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littéraire
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Numéro 14
15 au 31 octobre .1966
André Breton
Malraux à·vingt ans. Les Français et la politique. La contraception Soustelle:
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l'ancien Mexique
SOMMAIRE
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LB LIVRB DB LA QUINZAINB
4
INTBRVIBW
8
ROMANS :l'RANÇAIS
., 8
8 10
11
14
Nos vingt ans
par Maurice Nadeau
Sartre répond
propos recueillis par Bernard Pingaud
A la chaleur des hommes Le feu central La Bataille de Toulouse Le jeune homme à la licorne Le village Le vie de Guillaume Perrier
par par par par par par
Leiris ou l'ouverture de la poésie
propos recueillis par Madeleine Chapsal
Léo Spitzer
par Jean Starobinski
Senancour
par Samuel S. de Sacy
Le Grand Transparent Le surréalisme, demain
par Jean-Jacques Lebel par Dionys Mascolo
V. Vasarely R.-L. Gregory Jacques Soustelle
Vasarely L' œil et le cerveau L'art du Mexique ancien
par Jean-Louis Ferrier
Jean-Pierre Vernant
Kurt Goldstein Mythe et pensée chez les Grecs
par Yvon Belaval par Lucette Finas
Tendances et volontés de · la société française
par Pierre Avril
Th. von UexküH J. Dalsace et R. Palmer
La médecine psychosomatique La contraception
par Claude Conté par le Dr Jean-Daniel Martinet
Roger Rabiniaux René Pons José Cabanis Christian Giudicelli Raymond Jean Paul-André Lesort
ENTRETIEN
INCONNU EN l'RANCE HISTOIRB LITT~RAIRE
Marcel Raymond
FIGURES
18 1.,
ANDR~ BRETON
18
ART
10
Clara Malraux
PHILOSOPHIE
Maurice Chavardès Alain Clerval Dominique Fernantl"z Guy Rohou Robert André Georges Piroué
par Jean Selz
Il
POLITIQUB
14 15
M~DBC][NE
18
TH~A.TllB
Geneviève Serreau
Histoire du Nouveau Théâtre
par Simone Benmussa
18
HUMOUR
Morris E. Chafets
Du bon usage de l'alcool
p~r
18
PARIS
Vadim : une imagerie luxueuse
par Roger Dadoun
30
LA QUINZAINB HISTORIQUE
at
par Pierre Bourgeade
TOUa LBS LIVRES
François Erval, Maurice Nadeau
Conseiller Joseph Breitbach
Comité de Rédaction Bernard Cazes, François Chatelet, Françoise Choay, Dominique Fernandez, Marc Ferro, Michel Foucault, Gilbert Walusinski Informations: Marc Saporta
La Quinzaine
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littéraire
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LE LIVRE DE LA QUINZAINE
• hODlllle Malraux en Jeune Clara Malraux N os vingt ans Le bruit de , nos pas II Grasset éd., 284 p.
La publication de ce deuxième volume des souvenirs de Clara Malraux a été précédée d'un cc bruit journalistique » qui ne saurait surprendre Notre Ministre de la Culture, et qui se trouve être un de nos grands écrivains, vu par son ex-femme! Et à une époque de sa vie dont on sait par des ondit, plus précisément par la thèse érudite de M. Vandegans l , qu'elle fut particulièrement agitée! C'était plus qu'il n'en fallait à notre Landerneau des lettres pour qui la vie privée d'un écrivain devenu ministre passe de beaucoup l'intérêt que peuvent susciter les œuvres importantes de ce temps. Les curieux d'un cc jeune André Malraux intime » ne seront pas déçus. La compagne qu'il s'est donné durant une vingtaine d'années fait bon poids bonne mesure : elle ne cache à peu près rien de ce que fut l'existence commune après que la jeune bourgeoise juive, heureuse de s'être publiquement compromise, a décidé de quitter sa famille pour vivre avec un écrivain débutant, de petite extrace, et qui vit d'expédients. Toute amoureuse qu'elle soi~, elle est consciente de l'honneur qu'elle lui fait, et s'il ne lui est jamais arrivé de regretter son cc coup de tête », elle porte néanmoins sa décision, - surprenante pour son milieu au compte d'une jeunesse qui, après la première Guerre, se voulait éprise de liberté, d'abord et surtout dans les mœurs. Clara soupçonnait bien qu'André n'était pas le premier venu et qu'il avait, comme on dit, de l'avenir: il l'a séduite par sa parole et son intelligence, ses capacités intellectuelles. L'admiration ne viendra que plus tard, toutefois, et c'est si l'on ose dire une admiration qui se répartit en parts égales : sur le jeune anarchiste nietzschéen qui a décidé de se forger une existence hors du commun, sur la jeune fille émancipée qui envoie faire lanlaire les traditions familiales et se moque du qu'en dira-t-on. Clara ne se trouve ni moins courageuse ni moins admirable qu'André et si l'on se garde de l'illusion rétrospective, elle a probablement rai· son, encore qu'il soit gênant de la voir écrire son propre panégyrique. Mais que celui qui n'a jamais péché, parmi les auteurs de mémoires, souvenirs et journaux intimes, lui jette la première pierre! Après tout, André Malraux ne pouvait distinguer et aimer une jeune fille quelconque. Elle n'a pas à faire la modeste. Une autre gêne vient de ce qu'elle ait éprouvé le besoin de révéler des secrets qui ne lui appartiennent pas entièrement. Elle a beau ne montrer ni aigreur ni ressentiment, avait-elle le droit d'étaler l'intimité
d'un homme public qui ne lui est plus rien, pour qui elle n'est plus rien? Là-dessus, elle s'explique: ses souvenirs sont sa propriété de personne vivante et elle reste fidèle à elle-même en disposant d'eux à son gré. C'est affaire d'appréciation, et peut-être de conscience. Cette liberté-là, constatons en tout cas qu'André Malraux la lui laisse. De même qu'il lui laisse porter son nom. Et c'est finalement ce qui arrange tout - un jeune homme fort sympathique dont elle brosse le portrait: séduisant, brillant d'intelligence, imaginatif, ambitieux dans le bon sens du mot et qui vise, comme les aventuriers et révolutionnaires dont il racontera les destins imaginaires, à marquer le siècle de son empreinte. Il ne met sans doute pas Clara au courant de toutes ses pensées, de tous ses désirs, et elle le trouve un peu trop pathétique, du moins l'associe-t-il à ses desseins qui brisent, à l'occasion, avec la morale courante. Après avoir joué à la Bourse, il se découvre ruiné et, pour se faire de l'argent, il décide d'aller quérir dans la forêt indochinoise certaines statues de temples oubliés ou à peu près inconnus qu'il revendra aux
honnêtement, sa complice plaide les circonstances atténuantes: l'amour véritable qu'il portait à ces vieilles pierres, témoins d'une civilisation qu'il apprenait à connaître et qu'il admirait, le profit culturel dont il entendait faire bénéficier le patrimoine artistique, sa naïveté enfin, que doublait un amoralisme de bon aloi. Les colonialistes d'Indochine faisaient assurément meilleur marché des richesses dont il s'emparaient et convoyaient officiellement en métropole. Si l'on fut si sévère à son égard, c'est parce qu'il avait voulu jouer seul, en individualiste, et qu'il ne cachait pas le mépris que lui inspirait la racaille à pignon sur rue. D'une peccadille on fit un crime : il avait pénétré sans autorisation dans la chasse gardée. Avec un cran dont elle a raison de se créditer, Clara partage ses vicissitudes. Non, toutefois, sa geôle: elle revient en France dans le dessein, dit-elle, d'alerter l'opinion et elle se livre en effet, parmi les intellectuels parisiens, à une agitation qui porte bientôt ses fruits. André Malraux est relâché et bénin le jugement qui le condamne: il prend le chemin du retour quelques mois plus tard. Dès
antiquaires de Paris et de New York. Voilà le vrai motif d'une expédition dite culturelle qui a valu à l'entreprenant archéologue quelques mois de prison à Saïgon et, sur ses débuts, une ombre dont les bourgeois gaullistes font bien de ne pas s'offusquer. L'intérêt n'était pas seul à le guider en effet et,
Marseille, son épouse dévouée lui apprend - et c'est là un événe:rhent que le lecteur, tout autant que le mari, comprend mal - que sur le bateau qui la ramenait dolente et désespérée, Clara s'est laissée aller à fauter avec un compagnon de voyage. Bien sûr, elle aussi peut arguer de circonstances atténuantes
La Quinzaine littéraire, 15 au 31 octobre 1966
et son courage n'est pas moins grand aujourd'hui qu'alors d'avouer la faiblesse d'un moment. On lui sait gré de rapporter la réflexion du mari bafoué, elle en dit long sur son caractère: « Vous? Avec ce crétin ? » Il pense que ce cc crétin » aura le droit de mépriser la femme qu'il aime. Il en souffre pour elle. Ce qu'il ressent exactement on le saura par la Condition, humaine, au cours du fameux dialogue entre K yo et May. Il a magnifiquement tiré parti de l'incident. En dépit du procès qu'elle continue d'instruire comme sa famille de bourgeoisie juive, en dépit des efforts courageux qu'elle relate pour s'en dégager et mener la vie libre et sans préjugés qu'elle ambitionnait, Clara ne peut se défendre de ces préjugés sucés avec le lait maternel et qui l'amènent - oh ! sans qu'elle le veuille - à laisser paraître quelque condescendance pour le fils de l'épicier de Bondy. Pourtant, quel admirable père que celui d'André Malraux: attentif, discret et efficace, qui paie de sa bourse et de sa personne en des circonstances difficiles, remue ciel et terre afin de sauver son fils. La famille de Clara, au même moment, ne songe qu'à c{ l'honneur » et pense « laver cet honneur» par le divorce. Que cette évaporée abandonne ce « vaurien », manifeste publiquement, qu'elle n'a plus rien à voir avec lui, et on passera l'éponge! Clara résiste, se démène, aboutit à ses fins. Sans doute, comme elle s'en vante, n'a-t-elle pas ({ volé )) ce nom de ({ Malraux )) que lui laisse son mari quinze ans plus tard, après la séparation. Si cet ouvrage avait sa nécessité et quelle nécessité autre que, pour l'auteur, le besoin de l'écrire? - on peut se réjouir qu'il ait été composé avec franchise et talent. Clara Malraux alimente une curiosité plus ou moins légitime à l'égard d'un ({ grand homme », sans jamais tomber dans le ragot ou la vulgarité, encore moins dans le ressentiment. Elle égratigne au passage des personnes qu'elle a mal connues je pense à Adrienne Monnier - , mais elle donne rarement dans la perfidie et veille à garder un ton qui ne verse pas plus dans le sentimentalisme que dans l'exaltation complaisante. Les chausse-trapes étaient nombreux et tout ouvert le piège prêt à l'avaler. Avec un instinct qui révèle une bonne nature elle évite les uns et les autres, se comporte en somme avec suffisamment de naturel pour que des choses qui n'avaient peut· être pas besoin d'être dites passent néanmoins la rampe. De cette entreprise périlleuse elle se tire à son honneur. Cela s'appelle en d'autres termes gagner la partie. Une partie littéraire s.'entend, et où elle n'a pas la prétention de rivaliser avec son illustre ex-compagnon. Maurice N adeau 1. La jeunesse littéraire d'André Malraux,
J.-J. Pauvert, éd. 1964. 3
INTERVIEW
Sartre répond Dam quelques jours va paraître un numéro de l'Arc consacré à Jean-Paul Sartre. Il ne s'agit pas d'un hommage, mais plutôt d'une enquête. On a voulu savoir ce que Sartre représentait pour une génération qui n'a pas subi directement son influence et qui n'a connu l'existentialisme que dans les livres. Pour ce numéro je me suis adressé à des écrivains et spécialistes de disciplines diverses, dont le point commun est d'être nés pour la plupart entre 1930 et 1940. A lire leurs témoignages, on éprouvera le sentiment plus ou moins net d'une rupture. Mais dire ce qui a changé, où passe la frontière entre l'ancien et le nouveau, -n'est pas facile, car le débat porte moins sur des idées que sur une façon de penser, de regarder, de sentir. La différence, que certains cherchent à formuler théoriquement, est d'abord dans l'attitude : on se méfie de l 'cc humanisme » de Sartre, de son (c optimisme », on ne croit plus au « dépassement », à la ct totalisation lI. Tout se passe comme si, entre 1945 et 1960, un renversement de valeurs - analogue et parallèle à celui qui s'est produit en littérature avait modifié l'éclairage de la réflexion. Sartre est le ct dernier métaphysicien »; c'est une génération de savants qui lui succèdent, apportant avec elle un autre vocabulaire: à la place de ct philosophie », « anthropologie » ; à la place de « sujet » ou de « conscience », « système » ; à la place d' « hisloire », « structure» ; à la place de « praxis », « langage ». Progrès pour les uns, recul ou démission pour les autres: les opinions sont loin d'être unanimes. Mais ceux-là ~êmes qui s'en tiennent au sartrÏ8me ne peuvent s'empêcher de lorgner du côté des nouveaux maîtres: LeviStrauss, Lacan, Althusser, Foucault, dont l'influence apparaît grandissante. Qu'en pense Sartre? C'est ce que nous lui avons demandé pour finir. Voici quelques passages de l'entretien sur lequel s'achève le numéro et qui constitue, je ne dirai pas sa défense, mais son explication l • Bernard Pingaud
Miohel F01lca1llt Dans l'attitude de la jeune génération à votre égard, celle de Michel Foucault paraît la plus cohérente. Elle a en outre suscité la curiosité d'un vaste public. Qu'en pensez-vous ? J.P. s. Ce que Foucault. nous présente, dans les Mots et les choses c'est, comme l'a très bien vu Kauters, une géologie : la série des couches sucessives qui forment notre « sol ». Chacune de ces couches définit les conditions de possibilité 1
) ... 1
lean·Paul Sartre
d'un certain type de pensée qui a triomphé pendaut une certaine période. Mais Foucault ne nous dit pas ce qui serait le plus intéressant: à savoir comment chaque pensée est construite à partir de ces conditions, ni comment les hommes passent d'une pensée à une autre. n lui faudrait pour cela faire intervenir la praxis, donc l'histoire, et c'est précisément ee qu'il refuse. Certes, sa perspective reste historique. n distingue des époques, un avaut et un après. Mais il remplace le cinéma par la lant~rne magique, le mouvement par une succession d'immobilités. Le succès de son livre prouve assez qu'on l'attendait. Or une pensée vraiment originale n'est jamais attendue. Foucault apporte aux gens ce dont ils avaient besoin : une synthèse éclectique où Robbe-Grillet, le structuralisme, la linguistique, Lacan, Tel Quel sont utilisés tour à tour pour démontrer l'impossibilité d'une réflexion historique. Derrière l'histoire, bien entendu, c'est le marxisme qui est visé. I~ s'agit de constituer une idéologie nouvelle, le dernier barrage que la bourgeoisie puisse encore dresser contre Marx. Autrefois les idéologues bourgeois contestaient la théorie marxiste de l'histoire au nom d'une autre théorie. On faisait l'histoire des idées, comme Toynbee, ou bien l'on représentait la suite des civilisations à l'image d'un processus organique, comme Spengler, ou bien encore on dénonçait le nonsens, l'absurdité d'une histoire « pleine de bruit et de fureur », comme Camus. Mais toutes ces pseudo-histoires ont fait long feu parce que les véritables , historièns ne les ont jamais retenues. Un historien, aujourd'hui, peut ne pas être communiste; mais il sait qu'on ne peut pas écrire d'histoire sérieuse sans mettre au premier plan les éléments matériels de la vie des hommes, les rapports de production,
la praxis, - même s'il pense comme moi qu'au-dessus de ces rapports, les « super-structures » constituent des régions relativement autonomes. A la lumière de ces travaux, toutes les théories bourgeoises de l'histoire apparaissent comme des images mensongères, tronquées. On ne peut pas inventer un système nouveau qui, d'une manière ou d'une autre, ne mutile cet ensemble de conditionnements conditionnés. Faute de pouvoir « dépasser » le marxisme, on va donc le supprimer. On dira que l'histoire est insaisissable en tant que telle, que toute théorie de l'histoire est, par définition, « doxologique », pour reprendre le mot de Foucault. Renonçant à justifier les passages, on opposera à l'histoire, domaine de l'incertitude, l'analyse de structures qui, seule, permet la véritable investigation scientifique.
Le Structuralisme Vous rejetez donc le structuralisme? Je ne suis nullement hostile au structuralisme quand le structuraliste reste conscient des limites de la méthode. Ainsi Benveniste nous dit, après Saussure : « On a abusé de la diachronie dans l'étude de la laugue. n est temps d'envisager celle-ci d'un point de vue synchronique, comme système d'oppositions ». J'accepte cette idée d'autant plus facilement que, pour moi, la pensée ne se confond pas avec le langage. Il fut un temps où l'on définissait la pensée indépendamment du langage, comme quelque chose d'insaisissable, d'ineffable qui préexistait à l'expression. Aujourd'hui on tombe daus l'erreur inverse. On voudrait nous faire croire que la pensée c'est seulement du langage, comme si le langage luimême n'était pas parlé.
En réalité, il y a deux niveaux. A un premier niveau, le langage se présente, en effet, comme un système autonome, qui reflète l'unification sociale. Le langage est un élément du « pratico-inerte' », une matière sonore unie par un ensemble de pratiques. Le linguiste prend comme objet d'étude cette totalité de relations, et il a le droit de le faire puisqu'elle est déjà constituée. C'est le moment de la structure, où la totalité apparaît comme la chose sans l'homme, un réseau d'oppositions dans lequel chaque élément se définit par un autre, où il n'y a pas de terme. mais seulement des rapports, des différences. Mais cette chose sans l'homme est en même temps matière ouvrée par l'homme, portant la trace de l'homme. Vous ne trouverez pas, dans la nature, des oppositions telle que celles que décrit le linguiste. La nature ne connaît que l'indépendance des forces. Les éléments matériels sont liés les uns aux autres, agissent les uns sur les autres. Mais ce lien est toujours extérieur. Il ne s'agit pas de rapports internes comme celui qui pose le masculin par rapport au féminin, le pluriel par rapport au singulier. c'est-à-dire d'un système où l'existcnce de chaque élément conditionne celle de tous les autres. Si vous admettez l'existence d'un tel système, vous devez admettre ausi que le laugage n'existe que parlé, autrement dit en acte. Chaque élément du système renvoie à un tout, mais ce tout est mort si quelqu'un ne le reprend pas à son eompte, ne le fait pas fonctionner. A ce deuxième niveau, il ne peut plus être question de structures toutes faites, qui existt'raient sans nous. Dans le système du langage, il y a quelque chost' que l'inerte ne peut pas donner st'ul. la trace d'une pratique. La structure ne s'impose à nous que dans la mesure où elle est faite par d'autres. Pour comprt'ndre comment elle sc fait, il faut donc réintroduire la praxis, en taut que processus totalisateur. L'analvse structurale devrait déboucher su~ une compréhension dialectique.
La critique que vous venez de faire s'applique-t-elle aux travaux de Lévi-Strauss ? Lévi-Strauss a plusieurs fois protesté contre l'abus que l'on fait du concept de structure dans des domaines où son application est, en effet, très hasardeuse: la critique littéraire par exemple. Les recherches qu'il mène lui-même dans son domaine sont positives. Il est certain que l'analyse structurale permet de mieux comprendre le système complexe des relations de parenté ou la signification du mytht' dans les sociétés archaïques. Mais Il" structuralisme, tel qut' le conçoit et le pratique Lévi-Strauss, a beaucoup t'OIltribué au discrédit at'tul"1 dt' l'hi!!toire, dans la ml"sure où il Ut' s'applique qu'à des s}'sti-mes déjà ('oustitués, les mythes par e'\.emple. Si
la fonction du mythe semble bien être d'intégrer les éléments absurdes ou déplaisants qui menacent la vie d'une société, il reste que le mythe a été élaboré, formé par ·des hommes. Même les sociétés les plus archaïques, les plus immobiles en apparence, celles que Lévi-Strauss appelle les sociétés « froides », ont une histoire. Elle est simplement à pl~s longue échéance que celle des sociétés « chaudes ». Dans une perspective structurale, c'est-à-dire non dialectique, il est impossible de rendre compte de cette évolution. L'histoire apparaît comme un phénomène purement passif, soit que la structure porte en elle, dès l'origine, ses germes de mort, soit qu'un événement extérieur la détruise. Je ne conteste pas l'existence des structures, ni la nécessité d'en analyser le mécanisme. Mais la structure n'est pour moi qu'un moment du pratico-inerte. Elle est le résultat d'une praxis qui déborde ses agents. Toute création humaine a son domaine de passivité: cela ne signifie pas qu'elle soit de part en part subie. Vous vous rappelez le mot d'Auguste Comte: « Le progrès, c'est le développement de l'ordre ». Il s'applique parfaitement à l'idée que les structuralistes se font de la diachronie : l'homme est en quelque sorte développé par le développement même de la structure. Moi, je ne crois pas que l'histoire puisse se réduire à ce processus interne. L'histoire, ce n'est pas l'ordre. C'est le désordre. Disons: un désordre rationnel. Au moment .même où elle maintient l'ordre, c'est-à-dire la structure, l'histoire est déjà en train de la défaire. Ainsi la lutte des classes crée des structures au sein desquelles elle s'exerce, qui, par conséquent, la conditionnent, - mais dans la mesure où elle leur est antérieure, elle ne cesse simultanément de les dépasser. Je vais prendre un exemple: Sade. L'œuvre de Sade se situe dans un certain ensemble « archéologique ». Il y a le langage de l'époque, et il y a aussi le type de pensée morte qui s'y trouve déposé. Un des thèmes essentiels de cette idéologie est la nature. Le bourgeois du XVIIIe considère que la nature est bonne. Mais Sade, lui, n'est pas un bourgeois. C'est un aristocrate qui assiste au déclin progressif de sa classe. Il sait que les privilèges sont en train de disparaître. Vis-à-vis d'autrui, il se trouve donc dans la position d'un homme qui dispose théoriquement de droits illimités, et qui en même temps ne peut plus les exercer, qui ne peut plus satisfaire son désir individuel d'aristocrate. Telle est la situation initiale. Pour en saisir le sens, il va falloir que Sade la dépasse, au profit d'une synthèse subjective, le sadisme. Le sadisme est une théorie du rapport entre les hommes; ce que recherche Sade, c'est la communication. Mais pour exprimer sa pensée là-
les stn:tcturalistes peuvent utiliser Althusser, c'est qu'il y a chez lui la volonté de privilégier les structures par rapport à l'histoire.
L'avenir de la philosophie On vous présente parfois comme le dernier des philosophes. C'est une façon de dire que la philosophie est morte. Qu'en pensez-vous?
Mi chel Foucault
dessus, il devra utiliser le langage qui lui est donné. Un siècle plus tard, le sadisme se serait défini comme l'anti-physis. Au XVIIIe, ce n'est pas possible: Sade est obligé de passer par l'idée de nature. Il bâtira donc une théorie de la nature semblable à celle des bourgeois, avec cette seule différence : au lieu d'être bonne, la nature est mauvaise, elle veut la mort de l'homme. Ainsi Juliette s'achève sur l'image d'un homme en train de se branler dans un volcan. Ce que je vous dis là est très rapide, bien sûr. Mais vous voyez qu'il y a un double rapport: la « nature » vole à Sade le sens de sa pensée, mais Sade lui-même vole le sens de la nature.
Le marxisme d'Althusser Comment expliquez-vous la vogue d'Althusser auprès des mêmes intellectuels qui . se réclament de Lévi-Strauss, de Foucault ou de Lacan? Car Althusser, lui, est marxiste. Althusser soutient que l'homme fait l'histoire sans le savoir. Ce n'est pas l'histoire qui le réclame, mais l'ensemble structural dans lequel il est situé qui le conditionne. L'histoire s'engouffre dans les structures. Mais Althusser ne voit pas qu'il y a une contradiction permanente entre la structure praticoinerte et l'homme qui se découvre conditionné par elle. Chaque génération prend, par rapport à ces structures, une autre distance, et c'est cette distance qui permet le changement des structures ellesmêmes. Althusser, comme Fou-
La Quinzaine littéraire, 15 au 31 octobre 1966
cault, s'en tient à l'analyse des structures. Du point de vue épistémologique, cela revient à prendre parti pour le concept contre la notion. Le concept est a-temporel. On peut étudier comment les concepts s'engendrent les uns les autres à l'intérieur de catégories déterminées. Mais le temps lui-même, ni par conséquent l'histoire, ne peuvent faire l'objet d'un concept. Il y a là une contradiction dans les termes. Dès que vous introduisez la temporalité, vous devez considérer qu'à l'intérieur du développement temporel, le concept se modifie. La notion au contraire peut se définir comme l'effort synthétique pour produire une idée qui se développe elle-même, par contradictions et dépassements successifs, et qui est donc homogène au développement des choses. Ce que Foucault appelle « doxologie» et qu'il refuse. Au fond, derrière tout ce courant de pensée, on retrouve une attitude très cartésienne : il y a d'un côté le concept, de l'autre l'imagination. C'est une charge à fond contre le temps. On ne veut pas du dépassement, ou du moins pas d'un dépassement qui se fasse par l'homme. Nous revenons au positivisme. Seulement ce n'est plus un positivisme des faits, c'est un positivisme des signes. Il y a des totalités, des ensembles structurés qui se constituent à travers l'homme et que l'unique fonction de l'homme est de déchiffrer. Le fait que Foucault ait rendu hommage à l'effort « courageux » d'Althusser prouve bien .qu'ils vont, tous deux, dans le même sens. Marx, de son vivant, n'a jamais été utilisé par d'autres. Si
Si l'on admet, comme moi, que le mouvement historique est une totalisation perpétuelle, que chaque homme est à tout moment totaliseur et totalisé, la philosophie représente l'effort de l'homme totalisé pour ressaisir le sens de la totalisation. Aucune science ne peut la remplacer, car toute science s'applique à un domaine de l'homme déjà découpé. La méthode des sciences est analytique, celle de la philosophie ne peut être que dialectique. En tant qu'interrogation sur la praxis, la philosophie est en même temps une interrogation sur l'homme, c'est-à-dire sur le sujet totalisateur de l'histoire. Peu importe que ce sujet soit ou non décentré. L'essentiel n'est pas ce qu'on a faÏt de l'homme, mais ce qu'il fait de ce qu'on a fait de lui. Ce qu'on a fait de l'homme, ce sont les structures, les ensembles signifiants qu'étudient les sciences humaines. Ce qu'il fait, c'est l'histoire elle-même, le dépassement réel de ces structures dans une praxis totalisatrice. La philosophie se situe à la charnière. La praxis est dans son mouvement une totalisation complète ; mais elle n'aboutit jamais qu'à des totalisations partielles, qui seront à leur tour dépassées. Le philosophe est celui qui tente de penser ce dépassement. Pour cela, il dispose d'une méthode, la seule qui rende compte de l'ensemble du mouvement historique dans un ordre logique : le marxisme. Le marxisme n'est pas un système figé ; c'est une tâche, un projet à accomplir. Pour toutes sortes de raisons, il s'est produit dans l'accomplissement de cette tâche un temps d'arrêt. Les marxistes ont trop longtemps refusé d'intégrer les connaissances nouv~lles sur l'homme, et de ce fait le marxisme s'est appauvri. La question, aujourd'hui, est de savoir si nous voulons lui redonner vie, en l'élargissant, en l'approfondissant, ou si nous préférons le laisser mourir. Renoncer au marxisme, ce serait renoncer à comprendre le passage. Or je pense que nous sommes toujours en passage, toujours en train de désagréger en produisant, et de produire en désagrégeant ; que l'homme est perpétuellement déphasé par rapport aux structures qui le conditionnent, parce qu'il est autre chose que ce qui le fait être ce qu'il est. Je ne comprends donc pas qu'on s'arrête aux structures: c'est pour moi un scandale logique. 1. Ce numéro de l'Arc sera en vente, à partir du 1er novembre, au Nouveau Quartier Latin, 78, bd Saint-Michel, Paris-6·.
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ROMANS FRANÇAIS
Le besoin d'aimer Roger Rabiniaux A la chaleur des hommes Buchet-Chastel, éd., 336 p. Avec les Rues de Levallois et le Soleil des dortoirs, Roger Rabiniaux avait campé sous le nom de Pierre Cécial un personnage romanesque attachant, riche et complexe - un personnage qui lui ressemblait comme un frère. Cette quasi-identité s'affirme encore en ce troisième volume qu'on verrait sous-titré « mémoires » plutôt que cc roman » si, à la place du je autobiographique, l'auteur n'usait d'un il qui ne trompe guère et, parfois, d'un tu qui est au il ce qu'est à l'objet l'image reflétée par un miroir. Toute artificielle qu'elle apparaisse par moments, cette distanciation a l'avantage de permettre des aveux que la confession directe frapperait de cynisme, voire d'impudeur. C'est que l'enfant de LevalloisPerret, grandi dans le peuple et trouvant en lui ses vraies joies, va, sur ses dix-huit ans, et sans faire la fine bouche, se gaver de nourritures charnelles. Des expériences parfois ambiguës de l'adolescence, Cécial est sorti sans trouble : on le dirait pur comme un archange; et, comme lui, éclatant des feux de la jeunesse et de la grâce. Loin qu'il ait à se dépenser pour trouver des partenaires, - les femmes et les jeunes filles courent après lui. Il peut faire son choix, multiplier les aventures, acquérir en amour une science qui, pour ' n'être pas infuse, ne lui coûte cependant presque rien.
Avec réalisme, crûment à l'occasion, l'auteur le peint volontiers en posture d'amant. Il y met toute son application et une indéniable complicité. y a-t-il, pour un éc;rivain, plus grand bonheur que de faire surgir des scènes vraies, aux acteurs
blable... Le talent ne consiste-t-il pas à emporter toujours l'assentiment? Qu'il montre Pierre Cécial dans ses fonctions d'instituteur ou sur la place de la Concorde le 6 fé. vrier 1934, à six heures du soir ; Cécial avec Christine, Aline, Marti-
R"ger Rabiniaux
irrécusables, dans un décor solidement planté ? Chacune de celles où Roger Rabiniaux évoque Cécial porte la marque de ,l'authenticité. Vraisemblable ? Vrai ? Les deux en général, à coup sûr. D'ailleurs, qu'importe ? Le vrai - disait Boileau peut quelquefois n'être pas vraisem-
ne, Josse ou parmi les dames du bordel de la rue d'Athènes; Cécial dans les rues de juin 1936 ou voyageant en Espagne à la veille de la guerre civile, Roger Rabiniaux authentifie par le ton et l'atmosphère les faits et gestes de son alter ego. De 1934 à 1936, de 1936 à 1934
Un homme seul René Pons Le feu central Gallimard éd. 208 p.
Tandis que se hâte le déclin du jour, dans la pénombre d'une chambre, 'un homme seul revoit, comme en un délire turbulent, les bribes d'un passé tragique se confon6
dre avec les images du cauchemar mécanisé qui règne au dehors. De la morne et accablante fatalité qui règle parcimonieusement ses jours, à la vaine gesticulation, à la tristesse forcenée étendue sur le monde, il n'aperçoit partout que désolation barbare. Dernier homme qui jette un regard sur l'inhabitable, et ne trouve en lui, du plus loin qu'il se souvienne, que la déréliction et la peur. Au dehors, le monde enlaidi par la' géométrie impitoyable du fer et du béton semble incapable d'inventer autre chose que la douleur, la colère, le hruit, la mort. L'univers, en son irréductible et hostile étrangeté rejette cet homme qui reste sans force et sans imagination devant l'assaut qui déferle sur lui. Il est épuisé, érodé, désarmé devant l'agressivité des nouvelles de faits divers inexpiables ou sanglants. Si bien que le fantastique de la souffrance et de la faiblesse sourd
de cette VISIon hallucinée. Contre l'hébétude qui le gagne, il se défend par la diatribe, l'imprécation; d'où cette verve lyrique, cette c0lère épique qui le saisit. Deux heures durant, par le regard stupéfié et la mémoire torturée de son misérable personnage, René Pons montre les raisons que nous avons de trouver ce monde invivable. Ce thème que Le Clézio transfigure, à la manière d'Henri Michaux, en transcendant la souffrance, ou Beckett en nous plongeant dans la mort éternellement présente. Pons, hélas, ne parvient guère qu'à nous en donner l'idée empreinte d'un naturalisme un peu lassant. Son maigre héros, comme certaines figures de Maupassant, souffre d'un désespoir qui n'atteint pas la grandeur tragique de tous ceux que hante l'esprit du souterrain, et qui conduit les personnages de Dostoïevsky à une révolte absolue. Alain Clerval
- car l'on va, dans les deux sens, d'une date à l'autre - Cécial, qui n'a pas vingt ans, qui présente cc un côté midinette ou prolétaire à l'âme sensible », nous l'allons voir mêler la tendresse au cynisme, se laisser prendre naïvement et se déprendre légèrement, tandis que s'épure en lui l'idée qu'il se fait de la politique, de, ~',:ngagement civique, ou, plus preCisement, en ce qui le concerne, de cc la participation sans engagement ». Ce don de fuir sans cesse ce qu'il a possédé passionnément cc dès qu'il risque de tomber dans la dépendance ou l'habitude » est un des traits caractéristiques de son personnage. Un autre est son besoin d'aimer - d'aimer ses semblables, tous les hommes ; de les aimer à fond, même dans leurs travers ou leurs vices. ' On devine quel aliment à cet appétit de chaleur humaine fournire~t les événements du Front populaIre dont Roger Rabiniaux brosse, en toile de fond, les jours les plus longs. A propos de certains hommes politiques, de l'attitude de certains milieux, et sur les conséquences de l'expérience unique de 1936, l'auteur n'hésite pas à prendre parti, parfois posément, parfois avec vivacité et ferraillant sans douceur. Ce sont des condamnations ou des justifications qui relèvent de l'humeur ou de la philosophie personnelles; mais aussi des rapprochements inattendus, tel celui du néo-socialisme de 1933 avec le titisme de 1944 ... Cette attention à l'Histoire leste un récit chaleureux, savoureux, r.ouvent poétique, où l'argot se fait tendre et sentimental, où l'humour n'est jamais féroce, ni choquante la peinture des amours charnelles. Une sorte de pathétique anime la réflexion de l'auteur sur le mystère de l'érotisme, ses déviations, sa caricature ou son tourment. Les graffiti des vespasiennes nous valent ainsi une page où le refoulement sexuel est sondé avec plus de vigueur qu'en dix volumes de psychanalyse. Quant à la fresque des rues, des bistrots, des ateliers, elle a des couleurs épiques étrangement juxtaposées à des touches de romance. On n'est pas très loin de l'Honneur de Pédonzigue ni des Faubourgs du ciel. Une sagesse, qui n'est paS forcément vertu, empreint les portraits gentiment dévergondés des dames et des fillettes à la Boucher, à la Renoir, à la Greuze ou à la Cranach dont le visuel Cécial jouit en peintre et presque en contemplatif. Quant Roger Rabiniaux l'abandonne, à la veille du 14 juillet 1936, une page est tournée : celle de l'éducation politique. Le jeune homme a joué l'étudiant d'Action française, puis l'anarchiste ravacholien; il a découvert le socialisme du cœur, cc malgré Nietzsche et Georges Sorel ». Il est entré dans l'Histoire pour en découvrir aussitôt les limites. Maurice Chavardès
œUVRBS EN COURS
FragDlents d'une confession José Cabanis La Bataille de Toulouse Gallimard éd., 144 p. Pour qui connaît le moins du monde Cabanis, le clair-obscur de ses petits livres discrets et bien écrits, qui rac~mtent toujours la même histoire : comment la femme qui nous est le plus proche . nous échappe ; pour qui a lu Le Bonheur du jour, Les Cartes du temps, Les 1eux de la nuit, et qui se rappelle, d'après le titre même de ces ouvrages, l'atmosphère crépusculaire préromantique qui fait leur charme ; pour qui a aimé ces récits linéaires où un homme n'a pas peur d'avouer à mi-voix qu'il n'y a qu'une chose qui compte au monde: l.'amour, et qu'une chose impossible à trouver: encore l'amour; pour qui enfin regarde Cabanis comme le dernier délicat, le dernier intimiste, le dernier épicurien de la littérature, le titre de son nouveau roman a de quoi surprendre. La Bataille de Toulouse! Les jeux de la guerre après ceux de la chambre, la trompette après l'édredon, la fresque sonore et rutilante après les intérieurs hollandais ! Autocritique malicieuse que ce titre. A force d'entendre des éloges sur « l'exquise petite musique de nuit de Cabanis », ou des soupirs sur « le souffle trop court de Cabanis », Cabanis a dû se dire : soit ! Changeons de registre, et puisque nous ferons maintenant une symphonie, qu'elle soit le plus symphonie possible, une symphonie pleine de bruits et de fracas, une symphonie militaire, tant qu'à faire. C'est ainsi qu'il ouvre. son livre en déclarant que, maintenant que Gabrielle l'a quitté (lui ou son double narrateur), il va se mettre à écrire La Bataille de Toulouse, rien de moins, Soult contre Wellington (1814), puis cent cinquante années de la vie d'une famille, le roman-fleuve des générations qui se sont succédées dans cette maison de campagne où lui, Cabanis (son double narrateur) écrit, abandonné par Gabrielle, seul et affligé, n'ayant plus d'autre soin que de faire revivre les morts de la bataille, et les morts des cent cinquante ans qui ont suivi, en particulier les deux Cantalauze, Monsieur de Cantalauze qui participa pour de bon à la bataille de Toulouse, et sa femme qui l'attendit, amoureuse et fidèle, dans la grande maison. Malice et habileté extrême, ce truc de la bataille. Car d'une part, comme on s'y attendait, l'image de Gabrielle perdue ne cesse de rôder autour du narrateur, A peine les préparatifs du récit de la bataille commencés, il les plante là pour se remémorer les derniers instants vécus avec Gabrielle, et l'été d'avant, et pour s'interroger sur l'échec de cet amour et sur les incertitudes de tout amour : Cabanis, ainsi, retrouve sa vraie voix, et comme le roman est bon, voici prouvé qu'il vaut mieux parler de sa vraie voix, fût-
elle un peu basse et sourde, que de car l'amour comme l'entend Cabal'enfler, et de faire le pas plus long . nis n'est jamais assez clair, ni à la que la jambe. Rare et précieuse conscience ni au cœur, pour souffrir leçon de modestie littéraire. Mais un découpage dans le temps. L'ad'autre part, comme il n'oublie pas mour cabanissien est une vibration son projet initial, Cabanis se per- de l'être, un état d'âme, une« apmet quelques plongées dans l'épo- parition nocturne, qui Be plaît dans que révolue. Non pas qu'il songe les ténèbres, qui fuit et se refuse, sérieusement à décrire . la bataille qui n'a que faire de la clarté du « où il n'y avait en présence, après jour ». Gahrielle est partie. Qui tout, que quelques traîneurs de sa- pourrait d ir(' pourquoi ? L'amour bre et deux bandes de soudards, ce arrive cL s'en va sans cause précise. que je déteste le plus au monde ». D'ailleurs, Gabrielle ne reviendra-tLe souvenir des anciens temps ne elle pas dans le prochain livre ? fournit à l'auteur que les deux fi- Toute rupture suppose que l'on gures des Cantalauze, et de tout le conçoive l'amour comme un drame. roman-fleuve projeté, il ne garde Or, chez Cabanis, on ne s'aime pas pour finir qu'un seul épisode, l'his- pour s'affronter: on aime pour le toire de l'amour parfait entre Mon- plaisir d'analyser l'amour, ses variasieur de Cantalauze parti pour la tions infimes. La campagne, les luguerre et sa femme restée fidèle- mières de l'aube et du soir, le murment à l'attendre, épisode qui illu- mure des arbres, les grandes promemine par contraste le destin hasar- nades dans les chemins creux, tien-
Bien qu'II ait un roman en cours, Jean Cayrol s'est Interrompu pour se lancer dans un nouveau film dont Il vient d'achever les prises de vues à Orléans et dont Il commence le montage : la Déesse. Ce titre est légèrement trompeur, ou du moins ambigu : le principal personnage de l'œuvre est une OS blanche dont la présence obsessionnelle hante la plupart des Images. . Le sujet : un jeune homme déserte à Marseille pour retrouver et enlever la fille qu'il aime et qu'il doit retrouver à Orléans. Il vole une voiture à six heures du matin et prend la route. Mais le véhicule qu'il a dérobé et qui le ravit tout d'abord par son luxe insolite se révèle vite être un piège. Il s'agit d'une voiture de trafiquants, qui finit par devenir de plus en plus Inquiétante. Quand, après avoir cherché la jeune fille et lui avoir fixé rendez-vous, il s'apprête à fuir avec elle, la police l'arrête. Il y avait de la drogue à bord. Yves BOl1l1efo)'
Yves Bonnefoy poursuit la mise au point d'un recueil de réflexions traitant des formes du langage, de la poésie et des poètes. Sous le prétexte d'aborder les domaines les plus variés du langage poétique - y compris la pein· ture - ce sera une vaste étude des problèmes de la création. On y trouvera, côte à côte, quelques textes déjà connus et un certain nombre d'inédits regroupés sous le titre Essais. Au total un volume d'environ 250 pages. Publication prévue pour février au Mercure de France.
Maz Pol :l'ouche. . Les Appels. en cours de réalisation comprendront un ensemble d'études 'sur des écrivains - notamment an.glais et américains - dont on peut déjà deviner la teneur générale d'après 'les articles et les causeries télévisées du critique de Lecture pour Tous.
deux de sa propre liaison à lui, et nent beaucoup de p18ce dans les la nature habituellement fragile et émois du narrateur : il entend viinquiète du sentiment d'amour. En vre à l'unisson de la nature et ne sorte que les retours en arrière, les . demande à la femme aimée que de passages du présent au passé et du l'aider à parfaire cet accord refusé passé au présent, obtenus, sans' ef- à l'homme seul. fort apparent, par ce qu'on appelle Par son panthéisme discret comau cinéma des fondus enchaînés, me par son goût de l'analyse intétransforment le récit, qui eût été rieure, par son hédonisme gentisinon trop linéaire peut-être, en une ment égoïste (qu'il avoue) comme fugue adroite où les voix se répon- par sa soü d'une âme sœur, Cabadent à travers les âges. Cabanis, nis s'apparente bien plus aux rêcertes, n'a pas bouleversé sa techni- veurs des journaux intimes qu'aux que, mais ·ill'a enrichie, et s'il res- véritables romanciers. Il y a de te un musicien de chambre, il n'est l'Amiel, du Vigny et du Jouhanplus celui d'un seul instrument. deau en lui. Aussi bien ses romans Le lecteur averti, se souvenant ne sont-ils que les fragments d'une que l'héroïne du dernier livre de même confession: et qui sait cauCabanis s'appelait déjà Gabrielle, ser avec charme de soi-même se se demandera s'il ne s'agit pas, plu- fera toujours éc~uter. tôt que d'un nouvel ouvrage, d'un Dominique Fernandez nouvel épisode du précédent. Les histoires d'amour de Cabanis ne Cinq romans de José Cabanis viennent sont jamais des histoires construites, d'être publiés en un seul volume, sous avec un commencement et une fin, le titre L'ôge ingra', Gallimard éd. 768 p.
La Quinzaine littéraire, 15 au 31 octobre 1966
Le Beatnik-poète-alpiniste américanoparisien qui s 'est rendu célèbre au :mois d'aoOt en allant sauver deux grimpeurs allemands en perdition sur l'ai.guille du Dru, vient de signer avec Jles éditions du Seuil le contrat qui cède à cette maison française son lIvre sur la montagne ; une réponse. semble-t-il, à Gaston Rebuffat. Sous le titre Escalade pure, Il traite de l'ascension en fonction d'une certaine esthétique, et expose une philosophie de la montagne, résolue sous forme de dilemmes : sécurité ou aventure, technique ou difficulté (bonne occasion pour présenter différentes techniques dont certaines mises au point par lui-même). A la description des montagnes de Californie s'ajoute une théorie sur le retour aux sources Indiennes. Mais, surtout, Hemming poursuit parallèlement la réalisation d'un ouvrage assez étonnant et qui renouvelle, d'une certaine façon, la littérature beatnik internationale. Ce texte, d'une poésie extrêmement violente, rompt avec toutes le3 structures claSSiques et rassemble, dans une sorte de vaste autobiographie, des éléments de toutes sortes : poèmes en . prose, lettres, descriptions etc ... Bien que l'architecture en soit assez déroutante, Il semble que Hemming y fasse montre de très réels talents d'écrivain. 'l
LES ROMANS:•
Denoil Flora Ces
PENELOPE DE MANTOUE
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Claude Michel Cluny
UN JEUNE HOMME DE VENISE
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Marcel Clouzot
LA DETTE
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René Fallet
UN IDIOT A PARIS
•
Jeanne' Faure-Cousin
ADIEU BERTHE (collection "Lettres Nouvelles")
•
Jean-Claude Hemery
CURRICULUM VITAE (collection "Lettres Nouvelles")
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Pierre-Robert Leclercq
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: • • • • • • • • • •
• • • : • • • • • : • • • • •
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• • • • • • Lionel Mirisch • ESPACE DE LA NUIT •• (collection "Le champ libre") • •
Promesses
Christian Giudicelli Le jeune homme à la licorne Le Seuil éd., 157 p.
Il Y a des romans vêtus de leur seule intrigue, sans failles ni pauses. Si le premier ouvrage de Christian Giudicelli est un livre attachant c~est parce que l'auteur n'a pas crù devoir s'attacher le lecteur par la seule donné romanesque. Il est certes soucieux de conter une histoire, on oserait dire même qu'il en « rajoute» un peu, par naïveté, par machiavélisme ou par simple souci de brouiller les cartes. Le jeune narrateur qui est tout juste majeur et parle en son nom a aussi l'âge de l'auteur et sans doute beaucoup de ses pensées et de ses rêves. Il découvre l'amour 'avec Catherine, pianiste en herbe promise à une belle carrière mondaine. Tous deux vivent ensemble, parlent comme frèr~ et sœur, ré. inventent le monde. Reste le plaisir: Danièle, bel animal aux idées un peu courtes le lui fera connaître. Heureux Laurent, le voici comblé ! Mais ce jeune romantique, velléi-
taire et déjà désabusé, porte malheur à celles qui l'entourent. Les deux rivales découvrent qu'elles ont le même amant. Catherine, par vengeance ou dépit, séduira le meilleur ami de Laurent, son alter ego, le doux Günter dont l'apparition épisodique en joueur de flûte au cœur pur éclairait les jours un peu frelatés du narrateur. Quant à Danièle, après avoir rappelé Laurent qui a poussé à l'eau l'infortuné Günther, elle se donnera - presque sous ses yeux - au très jeune garçon dont il commençait de faire son ami. Il ne restera plus au jeune homme à la licorne - le bel animal dont il caressait l'image sur la tapisserie du Musée de Cluny - à chercher une solitude illusoire et un bonheur impossible. Ce résumé rapide d'une intrigue menée tambour battant avec un heureux talent qui fond ensemble le cynisme, l'ironie et un vif esprit d'observation ne rend pas compte des ouvertures un peu plus secrètes du livre, de ces blancs du récit qui en brisent moins le cours qu'ils ne donnent à l'œuvre une résonance
et une tonalité singulières. Telles les pages où le narrateur évoque son bref séjour auprès de Günther et les rêves merveilleux dont la beauté des images forme un étonnant contraste avec la sécheresse un peu désinvolte du récit. Tel surtout le personnage du grand-père, écrivain raté et secret, maître à penser. Le portrait que le petit-fils nous en présente le fascine au point que sa propre vie promet presque d'en être la simple duplication. Ce contre quoi le vieil homme le met en garde: « la contemplation intérieure, la recherche de l'invisible », le jeune homme y a déjà succombé et les paroles de lumière ou de dérision qu'il prononce: « l'écris pour ne pas avoir à lire leurs livres », c'est l'écrivain de vingt-deux ans qui les prend à son compte.
Il y a plus que des promesses chez ce jeune écrivain partagé entre le souci d'écrire un bon roman ct la nécessité de demander à l'écriture un peu plus de vérité. Il ne lui faut plus que choisir entre plaire au public et obéir à soi-même. Guy ROMu
SEQUENCES
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Catherine Paysan
• ••
Sang et mort Raymond Jean Le Village Albin Michel, éd., 264 p.
• LES FEUX •• Etrange et effrayant destin que celui du Viet-Nam : quatre-vingts DE LA CHAIDELEUR •• ans de domination française, celle
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Georges Perec
QUEL PETIT VELO A GUIDON CHROME AU FOND DE LA COUR? (collection "Lettres Nouvelles")
•
Charles Prost
CARAMBA EL ZEN
•
Robert Quatrepoint
OMEGA
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Andrée Sikorska
LES HEURES FORTES
Denoil, 8
• des Japonais, une dure guerre de • libération et, presque aussitôt, le ·nffi . • co t actue1 avec son cortege ac• cru de souffrances et de ruines, • assorti à l'arrière-plan d'une apoca• lyptique menace ... • Le livre de Raymond Jean veut • être un hommage rendu à ce peu: pIe martyr qu'il a connu et aimé, • comme tous ceux, à quelque bord • <[u 'ils appartiennent, qui ont vécu • là-bas (chez les anciens coloniaux, • on remarque une nostalgie qui • n'existe guère à l'égard de l'Afrique • noire ou musulmane). Ce livre, par : son thème, sa composition, surpren• dra peut-être le lecteur des œuvres • précédentes. L'auteur semblait avoir • adopté la technique du « nouveau» • roman. Il retourne ici à une forme • classique et nous passons de l'indif: férence bien connue vis à vis de • l'histoire à une littérature « enga• gée », au sens sartrien du terme. • C'est sans doute cette volonté • d'hommage et de témoignage qui a • orienté le choix technique de l'écri• vain. L'hommage entend éveiller la : sympathie, la colère, la chaleur, rap• procher, alors que la description • neutre introduit une distance entre
la conscience et le spectacle. Pour ma part, je ne peux lire un roman de Robbe-Grillet sans me sentir envahi par un sentiment de paralysie onirique. Ce qui est charme devenait ici écueil. Aussi Raymond Jean a cherché à donner une vision globale de la réalité vietnamienne à travers le temps et l'espace en ménageant une série de coupes qui privilégient des instants exemplaires : histoires, qui vont du début de la conquête française à la période contemporaine et qui montrent les relations entre colons et indigènes, entre soldats et maquisards ; des tableaux, des paysages, la jungle, le profil de Malraux, de Sartre discourant en Norvège, des cinéastes qui filment des temples et reconstituent des scènes de guerre et d'attentats. Le lien entre les scènes est fourni par une femme dont l'auteur fut amoureux. Xuân raconte dans la tradition des Mille et une Nuits ... Il y avait ici un danger, celui d'une disparate. Le climat d'une histoire d'amour, son exotisme un peu facile, s'accommode mal le plus souvent d'un arrière-fond de sang et de mort. Raymond Jean l'évite en faisant de son héroïne un fantôme : « Je ne sais pas ce qu'est devenue Xuân. Je ne sais pas si elle existe encore. Mais je sais qu'ils existent toujours, ceux pour qui elle se battait ... » Ceux-là, en effet, retiennent davantage notre attention. Les nouvelles qui illustrent leur conduite,
leur caractère sont construites et menées avec un métier sûr et solide. La qualité maîtresse de l'auteur est la force. Je citerai seulement parmi les plus remarquables l'histoire intitulée : L'Œil. Il s'agit d'un métis employé à la surveillance d'un chantier et qui a pour habitude, lorsqu'il veut prendre un congé, de dép()ser son œil de verre dans la fourc~e d'un arbre. Cette vigilance artificielle redouble l"ardeur des paysans superstitieux jusqu'au jour où ils prennent conscience que ce regard est sans vie ... Raymond Jean est là au niveau des grand.; conteurs. Il s'en faut toutefois que chaque récit soit de la même veine. On regrette de voir apparaître, ici et là, rançon de la forec, une certaine outrance ct de l'inexactitude dans le détail, qui gênent l'adhésion du lecteur. L'intrigue du Regard pâtit d'une erreur sur la durée d'incubation d'une maladie. Pour parler de l'outrance, il faudrait entrer dans une discussion sur le bilan du colonialisme en général. Je me bornerai à noter ceci : est-ce cette seule image que l'on retiendra de l'Occident, cette galerie de gâteux, de brutes et d'obsédés sexuels ? Le passé renvoie inexorablement à la plume froide de l'historien tandis que, par un paradoxe cruel, l'histoire elle-même maintient sur l'ancienne Indochine la fatalité de la répétition. Robert André
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Une passion nécessaire Paul-André I..esort La Vie de Guillaume Perier Le Seuil, éd., 308 p. Que savons-nous de ce Guillaume Perier qui donne au roman son titre ? Peu de chose. Ce que nous apprend sur sa jeunesse l'ébauche d'une autobiographie écrite de sa main - - le Cahier. Bleu - et, prises de loin en loin au cours de son existence, des note!! de voyage ou de lecture qui forment une sorte de journal. Comme l'autobiographie est destinée à la femme de Guillaume qui connaît déjà l'essentiel des faits et comme les notes tiennent plus de l'aide-mémoire que de l'exposé, ces « papiers » ont besoin d'être commentés. Ce dont se charge celui qui les a reçus, ou feint de les avoir reçus en dépôt : à savoir Lesort lui-même qui sollicite les témoignages des parents et camarades de son héros ,et qui met à contribution le souvenir qu'il a gardé de leur longue amitié. Ainsi se trouve constitué un « dossier Perier » établi selon les strictes méthudes de la recherche universitaire. Ce qui fait que l'œuvre tient à la fois du document authentique --- tel que l'aiment, paraît-il, les lecteurs d'aujourd'hui et de la biographie classique, peutêtre parodiée, dont le ton traduit bien le caractère reconstitutif et presque anachronique du livre: Aucune forme ne pouvait mieux illustrer l'idée chère à Paul-André Lesort que notre « avidité de la connaissance des autres et de soi est une passion nécessaire, mais d'autant plus nécessaire qu'elle ne peut que s'avouer vaincue ». L'information aussi bien que la mémoire ont
P4UI-Àr.dré . Les()Tt'
une logique ou une complaisance qui nous interdiront toujours d'accéder à la vérité. Cependant, ce roman n'est pas en ruines, comme tant de ceux qu'on nous offre à lire depuis qualques années, mais en construction, en état de restauration. Plutôt qu'effiloc:hé, je le dirais cloisonné. La
vie exemplaire qu,' il raconte, si elle nous est livrée par bribes, est moins dégradée par le temps que, faute de temps, interrompue dans sa progression vers l'avenir. Né au début de notre siècle, dans une famille normande, d'un père féru de sciences naturelles et d'une mère dévote, Guillaume Perier hérite des problèmes qui ont agiLé la France avant 14. Comme Jcan Bac rois, il se débat entre le savoir et la croyance. La guerre finie, il éprouve aussi peu de goût pour la bigoterie patriotarde de ses compatriotes que pour le jeune nationalisme allemand dont les fièvres malsaines l'effrayent. Entre «Dieu pour nous» et Gott mit uns comment choisir? Comment ,retrouver surtout en cet otage des civilisations qui se heurtent sous ses yeux et se sont ÏInmémorialement succédé sur la terre l'image d'un Dieu libre et juste, écrivant droit, comme dit le proverbe espagnol, par les chemins détournés de l'histoire ? En proie aux courtes joies et aux multiples ennuis d'une existence fort banale, Guillaume Perier se cherche un destin à la fois solidaire de tout ce qui se passe dans le monde et en accord intime avec les possibles desseins d~une Providence énigmatique. Il s'efforce, somme toute. de détecter le point d'insertion de la métaphysique dans la physique des événements et de conformer sa conduite de Français de gauche, sa combativité à l'égard du mal et sa fidélité aux principes, avec ce qu'il croit avoir deviné de ce mystère. L'amour, pour une part, lui donnera l'occasion de sortir de sa solitude et d'expérimenter l'alliage du naturel et du surnaturel dans les sentiments qu'il porte à sa femme. Pour une autre part, la guerre de 39 qu'il fait en officier consciencieux, la captivité à laquelle il tente plusieurs fois de se soustraire, une obscure contribution enfin à l'allègement des conditions où vivent les colonisés d'Afrique lui procureront l'amère satisfaction d'avoir été, quoique soldat de Dieu, parmi ceux que ce Dieu châtie pour avoir pensé que Josué combattait avec eux. Cette réflexion sur les incarnations successives du sacré au cours des millénaires, sur ces avatars diCficilement identifiables dans le désordre de nos derniers malheurs est belle. Elle prolonge et corrige certaines méditations de Péguy avec une rigueur de pensée qui appartiendrait plutât à Roger Martin du Gard. Mais l'économie même des moyens mis en œuvre, l'excessü souci d'enfouir trop profondément le personnage et sa conscience dans le terreau sans saveur d'une chronique prosaïque m'ont paru nuire it l'épanouissement du sujet. Ce livre ressemble à la troisième graine de la parabole du semeur : les broussailles qui l'entourent ont étouffé son éclosion.
La Quinzaine littéraire, 15 au 31 octobre 1966
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Michel Bernard 666 Jorge--Luis Borges essai sur les anciennes littératures germaniques Louislénine Fischer 'Carlène PoUte les flagellants Gabriel POlDerand le d. man Ezra Pound espr!t des littératures romanes DOlDinique de RolU[ la mort de I.-f. céline François VigourolU[ l'insurrection
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CHRISTIAN BOURGOIS EDITEUR
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Georges Piroué •
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BlfTRETIBN
L elrlS · · Avec Fibrilles, ce troisième volume de La Règle du Jeu, voici donc l'achèvement de votre œuvre? M. L. L'achèvement! Je ne sais pas... Si j'en ai la possibilité j'aimerais passer à autre chose, un
L'imaginarion n'intervient - elle dans la façon de mettre ces faits 0: authentiques » en relation les uns avec les autres ? pas
M. L. L'imagination, c'est la présentation. Ça ne dépasse pas ça.
que. J'aimerais qu'une chose soit entendue; aucun événement n'est arrangé, tout est rigoureusement vrai et, pour que rien ne soit faussé, j'ai même évité autant que possible l'usage des métaphores.
M. L. J'en avais fait une première esquisse, très courte, dans le cadre du Collège de Sociologie, sous le titre Le Sacré dans la vie quotidienne. C'était une conférence qui a paru ensuite dans la NRF de cette époque, 1937, ou 38. Il y avait un texte de Bataille, un de Caillois, et un de moi. A ce propos j'avais commencé à rassembler quelques faits, que j'ai repris dans Biffures. Il s'agissait 4e faits de langage, d'expressions qui m'avaient frappé lorsque j'étais enfant. C'est en 40 ou 41 que j'ai repris ça, avec l'idée de faire quelque chose d'un peu plus vaste. Je voulais pousser un peu l'investigation, tâcher de déterminer le sens de ces expériences. Finalement c'est devenu cette espèce de ... « chose ». Je ne sais comment la qualifier au- . trement. En cours de route ' la recherche s'est considérablement amplifiée : j'ai pensé qu'il me fallait définir mon art poétique et mon savoir-vivre, mon esthétique et ma ' morale. Si j'avais su au début où, de fil en aiguille, ça allait me mener, c'est-à-dire jusqu'à aujourd'hui, comme je ne suis pas très travailleur, plutôt paresseux ...
Vous êtes-vous interrompu au cours de ce long travail ? M. L. Pratiquement je ne me suis jamais interrompu. Après Biffures je suis passé presque tout de suite à Fourbis, puis à Fibrilles.
Avec le temps n'avez-vous pas constaté un allègement dans votre travail, trouvé peut-être une méthode ? L. Au contraire, le travail accru ... pour le dernier j'ai mis dix ans ; chacun des deux premiers doit représenter sept ans. Le dernier était le plus difficile. Peutêtre parce que je désirais arriver à une sorte de conclusion. Mais honnêtement il n'était pas possible de conclure. M.
s'e~t
Une conclusion ?
une œuvre
C'est peut-être beaucoup la présentation?
Il n'y a pas d'imagination dans La Règle du Jeu ?
Ecoutez, mon propos, dans La Règle du leu n'était pas de faire des confessions spectaculaires, mais de discerner aussi clairement que possible ce à quoi je tiens le plus étant posé toutefois que je ne visais pas un objectif scientifique, clini-
autre genre d'exercice d'imagination.
M. L. Les évènements que je rapporte sont tous authentiques, les rêves que je reconstitue sont des rêves que j'ai rêvés comme ça •••
10
M. L.
Et pas de règle du tout, pourquoi pas?
Quand avez-vous eu pour la première fois la conception d'ensemble de ce travail ?
Michel Leiris
m'est apparu qu'elles souffraient de nombreuses exceptions, voire même que le contraire n'était pas insoutenable.
M. L. Une espèce de règle d'or valable pour mon travail et ma conduite dans la vie. Une règle que je souhaitais tout à fait lapidaire, comme les sentences de Lao-tseu, ou les aphorismes de René Char.
Comme 'celle que vous énoncez dans « Fibrilles »~ pour la dénoncer quelques pages plus loin ? M. L. Appliquer strictement des règles serait en un certain sens un puritanisme imbécile. D'ailleurs, pour la plupart de ces règles, il
M. L. Sans règle, tout jeu devient impossible. Et qu'est-ce qu'il y a dans ce cas ?
Peut-être ce que vous invoquez à la fin de Fibrilles, qui est le dernier mot de La Règle du Jeu, la poésie? M. L. La poésie, c'est ce qui n'a jamais cessé de me préoccuper. Si la prose se trouve être mon moyen d'expression, c'est toujours la poésie que j'ai visée. Là, sans doute, on peut parler d'imagination. J'aimerais parvenir à une poésie où se fondraient absolument l'authentique et l'imaginaire, à une sorte de mythe vrai - j'en parle dans Fibrilles - un mythe qui ne serait pas une fiction, mais la réalité mê· me ...
Cette règle que vous cherchez à énoncer, et ce mythe, est-ce seulement pour vous ? Ou est-ce valable aussi pour autrui ? M. L. Je me suis longtemps imaginé que si j'écrivais c'était pour communiquer. Mais non, ça n'est pas tout à fait ça. Je l'ai dit expressément : une chose qui ne serait pas partagée n'existerait pas plus qu'un rêve, il faut que ce soit appréhendé et reconnu par un autre. Il m'est donc indispensable de communiquer, mais cela ne veut pas dire que c'est pour cela que j'écris.
Il me semble percevoir une différence de ton, dans ce troisième volume, comme si vous vous étiez en effet rapproché d'autrui, comme si la communication vous était devenue plus facile - sans que cela ôte rien du caractère tout à fait énigmatique et mystérieux de votre œuvre ... M. L. Il me semble que ce troisième volume est d'un ton moins strictement personnel, dans la mesure peut-être où je voulais aboutir à une conclusion,
Vous avez entrepris autrefois une psychanalyse. Dans quelle mesure avez-vous été influencé, dans votre œuvre, par la méthode psychanalytique? M. L. A mesure que l'idée poétique s'est affirmée je me suis dégagé de cette influence. Maintenant j'ai même une sorte de répugnance à l'égard de la psychologie: le rôle d'un écrivain n'est pas de fournir purement et simplement des matériaux .au psychologue. Toutefois je dois littérairement quelque chose à la psychanalyse, et je le dois notamment à l'œuvre intitulée la Psychopathologie de la vie quotidienne :
ou l'ouverture de la poésie l'importance accordée par Freud à des faits très menus m'a énormément frappé.
Pour écrire « Fibrilles » avezvous continué d'utiliser le fichier où justement vous notiez des faits minimes de la vie quotidienne, rêves, fantasmes, souvenirs. Presque tout a été fait avec le fichier. Je n'ai cessé de le tenir à jour que quand j'ai senti que j'étais assez près de finir le livre. M.
L.
Comment était organisé ce fichier ? Par thèmes, c'est-à-dire par têtes de chapitres. Mais c'est très souvent bousculé : soudain, le fait ou la réflexion qui m'avait semblé relever de tel thème me paraissait se rattacher à un autre. Là, évidemment, un certain travail de l'imagination. Au demeurant, tous ces faits étaient peu de chose. M.
L.
Que voulez-vous dire ? M. L. Il m'est arrivé ce qui m'est arrivé et je ne pense pas que ce soit grand'chose. Ce que j'espère, c'est que j'ai dépassé ces petits faitslà et que j'en ai tiré autre chose que de la psychologie. J'invoquerai, pour me faire mieux comprendre, deux très grands noms, ceux de deux hommes que j'admire profondément. Le premier c'est Racine. On est à côté quand on insiste sur la psychologie de Racine. Racine c'est essentiellement de la poésie avec des ressorts psychologiques.
Et l'autre nom? M. L. Pendant longtemps je n'ai pas voulu lire Proust. D'après ce qu'on m'en disait, ça me paraissait très J;"oman psychologique. Un jour, mon ami Georges Limbour m'a passé la Prisonnière en me disant : Lis ça, c'est très bien. Je me suis alors aperçu que, chez Proust, la psychologie n'est qu'un moyen d'aboutir à la poésie. Proust a certainement porté à la psychologie un intérêt extrêmement vif, presque maniaque, mais c'est reconstruit et tiré à la poésie.
Ne m'avez-vous pas dit qu'éventuellement vous aimeriez écrire un roman? Qu'entendez-vous par là ? Faire exister des personnages qui ne seraient pas moi, qui existeraient par eux-mêmes et qui auraient une sorte de réalité poétique. Une réalité à la fois désolante et magnifique ... M. L.
qu'il soit artiste ou écrivain, serait sérieux comme un pape, ça n'est pas admissible ! Il faut qu'il reste extérieur, même exalté par ce qu'il fait, qu'il continue à voir la part du dérisoire.
En somme, l'humour ? M. L. Aussi bien l'ironie romantique. Ce que j'aime chez Mozart, c'est qu'il ne nous en fait jamais accroire. Dans le livre qu'il a écrit sur Lénine, Trotsky raconte qu'après de dures séances de travail Lénine se mettait à blaguer et à rire. Cela m'a toujours beaucoup plu!
Vous dites, dans « Fibrilles )). qu'il n'y a pas de grandes œuvres sans « bouffonnerie ». M. L. Picasso en est un bon exemple. Il donne si peu l'impression du « sérieux » que certains ont pensé qu'il se moquait du monde. Mais la vérité c'est que la grandeur, chez lui, est alliée à l'ironie romantique, ou à l'humour, si vous voulez, qui est tout proche.
On croit qu'on sait tout de vous, puisque vous avez écrit une autobiographie plus détaillée, plus intime qu'aucun écrivain ne l'avait fait. Mais est-ce vrai ? Vous ne racontez que ce que vous voulez et ça n'est pas parce que vous dites ce qu'on cache d'habitude que vous dites tout.
M. L. L'ironie, j'y tiens beaucoup. Une œuvre dont l'auteur,
M. L. Louis Massignon s'était trouvé le rapporteur d'un travail que j'avais fait. Il m'avait convoqué chez lui pour m'en parler. J'y suis allé, c'était un homme extrêmement brillant, il avait des aperçus d'une acuité étonnante, une pertinence et des formules d'une séduction inouïe. Mais ce qu'il avait à me dire était dur à avaler : mon travail ne valait rien, il {allait tout refaire, j'étais aux antipodes des normes cartésiennes admises, sinon par lui, du moins par l'université. Et il avait ajouté : « vous procédez par explosions successives de pensée ». C'était exact et, malgré l'idée d'avoir tout à recommencer, il m'avait dit ça si bien que j'étais parti content! Je crois que je procède de la même manière Un peu invertébrée dans mes écrits ordinaires : de fil en aiguille, une chose en appelant une autre par association.
Entre vos deux métiers, celui d'écrivain et celui d'ethnologue, quelles différences, ou quelles ressemblances, faites-vous ? M . L. Quand j'ai fait mon premier voyage en Afrique, avec Marcel Griaule, c'était pour passer à autre chose que la littérature. Griaule m'avait proposé de le suivre dans son expédition et d'en faire le récit. Je pensais qu'en Afrique j'aurais une vie plus riche que celle de nos milieux littéraires et artistiques. Il me semblait aussi que j'aurais des rapports plus vrais avec ces gens que j'allais rencontrer. J'ai décidé de tenir scrupuleusement mon journal de route ...
N'êtes-vous pas en train de terminer un travail ethnographique ?
Qui est devenu « L'Afrique Fantôme »... Dans mon journal, je mettais ce que j'observais mais aussi des réflexions très intimes : cela passait continuellement de la description de choses vues à des évocations personnelles. Tenir un journal de cette espèce, c'était encore écrire et cela m'a montré que je restais attaché à la littérature. D'autre
La Quinzaine littéraire, 15 au 31 ocWiJte 1966
M. L. Si je n'avais pas fait d'ethnographie, je n'aurais peutêtre par écrit l'Age d'homme. Ça m'a aidé tout autant que la psychanalyse, à m'observer objectivement. Cela m'a aidé aussi à m'humaniser, m'ouvrir un peu plus aux autres. J'ai été formé par des gens de l'Ecole sociologique française, comme ~arcel Mauss, et aussi par Paul Rivet, le premier directeur du Musée de. l'Homme. Ils étaient opposés aux brutalités du colonialisme, au racisme, au fascisme. Mais je vois bien les insuffisances de · toute discipline scientifique. Je suis resté en cela très proche de Georges Bataille (j'ai v~cu tout près de lui et je l'ai beaucoup admiré) : impossible de miser sur le savoir, par définition chose froide et fermée ; ce qui compte se situe dans un au delà du savoir. Je ne peux pourtant pas nier que l'ethnologie m'ait influencé. Encore que je m'aperçoive J1le la littérature a eu une influence sur mon ethnologie : je ne me suis intéressé qu'à des su jets qui auraient pu m'intéresser littérairementi. Et, si je dois critiquer mes essais dans ce domaine : je prends ça par un bout et je continue à tâtons, je suis incapable de faire ,un plan réel...
Pourquoi serait-ce forcément un défaut?
M. 'L. Je ne travaille pas en historien qui court après les documents. J'écris seulement à partir de souvenirs, qui me touchent ou me préoccupent. Comme ma mémoire et ma sensibilité ont leurs limites, il va de soi que je ne dis pas tout.
M. L.
Vous dites dans « Fibrilles » que le ton qu'a pour vous la vie et que vous vo.udriez rendrè dans vos livres c'est un mélange de tendresse, de désespoir et d'ironie ...
part, j'ai eu un peu de déception avec l'ethnologie. C'est comme pour la psychologie : ça n'est pas la science ethnologique qui nous donne des contacts réels avec d'autres êtres ; certes on obtient toutes sortes d'informations sur eux - com-
me en psychologie mais pas plus. Après l'Afrique je suis rentré en France, j'ai passé une licence, je suis entré ici, au Musée de l'Homme. Et l'ethnologie est devenue pour moi simplement un second' métier ...
Qui a eu de l'influence métier d'écrivain?
.UT
votre
M. L. Je corrige les épreuves d'un ouvrage sur les arts plastiques en Afrique noire, écrit avec Jacqueline Delange et qui paraîtra dans la collection L'Univers des Formes que dirigent André Malraux et Georges Salles. Un' travail de dix ans •..
Comme « Fibrilles » ? M. L. Les deux s'achèvent en même temps. Du point de vue du « trou » c'est un peu fâcheux. Bien sûr, ça pousse au travail d'être dans le trou ...
Il
INCONNU EN FRANCE ~
Michel Leiris
Croyez-vous toujours, comme le pensaient les surréalistes après Rimbaud, qu'on puisse, par la littérature, changer la vie ? M. L. Si j'ai rompu avec les surréalistes en 1929, je ne crois pas avoir renié le surréalisme. Je n'ai plus la confiance que j'avais, par exemple, dans l'écriture automatique : je pense que c'est un genre littéraire comme un autre. Mais, sentimentalement, je reste attaché à l'idée d'une méthode totale : trouver, comme dit Rimbaud, « le lieu et la formule », une clef qui serait valable pour la poésie et pour la vie elle-même.
L'avez-vous, ce lieu, si peu ce que fût, atteint ? M. L. Je ne l'ai pas atteint. Peut-être ai-je un peu débroussaillé, précisé la question ? Viendra, je souhaite, quelqu'un de plus chanceux.
Vous croyez donc en l'avenir, au progrès? M. L. J'aime beaucoup Tchekov. Il est aussi pessimiste qu'on peut l'être et cependant il dit tout le temps qu'il y aura peut-être, dans l'avenir, des gens plus heureux qui arriveront à ce que nous aurons manqué. Dans le désespoir complet, il laisse toujours percer une manière d'espoir. Voyez la fin des Trois Sœurs. C'est un art réaliste, mais avec une ouverture perpétuelle sur la poésie. C'est ce que j'aime aussi chez Picasso, Giacometti ...
Ainsi, vous ne pensez plus ce que vous écriviez dans « L'Age' d'homme », que la vie est impossible, qu'il est malheureux d'être au monde? Très jeune, je me prenais pour un désespéré total. J'ai pensé plus tard : « le ne désespérais pas absolument puisque je croyais dur comme fer à la poésie ». D'ailleurs une œuvre d'art n'est jamais complètement désespérée puisque son auteur a jugé que cela, en tout cas, il valait mieux le faire que ne pas le faire. On parle quelquefois de moi comme d'une espèce de négateur morbide... Mais cela ne tient pas : le simple fait que j'écrive prouve que, cette activité-là, je ne la regarde pas comme entièrement absurde. D'ailleurs, la vie peut fort bien être une absurdité et avoir un côté merveilleux, auquel on s'accrochera. Pas d'incompatibilité làdedans, et je me demande même si les deux choses ne sont pas nécessairement imbriquées. Propos recueillis par Madeleine Chapsal M. L.
Dans la crise de croissance que traverse aujourd'hui la critique littéraire, l'œuvre de Léo Spitzer (1887-1960) nous rend le service insigne de mettre en pleine lumière les résultats que nous pouvons attendre de la méthode stylistique. Il n'a pas été le seul, tant s'en faut, à affronter avec rigueur les problèmes de l'analyse textuelle. Mais ses recherches, appliquées aux œuvres les plus diverses de la culture européenne ( avec une prédilection pour les littératures romanes), at~ testent une ampleur d'information, une acuité de jugement, une verve et une fougue de l'intelligence, dont la portée dépasse largement ce qu'on eût volontiers considéré comme un exercice scolaire et une discipline liée à la tradition pédagogique. L'œuvre de Léo Spitzer démontre que l'eXplication littéraire n'est pas condamnée à se confiner dans une routine consciencieuse, mais qu'elle peut (sans renoncer le moins du monde à l'érudition) s'élever à une sorte de génialité. De fait, comme M. Jourdain faisait de la prose, des milliers de lycéens, en suivant les préceptes judicieux du Précis d'explication de M. Roustan, faisaient de la stylistique sans le savoir. Ils faisaient même de l 'herméneutique, puisque c'est sous ce nom que les problèmes de l'explication sollicitent aujourd'hui notre attention, dans les sciences humaines et en philosophie. Spitzer a su éveiller toutes les virtualités de l'explication littéraire traditionnelle pour en faire une aventure de la connaissance et pour aller à la rencontre du sens implicite dans les plus fines inflexions de la parole. Il y a engagé à la fois plus de savoir positif, plus de conscience mé-
thodologique, et plus de qualités divinatoires. Bref, nous découvrons en Spitzer un philologue chez qui la science linguistique tire à conséquence, et accomplit pleinement son devoir à l'égard de son objet, c'est-à-dire de l'homme parlant. Si l'on excepte un assez bref passage en Turquie après 1933, la carrière de Spitzer se divise en deux périodes: l'université allemande (jusqu'au nazisme) et l'université de Johns Hopkins à Baltimore (à partir de 1936). Cette œuvre, qui touche à tant d'écrivains français, italiens, espagnols, a donc été entièrement élaborée en dehors des pays de langue romane. Est-ce une situation défavorisée? Je ne le crois pas. Lorsqu'il s'agit d'explorer et de comprendre, l'étranger est le plus souvent en position privilégiée. Moins prévenu, extérieur aux coutumes et aux idées reçues, il regarde d'un œil neuf, il s'étonne, il compare plus librement: la distance facilite la réduction phénoménologique, mais incite en retour à compenser l'éloignement par l'ardeur de la sympathie. Rompu aux disciplines de la lin· guistique romane (étymologie, grammaire historique, syntaxe, etc.), Spitzer aurait fort bien pu s'en tenir à de magistrales études sur l'évolution de la langue ou sur les états de langue. Mais une recherche confinée aux données positives, constatables du dehors, l'eût laissé insatisfait. Ce qui d'emblée l'intéressait dans la linguistique, c'était son versant sémantique: le langage n'est pas pour Spitzer un être indépendant, mais l'expression d'un locuteur. D'un locuteur collectif, d'abord, ce qui fait de la linguistique une manière de psy-
chologie de groupe « in conerelo )1. D'un locuteur singulier, surtout. ce qui fait de la linguistique un instrument d'explication et de critique littéraires. A l'histoire littéraire (telle qu'elle se pratiquait en Allemagne au début du siècle) conçue comme une accumulation d'informations adjacentes au texte, Spitzer pouvait opposer, dès sa thèse sur les néologismes et les mots composés chez Rabelais, une lecture immanente au texte. On le voit, cette linguistique qui se donne pour objectif la compréhension des sujets parlants diffère assez sensiblement d'une autre linguistique, celle de Ferdinand de Saussure, qui pour étudier les langues dans leur pureté isole les faits linguistiques et fait abstraction de l'existence subjective du locuteur. Si, comme l'a bien fait remarquer R.L. Wagner, la linguistique saussurienne, avec sa théorie de la langue comme système, opère un dépassement du positivisme, la stylistique spitzérienne, pour sa part. s'oppose au positivisme par l'appel qu'elle fait aux valeurs de compréhension intersubjective. Au prix de quelque simplification (toujours hasardeuse à l'égard d'un homme qui 11 'aimait pas se laisser emprisonner dans une attitude définitive), on rattachera Spitzer à l'école dite idéaliste de Croce et de Vossler « qui voit dans le langage l'expression de diverses formes individuelles de l'homme, telles qu'elles se développent dans une évolution perpétuelle, à travers les époques successives de l'histoire ». (Auerbach). « En lisant des romans français modernes, j'avais pris l'habitude de souligner les expressions qui me
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La Quinzaine littéraire
1. La lGngue .ecrè'e dei Dogo1lll de Sanga, 1948. La POilemon .u aapecu théâ· Wu.% ches lu E'hiopie1lll de Gondar. Plon, 1958.
e'
12
13, rue de Nesle, Paris 6 - C.C.P. 15.551.53 Paris
Léo Spitzer parai.uaient nettement s'écarter de général. Souvent ces paspauage& soulignés, une fois confronta, semblaient offrir un certain caractère d'analogie. / e me •Ida demandé s'il n'était pas posaible d'établir le dénominateur commun de toutes ces déviations,
"uage
Aulliilze J:ur romanÏ&chen
SrnIGs und
StilÏ&tik 1918 Sliü'udien, 2 vol., 1928 Romaniache Stil und Literatur3tudien,
1931 Euaya in Hi&torical SemanlÏc3, 1948 Unpiatiu and Literary HÏ&tory, 1948 Romaniache Literaturstudien, 1936-1956
ou du moins de la plupart d'entre elle.. J) Et Spitzer de se demander !Ji ron ne pourrait pas « trouver l'etymon spirituel commun, la racine psychologique » de ces déviations, tout comme le linguiste décèle une racine étymologique derrière une famille de mots. Aperce"oir un écart stylistique par rapport à rwage moyen ; évaluer cet écart (ou ce système d'écarts), en apprécier la valeur expressive et la qualité d'indice psychologique; conrronter les découvertes effectuées au niveau linguistique avec les caractères que l'œuvre manifeste à d'autres niveaux; définir la per:IOnnalité, le génie spécifique de l'écrivain; le situer dans son époque, soit en qllalité de contradicteur, soit en qualité de représentant ou de précurseur : telle est la série d'opérations que s'essigne la critique spitzérienne ... Parmi les idées directrices de ct'tte recherche, il en est ..me qui A'affirme constamment: c'est l'idée de la correspondance organique entre les effets de style et la signification globale de l'œuvre. Spitzer Ilrnrme de l'œuvre ce que Saussure arrll1lle de la langue: qu'elle est un système, et qu'aucun de ses éléments parcellaires ne saurait être modifié sans altérer le tout. Le postulat d'une correspondance étroite entre le style et le « tout de l'œuvre » était indispensable à Spitzer pour légitimer une critique qui privilégiait au départ les faits de style: « Il doit y avoir chez récrivain comme une harmonie préétablie entre l'expression verbale et le tout de l'œuvre, une correapondance mystérieus~ entre les deus. Notre système de recherche se base entièrement sur cet axiome. » Philologue, mais épris de totalité, Spitzer avait besoin d'une méthode qui non seulement déclarât compatibles l'extrême attention au détail et les vues synthétiques, mais qui permît de voir dans l'interprétation du détail une étape indispensable et une condition nécessaire. de la compréhension globale.
Il pouvait donc reprendre à son compte une notion qui, de Schleiermacher à Dilthey, de Dilthey à Heidegger, avait manifesté sa fécondité dans la théorie allemande des sciences humaines: le cercle herméneutique, le Zirkel im Verstehen. « Ce que le chercheur doit faire, écrit Spitzer dans l'importante préface de « Linguistics and Literary History », c'est passer de la surface au centre vital intime de l'œuvre d'art: il commencera par observer lés détails touchant l'apparence superficielle d'une œuvre particulière (et les idées exprimées par un poète ne sont, elles aussi, que des effets superficiels parmi d'autres dans une œuvre d'art); ensuite, il groupera ces détails et il cherchera à les intégrer de façon à les ramener à un principe créateur qui pourrait avoir été présent dans l'âme de l'artiste; et finalement, il reviendra à tous les autres groupes de faits observables, en se demandant si la forme intérieure qu'il a hypothétiquement construite permet de rendre compte de l'ensemble de l'œuvre. Après trois ou quatre de ces voyages aller-retour, le chercheur sera sûrement capable de dire s'il a trouvé le centre t'ital, « le soleil de ce système solaire ». Cette méthode n'est pas une technique sur le modèle scientifique, c'est-à-dire une recette dont chacun pourrait se servir avec un égal succès, et que l'on appliquerait de la même manière à toutes les œuvres. Tout en insistant sur la nécessité d'un savoir objectif très étendu, Spitzer n'a cessé de soutenir un aristocratisme de la stylistique. (Certains lui en ont voulu.) Il faut choisir à bon escient le fait révélateur qui servira de point de départ. Rien ne permet de le répéter à coup sûr: il y faut une grâce qui n'est pas donnée à tous. Ce n'est pas aux statistiques que Spitzer demande de , désigner l'écart stylistique significatif, mais à une sorte de « déclic intérieur » qui s'accomplit dans !'esprit du critique, après une assez longue lecture non prévenue. Affaire de tact, mais où l'analyse ne porte ses fruits que si elle est soutenue par une vaste culture. A n'en pas douter, la démarche inductive, qui remonte du détail périphérique au centre vital, paraîtra un acte hasardeux à ceux qui souhaitent que la stylistique soit, dans tous ses mouvements, régie par des règles infaillibles. Spitzer n'en disconvient pas. La saisie du sens et la compréhension sont, à ses yeux, inséparables d'un risque essentiel; nulle démonstration n'y conduit en rigueur. Si le savoir le plus minutieux est requis, c'est pour donner à l'enquête son assise et son matériau; c'est surtout pour l'empêcher de s'égarer dans les contresens, - chose à la fois indispensable et subsidiaire. L'image du « centre vital », de la « forme interne » laisse pressentir une réalité qui ne supporte pas d'être traitée en objet, quand bien même notre entendement aurait aisément prise
La Quimaine littéraire, 15 au 31 octobre 1966
Novi Mir sur les structures « périphériques » dans lesquelles se manifeste cette entité centrale. La revue soviétique Novi Mir publie Mais qu'est-ce donc que cette un texte insolite dans son numéro daté réalité centrale? Est-ce tout uni- de juillet et qui vient d'être mis en ment l'âme de l'auteur? Son tem- vente à Paris . Il s'agit d'un roman de Mojaiev : pérament? Sa psychologie personnelle 'r La stylistique ne serait-elle Ouelques moments de la vie de Fedor Kuschkin. Ce récit dont l'action se qu'une voie d'approche permettant déroule dans un Kholkoze reprend et de remonter de l'œuvre à l'homme, confirme la plupart des critiques que et, somme toute, l'auxiliaire dé- l'on peut adresser au mode de vie vouée d'une psychanalyse? C'est ,kholkozien : favoritisme, manque d'efficacité, etc... et trace un portrait fort bien à quoi Spitzer, d'abord, avait peu séduisant de l'existence que mèpensé. La brillante étude sur La nent dans les fermes collectives les motivation pseudo-objective chez paysans soviétiques. Même le « happy end " au cours Charles-Louis Philippe (Stilstudien, 1928) aboutissait à une défi- de laquelle le secrétaire du kholkoze remet les choses en ordre, après une nition de « l'âme philippienne » intervention énergique, semble plaquée dans ses rapports avec le moment sur le texte et manifestement suraJouhistorique. Plus tard, toutefois, tée pour que le roman échappe à la Spitzer s'est ravisé. L'expérience censure. Cette publication peut signifier que vécue est certes l'une des sources le gouvernement cherche à dénigrer de l'œuvre d'art, mais elle est les kholkozes dans le but de faire vamoins intéressante que l'œuvre: loir, par contraste, les avantages des connaître l'Erlebnis ne donne pas sovkhosesl (fermes d'Etat), mals Il la clé d'une réussite esthétique. semble plutôt que l'auteur ait choisi cette ligne de moindre résistance pour « Ainsi je me détournai des Stilcritiquer la société soviétique et aJousprachen, de l'explication des styles ter son apport au mouvement de révoldes auteurs par leurs centres affec- te que mènent les intellectuels en tifs, et tâchai de subordonner l'ana- U.R.S.S. depuis un certain temps, en derrière les prétextes les lyse stylistique à l'explication de s'abritant plus divers et dans des domaines où en tant leurs œuvres particulières la critique sociale rejoint les préoccuqu'organismes poétiques en soi, pations des autorités. sans recours à la psychologie de l'auteur. Dès 1920, j'avais pratiqué Un demi-mj1Jjard cf}.tte méthode que j'appellerais aujourd'hui structuraliste »... Cette répudiation du psychologisme, cetC'est un demi-milliard d'anciens te profession de foi structuraliste francs que l'éditeur Dell a versé à n'entraînent toutefois nullement James Jones pour ravir celui-ci à la l'abandon du « cercle herméneu- maison Scribner's. Il a ainsi acquis les droits sur les tique ». C'en ' est même la pleine validation. Aller de la périphérie trois prochains romans de l'auteur de Tant qu'II y aura des hommes. En au centre vital, opérer un va et échange, il vient de recevoir le manusvient entre des groupes de détails crit du premier de ces livres, dont et une forme interne, ce n'est dé- Jones poursuit la réalisatiqn depuis sormais plus quitter l'œuvre pour cinq ans: Go with the widow-maker. rejoindre un pouvoir mystérieux caché derrière elle: c'est chercher Bernard Malamud dans l'œuvre elle-même le principe organisateur qui en unifie les éléments. Celui-ci, pour n'être plus Le mouvement appelé « la renaissanidentifiable à la subjectivité de ce juive • à New York se poursuit. l'écrivain, garde néanmoins le pri- Bernard Malamud, l'auteur du Commis, qui est considéré comme l'un des plus vilège d'une conscience. Quelqu'un grands romanciers contemporains améreste présent: non. plus l'homme ricains vient de publier The Fixer qui d'avant l'œuvre, mais l'auteur tel transforme et élève au niveau d'un mythe une sordide histoire de persécution que le crée son œuvre. dans la Russie tsariste. Il s'agit de l'histoire d'un certain Beiliss, accusé Spitzer a ainsi voulu rendre d'avoir égorgé - à Kiev, en 1913 - un l'analyse stylistique indépendante. enfant chrétien pour mêler son sang Au lieu d'être seulement l'auxi- à des aliments rituels. Le malheureux liaire d'une psychologie, elle de- avait eu le plus grand mal à prouver son innocence. Malamud ne se sert vient un acte de connaissance de de ce prétexte historique que pour plein droit, à la mesure de l'objet échafauder une vaste construction méesthétique soumis à son jugement. taphysique. Mais, parmi les principaux Les dernières études de Spitzer ne tenants de la • Renaissance juive ", Herbert Gold (dont Le sel a paru l'an cessent de répéter que les œuvres dernier aux éditions Cal mann-Lévy) pusont justifiées moins par leur va- bliéra cette année Fathers, un roman leur d'expression individuelle, que de l'immigration aux Etats-Unis, tandis par leur qualité d'œuvre d'art. La que PhHip Roth termine un récit sur connaissance stylistique ne veut le Middle West When She was GoocI. être finalement que l'hommage rendu par le savoir à un art mieux .lohn UpcUke compris et, par conséquent, plus lucidement admiré. Jean Starobinski La rentrée a apporté en outre un nouveau recueil de' John Updlke, l'enfant prodige du New Yorker, qui, à Jean Starobinski nous informe qu'un choix trente-deux ans, commence à décevoir d'études de Léo Spitzer doit être publié un peu la critique américaine The M.... aux Editions Gallimard. Ainsi cet te Incon- sic School, dlt-()n, reste, comme ses précédents ouvrages, à l'état de pronu en France .., ne le restera pas plus messe. longtemps. Nous nous en réjouissons. 11
INFORMATIONS
HISTOIRE LITTÉRAIRE
Après Francfort Ua 'c Ke_eclF lt biea gardé
année, plus d'auteurs que de coutume, et parmi eux des représentants des tendances les plus variées, de Jerzy L'histoire de la Foire de FrancKosinsky à Jean Lartéguy, en passant fort est ''jalonnée de titres de livres. par Michel Butor qui donnait une lecl'ouvrage qui aur!! le plus marqué ture des ses œuvres. là ' réunion de 1966 est. sans doute Certes, les éditeurs se disaient raun manuscrit dont, apparemment, pervis. Certains d'entre eux qui n'avaient sonne n'a pu lire le texte intégral peut-être pas d'auteurs à montrer et que les éditeurs se sont disputé ne s'en plaignaient pas moins tout à coups de dizaines de millions: bas. La présence d'un auteur étant Death of a President de William Mande nature à rendre parfois les trac· chester sur l'assassinat du président tations un peu plus délicates et mâtiKennedy. nant de réserves aimables les discusLes 1.100 feuillets de l'ouvrage sont sions d'affaires. en effet enfermés dans le coffre de Parmi les œuvres françaises qui ont l'agent littéraire de l'auteur (c'est suscité beaucoup d'intérêt Les Belles dans le cabinet de cet agent que images de Simone de Beauvoir (qui l'éditeur anglais a été autorisé à n'avait pas besoin d'une Foire pour prendre connaissance du texte) et cela), Fibrilles, de Leiris, La Bataille seules étaient p~sentées à Francfort de Toulouse, de Cabanis, et parmi les les photocopies de 300. feuillets. Le jeunes auteurs: Forton, Chaland, Flosecret est d'ailleurs, • Look - qui a rence Asie. Gros succès aussi pour acquis les droits de presse pour le Canadien français Réjean Ducharme. 50.000 dollars. Dans la catégoire des documents, Contrairement à ce que pensaient les livres de Tibor Meray sur Budapest certains ' acheteurs potentiels, l'ouet de K.S. Karol sur la Chine, ainsi vrage n'a pas été commandé par la que la volumineuse histoire de la famille Kennedy, ' mais celle-ci a favoRésistance en quatre volumes que risé par tous les moyens sa réalisapréparent Nogueres, J.L. Vigier et tion. Jackie Kennedy, elle-même, a Degliame. Plus curieux est l'accueil passé dix heures avec Manchester favorable réservé par les étrangers alors' qu'elle n'en a consacré que deux au récit d'une affaire française: La à la commission Waren. De toute rafle du Vél' d'Hiv' par Tillard et Lévy. façon, on sait que Manchester est lié Parmi les éditeurs français satisau clan Kennedy et a suivi la camfaits des résultats de la Foire, il faupagne de 1960 avec l'Etat-major démodrait citer Christian Bourgois dont la erate. jeune maison avait déjà vendu aux D'aucuns parmi les plus dignes de Etats-Unis (Farrar-Straus) le livre de foi qui prétendent avoir pu consulter Cartène Polite, jeune noire qu'il a au moins quelque partie du livre s'acdécouverte et révélée à son propre cordent pour penser qu'il est aussi pays. documenté qu'émouvant. Chez Julliard, on se félicite de Après une mise à prix de 20,000 l'intérêt suscité par Michel Droit dollars (dix millions d'anciens francs) (tout particulièrement aux Etats-Unis" suivie d'une offre de 25.000 dollars, en Angleterre, en Allemagne et en c!est finalement .une coalition Robert Espagne), par Christine Arnothy et Laffont-Stock qui a emporté les droits par la nouvelle version de l'histoire pour 30.000 dollars (les éditions Stock des sœurs Papin qui avait suggéré sont contrôlées par la Librairie HaLes Bonnes à Genet et qui inspire chette, . ce qui signifie qu'une édition Le Diable dans la peau de Paulette Haudyer. de poche est probable à terme). Chez Albin-Michel, la collection Lettres ouvertes est déjà très demanLe. Mémoire. de Voa Sohiraoh dée et un contrat e~t sur le point d'intervenir avec l'Allemagne. Gros intérêt aussi pour la collection historique Outre cette bataille, qui a passionné en 40 volumes Mémorial des Siècles, la Foire, on signale aussi l'intérêt les pourparlers ne sont ralentis que suscité par les mémoires de Baldur par l'ampleur de raffaire, notamment von Schirach, l'ancien chef des Jeuen Allemagne et en Angleterre. Nomnesses nazies libéré de Spandau tout breuses demandes et un contrat en récemment par le jeu d'une coïnciIsraël pour Raissac Un Combat sans dence bien orchestrée. L'ouvrage sera merci .Pétain - De Gaulle. Les projets d'abord publié par le magazine . de co-édition pour La Peinture roman• Stern - en Allemagne. tique de Marcel Brion sont si avancés Dans l'ensemble, ces deux cas ilavec cinq pays, que la sortie du livre lustrent bien l'une des tendances les pourrait en être ret.ardée en France, pius marquées de cette manifestation: dans l'attente de~ signatures. la prédominance des documents et Chez · Grasset, Clara Malraux Nos des essais sur les romans. vingt ans est sûre de se voir publier en Angleterre, aux Etats-Unis et en I.talie. Les pays anglo-saxons et l'Al,leToujour. Foucault magne ont acquis les Dialogués avec le Christ de Grégoire Lemercier et En p.articulier, les éditeurs français Le pouvoir en URSS de Michel Tatu. y ont été très sensibles (le plus gros . Acquisition importante pour la succès de la maison Gallimard, à même maison: Andreas Biss, Echec Francfort, étant · Les Mots et les ·à la solution finale. L'auteur y raconte choses, de Michel Foucault, vendu en comment il a repris, dans la foulée Allemagne, Angleterre, U.S.A., Italie, de Joel Brandt, la négociation menée ' Espagne et au Japon). in extremis pour sauver les Juifs Il semble que le nouveau roman hongrois de l'extermination. ait, à la longue, quelque peu .rebuté Dans l'ensemble, on constate que les acheteurs étrangers. Certains édi· les documents et les essais ont été teurs abordaient leurs collègues frantrès favorisés par rapport àux romans. çais en leur demandant s'ils n'avaient Bien que Réjean Ducharme fasse une pas de romans • pas trop intellecimportante exception à la règle, les tuels -. Cela ne signifie pas que les œuvres romanesques ont été l'objet ténors de l'avant-garde ne trouvent de contacts plus que de ventes fermes pas preneurs - bien au contraire, car (il en va ainsi, entre· autres, pour .II s'agit là de prestige plus que de Sabatier, Londeix, Raymond Jean, commerce pour un éditeur, mais les Ragen, etc., etc.). autres romans paraissent souffrir à Les explications qu'on en donne tort de la réputation d'hermétisme sont assez diverses. Selon certains, .que vaut à la · Iittér~ture française un document se vend souvent sur l'hégémc;mie des disciples de Robbetitre, en raison du sujet plus que G·r illét. 'p our ses qualités littéraires qui exi. cê d~rrtler s'était d'ailleurs dérangé gent une lecture attentive. Pour ~'autres, les romans français souffrent pour. venir' assl~t~r ~ J'enchère. li ·n'étalt pas le seul .On signalait, cette à tort de la réputation d'hermétique.
Marcel Raymond Senancour Sensations et révélations José Corti, éd_, 256
p.
Senancour, c'est - à - dire, selon l'état civil, Etienne Pivert de Senancour, est né à Paris en 1770. Il n'était donc point Suisse, malgré ce qu'on croit couramment et malgré la qualité rare de son sentimentalisme éthique. Contemporain de Benjamin' Constant, il appartenait comme lui à une génération malmenée par' les événements, et à la fraction de cette génération que la nature n'avait pas gréée pour les dominer. Son père, contrôleur des rentes, le destinait à l'état ecclésiastique; pour y ëchapper, il s'enfuit en Suisse. Selon une autre trmlition moins ostentatoire, il ne fit simple. ment que se retirer, quand son pèJ"C fut mort, et avec sa mère, dans cette Suisse avec laquelle il se tl"OlIvait avoir des affinités aussi profondes que s'il y était né. On lira lcs pages de M. Marcel Raymond sur les cor· respondances qu'il vit se révéler entre sa propre sensibilité et, d'au· tre part, la haute montagne, les torrents, le mysticisme patriarcal des rudes et pesants bergers. M. Marcel Raymond est un des maîtres de la dissociation thématique; nul doute sur la vertu de cette critique, à condition qu'elle ne soit pas maniée par les lourdauds de la suite. De Fribourg,. où il se ~aria sans bonheur, Senancour passa et repassa la frontière, pour d'obscures affaires, durant l'époque dangereuse de la Révolution. Sa situation semble avoir été toujours aussi précaire que sa santé était débile. Il publia ses Rêveries en 1799, Oberman en 1804, De l'amour en 1806. Oberman, le plus connu des trois titres, ou le moins méconnu, est un roman'. Un roman comme on en faisait à une époque qui n'avait pas encore subi l'électrochoc de Walter Scott. Les longues analyses sinueuses, d'une délicatesse quelquefois ravissante, y tiennent beaucoup plus de place que la narration. On a prétendu que le nom du héros pourrait se traduire par surhomme, ou, pourquoi pas; par Superman. C'est absurde. Le nom d 'Oberman est celui d'un homme des hauteurs, mais seulement dans le s~ns d'un solitaire des -cimes. A vingt-deux et vingt-trois ans Senancour signait ses premiers écrits du pseudonyme de « Rêveur des Alpes » : voilà celui qu'est Oberman. Si Senancour semble à la fin de sa vie ~voir penché vers un certain illuminisme - déiste sous bénéfice d'inv.e ntaire - , il s'était nourri, d'abord comme Stendhal, de ces idéologues, les Cabanis, les Destutt de Tr~cy, qui, fort peu idéalistes, et à· la suite d'Helvétius et de Condillac, étudiaient dans la condition physique des hommes l'origine et les circonstances de leurs idées. Leur matérialisme, qui vit baisser sa faveur quand Napoléon eut achevé de percer sous Bonaparte, n'empêcha pas Stendhal de rêv:er Mme
de Rénal, de rêver Mme de Chasteller (il y a d'ailleurs, entre la tendresse de Stendhal et la n;télancolie de Senancour, comme, une longueur d'onde commune); il n'empêcha pas Senancour de ) nous laisser dans ses Rêveries ou plutôt, hélas, perdues parmi elles, quelquesunes des pages les plus subtilement et mélodieusement sensibles dc no· tre littérature. Les Rêveries procèdent, natUl'ellement, de celles de Rousseau , parues dix-sept ans auparavant. 'lVIais rétrospectivement elles les éclairent, comme il arrive si souvent 1 dans l'histoire des leures, où l'ordre et l'anarchie font bon ménage. Cepen o dant, comment dire, Rousseau .rêve plutôt sur Rousseau, personnage singulier, et Senancour rêve ]Jlu~ôt sur la singulière rêveric de Senan· cour. Si l'un des titres, tout au long, est Les Rêveries du promeneur solitaire, l'autre est Rêveries sur la nature primitive de l'homme. L'ouvrage, par chance, retient mieux que n'attire ce titre inquiétant. Comparé au premier, il lui manque néanmoins un peu d'égarement (encore que la nature sauvage de toute rêverie s'y laisse entrev oir), et, certainement, du génie . . M. Marcel Raymond a une manière nuancée d'accorder le génie à Senancour tout en le lui refusant. On l'appellera peut-être, dit-il, un génie manqué: formule acceptable, ajoute-t-il, à condition de ne pas trop presser le sens du mot génie. Un critique qui a dépisté le Secret d'une âme avec autant de patience, de pénétration et de dévouement doit reconnaître en elle une part de ce génie dont ne manque aucun être hp.main qui ' ne soit pas une bête. Dans un autre sens: Senancour avait des vues sur le génie, mais il n'avait 'pas les moyens de ses vues. Manqué: mais nOn pas .manqué, puisque après si longtemps nous pouvons encore nous demander s'il fut vraiment manqué . De cet homme qui ne risquait aucuneme!1t de lui porter ombrage Sainte-Breuve n 'a pas mal parlé_ Opposant Oberman à René, il suggère que le second avait une fougue trop carnassière pour tcnir longtemps son personnage ; tanùis que le premier... Après tout, a~ouait Senancour, est-il donc si néce~sai1"e de réussir? Sainte-Beuve, encore, cite Vinet ( toujours la Suisse) ~ comparant au génie de René l'esprit d'Oberman, ...:..-. et ·il commente ce dernier mot d'une manière qui me paraît ridicule. « Esprit », ici, n'est pas pris dans le sens où l'entendait, pari exemple, Stendhal, mais dans celui de spiritualité. Passez-nioi ce mot; il sert d'ordinaire à de' fins si suspectes qu'on hésite à l'é~ ire: n'est-ce pas lui, pourtant, ' pris comme il faut, qui .aide à situer le livre de M. Marcel Raymond, lequel, une fois de plus, réponœ parfaitement à ce qu'attend de lui la constance de ~ lecteurs ? Un regret seulement, - celui des illettrés que nou~ ~mmes toU!!._ Certes il . n'eût p~s fallu' alourdir cet essai dont la Jigne est sil pure
et la pointe si aiguë; mais un second tome tout documentaire nous aurait été bien utile. Une biogr.aphie un peu développée, et des extraits de l'œuvre amples et nombreux. Le vieux recueil des Plus belles pages du Mercure est introuvable depuis longtemps; seule l'étude de Gourmont a été reprise dans une réé di-
rique dans le goût de l'époque: la Poésie conduisant ·le Moraliste par la main. Même notion,. mais hlversée, moins roucoulante, plus énig,matique: l'ai désiré la seule tristesse qùi pût me conduire à la joie. Ceci enfin, où il faut voir une confidence en même temps qu'un aveu, confidence de la recherche,
• • • • • • • • • • • Comme.
de résignation en 1797. c'est gai! Il avait déjà derrière lui • les trois seuls ouvrages où nous. puissions retrouver aujourd'hui,· non sans tatonnements, l'accent orl. • ginal d'une voix. Après quoi il vi- .. vota, donnant aux libraires des. livres aux titres véritablement en- • gageants, comme Libres méditations • d'un solitaire inconnu sur le dé- • tachement du monde et sur d'autres • ob jets de la morale religieuse en 1819, comme Résumé de l'histoire. de la Chine en 1824, comme Ré~ • sumé de l'histoire des traditions.
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"Une romancière qui a sens remarquable du suspen ... e mis au service d'un tragique, et l'on pourrait presque dire d'un fantastique social, qui est à l'image des plaies les plus profondes et les plus honteuses de notre temps".
Maurice Chapelan (Le Figaro Littér-aire) "Un livre âpre et tendre, un livre d'espoir et de confiance en l'homme quand même".
Roger Giron (France-Soir) "... Un récit aisé et nerveux, des dialogues brusques et parfois brillants, une atmosphère captivante et des notations morales qui vont souvent assez loin".
Pierre-Henri Simon (Le Monde) "Je souhaite au roman de Mme Arnothy de conquérir, pour lecteurs, quelques-uns de nos riches adolescents de 1966. Il leur inventera une mémoire"
François Nourissier (Les Nouvelles Littéraires)
•
tion récente des Promenades littéraires. (Reste à connaître l'attitude de M. Marcel Raymond envers Gourmont : ils ne paraissent guère apparentés.) Piquons dans l'épilogue de M. Marcel Raymond quelques citations où résonnent à la fois l'écho d'une cadence et les cadences murmurées . d'une méditation. La joie est semblable au parfum des roses qui n'est jamais plus constant et plus suave que dans des lieux faiblement éclairés. On imagine une figure allégoLa Quinzaine littéraire, 15
;:;::: chez les divers : Cependant il reprenait ses Rêve- • ries, pour les remanier sans cesse. L 'histoire est étrange ; elle rappelle celle' du Chef-d'œuvre inconnu, à ceci près que le travail a le tort de subsister: nous gardons peu d'espoir d'y découvrir un éclat tardif et fulgurant. Formait-il confusément l'idée du « Livre» de Mallarmé? Ou celle d'une Recherche du temps perdu qui eût fait naufrage? Encore une fois, il ne disposait pas. des moyens de son idée. l'ai entre les • mains, note Gourmont, un témoi- • gnage de sa manie et de son inquié- • tude. C'est un exemplaire des troi- • sièmes Rêveries préparé par lui- . ' même pour une quatrième édition • et qui contient douze à quinze cents • notes et corrections, quelques-unes •• assez longues, mais presque toutes • insignifiantes, ne marquant que. d'insaisissables nuances de style ou • 'MIL d S I . de pensee. e e enancour, a fille de l'auteur, a collaboré à ces : changements, en recopiant · sur • d'étroites bandes de papier, collées. aux endroits voulus, l'écriture trop. incertaine du vieillard... Le roman • même d'Oberman devait être mis • en pièces détachées qui eussent· trouvé une nouvelle destinée au seiri • de ce collage; c'est Sainte-Beuve, : paraît-il, qui le sauva. • En 1840 Senancour réunit quel- • ques jeunes amis pour fêter une • réédition d'Oberman qui venait de • sortir chez Charpentier avec une : préface de George Sand. C'était. dans le restaurant qui devait, à la • porte du Sénat, devenir le Foyot des. alilarchistes; avant qu'un incendie • ne le déttuisît. Il y avait là George • Sand elle-même, Sainte-Beuve qui· avait préfacé la réédition de 1833, • • Philarète Chasles, sur 1eque1 Clau-. de Pichois récemment nous a tant. -appris (et qui le premier, avant • Baudelaire, appela Balzac un vision- • naire). Senancour se montrait si • compassé - sa province, dit Gour- • mont, était la S(Jlitude - qu'aucun. des convives n'osait parler: le plus. • morne des ennuis. .• En 1846 personne ne fut averti • de sa mort. On l'enterra à Saint- • Cloùd. C'était en plein mois de jan- . : vier. Tout ce qu'il faut pour appri- • voiser l'idée . de la mort. Un seul • ami se trouva là pour l'accompa- • gner, comme il eût. dit sans doute, • à la dernière demeure. Rendons un • hommage à sa fidélité: il s'appelait: Ferdinand Denis. •
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aveu de l'échec: le ne sais point de langue commune entre le chétif et l'Infini, entre nous qui passons et la Permanence inconnue. Senancour mourut en 1846, ayant traîné durant trois quarts de siècle une existence moins orageuse qu'embrumée, moins $inistre que morose. Dans cette moitié de ma vie, écrivait-il dès 1809 (il ne supputait pas si mal), je cherche vainement une saison heureuse, et je ne trouve -que deux semaines passables, une de distraction en 1790, et une
31 octobre 1966
Samuel S. de Sacy :
JULLIARD
FIGURES
Le Grand Transparent Le voilà, déchirant d'impassibilité. Qu'est-ce que ça veut dire une crise d'asthme? Depuis longtemps, il respirait mal. Manquant d'air il est mort d'angoisse. Rien d'autre que l'élimination de la cause de cette angoisse eut pu le sauver. Peut-être une grève générale, une Commune à l'échelle mondiale réussissant à abolir le Pouvoir sous toutes ses formes. Il eut aussi fallu que « la vie et la mort.. . cessent d'être perçues contradictoirement », plutôt comme des changements de vitesse. Certes, à un instant donné, le cœur et la pensée s'arrêtent, c'est la mort; mais n'est-ce pas là un état qu'on peut désigner autrement et plus ou moins consciemment rechercher?
C'est par un formidable échafaudage de contradictions que sa pensée morale a contribué à l'incontestable grandeur qui fut la sienne. Ses contradictions, d'une rigueur exemplaire, devinrent celles du Surréalisme. Au sommet de l'échafaudage, ou bien à ses fondations, il y avait l'instinct de mort et ses interdits. Je pense au piège archaïque, mais souvent mortellement efficace, de l'organisation ou de l'institutionalisation des mouvements révolutionnaires. Je pense à l'abîme interpla. nétaire de la folie qui est le seul « cadre» où puisse se dérouler, à
Jarry, l'étaient par contre. Têtes de planeurs. L'effort de continuité qui s'impose maintenant, il serait indigne de Breton qu'il prît la forme de l'imitation ou de l'idolâtrie. A pré. sent c'est à nous de nous opposer par TOUS les moyens, légaux ou illégaux, au comble de l'aliénation qu'est le divorce entre la pensée et l'acte. Penser ce qu'on dit est déjà un luxe dangereux dans le contexte social où agir selon son désir constitue l'Utopie subversive par excellence. Comment Breton eut-il pu se satisfaire de la pérennité conquise par lui dans le domaine poé-
sa souveraineté. La perception exige d'être repensée en fonction de sa tâche: l'idée de réalité n'est pas fixe à plus forte raison celle de surréalité. Cependant que serions-nous sans les solutions apportées par Breton à quelques énigmes fondamen· tales? Ne serait-ce que pour les mettre en question - dans le cas de l'amour unique et de certaine orientation de l'arl actuel les propositions de Breton nous ont été indispensables. Sa vision du monde, en raison de sa puissante affectivité, était incompatible avec toute espèce de résignation. Alors que tant de ses premiers compagnons ont suc-
Pourquoi y retourner. Non, comment n 'y retournerais-je pas, à Lariboisière ? Ecrasé, je veux le revoir . Je veux tenter de saisir du regard encore quelque chose de lui. Sa mort, à l'hôpital, comme un voyage organisé, tous les détails en ont été réglés. J'essaie de le dessiner, ma main tremble. Pour la première fois depuis très longtemps j'éprouve le besoin de dessiner quelqu'un, là devant moi. Lui, flottant sur un fleuve invisible. Est-ce cela le ruisseau calomnié? L'océan sans pro· fondeur? Il a changé. Hier après-midi il réfléchissait, ne voulait pas être dérangé. Plus tibétain que jamais. 30n front était froid, dur. J'avais posé sur les fleurs l'image du crâne aztèque en cristal de roche. Aujourd'hui, non seulement sa barbe a légèrement pou~sé, mais il semble rompu. Son regard, bien que fermé, n'est plus le même. Quelqu'un a glissé dans la poche de son pyjama, sur le cœur, l'image du crâne de cristal. II l'emportera. C'est le dé· part du Grand Transparent. Que dire d'un homme que l'on a passionnément aimé pendant quinze ans, avec qui le contact affectif direct n'a jamais été interrompu en dépit des querelles et des transmissions défectueuses? Nous convenions ensemble de ia permanence de ce contact rue Fontaine. devant chez lui, lors de notre dernière conversation. En mai dernier. à l'occasion de nos ennuis avec la police, son appui a compté pour beaucoup dans notre fermeté. M'est-il possible de considérer cet homme objectivement? Concerné de très près par ses écrits et ses gestes, mais plus encore par sa manière de sentir, je le voyais seul capable d'incarner l'idée de justice - encore que pas toujours infaillible, ni sans appel -..,. à tel point que comme beaucoup des siens je me suis surpris souvent en train de me demander ce qu'il penserait de tel acte, de telle décision parfois intime. Un ami m'écrit avec une impitoyable lucidité qu'il faut maintenant savoir se passer du « père ». Breton et Péret sont enterrés au cimetière des Batignolles que longe la rue Saint-Just. 16
And,..; Breton . photographies de Liifti O=!cok
l'abri de toute censure, une activité créatrice authentique. Il s'agit de n'y pas tomber mais d'avancer pas à pas sur la corde raide ou alors de risquer le saut d'Eros et de la mort. Je pense à Claude Figus qui fit de l'Arc de Triomphe une cuisine en y faisant cuire sur la flamme deux œufs dans une poêle. Il s'est donné la mort. comme le grand Jean-Pierre Dupréy qui, lui, avait transformé en pissotière ce monument inutile. Je pcnse à œ jeune homme croisé dans la rue ce matin qui portait au dos de sa veste l'inscription JE SUIS LIBRE. Un beatnik 't Il n'avait pas les cheveux longs. Ceux de Breton, d'Artaud, de
tique alors' que ce domaine est interdit · à l'homme el qu'il a peu de chance qu'il cesse de l'être dans un proche avenir? Les temps ne sont plus à l'optimisme. Certains mots d'ordre d'hier sont aujourd 'hui suspects. La permant'ntc nécessité révolutionnaire n'est pas en eausc, mais sa technique ct son lan~age le sont. Certaines fat;ades sont de· venues transparcntes à l"usagt-. ccrtaines parois cartonnées (entre la « gauche» et la « droite}J. par exemple) ne font plus illusion. Les idées-force des années tn"nte ne sont pas celles de notrc génération, l'ère des hallucinogènes nous pose diffé· remment le problème de l'être et de
combé à l'industrie, par goftt du Pouvoir, comme Aragon, ou par goftt de l'argent, comme Dali, lui s'est montré irréductible. C'est là qu'il laisse un vide inouï, c'est par là que la relève peut et doit être assurée. Une radicale transmutation des valeurs s'impose à nouveau. en prt'. micr lieu cclle de la \ nlt'ur LIBERTE. Ellc est en cours, St'crt-tement et profondémellt th-puis toujours, mais c'est Brcton lJui l'a rcmise en marchc. « Il faILt changer If> jell,
non pas les pièces du jeu. » /ean-lacqILf>:s Lebel
Le surréalisJD.e, deJD.ain Breton de son vivant n'aura cessé d'entendre dire que le surréalisme était mort. Lui mort, la plupart des hommes de culture tiennent à reconnaître au surréalisme une sorte de vie : le surréalisme serait en nous tous, ou nous serions spontanément en lui. Cela n'est pas tout à fait faux, c'est vrai pourtant de sa part la plus périssable, fût-elle au musée (car il aura été aussi une école, une époq~e , une mode). Pour l'essentiel, il importe toutefois de dissiper ces illusions, selon lesquelles il est d 'ailleurs aisé de voir que le phénomène, assimilé, serait sans avenir. Le surréalisme en effet n'est pas mort. C'est qu'il est immortel, peut-on dirc sans risque d'erreur. Mais il n 'est permis à personne de le tenir pour l'éalisé en quoi que cc soit. Il demeure un projet. Commc la liberté. Plus précisément, il est désormais, comme elle, un hesoin de l'esprit (et peut-être, en son fond , ce besoin même qu'elle est, simple et premier). Besoin fait de la réunion de tous les besoins possihles de l'esprit, et voué par suite à l"éapparaÎtl"C sous des fmmes indéfiniment nouvelles en réponse aux développements, aventures et détours euxmêmes imprévisibles du travail spirituel, de l'action historique et dc l'évolution des mœurs. Mais il faut ici s'arrêter. Au fond_ le,; différentes activités des hommes n 'on t jamais été prises au sél"ieux. parce qu'elles se sont toujours ignorée,;, s'accomplissant chacune dans sa sphère , à des distances infin ies les uncs dcs autres, d 'un homme à un autre aussi bien que da us le même homme . Nul artiste, nul poète, nul prince. nul h Ulllori,; Lc, nul pl"op hète. nul am ant . nul philosophe - nul philosophe m êm e - n 'a tenlé d 'abolir la distancc qui lc séparait ainsi dc lui-mêm e. le réduisaut à 11 'être que le spécialiste de l'unc de scs facultés, le travesti de l'un de ses visages. Il y euL cependant un momcnt de l'histoire humaine où des exigences qui 11 'étaient pas nouvclles, qui fUl"cn t au contraire toujours vivantcs, llwis qui toujours parurent entre ellcs inconciliables - et il faut voir cn cette séparation la brèche l>ar où p urent de tout temps s'engouffrer dans les vies les cendres de toute tristesse et de toute honte, de toute complaisance et de toute bassesse - il y eut un moment où ces exigences se trouvèrent désignées, au mépris de la vraisemblance, dans la lumière du paradoxe, comme une seule et même exigence, et l'essèrcnt en effet d'être contradictoircs en principe. Bien mieux: aucune dès lors n'était plus légitime que dans leur réunion ensemble. Alors se trouva en vue, et cette inoubliable vue ne peut plus être niée que par mensonge, la possibilité d'un homme enfin unifié, remembré, capable de mettre en jeu l'ensemble de ses facultés comme une faculté unique : un homme irréductible enfin. Ce moment est lé moment surréaliste. Il n'est pas un moment d'utopie. Sa vérité, sa réalité ne
poids peut-être encore plus lourd la même équivoque~ Dénoncer partout où il s'en trouve (il s'en trouve partout) les traces de l'ancienne morale, cela est « moral D encol"C~ semhle-t-il. Pourtant ce que Nietzsche nomme « nohle D, et que Georges Bataille, après lui, redonnant tout son sens à la notion incertaine de volonté de puissance, nomme souveraineté, cela est-il d'ordre moral ? Evidemment non, et la souveraineté de Bataille procède indiscernablement du surréalisme et de Nietzsche. Ou encore: Ne pas faire deux (ou trois) parts de sa vie (la poétique, la politique, la pratique), cela est-il d~ordre moral ? C'est ce qui permet d'éviter la pire tristesse, où plus rien n'a de prise. Ou encore, décider qu'il est impossible d 'être à _~'.:J...sr...~ J1I ....<llI.~f'"JI'. , ....... .,.,. la fois un écrivain authentique, et chrétien, cela est-il d 'ordre moral ? Georges Masson : Portrait d'André Breton, 1941. Mais si pour un chrétien le drame pour l'essentiel est déjà joué, la vépeuvent être mises en doute, et cela De là encore la place unique où rité pour l'essentiel déjà connue. pour une raison majeure, où il faut s'accomplissent la passion, la con- , qu'a-t-il à faire d 'écrire, et pourquoi voir l'absolue originalité du surréa- naissance, et s'exerce le jugement découvrir ? lisme . Parmi tous les mouvements surréalistes en général. Par les fils de pensée, par opposition à eux, le dont il a su relier entre elles les Bref, ce qui, par dessus les m asurréalisme n'est pas un système, différentes démarches intellectuel- lentendus ou les désaccords simplene comporte aucun corps de doctri- les, aussi bien que celles de ment littéraires, rend compte de ne, n'a pas de Livre à lui, n'apporte l'action politique, et jusque celles l'acharnement mis par des hommes aucune vérité nouvelle, pas même de la vie dite privée, le surréalisme d'esprit à combattre le surréalismt', un nouveau concept (le mot surréa- a acquis droit de regard sur une c'est d'abord la résolution surréalislisme lui-même, indépendamment totalité dont il occupe le centre, et te de donner aux activités de l'esprit du sens dont l'histoire l'a chargé, est hors de laquelle ne peut plus guère une dignité quelles n 'eurent jamais. un à peu près : le surréalisme vise prétendre au statut de domaine ré- Le surréalisme en cela fait 'honte, et la vie réelle de l'homme, ce qui servé que l'espace du quant à soi ne saurait renoncer sans se dissoun 'est pas «' surréaliste » végète dans mesquin, insignifiant. dre à produire cet effet. Toute conl'illusion, les aliénations, les idéacession faite à l'état de choses (ou, lismes, est irréel). Il n 'est pas un Pour en rester à la définition élé- c'est tout mi, à l'ancienne morale) message qui s'ajouterait aux messa- mentaire de ce qui fait du ,surréalis- entrave l'irruption, dans la vie, du ges sans nombre sous lesquels a me, aujourd'hui encore, un projet, principe poétique, et comme il n'est pensé suffoquer la pauvre humani- sommation et promesse intéressant plus question de « vivre en poésie », té depuis qu'il y a une humanité, et tout homme que le hesoin d'échap- à part de la vie, est une atteinte qu'elle s'adresse des messages. ' En per à la servilité redresse, ceci en- portée à la poésie même. C'est très cela il est le message moderne par core: justement que le surréalisme n'a excellence - seul à répondre à l'inEn ces jours où la disparition cessé d'être ombrageux sur ce point. jonction difficile de Rimbaud : il de Breton provoque le rappel des La soumission (la trahison) d'un faut être absolument moderne. ruptures et des brouilles qui mar- seul écrivain est le signe et la cause Absolument, définitivement moder- quèrent le mouvement, vouées à d'une régression qui dépasse sans ne, sans risque que demain quoi que finir dans ces tristes réconciliations mesure la question de sa perdition ce soit de plus moderne que lui d'outre-tombe qui rendent la mort ou de son salut propres, évidemsurvienne, le surréalisme l'est en même plus définitive par leur uni- ment négligeables. effet. Il n'apporte aucune vérité latéralité trop flagrante, on peut se nouvelle : il restitue à toute vérité demander, tout rappel anecdotique à Enfin, et cette raison est étroiteancienne (tous les souvenirs im- part, comment le surréalisme en ment liée à la précédente, Breton mondes effacés) et donne à toute vint à susciter contre lui la hargne aura donné l'exemple impérissable vérité future leur possiliilité d'être toujours virulente dans une part im- d'une activité intellectuelle de groureçues et vécues comme vraies. De portante de la classe intellectuelle. pe, d'une écriture collective, d'un là son indestructibilité si remarqua- C'est d'abord, à n'en pas douter, en communisme de pensée. Seule ble, si offensante pour beaucoup. raison du principe selon lequell'ins- l'existence d'un groupe (et Breton C'est son malin génie que de n'avoir tance surréaliste s'adresse à la tota- l'a si hien compris qu'aux pires pas de vérité à lui. A cela tient le lité des sentiments, des pensées et moments il n'y a pas renoncé) poumalheur de ses détracteurs, qui ne des actes de chacun, comme il a été vait - peut donner à l'i~ée surpeuvent l'attaquer sans mettre à dit plus hilUt. Il ne se peut pas réaliste l'autorité à , laquelle un mal leurs propres raisons. q:u'un tel investissement de l'hom- homme de pensée, quel qu'il soit, De là aussi l'impossibilité que le me entier ne donne lieu à .des sur- ne pourra jamais prétendre. En surréalisme ne survive pas à Breton. sauts d'impatience, à l'encontre quoi se trouvait aussi rahaissé le Une exigence est née avec lui, qui d'un ensemble d'interdictions et mythe de l'artiste solitaire et gédépasse infiniment sa personne, ses d'obligations où l'on retrouve en nial, détenteur reconnu des moyens écrits, comme aussi la personne et effet toutes les apparences d'une mo- d'expression - et contrecarrée la les œuvres de tout autre surréaliste, rale. Pour écrasante que soit l'équi- facticité qui guette le plus pur, le selon ce qu'il a lui-même voulu voque, e t malgré certains écarts évi- plus profond, le plus rigoureux d~s avec une opiniâtreté, un désintéres- dents, peu nombreux, rien pour fi- hommes, s'il est seul à prendre sur sement et une lucidité également nir n 'empêche de le voir: c'est la lui le destin des hommes, leurs déadmirables. C'est précisément au non-morale absoLue du surréalisme sirs et leurs rêves. En cette exigence cas où il faudr~it un jour ramener qui passe pour uue nouvelle morale. d'une activité intellectuelle de groule surréalisme à la personne et à Et il est vrai que la « morale » de pe se trouve l'un des seuls correctüs l'œuvre écrite de Breton, que la non-morale absolue est la plus visibles de la prodigieuse impuisl'échec de son œuvre véritable de- impardonnable. Ainsi en est-il aussi sance de l'esprit dans le monde. DionylJ MtJllColo de Nietzsche, sur qui pèse d'un vrait être constaté.
La Quinzaine littéraire, 15 au 31 ,octobre 1966
ART
Une géoDlétrie de la nature Vasarely Textes et maquette de V . Vasarely Ed. du Griffon, 196 p. R. L. Gregory L'œil et le cerveau La psychologie de la VLswn · Hachette, 256 p. L'op-art n'est pas amencain. Il ne saurait se résumer, d'autre part, à la géométrisation sommaire à laquelle, des boucles d'oreilles carrées aux damiers des pâtes Lustucru, le ramène son utilisation industrielle. Deux ouvrages, l'un réalisé par Vasarely et consacré à son œuvre, l'autre exposant les principaux problèmes de la vision, viennent de le rappeler à un public et à une critique qui confondent trop souvent la création des styles avec les modes et les engouements. Dès la fin de la dernière guerre mondiale, en effet, Victor - Vasarely' artiste d'origine hongroise vivant à Paris, coupait court avec toute forme de peinture figurative pour poser les premiers jalons d'un art purement optique. Il avait été frappé, lotsqu'il y attendait chaque jour le métro, par les craquelures des carrelages blancs de la station Denfert-Rochereau. Il avait examiné pendant de longues journées également les cailloux, les coquillages, les remous sur les plages où il passait ses vacances. « Dans les galets, dans les morceaux de verre des bouteilles brisées, polis par le va-et-vient rythmé des vagues, remarque-t-il, j'étais certain de reconnaître la géométrie interne de la nature ».
Nombre des tableaux de Vasarely exploitent cette indétermination. Comme Hommage à Malevitch, par exemple, que l'artiste peignit entre 1952 et 1958, où la figure centrale qui semble, au premier abord, représenter un losange, -est en fait un carré pivotant sur sa diagonale, qui ne peut apparaître autrement que dans une infinité de visées ' virtuelles dont aucune, jamais, ne demeure assignable. Il en résulte une esthétique fondée sur les distorsions perceptives. Alors que la tradition utilisait la géométrie à créer une spatialité unitaÏi'e propre à harmoniser les mécanismes de la vue avec les don- nées culturelles, narratives, mythiques, tout possède ici pour fonction de pousser ce mécanisme à la limite de l'éclatement. Le sens de chaque œuvre cesse de résider dans son thème pour s'infiltrer au sein de la légère brèche ouverte par ellè entre l'œil et le cerveau, pour y tendre à l'extrême la sensibilité. A l'opposé de Delacroix, mais à l'opposé aussi de la sensualité douceureuse qui affadissent les Carrés d'Albers ou des rayures polychromes sans force picturale qu'exécute Kenneth Noland. Sa démarche, cependant, en même temps qu'elle rendait caduc le fallacieux antagonisme de la forme et du fond, devait bientôt
velle source poétique », écrit-il. « Porté par les ondes, je fuis en avant, tantôt vers l'atome, tantôt vers les galaxies, en franchissant les champs attractifs ou repous· sants. L'Univers ne serait-il qu'une grandiose équation? » Au terme d'une longue suite de recherches, il allait donner des Œuvres cinétiques profondes composées de deux plaques de verre parallèles, distantes d'une vingtaine de centimètres dont les formants visuels se groupent et se modifient au fur et à mesure de notre déplacement. Ainsi il recréait la gamme entière des moyens plastiques, de l'expression du volume à celle de la profondeur, de l'ombre, de la lumière. Il l'enrichissait de possibilités nouvelles telles que le relief, la transparence, l'inversion des plans selon ce qu'il appelle le système des structures binaires permutables. Il en arrivait à mettre sur pied une véritable combinatoire rendant possible, par l'emploi de solutions de base, l'intégration architectonique des arts. Du point de vue optique, ces dernières recherches reposent pour l'essentiel sur les figures « gestantes » qui - comme les flèches de Muller-Lyer ou l'illusion de l'éventail décrite par Hering constituent des ensembles dont les éléments contraignants sont implici-
Il ne s'agissait pas de subs~ituer à la femme nue ou au petit chien traditionnels des ronds, des ellipses et des rectangles. Quelque chose de beaucoup plus important se jouait: l'élaboration d'un système nouveau destiné à remplacer celui, usé, de la perspective albertienne correspondant à l'illusionnisme de la Renaissance. Le peintre demandait à ce système de donnèr à voir le réseau à la fois compact et subjectif qui constitue la réalité matérielle. Car la vision, dès son niveau strictement organique, introduit une spéculation où s'articulent des éléments aussi bien perçus qu'imaginaires, selon ce que montrent les expériences de la psychologie contemporaine. Loin de fournir au cerveau une image directe du monde extérieur, ene lui apporte les informations à partir desquelles se vérifient les conjectures que nous formons sur ce qui manifeste sa présence autour de nous. Il peut se trouver, en particulier, qu'il devienne impossible à l'œil de se décider entre plusieurs hypothèses visuelles, comme dans le cube de Necker dont les faces antérieure et postérieure alternent sans qu'on arrive à les fixer plus de quelques fractions de seconde dans l'espac~. 18
--:rasarely: Cita 102, 1964.
amener le peintre à envisager un art cinétique capable d'exprimer avec une acuité accrue les rythmes et le dynamisme de notre civilisation. La lecture de nombreux ouvrages sur la relativité, la théorie des quanta, la cybernétique l'avait fortement ébranlé. « La physique pure se révélait soudain devant mes yeux éblouis comme la nou-
tes, ce qui justement en facilite la mobilité visuelle. Elles font intervenir la « constance de taille », liée à la perspective, que notait déjà Descartes, mais faussée du fait que Vasarely joue sur les deux dimensions de la surface plate. Elles lui permettent de porter à son paroxysme le phénomène de distorsion perceptive sur lequel est fondée sa peinture.
Les artistes de la première génération abstraite, au début de notre siècle, légitimaient leur entreprise par une idéologie d'inspiration spiritualiste. Ils 1 avaient décidé de tourner le dos au mond~ moderne qu'ils jugeaient décadent de telle sorte qu'il n'y a pas un trait de Mondrian ou de Kandinsky qui ne se réclame de l'absolu, de l'âme, des valeurs de l'esprit. Vasarely, au contraire, bien que son œuvre ne découle jamais de l'application de schémas théoriques préalables, est le premier peintre de l'âge scientifique. « le ne peux plus admettre un monde intérieur et un autre extérieur, à part », ajoute-t-il encore dans son livre. « C'est à partir d'lm unique milieu tourbillonnant que se différencient les choses et les êtres, l'homme même, avec un aspect tantôt matériel, tantôt ondulatoire, ou, si vous le préférez, avec un aspect tantôt physique, tantôt psychique. Les langages de l'esprit ne sont que les supervibrations de la grande nature physique ». Le symbole de sa tentative, il faut le voir dans la bande de Mobius dont le dehors et le dedans communiquent suivant un entraînement sans fin. Nous sommes, en définitive, très proches et très éloignés des minijupes à carreaux, des bottes futuristes, des lunettes cannelées. L'ouvrage de Gregory, par le truchement -du problème de la vision comme celui de Vasarely comptent panni ceux qui dirigent leurs efforts vers la compréhension de notre modernité. Et s'il s'agissait de décorer une Faculté des sciences ou un Centre de recherches spatiales, c'est bien à Vasarely qu'il faudrait le demander plutôt qu'à un adepte lointain de MichelAnge. lean-Louis Ferrier
Ceux qui sont devenus des dieux Jacques Soustelle L'Art du Mexique ancien 206 photographies 42 cartes, plans et dessins. Arthaud éd., 352 p. L'archéologie mexicaine apporte sans doute à M. Jacques Soustelle une consQlation à ses déboires politiques. C'est un domaine d'où il n'aurait jamais dû s'écarter, le seul où nous pouvons le suivre avec in· térêt. Le grand ouvrage qu'il vient de consacrer à l'Art du Mexique ancien montre que les civilisations disparues le mettent plus à l'aisl' quc les nations naissantes. Le livre, remarquablement illu ~ tré par IE'..5 photographies de Claud,' Al'('haud et F. Hébert-Stevens, est une mise en ordre, autant que possiblc historique, . des connaissance~ lentement acquises sur l'art de cc~ civilisations, si difficiles à sortir dr l'ombre où devaient les plonger le;, dcstJ'uctions successives, les écritures en partie indéchiffrées et ta nature dévorante qui a englouti sous ses jungles leurs cités E'n ruines. Il a fallu quarante années de fouilles, de 1905 à 1945, pour par" venir à dégager, au nord-est de Mexico, (( la l'ille de èeux qui sont devenus des dipux )1, Teotihuacân. avec ses imposantes pyramides, son temple et sa citadelle. Olt nc connaissait rien de la peinhtrc maya de la pélj.ode classique avant la dé~ couverte, en 1933, des fresques d'Uaxactûn. Cellcs de Bonampak ne furent trouvées qu'en 1946_ L'art olmèque était à peu près inconnu avant 1938, et c'est en 1952 que fut mise au jonr la crypte du Temple des Inscriptions, à Palenque, àvec son magnifique sarcophage de pierre sculptée. Enfin, c'est seulement en 1956 qu'on découvrit au Yucatân la plus importante des cités mayas, Dzibilchaltûn, dont les vestiges révélèrcnt une étendue de 50 kilomètres carrés. On peut ainsi espérer que la terre mexicaine livrera encore bien des aspects inconnus de ces civilisations fascinantes, dont la puissance {ut longtemps insoupçonnée. et dont les croyances étranges, souvent mêlées à des cultes atroces, se reflèt~nt dans un art somptueux et austère. Grâce aux œuvres, toujours anonymes, des sculpteurs de bas-reliefs, des peintres de fresques et des auteurs de manuscrits idéographiques, le déroulement historique de certaines périodes a pu être reconstitué eil même temps que certains faits précis concernant non seulement les religions, mais aussi les modes de we, de gouvernement et d'administration, les guerres et les richesses de la plupart de ces théocraties qui apparurent et disparurent entre le dêbqt de notre ère et le XVIe siècle. Le syncrétisme religieux et artistique partout y domine et si, d'un pays à l'autre, d'une époque .à l'au~, 1es idées et les formes d'art ont pu changer, elles ont toujours conservé. 1!'8 caractères essentiels d'où Je dégag!, une impressionnante
wh!. La
Quinuine littéraùe, 15 au 31
Le Pl"incipe des grands ensembles architecturaux, comprenant des groupes d'édifices, des palais, des temples, une ou plusieurs pyramides surmontées d'un sanctuaire, des stèles ornementées, et l'inévitable jeu de paume, se retrouve à toutes les époques et à travers toutes les régions du Mexique. La première pyramide connue, celle de Cuicuilco, date du IV' siècle. Plus d'un millénaire plus tard on en construisait encore puisque c'est entre 1483 et 1487 que les Aztèques édifièrent
témoigne ,d u haut degré de culture où 'avaient atteint ces civilisations. Une des plus lointaines, celle des Olmèques, dans les premiers siècles de notre ère, possédait déjà son système d'écriture hiéroglyphe, ses centres urbains, ses pierres sculptées. C'est à Tres Zapotes qu'on a trouvé la stèle portant l'inscription la plus ancienne et qui a permis de la dater: 31 apr. J.-C. Si le symbolisme olmèque nous est demeuré indéchiffrable e~ sa mythologie mystérieuse (cultes du jaguar, de
re où la vie semble s'infiltrer dans une sérénité mortuaire, masques en serpentine, "incrustés de turquoise et d'obsidienne, et qui vous regardent d'un insoutenable regard de leurs yeux de nacre. Les Mayas, mieux connus, et dont la culture, par son éclat e~ son rayonnement, a dominé l'histoire mexicaine entre le IV· et le IX' siècle, occupaient un vaste territoire qui, du Yucatân, s'étendait, au Guatemala, au Honduras et au Salvador_ Bien que leur pays présentât
Mur du 'emple de Guedalcool', TeorihU(Jciin, Mexique.
la leur au centre de leur capitale, Tenochtitlân, que les Espagnols firent raser en 1521 pour construire sur ses ruines la ville de Mexico. Ces monuments prenaient parfois des dimensions colossales : la pyramide du Soleil, à Teotihuacân, atteint 63 mètres de haut. Pourtant leurs constructeurs ne possédaient ni bêtes de trait, ni véhicules à roues, ni instruments de métal. L'énergie dépensée à sculpter' la pierre n'est pas moins confondante: les stèles de Quiriguâ, entièrement décorées de bas-reliefs, pèsent jusqu'à 50 tonnes. Mais même dans. ces travaux où la puissance créatrice semble dépasser les fa:cultés humaines, le raffinement de certains styles
oc'obre 1966
l'enfant), du moins pouvons-nous reconnaître la trace d'un peuple évolué dans ces œuvres admirables que sont les grandes têtes monolithiques de La Venta et les figurines en terre cuite de Chupicuaro que leur élégance et une nuance d'humour ont fait surnommer « pretty ladies:Il. Les unes et les autres démontrent la liberté avec laquelle les Ill'tistes associaient la stylisation décorative au plus saisissant réalisme. Entre 400 et 700, ëest-à-dire plusieurs siècles avant l'œuvre des grands sculpteurs occidelitauxde l'époque romane, l'art « classique» de Teotihuacân av.aÎt déjà prodùit ses chefs-d'œuvre: masques en pier-
une certaine fragmentation politique, ils surent toujours y maintexpr son homogénéité culturelle. On sait qu'ils ont été de grands mathéma. ticiens et les premiers astronomes au monde. Ils furent aussi d'entreprenants constructeurs. .Ds possédaient des routes de pierre, dont 14 plus longue, aU Yucatân, se déroulait sur une centaine de kilomètres. Plusieurs styles .d e sculPture se rencontrent sur leurs monUmeQ,ts avec cette caractédstique qu.e leur historien .d éfinit comme une « horreur du vide »". 'La décoration des façades of&ait, .e n effet,.·lipé\'lia.· lement clans le lIty'le «puue' '>, un foisonnément Ol'JlenJ,ental d~une '~
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Paix et Guerre entre les Nations
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PHILOSOPHIE
c'est en cela que réside le côté onirique et 0: oriental li de leur esthétique. Un exemple de ce style véritahlement baroque nous est montré avec le K'odzpop de Kahah dont les parois sont entièrement recouvertes de masques à trompe du dieu de la pluie Chac (le Tlaloc yucatèque). Mais les plus belles créations de la sculpture maya sont les bas-reliefs de Palenque et de Yaxchitân, les figurines en terre cuite de l'île de J aina et les têtes en pierre de Copân. Devant de telles œuvres nous pouvons observer que les thèmes imposés par les considérations religieuses et les contraintes décoratives n'ont pas empêché les artistes d'exprimer dans leur travail la délicatesse ou la puissance de leur personnalité. Avec les Toltèques, fondateurs de la ville de· Tula, au milieu du XIe siècle, s'ouvre la période des hégémonies belliqueuses, marquée, dès le début, par un bouleversement général des idées religieuses, que symbolise la lutte triomphante de Tezcatlipoca, le dieu-sorcier, contre Quetzalcoatl, le Serpent à plumes, dieu bienfaisant des forces de la nature. Le culte des divinités astrales fait alors apparaitre les sacrifices humains en même temps que surgissent dans l'art les éléments macabres qui resteront le motif de prédilection de la statuaire aztèque. La lourdeur inexpressive des cariatides de Tula, représentant des guerriers avec leurs javelots et leurs propulseurs, est caractéristique de l'esprit de puissance et de dureté apporté par la civilisation toltèque. Guerriers, eux aussi, jusque dans leur théologie dominée par le concept de la guerre cosmique, les Aztèques étaient parvenus à un épanouissement si fabuleux que .les Espagnols furent saisis de stupeur devant les richesses accumulées dans les palais de Moctezuma, dans les temples et dans les sanctuaires. Albert Dürer, qui eut l'occasion de contempler, en 1520, à Bruxelles, les trésors envoyés par Hernân Cortés à Charles Quint, notait dans son journal: le n'ai jamais rien vu, dans toute ma vie, qui m'ait à ce point ré joui le cœur. S'il ne reste rien des monuments aztèques et si la plupart des idoles ont été détruites sur l'ordre du preruer évêque de Mexico, Juan de Zumârraga, les décombres des grandes cités effondrées ont conservé assez d'œuvres intactes pour nous révéler le prodigieux esprit créateur des artistes de Tenochtitlân, de Texcoco ou de Tenayuca. Symbolisme et réalisme s'y associaient avec une ferveur et une fureur sacrées dans la représentation des grands thèmes théologiques, traversés par l'obsession du sang dont il fallait sans cesse abreuver Huitzilopochtli. Car, pour l'insatiable dieu solaire, toute vie sur la terre ne pouvait être issue que des sources de la mort. lean Selz
1[\Urt Je viens d'apprendre avec étonnement la disparition de Kurt Goldstein, - étonnement non pas devant sa mort (il était né le 6 novembre 1878 à Kattowitz, en Haute Silésie), mais que sa mort, le 19 septembre 1965, à New York, aIt pu passer à peu près inaperçue. Il est vrai, durant les mois de vacances, songe-t-on à se soucier de ceux qui disparaissent ? Ce neurologue, psychiatre et psychologue avait été appelé en 1903 à la clinique universitaire de Kœnigsberg: il y est nommé professeur en 1912. En 1918, on le trouve à Francfort, à l'Institut de recherches sur les symptômes consécutifs aux maladies du cerveau. où les blessés de la guerre 14-18 iui fournissent un vaste champ d'observation~. Puis, à Berlin, il dirige la sectIo~ de neurologie à rhôpital Moablt. Le national-socialisme le chasse de son poste. Après un séj?ur à Amsterdam (1934-1935), il s Installe aux Etats-Unis: à New York, Cambridge (Université de Harvard), Boston, Brandeis, New York. En dehors de nombreux articles dont nous retiendrons, parce qu'il a fait époque en France, l'Analyse de l'aphasie et l'étude de l'essence du langage (Journal de psychologie, 1933), l'œuvre de Kurt Goldstein comporte Der Aufball des Organi.~ mus P934), son œuvre maîtresse, tradUIte en 1951 (par le Dr E. Burckhardt, aux éditions Gallimard) sous le titre: La structure de l'organisme; Aftereffects of Brain Injuries in War; Language and Language Disturbances (1948); Human Nature in the Light of Psychopathology (1947), vue d'ensemble qui mériterait bien d'être présentée au . public français. Au moment de sa mort il préparait - m'apprend Norbert Gutermanune collection d'essais déjà publiés, en allemand pour la plupart. Qu'apportait Kurt Goldstein? D'abord une conception de l'organisme assez neuve pour qu'on lui ait cherché un nom: l'organismisme. Selon cette conception, l'organisme est un tout que l'on dérègle et méconnaît lorsque l'on veut l'analyser comme un objet physique : réflexe, instinct, localisations, etc. ne sont pas des réalités biologiques, mais des abstractions réalisées en laboratoire: Par cette insistance sur le tout de l'organisme - et, par conséquent, sur le rejet des méthodes analytiques - Goldstein se rapprochait de la psychologie de la Forme (Gestalttheorie). Mais là n'est pas, de loin, le plus original. L'original commence avec le problème de l'adaptation. On invoquait, à ce propos, un milieu « objectif li, c'est-à-dire le même pour la taupe, la libellule, l'ho~e, etc. Pas du tout, réplique Goldstein: le milieu ne saurait être le même pour des organismes différents qui, chacun, ne retiennent, ne filtrent que les excitants qui leur conviennent. Un milieu devient donc la création d'un organisme dans son
.
{;oldstein « explication avec» avec le monde Auseinanderstzung mit = coming to terms with; autrement dit, un organisme s'organise en organisant son milieu. Avec ce renversement de perspective, qui fait du milieu le produit de l'organisme et non de l'organisme le produit du milieu, Goldstein complétait la Gestalttheo~e pa~ une théorie des significa~ons Vlt~les, c~nfirmait les descriptIons phenomenologiques de l'êtreau-monde, et, rallié à une biologie coml!ré~ensive opposée à la biologie expllcatwe de laboratoire, parlait le langage de la phénoménologie et de l'existentialisme. Poursuivons. Comme tout boxeur a sa garde. chaque organisme qui s'explique avec le ~o~.de a son comportement privilegIe. Ce comportement en constitue l'essence. Rien de métaphysique pour Goldstein. Cette essence est au fond, l'allure générale. la cons: tante, la structure vivante de l'organisme, avec ses mouvements de flexion (Beugebewegungen), d'origine corticale, liens de la totalité, qui l'égalisent avec l'environnement, et ses mouvements d'extension (Streckbewegungen). d'origine sub-corticale, plus disparates, insulaires, davantage sous la dépendance de l'extérieur. Il arrive que l'organisme soit perturbé dans son explication avec le monde. Il entre en réaction catastrophique, telle que la peur ou l'angoisse. Son essence se brouille. Il se déstructure. Il perd ses différenciations (Entdifferenzierung). C'est l'organisme tout entier et, corrélativement, le milieu tout entier, qui sont en cause dans cette réaction catastrophique. Si la cause en reste durable (par exemple, une lésion), l'organisme s'invente un nouveau comportement privilégié, une nouvelle essence en dehors de laquelle il demeure pathologiquement incapable d'agir.
Nous avons parlé jusqu'ici de l'organisme en général. Mais l'homme ? Cet animal raisonnable se définit le mieux par le langage. L'étude des troubles du langage a permis à Goldstein, à partir des mêmes principes considérer le tout, et non une action isolée de distinguer, dans le comportement humain, une attitude immédiate (ou concrète). A s'en tenir à une réponse isolée, l'aphasique semble souvent ,répondre correctement à une question posée. Lui demande-t-on de choisir dans un écheveau de brins de laine, le rouge ou le vert? Après avoir hésité, il choisit le rouge ou le vert. A y regarder de plus près, l'on découvre que s'il a choisi correctement, ce n'est pas à notre manière. Il a manipulé empiriquement langage en répétant: rouge, ou vert. Il n'a répondu qu'au moment où cette répétition aveugle et mécanique a accroché une expression toute faite, telle que rouge-sang, rouge-coquelicot, ou vert-pomme, vert-pré, etc. Alors, la représentation concrète du sang ou du coquelicot, de la pomme ou du pré, lui a permis de reconnaître, dans une attitude immédiate,
Réalités et Dlythes grecs le brin de laine rouge ou vert. On multiplierait les exemples de cette attitude immédiate au dessus de la· quelle le malade - ou le petit enfant - ne sait pas s'élever: il ne peut disposer en ordre deux baguettes de bois que si cet ordre imite un toit ou un V, reproduire un rectangle que si, divisé par deux perpendiculaires, il ressemble à une fenêtre, répéter «la neige est noire», mais seulement « la neige est blanche», distinguer entre séparation physique et séparation affective, etc. L'homme normal doit donc se définir par sa capacité d'attitude distante ou catégorielle. C'est celle du possible et du véritable langage. Elle seule rend créateurs. Sous ce rapport - écrit Goldstein - on peut dire que toute comparaison entre les productions artistiques des anormaux et celles des artistes normaux, quelque nombreuses que soient les ressemblances, a une base très incertaine. Ce qui intéresse Goldstein, c'est l'individu tel qu'il est, c'est-à-dire tel qu'il apparaît, hic et nunc, à l'œil du clinicien. On se défiera donc des explications analytiques qui, comme la psychanalyse, isolent des pulsions, recourent à l'inconscient, surestiment la part de l'enfance, invoquent l'évolutionnisme ou quelque autre construction génétique. Ce qu'il y a de premier dans l'homme, ce n'est pas l' « instinct» de soumission ou d'agression: on trouve les deux conduites chez tout homme normal, cela dépend des circonstances, et ce n'est que chez l'anormal que l'une ou l'autre se met à prévaloir comme comportement privilégié. Le plus profond dans l'homme est le besoin qu'il a de se réaliser. Aussi bien Kurt Goldstein insiste-t-il sur la valeur irremplaçable de l'individu, contre les généralisations abusives que l'on appelle race, espèce, collectivité, etc. En France, Kurt Goldstein s'est fait connaître au moment où l'on découvrait (du moins le grand public philosophique) la GestalUheorie, la phénoménologie et, bientôt, l'existentialisme. Partout l'on répétait que les faits sociaux ne sont pas des choses, qu'il n'y a pas d' « états» psychologiques, que la conscience n'avait pas à être expliquée mais comprise, qu'il fallait s'en tenir à ce qui lui apparaît: on avait assez de l'analyse causale et des abstractions trop théoriques. Or, Goldstein étudiait l'être-au-monde de l'organisme; il essayait de le comprendre à partir d'une sorte d'intuition eidétique de son essence ; il rejetait l'explication causale; il décrivait les phénomènes; il refusait le dualisme radical du sujet et de l'objet, de l'âme et du corps, - bref, il fournissait d'observations vivantes la philosophie qui se cherchait chez nous vers 1934, et qui allait avoir chez Sartre et chez Merleau-Ponty ses meilleures expressions. li convenait de -rappeler avec respect la mémoire de Kurt Goldstein.
y von RelavaI
Au cours d'un entretien publié dans le premier numéro des Cahiers de philosophie, Jean-Pierre Vernant, précisant l'apport de l'histoire, de l'anthropologie et de l'ethnologie à la psychologie historique, discipline récente dont 1. Meyerson a jeté les fondements,
enquête sur le mythe et la pensée ? Parce que l'homme grec ancien lui paraît occuper une position privilégiée, « assez éloigné de nous pour qu'il soit possible de l'étudier comme un ob jet et comme un objet autre L..l, assez proche pour que nous puissions sans trop d'obstacles entrer en communication avec lui ». Le présent ouvrage, composé de sept études fort diverses en apparence mais tributaires de la même
nous rappelle qu'il n'existe pas de nature humaine, immuable et donnée, ni sur le plan physiologique ni sur le plan psychologique, mais des systèmes de conduites: « C'est à travers l'expérience que l'homme peut prendre de son environnement, de son milieu naturel et de son milieu social, que se construisent et s'élaborent des systèmes de conduites, qui sont par conséquent modifiés lorsqu'est modifié l'environnement naturel et social D. Pourquoi l'auteur, historien de l'homme intérieur (cette intériorité n'étant autre qu'une architecture de l'esprit, une organisation mentale, un ensemble de fonctions psychologiques), choisit-il le domaine grec pour théâtre de son
recherche fondamentale - sur les aspects mythiques de la mémoire et du temps, l'organisation de l'espace, le travail et la pensée technique, la catégorie psychologique du double, la personne dans la religion - s'ouvre et se clôt sur deux textes qui serrent la question du mythe au plus près et qu'on pourrait souder l'un à l'autre. Le premier, modestement sous-titré Essai d'analyse structurale, dévoile les structures du mythe hésiodique des races avec une pertinence dont on imagine malaisément qu'elle puisse être surpassée. Le dernier traite de la formation de la pensée positive dans la Grèce archaïque. On se rappelle, au début du poème les Travaux et les jours, le
Jean-Pierre Vernant Mythe et pensée chez les Grecs Maspéro éd., 331 p.
La Quinzaine littéraire, 15 ou 31 ocfobre 1966
mythe des races: race d'or, d'argent, de bronze, de fer, mythe qu'on interprète couramment comme un mythe de déchéance, et sur lequel Hésiode s'appuie pour exhorter son frère à la justice (Dikè) et le mettre en garde contre la démesure (Hubris). Hésiode ajoute aux quatre races traditionnelles une cinquième, celle des héros, qu'il intercale entre la race de bronze et celle de fer et qui, privée de correspondant métallique et réputée supérieure à la race de bronze qui pourtant la précède, met deux fois en péril la structure présumée du mythe. Or, l'auteur nous aémontre que ces anomalies apparentes trahissent une structure à trois étages où l'or et l'argent sont signes de souveraineté et de jeunesse, le bronze et les héros, de vie guerrière et _adulte, le fer, de labeur et de vieillesse; où, d'autre part, les héros s'insèrent entre les démons et les morts, tandis que la figure du souverain s'épanouit également sur trois plans: passé mytique, société actuelle, monde surnaturel: « le récit d'Hésiode illustre, de façon particulièrement heureuse, ce système de multicorrespondance et de surdétermination qui caractérise l'activité mentale dans le mythe ». Ce n'est pas tout. A chacun des étage~, un terme s'oppose à son voisin, comme la Dikè à l'Hubris (l'or à l'argent), l'Hubris à la Dikè <le bronze aux héros), ou se creuse en un couple antinomique (lutte de la Dikè et de l' H ubris à lâge de fer). De plus, la Dikè sert de référence à la fois au niveau du roi et au niveau du laboureur, et l'Hubris au niveau du guerrier ; et l'auteur conclut à une restructuration générale du mythe opérée par Hésiode, dans une perspective dichotomique, à travers la polarité religieuse de la Dikè et de l'Hu bris : « Là réside l'originalité profonde d'Hésiode, qui en fait un véritable réformateur religieux, dont l'accent et l'inspiration ont pu être comparés à ceux qui animent certains prophètes du judaïsme D. La restructuration du mythe traduirait une dévalorisation de l'activité guerrière au profit d'une complicité du roi et du laboureur. Et c'est là que l'analyse historique peut relayer l'analyse structurale, en révélant « les problèmes nouveaux que les transformations de la vie sociale, vers le VIle siècle, ont posés au petit agriculteur béotien et qui l'ont incité à repenser la matière des vieux mythes pour en rajeunir le sens ». Précisément, les transformations qui se produisent dans les institutions de la Cité entre le VIle et le VIe siècles éclairent la mutation mentale que signale l'avènement de la philosophie grecque, et dont l'étude intitulée Du mythe à la raison nous livre les deux traits essentiels: rupture avec le sacré dans l'explication des phénomènes naturels, rupture avec la logique ~ 21
POLITIQUE
• Réalités et mythes grecs de l'ambivalence, qui était celle du mythe, au profit d'une logique fondée sur le principe d'identité. Si l'auteur écarte avec soin l'idée un peu simple de reflet, il rejette absolument celle de miracle : l'avènement du logos ne rompt point la continuité historique, la raison grecque est « fille de la Cité». Ainsi, les cosmologies des philosophes ioniens utilisent, en le laïcisant et le rationalisant, le matériel des vieux mythes: n'est-ce pas que, dans la Cité, l'ancien rituel royal s'est effacé, et que les phénomènes cosmiques dont il rendait compte en les mimant cessent d'être intelligibles dans le langage du mythe ? Plus encore que la physique ionienne, le courant de pensée issu de Grande-Grèce et qui lui est contemporain ' nous découvre les origines du Personnage nouveau qu'est le philosophe. En effet, les confréries religieuses, les sectes philosophiques comme celle de Pythagore, favorisent, si fermées soient-elles, la divulgation à tout un groupe d'initiés d'un savoir autrefois réservé. La discussion s'instaure et, peu à peu, la figure du philosophe se dégage de celle du mage, mouvement qui n'est qu'un
••••••••••••••••• • • • • rfTemps • • 11 et Continents •• • ..... une remarquable • collection .. • (LE MONDE) • • ... .. une nouvelle et • passionnante collec• tion .. (ARTS) • • • Vient de paraître • • LA POLOGNE • • DU XVIIIe SIECLE • vue par • un précepteur Français HUBERT VAUTRIN
déjà parus
LA MOSCOVIE DU XVIe SIECLE ~~e a~abassadeur occidental S, VON HERBERSTEIN
L'AMERIQUE ESPAGNOLE EN 1800 vue par un savant allemand A. VON HUMBOLDT
L'EMPIRE DU GRAND TURC vu par un sujet de Louis XIV. JEAN THEVENOT
LE JAPON DU XVIIIe SIECLE vu par un botaniste suédois CH,-P, THUNBERG
L'ORIENT BARBARE
vu par un voyageur grec 1 HERODOTE
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cas particulier du bouleversement général qui prélude à la naissance de la Cité, et où l'on voit les cultes se fondre dans une religion publique et la tradition aristocratique et sacrée se subordonner aux exigences d'une collectivité. Détaché de l'ordre cosmique, l'ordre politique se prête à une organisation rationnelle dont témoignent, dans la réforme de Clisthène par exemple, le rôle d'unification politique dévolu à la tribu et la répartition quasi mathématique des responsabilités sociales. A l'influence des institutions s'ajouterait celle de la monnaie, artifice humain propice à la naissance d'une notion abstraite de la valeur. Toutefois, et l'auteur y insiste, si la philosophie traduit les aspirations qui se font jour autour d'elle, ses problèmes lui appartiennent en propre. D'autre part, la philosophie grecque se préoccupe beaucoup plus d'agir sur les hommes que de transformer la nature. Elle est 'avant tout un langage, logique et méthodique. La raison grecque, contrairement à un préjugé tenace, n'est pas la raison, mais une raison, enracinée dans l'histoire. Pas plus que la raison, il ne saurait y avoir la personne. Il n'existe pas de personne-modèle qui aurait attendu, depuis les origines de l'humanité, que les Grecs vinssent au monde .p our l'incarner. Mieux encore, l'auteur, bornant son étude de la notion de personne à la religion grecque, nous prouve que les dieux réputés personnels ne sont pas des personnes particulières, mais des Puissances, des fonctions. Les dieux n'ont pas de corps, ils sont invisibles, et l'idole n'est pas un portrait: « Le rapport de la divinité à son symbole cultuel L. ..J n'a rien à voir avec la relation du corps au moi ». Et pas plus que le culte des dieux, celui des morts ou des héros ne s'adresse à la personne. Dans l'exemple, privilégié cependant, que nous offre l'Hippolyte d'Eu~pide, la défectiçm de la déesse à l'heure où meurt son protégé atteste, en dépit des apparences, que ses rapports avec Hippolyte ne se situaient pas sur le plan du destin personnel. Les dieux sont un et pluriel à la fois, Puissances et modes d'action de la puissance. Et la conscience religieuse d'un Grec n'a rien à voir avec celle qui peut exister de nos jours. L'opposition, dans la philosophie naissante, de l'âme avec le corps qui l'emprisonne ne fonde pas davantage l'individu. Elle n'a pour effet que d'exclure le corps de la personne, tandis que l'âme s'unit au tout vivant dont elle n'est qu'une manifestation particulière, non individuelle.
La même distance sépare la réalité grecque de la nôtre dans le
domaine du travail et de la pensée technique. L'auteur nous rappelle d'abord que le mot de travail n'a pas d'équivalent strict dans le vocabulaire grec. Et ce fait, à ses yeux, souligne l'existence d'un problème. L'appréciation du travail est soumise à la valeur d'usage, au caractère de service. Ce qui compte dans l'œuvre, c'est moins la fabrication ou poièsis que l'utilisation ou chrèsis. Le besoin de l'usager définit une sorte de nature, de modèle, un eidos qui, pour l'artisan, constitue la finalité de son travail. Jean-Pierre V ernant ~ouligne le paradoxe d'une activité libre ou praxis liée à la chréia de l'usager, tandis que la fabrication ou poièsis ressortit au domaine des forces physiques et des instruments matériels, hiérarchie qui situe l'artisan à peu près sur le même plan que ses outils. Quelles que soient ses modalités particulières - chez Hésiode, Platon ou Eschyle - , le travail en Grèce accède difficilement à la valeur morale et ne s'assimile ni à une fonction sociale, ni à une fonction psychologique. Un des mérites du livre de JeanPierre Vernant tient à ce que l'auteur, étudiant les réalités grecques pour elles-mêmes, mais aussi comme moyens d'une connaissance qui les dépasse, fait œuvre involontaire de poète autant que de savant. On suit avec joie, dans l'étude consacrée à l'espace, la fortune et les avatars du couple Hestia-Hermès, la déesse centre de l'espace domestique, le dieu figure du mouvement. On voit le couple ressusciter à travers celui d'Electre-Clytemnestre, ou dans telle institution comme celle de l'épiclérat, ou dans l'opposition entre la richesse qui « gît » et celle qui « court » la campagne. Son antagonisme soustend l'espace de l'agora où s'est transporté le foyer familial, mué en Foyer commun. Enfin, tout au long' du livre la présence d'Hésiode à l'un des pôles de l'analyse affecte celle-ci d'une charge poétique. Sur le plan philosophique, l'ouvrage, me semble-toi!, tente d'opérer une conciliation des points de vue génétique et structural, conciliation inhérente d'ailleurs à la pensée mythique pour laquelle « toute généalogie est en même temps explication d'une structure ». Aussi bien le mythe exercet-il plusieurs fonctions: tour à tour objet,. principe d'explication, méthode. Peut-être formulerai-je une question: toutes les coïncidences, toutes les concordances que l'auteur nous révèle, pourquoi, ou, si l'on préfère, comment sont-elles ce qu'elles sont? COIDD?-ent s'effectue le passage de ce qui est censé produire à ce qui est produit? Tout se passe comme si les pourquoi renaissaient aussitôt des parce que, et qU'i! manquât toujours des maillons à la chaîne. Lucette Finas
Tendances et volontés de la société française. Coll. Futuribles. Sedeis éd.
Sous le titre Tendances et volontés de la société française, JeanDaniel . Reynaud a réuni une vingtaine de rapports présentés l'an dernier au colloque de la Société française de sociologie, dont Raymond Aron écrit dans sa préface qu'ils auraient pu s'intituler plus précisément: « Contribution à une étude des transformations sociales de la France contemporaine ». L'unité de 'ces textes provient en effet de l'accent mis par tous sur l'idée de changement, qu'il s'agisse de migrations, de consommation, d'agriculture, d'administration ou du clergé ... Leur diversité résulte tout autant des sujets retenus que de la méthode, bien que presque tous les auteurs soient des sociologues: l'ouvrage débute par une monographie exemplaire portant sur « la mobilité de croissance d'une population urbaine» (le cas de Saint-Gaudens) due à Bernard Kayser et Raymond Ledrut; il se poursuit par une étude globale concernant le passage de la population active de l'agriculture à l'industrie. Viennent ensuite, sans qu'il soit possible de tout citer, des documents faisant le point d'une question (syndicalisme agricole, par Yves Tavernier, l'Eglise et le monde ouvrier par Gérard Adam et Marc Maurice), des interrogations méthodologiques, comme celle à laquelle se livre Jean Cuisenier, des notes brèves, des enquêtes, des réflexions. Trois thèmes ont été isolés, autour desquels on a tenté de reclasser les diverses contributions: 1° les facteurs économiques; 2° la planification et les milieux de décision; 3° les Français et le changement. Si l'idée de changement apparaît le leit-motiv de tout le livre, la question du Plan déborde largement la seconde partie - où, il est vrai, figure curieusement « l'aggiornamento du clergé français» qu'on se serait plutôt attendu à trouver dans la troisième. Ce rattachement insolite traduit-il la conscience d'une commune originalité française qui se manifeste aussi bien, comme le relève Raymond Aron, dans l'évolution de l'Eglise et dans celle de la planification? En tout cas le Plan est au cœur des réflexions et des questions que pose ce livre. De prime abord, le lecteur se demande si l'on n'a pas été enclin à accorder une importance un peu trop grande au contraste, souligné par exemple par Léo Hamon (pp. 197-199), entre le libéralisme de nos voisins, notamment l'Allemagne, et la singularité de la planification française. La grande novati~~ contemporaine n'est-elle pas plutôt celle qui est due à l'ouverture des frontières et au bouleversement qui en résulte? On est ainsi tenté de s'interroger sur la part d'uniformi-
• La conscIence politique des Franc,ais
sation, de réduction aux normes de la société industrielle occidentale, que comporte l'évolution récente. Après tout, notre histoire depuis plus d'un siècle a été souvent interprétée en termes de résistance et de refus d'adaptation aux valeurs et aux ressorts du capitalisme : voilà que nous nous mettons soudain à « épouser notre siècle » ... Mais l'irruption des thèmes de la croissance et les soucis nouveaux de la compétition s'est effectuée sous l'égide de l'Etat et en empruntant les formes traditionnelles de l'action collective française. Nous nous sommes certes ouverts aux influences du grand large, sans pour autant renoncer à sauvegarder notre originalité ni à agir selon notre nature nationale. L'importance du Plan proviendrait de ce qu'il exprime une certaine volonté d'autonomie à travers les mutations qu'impose le développement. Sa situation, toutefois, demeure ambiguë dans la mesure où il est plus qu'un simple instrument et moins qu'une doctrine ; il comportf'! une idéologie implicite que l'on devine à travers les commentaires mais qui ne s'est pas épanouie au sein d'un courant politique car elle n'a pas découvert de correspondant à ce niveau. Le débouché politique de l'idéologie planificatrice telle que nous la discernons a bien failli être trouvé, vers les années cinquante, dans le radicalisme mendésien qui tentait d'opérer la jonction entre une tradition d'optimisme rationaliste et les modes techniques d'intervention les plus avancés, mais ces virtualités n'ont pu aboutir pour des raisons étrangères ,à notre propos; l'idéologie plaDÜieatrice s'est dès lors maintenue au niveau administratif, avec les avantages et les limites que comporte cette situation.
On retrouve cette ambiguïté dans l'analyse du changement à laquelle se livrent les sociologues. Nous hésitons, remarque Alain Touraine (489) entre une société néo-libérale, une « démocratie contractuelle » et le modèle d'une nation « fortement orientée par un Etat ». Pour sa part, Michel Crozier voit le problème essentiel de la société française dans le passage à un style d'action, ou à un modèle organisationnel, « équivalent» de celui des Etats-Unis, même s'il n'est pas nécessairement identique (424), mais Touraine considère que la France est « peu préparée à vivre sur un mode libéral », qu'elle a « plus de chances d'exister comme société, comme être historique particulier» si elle sait moderniser le modèle de développement qui est le sien et qui se définit comme « la combinaison de « couches nouvelles» et d'un Etat interventionniste et organisateur» (475). Alors que Crozier apparaît surtout préoccupé d'adaptation il l'environnement (436), Touraine s'inquiète de l'absence d'un modèle général de la société ct de son évolution; il ne conteste pas que le « système d'action» traditionnel soit en crise mais il en souhaite la modernisation plutôt que le remplacement. Pour lui, l'absence d'un débat national sur les fins et les moyens du changement traduit un phénomène de « désocialisation » car le déclin d'un type ancien de société ne signifie pas « automatiquement» l'apparition d'un autre ( 4 7 6 ). Certes, cette « désocialisation » a été limitée par « l'existence et l'autonomie d'une technocratie libérale, appuyée sur une partie des élites dirigeantes» (485) grâce à laquelle la croissance a été encouragée et orientée - nous retrouvons là l'importance du Plan - mais,
La Quinzaine littéraire, 15 au 31 octobre 1966
si utile soit-elle, cette intervention n'a pu empêcher « là déco1Jl.position de la France comme acteUr historique »: tout au plus en a-t-elle limité les ravages ... Les problèmes politiques n'ont pas été rctenus dans le sommaire de l'ouvrage mais ils sont en vérité partout présents. Léo Hamon est le seul à s'y référer explicitement dans un rapport consacré à la signification politique du Plan qui littire l'attention sur quelques-uns des caractères modernes de l'action publique, notamment l'idée selon laquelle la majorité au pouvoir dispose d'une situation privilégiée par rapport à l'opposition: c'est désormais la critique qui est difficile, sinon l'art 'aisé. C'est là une bonne piste pour aboutir à des points de vue nouveaux et stimulants sur le fonctionnement du régime et on ne s'étonnera pas qu'elle confirme certains traits contemporains, tel le déclin des institutions représentatives au profit du Gouvernement, de l'administrafjon et de la consultation. Mais deux questions surgissent à ce propos, dont l'une a trait à la modernisation politique et l'autre à la signification qu'elle revêt dans la France de 1966. En considérant les problèmes politiques sous l'angle technique, il n'est guère douteux que bon nombre de réformes dues à la V· République constituent des progrès dans le sens de l'adaptation des instruments de l'action publique aux données nouvelles. Toutefois, ces transformations semblent parallèles à celles qui interviennent dans la société et l'économie sans que l'on puisse discerner de relations causales entre les deux séries de phénomènes. On connaît les tentatives d'explication visant à démontrer que lc gaullisme correspond aux conditions de la société industrielle
ou qu'il est l'expression du néocapitalisme, mais ces théories reposent sur des intuitions plus que sur des preuves. Bien plus, ce que l'on sait des orientations des groupes qui furent historiquement à l'origine de la V· République aussi bien que de la composition de l'élecloral gaulliste autorise un certain scepticisme. On ne peut que constater une simultanéité entre les ehahgements de la société française ,et ceux de la « superstructure étatique », mais non découvrir le cheminement qui conduit des uns aux autres, si bien que la réflexion que provoque le livre débouche sur une scconde interrogation. Il y aurait une recherche passionnante à mener au niveau de la conscience politique des Français, ainsi que Pierre Fougeyrollas l'avait naguère tenté2 : la contribution d'Alain Girard suggère les éclaircissements CJU 'clle yourrait apporter à ce propo:;;, notamment lorsqu'il évoque les altitudes démographiques et note quc le comportement des Français <1 changé, mais non leur psychologie, ct qu'ils restent « étonnés » par le changement, ne suivant pas le IJlouvement qu'ils contribuent à créer (448). Ne pourrait-on pas transposer ces remarques sur le plan politique ? Elles rejoignent en effet celles d'Alain Touraine à propos de la dépolitisation qui ne se définît pas 'comme un état psychologique (l'absence d'intérêt pour la politique) mais comme ( l'absence d'expression politique» qui se manifeste en particulier par la rupture de « la continuité de la revendication au vote» (481). Il semble en effet que la modernisation institutionnelle s'effectue dans une sorte de vacance de la conscience civique et grâce à un acquiescement à une « nature des choses» contraignante. Les Français ont assisté en spectateurs aux adaptations que cette nature des choses exigeait sans que l'on puisse considérer qu'elles résultaient d'une volonté délibérée de réforme. Elles apparaissent comme des actions techniques, généralement bien accueillies parce qu'elles vont dans le sens du progrès, mais elles demeurent étrangères au débat politique proprement dit qui tourne à la rhétorique creuse. Si, une teUe analyse est exacte, la signification de l'effacement des institutions représentatives au profit des procédures consultatives manipulées par l'administration devient ambiguë et exprime autant un état pathologique qu'une adaptation rassurante aux conditions nouvelles. La dissociation qui s'accuse entre les preoccupations de la vie courante et les desseins de la haute politique telle que la poursuit un Et~t autonome, caractérise l'actuelle perplexité ct tempère l'optimisme que pourrait faire naître le spectacle d'une modernisation triomphante. Pierre Avril 1. Plulieurs viennent de paraître dons la Rf!1>ue franÇ4Ï1e de sociolo&ie. 2. La conscÙ!nce politique dam la FrtmU contemporaine, Dcnoël 1963
LIRE
MÉDECINE
Médecine psychosolDatique La Jeune Chambre Economique de Saint-Etienne a procédé à une vaste enquête sur les habitudes de lecture dans cette ville et elle vient d'en publier les résultats. A Saint-Etienne, dans l'occupation des loisirs, la lecture vient au premier rang (63 %) avec la télévision (62 %). Contrairement à une opinion courante, ce n'est pas la télévision qui empêche de lire, mais un excès de travail (respectivement: 26 et 78 %). il est vrai que la plus grande partie des sujets de l'enquête (71 %) travaillent plus de 40 heures par semaine ; 29 % déclarant même travailler plus de 50 heures. En revanche, il est Intéressant de constater qu'il n'y a dans la ville que 7 % des personnes qui avouent ne jamais lire ; 58 % affirmaient avoir lu un livre au cours du mois écoulé. Parmi ceux qui lisent le moins : les patrons (17 %). Parmi ceux qui lisent le plus, les membres des professions libérales et les cadres supérieurs (75 %) ainsi que les étudiants. Les patrons sont aussi ceux qui regardent le moins la télévision (23 %) et les grands lecteurs sont égalem'e nt attirés par le petit écran (49 % pour les professions libérales et cadres supérieurs, 72 %, pour les étudiants). Les plus Intéressés par la télévision, les ouvriers (62 %). ne lisent que dans la proportion de 49 % ; mais, dans l'ensemble, il n'y a pas malgré une certaine convergence, de préjudice réel causé par la télévision à la lecture. Genre de lecture appréciée du public : dans toutes les catégories sans exception, le roman vient en tête, avant même le livre policier (64 % et 57 %). Les ouvrages documentaires se trouvent en troisième position (35 %) devant les textes techniques (20 %).
Quant à la détermination du choix, l'enquête confirme que le libraire ne joue plus qu'un rôle effacé : 22 % seulement des sujets ont un libraire attitré et 13 % décident de leurs achats sur les conseils de ce libraire. Ce sont les opinions des amis qui font vendre les livres (47 %) plus que les critiques des journaux (22 %) et la télévision (21 %). L'attrait du livre en vitrine ou à l'étalage influe pour 18 % sur la décision. , 37 % seulement des lecteurs achètent des livres reliés ; 56 % ne lisent que des livres brochés. Le Uvre et le OOIlHrit
C'est sous ce titre que l'Institut de littérature et de techniques artistiques de masse, de l'Université de Bordeaux vient de publier une très. curieuse étude menée par son centre de sociologie des faits littéraires. . Près de 5 000 conscrits convoqués à L1moges.pour y passer des tests d'aptitudes et de niveau culturel ont rempli des questionnaires dont le contenu fait l'objet d'une analyse très détaillée. Diffusé par SOBODI (20 cours Pasteur à Bordeaux) et publié en feuilleton par la Bibliographie de la France depuis le mois de septembre, l'ouvrage comprend un certain nombre de relTJarques du plus haut intérêt sur les habitudes de lecture, les motivations des lecteurs et le comportement de ceux-cI. Certains résultats ne font que confirmer des faits connus : le goOt pour la lecture est fonction de la durée des études ; les conscrits d'une culture moyenne achètent leurs livres en fonction du nom de l'auteur et du titre alors ' que les autres catégories se déterminent d'après les illustrations, par exemple. 24
Th. von Uexk.üll La médecine psychosomatique Coll. Idées Gallimard éd. 384 p.
Aujourd'hui encore le chercheur en psychosomatique ressemble à un homme qui se tient avec ses jambes sur' deux îles différentes et cherche à s'affermir tantôt sur l'une, tantôt sur l'autre. Car le dualisme du corps et de l'âme a la vie dure, et si la médecine psychosomatique prend pour tâéhe de le réduire, elle a du même coup à conjoindre deux directions de recherche en apparence hétérogènes. Un appel vague à la catégorie de la totalité ne résout rien: il s'agit au contraire de constater que les oppositions somatiquepsychique, organique - fonctionnel interviennent continuellement dans l'exercice médical quotidien; élaborer ces oppositions pour en faire des instruments conceptuels précis et dépasser le dualisme en l'interrogeant sur sa fonction opératoire dans la pratique concrète (les problèmes philosophiques ne sont pas cuits une fois pour toutes comme des biscuits de marin), telle est la tâche méthodologique que s'assigne von Uexküll. La médecine s'est développée sous l'étroite dépendance des sciences physico-chimiques et, si elle a amplement démontré sa ' fécondité à ce niveau qui lui est propre, il reste qu'elle décrit l'individu comme une machine et tend à se développer en secteurs de plus en plus spécialisés et cloisonnés. Mais plus le microscope est puissant, plus la région explorée se rétrécit et rejette dans l'ombre les zones voisines. L'auteur montre à travers quelles expériences (l'hystérie, les névroses de guerre), quels mouvements d'idées et quelles séquences historiques s'est opérée l'introduction de l'instance du sujet en médecine; réintroduction .plutôt, renouant avec une vieille tradition; mais faisant figure dans le contexte de la science d'une révolution - moins sans doute par répugnance à l'endroit d'un « psychisme » étranger aux sciences de la matière, comme le veut l'auteur, 'Ne par résistance à la découverte freudienne de l'inconscient. Introduire le sujet, é'est par exemple tenir compte de l'histoire individuelle et du mode d'action du passé, en particulier des expériences infantiles; c'est aussi restaurer l'événement dans sa subjectivité singulière ou apprécier le sens de l'insertion de l'individu dans son groupe social. Si la médecine psychosomatique a redécouvert le psychisme, elle n'a pour l'explorer aucun instrument qui lui soit propre; c'est donc à Freud qu'elle s'adresse, du fait même que la référence au sujet resterait indéterminée si elle ne comportait une exploration précise de l'inconscient; elle doit en même temps rester fidèle à son
projet fondamental de dépassement du dualisme. Le concept~clé est ici celui de la conversion hystérique, « fil d'Ariane» de la réflexion psychosomatique. Le premier schéma freudien (conversion d'une somme d'excitation) paraît rester au niveau d'un mythe pseudo-physiologique. Le schéma ultérieur va beaucoup plus loin en découvrant dans certains symptômes somatiques l'expression symbolique de désirs refoulés; mais il reste le point obscur de la « complaisance somatique », qui souligne bien le maintien du dualisme - à moins que dans une perspective romantique on ne fasse du corps lui-même l'expression ou le symbole de l'âme; c'est maintenant le corps qui disparaît, avec tout le danger des interprétations purement métaphoriques qui peuvent se donner libre jeu : avoir un ulcère c'est se dévorer soi-même, etc ... Von Uexk.üll propose un nouveau point de départ qu'il place dans l'action motrice en tant qu'elle caractérise un niveau de l'expérience antérieur au dualisme. La volonté se sert du corps : le corps peut bien être constitué d'un certain nombre d'appareils distincts, il y a toujours plan et service déterminé, et donc obligation de réintroduire la téléologie, la dame peu convenable dont parlait Brücke. La notion centrale devient le motif, au double sens du motif mélodique et de la motivation ; la division sujet-objet n'existe qu'après et à l'intérieur de l'unité constituée par le motif qui me jette l'objet et m'y assujettit en découpant dans le monde un secteur centré par les objets qui l'intéressent espace de motivation »). La notion généralisée de la con. version s'identifie à l'acte même: une constellation de motifs hiérarchisés devient acte. Mais les motifs peuvent entrer en concurrence; surtout, il existe des interdits et des motifs refoulés. Le moi, metteur en scène plus que producteur, doit s'identifier ou non à tel motif et harmoniser l'intérêt propre et les règles sociales. La conversion hystérique est un cas particulier de conflit de motifs : un motif inconscient insupportable par le moi se mue en une action fragmentaire qui, du fait de sa signification expressive, doit être extirpée du système des autres actions et devient « symbole physique ». Plus généralement, on peut dégager la signification opératoire concrète de la référence au ' somatique ou au psychique: le corps et la psyché n'apparaissent comme séparés que dans l'action manquée (apprentissage du patin à glace: le corps « ne suit pas ») mais dans les bons cas l'unité un moment perdue se restaure et se signale par la grâce de l'action réussie, signe d'une nouvelle adaptation du vivant. De même en pathologie : la maladie sépare le corps et l'âme, c'est-à-dire que le médeciD. désigne comme physique la perte ou l'absence d'un groupe d'ac· tes simples et automatisés et com·
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me psychique la perturbation d'un ensemble complexe d'actions. A travers cette reprise de la notion de conversion s'isole le groupe des « maladies de l'expression », dans lesquelles le symptôme cache et en même temps exprime pour autrui, de façon masquée et chiffrée, le motif inavouable qui ' s'y réalise. D'autres catégories sont nécessaires . pour rendre compte des « névroses d'oJgane » et des troubles qui ne peuvent revêtir une telle valeur expressive (il est hautement improbable que les petites artérioles des reins puissent exprimer d'une manière symbolique des idées: Alexander). En quête d'un concept unitaire propre à ce nouveau domaine, von Uexk.üll rappelle le fait central des concomittants physiologiques de l'émotion et, à travers les apports de Pavlov et de Cannon, en arrive à la notion de l'humeur (Stimmung): la peur entraîne toute une série de changements corporels qui réalisent un état d'alerte, une préparation à l'action (ici la fuite); en elle sont accordés (gestimmt) un certain nombre de phénomènes neuro-végétatifs et une certaine manière de sentir et de percevoir le monde. Mais l'humeur comme telle est aveugle, . sans objet différencié, et c'est le motif qui, sous le contrôle du moi, constituera l'action qui n'était que préparée. Si donc les maladies de l'expression résultent d'un conflit de motifs, les « maladies de la préparation » sont à considérer comme des émotions ou des modifications corporelles (neurovégétatives, endocriniennes, humorales) qui n'ont pas trouvé à se transformer en action, faute d'un motif adéquat. L'hypertension artérielle, partie intégrante de l'état d'alerte et de la préparation au combat, peut .d evenir permanente si l'agressivité n'a aucune voie de décharge ou aucun motif que le sujet puisse assumer; la maladie est ici fragment de préparation fixée qui ne s'intègre plus à l'ensemble parce que l'élaboration psychique en est impossible. L'auteur aborde la notion de communication et l'introduction de la théorie de l'information dans la physi~logie actuelle, pour y voir l'amorce d'une convergence, dans la mesure où la mise au jour d'un programme conduit à réintroduire le psychisme au titre de l'instance programmatrice. Voie qui, suivie différemment, préciserait l~s rapports du sujet au langage et fait situer tout autrement le sujet à l'égard de l'objet comme à l'égard de son propre corps; la psychanalyse y conserverait son axe propre, qui tend à se déplacer chaque fois qu'elle est attirée vers une théorie biologique. Il reste un livre clair, aisé, ,r iche en cas cliniques et e~ analyses concrètes, qui introduit de façon très vivante la problématique propre à la pratique psychosomatique en médecine.
Claude Conté
La contraception J. Dalsace et R. Palmer
La contraception Coll. « La Science vivante » P.U.F. éd. 200 p. Le récent ouvrage de Jean Dalace et Raoul Palmer vient à son leure et on ne peut"le lire qu'avec : intérêt et admiration ». Ce n'est Jas seulement mon opinion, teinée forcément par l'amitié ancienle qui me lie aux deux auteurs et Jar nos préoccupations communes. :'est aussi l'opinion, plus impar. iale, du préfacier Jacques Monod, >rix Nobel de Médecine 1965 et :o-Président de l'Association pour e Planning familial. Tout y est bien dit sur les muliples « procédés destinés à empê:her de façon temporaire et réver:ible la fécondation » et donc à 'a voriser l'harmonie du couple. Les conclusions sont courageules et franches. Une longue citaion permettra de comprendre lans quel esprit a été conçu l'ourrage: « Il faut avouer que les moyens lont nous disposons ont encore un :aractère artisanal, que certains l'entre eux sont bien peu esthé:iques... que d'autres ont encore les effets secondaires assez péni'>les, et que les échecs dont sont ~revées presque toutes les métholes sont de nature à augmenter :'angoisse des femmes qui n'ont :Jas toujours intégré leur sexualité lt encore moins les méthodes ,u'elles nous réclament. « Mais nous sommes formels iur un point: les articles 4 et 3 le la loi ' du 31 juillet 1920, qui ~réent à la fois un délit de propagande et un délit d'intention, doivent être abrogés. Cette abrogation éviterait bien des vexations, des angoisses, voire des névroses chez les femmes qui désirent ou doivent recourir à la contraception. « Cela ne veut pas dire que ces méthodes doivent être mises entre toutes les mains, que chacun puisse les conseiller, que chaque officine puisse vendre - ' à la demande - un procédé de contraception comme on vend un coricide. Ce n'est qu'après un long « colloque singulier » que médecin et couple se mettront d'accord sur une méthode qu'une ordonnance devra légitimer. « Mais, longtemps encore, nous nous heurterons à des résistances plus ou moins conscientes, aussi longtemps que l'amour et l'acte sexuel seront indissolublement liés à l'idée de procréation. »
La biologie de la conception est clairement décrite et illustrée par des schémas simples, ainsi que les conditions de l'euparel,nie, c'està-dire l'accomplissemenl satisfaisant chez 'les deux partenaires de l'acte sexuel normal, plus exactement ce qu'on considère comme la aexuali.té normale dans nos sociétés occidentales, où bien des tabous
viennent contrecarrer la « libido », en particulier chez la femme, élément du couple principal intéressé par les procédés contraceptifs. « Une union ne peut toutefois être pleinement heureuse que si chacun des conjoints sait que l'~ttitude générale devant la sexualité n'est pas la même dans les deux sexes et reconnaît que cette différence psychologi,q ue est légitime. »
avec un taux d'efficacité presque absolu, à condition de l'appliquer correctement; son innocuité est démontrée avec un recul suffisant. Mais des phénomènes d'intolérance sont encore fréquents et il est certain que la contraception intra-utérine par « stérilet » est plus constamment efficace chez les femmes négligentes ou insuffisamment informées, àvec toutefois un taux d'in-
Quelle est la meilleure méthode tolérance supérieur à celui de la pide contraception ? Un avenir pro- lule. Il n'y a pas encore, il n'y aura che permettra de trancher, sans peut-être jamais de méth~e « standoute en faveur de la « pilule », dard », adaptable à toutes les situaaussi parfaite que possible, pro- tions ; et en tenant compte de l'accédé excluant les manœuvres fasti- ceptabilité par le couple lui-même, dieuses et peu engageantes au . il faut savoir être éclectique dans cours de l'union sexuelle. La pi- les indications: même un procédé lule, méthode « naturelle », presque empirique et comportant un certain physiologique, s'accorde assez bien pourcentage d'échecs est préférable avec les tendances actuelles de si le couple y est habitué et le consil'Eglise catholique dont les réticen- dère comme plus conforme à sa conces traditionnelles s'atténuent de- ception éthique ou esthétique de vant ÙDe nette conscience de la né- l'acte sexueL Le rôle du médecin, au cessité d'une certaine planification moins dans nos pays à taux de natades naissances à l'échelle mondiale. lité modéré, est celui d'un conseiller, Cette contraception orale a fait ses jamais ~'un juge; il n'est pas quespreuves depuis dix ans aux U.s.A., tion de faire de la contraception une à l'instigation de Pincus et Rock. obligation et de l'imposer à un cou-
La Qaiœaine littéraire, 15 au 31 octobre 1966
pIe hostile ou rebelle à toute discipline. Le coût de la méthode est aussi à considérer, surtout dans les pays surpeuplés du tiers-monde, où des expériences-pilotes intéressent des millions de personnes. \ Peut-on faire grief aux auteurs d'avoir négligé délibérément l'aspect socio-démographique du contrôle des naissances? Non, car il n'était pas dans leur intention d'étendre le débat au-delà de leur expérience de gynécologues. Leur propos se limite volontairement aux problèmes de l'individu et du couple, de l'espacement des naissances, de la seule contraception, et non de la restriction des naissances, ce qui élimine automatiquement les indications possibles d'un avortement thérapeutique ou d'une stérilisation. « Ce livre, reconnaissent-ils, ne satisfera pas les sociologues et les démographes, car il ne prend parti ni en faveur de la pyramide idéale des âges, ni pour une natalité parfaite qui pourvoirait chaque famille d~un nombre calculé d'enfants. » Cependant, c'est un aspect vaste et passionnant du devenir de l'humanité que celui de l'harmonie de la natalité à l'échelle de la planète. Espérons qu'il se trouvera des spécialistes à l'esprit aussi clair, ouvert et impartial que celui de R. Palmer et J. Dalsace pour ~ntreprendre une étude plus vaste, dépassant le cadre médical, insistant sur les incidences de la surpopulation ou au contraire du vieillissement d'un peuple, pesant les conséquences à courte et longue échéance d'une politique de contrôle international des naissances. Et même au-delà des expériences démographiques et des incidences de l'industrialisation des pays du tiersmonde, le problème de notre temps est peut-être la réalisation dans le monde entier de la Cité d'Harmonie, ce rêve de Charles Fourier, souvent trop oublié par ses successeurs les socialistes « scientifiques », ohnubilés par la notion exclusive de progrès technique. C'est en associant une meilleure utilisation de nos moyens modernes à la conception optimiste d'un monde harmonieux sur tous les plans qu'on permettra à chacun de manger selon sa faim quelle que soit la couleur de sa peau, de vivre selon ses goûts, de jouir du maximum de libertés sur le plan individuel, et aussi de mieux comprendre les impératifs et les limites de son instinct sexuel. C'est dans ce domaine que les promoteurs de la contraception sont d'audacieux précurseurs d'un ordre social et moral entièrement nouveau et exaltant pour les générations futures. L'harmonie du couple, elle-même, n'est concevable qu'en fonction d'un équilibre général du monde qui l'entoure, que nos sociétés, en perpétuelle mue, rend encore aléatoire, même avec un judicieux espacement des naissances. Mais ceci est une autre histoire ... Dr ]ean-Daniel Martinet
TB~ATBE
Nouveau théâtre plus seulement sur le front, le héros devenait anachronique, l'anti-héros humilié, torturé, prenait sa place. Geneviève Serreau relève cette phrase qu 'Adamov écrit à propos de Strindberg: La présence constante du sens littéral résulte d'une autre présence constante, celle de l'humiliation, celle de la peur, celle de la souffrance et G. Serreau ajoute: La remarque s'applique exactement à toute la première période du théâtre d'Adamov.
Ionesco.
Geneviève Serreau Histoire du Nouveau Théâtre Coll. Idées. Gallimard éd. 192 p.
Il est important qu'un livre sur le théâtre contemporain paraisse en collection de poche. Il est néçessaire que ce livre traite du cr nouveau théâtre» qu'il le situe en évitant les malentendus nés des termes d' « avant-garde» ou de cr théâtre de l'absurde ». Il est enfin capital que ce livre fasse comprendre ce qu'ont cherché, établi des auteurs comme Ionesco, Beckett ou Genet, c'est-à-dire une réalité scénique nouvelle, balayant les restes du Naturalisme qui enco:mb.J'aient la scène, entreprenant une destruction du théâtre psychologique, révélant une présence poétique, une existence théâtrale pure sans autre référence que la scène elle-même. Et c'est en recherchant la sensation immédiate, c'est par le truchement de cette déchirure poétique se jouant devant le spectateur que ces auteurs ont rejoint, par delà leur propre malheur, le drame de la nuit de notre époque et par-delà l'Histoire, l'eSsence de l'être, la difficulté d'être au monde. Aucune société n'a pu abolir la tristesse humaine, aucun système politique ne peut no~ libérer de la douleur de vivre, écrit Ionesco. Cette même démarche, le lecteur a pu la suivre dans l'aventure du roman moderne, le spectateur l'admet plus difficilement au théâtre. Geneviève Serreau recherche, en historienne, comment depuis le 26
Surréalisme cette exigence théâtrale essaye de se faire un chemin qu'elle n'avait pu trouver dans les auteurs contemporains de ce mouvement et cerne, en témoin attentif, l'individualité des dramaturges des années 50: Ionesco, Beckett, Genet, Adamov, etc ••• Exigence donc d'une existence purement théâtrale prônée déjà par Apollinaire :
Il est juste que le dramaturge ... ... ne tienne pas plus compte du temps Que de l'espace Son univers est sa pièce A l'intérieur de laquelle il est le dieu créateur Qui dispose à son gré Les sons les gestes les démarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que l'on appeUe une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie même dans toute sa vérité ... Tentée par Jarry, Artaud, exigence qui trouve enfin de nos jours ses auteurs et son public. Geneviève Serreau note justement à propos du Roi se meurt: cr Ionesco casse le pathétique par divers moyens en particulier par les ruptures de l'il· lusion théâtrale: l'allusion dans le dialogue à la réalité du plateau et du spectacle », (à propos du temps et de l'espace, de la mort et du royaume du Roi confondus avec la durée du spectacle et l'espace scénique). '
Au cours d'une répétition des Paravents une comédienne remarqua qu'elle ne pouvait dire son texte trop fort car les femmes du village présentes ne devaient logiquement pas entendre ce qu'elle disait. Genet répondit à peu près : Mais ce n'est pas un village, c'est un plateau et ce sont vos camarades qui y jouent. Cette spécificité de l'art théâtral, cette rigueur excluant toute tentation de juxtaposer des moyens techniques autres que la scène ellemême, devenait après la guerre une exigence vitale par rapport au cinéma, souligne Geneviève Serreau. Le théâtre allait bénéficier de la trausformàtion du spectateur rompu maintenant aux distorsions du temps, aux ellipsesl. Dans ce besoin de créer un nouveau réel théâtral, poursuivi par chacun dans 'la solitude, transparaît cette nécessité douloureuse de recréer l'existence même dans un monde méconnaiMable. Ce qui était recherche formelle trouva où s'incarner. L'expérience artistique devenait expérience vécue, vision du monde chez les auteurs des années 50. Peut-être Geneviève Serreau ne le soullgne-t-elle pas assez. Technique artistique de destruction, vision d'un monde affolé par la guerre, ne sont plus séparables. Le nazisme avait réappris la peur au monde. Dans un temps noir les valeurs ont fait naufrage, les croyances sont ébranlées, si Godot vient «nous serons sauvés III dit Vladimir. L'héroïsme était dans les camps et non
Si ces poètes d'abord dédaignés (ce qui est normal car alors chacun devait réapprendre à vivre) ont paru scandaleux quand on les a écoutés, c'est qu'ils faisaient sentir cette vérité. Dans leurs thèmes communs: absence, silence, vide, attente, paradis perdu, illusion, culpabilité, mort, se retrouvent les images répétées, indéfiniment reflétées de la guerre. Ils ont tous répercuté dans leur langage, dans leur violence, le son de la guerre. Images de désert dévasté, éclairages calcinés, sifflements stridents, déflagrations, coups de sonnettes aux portes, portes sur le vide. Autant d'éléments surtout présents chez Beckett et Ionesco. La perte des identités des personnages, leur interchangeabilité, leur réduction parfois à une initiale: destruction d'un théâtre psychologique certes, désir de retrouver des archétypes mais aussi vision d'ûn monde d'immatriculés. Erosion du temps traduite littéralement dans la dégradation des objets et des êtres. Geneviève Serreau étudie l'un après l'autre ces auteurs, marquant leurs différences, analysant la structure de leurs œuvres: rythmes cycliques chez Beckett: obsession de l'infini, ainsi que chez Ionesco, sorte de ronde des prisonniers; constellation de tableaux simulta· nés chez Genet; théâtre dans le théâtre cher à Genet mais que l'on retrouve aussi chez Beckett dans l'apparence clownesque des personnages: Des clowns, c'est-à-dire des personnages au second degré, des acteurs, chargés sur scène d'une fonction précise, un peu semblable à celle qU'aB$ument les bouffons de Shakespeare. Le chapitre que Geneviève Serreau consacre à Beckett est le meilleur. On y trouve une analyse très fine de ce perpétuel danger; ce risque qu'encourt la parole de retomber dans le silence. Elle écrit à ce pl'Qpos: La pièce entière (il s'agit d'En attendant Godot) est rythmée de ces moments où, la séquence finie; tout retourne au néant une seconde - un temps soudain vertigineux de vide, toutë parole asphy:xiée - avant que vite, de toute urE;_.zce, l'un ou l'autre ne jette dans le jeu une nouvelle parole, ne remette en marche la machine à parler, à exister. Tout se passe comme si la parole était la condition même d'existence théâtrale et d'existence tout court, le mot-vie. Beckett fait dire à Estra·
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Le Viet Nam : vo NGUYEN GIAP, LE VAN LUON : • • • • • • • • • • • • •• • • • • • •
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Récits da la résistance 8.90 F viatnamlenne VO NGUYEN GIAP
Guarra du pau pla, armée du peuple LE CHÂU
Le Viet Nam socialiste LE CHAU
Cahiers libres A.P. LENTIN
La lunl tricontinlntale
Georges Schehadé (auquel il est consacré justement' un chapitre) reste un îlot poétique épargné, Du Liban nous arrive en 1951 une certaine voix - une musique rare qui ne ressemble à nulle autre. La région poétique où se meut Georges Schehadé est restée miraculeusement à l'a,bri des catastrophes mondiales : Les hommes y sont naturellement fraternels, les ob jets de tous les jours s'offrent sans malice aux mains qui s'en emparent, la naïveté y est tragique et légère comme l'enfance, il est encore possible de croire que le printemps existe. Quelque chose méritait d'être souligné dans ce livre ou qu'on aurait aimé y trouver noté: c'est cette grande pitié humaine. Car la souffrance et l'angoisse, patrimoine commun que l'on retrouve chez chacun d'eux, confèrent à leurs œuvres cette tendresse, cette solidarité passionnée. Qu'on ne se trompe pas sur ce néant qu'ils mettent en scène. cette négativité: ils sont le signe d'une grande désespérance. Obsession de l'infini chez Beckett, quête de l'absolu chez Ionesco, revirement d'Adamov, humiliation, dépouillement chez Ge-
Les toutes dernières pages de ce livre qui s'intitulent Pour conclure, sont d'un autre ton, plus journalistiques et moins convaincantes. En effet, après avoir analysé l'apport incomparable de ces grands dramaturges, de le~ originalité, de leur individualité, exploré l'univers de leur imagination créatrice, après avoir dans le chapitre consacré à Adamov écrit: Accoler au mot théâtre le mot idéologie est littéralement une absurdité, une vraie, c'est-à-dire un non-sens, on comprend mal la conclusion de ce livre. Si d'autres auteurs doivent venir prendre la relève, s'ils tardent à surgir, je ne pense pas, pour ma part, que ce soit par vide « politique» mais il faut toujours un temps de respiration après un événement théâtral comparable à celui qu'ont apporté les auteurs des années 50.
veau lyrisme poétique2 que certains. publics ou critiques n'ont pas su. voir, Le fait que dans les théâtres • subventionnés, dans les maisons de • culture, dans les tournées d'été, une : part plus grande est donnée aux. récitals poétiques, est un signe que • le texte théâtral, la parole poétique • doit à nouveau reprendre sa place. • La primauté a trop longtemps été • donnee • au metteur en scene " qUI.• souvent élevait la voix plus haut • que le texte. Les poètes ont déserté .• Il fallait que Genet, Ionesco, Bec- • kett soient joués dans les Théâtres • subventionnés3 pour faire compren- • dre leur importance, pour que le : public ressente avant tout une. vision poétique indissociable de. l'image scénique, pour qu'à nou- • veau la poésie, en dehors de toute • autre considération, reprenne ses· drOlts. ' •• Simone Benmussa •
18.80 F
Economie et Socialisme
• • • • MAURICE GODELIER • • Rationalité at • Irrationalité • Ils ont ouvert la voie à un nou-.• an économie 1
net (son royaume est la provocation, écrit G. Serreau, mais contrairement à elle j'y vois pour ma part le désespoir que cette provocation lyrique masque, comme l'illusion que Genet recherche, cette beauté omniprésente qui est amour, la dignité toute positive d'assumer sa différence et de relever la tête). C'est peut-être de la pitié. Une sorte de grande pitié, dit Hamm dans Fin de partie. Tous ceux que j'aurais pu aider ... aider! sauver. Sauver! Ils sortaient de tous les coins. (Un temps. Avec violence). Mais, réfléchissez, réfléchissez, vous êtes sur terre, c'est sans remède!
18.80 F
MALCOLM x
Le pouvoir noir, écrits politiques
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gon: On trouve toujours quelque chose, hein, Didi, pour nous donner l'impression d'exister? Destruction du théâtre psychologique, destruction du langage, libération poétique pour retrouver un nouveau lyrisme, c'est là ce qui est commun à tous ces auteurs des années 50 ; c'est le passage du théâtre de bavardage au théâtre de la parole.
34.00 F
La révolution paysanne du sud Viet Nam 8.00 F
.'
Beckett lors d'une répétition de Va et vient.
9.90 F
21.60 F
Théorie LOUIS ALTHUSSER
Pour Marx
, 18.88 F
L. ALTHUSSER. • RANCI~RE, P. MACHEREY
Lira Il capital 1
18.80 F
L. ALTHUSSER,
E. BALI BAR. P. MACHE REY
Lira le capital Il
21.60 F
Partisans
• L'Amérique Latine en marche que • •
1. La grande liberté de structures les auteurs ont pu se permettre rebondit à son tour vers le cinéma qui, à cause aussi de la télévision et de l'afflux de trans· mission d'images peut se permettre un langage moins conventionnel. Tout se passe comme si chaque découverte de moyens techniques permettait la purification du moyen d'expression qui le précède.
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(n" 28127)
6.00 F
L'Afrique dans l'épreuve (.... 29130)
7.50 F
• Sexualité •• et répression
2. Jean-Pierre Faye est le seul à ch_ cher dans le sens d'un théâtre épique • et poétique.
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3. Jean-Louis Barrault a été le premier en inscrivant au répertoire d'un subvcll-. tionné ces trois auteurs, à les imposcr • au grand public avec la volonté de les • faire reconnaître officiellement. •
(n" 32133)
7.50 F
François Maspero l, placa Paul Painlevé Paris
une révolution teChnique au service de la réforme de , · t· l enselanemen _~ g~~~qln;~ : HUMOUR
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Boire? ne pas boire?
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Morris E. Chafets Du bon usage de l'alcool Robert Laffont éd., 336 p.
Voyez ce petit sourire équivoque • sur nos lèvres, il est fait d'anima• tion. d'embarras, d'espoir, de crainte. Accessible et menaçant, à : l'image de la sexualité, l'alcool • nous fait tendre et retirer la main, • nous élancer en avant, reculer, • pendant que le serpent du Paradis • joue des airs de Boccherini à la • flûte. Fumer ou ne pas fumer de : nos jours semble une question • hamlétienne, être ou ne pas être, • because le cancer des poumons. • Pour le monstre aux yeux jaune • pâle, le whisky, aucune décision • sur l'heure: il peut tuer comme : nous empêcher de sombrer dans la • dépression.
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C'est le résumé du court ouvrage
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nante qui rappelle celle de vieux médecins de famille, plus soucieux de rassurer que de guérir. Sommes-nous, après tout, plus avides de réconfort que de baume ? Il y a un abîme entre le buveur normal, celui qui boit en famille . et l'al coo l·'que. ou en compagn,e, Du coup, vous pensez bien, chacun se trouve dans le bon camp, entouré de compagnons lucides, modérés, intelligents « buveurs normaux », détendus, bien coiffés, un petit verre inoffensif à la main. De l'autre côté de l'abîme, les yeux hagards, la cohorte des bannis : les alcooliques. Les données topographiques de l'abîme? L'emplacement des clôtures, les garde-fous? L'inclinaison, l'angle de glissement des pentes? Sans y apporter de précisions, l'honnête médecin de famille y allume quelques vacillants feux de balise. L'alcool est de la matière fécale, apprend-on avec une petite moue perplexe. Ni le raisin, ni aucun grain, ni aucune fleur ne font d'eux-mêmes de l'alcool. C'est le ferment, ce microorganisme qui, après avoir dévoré ces fruits de la terre, évacue sous forme d'alcool les déchets de cette nutrition. Ce qu'est le veston pour le gentleman, ce sont les 45 % de teneur en alcool pour le whisky. Pour la déterminer, on utilisa, au temps des Western, de la poudre à fusil. Les colons distillateurs saturaient l'alcool d'une petite quantité de poudre, puis enflammaient ce mélange. Si tout brûlait d'un coup, c'est que le liquIde obtenu était trop fort, la combustion correcte devant être lente, couronnée d'une flamme bleue. Gare aux barbes en éventail. Il s'absorbe per os (à l'exception de rares expériences où il est administré par la voie contraire). Arrivé à l'estomac, contrairement à l'avis public, il ne passe pas directement
dans le flux sanguin, tout au moins pas en sa totalité. Quatre cinquièmes de l'alcool ingéré suit, comme l'ordinaire des aliments, un chemin tortueux, jusqu'à l'intestin grêle. Mais dix verres de cognac, pris lampée sur lampée, causent la mort, parce que deux verres passés dans le sang paralysent le système nerveux (on se demande comment font alors les parieurs de Pétrograd, dans la Guerre et la Paix, assis sur le rebord de la fenêtre d'un deuxième ou troisième étage, et une bouteille de rhum collée aux lèvres? Imagination de Tolstoï? ou endurance spéciale du très redoutable homme des neiges ?).
La fin d'une légende : le buveur ne peut absolument rien faire pour accélérer l'élimination de l'alcool absorbé. Course à pied, tennis, natatiop, ascension du Mont-Blanc n'y peuvent rien, le processus d'oxydation s'effectuera toujours de la même façon et à la même vitesse. C'est le temps seul qui règle l'affaire; un seul sablier pour le mesurer: le foie. Une foule de produits alimentaires peuvent être oxydés dans diverses parties du corps, pas l'alcool. C'est le foie presque essentiellement qui s'en charge, à raison de trente grammes environ d'alcool à 50 degrés par heure (la cadence est plus rapide pour les boissons simplement fermentées). Donc, à nous de faire d'avance les comptes de la souffrance. Parce que, contrairement à nos désirs les plus vifs, pas de remède à la migraine et autres désagréments causés par l'alcool, le lendemain des libations. Nausée, gastrite, anxiété, douleurs restent, vengeance du cortex cérébral malmené par l'esprit du vin. Pas de soulagement non plus au dessèchement ni à la soif: ils proviennent d'un déplacement de liquide des cellules vers des zones extra-cellulaires. La seule ressource est d'attendre, compter les heures, tâcher de penser à autre chose, peut-être avaler un peu d'aspirine qui soulage, et, surtout, observer la plus stricte abstinence. Généralement, les maux passent dans les vingt-quatre heures (qui comptent parfois pour un siècle). Boire? Ne pas boire? L'auteur recommande une surveillance étroite au seul endroit où le flux d'alcool est soumis à notre volonté: au point d'absorption. Trois grands régulateurs: les diluants, la nourriture, l'espacement de l'absorption. Mettons de l'eau dans notre vin, et à plus forte raison, dans notre whisky, mais gardons-nous d'en boire avant l'apéritif (elle laverait les parois de l'estomac et faciliterait l'entrée de l'alcool dans le sang). Vous êtes bien bon, Docteur. Ainsi nous nous élancerions à dos de dragon dans la mêlée, et vous faites de notre monture un cheval à bascule, un dada. Tibor Tardos
PARIS
Vadiln C'était l'heure où la curée ardente emplit un coin de forêt de l'aboiement des chiens, du claquement des fouets, du flamboiement des torches. Les appétits lâchés se contentaient enfin, dans l'impudence du triomphe, au bruit des quartiers écroulés et des fortunes bâties en six mois. La ville n'était plus qu'une grande débauche de millions et de femmes .. Emile Zola, La Curée.
A mesurer la distance qui sépare le roman de Zola, La Curée, du film du même nom que vient de réaliser Roger Vadim, on peut difficilement exclure l'idée, mesquine certes, que le cinéaste a été conduit à présenter cette « adaptation moderne » avant tout parce qu'il avait été frappé par les records de Zola dans le domaine de l'édition populaire : vingt et un titres publiés en livre de poche, des millions d'exemplaires vendus. Un vaste public potentiel était constitué, qu'il suffisait d'un titre pour aguicher. Le chiffre des entrées indique que le calcul était correct. Mais les spectateurs auront de la peine à retrouver dans le film, à part le titre et les noms, quelque chose de l'œuvre de Zola. Vadim élimine d'abord radicalement l'inspiration essentielle du roman, cellelà même qu'exprime la forte métaphore de « la curée » : Zola décrit une bourgeoisie féroce, un monde grouillant de spéculateurs, financiers, agents immobiliers, et leurs acolytes de l'administration et de la politique ; sa géniale imagination sociologique fait surgir des tableaux admirables de précision et d'ampleur, proprement cinématographiques, qu'un cinéaste se référant à l'œuvre ne pouvait honnêtement ignorer. Vadim «liquide» tout cela, et l'inquiétant spéculateur mégalomane Saccard se transforme dans son film en un séduisant businessman (Michel Piccoli), qui a l'air très ennuyé de faire des méchance· tés à sa femme (Jane Fonda), laquelle, il est vrai, a peut-être tort de le tromper avec son fils (Peter McEnery). Personnage résolument ({ moderne » le Saccard de Vadim fait des affai~es avec l'Afrique noire. Quelles affaires, comment, avec qui, on n'en sait rien; l'allusion aux Noirs, dépourvue de tout contenu économique, paraît surtout être le prétexte à quelques fantaisies vaguement racistes - en tout cas, superflues. Vadim préteud, comme nul autre cinéaste, introduire l'actualité dans ses films (Les Liaisons Dangereuses) se déroulent dans une station de sports d'hiver ; Le Vice et la Vertu, d'après la Justine de Sade, met en scène des officiers nazis) ; quelle meilleure actualité, alors que la frénésie de spéculation immobilière qui sévit en France de· puis des années! Aujourd'hui comme sous le Second Empire, à un tournant important du capitalisme
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• • luxueuse une IlnagerIe
correspondent de profonds bouleversements de la structure urbaine de Paris; aujourd'hui comme sous le Second Empire, promoteurs, constructeurs, agents immobiliers, avec la complicité ou l'indulgence des milieux politiques, connaissent des jours fastes ; et l'analogie entre les deux époques pourrait bien s'appliquer à un certaine psychologie commune au prince-président et au président-prince. Mais c'est là, certes, un thème difficile, complexe, dangereux, auquel on voit mal le tandem Cau-Vadim se risquer. De l'image de la curée, explosant chez Zola dans toute sa virulence, on ne trouve chez Vadim qu'un écho exténué, une coquetterie : les deux ou trois chiens que Saccard lâche parfois dans son parc. C'est dans le film de Francesco Rossi, Main basse sur la ville, que les lecteurs de Zola auront le plus de chance de rencontrer son inspiration audacieuse et accusatrice. Vadim a biffé tout le contenu sociologique - et donc politique pour ne s'attacher apparemment qu'à l'intrigue amoureuse, thème effectivement important dans le roman de Zola. Mais ici aussi, Vadim récure, décape, et se débarrasse du thème gênant de l'argent, étroitement lié chez Zola à l'amour ; la note finale du roman, c'est le mot « francs », aussitôt après l'annonce de la mort de Renée. Il existe cependant chez Zola une voie par où l'amour échappe, pour quelques moments privilégiés, à l'argent : c'est l'érotisme - si admirablement déployé dans certains chapitres de La Faute de l'Abbé Mouret. Dans La Curée, il forme un fil profond, tendu, lumineux; Renée parcourt intensément toutes les dimensions de son amour avec Maxime, et singulièrement la dimension incestueuse, qu'elle accepte, cultive, aiguise ; l'érotisme, c'est précisément - cette transformation radicale de l'existence par l'amour chez Renée; l'hôtel particulier de Saccard devient « une chapelle où elle pratiquait à l'écart une nouvelle religion »; l'amour s'annexe la ville tout entière: « chaque boulevard devenait un couloir de leur hôtel »; et la nature ellemême : « Max et Renée se sentaient emportés dans ces noces puissantes de la terre... Parfois, ils se croyaient secoués par un tremblement du sol, comme si la terre ellemême, dans une crise d'assouvissement, eût éclaté en sanglots voluptueux ». V adim, qui passe pour un cinéaste érotique, manque ici sa rencontre avec Zola. Il l'adapte, le modernise : cela donne la vieille histoire de la femme-biche poursuivie, lâchant dans sa fuite de petits cris ; la grâce de Jane Fonda ne sauve pas la situation de la platitude. Le spectateur est comme contraint de se faire voyeur, l'image instable et fuyante l'amenant à guetter avidement les seins mignons ou les hanches agiles de l'actrice. L'activité amoureuse, sobrement mais puissamment indiquée par Zoo la « chaque pièce, avec son odeur
La Quinzaine littéraire, 15 au 31 octobre 1966
particulière, ses tentures, sa vie propre... faisait de Renée une autre amoureuse » se ramène chez Vadim à des ébats : photogéniques dans le jardin ou surpris en reflets déformés sur une surface miroitante dans l'appartement ; pour ingénieuse et plaisante qu'elle soit, cette dernière trouv/lill .. n'a pas grand'chose à voir
Jane Fonda.
avec un érotisme qui vise l'exaltation du corps dans son pouvoir et ses limites, dans sa limpidité et son mystère. Ce qu'on appelle l'érotisme de Vadim est plus une velléité qu'un projet intelligemment poursuivi. Il vise très haut : Laclos, Sade, Zola, mais frappe un peu trop bas: les nudités, plus ou moins mutilées par un cadrage ou des bouts de tissu, d'une Brigitte Bardot, d'une Annette Stroyberg, d'une Jane Fonda, ne dépassent guère une fonction d'exi-
bition ou de propagande - signes illusoires qu'entretient la presse à « sensations », hallucinations brèves que la société bourgeoise 8'entend fort bien à faire servir au maintien de la répression sexuelle. Vadim entre avec une complaisance et une aisance exemplaires dans le jeu de cette société : il livre au public un Laclos, un Sade, un Zola dévitalisés, aseptisés, neutralisés. La marchandise est offerte dans un ~mpaquetage de luxe; les films de "adim déroulent presque teujours une imagerie très élaborée où règnent le précieux et le confortable et qui exalte la richesse et le luxe. Il était certes légitime de la faire pour L4 Curée de Zola ; mais tandis que Zola nous faisait remonter de l'opulence des objets et des décors aux délires financiers de Saccard, Vadim la fige, la détache des motivations humaines, l'emploie à constituer des maquettes de décorateur. L'interprétation « luxueuse » du Repos du Guerrier est encore plus typique : Renaud, le héros phallique du roman de Christiane Rochefort, est arraché à un cadre discret et modeste, dépourvu de tout objet de valeur, pour être plongé, sous les traits de Robert Hossein, dans un décor somptueux, où poser des souliers sur des draps devient le comble de l'insolence. Par son caractère stéréotypé, figé, déshumanisé, la manie du décor luxueux chez Vadim est plus proche de l'esthétique photographique des magazines que de l'inspiration baroque. L'opulence exhibée exagère à sa manière la négation de l'œuvre littéraire, et ces deux procédés complémentaires nous éclairent peutêtre sur la psychologie de la création chez Vadim. Tout se passe comme s'il ne posait un modèle grandiose - le Père ? - que pour à la fois l'absorber et l'expulser, s'y soumettre et se le soumettre, l'exalter et le dégrader - la débauche d'objets précieux étant alors la manifestation infantile de sa propre puissance. Aussi est-ce dans les films seulement dus à son inspiration personnelle qu'il se manifeste le mieux comme artiste : Et Dieu créa la femme, 1956, où il parvient, malgré d'innombrables facilités, à exprimer une certaine présence charnelle de la femme (Brigitte Bardot) et à présenter quelques aspects d'une revendication amoureuse moderne, Sait-on jamais? 1957, trans· position d'un roman qu'il avait écrit quelques années plus tôt, où il trouve dans Venise enneigée avec ses palais un espace urbain savoureux où éponger artistiquement ses obsessions. « Je suis un homme de gauche », affirme d'autre parti Vadim. Admirable illustration du drame de la gauche : on est, ô combien, homme de gauche, mais on reste, en tant que cinéaste, ou écrivain, ou architecte, ou père, mari, amant, que sais-je! confortablement à droite. Roger Dadoun 1. cf. Roger Vadim, par Maurice Fryd-
land, Seghers, éd.
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LETTRES
A «LA QUINZAINE
Breoht Il y aurait beaucoup à dire sur l'article de M. Bondy, paru dam le numéro de La Quinzaine du premier septembre, sous le titre Brecht dix am après. Des analyses, idées ou affirmatiom de son auteur, je n'ai voulu relever que les quelques lignps sur la bonté chez Brecht, car c'est exactement là le thème d'une recherche que j'effectue en ce moment en étroite collaboration avec l'équipe du Berliner Ememble. Brecht a, certes, tout au long de son œuvre, de sa vie, dénoncé les tromperies ou utopies que peuvent recouvrir « des notiom telles que la bonté », pour reprendre les termes de M. Bondy - et il est vrai que certaines figures de la Bonne Ame de Se Tchouan le montrent, tout comme elles montrent clairement, qu'il y a une manière d'être bon qui va à contrecourant de la lutte contre les exploiteurs : c'est en ce sem qu'un homme bon peutêtre considéré comme ennemi de classe, or cela ne ressort aucunement du texte de M. Bondy et encore moim de la citation tronquée et fort infidèlement traduite, extraite du court paème du « Procès de l'homme bon ». Une analyse concrète et plus poussée de la pemée de Brecht aurait évité à M. Bondy des formules telles que le subjectivement bon mais objectivement ennemi de classe » qui sont pour le moim fort ambiguës et très éloignées de la pensée et du vocabulaire sobres et clairs de Brecht. En continuant à feuilleter le Me Ti on trouve quelques lignes beaucoup plus explicitell où il est dit qu'être bon c'est trop 1I0uvent donner du pain à celui qui a faim, lui pardonner un hold up ou se révolter contre la barbarie des guerres sam s'interroger sur l'efficacité ou les conséquences de sa position. Brecht n'a jamais cessé de faire le procès d'une certaine forme de bonté: cela ne veut pos dire, pour reprendre la formule de M. Bondy, qu'il a « toujours pemé que des notiom telles que la bonté n'ont aucun sem ». Ce serait ne faire aucun cas de toute la personne et la vie de Brecht, de toutes ces figures qui jalonnent lion théâtre et à travers lesquelles il définit sans relâche et de mille manières une forme de bonté qui est celle des fi. temps difficiles ». Ce refus d'une certaine bonté est iméparable, dam l'œuvre et la vie de Brecht d'une lutte pour affirmer une autre manière d'être bon au cœur du combat impitoyable. Quand on a saisi le dialectique de cette interrogation on ne partage plus l'étonnement de M. Bondy de voir, à côté d'une condamnatian de la bonté, ce qu'il appelle fi. une nostalgie de la bonté possible ». Brecht n'est pos l'homme des nostalgies mais celui des luttes. Et la bonté qu'il propose pour nos temps difficiles et qu'il a lui-même mise au point tout au long de sa flie n'a rien à voir avec ce que M. Bondy définit « la confiance rousseauiste dam la nature de l'homme libérée de l'exploitation ». C'est une bonté pour l'immédiat et non pour
li)
les temps meilleurs. Elle a nom « FrPlmd· lichkeit li - mot que M, Bondy traduit malheureusement par «gentillesse ». Or, être fi. freundlich Il, c'est être, mot à mot, envers les autres, « comme un ami n, avec tout ce que cela implique de choix, d'exigence, de don de soi, de joie reçue en portage d'efficacité et de réciprocité. Autant d'éléments qui n'apparaissent pos dans une citation, une fois de plus mutilée. Il est regrettable qu'en place du bilan qui aurait été si nécessaire en l'occasion d'un dixième anniversaire, La Quinzaine ait prêté un titre qui engage tant de respomabiZitp à un article aussi discutable. Mireille Gansel Agrégée de l'Université, Dijon François Bondy répond:
Mme Gamel a bien raison d'observer que « gentillesse » est loin de rendre la plénitude du sens de .. Freundlichkeit .. : mais elle-même ne suggère pos une traduc· tion meilleure de ce terme, seulement une paraphrase. / e ne suis d'accord avec aucune de.• autres remarques de votre correspondantp puisqu'elle exclut, me semble-t-il, de la pensée et de l'œuvre de Brecht tout élément de nostalgie, d'utopie et d'ambiguïté - bref, toute la complexité des rapports entre le poète et le militant, A l'inévitable simplification de mon article elle oppose, je le crois du moim, une simplificatipn encore plus poussée. Attendom donc avec intérêt les fruits de la recherche que Mme Gamel effectue sur ce thème pour reprendre le débat. F. B.
Non, il n'en est pas question, mais vous trouverez dès maintenant en librairie~ «Phama, prix Goncourt~, un ' roman de Jean-Charles qui raconte l'histoire d'un lauréat imaginaire. Documenté et impertinent, ce roman de l'auteur de «la Foire aux cancres ~ vous montrera . sous un jour inattendu les coulisses de la littérature (Plon, 12 F t.U.). 30
LA QUINZAINE HISTORIQUE
Octobre finissant, le~ jours déclinent, les cadrans .~()lajrt's "ont au rebut, Baudelaire est l'ontraint de lire l'heure clans l'œil ries femmes. Sainte-Beuve. ~ -éteint (1863). Jt' l'ai connu, trop tard. Il m'a laissé le souvenir d'un {aux bunhomme, cloué sur son fautl'uil. remâchant le souvenir d'un adultère. et apte à tout comprendre. l'uuf lt' génie, Or il avait été. dans 11's années 27, un jeune homme brillant, un écrivain prodige, une sorte dl' Solll'rs pr~mo nitoire, qui, à vingt.deux ans, d'un seul article. imposa Orl(',;-et-Ballades, Hugo, le romanti"me. Long. temps après, au déhut de ce si~('le, j'évoquais sa jeunesse avec Willy.
/e trouve dam le numéro 12 de votre journal un article comacré au Bonnard que je prépare. / e suis très surpris que vous ayiez pu présenter ce livre comme un ouvrage de polémique. Mon étude porte sur toute l'œuvre et la vie d'un peintre, non sur une exposition. Tous les collectionneurs auxquels j'ai demandé l'autorisation de reproduire une ou plusieurs de leurs toiles que j'estime les plus significatives m'ont donné leur accord, et parmi eux Momieur Daniel Wildenstein. Le choix que j'ai de ces œuvres, j'en suis seul respomable, et je ne peux permettre à quiconque de dire qu'il implique la condamnation. d'autres choix, que ce soit pour une exposition ou pour un livre. / e vous serais obligé de bien vouloir porter cette mise au point à la connaissance de vos lecteurs, et vous prie de croire, Monsieur le Directeur à l'assurance de mes sentiments distingués. Antoine Terrasse Nous prenons acte du fait que l'auteur a reçu l'accord de Monsieur Wildenstein. On en n'attend pas moins la publication de cette œuvre actuellement en cours pour juger si elle apporte vraiment les éléments nouveaux qu'on croit pouvoir y trouver.
Teilhard La couverture de notre dernier numéro portait au compte de P,-B. Medawar les opinions de Claude Tresmontant sur Teilhard de Chardin, et réciproquement. Bien que la lecture des deux textes, correctement attribués à leurs auteurs dans le corps du numéro n'ait donné lieu pour nos lecteurs à aucune équivoque, nous nous excusons vivement de cette erreur auprès d'eux ainsi qu'auprès de nos deux collaborateurs.
une heure immobile qui n ·P••' pas marquée slLr les horloges. et ('ppeudant légère comme lm soupir, rapide comme un coup d'œil. Baude. laire. Le Splepn de Paris. 1880 : la \ ision.
Il voyait Paulina m'el' (:('If" Ilnique premii'''' l'isicm cil, (·orp.~ et Clussi de filme, du l'orps animé, qui ne s'effacera pIns jaIn"; .• et ",pme pas dans l'au-d"lii dl' ln 1II0rt. Paulina t.ivante et aima1ltf' sans pudeur mais absolument résf'TI'p,e et my.~té rieuse. Des voix anciennes, des 'I,oix Salll'Clges, des voix de bp.tes pt d'anges la sa/l,aielll. La joie fait passer des brutn('s chCludes devant les ~'eu;t de l'homme, il regarde pourla/lt. il regllrde di' toutes ses forces; la jeune fille Cl des sein,~ petits et parfaitement dressés, presque sans pointes: la taille longue et grasse, les hanches abondantes, son duvet luisant de lmnière notre. Pierre Jean Jouve. Paulina 1880. 1874 : le spectacle.
BoJUlard
••••••••••••• ••••••••••• ••••••••••• LE PRIX GONCOURT SERA- T-IL D~CERN~ UN MOIS PLUS TOT'
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Barbey d'Aurevilly
Willy me dit : Seuls les jeunes gens ont du génie. l'ai découvert une étudiante. Et le 15 octobre 1901, près du nom de Willy, apparut, pour la première fois, ce nom : Andhrée Cocotte. 1901 : le regard.
Dans le salon, d'un luxe irisé, où la danse serpentine des étoffes Liberty attestait la lecture suivie de Jean Lorrain, Mme Vaneau-Desclôtures, qu'en sa quarantaine élancée on eût aisément prise, selon l'immémorial cliché, pour l'aînée des deux filles qu'elle n'avait pas, Mme Vaneau s'abîmait dans les joies calmes d'un crochet tunisien et compliqué, Son regard bleu alla brusquement de son mari, qui entrait, à la pendule, qui sonnait, et ce fut sur un ton d'imperceptible contrariété qu'elle lâcha le mot d'Hervé: « Déjà !» Willy et Andhrée Cocotte . Dans le Noir.
... Je me glissai sans p.trp vu derrière le dos I!clatallt et t,elouté de la belle comtesse de Damnaglia, qui mordait du buut de sa lèl,re l'extrêmité de son p,ventCLil replié, tout en éccmtant, comme ils écoutaient tous, dans ce monde où savoir écouter est un charm e. Olt était rangé en cercle et on dessinait, dans la pénombre crépusculaire du salon, comme une guirlande d'hommes et de femmes, dans des poses diverses, négligemment attentives. C'était une espèce de bracelet vivant dont la maîtresse de maison, avec son profil égyptien et le lit de repos sur lequel elle est éternellement couchée, comme Cléopâtre, formait l'agraphe. Barbey d'Aurevilly. Les Diaboliques.
De la littérature du XIX· siècle, dans ce qu'elle a de plus naif, à celle du XX·, dans ce qu'ellE' n de plus achevé, Barbey luj-mÎ'm:- est l'étincelante « agraphe »). Le RHleau Cramoisi inspire évidemment Paulina 1880. (Dan!' chacun dtls récits, la jeune fille aimée, qui habite une cellule matricielle, je veu).. dire, une chambre sans issue, doit traverser. afin de rejoindre son amont, un étrange passage : la chambre où le Père est endormi, violation qui provoquera la tragédie ). Les résé· das, symbole des amours de Kerkoël (Le Dessous des cartes d'une 1857 : les yeux. partie de whist) évoquent invinciblement les catleyas de Swann. Le Les Chinois voient l'heure dans dos « éclatant et velouté » de la l'œil des chats ... Pour moi, si je me comtesse Damnaglia appelle enfin penche vers la belle Féline, la si ce morceau nu de femme, qui brille, bien nommée, qui est à la fois l'hon-' à l'Opéra, au fond de la vapeur, neur de son sexe, l'orgueil de mon pour Monsieur . Test~. C'est hea~ cœur et le parfum de mon esprit, coup. Je fais lDlen 1 hommage meque ce soit la nuit, que ce soit le morable que rendit Valéry au Con· jour, dans la pleine lumière ou nétable, dès 1896, à un mot près: dans l'ombre opaque, au fond de A force d'y penser, j'ai, fini ~T ses yeux adorables, je vois toujours croire que M. Barbey d Aurevtlly l'heure distinctement, toujours la était arrivé à découvrir des lois de même, une heure vaste, solennelle, l'esprit que nous ignorons. grande comme l'espace, sans divj,. Pierre Bourgeade sion de minutes ni de secondes, -
TOUS LES LIVRES Ouvrages publiéa du 20 septem.bre au 5 octobre
ROMANS FRANÇAIS Michel Bataille
La ville des fous Robert Laffont, 350 p., 15,45 F Le roman d'un architecte Michel Bernard 666 Ch. Bourgois, 224 p., 15 F Une vision apocalyptique Frantz André Burguet Le protégé Gallimard, 240 p., 12 , F Les délires privilégiés d'un adul,te qui a conservé son âme d'enfant. Michel pard Mélusine Se.uil, 252 p., 15 F Les sortilèges d'une femme et les raisons du cœur Ménie Grégoire La belle Arsène Plon, 256 p., 12 F La condition féminine dans toute son ambiguïté Paul-André Lesort Vie de Guillaume Périer Seuil, 316 p. 18 F Voir en p. 9 l'article de G. Pi roué Jean-Charles Pichon Borille Grasset, 12 F Par l'auteur de .. Il faut que je tue M. Rumann • Georges Piroué Ces eaux qui ne vont nulle part Ed. Rencontre, 13,55 F Dix nouvelles par l'auteur de .. Une si grande faiblesse -
G10vani Plrelli La machine trad. de l'italien par H. de Marissy et C. de Lignac Stock, 275 p., 16,95 F La lutte entre les ouvriers et la machine Carlene Polite Les flagellants trad. de l'américain par Pierre Alien Ch. Bourgois, 272 p., 15 F Roman d'une jeune n,o ire.
POÉSIE Michel Deguy Oui dire Gallimard, 10 F Ballades" épigrammes et pièces en proses
MÉMOIRES Clara Malraux Nos vingt ans Bernard Grasset, 15 F Voir en p. 3 l'article de M. Nadeau
Louis Perche Valéry Les limites de l'humain Centurion, 176 p., 9,90 F Une ' étude à partir dés principaux écrits de Valéry E. de la Rochefoucauld En lisant les cahiers de Paul Valéry Tomes XI à XX - De l'Académie Française au Collège de France 1925-1938 Ed . Universitaires, 240 p., 12,35 F Les 257 carnets de Valéry mis à la portée des enseignants et des étudiants Dominique de Roux
La mort Constantin Paoustovski Incursion dans le Sud Trad. du russe par L. Delt et P. Martin Gallimard, 15 F Le cinquième volume de « Histoire d'une vie.
HISTOIRE LITTÉRAIRE CRITIQUE Jean Alter La vision du monde d'Alain Robbe-Grillet structures et significations Lib. Droz, 122 p. Une nouvelle lecture des romans de Robbe-Grillet
Jean Sulivan Devance tout adieu Gallimard, 12 F Un intellectuel perd, devant la mort de sa 'mère, ses illusions orgueilleuses.
Henri Baudin Boris Vian ' La poursuite de la vie totale Centurion, 206 p., 12,35 F Comment s'explique l'engouement actuel pour Boris Vian.
Jean Sulivan Car je t'aime, ô éternité! Gallimard, 12 F Le dévoilement progressif d'une figure d'homme.
J.P. Brisson Virgile, son . temps et le nôtre Maspéro, 408 p., 24,65 F Michel Deguy Actes Gallimard, 18 F Qu'est-ce que la poésie?
François Vigouroux L'insurrection Ch. Bourgois, 240 p., 15 F Les jeux de l'imaginaire et de la réalité
Yvonne Guers-Villate C.-F. Ramuz Buchet/Chastel, 192 p., 12 F Une étude sur le grand écrivain suisse
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La Quinzaine littéraire, 15
Littérature de notre temps Ecrivains français recueil 1 Casterman, 256' 'p., 13,50 F Un recueil de 64 fiches rédigées par des professeurs, des écrivains et des critiques
Joseph Majault Jean-Marle Nivat Charles Geroniml Littérature de notre temps Etude générale sur la littérature française du XX· siècle Casterman, 320 p., 24 F (lU
31 octobre .1966
de L.-F. Céline Ch. Bourgois, 216 p., 15 F Un bilan violent de la littérature contemporaine à travers l'œuvre de Céline Jean Sur Aragon Le réalisme de l'amour Centurion, 208 p., 12 F Une étude des grands thèmes d'Aragon au-delà des préjugés esthétiques ou politiques
N. Tertulian Mihai Beniuc Seghers, 200 p., 7,10 F Un des chefs de flle de la poésie roumaine contemporaine
PHILOSOPHIE Daniel Christoff Edmund Husserl Seghers, 200 p., 7,10 F Une étude , sur le fondateur de la phénoménologie J. Lacroix Panorama de la philosophie française contemporaine P.U.F., 248 p., 12 F Des philosophies de la réflexion et de l'existence aux recherches actuelles de la psychologie Germaine Lot Descartes Seghers, 200 p., 7,10 F
ESSAIS Michel Balint Enid Balint Techniques psychothérapeutlques en médecine Trad. de l'anglais Payot, 270 p., 20 F Faisant suite au «Médecin, son malade et la maladie-, une recherche apPl!yée sur de nombreux cas cliniques André Kob La m'u tation Buchet/Chastel, 228 p., 15,60 F L'homme actuel face à une civilisation r.adicalement nouvelle Henri Fesquet Rome s'est-elle convertie? Bernard Grasset, 12 F Le renouveau de l'Eglise et son avenir
Bernard Vernier Armée et politique . au Moyen-Orient Payot, 256 p., 15 F Les rapports de ce nouveau groupe sociologique moteur qu'est l'armée au Moyen-Orient avec les autres forces politiques
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Jacques Robichon Extraordinaires histoires vraies Lib. Acad. 'Perrin 375 p., 15 F De Savanarole à Hiroshima Michel C. ' Vercel Les rescapés de Nuremberg Albin Michel, 256 p., 18 F Les secrets de la forteresse de Spandau
FORMATS DE POCHE Littérature Maurice Barrès Le culte du moi Livre de Poche Jean Dutourd Uné tête de chien Livre de Poche Georges Duhamel Vie des martyrs Livre de Poche Roger Ikor Les eaux mêlées Livre de Poche
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Malcolm X Le pouvoir noir Maspéro, 272 p., 18,80 F Le plus célèbre des Musulmans Noirs, assassiné en 1964
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H.H. Kirst 08/15 J'ai lu T.E. Lawrence La matrice Livre de Poche
Marivaux Théâtre, t. 1 Livre de Poche Catherine Paysan Nous autres les Sanchez Livre de Poche Jules Romains Les hommes de bonne volonté T. XI et XII Naissance de la bande Comparution J'ai lu Jules Supervielle 'L'enfant de la haute mer Livre de Poche Poésie Victor Hugo Les Orientales suivi de Les feuilles d'automne Livre de Poche Raymo'nd Queneau L'instant fatal Poésie, Gallimard Essais Alfred Adler Connaissance de l'homme étude de caractériologie individuelle Petite Bibliothèque' Payot Henri Fluchère Shakespeare, elisabethain Idées Georges Gusdorf Pourquoi des professeurs? Petite Bibliothèque Payot . David Irving La destruction de Dresde J'ai lu ' Karl Marx Œuvres choisies, t. 11 Idées Jean Rostand Biologie et maternité (Inédit) Idées Werner Sombart Le bourgeois, contribution à l'hIstoire morale et Intellectuelle de l'homme économique moderne Petite Bibliothèque Payot Jules Sup'ervielle Gravitations Poésie, Gallimard Art Histoire de l'Art Art précolombien, art colonial ibéro-amérlcain Histoire de l'Art, Payot Divers Jacques et Paule Villemot La Nouvelle-Guinée Marabout-Université
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VIE DE GUILLAUME · PEIIIER ~
par Paul-André Lesort Une vie ... A travers les contradictions des documents et des témoignages que reproduit le biographe, à travers les hypothèses qu'il peut former, à travers les lacunes et les silences qu'il respecte, il introduit à ce mystère central d'un être qu'il revient au lecteur de découvrir en comblant, vie pour vie, ce que les apparences tantôt indiquent tantôt déforment. Et c'est à courir une aventure personnelle que convie ce roman. . Roman 320 p., 18 F 15 ex. numérotés sur vélin neige: 45 F - 100 ex. sur vélin neige réservés à la sélection Lardanchet. BERTRAND D'ASTORG La jeune fille et l'astronaute
SEUIL
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Dans cette œuvre libre et multiple, le lecteur choisira, à son gré, le fait-divers, le roman d'amour ou le mythe.
JOSUÉ DE CASTRO Des hommes et des crabes
LE PRINCE
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Un récit qui en dit plus long sur la faim que tout traité d:économie politique.
MICHEL DARD Méhlsine
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"Aucun livre n'a été aussi loin dans la description de ces personnages minces, vêtus de gris, courtois, compétents, qui sont les principaux .utilisateurs du mobilier national. Casamayor nous annonce que l'Administration approche des temps raciniens." Georges Suffert (L'EXPRESS)
L' extraordinaire quête d'une femme.
PETER HARTUNG Nlembsch ou l'immobilité
12 F
Prix des critiques allemands:
PAUL-ANDRÉ LESORT Vie de Guillaume Périer
par Casamayor
" Les coups de griffes ne manquent pas. L'esprit en est tout réjoui". Georges Pirouè (LA QUINZAINE LITTÉRAIRE)
18 F
Une vie: à travers les contradictions des documents et des témoignages que reproduit le biographe, à travers les hypothèses qu'il peut former, à travers les lacunes ' et les silences qu'il respecte.
Roman 144 p., 8,50 F
SEUIL
JEAN-PIERRE VIALA Le cessez-le-feu 12 F Les six premières semaines de vie militaire d'un sursitaire e(1fin appelé sous les drapeaux à l'.âge de 25 ;'lns. -"
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pOeSle PIERRE EMMANUEL Ligne de .fatte 18 F Un choix dans J'œuvre passée du poète qui retrace son itinéraire spirituel.
BALZAC : 112 F L'intégrale de la Comédie humaine en 7 volumes de 16 F chacun.
par Bertrand d'Asto/g ... Ou comment l'amour de Marie et de John, la route qui les conduit à bord d'une MG rouge de Paris à Antibes, deviennent par les pouvoirs d'un romancier qui est aussi un poète et un érudit, synthèse de tout le passé de notre culture et de l'élan de l'homme nouveau dans le cosmos. Une œuvre libre et dense - où se fondent le romanesque et la fable. Roman 192 p., 12 F
SEUIL
MÉLUSINE
essais JACQUES CABAU La prairie perdue, histoire du roman américain 19,50 F Collection "Pierres Vives". JEAN-JACQUES FAUST Le Brésil, une Amérique pour demain
15 F
L'histoire mouvementée, les ' ressources et les problèmes du Brésil· contemporain. Coll. "L'Histoire Immédiate". .
PIERRE SCHAEFFER Traité des objets musicaux
LA JEUNE. FILLE ET L~ ASTRONAUTE
45 F
Une définition de J'objet musical selon une méthode interdisciplinaire. 48 exemples musicaux. Coll. "Pierres Villes ". L'album de ;3 microsillons 55 F.
EUE WIESEL Les jUifs du silence 7,50 F La vie des juifs d'U.R.S.S., murés dans leur peur et leur solitude.
société N° 14 - Les pièges de l'épargne, par H. Cazal et P. Vajda 4,50 F Du bas de laine à la Bourse - La belle épargne de la belle époque ... doit-elle être regrettée 7 L'épargne et la politique.
N° 15 - La relève de l'or, par Jean Dautun 4,50 F Les collectionneurs de napoléons - Le dollar vaut-II de J'or 7... ou va-t-il être mis en faillite? - Vers une nouvelle monnaie internationale.
N° 16 - Pour une polltlqu'e du crime, par Georges Pica 4,50 F Sommes-nous protégés 7 Des criminels pour demain... A quoi servent les prisons? Mieux vaut prévenir...
par Michel-Oard « J'aime une sorcière, c'est pourquoI Je l'ai appelée Mélusine". Ainsi parle le narrateur, au seuil de cette extraordinaire quête d'une femme. Et le lecteur à son tour se trouvera tout d'abord fasciné par Mélusine. Aimet-elle celui qui la traque? Est-elle impure, frigide, maléfique, elle-même ensorcelée? . '1 Pris au piège du romanesque dans une aventure qui nous entraine de Paris au Cambodgè en passant par New York, on ne pourra demeurer insensible à cet envoûtement que Michel Dard a su rendre vraisemblable.
Roman 256 p., 15 F 15 ex. numérotés sur vélin neige : 45 F
SEUIL
LES PRÉTENDANTS nouvelles par Pierre Joffroy "Pierre Joffroy est Journaliste, il sait accrocher l'attention ; dès les premières pages il établit un mystère, et n'en soulève les voiles que très lentement... Tout peut servir de tremplin à son imagination, mais il ne dépasse pas les limites du possible. Il agit comme un chat jouant avec des souris: des mots, et ses rêves" . Marie-Claude de Brunhoff (LA QUINZAINE LITTÉRAIRE) 1 vol. 192 p. , 9,50 F
SEUIL
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