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Caillois
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UlnZalne littĂŠraire du 1er au 15 mai 1970
SOMMAIRE
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LIVRES DE LA QUINZAINE
Roger Caillois
L'écrit ure des piern's Cases (rUII échiquier
par Gilles Lapouge
5
ESSAI
Roland Barthes
Cem pirI' cles siglles
par Françoise Choay
6
CORRESPONDANCE
Malcolm Cowley William Faulkner
Corresp0/l(L((//ce. 1944-1962
par Maurice.Edgar Coindreau
8
ROMANS ETRANGERS
Irvin Faust Valentin Kataïev Guillermo Cabrera Infante
L 'aciaigLe Le puits sacré Trois tristes tigres
par Jean Wagner par Y. C. par Jacques Fressard
ROMANS FRANÇAIS
Romain Gary Jean·Pierre Gaxie Viviane Forrester Yves Buin
Chiell bLallc Gruffiles Aillsi des exiLés La N/iii l'erticaLe
par Cella Minart par Claude Bonnefoy
DOCUMENTS
Paul Lidsky Gabrielle Russier
Les écril:aills cOlltre La Commulle Lellres cie prisoll
par Martin Fort par Maurice Nadeau
14
ETUDE
Pascal Quignard
L'être du baLbutiemellt
par Jean-Noël Vuarnet
15
ARTS
Wolfgang Brückner Herman J. Wechsler
1magerie popuLaire aLLem((//de. La I!ral'ure. art ma;eur
par Jean Selz
16
EXPOSITIONS
Galeries parisiennes
par Gérald Gassiot-Talabot Nicolas Bischower Guy C. Buys~
18
ECONOMIE POLITIQUE
Denis Roche Rohert Latlès
Carllac Mille milliards de dollars
par Alain Jaubert par Bernard Cazes
19 20 21
LINGUISTIQUE
.T ulia Kristeva Leonard Bloomfield Emile Benveniste
Séméiotiké Le Lallgage Le vocabuLaire des illstit ul iOlls illdo-européennes
par Roland Barthes par Angèle Kremer-Marietti par Françoise Bader
22
HISTOIRE
Eugen Kogon
L'état
24
PSYCHIATRIE
Sous la direction de Franco Basaglia
L "illstitution en négatioll
par P. F. Guatlari
25 26
THEATRE
René Ehni Racine Jean Genet
Super-Positions Bérénice Les Bonnes
par Simone Benmussa par Gilles Sandier
27
CINEMA
Zabriskie Point
par Annie Goldmann Dar .lacaues-Pierre Amette
28
FEUILLETON
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par Georges Perce
Publicité littéraire': 22, rue de Grenelle, Paris-7·. Téléphone : 222·94·03.
Crédits photographiques
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François Erval, Maurice Nadeau.
Conseiller : Joseph Breitbach. Comité de rédaction : Georges Balandier, Bernard Cazes, François Châtelet, Françoise Choay, Dominique Fernandez, Marc Ferro, Gilles Lapouge, . Gilbert Walusinski.
La Quinzaine littéraire
Secrétariat de la rédaction Anne Sarraute. Courrier littéraire Adelaïde Blasquez. Maquette de couverture Jacques Daniel Rédaction, administration : 43, rue du Temple, Paris-4e • Téléphone: 887.48-58. Promotion.Diffusion Fabrication Promodifa 400 rue St-Honoré - Paris-ler
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5.5,
Publicité générale : au journal. Prix du n' au Canada : 75 cent!!. Abonnements : Un an : 58 F, tlingt.trois numéros. Six mois : .34 F, douze numéros. . Etudiants : réduction de 20 %. Etranger : Un an : 70 F. Six mois: 40 F. Pour tout cb-angement d'adresse envoyer 3 timbres à 0,30 F. Règlement par mandat, chèque bancaire, chèque postal : C.C.P. Paris 15.551.53. Directeur de la publication François Emanuel. Imprimerie: Graphiques Gambon Impression S.LS.S. Printed in France
par Pierre du Bois
par Roger Errera
p. 3 p. 5 p. 6 p. 8 p. 9 p. Il p. 12 p. 13 p. 15 p. 16 p. 17 p. p. p. p. p.
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Skira éd. Skira éd. Cartier-Bresson, Magnum Gallimard éd., Gallimard éd. Denoël éd. Maspero Richard Bouchara Atelier René Jacques Michel Cenet Etienne Hubert, Point Car· dinal Minuit éd. Roger Viollet Carla Cerati, Snark Bèrnaud D.R.
Caillois, l'arpenteur QUINZAIN., Deux livres de Roger Caillois. quelle fête, et pourtant cet infâtigable découvreur ne franchit cette' saison aUCURe nouvelle frontière, Il campe sur des positions déjà balisées : l'un de ses ouvrages décrit des pierres, L'autre, Cases d'un échiquier, rassemble les thèmes de ses livres précédents, On dirait qu'après de longs périples, Caillois a voulu dresser son bivouac, Rog~r
\.aillois 1/ écrilllre de.~
1
pierre~
(~ ~~s s~nt ier~ de la l'réal ion ))
SkI ra, e<l., HO Il.
Cfl.~e~
1
d'lIll échifJllier Gallimard, éd. 344 p.
Non qll'il soit fatigué ,I~ "agahOluler mais il a recueilli tant ,I~ pépiles et si ,Iissemhlahles 'Ill'il ,élll'ollve la nécessité de classer son hésor. Ali premier regal'll, ,'e trésor est ,lécOlll'ertant. Il ~st fail ,le hric ~t de hroc : <les nli 1I0ux è,l ,Ips scarabées, FanltHnas et le h:lIl1're.III, les fêles et les rê, es, les rpligions 1'1 le (·el'f-yolant. la guelTe el le pape. li ne anthologie chinoise dite par Borges n'est pas pins san~'renlle et l'on compren,1 (Ine Caillois, observe une pause afin ,l'organiser ~a cue'lleUe. Il ,I~mellre fi<lèle Ù S\I manière mais les ohje1s qll'il examine, ail liell <l'être cellx qne Illi propo,.:ellt le mon,le' on l'es 'rê,"es ,les IHllilllles', sont les oh,jets pl'o,11I its pm' son propl'e espl·it. Sous son micl'oscope dément les liHes qll'il a ,léjÙ "omp'lsés. El sllr ces lin'es, l'e c1assifi.'.lteur épenln se met à la hesoI!ne. Il le" confronle on les 0llpose. 11 ,Iécrit l'or<lre qui les sOl'ti~nt. 11 les traite ('omme IIne "oll~l'Iion ,le flelll's. De sorte (In~ l'OIuTage mél'ile dellx lel'l~II'es. soit 'Ill'on y ,'hen'he les hantises habitnelles <I~ Cailloi,.:, enri.'hies de qnelqnes jol,esses, soit qu'on le lise "'Hllme le IIll'fle, d'emploi de l'espl'it ,le Cai l'ois. C'est celle secolHle lectllrt~ qlle no:,s' l'et ienill'(lIIs pOlir lu raison (Ille C!lillois ne nous a jamais gâtés en confi,lences. Pour lu prerilière fois, il nOlis parle de lui-même, mais que l'on n'allende pas de cet éeri,'ain' halltain, glacial et céré· moniellx un q lIelnHlqlle ~panche. ment., Impl'llpre au lyrisme et pOllrtant SOli cieux de se dire, il a choisi nn, ehemin ohliqnc pour La Quinzaine littéraire, du
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transporter sa ('(Hlfe"sion. t :elle-.'i nuit "omme 1111 ('hanl brouillé, non ,le la voix elle-mêm~, non ,les dllls",s qll'" ,lit l'elle voix, mais plllltlt ,Ips relut ions qn'enlr",t iennent ensemble les piè('es ,lu puzzl", qn'il a ,Ies"iné en tl'ente années. De (,e puzzle, nous connaissons déjà bien des 1II0rceallX mais ils sont ici réunis ~t r~taillés, (Ians I~ ,I~ssein de former la totalité jamais aperçue. p~u Ù p~u se compose sons nos yeux la géognlphie (l'lin espl'it, lin portrait en miroir ,le l'anteur. \.e portrail est animé d'Ilne passion fon,lamentale, celle (le l'or.h'p. Taxinomiste forcené, Caillois aurait pn (Iem~urer nn gnunmairien excellent, lin érudil on 111I logicien si une p~tit~ foli~ n'l)\'ait pas penerti SOIl penl'hant il la c1assirication. C'e't que, l'elle pas_ sion fie 1'0nJr~, il l'applique il ré(luire le (Iésonlre. Il l'onsacre son •UlClII· ,les l'atégories à ce 'lui éc!'appe anx catégories el sa logi. que à l'extrav!lgant. Son œuvre esl alors sans resselllhlance. Elle énlql"e la chall"e-solll'is : les lerritoires qui attirent Caillois sont ceux <lui hantent les visionnail'es, I~s I~Tiques ou les nOl't lII'nes rê,'e, inwi!ination, inconscient, monstnreux ou anormal. Mais ses IIlnyens sont ~mprllntés aux logicieus et allx posit i,'istes. De IÙ le ton uniuue <le ,.:a pl'()se : IIne voix l'aisounahle pOlir dire lit déraison, l'ne j"resse gm)\'ernée, uue géométrie chargée <le jeler ses lacs el ses figures sur l'informe et sur l 'in(li Hél'encié.
Mendeleïev Le heau texte sur Men<l~leïev illustre ccII'" i(lée. On sait que l~ chimiste l'usse s'~st interrogé sllr la mat ii·re. Recensaut les élélII~nls; il a déconvel't la règle 'lu i les cOll1nHIIHle et la loi <le lellr SIlCcession, ~n fonct,ion (I~ lellr masse aillmique. Il a ainsi élahoré, par la seille 10gi(J1re, un tahleau des corps simples. (h, Ù son époqlle, cerlains (le ces C()J'ps étaieut inconnlls et (ks cases demellntient inoccupées SHI' l'échiquier. Menfleleïev n'en ,avait cure. Sa confian(~~ en la Ingiqlle était ,intacle ~t Ips années sllivantes, en effel,' on vit tout~s les cases dn tahleall l'ecevoir leurs locataires et ces locataires - les éléments lnanqilants avaient exactement la masse atomique annOlicée l'al' MeÎuleleïev. '
au 15 mai 1970
V()iIÙ le genre (l'affaire <fui en·
Agate œillée (Uruguay),
('hante Caillois. Il rêve d'un Men. deleïev de la nuit 011 (I~ l'ilTégulier. l\e pourrail.on pas étahlir, (Ians <les champs plus incerl.ains qlle l'ehri de la l'himie, 111I tahleau analogue (Iont l't-('onomie fixerait les lois de l'imaginaire, la l'égularilé de l'anormal, l'algèbre des ténèbres? Projet qui n'est pas suns énlqller (:elu i qll~ Baullelaire assil!nait Ù la poési~ - ,'t nlll ne s'étollnera que Caillois place Bau11~laire au pr~mier rang parmi les poèl~s.
TOlites ces idées nous l'envoient ail t hème (le la collee! ion. Le heau liHe Slll' l'Ecritllre de,~ J!ierre,~ nons rappelle qne Caillois a de superhes collect inns cie minéraux. Celle ll1ani~ n'est pas insigni. fiante. On la retrouve (Ialls heallcnllp (l'esprits <iu premier mériie et l'on pOllrrait se (Iistraire Ù isoler, .Ians celle collection que fOl'ment l'ensemhle des écrivains, la collect ion plus étl'(lite 'lue con~ti tuent les é('I'ivains (,(llJel'lionneurs : au hasanl, Goethe on Rousseau et leurs herbiers, Lévi· Strauss el ses pensées sau\'a~'es, Jünger et ses coléoptères, Borges et ses hiblinlhè(Ines, f:aillois et ses pie.-res. Et pourquoi ne pas utiliser celte classe d'écrivains (,ollectionnellrs en nIe (le (Iélimiter pills justement, pal' le jeu des (lifférellces et (les res"emhlailces, le lieu exal'I 0 .. fOll('tiolln~ \.ai 1I0is? f:hoisissons Jiin~er. Il a des traits communs avec Caillois. Il est également fasciné par l'insolite, les insectes, le je,n d'échecs, le cristal ou la gue.-re. Mais lés mêm~s ohsessiollf sont soumises à fIes trait~ments opposés. Si J'un et l'autre patrouilJel1t. flans les mê-
mes territoires, Caillois ne (:èd", guère il ses fas('inations et "on pro. pos est (le soumettrc l'in('onllu au l'onlll\, J iinger opère an contraire . Il ne se porte aux confins du connu qne pour (~ontempler (Ians une sorle <l'extase, l'innolllmé.
Sur l'autre frontière Sur l'autre frontière. Borges. Ses (~oJlel't ions sont plus rares, elles rassemhlent (les lin'I's, tles animaux imaginai l'es, (les th~olo I!ies et ,les gnoi-;es. Comme Cail· lois, Borges est un logicien, mais la (Iifférenœ eRt ra<lil'ale. Cai 1J0is se saisit d'une propoliitiun qui 'Qf~ Cense la logiqlle et il lui passe le lieol de la ra'Ïson: On '(lirai.! fl"tHl chien de herger qui l1-?aime que les hrebis (Iont h tpte ~sl un peu fêlée, mais qui pa~se son t~mp~ Ù leur faire rejoil11lre le troupeap:Bor~es chemine à l'envers.' Sonhonheur est ,le traiter 11I11' formule simple, inl'ontestahle, et (le la nÜ· 'nel', (le la pervertir pal' la ~l'âce fl'une 10l-(ique ,plllS rigOllreuse ou pl,lIs fine ..(Jne sOl'le (le Zimon,(léverl-(0n(lé. Il s'agit tians nn ('as de ramenel' la déraison à la logitlue, (Ians l'autre, de faire de la 10giq~le lin virilS fie la (Iéraison. L'un veut, réfluire le verlige à la l'èrtitu(le. L'autre pal·t (l'une eertiltlfle pour ahoutir au vertige. Il est une antre (Iistinction. Borges est un farceur et un sceptique. Son ironie (Iésespérée ruine toute foi et tout l'onfort. Il est fasciné par la mélaphysique et la théolo. gie, mais comme il est agnosti(llIe. on conviendra <I"e cet intérêt est plutôl hizarre et assez ludique. Rien de tel chez Caillois, Il ne
~
Caillois, l'arpenteur
quitte jamais son sen eux. Sous l'apparente frivolité .Ie ses collections, malgré une légère telHlance à la préciosité, c'est une interrogation grave qu'il exprime. Tout se passe comme si l'énergie de cette œllvre naissait ,l'ulle pani'l"e. Caillois semMe tel' rOI isé à l'idée du chaos. Pour un rien, pour une distraction, tout l'édifice bâti par les hommes risque de s'anéantir comme se ,Iévide un tricot mal terminé. La longue recherche revêt alors un caractè-re pathétique car c'aillois se porte toujours au lieu ,Ill plus grand péril. Il fortifie les frontières, il colmate les brèches, il veille aux portes ,le la cité et dès flue les armées des ténèhres font mouvement, il intervient pour rpduire l'anolllai ie ou pOllr portel' la lumière dans la nuit. Romain hien plus (pIe Grec, il consolide, il civilise, il trace des routes et lance des ponts, il légifère.
Plus proohe de Linné que de Darwin Ainsi, cette pensée (l'apl)arence ant i.lristOl'j'l(ue - plus proche ,le Linné IJl1e de Darwin - n'est pas sans relations intimes avec l'histoire, Caillois sait que la meuace est incessante. Il tient que la gra!lleur de la civilisation et .le l'histoire (et sans rloute pense-t-il en secret, rIe l'Occident) est ,l'avoir ,iu~ulé, par l'exercice alistère ,le la pensée, les vagues de la lIuit. « La civi/i.~atirm est une cOl/qllête fragile, proté5{ée seuLement 1'''1' ulle mince épaisseur de verre ; il laut l'our la maintenir une vigiInnee '111i ne se lais,~e l'a.~, rem pla. cel' par le sentiment que Les avantages lentement acquis crm.~tit1lellt une ,~o,.te d'état lIaturel. Les rn:mstres demeurent à l'affût n. Jamais tramfuille, c'aillois n'est (lonc jamais vraiment satisfait. Il ne lu.i suffit pas que l'univers soit or(lonné et gouverné. Il veut aussi fJlle le monde soit clos et qu'il se nrnge ~u principe .le l'tmité. Pour lui, l'illimité est auss'i infJ1liétant que le désorrIre dont il n'est qu'une autre figure. De cette secon,le hantise, d'autres images renrlent compte : la tahle de Mendeleïev rassnre Caillois en prouv.ant qu'il y a rIe l'orrlre dam les choses. Le jeu rl'échecs lui suggère que le monde est égale. ment limité, Qu'enseigne en effet ce jeu? Il montre qu'avec une col.
lection réduite ,le pleces, on peut mener ,les I.arties innomhrahles, on peut produire l'illimité. c'et apologue peut se tra,luire ,lans la réalité : on ne doit pas s'alarmer puce que l'imivers est un lahyrin. the inextricahle. Le jeu ,l'échecs nous apprend que celle p,'ofusion décourageante ries formes n'est en vérité qne la combinaison rIe quel. 'lues éléments simples et limités. Si l'on sait .léchiHrer la syntaxe du mon.le, on s'apen;oit que le dédale ,les phénomènes recouvre en rpalité une structure simple et close, dont seule la fér'olHlité combin<!toire est infinie. Ainsi, comme vingt-q.uatre leures forment l'les biLliothèques sans fin. quel(lues figures élémentaires (Iohnent nais. sance à l'enchevêtrement rIes for· mes. Une métho.le, celle de la ,~ciellce diu,'!ulwle. ,-a fournir lin contenu démonstratif à l'nsa!!e ,le l'échiquie~, Qn'est-ce que fa science ,Iiagonale? C.aillois propose ,l'éclairer l'nn par l'antre deux champs que la tra,lition scientifique sée pare. Il ccmpare les dessins rIes pierres avec ceux ries peintres, ou bien les arabesques des papillons avec les emblèmes ,les civilisations archaÏfrues. Ainsi parvient. il à ,Iésensevelir, sous It's classes onlinail'es .le la eonnaissance, des classes inaperçues (Jont le 1)I'emier mérite t'st d'énoncer l'unité de champs séparés. Toute l'œnvre de Caillois est ainsi constellée (le carrefours où se prodnisent de hizarres rencontres: l'inanimé avec le vivant, le minéral avec le végétal, la chimie avec le rêve, l'animal avec l'humain. On a pa1'fois l'epToehé à une telle méthode son anthropomor. phisme.", C'est le eontraire qn'il fa,mlrait dire. Ce que c'aillois mon· tre, c'est que J'homme fait p,artie rIe l'univers animal, même minéral - et 'IU'il ne s'en r1isÜnf!;ne que par la raison. c'elle première leçon est simple. II en est une autre, plus l'Ure. La science diago. na'e enseif!;ne ceei : il arrive lJue ,leux formules homolo~ues, rlans cette com hinatoire qne constitue l'univers, apl)araissent en l'leux points très floignés l'lm de l'autre et en ries champs tenus pour iso· lés. Par exemple, une première fois ,Ians le poisson hippocampe, une ,Ieuxième fois ,lans le cheval rlu jeu d'pchecs (et Caillois est convaincu qu'entre les fIeux for· mes il n'y a pas influence mais
coïncidence). Autre exemple: le même .lessin pl'écis et complexe orne à la fois le ,-entre ,J'une arai. gnée de Flori,le et le masque ,les llivinités mexicaines. De telles l'en. ('ontres ra"issent c'aillois. Elles lui ,lisent (Ine ,lans l'embrouillamini '-erti~ineux .Ie "l1ni,-ers, les combinaisons possibles ne sont pas illimitées puisqu'il a Lien fallu utili· sel' certaines de ces comhinaisons à deux reprises. Le mOlllle n'est pas seulement onlonné. Il est fini.
Une tension austère c'es hantises que nous avons essayé de dire commandent un certain stvle, ,J'ailleurs aclmirahle. Rien ,I~ vague et rien d'inutile. U ne tension austère. Le poète est celui 'lui nomme, le f!;arrlien des mots, clonc ,le la réalité que les mots découpent et ('ont rôlent. L'ér'riture ,le Caillois fuit aussi hien les images et le flou ,le la poésie insllirée que les hl'umes dont s'enveloppent à h fois la philosophie et celle littérature contemporaine ,Iont Ca:llois ne fait pas gran,1 ('as. Style .le cristal et .le métal, il tran..tH~, il taille, il définit, il indse, il polit et il gouverne. Ses mOllèles sont à cher. ('her du côté de Montesquieu, mienx encore chez Tac:re : 10111gne (Iure et sans havnre, parfaite, elle étincelle d'une poésie sèche et ,le l'espèce rIe crépitement électri. rlue qui montre que le courant n'est jamais cOl!rt·cin~uité par ancnn désorrlre. Langue (Iont on pourrait r1ire ce que- c'aillois ,lit (le eelle .le Taeite : faite pour le marbre et le hronze, pour l'immuahle par l'immuable. Cette attirance pour le métal ou pOUl' le minéral pose une autre question. Une lente ,1érive semhle cOIHluil'e Caillois vers l'les pays.:!~es de plus en plus austères, Il a commencé par étlHlier les hommes, leurs sociétés, leurs reli~ions, leurs guerres. Puis il a accordé une place croissante au monde ani. mal, celui des insectps. Enfin,la passion des pierres, si elle est an· cienne, tend à ,Ievenir envahis. sante. Cioran, qui a noté dans c'ai\lois cette fascination du miné. l'al, y lit I.a hantise rIes commence· ments. c"est exact, mais encore faut·il préciser : la pierre qui sée duit Caillois n'est pas tout à fait celle rIes commencements. Elle ne durcit qu'après le maf!;ma, après l'inrli(férencié (les vrais commencements. Elle marque plutôt la fin
,lu ehaos, la prenllere signature lisible du monde et son é,'ritlll-e ori;.::inelle. Elle propose ,Iéjil, clans sa perfectinn et ,Ians snn étel'll ité, la première éilalJ('he ,le ('elle 01'· ,Iollnanee ,lont 1,ll1s tarcl la 10gi'lue des hommes étendra la sou"enli. neté à la totalité de la ,'réation. Ce système dont on peut ,Ié(,hiffrer les linéaments il tnn"ers les moreeaux é,'latés proposés aujollr. ,J'hui est d'une arehiteclure assez majestueuse. Cet énivain s'est as· signé la mission ,l'être m:linteneur, (·ivilisatellr. {Tn eonsel'\ateur au sens le pIns nohle ,lu mot. Est· il pel'mis eepelulant ,le mal'quer 11I1 regl'et et ,le se demalHler si les ('ontraintes (11lïl s'est imposées ne sont l'as t roI' sévèœs ? Le style même de Caillois souffre parfois ,l'un exeès de contrôle. Un rien cl'incertitlHle jetterait des éclats plus lointains .Jans ('es heaux l'ris. taux oÙ l'on a~'lIerait que passent non seulement ,le dures clartés, mais aussi les reflets ,les hrouil· lar,ls et ,les spectres. ~ous aimons il croire (l'le c'aillois est conscient de ces ehoses, (fUel'l'les allusions glissantes le sU/-l~èrent. Et son gOIÎt .le 1'0r,Ire, sa passion rIes hiérarchies ne vont pas sans quelqne ptran1!eté. Car enfin, ,le lllPme que le hlltisseur ,le ponts ,Ians la cité antique, passe pour Facri lège et entretient (Iuelque ar'cointance avec le mal et les ténèbres, cet écrivain qui s'acharne pal' le moyen ,les scienees ,lial-(ona les, à jeter des ponts entre les règnes, il rassemhler l'inanimé et le vivant, "animal et l'homme, est aussi un homme rie la trans~ression. A force rIe fabriquer Iles chimères, ne hrouille.t·il pas cet ordre (lu monde auquel il fait révérence? Un nécromant se diFsinll1le sous le législateur. c,'est pourquoi il est licite d'eu1f'nIIre sous cette helle l'rose mollitrisée les échos et les rnmeurs cie la mer des ténèhres. Ces tentat ions, ces invites (lu délire et de l'ivresse ont toujours été conte. nues, jusqu'ici, denière les ,Ii/-lues et les fortifications rlont c'aillois a encerclé l'inconnu. Le livl'e qu'il publie aujourd'hui est un livre d'arpenteur, il recense les forte. l'esses qn 'il a installées aux avant· postes. On voudrait imaf!;iner que c'est r1ans l'intention informulée de s'abandonner, un jour, aux dé. 1ires dont ce livre dit en dépit de lui.même, les fascinations.
Gilles Lapouge
L'entploi des signes Par symi-trie, c"e line eÎJt pu ,,'apl,clel' POlir le JapolI, puis. CIIlC le Jilpon, en tant qu'œu"re et i-c'riture ;.dohale, y jOlie pour Rol"'lIl Barthes· rriti'l"e le mênu- rôle 'lue na~l1ère l'œu,,re cJe Rac'ille .Ian!' POLIr Racilll', c~onstitue la même sollil'itat ion (.. l'lare "ide mais éternellement offerte a la si;.:nifil"ation ll) .l'une semhlahle lel'tllre rréa. tril'e.
1
Roland Barthes L'em pire dl!.~ signe,~ Skira, éd., 150 p,
Mais sans cloute ce titre est-il meilleur ilont le premier mot est conllne la métaphore de la néces· llaire ledure plurielle et indique cl'emhlée au moins trois ré;.:ions oit se déploie le texte : l'empirf, (.Iu !'oleil levant) ainsi ronnoté p·arce <lue le Japon est visé hors référence à la révolution industrielle ; le .Iomain~ et la puis!'ance Iles si;.:nes clans sa totalité ; et encore l'empire au sens racinien d'ascendant, d'une clomination pas:,ionne!le exercée par une l'ert:!ine incarnation Iles si;.:nes. Dès le lIé part, Barthes l'rellll sain Il'avertir <IU'il refuse fa situa. tion touristique ou ethnologique. Il s'a~ira Il'un pays imarinaire : prélever un cel'tain nomhre IJe traits (( et de ('e,~ truit,~ former délibi>rémeTlt III' sntème. C' e.~t re ,~ystème que j'~,}pellerni le ./a. Imn '1. Dès lors le voil:i lihre Ile choisir dans cet IInivers oit l'emprise des signifiants est telle que l'opac·ité cie la lan;.:ue n'est qu'un moyen sllpplémentail'e de s'y ahandonner. r.es traits seront Ilonc le T/'p~I,~, l'OlllpO!'é, créé comme lUI tableau (l'a,;"embla~e, par touche!' de la hal!uette, qui, cI"êtant sur le platelnl • palelle, montre, transporte, refait, écrit; la villc' Ol' l'absence d'adresse écrite con· traint à la cl'éation Ile traces; le poème, intelli;!ihle, mais qui ne veut rien dil'e, simple adéquation Il'un événement bref. à sa juste forme; le visage (. sans hiérarchie morale Il où la paupière des· sine l'ouverture du vide, L'attrait cie ces si;.:nes vivants est à' chaque fois si intense qne le système sem. hie n'affleurer que IUlr ac·.·illent : le centre vide Ile la ville l'envoyant à celui clu paquet qui se Ilét;loie autour d'un presque rien, celui Ilu paljuet à celui clu poème ou clu
«(( grancle em'el0l'pe ,ide Ile la parole ll), dans la circularité méthodolo;!ÏC/ue exemplaire .11' l'anthroplllo~ie strllcturale. Brcf, la situation présente du lan;.:a;.:e, .Iu sens et ..Ir' l'prriture pOlir la 1'l~f1exion oceillentale ouvre sou· (Iain le Japon II un déchiffrement po!'sihle, hors la tra.litionnelle et havarlle projection .Ie nos propres catp~ories : la Icrture .Ie Barthes spmi,le bien à ce jour inpl!alpe. Mais elle n'est pas une fin en soi. r.e .Iéchiffrement qui est une technicfl,e cIe clépaysement, le moven .l'un éhranlement, cI'un l( r~l1versement cles anciennes leI" tlnes )1, cie la saisie cI'une diffé· rence, renvoie en abyme le système de l'Occident. En lisant le Japon, 11ans un Ilouhle jeu cie miroirs, nous nous lisons nous-mêmes et nous· mêmes le lisant. Le repas ja. ponais nous renvoie l'ima;re du re· pas' occiclental fi~é autour du centre (fui l'orflonne, le palais royal, omhilic fantomatique de la cité à nos centre-villes redondants, Ips corps écritures à nos corps physiolo~dCfues. Nous sommes ceux pour qui existe une substance cIe l'aliment, lin si;.:nifié clu silence ou du poème, une âme dans le corps au nom Ile laquelle nous échappe l'intelli;.:ihilité cie la politesse japonaise 0\1 (( le salut peut être sO/lstrait à toute humiliation, il tO!lte vanité parce qu'à ICI lettre il ne sf/lue personne ll. Ainsi, dans ce miroir étranl!er nous apparaît l'étran!!eté Ile nos structures oil le plein et le vi.le, l'intérieur et l'extérieur, le dehors et le dedans c'onstituent le thpâtre .Iu sens et .Iu non-sens. Bnthes écrit clans Critique c't V érité (lUe l( la vél'itahlf' (1 cl'iti'iue Il .les institutions et des laill!a~!es ne consi-te pas à les (( ln;rer II mais à les di.,:tillf{uer, II les sr'puT/'r, à les dédoubler )1. r.e qui f"t fait pour le Japon: il s'a;rissait .11' .Iévoiler la Jlossibilité cl'un~ .Iifrérence .Illns la propriété cles systèmes symboliques, « la fissure ~êl11e du symholique 1). Mais no· tre évocation !Iura laissé entelulre que contrairement au précepte cité, cette éc1'Îture cie l'Orient est elle-même orientée, traversée ll'une préférence, ll'un jugement à tout le moins esthétique, sinon éthique, et même clavanta;re. Et, tout naturellement, la question verti;rineuse - se pose à chaque instant : la voie ne nous est-elle pas historiquement ouverte qui mène cie l'empire cles mots à celui
('orp,~
La Quinzaine liUéraire, du 1- au 15 mai 1970
Ites signes, n'est-ce point aux pay· sages évoqués par Barthes qlle mène la (1 cléconstruction Ilu lo;ro. centrisme II invoquée par J acqlles Derrilla ? On pourrait en lire la marque dans les eHorts d'une certaine pein. ture actuelle mais, de façon plus éclatante dans l'œuvre de Matisse, progressive déconstruction, fête de signes d'autant mieux déscnglués de sens que plus parfaitemcnt limpides. Pourtant, Barthes tente de masquer sa préférence et fliffère toute réponse par quelques phra!les anodines, et même un peu tri· vi,ales, semblahles à des lapsus vo. lontain's. Ainsi il relè;.:ue clans l'omhre Je Japon industriel et aC'c~uItnralisé et surtont, il note llU has d'une pa;.:e, en commentaire IIe5 photo;.:raphies de cieux jellnes chantenrs à la mocle : (( Le lapon l'III rI' clans la mue occidentale: il lJf'rd ses signe's, comme on pc'rd se,~ c!WVI>UX, S('S dents, sa peau; il passc~ dl~ la signification (vid(~) à la communication (de masse). » On serait tenté de réponclre qu'après tout la fissuration clu symbolique pourrait bien être la façon .Iont le Japon (industrialisé) risque aujourd'hui de conquérir l'empire du monde. Mais on pent aussi lire cefte affirmatiou réaliste comme une formule ma~ique : déclarer à tra· vers elle que l'empire des signes est à jamais différé et différent, que le la/mn fut une métaphore offerte à Barthes par le dieu des voyageurs, n'est-ce pas conjurer le
vertige du vicie Ilui monte .Ie l'Empire fIes signes? Car ce livre merveilleux est sans doute celui oil Barthes s'est ,"'ancé le plus loin flans son in. terrogation cie J'écritlll'e, oit le sys· tème peut enfin s'étoiler hors de toute systématique, Barthes échappe ici à l'âcreté Iles écrits polémiques, à la pesanteur des écrits théoriques où la rè~le corn· mamIe cie laisser apparentes les contnres (cl'analyser cles cas lIé· monstratifs, de forger un lexique). La collection cie Gaétan Picon pla. cée sons le si;.:ne .Ie l'hnmenr lui permettait une liberté jamais re· trouvée depuis Sur Racine', La C'omposition p,ar touches (1), par déroulement de notes sans hiérar· chie ni centre (on I>eut le commen· cer par les Baguettes, le Visage écrit, les Courbettes ou l'Effraction cll/. se.m), au ;':l'é de mots simples qui ne visent apparemment an· eune profondeur, clonnent à !la ,'Ié· marche la mohilité, la préci!lion, la lé1-!f.reté et le bonheur re!rarclés clans les :restes qui si~nent le Ja. pon. Mais la séclndion rIe l'Em· pire des signes tient pent.être avant tout au fait que ce livre est le si~ne cI'un empire - au sen.s racinien - d'un pouvoir passion. nel, daté et localisé, d'un ravisse· ment à l'occident.
Françoise Choay
1. A quoi conlribue également - et de façon aulonome l'image, remar· qu~blement mise en page.
5
COBBIIS.
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PONDANCIIS Le jour où. en 1946, ayant feuilleté le Portable Faulkner de Malcolm Cowley, mes yeux tombèrent sur la phrase suivante: «Dans les parties les plus reculées du Mississippi, dit parfois d'une femme enceinte, mais plus souvent d'une jument ou d'une vache: elle sera légère en août ou en septembre", phrase où William Faulkner aurait trouvé, d'après Cowley, son titre Light in August, je sus qu'il ne fallait p<;ls attendre de ce critique des jugements littéraires très pénétrants.
ouvral!es se trouvèrent ~n lil!lW ~n mt-me t~mps pour la cours~ final~. Pour ,I~s raisons commerciales, .il" crois, Pt trios sal!~s du rpste, Sanctuaire prit le d':part
Par Maurice·Edgar Coindreau
I~ premi~r ~t
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Malcolm Cowley, William Faulkner Correspondance 1944-1962 Gallimard, éd., 216 p.
1
On ne pouvait même pas lui donner le Lénéfice de la nouveauté car, dans le New York Herald Tribune du 12 mars 1933, IsaLel Patterson, qui tenait la rubrique Turn ,âth a bookrvorm dans ce journal, écrivait les lil!nes suivantes: « A propos, le bruit court
que Ben IV (/'s.~on a aimé tou t particulièrement le titre d!1 nollt'eau roman de Blair Nile.~_ Li!!ht Al!ain, parce qu'il amit tro;"'é au.~.\i que Light in Au/-(ust, de IFillian! Faul/mer était Ul/ titre merveilleux. C'est pm.~ible, mais évidemment Ben IVaxmn ne comprend pa.~ ce que le titre de W. Falll1.:ner signifie, all.~.~i nou.\ cr()yon.~-nous obligés de révéler qll'il ne .~'a{{it nullement d'illllminfltio)l; "liv,ht" veut dire le contraire de "heavy" et Ben ferait sagement de jeter lin coup d'œil sur l' hi.~toire d'Angleterre ju.\((Il' il ce qu'il apprenne ce ((l/(' la reine Elizabeth dit qlland l'lie sut qlle la reine Mary venait de donner un héritier au trône d' Eco.\.~e. 1) Isabel Patterson était une femme de beaucoup d'esprit et qui tenait à ce que personne ne l'ignore, mais eHe me joua le vilain tour .Je mourir sans me .Jonner le temps IJe lui .Jeman.ler ce qu'avait .Jit Ja reine ElizaLeth. Et je crains b;en de ne jamais le samir. En 193ï, étant allé passer plusieurs jonrs chez William Faulkner, en Californie, .ie lui llosai la question. Il sourit, .lit : "It's "l'r:,<' funny" et me confirma
Talldi,\ I/ue .ïa!{onise
suivit de quelques mois. Valery LarLaud, quand il insèra sa prèfaeP. dans Ce Vicl' impulli la lecture supprima le derni~r paraI!raphe Ilui n'avait plus sa raison d'ptre. Il est donc exact que la l'n''face d'Andrè Malraux lança Faulkner en France, mais c'est Valery Larbaud qui lui avait fait franchir l'ocf'an. Malcolm Cowl~y il!nore tout cela, mais Faulkner ne l'il!norait pas el 111' ~n sut toujours gré.
que .t'avais eu ra]~on fIe (lonner à son livre le titre de Lumièrl' fl',Joût car il s'al!issait Lien d'une lumière qu~, Lien plus tard, il d':crira en détail au cours fIe ses entretiens avec les étudiants IIpl'['niversité de Virl!inie que troublaient un peu les vaches .Ie Ml'; Cowley.
Plus I!rave, ,Ians ce Portnblf, Faul/mer, était la mutilation des Palmiers sauvages, roman double, écrit, comme Faulkner l'a dit et r~t!il, en mauière de hll!ue aux thèmes savamment imhriqués.' :X'en puhlierqu 'une partie était une mons! ruosité. j'Oln'ris 110nc cel te correS'lonIlance avec une c~rtaine n\l~fjdnce. Dès les commentaires ,lu déLut je t )'011\' ai Iles inexact it u,les en ce qui concerne les déLuts tle FaulkIler en France. Il est Hai que Malcolm Cowley n'a jamais été t l'ès Lien informé Ile ce qui se passait dans notre pays en matière littéraire. Quanll, une année, à la cleman,le de Gaston Gallimarll j'écrivis à Ilivers cl'itiques américains pour leur demaluler ,le se joinflre à nous pour renllre hom, ma~e, en quelques lignes, à sa p,restil!ieuse maison qui av'ait tant fait ponr les lettres contemJloraines, Malcolm Cowlev fut le seul à refuser en des ter;nes qui, tra-
fluits litt':ral~mpnt en {rançai.;, donneraipnt : « Je me f01l,\ rovalement de la N.H.F. '/ui, il TIIa
coftnai.\.\ance. n'a .;amai.\ rien fait pour les lettre.\ américaines. ) .l~ lui envoyai alors le calalo:me en lui exprimant mes rel!rets ,I~ n'y pas voir fil!urer ses propres œuvres, et je reçus qu~lq ues mol s Il'excuse. Donc, tluancl il'eti vient au lanl'pment Ile Faulklier en FraICI'e, il dil simplement : il y eut le romanI·ier AlHlré Malraux. Il ne sait pas que Valery Larbaud, avant que paraisse la préfat'e qu'Alulr': Malraux écrivit pour Sanctuaire en 19:n ~vait puLlié dans Commerce
XXIX: Vile
Uo.~e
fJOur Emilie
(hiv'er 19:~:n, que la même année,
la :X.R.F. avait puLlié Septembre ardellt en suite à un art ide flue j'avais Ilonné il la même revue le P juin 19:H, que la préfat'e Ile LarLaud pour TflIuli.~ qUI' rago"Ùe avait été écl'ite avant la préfa(,e Ile Sanctuaire, comme en témoi~ne le dernier paral!raphe:
11 faut .mullaiter que le .mccè.~ obtenu en f)(/,:'<'s de languf' frwlçaise par cettel:er.~ioll de As 1 lay Ilyinl! l'ngage ['éditeur il publier une l'er.~Îfm de Sanctuary. »
«
Or, il alhint que RaimLault avant terminé cette ve'rsion et And~é Malraux sa préface, les deux
.J'aurais aimé trouver à la lecture de cette corr~spondanc~ l'occasion Ile Ilonner à Malcolm Cowley sinon le taLleau d'honneur, tout au moins un Lon point. Or il m'a paru sinl!ulièrement rapetissé alors que William' Faulkn~r en sortait mal!nifi quenlent I!ramlî. Ses, lettres sont admiraLles par Ip-ur dil!nit':, leur simplicitc\ leur calme, leur dés;r de n~ pas cOIn"licIup-r les chosp-s inutil~IIJent, lettres de I!rand seil!nellr prêt à tout accepter sauf Ile trallsilfer avec' ses principes. Le ton en ehanI!e pro!!ressivement. Le ~7 o!'tobre 19.:\.5, (Jour 1lP- citerfJue cet exemple, quand Malcolm Cowley lui a!)preIHI qu'il a chanl!é( 41u homme n eil l( l'homme» il accepte ave(~ résil!nation celle ahsurf!e eorrection de pet-de-loup en expliquant toutefois à son correspondant pourquoi il avait, à dessein, pris cette IiLerté avec la I!rammaire française, (( de l'homme » ne pouvant pas l0l!iquelllent se transformer en Doom. I.es choses se I!â!eront plus tarll, quand, eélèLre en Europe, et surtout après le prix ~oLel, Faulkner sera devenu une ri(~he matière pour la puhlicité. On le harcèle alors de toute parI. Malcolin Cowley s'al!ite, Il va même jusqu'à porter Iles jUl!ements littérairelt. Le l:r février 194·6, il donne des conseils a RoLert Linscott qui avait eu l'e:oœellente idée de puLlier en un volume, dan::l la Mollem Library, le Brllit et la Fureur et Taluli.\ que j'agoni.~e. « Je cOTltinue à m.' dem.ander, éerit-
il, si le choix Ifue l'OU.~ faite.~ d" roman destiné à relancer Failli..· ner .\lIr le marché littéraire est heureux. jl1e.~ doute.\ viennent des
le nloraliste questions que je me pose moi· même sur As 1 lay dyin~. Là, je ne suis pas d'accord avec Faulk· ner et je ne le considère pas com· me un de ,~es nwilleurs romans. Trop de sauts continuels d'un ét.at d'â.me à lin autre. Pa,~ assez de contraste avec The Sound and the Fury, les deux romans étant. des romans psychologi qlles. II Les bras en tombent quand on lit de semblahles insanités. Le marché littéraire ! Il ne sera plus guestion ,l'autre chose dans les lettres de Cowlev et cela amt-nera Faulkner à cha;"!!er de ton et à ,lire non et non à tout effort de ses tortionnaires de le tran~for· mer en produit Ile consommation et en objet ,le publi,·ité. Malcolm Cowley a une excuse. Il avait beaucoup fréquenlé Hemin!!way et son optique' était faussée; il avait pris de mauvaises habitu· des et n'était jamais parvenu à compren,Ire que les lieux hommes ne se ressemblaient en rien. Il en était mi-me si loin qu'il pro· posa à Faulkner ,l'écrire un article sur lui, comme il en avait écrit un sur le m'as-tu-vu chas5eur de !!rosses bi-tes. Faulkner naturelle· !nent dit non, ou, plus exaete· ment, il essava : (( re.~saie de dire NON, mai,~ ~n dix pages de mots pol.v.~yllabil/lles, parce que ma conscience, mon cœllr, mes goûts et tOllt le fon:d de gratitllde 'I"e je peux en('ore at'oir, m'empê. chentd'écrire ce mot. simple et rapide. » (p, J.t3) Cowley ne lui envoya pas moins son article, d'oÙ la répons!' : (( J'ai vu l'otre arti· cle .mr lIemillgll'ay. Je ne l'ai pas lu, mai,~ ,;e ,mis qu'il est bon, sans qlloi l'I)//,~ ne l'ail riez pas signé. Et pOlir cettl' rai.~on jl' suis certain qu'IIemingll'ay pense IIU' il pst bon et .i' e,~père qu'il en tirera pro· fit, si tant l',~t qu'un brave homo ml', un arti.~tl' pui,~se at'oir be,~oin dl' tirer profit de quoi que CI' soit. tHais ';1' sui,~ l'Iicorl' plus convaincu (l't résolu) illl(' jamai;~ lJue cela n'l'st pa.~ pour moi. JI" protest(>· rai jll,~qu'au·bollt... )) (p. 147)
ce trat'ail sans L'otre assentiment et ,;e pensais (lue vous devriez le savoir. Il (p. 153) L'artide parut en cIeux numéros, 5 et 12 odobre 195:1. Quand, lors ,l'un séjour à New York, Faulkner se trouva en face ,le Robert Cou~hlan qui lui dem:mda ce 'lu 'il pensait de son article, il répondit comme il avait répondu à Malcolm Cowley après l'article sur Hemin!!way: « Je ne l'ai pa,~ lu, mai,~ ,;e ,mis sûr Iju'il est bien» (p. 154). On croirait entendre le colonel SaI" toris s'adressant à des Snope5. Parfois un beau chien de race se voit suivi d'une troupe Ile petits roquets aboyeurs qui cherchent à lui voler son os. J'en ai connu un qui, au bout ,le quelques minutes, perdait patielll:e, 'levait la patte et les asper!!eait. Après quoi, il leur donnait un bon coup de ,lents. Ce coup de dents, Faulkner finit par le donner, et ce fut le magni. fique article qui parut en 1955 dans Harper's Magazine sous le titre On Privacy. Sachons !!ré à Malcolm Cowlev ,J'en avoir inclus une partie dan~ son livre. Il nous devait bien cela.
Pa!!es admirables et pathétiques. Sans emphase ni gran,liloquence. La révolte de l'homme traqué, de l'homme qui écrivait à. son tortionnaire (bien intentionné, mais tortionnaire tout de même) 'lu ~il 'aurait voulu, si c'eÎlt été possible, ne pas si!!nN ses livres eomme certains auteurs élizabethains et qu'on bornât sa bio!!raphie à ces simples mots : « Il écrivit ses livres et il mOIl' rut. Il (leltre ,lu Il février 1949)
Il faut lire celle correspondance. On en trouvera rarement ,l'aussi digne et d'aussi pathétique. William Faulkner le roman· cier devient Faulkner le mora· liste et y trace le plus beau POl'· trait que je connaisse de ce qu'au Grand SièeJe on appelait un honni-te homme.
.J e me permellrai de suggérer que, dans les éditions futures de Mais Malcolm Cowley était plus cette correspon,lance, on suppri. enti-té que ces mules que Faulkner me .lIes fautes de français, qui ne aimait tant et sur lesquelles il soni peut-i-tre que des fautes d'imécrivit de si belles pa!!es.N'ayant pression, que l'on ne transforme , pas réussi, il tenta de lancer dans pas la Paris Reviel(; en Rqvue ·de l'arène un rédacteur dé Lifl', Ro· Pari,~ et que l'on rende leur ~exe bert Cou'!!hlan, et il va jusqu'à. à ,Jeux femmes de lettres qui, l'o· proférer des mf\naces; affirmant mancières, se voient. appelées à Faulkner que, s'il n'àccepte·pas romanciers. C'est. un détail mais l'article ·,JeCou!!hlan, Lifl> « trou· qui a tout de même son impor. vI'ra··queiqu'un·d'autrl' pour faire tance . . La Quinzaine liuéraire, du 1" au 15 mai 1970
Vient de paraître
Jean Starobinski Portrait de l'artiste en saltimbanque '57 ILLUSTRATIONS Dans toutes librairies Volume broché 16,5 x 21,5 cm . couverture acétatée. F 35.-
Il a été tiré à part 1000 exemplaires numérotés reliés pleine peau
ROMANS
Une cruauté • sans concession
Kataïe'v
ÉTRANGERS c'est dur. C'est cynique. C'est même d'une cruauté sans concession. Pas la moindre tendresse. C'est un univers d'où tout sentiment a disparu. C'est plein de bruit - un véritable tintamarre mais il n'y a pas la moindre fureur : la fureur exige un minimum de passion, donc d'humanité. Or ce roman est un perpétuel ricanement si· nistre. Mais les éclats de ce ricanement suffisent à faire d'Irvin Faust l'un des écri· vains les plus impressionnants qui nous soient venus des Etats-Unis depuis dix ans.
Ccst, on ra deviné, totalement désespéré. L'homme qui s'échappe du conformisme de l'American Way of Life n'a qu'une issue : se plonger dans les mythes qu'on lui a enseignés parce qu'il n'en connaît pas d'autres. Or, ces mvthes sont les produits de ce confoimisme : le résultat ne peut être que désastreux. Quoi qu'il fasse, l'homme est pris au piège. Toute velléité de révolte se termine comme la menace rie Krouchtchev sur Cuba, par une di· lution de l'événement dans le temps. Le pire événement du monde n'est jamais qu'une péripétie sans importance : tout le reste est fabrication de mythes.
Une rigueur d'écriture
Irvin Faust
'UAciaigle
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Trad. de l'américain par André Simon. Gallimard éd., 245 p.
Le premier ouvrage de l'auteur: Hardi les lions! publié il y a trois ans, était un recueil de nouvelles sur divers personnages exemplaires de la société américaine. C'était bien fait, ironique et cruel mais avec un, soupçon de tendresse qui tempérait l'acuité de la vision. Le talent était là, mais on peut lire chaque année dans Esquire et dans le Saturday Evening Post - où ces récits avaient d'ailleurs paru des nouvelles d'égale qualité. Rien ne laissait prévoir ce roman impitoyable qui dépasse de loin la ·société américaine même si c'est cette dernière qui est la première cible. Irvin Faust part d'un événement contingent : le refus de Ken· nedy de céder à la menace de Krouchtchev sur Cuba. La psychose de panique décrite dans le roman est évidemment exagérée et invrai· semblable, mais elle appartient au système d'outrance voulue par l'écrivain et elle revient comme une sorte, de leitmotiv concret à travers les multiples débordements du hél'os. Ce dernier est juif, professeur de littérature anglaise, marié, homo me tranquille et sans histoire, ses phantasmes et ses désirs secrets demeurant toujours jugulés par le cadre de sa vie policée. L'événement historique sert de catalyseur : la fin du monde étant attendue, il décide de vivre sa vie. C'est là où apparaît l'habileté de Faust. Dans le roman de Karleja : Je ne joue plus, le héros aussi dé· 8
cidc d'aller au-delà de ses habitudcs de vie et il se met à dire tout haut ce qu'il pense et ce que tout le n'0nde pense tout bas. Faust agit différemment : le héros veut simplement mettre en pratique le seul idéal qu'on lui a enseigné et vivre au rythme de ses mythes. Quels sont ces mythes? Le base-ball, le cinéma, la bande dessinée, la publio cité, la démocratie, le sexe, la fa· mille et l'Amérique une et indivisible.
Une randonnée passionnante Dans sa classe, il commence a faire l'éloge d'un champion de base-bail (et le conformisme de ses étudiants est tel que cet éloge est considéré comme la définition au· dacieuse' du héros élisabéthain), il insulte son chef de service et culbu· te la plus prude de ses collègues, laquelle découvre soudain son véritable tempérament. Mais ce n'est qu'un début : tout se situe encore à l'intérieur du roman réaliste, même s'il est traité sur le mode burles· que. Alors il prend l'avion et com' mence une randonnée invraisemblable et passionnante où le présent est envahi par le passé, où le héros incarne tour à tour les mille et un personnages qu'on lui a appris à aimer et à considérer comme exem· plaires. Le discours devient un mé· lange de vaudeville et de culture subtile, l'itinéraire du héros devient une suite de catastrophes qui le laissent pantois, et il n'a plus qu'une se~le ressource : le relour au foyer et au collège désertés.
Cette destruction de toutes les valeurs ne va pas sans un bouleversement du langage, mais Faust est logique : de même que le monde ne peut être détruit par l'hommc sans' risque d'un isolement morteL le langage ne peut être lui non plus détruit totalement. C'est à l'intérieur des structures qu'il va éroder le langage. C'est pendant deux cents pages un feu d'artifices où brille une écriture elliptique,prgotiquc, volontiers précieuse, pleine de raccourcis qui sont autant de trouvailles. Faust fl\it feu de t0ut bois : il utilise les titres de films (certains connus seulement des spécia. listes), les scénarios, les dialogues des bulles de bandes dessinées, les slogans publicitaires. Je sais bien que ce roman peut profondément irriter : Irvin Faust va, en effet, jusqu'au bout de son propos, c'est-à-dire jusqu'au mauvais goût. J'ai écrit tout à l'heure le mot cynique. Faust l'est sans apprêt. On songe aux films de JeanPierre Moeky ou de Marco Ferreri qui ravissent les uns et font hurler les autres. Ce qui donne plus de poids à ce cynisme, c'est qu'il est soutenu par une rigueur d'écriture que n'ont pas toujours les cinéastes précités.
Valentin Kataïev Le puits sacré Trad. du russe par Lily Denis Gallimard, éd., 166 p.
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A plus de soixante-dix ans, Valentin Kataïev se retrouve sur une table d'opération. On lui administre . des anesthésiques et lé voilà se promenant en Géorgie, rencontrant Ossip Mandelstamm. effectuant un voyage aux Etats-Unis à la recherche de la l( vraie Amérique ll, introuvable d'ailleurs. Heureux pays où les anesthésiques produisent de tels effets... En fait, il s'agit d'abord d'une chronique qui se veut eriti<lue. L'U.R.S.S. fait l'objet d'une ironie assez mordante : le chat parlant meurt au cours de son dressage pendant la Révolution, car il n'a pas réussi à prononcer le mot « néo· colonialisme ll, le cc guide » officiel, cupide, lèche-bolles nous rappelle ce que l'on savait déjà : tous les régimes ont leurs profiteurs. En revanche, rien de plus conventionnel que la satire des U.S.A. : le fric, le problème noir, les maisons mortuaires. Tout a été dit, redit sur cc thème. Curieùse· ment, Kataïev est muet sur la dro· gue : le sujet serait·il tabou en U.R.S.S. ?
Une méditation sur le temps Mais on aimera quelques bonheurs d'écriture, la description amoureuse des paysages et de la vie simple de Géorgie. On sera sen· sible à la méditation poétique sur le temps qui, tel l'anneau de Moebius, se tord, se distord, se resserre, se ferme sur lui,même, perd parfois toute réalité et finit par anesthésier.
Jusqu'à présent, le nom d'Irvin Faust n'a pas encore été inscrit sur les tablettes des spécialistes de lit· terature américaine. C'est pourtant un écrivain de plus à ajouter à cette é~ole juive qui a fait couler tant d'encre. Irvin Faust s'inscrit dans les tout premiers rangs. Personnellement, je n'hésite pas à le mettre en tête.
Ce livre mélancolique d'un septuagénaire serein ressemble fort au testament d'un vieillard pour lequel la vie devient statique et qui attend la mort dans une sage immobilité. Cet écrivain qui ne fut jamais exceptionnel trouve là des. 'accents personnels au point qu'on peut se demander parfois si c'est bien le vaudevilliste de Je veux voir Mioussov qui a écrit cette chroni· que triste et tendre. Kataïev serait· il enfin lui-même ?
Jean Wagner
Y.C.
Cuba, avant Fidel Guillermo Cahrera Infante, Trois tristes Ûgres Tra,l. ,le l'espa~l101 par Albert Bensoussan Coll. « Du monùe enlier» Ga Il imard, éd., ,I():~ Il,
Palindrome,.;, l'aHi~ralllme,.;, provl'rhe" sllrréalistes Tt'l qui rit vendredi. robinson pleurera,» « L'Ilavanie l'st mère> ,le tous les vif'es. »), manipulations typo~r:I phiqlles en tonl ~I'nre, pa~e hlan"he pour la rêvel'ie>, pa~e noire ,le tOlite son encre 10rs(IU'un Ile,.; héros l'hoit dans le> néant, mot,.; hif. fés, él'orchés, in n~rsés, .lé,'er.. és il flots, en italiques ou en "api~a' les, lacis de lapsus freuduleusement enlacés, où la « métaphysi. (lue » voisine av'e(' le « méal phy. sique» qui annonce la « sylphi. lis (le Chopin »', tout l'attirail hé· tl~rodite fIe l'universelle avant· ~aTfle nualH'é ,l'lin soup<;on Il',:tlmanal'h Vermot semLle aHlil' é'!é ré~lIli ,Jans ('1' livre, en l'ollection interminaLle et verti·
«(
~ineuse.
De .1 oVl'e à BlItor ou Co:',azar, ,l~ Lewi~ Carroll il Rayinonfl Que. neau en passant par Henry ',1 i1IflT,' tous les :rralllh; sont au rende':!;· VOliS, tOlItes les influences s'entre· l'roisent, et l'auteur ne s'en caèhe pas le moins du momIe, 'nom· mant ses m .: iilres lui.même, à la Lonne franquette, sOHli~nanl à plai!'ir ses em:lrunts, l'omme dans cet épilo;!ue qui ..f:ollllense el ,pa· l'Ollie le hmeux chanitre final d'Uly.~,~e, On pourrait ;Tainflre le pire, l'inlli:restion, l'allel'l..'ie au d{'jà vu, l'ennui qui s'installe, eh L'en pas ,lu tout, CaLrera Infante nous tient en haleine sans désem· parer ,lnrant trois cents pa:res ,l'un texte tour à tour drôle, co· c:t"se, sai irique, PO(~t ique, émou· v'ant. Iiis~ns trois (~ents pal-!es, ('al' dalis le dernier quart il faut Lien rel'onnaÎlre que les (,hoses se I-!â. tent un peu, On croit entendre le crépitement d'une machine à écri. rI' emQallée qui (léviflerait !1alts . arrêt les mêmes mot!1 dans tous les sens, COllllne la mitrailleuse de la florde SUllt.'age, pour pren(lre ,une (le ces ('omparaisons cinéma· to:rraphiques dont Guillermo Ca· ~rera Infante hit un si I-!énéreux emploi. C'est un I-!rand art que 'de savoir s'aITêter à temps, mais peut.on raisonnaLlement l'exil-!er ,l'un tempérament Laroque par exeellelll'e, .qui met tout SOli I-!é. nie ,lans la profusion ? Là Quinzaine littéraire, du
r
Quant au reste, la réussite est cerlaine. Elle tient sans doute à ('1' que tous les procéflés énullléré~ plus hallt sonl employés sans l'omhre fIe la moindre péllanterie, ave,' 1111 parfait naturel, à la fa~on d'une lan~ue native en «uelquf' sorte, et presque ini!.(·numenl. L'auteur s'y meut à son aise el nous met à l'aise. Il utilise le matl~riau qui lui eon"ient et ne cherl'he pa~ à jeter de la poudre aux yenx, Rien ('hez lui qui sente le lahoratoire ou l'éf'riture pour l"~eriture, S'il affirme, à l'ol'casion, que le vTai sujel de son l'o· man ~,.;t la Litt/'rature, entpndons que ,,'est dans la Ulf'~Sl1re oÙ ('l'Il",· ci fait part il' inlé~ral1te 411' la v'if' fles );/'1'0"; flu'il met en scène, Ih~ mème (Pf' r(trrroclH'.I~"{!:lle Ifui donne !'on titre il rouvra:re n'est pas nu simple jeu verhal l'fl fair mais une autheut i'lue "Olllpt ine CF Laine. S:"nplo1llatif"lle en~'ore il ('et él:.ar,L l'elllp~oi ,lu m()nolo~ue dans l~s étinl'elantes !1équenfes dn dèLut : la forme appart~nte est celle .Ill monolo·!ue intérieur flans la li~née .le .lo;·ce. En fail, (·ha· que personna~e prt'!ld /a parale, tout haut, qu'il s'adresse à un pu· Lli(', qu'il réfli:re une lettre, qu'il ra(:on'e une hisloire au télép)lOne ou qit'il ,e narle à lui·même. Le "dent ,le Cahre,'a Infante consiste ,lrme à ,lécouvrir, a"ec honheur, une transposition lilléraire con· "'Iincante de ces différents parl('r,~ cu1Jai,ns, captés à l'ori:rine sur le vif. D'Uli côté, la vie imite la litt{·rature ou le sner'tae1e, ('omme ml le v;oit dans le « viol)) (lésopilant d' « Inl!rid Ber~ame», vé· cu dans le plus pur !'tyle (le nos C'Ihiers du cinéma; ,le l'autre, 'la littérature mime la vie pal' l'in. termédiaire d'un lan~al-!e spéci. fi,que, (lui fonl}e l':I~uvrf'. D'oÙ l'importanl'e de la parodie et du pastiche. Parodie, par exemple, des taxinomies érudites, à la façon de Borl-!es (mais ,avel' plus d'exuLé· rance et sans la souveraine l'ete· nue fIe l' Ar~entin) ; pastiche, en· t1'e autres, des :rrands noms (le la littérature cuLai ne, sur le thème de la mort de Tl'otsky (le lecteur fran~ais apnréciera au moins la v,~rSlOn ,l'Alejo Carpentier et celle ,le Nicolas Guillén, particu. li,èremellt savoureuses). Ces exer· cices de style, dont le livre est truffé, vont plus loin que le libre mouvement d'une imal-!ination ,Iébri·dée : ils nous proposent une
au 15 lJUJi 1970
'ma. ironique et ten,lre, centré s... r La Havane d'avant la rl~volnlion
en action sur les rap· ports de la' r"alité et ,lu la'n~a~e. Qn'on n'aille pas (,roire pOl!r :tu tant que nos Trfiis trist(,s ti1!l'/i.~ se /'p,IÙisent à une sorte ,le fat tasie oÙ la jon:rlerie le ,l'sputf' il l'intelleetÜali"me, L'auteur nOI~s raconte aussi .les histoires, et il le fait meneillellsemeat Lien, ave(( un art ('ollsommé (le la nou· velle qui l'onfirme les qualités de son précèdent recueil, Dans la paix comme dall,~ la guerre (1), L'hisloire .11' La Estrella, l'énor· me ('hanteuse nQire, eaehalot mé. ('OI111U flu boléro, a toute la beau· té tri"te ,l'une lilélodie de jazz. Le rél'Ît de MI'. Camphell nous offre à la fois un apolo:rue à va· riations .multiples, sur une anec· ,lote plus vraie que nature, et ~ II portrait joyeusement féroce ,lu touriste américain typique flans le p[/r(ld,:,~ pour prospeetus en cou· leurs des CaraïLes.
'et sa faune :noeturne : cover.:rirls à prétent ions hollywoodiellll!'!1, musieiens de l'aLarets, journalis. tes, photo).!raphes, prostituées ca· piteuses, et, Lien entendu, touris· les en qu(-te de spe('tades affrio· bnts. CaLrera, Infante évoque tout ce petit mOlllle de ni:rht duLs et ,le promena,les en tor"édos sur le Lord de mer avec une luci,lité non (lépourvue ,le noslal:rie. Bien qu'il Ile soit aw(une· ment question ,le politiqn?, on devine à certains traits, cà et là, ,qne ses "entiments à l'éWtrd .Iu nouveau ré:ri,ne et ,le ses .li:rni. laires sont pour le moins m:~lan· i!ès. Témoin cette fli!l'he à l'adres· se ll'Alejo Carpentier, « le der· ni"r romancier frnnçltis qui écrit 1'/1. espagnol pour rendre la politesse à Heredia ll, ou cette remar· que, qu'on a quelque peine à croire purement Ilhilole:rique, sur le fi cuLa in à l'envers)) qui l'es· semble à ,du ru"se. Vn beau liv!',!, en somme, ,qui éehappe à tOlite classifil'ation ('omme il tout eJllLri~~:Hlement. et qu'on lit avec plaisir en dépi,t ,lu dérapa!!e final. Ajoutons que l'au· teur a eu la e"~ nce de voir son ouvral-!e confié à un traducteur ,le I-!rande clas3~, (lont le tal!'nt ,l'écrivain, le sens inné du jeu ·de mots, s' al'cordent miraculeusement à son style. AILert Bensous. san - dont on n'a pas oublié lès BagllQulis (2) - nous offre une vé· ritable, recréation d'un texte appa· remment intrallllisihle. Si quelque jury s'avisait de l'ellonner du .lus. trI' à un art mé"onnu autant que lIlal rémunéré, il devrait couron· 11er ce mérite·là. luct/ues' Fressard
Tout le livre, ,l'ailleur,,, se prp. senlt' "Ollllllt' un vaste Tr.opicora.
1. Gallimard, Co.ll. « La Croix du Sud Il, 1962. 2. ,Me...,ure de Fran(:e, 1965,
ml~ditat!on
LE NOUVEAU
Cahier 15·16
COMMERCE •
vient de paraltre
Traité des Tropes DU MARSAIS et les œuvres de
Claude Vivien (Henry James), Roger Munier (Orphée) Kenneth White. Charles Racine , André Dalmas (Effusion de Sens)
•_ _.;...
,, 'Rappel: cahier 14 ' , (M. Heidegger: Qu~est-ce que la Métaphysique?) Cahiers de littérature en librairie et Nouveau ~rtier Latin, 78, boulevard St-Michel, P(lris-16< Le cahier : 20 F. ' A b o n n ; m e n t : 55 ./ ...;',;..;...;.._.;..
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ROMANS
Romain Gary face au racisme
FRANÇAIS
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Romain Gary Chien blanc Gallimard, éd., 256 p.
Quand Romain Gary se heurte à quelque (~hose qu'il ne peut changer, qu'il ne peut résoudre, qu'il ne peut redresser, il l'élimine; il l'évacue dans un livre pour cesser J'en être oppressé. C'est ce qu'il explique lui-même dans Chien blanc, qui est né J'une indignation tellement viye que l'on se demande, à la fin, si les vertus thérapeutiques de l'écriture auront, cette fois encore, pu faire leurs preuves avec efficacité.
Chien blanc est un récit vécu dont le sous-titre pourrait être « Romain Gary face au racisme ». C'est un livre d'humeur, intéressant pour cela même, où les événements se bousculent et où la tral!édie est souvent évoquée avec esprit et sarcasme. C'est un livre lucide, nourri Ile révolte, et qui permet de découvrir un Uomain Gary a s s e z nouveau, plus journaliste que romancier, brusque, tranchant, nerveux, irr:table, mais capable de b~.'lUX él'}ns et se sentant pris entre deux chaises dans ce monde cont?mporain qui le passionne tout en lui donnant périodiquement Iles envies irrésistibles de fuite: comme dans son précéllent roman Adieu, Gary Cooper, on retrouve ici l'évocation nostalgique de la (( Mongolie Extérieure)), il h·quelle Gary rêve chaque fois qu'il voudrait se trouver transporté ailleurs, à l'extérieur d'un monde Ilemt il épouse, é;Jillermiquemenl, les maux. Cela commence le 17 février 19é8, un soir Où les Gary recueillent Ilans leur maison de Hollywood un chien perdu, un maf!nifique berv,er allem.:md aussitôt rebaptisé Batka. L'événement n'aurait pas grande importance si ce chien ne s'avérait pas, au bout de quelques jours, être un I( Chien blanc)), c'est-à-dire une bête spécialement dressée pour s'attaquer aux Noirs. Voilà donc Romain Gary contraint une fois de plus de plonf!er dans le problème -raci al. Or, autour de sa femme, l'actrice Jean Seberl!, s'al!itent de nombreux l!roupes Ile libéraux, j,lus ou moins authentiquement i.ll·alistes, qui transforment sou. vent le salon en salle de réunion
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et à qui il ne cache pas son exaspération: « Je leur avais expliqué que .i' aL'ais déjà eu beaucoup dl' mal à me débarrasser du V ietnam, du Biafra, du sort de.~ 1ndiens mas.~acrés en Amazonie, des inondations au Brésil, du sort des intellectuels soviétilJue.~, il fallait tOllt de même savoir s'arrêter. )l Mais à cause de ce chien - remis sans grand espoir à un zoo, pour rééducation - et surtout parce que la question noire avale aujourd'hui quiconque se trouve aux Etats-Unis,- Gary reprend des contacts, tâte le pouls de l'Amérique, écrit et dpcrit.
Une excellente santé intellectuelle D'où ce livre, où l'on trouve tout compte fait, beauwup plus Ih .hoses qu'il n'y paraissait d'abord et, au premier chef, une excellente santé intellectuelle. Au g:~ fhs événements - et ils furent nombreux, à eette époque, depuis les émeutes de Watts jusqu'aux assassinats de Martin Luther King et de Robert Kennedy - on sent Gary fai.re des efforts désespérés pour ne pas se laisser gagner par la _ violence, pour l'obliger à demeurer verbale: c'est ce qu'il appelle « se maintenir en laisse n. Rencontrant avec la m<-me faëilité les dirigeants N01rs les plus extrémistes, Bob Kennedv ou les intellectuels améri.ca ins dont « le signe distinctif par excellence est la culpabilité)) car (( avoir mauvaise conscience, c'est d:'monfrer que l'on a une bonne conscience ('Tl parfait état dl! marche et, pour commencer, une ('muc;ence tOllt courf )), il essaie de se ménager les haltes nécessai. res pour l'organisation de ses idées. Il écrit alors: « Le Vietn:lm ('st la pire· chose qui pouvait arriVf'r au Vietnam, mais la meil· leure chose qui pouvait arriver à l'A mérique: la fin des certitudes, la rem;se en question, la sommation à la métamorphose. Je ne sais pas ce que sera la nouvelle Amérique, mais je sais que l' er:plosion noir(~ l'empêchera de pou.rrir sur· pied dans l'immobilisme des structures sclérosées aux sapes invi.~ibles. l.~ A mérique sera .~auvép par le défi noir, ce challenge dont parle Toynbee, que les civilisations relèvent en .~e transe mutant.)) Devant l'hallucinante
surenchère dans la violence il laquelle on assiste, on ouhlie pre~ que l'histoire du chien; et pourtant, elle est horrible, puisqu';' la fin du livre « Chien blanc » sera devenu « Chien noir )), tellement bien dpbaI'rass~ (le ses odieuses habitudes, qu'il ne fera qu'une bouchée .lu premier homme blanc qu'il rencontrera. « Bral.'o l't nll'rci, dira Gary au dresseur Noir appartenant à la secte· des Bla('k Muslims qui aura opéré ee revirement s;-Jeetaculaire, comnw ça, au moills, nous ne .~olnntl'.~ plus seuls à nous déshonorer! » Mai 1968. Fati~ué Ile souffrir américain, Gary an'ive à Paris pour souffrir français. En bluejeans, barbu, il se (ait matraquer par un a~ent en sortant de d:ez Lipp. Il fonce chez lui, enfile son eostume le plus distin~ué, épin~le la rosette, coiffe le « Hombur~ hat)) Ile chez Gellot, accroche son parapluie. Retour dans la rue. Les C.R.S. s'effacent, prévenant, les éludiants lancent des insultes. Ce passage du livre n'ayant pas été clairement compris par la critique, Gary s'est engagé à le rendre plus intellif!ible dès la prochaine édition. Mais où sommes-pous ? En plein happen;ng. « .le suis un minoritaire-né)) écrit Gàry retour des Champs-Elysées, le jour du défilé gaulliste. Non-conformisme et exhibitionnisme vont de pair dans Chil'n blanc. Mais entre ceci et cela, quelques remarques pertinentrs sur la société américaine très judicieusement définie comme étant de provol'ation, ou sur la situation des Noirs - « le jeune Noir· r/.t' sait pas qu'il fait partie d'une minorité. Vivant parmi des centaines de milliers et de millions d'au tres N o-irs concentrés dan.~ les ghettos... il en vient à oublÙ~r complètement l'aspect numérique de la supériorité des Blancs l) ajoutent encore à l'efficacité du récit. Ce n'est pas négligeable. On reproche à Romain Gary son incapacité de se ranger totalement et sans réticences d'un côté ou de l'autre, l'absence de manichéisme, en somme. Cela peut agacer, en effet; mais cet aga· cement ne ramène-t-il pas au. point de départ, c'est-à·dire à celui que suscitent, précisément, les minoritaires ? Cella Minart
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Jean-Pierre Gaxie Graffites Seuil, éd. 160 p. Viviane Forrester Ainsi des exilés « Lettres Nouvellcs)) Denoël, 192 p.
Premiers livres de leur auteur, publiés au même moment, Graffites et Ainsi des exilés sont corn· me ces jumeaux qui ne se rcssemb1ent pas. D'évidence, ils ne sortent pas du même œuf. Graffites est un recueil de proses, allant de la brève notation poétique à la nouvelle, Ainsi des exilés est un roman. Pourtant, d'une certaine manière, ils appartiennent à la même famille, comme au même temps, ils présentent des traces d'une hérédité commune. Jean~Pierre Gaxie et Viviane Forrester écrivent après les recherches diverses du nouveau roman. Sans celles-ci, ils ne seraient pas ce qu'ils sont. Ils ne sont pas fascinés par elles pour autant. Pour eux, cl'lles-ci appartiennent à un paysage culturel où font également signe d'autres œuvres, différentes et plus anciennes. Ici comme là, plus tliscrète chez Viviane Forrester qui semble par instant être un personnage de Marguerite Duras humant lei' vents humides sur les' plages de Julien Gracq, plus vive chez Gaxie qui se perd dans la mi. ture et goûte les réalités fantastiques, se révèle une secrète nostalgie du romantisme. Mais ce qui, par delà des écritures très différentes, rapproche le plus ces deux auteurs, c'est un sens très certain de l'effleurement, de l'allusion, un faible marqué pour les retours sur soi, les présences furtives, les absences insistantes, les souvenirs effilochés et obsédants, un art de taire, enfin. qui est moyen de désigner. Mai~ ~('s parentés se situent au plus profond et chacun a choisi d'avoir son propre visage.
D'un texte à l'autre le plus court, Enfance, a moins d'une page, le plus long, Libretto, en compte vingt - Jean-Pierre Gaxie passe insensiblement du poème en prose à la nouvelle. Du moins c'est ce qu'il semble si l'on s'en tient à une classification arbitraire. En fait, les différences sont moins nettes. Toujours on entend la même voix,
Après le Nouveau roman qu'elle dise je. qu'elle décrive un I)aysage ou qu'elle raconte l'histoire cie Pazzi, passant paisible dans un village tranquille, c'est-à·dire tout aussi énigmatique que lui-même. Ou plutôt, c'est la même main la même plume - qui griffe le papier, agrippe lïnstant. rallrappe par brihes le temps perdu. Cruffites. ce sont des notes. analogues aux graffiti, qui fixent. non par le trait. mais dans récriture. la trace (fun geste, la couleur d'un ciel. le jeu - au sens scéni({ue - d'une rencontre. et jusqu'au mouvement d'une émotion.
élégance est d'être sobre. Elle n'ha· !tille pas une histoire avec des mots,
Un univers aux frontières fragiles De run ù l'autre, ces « graffites ». poèmes. descriptions ou récits - ou le tout ensemble - dessinent lIII univers aux frontières fragiles el néanmoins repérables. Apparemment. les cadres temporels sont aholis, mais tout se joue tou· jours entre un maintenant qui est le' temps du discours. du pélerinage al:X lieux de jadis. de récoute des \' iei Iles pierres ou des sensa': iO:ls renaissantes et une enfance. ulle adolescence. un amour perdu ct LJlljours vif. De même, il est dif· ficile de savoir ee qui est vrai, ce <lui est songe. Mais tout est réécrit, repris. transposé tandis que le nal·· rateur. le poète sans cesse retrouve. penl. réinvente les mêmes chemins. les mêmes parcours et les odeurs qui les ellvelovpenl. Là, sans dou· te. dans celle attention au sensible, dans ces errances romantiques qui sont moyen de faire surgir les pay· sages, les personnages et leurs fan· tômes est le meilleur du livre. Si on peut regretter quelques précio. sités de style, quelques adjectifs « COI'uscants» qui n'ajoutent rien à son talent. il est certain que Jean.Pierre Gaxie fait là des déhuts promclleurs. Viviane Forrester. aussi, a le goÎlt des dévoilemcnts progressifs. des glissements dans la durée des correspondances cntre lcs lieux, les personnes, les situations, les évé· nements, des promenades dans le souvenir, des bouffées d'enfance ou de passé colorant 1Ïnstant présent ou se dissolvant en lui. Mais au contraire des incantations de Jean. Pierre Gaxie, son écriture vise au dépouillement, à l'économie. Son
ri r;wl('
·Forr('~U'r.
elle J,a laisse s'infiltrer, s'insinuer ell iïe les mots, se développer à tra· \ers une série de gestes quotidiens. de ll:ltal.i:lIls brèves, de points de nie différents. En cf'Cet. rhistoire dl' Sarah Ma· rielle. actrice jadis célèbre, toujours célèbre. qüi tourne le dos à ce qu'elle fllt ou plutôt à ce qu'on crut qu'elle était, pour trouver sur une petite plage de Hollande une sorte de sérénité, pour retrouver SOR vrai visage et meUre de l'ordre dans ses souvenirs nous est contée par plusieurs voix qui, sans cesse, s'entremêlent, la sienne et eeHes de ses amis d'autrefois ou d'aujoul"lrhui. En même, temps que I"image de cette femme sort de la
Editeurs Calmann-Lévy Trois nouveaux romans chez Cal· mann-Lévy: La ville sur la mer, par Suzanne Prou, satire sociale et politique où l'on retrouvera les obsessions filmilières de l'auteur des Patapharis, des Demoiselles sous les ébéniers et de l'Eté jaune (voir les numeros 16, 36 et 59 de la • Ouin,zaine "), élargies, cependant. et approfondies par' la dimension inhabituelle des interrogations qu'elle a su poser ici. Le pont de l'Academia, par Pier Pasinetti, chronique romanesque qui a pour tôile de fond non seulement le 'quartier de Venise qui lui <lonneson titre. mais aussi la Californie, et dont le projet narratiJ vise et réussit à briser les cadres traditionnels dans une optique
La Quinzaine lilléraire, du 1"' au 15 mai 1970
mythologie cinématographique et se recompose devant nous, comme la figure d'un puzzle. la petite ville de Scheveningen, d'abord anonyme et neutre, simple décor de sa nou· velle vie, se révèle et révèle son passé, ses fissures nées de la guerre et que rien ne peut combler. En fait, à travers ces voix, ce n'est pas seulemen t l'h istoire de Sarah Marielle qui, du village d'enfance, proche du lieu où elle tourna son plus grand film et connut son plus tragique amour jusqu'à la plage désolée et monotone où elle s"invente de nouvelles racines et se reconnaît enfin elle·même qui se dessine et s'impose, c'est en filigrane, l'histoire de notre monde. bouleversé par la guerre, hanté par le souvenir des horreurs qu'elle suscite, par la nostalgie d'une innocence perdue. Tout ici s'inscrit dans les jeux du rappel et de l'oubli, de la quête et de la fuiie. Et tout s'inscl'it éga· lement dans ce paradoxe : vou!ant fuir dans le souvenir, Sarah Ma· rielle se rapproche de son innocence primitive, et finalement se retrouve, cherchant roubli et voulant créer autre chose. Ses amis. ou les ha'litants de Scheveningen sont au con· traire repris par leur passé, s'avancent vers l'enlisement ou la dé[~ra dation. Ce double mouvement, Viviane Forrester a su moins le dé· erire que le suggérer, avec un sens très juste de la nuance. Derrière les gestes de tous les jOli rs ou des conversations banales, elle revèle des abîmes. Désormais, il faudra compter avec elle. Claude Bonlll'foy
qui s'inspire de la révolution joycienne. L'Apocalypse écarlate, par Victor Gardon. qui est à la fois un poème lyrique, un récit épique et un témoignage sur ('univers des réfugiés arméniens. installés à Tiflis pour échapper aux massacres des Turcs.
Ed. du Seuil Sous le titre de l'Etudiant, parait aux éditions du Seuil un inédit de Mi.chelet d'une • actualité surprenante" ainsi que s'en explique Gaëtan Picon dans l'essai qu'il lui consacre et qui accompagne le ,volume:,. Michelet et la pa· role histo~ique", L'Etudiant regroupe l'ensemble des cours que l'historien continua à rédiger pour son p(opre compte lorsque, après les événements .de ,1848, il fut contraint de quitter le Collège de "France. '
Réseaux
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Yves Buin La Nuit verticale Grasset, é(l., 174 p.
Un lonl! reeJt aux sonorités (li~ ('rètes, pr~squ~ assourdies, haletant lhns ses cheminements l'OUterrains, en\oÎltant l'lus que sé41uisant, semblable (lans sa more phol0l!ie à des fonds marins. ()ue ~on accès soit r~ndu malaisé par \'usal!e .l'un (Iollbl~ j~u d~ for· mes typo!!rarh;qnes (pleine pal!e et colonne) n 'enlève rien à s~s qualités l\'intelIi~eJlee et (le poésie. Yves Buin, qui a 1';I1~tru ment d'une belle lanl!u~ a(~êrée comme du silex, aventure son (liscours littéraire silr le terrain des diva~'ations, des « aberrations (les facultés mentales H, savamment maîtrisées, ordonnées suivant des lois qui relèvent bon I!ré mal I!ré dn calcul de~ l'robabilité~. \-ar. il ;nlrtir (le sepsations, d'impressio.ns, de réfle" :ons provolJnées par le choc ressent i à la vue, à la lecture et à l'écoute d'~'uvres des peintres Frani': Marc et Marc 1'0' hey, du poète Georl! 'l'rakI, (lu joueur (le jazz Charlie Parker et tlu eompositelll' Anton \Vebern (toutes œuvres unies par un mê· me lien s~eret), l'écrivain écrit, prodnit un te':te aux sounles beautés qui semble traduire en d'autres sil!nes - ceux de l'éeri· ture syncopée - les phrases, les palpitations, les rythmes d'une partition de jazz. D~ lonl!ues I!ammes ehromati· ques qui monlent (lu hleu au pourpre et de,~('elldent llu noir au blanc se eonju!!uent avec ll'ato· nales arabesques musicales. A vrai tlire, l'art Ile BlIin tient en ce qu'il Illet il eO'lt ribut ion tons les sens. La Nuit verticale e~t le ru· b~Hl eluel!istreur de leurs manifes· tations. Point n'est besoin (le se munir d'une clé Ilour entrer flans ('~s areanes. Buin le (lit lui-même, il fait du sens avee du non-sens. Aussi son cheminement ressemblet-il il un parcours en forêt vier!!e quantI le chasseur ouvre à t'oups (le maehete (les pistes qui se referment aussitôt sur lui, quand, s'étant trop profontlément enfoncé (lans l'épaisseur des tail. lis et (les lianes, il e~t contraint .le reven i r sur ses pas (lesquels?). Sous J'apparente raison .les mots coule la déraison (les motivations qui ont (léclellché les réactions en chaîne du phénomène .le création. [,a Nuit verticale est l'itinéraire sensé (les investil!ations, des é~a'·e·
~ Il
Les écrivains contre la Commune ments hors du temps et du sens. Yves Buin, qui procède par jux. tapositions, voire par télescopages de phrases courtes, comme pas· sées au laminoir, donne libre cours à ses musiques intérieures, à ses fantaisies impromptues qui se rencontrent dans un concert de réminiscences. Le texte, qui semble apparemment sour.dre par la seule vertu de l'écriture ,automatique, obéit en fait aux flux de la vie inconsriente. Un étranl!e réseau de connivences lie les 1I1ul· tiples personnages qui l'habitent. Leur llénominateur commun se trouve être une ville, Salzbourl!, où se passe l'événement (lequel? peu importe, l'essence du dis, cours est ailleurs). ' Salzbourg, que raconte, que fait exister dans sa chair (morte ou vive) une jeune femme, juive polonaise anonyme, absente en fait et qui n'est là que pour axer les dérè~dements du récit, est le li,èu d'élection du poète Trakl. Rien n'est fortuit. La nécessité di,cte à Buin son inspiraÙon. Ep vérité, le titre parle de lui.même, qui accole deux concepts de pri. me abord inconciliables mais se marient dans un beau fracas (10· décaphonique. Il dit la finali,té du livre. La vnticalité qui.. surdéter· mine la nuit, l'ouvre sur le vertige, l'élève, elle qui est ombre, lieu de tous les possibles, à la llimension démiurgique. Par sa coufiguration, le l'ecU (comment le qualifier autre· ment ?) fait penser à un spectre qui opère un choix parmi les rayons lumineux pour ne garder que ceux qui satisfont à ses condi· tions, en les déviant, en les transformant. Il est à la fois un avec l'auteur et autre. En même temps qu'il s'él'l'it, s'écrit son histoire, L'érriture fait (~orps (I( s'incar· ne ») avec elle·même. Elle est son propre destin. Buin n'est plus que le label d'un produit qui, se suffisant à lui.même, se consti· t,uant en république autareique, conserve de lui que son nom. Le récit efface le récit, il se remet en cause à l'instant même oÙ il s'affirme. La parole, dont Buin se délivre, est dérobée à eUe·mê· me" à sa fonction première de communication. Le mot excède le mot. Il s'évade de sa sphère de désignation, s'érige en objet tota' litaire. « Le moindre de vos mots, dit la voix de la Nuit verticale, est un absolu, un lieu de vérité il)' Pierre du BoÏJ dépassable. »
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Paul Lidsky , Les écrivains ' contre la ,Commune Cahiers lihres, 167·168. Maspero, éd., 180 p.
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Issu, ll'un diplôme d'études supérieures de Lettres, cet ouvrage se propose de mettre en lumière et d'expliquer l'altitude (les écri· vains de 1871 qui, à quelquc~ exceptions pl'è's (les plus ilIustr('~ étant .Rimbaud, Verlaine, Villiel's de l'Isle·Allam et bien entendu Victor Hugo)' se déchaînèrent à qui mieux mieux contre la' Commune, pendant comme après, Avec Hne pl'Obité parfaite, l'auteur n'avaJ1(~e rien qui ne soit étayé l'al' Iles textes «Iont il a' déniché la plupart dans la corres· pondance Iles intéressés ou dans dcs articles de journaux, et l'on sOl,ffre Ile voir Théophile Gau· tier (le doux Théo )', Alexand,'e Dumas, Flaubert, Leconte de Lisle, Zola ou'Georl!e Sanll expri. 'mer une rage, une haine d·'tine violence stupéfiante! Les moins féroces sont Gobi· neau, les Goncourt, qui (et c'est un commencemellt d'explication) ont vu des scènes ou' vécu, comme Catulle Mendès, à Paris au milieu des' Communards. Gobineau mon· tre le cortège des prisonniers « n'ayant ni dormi ni reposé depl/.i.~ dix jours» « frappés en route par le soleil» et tom· bant « foudroyés sur les bas· côtés du chemin, On a amené deilx charrettes pleines de ces morts, » Il y a vu « des femmes en. quantité, des jeunes filles de quatorze à quinze ans» sur lesquelles les hussards de l'escorte « frappaient à coups' de sabre », il note la foule des, spectateurs applaudissant, riant, « charmée » de voir « fendre la tête d'un homme qui n'avançait l'US »). Il rlécrit une «( dame res· pectable, son livre de messe à la main» et qui donne de l'argent à un soillat parce qu'il a « expèdié d'un coup de baïonnette un enfant incendiaire ». Catulle Mendès a assisté à la répression sur place : l( on amène ft!S Fédérés vingt par vingt, on les condamne; conduits sur la place (du Châtelet) les mains liées der~ rière le dos, on leu.r dit « tournez· VOliS». A cent pas il y a une mitrailleuse; il.s tomb(mt vingt, l'ar vingt, Méthode expéditive. 'Da,ns une cour, rue Saint· Denis, ;il Y a, une écurie rerJtplie de cadao,
(l'hoil't', se méfiant désormais cie (( race d"esclave.~ qui nI' peut vivn' salis bât et sans joug» (Maxime Du Camp). .Mais celte attitude, possible en pério(le de calme, les fera tt'éhucher au premier vent de l'histoire ,et tomber, l'épouvante au cœur, au sein de la forteresse bourgeoise qui les défenclra eux et leurs hiens, sans les{Juels ils ne pOUl'· raient se livrer à leurs chères occupations, à l'abri de la racailJe. La Commune et Paris seront le mal, Versaillës et l'Armée seront le bien et selon une lliall'dique connue, leur langage (lem' grande arme) sera à la meSUl'e de leur ('lIpitulation intérieure, c'est·à. (lire d'une bassesse incroyable. Le ,.Jlapitre IV du livre, consacré au \'ocahulaire des auteurs anti. communards serait comique s'il n'exhalait une puanteur de sang. Un chapitre qui ne manque pas de saveur est celui qui fait des rapprochements entre mai 1871 et mai 1968. Citant les journaux, les discours radio(liffusés et télévisés, il souligne l'identité de réflexes (les couches con<ervatrices de la Société. De même qu'en 71, il ne s'agissait que de ( brutes sangui. naires » menées l'al' des ( voyous », par des « étrangers » et qui « crevaient de jalousie » vis·à·vis des Bourgeois, en mai 68, presque toute la presse se refuse en chœur à prendre en consirlération les causes réelles, c'est·à·dire poli. tiques et sociales, de cet immense mouvement étudiant et ouvrier. C'est « une fièvre obsidionale », une (( maladie », une ( gangrène », un ( virus », bl'ef quelque chose de passager et d'imprévu, le seul problème étant cie trouvt'r le mé· dicament approprié pour que le malade retrouve la santé et le sou· rire. Il y a des harrica(les, des grèves monstres, on en minimise la portée en les attribuant à des fauteurs rle troubles, à de;; COol· plots internationaux, ou à la pè. gre. Chose curieuse, la même musique est chantée, et à pleine voix, par « l'Humanité » qui se distingue par une hystérie aussi sauvage que celle des écrivains en 1871. Là où la bourgeoisie plus sage em· ploie dans son langage surtout le bouclier, le P.C.F. fulmine, met· tant en évidence un conservatisme {le gauche aussi lourd et plus sus· ceptible que le conservatisme de droite. Livre à lire et à méfliter. Martin Fort (~ette
Dessin de Gustave Doré. V"I'S. J'ai VII cela de me," proprl's yeux. » Et c'est cela qu'approuvp-nt, qui remplit d'une joie furihonde des hommes de lettres, rles poètes. Un Vigny qui a écrit '«( Chatwr· ton», un Leconte de Lisle qui était socialiste, une George Sand, auteur du Compagnon du tour de France.
La désillusion qui a suivi la révolution de 48 Une des grandes raisons de celle rage sanglante, J'auteur Ja voit clans la désillusion qui a suivi la révolution de 1848. Romanciers et poètes avaie':'t en général épousé avec plus ou moins d'exaltation la cause (lu peuple en qui ils voyaient l'ennemi du bourgeois, ce bourgeois, leur seul lecteur possible>, et qui ne les comprenait pas. Tous pensaient alors naïvement (et orgileilleusement) ( qu'il suI/it d'aller aux masses 'et de leur dire la vérité pour que celle-ci appuraisse lumineusement». Or, les masses fermèrent leurs yeux et leurs oreilJes à J'élite intellec· tuelle : 5 millions de voix pour ,( le neveu rle J'oncle» en 1850, 18.000 à Lamartine. Oubliant que, aux yeux du peuple ils faisaient partie eux·mêmes des bourgeois et qu'entre lui et eux s'était creusé un abîme en juin 1848, ils pensè. rent que (( l'Action n'est pas la sœur du Rêve », se replièrent sur leur rêve, sur leur art et leur Tour
Pour Gabrielle Gauriel1e Russier Lell re~ de pri~oll pré('é~lé de (( Pour Gabrielle» par Ravmon~1 Jeal!. Ed. du Seuil. 144 p;
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Sans doute v a·t-il quelque ('hÜse ~Ie I!enant ~Ians une telle publi('ation; et de plus I!ênanl en('ore il "pn~er qu'elle va de"enir un sU('('ès. de librairie. C..rtes, la I!ralHI .. presse s'en ..st tenue I!éné. ralement au niveau lill fait di,:el's ~('al\4laleux. Pal' ('ompellsatiOl'I, fallt·ilfail'c d'Ilne jeune femme ~Iésespérée une sainte de l'amour, une IH:'roïne et une martyre '? Entre le fait divers t~t le mythe, Raymon~1 Jean, prt"sentateur de ~~p!te ('ollrte mai~ illtense et bOIlleversante ('orrespondalll'e, a trouvé le ton jnste. A' l'indil!nat ion, au "athélique, il l'exaltati(m, il a préféré l'analyse fond(',,, sur un solide ~ens des réalités de la vie et sur le ·sens, moins ('ommun, de ('es ('omposantes ('ontradidoires qui forment le ('adre de noIre existell('e sociale et ~l"i (lissillllllent, pour les poissons a"eul!les qlle 1I0llS ~ommes, l'élat de kll'harie dans leqllel nolis vinll\s, (:e qui a droit de ('ité dans les li, re.. , ('e l'Jlli est ma;!1Iifié dans la poési .. P.I le rOlllan : l'amOllI' d.. deux êtres libres, ({;abrielle et C'Jris. tian l'étaient et en· s'aimant ne faisaienl tort il personne) n'e .. 1 aU('llIIement toléré par une société qui l'l'fuse de ('ollfondre la lillé· r:llure ave(' la vie. Toléranle en apparence ,;euleml,nt, par la mar('he normale de ses institutions, sans tapal!e el sans ('olère, anonymement, elle ft"taLlit le l'ours na· turel lies ('hoses, lin moment perturLé, (:'Iimiile les I!êneurs. EUe a l'assentiment de tous l'es (( -honnêtes vens » dont parle Prévert et qui, en l'ol't'Urellee, d'lin pro('ul'l'Ill' (( :lOlInêle» il d'(( honnêtes ('ommunistes » de parents font la chaîne pour éviler (!Ile ne I!al!ne l'inl'endie. L'arl!Umenl sans répli. (/Ill' (Jui a tué GaLrielle Ru,.;s'er relè\'e (le ('e,; I!énéralisat ions im· bé('i les llont est prod il!ue la fameu,;e ."a!!es.. e des nal iOlls ': (( Et ,~i l()lI,~ le,~ flr()fe,~,~('"r.~ .~e TI/./'l/rrÎl'1l1
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It'''r,~ (;lt~J'('s ... »
Précisénll'Ilt, "Raymond Jean, avel' un tad et lH1e ~Iéli('atesse iufrn:s, monlre en quoi Gahrielle Russie,.. était un être partil'ulier et l'e fJu'ayait d'unique son (( aven· ture» aV'e(' le jeune Chr:stian. Ravmollli Jean avait eu Gahrielle pO;lr é)èn~ avant qu'elle llevienne
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Cher point du mondé une image, agrandie jusqu'au mythe, de l'homme d'aujourd'hui que la violence tourmente et fascine, ·JacquelinePiatier. LE MONDE uri style haché, violent, rapide, d'une remarquable efficacité narrative. Bernard Pingaud. LA QUINZAINÈ LITTÉRAIRE .' ..
Les Lettres N ouvelle~ collection dirigée par Mautice Nadeall
sa eollèl!ut' Pt, très tôt, il l'avait dis: inl!uée clu lot. Son sérieux, sa soif dt' ('onnaÎtre en allant au fond des l'hoses, la présence en l'lit' ll'une « ('prtaine exil!elH'e intc"rit'ure qui pouv'ait la eonduire il IPle ét raul!e forme de clépassenient de soi» (el qui venait sans doute dt' sa formation protestante), nl'.lis aussi « ('e qu'il y a'ail de refus, de défi cahré el parfois de prOHwat ion en t'Ile n Illi font évoquer l'Alissa de Gide, Antil!one, une héroïne d'Anto· nioni. Ces référelll'cs lilléraires sont de mise à pr<.>pos de quel. qll 'un - t't l'~lte l'orrespondanl'e en (-.lit foi - qui s'était mis en têlt' de délllentir l'affirmation de HilllLaud : (( la \Taie vie est ab· sente n. Moins uaïv'e, moins éprise d'absolu, plus sOUl',c-use de ('1' qu'il faut el ne faut pas faire, GaLrielle eÎ11 pu ('ouler Iles jours d'hypol'l'ite Lonheur avec son jeu. ne amant. Au lieu de cela, et portée il l'e (( dépasst'menl d'elle-même» par la val!ue de mai qui la fait vivre en ('Omlllllllauté de pensée et cie sent iments avee ses élèves, elle conçoit sa passion comme une étape vers l'elle « vraie vie » qui, durant quelques semaines, semblait à portée de la main. En se disant heureuse, elle d(:'fie les pharisiens. Quoi d'étonnant il ('e qu'elle soit ell1!lorlée dans le reflux? Jelée en prison, son rêve l'onti· nne de l'h:lbiter : « Di,~.moi, éc'rit· elle il un de ses amis, (lUi' 1(' ,~()l('il l'\:i,~tt', tl'W la vérité 1'1 la purl'té ,~()III dl' Cl' Tllund!" '1'1t' .il' n(' rêl'ai,~ pas ... ». La voi('i devant le triLu· nal et son histoire cie nouveau éta· lée en puLli(:. Elle ne bronehe pas. C'en est trop. Le pro('ureur estime qlle la peine est trop lé· gère, (j'ue la condamnée doit reve·
Lu Quinzaine liltéraire, du 1" au 15 /liai 1970
((Les grandes vagues révolu tionnaires"
nir de"aill d'autres jUl!es. L'insti. tution nommée Education natio· nale entreprend cie se déLarrass~r (le la breLis lf.aleuse. Alors, Ga· brielle pren~1 pellr et s'affole. Son amour sali. elle·mêmé réputée in· fi'tme, privée lIe ('e qui pour elle a été toujours plus qu'un gagne.pain, l'exereiee (le son métier, se vovant oblil!ée cIe ('onfi"er à l'Assist.~n:'e cIeux jumeaux Ile six ans qu'elle a eus cI'un mal'ial!e précol'e, son ('()ural!e l'aLanIJonne. Elle. n'a plus la force de vIvre en Lête marquée llans une . · société qui la consi. dère cOll11lleanormale. Plus en· l'ore: elle ne ·croit· plus, sli pei'lle pUTl!ée, "à'1a possiLilité de repartir I)our ljne 'nou.velle vie. lout ce ·à
quoi elle l~royai t s '~st effOlulré. Sur l'et amas de dèeomLres ell~ va placer son cadavre. Histoire momie s'il en fnt, el exempla"ire, qui méritait Lien les larmes d'un président de la République. « Compremw qui vou· dra ... », le vers d'EIÜan! visait (( une fille I!ahnte » (le l'ocf~upa tion, une malheureuse toncJue de la LiLération. Victime pour victime, il est également on ne peut plÙs moral que la suici(lé~ ait reçu ce eoup (le pied de l'rIDe.
Maurice lVaileau P.S. - L'éditeur de ce~ lellre~ n!,u~' fail indderrimenl savoir que le pro.duit de. leur puhli,calion doit rev.enir l!J!1I' enfanls de Gabrielle Ru~sier,
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ETUDE
Sacher Masoch Pascal Quignard CEtre du baLbutieml'II t Essai sur Sacher Masoch Mercure de France éd., 191 p.
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Dans ravant-propos du livre qu"il a consacré à Sacher Masoch (J). Gilles Deleuze écrit : « Il se peut que La critique (au sells Littéraire) et la clillique (au sells médicaL) soiellt déterminées à l'litrer dans de nombreux rapports où {'/lne apprend de rautre et réciproquemellt. La symptomatologie est toujours "//aire d·urr. .. » C'cst une telle « symptomatologie " que tente Pascal Quignard dans un essai dont ni le contenu ni l'art ne se peuvent séparer, sous le signe de Sacher Masoch, d'une visée à la fois clinique et poétique: « Balbutier, c'est la parole du langage rendu, de la parole absolument donnée. C'est RedoubLement" c 'est la passion de la passivït.é, passion de la passion. C'l'st M étap/wre. c 'e,~t la Passioll de La !Jassioll. passioll de La Passioll ... [,e bClllmt iem l'lit est La parole du retour, du dé tour au retour même. cl la mère, du retour au détour même, cl la mort. )1 Par une rhétorique dont n 'est pas mince la puissance d'effraction, Pascal Quignard fait irruption dans le discours philosop'Jique. Mais a la limite extrême oÙ ce discours. disjoint. n'est plus d'un réseau métaphorique inquiet ùe lui-même et constamment tra· "el'sé par ses doubles éblouissant,; ou obscurs. II n'est pas sftr que l'Etre du balbutiement, en ce que son pm· l'os présente d'encore très phénoménologique malgré la volontl; excessive ou excédente de l'auteur, s'inscrive au même ciel que la Présentation de Sacher Masoch rédigée par Gilles Deleuze. Néan· moins, rapproche existentielle et linguistique de Quignard corres· pond à une dimension qu'il n'était pas dans le propos de Gilles Deleuze de mettre en relief : di· mension pathique, émotionnelle, située là oÙ le discours se retourne sur ses fantômes non discursifs, sur le formalisme sensible qui le hante. C'est pourquoi la méditation de Pascal Quignard est de celles que les lecteurs préoccupés de Masoch comme ceux qui sont préoccupés par l'idée d'un renou· vellement formel en philosophil·. n'éluderont pas.
« Qu'Cil. l'st-il de la pIaille'! La pIaille est ill/illie. Elle n 'est pas La ml'sure du regard. au regard du projet... n'où si La pLaille est ma m('re. si 1/1(/ l'OÎ.1; l'II est déLéguée. si l'Ile est excès et /11/11· totalité. FerrI' l'II elle: y ètrl' à lïlltérie!:.r exdut CJlte F~~ a(mrde. y mel/(/('e le pire : le continu. le plI r OUl'er/. la m or/. là oÎt rèt re est de Il'c~tre pas JE. ilÙ sïllClil'iduer s·éparpille., oÙ tout resolllle mais de perSOIlIlI'... »
Par de telles concrétions métaphoriques. l'éeriture se distribue autour de quelques imal-\es centrales ou quasi-thèmes (lu pLai/H'. lI' doublet CClïll-jésus. La siri>lIe et le miroir /c~/é ... ). par lesquelles ne se trouye pas désignée l'œuvre de Masoeh. m'ais dans lesquelles celle œuvre devl·ail. au meilleur cas. revelllr. Un tel revenir (et revcnir autre) caractérise une recherche <lui esl symptomatologie, mais surtout volonté d'inlerprétation. parce qu'elle rompt avec lous les crilères de l'ohjeetivité cl >'e manifeste comme effort d'invention créatrice. En e!Tel, celui qui tienl la plume invente le visage de son précurseur (Masoeh), invente celle origine dont nous savons bien qu'elle est et qu'elle n 'est pas. Car s'agit-il, au fait, d'un essai sur Saeher Maroch '! L'Etre dl! balbutiement. c'est au>'si et peut-êlre surtout le fait de « chânter. balbutier, mou-
rlr », dans un texte comme éerit sur une' bande de Moebius ct l.1ui toujours à la périphérie d'un anneaU déecntré. rép<-lc cl prél'isc. effaee sans l'effacer son origille illlpossibll'. Dès lors. pounluoi nc pas citer pour dire Qui~nard œ que Quignard dit de 1\1asoch'! « Le l'es· sort des œUl'n's' dl' M c/SO(-[, l'st lC/ répétitioll. LC/ métC/phore... ('(' qui tuurlle ll'.~ pages à lïlltérieur des textes cLl' Masoch. l'st {"attl'Ildre. le sl!spelle/I! à tuute répétition... ALors Les poillts Ile suspellsio/l oÎt soure/ent e/ se pere/l'lit ('ette non/illité e/e la pC/roll'. et ce/IOIl-Cll'{>111'111 l'II t ell! sile/lce. Il/te /C/roll l'xcl'ptiulI/teILe. /1I/1lC'lIt le bC/lbutielllellt ci rexpl'('/atioll ... » Nouant le parler et l'angoisse. le line ne fait pas « revenir ». scull'ment l\'lasoch mais aussi dan's une certaine mesure la violence feutrée d'un B1am'hot. la violence fraeturante d'un du Bouchet. l\1ais. )luisl(ue Masoch nous fait penser V éllus_ /lmrrures. crcwaches... qu'en esl-il, scion Pascal Quignard. du masochisme directement (sexuellement) envisagé '? Lorsque la mort devient mère, Masoch (C au plus près de la mort, l'éloigne et en rel ranche la possibililé. la violence nue. Il s'agil d'avoir femme comme la vie procure une mère, une mort il quoi L'un s-a//iLie ». Celle affiliation, Ilui est unc ruse renversanl (ou différant) l'expeC'lation de l'an-
cr
s'institue par le fameux ('olltrcll. Le contrat instaure du moi la dépossession. la souffran;'l' heu n'use (li masochisle .. ), par « une parole C/iJsolUlIIl'lIt clCJIlllée ". Dans la figure qu'il donne du l'ont raI. Quil-\nard fail entendre que li Il' conlral supplée la lransgres"ion .. ct. par là. il silue Masoch aU-llelà des grandes provocations sl'xUl'lIl's Ilui de Smic à Balaille sc donncnt comme lransl-\rcssives ou Ic demeurenl malgré ellcs. L'idl;l' force (cl là. I)Cut-i:lre. un paralli'le avec Gilles Deleuze devrail être mainlenu. malgré cc qu~en dit Quinard lui-même) est <lue. de la mort de Dieu nail une d~sinlégralion qui stipule l'ers le cUlltrat. Mais ce, au-delà de la visée de la transgression_ car (1 MC/soch est hors el'ulle telle l'ISl'e: ~a reiC/tioll illtl'relitt rclllsgressioll_ Ll's rd~t iOlls sacrées. le.~ 1'//rois t héoLo~iques. LeseléclalIIC/tiollS de la IIwLéeliction se sont 1·I/CJllelré('s. De LC/ III or/ de Dieu 'WÎt La désilltégrC/tioll. La lIulI-/i:wtioll elu pire... » Depuis eNte désintégralion, la parole du halbutiement suscite la loi qui la soumet. stipulant vers le eonlral - comme l'œuvre peutêlre.' vers une forme à la fois conlractée et contractuelle qui la plie et la l'eplie sur elle-même. gOISSC.
j eU/I-Noël V llUrllet 1. Gill('s De!('U7.c_ Présell/a/ioll cle SII(1' lexIe inlé~ral dl' là \'1~IlUS à la fourrure). Ed. de Minuil. 1%7.
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ARTS
Six siècles d'estampes Tous ceux que concernent les formes les plus modernes de reproduction de la pensée écrite ou dessinée en sont redevables aux premiers xylographes dont le travai 1 est à l'origine de toutes les techniques d'imprimerie. y compris celles du livre. Cependant, nul, à ma connaissance. n'a commémoré d'une façon ou d'une autre, en cette an· née 1970, le sixième centenaire de la gravure dont le plus ancien exemple connu, le fameux bois Protat. aurait été taillé en 1370. Ces lignes favoriseront peut-être la réparation d'une injustice ou d'un oubl i. Wolfgang Brückner Imagerie populaire allemande 199 il!. dont 45 pl. en cou!. Elccta- W cber, 224 p.
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Herman J. Wechsler La Gravure, art majeur 137 il!. dont 16 pl. en coul. Cercle d'Art, 244 p.
Lcs études consacrées aux i ncunaLles de l'estampe s'accordenl loutcs à démontrer le earactère essentiellement populaire dcs premiers boi:; gravés, qu'il s'agisse de petifP;; images de piété ou de cartes à jouer. C'est aussi ce que nous enseignent les auteurs des deux nouveaux ouvrages dont nous signa. Ions aujourd'hui le g!'and intérèl : l'Imagerie populaire allemande, de Wolfgang Briiekner, et la Gravure, art majeur, de Herman J. Weehsler. L'importante documentation iconographique (plus de 300 estampes reproduites dans les deux volumes) sur quoi se fonde l'étude des auteurs, a pour nous un attrait d'autant plus grand que les origi. naux ne nous sont pas facilement accessibles et qu'ils nous sont en partie inconnus. Pour Wechsler, la plupart des exemples publiés dans son livre ont été choisis dans la collection de Lessing J. Rosenwald, fondateur du musée destiné à sa conservation, l'Alverthorpe Gallery de Jenkintown, en Pennsylvanie. Pour Brückner, c'est dans les collections privées et les musées d'Europe Centrale, principalement ceux oe Berlin, Hambourg, Munich et Nuremberg, qu'il a trouvé cette admirable série d'images qui commence par Lu Quinzaine litléruire, du 1"
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de très primll1ves xylographies du XV" siècle et se termine par un poster Pop munichois de 1967. Et l'on 'reconnaÎtra son mérite si l'on songe au temps 'que représente la rechcrchc, dans les eaLinets d'l'stampes, des· pièces qui, seules, Tl;' pondcnt aux caractères de l'image. rie populaire, alors qu'elles n'y sont jamais rassemblées sous la désignation de celle catégorie, mais classées aux noms de leurs auteurs, généralement inconnus. C'est grâce à cette patience que Briickner a pu étaLlir, pour chaque époque, l'activité des principaux ateliers, que dominaient au XV" siècle ceux d'Augsbourg, de Mayence et de Nuremberg, et observer l'apparition des nouveaux thèmes qui s'imposèrent pour un temps plus ou moins long, parfois pour pl~sieurs siècles, dans l'imagerie. Beaueoup de ces thèmes étaient connus ailleurs qu'en Allemagne (le Couple mal assorti, la Fontaine dl' Juuvence, le Monde à l'envers, etc.), mais, sans parler des images de propagande religieuse, aussi bien catholique que protestante en dépit dcs iconoclastes réformistes - , c'est en AfIemagne que furent surtout répandus, autour de la Ré· forme, certains sujets où se reflètent les angoisses et les superstitions d'une époque malheureuse. La Mort, le Diable, les sorciers et les sorcières, y jouent un rôle prépondérant, en même temps que sont imagés avec une maladresse qui ne s'oppose pas à une force expressive véritablement dramatique, les calamités, les actes de vandalisme. et les plus inquiétants phénomènes célestes qui s'étaient abattus ou menaçaient de s'abattre sur la terre.
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'i)ig. 11. ~a~ uncerfrou\v{c.~~J ~
Bois gravé allemand, X V Ile siècle.
restera pour eux le moyen de prédilection qui leur permettra d'igno. rel' longtemps toute évolution stylistique. C'est aussi ce qu'avaient fait les imprimeurs de livres, nous dit de son côté Herman Wechsler, en continuant à imprimer des ouvrages entièrement xylographiques (dont chaque page de texte était, comme son illustration. gravée SHI'
Un des thèmes les plus rares hors d'Allemagne est celui de Marie enceinte, ici représenté par une image d'Augsbourg, la Vierge de Bogenberg, inspirée d'une figuration vénérée au Moyen Age. L'enfant est visible sur le ventre de Marie où il se tient debout et comme dévoilé par une exploration radiographique. L'histoire de l'imagerie populai're se confond avec celle des tech· niques d'impression. Mais alors qul' les imagiers utiliseront tous les procédés qui viendront successivement s'ajouter à la gravure sur bois taille-douce, eau-f~rte, plus tard lithographie, etc. - le bois gravé 1970
'iJig, 8.
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'liiffe!woll.
Bois gravé allemand, X V Ile siècle.
une· seule planche de bois) bien des années après que Gutenberg eût mis au point (vers 1448) son invention des caractères mobiles. L'Ars Moriendi et la BilJlia Puupern nt en sont de célèbres exemples dans la seconde moitié du XV" siècle. Cette conLinuité d'une esthétique primiLive fut la cause de bien des erreurs de datation, certaines 'planches du XVIII" et même du début du XIX" siècle ayant été attribuées à un travail de beaucoup antérieur. Les changements de technique, mê· me au début de ('époque de la ré\olution industrielle, ne fUrent pas toujours, d'ailleurs, aecompa~nés d'un changement d'esprit, ni d'un renoncement aux habituelles méthodes de composition. C'est une des caractéristiques les plus remar· quables de l'imagerie populaire que la représentation d'un fait historique pouvait fort bien s'accommoder d'une part de pure imagination. Et c'est en cela sans doute que les mots image et imaginaire ont aboli la frontière qui séparait leurs si· gnifications. Une lithographie allemande de Gustav Kiihn, de Neuruppin, intitulée l'Attaque du, Louvre pendant la révolution de juil. let 1830, nous fait ainsi voir, sous les coups de feu des assiégeants, le Palais des Doges de Venise! Les Bilderbogen lithographiées auront encore, à Munich et ailleurs, une période charmante avec le romantisme sentimental des com-
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Un tour
~ Jean Selz
plaintes et des histoires racontées en feuilles volantes. Remarquons que l'imagerie enfantine fut tard ive et ne compta, le plus souvent. que pour une faible part de la production. De tous temps les images servirent à la décoration des intérieurs villageois : les Kistenbilder désignaient celles qu'on collait à l'intérieur des bahuts et des coffres, parfois découpées en pcti ls morceaux, ornant les bois de lit et les portes, ou même, comme ce fl1t le cas, à répoque baroque, d'un certain « Pctit château des Chanoines », à Dürnstein, en Basse-Autriche, tapissant les murs par centaines, les feuilles les plus populaires s'y trouvant réunies, pêle.mêle, à ces Callotliguren dérivées des Cubbi Je Jacques Callot. Les enfants, cependant, eurent leurs histoires, leurs jeux et leurs soldats à découper, aussi bien en bois gravé et en taille-douce qu 'en lithographie. Et lorsque, vers 1870. apparut la chromolithographie, ces petites images brillantcs qu'on appelle en Allemagne des « hosties " (Oblaten) s'offraient à eEX, collées sur des pains d'épices ou. sur des pages festonnées de papier dentelle. Ce fut une des dernières formes. et l'une ùes plus jolies, de lïmagerie véritablemcnt populaire. On peut en voir actuellement une excellente collection à l'exposition d'()bla/en qui vient de s'ouvrir à l'Allonaer Museum de Hambourg. C'est aussi dans la seconde moi· tié du XIX'- siècle que les imnges gravées sur bois debout connurcnt une srande vogue en Europe après que cet emploi eût fait, cinquante ans plus tôt, son apparition dans l'illustration du livre. Un bel exemple nous en est mantré dans la Cruvur!!, art majeur avec la reproduc. tion d'une page de l'ouvrage Ile Thomas Bewick, History 01 British
Birrls. Ce que sont les particularités du bois debout, ce que sont toutes les techniques de l'estampe (il en est aujourd'hui de nouvelles et de très compliquées), c'est ce que \Vechs1er explique fort bien dans son liVl'e, et c'est ce qu'il est utile de connaître alors que le Louvl·e. la Bibliothèque Nationale et de nombreuses galeries nous invitent constamment à contempler dcs gravures : nous n'y prendrions peut-être pas un plaisir aussi grand si nOlis ignorions toutes les difficultés «(ue doit surmonter le graveur.
Jean Selz 1(,
Concept non concept Le moindre paradoxe de ce compte rendu c'est qu'il paraîtra au moment où s'achève l'exposition qu'il concerne et que cela n'a strictement aucune importance. Parmi les réfiexts que l'art conceptuel met en question, celui de visiter une exposition, comme au bon vieux temps, après avoir été informé de son organisation, est sans doute l'un de ceux qui paraissent des plus suoerflus lorsque l'on fait le bilan de l'opération « 18 Paris IV. 70 n.
Ce sigle signifie que 18 artistes, sollicités par Michel Claura, ont participé en avril 1970, à Paris, 66, rue Mouffetard, à une «exposition" que tout le monde s'acharne à considérer comme «conceptuelle" bien que l'organisateur se défende vigoureusement de n'avoir rien fait de tel. Celui-ci se iivre même à une critique du terme et de l'usage qu'on en fait, et ajoute (<< Opus international" n° 17) que le mot, « d'une part, devient synonyme de facilité et~ d'autre part, fait référence à une cérébralité de bon aloi ". Donc, 18 artistes européens, améric[lins (ct japon1!,is) ont été invités à participer il cette opération désignée sous' la référence 18 Paris IV. 70. La première surprise qui attendait les visiteurs non initiés c'est que 6 seulement d'entre eux (je crois) avaient laissé sur les murs quelque chose qui ressemblait à une trace de leur invention: Gilbert et George montraient leurs effi· gies; Toroni, des empreintes de pinceau; Lamelas, la projection de trois films de trois minutes chacun sur des ~ortions de temps pris en tournage continu; Jean Dibbets, une suite narrative de' plusieurs photos prises dans le métro à chaque arrêt, pendant quinze minutes; Ruscha, un livre accordéon déplié avec un gâteau (français) au bout et, si je ne m'abuse, il y avait encore des carrés de couleurs de Djia:l et des compositions de Ryman. Que. s'",tait-i1 donc passé qui explique cet étrange phénomène de dilution? Il faut tout d'abord rappeler que l'art conceptuel posant l'absence de toute réalité esthétique formelle, les moyens àe concrétisation du concept peuvent certes être extrêmement variés (tilms, documents dactylographiés, photos, bandes magnétiques, etc ... ), mais égaIement non apparents, non concrets. Le sup;1ort matériel ne constitue, à aucun moment, l'œuvre elle·même qui demeure mentale. D'où l'importance du catalogue qui constitue l'élément centrai et essentiel de l'exposition. Ainsi, René Denizot peut écrire: • Le catalogue rassemblant des documents sans réalité esthétique est donc la totalité de l'exposition te conceptuelle.. aussi bien d'un point de vue formel comme utalogue de l'exposition (panorama de
Jean Di"I",\-.
ce qui est présenté) que du point de dans une dizain~ de points à Paris). vue du fond (le catalogue constitue le Il est véritabler:lE''lt .. le sens et la conteru de l'exposition). Il ('st à la fois réalité sensible" de cette exposition le sens de l'exposition et sa réalité extraordinai remen ~ ratée, donc sour· sensible ». noisement réussie dans la mesure où On se réfèrera donc au petit livre elle signifiait autre Ghose qu'une parade noir édité par Seth Siegelaub, .. prochic· conceptuell e. teur" de l'exposition, et établi par C'est, en effet. il une entreprise de Michel Claura. Il révèle la raison prodér.1olition que s'est livré Claura, à un carambolage intelligent qui visait moins fonde de la débandade à laquelle cette exposition a donné lieu et noc!s montre les quelques artistes réunis - bien en quoi celle-ci sortait effectivement sympathiques au demeurant - à qui il du cadre « conceptuel ". Claura a concu ne veut aucun m,,1. que le problème de l'intervention des artistes en deux étal'art reposé par leurs activités variées et leur charmant dilettantisme et le pes : il leur a demandé, le 20 novembre 1969, la soumission d'un premier profonctionnement même de ce que l'on jet pour le 15 décembre, ét2nt entendu anpelle une « manifestation artistique ", que tous les projets reçcs seraient c'est-à-dire une revue statique, normaretournés à chacun des artistes invités, tive, obligatoire, solennelle et cloisonqui renverraient, un mois et demi plus née. Le système de l'intervention en deux tard, leur participation définitive, moditemps, au lieu de provoquer une • acfiée ou non, après donc avoir pris contion" sur l'exposition de la part des naissance des intentions de tous les autres. On a beau dire que l'art concepartistes, a donné un mouvement de tuel démystifie le terme de « création" recul se traduisant par un refus ou une et que l'activité du conceptualisme participation passive et spectatrice, que Claura analyse dans la pœtface de s'intègre entre les domaines de la recherche et ceux de la communication son catalogue; il fait ainsi lui-mêl'le la critique de son entreprise et des réac(Catherine Millet), la bonne dose de tions des participants - ce qui n'est subjectivisme, de prudence, de carriépas la moindre originalité de sa tentarisme et d'égocentrisme, qui anime la plupart desdits conceptualistes, a protive, voqué un mouvement de volière effaLes causes de ce mouvement de rouchée. L'idée diabolique de Claura a recul ou de passivité, résident essentiellement dans l'esprit de sérieux des fait remonter plus d'un sur son perofficiants et dans la référence à une choir. Certains ont rompu tout de suite certaine idée de l'art (l'art est une (on ne les nommera pas), d'autres ont « réponse à donner" et non une « quescherché des alibis, des dérobades subtion ,,) que' gardent au fond d'euxtiles, ont voulu sauver la face: Weiner mêmes ceux-là mêmes qui en dislolaisse aléatoire la réalisation de sa quent les apparences. «Sur une pièce; Sol Lewitt efface son premier idée, sur un concept, des spéculaprojet; Broodthaers envoie un certificat tions cie tous ordres repartent bon médical de bonne s;:m~é, pour s'excuser, Barry donne dans la divagation: . train sous la houlette de l'art ». Effectivement, sauf chez' deux irréD'autres (Brown, Richard Long, d'une ductibles : Toroni et Buren, et chez certaine façon On Kawara), les vrais un participant qui détonne et détonne conceptuels de service, ont maintenu sans broncher ou presque leurs prebrutalement dans la complaisance de l'ensemble: Francois Guinochet. Toroni miers projets. L'évolution des particiet Buren ont déêonnecté l'exposition, pants • concrets» que nous avons cités non seulement en se référant à des plus haut a consisté surtout dans des travaux effectués en -dehors d'elle, mais ajustements ou des accommodements en donnant à ces travaux, l'un avec de leur première mouture. Il faudra donG impassibilité, l'autre avec ironie et insose reporter, pour saisir les subtilités de lence, une valeur critique et révélatrice. ces comportements et de ces réactions, Ainsi Buren, qui dans un premier projet au petit catalogue noir (en vente dans avait proposé de faire la critique de toutes les bonnes librairies, c'est-à-dire
dans les galeries tous les autres projets (ce qui n'a pas été pour rien dans la débandade de certains), a répliqué dans son intervention définitive par cc la réalisation littérale de son premier projet, c'est-àdire: des bandes verticales bleues et blanches ont été visibles en dehors des limites de cette exposition du 25 au 31 mars, dans 110 stations de métro ". Ainsi Buren a opposé l'ensemble de son travail (sur lequel il faudrait revenir dans un autre article) à la totalité de l'entreprise conceptualiste, à ses équivoques et à ses complaisances. Le retournement de la menace critique, contenue dans le premier projet, en une gifle massive est bien dans la manière de ce dangereux individu qui déjoue (presque) tous les pièges qu'on lui tend depuis deux ans et poursuit son entreprise de mise en question de l'art avec une précision et une logique étonnantes. Quant à François Guinochet, il a été le plus expl icite: critique de l'avant· garde, de la spécificité de l'art comme activité parcellaire, des rapports de celui-ci avec un système social devant lequel il est impuissant, etc. Même si. l'on ne partage pas ce radicalisme du refus de l'art comme moyen - et c'est pour une part mon cas - son intervention est une bouffée d'air frais dans le marais conceptualiste, une réponse rationnelle et cohérente devant quinze maniérismes mentaux, un réquisitoire sans bavure sur "imposture de la plus manifeste opération de • dépassementrécupération" à laquelle on ait assisté durant cette décennie. Gérald Gassiot-Talabot.
Hantai Un espace triste : le musée d'art moderne; un maté.riau pauvre : des mètres de papier couverts de signes peints. Hantaï prouve que le monumental tient seulement à la perfection du oeste qui l'écrit. Et les dimensions de ce mur géant de papier qui sera bientôt réalisé en tôle émaillée, démultiplient, en quelque sorte, la recherche menée par le peintre dpuis une dizaine d'années et permettent d'en mieux saisir l'organique continuité avec ses commencements.
Claude Georges Perturbations, éruptions, explosions de couleurs structurées par ce graphisme si caractéristique de Claude GeorÇJes. Le découpage des tableaux, formés de la réunion de plusieurs toiles, ainsi qu'une bande dessinée qui sert de préface expriment clairement le désir du peintre de se placer dans la perspective d'une" abstraction nar· rative " : description en plusieurs imaÇJes de scènes" interplanétaires " totalement abstraites. S'il en était besoin, la force d'une telle exposition montre que - malgré quelques reten· tissants naufrages d'artistes de l'Ecole de Paris depuis 10 ans - les meilleurs créateurs de l'abstraction lyrique ont une aventure picturale dont les recher· ches actuelles sont très vivantes. (Le Point Cardinal.) Jusqu'au 23 mai 1970.
Claude Ct'or!(es, huile sur toile, détail.
Bertholo Eva Aeppli L'univers des modèles réduits de Bertholo est constitué par quelques é'6:n,nts naturels primaires (le soleil, l'eau, le vent, et ses fameux nuages) dont on observe l'action sur une situation schématique qui est anecdote pure : une maison et deux palmiers, un bateau à quai. Le globe solaire ap· paraît ou disparaît sur la ligne d'horizon et l'ombre des palmiers se raccourcit ou s'allonge; une balise marine est ballotée par les flots. Dans les dernières œuvres, un élément aléatoire est introduit par la course d'une bille folle dont on peut suivre les avatars dans un boîtier transparent; ainsi sont programmés les recouvrements partiels des trois nuag~s de • nuaÇJe à surface variable ", ou le saut d'un dauohin dans une mer houleuse. La beauté de la mécanique et des enqrenages apparents, la lenteur et la précision des mouvements fascinent aussi. (Chez Lucien Durand.) Jusqu'au 9 mai 1970
(Musée d'Art moderne.)
Affiches de Chine populaire Une exceptionnelle série d'affiches jamais montrées qui datent d'avant la • révolution culturelle ". Il faut aller les voir pour réfléchir objectivement sur les directives de l'art, leur évolution et leur destin dans la pensée marxiste-léniniste et sur le poids d'une tradition artisanale et picturale dont la puissance est ici, non point encore réprimée, vulgarisée ou niée, mais au contraire exaltée par la fraîcheur et la joyeuseté avec laquelle les thèmes révolutionaires y sont inté· grés. (Galerie Vercamer J.) Jusqu'au 6 mai.
La Quinzaine littéraire, du r au 15 mai 1970
Nous remettons au prochain numéro la critique de l'exposition Matisse qui nous a semblé mériter une étude approfondie dans sa présentation définitive. Mais' nous siÇJnalons dès à présent à nos lecteurs l'exceptionnelle qualité de l'accrochage dû à Jean Matisse, le fils du peintre. Moquant les modes. et sans autre système que celui de la sensibilité, non seulement il a su respecter le cheminement de l'œuvre sans être l'esclave de la chronologie, mais il a différencié l'organisation des cimaises selon les périodes de la vie du peintre : bourrant presque les premières sal-
Roel d'Haese
Trente poupées grandeur nature, ensachées dans de longues robes de velours châtaigne, d'où n'émergent que les longues mains de squelette et la tête, dont la forte ligne du nez accentue l'arc d'un crâne prognathe. Trente têtes identiques aux méplats marqués, qu'une légère variation dans la mise en place de l'œil ou de la bouche, quelques roussissures légères suffisent à rendre différentes. Ces visages, ces mains que l'on dirait sculptés, sont en réalité faits de tissu et ces poupées sont d'étranges personnages asexués dont le hiératisme intemporel provoque la réminiscence littéraire et en autorise la mise en scène. Etres d'entre vie et mort, ils siègent chez lolas dans "attente d'on ne sait quel jugement, juges ou accusés, victimes ou bourreaux, empreints de toutes les ambiguïtés délectables de la culpabilité. (Galerie Alexandre lolas.) Nicolas Bischower
les, au gré d'expériences extraordinairement diverses et au goût de l'époque, aérant ensuite, jouant de la hauteur, des contrastes et des rapprochements. C'est une des pre· mières fois qu'il nous aura été donné de mesurer positivement (et non négativement comme dans le cas de la triste exposition Picasso) la triple valeur heuristique, esthétique et didactique de l'accrochage.
F. C. Grand Palais jusqu'au 21 septembre 1970, tous les jours de 10 h à 20 h et le mercredi de 10 h à 22 h.
Deux totems semblent veiller sur l<>s confins de l'exposition de Roel d'Haese comme pour mieux "isoler du monde extérwur. A l'entrée, Diderot soulevé par le jaillissement d'un cri déchirant. Au fond, Gœthe, tel un Pégase aptère pétrifié par quelque foudroiement chtonien au moment de prendre son vol, cloué au sol par une hésitation qui fige son corps dans une scrutation inquiète. Entre ces deux pôles, que Claude Bernard semble avoir dressés à dessein, comme des bornes initiatiques, aux extrémités de cette exposition, un univers hermétique, clos, gardé par ces divi· nités tutélaires. L'invocation de celles-ci ne paraît pas gratuite. Chacune d'elles inGarne, à sa manière, dans la mythologie familière qui nous tient lieu de lecture, une image de sérénité, tantôt aima· ble et souriante, tantôt grave et appolinienne. Roel d'Haese les restitue à un univers profondément chaotique et baroque où la joie et la légèreté n'éclatent, de haute lutte, qu'au sommet d'une infrastructure analysée avec une humilité méticuleuse, comme dans la Madelon, ou érigée sur un promontoire écra!lflnt, comme 1e s pieds massifs de l'Aviateur. Chacune de ces œuvres relève de la métamorphose, aboutissements nocturnes d'associations hybrides, que le bronze perpétue dans leur dérisoire incongruité. Dans les dessins, en re· vanche, la fluidité et la mobilité des lignes accentuent leur fragilité. Noyés dans les spirales et les circonvolu· tions du rêve, les visages et les corps se confondent comme des reflets perçus par à-coups dans une dérive envahissante. (Galerie Claude Bernard.)
Guy C. Buysse
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Mille' lIlilliards de .'dollars
Carnac 1
Robert T,aui-s 11 ille M illiarris dl' Dollars Edition spé"iale, 222 p.
Ce livre, écrit dans un esprit assez analogue à celui Ile J,-J. Ser\'an-Schreibcl', mais clavantage ('('ntré sur les entrcpl'ises, reposc sur un raisonnement par extra· polalion construit semble-t-il comme suit: les ~()() premières firmes améri,'aines, ct les 100 premières firmes non américaines ont ,louhlé leUI' chiffre Ira.ITaires en huit ans. Cela nous donne une hypothèse de croissanee - 1(' doublement en huit ans - , ct une idée Iles proportions entre sociétés améri· ('aines ct non amél'icaines - einq à un. Il est plus difficile de dire pourquoi l'auteur a ehoisi ensuite de ('oneentrer le projeeteur sur les soixante plus grandes entre-
:\li~llt'nlCnls de Kerrnaria.
Denis Roche Carnac Photos de J.-R. Masson Tchou éd., 256 p.
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A la fois carnet de routc, guidc huristique ct recueil de citations, un livre' récent ouvre en quclque s~;·te une parenthèse dans la série de3 « Guides noirs» que publie té~ulièrement l'éditeur Claude T~:hou.
. Carnac est en effct le dossier d'une irritante énigme qui n'a pas u'anqué de fasciner, après des génerations d'archéologues, d'historiens, d'écrivains, le poète Denis Roche. L'ordre mégalithique 2.200 menhirs, 4.500 dolmcns, 70 ali~nements et 106 cromlechs du territoire français, monstres de pierre que Ics spécialistes s'efforcent de recenser mais auxquels ils ne peuvent donner d'explication satisfaisante. Le grand menhir brisé de Locmariaquer aurait mesuré plus de 20 mètres et pesé dans les 30.0 tonnes. L'une des dalles de couverture du dolmen de Bagneux pèse 52 tonnes. Les alignements 'de Carnac comprennent près de 3.000 !.l1enhirs plantés sur 4 kilomètres. Or nous ne savons rien des hommes (des « civilisations» ?) qui ont pu édifier ces monuments, ni des techniques employées. Quelques ossements, quelqucs ohjets pas toujours contemporains, quelques gravures ne nous renseignent guère. Les données ethnolo18
giques et anthropologiques Ics plus récentes permettent tout au plus d'émettre quelqucs hypothèses, Ile déceler quelques filiations. Le dolmen, souvcnt enfoui sous un tumu· lus aurait cu un rôle funéraire. Le mcnhir est plus ambigu : poteau· totem, stèle votivc ou eommémorativc, silhouette humaine, phallus? Le phénomène mégalithique touchc des régions aussi diverscs que le Tibet, rInde, la Corée, rEthiopie, la Syrie, rAfrique du Nord, la Corse ou le Danemark. S'agit-il de phénomènes de convergence '! Peuton interpréter Ics aires de dispersion 'européenncs par rextenslOn d'une Il religion » venue par mer du Moyen-Orient '! Autant d'interrogations que Denis Roche ne manque pas de rappeler. Mais (1 hors des mégalithes, rien d'autre ne caractérise le mégalithisme ». En effet, que dire '! Nous n'avons aucune donnée « historique», rien qui réponde à un eotle, à quelque possibilité de déchiffrement. Absence de sujet cer· tes, mais non pas absence de discours : des génér~tions de « commentateurs malheltl eux» se sont succédé avec la même frénésie d'explication radicale. Et c'est sur· tout cette disproportion entre notre ignorance et l'abondance du di~" cours qui a frappé l'auteur. !.ln livre sur les mégalithes ne peut être que l( l'histoire des rhétoriques du I/l(;/{alithisme». Ainsi, le dolmen, l( sa signification n'existant pas, est-il possible que signifie à son tour la façon que nous avons de le
raconter
r»
Quel est cc lieu, Carnac? Comment explilluer ces alignemcnts de milliers d'énormes blocs dressés? Armée romaine figée par Saint Corneille, vestiges d'un camp de César" monument druidique, cimelière « préhistorique », figuration zodiacale, monument égyptien (Carnac = Karnak !), champ de bataille ... Chaquc époque secrète des interprétations, chaque auteur projelle ses funtasmes, entendez sa eellomanie, son égyptomanie, son nal ionalisme; ct les textes que cite longuement Denis Roche, ne manquent pus de saveur. Quelqucs écri"ains s'en sont mêlés : Chateauhriand Teutatès veut du sang: il a parlé dans le chêne des cl ruides») ou Fluubert Le champ de ,Carnac est IlIl large espace dans la campagne, oÙ l'on voit onze files ' de pierres noires... »).
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En fait, le livre risque de laisser sur sa faim le lecteur curieux : pas de ~rande synthèse, pas d'explieution définitive et rassurante. seulement quelques hypothèses n 'eslce pas, tout compte fait, une démarche scientifique? Ainsi, not re science n'ayant pu se l'approprier, le classer, le mégalithe demeu re disponible, ouvert à tous les discours. C'est ce constat agaçant que dresse Carnac. Signalons les belles photographies de Jean-Robert Masson qui apportent à l'ouvrage son indispensable complément graphique.
Alain Jaubert
prIses (a\'ee lc même' pu rtugc :lO 10). Est-cc pal'ce (lue le chiffre (ruffaires de ce groupe était en 1968 (Ic ronlt'e de 2:>0 millianls de tlollal's. ce (plÎ ave," lu règle précitée, le fait Ilualint. pl cr ,l'ici 198:> et le porte UII ('hiffre « parlant» de 1.000 milliards, titre de l'ouvragc ? On uuruit pu en effet opérer le même calcul avec les 600 firmes, et Iruilleurs )1. Lattès é('rit quelque l'urt IllIe le llIonde développé sera ,lominé économi'iuement pal' 1.')0 ent repl'ises, alol's que d'alltres ont parlé de 300. Le ('hiffre n'est pas l'essentiel, au demeurant. Ce qu'il s'agit Ile faire ressOl·tir, e'est d'uboJ'(1 lu tendance il la l'onl'entration éeonomiqlle, et jI n'est pus sÎtr qlle l'extrapolation soit un bon instrument de prévision, car en 1930 BerIe et Neans s'étuient déjà essayés à un tel exerei('e, et l'évolution réelle n'a pas ('onfirmé le III' pronostic. Le second oh.iectif, à mon avis le plus intéressant, ('onsiste à souli· gner qlle dans le~ échanges éconoIII i'lues internationaux, l'investissement direct effedllé il l'étranger devient allssi important qlle l'expOl'lal ion. D'oÙ la néecssité de ré\'iser certaines unalyses économi'lues qui tlatent Ile l'époque oÙ c!Jaque Elat n'avait affaire qu'à des entreprises pu rement autochlones. alors qlle de nouveaux centres de décision apparaissent, à savoir les firmes dites multinationales Ilui échappent (moins totalement pourtant que l'auteur ne le suggère en forçant le trait 1 à J'influence de la pclitique économique ou monétuire. On aurait d'uillcurs tort de croire que le phénoJlti'ne sc limite aux seules économies indust delle" de l'Ouest, car ,les sodétés multinationales anglo-saxonnes s'installent dans le Tiers-Monde pour y transformer des matières premières alimentaires, et elles commencent à fail'e Ile même dans des pays de l'Est IBulgarieL La partie «effets de civilisaI ion» du phénomène est moins connlincante, parce que trop rapillement traitée. Je préfère làdessu,; renvoyer le lecteur au livre de Mishan, de la London School of Eeonomics, The Costs of Econo· mir Crowth, qui vient de paraître en livre de poche chez Penguin, en formulant le vœu qu'il soit hientôt traduit en français.
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Bernard Cazes
LIRaVISTICI 1JE
L'étrangère Quoique récente, la sémiologie a déjà une histoire. Dérivée d'une formulation tout olympienne de S a u s sur e (<< On peut concevoir une science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale "), elle ne cesse de s'éprouver, de se fractionner, de se désituer, d'entrer dans ce grand carnaval des langages décrit par Julia Kristeva. Son rôle historique est actuellement d'être l'intruse, la troisième, celle qui dérange ces bons ménages exemplaires, dont on nous fait un casse-tête, et que forment, paraît-il, l'Histoire et la Révolution, le Structuralisme et la Réaction, le déterminisme et la science, le progressisme et la critique des contenus. De ce .. remueménage ", puisque ménages il y a, le travail de Julia Kristeva est aujourd'hui l'orchestration finale il en active la poussée et lui donne sa théorie.
Julia Krisleva Séméiotiké, Recherches pour une sémanalvse. Coll. Tel Quel. . Le Seuil éd., 381 p.
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Lui devant déjà beaucoup (el dès lc début), je vicns d'éprouver unc fois de plus, et cette fois-ci dans son cnsemble. la force de ce lravail. Force veut dire ici déplacement. Julia Krisleva change la place des choses: elle délruil Loujours le dernier préjlLgé, cel u i donl on croyait pou v 0 i r se rassurer el s'enorgueillir; ce qu'elle déplace, c'est le déjet-dit, c'est-à-dire l'insistance du signifié, c'est-à-dire la bêtise; ce qu'elle subvertit, c'est l'autorité, celle dc la scicnce monologique, de la filialion. Son travail est entièrcmcnt neuf, exact, non par purilanisme scientifique, mais parce qu'il prcnd toute la place du lieu qu'il occupe, l'emplit eXlIctement, obligeant quiconque s'cn exclut à se découvrir en posilion dc résistance ou de censure (c'est ce qu'on appelle d'un air très choqué: le tcrrorisme). Puisque j'en suis à parler d'un lieu de la recherche (laissant à quclques citations que j'ai choisics le soin de rappeler les arliculations de cctte pensée), je dirai que pour moi La Quinzaine littéraire, du
r
au 15
lII<ti
par Roland Barthes
La sém.analyse • Le problème de l'examen critique de la notion de signe se pose à toute démarche sémiotique : sa définition, son développement historique, sa validité dans, et ses rapports avec les différents types de pratiques signfiantes. La sémiotique ne saurait se faire qu'en obéissant jusqu'au bout à la loi qui la fonde, à savoir la désintrication des démarches Signifiantes, et ceci implique qu'elle se retourne incessamment sur ses propres fondements, les pense et les transforme. Plus que • sémiologie» ou • sémiotique -. cette science se construit comme une critique du sens. de ses éléments et de ses lois - comme une sémanalyse-.
L'écriture et la science .''Si le sémioticien vient après l'écri· vain, cet • après - n'est pas d'ordre temporel : il s'agirait, pour l'écrivain a:lssi bien que pour le sémioticien, de produire simultanément des langa· ge!'. Mais la production sémiotique a~ra la particularité de servir de transmission entre deux modes de production sionifiants : l'écriture et la science; la sémiotique sera donc le lieu où la distinction entre elles est destinée à s'articuler-.
ve, dialectique, irréductible à un sens uniaue mais faite de type de pratiques signifiantes dont la série plurielle reste sans origine ni fin. Une autre histoire se profilera ainsi, qui sous-tend l'histoire linéaire : l'histoire récursivement stratifiée des signifiances dont le langage communicatif et SOI. idéologie sous-jacente (sociologique, historiciste, ou subjectiviste) ne représentent que la facette superficielle ".
Le texte • Nous définissons le texte comme un appareil translinguistique qui redistribue "ordre de la langue, en mettant en relation une parole communicative visant l'information directe, avec différents types d'énoncés antérieurs ou synchroniques. Le texte est donc une J:rvductivité, ce qui veut dire : 1 r:O'l rapport à la langue dans laquelle il se situe est redistributit (deslructivoconstructif), par conséquent il est abordable à travers des catégories logiques plutôt que purement linguistiques; 2. il est une permutation de textes, une intertextualité : dans l'espace d'un texte plusieurs énoncés, pris à d'autres textes, se croisent et se neutralisent -.
La théorie
• Faisant éclater la surface de la largue, le texte est l'. objet" qui permettra de briser la mécanique conceptuelle qui met en place une linéarité historique et de lire une histoire stratifiée : à temporalité coupée, récursi-
• La recherche sémiotic/ue reste une recherche qui ne trouve rien au bout de la recherche (. aucune clé pour aucun mystère", dira LéviStrauss) que son propre geste idéologique, pour en prendre acte, le nier et repartir de nouveau. Julia Kristeva
l'œuvrc dc Julia Kristeva est cet avertisscment : que nous allons toujours trop lcnlemcnt, que nous perdons du temps à « croire », e'està-dirc à nous répélcr ct à nous eomplairc, qu"il suffirait souvent d'un petil supplémenl de libcrlé dans une pcnsée nouvellc pour gagner des annécs dc travail. Chcz Julia Kristeva, ce supplément est théoriquc, Qu'est-ce que la théorie'! Ce n'est ni une abstraction, ni unc généralisation, ni une spéculation, c'est une réflexivité; c'cst en quelque sorte le rcgard rctourné d'un langage sur lui-même (ce pour quoi, dans une société privée de la pratiquc socialistc, condamnée par là à discourir, le discours théorique est transitoirement néet'ssaire). C'est en ce sens quc, pour la prcmière fois, Julia Kristeva donnc la lhéo-
rie de la sémiologie : « Toute semiotique ne peut se faire que comme critiqlLe de la sémiotiqup. ». Une tclle proposition ne doit pas s'cntcndrc eomme un vœu pieux et hypocrite critiquons les sémioticiens qui nous précèdent »), mais comme l'affirmation que dans son discours même, et non au niveau dc cluelques clausules, le travail de la science sémiotique est tissé de rclours destructeurs, de coexistences contrariées, de défigurations productives. La science des langages ne peut être olympienne, positive (encore moins positivistc), in-différente, adiaphorique, comme dit Nietzschc; elle est elle-même (parce qu'elle est langage du langage) dialogique. notion mise à jour par Julia Kristeva à partir de Bakhtine, qu'elle
L'histoire
1970
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nous a fait découvrir. Le premier acte de ce dialogisme, c'est, pour la sémiotique, de se penser à la fois et contradictoirement comme science et comme écriture - ce qui. je crois, n'a jamais été fait pa'r aucune science, sauf peut-être par la science matérialiste des présocratiques, et qui permcttrait peut-être, soit dit en passant, de sortir de l'impasse science bourgeoise (parlée) / science prolétarienne (écrite : du moins poslulalivcmcnt ). La valeur du discours kristevien, c'est que son discours est homogène à la théorie qu'il énonce (ct cette homogéné'ilé est la lhéorie même) : en lui la science est écriturc, le signc est dialogique, le fondement est destructeur : s'il paraît « difficilc » à certains, c'est précisément parce qù 'il est écrit. Cela veut dire (1 uoi '! D'abord qu'il affirme et pratique à la fois la formalisation et son déplacemcnt, la mathématique devenant en somme assez analogue au travail du rêve (d'où beaucoup de criailleries). Ensuite qu'il assume au tilre même de la théorie le glissement terminologique des défini· tions dilcs scienlifiques. Enfin qu'il inslalle un nouveau type de transmission du savoir (ce n'est pas le savoir qui fait problème, c'est sa transmission) : récriture de Kristeva possèdc à la fois une discursi. vité, un « développement» (on vou· drait donner à ce mot un sens « cy· c1istc » plus que rhétorique) et une formulation, une frappe (trace de saisissement et d'inscription), une gcrminalion : c'est un discoürs qui a~it moins parce qu'il « représente » unc pensée que parce que, immédialement. sans la médiation de la lcrnc écrivance, il la produit et la destine. Cela veut dire que la sémanalyse, Julia Kristeva est la seule à po";voir la faire: son discours n'est pas propédeutique, il ne ménage pas la possibilité d'un « enseignement» ; mais cela veut dire au,ssi, à l'inverse que ce discours nous transforme, Il 0 U s déplace, nous donne des mots, des sens, des phrases qui nous permettent de travailler et déclenchent en nous le mouvement créatif même : la permutation. En somme, ce que Julia Kristeva fait apparaître, c'est une critique de la communication (la première, je crois, après celle de la psychanalyse). La communication, montret:elle, tarte à la crème des sciences positives (telle la linguistique), des philosophies et des politiques « dialogue », de la « parli('ipation "
"II
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Un classique de la linguistique et de l' Il échange », la communica· tion est une marchandise. Ne nous rappelle-t-on pas sans cesse qu'un livre Il clair» s'achète mieux, qu'un tempérame~t communicatif se place facilement? C'est donc un travail politique, celui·là même que fait Julia Kristeva, que d'entreprendre de réduire théoriquement la corn· munication au niveau marchand de la relation hitmaine, et de l'intégrer comme un simple niveau fluctuant à la signifiance; au Texte, appareil hors-sens, affir.mation victo· rieuse de la Dépense sur l'Echange, des Nombres sur la Comptabilité. Tout cela fera-t-il son chemin ? Cela dépend de l'inculture française : celle-ci semble aujourd'hui clayoter doucement, monter autour de nous. Pourquoi ? pour des rai· sons politiques, sans doute; mais ces raisons semblent curieusemfmt déteindre sur ceux qui devraient l~ mieux leur résister; il y' a un petit nationalisme d e l'intelligentsia française; celui·cl ne porte pas, b i e n sûr, sur· les nationalités (Ionesco n'est-il pas, après tout, le Pur. et Parfait Pet i t Bourgeois Français ?), mais sur le refus opio niâtre de l'autre langue. L'autre langu~ est celle que l'on parle d'un lieu politiquement et idéologiquement inhabitable : lieu de l'interstice, du bord, de l'écharpe. du boi· tement : lieu .cavalier puisqu'il tra· verse,· chevauche, panoramise et of· fense. Celle à qui nous devons un savoir nouveau, venu de l'Est et de l'Extrême·Orient et ces instru· ments nouveaux d'analyse et d'engagement que sont le paragramme, le 'dialogis'me, le texte, la producti. vité, ~'intertextualité, le nombre et la formule, nous apprend à travail'1er dans la différenc~, c'est·à·dire par dessus les différences au nom de quoi on nous interdit de faire germer ensemble l'écriture et la science, l'Histoire et la forme, la science des signes et la destruction du signe : ce sont toutes ces belles antithèses, confortables, 'conformistes, obstinées et suffisantes, que le travail de Julia Kristeva prend en écharpe, balafrant notre jeu n e .science sémiotiq\.le d'un trait étranger( ce qui est bien plus difficile qu'étrange), conformément à la première p h ras e de Séméiotiké : Il Fq.ire de la ,langue un. travail, œuvrer dans la matérialité de ce qui, pour la société, est un moyen. de contact et de compréhension, n'est. ce pas se faire" d'emblée; étranger à.la langlJe ?» Rolqnd Barthes
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La traduction en français de l'ouvrage fondamental de la linguistique américaine doit être salué comme un événe· ment de l'ordre de .Ia culture générale; il est douteux, en effet, qu'en linguistique cette tradl.!ction puisse e x e r c e r encore que 1que influence actuellement. Certes, l'impor· tanc.e de cette Bible ou de ce vade·mecum de la linguistique américaine n'est plus à établir et, depuis la date de sa paru· tion, 1933, le livre a été lu, comme il est à souhaiter, même en France. l.eonard Bloomfield, Le Langagf'. Trall. de l'américain par Janick Gazio, a\ ant·propos de Frédéric François. Payot, éd., 525 p. Toutefois, il faut le dire dès maintenant, beaucoup de lecteurs, .non linl!uistes et linguistes, bénéfjcieront de ce taLleau complet et systématique du fondement de la linl!uistique structurale actuelle. De ce point de vue, on trouverait difficilement l'équivalent de ce l'ôté-ci de l'Atlantique: un ou· Ha!!e qui prend le lecteur sans· prénotion aucune et qui le conduit, dé chapitre. en chapitre, à la connaissance de la ling:uistique. Ce' fondement a donc' double valeur, et scientifique et pédagogique. L'avant-propos de Frédéric François tente de discerner de façon claire et intéressante Il ce qui est vivant» et (( ce qui est mort », ou plutôt le vrai et le faux, d'un tel travail d'ensemble. Il a l'avantal!e d'attirer l'attention sur les roints litil!ieux et sur lesquels la discussion reste ouverte et susceptible d'être féconde. Il ressoit Ile ce texte liminaire que. la lin!!uistique de Bloomfield est issue .l'une idéol01tie propre, mais n'en dirait·on pas de même des autres? Aussi apparaît flonc un premier problème général : celui du rapport de l'idéologie et de la sl'ience sociale, car lalinl!uistique est, pour ·Bloomfielll comme ponr Trubetzkoy, ni science de la· nature ni science de l'e"prit, mais scienCf' .~ocialp. Sans doute, ICI encore, sera eQnfirmée l'observati~n selon, laquelle' des chercheurs d'inspira.
tion différente parviennent finale· ment à des formulations et à des solutions anal0l!ues. Mais, (~omme le soulil!ne l'introduc~teur, ces so· lutions ne sont pas idfmtiqLlf's. Par exemple, Bloomfield hésite souvent entre critère physique (aceent très fort, fort, ou faihle) et critère fonctionnel (fonction (~ulminative, .Iémarcative, ou expressive). Tandis que pour Truhetzkoy seules les fonctions lin/-!,uistiques de l'accent ont quelque valeur clarifiante. Autre problème I!énéral et ll'ailleurs extra-linl!uistique, celui fIe la différf>flcf' qui s'instaure fatalement entre les précurseurs et leurs SUf~('esseurs : ce que ces der· niers ~a)!nent en rigueur sur les premiers ne s'obtient qu'au détriment .Ie la richesse et de la mu1tiplil'ité des voies ainsi sacrifiées. Faire é('ole entr3îne donc nél'essaire mutilation; d'où la prudence qui c01nmande la relecture de ce qu'il est convenu d'appeler les Il classiques n : leur contenu Ilépasse largement leur postér.ité. C'est aussi en quoi la leeture du Langage de Bloomfield s'impose trente ans après. Un même ret(;ur aux sources .le la linI!uistique européenne n'est pat! sans conséquences: l'intérêt d'une étude du Cerele fIe Pra!!ue n'a Il'ailleurs pas échappé. Si J'histoire exigeait quelque justification, voilà qui est fait. Il est vrai, comme l'affirme Malmberl! ,lans Lf's flOU I:ellf',~ tendances de la linguistiqllf' (P. U ,F., 1966), que l'analyse de Bloomfield ne se distingue pas de celle des phonolo)!ues de Pra)!ué. Aussi s'est-on interrogé sur l'oril!ine des similitudes qu'offrent les travaux .le Bloomfield avec les principes et les méthofles des formes dites structurales de la lin)!uistique européenne. Y a-t~il eu dépendanee réelle, puisque entre 1914, ,Iate de l'Introduction to tlze Study of languagf' et 19~3, Bloomfield avait pu prendre connais·sance des tenrlances européennes ,? Ou bien, s'al!it-il d'un accord .« nécessaire Il s'expliquant par l'ohjet lui·même. rie l'étude bloomfieldienne Je lanl!age humain? La "conception du lan)!al!e comme produit social, Bloomfiehl a pu la trouver chez son compatrio. te Sapir, qui lui·même comme le suppose Adam SchaH (in: Lan· gage et connaissance, éd. Anthropos, 1969) concorde avec Hum·
Loldt. En fait, Sapir; a été fornH~à l'éeole des ethnologues (~Omllle Boas, et Bloomfield à celle ,le Wundt d'abord et des behaviorlstes ensuite. De toutes façons, Bloomfield· a vivement repoussé l'interrm~t~tion psYl'hologisante de .Hermann Paul. Il v a chez Bloomfield un refus' très net du nlf'''tali.~11I(', au bénéfice d'une .Iescription linl!uistique adéq\.late, permettant d'ailleurs grâce à une ri~~ueur toute "cientifique d'apporter les. conelusions historiqllPs néj'essaires adaptées à une ten(~ description. Tels sont les principes d'une étude lin)!uistique de l'évo· lution. Conune l'éerit Frédéric François: Il la distinction pntre l'ariatiuns p/w.nétiques continues f't variations phonologiqups dis· continues, aboutissement des prenlièrt,.~, peUt seule en f'I/(·t rt!ndre c(~;r lois intelli,~ibles... (~llf;n les loi.~ ne deviennf>nt intelligibles que .~i on les envisage comme l( structurales n, c'est-à-dire com· me traduisant lf's prt's.sions qu'exercent 11111 tuellf>nwnt le,~ plzonènws les UliS sur les autrt!s, causes stru.cturdf's qui fournis.wnt 1(,. cadrt~ dans lequel des considé· ra-tions de ling 1listiqup externe peuvent. jouer (emprunts, invasions, etc.) » (p. XIII.XIV). Ainsi Bloomfield raual'he-t-il ril!0ureusement toute l'onclusion historie que concernant la. lanl!ue à la présupposition d'une analyse syn· chronique. . Depuis Bloomfield, les trois relations syntaxiques suivantes ont été définies rar les linl!uistes américains d'après les rapports entre les constituants immédiats et l'unité: relation de suborlli· nation (l'unité et un seul des constituants appartiennent à la même clàsse fonnelle), relation de l'oordination (la classe formelle de l'unité est celle même de chacun ries constituailts), relatioil de construction exocentrique (la clas. se formelle rie l'unité est autre que ~elle des constituants). On identifie ces constructions avec les fonctions de la glossématique <l:dossèmes : les plus petites uni· tés de sil!nalisation): la' sélec· i·ion, la combinaison, la solida· rité. Il faut savoir, en outre, que Bloomfield a relevé le caractère indécomposable ,du mot qu'Ü dé· finit comme "minimal free form" : forme libre minimale. Ce critère a le défaut d'exclure les préposi. tions et conjonctions mais il {onctipnne négativement po»r,
Le vocabulaire indo-européen (' lasser les unités liées (comme le ait de mangeait). Ainsi le mél'ite de cette définition du mot est d'être purement linguistique, et non sémantique. L'ouvrage lui-mi-me procèllf' d'une présentation pro~ressive. L'observation est la base de cet enseignement. « Jac/,' et Jill descendent un sentier. Jill a faim. Elle ,'oit une pomme sur un arbre. Elle fait un bruit alWC son larynx. sa langue et sps lèvres. Jack saute la barrière, grimpe à l'arbre, prend la pomme, rapporte à Jill, la pose dans sa main, Jill mange la pomme)) (p. 26-27). Bloomfie!l1 décompose l'incillent en trois parties: « A. Actions pratÎque.~ précédant l'acte de parler. El Ll' discours. C. Actions pratiques suivant l'acte de parler.)l Il y a d'une part en A des éléments qui sont le ,~timulus du locuteur, fl'autre part, en C, nous assistons à la réponse de l'auditeur. Quant à l'événement-parole, il se décompose ainsi : BI : mouvements des l'ordes vocales, de la mâchoire inférieure, de la langue, qui sont une réaction au stimulus : réaction linguistique de substitut; B2: mouvement des ondes sonores; B3: vibration des tympans de Jack, audition-stimulus : stimulus linguistique-substitut. Qu'est-ce que le langage ? Ce sont les ondes sonores qui comblent la séparation entre les corps du locuteur et de l'auditeur. Et si : « Un groupe' social humain est réellement une unité d'un ordre supérieur à celui d'un animal seul, de même qu'un animal composé de plusieurs cellules est une unité d'un ordre supérieur à celle d'une simple celIule» (p. 31), le langage n'est autre que ce qui coordonne le groupe social. Les communautés linguistique~ ont des types Ile discours qui sont: 1. la langue littéraire standard; 2. la langue standard padée; 3. la langue standard provinciale; 4. la langue sous-standard; 5. le dialecte local. Si, des trois phases de l'incident Jack-J ill, on admet que A et C constituent notre monde et, par le fait, renferment la signification de B, et concernent donc la sémantique. Une étude du langage peut se mener sans préjugés spéciaux quant à la signification, c'est la phonétique: c.a.d. la phonétique de laboratoire qui étudie la langue du point de vue acoustique et physiologIque. Au contraire, La Quinzaine Iitl4lraire. du 1:"
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« la phonologie ne prend pas garde à la nature acoustique des phonèmes, mais les acc('pte simplement comme dl's unités distinctes)) (p. 131). Bloomfield montre la nature et la portée de la méthode comparativl' qui permet des reconstructions; mais: « La méthode comparative ne lWU,~ hu/iqul' en principe rien en ce qui concerne la forme acoustique des formes reconstruites; elle n'identifie les phonèml's d(,s fonnes reconstruites que conlme de,~ unités récurn'lltes » (p. 291). La métholle comparative suppose des ruptures et « reconstruit de,~ langue,~ mères uniformes, existant à certains moments du passé, pt suit des changements qui ont ('u lieu après que chaque langue mère se soit scindée jusque dans la langue mère qui a .mil;i dans la langue enregistrée)l (p. 293). Il en résulte une généalo~ie des langues. De quoi dépenll l'expansion des traits linguisti{IUeS, sinon des conditions sociales? Et quand peut-on parler de changement phonique? Seulemf'nt, « lorsque la substitution de l'habitudl' a conduit à une altération de la structur<' de ·la langl/(')) (p. 344). Le chan~ement phonétique « l'st un changement dans le.~ habitudes d' ('xécution des mouI;enlent.~ producteurs de ,~on)) (p. 347) ; mais il existe d'autres changements; tout d'abord le changement analo.gique, ne provenant pas d'un prolongement altéré de formes plus anciennes et résultant d'un processus de forma~ion étudié par Bloomfjeld et qui n'est autre que le mécanisme de la quatrième proportionnelle A P
B x A et B étant de même nature, la relation Ax doit être nécessaIre. Autre changement : le changement sémantique, ce sont « les innovations qui chan!{ent le sens lexical plutôt que la fonction !{rammaticale d'une forme» (p. 402). Et Bloomfield montre que « la métaphore poétique ('st en !{rande partie une excroi.~sance des emplois figurés du discours ordinaire)) (p. 219). Il est permis, en tout cas, d'espérer que la linguistique pourra permettre une meilleure compréhension des sociétés humaines. Telle est la conclusion de Bloomfield.
15 mai 1970
Angèle Kremer-M'arietti
Emile Benveniste Le vocabulaire des 1nstitutions indo-européennes T. 1. Economie, parenté, société T. 2. Pouvoir, droit, religion. Minuit éd., 376 p. et 340 p.
A l'heure où la linguistique s'est dégagée de la grammaire comparée d'où elle est issue, et rejette sou· vent l'histoire pour se vouloir uni· quement structurale, un linguiste nous restitue « le vocabulaire des institutions indo.européennes» M. Benveniste fait revivre sous nos yeux les institutions des Indo-Européens, leur économie, leur système de parenté, leurs relations sociales, leurs conceptions du pouvoir, du droit, de la religion, au moyen de la seule comparaison des langues par eux léguées à la partie du monde qu'a soumise leur organisation politique et sociale. solidement structurée. La matière est vieille : l'apparition des Indo-Européens dans l'histoire date de près de quatre millénaires ; Bopp, l'un des fondateurs de la grammaire comparée, est mort il y a plus d'un siècle, et dans nombre de nos facultés, cette discipline décline. Mais neuf est le dessein : la langue, loin d'être à elle-même son propre objet d'étude, est utilisée, et elle seule, comme instrument permettant de ressusciter la culture répandue par les tribus indo-européennes de l'Atlantique au Turkestan. Aussi la comparaison ne se limitet-elle plus à la grammaire : alors que l'étude du vocabulaire, souvent négligée, n'avait en général donné naissance qu'à des répertoires, tout ici, est synthèse, et organisation de données lexicales disparates. Voici donc que son t conciliées histoire et structure, « diachronie » et « synchronie ll, et qu'avec cet exem· pIe magistral de structuration du lexique « la dimension temporelle... devient une dimension explicative )l. La méthode aussi est renouvelée. Les comparatistes, guidés par le souci de reconstruire des formes, ont souvent mis l'accent sur l'étymologie. Le propos de l'auteur est, au contraire, de préciser avant tout le sens d'un terme, d'en donner une reconstruction interne dans des langues particulières, par l'analyse de
Emile Benveniste,
ses emplois, connotations historiques, connexions et opposi tions dans le contexte, et de définir sa place à l'intérieur d'un système : bref, de distinguer sa « signification )l, notion centrale autour de laquelle s'organise un ensemble lexical cohérent, des « désignations», fruits de développements historiques particuliers. Dans cette entreprise - et c'est là le paradoxe - , l'auteur sert l'étymologie, mais ne s'en sert que peu ou point. Ainsi la comparaison traditionnelle pose pour le nom du « frère » un prototype bhràter, d'où procèdent les formes historiquement attestées (latin frater, anglais brother, russe bàtja, etc.), compte tenu des évolutions phonétiques connues pour chaque langue. L'originalité est ici de montrer que ce terme s'insère dans un système de parenté classificatoire, et non généalogique, car en grec, le nom du « frère de sang » est autre (adelphos), et phrater, désignant un membre d'une phratrie, témoigne d'une signification indo-européenne large, et encore prégnante chez les confréries religieuses du monde italique, Frères Arvales à Rome, ou Atiédiens en Ombrie. Ailleurs, les interprétations traditionnelles sont renversées : le sens « richesse II de peku (cf. français pécuniaire) ne vient pas, comme on le pensait, d'une extension sémantique de l'acception «bétail ll, mais est l'appellation générique de la « richesse mobi1iêre et personnelle l), ayant fini par désigner dans certaines langues la propriété
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HISTOIRB
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Benveniste
spécifique qu'est le bétail pour une société d'éleveurs. L'auteur démasque des structures voilées par plusieurs siècles ou millénaires d'évolution. les peuples ont parfois conservé le fonctionnement de certaines institutions, en en renouvelant l'expression. Les quatre divisions sociales et territoriales de plus en plus larges du mon d e indo-européen, famille, clan, tribu, pays, sont désignées en iranien par des termes dont les trois premiers ont d'ailleurs des correspondants formels, mais n'ont plus la même ordonnance : et de montrer comment le grec, par exemple, a rénové ici son appareil lexical. en conservant l'institution. Parfois,. les transformations du vocabulaire reflètent l'évolution des structures politiques: le vieux nom du « roi )) qu'ont encorc l'Inde et Rome (rex) témoigne d'une représentation plus religieuse que politique de la royauté; mais celle-ci est plus moderne et démocratique en Grèce, où elle s'exprime par deux termes nouveaux, le lcallax. seul détenteur du pouvoir et le bllsiLeus, qui, s'il exerce des fonctions magico-religieuses, est un homme et non pIns un dieu comme le rai indien. Et l'étymologie, qui n'est jamais tenue pour condition suffisante de la reconstruction d'un sens n'est même pas nécessaire : aucun terme ne peut être rapproché de la « hanne» germanique, institution qui survit jusqu ïl l'époque moderne chez les riverains de la Mer du Nord, mais l'étude des emplois enseigne que, si elle est devenue une association économique de marchands, elle est à l'origine une compagnie de jeunes guerriers, que Tacite décrit dans sa Germanie. Saussure disait déjà que dans la langue il n'y a que des différences, et ce sont elles que M. Benveniste fait surgir ou aplanit, en restaurant tantôt la diversité de ce qui paraît un, tantôt l'unité de ce qui semble divers, pour découvrir la signification d'un mot, perdue et grâce à lui retrouvée : contrairement à l'opinion reçue, l'animal mâle .1.1, non pas un, mais deux noms qui, s'ils riment et pnr un accident de l'histoire se sont confondus en sanskrit, sont distincts. L'un, physique, désigne l'espèce mâle comme opposée à la femelle (ers :. grec arsen), l'autre, fonctionnel, transpose la no-
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tion initialc de pluie comme humeur fécondante, en celle de reproducteur du troupeau (wers : p. ex. grec e (w) érsè « rosée » et latin verres « verrat))). Il y a là refus d'admettre la synonymie et désir de réduire la polysémie. Dans cette quête, des divergenccs sont ramenées à l'unité : l'un des noms du « droit» en grec, diké peut être rapproché du latin dico « dire », dont il semble éloigné, parce que la racme deik-, qui leur est commune, signifie « montrer ce qu'on doit faire )) : la diké est la formule de droit qui se transmet, dans une société où le rôle du juge est de « prononcer avec autorité» (dico) le formulaire. N'ayant plus besoin d'un support formel, la comparaison franchit le cercle de la linguistique, et du monde indo-européen. De la tripartution sociale spécifique de ce dernier en classes hiérarchisées prêtres, guerriers, agricultcurs dégngée par M. Dumézil. M. Bcnveniste donne de nombreux exemples d'application au lexique. Mais il fnit intervenir aussi des usages d'autres sociétés. Le potLatch, type de relations qui repose sur un système dc dons et contre-dons, bien connu notamment chez les populations indiennes du Nord-Ouest de l'Amérique, rcnd compte, entre autrcs, des sens successifs du latin hostis « .hôte» puis (( ennemi », mais en réalité à l'origine (( celui qui est en relntions dc compensation )). Le nom allemand du c( nobIc» Edel, étymologiquement (c nourrisson », s'explique par la pratique du foslerage, qui consiste à faire élever les enfants nobles par des parents nourriciers, et qui, de règle dans les sociétés scandinave et surtout ccltique pour les enfants roynux, existe aussi chez la noblesse de Géorgie. Si l'on a cru jusqu'à maintenant que la grande famille indo,européenne était organisée autour du père, la terminologie garde des traces d'une li-
liation matrilinéaire. A insi s'universalisent pectives ouvertes par ce transcende le vocabulaire tutions iodo-européennes guistique même.
les perslivre, qui des instiet la lin-
Françoise Bader
Autrichien, déporté à Buchenwald de 1938 à 1945, Eugen Kogon fut l'un des premiers à décrire après la guerre, le système des camps de concentration allemands. Publié dès 1946 en ·Allemagne et l'année suivante en France, peu avant les Jours de notre mort de David Rousset, son ouvrage vient d'être réédité. Il faut saluer cette initiative, rare dans l'édition. Eugen Kogon
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L'Elat S.S.
Coll. Politique Le Seuil, éd. 380 p.
Le phénomène concentrationnaire nazi a touché l'Europe cntière : le nombre des victimes (huit millions environ, dont six millions de Juifs) et. leur origine variée ont fait que les classes, les pays, les opinions et les confessions les plus diverses ont été représentés dans les camps. Il y a aussi sa durée : même si le système en tant que leI n'apparaît que tard, il demeure que Dachau ouvre ses portes en 1934. La machine à exterminer tuera jusqu'au bout. Les derniers convois quittent Paris le 15 aoî,t 1944, Lille le 2 septembre; quelques jours avant l'armistice, l'aviation anglaise bombarde au large dc Hambourg et de Lubeck des navires allemands où les déportés ont été parqués et abandonnés. Considérons aussi l'extension dans l'espace : on trouve des camps en Allemagne (Dachau, Buchenwald, Neuengamme, Bergen-Belsen, Ravensbruck), en Autriche (Mauthausen), en Pologne (Auschwitz, Treblinka, Maïdanek), en Tchécoslovaquie (Flossenbourg, Theresienstadt), en France enfin (Le Struthof-Natzweiler, en Alsace). Le système concentrationnaire, loin de naître en 1933, n'apparnÎt qu'à partir du moment où la guerre s'étend à l'ensemble du continent. Certes il 'J a, bien avant 1942, des camps, des déportés, des bourreaux, des massacres. Mais les différences avec ce qui va suivre sont essentielles : on peut, jusqu'au déclenchement de la guerre, sortir des camps (Bruno Bettelheim sera ainsi le premier à révéler aux Américains încrédules ce qu'il avait vécu). Les sévices, reéls, sont encore individuels et ne sont pas le résultat savant d'une organisation quasi-scientifique. Enfin et surtout la finalité
reste. la réclusion, non l'extermination ou l'exploitation à des fins industrielles. Si, d'autre part, des exterminations massives ont lieu alors, c'est sans r e cou r s à l'institution concentrationnaire. par des voies clandestines (cas ùu prflgramme d'euthanasie cn 19391941) ou des moyens « artisanaux» (massacres perpétrés par les Einsa/zgruppen sur le front de l'Est). Pour que l'on se trouve cn p.'ésence du système proprement dit, il faudra autre chose : la mainmise militaire allemande sur toule l'Europe, l'accroissement dans des proportions énormes des déportés et des (( déportables » (1 ui fs. tziganes, résistants, opposants de tous bords sans oublier les prisonniers de droit commun et tous ceux qui durent leur déportation au hasard), le développement des bcsoins de l'économie de guerre allemande. A ces facteurs géographiques, numériques et économiques vient s'ajouter un dernier fait : le régime nazi se transforme : le primat de l'idéologie sur toutes les autres considérations, même stratégiques, est absolu. Une bureaucratie politico-policière spécialisée dans l'administration de la terreur, dans la technique de l'extermination industrielle, prend une place capitale : les S.S. (D'où le titre du livre d'E. Kogon). C'est ce système qu'il a décrit, à partir non seulement de sa propre expérience de Buchenwald, mai.. d'informations recueillies sur d'autres camps. Plusieurs chapitres relatent avec précision de quoi étaient faites la vie et la mort des déportés : l'entassement, la lutte permanente pour l'existence, les conditions inhumaines de travail, la maladie, la faim, le froid, l'insécurité, les tortures. Quant à l'essence du système, elle repose sur deux éléments. Le premier est ce que l'on pourrait nommer l'administration indirecte. Les camps étaient administrés par les détenus, sous la surveillance d'une hiérarchie SS parallèle. Au commandant du camp (Lagerführer) correspond le doyen du camps (Lageraiteste). Viennent ensuite les responsables de bloc (Bloclcalteste), de chambre (Stubendienst) et les messagers (Lauler). Coiffant le tout, des services administratifs spécialisés : le ravitaillement, source de nourriture, donc de vie et de contacts possibles avec
Le système • • concentrationnaire
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«R» 1 cxterieur ; l'hôpital (Re1'ler). poste clé pour s'abriter, faire abriter un ami, mais aussi éliminer un adversaire ou prendre l'identité d'un mort. Au-dessus, une sorte de ministère de l'intérieur : le Secrétariat (Schreibstube). tient rétatcivil de cette ville immense; la section politique (Politische Abteilung) dispose des informations politiques sur les détenus et permct donc de les connaître, de discerner les ennemis de camoufler un allié; une sorte de police intérieure (La~erschütz) maintient cc l'ordre ». Enfin l'administration du travail, oÙ le rôle essentiel est joué par l ,1 rbeitstatistik, qui répartit les emplois, d'où dépendent chaque jour la vie et la mort. Kapos et vorarbeirers surveillent les esclaves. A toutes ces fonctions s'attachent des privilèges considérables : plus de nourriture, moins de coups, l'exonération des travaux les plus meurtriers, en un mot la possibilité directe ou indirecte, d'écarter ou de rapprocher la mort. Tel est l'enjeu de la lutte pour le pouvoir. Pour comprendre par qui et comment seront exercées ou contrôlées ces responsabilités, il faut passer au second élément du système : la différenciation des déportés. Il n'y aurait pas de pire erreur que celle qui consisterait à imaginer une masse homogène de détenus faisant face aux 55, L'hétérogénéité des déportés est fondamentale : différenciés par la langue, la nationalité, la confession, les détenus sont enfin et surtout divisés par le motif de leur déportation. Aux politiques s'opposeront les droits communs, Réelle, cette hétérogénéité est consacrée dès l'arrivée au camp. Chaque détenu doit porter un triangle indiquant son origine : rouge pour les politiques, vert pour les droit-commun, jaune pour les Juifs, rose pour les homosexuels, violet pour les Témoins de Jéhovah, sans oublier l'indication, par une lettre, de la nationalité. L'une ou l'autre de ces qualités peuvent d'ailleurs se conjuguer. La couverture du livre de Kogon reproduit ces insignes, Propriétaire du système et l'exploitant, la bureaucratie 55 règne souverainement sur les déportés. Sadisme, pédanterie administrative et préoccupations économiques voisinent chez elle. Méticuleuse, volontiers didactique et moralisatrice Le travail rend libre »; (c A chacun son dû »; cc Un pou, ta mort »), elle secrète son propre
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langage, on trouve dans les archives des exemples innombrables du vocabulaire aussi neutre et aussi technique que possible alors en vigueur, qu'il s'agisse de la désignation des camps ou de celle des traitements infligés aux déportés, A propos du comportement de ceux-ci, E. Kogon émet des jugements que les études publiées depuis vingt ans ont en gros confirmés. Ainsi celui-ci : l'accoutumance psychique, donc la résistance physique et la survie étaient directement fonction de la force de caractère et de la présence de convictions politiques, religieuses ou morales chez les détenus. Encore n'est-ce pas tout. Cet univers totalement réglementé était aussi celui où régnaient l'arbitraire, voire le bouffon. Arbitraire, la classification des camps, contenue dans une circulaire de Hevdrich du -; décembre 1941 qui ~nonce gravement que les camps de première catégorie (Dachau, Sachsenhausen el... Auschwitz 1) sont réservés aux détenus susceptibles d'amendement. ceux de la seconde catégorie (dont Buchenwald, Neuengamme et Auschwitz II) aux détenus sur lesquels pèsent de lourdes charges, mais encore susceptibles d'amendement. Comme le note Mme Olga W ormser-Migot dans sa remarquable .thèLe système concentrationnaire se nazi - 1933-1945 », Presses Universitaires de France, 1968), il s'agissait là d'une opération de camouflage parmi d'autres : « Volonté de déguiser la réalité concentrationnaire en se donnant à soimême, à ceux auxquels s'adressent les directives, et qui sont pourtant
La Quinzaine littéraire, du 1« au 15 mai 1970
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dans le secret des camps, l'illusion que tout ce qui se passe dans les camps est strictement dosé, voulu et qu'il peut se concevoir des degrés dans la situation concentrationnaire ». Arbitraire parfois l'affectation aux déportés de tel ou tel triangle, comme le note E. Kogon : cc Les insignes donnés aux prisonniers ne fournissaient aucune garantie absolue quant à leur qualité et leur appartenance réelle. ) Le bouffon ? Il suffit de se rappelt'r que Buchenwald eut des équipes sportives aux maillots impeccables, des orchestres, une salle de cinéma, une bibliothèque et une maison close, Les camps avaient aussi des prisons et des cachots. Laissons conclure Jean Cayrol : « Neuf millions de mOl·ts hantent ce paysage. Qui de nous veille dans cet étrange observatoire pou r nous avertir de la venue de nouveaux bourreaux ? Ont·ils vraiment un autre visage que le nôtre '? Quelque part, parmi nous, il y a des kapos chanceux, des chefs récupérés, des dénonciateurs inconnus. II y a tous ceux qui n'y croyaient pas, ou seulement de temps en temps. Et il Y a nous qui regardons sincèrement ces ruines comme si le vieux monstre concentrationnaire était mort sous les décombres, qui feignons de reprendre espoir devant cette imagê qui s'éloigne, comme si on guérissait de la peste concentrationnaire, nous qui feignons de croire que tout cela est d'un seul temps et d'un seul pays,et qui ne pensons pas à regarder autour de nous, et qui n'entendons pas qu'on crie sans fin. »
Roger Errera
«Jeune éditeur qui a choisi pour programme liberté dans diversité cherche pour dernière née de ses collections auteurs personnellement concernés par révolte particulière, individuelle ou collective, d'aujourd'hui ou d'autrefois, sur laquelle il leur serait demandé d'apporter regard neuf et conceptions subjectives. Universitaires et pédants de tout poil s'abstenir.» L'annonce, est-il besoin de le préciser, est de notre cru et nous n'espérons guère la voir figurer demain' dans les pages spécialisées des grands quotidiens. Cela n'aurait rien de choquant. cependant, aux yeux de ceux qui tiennent - et ils sont nombreux que les temps sont proches où tout citoyen normalement constitué se sentira sinon tenu du moins habilité à prendre la plume, soit pour rendre compte de son aventure particulière, soit pour reprendre à son compte telle aventure de l'humanité qui lui parait offrir avec la sienne propre tout un réseau de correspondances éclairant pour l'une et pour l'autre. Gageons, en tout cas, que si notre appel devait être entendu, la chose n'aurait rien pour déplaire à Jean Plumyène et Raymond Lasierra qui président, chez André Balland, aux destinées de la collection « R» (comme Révolte, Rébellion, Révolution) et dont le grand problème à l'heure présente n'est pas de trouver des idées nouvelles, il s'en faut, pas même de gagner à leur entreprise un public qui, à en juger par l'accueil fait aux premiers titres, semble lui avoir été acquis d'entrée de jeu, mais bien de découvrir de nouveaux talents capables de tenir la gageure qu'ils leur proposent. Car du talent, il en faut beaucoup pour réussir à concilier la passion et la rigueur scientifique, l'érudition et la tenue littéraire, le coût du détail, de la couleur, des faits, et celui de l'analyse, de l'eXégèse. de la démythification. C'est ce dont Gilles Lapouge nous fait la brillante démonstration lorsque, traitant de l'histoire des Pirates (voir le numéro 87 de la « Quinzaine»), il nous propose tout ensemble une fascinante galerie de portraits, le récit haletant d'une des révoltes les plus extrêmes et, en tout état de cause, les plus étendues dans le temps qu'ait connues l'humanité, et un essai anthropologique, sociologique et philosophique à travers lequel se fait jour le sens même d'un projet à contre-courant de l'ordre établi, d'une mythologie insolite quoique fondée sur ces thèmes devenus aujourd'hui familiers que sont l'impossible, l'échec et la transgression. De même, Claude Mettra, ressuscitant dans le Grand printemps des gueux ces révoltes à demi-muettes, ces mouvements presque souterrains des masses populaires qui, en 1925, allaient allumer en Allemagne un immense incendie, choisit de le faire par le truchement de Thomas Münzer, familier d'Erasme et de Dürer, dont le témoignage passionné ajoute ainsi une dimension inhabituelle à cette étude remarquablement documentée. C'est dans une optique non moins « personnelle. que Joël Schmidt, étudiant cette révolution fondamentale que constitue pour l'humanité l'apparition du christianisme au sein de "Antiquité dans un livre qu'il intitule le Christ des profondeurs, s'attaque avec un
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PSYCBIATRI..
La contestation savoureux mélange de fougue et de rigueur qu'il doit à sa formation protestante à la problématique même durap· port entre Rome et les chrétiens qui lui paraît mieux que toute autre approche éclairer l'histoire du christianisme. Et la, même démarche pousse Jean Bécarud et Gilles Lapouge à analyser dans les Anarchistes d'Espagne les origines lointaines de la flambée de 1936 pour mieux interpréter toute rhistoire récente de l'Espagne et, au-delà de ce phénomène singulier, les fondements mêmes des relations entre la liberté et ('Etat, l'idée et le réel. Dernier titre paru de la collection, Les esclaves noirs de Hubert Gerbeau, est le récit terrible de ces révoltes absolues parce que dés~spérées qui marquèrent l'histoire de l'esclavage, en même temps que l'exégèse d'un phénomène inquiétant pour l'esprit en ce qu'il menace de subsister longtemps encore, quel que soit le progrès des sociétés, dans l'inconscient de l'homme. Circonstance piquante, qu'on ne saurait manquer de souligner, la collection « R - a été conçue à une époque où, si l'on s'en souvient, la France s'ennuyait ferme, c'est-à-dire un mois avant l'explosion de mai 1968. Bien des livres ont été écrits sur les événements qui réussirent si bien alors à désennuyer la France. Aucun, semble-t-il, n'a réussi à faire surgir cette « lecture au second degré - qui est l'idéal poursuivi et sou· vent atteint par "ensemble des études que nous venons d'évoquer. OUVRAGES A PARAIIRE Les écrivains encagés (titre provi· soire), par Françoise d'Eaubonne qui, à travers quelques cas exemplaires tels que Saint-Jean de la Croix ou Genet, retrace l'histoire des écrivains qui, en tout temps et en tous pays, euren1 maille à partir avec la justice régulière ou séculière. Les Dandys, étude historique, sociologique et philosophique sur le phénomène du dandysme, par E. Carassus. Les .Gnostiques, par Jacques Lacarrière, qui analyse le problème de la gnose depuis les chrétiens aberrants dès . premiers siècles après Jésus· Christ jusqu'à ces résurgences modernes de l'esprit gnostique que sont, çI'après l'auteur, le surréalisme ou le phénomène hippy. 'Toujours chez André Balland, vient d'être créée une collection d'essais polémiques avec, pour premier titre, le pamphlet de Jean-Jacques Brochier paru ce m'dis-ci sous le titre de Cllmus. philosophe pour classes terminales. ParmI les ouvrages à paraître prochainement: A r a g 0 n, prisonnier politique, par Alain Huraut, jeune poète· qui met en question l'art poétique de cet auteur, dégradé ou tout au moins infléchi, s·eJon lui, par ses appartenances poli· tiques; Demain le parricide ou la dé· mission du père dans le conflit de générations actuel, par André Coutu, auteur de deux ouvrages parus chez Fayard: Dix siècles de violence au quartier latin et La lune n'est pas. morte, En préparation, un pamphlet de Jeiln-François Steiner contre la clientèle de « L'Express -. 24
" Ceux qui étaient enfermés ici, priaient pour mourir; nous étions entassés à quatrevingts dans des dortoirs grillagés, gilets de force pour les .épaules et les pieds, attachés à un arbre dans la cour... » Le témoignage d'Andréa, un aveugle interné depuis de longues années à l'hôpital psychiatri· que de Gorizia, sur la frontière italo·yougoslave, tout près de Venise, donne le ton du livre collectif du psychiatre italien Franco Basaglia et de son équipe.
L'Institution en négation. 30us la direction de Franco Basaglia. Tracl. de l'italien par Louis Bonalumi. Coll. « Combats n. Le Seuil, éd., 288 p. C'est en terme cIe lutte militante que nous est retracée, en une quin. zaine de témoignages enregistrés, de comptes rendus de cliscussions, d'extraits de journaux de borll permnnels et d'articles, cette sor· te de guerre de libération qui a été menée Ilepuis dix années pour « renverser n l'institution trallïtionnelle. Et cela sans le moindre pédantisme. D'emblée, un re· fus violent de toute pseullo- neutralité scientifique dans ce domaine, qui, pour les auteurs, est éminemment politique. Les cho~es ont commencé en 1961. La nouvelle direction de l'}>ôpital - sous l'impulsion du Dr Basaglia, a opéré 1< une brusque rupture de la soliclarité fonc· tionnelle II au sein du personnel, le démarqual!e d'une « avantgarde» qui refusera d'assumer plus lon~temps le « mandat Ile cure et de surveillance» confié par la société répre~sive. Progressivement, tous les sen;ces seront ouverts ; Iles assemblées générales ou\'erte~ à tous wnt instituées, on intensifie les communications, l'organisation des loisirs et de la social-thérapie... Au début, « personne ne desserrait les dents n, puis ce fut le dégel, une vie intense gagne tous les services, plus de cinquante réunions par semaine pour l'ensemble de l'hôpital, d.es améliorations spectaculaires sont obtenues, des malades sont renvoyés
chez eux après Ilix, quinze ou vinl!t ans d'hôpital. Basaglia et Minguzzi cléciclent alors cie mener une en<!uête appro. fonllie sur les expériences similaires en France, celles clu courant de Psychothérapie inst itu! ion· nelle, et en Angleterre, cene des Communautés thérapeutiques (Dingleton sous la clirection de Maxwell Jones). Progressivelnent, ils Ilégagent leurs propres conceptions, prennent leur distance à l'é!~anl Ile ces autres tentatives qu'ils jugent trop réformistes et remettent en cause leurs propres Ilémarehes initiales. Jusque là, c'était l'équipe dirigeante « l'avant-garde> li qui « octroyait des pri\jlège~ II aux malades. Les dés étaient pi. pés. Basa/!lia et son équipe Ilécilient, en 1965, Ile clévelopper plus à fond la « culture communautai. re II qui, peu à peu, gagne du terrain et modifie les rapports de force réels entre le personnel et les malades. Les conceptions cie Maxwell .Jones sont critiCfuées: ils consiclèrent que les techniques du « reachin/! a consensus II ne sont, après tout, qu'une nouvelle méthode d'intégration clu malafle à la société répondant à « l'illéal de panorganisation de la société "néocapitaliste" Il (p. 149, Lucio Schiter). La fameuse « troisième révolution psychiatrique », ne serait, selon les auteurs, qu'« une tnrdive adaptation des m{)dalilé.~ de contrôle social dll comportement pat/lOlogi(IUe all:t méthode.~ de prodllction perfectionnées a" cours des quarante dernières (fnnée.~ par ies .~ociologlle.~ et les techniciens de la communication de masse. » (p. 149). Ils refusent Iionc toute politique d'amélioration et de consolidation des hôpitaux, cette politique qui, en France, devait mener les couranIs psychiatriques les plus nova· teurs à collaborer étroitement avec le ministère de la Santé, à élaborer, avec les hauts fonctionnaire", les circulaires de réforme des hô' pitaux psychiatriques, etc. Expérience, à la longue, décevante et amère qui a conlluit au Ilésespoir certains psychiatres français, parmi les meilleurs (1). En Italie, la situation des hôpi. taux et de la législation étant sans Iloute une des plus archaïques Il'Eurolle, de telles illusions ne pouvaient guère être de mise
(coup de tampon infâmant ~ur le casier jUllic'iaire de l'interné, inter!Iiction cles clroits civiques penclant cinq ans, torture il l'étranglette: « un draf' le plu.~ .~()/i,.enl mouillé pour ('mp(;('''er [a re.~piratio·n (I"e ['on tord étroitenu'nt mltour dll cou : [fi perte de cml1l(1i.~.mllce e.~t imnl(~diate» (p. W-t., Basaglia). Basaglia ne se fait pas Il'illu· ,ion sur l'expérience de Gorizia: son avenir est condamné: au mieux, les eh oses y évolueront connne llans les Communautés thérapeutiques de Maxwell Jones à Dingleton, c'est·il-dire dans un « engagement lliclactique et thérapeutique plus pou~sé au niv'eau du staff, mais qui s'enferme clans la sphère particulière des intérêts institutionnels n (p. 10(1). A la différenl'e de ce qui se passe généralement ailleurs, la « révolution psychiatrique Il (le Basaglia et de son équipe n'est pas « pour rire ». D'année en année, on assiste il une véritable e~' calade qui a d'ailleurs entraîné cIe graves clifficultés à ses promoteurs. (C L'open 11001' », l'ergothérapie, la socialthérapie, la sectorisation, tout cela est mis en place mais n'ac'croche pas de fac:on satisfaisante. Est·ce le contexte du « Mai ramnant li italien qui entraîne ce refus permanent Ile toute auto-satisfal'tion ? Ou bien e~t-ce l'indifférence de l'Etat italien et son incapacité à promouvoir des réformes qui décourage toute tentative de rénoralion ? De toutes fac:ons, « l'avant-garclen de Gorizia n'en est pl us là: le « but commun Il c'est maintenant le « renversement institutionnel », la « néga1ion Ile l'institution », l'équivalent italien Ile l'<mti-psychiatrie de Lail'g et Cooper en Angleterre (2). L'honnêteté même Ile ce livre conduit à nous interroger sur le caractère désespéré de celle tentative. N'est-elle pas habitée secrètement par un désir de voir les choses craquer? Le proeès clialectique n'est-il pas en train de se muer en fuite en avant, et, en un sens de se trahir lui-même? Pour 1'« anti-psychiatrie n, l'interven· tion politique constitue le préaJa. hIe cIe toute thérapeutique. Mais le mot d'orllre de 1< Négation de l'institution n qui n'a de sens que s'il est assumé par une avant-garfJe réelle et solidement amarrée dans la réalité sociale, ne risque-t.j] pas de servir de tremplin .à une
Une pièce convenable
psychiatrique
René Ehni Super-Positions au Théâtre 347
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Un plateau de théâtre, un lit, une productrice Nini " marxiste style Express ", dit l'auteur, un metteur en scène Vava ," marxiste style Nouvel Observateur JI, quelques comédiens style Béjart, on répète une pièce qui pourrait, on le suppose, être 0 Calcutta. Et c'est un débat sur le théâtre dit « politique " qui va s'engager car la productrice Nini a fait venir « l'ami de la préfecture Il qui peut permettre ou interdire le spectacle. nou\'elle forme .Ie répression so"iale, celle fois au niveau Ile la Société glohale el visant le statut même de la folie? llasaglia déclare 'lU 'avec les médicaments (ju'il administre « le méllecin calme sa propre anxiéli. face à un malalle a\'ec lequel il ne sait pas entrer en contaet ni t rou\'er un langage commun » (p. 117). Formule ambigui.: et peutêtre Ilémagogique, la ps.y<:hopharmacologie n'est pas, en soi, une science réactionnaire! C'est le contexte Ile son utilisation qui Iloit t-tre mis en question. La nosographie également est peut-être un peu légèrement jetée par-dessus honl. Les voies .le la répression sont quelquefois suhtiles ! Plus efficaces que des policiers, peu\'ent devenir les tenants .l'une normalité il tout prix ! Avec les meilleures intent ions du monde, morales ou politiques, on en vient à refmer au fou le Ilroit d'être fou, le : « c'est la faute à la société)), peut masquer une façon Ile réprimer toute déviance. La négation institutionnelle devieillirait alors une dénégation V erneinung, au sens freudien du fait singulier .Ie l'aliénation mentale. Avant de prendre option sur la nosographie, Freud s'est employé à donner vraiment la parole aux névrosés, à les Ilégager de tout effet de mggestion. Renoncer à la suggestion médicale pour tomher dans la suggestion ('oUective ne constituerait qu'un héné· fice illusoire. Je pense que Basaglia et ses camarades seront amenés à dépas~er certaines de leurs formulations actuelles, un peu trop à l'emportepièce, et IC creuseront» leur pro-
pre écoute Ile l'aliénation mentale sans la rahattre systématiquement sur l'aliénation sociale. Les choses sont relativement simples et se doÎ\'ent d'être violentes quanll il s'agit cIe nier l'institution rép'·essive. EUes sont heaucoup plus difficiles lIuatul il s'agit d'entendre la folie. Quelques formules Il'inspiration sartrienne ou maoïste n'y suffisent pas. La causalité politique ne régit pas aussi directement la causalité .le la folie. C'est peut-être, à l'inverse, un agencement signifiant inconscient, où loge la folie, qui prédétermine le champ structural où se déploient les options poliliques, les pulsions et les inhihitions révolutionnaires, à côté, au delà Iles déterminismes sociaux et économiques. Bien heureusement, l'entreprise cIe Basaglia n'a pas basculé dan.; un dogmatinne théorique. Ce livre est pré<:ieux en ce 'lu 'il pose mille questions que les doctes de la psychiatrie contemporaine évitent soigneusement.
P.F. Guattari 1. Dernièrement ent'ore, la réforme de l'ensei~nement de psyl'!liatrie, mise au point par les servÏ<'es d'Edgar Faure devait semer la ('onfusion dans les rangs de la "ontestation psyl'!liatrique d'après mai 19611. La SO('iété de Psyt'hothérapie Institutionnelle elle-même s'est mal remise du mouvement de mai, t'el' tains psyl'!liatres estimant « qu'il ne s'était rien passé en mai Il, rien en tout (,as qui puisse ('Olll'erner la psydlothérapÎe institutionnelle, des positions violemment ('ontradi('toires s'affrontèrent lors d'un C()n~rès International à Vienne en 19611, Con~rès que Basaglia finit par quiller en ('laquant la porte. 2. Cf. « Politique de l'expérience» Laing, Ed'. Sto(:k et Recherches c( Spé· dal enfanœ aliénée >J, Il, dé.:embre 68.
La Quinzaine littéraire, du 1" au 15 mai 1970
Déjà, là, je ne comprends pas très bien. On a, "c'est vrai, beaucoup de nùs sur le théâtre en ce moment et de spectacles dits révolutionnaires, mais je ne savais pas qu'on avait besoin d'une permission ministérielle quelconque et si on en avait besoin, tous ces gens étant marxistes s'en passeraient. On sait donc, a priori, que l'auteur ne va pas parler de véritable théâtre politique, mais d'un théâtre qui se prétend tel et qui est tout à fait commercialisé. La pièce, dans sa première partie, est construite comme une pièce de boulevard, c'està-dire qu'on présente la productrice, le metteur en scène comme étant des types de notre théâtre courant, on nous présente des comédiens amorphes et on nous parle de « l'ami de la préfecture JI, en préparant son entrée. Il arrive en effet à grand renfort de bruits de sirène, sifflets, coups de freins, etc. Fin de la première partie. C'est surtout dans la seconde partie que le débat s'installe. Les idées échangées sont souvent très confuses. Bien sûr, l'attaque contre les "artistes gauchistes" qui mêlent sur leur théâtre 1ibération sexuelle et libération politique, le tout parfumé d'encens et de yoga, est juste, si du moins ce que montre Ehni est "' gauchiste ". En fait, l'auteur dénonce un théâtre commercial qui s'affuble des plumes du gauchisme. Mais on sait bien que ce ne sont pas là des spectacles politiques, seuls les régimes en place ont intérêt à les considérer comme tels.
Vava est un metteur en scène de gauche tel que la droite se le représente. C'est en cela que la position d'Ehni n'est pas claire: ou bien c'est une dénonciation du théâtre commercial dit politique (ce que je crois), ou bien c'est une dénonciation du théâtre gauchiste non commercialisé mais, qui relève aussi. bien de l'amalgame et du confusionnisme car on y mêle souvent le Che, le dollar, le nu, .on peut aussi ajouter le spiritualisme, la croix, le rite, etc. Face à Vava et Nini, caricatures, images stéréotypées et parisiennes de la gauche, le personnage de « l'ami de la préfecture " est le seul à avoir une certaine poésie, une certaine tendresse. Il n'est jamais ridiculisé, il garde son individualité et parce qu'il est interprété sans excès par Fernand Gravey, ce qu'il dit prend valeur de vérité pour le public et on est tenté de crolre que l'auteur parle à travers lui. Il a donc toutes les cartes en mains et il saura' 'Sans difficulté manipuler Vava. SOil argument (celui de l'auteur,' je suppose) selon lequel' il faut laisser faire la révolution sur une scène pour éviter qu'elle se fasse dans la rue, toute action représentée étant une action désamorcée, relève d'une analyse superficielle du théâtre politique. Quant à Nini, on a, par moment aussi, l'impression que l'auteur parle à travers elle. Son argument est fort quand elle, dif qu'on accepte la pornographie sur tous les murs, dans .toutes les publicités, qu'elle est, admise dès qu'elle représente une certaine puissance d'argent et qu'on la refuse au théâtre au nom d'un moralisme Tartuffe parce que le théâtre dispose de moins de pouvoir d'argent, donc' de moins de p~uvoir tout court. En somme, cette pièce con· vient parfaitement au régime dans lequel n 0 u s sommes. e L'ami de la préfecture ,,' est aussi un ministre aux idées e progressistes ", car enfin tous ces gens-là entre eux c'est bonnet blanc et blanc bonnet, selon un mot célèbre. Je ne sais ,pa~, au juste quel dossier plaide René Ehni. Simone Benmussa '25
TH*ATR.
Miroirs partout
Miroirs partout sur les scènes. Bérénice, vue par Planchon, les Bonnes dans la mise en scène de Garcia, en espagnol, les deux formes de tragédie, celle de jadis et celle d'aujourd'hui, inscrites toutes deux da:;s un labyrinthe de miroirs, se r3trouvent comme chez elles.
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Racine Bérénice (par Planchon) Théâtre du Montparnasse
Jean Genet Les Bonnes (par Victor Garcia) Cité universitaire
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On savait déjà que le théâtre de Genet se fonde sur un jeu de glaces; voilà que, dans Planchon, le jeu des glaces se fourre insolemment dans la dramaturgie racinienne, dont il opère une « mise en pièces .. autrement implacable que celle qUe Planchon fit semblant d'infliger au Cid. « Toute l'invention· consiste à faire quelque chose de rien ", disait Racine. Jamais ce rien n'a éclaté sur la scène avec une telle évidence; c'est le spectacle - et l'analyse - de ce rien, qui fait la matière de ce superbe exercice de trois heures. J'admire la ruse de Planchon. Pour traiter cet .. objet archaïque.. qui est aujourd'hui pour nous la tragédie racinienne, et voulant oublier toutes les 26
exegeses qui en ont été faites, s'acharnant seulement à traquer les personnages dans ce qu'ils d:seilt et ce qu'ils font, Planchon n'a cassé ni violé le cl dis. cours .. racinien, comme aurait pu le faire sauvagement Chéreau. Il l'a subtilement déplacé. De l'élégie magique. louisquatorzienne et classique, de 1670, il a fait un jeu de construction baroque, logé dans .une Cour Louis XIII de roman précieux, un [eu sur l'amour et la gloire et leur mécanique compliquée, comme on I.es aimait vers 1630, avec une héroïne dure, à l'orgueilleux courage, sortie tout droit de Corneille. 11 suffisait d'y penser. Donc, on nous montre quoi? Trois personnages de roman (presque de bandes dessinées) , toujours prêts à prendre des poses, trois êtres jeunes et narcissiques se contemplant, multipliés, dans des miroirs, « se mirant dans leurs monologues ", comme dit Planchon pris au jeu de leurs paroles plus ou moins doubles, plus que livrés à de vraies passions, ne croyant pas nécessairement à ce qu'ils disent, cc corrigeant d'une scène à l'autre le sens qu'ils donnent à leurs actes » et créant de leurs sincérités successives une réalité à demi fantasmatique. un monde incertain, presque imaginaire ou rêvé, que le jeu des miroirs irréalise davantage encore; imaginaire comme cette Cour idéale sortie d'un rêve et
multipliée par les glaces: un monde de figurants tyranniques, joliment habillés de tons pastels par René Allio. architecte de ce palais : officiers, gentilshommes, dames de Cour, cardinal romain, et un Paulin-Col· bert armé de la raison d'Etat; tout ce « monde extérieur .. , tyranniquement présent, et chargé de figurer Rome et sa Loi, arpente le plateau (un plateau carré qui s'enfonce de guingois dans le public) selon les mouvements, rectilignes et à angle droit, d'une géométrie qui compose un espace parfaitement irréel; un monde où le bruit des pas se répercute à l'infini, insolite et menaçant comme dans les songes, ou comme la voix du Dieu janséniste, spectateur et muet. A la fin, quand Bérénice, lionne blessée dans son orgueil, arrache dans sa colère le pan d'une alcôvé qui s'effondre, c'est moins le mur du palais de Titus que les briques du théâtre qui apparaissent : toute cette réalité en fait ces allées et venues et cette rhétorique - n'était que jeux de théâtre et fantasmes d'adolescents: il ne s'est rien passé. Rien. Dès le début. d'ailleurs. Titus sait qu'il renverra Bérénice; il ne l'aime plus ou du moins ne sait plus s'il l'aime, ce qui revient au même; ce qu'il sait c'est qu'il est probablement empereur de Rome, puisqu'il se voit et veut se voir tel dans ses miroirs. et que ce jeu nouveau est plus fascinant qu'une maîtresse déjà ancienne : adolescent fragile et crispé, empereur-enfant maladroit et embarrassé, à la fois apeuré, et sadique sur les bords, il est, aprés tout, fort racinien. Antiochus, aussi gosse mais plus romantique ou plus romanesque, s'enivrant délicieusement de son malheur, de sa vocation de l'échec, est un Oreste modéré oue la folie ne menacerait Pd s, Quant à Bérénice, heureuse rrincesse de magazine tant qu'elle ignore ce qui l'attend, blonde insouciante aux coquetteries gamines. l'amour ni le désespoir. sauf par bouffées, ne l'étouffent; c'est l'orgueil blessé qui la rend furieuse, et femelle terrible, le seul homme, finalement de la pièce. Bref on est à mille lieues de l'élégie tragique et du déchirant adieu;
nous ne nous en plaindrons pas. Sami Frey, malgré sa voix coincée dans le nez, Denis Manuel, Antiochus de roman. et Francine Bergé - on sait depuis les Abysses· quelle comédienne elle est ont été excellemment ce que Planchon voulait qu'ils fussent. Transposant eux aussi dans l'espace, par leurs rigoureusement déplacements géométriques, l'artifice et la convention de l'alexandrin de tragédie, et diversifiant le discours tragique à travers un savant appareil de cris, soupirs, silences, déclamations. joutes oratoires, ils rendent la tragédie à sa machinerie rhétorique. Bref, je me trompe peut-être, mais il me semble que, dans ce très brillant exercice de man· darin, Planchon, en décapant ainsi Bérénice comme il avait décapé Tartufe ou Richard III, prend un malin plaisir à nous dire que Racine (du moins dans Bérénice) n'est pas Shakespeare, ni Molière, et que cette quintessence de la culture française n'a finalement rien à nous dire aujourd'hui sur l'homr.:e. son destin et son histoire (d part. peut-être, le néant - janséniste - du monde, mais ça intéresse qui?) et que mettre en scène ce rien est un plaisir de choix pour un homme de théâtre très intelligent et un peu désabusé. Il est bien certain, en tout cas, qu'une tragédie modeste ·com. me les Bonnes nous parle un langage singulièrement .plus riche que ces jeux raciniens, à quelque niveau, ou selon quel· que grille, qu'on les déchiffre. Quand on a vu la mise en scène que Victor Garcia a présentée des Bonnes à Barcelone et à Ma.. drid - et pour quelques jours à la Cité Universitaire - (ainsi que le fragment de film, haliucinant, réalisé sur sa mise en scène du Balcon à Sao Pauloj, on comprend que Genet, dans l'enthousiasme, ait donné à Garcia les droits sur son œuvre. On a l'impression de voir les Bonnes pour ·Ia première fois telle qu'on imaginait l'œuvre : cc une version admirable dit Genet - qui rajeunit mon texte et lui donne de nouvelles dimensions »; non, sa vraie dimension plutôt. Dans un labyrinthe de miroirs - non plus la Galerie des glaces logée par Allio
CINEMA
dans un cabinet Louis XIII, mais uri mur de plaques de métal mobiles et verticales, cernant un haut-lieu de sacrifice et de meurtre, Garcia, avec son sens espagnol, cérémonial, érotique et funèbre, rend la scène, com· me le veut Artaud, à sa desti· nation de 1ieu rituel. dont l'au· tel. au centre - c'est-à-dire le lit - ressemble à ce trou d'ombre sur lequel les devins antiques évoquaient les morts. Et la messe noire commence. jusqu'à la consommation du rite, jùsqu'aux noces sacrilèges des deux sœurs, la criminelle et la sainte. Une messe dont la liturgie est conduite au rythme d'une tran· se continue, qui nous projette d'emblée dans l'onirique, selon les lois d'une déclamation savante, rompue, accélérée, à la scansion démente, usant d'un fantastique apparei 1 de ruptures de ton, de dédoublements, de changements de registre des voix, toute une construction verbale et gesticulatoire chargée de porter ce terrible jeu c1'images et de signes à travers quoi deux pauvres filles, deux souillons en blouse noire, parias vouées à l'amour et la haine sans issue, jouent jusqu'au bout de leur condition d'humiliées: tantôt grimpées sur des cothurnes pour jouer la cérémonie dont Madame est l 'hostie, tantôt tapies dans leur ordure gratta:=It la terre comme des enfants de Bunuel ou des bêtes apeurées. Quand Madame apparaît, tombant des cintres comme un Jupiter d'Opéra, toute caparaçonnée d'or et de toc et se pavanant, divinité idiote, dans un bruit de clochettes, commence alors la lente ascension vers le rite du crime, qui devient en fait une lente descente dans la mort. Jamais cette violence sacrilège à travers laquelle deux pa· rias ne parviennent pas à exorciser leur condition de parias, cependant que la conscience des maîtres. retournée comme doigt de gant. est jetée à j'encan et rendue à sa pourriture, jamais cete messe, selon Genet, n'avait atteint cette altitude tragique, ni ce pouvoir de dénonciation. Il fallait que Garcia vînt. GiUes Sandier
·· A .' ntonlonl
Le dernier film d'Antonioni. Zabriskie Point, suscite des prises de position passion· nées et contradictoires. Nous donnons ci-dessous d eux points de vue opposés. Le lecteur - qui sera vraisemblablement aussi spectateur - jugera. Le dernier film d·Antonioni. Zabriskie Point, surprendra peut·être les spectateurs dans la mesure où il ré· vèle un certain « engagement» de son auteur, lequel paraissait jusqu'alors se tenir à l'écart des courants du cinéma critique. En réalité, il ne fai1 que développer d'une manière plus simple, plus directe et plus claire, une problématique déjà contenue dans ses films antérieurs, en particulier depuis l'Eclipse. Dar.s un campus de l'Université de Californie, les étudiants noirs se réu· nissent pour décider l'occupation de l'université et convient leurs confrères blancs à les suivre. Différentes thèses s'affrontent: radicalisation des militants, hésitation, enthousiasme des Blancs. L'un d'entre eux, peu convaincu de l'efficacité des méthodes proposées et las des discussions stériles, quitte la réunion. Cependant, il participe à la manifestation et tue - de sang-froid - un policier. Obligé de fuir, il s'empare d'un avion privé et vole vers le désert proche. Or, là justement, roule en voiture une jeune étudiante, Daria, secrétaire d'un homme d'affaires chargé de créer un énorme complexe immobilier dans cette zone. Les deux jeunes gens se rencontrent - d'une manière un peu sophistiquée, il faut le dire - mais si le garçon par son acte, se trouve déjà à un certain point de non-retour, la jeune fille, en revanche, préfère croire en la possibilité d'une évasion individualiste - la drogue, les méditations d'un douteux «maître à penser» - et se moque des révolutionnaires qui préfèrent lutter dans la réalité plutôt que « d'élargir le champ dé leur imagination". Après une halte au point central du désert, Zabriskie Point, gigantesque paysage lunaire de sable et de roc, lesieunes gens se séparent. Naïvement, le garçon croit pouvoir rendre impunément l'avion volé et la jeune fillp- part rejoindre son patron, en conférence avec un groupe financier. éventuel bailleur de fonds. Mais, évidemment, la police se prépare à accueillir le jeune voleur qui est tué avant même de sortir de l'avion, et Daria, comprend en apprenant la nouvelle, qu'elle ne peut plus se réfugier dans l'évasion et qu'il ne lui reste qu'une solution, abandonner son travail et rejoindre - éventuellement - les grounes révolutionnaires fbien que ceci ne soit pas clairement dit dans le film). Dans Blow Up, Antonioni, dressait le constat d'un échec: celui d'une société en apparence heureuse et facile, en réalité fausse et sinistre; mais il terminait sur une note pessimiste : le héros prenait conscience de cette facticité mais s'y résignait.
Lli Quin7.aine littéraire, du 1" au 15 mai 1970
Dans Zabriskie,Point, il va plus loin. Il n'est plus passible de ne pas prendre parti, de s'évader dans une sérénné artificielle; il Y a un lien entre la mort du jeune homme et le groupe financier pour lequel travaille Daria. Mais, comme toujours chez Antonioni, ce lien n'est pas indiqué, C'est à Daria, et éventuellement au spectateur, de le faire. Le seul moyen d'empêcher de telles morts est de détruire une société au service d'lIne classe dominante. Déjà, le caractère factice du paradis rêvé par Daria était suggé-
celui omniprésen des forces de répression, policiers bardés d'antennes, plus semblables à des habitants d'un monde étrange qu'à des hommes. Contrairement à ses précédents films, où il utilisait u" style feutré et allusif pour décrire un monde indécis et inquétant, Antonioni utilise ici de gros plar.s brefs, des zooms, un montage brutal et rapide (sauf dans' la séquence du désert. bien entendu) ahn d'exprimer la violence d'un univers où toutes les forces sont agressives. Deux séquences sont particu-
Une image frappante de l'Amérique et de ses différents mondes, sans liens entre eux. Un montage brutal et rapide.
ré dans la scène d'amour: la jeune fille imagine le désert peuplé de couples, trios, groupes faisant l'amour, mais leurs gestes étaient caricaturaux et la poussière qui recouvrait leurs corps les apparentait à des cadavres; cet. âge d'or n'en était pas un, car se retirer dans le désert ri'est pas possible tant qu'il y aura des gens pour le transformer - ' par l'argent - en une jungle cruelle et mortelle. Les amateurs d'Antonioni apprécieront comment en quelques plans il a donné une image frappante de l'Amérique: son gigantisme (énormes panneaux publicitaires, camions-citernes lléants, autoroutes vertigineuses), ses fantastiques moyens techniques, ses millions de dollars. Plus encore, la juxtaposit:on des différents mondes sans liens entre eux: celui des affaires, uniquement préoccupé d'investissements et de rapports, celui· des contestataires, celui des • laissés pour compte", petits blancs silencieux, isolés, perdus dans des snacks poussiéreux, 'enfin, par-dessus tout,
lièrement réussies: l'arrivée du petit avion bariolé de tendres couleurs psy· chédéliques, petit papillon hésitant et fragile pris en chasse et cerné implacablement par les voitures de police et le morceau de bravoure du film, destruction imaginaire du motel où se tient la réunion d'affaires et, par enchaînement. de toute la société américaine: les aliments,' les vêtements, les produits de toutes sortes, y compris les livres, s'éparpillent dans un chatoiement de couleurs explosives sur un fond de ciel bleu, terminant ce beau film dans une apothéose que l'emploi du ralenti rend encore plus inquiétante. C'est une œuvre qui frappe surtout par sa, clarté, sa simplicité, l'efficacité des moyens employés. Peut-être pourrait-on reprocher à son auteur de ne faire que constater une crise déjà bien connue, mais il est un des premiers à l'avoir exposée avec une maîtrise qui est le propre des classiques. Annie Goldman."
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FEUILLETON
~Antonioni
A tort ou à raison, chaque film de Michelangelo Antonioni est considéré comme un événement. Si vous aVez' le malheur d'être considéré comme un cinéphile, on ne commence plus par vous dire bonjour quand on vous rencontre, on vous demande: «Qu'est-ce que vous pensez du dernier Antonioni, Zabriskie Point?» On a envie de répondre: «Pa.s fameux» et d'aller boire un verre sur les bords de ·Ia Seine en regardant les jeunes filles qui rient comme ça, pour rien, à la table d'à côté. Enfin puisqu'jl faut parler de Zabriskie Point, parlons-en. C'est un film qui touche à beaucoup de problèmes à la fois, qui est fait de beaucoup de sujets très à la mode: la révolte étudiante, la drogue chez les jeunes, l'impérialisme américain, plus agressif et auto-satisfait que j~ mais, le problème du couple et la revolution sexuelle, la société unidimensionnelle, etc. Au premier abord, tout ceci semble un peu décousu: je veux dire dans
Tout
~a
ses cigarettes Lucky Strike, ses frigidaires bourrés d'épinards en boîte. . Bref, elle rêve de faire sauter la société. Point final. Par ici la sortie m'essieurs dames. Ce film donne l'impression terrifiante d'être admirablement composé sur le plan technique. Antonioni sait choisir ses objectifs, diriger un travelling, mais exactement comme un photographe de mode sait trouver l'angle de prise de vue. Cela donne donc un film glacé, élégant, avec des beaux paysages, des têtes de flics plu~ vrais que nature et des couples qUi roulent nus dans la poussière. Tout ceci ne serait pas gênant si on ne sentait une volonté de faire penser sur l'échec de la société, sur le malêtre de l'individu moderne, sur le malheur de ces deux personnages d'aujourd'hui à la recherche d'un nouvel Eden. Les personnages ont l'air surpris de n'avoir pas trouvé le bonheur en roulant l'un sur l'autre, loin des villes et de la civilisation corruptrice.
est de la vieille histoire. Je conseillerai à
Antonioni la lecture complète des œuvres de Brecht.
le film, ou plutôt mis bout à bout comme des éléments d'une démonstration pas très convaincante parce que d'un' mécanisme trop simplet. L'histoire est facile à résumer. Un jeune étudiant contestataire blanc s'aparçoit que les flics de son pays n'hésitent pas à cogner, et rneme à tuer pour faire régner l'ordre (un comble pour la 'glorieuse Amérique, pays de la liberté et du coca-cola), il vole donc un avion pour fuir cette terre d'agents d'affaires et de policiers armés de fusils à lunette et de bonne conscience (celle de ce que M. Nixon appelle la majorité silencieuse). Il s'envolera sous les yeux ébahis des mécaniciens de l'aérodrome. Il rencontrera dans le désert une jeune fille en vditure fuyant son amant agent d'affaires, sorte de Jean-Jacques Servan-Schreiber ne rêvant que management, technocratie et Club Méditerranée pour toutes les bourses. Le jeune contestataire et la femme en rupture d'amant iront faire l'amour à Zabriskie Point, un désert minéral qui blanchit les corps mais hélas ne purifie pas les âmes de ses tourments. Les plans du coït, filmés selon une esthétique très magazine • Play Boy", montrent, comme toujours chez le réalisateur, la parfaite solitude des partenaires. L'affaire se terminera tragiquement mais logiquement. A p r è s avoir traîné sur les routes au volant d'une vieille voiture grise, ce couple en fuite finira par revenir au point de départ. Le garçon posera l'avion sur l'aérodrome pour se faire abattre par les flics comme un vulgaire gibier. La jeune femme retournera auprès de son <lmant, lui dira bonjour et trouvera sa tête vraiment insupportable de contF!ntement. Elle reprendra alors sa voi· ture et rêvera que la maison saute, que le cauchemar climatisé vole dans le,s airs, avec ses bouteilles de Coca,
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Ces enfants du Coca-Cola et de Rousseau (mais plus encore de D.H. Thoreau puisqu'ils sont américains) traînent leur ennui et se replient sur euxmêmes. On finit par trouver qu'ils se prennent trop au sérieux, qu'ils s'écoutent trop vivre. Notamment la jeune fi!le dans la dernière bobine, qui joue les Jeanne Moreau désabusées, en errant l'air dégoûté le long des vitres d'une sorte de villa accrochée à un rocher. A aucun moment les personnages n'ont l'idée de passer de la révolte individuelle à une prise de conscience collective. L'idée que le monde peut se changer ne les effleure pas. Ils se replient sur eux-mêmes. Ils cultivent leur désespoir avec un soin assez morbide. On aurait envie de leur dire: ne vous regardez plus le nombril et passez à l'action politique. Mais non. Ils restent coincés, peureux finalement, tragiques et naïfs à la fois, individualistes forcenés qui finissent par en crever sous l'œil impassible des flics américains (qui ont vraiment l'air très imoassibles, même en tirant au pistolet!l. Antonioni a voulu montrer l'Amérique telle qu'il. la voyait: sorte de désert rouge. de désert où ne poussent que la violence, le dollar et les agents d'affaires. Ses deux personnages ressemblent à de modernes Paul et Virginie s'apercevant que le monde n'est pas fait pour les enfants rêveurs. Ils cherchent la fuite par tous les moyens. La drogue étant la plus prisée actuellement. Mais tout ça est de la vieille histoire, Il y a longtemps que les hommes cherchent l'ailleurs et finissent par retomber sur la fornication, la lecture des journaux, le bridge, le suicide mJ la lecture. Pour cette dernière. je conseillerai à Antonioni la lecture complète des œuvres de Bertolt Brecht. Jacques-Pierre Amette
par Georges Perec La conception des enfants est, sur W, l'occasion d'une grande fête que l'on appelle l'Atlantiade. Les femmes W sont tenues dans des gynécées et soumises à une garde extrêmement vigilante, non par crainte qu'elles ne s'échappent - leur docilité est exemplaire, et elles ont du monde extérieur une vision plutôt effrayée - mais pour les protéger des hommes: de nombreux athlètes en effet, généralement parmi ceux que les lois impitoyables du sport W ont écarté des Atlantiades, tentent presque quotidiennement, en dépit des sanctions extrêmement sévèrE;ls qui punissent ce genre d'agissements, de s'introduire par effraction dans le Département des Femmes et d'atteindre les dcrtoirs. L'optique particulière qui régit la Société W trouve d'ailleurs ici aussi une application originale: la rigueur du châtiment infligé à l'athlète est en effet directement proportionnelle à la distance qui le sépare des femmes au moment de son arrestation: s'il est surpris aux abords de la ceinture électrifiée qui entoure le gynécée, il risque d'être passé par les armes séance tenante; s'il réussit à franchir la zone des patrouilles, il peut s'en tirer avec quelques semaines de cachot; s'il parvient à passer le mur d'enceinte, il ne se verra infliger qu'une simple bastonnade et s'il a la chance d'arriver aux dortoirs - la chose ne s'est jamais vue mais elle n'est pas théoriquement impossible il sera félicité publiquement sur ·Ie stade centrai et recevra le titre de Casanova d'honneur. ce qui lui oermettra de participer officiellement à la prochaine Atlantiade. Le nombre des femmes est assez restreint. Il excède rarement le demimillier. La coutume veut en effet que l'on laisse vivre la totalité des enfants mâles (sauf s'ils présentent à la naissance quelque malformation lés rendant inaptes à la compétition, étant entendu qu'aux pentathlon et décathlon une infirmité physique mineure est souvent considérée davantaoe comme un atout que comme un handicap], mais que l'on ne garde qU'une fille sur cinq.
Jusque vers 13 ou 14 ans, 18s filles partagent la vie des garçons dans les Maisons de Jeunes. Puis les garçons sont envoyés dans les villages, où ils deviennent novicGs et plus tard athlètes, et les filles gagnent le gynécée. Elles s'y livrent à longueur de journée à des activités d'utilité publique: tissage des maillots, des survêtements et des étendards, fabrication des souliers, confection des costumes de cérémonie, tüches alimentaires et ménaqères diverses, à moins, évidemment, qu'elles ne soient sur le point d'accoucher ou qu'elles ne s'occupent, pendant quelques mois, des poupons en bas âge. Elles n8 sortent jamais du gynécée, sauf pour les Atlantiades. Les Atlantiades ont lieu à peu près tous les mois. On amène alors sur le stade central les femmes qui sont présumées fécondables, on les dépouille de leurs vêtements et on les lâche sur la piste où elles se mettent à courir du plus vite qu'elles peuvent. On leur laisse prendre un d8mi-tour d'avance, puis on larce à leur poursuite les meilleurs athlètes W, c'est-à-dire les deux meilleurs de chaque discipline dans chaque village. soit en tout, puisqu'il y a vingt-deux disciplines et qua-tre villages, cent soixante-seize hommes. Un tour de niste suffit généralement aux coureurs pour rattraper les femmes et c'est 111 plus souvent en face des tribunes d'honneur, soit sur la cendrée soit sur la pelouse, qu'elles sont violées. Ce protocole particulier qui fait que les Atlantiades ne ressemblent à aucune autre compétition W a, on le devine, plusieurs conséquences remarquables. En'premier lieu, ~lIe p!ive complètement les non-classes (meme s'ils ont triomnhé dans les Spartakiades) et les troisièmes des championnats de classement (par exemple, Perkins aux 400 m W, Shanzer au poids Nord W, Amstel aux 100 m NordOuest W, etc.) de toute chance d'obtenir une femme tant au 'ils resteront troisièmes ou, • a fortiori ", non clas· sés (et cela même si ce troisième est, par ailleurs, premier ou deuxième dans un championnat local, une épreuve de sélection ou une compétition olympique). En second lieu, le nombre des femmes étant toujours inférieur
· Livres pU"blleS du 5 au 20 avril #
à cent soixante-seize (il dépasse en fait rarement la cinquantaine), la plupJrt des athlètes autorisés à courir l'Atlantiade, souvent les deux tiers, parfois plus, n'obtiendront absolument rien. Il est enfin évident que, vu la mlture même de la compétition et le demi-tour d'avance concédé aux femmes, ce sont les Coureurs de demifond ou, à la limite, les sprinters de 400 01 qui sont les plus favorisés. sprinters de 100 01 et de s'asphyxient souvent avant d'arriver au but, les coureurs de. fond ou de marathon ont du mal à s'impo" s·er. sur une distance qui excèd_e rarem::lnt un tour de stade, c'est-à-dire 550 mètres. Quant aux non-coureurs, si les sauteurs ont parfois une mai(F"l chance, les lanceurs et les luttp.urs son t pratiquement éliminés d'avance. Les
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Pour compenser ces différences et rétablir un tant soit peu l'équilibre, l'administration des Atlantiades a progressivement assoupli les règles de la course et a admis des procédés qui seraient évidemment inacceptables dans le cadre d'une compétition normale. C'est ainsi· que l'on a d'abord toléré le croche-pied, puis, d'une manière plus générale, toutes les manœuvres ayant pour but de faire· perdre l'équilibre à un concurrent: poussée des épaules, .coup de coude, coup de genou, poussée de la main ou des deux mains,' percussion transcutanée du poplité interne entraînant une flexion réflexe de la jambe, etc. Pendant un "certain temps, on a tenté d'interdire des types d'agression jugés trop violents, comme la strangulation, la morsure, J'uppercut, le coup du lapin (manchette au niveau de la troisièMe vertèbre cervicale), le coup de tête au plexus solaire (ou coup de bO:.Jle), . l'énucléation, les coups de tr-.utes sortes portés au sexe, etc. Mais ces attaques devenant de plus en plus fréquentes, il s'est avéré de plus en plus difficile de les réprimer et l'on a fini Par les admettre dans les règles. Néanmoins, pour éviter que les concurrents ne dissimulent sous leurs maillots des armes (non pas des armes à feu dont l'usage est évidemment interdit aux athlètes, mais, par exemple, ces lanières de cuir plombé qu'utilisent les pugilistes, les fers de lance des javelistes, les poids. des lanceurs, ou divers instruments contondants, ciseaux, fourchettes, couteaux qu'ils auraient pu se procurerl, ce qui aurait exagérément fait dégénérer la compétition, et l'aurait transformée en un carnage aux consé:juences imprévisibles ~ ce sont; après tout, les meilleu;'s éléments des vil~ages, en fin de· compte les meilleurs sportifli de "île, qui. sont admis à se pré·· senter aux Atlantiades - on a imposé que les adversaires soient, comme les femmes qu'ils poursuivent, entièrement nus. La seule tolérance admise - elle se justifie dans la mesure où il s'agit teut de même d'une course à pied, même lli son clépart en est passabJement mouvementé concerne les chaussures, dont les pointes· sont aiguisées ·et rendues particulièrement acérées et lacérantes. (à suivre) La Quinzaine littéraire, du 1" au 15 mai 1970
A. Michel, 276 p., 18 F. Jack Vance Un monde d'azur Une étude précise Coll. • Ailleurs et sur l'un des demain " plus énigmatiques. Trad. de l'américain des personnages du Hervé Bazin par J. Rémillet. XVIII' siècle. les bienheureux Laffont, 232 p., 16 F. de la Désolation Un récit où la • Karl Geiringer Seuil. 256 p., 20 F. science-fiction rejoint Jean·Sébastien Bach A:Jpuyée sur un fait le conte philosophique. Trad. de l'anglais divers qui passionna ROMANS par Rose Celli. récemment les M. Villa-Gilbert ETRANGERS Seuil, 384 p., 30 F. socirnogues d'OutreMon amour Une étude à la fois Manche, l'odyssée tout habillé de blanc biographique et critique, Homero Aridjis étonnante des habitants l'anglais Trad. de par un professeur de Perséphone de l'île de Tristan da par C.-M. Huet. l'Université de Trad. de l'espagnol Cù.nha dévastée par Michel, 192 p., 16,50 F A. Californie. par Irma Sayol. l'irruption d'un volcan. La confession d'un Gallimard, 224 p., 18 F. adolescent hanté par • Zoé Oldenbourg Par un jeune poète Jean Chatenet ses obsessions. Saint Bernard mexicain, un vaste Petits blancs, vous A. Michel, 420 p., 28 F. poème en prose à • serez tous mangés l'avant-garde de la jeune Ror W~lf . Une étude neuve et Seuil, 272 p., 21 F. Le tembl~ festin Poésie latino.américaine. objective sur celui Trad. de 1allemand Un • reportage fiction" qui fut le plus grand par Lily Jumel. sur l'Afrique. au~ prises .italo Calvino ingénieur des âmes de Gallimard, 232 p., 19 F. avec la cooperation. Temps zéro la France médiévale. Un roman exubérant Trad. de l'italien comme un tableau de Jacques Folch·Ribas par J. Thibaudeau. Bernd Ruland Breughel et dont le Le démolisseur Seuil. 160 p., 16 F. Dossiers intimes thème principal est Laffont, 224 p., 16 F. Dix récits dans la du poùvoir l'appétit sous toutes ses veine des Cosmicomics Par un écrivain Trad. de l'allemand formes. (voir le n° 55 de la d'origine es!)agnole et par N. Nideriniller. • Quinzaine"). de langue française Presses de la Cité, qui vit actuellement à 318 p., 16,90 F; Jacques Harnelin"ck Montréal. De clara Petacci à Horror vacui Soekarno, en passant Trad. du néerlandais Jean Hougron Raymond Chasle par Eva Braun .. Evita . par Maddy Buysse. ta gueule Le corailleur des limbes Peron et Trujillo, une Coll. • Nouvelles nhine de dents préèéc;lé de versos Çlaleri('l de portraits nouvelles ". Plon, 528 p., 27,50 F. interdits dignes de la A. Michel, 192 p., 19,50 F Pierre·Jean Oswald, Un roman qui fait suite Renaissance italienne. Un recueil de nouvelles 95 p., 9,60 F. à « Histoire de Georges insolites, entre le Guersant « et qui a pour Jacques Weygand cauchemar et le rêve. Charles Lè Quintrec . cadre l'Indochine. Weygand, mon pèn La marche des arbres Flammarion, 512 p.; 30 F, Claude Longhy Willi Heinrich A. Michel, 144 p., 19,50 F. 32 p. hors texte. Le cri et le silence ~éométrie amoureuse Une biographie appuyée Trad. de l'allemand Laffont, 296 p .., 55 F. par Louise Marsiac. sur des documents 'REEDITIONS inédits 'et sur la Le récit, inspiré A. Michel, 336 p., 15,90 F. CLASSIQUES correspondance' intime rie notre passé récent, La peinture crue mais de Weygand. d'une nuit d'angoisse véridique d'un couple Romain Rolland vécue par une femme au bord de la rupture. qui attend qu'on lui . Beethoven, Les grandes étapes annonce l'exécution de .José Cardaso Pires CRITIQUB l'homme qu'elle aime. . le Dauphin . créatrices RISTOIRJil: A. Michel, 1500 p., 69,50 F Trad. du portugais LITTBR,J\IRB Pierre Nord A l'occasion du par R. Quemserat . . ProvoCations à Prague bicentenaire de la Gallimard, 224 p., 18 F. Flammarion, 224 p., 12 F. naissance du musicien. .Mikhaïl M. Bakhtine A la fois une histoire La poétique d.e chasse, une Dans les coulisses de Dostoïevski des machinations russes' chronique stendhalienne . Emile Zola Les Rougon·Macquart Trad. du russe et une fresque sur le ou les dessous . Tome III: Une page par 1. Kolitaheff. Portugal' et ses mythes. politiques du d'amour, Nana et . Présentation « Printemps de Prague ". Pot·Bouille de Julia Kristeva. Mercedes Sali sachs Présentation et notes Coll. « Pierres vives ", La frontière Roger Peyrefitte de Pierre C·ogny. Seuil, 336 p:, 30 F. de l'amour Des Français . Coll. • L'Intégrale ", Un ouvrage fondam'ental, Flammarion, 296 p., 25 F. , Trad. de l 'espà g.l'IO1 Seuil, 522 p., 20 F. par Denise Nast. qui constitue un des' , La chronique Laffont, 344 p., 20 F, apports majeurs du " scandaleuse de la Coll. «Pavillons-. formà1isme russe àla société française Les problèmes majeurs théorie de' la littérature. B IOGRAPBIES contemp.oraine. de la vie d'uri couple. MEMOIRES
ROMANS FRANÇAIS
Michel Sage" Le rendez·vous de ~arcelone ou une journée à Nuremberg Laffont, 304 p., 20 F. Une nuit, à Barcelone, . un' homme à la r"echerche du temps perdu et· des amours mortes.
Georges Touroude Les pavés de la haine A. Michel, 320 p., 15,90 F Un roman d'amour qui a pour toile de fond les événements de la Commune.
Zaharia Stancu La tribu . Trad. du roumain rar Léon Negru~zi. '.- A. Michel, 376 p., 28 F. L'epopée d'une tribu de' Tziganes d'origine roumaine pendant la .~. deuxième guerre mondiale.
CORRES· PONDANCES P. Céria et F. Ethuin ('énigmatique comte de Saint-Germain Un'e reproduction hors texte. Coll. « Les chemins de l'impossible ",
Mikhaïl M. Bakhtine Problèmes de hi poétique de Dostoïevsky Trad. du russe par Guy Verret. Ed. de l'Age d'Homme, 325 p., 28 F. Le même ouvrage. est publié au Seuil, dans une' autre traduction,
2lI
Livres publiés du 5 au 20 avril 1970
Abel Clarté Eros et Rastignac ou la Maison Rodelco Dix caricatures de Pinatel. Ed. de la Source, 160 p., 20 F. Un pamphlet contre les mœurs littéraires et, notamment, les prix. •
Paul Lidsky Les écrivains contre la Commune Maspero, 184 p., 14,80 F. La réaction bourgeoise en 1871. à travers ses écrivains les plus représentatifs, ou les mécanismes essentiels d'une 1ittérature de droite.
•
Pierre Pascal Dostoïevsky, sa vie, son œuvre Ed. de l'Age d'Homme, 400 p., 33 F. Par un spécialiste de la civilisation russe, une étude anticonformiste et très éclairante.
EN SEIGNEMENT PEDAGOGIE
SOCIOLOGIE PSYCHOLOGIE R. Blum Marc Nedelec La médecine de groupe Seuil. 176 p., 18 F. Un professeur de médecine en retraite s'interroge sur l'avenir de la profession . Pierre Solignac Pour un médecin de famille Flammarion, 226 p., 18 F. Par un médecin général iste et un neuropsychiatre, une étude qui met l'accent sur le rôle humain et psychologique du médecin. Robert Soupault Lettre ouverte à un malade en colère A. Michel, 160 p., 9,60 F. Par un ancien chirurgien, aujourd'hui à la retraite, une étude sur les problèmes actuels de la médecine et le rôle social du médecin.
•
enseignant qui s'appuie sur l'expérience de toute une vie.
Alexandre S. Neill Libres enfants ESSAIS de Summerhill Trad. de l'anglais • Roger Caillois par M. Laguilhomie. Cases d'un échiquier Préface de Gallimard, 344 p., 25,20 F Maud Mannoni. (Voir ce numéro, p. 3). Maspero, 328 p., 20.80 F L'aventure d'une école Gabriel Delaunay autogérée, créée par L'herbe et le vent l'auteur en 1921 dans A. Michel, 272 p., 18 F. la région de Londres. Un nouveau recueil de «Feuillets du Eugène Rethault temps volé '. Trois postulats de la psycho-pédagogie Marcel Haedrich moderne Et Moïse créa Dieu E.S.F. éd., 110 p., 20 F. Laffont. 224 p., 18 F. Un ouvrage destiné Par le commentatéur aux éducateurs, aux d'Europe n° 1, une pédagogues et surtout nouvelle lecture de la aux parents. Bible à travers laquelle Henri Wadier se dégage "histoire du La réforme de peuple juif. l'enseignement n'aura pas lieu R. Hooykaas Laffont, 272 p., 18 F. Continuité et Un ouvrage objectif discontinuité sur la situation de en géologie l'enseignement en et biologie France, par un Trad. de l'anglais
par René Pavans. .Elie Wiesel Coll. « Science ouverte " Entre deux soleils Seuil, 368 p., 35 F. Seuil, 256 p., 20 F. Un ouvrage méthodoloUn ensemble de textes, gique, où l'auteur légendes, dialogues, discute l'usage qui a été témoignages qui font le fait jusqu'ici du principe tour de la question d'uniformité. juive . Roger Ikor Lettre ouverte aux Juifs A. Michel, 160 p., 9,60 F. Une méditation sur l'ensemble des problèmes qui se posent aujourd'hui aux Juifs d'Israël et de la diaspora. Peter Kolosimo Des ombres sur les étoiles Trad. de l'italien par S. de Vergennes Coll. «Les chemins de· l'impossible '. 38 documents hors texte, A. Michel, 384 p., 25 F. Ecrite en 1969, une histoire de l'exploration de "espace connu et inconnu qui prend aujourd'hui un ton rrémonitoire.
HISTOIRE Roland Auguet Cruauté et civilisation: les jeux romains Flammarion, 272 p., 24 F Une vaste synthèse historique, psychologique et sociologique. Cecil Maurice Bowra L'expérience grecque Trad. de l'anglais par G. et F. Chevassus. 64 p. d'illustrations. Fayard, 256 p., 45 F. Le message laissé à l'humanité par la civilisation grecque, des épopées homériques jusqu'à la chute d'Athènes. Yves Cazaux
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'0 Guillaume le Taciturne . 2 cartes in texte. A. Michel. 384 p., 28 F. La biographie très complète d'un homme q;Ji étonna son siècle et dont la forme d'esprit demeure très e actuelle. Jacques Duclos Mémoires· Tome III: dans la bataille clandestine Fayard, 304 p., 20 F (Voir le numéro 59 de la Ouinzaine .• ) ft
et pression démographique Flammarion, 224 p., 18 F. Une étude économique sur l'évolution agraire des communautés qui ne sont pas encore industrialisées. Eldridge Cleaver Panthère noire Trad. de l'américain par Thomas Gumprecht. Coll. Combats ", Seuil. 224 p., 16 F. Par l'auteur d' Un noir à l'ombre.: aujourd'hui exilé à Alger. ft
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z; 1 Françoise Mallet-Jorris
la maison de papier (Grasset)
1
2 Jean Giono
l'iris de Suze (Gallimard)
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3 Henri Troyat
l'éléphant blanc (Flammarion)
2
4 Graham Greene
Voyages avec ma tante (Laffont)
5
5 Konrad Lorenz
Tous les chiens, tous les chats (Flammarion)
6 Gabrielle Russier
lettres de prison (Le Seuil)
7 J.-J. Servan-Schreiber
Ciel et terre (Denoël)
8 Desmond Morris 9 Simone de Beauvoir
le zoo humain (Grasset)
10 Robert Sabatier
7
2 1 2 3 1
2 1
La vieillesse (Gallimard)
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QUINZAINE .LI,TTÉRAIRE
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L'UNIVERS DES FORMES collection dirigée par André Malraux et André Parrot
vient de paraître dans la série " Le Monde Romain"
LA FIN DE LART ANTIQUE par Ranuccio Bianchi Bandinelli
Ce livre considère l'Art de Rome, de Constantinople et de toutes les provinces de l'Empire qui apportèrent une contribution artistique originale, de la fin du Ile siècle à la fin du IVe siècle.
Ce volume fait suite au précédent ouvrage Rome, Le Centre du Pouvoir, qui traitait des' origines de Rome jusqu'à la mort de l'Empereur Commode en 192 après J.-C.
dans la même série par le même auteur Rome, Le Centre du Pouvoir (paru) l'Italie avant Rome (à paraître)
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