine rétrospectivement une époque qui l'ignora ou, à quelques exceptions près, dont plusieurs sont tardives, la méconnut. Cette efficacité aux effets posthumes, Bataille en a trouvé le ressort dans une certaine absence, absence dont il serait d'ailleurs inexact de voir en lui seulement la victime: sans doute lui est-il arrivé de s'en plaindre, sans doute a-t-il essayé d'y échapper, de se faire « reconnaître»; mais dans cette absence de la scène officielle, dans ce silence trompeur où s'accumulait une masse de textes qui surprendra, dans cette position d'essentielle méconnaissance qui restera, connu ou inconnu, la sienne, il faut voir le lieu d'élaboration d'une expérience de la communication lourde de conséquènces. Après avoir travaillé' à faire suhir à l'œuvre de Bataille ce que l'on ,pourrait appeler une transformation positive (celle de la publication), ainsi le temps serait-il peut-être déjà venu d.e lui en faire subir une, nég'ative, qui
non seulement rappellerait derrière sa présence actuelle l'absence de Bataille, mais porterait aussi sur chacun des thèmes auxquels cette présence est' associée, et en particulier sur celui de l'érotisme, l'un de ceux où l'exploitation et les malentendus de la mode sont aujourd'hui le plus fermement installés. Il faut être net sur ce point : la part de la sexualité dans l'œuvre de Bataille est maudite et l'est d'une manière essentielle, qui ne tient pas au puritanisme d'une époque; elle n'attend rien d'une levée des interdits. Ce n'est pas un hédonisme: l'é rot i s me n'est pas aphrodisiaque. Aucun doute en ce sens qu'à côté des euphories sexuelles surréalisanies ou hippies, l'impact de Bataille ne soit comparable à sa façon à celui de Sade dans le libidinage du XVIIIe siècle. «Je n'aimais pas ce qu'on nomme «les plaisirs de la chair », en effet parce qu'ils sont fades. » L'érotisme {et c'est pourquoi, au-delà de l'étroite spécialisation désignée par l'épithète «érotique », il y a entre littérature et érotisme des rapports très serrés dans le système desquels la politique a d"ailleurs aussi son rôle à jouer; l'érotisme n'est pas un genre littéraire, un certain type de littérature, il est la littérature elle-même}, l'érotisme est avec
. I.a Q!!inzaine Littéraire, du 15 au 30 juin 1970
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l'écriture un des lieux où s'effectue l'expérience de la communication, expérience qui n'adopte pas la forme d'une fusion (l'érotique de Bataille n'est donc rien moins que platonicienne : elle cst refus d'« atteindre encore une fois la notion de l'unité de l'être »), mais au contraire la forme d'une séparation. Faut-il rappeler l'attention que Bataille portera à la scissiparité ? La communication n'cst pas séparable d'un certain silence (<< il m'a semblé. [.u] que les relations humaines étaient comme vides de sens si une région de silence n'interférait pas entre elles»), d'un certain espacement, d'une certaine absence des acteurs; elle n'est que l'expérience de cette séparation. Plus encore, cette séparation ne lui préexiste pas, elle s'effectue en elle de telle manière que les «attraits ~ (comme l'on dit) qui l'induisent ne le font qu'en vertu de leur caractère en réalité repoussant: «entre deux êtres dont une vie débordante compose les mouvements, le thème de la répulsion réciproque portant sur les parties sexuelles est présent comme un médiateur, comme un catalyseur accroissant la puissance de la communication ». Les êtres sont unis par ce qui le sépare et, communiquer, ce n'est que réaliser « r absence de commune mesure entre diverses en#tés humaines ». Quand il y a «quelque chose» entre plusieurs êtres, ce quelque chose n'est jamais que cette absence de commune mesure, que cette différence qui se manifeste' aussi bien par la différence individuelle (le moi, contingent, «improbable») que par la différence sexuelle en général. Cette différence est ce par quoi Bataille définit la matière. «La matière, en effet, ne peut être définie que par la différence non logique qui représente par rapport à l'économie de l'univers ce que le crime représente par rapport à la loi.» Autrement dit, la matière est dépense (transgression de l'économie) , illégale au double sens épistémologique et juridique de la légalité. Illogique et immorale, comme l'est le moi, conlme l'est le sexe. Dans la mesure où cette dépense est inaugurée par une blessure castratrice (celle que développent ~tlr le mode «mytholo-
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Entretien
Denis Rollier
gique » les textes de l'Œil pinéal), on pourrait appeler principe d'insuffisance la matrice qui gouverne cette série de remarques. Chaque être, dès l'instant où il est pris dans un système de communication, est défini, non par des ca· ractères positifs, mais par une insuffisance, par un défaut essentiels. L' h 0 mm e «n'est rien d'antre sous un soleil malade, que fœil céleste [fœil pinéal] qui lui manque ». « L' homme est ce qui lui manque.» Telle est la proposition fondamentale de la logique de la communication élaborée par Bataille. L'être n'existe qu'en' communication, c'est-à-dire que blessé et, par cette blessure, s'écoulant en une dépense à plus ou moins longue échéance mortelle. La communication est le sacrifice de l'être, l'être comme sacrifice. (L'être de Bataille est ainsi le contraire exact de la monade leibnizienne qui se suffisant à soi - tout du moins en tant que monade constitue un monde à part, sans communication avec les autres monades, sans porte ni fenêtre (sans blessure). L'être de Bataille est le contraire d'une substance. Et l'athéologie n'est que le refus de ce supplément, de ce pansement qu'est Dieu destiné à guérir, cicatriser ou faire oublier les blessures.) «Je propose d'admettre comme une loi que les êtres humains ne sont jamais unis entre eux que par des déchirures ou des blessures: cette notion a par elle-même une certaine force logique. » a) C'est pourquoi communiquer c'est se sacrifier, c'est pourquoi Bataille n'a parlé et n'est lisible que depuis sa mort et pourquoi son écriture se détache sur le fond de ce silence, de cette absence dont et d'où nous parIons: «A une certaine limite, le désir d'échanges humains parfaitement clairs qui échappent aux conventions générales, devient un désir d'anéantissement.» b) Désir d'anéantissement qui est au travail dans tous les textes comme refus de réduire les différences, de combler les manques, de guérir les blessures: « Je m'éloigne de ceux qui attendent d'un hasard, d'un rêve, d'une émeute la possibilité d'échapper à rinsuffisance. »
Denis Hollier
Dans l'itinéraire accompli par Georges Bataille, le Collège de Sociologie forme l'un des jalons essentiels. Nous sommes en 1937. Roger Caillois et Michel Leiris, qui ont quitté le surréalisme depuis quelques années, s'associent à Bataille pour fonder le Collège, dédié à l'étude des groupes fermés sociétés d'hommes des populations primitives, communautés initiatiques, sectes hérétiques ou orgiaques, ordres monastiques ou militaires. Des réunions régulières ont lieu au cours des années 1937, 1938, 1939, mais la guerre interrompt les activités du Collège. Après la guerre, Caillois et Bataille se retrouvent. Leurs chemins sont désormais divergents mais leur amitié demeure. En acceptant de nous parler de la brève et fascinante expérience du Collège de Sociologie, c'est aussi une image de Georges Bataille que Roger Caillois a dessinée. • Comment nous sommesnous rencontrés? Je m'étais déjà éloigné du groupe surréaliste, c'était dans les années 34-35, et un article de Bataille, dans la Critique sociale, sur la Notion de dépense, m'avait paru très révélateur. Cet article préfigurait les livres essentiels que Bataille publiera plus tard, tel la Part maudite. De son côté, Bataille avait été alerté par une étude que j'avais publiée dans la revue Inquisition. Cette revue était dirigée par quatre anciens surréalistes dont deux communistes militants, Aragon et Tzara, et deux plus réticents, Monnerot et moi-même. Peutêtre avait-elle des directeurs trop nombreux, en tout cas, elle n'eut qu'un seul numéro. Dans ce numéro, l'article de tête était de Bachelard que j'avais introduit au surréalisme en lui donnant à lire Eluard, Aragon et surtout Lautréamont. Quant à mon article, je l'avais intitulé Pour une orthodoxie militante, c'est dire qu'il était très engagé. Je songeais à une pensée révolutionnaire qui ne se limiterait pas à la sphère intellectuelle mais qui déboucherait
sur la vie réelle. Deux autres textes, que j'avais écrits auparavan t, la Mante religieuse et Paris, mythe moderne, avaient également retenu l'attention de Bataille. Nous avions donc bien des choses en commun: l'un et l'autre, nous pensions qu'il fallait s'attacher à transformer la société par l'action révolutionnaire. Nous étions, si vous vouIez, plus communistes que marxistes, pour ne pas dire antimarxistes. Le marxisme nous paraissait animé d'un rationalisme trop étroit car il tient fort peu compte des relations instinctives, passionnelles, religieuses, etc. La révolution, fondée exclusivement sur des déterminations économiques, nous intéressait moins qu'une révolution à déclencher sur le plan émotif. La même importance attribuée à l'effervescence émotionnelle nous rapprochait. "C'est chez Jacques Lacan que j'ai rencontré Bataille pour la première fois. Nous nous sommes vus ensuite assez sou'vent et nous avons eu, avec Michel Leiris, l'idée de fonder une société d'études, qui deviendra le Collège de Sociologie. Nous avons tenté d'obtenir le con· cours de Kojève qui fut, vous le savez, le principal éxégète de Hegel en France. Kojève exerçait une emprise intellectuelle tout à fait extraordinaire sur notre génération. Je dois dire que notre projet n'a pas trouvé grâce à ses yeux. Je me souviens. C'est chez Bataille, rue de Rennes, que nous avons exposé notre projet à Kojève. Il nous a demandé ce que nous voulions faire exactement. Nous le lui avons expliqué. Il s'agissait de conduire des recherches philosophiques, mais la philosophie n'était en quelque sorte qu'une façade, ou une forme, le projet véritable étant de recréer te sacré dans une société qui tendait à le rejeter. Nous avions conscience de jouer les apprentis-sorciers. Nous étions décidés à déchaîner des mouvements dangereux et nous savions que nous en serions probablement les premières victimes, ou que nous serions, du moins, emportés dans le torrent éventuel.
avec Roger Caillois
Couverture d" Acéphale'
" Kojève nous a écoutés, mais il a écarté notre idée. A ses yeux, nous nous mettions dans la position d'un prestidigitateur qui demanderait à ses tours de prestidigitation de le faire croire à la magie. Nous avons cependant conservé des liens étroits avec Kojève. Il a même prononcé une conférence au Collège, sur Hegel. Cette conférence nous a tous laissés pantois, à la fois à cause de la puissance intellectuelle de Kojève, et par sa conclusion. Vous volis souvenez que Hegel parle de l'homme à cheval, qui marque la clôture de l'Histoire et de la philosophie. Pour Hegel. cet homme était Napoléon. Eh bien! Kojève nous a appris ce jour-là que Hegel avait vu juste mais qu'il s'était trompé d'un siècle: l'homme de la fin de J'histoire, ce n'était pas Napoléon mais Staline. "Revenons au Collège. Nous tenions à ce terme de Collège. Il traduisait notre volonté d'élaborer une pensée qui tendrait La
~inzaine Littéraire,
à s'imposer dans le monde temporel, étant évident que le spirituel dominait le temporel. Nos réunions ont commencé. La première a eu lieu dans ce café poussiéreux du Palais - Royal qu'était alors Le grand Véfour. Bataille a parlé, précisément, de l'apprenti-sorcier. J'ai prononcé un exposé sur le Vent d'hiver. Plus tard, les réunions se tenaient dans une librairie de la rue Gay-Lussac. Parmi les exposés, je vous cite quelques titres: la Sociologie sacrée, par Bataille et par moi, le Sacré dans la vie quotidienne, par Michel Leiris, Attraction et répulsion, par Bataille, les Structures et les fonctions de l'armée, par Bataille. Moi-même, j'ai donné des exposés sur les sociétés animales, le pouvoir spirituel. la sociologie du bourreau. "Très vite, il nous est devenu évident que si Bataille et moi nous étions en plein accord quant à la matière de la recherche, nous n'avions pas la même manière de la traiter et d'en ti-
du 15 au JO juin 1970
rer conséquence. Entre Bataille et moi, il y avait une communion d'esprit très rare, une sorte d'osmose sur le fond des choses, au point que la part de l'un et celle de l'autre étaient souvent indiscernables. Mais nous nous séparions quant à l'usage à faire de ces recherches. Et Bataille avait tendance à avancer toujours du côté de la sphère mystique. »Je vous en propose un exemple. Levitsky a fait deux exposés sur le chamanisme. La question me passionnait parce que dans le schéma qui était le mien (celui de Mauss), il y avait antinomie complète entre la magie et la religion. La magie est un acte théurgique qui force les puissances surnaturelles à s'incliner, alors que la religion est essentiellement soumission à Dieu. Je me sentais alors très luciférien, je tenais Lucifer pour le révolté efficace. Ainsi le chamanisme m'importait comme synthèse entre les puissances religieuses et le domaine des choses infernales. De son côté, Bataille était à peu près dans les mêmes dispositions. Mais la différence était que Bataille voulait réellement devenir chaman. »Cela explique que Bataille
a eu toujours la volonté de doubler le Collège par une secte dotée d'un ritualisme très précis. Pour lui, le Sacré ne réapparaîtrait que grâce à la célébration de rites. Certains de ces rites étaient assez peu pratiques, par exemple l'idée de célébrer la mort de Louis XVI, le 21 janvier, sur la place de la Concorde. D'autres rites étaient moins compliqués, ainsi l'obligation, à laquelle nous nous sommes tenus, de refuser la main aux antisémites. »11 y avait aussi l'idée, ourdie par Bataille, que l'action d'un groupe ne pourrait atteindre sa pleine efficacité que dans la mesure où le pacte d'alliance initial serait vraiment irrémédiable. Or, pour lier ensemble les énergies, il était convaincu de la nécessité d'un sacrifice humain. Je fais allusion ici à un épisode qui concerne moins le Collège de Sociologie qu'un autre groupe, animé par Bataille, Acéphale, dont les activités de secte sont demeurées entièrement secrètes. Ce qu'il en fut du projet de sacrifice humain, je n'en sais ïien avec certitude. Ce qui éipparut en tout cas, c'est qu'il fut plus facile de découvrir une victime bénévole qu'un sacrificateur, si bien
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Appel à une réunion de Contre-attaque
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Roger Caillois
que les choses en restèrent là. J'y ai fait allusion, dans Instincts et Sociétés, à la suite d'un article publié à New York sur ce sujet et qui contenait des informations tout à fait inexactes. Cet épisode aide à préciser l'image de Bataille. Pour lui, il ne s'agissait pas d'un simple jeu de l'esprit, ou d'une formule provocante, mais d'une action réfléchie. Rien de commun entre «l'acte surréaliste le plus simple.. défini par Breton et consistant à tirer au hasard dans la foule, et le sacrifice rituel d'une victime consentante auquel songeait Bataille. .. En ce sens, le pouvoir que Bataille pouvait exercer n'était pas du tout un pouvoir presque politique, comparable à celui de Breton sur le groupe surréaliste. Le pouvoir de Bataille était plutôt de nature charismatique, un ascendant. C'était un homme étrange, placide, presque pataud, mais sa lourdeur même avait quelque chose de fascinant. Le plus curieux était ceci: cet homme qui n'était pas coléreux, était capable, presque techniquement, de s'échauffer à volonté, et, si l'on peut dire, seul. Sans qu'aucune provocation ne l'explique, il entrait dans des colères à la fois sincères et artificielles, déroutantes à l'extrême. Les signes se multipliaient que, pour Bataille, les recherches .théoriques du Collège ne formaient qu'une voie vers une extase qu'il faut bien appeler religieuse ou mystique, étant entendu qu'il s'agissait d'une mystique athée. L'érotisme de Bataille doit être compris dans une perspective analogue. De même, cette notion essentielle pour lui qu'était le rire, et dont il ne retenait que l'aspect négatif, une sorte d'ou-. verture sur le néant, en tout cas une brisure, un "éclat". "Peu de temps après, la guerre nous a séparés. En 1944, quand je suis rentré à Paris, j'ai lu le livre de Bataille, l'Expérience intérieure. La guerre nou~ avait montré l'inanité de la tentative du Collège de Sociologie. Ces forces noires que nous avions rêvé de déclencher s'étaient libérées toutes seules, letrrs . conséquences n'étaient l>
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L'illilDité de la pensée pas celles que nous avions attendues. La guerre avait sans doute rejeté Bataille vers un monde intérieur. La recherche de l'extase prenait une importance croissante pour lui. Je l'ai revu. Notre amitié était intacte. Il songeait alors à lancer une nouvelle revue et voulait m'associer à son projet. Mais la formule qu'il proposait ne me satisfaisait pas. Je n'approuvais pas son souhait de ne publier que des textes critiques. Je désirais qu'on publiât égaIement des textes originaux. C'est d'ailleurs ce qui explique la différence entre Diogène et Critique. »Aujourd'hui, je considère toute cette époque avec distance, mais sans la moindre trace d'ironie. Bien des idées que nous défendions me paraissent conserver leur énergie, par exemple cette .constatation que le marxisme, à cause de son fondamental, « économisme» est impropre à rendre compte des différentes forces qui travaillent en profondeur la société. Nous voulions parvenir à une société d'un type entièrement nouveau dans laquelle les impératifs de l'instinct, ceux de l'émotion, et du désir, eussent le pas sur les impératifs économiques. .. Bataille était un homme bon ·et bienvei liant. Son désintéressement comme sa générosité étaient extrêmes. Il était aussi peu homme de lettres que possible. Sa démarche était· toujours d'une grande rigueur Si sa curiosité le portait vers des territoires très variés, allant de l'érotisme à l'anthropologie, et du mysticisme à l'économie politique, il n'avait rien d'un « touche à tout ". Sa culture et son information étaient vastes et solides. J'ai essayé de vous dire les points sur lesquels se fondait . un accord très profond, comme les points qui marquaient notre divergence. Je dois dire encore que, jusqu'au terme de sa vie, je n'ai cessé de lui porter la plus vive amitié et une estime qui ne s'est jamais démentie... l>
Propos recueillis par Gilles Lapouge
par Maurice Blanchot
... Parlant avec cette simplicité, avec cette gravité légère de la parole, présent par sa parole, non pas en se servant d'elle pour exprimer une sensibilité pathétique, mais pour affirmer, dans la retenue et par la précaution, le souci auquel ses interlocuteurs ne l'ont jamais entendu se déroher, Georges Bataille a ainsi lié les détours
de l'entretien au jeu illimité de la pensée. Je voudrais insister sur ce point. Quand, en général, nous voulons dire quelque chose que nous savons déjà, soit le faire partager a,- quel qu'un d'.autre, parce .que cela nous paraît vrai, lloit, au mieux, le vérifier en le soumettant à un nouveau jugement. Plus rare est déjà une parole qui, tandis qu'elle s'exprime, réfléchit et peut.être parce que la disposi. tion à parler ne favorise pas la réflexion qui a besoin de silence, qui a besoin aussi de temps, un temps vide, monotone et solitaire que l'on ne saurait partager,sans gêne, avec un autre interlocuteur à son tour silencieux. Pourtant, dans un certain genre de dialogue, il arrive que cette réflexion s:accomplisse par le seul fait que la parole est divisée, redoublée : ce qui est dit une fois d'un côté, est redit une deuxième fois de l'autre côté, et non pas seulement réaffirmé, mais (parce qu'il y a reprise) élevé à une forme d'affirmation nouvelle où, changeant de place. la chose dite entre en rap-
port avec sa différence, devient plus aiguë, plus tragique, non pas plus unifiée, mais au contraire suspendue tragiquement entre deux pôles d'attraction. Une telle forme de dialogue est précisément ce à quoi conduit la parole engagée dans Je jeu de la pensée, telle que Georges Bataille nous l'a rendue présente par un mouvement qui lui fut propre. Cette pensée qui se joue avec, comme enjeu, l'illimité de la pensée l'atteinte d'une affirmation infinie - , ne s'accomplit pas sous la forme d'une invitation à questionner et à répondre, encore moins à affirmer, puis à contester. Elle exclut toute discussion, elle néglige toute controverse (ce travail par lequel deux hommes d'avis différents mettent en commun leurs différends, confrontant une thèse avec une autre en vue d'une conciliation dialectique), Dans le dialogue que nous considérons, c'est la pensée même qui se joue en nous appelant à soutenir, en direction de l'inconnu, l'illimité de ce jeu, lorsque penser, c'est, comme le voulut Mallarmé, émettre un cotip de dés. Il s'agit, dans ce mouvement, non pas de tellell ou telles manières de voir et de concevoir, fussent-elles importantes, mais toujours de l'unique affirmation, la plus étendue, la plus extrême, au point qu'affirmée, elle devrait, épuisant la pensée, la rapporter à une tout autre mesure, la mesure de ce qui ne se laisse pas atteindre, ni penser. Cette affirmation ne peut que rester latente, en retrait dans tout ce qu'on affirme d'elle: non seulement parce qu'elle ne saurait être maîtrisée, mais parce qu'elle échappe à toute unité, portant avec elle le rapport infiniment distant d'où vient tout ce qui s'af· firme. Rapport effrayant qui, dit Georges Bataille, s'ouvre sur la peur, et auquel cependant la parole, par son jeu, ne cesse de nous engager à répondre: « ... la peur... oui la peur., à laquelle atteint seule fülimité de la pensée... » (...) Extrait de l'Entretien infini. pp. 317319.
Les· daInes de Bataille D'où viennent les dames violentes qui proposent leur chair d'effroi dans les romans de Georges Bataille? Pour le lecteur, une origine s'impose, qui serait l'enfer, mais un enfer moins sommaire que celui de la théologie chrétienne, à la fois plus métaphysique et plus physique, accordé à notre temps en ce qu'il obvierait il la f1isparition, signalée par Bataille, de la croyance en Satan, à partir de la Renaissance; enfer inventé par les littératures profanes, cr.éé de toutes les vapeurs qui nimbent Lady Macbeth, Juliette, Mme de Merteuil, Mathilde, du Moine, Mme Putiphar, Lamiel, Gamiani, Hauteclair, Mme Chantelouve, Solange, des Détraqués, Simone, de l'Histoire de fœil, Mme Edwarda... J'entends toutefois fortifier cette banalité que la lecture n'est qu'un détour obligé, auquel on peut s'arrêter - et dès lors on reste lecteur et le livre littérature - ou, au contraire, échapper. Le livre - cela n'est vrai que d'une petite quantité d'œuvres - devient, sous le rapport des conceptions de Bataille et, pour reprendre sa terminologie, un passage vers le monde sacré (le monde érotique, par opposition au monde profane, au monde du travail et de la raison). Le lecteur s'évanouit et laisse place à un acteur de la fête, de l'orgie. Ce qui ne dispense pas de répondre à la question initiale, de rechercher le lieu d'origine sous le décor littéraire de l'enfer.
Un en-deça de l'être Les dames de Bataille sont issues de la partie du cœur humain qui est encore tout entière dans la nuit - absolument vierge et absolument noire - d'où je crois que la communication avec le monde extérieur est réglée de façon unilatérale. Cette zone hypothétique - monde intérieur dans le monde intérieur et le niant même les poètes n'y ont pas accès, il leur faut déambuler autour. Le monde extérieur feint de s'y reconnaître au moindre reflet, mais s'y brise. Le monde inté· rieur, dans le projet poétique, tente de s'y dissoudre mais l'illumination ne permet que d'en appré-
hender les confins. Les ruses de la raison, les injonctions de la morale se heurtent à un en-deçà de l'être d'une impassibilité qui décourage, d'une insensibilité qui atterre. En revanche, un trajet est possible dans l'autre sens, car des assiégées s'en délivrent qui se dissolvent dans notre sang. La croyance en cette zone du cœur est strictement affaire subjective. Elle est inséparable d'une autre croyance: son existence abolit la discontinuité des êtres en un en-deça continu, de même que la mort est leur au-delà continu. Y plonger revient à effacer la caractéristique de «l'être distinct des autres ». Car il va de soi que ce cœur dans la nuit n'est que s'il est à la fois en nous et hors de nous. L'expérience intérieure le révèle pour le dérober aussitôt si sa révélation conduit à un renforcement de «la structure de l'être fermé» (1).
Le point u où le cœur manque" Certes, Bataille, par son travail théorique, a fléché les itinéraires, aussi bien celui de la lecture à la fête que celui .des héroïnes sortant de l'abîme pour y entraîner l'ancien lecteur. Il s'agit, on le sait, d'atteindre le point «où le cœur manque ». Le pouvoir des dames de Bataille est à cet égard autrement plus fort que celui des sœurs aînées que leur donne l'histoire littéraire. Quant aux créatures de Sade, elles s'en différencient essentiellement par le fait qu'elles définissent, sans secours masculin, les interdits et le rituel de leur transgression. Juliette, Mme de Saint-Ange sont des élèves ; l'intelligence virile, sous les traits de Saint-Fond et de Dolmancé, féconde un terrain propice. Au contraire, Simone, Mme Ed. warda, Marie, la Mère mènent le jeu. De là que le précipice men· tal vers lequel nous sommes poussés n'offre aucune aspérité, aucun signe d'où déduire un cal· cul de nos risques, aucune halte dans la chute où espérer reconsti· tuer notre esprit démantelé. Les dames de Bataille viennent d'où nous allons. Elles ravagent le consentement. Leur nudité est sacrée par la souillure qu'elles nous forcent à accomplir. Elle est
La Q!!inzaine Littéraire, du 15 au 30 juin 1970
Gustave Moreau: Salomé tatouée
exigence de cet accomplissement et, au point extrême, «la nudité du bordel appelle le couteau du boucher» (2). Nous ne pouvons nous soustraire à l'obligation· d'être le boucher. En nous, désor· mais, c'est le plaisir articulé sur la mort.
Le grand hurlement intérieur Aucune nudité, si hiératique ou virginale fût·elle, ne saurait plus assourdir le grand hurlement in· térieur. Sous cette lumière terri· ble, je ne vois que les tableaux de Gustave Moreau, dont Breton a dit qu'ils «frôlaient l'abîme et fleuraient l'interdit» (3), leurs
« princesses léthargiques» (4), Salomé surtout, que Huysmans décrit ainsi: « ... la déité symbolique d*e l'indestructible Luxure, la déesse de l'immortelle Hysté. rie, la beauté maudite élue entre toutes par .la catalepsie qui lui raidit les chairs et lui durcit les muscles ; la bête monstrueuse, in· différente, irresponsable, insensi· ble, empoisonnant, de même que l'Hélène antique, tout ce qui l'ap. proche, tout ce qui la voit, tout ce qu'elle touche» (5) et que Mo· reau lui·même évoque «se pro· menant nonchalamment d'une fa· çon végétale et bestiale dans les jardins qui viennent d'être souil· lés par cet horrible meurtre qui effraye le bourreau lui·même, qui se sauve éperdu» (6).
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Ce que la vie nous promet, dans l'ordre de la fête, est suspendu à l'ascèse qu'impose notre complicité avec ces êtres de carnage. Leur regard nous a cloué sur une planche qui n'est pas celle du salut. Toute la violence du monde extérieur, au gré de l'événement, est retenue, contenue pour exploser à l'intérieur. Jean Schuster (1) • Toute la mise en œuvre éroti· que a pour principe une destruction de la structure de l'être fermé .• L'Erotisme, Ed. de Minuit, 1957. (2) Madame Edwarda, J.J. Pauvert, 1956. (3) Le Surréalisme et la peinture, Gallimard. 1965. (4) Jean Lorrain. (5) A Rebours, Fasquelle éd. (6) Lettre à Henri Rupp, citée par Ragnar von Holten dans L'Art fantastique de Gustave Moreau, J.J. Pauvert. 1960.
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Bataille
Schuster
En ce texte (1), Jacques Derrida lit Georges Bataille d'un certain point de vue: celui du dialogue avec Hegel. Le texte déplie le sous-titre à perte de' vue : un hegelianisme sans réserve, cela signifie, certes, sans tricherie, sans restriction, un hegelianisme absolu, mais aussi - équivoque, piège, torsion - un hegelianisme à' l'épuisement, sans provision, où le Négatif (la mort) soit si éperdu qu'il ne puisse entrer en travail, faire sens, offrir la ressource de sa récupération. La pesée de Bataille sur Hegel mesure - démesurément - la contrainte de Hegel sur Bataille, la toute-puissance de r œil hegelien: «Pris un à un et immobilisés hors de leur syntaxe, tOU3 les concepts de Bataille sont hegeliens.» Il faut le reconnaître, mais on se trompe-
rait à ne pas «reSSaISIr en son rigoureux effet le tremhlement auquel il les soumet »... en éclatant de rire. Il faut aussi, tout au long de la progression, imperceptiblement dansée, du texte derridien, voir l'œil blanchir mortellement, le rire voler en éclats. Lisant Bataille dans sa lecture de Hegel, relisant Hegel à travers la lecture de Bataille, voyant ce que, de Hegel, Bataille sait et ignore (l'œil et sa tache aveugle), maître du champ où l'interprétation s'ordonne, Derrida entreprend Bataille en ses lieux forts, comme Bataille Hegel, sans réserve. Et d'emblée sur maîtrise et souveraineté. Dans la dialectique du maître et de l'esclave, schématiquement, l'accès à la maîtrise commande qu'on regarde la mort en face, mettant sa vie en jeu. Toutefois la maîtrise n'a de sens que si le maître, en conscience, garde la vie pour jouir de l'avoir . risquée; si, tenant en respect (ayant à l'œil!) la mort biologique où s'abîme le sens, il travaille servilement à rester dans le jeu, substituant à la mort pure et simple ou négativité abstraite la négation de la conscience dans l'opération du Discours. «Eclat de rire de Bataille », mime Derrida, déchirant de cet éclat son (propre) texte: «Par une ruse de la vie, c'est-à-dire de la raison, la vie est donc Testée en vie (...) ; dès lors, tout ce que couvre le nom de maîtrise s'effondre dans la comédie.» Et, sagement relevé, s'enchaîne dans l'Aufhebung (la relève, traduit Derrida autre part). Hegel, refusant de voir jusqu'au bout, a cicatrisé la fac'e déchirée du Négatif. Bataille la déchire de rire, convulsivement, au point de la rendre inutilisable... au point de souveraineté. Il va jusqu'au bout de Hegel, contre lui, sans réserve. La différence entre maîtrise et souveraineté n'est pas une diffél'ence. de sens. «Elle est, précise J?errida, la différence du sens, l'i~tervalle unique qui sépare le sens d'un certain non-sens.» Bataille arrache, de rire, la souveraineté à la dialectique: «Le rire seul, poursuit Derrida, excède la dialectique et le dialecticien: il n'éclate que depuis le renoncement absolu au sens, depuis le risque absolu de la mort (... ). Cet
éclat du rire fait briller, sans pourtant la montrer, surtout sans la dire, la différence entre la maîtrise et la souveraineté.» Le risque absolu, Hegel le manœuvrait, Bataille le fait vibrer, le simule, déplaçant vers le non-sens de la mort, dans le supplice gai, la comédie de la maîtrise. Et riant du simulacre. Et du rire. Derrida, entrant à son tour en fiction, mime, dans le corps textuel de Bataille, l'écartèlement maintenu du discours hegelien: «La réinterprétation, écrit-il, est une répétition simulée du discours hegelien. Au cours de cette répétition, un déplacement à peine perceptible disjoint toutes les articulations et entame les soudures du discours imité. Un tremblement se propage qui fait alors craquer toute la vieille coque.» Entre supplice et 'silence, l'espace de l'écriture est, intolérablement, une ligne. Par la force du Discours: «Il n'y a qu'un discours, il est significatif et Hegel est ici incontournable », rappelle Derrida qui distingue, semble-t-il, deux écritures, la mineure et la majeure : l'une, servante maîtresse, qui allume le sens, garde la trace, l'autre, souveraine, qui souffle, efface. L'opposition du mineur au majeur est feinte : pour Derrida comme pour Bataille, il n'y a qu'une écriture, qui excède le Logos (maîtrise, sens, présence) et que guette, en tous points de sa disséInination, la reprise du discours. L'inscription souveraine (mais cela se tient-il et n'est-ce pas intenable ?) est scientifique, mais d'une science inqualifiable, le non-savoir dérobant la science èomme il trahit l'histoire ou la philosophie, non sans avoir pris acte des unes et des autres. Rigueur' logique et instabilité calculée, l'analyse de Derrida, redoublant à sa manière la situation de Bataille face au discours et à son surplus, nous propose, sans souci d'enseignement, un modèle d'inconfort et de stratégie. Se faufilant entre Hegel et Bataille dans Hegel, entre Hegel et Bataille dans Bataille, il les joue l'un et l'autre, dans un enveloppement sans cesse reculé. Pour trouver une parole insubordonnée, que faire sinon «redoubler le langage, recourir aux ruses, aux stratagèmes, aux simulacres »? Mais cette stratégie, qui infléchit la syntaxe à perte de vue, par le glissement sans fin
forcé vers d'autres mots, ne IHüuve-telle pas qu'un projet d'écriture est à l'œuvre dans l'écriture la plus déliée, la mieux égarée vers le non-savoir et la non-volonté? La réserve que Derrida fait sienne n'est-elle pas inévitable? Restreinte ou générale, récriture ne se conforme-t-elle pas à une économie? De l'économie restreinte à l'économie générale, du connu à l'incoimu, de la constitution à la destruction du sens, de Hegel à Bataille, le texte de Derrida fuit vers son titre. Bataille, dans Méthode de méditation, distingue d'une part l'économie politique, restreinte aux va leurs marchandes, où l'énergie excédante se perd sans réserve et sans but. Cette perte, il l'appelle >souveraineté.
Bataille jusqu'à la guerre Naissance de Georges Bataille. à Billom (Puy-de-Dôme). 1922. - Thèse à l'Ecole des Chartes. Bibliothécaire à la Nationale. 1926-1927. Cu r e psychanalytique. 1928. - Histoire de l'œil (publiée sous le manteau). 1929-1930. - Direction de la revue Documents. 1931. - L'Anus solaire (tiré à 100 exemplaires) . Participation à la Critique sociale dirigée par B. Souvarine). 1935. Fondation de • ContreAttaque» (Union de lutte des intellectuels révolutionnaires). 1937 à 1939. - Acéphale et le Collège de sociologie. 1897. -
Derrida aiguise la rupture de symétrie introduite par Bataille en marquant que l'écriture souveraine, comme l'économie générale, n'est pas perte de sens, mais « rapport à la perte de sens », ou encore qu.e la consumation brûle au-delà .de l'opposition du sens et du non-sens: «Les concepts de l'écriture générale [science, matérialisme, inconscient, etc.] ne sont lus qu'à la condition d'être déportés, décalés hors des alternatives de symétrie où pourtant ils semblent pris et où d'une certaine manière ils doivent aussi rester tenus.» L'engagement provisoire du concept lui permet de vibrer à l'instant même où on lui en substitue IID autre. De là ce « pot-
latch des signes» dont parle Derrida, « brûlant, consumant, gaspillant les mots dans l'affirmation gaie de la mort ». Voici un exemple, chez Bataille, de neutralisation du discours et de transgression du neutre: « Précédemment, je désignais l'opération souveraine sous les noms d'expérience intérieure ou d'extrême du possible. Je la désigne aussi maintenant sous le nom de : méditation. Changer de mot signifie l'ennui d'employer quelque mot que ce soit (opération souveraine est de tous les noms le plus fastidieux: opération comique en un sens >serait moins trompeur): j'aime mieux méditation, mais c'est d'apparence pieuse» (Méthode de ml!ditation). Commentaire de Derrida: «Que s'est-il passé? On n'a en somme rien dit. On ne s'est arrêté à aucun mot; la chaîne ne repose sur rien; aucun des concepts ne satisfait à la demande, Lous se déterminent les uns les autres et en même temps se détruisent ou se neutralisent. Mais on a affirmé la règle d).) jeu ou plutôt le jeu comme règle. » Encore sommes-nous ici' dans les limites d'un prélèvement. Mais, d'un prélèvement à l'autre, il n'y a pas davantage de répit. Pour la poésie, par exemple, Bataille (et il semble que son jugement englobe la poésie sUl'réa· liste) la tient pour mineure. Mineure? EUe est donc serve (ou maîtresse, ce qui revient au même). Point souveraine en tout cas. Mais il la tient pour jeu. Or, le maître ne joue guère. Surgit alors ce concept de ,;ell mineur (un non-concept) qui, pour instable qu'il soit, appelle un remaniement, à tout le moins un questionnement, des distinctions mi· neur-majeur, discours-jeu, remuant des oppositions qui d'ailleurs n'en sont pas. Et Derrida reconstruit, dans l'éboulement du concept qu'il retient, déplace et replace, le glissement du texte de Bataille. Cette transgression du discours qui, en tant que transgression, est censée reconnaître ce qu'elle dépasse ou plutôt excède (car la différence entre le dépassement qui enchaîne et l'excès qui rejoue définit l'espace du déplacement de la dialectique), Bataille, précipi. tamment, la comprend sous le concept hegelien d'Aufhebung, la rangeant sous la loi du sens. dans
La Q,yinzaine Littéraire, du 15 au JO juin 1970
Bataille par Giacometti
le cadre de l'économie restreinte. Derrida lui remontre - décidant pour lui de son «moins de hegelianisme» que l'Aufhebung, dans son texte, fonctionne analo· giquement, vidée de son sens, pour désigner le rapport qui lie le monde du sens au monde du non-sens. Ainsi soustraite à son procès, l'Aufhebung s'égare, l'œil hegelien se trouble: «La condition à laquelle je verrais, écrit Bataille, serait de sortir, d'émerger, du «tissu ». Et sans doute aussitôt je dois dire : cette condition à laquelle je verrais serait de mourir. Je n'aurai à aucun moment la possibilité de voir ! » Derrida qui, tout au long de sa lecture. débusque le risque de
clôture du texte de Bataille. balance dans sa conclusion la chance et le risque: un certain texte « trace en silence la structure de l'œil », «déchire absolument son propre tiss'O redevenu solide et servile de se donner encore à lire ». Texte pantelant, si l'on veut bien se rappeler que cet adjectif, qui évoque aujourd'hui la palpitation de la chair fraîchement tuée, rassemble dans son étymologie monstrueuse (pantoisier) les sens de la suffocation, de l'ahurissement, du cauchemar et de la fantaisie. Lucette Finas (1) De "économie restreinte à l'éco· nomie générale. Un hegelianisme sans réserve, in L'écriture et la différence, pp. 369-407.
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LITTflaATURE
flTRANGllaE
José Cardoso Pires Le Dauphin Trad. du portugais par Robert Quemsérat Coll. «Du Monde entier» Gallimard éd., 217 p.
Par sôn oscillation constamment renouvelée entre conviction et figuration, la fable prend un c.aractère ludique assez dévelop. pé. Le jeli de l'auteur (ou plutôt, des auteurs, puisqu'elle est dans sa forme la plus anonyme et orale) avec le lecteur (ou l'audi· teur) tient essentiellement au fait que l'invention allégorique de la réalité, ou plutôt la reconstitution minutieuse d'une réalité imaginaire (et la tradition orale primitive développait jusqu'à l'infini ce côté imaginaire, répon. dant ainsi à un besoin plus que social, mythique), reconstitution donc «amorale », sert de support à une réalité bien précise, celle d'une notion «morale~. Le roman de José Cardoso Pi· res qui vient de paraître, le deuxième traduit en France (1), me fait penser justement à la fa· ble et à son caractère ludique, ceci non seulement par le foison· nement des personnages et des événements allégoriques mais aussi, et surtout, par sa structure même, basé sur un jeu assez habile, plein d'ironie et tendu de la première à la dernière page, entre d'une part le narrateur (<< l'Auteur~) et les personnages que, petit à petit, laborieusement, il «découvre », et d'autre part ce même narrateur anonyme et le lecteur. Octobre 1967. Ouverture de l'époque de la chasse. Gafeira, un village (imaginaire et pourtant si minutieusement décrit qu'on le dirait vrai) étouffé par les traditions patriarcales et à demi dé· peuplé en raison de l'émigration économique en Allemagne, au Canada, en France. Un écrivain· chasseur, désigné par « l'Au· teur~, revenu à la Gafeira un an après, y cherche à l'aide d'un manuscrit ancien (aussi imaginai· re, et ce simulacre d'érudition n'est qu'un autre côté fabuleux du roman, côté éminemment ironique), une monographie de la fin du xvm" siècle, les origines ~e la communauté villageoise ~ussi bien que celle d'une vieille
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Unefahle portugaise et puissante famille du lieu, les Palma Bravo, dynastie patriar. cale dont le dernier représentant est son ami Tomas Manuel de Palma Bravo, ou plutôt l'Ingé. nieur ou l'Infant, ou encOre le Dauphin. L'Auteur cherche aussi la vérité (ceci tout en faisant de sa théorie de la chasse une théorie du jeu de l'amour et du ha-
sard) sur la disparition mystérieuse de l'Ingénieur après le scandale de la mort (crime ou suicide?) de sa femme Maria das Mercês et de son valet - métis de Cap-Vert Domingos. Et comme allégorie suprême liant le passé au présent, l'Auteur évoque la Maison de la Lagune, maintenant abandonnée et en ruines, foyer mythique des Palma Bravo où l'Auteur avait logé exactement un an avant comme invité redoutable, mais en même temps flatteur. Il se livre à une occupation d'amateur de curiosités, mais il le fait dans rinquiétude, l'inquiétude des sceptiques: Jamais je ne suis parvenu à raconter une histoire en restant en paix avec moimême et avec la faune qui s'y ébat; jamais je n'ai pu me relire avec sérénité. Voilà les éléments de base qui jouent dès le début du roman un rôle décisif: le libertinage intellectuel de l'Auteur, le patriarcallsme mythique de son ami l'Ingénieur (le Dauphin à' la Jaguar E-4), la force destructrice et ambiguë du temps, l'histoire devenue légende. A ceci s'ajoute le bavardage fabuleux de l'Aubergiste, du Vieux-n'a-qu'une-dent,
de l'Œil Sagace, autant de figures populaires qui forment le chœur tragi-comique d'une épopée à rebours. Les trente-trois fragments de l'enquête de l'écrivain-chàsseur forment un puzzle où tous ces éléments et ces personnages s'harmonisent à plusieurs niveaux de l'action et la pensée. Ainsi, le temps du récit est enchevêtré et le langage, remarquablement rigoureux et agile, tient aussi bien ':lu baroque populaire que de l'érudition, moderne ou ancienne. Ce puzzle constitue enfin la vision historique et sociale (moralité de la fable) de l'Auteur (le· quel n'est pas forcément l'auteur du livre, mais plutôt un archétype culturel), vision déclenchée à partir de petits détails apparemment insignifiants: l'évocation d'un proverbe populaire, la lecture des journaux (ces journaux sans surprise, si bien lessivés par la Censure qu'ils nous salissent les mains), la citation d'un écrivain (Hans Magnus Enzensberger, Fernando Pessoa), ce qui fait que les symboles d'une époque (l'astronaute, la ,Jaguar) ou d'une société (les mâtins, le whisky, la chasse) ou encore d'un lieu (la lagune) prennent autant d'importance que les personnages eux-mêmes. Le rythme narratif, lent et si· nueux, sans' faille, aboutit à une fin que ces symboles et ces personnages laissaient déjà prévoir. On y apprend finalement la vérité des faits au·delà de l'imagi~ nation populaire aussi bien que de la rigidité de l'enquête judiciaire: Maria das Mercês était devenue maîtresse de Domingos le valet métis (par solitude et aussi par revanche, puisque Do· mingos, tout en étant un autre objet légué par le pouvoir tradi· tionnel, était plus important pour le Dauphin, selon la hiérarchie patriarcale, que son épouse) et lorsqu'un soir, son mari étant absent, Domingos meurt post coitum, Maria das Mercês, l'Ophélie de province, se jette dans la lagune, lieu privilégié de puissance et mort, mythe et histoire. Ainsi l'Auteur prend congé de nous, non sans une certaine amer· tume, toujours voilée par l'ironie: il veut «Dormir. Dormir... », il veut se libérer enfin de cette pénible insomnie ,qui est la «por·
tugalité ». Cette « portugalité » est le 'drame d'un peuple, si bien exprimé, au-delà même des personnages, par quelques allégories essentielles: la noria (horloge aveugle), le petit lézard (humble créature, portugaise elle aussi, habitant les ruines de fHistoire ; petit être dont f existence s'ac· complit entre les pierres et le soleil, et qui s'y résigne (...) voué à fisolement d'une évocation de fEmpire), et surtout la lagune (qu'elle soit île, outre, couronne de vapeur ou constellation d'oi· seaux, c'est à son échelle qu'une communauté de paysans-ouvriers mesure funivers). L'amertume, l'insomnie pénible de l'Auteur est aussi celle du lecteur. Ainsi, l'art de jouer qui est aussi l'art d'interroger - prend dans cette fa1lle portugaise une forme dramatique universelle vraiment exemplaire.
Entretien avec Pires Une chambre d'hôtel au quartier Latin. José Cardoso Pires était de passage à Paris avant de retourner à Londres, où il enseigne actuellement la littérature portugaise au King's College. Notre entretien, très bref, me permet de mieux préciser certaines idées déjà éveillées par la lecture de son roman. A.M.M. : Votre roman, ou plutôt l'Auteur-narrateur de votre roman et le procédé qu'il utilise pour «créer» une vérité, me fait penser au rapport entre culture et jeu établi par Huizinga dans son ouvrage Homo lu· dens: La culture sera toujours, en un sens, jouée, du fait d'un accord mutuel suivant des -rè· gles données. La véritable civilisation exige toujours et à tous points de vue le fair play. J.C.P.: C'est vrai, il y a dans mon livre un élément ludi~, mais il n'est pas prédéterminé, il n'est qu'une conséquence de mon intention de, au lieu d'une histoire, donner un climat, un parfum, une température d'un pa'ys. En conséquence, l'important pour moi c'était de mettre toujours l'action en question, ceci dans la mesure où la réalité portugaise n'est ,qu'une abstraction.
ROHANS
Un rODlan FRANÇAIS
A.M.M. : Abstraction quel sens?
dans
J.C.P.: Dans le sens où le temps au Portugal est abstrait. Notre temps n'a rien à voir avec celui des Français ou des Anglais, par exemple, l'heure est plus floue, elle n'a pas la même rigidité géographique. En plus, c'est un pays où tout événement objectif est immédiatement annulé par un manque total d'information et d'un minimum de liberté civique. C'est un pays mythologique et mythomane. A.M.M.: Pourtant, je me demande si, au fond, l'Auteur-narrateur n'a pas une certaine nostalgie de ce même patriarcalisme qu'il condamne.,. J.C.P.: Non, je ne crois pas. Les seules choses dont il a une certaine nostalgie, ou plutôt qu'il aime (et moi aussiJ, ce sont les choses naturelles et, disons, ibériques, celles qui remontent au Moyen Age: la communauté, la bonne table. Mais je suis contre les privilèges. A.M.M.: Ouels privilèges? J.C.P.: Tous, notamment celui de la vérité, la vérité imposée par la Censure. A.M.M.: Ouelle est la signification essentielle de votre critique de la • portugalité • ? J.C.P. : La cc portugalité )) prend ses racines dans une prétendue philosophie de la • saudade •. laquelle n'est qu'un verbalisme dont le patriarcalisme rural a profité. Elle nous écrase depuis des siècles. Ainsi, par exemple, nous avons perdu l'Inde, mais le gouvernement prétend qu'elle est toujours nôtre; nous avons une guerre coloniale qui détruit toute une génération, mais nous appelons nos colonies des cc provinces» et nous prétendons résoudre ainsi tout le problème. Bref, c'est un pays dominé par le rhétorique où chacun crée sa vérité pour son usage propre et vit dans un climat d'insomnie permanente. Alvaro Manuel Machado (1) Le premier fut l'Invité de Job. Gallimard éd" 1967,
révolutionnaire
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Jacques Chatain
Rliche ou Cherbe rance Seuil éd., 138 p.
S'agit-il d'un livre scandaleux iJ Oui san~ cloute, pour ceux chez qui cette catégorie de pure convention p6ursuit sa carrièrc routinière. En tout cas, raccrocheur nullement. Il tourne le dos à une production désormais abondante et souvent désolante. Scandaleuses si l'on veut, l'audace descriptive et langagière, l'impudeur délibél'~{' et plus même, provocante, volontiers outrageante. Mais elle n'est pas le propos même. Elle est partie d'une totalité, d'un ordre qui se cherche. Elle ne surgit qu'à ses moments voulus. Cri et spasme et non titillation. Laissons clone de côté ce faux problème, S('andale, la seule littérature d'habitude et cI'imitation. Sous ce rapport, Rliche ou r ''l'rb,' rance est au contraire du roman scandaleux. Hanté par la guerre d'Algérie, ce premier roman de Jacques Chatain prend naissance dans une cellule où rêve. et s'enrage un prisonnier politique. A force, 11''' 11I11I'" palpitent l't 1('111''' ~nlffil i. signc" tI,. lilwrlt' 1"1 .lc' c'(Huhal. s'enchevêl J'(~lIt, se I"ontrcdi"cnt, se crient des injures malgré leur stratification historique: résistants; collabos; F.L.N.; O.A.S. Dès les premières pages s'éva· nouissent cette cellule, ses murs et leurs griffures. Mais, au vrai, nous ne la quittons pas. Et si elle réapparaît, de loin en loin, c'est plutôt nécessité, relance, que simple rappel. Le roman luimême est cellule; close et vide caisse de résonance, isolement nécessaire, temps d'accumulation avant une sortie en masse. A la cellule pénale fait ici pendant un autre lieu d'isolement, celui que Bloom, le matin, aimait élire pour son cabinet de lecture. Non point qu'il soit décrit ou même nommé. Il suffit à l'auteur pour le suggérer, avec sa fréquence et son importance, de consteller son texte des récits brefs, obscènes si l'on veut, des propositions laconi· ques mais précises que l'on y peut lire, Cette clôture, où les enfants découvrent parfois le sentiment de la liberté et que Groddeck - toujours un peu cxagé· ré considère comme le site d'un bonheur perdu et parfois re-
La Q!!in7.aine Littéraire. du 75 :lU 30 juill 1970
trouvé, devient celui d'une exi· gence de possession, explosive et profanatrice d'être enéore cachée et interdite. Comme le prisonnier politique, le prisonnier sexuel a besoin de ce retrait pour prendre \llI'Sll1'e cie S3 situation et l'assu· Il It' ", .Jal'lJlIl'~ Chali.ill. qlli a dû lirc Reich ct M'arcust~, Ill' "i""o,'it, certainement p,as les difféœnl" lIiveaux de la lihération. SOIl roman n'est pas, cependant, directement politique, il ne l'est que sourde· ment. Il est ce tl'op.plein, ce pul. 1.'-],-1111'111 '1'"' postule le vide cel· IlIlain:, Fantasmes, clésirs entêtés, souvenirs, bribes de connaissance envahissant les jours ct les nuits d'un militant. cie l>asc soudain enfermé là, Va-t-il ~'y noyer ou surnager? Ou, si l'on préfère, qu'advient·il au juste de ce roman eurieusement titré ? Plutôt qu'un roman, Hliche est la destruction d'un roman. Le propos n'est pas neuf, mais relativement neuves sont la méthode et la visée. Roman expérimental, technique, dont la machinerie produit un tel impact qu'on la ressent avant d'avoir à l'assimiler. Je suppose que la réflexion a été première chez l'auteur, avec patience et minutie. Elle n'est que seconde chez le lecteur, mais comme obligatoire. Rliche est une mécanique, fonctionnant à plein régime, et dont il faut au moins mentionner les deux pièces principales. Que ron imagine, tout d'abord, une piste romanes· que où prennent place, sans solution de continuité, des épisodes le plus souvent révo.Jutionnaires ou amoureux, ceux-ci volontiers homosexuels, donc également, à leur manière, subversifs. Domi· nent les amours collégiennes cie
Bliche et de Fleur, que nous avions déjà rencontrées en vieil· les femmes, emhlèmatiquement rapprochées des amours, qui da· tent, elles, de la guerre d'Algérie, d'un enfant blond et de Smaïl, dont la mort affreuse nous est dé· jà connue. Dans la nuit des temps, et de la prison, un projec. teur tourne, repère, au sein d'une masse confuse, une scène vécue et la met à jour. Là, bien sûr, n'est pas l'originalité de Rliche. Mais voici autre chose: cette piste romanesque, les personna· ges, les couples, les foules qui s'y ébattent provisoirement sont, dirait-on, cernés d'une ~angue à la fois malléable et dure, d'une épaisseur incommensurable, d'une complexité extraordinaire et dont il n'est pas question de se défaire, après même en avoir pris conscience. Cernés n'est pas .assez dire, mais encore pressés, .con· traints, imprégnés, mus, dans la révolte comme dans le consentement. La matière les emprisonne et les protège, elle les tisse, indi· qlle, c'est selon, une ouverture ou unI' fermeture. Cet englobant qui est encore ce qu'il englobe avec ses rappels à l'ordre, ses invites ou ses refus, ses intrusions douces ou brutales, Jacques Chatain l'exprime curieusement mais de manière en quelque sorte pé. remptoire par de constants recours à l'encyclopédie. Là réside - on en sera peut.être surpris le principal effet de choc de ce beau texte. Ces notations encyclopédiques ne valent que par rapport à des personnages précis, dans une situation donnée. Il n'y a pas là que déterminisme, mais échanges sous-jacents, explicables ou secrets, éclairage l'un par l'autre et souvent inattendu. Et le plus surprenant, le plus beau peut-être tient au sens que l'homo me donne parfois à la Nature. Les épisodes, érotiques ou politiques, de B.liche, sont presque tous d'une grande présence, d'une belle force de réalisme. Leurs prolongements « e n c y c lopédi. ques» leur attribuent, par surcroît, et des racines et une immen· sité. Les uns et les autres, homo· logues et réciproques. Mais ce n'est pas toujours beau, tant s'en faut. Nous avions parlé de la m.ort de Smaïl. Ce jeune ouvrier algé. rien, sur le chantier d'un barrage, est tomhé, à l'insu d'e ses camarades, dans un concasseur. Ne
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ESSAIS
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subsiste bientôt de lui qu'un faible bouillonnement rosâtre à la surface du béton et quelques traÎnées d'une odeur mauvaise. Reste à l'encyclopédie à sceller ce destin par la description indifférente - ou pathétique, si on l'entend ainsi - des mâchoires d'un concasseur et des modes de produc-' tion du béton, la société industrielle étant ici en cause, avant la matière. Si l'on veut me croire sur parole : cela coupe le souffle. Ailleurs, la démarche semble à peu près inversée, et nous allons de la Nature aux hommes. Comme le cours de la Seine s'étend avec harmonie, comme ce fleuve paresseux inspire le calme, le repos, la sécurité. Mais le fleuve traverse la capitale qui nous presse d'oublier la géographie et la géologie pour l'histoire la plus récente. Souvenez-vous des cadavres d'Algériens que charria cette Seine innocente. Et ce souvenir de honte prend une dimension plus affreuse que la mort par un nouveau retour à l'encyclopédique, puisé à je ne sais quel manuel: la consternante nomenclature des tortures, infligées aux prisonniers politiques, à l'aide de cette même eau douce. Ailleurs s'établit une imit~tion, un consentement universels et que devient jolie, attendrissante. érotique même, cette page de botani~ que entrecoupée, elle-même haletante d'accompagner les amours buissonnières de deux lycéennes. Enfin combien paraît dérisoire le p.roblème des homosexualités face à l'analyse des fonctions spermatique et bormonale!
Désarroi face au. touffu de la vie J'ai bien dit que la nouveauté de Bliche était relative. Certes, Jacques Chatain n'a pas inventé le collage s'il en use de manière différente. Rien de moins gratuit, de moins esthétisant que l'emploi qu'il en fait. Jamais, comme d'autres, il ne s'en amuse. Je ne vois guère, sur ce plan, à le comparer qu'à Alexander Kluge, à l'auteur d'Anita G. plus qu'à celui de la Bataille de Stalingrad. Dans Anita G., le collage est le produit
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L'air
Chatain
d'une VISIon datée, du désarroi face à une civilisation en miettes (vue d'une Allemagne, moralement et physiquement, en miettes) au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Ce ne sont, en fait, que les ruines d'un monde de concepts, depuis longtemps sclérosé. Le domaine appréhendé par Jacques Chatain est plus vaste et profond mais, comme tel, moins préhensible. Désarroi également, chez lui, mais non face à des ruines, face au touffu de la vie. Son prisonnier à l'esprit enregistreur voit affluer la flore, la faune, les minéraux, les objets, les hommes, les groupes, l'histoire. Un moment, peu avant le terme de sa récapitulation, le monde lui apparaît sous forme de dictionnaire. Alphabétique ou analogique, comment ne pas s'y ~perdre? On pourrait aussi évoqUer un ordinateur suralimenté d'informations, mais encore privé de programmation et· qui accumule sans rien ordonner, en gésine plutôt qu'en travail... où,' dites voir, se trouve, parmi vous, le système? demande le narrateur. Et, plus loin: ... comment penser sa propre situation. (...) Comment analyser en vue de réagir, compléter, modifier, s'opposer... Ce sont là, vraisemblablement, les questions mêmes, les réactions que l'auteur a souhaité susciter chez son lecteur. S'il a voulu donner à toute sa composition l'apparence anarchique (au sens péjoratif du terme) du règne végétal c'est, bien sûr, pour provoquer l'exigence d'un ordrt:. Or, si l'on y regarde de plus près, l'anarchie laisse entrevoir le mouvement dialectique qui l'entraîne, le fil ,rouge de la lutte des classes qui doit permettre de sortir du labyrinthe. Que l'auteur ait, lui, déjà son code et son programme, il n'est pour s'en convaincre que de voir revenir chroniquement, dans son texte, ces fragments de la théorie de la plus-value et le récit, repris dans ses détails, de la célèbre arrivée de Lénine en gare de Finlande. Plus qu'un rappel historique, ce tableau devient le symbole d'un gage p~ur l'ave.nir. Singulièrement a u d a cie u x, étrangement novateur, révolutionnaire à tous les niveaux, ce roman est le plus marquant des six derniers mois. Jean Gaugeard
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Michel Mohrt L'Air du Large Gallimard éd., 362 p.
On n'écrit pas ce que l'on veut. Et d'autant moins lorsque la matière d'un livre s'éparpille sur plusieurs années de travail, publiée par fragments au long de colonnes hebdomadaires, au gré des événements, au fil des lectures. De SO.Tte qu'un recueil comme celui de Michel Mohrt trahit-il curieusement la personnalité de son auteur, surpris en quelque sorte au débarquer, en train de ramasser ses affaires avant de mettre le pied sur la terre ferme. Cette image s'impose ici - et non seulement parce que Michel Mohrt est hanté par les comparaisons océanes (r Air du large après la Prison Maritime), mais parce que ces Essais sur le roman étranger ressemblent étrangement au sac du marin où traînent les souvenirs fabuleux des ports à l'escale. Pour le' .lecteur qui passe sans transition de l'Angleterre au Japon, de la Sicile aux Etats-Unis, de l'Espagne à l'U.R.S.S., et touche des rades qui s'appellent Valle-Inclan, Scott Fitzgerald ou Tanizaki, une impression demeure qui n'était sans doute pas prévue par le critique : l'unité d'une littérature mondiale où le ton du commentaire assure la continuité de la croisière. En fait, Mohrt a beau nous dire d'où il a ramené ses trésors, peu nous chaut. Son itinéraire est la seule patrie des écrivains qu'il commente. On aurait pu imaginer une toute autre voie d'accès à ces œuvres qu'il présente; et le livre eût-il été écrit d'un seul jet, l'auteur aurait pu se demander, com-
me parfois son public, comment un romancier peut-il être Hongrois sinon Persan, et ce qu'il y a d'américain dans un roman américain. Or, c'est précisément parce que Michel Mohrt .semble fort conscient de ce problème (ses têtes de chapitre en témoignent) qu'il est révélé par un li· vre qui naturalise d'emblée toute la littérature internationale au pays du grand large et ce n'est pas un hasard, sans doute, si l'ouvrage s'ouvre tout grand sur un bourlingueur comme R.I,. Stevenson. Au demeurant, ce parti-pris de « cosmopolitisme» involontaire ou voulu contribue à donner au recueil une signification propre. Il en va comme de ces expositions où sont confrontées des œuvres rassemblées par un conservateur érudit et qui reflètent la personnalité du collectionneur plus que celle des artistes. Stephen Crane et Cesare Pavese, Joyce et Miguel Angel Asturias, Gombrowicz et Naipaul, composent avec cinquante autres un panorama de la littérature moderne, comme on en a rarement écrit. Si Michel Mohrt se trouve peutêtre trahi par ce cosmopolitisme qui révèle un aspect inconnu de sa personnalité, il se trouve à son insu désigné aussi comme victime privilégiée d'une époque, la nôtre, pour laquelle on ne lui savait pas un goût particulier: un tel livre reflète fort exactement, sur le plan de la critique littéraire, l'esprit simultanéiste d'une société où le monde est présent, par satellite interposé, sur des millions de petits écrans, dans son instantanéité contraignante. On pourrait choisir, dans cet éventail de ré1lexioIis, dix lignes de fuite, toutes aussi dignes de commentaires. Nous nous en tiendrons provisoirement à l'examen des chapitres consacrés à la littérature américaine - choix d'autant plus arbitraire qu'il suppose le regroupement préalable de morceaux éparpillés d'un bout à l'autre du volume. Mais tel est le sort d'un recueil où il faut bien, après avoir pris la mesure du tout, en étudier les parties. De cette littérature américaine, Michel Mohrt donne des aperçus assez fulgurants pour qu'on s'y arrête et les omissions mêmes sont ici significatives. Le pilier, la
du large plaque tournante, le lieu géomé- lui tomber des mains, quand, dix trique est ici William Faulkner fois, il s'est passionné. à nouveau et non pas même ses grands ro- pour un rebondissement imprévu. mans - Sanctuaire, le Bruit et la Cette bonne foi du critique, qui Fureur - mais la trilogie la plus livre ses impressions toutes fraîrévélatrice du grand visionnaire ches au lecteur, accompabrne la de Yoknapatawpha County, celle recherche pénétrante du maître des Snopes : le Hameau, la Ville, de conférences; c'est ce dernier le Château, œuvre touffue, pres- qui retrouve dans Jack Kerouac que obscène, ennuyeuse parfois, le «primitif» et chez Susan Sonpâteuse ailleurs, mais qui com- tag le jeu d'un onanisme onirique prend une présence charnelle où «les personnages sont détruits comme celle d'Eula, une enfilade par les rêves ~ où ils sont issu,s », d'anecdotes crépitantes, une leçon de même que le narrateur est de morale sudiste hargneuse ; les «annulé par ses songes dont il Snopes ont été pour Faulkner, est la totalité ». dans une certaine mesure, ce que C'est en revanche la conscience Bouv!,rd et Pécuchet ont été à du romancier qui se réveille chez }'laubert et le mérite de Michel Mohrt est peut-être d'avouer sans 'le critique, pour épier les procéambage que dix fois le livre allait dés des confrères, scruter la façon dont ils résolvent certaines difficultés de composition où l'on a soi·même trébuché; il doit y avoir quelque envie admirative quand l'auteur de la Campagne ~ 1tali.e remarque le simulta· néisme dont use Stephen Crane pour décrire la vie militaire : «le régiment renâclait et souffrait »... «farmée s'assit de nouveau pour réfléchir... », etc. Et l'auteur de se permettre que 1 que cocasserie inventive quand, à l'occasion, il intitule «Le Dybbuk et les cosmonautes» tel chapitre où il rapproche de façon assez inattendue le grand romancier yiddish américain 1 s a a c Bashevis Singer et Ray Bradbury profitant de l'occasion pour rendre furtivement justice à ce genre littéraire plein d'avenir (sans jeu de mot) qu'est la scien· ce-fiction. L'érudit reprendra le pas sur J'écrivain qnand il initiera le lecteur français aux subtili.tés d'Edo mund Wilson - dont on s'explique difficilement que fort peu le lisent chez nous. S'il est un défaut que ron pui,,se reprocher à Michel Mohrt, c'est sans doute de vouloir tenir son public pour plus informé qu'il n'est et de lui adresfo\Cr bien des clins d'œil que seuls peuvent percevoir ceux qui connaissent déjà les livres dont il traite. Peutêtre aussi le tl"OUVera-t-on dam ses conclusiom, chapitre après chapitre, moÎD8 inquisiteur qu'il' n'eût parfois fallu. Après tout, l'esroman sentiel était d'inciter le lecteur à prendre l'air du large et il faire voguer la galère. Marc SafJorta
André Breton Une étude désormais classique
Vie de Lautréamont Grasset
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PlOU la ville sur la 10er
CAlMANN-lEVY
La Q!!inzaine Littéraire, du 15 au JO juin 1970
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L'expressionnisme
Dans les galeries
André François L'Expressionnisme européen Musée National d'Art Moderne 26 mai - 27 juillet 1970
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Pas plus que la précédente qu'elle complète dans l'esprit des organisateurs, la présente exposition ne peut donner une image satisfaisante de l'expressionnisme. En 1966, la confrontation du fauvisme et des débuts de l'expressionnisme allemand basée sur la chronologie était on ne peut plus discutable, les. deux mouvements n'ayant guère en commun qu'un langage plastique qui, certes, les apparentait, mais qui était une fin en soi pour le fauvisme et un moyen pour l'expressionnisme. On ne pouvait se défendre de l'idée que ce parallélisme était provoqué aux fins de démontrer l'antériorité du fauvisme et son influence sur les peintres de la Brücke. La démonstration se trouvait ainsi truquée au détriment de l'expressionnisme dont seule la première vague était présentée et l'œuvre graphique escamoté, celui-ci n'ayant aucun répondant dans le fauvisme. Ce qui, en fait, apparaissait clairement, c'était la radicale antimonie des deux mouvements, l'un épris d'harmonie et d'équilibre, l'autre soucieux de porter au premier plan les tensions internes qui régissent la vision de ('artiste. La même équivoque se renouvelle qui dilue cette fois-ci le mouvement dans une incroyable sauce européenne. On a littéralement traqué la moindre trace expressionniste, baptisée pour l'occasion ete n dan c e expressive lt, chez des peintres aussi inattendus que Dufy, Delaunay, Friesz, Matisse, Léger, Miro ... et même Signac. Mais, bien. entendu, le groupe Cobra est passé sous silence. Finalement, tout se passe comme s'il fallait minimiser à tout prix ce mouvement qui cristallise dès la fin du siècle dernier une tendance latente dans la peinture depuis des siècles. Il est vrai que, de Grünewald à Münch, eUe a toujours été l'apanage des Ecoles du Nord et qu'elle ne correspond en rien au tempérament méditerranéen. Mais est-
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ce une raison pour maintenir sous le boisseau, du moins en France, une des bases les plus fécondes de l'art du XX· siècie? Cela dit, et puisqu'il faut se résigner à ne pas voir de sitôt à Paris une exposition d'ensemble, contentons-nous des quelques tableaux qui valent que l'on aille au Musée d'Art Moderne. Il y en a tout de même une bonne vingtaine à quoi il faut ajouter les gravures provenant de la célèbre collection du Musée Folkwang à Essen.
Les peintres de la Brücke A tout seigneur tout honneur, Münch, dont trois toiles des années 1900 aux titres significatifs (L'Ombre n° 7, L'Angoisse, n° 8 et le célèbre Cri n° 9) installent d'emblée l'image psychique qui autorisera les peintres de la Brücke à substituer les sensations à l'impression et à se réclamer des plus élémentaires comme des plus obscures. Vingt ans plus tard, cinq extraordinaires tableaux (no' 158, 159, 160, 161, 162) témoignent à nouveau du génie précurseur de Münch car ils contiennent tout l'expressionnisme abstrait des années 40. Des peintres de la Brücke, on revoit Jour glacé, de Heckel (n° 76) , paysage de verre éclaté, accompagné cette fois de Lac dans un parc (n° 77). De Kirchner, dont les toiles exposées en 66 n'allaient pas au-delà de 1914, le rose et bleu Paysage des Alpes (n° 93) et Scène de rue à· Berlin (n° 92) de 1913, thème que Grosz portera à un point de violence extrême. Mais de Grosz nous n'avons droit qu'à deux gravures et au très chagallien Jack J'Eventreur (n° 72); l'expressionnisme politique n'est probablement pas de mise, car Otto Dix est aussi bien mal représenté, mis à part le Portrait de Sylvia von Harden (n° 68). Par contre, Christian Rohlfs, Macke et Franz Marc le sont convenablement; de même Jawlensky, dont on regrette que pas un seul portrait ne soit exposé. En 1966, il Y en avait sept.
Il n'était certes pas possible. outre les difficultés de prêt. de refaire à quatre ans de distance la même exposition, mais vraiment quand on constate tant de manques, que tant d'œuvres mineures sont cette fois-ci acrochées et que l'on compulse les deux catalogues, on se demande au nom de quoi fut faite cette bipartition! Kandinsky et Klee, une fois de plus sont les vedettes et on aurait mauvaise grâce à s'en plaindre; mais quand cessera-t-on de les mettre à toutes les sauces? Expressionnisme, Bauhaus, Art abstrait, etc. A quand « La ligne et le point dans l'Art .. ? De même Feininger, mais pourquoi pas alors Schlemmer! Passons ... passons à la gravure; mais il serait injuste, pour en finir avec les peintres, de ne pas signaler un très curieux Derain, La Danse (n° 18) et La jeune Finlandaise (n° 17). de Sonia Delaunay. La fin du siècle, on le sait, vit fleurir l'estampe, la litho, le bois. C'est à Paris que Münch s'initia à la technique et aux subtilités de l'art graphique et c'est sur bois que Kirchner grava le premier manifeste de la Brücke. Sans doute les jeunes artistes du groupe trouvèrent-ils dans le bois gravé le moyen de manifester sans nuance leur goût de l'expression brute: ils s'y adonnèrent tous et cette technique ne fut d'ailleurs pas sans influencer leur peinture. Ils ne négligèrent ni l'estampe, ni la litho, créant ainsi un véritable renouveau de J'art graphique en Allemagne,
Deux techniques C'est un domaine de l'expressionnisme aussi important que la peinture et il est à remarquer que le même sujet fut souvent traité dans les deux techniques (nO' 93 et 232). Le choix présenté est bon et constitue à lui seul une exposition à ne pas manquer. Il a de plus le mérite de se maintenir dans le cadre de l'expressionnisme et de rétablir ainsi une image singulièrement faussée par le choix des peintures. Marcel Billot
L'exposition André François, au Musée des Arts Décoratifs, est un enchantement. Mais c'est aussi un événement. Parce qu'André François est l'un de ces créateurs dont les images, année après année, contri· buent à façonner notre vision et que cet accrochage, nombreux et bien conçu, dévoile les démarches, l'am· pleur et la diversité d'une œuvre dont l'impact s'exerce sur nous, ponctuellement, par intermittence, à la faveur presque subreptice d'une affiche pour Pierre Etaix, Citroën ou "Optalidon, d'une couverture de revue ou d'une jaquette de livre. Le Pavillon de Marsan nous confronte avec les deux faces indisso· ciables et complémentaires de l'œuvre d'André Francois. Les images' publiques. souvent mon· trées â la loupe des gouaches· ou dessins originaux est éclairante à de nombreux égards. Au plan général, elle fait apparaitre d'abord les exigences multiples de ce métier; con· naissance de tous les secteurs de l'actualité mais recul et maniement d'une écriture qui doit être déchiffrable sur plusieurs plans simultanés. Elle montre aussi comment la leçon de Klee fut, parmi toutes les sources contemporaines, la plus fructueuse pour l'expression de ces problèmes quotidiens dont elle permet de cerner à la fois l'évidence et le secret. Le public français aura, avant tout. la révélation de "œuvre parue à l'étranger: couvertures pour le • New yorker» ou • Punch» en particulier. qui contribuent à une véritable an· thropologie culturelle de l'humour. Chaque fois, l'auteur, par une identification pratiquement unique chez les dessinateurs d'humour, capte cet indéfinissable qui donne à une scène son tour spécifiquement américain, britannique, germanique ou français. Les livres d'enfants (1), les jaquettes comme celles inspirées par Faulkner, les illustrations de livres telles celles pour Jarry, constituent comme une introduction à la face privée de l'œuvre d'André François. Celle-ci témoigne des difficultés que rencontre, quand il se retire en soi, l'acrobate formé à toujours dire du second degré. Cette part de l'œuvre est écartelée entre les fascinations de l'art brut et le dessin des derniers Klee. Elle se cherche dans des reliefs. des totems faits de pieux, de galets et de réminescences, des dessins à l'encre, des peintures. Et puis, surtout dans les travaux des deux dernières années. elle se trouve; et c'est alors la suite des Nus et têtes et le Bestiaire (encre et lavis) qui intègre l'homme parmi les canards. et les crocodiles. Mieux encore, c'est le miracle d'une série de paysages, flous et précis. Entre les deux pôles de la tendresse et du grinçant, l'exposition du Pavillon de Marsan révèle une poétique. Nicolas Bischower (l) En France, R. Delpire édita le merveilleux Larmes de crocodile. Mais toutes ses autres contributions au livre d'enfants ont été publiées par des éditeurs étrangers (A. Knopf, New York Eulenspiegel Verlag,
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PHILOSOPHIE
Pour Fourier Michel Butor La rose des vents, 32 rhumbs pour Charles Fourier Coll. «le chemin» Gallimard éd., 173 p.
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René Schérer Charles Fourier ou la contestation globale « Philosophes de tous les temps» Seghers éd., 186 p.
Quasiment la même semaine, il y a peu de temps, deux textes éclatants paraissaient, l'un et l'autre consacrés à l'œuvre de Char· les Fourier. Le premier venait d'un poète, d'un romancier, d'un essayiste, Michel Butor; le se' cond, d'un philosophe connu pour ses travaux sur la communication et ses commentaires et traductions de Husserl. Le premier adoptait la composition et la forme poétiques; le second s'inscrivait dans le cadre d'une collection dite de « vulgarisation ». Or, l'apparent paradoxe est que celui qu'on dé· signe comme poète et celui qui a pour profession la philosophie se retrouvent, se complètent, se ren· forcent dans une commune ré-invention: celle de Fourier, cet « utopiste» qu'une douhle tradition, bourgeoise et pseudo-marxise te, a eu tôt fait d'inscrire parmi les écrivains brouillons et les politiques inefficaces. Les deux interprétations se si· tuent dans la perspective que dé· finissait André Breton dans son ode admirable. Elle posait, pour principe, qu'il n'y a pas à situer l'œuvre de Charles Fourier dans le parcours de la métaphysique (ou de l'anti-métaphysique) occidentale; qu'il est dérisoire de l'entendre comme un des moments - parmi les autres - entre Rous· seau et Marx, à côté de Hegel, de Saint-Simon et de Comte, de la formation de la pensée politique" moderne. Michel Butor et René Schérer, chacun son lieu d'efficacité, s'inscrivent dan s récart que l'auteur des Quatre mouvements voulait introduire. Car il s'agit peut·être, après Sade, d'une des manifestations les plus résolues du refus de la rationalité classique et des conséquences en cette suite du XVIII" siècle : ce que dit Fourier, c'est que le trop fa-
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meux couple opposé et complice du rationnel et du réel, moteur de la tradition philosophique, doit être récusé comme simpliste et répressif. Les trente-deux Rhumbs de Michel Butor, «pour Charles Fourier », sont dédiés à André Breton et sont «aussi pour Roland Barthes»: cette suite de «poèmes» - que Michel Butor excuse cette dénomination extrinsèque poursuivant l'entreprise de Fourier et la reconstruisant. Mathématique et poétique y interfèrent; composition musicale et ordre logique se chevauchent et imposent, dans le contrepoint, leur ordre ; les astres, les saisons, l'histoire du monde, l'organisation des sociétés et les âges de la vie se retrouvent en des décalages subtils; le tout sous le grand vent d'un devenir passionnel où Borée se bat et se plaît à se battre avec Aquilon. On comprend la double dédicace, à André Breton et à Roland Barthes. Michel Butor redouble l'invention poétique en même temps qu'il administre sa rigueur; "a rêverie systématique
invite à une re-lecture de Fourier qui exclut à la fois les interprétations affadissantes, lyriques ou historiennes. Michel Butor s'est plu à recueillir le système et à l'entendre avec une audace méticuleuse. Il montre ceci que le prétendu réel, celui qui se donne, dit-on dans la perception, celui auquel se réfèrent les sciences et dont se réclament les morales édifiantes (pour faire valoir le renoncement ou l'efficacité) n'est rien qu'une instance; que la fonction de cette instance est d'assurer la prééminence d'un type de rationalité; et que ce dernier n'a d'autre propos, en fin de compte, que de «fonder », et de garantir l'ordre social dominant. Ecoutons ce que dit à ce propos René Schérer: ce fameux réel, qu'est-ce donc sinon un fait de culture, « tout pétri de conventions, assuré dans son rôle coercitif, qui n'en a jamais fini de vouloir changer l'homme et le modeler à son image - sans d'ailleurs y parvenir totalement? Sans lien, dres· sé comme l'obstacle ou conlme le
.-lestin, ce réel a été rutopie ma· jeure de r histoire. Aussi le système de Fourier est-il d'une rationalité profonde, à la dimen&ion non d'une conjoncture, mais d'une époque, parce qu'il s'adresse à ce que la raison instituée méconnaît toujours par principe: la dynamique des potentialités réprimées ; lorsque celle-ci entre en scène, elle déjoue alors - pour parler comme Hegel - les vieilles «ruses de la raison ». Au vrai, la raison peut-elle encore ruser, lorsque les acteurs de l'histoire le font sans dissimuler les rai· sons de leur dessein, savoir la plé. nitude d'une jouissance eommune? » Dès lors, il est léger de reprocher à Fourier de donner dans l'utopie. Entendons encore ce que dit René Schérer : Littéralement parlant, r œuvre de Fourier est loin d'être utopique : elle circonscrit au contraire le lieu nouveau. Elle procède par constants repérages et localisations: elle dessine pour la première fois en effet une topique conçue comme décentration de tous les errements sur la société et sur r homme; elle en montre le point d'application, elle invite à une conversion du regard vers les véritables tensions (passionnelles) dont le prétendu animal rationale se compose. Freud a remis en honneur le vieux mot de topique pour caractériser et localiser la dynamique des pulsions et les diverses instances du psychisme individuel. Mais la topique de Freud et celle de Fourier sont, dans leur esprit, bien différentes. Une des localisations de If! topique freudienne fait apparaître la constance constitutionnelle d'une instance répressive, le «sur-moi », r autre s'ouvre sur une instance indéterminée, mais institutionnelle dans son essence: le réel, dans ses rapports avec le moi. Admettant le réel dans sa pure factualité, reconnaissant à la répression le rôle irréductible du destin, la topique de Freud a pu être contestée, elle ne sera jamais rejetée comme utopique. Par contre, on ne pardonnera jamais à Fourier d'avoir déterminé le réel comme étant susceptible d'une transformation radicale, en T:insérant topiquement dans la dynamique des passions humaines, et, par là même, d'avoir
Wittgenstein levé tous les interdits qui assu· raient sa puissance. , Car il s'agit bien de cela. Ce centre, qui éclate aussitôt qu'on lt; désigne, qui, par nature, refuse de se poser comme institution. c'est· la force passionnelle. Celle· ci, en tant que force est indiffé· r~nciée; c'est pourquoi l'autre f~rce - négative, « réactive », habile dans les opérations de réduction - celle de la raison instituée, qui se dit maîtresse des différences, des contrariétés et des contradictions, a tôt fait de triompher d'elle. L'action de Charles .Fourier est de mettre la logique - et ses deux sœurs, la mathématique et la musique - au service de la passion... Et le profond intérêt du texte de René Schérer est d'expliquer précisément comment s'organise cette logique passionnelle qui dé· nonce les faux-semblants de la moralité, du commerce, de l'industrie, de la légalité bourgeoise et qui propose l'autre combinatoire, fondé sur le foisonnement combiné des différences et qui calcule indéfiniment de la richesse mesurée des possibles. Qu'il fasse appel au «modèle» mathématique ou au «modèle» musical, Fourier conteste la rationa. lité de la métaphysique qui joue du jeu, trop simple pour être innocent, de l'opposition abstraite entre les doctrines de l'identité et celles de la contradiction. Aristophane - celu,i que fai· sait parler Platon dans le Banquet - retrouve sa voix. Dans la. combinatoire des passions, le Nouveau Monde amoureux institue une fantaisie qui donne raison tout autant au «fariÜlisme» qu'à la pédérastie et au saphisme et à leurs combinaisons. En cha· c~n, pour chacun. Fourier construit «les éléments d'Euclide» de cette réalité que Sade tentait d'imposer par des coups de force imaginaires. Les axiomes posés - les passions et les caractères que celles-ci impliquent - , il dé· duit l'organisation sociale, mini· male permettant au dynamisme passionnel de s'épanouir dans son activité créatrice. La déduction est à ce point stricte qu'elle abolit les destructions métaphysiques du . réel et de l'imaginaire, du normal et de l'anormal, de l'utile et de l'inu,tiie, du bon et du néfaste, du solide ~t du précaire.
La raison - au sens limitatif que lui confie la tradition philosophique - n'est qu'une modalité, parmi les autres, de la passion. Rêverie que ces textes qui construisent l'attraction passion. née comme pivot de cette mise en question radicale de cette autre «rêverie », tristement efficace, qui a conduit au monde du commerce, de la guerre et de la compétition généralisée? René Schérer, tant par sa présentation que par le choix des textes qu'il propose, montre que le principe qui guide Charles Fourier est celui qui est à l'œuvre dans l'explo. sion de Mai 68 à Paris, dans les dénégations des produits d'une civilisation navrante qui se croit encore à la pointe du progrès ( « 30 % des Américains reconnaissent avoir triché à des examens») et dans toutes les agressivités contemporaines qu'il est trop commode de désigner, pour les mieux réduire, commme «révoltes ». Rêverie? Ecoutons plutôt Engels: «Que des épiciers littérai· res épluchent solennellement ces fantasmagories qui, aujourd'hui, nous font sourire; qu'ils fassent valoir aux dépens de ces rêves utopiques la supériorité de cette froide raison; nous, nous mettons notre joie à rechercher les germes de pensées géniales que recouvre cette enveloppe fantastique et pour lesquels ces philis. tins n'ont pas d'yeux. »
François Châtelet BIBLIOGRAPHIE Œuvres de Ch. Fourier, 12 vol.. éd. Anthropos. 1966-1968 Théorie des Quatre mouvements et extraits ·du nouveau Monde amoureux, éd. J.J. Pauvert, 1967. Les Cahiers manuscrits de Ch. Fourier, étude historique et raisonnée. éd. Minuit. 1957. Le nouveau monde amoureux, éd .. Anthropos, 1967. REFERENCES H. Bourgin - Fourier, Paris, 1905. A. Breton - Ode il Charles Fourier, commentée par J. Gaulmier, Klincksieck. 1961. Revue internationale de philosophie, n° 60. 1962, numéro spécial consacré à Ch. Fourier. R. Queneau - Dialectique hégélienne et séries de Fourier, Bords, Her· mann, 1963. S. Debout . Introduction au nouveau Monde amoureux (éd. Anthropos) et à la Théorie des Quatre mouvements, éd. J.J .. Pauvert. R. Schérer - Présentation de l'Attrac· tion passionnée, éd. J.J. Pauvert, 1967.
La Q.!!inzaine I.ittéraire, du 15 au 30 juin 1970
G. G. Granger Wittgenstein «Philosophes de tous les temps» Seghers éd., 180 p.
1
Dans les pays anglo-saxons paraissent chaque mois une multi· tude d'ouvrages consacrés à Wit· tgenstein et à ses disciples. Le Wittgenstein de Granger peut permettre de passer les «channels» de la compréhension. Gilles-Gaston Granger, dont nous connaissions Pensée formelle et sciem:e de homme, ainsi que l'Essai d'une philo~ophie du style, lui consacre un «philosophe de tous les temps ». En moins de cent pages, il fait ressortir l'inquiétante étrangeté de l'homme et du créateur. Ce «Spinoza moderne », comme le nomme Granger, a poli chaque expression du Tractatus logico-philosophicus pendant la grande guerre. Son système res· sort plus d'un style que d'un corps de jugements. Si délit il y a, il faudra en constituer le corps. Le système n'est pas une doctrine, mais il définit une manière d'aborder les problèmes. Ses suites de propositions ont un but thérapeutique... il s'agit de guérir les maux (mots) philosophi. ques. Les philosophes sont, pour l'auteur du Tractatus, ceux qui cherchent à sortir par la fenêtre ; en apprenant à voir, ils trouve· ront la porte. Or «voir c'est comprendre, et c'est agir... on nommait autrefois Frères voyants, aux Quinze vingts, les hommes non aveugles, mariés à des femmes aveugles. Une fraternité semblable unit le peintre aux individus qui sont, sinon atteints de cécité mentale, du moins incapables, trop souvent, de profiter du sens de la vue », écrit Eluard en pré· face des Frères voyants. On pourrait multiplier les correspondances, et pourtant Wittgenstein, de formation scientifique, n'avait étudié q~e Platon et Schopenhauer avant de s'embarquer dans sa nef curative. De ce point de vue on pense immanquablement à Nietzsche: le philosophe-médecin. Mais les allusions ne doivent pas nous faire oublier que le langage usuel ne peut être mesuré à l'aune d'aucun autre langage. Sereinement, Wittgenstein a poursuivi sa tâche, et ce n'est pas l'un des moindres
r
merltes du livre de Granger que de montrer l'unité du projet à travers la discontinuité de ses œuvres, conférences et notes. Mê· me si le Tractatus est «une somme de graves erreurs », comme l'écrit son auteur en 1945, il n'y a que transformation et progrès dans les Investigations philosophiques et les recherches ulté· rieures. Selon Granger, il n'y a pas là de renouvellement total; il n'y a qu'un Wittgenstein. Ainsi nous pensons que, dans l'intro· duction à la traduction française au Tracta tus, Russell restreint le projet de Wittgenstein quand il considère que ce dernier ne s'in· téresse qu'au «langage idéal ». En réalité, il se" préoccupe au moins autant de la qualité logique du langage ordinaire. Et les formes symboliques renvoient à des mul· tiplicités de symboles picturaux, sonores, photographiques, etc. Il indique que «nous utilisons le signe sensible (phonétique, graphique, etc.) de la proposition en tant que projection d'un état de chose possible ». Wittgenstein perçoit clairement que la significa. tion est toujours en marge, en cavale. Il est des mots que nous ne pouvons redoubler sans passer par-delà le grand miroir 10' gique. Ainsi de la signification, le nominatif m'échappe à jamais. Dieu perdu, la cathédrale métaphysique lézardée, il ne saurait y avoir de nominatif absolu. Plus de Serrurier de la signification; celle-ci renvoie toujours à son usage. Nous lisons dans les Inves· tigations philosophiques, 560: «la signification du mot est ce qu'explique l'explication de la si· gnification ». Elle est alors extralinguistique, elle renvoie à la désignation, au sens de Benveniste. On lit aussi, dans le Tracta tus, 5.6.2.: «Ce que le solipsisme en· tend est parfaitement juste. sauf que cela ne peut se dire, mais se montre. » Si cette quête du Graal philosophique permet aux questions dé· nuées de sens de «s'évanouir », les pseudo-problèmes ne se résoudront pas mais se dissoudront. Arrivés en un point inaccessible de la «sagesse », nous saurons les limites de la séduction grammati. cale et, comme le dit encore le Tractacus, «ce dont on ne pourra parler, il faudra le taire ».
Christian Descamps
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ECONOMIE
Marxisme et droit
POLIT IQ.UE
Eugène B. Pasukanill·
.
La théorie générale du. droit et le marxisme
1
Trad. de J .·M. Brohill E.D.I. éd.. 173 p.
Bolchevik dès 1912, et considéré comme le plus brillant juriste de la Russie révolutionnaire, théoricien surtout du dépérissement de l'Etat, Eugène Pasukanis disparaît en 1937. Son œuvre principale, la Théorie générale du droit et le marxisme (1924) vient enfin d'être traduite en français. On ne saurait trop féliciter les éditeurs de reprendre i('j - «en guise d'introduction» - le grand article que Korsch avait consacré jadis à la traduction allemande du livre de Pasukanis. Publié en
1924, la Théorie générale du droit et le marxisme appartient l'ans aucun doute à la même constellation théorique que deux grands textes que l'Internationale Communiste a condamnés l'année précédente: Marxisme et philosophie, du même Korsch, et Histoire et conscience de classe, de LuHcs. C'est en effet le concept Cl'l'cntiel du livre de Lukacs, celui de réification 'ou de «fétichisme de la marchandise »), qui ('st au centre de ranalyse de Pasukanil'. Tout comme l'idéologie ou la fausse conscience, le droit comme forme - n'est que l'expression fétichisée, réifiée, de la formation sociale qui a sa clé dans cette catégorie première qu'est la valeur ou la forme de la mar· chandise. Aussi bien, si la. réification constitue le moment central de l'idéologie ou d~ la fausse conscience, «le fétichisme de la
marchandise est complété par le fétichisme juridique ». Et davantage: l'explique.
«Les marchandises. dit en effet Marx, ne peuvent point aller elle,s-mêmes au marché ni ,~' échanger elles-mêmes (mtre elles. Il nous faut donc tourner nos regards vers leurs gardiens et conducteurs ... » D'où la nécessité, et ici intervient le droit, de mettrt" un ordre en cette sphère où l'homme se définit comme portenr de marchandises, vendeur ou acheteur, et, à ~e seul titre, comme
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sujet. «Pour r ordre juridique, constate Pasukanis, la «fin en
soi» n'est que la circulation des marchandises. » Qu'on n'imagine point, pourtant, une tentative de type sociologique: tout comme le Capital, l'ouvrage de Pasukanis ne se veut que critique. Sans doute s'agit.il ausl'i de ramener le droit à ses racines réelles, à la société de la marchandise, mais plus en· core· de rendre compte de la forme spécifique et combien tenace, de la «fantasmagorie» (comme dit Marx), qui s'édifie sur ces bases réelles. II ne suffit pas, autrement dit, de démasquer le « contenu de classe» du droit ou de réduire la «superstructure juridique» à 1'« infrastructure économique» (car, dans ce cas, pour· quoi le droit? pourquoi l'idéologie ?), mais il faut l'urtout expliquer la forme juridique elle· même ou le droit comme forme, bref ce moment «irrationnel, mystificateur et absurde» qui constitue le «moment spécifiquement juridique ». Mettre à jour ce moment irrationnel, ces «contradictions» du droit, chose facile : la lecture des « contradictions économiques» est à la portée d'un Proudhon... Mais encore faut-il rendre compte de la rationalité de ces irrationali· tés: le droit n'est pas seulement (ou accidentellement) irrationnel; il ne peut être qu'absurde absurde parce que nécessaire. Si l'application de la loi de la va· leur, la réalisation de la valeur cristallisée dans la marchandise, exige en effet ce détour par le droit, la constitution de cette sphère juridique qui se veut autonome jusqu'à s'hypostasier, ne fait que recréer, en l'assumant, le mouvement de cette marchandise qui poursuit parmi les hommes, en se les soumettant, son existence autonome et fantomatique d'unique «personne» libre. Le droit, si l'on préfère, garantit la vente de ]a marchandise, mais de celle-ci, tout comme l'idéologie, il reçoit forme. Mais si l'analyse de Pasukanis apparaît révolutionnaire, c'est surtout dans ses conséqu~nces lesquelles vont bien au-delà, par exemple, des conclusions de Lukacs. En effet: droit et Etat ne sauraient plus être rattaChf,8 -ou fléduits, comme c'était l(' ra!'
chez Engels, de la propriété privée, mais de la marchandise; l'Etat est forme d'une forme, forme de la marchandise et non de la propriété privée, laquelle, de ce fait, n'apparaît plus à son tour que comme forme, superstructure - la clé ultime du capitalisme restant la marchandise, la loi de
la valeur. Rien d'étonnant donc si, tout au long de l'ouvrage, et comme en filigrane, s'ébauche une théorie du dépérissement de l'Etat: Etat voué à dépérir pour autant qu'est abolie la marchandise (et non, comme on l'avait cru, la seule propriété privée), pour au-
tant. que cesse de fonctionner la loi de la valeur. Et (~'est ici, bien entendu, que, contemporain de Lukacs, Pasukanis l'est davantage de Korsch, homme, comme lui, de cette crise théorique de 1923 qui voit poser - et interdire le double problème de la survi· vance ou du dépérissement de la philosophie et du droit au lendemain de la révolution... Philosophie et droit, tous deux le comprennent ensemble, ne disparaî. tront qu'avec l'Etat. Et celui.ci, qu'avec la marchandise, avec la loi de la valeuT.
Robert Paris
INFORMATIONS
Psychologie, sociologie
Politiques, documents
Dans la collection • Question d'actualité" de Calmann-Lévy, le sociologue Alfred Sauvy analyse la Révolte des jeunes qui lui apparaît comme • un mouvement profond". prévisible et d'ailleurs prévu dont il s'efforce de définir, ainsi qu'il avait entrepris de le faire. dès 1959, dans la Montée des jeunes, les causes démographiques, biologiques, économiques et sociales, Signalons que chez Denoël paraîtra un essai sur le même thème: Ces salauds de jeunes, par AI· bert Sigusse.
Dans la collection • Perspectives de l'économique" où Jean Parent analyse le Modèle suédois, s'attachant & poser le problème de la permanence d'un système politique et économique fondé sur un équilibre de puissance, Hubert Brochier nous propose une mi· se à jour de son ouvrage paru en 1965: le Miracle économique Japonais (1950-1970) et démontre qu'en dépit de tensions nouvelles et de contradictions qui ont surgi à la suite d'un rythme de croissance prodigieux. le Japon peut espérer gagner la corn· pétition économique et relever le défi que sa planification décrit pour les années 1970.
Aux éditions Payot, paraît un ouvrage de Charles Socardies: l'Homosexualité, étude approfondie, par un psychanalyste freudien. de j'homosexualité masculine et féminine. Chez le même éditeur. S. H. Foulkes, président de la • Group-Analytic Society " de Londres, publie avec Psychothérapie et analyse de groupe, le bilan de vingt-cinq années consacrées à la formulation et la mise au point d'une technique qui conjugue l'analyse freudienne orthodoxe et les méthodes de groupe, Chez Albin Michel, Yves-Guy Bergès présente un reportage Illustré en couleurs sur une famille indienne d'Amazonie, vivant en dehors de la civilisation: la Lune est en Amazonie.
Histoire Dans la collection • Les grandes civilisations", Albert Soboul étudie la Civilisation de l'ancien régime et, notamment, de ses divers milieux ·sociaux, dans un ouvrage abondamment illustré, tandis que dans la nouvelle collection • Histoire de France" de·· Denoël, paraît un deuxième volume consacré à Napoléon et complété pal une chronologie des événements ain· si que par un dictionnaire des hommes et des institutions sous l'Empire.
Dans la collection • Philosophes de tous les temps" de Seghers. Henri Arvon, professeur à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Clermont-Ferrand, publie l'un des très rares livres nouveaux édités en France à l'occasion du centième anniversaire de la naissance de Lénine. Il s'y attache avant tout à l'aspect philosophique de l'œuvre et de l'action du fondateur de l'Etat soviétique et démontre, à partir de Matérialisme et Empiriocriticisme (1909). comment une doctrine qui, d'un point de vue strictement dogmatique, peut apparaître parfois comme une faiblesse. se révèle en fin de compte comme la ma· nifestation d'une suprême habileté tactique, Autres titres: Lettres de l'intérieur du parti communiste italien, qui groupe la correspondance avec Althusser de l'envoyé spétial à Paris du journal • L'Unita", Macchiochi (Maspero): Un observateur à Moscou, par X.... analyse de la naissance d'un néo-socialisme en U.R.S.S. rédigée à partir de trois articles parus en juillet 1969 dans le • Sunday Times" (Seuil) ; Unwanted journey in Siberia (Gallimard. titre provisoire) par Andrei Amalrik.
Grèves quement contrôlée: d'où la prédilection, surtout depuis quinze ans en France, pour des formes limitées dans le temps et l'espace: grèves perlées, d'avertissement, tournantes, débrayages et, plus récemment, grèves bouchon, « thrombose », tandis que prévaut la notion de secteur-clef. C'est le triomphe de la grève rationnelle, efficace, sans doute moins exaltante, où la communion des hommes compte moins que l'effet sur les choses.
Georges Lefranc Grèves ~ hier et ~ aujour~hui Aubier-Montaigne, 302 p.
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Suscité par une actual ité sociale dont la densité atteste la vitalité de la grève, le petit livre de Georges Lefranc vient à point. Alerte, documenté, sans érudition fastidieuse, semé de remarques suggérées par une longue familiarité avec ces sujets, il alimentera la réflexion de tous ceux qui, par métier, pratique ou curiosité, s'intéressent aux mouvements sociaux. Il se présente comme un triptyque équilibré: deux volets descriptifs: grèves d'hier (de 1869 à 1926) ; grèves d'aujourd'hui (de 1945 à mai 1968) ; un troisième, plus synthétique et comparatif. sur " les problèmes actuels de la grève -. La méthode de l'auteur est celle des cas : montrer la variété des types de grève selon les fins poursuivies, les styles de lutte, les métiers engagés, les temps et les lieux, par des monographies bi~n choisies: vingt-quatre en tout, que passé et présent se partagent équitablement. La France conserve la part du lion (9) ; ensuitè viennent les U.S.A. (5), la Belgique (4: grèves pour le suffrage universel au début, du sièCle, et conflit de 1960-61), l'Allemagne (2: grève politique de mars 1920 et corporative des chantiers navals du Slesvig-Holstein, 1956-57), puis, à égalité (1) Angleterre (mai 1926), Italie (métallurgistes, 1920), Suisse (12-14 novembre 1918), Tchécoslovaquie (février 1948: l'auteur souligne le rôle de l'action syndicale dans le «coup de Prague»). La grève ici décrite appartient aux sociétés industrielles de l'aire occidentale. Elle privilégie les professions-clefs d'autrefois (mineurs: six cas; mais le textile, ou le bâtiment, comptaient autant), ou d'aujourd'hui (métallurgistes: 5; cheminots: 3), les autres coalitions, de dimensions générales, étant multiprofessionnelles. Assurément, il ne s'agit pas d'un échantillonnage rigoureux qui puisse garantir la représen-
tativité des choix. Les grèves retenues ont toutes quelque chose de remarquable, de spectaculaire, d'exceptionnel, notamment par leur portée politique, qui les élève au-dessus du. quotidien. Evénements au sens le plus provo'cant du terme, elles ne sauraient rendre compte du «train-train. de conflits qui forme la structure du mouvement revendicatiE. Mais l'auteur n'a pas de visée sociologique, dont, au reste, il se méfie quelque peu: «Il n'est pas certain », lit-on dans le prière d'insérer, «que le point de vue juridique et le point de vue sociologique soient le meilleur pour rendre compte de la complexité des faits ». Peut-être; mais pas davantage, me semble-t-il, une histoire qui se bornerait à exposer une collection de tableaux, si colorés fussent-ils. Du moins, ont-ils le mérite de la vie. Le film de la grève, toujours recommencée, identique et toujours différente, déroule ses séquences dramatiques. D'abord, la violence des grèves sauvages, ces «rebelles» de mineurs qui commencent dans la joie d'un loisir retrouvé et qui finissent dans le sang, durement réprimées ; les treize fusillés de la Ricamarie (1869), un des modèles de Germinal, ont pourtant soulevé moins d'émotion que la défenestration, par les houilleurs de Decazeville (1886), de Watrin, ce «maudit in-
La Q!!inzainé Littéraire, du 15 au JO juin 1970
gemeur atroce., signe d'une société plus avare de vies bourgeoises que d'existences ouvrières. Puis, les mouvements s'amplifiant, se lève l'espoir quasi messianique, pétri d'attente fervente et non violente, de la grève générale cette philosophie du syndicalisme révolutionnaire - qui «sera la Révolution ». Nul doute que les débuts du xxe siècle n'aient été une grande époque d'espérance révolutionnaire, traversée des frissons de la peur des possédants. Et quelle maturité dans certaines expériences, comme celle des métallurgistes italiens (1920), organisée en «commissions d'usine », occupant les entreprises et s'efforçant de les gérer. Mais les «vagues d'assaut» de la première après-guerre, toutes gonflées par la houle de la Révolution russe, viennent mourir au pied de la citadelle capitaliste, toujours debout, et bientôt renflouée par le fascisme. L'échec de ces tentatives, la division du travail qui s'instaure, avec la formation des partis communistes, entre syndicats-revendicatifs et partis-révolutionnaires, réduit la grève à un rôle second, moyen de pression, parmi d'autres, aux mains de syndicats puissants, mais divisés, de plus en plus soucieux d'économiser leurs forces et de ménager une opinion capricieuse. Aux vastes engagements de jadis, ils préfèrent la guérilla méthodi-
Mais, de temps à autre, déjouant toutes les prévisions, de grands sursauts, souvent neufs en leurs éléments, rappellent les grèves de jadis par l'élan retrouvé. «Dans un monde que pouvoirs publics, technocrates, dirigeants ~ entreprises et dirigeants syndicalistes essaient a: organiser chacun à sa manière, (la grève) reste un élément de spontanéité », conclut Georges Lefranc. Elle satisfait un irrépressible besoin de ludisme; «elle traduit la révolte de l'homme tel qu'il est, ... con.tre les schémas et aliénations de toute nature ». Michelle Perrot
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ENTRETIEN
Pierre Naville La littérature sur l'U.R.S.S. est immense. Mais les ouvrages traitant des fondements de son régime ne foisonnent pas. Les hommes politiques, les militants ouvriers, le public, s'intéressent à la conjoncture, aux bas et hauts de sa production, de sa stratégie, de ses déploiements scientifiques, de sa démocratie interne, de ses mécanismes répressifs, des conflits du dehors et du dedans. Peu d'analystes sérieux se sont souciés de caractériser l'essence de son régime, de chercher la racine du modèle» qu'il représente. Pierre Naville a tenté cette entreprise dans un ouvrage étendu qu'il appelle le Nouveau Léviathan. ft
Le premier volume, paru il y a quelques années, présentait les idées fondamentales de Marx et d'Engels sur la « genèse de la sociologie du travail", instruments d'analyse du no u v eau «Socialisme d'Etat". Dans les volumes 2 et 3, qui viennent de paraître, il aborde les structures profondes de ce socialisme de fer, et tente d'en percevoir l'évolution possible. Nous lui avons demandé de préciser le sens de cette entreprise (1).
mique. Partout, il faut vendre sa capacité de travail. Alors, dans quelles conditions. pour quelles raisons, s'il s'agit d'un régime qui se fixe comme objectif l'abolition du salariat? La première chose à faire, c'est donc de se demander s'il y a une communauté de problème entre ce qu'on appelle les « deux mondes », qui d'ailleurs se prétendent chacun des systèmes mondiaux. Sur ce point, on ne peut qu'être frappé de la courte vue des critiques du capitalisme contemporain: leurs analyses théoriques s'arrêtent aux frontière,s de l'U.R.S.S. ou de la Chine, comme si des contradictions fondamentales ou secondaires ne supposaient pas un mode quelconque d'unité générale du système, c'est-à-dire de sa mécanique comme de' ses crises. On dirait qu'en Europe on peut être critique du capitalisme sans être critique du socialisme d'Etat, celui du modèle russe' ou même chinois. En U.R.S.S., être critique du socialisme d'Etat, c'est à fortiori s'attaquer au capitalisme. Pour comprendre cette situation, il faut commencer par la racine: l'existence du salariat, et les formes de produc.tion de plus-value et de profit qu'ils impliquent ici et là, avec toutes sortes de formes mixtes et de combinaisons, notamment dans le tiers monde.
J. P. Le titre de cet ouvrage, le Salaire socialiste, pose un problème, mais pourquoi?
J. P. Vous ne pensez donc pas que les deux critiques doivent être faites séparément. Et vous ne pensez pas non plus qu'il s'agit avant tout d'une critique pol itique ?
P. N. Mais pourquoi pas? Il faut d'abord choisir un point de départ. C'est une question de méthode. Il est frappant de constater que personne n'est étonné de trouver le salariat comme essence du régime capitaliste, et pas plus étonné de le voir évoquer dans les pays de socialisme d'Etat mais pour des raisons opposées: Ici, nous sommes tous - ou presque tous - des salariés. Obtenir un meilleur salaire, c'est la préoccupation de tous. Là-bas, tout le monde est salarié. mais dans un autre contexte: il n'y a plus de bourgeoisie, de capitalistes privés, au sens écono-
P. N. Il s'agit, bien entendu aussi, d'une critique politique. J'en ferai le bilan dans un prochain volume consacré à la Bureaucratie et la révolution. Mais il faut d'abord savoir quelles sortes de contradictions économiques et sociales supporte la lutte politique. Ces contradictions ne peuvent être ;>implement imputées aux relations classiques du salariat et du capitalisme. Ce que je me suis précisément efforcé de faire, c'est de procéder à une analyse critique des fondements du salariat dans le socialisme d'Etat. On les trouve dans le système que j'appelle cc l'exploitation mu·'
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tuelle ", et qui exige la domination arbitrale de la bureaucratie. C'est pourquoi la lutte pour' l'abolition de ce mode d'exploitation vise en même temps l'abolition, ou la dissolution, des rapports de salariat, et du même coup une lutte sans merci contre la bureaucratie omnipotente qui entretient le système. La critique prend alors son point de départ en niant cet axiome stalinien (et non marxiste) : le peuple ne peut pas s'exploiter lui-même. Ce genre d'exploitation s'engendre à partir de la disparition d'une classe capitaliste et de sa 'substitution par une bureaucratie d'Etat dont l'ossature est le parti. C'est un socialisme croupion. J. P. Dans ces conditions, les réformistes» que tendances l'on croit de temps en temps observer en U.R.S.S., ou la seconde révolution en Chine, ne vous paraissent pas primordiales pour retrouver la voie du socialisme tout court? ft
P. N. Non. Leur importance est pour le moment purement symptômatique. l"'I>ute réforme est l'indice d'une crise, de la possibilité momentanée d'atténuer des contradictions, bref d'éviter des mouvements révolutionnaires. Elle peut avoir ses bénéficiaires temporaires, mais elle est incapable de dénouer le conflit dans son ressort fondamental. Mao a parlé des cc contradictions au' sein du peu· pie» qui subsistent dans des r a p p 0 r t s socialistes d'Etat. D'ailleurs, Jdanov et Staline en parlaient aussi. Mais le fait que ces contradictions n'opposent pas un prolétariat salarié à une classe et un Etat capitalistes n'enlève rien à leur gravité et à leur caractère exp los i f. L'U.R.S.S. est en ébullition tout autant que d'autres pays de l'Est et la Chine, tout autant que les pays capitalistes et le tiers monde. Il y a à cela des causes qui résident fondamentales, dans la structure même du ré-, gime, au point de vue économique et social. C'est ce que j'ai essayé de montrer. Les cc réformes » ont d'ailleurs dans le modèle russe un double caractère : elles pallient certains défauts du
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système, qui entraînent sa faible productivité relative, et elles en révèlent de plus inquiétants, qui le mettent en cause dans son principe. On parle souvent à ce sujet de sociétés cc de transition ». Mais cela n'a guère de sens. La notion de transition n'est vraiment significative _qul! . si l'objectif est clairement fixé et recherché. Or, parler de transition vers la construction du communisme dans l'état actuel des choses, c'est se réfugier en pleine mythologie, vivre dans une aliénation sémantique. Nous assistons à autre chose, à des crises en chaîne du système, à des explosions, que la bureaucratie a de plus en plus de peine à maîtriser, d'autant plus qu'elles ne résultent pas seulement de contradictions internes, mais aussi externes. En fait de transition, l'U.R.S.S. ne sait plus très bien si son principal adversaire potentiel est la Chine ou les U.S.A. Les contradictions propres au capitalisme moderne sont d'ailleurs en train de rejoindre celles qui secouent les socialismes d'Etat, mais par une autre voie.
J. P. Vous ne çroyez donc pas, en fonction de vos analyses, qu'on puisse escompter une sorte de convergence d'évolutions démocratiques, assorties d'une modernisation osmotique des systèmes économiques et d'un état de paix durable, de la part des pays capitalistes et des socialismes d'Etat? P. N. Convergence de systèmes organiques, -évoluant dans des sens qui se rejoignent, non. Mais convergence des crises et des contradictions, certainement. Malgré l'apparence, le temps du rideau de fer et du mur de Berlin est passé. Mais ce n'est pas par suite des progrès de ce qu'on appelle la coexistence p a c i f i que, des échanges commerciaux ou des politesses culturelles. On peut toujours envoyer chez l'autre des ambassadeurs littéraires et les boucler chez soi. Ce qui crée une convergence, c'est l'écho que les luttes à Prague ou à Moscou ont à Paris, à Washington ou à Tokyo, et vicever:sa. Ce genre de communication est nouveau, et très révélateur. Les salariés, les jeunes,
Q!!'est-ce que l'U.R.S.S. ? nouveautés du mois
les étudiants, les savants sont en train de retrouver une solidarité internationale perdue. Les formes de l'oppression qu'ils subissent, de l'exploitation à laquelle ils restent astreints, peuvent différer, voire s'opposer entre elles. Il n'en reste pas moins que ces formes commencent à trouver des expressions communes, par exemple celles de l'autogestion.
ROMANS
SIMONE DE BEAUVOIR Une mort très douce
GEORGES BLOND L'épopée silencieuse
PEARL BUCK Terre coréenne
CARLO CASSOLA La ragazza
J.M.G. LE CLl~ZIO
J. P.
En somme, le Salaire socialiste s'attache à dévoiler un fétichisme nouveau, celui du travail, et vous lui trouvez dans le socialisme d'Etat une expression encore plus grave que dans le capitalisme? P. N. Le fait est que le régime de l'exploitation mutuelle comporte une forme de fétichisme du travail qui déborde celui de la marchandise, caractéristique des relations de marché capitaliste. Le marché planifié transfère aux relations de travail ce qui appartenait d'abord aux relations marchandes. Ce fétichisme s'exprime dans la littérature soviétique officielle de façon beaucoup plus fruste, plus radicale, que celui que la bourgeoisie a répandu en Occident autour de ses produits. Les linguistes qui attachent à juste titre tant d'importance aux cc mythes» des relations bourgeoises, devraient bien s'intéresser aux cc mythes» qui fleurissent en U.R.S.S. sur le vocabulaire du travail. On s'aperçoit d'autant mieux de leur signification qu'existe maintenant là-bas une littérature clandestine ou semi-tolérée qui décape le vocabulaire en restituant les faits, qui critique le système en exigeant l'exposé des relations réelles. Les livres de Soljenitsyne, par exemple, sont écrits dans le style le plus simple, mais leur texte constitue par lui-même une critique sociale beaucoup plus puissante que les textes alambiqués qui prétendent en Occident faire la révolution à coups de sémiologismes abstrus. Propos recueillis par J. P. (1) Le nouveau Léviathan, 2 et 3. Le salaire socialiste. l, Les rapports de production; Il, L'histoire moderne des théories de la valeur et de la plus·value. Deux volumes de 584 et 493 pages. Editions Anthropos, 35 F chaque volume.
La
~iDz.iDé Littéraire,
Le procès-verbal
LUISA- MARIA LlNAR~S L'autre femme
CHRISTIANE ROCHEFORT Les stances à Sophie
FRANÇOISE SAGAN Genrikh Yagoda chef du N.K. V.D. 1934-1936
Robert Conquest La Grande Terreur Les purges staliniennes des annees trente Stock éd., 582 p.
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Quel prix ont coûté, en vies humaines, les grandes épurations soviétiques des années 1937-38? On discute à coups de millions: six? ou sept? De cette peste de l'an mil, le communisme soviétique connait parfois des séquelles, des rechutes (voir les réactions à c< l'Aveu .. de London, voir Amalrik, arrêté voici peu, voir Daniel, Siniavski, voir les soi-disant psychotiques des cliniques psychiatriques d'U.R.S.S.).
La répression a changé de visage: on ne déporte plus, par wagons, par villages. On peut en· core «remettre un peuple dans la voie du socialisme» : on remet sur «les rails de l'histoire» la Tchécoslovaquie. Dés~rmais, les accidents sont plus personnels. Les années 37-38 gardent le nom du chef de la police poli. tique: on dit la «yéjovtchina », le temps-de-Yéjov... lui-même pé. rira, comme son prédécesseur Yagoda, comme son successeur Béria. De cette époque, Pasternak écrivait: « ... il faudrait trouver des mots capables de vous empoig~r le cœur et de vous faire dresser les cheveux sur la tête > et il ajoute, note tragique: « ... la guerre est venue comme u~ bouffée d'air frais >. La guerre? 20
du 15 au JO juin 1970
La chamade
Nilo/aï Yejoy chef du N.K. V.D. 1936-1939
GEORGES SIMENON
millions de morts, mais au moins se battait-on à visage découvert, contre un ennemi clairement désigné, un envahisseur. Robert Conquest, faute de trou· ver les mots, a trouvé les faits. Son livre nous «empoigne le cœur », non par l'art, mais par le vécu. Nous connaissions les procès de Moscou, les assises cauchemardesques où les compagnons de Lénine se déclaraient espions, saboteurs, vendus aux services secrets des Etats bourgeois depuis leur jeunesse... Nous n'avions p.as encore évalué, senti le poids du temps-de-Yéjov sur l'ensemble de la population, le nombre des disgrâces, arrestations, déportations, disparitions. Pour chaque communiste suspecté, Conquest compte 8 à 10 «citoyens ordinaires » persécutés. En Ukraine, en deux ans, les deux· tiers des responsables régionaux et un tiers des responsables du parti ont été remplacés: 1 600 nouveaux en 1938, parmi lesquels Brejnev et Kirilenko. C'est alors que Khrouchtchev devient premier secrétaire: il lui faut cinq mois pour former un gouverne· ment en Ukraine; personne n'était «sûr ». En Géorgie et Transcaucasie, 4 238 fonctionnaires ont pris la place des éliminés, et autant à peu ,près en Arménie. Chaque suspect, ou même chaque gratte-papier écarté entrainait son entourage dans sa .chute. Femmes et enfants, mais' aussi amis et compagnons de travail de tout « ennemi du peuple> trem-
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L'affaire Saint-Fiacre Les fiançailles de M. Hire La maison du canal Le fou de Bergerac La tête d'un homme L'ombre chinoise
ERNST WIECHERT La servante du passeur
MICHEL Z~VACO Le fils de Pardaillan Le trésor de Fausta La fin de Pardaillan La fin de Fausta CLASSIQUES
BALZAC Les employés CHR~TIEN DE TROYES Romans de la Table Ronde Le cycle aventureux
HISTORIQUE (illustré)
GILBERT GUILLEMINAULT La France de Vincent Auriol PRATIQUES
ROGER LA FERTÉ et MARTIAL REMONDON 100 jeux et problèmes
JACQUES DONVEZ Méthode 90: espagnol
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La Grande Terreur
blaient... l'épouse perdait son gagne-pain, les enfants étaient le plus souvent exclus de l'umversité. Point n'était nécessaire de s'occuper de politique, ni même d'avoir jamais émis une idée pour être suspect. Il y avait le sabotage. L'expression évoque un paysan furieux lançant son sabot contee une machine. De toutes parts surgissaient des «saboteurs nippo-trotskystes » (il était entendu que Trotsky avait partie liée, entre autres, avec les Japonais). « La définition officielle du sabotage fut élargie et les pénalités prévues pour les saboteurs renforcées. Le 26 novembre 1936, Vychinsky ordonna que, dans le courant du mois suivant, tous les délits criminels se rapportant à des incendies, des accidents, à la fabrication de matériel défectueux soient réexaminés en vue de démontrer l'existence d'une vaste organisation contre· révolutionnaire. » Or, dans l'immense pays, industrialisé au milieu d'une misère totale, où la plupart des ouvriers venaient de quitter des villages primitifs, l'inexpérience et la hâte contraignaient presque à la maHaçon. Obligés de remplir des normes, sous peine de lourdes punitions, contremaîtres et ingénieurs négligeaient les rè/!;les de la sécurité. Cependant tout, dans les mines et les usines, devenait «sabotage» et les procès flambaient. Le physicien Weissberg raconte qu'après le «suicide » (très suspect, et qui pourrait avoir été un meurtre) d'Ordjonikizé, intime de Staline et grandmaître de l'industrie, son neveu, promoteur de l'expansion, avait été arrêté... ainsi que tous les directeurs des grandes fonderies. «Quelques mois plus tard, leurs successeurs furent arrêtés eux a·ussi. Ce ne fut que la troisième ou la quatrième fournée qui réussit à se maintenir. Ainsi, l'industrie de la fonderie fut dirigée par des hommes trop jeunes et inexpérimentés... Ils avaient courbé l'échine chaque fois qu'ils s'étaient trouvés en présence d'un supérieur. Ils étaient, moralement et intellectuellement, des infirmes.» Verdict atroce, valable pour tous ou presque tous ceux qui ont accédé aux responsabilités à l'époque de Yéjov. Des récits nous rendent la tension de l'épo-
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Lavrenti Beria chef du N.K. V.D. à partir de 1938
que, la constante angoisse. Chacun pouvait, très logiquement, s'attendre à être arrêté. Comment ne tomber dans aucune des catégories considérées comme suspectes par le N.K.V.D.? Avoir des relations avec l'étranger (quelqu'un qui vous écrit d'au-delà des frontières, par exemple), être membre d'une secte religieuse, avoir été «rebelle », c'est-à-dire avoir pris part à des manifestations, même au début de la révolution, suffisait à vous classer parmi les anti-soviétiques. De plt.~s, tout intellectuel était un re-' belle latent. Isaac Babel résumait; '« Aujourd'hui, un homme ne parle librement à sa femme que la tête sous les couvertures. Nul n'osait plus faire part à ses amis de son scepticisme en ce qui concerne la vérité officelle. » IIya Ehrenburg, retour d'Espagne, ne retrouve plus ceux qu'il va voir, Aux «Izvestia », les portes des chefs de rubrique ne portent plus de noms. La réceptionniste lui explique: «Ceux qui sont ici aujourd'hui n'y seront plus demain. » Effroyable épopée que retrace le livre de Conquest. Il accable, mais il explique peu. Nous connaissons les raisons invoquées pour rendre compte des faux aveux, des confessions imaginaires faites par de vieux bolcheviks, des héros de la révolution : accablement, désespoir, dévouement à la cause devenu foi mvstique, et parfois aussi l'effet d~ la torture, et parfois l'espoir de sau·
ver sa tête. Nous connaissons les ruses de Staline et des siens, faisant miroiter aux compagnons de Lénine qu'ils auraient la vie sauve en avouant, en dénonçant. Conquest explique la grande ter· reur par la logique paranoïaque de Staline, dictateur méfiant, par les provocations des chefs du N.K.V.D. qui inventaient des complots pour se rendre indispen. sables, pour se sauver: à l'intérieur du N.K.V.D. aussi, la mise à mort devenait un accident du travail de plus en plus fréquent. En deux ans, Staline apostilla 383 listes dont chacune envoyait des milliers d'hommes à la mort ou dans les camps : une liste tous les deux jours, en moyenne. Et les communistes étrangers, ceux qui s'étaient réfugiés dans «la patrie du socialisme », ne sont pas davantage épargnés. Ce sont des comités centraux entiers, comme celui du parti polonais, qui sont envoyés à la mort. Les communistes allemands sont remis à Hitler. Staline, le N.K.V.D. suffisent-ils à tout expliquer? 'Le chef du parti ne s'occupait pas des obscurs, dans les républiques lointaines. Pourtant, ceux-là aussi périssaient. Mieux : une fois fini le temps-deYéjov, une fois terminées les horreUl'S de la guerre, on voit renaître la suspicion, les arrestations, les dénonciations. Les méthodes mêmes des procès «yéjoviens« sont employées dans les démocraties populaires. Et, Staline disparu, s'il n'y a plus de déportations massives, le «regel» suit chaque «dégel ». Conquest ne fait pas la synthèse, mais elle ressort de sa fresque de 520 pages qui démonte les mécanismes de l'horreur collective organisée. Le centralisme, toujours et partout, «mange» la démocratie. Usine, entreprise, ville, républiquè, état central, mouvement communiste mondial, dans toute unité il y a un «centre» dépositaire de la vérité. Même si cette vérité n'est faite que des directives d'un centre plus important. Ainsi, de proche en proche, le monolithisme exige, non plus la « discipline librement consentie », mais la soumission totale. En principe, toute décision est discutée par la base et monte, de proche en proche, jusqu'au sommet, puis en redescend. deve-
nue résolution, devenue obligatoire pour chacun. Mais ceux qui, dans la phase de discussion, avaient marqué leur désaccord, restent suspects. Si bien que la discussion, au lieu de servir à élaborer une décision, sert simplement à «dévoiler les ennemis ». Parce' que le pouvoir réel n'appartient qu'à des organismes de direction :soigneusement cooptés. Parce que le vent d'aucune opposition ne peut aérer les sphères confinées où s'élabore la résolution finale. Robert Conquest confond socialisme avec barbarie sanguinaire et n'imagine pas les, révolutionnaires autrement que comme des « gangsters» réglant leurs comptes. A cette réserve près, son livre, admirablèment documenté, est indispensable pour comprendre comment s'est opérée la contre· révolution stalinienne. Dominique Desanti
ESPRIT· LA
-TCHÉCOSLOVAQUIE· PLAIE ',OUVERTE Procès à Prague L'année 1968 Entretien avec A. Bed nar Anthologie poétique
• L'obligation du célibat
.'
Les jUI~ticiables et la justice
• Théâtre et désastre
• JUIN 1970, '8 F
ESPRIT
19, rue Jacob. Parl,s 6C.C.P. Paris 1154051·
LETTRE
DES ETATS.UNIS
Plus de Noir que de Nu
A New York, il y a sur scène encore plus de noir que de nu et le problème racial emplit autant de salles que la politique et la sexualité. Partout: de Broadway à Greenwich village et au Lower East Side, quartier pauvre... partout, sauf à Harlem. Quarante pour cent des théâtres « jouent noir ». Mais dans le quartier des Noirs, pas un théâtre. Le seul qu'il y ait eu, le New Lafayette Theater, a mystérieusement flambé. Les militants noirs extrémistes puisent dans cette absence la preuve de leur thèse: tous ces spectacles axés sur le problème racial ne sont qu'une honteuse commercialisation.
Mais la réalité révèle que ces pièces ont de 50 à 80 % de spectateurs non blancs: ce public noir que l'on disait inexistant s'est donc constitué. Bourgeoisie de couleur, « sous-bourgeoisie »? On reconnaît aussi, dans les salles, la crinière en soleil, « naturelle ", insigne des militants afro-américains. Prenant pour centre la question raciale, ces pièces offrent un échantillonnage complet des attitudes psychologiques: de la modération lénifiée à la violence, de "hypocrisie à la colère. Sur un point, elles donnent raison aux extrémistes: il n'y a pas de problème noir, mais un problème des Blancs à pro· pos des Noirs. Partout, la rupture est définitive avec les temps de l'essentialisme, du vernis anoblissant, du pleur de la fraternité, du lait de la tendresse. La bonne conscience des dramaturges a renoncé aux fleurs métaphysiques plantées sur la condition humaine. Le nouveau théâtre garde ses distances. Le pacifisme noir à la Martin Luther King s'exprime avec dignité, par exemple dans le A Raisin in the sun, de Lorraine Hansberry. Voyez les Noirs, leur difficulté d'être et de subsister: voyez, la misère engendre grossièreté et agressivité. Décor unique: un logis pauvre, une boutique du ghetto. Une morale
de respectable petite-bourgeoisie exprime la nostalgie d'accéder à la dignité, l'optimiste espoir en des lendemains conquis par une évolution sans violence. Lorraine Hansberry- est morte en 1968. To be young; gifted and black (Etre jeune, douée et noire) réalise un spectacle avec des morceaux de ses pièces, son journal et ses lettres. L'ensemble est moins conventionnel que ne l'étaient ses pièces élaborées, dont la technique et le sujet rappellent les années 30. Emouvant et de tout repos, ce théâtre cathartique ras sur e consciences blanches et consciences noires. Ceremonies in dark old men (Cérémonies dans de vieux hommes foncés) de Lonne EIder III laisse espérer, par son titre fastueux, une conception nouvelle. Mais elle ne hante que le titre. La pièce semble écrite voici quinze ans, avec addition de plaisanteries contemporaines. La banalité du propos n'empêche pas le succès. Voici des mois que la salle du misérable Lower East Side ne désemplit pas. Le seul véritable intérêt de la pièce réside dans la réunion de trois stéréotypes. D'abord la femme - sœur et mère - qui
La Q!!inzainé Littéraire, du 15 au 30 juin 1970
combat peurs, préjugés, difficultés et mort avec plus de courage que "homme humilié. Puis, constamment 0 p p 0 sée s, les deux incarnations du Noir, l'une et l'autre poussées à l'extrême. Le .bon vieux Noir, «l'oncle Tom ", rit et fait rire: voix de tête, roulements d'yeux, sourireflash; mais il reste sympathique et émouvant. Le mauvais jeune Noir, jeune loup vêtu avec trop de recherche, à la décontraction trop voulue, cache la cruauté et la violence sous une douceur taciturne. Depuis les années 50, le théâtre présente une ségrégation agressive entre mondes contradictoires. Le contraste fait place à l'antagonisme. Théâtre ambigu de la déchirure, de l'inconciliable, il aboutit à un pessimisme où la dignité, les qualités morales ne triomphent plus que rarement. No place ta be somebody (Pas de place pour être quelqu'un) annonce, dès le titre, le problème de l'identité, de l'assimilation. Pris dans le traquenard de la société blanche, le Noir n'a le choix qu'entre le cynisme et l'inquiétude. Johnny, le patron de bar, incarne le crime: il copie les défauts de la
société blanche qui lui est pro· posée. Son ami et alter ego, Gabe Gabriel, représente la conscience, le scrupule, acteur d'un théâtre à la fois faux et vrai. La pièce commence par le réalisme. Nous voyons un cafébar, rendez-vous d'êtres en état de crise. Puis elle glisse vers l'antithéâtre: Gabriel est à la fois personnage du café et l'auteur de la pièce qui bascule dans "irréel, le rituel. Johnny, intronisé martyr de la cause noire, oblige Gabriel, qu'il traite de pédéraste, à le tuer. Irrésolu, divisé, l'homme noir se détruit. Dans l'étrange final, Gabriel revient, habillé en veuve portant le deuil de sa race: cc un peuple qui meurt à une nouvelle vie ». Ici encore, l'identité noire ne peut s'établir que dans la négation, la dégénérescence et la dégradation. Le crime d'hier s'achève en clownerie d'aujourd'hui. C'est le négatif de la Révolution regénératrice. Depuis plus d'un an - succès significatif - une pièce à grand spectacle de Howard Sackler tient l'affiche sur Broadway à bureaux fermés. Titre ironique: The great white hope (Le grand espoir blanc). En dixneuf tableaux, nous voyons la
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Le plus étonnant des spectagrandeur, la passio)1 et la légende du grand boxeur· Jack cles est Black Quartet, match Jefferson (dans l'histoire réelle en quatre rounds écrits par quadu noble sport, il se· nommait tre jeunes auteurs noirs. Brèves Johnson). Inflexible, invincible pièces de choc, percutantes, de 1908 à 1915, il est vaincu sans psychologie ni caractères par les brimades, l'humiliation, ni héros, destinées aux enfants la lassitude. Tous les soirs, un de la TV rodés à la théâtralité public noir à 80 % rugit aux ré- pure. Dans Prayer Meeting, de pliques vengeresses contre les B. Calwell, pendant dix minutes Blancs. Jack Jefferson repré- un pasteur prie et un voleur, sente le héros digne, généreux caché, lui répond. Relecture des et fier dont tout groupe a be- Ecritures, conversion spontanée, soin pour se battre. La légende Evangile de la violence. du champion et de sa maîtresse lhe Warning (l'Avertisseblanche, faisant scandale en Eu- ment) de Ronald Milner, plus rope comme aux Etats-Unis, a verbal, montre trois générations pour contrepoint la comique et de femmes noires. La· grand· impossible recherche du cham- mère, castratrice et cynique; la pi,m blanc qui sauverait l'hon- mère alcoolique et paresseuse, neur blanc. La haine triomphera. enfin la fille, inquiète, puis comLe final nous offre une proces- battante. lhe Gentleman Caller sion où Blancs et Noirs portent de Ed. Bulling s'inscrit dans sur leurs épaules deux pauvres l'optique du nouveau théâtre: corps dégoulinants de sang (en ce « M.onsieur qui vous demanréalité, Johnson avait épousé de ", indifférent et muet, c'est trois femmes blanches succes- peut-être l'Histoire; il assiste sivement). Un humour marxi- au meurtre des patrons juifs, sant et anticlérical ridiculise le badigeonnés d'or et d'argent, Blanc et réhabilite la femme, par la servante noire. qui s'affirme par le verbe. DouGreat Goodness of Life (la ble réhabilitation, caractéristi- grande beauté de la vie) de Leque .du théâtre noir où, souvent, Roi Jones met en accusation les les meilleures répliques appar- « oncle Tom" : passivité, acceptiennent ·aux femmes. tation sont des participants au Troisième attitude de l'acti- crime. Pour se disculper devant visme, la violence suscite un la société blanche, Uncle Tom théâtre du cri, théâtre des rues finit par tirer sur un militant qui et de guérilla sous l'égide spiri- est à la fois Malcolm X, Lumumtuelle de Malcolm X: ses au- ba et son propre fils. Théâtrateurs marquants sont LeRoi lité absolue, compréhensible Jones et Ed Bulling. Brutal, grin- par le seul regard: le verbe est çant, grossier et faisant appel réduit à ses fonctions primitives aux sous-privilégiés de tout, y d'arme et de bouclier de descompris de la culture. Théâtre- truction et de mauvaise foi.· Révélation finale, troublante: m~eting. Big lime Buck White, de Jo- il n'est pas facile de déceler seph Dohn Tuotti, est un pro- lesquels,. parmi les' auteurs de duit de Watt!?, ghetto noir de ces pièces, sont blancs et lesLos Angeles qui flamba en 1965. quels noirs. lhegreat white A présent, on y a créé un théâ- hope et Big lime Buck White, tre : mieux vaut jouer l'incendie grands succès de masse, ont que mettre le feu. Auto-satire des Blan·cs pour auteurs. L'une démystitîante, on y voit un grou- sera tournée en film, l'autre, pe d'activistes bruyants et pa- adaptée en comédie musicale resseux. Ils attendent leur chef, par Oscar Brown Jr., sera jouée Buck White. Il arrivera au par le grand Cassius ·Clay - Mo21· acte, quand l'atmosphère hamed Ali. survoltée de cris, rires, fureur, Voici donc à nouveau une aura porté le public à blanc. avant-garde « récupérée" par la Après un discours incantatoire commercialisation. S'en désoler, s'engage le· dialogue avec la c'est à noUveau opposer théâtre salle: insultes, menaces, accu- et (R)évolution. Le théâtre noir sation de la bonne conscience américain montre qu'ils sont que les Blancs achètent au prix complémentaires. réduit de cette représentation. Jean Decock
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FEUILLETON
par Georges Perec L'enfant W ignore presque tout du monde où il va vivre. Pendant les quatorze premières années de .sa vie, on l'a pour ainsi dire laisser aller à sa guise, sans chercher à luï incul~ quer ajJcune des valeurs traditionnelies de la Société W. On ne lui a pas donné le goût du sport, on ne l'a pas soumis aux dures lois de la compétition. Enfant parmi les enfants, nul ne l'a nourri du désir de dépasser, de surpasser les autres; ses besoins spontanés ont été exaucés; personne ne s'est élevé contre lui, personne. n'a dressé contre lui le mur de sa loi, de son ordre, de sa logique. Tous les enfants W sont élevés ensemble; pendant les premiers mois, les mères les gardent près d'elles, dans· la chaleur calfeutrée des pouponnières installées dans les gynécées. Puis ils sont amenés dans la Maison des Enfants. C'est, à l'écart de la Forteresse, au milieu d'un grand parc, un long bâtiment sans étage éclairé par de vastes baies. L'intérieur est une chambre unique immense, sans cloi· son, tout à fait dortoir, salle de jeux, salle à manger; les cuisines sont à une extrémité, les douches et les toilettes à l'autre. Les garçons et les filles grandissent les uns près des autres, dans une promiscuité to: tale et heureuse. Ils peuvent être jusqu'à 3000, 500 filles et 2 500 gar. çons, mais une dizaine à peine d'éducateurs des deux sexes suffisent à les surveiller. Le mot surveiller est d'ailleurs impropre. Les enfants ne sont soumis à aucune surveillance; on ne peut même pas dire qu'ils sont encadrés; les adultes ne sont nantis d'aucune fonction pédagogique, même s'ils peuvent être parfois amenés à conseiller, à expliquer; leur tâche
essentielle est d'ordre sanitaire: contrôle médical, dépistage, prophylaxie, interventions chirurgicales de routine: végétation, amygdales, appendicectomie, réduction de fractures, etc. Les plus âgés des enfants, les adolescents de 13 ou 14 ans prennent soin des plus jeunes, leur apprennentà faire les lits, à laver le linge, à confectionner les aliments, etc. Tous décident librement de leurs horaires, de leurs activités, de leurs jeux. De ce qui se passe dans les villages et sur les stades, ils. n'ont qu'une connaissance confuse, presque entièrement imaginaire. Leur domaine est immense et ses confins sont si embroussaillés qu'ils ne savent même pas que des obstacles infranchissables fossés, clôtures électrifiées, champs de mines - les séparent du monde adulte. Ils entendent parfois au loin des clameurs, des détonations, des sonneries de trompettes; ils voient passer dans le ciel des milliers de ballons multicolores ou des envols exaltants de colombes. Ils savent que se sont les signes de fêtes grandioses auxquel· les ils seront admis un jour. Ils les miment parfois en de grandes farandoles joyeuses, ou bien, la nuit, brandissant des torches embrasées, ils se livrent à des cavalcades effrénées et, hors d'haleine, ivres de joie, tombent pêle-mêle les uns sur les autres. C'est au cours de leur quinzième année que les enfants quittent à jamais leur Maison, les filles pour regagner les gynécées dont elles ne sortiront plus qu'à l'occasion des Atlantiades., les garçons pour rejoindre le village dont ils deviendront les futurs Athlètes. L'adolescent. se fait du monde o~ il va entrer une. idée souvent merveilleuse; la tristesse qu'il peut éproover de quitter ses compagnons est atténuée par la certitude qu'il a de les retrouver bientôt et c'est avec une impatience heureuse, parfois même avec enthousiasme qu'il monte dans l'hélicoptère chargé de l'emmener. Affecté dans un village, l'enfant y sera pendant au moins trois ans novice avant de deve·nir Athlète. Il participera aux séances d'entraîneme~nt du matin, mais non aux championnats. Mais, ses six premiers mois de noviciat, il les passera menottes aux mains, fers aux pieds, enchaîné la nuit à son lit, et souvent même baillonné. C'est ce que "on nomme la Quarantaine. et il n'est pas exagéré de dire que c'est la période la plus douloureuse de la vie d'un sportif W, que tout ce qui suit, les humiliations, les injustices, les injures, les coups, n'est pour ainsi dire presque plus rien, ne pèse presque plus à côté de ces premières heures, de ces premières semaines. La découverte de la vie West, il est vrai, un spec.tacle assez terrifiant. Le novice parcourt les stades, les camps d'entraînements, les cendrées, les chambrées; il n'est encore qu'un adolescent tranquille et confiant, ·pour qui la vie se confondait avec la chaleur fraternelle de ses milliers de compagnons, et tout ce qui pour lui s'associait avec des images de fête·s
COLLECTIONS
fastueuses, ces clameurs, ces musl· ques triomphales, ces envolées d'oi· seaux blancs, lui apparaît sous un jpur insoutenable. Puis il verra revenir hi cohorte des vaincus, Athlètes gris ce fatigue, titubant sous le poids des carcans de chêne; il les verra s'af· faler d'un coup, la bouche ouverte, la respiration sifflante; il les verra un peu plus tard se battre, s'entre-dé· chirer pour un morceau de saucisson, pour un peu d'eau, pour une bouf· fée de cigarette. Il verra, à l'aube, le retour des Vainqueurs, gavés de saindoux et de mauvais elcools, s'ef· fondrant dans leurs vomissures. Ainsi se passera sa première jour· née. Ainsi 'se passeront les suivantes. Au début, il ne comprendra pas. Des novices un peu plus anciens que lui essayeront parfois de lui expliquer, de lui raconter, ce qui se passe, com· ment ça se passe, ce qu'il faut faire et ne pas faire. Mais, le plus sou· vent, ils n'y arriveront pas. Comment expliquer que ce qu'il découvre n'est pas quelque chose d'épouvantable, n'est pas un cauchemar, n'est pas quelque chose dont il va se réveil· 1er brusquement, qu'il va chasser de 'son esprit, comment expliquer que c'est cela la vie, la vie réelle, que c'est cela qu'il y aura tous les jours, que c'est cela qui existe et rien d'autre, qu'il est inutile de croire que quelque chose d'autre existe, de faire semblant de croire à autre chose, que ce n'est même pas la peine d'essayer de déguiser cela, d'essayer .de l'affabuler, que ce n'est même pas la peine de faire semblant de croire à quelque chose qu'il y aurait der· rière cela, ou au-dessous ou au-des· sus. Il y a cela et c'est tout. Il y a les compétions, tous les jours, les .victoires ou les défaites. Il faut se battre pour vivre. Il n'y a pas d'autre choix. Il n'existe aucune alterna· tive. Il n'est pas possible de se boucher les yeux, il n'est pas possible ·de refuser. Il n'y a ni recours, ni pitié, ni salut à attendre de person· ne. Il n'y a même pas à espérer que le temps arrangera cela. Il y a cela, i! y a ce qu'il a vu, et parfois ce sera moins terrible que ce qu'il a vu et parfois ce sera beaucoup plus terrible que ce qu'il a vu. Mais, où qu'il tourne les yeux, c'est cela qu'i! verra et rien d'autre et c'est cela Ç1ul sera seul vraI. . Mais même les plus anciens des Athlètes, même les vétérans gâteux qui viennent faire les pitres sur les pistes entre deux compétitions et que la foule hilare nourrit de trognons pourris, même ceux-là croient encore qu'il y a autre chose, que le ciel peut être plus bleu, la soupe meil· leure, la Loi moins dure, croient que le mérite sera récompensé, croient que la victoire leur sourira et qu'elle sera belle. Plus vite, plus haut, plus fort. Lentement, au fil des mois de la Oua· rantalne, la flè.re devise olympique ~e grave dans la tête des novices. Très peu tentent de se suicider, très peu' deviennent vraiment fous. Ouelques,-uns ne cessent de hurler, mals la plupart se taisent, obstinément. (A suivre.)
La sociologie aux Presses Universitaires de France
Fondés par Georges Gurvitch, les • Cahiers internationaux de Sociologie", la collection • Le Sociologue" et la • Bibliothèque de Sociologie contemporaine» ont réussi à constituer au cours des dernières années, sous la direction de Georges Balan· dier, un vaste et très dynamique ensemble de publications consacrées à la sociologie. et à l'anthropologie sociale. ' Les spécialistes, les chercheurs, res étudiants pourront, grâce aux • Cahiers internationaux de Sociologie", se tenir au fait des recherches de pointe menées dans ce domaine en France aussi bien qu'à l'étranger, et suivre au plus près l'évolution des courants 'les plus • inventifs" de la science socia1e contemporaine.
testable), Anthropologie économique, par M. Godelier. A PARAITRE: Sociologie de Saint·Simon, par P. Ansart. Les Phénomènes révolutionnaires, par J. Baechler. Sociologie de Tocqueville, par P. Birnbaum. Méthodes de l'enquête sociologique et Mathématiques et sociologie, par R. Boudon. Sciences humaines et analyse structurale, par D. Sperber. -
Bibliothèque de sociologie con· temporalne " :
ct
Cette dernièr.e collection est exclusivement consacrée à la publication d'ouvrages de recherches qui se ca· ractérisent par leur aspect fondamentalement novateur et imaginatif.
théâtre;
on
encore
la
thèse
de
J. Berque, enquête sur un groupe ethnique marocain, les Seskwa, parue sous le titre de Structures sociales du Haut·Atlas; les Etudes de sociologie religieuse de' G. Le Bras; les travaux de M. Halbwachs sur la Mémoire collective ou de G. Balandier sur la Sociologie actuelle de l'Afrique noire; "ouvrage fondamental de ryJ. Mauss, Sociologie et anthropologie, qui en est aujourd'hui à sa quatrième réédition. A PARAITRE: Sens et puissance, les dynamiques sociales, par G. Balandier, qui y étu· die les sociétés en tant que configurations en formation, à la recherche d'un sens, et se trouve ainsi amené à analyser l'incidence des rappor\s internationaux sur le fonctionnement des systèmes sociaux.
Crises de la société, crises de l'Ecole, par Viviane Isambeit, ouvrage d'une brûlan,te actualité, qui pose dans une perspective historique le problème des crises de l'enseignement du second degré. Un recueil d'essais dus à Evans Prit· Avec un tirage de départ de 10000 chard et où le fondateur de l'école exemplaires, la co.llection • Le Socio. anthropologique britannique nous par· iogue ", dont ·Ia plupart des titres ont le notamment de • La situation de la fait l'objet· d'une ou de plusieurs femme dans les sociétés primitives" rééditions, s'adresse à un plus vaste et de • L'obscénité comme révélateur public et se définit comme une colNous lui devons également les tra· .. de certains styles de culture primi· lection de • vulgarisation", le terme, tive" (le titre général de l'ensemble il va sans dire, devant être entendu vaux les plus importants d'A. Sauvy, n'a pas encore été fixé). dans son sens littéral. En somme, avec sa Théorie générale de la population (3' édition) et de H. Lefebvre, ce que • Le Sociologue" propose à Les Règles du jeu politique, étude ses lecteurs, c'est, ordonné autour de en matière de sociologie rurale, avec due à un jeune professeur de l'Uni~ trois thèmes principaux, un tableau La Vallée de Camoan • Etude de socioversité du Sussex, F.G. Bailey, qui d'ensemble de la science sociale de· logie rurale. nous propose ici un décryptage des puis ses débuts jusqu'à ses réalisa· Parmi les ouvrages Illustrant au plus originaux de la vie politique con· tions les plus récentes. C'est ainsi temporalne, notamment, dans les soque l'on y trouvera, d'une part,' des plus près les objectifs de la collecciétés occidentales, décryptage basé rééditions de classiques tels E. Durk· tion, on pourrait aussi citer, pour ne sur les démarches de l'anthropologie heim, avec Education et sociologie, s'en tenir qu'à quelques exemples, politique et qui amène l'auteur à de Sociologie et philosophie, La Science 't.elle étude. de J. Duvignaud, où l'au· bien savoureux rapprochements entre,. sociale et l'action, ou P. Mercier, avec teur, analysant le rôle des person· par exemple, le phénomène gaulliste Histoire de l'anthropologie; ou encore nages • déviants" et • anomiques " et le fonctionnement de certaines sodes travaux dus à des spécialistes 'dans la création des idées: et dans ciétés Indiennes. contemporains sur les pionniers de la, création des systèmes' sociaux, A.B. la sociologie ou de l'anthropologie fonde une véritable Sociologie du sociale, tels la Sociologie de Proudhon, par P. Ansart, la Sociologie de Comte, par P. Arnaud, la Sociologie de Marcel Mauss, par J. Cazeneuve, ia Sociologie de Max Weber, par M. J. Freund, la Sociologie de Marx, par .urH. Lefebvre. Ville On y trouvera, d'autre part, toute Date une série d'ouvrages dont le commun dénominateur est de mettre l'accent _userit un abonnement sur les rapports existants entre les différentes disciplines de la science D d'un an 58 F / Etranger 70 F sociale: Sociologie et géographie, de six mois 34 F / Etranger '40 F par P. George, Sociologie urbaine, par R. Ledrut. Sociologie de l'art, par règlement joint par J. Duvignaud. mandat postal {] chèque postal Enfin, un troisième secteur de la chèque bancaire collection • Le Sociologue" est conRenvoyez celle carte à sacré à des domaines très particuliers de la science sociale et nous offre des études dynamiques, à l'avant·garde de la recherche ac· 1""raiN tuelle: Anthropologie politique, par 43 rue du 'fempl',', Paris 4, Georges Balandler, qui en est à sa c.c.r. 15.:>.'; 1.53 Paris troisième réédition (ce qui, compte tenu de la haute. spécialisation de 1 l'ouvrage, constitue un succès incon-
La Qyinzainé Littéraire, du 15 au 30 juin 1970
Noblesse oblige: nous lui devons, en premier lieu, l'édition des principales œuvres de son fondateur, Geor· ges Gurvitch, avec le Traité de sociologie (3' édition), La Vocation actuelle de la sociologie (4' édition), Déter· minismes sociaux et liberté humaine (2" édition) et Les Cadres sociaux de la connaissance.
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La Quinzaine
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Livres publiés du 20 mai au 5 juin
• Jacques Chatain Bliche ou l'herbe rance Seuil, 144 p., 15 F. (Voir c~ numéro.)
aOMANS raANçA!S Alice Boutroux Un soir sur l'.étang mauve... E. Marescot, 192 p., 15 F.· Un roman poétique qui a poUr toile de fond la Sologne. • F. Brusson-Videau Marie Gallimard, 176 p., 12,75 F. Le drame d'une petite fille qui refuse de vivre. Michel Chaillou Collège Vaserman Coll. « Le CheminGallimard, 256 p., 20 F. Un roman baroque, qui emprunte ses techniques au théâtre . et joue des pJus savoureux délires verbaux.
Jean-Louis Cotte Les semailles du ciel A. Michel, 352 p., 19,50 F. Roman qui a pour cadre une plantation à la Martinique en 1830 et qui évoque les problèmes du racisme.
ou du destin. Jean-Charles Rémy La randonnée Stock, 192 p., 18 F, Un premier roman qui a pour thème la recherche de la liberté contre l'inertie des cadres familiaux
Marc-André Schwartz L'automne Grasset, 152 p" 12 F. Un premier roman: les ambiguïtés de l'adolescence.
aOMANS .TRANG.aS
d'un morceau de jazz dont le leitmotiv est l'amitié de deux adolescents. Gwyn Grittin Le soleil des vivants Trad. de l'anglais par Françoise Romieu A. Michel, 456 p., 29 F, La vie du petit peuple de Naples.
paru autrefois chez Calmann-lévy. Philip Roth Portnoy et son complexe . Trad. de l'anglais par Henri Robillot Gallimard, 280 p" 21,25 F. Par l'auteur de «laissez courir(voir le n° 55 de la Quinzaine), un récit d'un érotisme joyeux qui, aux Etats-Unis, s'est trouvé en tête des best-sellers au cours de la saison dernière.
.Emmanuel Roblès Un printemps d'Italie Seuil, 756 p., 20 F. .Ann Quin A, J, Cronin Un roman qui a pour Trio La misère et la gloire toile de fond la Trad. de l'anglais par Trad. de l'anglais par Rome occupée par les Lola Trénec Arlette Grebel Robert Latour Allemands en 1944 Gallimard, 200 p., A. Michel, 304 p., Ce soir, Tania (voir le n° 51 de la 14,75 F. Gallimard, 208 p., 17 F. 19,50 F. Quinzaine) . Décidés à percer le Une jeune femme Le dernier roman de secret d'un fait divers l'auteur de «La d'aujourd'hui face à récent, un homme et .JulesRoy . .Antonis Samarakis ses désillusions Citadelle - et des Le maître de la une femme sont perdues. La faille « Clefs. du royaume-, amenés à remettre Trad. du grec par Mitidja (Les chevaux du en question leur Sophie le Bret Bruce Lowery .Fritz Rudolf Fries Stock, 224 p., 17 F. soleil - Tome IV) propre relation. La route d'Ooblladooh Revanches Grasset, 400 p., 26 F. Ce roman a obtenu en Denoël, 304 p., 24 F. Trad. de l'allemand par Le quatrième volume Luise Rinser Grèce le Prix des Un recueil de G. Bernier Douze, équivalent. de de la grande épopée Histoire d'amour Coll. «Les Lettres nouvelles aux thèmes Trad. de l'allemand notre Prix Goncourt. romanesque de Jules très variés mais dont Nouvelles.Roy sur l'Algérie par S. et G. de Lalène Denoël, 320 p., 25 F. l'obsession constante (voir les n'" 46, 57 et Seuil, 256 p., 20 F, .Leonardo Sciasla Un premier roman est celle de la 77 de la Quinzaine). Réédition d'un roman Les paroisses de revanche de l'homme construit à la façon
Une nouvelle forme d'équipement culturel LE COLLÈGE GUILLAUME BUDÉ DE YERRES a 1 CES 1200 éléves : enseignement général b 1 CES ·1200 élèves : enseignement scientifique et spècialisé c 1 CES i 200 élèves : enseignement pratique d 1 Restaurant libre-service. salles de réunion, centre médico-scolaire e 1 Logements de fonètion ~, f 1 Salle de sports avec gradins (1000 places) ~ ....:.,~.,. et salles spécialisées ... ", . ~ . ~ "ql;~if~'.. '" t 9 1 PIscine "~ -p.";•. h 1 Installations sportives de plein air -',\". .~ i 1 Formation professionnelle .. ~. 11 et promotion sociale j 1 Bibliothéque. discothéque ~ k 1 Centre d'action sociale, garderie d'enfants; conseils sociaux. accueil des anciens 1 1 Maison des jeunes m 1 Centre d'action culturelle: {': théâtre. galerie d'exposition, musêe, centre (j'enseignement artistique n 1 Foyer des Jeunes Travailleurs
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L'Abbaye, Yerres -·91. Essonne -
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Livres publiés du 20 mai au 5 juin Regalpetra, suivi de Mort de l'Inquisiteur Trad. de l'italien par Mario Fusco Coll. • Les Lettres Nouvelles. Denoël, 304 p., 25 F. Deux récits qui ont pour cadre, l'un une petite bourgade italienne dans les années 50, l'autre la Sicile au XVII" siècle. • Isaac B. Singer La famille Moskat Trad. de l'américain par Gisèle Bernier Stock, 592 p., 28 F. Publié pour la première fois aux Etats-Unis en 1950, un des romans les plus attachants de Singer. Robert Standish L'amour en copropriété Trad. de l'anglais par C. et L. Eisen Stock, 224 p., 20 F. Une histoire d'amour qui tient du roman picaresque et de la comédie de mœurs. Jean Weiss La maison aux mille étages Préface de J. Bergier Rencontre, 320 p., 17.60 F. Un des chefs-d'œuvre de la littérature tchèque de science-fiction.
• Jorge Luis Borges Œuvre poétique 1925-1965 Traduit de l'espagnol et adapté par Ibarra Préface de l'auteur Gallimard, 224 p., 18 F. .André Frénaud Depuis toujours déja Gallimard, 140 p., 20 F. Edouard S. Maunick Fuslllez·moi Présence Africaine, 120 p., 11,40 F. Un ppème sur la trag~'die du Nigeria. Claude Noël Pour une mort nouvelle Ed. de la Grissière, 34 p.
REEDITIONS CLASSIQUES Alphonse Allais Œuvres posthumes Tome VIII Table Ronde, 648 p., 40 F. Le dernier volume de la série • Tout Allais -, qui comprend les chroniques, le théâtre ainsi que de nombreux inédits. Pierre Benoît Œuvres complètes Tome VII: Œuvres diverses Préfaces d'Y. Gandon, H. Clouard, A. t'Serstevens, A. Beucler, J. Lebrau 20 illustrations originales en couleurs A. Michel. 1 376 p., 125 F. Léon Bloy ŒU1(res X Edition établie par Jacques Petit Mercure de France, 320 p., 29 F. Louis-Ferdinand Céline Casse·pipe suivi du Carnet du cuirassier Destouches Gallimard, 116 p., 10,50 F.
Jean Rostand Crapauds et libellules 40 ill. photos Stock, 324 p., 26 F.
BIOGRAPHIES MEMOIRES CORRES· PONDANCES Beaumarchais Correspondance Tome Il (février 1773· décembre 1776) Publiée sous la direction de Brian N. Morton Nizet, 282 p., 32,25 F. La première édition complète de la Correspondance de Beaumarchais. Jean Cocteau Lettres à André Gide Réponses d'André Gide Préfaces et commentaires de J.-J. Kimh Table Ronde, 224 p., 20 F. Une correspondance inédite qui va de 1912 à la mort de Gide Gabriel Conesa Bab·EI-oued, notre paradis perdu Laffont,.232 p., 15 F. .La vie. quotidienne des pieds-noirs vus par un journaliste algérois.
autobiographique du poète irlandais. • Richard Wagner Beethoven Trad. de l'allemand par J.-L. CrémieuxBrilhac Gallimard, 176 p., 15,75 F. Réédition, à l'occasion du bicentenaire de la naissance du musicien, d'un ouvrage paru pour la première fois en 1937.
CRITIeVIZ HISTOIR. LITTERAIRB E. M. Cioran Valéry face à ses idoles L'Herne, 48 p., 9 F. Valéry et le culte de la rigueur ou du langage considéré comme l'unique réalité. Entretiens de Francis Ponge avec Philippe Sollers Seuil-Gallimard, 200 p., 18 F. Un ensemble d'entretiens réalisés pour la radio en 1967 et d'une importance capitale . pour la compréhension de l'œuvre de Ponge.
Nizet, 196 p., 27,95 F. .Un recueil des textes de Laforgue publiés dans la revue • La Guêpe., périodique paraissant à Toulouse en 1879. Pierre Michel Montaigne . Ducros, 183 p. Le cheminement de l'œuvre de Montaigne à travers les siècles. 4tJean Paris Rabelais au futur Coll. • Change. Seuil, 256 p., 24 F. Rabelais précurseur de la pensée dialectique et générative des temps modernes. Christiane Rochefort C'est bizarre l'écriture Grasset, 160 p., 15 F. Une romancière s'efforce de répondre aux questions que se pose le grand public sur la genèse d'un livre.
SOCIOLOGIB PSYCHOLOGIE
qui offrent la particularité d'être l'œuvre d'un psychiatre devenu sociologue. Joséphine Klein La vie intérieure des groupes ESF éd., 200 p., 33 F. Un ouvrage de référence pour tous ceux qui par leurs études ou leur travail professionnel s'intéressent à la vie des groupes. Suzy Krieger Structuration de la pensée et affirmation du moi Ed. du Mont-Blanc 320 p., 26,70 F. Un cours en huit leçons, qui. permet, par les méthodes littéraires et théâtrales d'organiser et de structurer la pensée de façon objective. Pedro Lain Entralgo Maladie et culpabilité Trad. de l'espagnol par M. Pelecier Resma, 192 p., 17,45 F. A la recherche d'une médecine psychosomatique.
Jacques Barbizet Pathologie de la mémoire P.U.F., 256 p., 15 F. Les mécanismes cérébraux de la mémoire sur les plans anatomique, clinique et biochimique.
Barnette Litvinoff Un peuple particulier Madame de La Fayette Trad. de l'anglais par Romans et nouvelles R. Fitzgerald Gilbert Ganne Chronologie, Stock, 352 p., 30 F. Alfred de Musset introduction et Une étude sociologique Librairie Académique bibliographie par très complète sur les Perrin, 350 p., 25,50 F. Alain Niderst communautés juives • Baronne d'Oberkirch Musset aujourd'hui. Textes revus sur les dans le monde Mémoires éditions originales avec contemporain. Edition présentée et • Pierre Guiraud des notes par Emile S. et J. Cornec annotée par Suzanne Le Testament de Magne Les problèmes du .Maud Mannoni Burkard Villon ou Le gai savoir 17 reproductions divorce Le psychiatre, son Le Temps Coll. • Garnier, 512 p., 10,30 F. de la basoche Laffont, 336 p., 20 F. .. fou-et la retrouvé. Gallimard, 204 p., Un guide à la fois psychanalyse Mercure de France, 14,75 F. Lautréamont humain et pratique qui Seuil, 272 p., 21 F. 560 p., 31 F. Un décryptage Germain Nouveau aborde l'ensemble des La crise de l'institution Une chronique révolutionnaire de Œuvres complètes problèmes posés par psychiatrique et la savoureuse de la cour (poésie, l'œuvre de François le divorce. crise de la société. et un de Louis XVI Villon. correspondance, tableau de la vie en documents) Marcelle Faugère Renée Massip Alsace au XVIII" .Luis Harss Textes établis, Monique d'Argentré L'entente du couple siècle. Barbara Dohmann présentés et annotés Histoire de deux Coll. • Femmes dans Portraits et propos de... par P.-O. Walzer mères la vie. Edouard Peyrouzet Trad. de l'anglais par Bibliothèque de Préface de Grasset-Centurion, Vie de Lautréamont La Pléiade René lIIeret M. Mannoni 140 p., 12 F. Grasset, 284 p., 27 F. Gallimard, 448 p., Cill. • Femme. Gallimard, 1 460 p., L'amour face à Une biographie très 29,75 F. 55 F. Gonthier, 288 p., 23 F. l'usure du temps, à fouillée d'Isidore Un ensemble Réunies en un volume, Deux récits vécus: le l'évolution des êtres et d'entretiens avec les Ducasse, à l'occasion les œuvres de deux témognage sans aux périls de la vie. du centenaire de sa principaux des intercesseurs complaisance de deux représentants de la majeurs du surréalisme. Ernest Natalis mort. mères d'enfants littérature Carrefours anormaux. contemporaine des pays psycho-pédagogiques Le Cantique des .W. B. Yeats Le frémissement du d'Amérique latine. Ch. Dessart, 272 p., Cantiques suivi des .Joseph Gabel voile 18,55 F. Psaumes Sociologie de Jules Laforgue Pour une pédagogie qui Trad. de l'anglais par Traduits et présentés l'aliénation Coll. • Bibliothèque de Les pages de allie le respect des Pierre Leyris par André Chouraqui .. La GuêpePréfaces d'A. Neher, valeurs traditionnelles Mercure de France, sociologie Textes publiés et R. Voillaume et 304 p., 29 F. et l'ouverture aux contemporaine innovations les plus Le second volume du annotés par J.-L. J. Ellul P.U.F., 216 p., 20 F. Un ensemble d'études dignes d'intérêt. grand cycle Debauve P.U.F., 368 p., 38 F.
.... Q!!inzaine Littéraire, du 15 au JO juin 1970
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Livres publiés du 20 mài au S juin
Pierre Riquet activité nouvelle: • José Cabanis l'aide à la décision. La République Fédérale Le sacre de Napoléon Allemande 2 décembre 1804 8 pl. hors texte et M. Bressy Coll. • Les trentes 23 figures G. C. Richoux journées qui ont fait la P.U.F., 272 p., 27 F. Les regroupements France. Dans la collection d'entreprise ou la 32 pl. hors-texte • Magellan., une concentration sans • Le dessin du récit Gallimard, 296 p., étude des conditions fusion Ouvra.ge collectif 24,25 F. de vie données par Editions Ouvrières, Un décryptage du Coll. • Change. la nature à une nation 248 p., 24 F. Seuil, 64 p., 20 F. célèbre tableau de devenue aujourd'hui Les problèmes David, par l'auteur de Un ouvrage qui Illustre la deuxième techniques, financiers • La Bataille de par le texte et par puissance commerciale et humains posés Toulouse. (voir le l'image le très du monde. par la constitution n° 14 de la Quinzaine). complexe réseau de des regroupements. connexions qui Han Suyin Claude Cahen existe entre fa • Dom Helder Camara L'Asie aujourd'hui PHROSOPHIE L'Islam des origines au .Michel Crozler narration et sa Pour arriver à temps Trad. de l'anglais . La société bloquée début de l'Empire représentation Spirale de violence par J. G. Chauffeteau Seuil, 256 p., 21 F. ottoman graphique. Desclée de Brouwer, Stock, 132 p., 15 F. Naguib Baladi Un ensemble d'études Nombr. illustrations et 2 vol. 192 et 96 p., Un ouvrage qui réunit La pensée de Plotin sur le phénomène cartes T. Lobsang Rampa 18,30 F et 12,90 F. trois conférences P.U.F.-Inltiatlon bureaucratique qui Coll.• Histoire Le troisième œil Le cycle de la violence philosophique prononcées par bloque tout progrès Universelle. Trad. de l'anglais par en Amérique latine l'auteur à l'Université Une vue d'Qnsemble dans la société Bordas, 288 p., 32 F. Jacques Legris analysé par celui qu'on de thèmes principaux McGiIi au Canada. actuelle. Une étude complète de Coll. • Les Chemins· de a surnommé des • Ennéades •. l'impossible. l'histoire et de la • l'Evêque rouge •. • Varga Lorrain Cruse A. Michel, 272 p., 18 F. civilisation des ·peuples Pierre Fougeyrollas Le testament La spéculation disciples du prophète. Réédition d'un ouvrage Enrico Castelli de Varga La révolution freudienne Préface de considéré Le temps invertébré Gonthler, 304 p., 22 F. Préface de R. Garaudy Hubert Beuve-Mery Louis Hastier communément comme Aubier-Montaigne, Un philosophe Grasset, 192 p., 14 F. Mame, 178 p.• 18 F. La vérité sur l'affaire un document unique 190 p., 18 F. Un ouvrage posthume interroge la théorie Une étude objective du collier dans l'histoire de la Un itinéraire onirique psychanalytique et du grand économiste de la spéculation, littérature initiatique. 32 i11. hors-texte et spirituel dont les russe (mort en 1964), s'efforce de comprendre dans ses aspects Rencontre, 408 p., jalons sont l'Allemagne .Jules Michelet l'homme dans sa et qui circule depuis nocifs, bénéfiques 17,60 F. de la défaite, l'Espagne plusieurs mois en relation aux autres et ou neutres vis-à-vis L'étudiant Une enquête mystique et une U.R.S.S., sous le à lui-même. de la collectivité. précédé de Michelet et approfondie sur une Jérusalem bien manteau. la parole historienne affaire retentissante terrestre. • Edmund Husserl Georges Gallalspar Gaetan Plcon que Gœthe qualifia L'Idée de la Hamonno de • préface de la Seuil, 192 p., 18 F. Louis Comtet phénoménoJogle Les sociétés Un ensemble de Révolution •. Analyse combinatoire Trad. de J'allemand par textes d'une actualité d'investissement à DOCUMBIITS P.U.F., 192 p.,. 20 F. A. Lowit capital variable surprenante, écrits par • Friedrich Heer Une introduction au P.U.F., 136 p., 14 F. (SICAV) L'univers du Michelet après 1848 calcul des probabilités • Cinq leçons. P.U.F., 256 p., 15 F. Moyen Age lorsque ses cours au Jean Curtelin et à l'informatique. professées en 1907 et Une analyse Collège de France Trad. de l'allemand par Les vipères de Paris qui éclairent . approfondie du furent suspendus par M. de Gandillac Préface de C. Chabrol Manuel de Dléguez singulièrement fonctionnement de ce ordre du gouverneme·nt. Fayard, 488 p., 50 F. Table Ronde, Science et nesclence l'évolution de la type de sociétés. Un ouvrage fondamental 168 p., 13 F. Gallimard, 552 p., phénoménologie de leurs réalisations lorus et Margery Milne qui met en lumière le Un pamphlet corrosif 46, 50 F. husserlienne. et des problèmes rôle tenu par les Les âges de la vie sur les figures du Une étude qu'il leur faut Trad. de l'américain par différents groupes Tout-Paris. psychologique et René Lacroze J.-B. Blandenier surmonter. sociaux et le jeu des critique du discours Maine de Biran Stock, 264 p., 30 F. forces en évolution. Henry Durrant P.U.F., 256 p., 23 F. des penseurs Un bilan des . Le livre noir des Julius l. Nyerere Le cheminement d'une modernes de dernières découvertes soucoupes volantes Socialisme, démocratie philosophie dont le Lévi-Strauss à et réalisations de ·Ia Coll. • Les Enigmes et unité africaine caractère dinstlnctif Althusser et à gérontologie. de l'Univers. Présence Africaine éd., POLITIQUE est d'être une lacan. 16 p. de documents 110 p., 10,50 F. expérience vécue. Albert Rosenfeld Laffont, 288 p., 18 F. Un recueil de textes Jean-Paul Dumont L'homme futur politiques dus au L'année politique, Notre-Dame des tarots Eric Merlotti Grasset, 264 p., 24 F. Richard Hammer Président de Tanzanie. écoflomique, sociale L'invention spéculative l'Herne, 82 p., 15 F. Par le chroniqueur Un matin dans la et diplomatique en Un décryptabe de Benedetto Croce scientifique de • Life ., guerre Régis Paranque France. 1969 Ed. de La Baconnière, philosophique du un tableau saisissant Traduit de l'américain Le malaise français Sous la direction de 208 p., 23,80 F. symbolisme des des perspectives Fayard, 192 p., 30 F. Seuil. 208 p., 18 F. E. Bonnefous, J.-B. Une étude située dans vingt-deux offertes par les Une enquête sur le Par le rédacteur en Duroselle et P. Gerbet la prespectlve centrale maitresses-cartes du recherches massacre de Son My, chef des • Echos ., P.U.F., 452 p., 80 F. de la problématique Tarot de Marseille. biomédicales. due à un reporter du une psychanalyse de Un ouvrage qui croclenne. • New York Times •. notre société deux ans rassemble une masse • H. Focillon après l'explosion considérable Vie des formes suivi • Joachim Ritter • Le livre noir des de mai. d'Information, avec, en de Floge de la main Hegel et la crimes américains annexe, les textes de révolution française P.U.F., 132 p. 818'1'018. au Vietnam Michel Poniatowski référence impo.rtants. Une méditation sur le suivi de Personne et Coll. • En toute Les choix de l'espoir propriété selon Hegel monde des formes et liberté. Grasset, 256 p., 16 F. R. Armand, R.qattès, G. de Bénouville Bibliographie par les fonctions de la Fayard, 144 p., 9 F. Un essai politique J. Lesourne . Saint-Louis ou le main de l'homme. H. M. Sass Un document par le secrétaire Matière grise, printemps de la France Beauchesne, 148 p., péremptoire dû à général de la année zéro Laffont, 264 p., 16 F. 16 F. La Biologie 35 organisations et à Fédération Nationale 400 p., 28 F. Denoël, L'histoire de ce roi • Dictionnaire du Hegel et les 120 personnalités des Républicains L'histoire, la nature chevalier, en son sept problèmes du monde savoir moderne. Internationales. Indépendants. et les buts de cette centième anniversaire. Denoël, 548 p. 47,50 F. moderne. • Gunther Rohrmoser Anlka Rifflet-Lemaire Théologie et Jacques Lacan aJiénation dans la Préface de J. Lacan pensée du jeune Hegel Introduction Beauchesne, 120 p., d'A. Vergote 15 F. Ch. Dessart, 424 p., Hegel et les 28,10 F. problèmes du Une introduction très christianisme éclairante à la lecture moderne. des • Ecrits. et à "Intelligence de l'école lacanienne.
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Les techniques, les équipements, les réalisations, etc., d'une des sciences les plus· jeunes et les plus riches.
Livres publiés du 20 mai au 5 juin Joseph L. Marx L'avion d'Hiroshima a p. de photos Coll. «Ce jour-là" Laffont, 288 p., 22 F. Le 6 août 1945, à bord de la forteresse volante Enola Gray, entre 2 h 20 et 9 h 15'17". H. C. Nonnemann Médecin au Vietnam Casterman, 184 p., 13,50 F. Le témoignage d'un jeune médecin allemand. Georges Pierquin Les médecins parallèles 16 documents hors texte A. Michel, 240 p., 18 F. Un plaidoyer, étayé sur une importante documentation, en faveur de la médecine non officielle. Gérard Borg Le voyage à la drogue Seuil, 256 p., 20 F. A la fois un reportage, une exploration intérieure et une Interrogation passionnée sur les problèmes posés par la drogue.
THaATRB CINEMA Bernard B. Dadié Monsieur Thôgô-Gninl Présence Africaine, 116 p., 9,60 F. Une pièce qui obtint un grand succès ·Iors du Festival Pan-Africain d'Alger. M.-C. RoparsWuilleumier L'écran de la mémoire Essai de lecture cinématographique Coll. «Esprit" 12 p. de hors-texte Seuil, 240 p., 27 F. Par la critique cinématographique de la revue « Esprit ", un ensemble d'études sur le discours cinématographique.
• •LIGION Jean Boisset Les chrétiens séparés de Rome P.U.F., 216 p., 12 F.
De la Réforme à l'œcuménisme: une étude approfondie de la Réforme, de ses origines premières à son évolution à travers les siècles et à son expression actuelle. Jean Connétable Eglise, sauras-tu aimer? Casterman, 160 p., 13,50 F. Le témoignage d'un prêtre affronté depuis des années aux difficultés d'une mission pastorale dans le monde rural. Marie-Joëlle Dardelin La liberté de croire Editions Ouvrières, 128 p., 9,50 F. Ecole chrétienne et pédagogie non directive.. M. Gozzini La fol plus difficile 31 illustrations de J. Grill Adaptation française Centurion, 160 p., 15,10 F. Un nouvel âge de la conscience chrétienne. Pierre de Locht Mariage et sacrement de mariage Centurion, 248 p., 17,45 F. La réalité humaine du mariage d'une aire culturelle à l'autre, de l'A·frique à l'Europe. Alex Lochen L'Evangile raconté aux adultes Presses de Taizé, diff. Seuil, 112 p., 8,50 F. La méditation d'un frère de Taizé aux prises avec les exigences quotidiennes de la vie sociale. Pierre de Locht Et pourtant je crois! Casterman, 168 p., 13,50 F. Une conception non conformistes de ce que peut être une foi adulte aujourd'hui. Thomas Merton Réflexions d'un spectateur coupable Trad. de l'américain par Marie Tadié A. Michel, 400 p., 29 F. L'itinéraire spirituel d'un moine américain ouvert à tous les problèmes de notre temps.
La Q!!inzaine I.ittéraire, du 15 au 30 juin 1970
André Néher L'exil de la parole du silence biblique au silence d'Auschwitz Seuil, 272 p., 21 F. Une méditation sur le silence de Dieu, épreuve donnée à l'homme pour lui permettre de percevoir la révélation transcendante. Marc Oraison
La transhumance Seuil, 128 p., 13 F. L'homme et ses certitudes élémentaires, ses raisons de vivre, face à la mutation actuelle du monde. André et Louis Rétif Teilhard et l'évangélisation des temps nouveaux Editions Ouvrières, 200 p., 15 F. Un aspect peu connu de la personnalité de Teilhard de Chardin. Luise Rinser Une femme d'aujourd'hui et l'Eglise Trad. de l'allemand par S. et G. de Lalène Seuil, 176 p., 16 F. Une romancière chrétienne affronte certains aspects de la crise actuelle de l'Eglise. Jeanne Tiger Religieuses aujourd'hui, demain... Préface de H. Holstein, S.J. Casterman, 144 p., 12 F. A la fois une enquête. une analyse et une étude prospective sur la vie religieuse actuelle. Claude Trestmontant L'enseignement de leschoua de Nazareth Seuil, 272 p., 21 F. le message de Jésus replacé dans son contexte original et sa signification actuelle. Philippe de la Trinité Pour et contre Teilhard de Chardin, penseur religieux Ed. Saint-Michel, 210 p., 19,40 F. Par un professeur de théologie dogmatique à la faculté pontificale de thélogie des Carmes Déchaux à Rome.
ARTS URBANISME Jean Grenier L'art et ses problèmes Rencontre, 424 p., 22,20 F. Voir le n° 55 de la Quinzaine. Pierre Grimal Nous partons pour Rome 32 pl. hors texte 37 cartes et plans P.U.F., 240 p., 30 F. Un ouvrage très complet, qui guidera le touriste à la fois dans le temps et dans le dédale des monuments romains. Maurice Rheims
La vie d'artiste Grasset, 456 p., 36 F. Par le célèbre commissaire-priseur, un essai où il s'efforce de définir la place que les sociétés, de l'Antiquité à nos jours, ont accordée à leurs artistes. Jean Vaujour Le plus grand Paris Préface de J. Fourastié 16 pl. hors texte P.U.F., 204 p., 32 F. L'avenir de la région parisienne et ses problèmes complexes étudiés par un des principaux responsables du Paris de demain.
HUMOUR.
SPORTS DIVER.S
Simone Baron Comment plaire à tout âge Grasset-Centurion, 152 p., 12 F. Un art de plaire à la portée de toutes les femmes, quels que soient leur âge ou leur situation sociale. Henri Cochet Jacques Feuillet Le tennis de A à Z Table Ronde, 296 p., 22 F. Une méthode révolutionnaire pour apprendre le tennis, par deux spécialistes incontestés. Raymond Dumay Guide du gastronome en Espagne 60 ill. et cartes
Stock, 340 p., 30 F. Les ressources méconnues de la véritable gastronomie espagnole. Jean Hureau La Tunisie aujourd'hui 130 photos couleurs 26 cartes et itinéraires Arthaud, 256 p., 28 F. Dans la collection « Le voyage en couleurs", à la fois un livre d'art et un guide pratique. Jean Hureau La Corse aujourd'hui 94 photos en couleurs 14 cartes et itinéraires Arthaud, 268 p., 32 F. Coll. « Le voyage en couleurs ". Jean Hureau Le Maroc aujourd'hui 140 photos .en couleurs 26 cartes et itinéraires Arthaud, 288 p., 30 F. Coll. «Le voyage en couleurs -. Les assurances Coll. «Guides pratiques Denoël de la vie quotidienne" Denoël, 256 p., 19 F. A la portée de tous les publics, un livre pratique qui fait, en termes clairs, le tour d'une question des plus complexes. Lydie Péchade Yvette Roudy La réussite de la femme Coll. «Comprendre. savoir, agir" Denoël, 256 p., 28,50 F. Un livre pratique fondé sur des réalités concrètes. Raymond Peynet Si l'on s'aimait Denoël, 108 p.. 11 F.
Les amoureux de Peynet devant la contestation .. Claude Popelin La tauromachie 153 illustrations et 30 croquis Seuil, 256 p., 35 F. Par un expert incontesté, un ouvrage qui donne toutes les clés de la technique de la corrida, ainsi que des portraits des grands matadors. Jean Plumyène Raymond Lasierra Le sottisier de l'Europe Balland, 350 p., 29,30 F. Un savoureux panorama des lieux communs dont dispose chaque nation de l'EUrope pour nourrir son chauvinisme.
POCHE UTTERATURE Isaac Asimov Quand les ténèbres viendront Trad. de l'américain par Simonde Hilling Denoël-Présence du Futur.
THEATRE Michel Boldoduc Les remontoirs Gallimard-Le Manteau d'Arlequin Une pièce où se trouvent renouvelés les vieux thèmes du théâtre bourgeois pour créer un théâtre résolument moderne.
INFORMATIONS CONCERTS-EXPOSITIONS A 60 kilomètres au nord de Paris, le Centre Artistique de Verderonne, installé dans les dépendances XVI" siècle du château, s'ouvre sur un parc centenaire. Dans la grange où Bunuel a tourné les scènes d'auberge de la Voie lactée, et qui expose actuellement les tableaux d'artistes contemporains, le Centre présente: le 21 juin à 17 h 30, un concert par le Trio classique de Paris (Schubert, Mendelssohn, Beetho· ven) ; le 28 juin à 17 h 30, le pianojazz de Gordon Beck avec D. Humaire à la batterie et J.C. Texier à la basse. Renseignements: téléphone 2 à Verderonne (60).
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ROLAND BARTHES S/Z RECHERCHE SUR 1. SARRASINE" DE BALZAC
CLEFS POUR L'IMAGINAIRE OU L'AUTRE SC~NE
S/Z se présente comme un "commentaire" sur plusieurs registres d'une nouvelle particulièrement énigmatique de Balzac : Sarrasine. Par tout un jeu de lecture serrée, associatif vertical, Roland Barthes en déploie les virtualités, Jes interdits, les prolongements signifiants, l'in~ conscient littéral. Modèle de ce qu'est désormais - et sera de plus en plus - une lecture· active de l'écriture moderne. Collection "Tel Ouel" dirigée par Philippe Sollers - un volume de 280 pages, 21 F.
par O. Mannoni
Vingt essais divers, qui traitent de littérature (Mallarmé, Rimbaud, Salinger, Henry James, Proust), de théâtre (problème de l'illusion théâtrale), de la linguistique saussurienne et de textes psychanalytiques freudiens. Un seul mouvement, une seule méthode : pour déchiffrer l'Imaginaire, s'introduire sur l'Autre Scène où c'est le jeu du signifiant qui gouverne. . Collection "Le champ freudien" dirigée par Jacques Lacan un volume 'de 320 pages, 23 F.
L'INSTITUTION EN NEGATION
Collection "Combats" dirigée par Claude Durand. . Trad. de l'italien ,par Louis Bonalumi un volume ae 288 pages, 21 F.
LE PSYCHIATRE, SON ··FOU" ET LA PSYCHANALYSE
MORPHOLOGIE DU CONTE par Vladimir Propp La Morphologie du conte est à l'analyse structûrale du récit ce que le Cours de Saussure est à la linguistique : la source de toute inspiration. Reconnaissant en lui son précurseur, LeviStraus évoquera son "immense mérite" et ses "intuitions prophétiques". La présente traduction, due à Marguerite Derrida, est la première à suivre l'édition russe définitive de 1969. Collection de poche "Points" no 12 un volume 9 F. .
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LA POITIQUE
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SEMEIOTIKE RECHERCHES POUR UNE SEMANALYSE
MAI 1968 EN FRANCE par Jean Thlbaudeau suivi de
PRINTEMPS ROUGE par Philippe Sollers "ëe livre - en forme de théâtre est d'abord le rappel subjectif, informationnel, théorique, des 31 jours de mai dans leur réalité, leur irrésolution, leur chance. Il est aussi une méthode pour lire chaque jour - aujourd'hui - l'actualité : ce pays étant compris comme l'une des scènes, avec sa profondeur historique propre du combat du socialisme contre l'impérialisme." . J.-Th. Collection "Tel Ouel" dirigée par P. Sollers - un volume de 128 p.13 F.
Dès leur parution dans les différentes revues : "Critique", "Tel Quel", "Communications", "Langages", depuis 1966, les travaux de Julia Kristeva ont profondément modifié le champ de la théorie littéraire. Ce recueil rassemble les textes fondamentaux de cet auteur qui vise à fonder une science générale du texte une sémanalyse. Collection "Tel Ouel" dirigée par P. Sollers· un volume 384 pages~ 39F.
LA POETIQUE DE DOSTOIEVSKI
RABELAIS AU FUTUR par Jean Paris Du "Rabelais au Futur" de Jean Paris, on a dit déjà que certains résultats y feront date : telle la mise en parallèle entre la lettre sur l'éducation et la guerre picrocholine... Il tente de saisir Je passage d'un système clos taxinomique - le Moyen.Age - à une pensée dialectique, générative : les temps modernes; c'est-à-dire "change des formes" (Marx) dont notre époque vit l'analogue. Collection "Change" dirigée par Jean Pierre Faye un VOlume de 272 pages, 24 F.
par Mlkhall Bakhtlne
DU SENS Essais sémiotiques par A.-J. Greimas Qu'est-ce que le sens 7 Et comment en parler sans recourir au sens 7 Existe-t-il une approche naturelle du sens (par exemple dans le geste) 7 Comment peuton, sur la trace de Lévi-Strauss, repérer l'organisation de ces modes particuliers de signifier que sont le conte folklorique ou l'œuvre littéraire 7' Ce sont là quelques-uns des thèmes auxquels s'attache dans la vingtaine d'articles et études ici réunis, A.J. Greimas. Un volume de 320 pages, 25 F.
Une des œuvres maîtresses du post-formalisme russe, dont les deux apports majeurs sont les concepts de polyphonie et d'écriture carnavalesque. Le second désigne un style adapté aux formes de parodie qui caractérisent les fêtes du carnaval. Le roman ·polyphonique est justement l'étape ultime de ce genre, par la présence dans le récit, dans les personnages et jusque dans le mot, d'une pluralité de voix qui se contestent et dialoguent entre elles. Collection "Pierres Vives". Trad. du russe par 1. Kolltcheff, 352 p., 30 F.
LES FONDEMENTS DE L'ARITHMETIQUE
QUAND DIRE, C'EST FAIRE' par J.-L. Austin Un petit livre classique déjà dans le champ de la linguistique (cf. le dernier numéro de la revue "Langage") et de la philosophie du discours : Austin isole cet aspect du dire qui n'est pas constater une vérité mais faire un acte efficace. Ainsi, baptiser, juger, etc. C'est ce qu'il appelle le "performatif". Traduit de l'anglais par Gilles Lane. Collection "L'ordre philosophique" dirigée par Paul Ricœur et François Wahl - un volume de 192 pages, 24 F.
par GOOlob Frege
Le question de l'.ntl·psychl.trle ..
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Collection "Le champ freudien" dirigée par Jacques Lacan un VOlume de 272 pages, 21 F.
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Présentetlon de Juil. Krlstev.
par Maud Mannoni
Une société fait ses fous, définit leur statut de fous, et crée, pour les prendre en charge, une institution quine peut que les transformer en objets. Contester cette objectivation ne peut se faire sans remettre en question les institutions psychiatriques, le psychiatre, la psychiatrie elle-même et les sciences auxquelles elle se réfère.
NI<JUa UvrrlNE
par Julia Krlsteva
Rapport sur l'hOpital psychiatrique de Gorizia, sous la direction de franco Basaglla Une entreprise sensationnelle de contestation menée à l'intérieur d'un asile par le médecin-chef lui-même, à partir de la dénonciation de''l'institution psychiatrique comme défense de la société contre ces malades qu'elle ne fait qu'exclure en prétendant les protéger.
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Vladimir Propp
Morphologie du conte
Une œuvre où s'inaugure toute la logique modeme, avec la reconquête des mathématiques par la logique et la transformation de la logique elle-même à cette fin. "Les Fondements de l'arlth· métlque" (1884) donnent la première définition logique du nom· bre cardinal; mais ils doivent, pour ce faire, élaborer une théo-rie extensionnelle du concept, qui entraîne une critique minutieuse, tant du rationalisme que de l'empirisme. Traduit de l'allemand par Claude imbert. Collection "L'ordre philosophique" dirigée par Paul Ricœur et François Wahl un volume de 240 pages, 25 F.
Rabelais au futur "_Paris
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