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UlnZalne littĂŠraire du 16 au 30 nov. 1970
La linguistique en 70 p'ar Georges Mounin
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SOMMAIRE
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LE LIVRE DE LA QUINZAINE
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ENTRETIEN
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LITTERATURE ETRANGERE
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ENTRETIEN
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ROMANS FRANÇAIS
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Journal de la guerre au cochon
par Hector Bianciotti
Bioy Casares pa rie de son œuvre
Propos recueillis par· H. B.
Pori rails el propos Migl/.el Angel Asturias
par Jacques Fressard
Amado. écrivain l:'ngagé
Propos recueillis par Gilles
Rey nolds Priee
Un homme magnanime
par Jacques-Pierre Ameue
Alain Gauzelin Lau<lryc Paul Hordequin
L'île mouvante Ln fpmme épUl'pillée Motus vivendi
par Claude Bonnefoy
Rezvani
Coma Les américanoiaques Les voies de l'A mérique
par Paul Otchakovsky-Laurens
Michel Piédoue
La menace
Daniel Apruz
La Bêlamour
par Lionel Mirisch par Cella Minart
Philippe Augier Clarisse Nicoïdsky Nicole Quentin-Maurer
Les objets trouvés La mort de Gilles
Adolfo Bioy Casares
Luis Harss et Barbara Dohmaim Claude Couffon
EXPOSITIONS
URBANISME
Lewis Mumford
Portrait de Raphaël
par Claude Bonnefoy par Cella Minart par Anne Fabre-Luce Propos recueillis par Jean-Luc Verley
Dans les galeries
par Jean-Jacques Lévêque Nicolas Bischower
Alexandre Mitscherlich
Le déclin des l'ilh's ou III recherchepar Françoise Choay d'un nOI//lel urbanÙme PSYl'hanalyse et uruanisme
HISTOIRE
Maurice Aguthon
Lll république au âllage
par Marc Ferro
ESSAIS LINGUISTIQUE
Jean-Jacques Salomon
Sl'ience
Dar Francois Châtelet
ETHNOLOGIE CINEMA
Bronislaw Malinowski
Le., dvnamiqnes de l' P/1011/ tion culturelle
par Denis Hollier
Miklos Jancso
Sirol'co d'hiver
Dar ROl!er Dadoun
Jarry su r la Butte La Moscheta
par Lucien AUoun
Conseiller: Joseph Breitbach. Comité de rédaction : Georges Balandier, Bernard Cazes, François Châtelet, Françoise Choay, Dominique Fernandez, Marc Ferro, Gilles Lapouge, Gilbert Walusinski. Iitteraire
Geor~es Mounin
par
THEATRE
La Quinzaine
politique
La lingu istiqul:'
François Erval, Maurice Nadeau.
Secrétariat de la rédaction et documentation Anne Sarraute. Courrier littéraire Adelaïde Blasquez. Maquette de couverture: Jacques Daniel. Rédaction, administration 43, rue du Temple, Paris (4°) Téléphone: 887-48-58.
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par Pierre Péju
Viseux, graveur
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Publicité littéraire : 22, rue de Grenelle, Paris (7°). Téléphone: 222-94·03. Publicité générale : au journal. Prix du n° au Canada: 75 cents. Abonnements : Un an : 58 F, vingt-trois numéros. Six mois : 34 F, douze numéros. Etudiants : réduction de 20 %. Etranger: Un an : 70 F. Six mois: 40 F. Pour tout changement d'adresse envoyer 3 timbres à 0,40 F. Règlement par mandat, chèque bancaire, chèque postal : C.C.P. Paris 15551-53. Directeur de la publication : François Emanuel. Impression S.LS.S. Printed in France.
Lapou~c
Crédits photographiques
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Laffont Laffont Seghers Stock Laffont Laffont Denoël Buchet-Chastel Gallimard Le Point cardinal D.R. D.R. D.R. Document Sonnabend D.R. D.R. Béatrice Heyligers
I.E I.IVR' DE
I.A QUINZAINE
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Adolfo Bioy Casares Journal de la guerre au cochon Robert Laffont éd., 264 p.
Estimant que les individus qui ont dépassé la cinquantaine ont fait leur temps, les jeunes gens de Buenos Aires, pendant une semaine, s'appliquent avec allégresse à les exterminer. Les raisons pour lesquelles se déchaîne cette « guerre au cochon» ainsi qualifie-t-on toute personne d'un certain âge -n'apparaissent pas clairement. Tout ce que l'on sait, c'est qu'il ne s'agit pas d'une révolte contre le gouvernement en place puisque le chef de ceux qui secouent si fermement le cocotier diffuse ses ordres à la ra· dio, et que les crimes demeurent impunis. On apprend aussi de la bouche de l'un des jeunes qui consent à parler de l'affaire avec Vidal - le protagoniste du roman - que « derrière tout cela, il y a des gens qui réfléchissent. Quantité de médecins, de sociologues, de statisticiens, et, tout à fait entre nous, il y a même des gens d'Eglise ». Donc, serait déçu le lecteur qui, après les premières pages, s'attendrait à trouver dans ce livre un commentaire ou une transposition de cette révolte des jeunes qui, depuis quelque temps, mobilise les sociologues et, souvent, les déroute. La révolte aux contours mal définis mais aux conséquences sanglantes et nettes dont il est question dans ce livre, est d'une ambiguïté fertile : elle laisse sa chance à de multiples interprétations. La « guerre au cochon » rappelle plutôt les horreurs que propose la science-fiction avec ses invasions d'êtres supra-terrestres ou, plus simplement, celles que le racisme ne cesse de nous offrir et qui, pour l'invention dans la cruau· té, dépassent les cauchemars dl' la littérature. Cependant, dès les premières pages, le livre semble vouloir projeter, dans l'espace qu'il compte remplir de son anecdote, l'arc d'une allégorie et l'on peut se permettre alors, de supposer que les faits et les personnages qui vont surgir, se fondront dans le symbole qui, à son tour, les exaltera. Cette guerre déclenchée par les jeunes est vue à travers un groupe d'hommes qui ont tous franchi le cap des cinquante ans, mais qui n'en continuent pas moins de s'appeler entre eux « les garçons ». Le soir, ils se réunissent dans un café pour y jouer aux cartes et se raconter leurs petites aventures senti-
La guerre au cochon mentales, ce qui les aide à se sentir encore vivants. Mais les meurtres qui sont perpétrés en ville, troublent leur vie faite d'humbles habitudes. Ils assistent à l'assassinat, dans la rue, du marchand de journaux du quartier ; ils apprennent qu'un jeune homme est remis en liberté après avoir tué un Il cochon» automobiliste qui ne démarrait pas assez vite à un feu rouge. Le fils de Vidal, quand ses amis tiennent une réunion chez lui, oblige affectueusement mais fermement son père à se cacher au grenier. Des bûchers sont allumés dans certaines rues et l'on y jette de vieilles gens; un des « garçons », invité par son fils à un match de football, est précipité du haut des gradins, puis piétiné jusqu'à ce que mort s'ensuive. Pendant la veillée funèbre, les « garçons », qui lisent dans le journal les nouvelles concernant « la guerre au cochon », apprennent que le fils de la victime n'a pas été étranger à l'assassinat. Entre temps, les habituelles par· ties de cartes étant interrompues, les « garçons», s'inquiétant du sort l'un de l'autre, se rendent mutuellement visite à la maison et découvrent, par hasard, des aspects cachés de la vie privée de leurs amis. Ainsi se révèle la nature dérisoire des exploits amoureux dont ils se vantaient dans les conversations de café. Ils ressentent peu à peu une répugnance mutuelle qui reste inavouée, mais qui, lorsqu'ils se retrouvent, les pousse à vouloir faire admettre que, somme toute, les jeunes ont bien raison' de traiter de « cochon» une personne de leur âge. Ainsi, indirectement, se font-ils des procès. Les actes criminels dont il leur arrive d'être les témoins ou dont les informent la radio et la presse. les renvoient à eux-mêmes; chacun des personnages se pénètre de son indignité sous les yeux d'un autre qui en fait autant. Le sentiment d'être un poids mort dans la société, le submerge. Le rayonnement de la jeunesse est tel que, de continuer à vivre comme par le passé, peu à peu les remplit de honte. Ils se sentent voués à la vindicte universelle. Dès' lors qu'ils s'y résignent, ils ne sont pas étrangers à leur propre destruction. Rongés par les regards, les jugements des autres, ils se rongent jusqu'à entrevoir, d'une façon obscure mais tenaillante, que ce qui est à vivre est, dans la vie, précisément ce qui se détourne d'elle et s'écoule, goutte à goutte, et se perd comme
La Qulnialne Uttéralre, du 15 au 30 novembre 1970
l'eau dans l'eau, dans le mouvement anonyme de l'histoire. Ils ne se reconnaissent plus aucun droit. Ils s'observent et inspectent autour d'eux, de façon soupçonneuse, êtres et choses, et tout - les rencontres les plus fortuites, les plus banales, la lumière au bout de la rue ou sur les objets d'une chambre leur apparaît comme un signe hostile. Si ce livre autorise des lectures diverses, sous plusieurs angles, à plusieurs niveaux, il me semble toutefois que ne serait pas juste celle qui ne s'attarderait pas sur ces quelques lignes et ne saurait pas y déceler le battement qu'elles transmettent à l'ensemble du roman : « Il pensa que ces présages - peutêtre de simples coïncidences '-- vous rappellent que la vie, si limitée et concrète pour celui qui y cherche des symboles de l'au-delà, peut toujours vous faire vivre des cauchemars désagréablement surnaturels ( ...) Il crut comprendre pour la première fois pourquoi on disait que la vie est un songe : si on vit assez longtemps, les faits d'une vie, comme ceux d'un songe, deviennent intransmissibles parce qu'ils n'intéressent plus personne. Qui est, en fait, le protagoniste du roman, Vidal, qui se croit indigne de l'amour que lui porte une jeune fille ? C'est un homme qui, dans la pénombre de sa chambre, pendant qu'il sirote un interminable maté, rumine la pensée la plus triste que l'on puisse avoir, et qui est chez lui d'autant plus poignante qu'elle lui paraît couler de source : à ses yeux, une vie, aussi brève qu'elle soit, suffit pour deux ou trois hommes. L'amour qui, dans sa jeunesse, lui avait semblé une grâce et, avec les années, comme une hygiène désespérée pour conjurer le vieillissement, soudain est devenu l'interdit absolu. Il finira par accepter le refuge que lui offre la passion de la jeune fille. (Il crut soudain comprendre par intuition que l'explication de l'univers était dans l'acte d'amour), mais quand il lui fera cette promesse d'amour éternel qu'elle attend de lui, il saura qu'il a commencé à mentir, non qu'il mette en cause la sincérité de leur engagement réciproque, mais parce qu'il sait, désormais, que le pire peut se produire à chaque instant, et aussi parce qu'il se dit: J'ai pris d'habitude, depuis quelque temps, de me demander si ce qui m'arrive ne m'arrive pas pour la dernière fois.
Ainsi, de même que l'incertitude s'est infiltrée dans l'esprit des personnages, ruinant leurs modestes ambitions, dans l'espace allégorique du roman s'est introduit insidieusement un élément qui va miner le symbole que l'on avait cru voir se dessiner au début. On pense à ces vastes symphonies au projet littéraire bien arrêté, et où, au chœur du somptueux édifice sonore, s'installe en parasite un petit ensemble à cordes qui finit par imposer, au discours inébranlable du grand orchestre, son intime et tenace mélodie. Dans ce livre qui partait pour être une allégorie, les thèmes éternels de la fuite du temps, de la vieillesse, des vicissitudes de l'amour, se sont glissés et y ont pris de l'ampleur jusqu'à constituer l'essentiel de la trame. Dans le naufrage final, la seule vérité qui surnage c'est, pour les personnages, de n'être qu'un corps que chaque minute dégrade. Mais voici qu'au bout d'une semaine, la l( guerre au cochon» s'achève. Les vieillards se risquent à nouveau à profiter du soleil, assis dans les squares. Nos « garçons» reprennent leurs parties de belote. Et ils ne sont devenus les symboles de rien, sinon, à la limite, de cette grisaille à laquelle ils participent depuis toujours. Il me semble que dans tous les livres célèbres où un personnage quelconque se trouve pris et broyé par les rouages d'une société - bornons nos souvenirs à Melville et à Kafka - il en sort grandi et comme auréolé par un mystérieux prestige. On peut imaginer que sa disgrâce est la conséquence d'une fatalité suprême qui inspire toutes les lois de ~
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El!(TRETIEN
Dioy Casares
Bioy Casares
l'univers, et qu'il est - Joseph K. ou Billy Budd - quelqu'un d'exemplaire, une syllabe indispensable dans la phrase que raconte le monde et qui nous raconte aussi. Le lecteur éprouve alors un soulagement qui n'est peut-être pas très innocent: quelqu'un est mort pour lui, et il pense que cela est bien ainsi, que ce sacrifice était nécessaire. Dans son roman, Bioy Casares n'entend pas cerner la vie de Vidal et de ses amis pour en donner l'image la plus nette ; il se garde de lui faire franchir ce seuil au-delà duquel toute vie devient quelque chose d'unique, en un mot, une desti'née. Ses personnages, il les laisse se fondre dans l'anonymat, ils les réduit à leur seule réalité : n'être jamais que ce corps vieillissant qui dérive vers la mort. Il leur dénie le privilège exaltant du symbole. Ainsi, le dessein allégorique s'estil effacé. Mais il fallait bien que le livre nous laissât entrevoir une telle direction, pour que prenne toute sa dureté cette façon qu'a l'auteur d'abandonner ses personnages au ressassement d'un morne passé. Pourtant, la voix de Bioy Casares garde les caractères qui la définissent depuis toujours : la tendresse pudique et l'humour. Dans ce livre dont les épisodes nombreux et savamment liés créent une atmosphère de cauchemar, et où l'on glisse de l'amour à un érotisme grimaçant à la Bunuel, la tendresse va parfois jusqu'à la pitié. En même temps, son humour, atroce comme avec négligence, se révèle comme une éthique : il corrode les préjugés, les conventions univ.ersellement répandus, auxquels est soumis le petit monde de Vidal. Nul doute que le lecteur qui a aimé l'Invention de Morel et le Son· ge des héros, ne découvre que Bioy Casares s'engage ici dans une voie différente des précédentes - la fantastique et celle que je me résigne à appeler réaliste - mais il constatera aussi qu'il emprunte à toutes les deux. 'Que l'éditeur nous promette, après ce roman dont la traduction, excellente, est de Françoise-Marie Rosset, la publication complète de l'œuvre de Bioy Casares, a de quoi nous réjouir. Il était temps que l'un des écrivains les plus singuliers et les plus représentatifs de la littérature contemporaine de langue espagnole occupe la place qui lui revient. Hector Bianciotti
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Je crois que vous avez commencé très tôt à écrire. Qu'est-ce qui vous y poussait?
B. C. - La première fois? Parce que j'ai commencé à écrire plusieurs fois et je n'ai pas moins de trois premiers livres dans mes tiroirs. A quoi obéissais-je? A l'amour, au snobisme, au vertige du plagiat. M es cousines, qui étaient de peu mes aînées, lisaient le Petit Bob de Gyp, née comtesse Martel. Aussitôt, j'ai voulu écrire le Petit Bob de Gyp. l'ai échoué. Quel livre aimeriez-vous écrire ?
B. C. - Dans les moment de fatigue, en vO)"age, dans un hôtel de province, la nuit, il m'arrive de s~nger à un livre « hospitalier », une sorte de Bible pour gens fatigués ou impatients, qui puisse être lue dans n 'importe quelle circonstance. Peut-être les livres de pensées de Jean Rostand ou de Samuel Butler donnent-ils une idée de ce que je voudrais faire. Au mieux, je voudrais éviter la forme de la sentence, de l'aphorisme. Le docteur Johnson disait que les hommes de l'avenir se détourneraient des grands livres, qu'ils admettraient seulement les fragments. En littérature, l'intimité du ton et l'intensité sont des vertus contradictoires, difficiles à concilier, et importantes. Moi, j'aimerais donner, à l'occasion, à ce que j'écris, un ton intime, ou, tout au moins, un style qui coulerait naturellement, sans les secousses dues aux effets calculés. Ma tendance à l'ironie complique les choses. Le lecteur peut y voir une forme de refus. le crois que George Moore a dit que si l'intensité n'est peut-être pas une des plus hautes vertus littéraires, elle est cependant une des plus rares. Quand je pense à Eça de Queiroz (un écrivain que j'admire beaucoup) je réussis dans le ton intime et je m'éloigne de l'intensité. le crois que Proust mêle admirablement ces deux vertus. Un écrivain, peut-il ignorer les lecteurs?
B. C. - Non; je préfère la prudence des auteurs de romans policiers, qui ne les oublient jamais, ou qui s'efforcent de ne pas les oublier. La vérité c'est que moi, si je ne me surveille pas, j'entre si volontiers dans les raisons de mon contradicteur, qu'a m'est arrivé de dissuader des éditeurs qui m'étaient favo-
rables au début, de publier un de mes livres. Un jour, un ami m'avait annoncé, sur un ton extasié, qu'a allait écrire un article sur Plan d'évasion. Alors j'ai fait tant et si bien, qu'à la fin l'article a été d'une remarquable froideur. Vous avez dit que tous les eCrIvains, de nos jours, sont des politiques...
B. C. - Oui, de la même façon que, à une certaine époque, tout le monde était théologien. V ous vous souvenez, n'est-ce pas, des trois volumes de cette Histoire de la philosophie du Moyen Age... Il faudrait peut-être penser au lecteur de demain et lui laisser quelques textes purgés de politique, pour le sauver de l'universel désert de monotonie où, avec passion, nous nous appliquons à distinguer les nuances d'éclat de chaque grain de sable. Vous avez déclaré que vous n'avez pas l'intention de devenir une conscience publique. Etes-vous contre les écrivains de ce genre?
B. C. - Non, absolument pas. le n'ai pas du tout dit ça. l'admire profondément des écrivains qui ont été des consciences publiques Zola, Shaw, Wells, Chesterton, Julien Benda. Mais je crois qu'aujourd'hui, derrière chaque vieille barbe a y a un écrivain et, dans chaque écrivain, une conscience publique. C'est vraiment trop. Il n'est pas mauvais qu'un écrivain se transforme en guide, mais qu'il en soit de même pour tous, en même temps, me semble stérilisant. Une foule de consciences publiques n'est jamais qu'une foule, avec tous ses défauts. Au lieu d'être de fortes personnalités, comme dirait Macedonio Fernandez, une espèce de sage que nous avons eu à Buenos Aires, les écrivains deviennent les commis-voyageurs affairés des religions et des partis politiques de l'heure. Peutêtre un de ces jours vais-je décrocher moi aussi un de ces doctorats qui impressionnent, et qui me permettront de faire autorité : demain, dans un an, ou quand je serai centenaire. Mes défauts, je les connais. Comme je suis par nature impatient et toujours pressé, je travaille avec lenteur, circonspection, et dans le plus grand calme. le me souviens de ce que dit Kafka (l'un de mes saints patrons) : « L'impatience est la mère de tous le~ vices ».
Quand j'ai écrit l'Invention de Morel, le dernier de mes galops d'essai, je me suis dit que si je voulais frapper juste, je devais éviter tout ce qui était personnel. Le héros est vénézuélien, or, je suis argentin, et je n'ai jamais mis les pieds au Venezuela; les autres personnages sont canadiens, et je ne suis jamais allé au Canada; l'action se déroule dans une île du Pacifique, et je ne suis allé là-bas pas plus que Giraudoux et sa Suzanne. A coup sûr a n'existe pas une recette infaillible pour ne pas se tromper. Après avoir écrit ce livre et quelques autres, j'ai changé d'avis et je me suis installé dans une croyance plus modeste : il faut écrire seulement sur ce que l'on connaît très bien. Vous n'aimez pas parler en public, n'est-ce pas?
B. C. - Ce n'est pas que cela ne me plaise pas mais, voyez-vous, je ne peux pas. Pour moi, parler en public, c'est comme une prouesse de jongleur. Vous rendez-vous compte de ce que cela représente: en même temps, penser, transformer une vague musique en mots précis, que l'on doit se rappeler et qui se perdent dans la tête (comme je l'ai entendu dire par un individu qui téléphonait dans un bar) tandis que le sourire condescendant de l'auditoire se nuance d'impatience... Je crois au fond, que seul un som· nambule peut parler à son aise; mais, à peine réveillé, il se remettra à balbutier. En lisant le Journal de la guerre au cochon, certains ne manqueront pas de penser à la révolte des jeunes de nos jours...
B. C. - Peut-être les gens en parlaient-ils déjà de cette révolte et, bien que je sois assez distrait, en avais-je su quelque chose quand, vers 1967, j'ai imaginé le thème de ce roman comme une chasse : des jeunes gens agiles traquaient de pauvres vieillards alourdis et vulnérables. Au commencement, dans mon esprit, c'était comme un ballet, comme une série de situations qui pourraient être d'un film comique américain des années vingt. Avec l'amour, somme toute vraisemblable, d'une jeune fille pour un homme mûr; avec la loyauté, incertaine, des fils pour leur père, est apparu ensuite l'essentiel de l'histoire que j'allais traiter. l'ai
parle de son œuvre cru d'abord que j'allais écrire un conte humoristique. Après, j'ai compris que je devais employer un ton sérieux. Enfin, ce qui correspond chez moi à un ton sérieux. J'ai compris alors qu'au lieu d'un conte ce serait un roman. Plusieurs fois, dans ma vie, dans mon travail, j'ai eu la certitude que toutes les histoires que nous pouvons inventer, existent déjà, dans quelque ciel, sous leur forme platonique; c'est à l'auteur de les découvrir, un peu comme un navigateur découvre une nouvelle terre, un continent. Il faut déterminer ce qui convient à l'argument choisi : conte ou roman, première ou troisième personne, et, pour le style, l'humour ou la gravité, la simplicité ou la manière pédante. La moindre erreur est grave, mais si l'on se trompe dans le ton, l'erreur est irréparable, tout est perdu. J'ai inventé l'histoire de ce livre à Mar del Plata, au début de 1967 ; au milieu de l'année, un voyage en Europe a interrompu mon travail. En voiture, entre Milan et Rome, j'ai raconté l'histoire à Ginevra Bompiani. En mai 68, Ginevra m'a écrit , à Buenos Aires pour ., me . .dire qu en somme, ce que ] avaLS Lmaginé, était en train de se produire. Et le titre? La ( guerre au cochon » ?
B. C. -
C'était le titre du conte. Comme il devait faire partie d'un recueil cela n'avait pas d'importance. Quand j'ai décidé d'écrire un roman, je me suis dit que j'aurais le temps de trouver quelque chose de mieux. l'ai présenté ce livre à mon éditeur en Argentine avec un autre titre; j'en étais au quatrième ou cinquième. Chacun d'eux m'avait, un certain moment, semblé acceptable, et puis j'en découvrais la faiblesse du synonyme, de l'euphémisme. Le jour où,
finalement, j'ai annoncé à l'éditeur, que je retenais le titre de Journal de la guerre au cochon, j'ai vu le visage de cet homme blêmir, se renfrogner, passer par toutes les couleurs. Alors j'ai compris que cet homme était un véritable ami et je me suis excusé pour la peine que je lui infligeais. A présent il me semble que le livre n'aurait pas pu s'appeler autrement et je suis sûr qu'il me donne raison. Et le caractère un peu flou, fantasmagorique de cette révolte ?
B. C. - Les moments les plus intenses, les plus terribles de la vie. nous laissent des souvenirs qui n'ont que la lumière des rêves. le crois que je n'avais pas d'autre choix : ou la farce, ou la lumière des rêves. En évitant la farce, j'avais peut-être l'occasion de donner à mon récit un peu de tristesse et d'exaltation épique. N'importe quelle méditation sur le destin de l'homme provoque une certaine tristesse et entraîne aussi quelque exaltation épique qui nous galvanise, au moins jusqu'à ce que d'autres pensées nous distraient. Aviez-vous une arrière-pensée d'allégorie en écrivant ce roman?
B. C. - Non. Si ce livre prend la tournure d'une allégorie, ce sera la réalité qui la lui aura conférée. Que pensez-vous des interviews?
B. C. - Au commencement, nous parlons de nous-mêmes, il y a des gens qui écoutent toutes les considérations nuancées que nous faisons sur notre propre compte; nous sommes satisfaits; nous nous sentons importants; nous avons été, pendant un moment, le centre du monde; mais après trois ou quatre interviews, nous nous apercevons
que nous ne sommes pas aussi illimités que nous l'avions cru. De toute évidence, nous n'avons qu'une vie. De sorte que nous répétons les mêmes anecdotes, les mêmes observations, les mêmes phrases; nous nous résignons à la répétition. Parfois j'ai envie de prévenir le lecteur par un roulement de tambour, que recommence l'histoire du Petit Bob de Gyp, comme lorsque j'étais enfant, ou l'allusion aux Trente lolis Visages qui, au Théâtre Porteno de Buenos Aires, m'ont révélé, à dix ans, la $plendeur des femmes nues. Les répétitions reviennent, inlassables, comme les petits chevaux de bois du manège, et l'on s'ennuie, et l'on se dégoûte de soi-même, de la vie. Le remède ce serait peut-être de se perdre dans le travail, dans la composition d'un thème impersonnel.
La collaboration avec Borges Comment avez-vous commencé à travailler avec Borges?
B. C. - Ce n'est pas d'abord un projet grandiose qui nous a associés. Nous avions tous deux reçu la commande d'un texte publicitaire de vingt pages pour un produit pharmaceutique contre le vieillissement. Nous avons accumulé les témoignages de gens satisfaits. Naturellement, nous les avons inventés, et ils étaient tous centenaires. A l'époque - c'était en 1935 - j'écrivais très mal. Ce fut merveilleux de travailler avec quelqu'un comme Borges qui était déjà un maître. Puis nous avons écrit ensemble plusieurs livres; des contes, comme les Six problèmes pour Isidro Parodi; des textes de critique, comme les Chroniques de Bustos Domecq, des scénarios. A propos de cette collaboration avec Borges je pen,se à une phrase de Stevenson... Je crois -qu'il disait : « Il ne faut pas lire les mauvais écrivains parce que l'on croit que l'on peut écrire aussi mal; il faut lire les bons écrivains, parce que l'on croit que l'on peut écrire aussi bien ».
De Flaubert à Proust Quels sont les auteurs qui vous donnent envie d'écrire, en d'autres mots, ceux que vous préférez ?
B. C. - Johnson, V oltaire, De Quincey, Wells, Benjamin Constant, Stendhal, Flaubert, Proust, Henry James... Flaubert... Il y a longtemps, j'ai même dit du mal de lui : je n'avais lu que Salamhô. Et de Proust aussi, quelle horreur! le ne l'avais pas encore lu, mais WeUs en disait du mal et j'aimaÜ! tant Wells... le voulais qu'il eût raLson... Propos recueillis par Hector Bianciotti
1.II'I'a.& l'URE
Un bilan sud-américain al'R&NC.RE
me. Pis encore, la traduction du livre de Harss ayant été faite à pàrtir de l'édition anglaise, c'est souvent le titre anglais, sans aucun rapport avec l'original, qui se trouve adapté entre parenthèses, ou même reproduit tel quel sans aucun discerne· ment. De la sorte, le Siècle des lumières, chef·d'œuvre du même Carpentier, devient Explosion dans une cathédrale (sic), tandis que Rayuela de Julio Cortazar est rebaptisé Hopscotch (si votre libraire ne sait pas que cela signifie Marelle en an· glais tant pis pour vous). Qu'on ne nous dise pas qu'il s'agit là de vétil· les. La première qualité d'un guide c'est de nous guider correctement.
Luis Harss et Barbara Dohmann Portraits et propos Trad. de l'anglais par René Hilleret Coll. « La Croix du Sud » Gallimard éd., 437 p.
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Claude Couffon Miguel Angel Asturias Coll. « Poètes d'Aujourd'hui» Seghers éd., 188 p.
1
Voici un livre qui vient à son heure, qui aurait pu être excellent et dont on regrette de n'avoir pas à dire que du bien. Quelle heureuse idée, en effet, que d'avoir saisi le moment où le roman latinoaméricain, sous nos yeux, sort enfin de l'âge du chromo, de sa période ingénue et didactique, et s'affirme comme un des secteurs les plus vigoureux de la narration contemporaine, pour dresser un premier bilan!
Ce bilan, Luis Harss et Barbara Dohmann l'ont voulu aussi vivant et attrayant que possible, sans rien d'académique ou qui sente le moins du monde le fichier universitaire. Ils sont allés voir et interroger dans leur pays une dizaine d'écrivains, d'Alejo Carpentier à Vargas Llosa, en passant par Asturias, Guimarâes Rosa, Onetti, Cortàzar, Rulfo, Fuentes et Garcia Màrquez; autrement dit tout ce qui compte vraiment ou presque - à l'heure actuelle, dans ce domaine, en Amérique de langue espagnole ou portugaise. De leur périple ils ont rapporté des portraits et des interviews, qu'ils sertissent adroitement à l'intérieur d'une description critique de chacune des œuvres en question. V0lontairement, ils n'ont retenu, de toutes les périodes antérieures, que quelques noms et quelques grands traits qu'ils présentent en une qua· rantaine de pages d'introduction, en guise de toile de fond historique. La documentation pure, les « sources » et les « courants », les écrivains mineurs qu'on étudie comme autant de maillons d'une chaîne continue, ce n'est de toute évidence pas leur affaire et l'on aurait tort de le leur reprocher. Harss et Dohmann nous proposent une approche directe d'œuvres tout à fait contemporaines, tradui·
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Bien mal servis
M.A. Asturias vu par Luis Seoane, en 1951. tes dans notre langue pour la plu. part dans les dix ou quinze dernières années, qui n'ont pas toujours obtenu chez nous l'écho que l'on pouvait attendre, et qui sont pour la première fois l'objet d'un travail critique d'ensemble. C'est dire l'in· térêt de cet' ouvrage pour le public français, qui pourra y découvrir en un temps où notre production nationale apparaît bien falote - un nouveau continent littéraire, à peine émergé, dont l'exploration lui réser· ve toutes les joies de la surprise et des heures de lecture savoureuse.
Une incitation à lire Il s'agit donc d'une incitation à lire, qu'il faut juger comme telle. Mais c'est là précisément que les choses commencent à se gâter, en premier lieu par la faute du traducteur. Les titres des nombreux romans cités dans le texte apparaissent sous leur forme ibérique originelle, suivie de la traduction entre parenthèses, ce qui semble de fort bonne méthode. Encore faudrait·il que cette traduction corresponde à celle adoptée lors de la publication en France de l'ouvrage qu'on désigne ainsi à l'attention. Une fois sur deux ce n'est pas le cas. Ainsi le lecteur français curieux, alléché peut-être par Luis Hars,;, cherchera en vain chez son libraire les Pas perdus ou encore le Harcèlement d'Alejo Carpentier, alors qu'il lui faudrait demander le Partage des eaux et Chasse à l'homo
Dans certains cas l'affaire tourne d'ailleurs au burlesque involontaire : le titre du beau roman de Vargas Llosa la Ville et les chiens est rendu - si l'on ose dire - par le Temps des héros (sic), et le traduc· teur poursuit impavidement : « Le titre est une révélation. Nous sommes dans un monde où les chiens se mangent entre eux » ! Là encore que celui qui ne sait pas l'espagnol se débrouille, ou se renseigne ail· leurs! Ces graves négligences sont d'autant plus étonnantes que bon nombre de ces romans ont été publiés chez le même éditeur que l'étude qui leur est consacrée. Il eût suffi qu'une personne compétente consentît à jeter un coup d'œil sur le catalogue de la maison pour opérer les ajustements nécessaires. Qu'on ajoute à cela un français pâteux, voire même incorrect et semé de « coquilles », une compréhension de l'anglais parfois douteuse (lorsqu'on lit, à propos d'une œuvre aussi dramatique que le Siècle des lu· mières, « le résultat est une vaste vie tranquille », phrase absurde où transparaît un contre·sens sur « still life », tous les doutes sont permis), et l'on conviendra aisément que, une fois de plus, les romanciers latino-américains sont bien mal servis chez nous.
Des idées floues ou arbitraires Le texte original de Harss et Dohmann n'est d'ailleurs pas luimême sans défauts. Excellents lorsqu'il s'agit de brosser un portrait ou de rapporter une conversation, ils se révèlent parfois moins convaincants dans la partie propre·
ment critique de leur travail. Leurs idées sur la nature du genre narratif paraissent floues ou arbitraires. Le vrai roman est essentiellement introspectif proclame Luis Harss. Et pourquoi donc, s'il vous plaît? Ne saurait-il être descriptif, et n'est·ce pas là le cas, justement, dans une large mesure, des œuvres qui nous viennent d'Amérique latine? Reste que l'étude est bien orien· tée et qu'elle montre clairement ce qui unit un homme comme Alejo Carpentier, né en 1904, et un écri· vain de la jeune génération comme Mario Vargas Llosa: Il 's'agit toujours de dépasser un certain réalisme naïf (si peu « réaliste » au fond, mais que les faux dilemmes - na· tionalisme ou cosmopolitisme, engagement ou tour d'ivoire - imposaient comme une sorte de devoir patriotique ou social). Ce dépassement, chacun des romanciers ou des conteurs qu'on nous présente a su le mener à bien, selon ses propres voies et pour son propre compte, à l'intérieur d'une création cohérente. C'est en quoi ils méritent toute notre attention, et tout particulièrement ceux qui sont passés trop inaperçus chez nous, tel l'étonnant Juan Carlos Onetti (1). Ce n'est pas, heureusement, le lot de Miguel Angel Asturias, Prix Nobel 1967, dont l'œuvre romanesque a été abondamment traduite et mê· me - fait unique - grâce à un r0man fameux ( Monsieur le Président), rééditée en livre de poche. On ignore souvent, en revanche, qu'Asturias est aussi un poète, et pas seulement pour les pages en prose des Légendes du Guatemala, qui lui avaient valu un chaleureux éloge de Valéry. Claude Couffon lui consacre, chez Seghers, une très précieuse monographie, qui sera pour beaucoup l'occasion d'une véritable découverte. Soulignant le rôle essentiel de la poésie dans le réalisme magique de ses romans - à l'aide d'extraits bien choisis Claude Couffon les relie aux grands recueils de poèmes, Tempe d'alouette, Ce que dit le grand conteur, Claireveillée de printemps (les deux premier inédits jusqu'ici en France). Quel plaisir que de lire de la poésie bien traduite, des poèmes qui demeurent poèmes. Quel plaisir que de lire un livre bien écrit et bien imprimé! Jacques Fressard (1) On pourra lire, aux éditions Stock, Trousse-vioques, qui vient de paraître, et le Chantier (Voir La Quinzaine Littéraire, n° 38, 1·· novembre 1967).
ENTRETIEN
. . Amado~ ecrlvaln ,
Jorge Amado. VOICI quarante ans qu'il nous envoie des nouvelles régulières de Bahia et du Nord-Est brésilien. Il veille pour nous, là-bas, de l'autre côté du monde. dans l'énorme cité chaude et langoureuse où des nègres dont les yeux sont bleus dansent avec des mulâtresses belles comme l'or. Quand le crépuscule descend sur le port, il nous fait signe, il nous pilote dans le lacis de ruelles qui zigzaguent au flanc de la colline, parmi les églises baroques, les demeures patriciennes aux faïences bleues, les taudis de planches.
Pour quelques jours, il a abandonné son fief. La rue Monsieur le Prince a pris la place de la colline de fleurs et de palmes. Il y est aussi à l'aise que dans les bistrots de Bahia. Modeste, élégant, presque invisible avec sa silhouette vive et racée, les cheveux blancs, la moustache chaplinesque et tant d'amusement, toujours, dans les yeux. Sa jeunesse surprend, depuis le temps qu'il est illustre, est-ce qu'il ne devrait pas avoir cent ans? C'est qu'il avait à peine vingt ans quand son premier livre, Cacao, faisait connaître son nom au monde entier, en 1933. Traduit en trente-deux langues, best-seller mondial, monument de la littérature brésilienne, prix Staline en 1949, il semble ignorer sa propre célébrité. Il parle comme il écrit, dans un beau langage simple, on dirait d'un chapitre de son dernier livre traduit en français, les Pâtres de la nuit, ouvrage ancien du reste puisqu'il a été publié au Brésil en 1964 et que deux gros romans ont suivi. Jorge Amado. C'est une chronique sur les vagabonds de Bahia. J'aime bien ces gens-là. A Bahia, j'ai une maison sur la colline, on vient souvent me voir. Parfois, on me téléphone d'abord et cela veut dire que des étrangers vont m'interviewer sur l'existence de Dieu ou sur la littérature et que voulez-vous que je leur raconte ? D'autres 'ois, on se présente chez moi sans me prévenir et alors ce sont des gens de Bahia. Des gens très pauvres mais civilisés, merveilleusement civilisés. Ils viennent me voir sans motif. Pour me dire bonjour. Ils n'ont pas le sou, eh
bien, ils se présentent comme votre égal. Ce sont mes amis car ils n'ont aucun intérêt en arrière de la tête. Ils m'apportent des cadeaux : une histoire qu'ils trouvent jolie, ou bien une figurine de céramique et ils bavardent. Nous autres, Brési· liens, ce qui nous intéresse est assez simple : les femmes, la politique, le football, des choses comme ça, voilà de quoi je parle avec eux. En France, on connaît Jorge Amado comme un écrivain engagé : Terres violentes, Bahia de tous les Saints, Gabriella, fille du Brésil, Capitale des sables, la Terre aux fruits d'or; vingt romans nous ont habitués à cette voix violente et exaltée qui luttait contre toutes les injusti. ces. La vie de Jorge Amado porte trace du long combat : emprisonné à plusieurs reprises, il a aussi passé plusieurs années d'exil en Russie, en Argentine, en France. Or, ses derniers livres étonnent. La révolte s'y tempère, elle change de registre. Plus trace de prédication. Le lyris. me cède à l'ironie.
Les Pâtres de la nuit sont ainsi d'étranges figures y forment un carnaval nocturne et étincelant, dans la joie, l'ivresse et la bouffonnerie : le caporal Martim, beau parleur et champion du jeu de cartes, bourreau de tous les cœurs et dont le mariage avec la belle Marialva tourne au désastre; le nègre Massu, géant débonnaire, dont le fils aura comme parrain à l'église Notre-Da· me du Boufim, le dieu noir Ogun, maître des métaux, en personne; Curio, amoureux de toutes les mulâtresses et qui a l'idée saugrenue
La Quinzaine Littéraire, du 15 au 30 novembre 1970
,
engage
de les séduire avec. une souris savante qui ne parvient pas à les épou. vanter; enfin, le plus noble de tous, Jésuino le coq fou, homme libre, qui promène ses souliers crevés, d'où dépassent ses orteils, avec la dignité d'un aristocrate de haut rang. Aucun de ces hommes n'a la fibre révolutionnaire. Non qu'ils acceptent l'injustice ou l'ordre des choses mais ils ne l'attaquent pas de front. Ils conduisent leur lutte avec d'autres armes inédites chez Jorge Amado : une sorte de résignation hautaine, le culte de l'amitié et de l'amour, du rêve, de la poésie et de l'humour.
rait arriver au Brésil, dans un mé-· lange de drame et de joie. Il y a une chose qu'il faut savoir. Au Brésil, les gens sont très malheureux mais ils ne sont jamais tristes, surtout dans le Nord-Est. Ils ont une joie terrible qui leur permet, malgré la faim ou l'injustice, d'aller de l'avant. Cela était déjà dit dans mes premiers livres. Le changement, c'est qu'avant j'étais un pamphlétaire, je divisais le monde entre les bons et les mauvais. Aujourd'hui, je sais que personne n'est tout noir ou tout blanc. Il y a des dosages en chacun, c'est ce que j'ai appris chez Dickens, chez Gorki.
J. A. - Oui, on m'a dit cela. On
Une grande partie du livre se passe dans les cérémonies noires du « candomblé ». On dirait que les pauvres y puisent leur force.
m'a dit que depuis Gabriela, fille du Brésil, en 1958, meS livres ont changé de ton mais est-ce que c'est tout à fait juste ? Regardez la fin des Pâtres de la nuit : les pauvres décident, contre l'administration, de construire un village sauvage sur la colline de Tue le chat. Ce qui est vrai, c'est qu'aujourd'hui, je racon· te cette histoire telle qu'elle pour·
J. A. - Vous savez, ces gens-là étaient des esclaves. Et c'est cette vie religieuse qui les a aidés à survivre car elle est très belle, très profondément liée à la nature primitive. Ces cultes syncrétiques ont traM versé tout l'esclavage et aujourd'hui ~
4 romans flammarion distingués par la critique
LA LUNE LE D'HIVER PENSIONNAIRE claude vigée
"Nous sommes en présence d'un itinéraire, mais au sens le plus entier du terme. Le mouvement objectif, qui est voyage et déplacement et fuite devant la poursuite homicide des Juifs est en même te'Tlps un mouvement progressif intérieur, métamorphose de la
jean-français ferrané
"C'est le premier roman d'un étudiant de vingt et un ans ... Le livre captive et retient à la manière d'un cauchemar qui vous poursuit et vous hante longtemps après le réveil". VERA VOLMANE
INFERNAUX LE PALUDS SCHOONER claude-louis combet
conscience d'un jeune
ét~~~~~fi~isRAHI=
claude deimas
"Le Schooner est la fable de la jeunesse pour qui le sexe et la mort sont le~ seuls moyens de se perpétuer, d'échapper à la résignation de l'age mOr, aux pièges trompeurs de la raison". CLAUDE BONNEFOY
"Jamais un romancier n'avait mis en évidence avec autant de force la nature mystérieuse et la violence de l'amour qu'un ieune garçon porte à sa mère. Jamais, autour d'un thème aussi scabreux, on n'avait organisé une méditation lyrique aussi vertigineuse. Una révélation littéraire est toujours quelque peu suffocante, mais ce roman est à proprement parler un livre suffocant".
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En feuilletant ...
Jorge Amado
ils se multiplient. En 1935, j'ai écrit un guide de Bahia, ü y avait 180 candomblés. En 1961, j'ai ré· visé ce guide, ü y avait 611 candomblés. Aujourd'hui, Ü y en a plus de müle. Dans les autres parties du Brésü, on assiste à la naissance de nouveaux cultes, celui de la Ubam.da. Là, le mélange est encore plus grand : vous avez des rites animistes d'Afrique, des cul· tes indigènes d'Amérique, des bribes chrétiennes et par-dessus tout cela, du spiritisme. Ces choses-là sont essentielles chez nous. Vous savez que le culte du candomblé qui est somptueux est très cher et pourtant tout le peuple y participe. Pas seulemeni le peuple : on serait surpris de connaître le nom de personnes de la haute bourgeoisie qui viennent de Sao Paulo, de Rio, pour consulter les maîtresses du culte, ces vieüles femmes qu'on appelle les «mères de saints D. Je les aime beaucoup, elles ont une grande sagesse, une finesse extraordinaire et puis, qu'un banquier vienne se soumettre à la décision de ces femmes, c'est intéressant, non ?
ques. Ils font leur métier et ils le font sûrement très bien. Moi, j'écris des histoires._ Remarquez,- je ne veux pas jouer à l'écrivain qui ignore la littérature. Je lis. Il y a des livres que j'aime et des livres que j'admire. C'est-à-dire ?
Vous m'avez- dit que vous n'ai· mez pas parler littérature.
J. A. - Eh bien, si je lis un livre de Miguel Angel Asturias, je suis ravi et en même temps un peu triste parce que je me dis : « V 000 le livre que j'aurais aimé écrire.» «Mais si je lis un texte de Borges, je suis béat d'admiration et je me dis : « V 000 un texte que je ne regrette pas de n'avoir pas écrit». Pour en revenir aux critiques, aujourd'hui, je me demande s'ils n'accordent pas trop d'importance aux problèmes formels. Je pense à Guimaraes Rosa, qui était mon ami. Bien. Tout le monde reconnaît un très grand écrivain mais les critiques le voient surtout comme un créateur de langage. Et pourtant, en définitive, pourquoi Guimaraes Rosa est·ü un très grand romancier ? Parce qu'il est inventeur d'univers. D - Il faut aussi vous dire que nous autres, écrivains brésüiens, nous n'avons pas une vie littéraire au sens français du terme. Je vous raconte une histoire : dans un vülage, il y a une fête. Les paysans boivent beaucoup et l'un d'eux s'approche du pasteur du vülage, lui dit : « On ne vous offre pas à boire parce que vous êtes un prédicateur ». Et le pasteur: « Ecoute, je suis un prédicateur seulement quand je prêche. Mais quand je bois, je suis un buveur D. Vooo. En France, les écrivains sont écrivains vingt-quatre heures sur vingtquatre. IVous autres, je crois plutôt que nous écrivons parce que nous vivons. - Je vous dis encore une his· toire. Il y a un écrivain dans son jardin, ü se balance dans son ha· mac. Un voisin passe, le salue et lui dit. « V ous êtes en train de vous reposer D.. «Non, dit l'écrivain, je suis en train de travailler ». Le lendemain, l'écrivain coupe de l'herbe dans son jardin. Le même voisin lui dit : « V ous êtes en train de travaüler?» et l'écrivain « Non, je me repose». Propos recueillis par Gilles Lapouge
J. A. - Mais c'étaient des putains. Je n'ai rien contre les criti-
(1) Jorge Amado. Les Pâtres de la nuit, Stock éd.
Il y a une autre catégorie de femmes dont vous parlez avec tendresse, dans les Pâtres de la nuit, les putains ?
J. A. - Ah, peut-être que je suis un peu de parti pris, vous ne croyez pas mais que voulez-vous, elles sont charmantes, ces petiteslà. Quand j'étais jeune, j'allais souvent dans ce bordel pauvre dont je parle dans les Pâtres, le « Castello». La patronne, Tiberia, était une femme adorable. Elle était une vraie mère pour les «petites», elle les consolait de leurs peinés de cœur, elle veülait sur elles. Le mari de Tiberia était tail· leur, ü faisait les soutanes des curés de Bahia. Quand elle a été très malade, elle m'a envoyé un mot, j'ai pu la revoir avant qu'elle meure. Je vais même vous dire que dans une certaine partie de ma vie, je vivais presque dans ce bordel, j'y mangeais souvent. /'étais très heureux. /'avais même orgartisé des soirées littéraires, nous lisions des poèmes, des textes, nous les commentions.
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Makhno _ Nestor Makhno est une figure légendaire de la révolution russe de 1917 et du mouvement anarchiste. Son lieu d'action était l'Ukraine du sud où il fédéra les petits paysans contre les autorités tsaristes puis contre les armées d'occupation alle:mandes et autrichiennes après Brest-Litovsk, en 1918, dans une guerilla incessante qui finit par donner du fil à retordre aux bolcheviks eux-mêmes. Makhno refusait en effet de se plier aux ordres du chef de l'Armée rouge, Trotsky, et entendait mener la guerre révolutionnaire à sa façon. Les partisans de Makhno furent finalement défaits par l'Armée rouge et quelquesuns de leurs officiers fusillés pour « haute trahison ». Makhno dut se réfugier en Roumanie, puis en France où il mourut en juillet 1935. Dans une collection dirigée par Daniel Guérin et Jean-Jacques Lebel, l'éditeur Pierre BeHond réédite le premier volume (devenu introuvable) des Mémoires de Makhno. Deux autres suivront -(qui furent 1seulement édités en russe à Paris). (Makhno : la Révolution russe en Ukraine, 1918-1921, avant-propos de Daniel Guérin, 232 p., 18 F).
Nietzsche Les œ u v r e s philosophiques complètes de Nietzsche, dont la publication a été entreprise il y a quelques années par Gallimard, s'enrichit d'une nouvelle édition d'Aurore, traduite par Julien Hervier. Les deux tiers du volume sont formés de Fragments posthumes, adjoints à Aurore et qui sont pour une grande part inédits, même en allemand. Ils ont été traduits sur les manuscrits originaux. dans leur ordre chronologique. Seuls, un petit nombre d'entre eux avaient pris place dans l'ouvrage fabriqué par Mme Forster-Nietzsche : la Volonté de puissance, mis à l'index par les connaisseurs de Nietzsche. (786 p., 48 F).
Brecht L'Arche,
dans
sa
collection
cc Travaux », publie trois petit! vo-
lumes précieux de Bertolt Brecht. Ils sont formés de courts essais, de notes, d'extraits de carnets, sur des sujets aussi divers que la littérature, le cinéma, la radio, les arts plastiques, et contiennent, on s'en doute, nombre de vues originales. (Ecrits
sur la littérature et l'art, 1. Sur le cinéma (248 p.), 2. Sur le réalisme (184 p.), 3. Les Arts et la révolution (192 p.). Les traducteurs respectifs en sont J .L. Lebrave et J.P. Lefebvre (également traducteurs du livre d'Ernst Fischer: A la recherche de la réalité, Denoël, L.N.), André Gisselbrecht, Bernard Lor· tholary.
Byzance Albin Michel réédite dans « l'Evolution de l'humanité» (en poche) les deux ouvrages fondamentaux de Louis Bréhier sur Byzance : Les institutions de l'empire byzantin et la Civüisation byzantine. Des suppléments bibliographiques, dûs à Jean Gouillard, directeur d'études à l'Ecole pratique des Hautes études, ont été adjoints à ces volumes de plus de six cents pages chacun et qui, miracle, ne coûtent que 12 F pièce.
La premlere version de «Justine» Béatrice Didier, professeur à Nanterre, donne une nouvelle édition des Infortunes de la Vertu dans le Livre de Poche. Elle a établi son texte d'après le premier manuscrit de Sade, déposé à la Bibliothèque Nationale, et tenu compte des corrections de l'auteur, de ses notes, de ses ajouts, de ses iildications. A la fin du volume figure le cc Cahier préparatoire» établi par Sade et, en tête, la fameuse préface de Paulhan (avec qui, d'ailleurs, Béatrice Didier n'est pas toujours d'accord). On sait que Sade a écrit trois versions de sa Justine. Celle-ci est la première et la moins connue. (Volume double, 316 p).
Dans « le Désordre» Jean Schuster publie dans sa collection Cl le Désordre », chez Eric Losfeld, un petit ouvrage de Benjamin Péret qui n'est pas à mettre entre toutes les mains : leS Rouüles encagées, avec des illustrations suggestives d'Yves Tanguy (80 p). Du directeur de la collection : Développements sur l'infra-réalisme de Matta, réflexions suggérées par le schéma de l'intervention du peintre au Congrès culturel de la Havane en janvier 68 (64 p). A paraître : des ouvrages de José Pierre, d'Arthur Cravan, de C.D. Grabbe, et une réédition des œ1.èbres Lettres de Guerre de Jacques Vaché.
La grâce romanesque pas dans un mouvement artificiellement ralenti ce qui se donne dans l'immédiat d'un regard. Il livre tout dans un quart de phrase, et relance par cette vivacité le dynamisme du texte. Les personnages sont dans leur cadre, aussi naturellement qu'au cinéma. Les arbres et le feuillage nous rendent l'héroïne digne d'amour. Reynolds Price nous fait donc aimer ses personnages : il y a toujours quelque chose de vrai et d'éphémère autour d'eux. On sent l'écart qui sépare les corps, les tensions que cet écart engendre. Les rapprochements, les déplacements modifient l'éclairage du texte, la tonalité d'une scène. Pour l'intrigue, qu'on sache qu'une poignée de personnages partent dans une battue pour retrouver un enfant, un chien, un serpent. Au centre, le jeune Milo, qui vivra son roman d'éducation à la manière d'un Wilhelm Meister qui ressemblerait à l'acteur lean-Pierre Léaud. Il vivra, dans sa chair, mais aussi métaphoriquement par grâce romanesque, le passage de l'adolescence à l'âge adulte. Voilà pour le sujet, cette colonne serrée que les éditeurs coincent sur la bordure gauche de la couverture.
Reynolds Price Un homme mag~nime Trad. de l'anglais par Y. Davet Gallimard éd., 298 p.
1
Suite d'éclaircies subites dans cette lente coulée des subjectivités qui se cherchent, se croisent, s'effleurent, se modifient, s'interpénètrent, le roman de Reynolds Price apparaît au premier abord dans la confusion ou plutôt- l'extrême fusion - des personnages, les résonances multipliées des dialogues et le déroulement diffus des phra. ses aux incises qui jouent de leur propre réverbération. Livre de surcharge : sa lecture est une lente montée des eaux ; elle entraîne le lecteur dans des remous, des replis ; ses appels vers un monde du dessous de la surface des êtres nous amène vers les tropismes chers à Nathalie Sarraute. L'approche de Reynolds Price garde pourtant les figures du roman traditionnel. Les apparences sont sauvées. Dans cet échange de réfractions (qui sont autant d'infractions au code romanesque balzacien), dans cette aspiration de l'auteur à un monde du deça on reconnaît les éléments d'un paysage familier : le roman sudiste, tel qu'on le connaît surtout en France à travers Faulkner. C'est ainsi qu'on retrouve le cadre rural, ces histoires de paysans finauds qui rusent avec la Bible pour se justifier (ou qui font appel à Dieu dans le cadre du quotidien : pour réparer une roue, par exemple) ou bien c'est un réinvestissement de la vie présente dans le passé, cette fatalité régionale qui ronge la mémoire de personnages porte-parole de l'auteur. Le tout, préservé dans les odeurs de fin de journée, dans un éclairage de véranda.
Chant à la femme
Une intériorisation psychologique Sur ce faisceau de thèmes, sur ces éléments fixes du roman du « Big South» Price atteint à une intériorisation psychologique. D'où cette impression de dévoilement fourmillant, cette quête ondoyante et fugace de l'en deça, rendue plus belle par l'opacité réaliste des apparences. Elément de vibration, basse continue de l'œuvre. Il n'y a pas de description Cl minutieuse » ; Reynolds Price ne recense La QuInzaIne littéraire, du 15
~
Au centre de cette entreprise souvent picaresque éclate le chant à la femme, au corps féminin et au monde féminin : Milo couche avec Kate. Pour la première fois il connaît la femme, penché audessus d'elle, tandis que poussent «des branches et des feuilles de cho.ude vie blanche au-dedans...» On baigne dans une demi-pénombre d'étreintes, de souvenirs de la femme mûre, cet éclairage du souvenir, quand les paroles montent doucement des lèvres, sans qu'on y pense, douX chuchotis inlassable le temps que le corps apaisé se livre au bonheur des draps découverts. Milo apprend bien des choses à cet instant : l'effritement du temps, des certitudes; les marques des blessures affectives; il entreprend cette marche de l'âge adulte sur une passerelle en train de basculer. D'un côté, le roman de Price se résout comme un roman policier. On dénoue l'intrigue la plus complexe en une explication de deux pages qui ravit l'intellect du lecteur. Soupçons dissipés, meurtrier démasqué, le livre 'leut être
30 novembre 1970
refermé. Mais on ne se débarrasse pas d'un livre ·comme celui-là par un tour de passe-passe appuyé sur des conclusions logiques. Nous ne sommes ni dans Agatha Christie, ni dans Feydeau.
Eminemment proustien Nous avons traversé quelque chose d'éminemment proustien. Comme il arrive aussi chez les r0manciers américains du Sud, on garde un souvenir de vie gâchée (d'une manière admirable), illuminée par des éclatS crépitants de lumière et d'action, la folie du passé cimentant le tout, jusqu'à cette poussière âcre au milieu des arbres qui se dépose sur la tôle brûlante des automobiles, le temps que les fidèles assistent à l'office du diman.che matin. Ce cocktail d'action picaresque, de déchiffrement analytique devrait accoucher d'un monstre. N'oublions pas qu'en vingtquatre heures Milo a trouvé : « Un premier verre d'alcool, une gentille dame dingo qui a apaisé (s)on ardeur, un revenant et un python». Chacun a connu pas mal d'émotions fortes agencées Selon un tempo lent-rapidelent qui met le lecteur à l'épreuve. L'auteur a écrit un roman d'action avec un plus grand souci d'analyse qu'un souci d'efficacité narrative. Le paradoxe lui a réussi. C'est ce qui déroute dans le livre. C'est son privilège. Tout est mouvant à l'intérieur des personnages : les directions se multiplient dangereusement; pas de points fixes; interpénétration des niveaux selon une méthode de brouillage qui rend la complexité de l'aventure. La formulation. étonne
par sa ductilité. Souplesse voluptueuse de l'écriture, avec ses virgules qui tranchent sans rompre la cadence de l'harmonie : pas d'outil plus approprié pour nous insinuer aux franges qui séparent la veille du sommeil, dans cette ZOne solitaire où le pouls bat dans un murmure de silence, quand les bruits extérieurs s'estompent pour laisser la place au glissement de sa propre voix, d'abord floue, puis nette, chuchotement de son propre écart à la réalité, comme quelqu'un qui serait à vos côtés, se rapprochant, lent glissement des jambes contre vos jambes. C'est ça le travail de l'écrivain Reynolds Price. Jacques-Pierre Amette
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DESSOUS DU . VOLCAN Un monument dont on n'a pas fini de faire le tour, où chacun pourtant déchiffrera, s'il le veut, son destin à travers les signes secrets d'un mes-sage encore plus actuel aujourd'hui qu'il ya dix ans (Maurice Chayard", LE MONDE) - Une œuvre prodigieuse... On n'épuise pas cet. oùvrage bouleversant. Il fsut le lire et le relire afin d'en mieux pénétrer la signification et d'en mieux savourer les beautés. Une voix pathétique... (Maurice Nadeau) - Un chef-d'œuvre comme il n'yen a pas dix par siècle (Paul Morelle, LE MONDE).
Editions BUCHET/CHASm
Vient de paraître
Gaëtan Picon
Admirable tremblement du temps 59 ILLUSTRATIONS Dans toutes librairies Volume broché 16,5 x 21.5 cm couverture acétatéc. F 35.-
Il a été tiré à part 1000 exemplaires numérOlés reUés pleine peau
9
ROMANS
Jeunes auteurs J.lRANÇAIS
Alain Gauzelin L'île mouvante Coll. L'écart Robert Laffont éd., 224 p.
1
Paul Hordequin Motus vivendi « Les Lettres Nouvelles» Denoël éd., 192 p.
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Laudryc La femme éparpillée Coll. L'écart Robert Laffont éd., 232 p.
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Outre qu'ils publient tous les deux dans la même collection et qu'ils sont ce qu'il est convenu d'appeler des « jeunes auteurs », Alain Gauzelin et Laudryc ont en commun de s'écarter (mais n'est-ce pas justement cet écart qui définit la collection où ils se trouvent réunis) de la réalité ou du moins d'une certaine conception romanesque de la réalité et, dans une moindre mesure, des sentiers battus de l'écriture. Mais leurs voies sont différentes, comme leurs cadences, l'allusion s'accordant à la démarche lente de l'un, la provocation au style rapide de l'autre. Alain Gauzelin aime les longues phrases chargées d'adjectifs qui rassemblent plusieurs moments du temps, qui égrènent la gamme des sensations, qui tentent d'abolir la distance entre le sujet et l'objet. Phrases caressantes, enveloppantes qui permettent des glissements de sens, qui font qu'un petit garçon rêveur s'identifie à la femme qu'il admire, parle, agit, surtout s'imagine agissant, parlant, comme s'il était elle. Mais qui est-elle ? qui estil ? Quelles sont leurs relations exactes? Est-elle la mère, la grande sœur, une étrangère? Voilà qui n'est jamais dit pas plus que leurs noms ne sont prononcés. Tout se situe sur ·le plan du rêve, dans une ombre diffuse, dans une incertitude amoureusement entretenue, et quand le récit bascule, quand l'enfant grandissant reprend conscience de son identité, c'est la femme qui, cessant d'être idole, commence à rêver ce qu'elle aurait pu être, fait retour nostalgiquement sur sa propre enfance. Ici, rien n'est sûr. Les consciences sont des îles, et les îles sont mouvantes. Les individus se perdent, se retrouvent, échangent leurs reflets ou leurs fantasmes. Dans ce jeu incessant, on ne sait plus qui parle, qui peut nous dire ce que pense, ce qu'éprouve ce « il » qui se métamorphose en « elle» ou cette « elle» soudain distincte de « lui ». Poussant le jeu à l'e"'treme, Alain Gauzelin apparaît comme un Proust
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Alain Gauzelin que son narrateur encombrerait et qui voudrait le faire oublier. Aussi exige-t-il du lecteur de le suivre sur la corde raide sous peine, au moindre faux pas de se perdre dans les sables mouvants d'un récit au demeurant fort élégant et de ne plus savoir qui évoque quoi ou qui est qui et jusqu'à quel point. Mais s'il y a là une ambiguïté parfois gênante, elle tient au projet même de l'auteur. Si quelque chose demeure en suspens, ne paraît pas abouti, c'est que l'aboutissement aurait clos le livre et tronqué son sens en ramenant au niveau de l'explication ce qui dérive au gré des images et des sensations. Avec Laudryc, les choses sont apparemment plus simples. S'il ne nomme pas toujours un chat un chat, c'est qu'il ne s'agit pas de l'animal, mais il ne laisse aucune place à l'ambiguïté. En revanche, il en laisserait volontiers une au délire. Gabrielle, son héroïne, la narratrice, n'est-elle pas dans un hôpital, n'est-elle pas folle, aussi mythomane que nymphomane ? Ce qu'elle dit est peut-être faux, est parfois incroyable, mais quand elle parle comme quand elle agit, elle ne fait pas de manières, elle va droit au hut et il ne faut guère la prier, semble-t-il, pour qu'elle mette son slip dans sa chaussure et se livre à des fantaisies moins innocentes. C'est au niveau du récit que tout se complique. La confession de Gabrielle est extrêmement morcelée. La jeune femme tente de ra-
Laudryc conter son I}istoire selon l'ordre chronologique, mais elle ne le peut, car un nom, un événement en évoquent un autre, semblable ou opposé. Quelques aventures paraissent dominer, l'amour quasi-incestueux pour le frère qui la fouettait (avec son consentement), la fugue à seize ans, le mariage avec un instituteur jaloux, la participation aux événements de mai, le ménage à trois avec Jean-Paul et Ulric, et constituer la trame de la réalité sur quoi se greffent tous ses fantasmes presque exclusivement d'ordre sexuel. Bref, Gabrielle est une femme déchirée, « éparpillée» qui n'arrive pas à faire coller ensemble les différents morceaux de sa vie. Comme dans son premier roman les Hommes vains qui procédaient d'une recherche plus subtile, plus arJ l1e, marquée p~r le nouveau roman, Laudryc traite encore de la difficulté d'être. Mais ce qu'il a gagné en habileté, en vivacité, il l'a perdu en profondeur, si bien que le drame de Gabrielle nous intéresse moins que ses folies. Encore ne sont-elles pas toutes de la même veine. Si Laudryc a de la verve et de l'imagination, il n'en a pas assez pour qu'on oublie ce qu'il doit aux modes et au désir de provoquer. Un zeste de gauchisme, un doigt de surréalisme et de la partouze en quantité suffisante ne suffisent pas à faire un livre contestataire. Aux meilleures pages on sent que l'auteur en est capable. Claude Bonnefoy
Le livre s'ouvre sur une citation de Mao Tsé Toung, qui explique aux ouvriers que s'ils veulent un jour parler un langage commun avec ceux que la société a jusque là séparés d'eux : les intellectuels, ils devront d'abord apprendre à ces derniers « à manipuler des outils sans se blesser ». Bien sûr, si Mao s'adressait aux ouvriers, c'est aux intellectuels que Hordequin s'adresse; son livre constitue un effort pour poser une fois de plus le problème du langage, mais en le considérant comme un problème de classe. Deux discours alternent et se heurtent: le premier est celui d'un petit bourgeois intellectuel, Clèbe Oisagre en qui éclatent les contradictions de sa condition, d'une part, sous forme d'amnésie, d'autre part à travers une utilisation perverse du langage consistant à ne plus pouvoir s'exprimer qu'en fabriquant une foule inilensée de mots-gadgets qui s'entre-dévorent et diffèrent sans fin le fondamental. Le second discours est une évocation systématique de la condition ouvrière par des travailleurs dont les propos directs, cohérents et concrets semblent fixés par quelque magnétophone invisiblement présent dans les cantines, les métros et les ateliers. La pSYl'.hanalyse nous dit que l'amnésie est l'effet d'un refoulement qui porte sur la sexualité infantile, et i\ l'origine de celle de Clèbe Oisagre se trouvent bien des rapports difficiles avec une mère abusive qui adresse à son grand garçon qu'elle appelle Fifi des lettres signées: « ta mamêle qui t'abJomine », ou ta « mane qui t'homine ». C'est une mère fière d'un fils qui a fait au beau pays de Cartézie (capitale Cartèze) de brillantes études qui portent justement sur le langage : Fifi a des diplômes « d'alphabiologie »... Pourtant, bien que les professeurs aient' appris à Clèbe « à calibrer les lettres, à faire des amalgames... » il y a maintenant des mots qui lui échappent et, comme il l'écrit : « des compromettants qui floconnent, des phonèmes paületés qui jaillissent de la rophéine, où des somnifères comblent les pistes, les crevasses du cerveau, chassent le syllabé de la prose officielle... »
• Deux UDlvers
Des milliers d'heures passionnantes et intelligentes 8 VOLUMES PARUS 1. 2. 3.
La Vie animale . . . . . 24,SO F Astronomie 26,50 F Philosophies et Religions . . . . . . . . . . 28,50 F 4. Histoire universelle (1) Le .Monde antique ... 27,50 F Sa. Histoire universelle (2) De l'Antiquité à nos jours: l'Europe ..... 30,00 F 5b. Histoire universelle (3) De l'Antiquité à nos jours: le Monde moins l'Europe 30,00 F 6. Visages de la Terre . 32,00 F 7. Les Lois de la nature 34,00 F PARUTION 15 NOVEMBRE: 8. L'aventure littéraire de l'humanité 176 pages " 34,00 F
Et à l'image de ce langage qu'il a trop bien appris à manier, c'est la réalité qui glisse entre les doigts de Clèbe Oisagre, rejeté dans sa condition d'intellectuel qui ne dis· . pose que du langage mais dont le langage n'a plus de prise sur rien. Il est aux antipodes de l'univers de ces ouvriers qui parlent avec na· turel, sans problème, de choses très tangibles qui font leur existence quotidienne : « ... Faut dire que plus ça va et plus on augmente les cadences, le bruit aussi, naturelle· ment... Le bruit, le bruit : tu as certains ambiants, ici qui dépassent les cent décibels et à ce niveau t'as pas le choix, si t'es pas sourd tu deviens dingue! » Donc, tout comme sa mère a tissé autour de Clèbe Oisagre un cocon isolant, c'est ce que sa langue a de maternel qui l'aliène et l'éloigne du monde du travail. Pourtant, ce monde auquel il ne peut accéder l'attire et l'appelle. Clèbe nous raconte avec son style malade, qu'enfant il volait des étoi· les qui appartenaient aux banques pour les donner aux ouvriers et que sa mère, prenant, au-delà de sa dimension psychanalytique, sa signification sociale, lui faisait remarquer : « Tu as tort mon Fili; l'ouvrier n'est pas comme nous raisonnable et intelligent! » Dès lors, ce n'est bien qu'une réconciliation entre langages intellectuel et ouvrier qui pourra rendre à Clèbe Oisagre un sens plus exact de la réalité puisque même ses tentatives de retrouver, dans l'amour physique avec sa maîtresse
Andoléa, le réel et la mémoire, sont vouées à l'échec. « Ce qui me reste de mémoire est pour le corps d'Andoléa » dit Clèbe à un instant ; mais Andoléa a cédé à « l'érotisme des futilistes » qui transforme même les corps en une sorte de langage perverti et qui pousse l'antiquaire Tohil à faire uriner des petites filles entre les glaces Louis XV pour les rouler ensuite dans de la pâte à beignet et les faire lécher par des lévriers aux langues noires. Et Clèbe continue de couler à pic, « hors du temps mesuré, tandis que les autres s'entregonflent et font mine d'exister» bien qu'il sache qu'il y a « là dessous toute une société aux yeux peints - amandes et petits fours - qui brouille les cartes de l'éros ». Le livre s'achève sur une étrange évocation métaphorique de mai 68 qui n'est pas sans évoquer Boris Vian. En une Sorbonne nommée « Spolio » des ouvriers prennent la parole et de jeunes étudiants volent en s'accrochant à des ballons rouges ... Cette révolte, cette fête, cette révolution peut-être, c'est la recherche et l'esquisse d'un accord entre les langages séparés. Le ton du livre change, la narration de Clèbe aussi, et, malgré une répression symbolisée par le cri : « mort aux enfants ! » quelque chose a changé pour l'intellectuel Clèbe, quelque chose qui tient tout entier dans ce dernier propos: « il n'est pas écrivain ton pote; parce que moi, à ce régimelà, je pourrais ~tre évêque... Mais c'est un très bon ajusteur. » Pierre Péju
La Qulnzalne Uttéralre, du 15 au 30 novembre 1970
se lit comme un roman . un thème par ouvrage somptueuse illustration vente au numéro
H.M.
BORDAS ENCYCLOPEDIE 11
Au triple galop
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Rezvani Coma Bourgois éd., 136 p.
I I
Les américanoïaques Bourgois éd., 181 p. Les voies de l'Amérique Bourgois éd., 186 p.
Sans doute la parution simultanée de ces trois romans qui ampli. fient et infléchissent l'expérience sur le vif entamée avec les Années lumière et continuée par les Années Lula, est·elle en partie due aux tribulations éditoriales de leur au· teur. Elle n'en offre pas moins une nouvelle confirmation de sa pro· lixité. La bousculante profusion de chacun des livres de Rezvani se complique maintenant de leur nom· bre... Le coma dont il est question, c'est celui, volontairement provoqué, dans lequel se précipite afin d'é· chapper à la trajectoire d'une orbite pour toujours détraquée, Sirius la planète folle du « Sweet home », l'asile de l'horrible Monsieur Jupi. ter. Sirius écorché vif, brûlé jus. qu'à l'âme par les radiations de l'explosion enfin survenue, peut. être. Sirius qui tient entre les murs de la prison où il ne cesse d'éclater, la chronique de son mar· tyre, qui guette fébrilement au milieu d'un temps désarticulé les lu· 'mineux passages de Luna dans son champ d'attraction. Elle passera, fête cosmique, mais, après, le délire n'en sera que plus fou, inguérissable, l'apaisement plus inaccessible. Reprendront le ballet sinistre des infirmiers gardes.chiourme, la ron· de des souvenirs, des cauchemars, des hallucinations. Des trois derniers livres, Coma est le plus désespéré, expression dé· finitive et sans issue d'une angoisse toujours perceptible chez Rezvani, celle·là qui résume et résout toutes les autres. On se souvient, dans les Années lumière ou dans les Années Lufa, de ces visions, scènes d'apo. calypse nucléaire, qui venaient parfois déchirer la joie d'aimer, le bon'heur fou d'être avec Lula envers et contre tous et tout. Elles trouvent ici un aboutissement terriblement logique que rendent plus intense encore la brièveté, le foisonnement crispé d'un livre à la fin duquel il ne reste plus rien à dire. Cette fois les jeux sont faits. Réelle ou rendue telle à force de terreur, la catastrophe aura de toute, façon eu lieu. Demeure le rabâchage sans fin de
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ce qui avait fait une vie maintenant brisée, tandis que se referme sur lui-même un texte insoluhle. Quant à Cypriuche et à Loupiotte, sa femme, ce sont de vieux américanoïaques. De leur état clochards au Suquet, ils exterminent joyeuse. ment les marins américains en escale. A la bouteille (au préalable vidée), à la chaussure et parfois même au cyanure. C'est leur maniè· re à eux de dénoncer un monde haïssable dont le gendarme et le fourrier sont américains. Engagement? Le mot est trop fort. Cypriuche et Loupiotte sont plutôt spectateurs, quand ils deviennent acteurs c'est pour leur plaisir, sur le côté de la scène, en amateurs éclairés. Un jour, les relations trop étroi· tes du couple avec un autre clochard, ancien chef de la police khrouchtchevienne qui collectionne les dents creuses, leur attirent les soupçons de la C.I.A. Interrogatoi. res, tortures, ils tiennent bon. Mais, trop abîmés pour être remis en circulation, ils sont ventilés sur l'Arizona, dans un camp spécial pour débris divers des activités philanthropiques U.S. Là, il y a des Grecs, heaucoup de Grecs, des Noirs, énormément de Noirs, des Sud-Américains et bien d'autres encore: on se bouscule dans ce véritable microcosme de la répression planétaire. Jusqu'au jour où les Chinois... Et même si tout cela n'est qu'un rêve que Cypriuche raconte à Loupiotte, c'est aussi un livre que l'auteur achève en le lisant à Lula. Cette fois, l'âge des deux héros aidant, leurs aventures aussi, racontées comme autant de bonnes histoires ou presque, le tragique passe à peu près constamment au second plan, la tendresse au premier. La tendresse, jamais la mièvrerie. Vieillesse truculente et grave, en marge, qui vient terminer une vie où l'épreuve fut et est encore surmon· tée à deux. Loupiotte, Cypriuche qui écrivait, autrefois, il y a si longtemps. Le narrateur de la Voie de l'A mérique a dix-huit ans. Lui aussi écrit, et peint. Un heau jour d'été, parce qu'il aspire au soleil, aux îles lointaines où les vaches parcourent en longs troupeaux d'immenses plages désertes, il s'en va. Mais, de trains bondés de Français moyens bavards et racoleurs en aéroglisseurs où s'entassent les touristes en uniforme, il n'y a plus de place pour qui veut s'échapper vraiment. Vacances obligatoires, planifiées par une administration nazifiante, publicités, motels et campings, pa·
roles creuses, femmes folles, police, campeurs, faux prophètes, mare chands, nature saccagée, intox, fou· les qui piétinent aux guichets des autoroutes de la voie de l'Amérique auront raison de celui qui s'imagi. nait pouvoir les ignorer. Il sera rejeté à la mer, une mer couverte de détritus, maculée de gaz-oil, où flottent vaguement quelques cadavres de bêtes. Placenta d'où il lui faudra renaître, armé jusqu'aux dents cette fois. Par son volume, l'aspect exhaustif que donne à cette longue et furieuse dénonciation une démarche brouillonne qui multiplie inlassablement épisodes et péripéties, insiste jusqu'à l'épuisement, la Voie de l'Amérique est, des trois derniers, le livre où, à travers les mêmes qualités et les mêmes excès, Rezvani se ressemble le plus. Il n'est d'ailleurs pas question de répétition. De livre en livre et à l'intérieur de chacun d'entre eux, la méthode choisie, en parfaite adéquation avec une écriture qui est celle du débordement, est plutôt d'accumulation. D'autant plus éprouvante qu'il n'y a pas d'éclaircies sur la voie de l'Amérique : l'amitié, l'amour n'existent plus ou pas encore, ils sont suspects, à la limite parodiés, le monde est désespérément laid, souillé ou en instance de l'être. Chacun des trois récits rejette l'action vers le futur. Futur proche qui habille une colère prophétique mais actuelle, cela est évident. De même, qu'il s'agisse de Coma, des Américanoïaques, mais surtout de la Voie de l'Amérique, apparaît la fiction romanesque, l'auteur n'entretenant plus avec son histoire personnelle que des rapports en apparence lointains, comme tout un chacun presque. En apparence quand même, puisque enfance ou Lula, elle demeure la base à partir de laquelle est ressenti, heureux ou malheureux, et cette fois généralement plus malheureux qu'heureux, un reste envahissant ; vers laquelle on revient aussi, questionner ou se retremper. Refuge et référence. Mais un pas est franchi, lourd de conséquences. Ce qui, dans les précédents livres n'était encore qu'un contrepoint, certes de plus en plus insistant à mesure que l'on allait : l'autre, l'ailleurs, le différent, char· gés de toutes les hostilités et de tou· tes les infamies, devient à présent prééminent, l'élément déterminant d'une convulsion qui n'en aura jamais fini de ses souhresauts ravageurs. Paul Otchakovsky-Laurens
Michel Piédoue La Menace Mercure de France éd., 241 p.
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Les petits problèmes de petits êtres dont la seule épaisseur est celle de l'ennui, voilà une grisaille où Michel Piédoue, dans son troisième roman, la Menace, semble une fois encore se complaire. Il met à cet exercice beaucoup de bonne foi et de conscience, mais, comme il l'avait fait dans Zoé des ténèbres et dans les Fonds silencieux, il peint trop bien une sorte de déliquescence immobile, d'évidement silencieux : son livre en est tout vermoulu, entre les mains du lecteur il est bien près de tomber en poussière.
Des couples Des couples se défont : ainsi peut,on résumer le « sujet ". Mais de ces couples nous ne connaissons que des prénoms, des ombres, et l'obstination haineuse qui leur permet de « tenir" jusqu'à ce qu'ils se brisent. Rien qui fasse de nous autre chose que les spectateurs peu convaincus de gestes las, de disputes en demiteinte. Pitoyables dans -leurs colères, impitoyables dans leur faiblesse, les personnages de Michel Piédoue s'ennuient tous. Minés par cet ennui plutôt que réellement menacés par un monde dont les cahots ne les atteignent pas, ils s'enferment dans un autisme de plus en plus misérable. Pourquoi ne se suicident-ils pas? On ne leur imagine pas d'autre destin.
Notre portrait? Est-<.:e là notre portrait? Sommesnous aussi inconsistants, aussi dé· munis? Certes, peu importe ici la réponse. Mais l'auteur se perd à nous présenter un miroir si décevant. Ce Tchékhov sans «petite musique » ne nous offre ni la nostalgie d'une chambre des enfants gardienne d'un temps perdu, ni l'illusoire mais vivace désir d'un Moscou qui sauve, qui fait vivre. Ses héros incolores, et qui se ressemblent tous, errent de café en café (et l'on ne nous' fait grâce ni du « demi" commandé, ni du merci au garçon, ni des pièces d'un franc jetées sur la table... ), sans regret et sans espérance, sans volonté de fuir ni envie de demeurer, sans autre abîme qu'un présent mort-né qu'ils refusent et subissent à la fois.
De mélancoliques pantins Cela, et un style volontairement neutre, tout en dialogues elliptiques et en détails méticuleux très la Cafetière est sur la table, donne à la Menace ce caractère de mécanique où s'agitent, falots, de mélancoliques pantins. Personnages de Françoise Sagan dans une atmosphère « nouveau roman" : on suit sans joie leurs traces pauvres et délébiles. Lionel Mirisch
IOLLBCTlOI ARCHIVES .
Fils de Miller
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Daniel Apruz La Bêlamour Buchet-Chastel éd., 326 p.
dIrlg6e par Plerre lora et Jaeqaes Bevel
3 nouveautés Jean-Paal Bertaad
« le dédie ce livre - écrit Daniel Apruz dans la prière d'insérer de son second roman, la Bêlamour à ceux que la littérature contemporaine accable... Le roman d'aujourd'hui se fait des grimaces et des sourires dans une glace. Il vasouille dans l'esthétisme. Il est gâteux, il bégaie. Il se parodie. Moi j'affirme qu'un roman c'est avant tout une action de même nature qu'un coup de poing sur la table ». Est-ce le cas de la Bêlamour? Oui, dans la mesure où ce livre agresse, en effet, physiquement, le lecteur; non, si l'on estime que pour être efficace, une dénonciation - aussi désespérée soit-elle - ne doit pas déboucher sur un constat d'échec.
Lorsque Daniel Apruz publia la Baleine, en 1968, l'on découvrit avec émerveillement un jeune écrivain français qui avait, comme on dit, « du muscle» et qui, tout en s'inscrivant dans la grande tradition du roman picaresque n'en était pas moins, aussi, un authentique descendant de Henry Miller. Mais, malencontreusement, les grandes qualités de ce premier roman obscurcissent quelque peu celles du second et font que la Bêlamour apparaisse par moments comme le prolongement affaibli de la Baleine. Dans les deux cas, et toujours comme s'il voulait raconter son histoire à haute voix, Daniel Apruz avait parlé de solitude : Sébastien, puis François, sont des Candides contemporains absolument incapables de dominer la machine infernale de la ville dans laquelle ils ont été lâchés et qui contemplent, impuissants, la façon dont elle s'acharne à les broyer. Mais Sébastien, dans la Baleine, participait parfois de ce spectacle et réussissait, en injectant sa propre folie à un monde absolument dément, à faire que l'invraisemblable - alors même qu'il pa· raissait atteindre son paroxysme semble soudain possible. Aussi ré· gnait-il dans tout le roman une sorte de fantastique d'autant plus inquiétant que le lecteur se montrait vite incapable de limiter les vraies frontières du réel : savait-on s'il n'y avait pas vraiment des paris sur les femmes nues qui disputent des courses dans les couloirs déserts du métro, ou si les égouts de Paris ne recèlent pas un ossuaire à la
La QuJnzaJne
.JULLIARD
Litté~,
'aIm,
Eehel Fabre Ilelavei et plantean dlDl le lad am6r1eal1l Eehel de Certeaa La pOllellloD de Loadun
8 réimpressions gloire des rats morts pour la France? C'est justement cette sorte de complicité-là qui ne se produit pas dans la Bêlamour où François, qui est par ailleurs une réplique exacte de Sébastien, apparaît d'emblée comme ùne victime. « Le bonheur, dit-il, il faut sûrement le mode d'emploi pour s'en servir, mais les vaches, ils l'ont écrit en code sans nous refiler la clé ». Que faire, dès lors, sinon assister de loin à ses tribulations et comment éviter de le rendre, seul, responsable de ses malheurs? Rejeté par ses semblables, Sébastien descendait de plus en plus profondément dans le ventre de la ville et de cette façon il parvenait, quelquefois, à la piéger ;. François, lui, se rêve aérien, s'identifie aux anges et n'échappe aux autres qu'en se retranchant derrière l'écran de ses visions. « C'est les fous qui découvrent la vérité, c'est pour ça qu'ils sont fous d'ailleurs. Ils ne la supportent pas ». Lui, vraiment, il se dissoudra dans la ville.
Coïncidence ou signe des temps? Coïncidence ou signe des temps ? Publiés presque simultanément bien que venant des antipodes, deux livres dressent en même temps l'effroyable inventaire d'une même violence. « Le bruit a rempli le monde, il n'a laissé de place pour rien d'autre. Le bruit a chassé les paroles et les pensées, très loin, il a rempla. cé les systèmes. Tout est bruit aujourd'hui, même le silence », écrit Le Clézio dans la Guerre. Et Daniel
du 15 au 30 novembre 1970
Apruz : « Y a plus d'horizon on' vous dit, c'est un cul-de-sac bien bouclé je vous dis, là tous à se bousculer sur un même lopin saccagé... à piétiner... y a plus rien devant moi je vous dis, plus rien... y a plus que le présent, des miettes qui restent... y a plus que sous nos pattes un petit moment encore pour rester là... » En poète étonné, Le Clézio établit de façon somptueuse « le procès verbal» du mal; en conteur populiste, Daniel Apruz crie l'histoire d'un adolescent paumé faute d'avoir trouvé - ou su le conserver - l'amour. Mais Béa B. déambulant sur cet immense champ de bataille qu'est devenue la Ville - et François - devenu motocycliste pour curés et sillonnant les autoroutes afin de pouvoir dispenser aux milliers de victimes de la voiture l'extrême onction sont de la même race, interchangeables presque. Quelque chose, néanmoins, les distingue : pétrie de culture, Béa B, contemple l'agonie du monde en esthète; pour François, la seule référence possible étant celle du rêve, sa condamnation paraît plus irrémédiable encore. Mais y a-t-il deux façons d'être déchiqueté et englouti ? A la fin de la Bêlamour, François croit avoir trouvé les siens dans le long cortege d'une manifestation. Puis, tout à coup, il s'aperçoit que leurs revendications ne sont pas les mêmes. Ceux-là sont des militants et lui ne sait que brailler son besoin d'amour. « Je suis un barbare », dit Daniel Apruz. Mais non! C'est un tendre. Cella Minart
IUbert Badia Lei Ipartakiltel Charlel Bloeh La Dult dei 10Dgleoateaal leorgel Dab, L'anmD Plerre loabert. Eehel DeDiI 1788, lei français ODt la parole eeorgel LefraDe .laiD 38 Jaeqael Bougerle Proeèl des ulDIDunards &lbert Soboal Le pro. de LoalalVi Jeu II&ltrOD Ravachol et III uareldatll13
LES REVUES
l~illlaginaire
De Philippe Augier Les objets trouvés Minuit éd., 188 p.
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Qui est Nespo? Ouelqu'un. Un individu sans âge, sans relief, sans histoire. Un individu dont l'histoire commence quand il s'aperçoit de la disparition de sa boîte aux lettres, quand il éprouve comme un manque grave l'absence de celle-ci, bien qu'il ne se souvienne plus de sa forme carrée, rectangulaire ni du nombre de trous - plus de cinq où il pouvait passer les doigts pour vérifier que, comme d'habitude, le facteur n'y avait rien déposé. Les objets trouvés commencent par cette mésaventure de Nespo. Malgré un zeste de fantaisie, un relent de psychologisme chaque jour ü éprouvait la même peine »), on croit reconnaître le ton. Philippe Augier a vingt ans. Il a lu les auteurs du nouveau roman et emprunte un peu à chacun, mais sans excès; le personnage presque anonyme, à la mémoire qui flanche, a des cousins chez Beckett et Pinget, la tentative de la description de la boîte aux lettres semble être
«(
Clarisse Nicoïdski La mort de Gilles,
Mercure de France éd. Deuxième roman de Clarisse Nicoïdski, la Mort de Gilles confirme avec éclat les qualités du précédent et frappe une nouvelle fois par l'opposition entre un thème d'une très grande intensité dramatique et une écriture lovée dans une surprenante apparence de tranquillité. On ne saurait dire si ce contraste est délibérément recherché; il semblerait dû, plutôt, à une extrême pudeur, laquelle conduirait la romancière à ne souhaiter se faire entendre que par ceux qui la devineraient à demimot. Dans les livres de Clarisse Nicoïdski, la brûlure n'est pas ce qui est donné à voir, mais ce qui est donné à sentir. Comme dans le Désespoir tout blanc, on trouve au centre de la Mort de Gilles un enfant. On y retrouve aussi la solitude et une voix pareillement coupée du monde. Mais, surtout, les deux romans permettent chacun - bien que de façon sous-jacente et seulement à un second niveau de lecture - une approche saisissante de la folie. Entre les égarements de la petite fille du Désespoir tout blanc et ceux de la narratrice de la Mort de Gilles, il n'y a aucun lien; il s'agissait, dans celui-là, d'une enfant attardée qui passait pour l'idiote du village
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au réel
un clin d'œil à Robbe-Grillet, le départ enfin de Nespo à la recherche de sa boîte annonce des déambulations bien connues. Seulement, il apparaît vite que Philippe Augier a lu bien d'autres auteurs et qu'au fond, ce qu'il a lu a peu d'importance. Ce qui l'intéresse, c'est une écriture qui l'entraîne vers l'imaginaire, le rêve, le cauchemar, la folie. Cherchant sa boîte, en effet, objet dérisoire et inutile, Nespo se lance dans une quête tragi-comique qui le conduit à traverser les lieux, à rencontrer les personnages les plus insolites. La visite à la concierge, femme énorme et superbe, vautrée. nue, un petit chat tétant sa lourde mamelle, sur un immense coussin de velours cramoisi, dans un véritable décor de musée, est un prélude aux aventures les plus fantastiques_ Nespo verra une jeune fille se dissoudre littéralement dans le brouillard, des hommes faire la queue pour copuler une « splendide» créature (énorme, elle aussi, comme la concierge) qui reçoit la semence et accouche d'un enfant avec la rapidité d'une machine à sous, demandera des conseils à un prophète vivant dans une toile
et ici d'une mère qui raconte de quelle façon on survit à la mort de son fils. Mais malgré cela, les deux personnages se rejoignent quand même, puisque l'on verra que pour chacune d'elles la délivrance implique une sorte de chute dans les ténèbres où l'on reconnaît bien une brève plongée dans la folie. Sur un sujet aussi pathétique que la mort d'un enfant, Clarisse Nicoïdski a écrit un livre d'une sobriété remarquable, non pas l'histoire d'un oubli, mais celle d'une résignation. Car à la fin du récit, lorsqu'elle paraîtra s'insérer à nouveau dans la vie, la mère n'aura pas davantage accepté la mort de son fils ; mais elle aura accepté de vivre désormais avec la blessure qui lui tient lieu d'enfant. Aussi ce récit estil, et de façon assez surprenante, essentiellement physique. Comment, en effet, parler de la mort, sinon comme d'une mutilation? Et de surcroît de la mort de son enfant! Alors, pendant des jours et des jours, la mère s'astreint à observer cette blessure dont son corps tout entier porte témoignage et engage avec elle un dialogue qui la projette hors de son lieu et de son temps habituels. Epouse et mère, mère ou épouse; durant la longue période d'éloignement qui suit la mort de Gilles, la narratrice prend conscience que n'importe lequel de ces choix serait une trahison. Avant, son être requérait cette double fonction; elle
d'araignée métallique, fera amitié avec un crapaud, Tout ici est irréel. Mais comme dans les contes de fées ou les récits pour enfants, tout est donné pour vrai, se passe dans un monde où rien n'est impossible. Seulement ce que nous offre Philippe Augier, c'est Tintin chez Jérôme Bosch, le petit Poucet perdu dans les paysages de Lautréamont ou explorant les arrière-mondes. Et son récit, amusant, vif, ne refusant pas à l'occasion les facilités du roman populaire Cela était vrai, odieusement vrai, irrésistihlement vrai ») est plus qu'un jeu. La quête de Nespo est symbolique. A sa manière, ce personnage sans visage, naïf, entêté, un peu grotesque parcourt tous les cercles de l'enfer à la poursuite du Graal, ce qu'il nous signifie, c'est que le monde des objets trouvés et cependant introuvables, ce monde à la fois réel et fantasmatique, est bien le nôtre. Pourchassé par les machines ou déguisé en clown devant la mère et l'enfant, Nespo incarne les peurs, les nostalgies, les contradictions de l'homme moderne.
«(
Claude Bonne/oy
est désormais rongée par une qualité nouvelle d'oubli, qui procède moins de la mémoire que de l'imposture, puisqu'en mourant Gilles paraît avoir emporté avec lui, toutes les certitudes du passé. « De ce mensonge,' dit-eHe en observant l'érosion qui la travaille,
je ferai une vérité. Je vais retrouver mon fils en dedans de mat. Puisqu'il est sorti de ma chair, é'est en ma chair que je le rencontrerai à nouveau. » Cela se fera, en effet : dans
une sorte d'hallucination, elle' aura l'impression, au bord d'un étang, de se donner à ce fils devenu entre temps adulte et ressemblant étrangement à son père. La mort niée, exorcisée par la démence? Pas vraiment, et d'autant moins qu'il ne semble pas que Clarisse Nicoïdski ait voulu mettre l'accent sur la signification freudienne de cette< possession d'un fantasme. Ce qu'elle a voulu, plutôt, c'est la reconstitution des phases successives de la greffe monstrueuse qu'est la réalité de la mort sur un corps qui doit désormais s'accommoder de cette cohabitation. Rien n'est plus difficile que de construire un livre autour d'une présence invisible. Clarisse Nicoïdski y parvient, non seulement parce qu'eHe est un écrivain de talent, mais aussi grâce à la qualité de son regard, chargé, à n'en pas douter, de mémoire.
Cella Minart
Promesse Brecht est à l'honneur dans cette livraison d'automne de la jeune revue poitevine avec des essais sur la peinture chinoise, le théâtre chinois, le formalisme et la dfâlectique prolétarienne. Pour compléter le sommaire, des textes de Guy Scarpetta (sur Brecht), Pierre Rottenberg, Jean-Marie Soreau et Alain Duault.
Les Lettres Nouvelles (septembre-octobre 1970) Numéro très divers et très touffu avec des textes cubain (Nivaria Tejera), américains (Richard Kostelanetz et Tom Wolfe), haïtien (Jean Metellus avec un poème sur Malcolm X), suisse (Pierre Chappuis) et français (Maurice Roche, Jacques-Pierre Amette, Roger Borderie, Michel Vachey, Flora Dosen). Jorge Luis Borges publie une conférence sur le romancier américain Nathaniel Hawthorne. Samuel Beckett fait l'objet d'une étude d'Edith Fournier. Signalons aussi de courts poèmes de Dimitri Buican, écrivain roumain inédit en son pays, sa poésie étant jugée trop pessimiste; par exemple : Penser C'est le péché De tous les temps. D'Adam et Eve C'est le châtiment du rêve.
Raison présente (n° 15) L'enseignement philosophique et l'enseignement de l'anglais sont mis en question dans ce numéro par Maurice Caveing, Lucien Brunelle, Jean Sumpf, Vitor Leduc et Jean Guénot. Hélène Parmelin fait un violent plaidoyer pour la liberté de création, notamment dans les sociétés socialistes. Enfin, Marie-Christine Granjon fait une synthèse (déjà un peu dépassée : tout va vite aux U.S.A.), de la nouvelle gauche américaine.
Esprit (octobre 1970) C'est encore la révolution aux EtatsUnis qui est au centre de ce numéro d'Esprit. C'est un panorama assez complet avec des collaborateurs français (Jean-Marie Domenach, Edgar Morin) et américains (Sylvia Crane, Bob Fitch, Barrington Moore, lan Young). Les centres d'intérêt: les mouvements de libération, la culture des. hippies, . les • familles" et les • communes ", les Panthères noires. la répression. Enfin, la question est posée ; • La révolution est-elle possible aux U.SA?" La réponse de l'auteur est pessimiste... Jean Wagner
Requiem pour un ange presque absence de tout événement hormis la séparation finale des deux jeunes gens, renvoie directement à l'absolu de l'amour qu'elle décrit, et à la douleur que' suscite l'arrachement à la présence de l'Autre. L'amant devient alors une mère en deuil cc habité (e) par un chant acharné et nu qui déploie en (lui) ses racines indomptables, renversant à la poussée de ses branches les murs étroits de sa chair ». Dans cette ultime et douloureuse parturition l'amant cc accompagne ce mort tant aimé, cet infidèle, ce fou, d'une curieuse litanie, une prière funèbre composée pour sa bouche... » (US).
Nicole Quentin-Maurer
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Portrait de Raphaël Coll. « Le Chemin» Gallimard éd., 151 p.
C'est dans l'exquise transparence de sa chair doublée d'une opacité profonde, mystérieuse et qui rend son sexe parfois presque indéfinissable et par là fascinant que surgit l'ange de Raphaël dans les fresques des Chambres. Tel un de ces êtres à la douceur ineffable d'androgyne, avec « l'étrange flèche de son corps organisant le paysage », le Raphaël que décrit Nicole Quentin-Maurer anime et illumine de son passage la liturgie secrète que lui consacre son ami Germain.
Les progrès d'une fascination La nature du sentiment qui porte Germain vers son jeune ami n'est pas sans évoquer la profondeur et la réserve soutenues du héros de la Mort à Venise pour l'adolescent « aux yeux d'aube» qui s'appelle Tadzio. De même que chez Thomas Mann, on assiste ici aux progrès d'une fascination à la fois illUIninante et désespérée, à ces orgies du
Une maitrise étonnante A part de très rares maladresses de style (pp 98 et 145), on ne pourra qu'admirer la maîtrise étonnante dont fait preuve l'auteur dans ce premier roman. Son éeriture frappe et par la profondeur du sujet, et par la qualité du style, qui se maintient jusqu'au bout dans une sorte de cc pertinence extrême» dans le difficile exercice qu'est l'art du portrait. Il faut, je le crois, prêter à cette voix nouvelle, une attention toute particulière.
La grande déchirure
Les amours adolescentes Ces amours adolescentes qui vivent les paysages à la démesure de leur jeunesse et de leur passion paraissent tout droit sortis d'un tableau de l'école du Pérugin. Le « portrait» est l'histoire d'une « Visitation », celle de l'ange impénétrable et lumineux qui dispense la radieuse détresse d'un désir jamais assouvi. Celui qui aime est pour lui un frère, un père, une mère et aussi un amant dissimulant ses orages de désir. Entre eux, les contacts sont de l'ordre du regard seul, de la fascination parfois ponctuée de retour et aussitôt de fuite. Dans ce « voyage chaotique et amer de l'amitié» l'amant se perd : « Et moi, Germain, perdu, je me gonfle d'orgues funèbres, je fleuris de contrepoints obsédants, puis, tout m'abandonne sous mes paupières incendiées, je me dresse vers toi, vers ces lueurs mobiles sillonnant la nuit au-dessus de mon front écrasé, vers ces branches lourdes, ces masques charbonneux scuptés au ciel, vers toi sans cesse ».
ment ... Mais Germain est condamné à vivre avec son secret, avec la mémoire de ses houles intérieures, celle de ses extases et de son désenchantement. L'Ange est « passé outre », tel celui de Rilke, appelé vers d'autres constellations, laissant derrière lui une empreinte dont on ne sait si elle est d'air ou de feu.
regard que vient nonchalamment combler et décevoir l'ombrageuse beauté de l'aimé. La rareté des paroles échangées fait que la communication se fait par le seul feu du regard qui s'emplit de sa fuyante proie; comme chez Proust, l'aimé est un être de fuite.
Un animisme délicat qui épouse les méandres de la passion Un animisme délicat s'associe au rythme « affectif» du style qui épouse avec beaucoup d'art les méandres de la passion. Des résonances gracquiennes se font entendre çà et là, un jardin à rez de parc ») dans cette langue à la fois précise et recueillie qui frôle parfois la préciosité, par le symbolisme dont elle tire de remarquables effets. Les allusions bibliques viennent souvent nimber la personne de Raphaël ; à d'autres moments, ce sont les astres qui président « à des instants de ressemblance entre les deux amis. L'amant « serre alors Raphaël dans (un) ordre secret, (il le) tire dans les chemins du retour, le rappelle sans cesse à de communs miroirs» dans une quête d'identité scénienne, platoniciè'nne. Cet amour est également une maternité et une enfance retrouvées cc dans le ventre satiné » et océanique de la mère, lieu d'apaisement thalassal (dans le sens où l'entend S. Ferenczi) de l'être dans son milieu originel. L'extrême nudité de l'histoire, la
«(
La QuInzaine Uttéraire, du 15 au 30 novembre 1970
Au cc défilé paisible des heures illuminées par l'amour» succède donc la grande déchirure de l'irrémédiable absence, la perte de celui dont la résistance joueuse aurait pu, avec le temps, se muer peut-être en un aveu et un premier consente-
Anne Fabre-Luce.
les livres dont on parle
YVES COURRIERE La guerre d'Algérie lome III
L'heure des colonels
PIERRE VIANSSONPONTE
Histoire de la république ALFRED gaullienne
De la fin de la bataille d'Algel' au drame des barricades (1!l57-1!l6O)
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GROSSER
L'Allemagne de notre temps
Le premier récit historique complet des onze années de pouvoir du Général de Gaulle
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La fin d'une époque Mal 1958 - Juillet 1962 "LES
GRA~DES ETUDES
~ONTEMPORAINES..
Expliquée par son histoire, dessinée pal' deux systèmes politiques, modelée par son temps
"LES GHANDES ETUDES CONTEMPORAINES ..
sont édités chez
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EXPOSITIONS
Viseux~
graveur
Après l'importante exposition consacrée par le Centre National d'Art Contemporain (CNAC) au sculpteur Claude Viseux il y a un an et ses réjllisations monumentales dans le cadre du 1 % (voir l'article de Marcel Billot dans le numéro 104 de la Quinzaine), cet artiste nous présente (1), accompagnée d'une série de petites sculptures récentes, une suite de gravures qui ont retenu notre attention. Ces gravures, réunies sous le titre d'Horographies (12 + 12 = 365) et consacrées au temps, inaugurent une technique très particulière à travers laquelle Viseux poursuit son propos d'assembler des éléments métalliques d'origine technologique.
lement, et seuls l'organique et l'imaginaire m'intéressent. Tu vois, c'est très éloigné d'une at· titude constructiviste, c'est une genèse interne, une sphère qui engendre un cube, toute une gymnastique intérieure... Estimes-tu que la réal isation de ces gravures t'aura été utile pour ton travail de graveur?
Comment as-tu été conduit à aborder le problème du temps qui est une notion, abstraite, a priori assez éloignée de tes préoccupations antérieures? C. V. - Depuis, disons, une dizaine d'années, il s'est produit d'importants changements dans ma manière de faire, c'est-à-dire dans toute cette activité liée à l'assemblage, à la réalisation de certaines sculptures. Au départ, les prétextes étaient biologiques, écologiques, et maintenant c'est devenu, au niveau de la main, vraiment une respiration de toutes les formes que j'accepte. Alors les horographies c'est un nouveau prétexte car il s'agit du temps, il s'agit de formuler certains aspects du temps. Les horographes faisaient des signes sur les premiers cadrans, sur les premiers cylindres et ici, justement, il s'agit de trouver, choisir, modifier certaines surfaces... C'est le facteur temps qui est en jeu et je l'ai abordé comme on tourne les rouages d'un réveil. Dans ces gravures, on verra vraiment le chemin, j'ai tenu à le montrer; il n'y a aucune cuisine, aucun effet de matière et, chaque fois, les couleurs ont été choisies pour mettre en éviden· ce autant que pour dissocier les trois formes. Car il y a toujours trois formes, mais certaines sont quelquefois faites de plusieurs éléments soudés; il y a toujours un élément-réceptacle qui est comme un écran, un élément intermédiaire qui est la transition
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Viseux: Gravure, 1970.
et l'élément perturbateur. Cela fait que tout s'annule et, s'il y a une vie, elle se crée au niveau du regard, par la lectur~. J'ai essayé de normaliser cela par un gris qui reçoit, en spectrologie sensible, une surface métallique, qui reçoit à son tour une forme colorée pure. Il est très important que l'élément perturbateur ait une couleur vive. . Pourquoi as-tu util isé cette technique nouvelle qui, tu me l'as dit, rend les repérages et les tirages très délicats? C. V. - Disons que, jusqu'à présent, les gravures étaient faites sur une surface - cuivre ou zinc - que la main de l'homme blessait avec une pointe sèche, un burin ou tout autre procédé classique. Alors, quand j'ai voulu commencer à parler de ces cc espaces-temps n, j'ai utilisé des pièces préexistantes comme caches et j'ai gravé, j'ai composé comme un graveur repousse un trait pour obtenir la forme. J'ai détouré autour de plaques trouvées mais, en les regardant, je me suis dit cc bon, c'est très joli, très joli ou très mal, mais enfin c'est de l'imagerie, une fausse imagerie n, parce que l'acte de maîtriser une surface, de la ré-
véler n'est pas aussi évident. J'ai voulu trouver un circuit identique entre la machine qui perfore et construit ces plaques et celui qui règle la machine, qui révèle l'encrage de ces plaques. Il était essentiel pour toi de partir d'éléments industriels préexistants ... C. V. - En fait, il est essentiel de dire que je constate ces surfaces mais que je ne les fabrique pas. Disons que, pour moi, toute forme est à la fois instantanée parce qu'elle m'est révélée quand je la trouve et provisoire jusqu'au moment où, face à une autre forme, elle engendre une question ol,! une inconnue. Ici, il y a des pièces technologiques, c'est-à-dire embouties, décolletées, qui sont isolées et méconnaissables; donc on ne voit aucune beauté a priori, aucun sens esthétique défini sauf leur cc ambiguïté n propre... Libre à moi ensuite de redécouper, de monter, d'intervenir dans la fameuse modification qui va se produire quand ce monde, mécanique au départ, basculera dans un élément organique ou imaginaire. Je ne tiens aucun propos géométrique fina-
C. V. - Actuellement, j'éprouve le besoin de me restreindre dans le choix des formes, c'està-dire je voudrais mettre en œuvre des volumes relativement simples et connus de tous, des cubes, des cônes, des sphères; surtout pas de pièce nominative. Il y en a quelques-unes dans les gravures mais très peu et ce sont celles-là les perturbatrices, celles qui ont été pensées pour faire un axe de voiture, un joint de ceci ou de cela; celles-là on pourrait les reconnaître... Donc je tiens à dissocier les pièces nominatives servant tel ou tel aspect que tout le monde, tôt ou tard, peut identifier, et les cercles, les carrés, etc. Il faut dire que pendant des années je me suis posé le problème du point zéro d'une forme. Par l'informel, je me suis dit cc je m'interdis d'accepter quelque forme que ce soit n, je voulais connaître la nature de sa matière interne. Je n'ai jamais eu de besoin de destruction mais besoin d'ouvrir le ventre aux choses. En trouvant une sphère, j'avais envie de la déchirer à l'arc électrique pour voir ce qu'il y avait dedans et quelquefois, à l'intérieur, j'ai trouvé des choses qu'on y avait mis, des robinets par exemple, des tuyaux. Et puis les images sont nées, l'acceptation des formes qui n'est venue qu'après l'exploration de la matière par des essais au niveau du matériau. Je n'ai plus ce côté de dire « nous sommes une outre avec un estomac à l'intérieur», mais j'en envie de dire « il y a une superposition de surfaces, en un certain ordre engendrées » qu'il faut faire percevoir en se mettant dans la peau du spectateur qui, encore une fois, constate. Propos recueillis par Jean-Luc Verley (1) Galeries «Le Point Cardinal., 3, rue Jacob, 3, rue Cardinale, 12, rue de l'Echaudé-Saint-Germain.
INFORMATIONS
Dans les galeries Poliakoff Toute l'aventure de l'art contempo· rain se résume dans l'œuvre de Polia· koff (Musée d'Art Moderne et Galerie Dina Vierny). Libérée des exigences de la représentation la peinture peut vivre de ses propres ressources. L'œuvre de Poliakoff le prouve amplement. Il y a là une aventure isolée qui peut paraître monotone quand, en fait, elle est surtout obstinée, patiente et fidèle. Avec simplement de la couleur, sans dessin pour flatter l'intelligence, une œuvre s'élève devant nous, et son chant s'affirme et se déploie dans notre mémoire. Parce qu'il y a, dans la poussée lente, têtue, de la couleur sur la toile, en vue d'une organisation qui épouse moins les caprices du moment' qu'un juste équilibre (qui nous fait penser à celui des voûtes romanes), une gravité, une sensibilité, une inquiétude aussi, des élans, qui témoignent, ouvertement, d'un homme. A travers l'œuvre il transparaît, s'impose aussi. C'est dire qu'une telle peinture a la chaleur communicative d'un discours confidentiel.
Beaudin On ne quitte pas les poètes avec Beaudin (Galeries Nationales du Grand Palais). Il a su tirer du cubisme une leçon de rigueur qu'il ne confondit pas avec l'assèchement scolaire qui était compris dans cet héritage si difficile à recevoir. Manieur de lumière (comme le furent Turner, Monet ou Morandi), il sait distribuer, avec pondération, une joie intime que lui donnent les choses simples : un visage si tendre dans l'angle des regards, un paysage: Paris bercé sur son fleuve.
Colas-Guérin Vladimir-Pavlowsky Corneille Avec Corneille (Galerie Ariel) nous abordons le monde de la turbulence, l'enfance y est encore proche (Beaudin a plutôt la nostalgie de l'adoles· cence) avec ses insolences, ses inventions, sa fraîcheur inimitable.
cc
Lanskoy Même si elle n'est constituée que de pièces éparses, choisies dans des périodes différentes, l'exposition Lanskoy (galerie Bongers) répond parfaitement à la curiosité naturelle de l'amateur qui y trouve une démonstration des mécanismes créateurs de l'artiste. Le collage, entre autre, si original chez Lanskoy, y définissant une appropriation de l'espace qui n'obéit pas seulement aux exigences de l'œil - la fête de la couleur n'y est point cependant exclue - mais aux impatiences de la main. On la suit, ardente, vive, emportée, dans la distribution des masses, la mise en place des lignes de force. Du monde extérieur, le peintre n'a peut-être retenu que des instants, des rythmes, mais de même que le buisson traduit la forêt, l'élan végétai, un Lanskoy porte encore dans sa chair les élans de la vie. Il est réaliste au-delà des images.
Bryen Il en est de même pour un Camille Bryen (Galerie de Seine), venu des mots, aujourd'hui manieur de gestes, distributeur de lumières qui suspendent dans l'espace des questions. Ce passage de l'image au verbe se fait dans les deux sens.
Max Ernst Chez Max Ernst (La Hune) on voit plutôt une continuité dans les rapports de sympathie entre peinture et poésie. Les collages, naturellement, favorisaient cette alliance. Dans quel ordre les ranger : sont-ils des images, 'des énigmes verbales? On y découvre, de même que dans la peinture d'Ernst, et dans ses poèmes, cet humour très particulier où la férocité se cache derrière les roses de l'esprit.
dixième anniversaire, c'est l'accomplissement des prophéties d'Apollinaire : ce siècle découvrira la poésie du journal quotidien, des faits divers, de la machine; autrement dit une poésie urbaine. C'est fait. César, Arman, Villeglé, Hains, Tinguely y ont puisé des forces suffisantes pour travailler, aujourd'hui, au-delà d'un groupe. L'histoire, d'ailleurs, l'a assimilé. Une exposition comme celle-là a un petit air nostalgique de musée qui fait réfléchir. L'histoire va bien vite aujourd'hui.
Nouveau Réalisme ))
J.-P. Clebert et Pierre Bettencourt présentent les œuvres de Colas-Guérin (Galerie Desbrière et le Soleil dans la tête) qui s'inscrivent dans l'héritage de la « Nouvelle figuration - : toute d'horreur charnelle contenue. C'est, au contraire, dans l'abstraction la plus résolue que travaille' J. VladimirPavlowsky (Galerie La Roue) qui aime agencer de sensuelles mais parfois inquiètes matières, pétries, dirait-on. par une main d'angoisse qui, parfois, s'accorde des grâces et des temps de repos.
Avec le «Nouveau Réalisme--, dont la galerie Mathias Fels fête le
Jean~acques
Lévêque
fil••••••••••••••••••••••••••••••••
André Masson Inscrite à l'écart des polémiques actuelles, poursuivie à contre-courant des modes, inaltérée par les recherches de l'anti-peinture, l'œuvre d'André Masson nous atteint cependant de façon étrange, et, près de cinquante ans après ses débuts, nous concerne toujours aussi directement. Pourquoi? Peut-être parce que mieux qu'en aucune autre, on y déchiffre le visage multiple de l'art de ce siècle, la diversité et la simultanéité des courants que Masson a su assimiler, mais aussi, ensuite, et souvent souterrainement, inspirer. Parce qu'on y lit la trace du cubisme, de l'expressionnisme, de Klee, qu'on y perçoit une des composantes du Surréalisme, qu'on y découvre une des origines de l'abstraction lyrique et aussi de l'art des signes. Parce que ces influx si divers sont intégrés dans une totalité aux facettes plurielles mais cependant indissociables. Puisque aussi bien, la peinture de Masson est cérébrale, construite, parfois presque littéraire, mais capable aussi de s'abandonner à l'immédiateté de la nature et au jaillissement d'Eros : peinture qui, d'une· toile à l'autre, ou dans la même, accorde le rythme saccadé du temps urbain et les calmes ondes du temps bucolique, les stridences de la ville et les harmonies sourdes de la nature. Bref, le don de Masson, c'est peutêtre de s'être laissé prendre au cœur de nos contradictions et d'avoir su les recueillir et s'y recueillir avec sérénité. Tel apparaît le peintre dans l'exposition que 'Ia Galerie Louise Leiris consacre à ses travaux (dessins et peintures) des deux dernières années. Les vingt-cinq dessins, sont très divers
La Quinzaine Littéraire, du 15 au 30 novembre 1970
par l'inspiration - paysages et corps de femmes, visions panthéistes (Hommage à William Blake), scènes étranges situées dans des espaces imaginaires mais identiques par la vigueur de la plume qui fait de Masson un des plus grands dessinateurs contemporains. Parmi les peintures, on est frappé du resurgissement, dans certaines toiles, de l'écriture surréalisante si particulière à Masson, caractérisée à la fois par la rigueur de sa construction et la place qu'elle donne aux blancs, à l'informulé (Au parvis de l'énigme, 1970). Cependant, Masson n'abandonne pas les espaces entièrement remplis, aux formes enchevêtrées et frénétiques, aux couleurs électriques, qui enchantèrent le jeune Pollock (L'engloutissement, 1968, Le pouvoir des fleurs, 1968-1969). Mais les deux toiles les plus surprenantes sont inspirées par le paysage de la mer du Nord : presque vides, l'une d'elles presque monochrome, la nervosité de Masson ne s'y exprime plus dans le trait, mais dans le frémissement de la mince surface colorée. Fantasmes des dunes de Texel (1968) laisse surgir un étrange oiseau dans le ciel bistre qui enveloppe la terre et la mer, tandis que Néréides de la mer du Nord (1968) ouvre aux divinités la longue route dorée de la plage, entre la mer et les dunes. Faces crépusculaire et diurne d'une même expérience, ces deux toiles vaudraient à elles seules la visite d'une exposition où l'on découvrira qu'André Masson poursuit son aventure en l'approfondissant - mais dans la fidélité à soi, et sans rien aban· donner. Nicolas Bischower
Le Comité du Salon de l'Ecole t:ran· çaise 1970 qui présentait 220 artistes et 350 œuvres a décerné ses différents prix aux artistes suivants: Mrs Hilda Carmel, M. A. Sidqui, Mahine Oolatchah, J.M. 'Géron, Thérèse Lehucher, Maurice Merger et Guy Péron, Fernan· de Lestage-Mauponné, ·F. Kerleroux, G. Sailly, Isabelle de Battlk, Jane Larroque, Hélène Yankova, et Hélène Boullier. Le 20 novembre sera Inaugurée à Valence (Espagne) la galerie CALANIS - obras de arte - Calle Nave 25, avec des lithographies originales d'ar' tistes contemporains: Picasso, DaIl , Masson, Lapicque, Carzou, Borès, Clavé... Simon HA-NTAI expose ses peintures récentes àla galerie Pierre Matisse à New·York. Présentée par Anatole Jakovsky, Patricia MARTON expose galerie Antoinette rue Bourbon-Ie-ehâteau. "Le Musée Boymans Van Beunlngen de Rotterdam organise une rétrospective des œuvres de Sal.vador Dall, jusqu'en janvier 1971. ta Fondation Paul Ricard a prêté à cette occasion «-La Pêche au thon - qui lui appartient depuis quelques années. Le peintre autrichien Rodolphe Rlchly fête ses 84 ans en exposant galerie Arlette Chabaud rue Bonaparte. Ingvar Larsson, Lore Kegel et Harald Kinckowtrom terminent la saison de la galerie Valombreuse de Biarritz. Après l'exposition des dessins du Pr Schroder, la galerie Eskens présente les gouaches récentes de Desternes (rue Sainte-Anne). Balbi, Sohaap-Holster et Oljens suc· cèdent à Pastorini aux cimaises de la galerie Moufte, rue MouttetarCl.
GALERIE LAMBERT Peggy GOLDSTEIN Sculptures 14, rue St-Louis-en-l'lIe, (4e) GALERIE VILLAND ET GALANIS 127, bd Haussmann Tél.: 225-59-91 Pierre CHARBONNIER Peintures récentes 17 novembre-20 décembre GALERIE HENQUEZ·SAINT·JOIGNV 96, rue de Rennes - (6e) AUGEARD LE MERDV P. ROZ 1 E R 17 novembre-5 décembre
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V • • ANISME
A la recherche Lewis Mumford Le déclin des villes ou la recherche d'un nouvel urbanisme France Empire éd., 336 p.
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Alexandre Mitscherlich Psychanalyse et urbanisme Gallimard éd., 206 p.
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Pour Henri Lefebvre, dans un de ses derniers ouvrages (1) « l'ur· bain monte à l'horizon, occupe lentement le champ épistémologique, devient l'épistémè de l'époque. L'histoire et l'historique s'éloignent. La psychanalyse, la linguistique, comme l'économie politique, après leur apogée, commencent à décli-
ner ». On contestera que la psychanalyse, la linguistique et l'urbain forment des champs homogènes, on protestera que l'urbain n'est pas une figure de l'épistémè. En revanche, il faut bien constater que le discours sur la vil1e qui naquit avec 'Owen et Fourier au début de l'ère industrielle occupe aujourd'hui une place grandissante dans la réflexion de notre société. sur soi et dans le projet des sciences humaines. Et il est non moins certain que l'arrachement de ce discours à ses structures du XIX- siècle n'en finit pas de s'achever. C'est ce dont témoignent trois livres parus en français depuis juin dernier : La révolution urbaine d'Henri Lefebvre, Le déclin de!j, vil· les de Lewis Mumford, Psychana. lyse et Urbanisme d'Alexandre Mitscherlich. Trois pays, (France,· Etats-Unis, Allemagne fédérale) trois disciplines (la philosophie, l'histoire, la psychanalyse), trois orientations politiques (un marxien, un démocrate, un libéral) différentes n'en laissent que plus fortement apparaître les identités, l'appartenance à une même constellation épistémologique, de transition. Même violence dans l'attaque des réalisations urbaines actuelles, mê· mes chefs d'accusation: monotonie, indifférenciation qui supprime la créativité humaine, (substituant le mécanique à l'organique, le produit à l'œuvre). Même étiologie, cherchée dans la propriété privée du sol urbain et dans la division du travail, inductrice de passivité (l'analyse -de la vie quotidienne par Mitscherlich recoupe celle de Lefebvre). Dans les trois cas, la critique se fonde sur la même image de la belle totalité médiévale, du paradis
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urbain pré-industriel où « l'homo me » trouva le lieu de sa réalisation. Dans les trois cas, même effort presque désespéré pour s'arracher à ces nostalgies, intégrer la spécificité du présent. Lefebvre renonce aux évocations médiévales qu'on trouvait dans Le droit à la ville et, dans une perspective bien proche de celle de Foucault, invoque « coupures}) et mutations. Mumford évoque de « nouveaux modèles d'intégration urbaine» tandis que Mitscherlich assure qu'il n'est « pas question de faire revivre les vieilles villes... ni de les prendre pour modèles ». Enfin, à chaque fois, l'auteur se veut généraliste qui transcendera les divisions du travail intellectuel fata· les à l'urbanisme (et dénoncées avec une verve particulière par Lefebvre dans sa critique des opérations pluridisciplinaires); ainsi, le métaphilosophe Lefebvre effectue, grâce à la pensée dialectique et utopique le même travail que l'historien Mumford, grâce au poids de la mémoire historique, ou que le psychanalyste Mitscherlich grâce à l'intervention de la mémoire philogénétique du psychisme humain. Et, à chaque fois, l'œuvre de sauvetage s'accomplit donc en partie dans une prise de conscience, dans une identique attitude réflexive.
_Entre Venise et Tokyo La convergence de ces critiques, leur commune violence, leur fixa· tion à des concepts comme ceux de centralité, leur attachement à la fi· gure idéale de la ville dont l'arché· type flotte curieusement entre Venise et Tokyo; leur incapacité même à se défaire d'une terminologie (la-ville - l'urbain) dont Mumford a pourtant montré qu'elle impliquait par définition un autre terme, la campagne, face cachée de ce qui constitue un seul et même processus; et dont pourtant Lefebvre a reconnu avec pertinence qu'elle devrait être amputée du terme campagne dont la dénotation a irrémédiablement disparu; tout cela témoigne de la puissance de la constellation épistémologique évoquée au début et montre assez qu'à la racine de ces discours, on doit trouver plus qu'une crise économi· que ou politique, une « crise de civilisation ». Et c'est bien d'ail· leurs ce dont témoigne aussi l'existence d'une crise urbanistique ana· logue à la nôtre (2), dans des pays
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comme l'URSS où pourtant le sol urbain est nationalisé. Mais on pourrait aussi centrer l'éclairage sur les différences entre ces trois livres et ce qui peut constituer la part propre de chacun dans l'appropriation d'une constellation nouvelle. Dans cette optique, nous envisagerons seulement les ouvrages de Mumford et de Mitscherlich, que rassemblent une positivité - et sans doute aussi un positivisme étrangers à Lefebvre.
La scène urbaine américaine En ce qui concerne le premier, le contenu n'est ni à la hauteur du titre ni, de loin, au niveau des ouvrages à l'incomparable érudition qui ont fait la renommée de Mumford, tel en particulier The Culture of Cities (non traduit en français) ; c'est qu'il s'agit, en fait, d'une série d'articles de circonstance, échelon· nés de 1956 à 1968, au gré de l'actualité urbaine américaine. De rapides analyses consacrées à la nécessité de mélanger les classes d'âge (intégration du troisième âge dans la cité) ou exigences écologiques de l'enfance laissent transparaître l'image, déjà familière aux lecteurs de Mumford, d'un modèle urbain issu de Ebenezer Howard, préfiguré dans les nouvelles villes anglaises, et dont l'évolution récen· te des transports devrait enfin rendre la réalisation possible. En fait, pour le lecteur français, l'intérêt assez ténu de ce livre tient à l'évocation (impressionniste) de la scène urbaine américaine, qu'il s'agisse de la genèse des villes ou de la problématique urbaine incar· née par ses hérauts, de Mumford lui-même (voir le vigoureux autoportrait brossé dans sa déposition devant le Sénat) à Henry Wright et Clarence Stein, en passant par ses têtes de turc, Jean Gottmann Doxiadis, Jane Jacobs. Cette dernière, que la F:rance découvre aujourd'hui, dix ans après la parution de son premier livre (3) fait l'objet d'une polémique éclairante et démystifiante, en particulier pour les Européens, qui se jettent sans critique sur le message de Mrs Jacobs. Sans nier la contribution de celle-ci au bon sens, Mumford montre à l'origine de son livre l'obsession (américaine) de la sécurité et dénonce les extrapolations et confusions sur lesquelles il repose : apologie de la
ordre
grande ville à quoi sont attribués une série de caractères empruntés à Greenwich Village ou à des agglomérations de type pré-industriel. Sa « grande cité américaine n'a comme arrière-plan que la vie humble d'un quartier historique tellement spé. cial qu'il en devient unique ». Où est l'urbain ? Dans l'imagination de l'intellectuel romantique qui en projette les structures pittoresques et anachroniques sur la mégapole dont les dimensions le subjuguent. La leçon est à méditer. Le livre de Mitscherlich est d'une tout autre portée. Il apporte sans doute la première (4) contribution systématique de la psychanalyse à la théorie de ce qu'on appelle en· core l'urbanisme et ouvre des voies que des chercheurs allemands ont déjà commencé d'explorer (5). Un exposé schématique montrera que ses thèmes et thèses résultent d'une lecture de Freud à l'opposé de celle des post.freudiens de gauche, notamment Marcuse.
La ville comme image maternelle archaïque La figure de la ville chez Mitscherlich est intégrée dans une vision dualiste de l'homme. D'une part, celui·ci est l'être qui se plie à toutes les adaptations et, par la mobilité de son intelligence, construit une seconde nature. D'autre part, il demeure l'animal prisonnier de la « nature primaire » qui a eu besoin d'un « ancrage dans un réseau de relations affectives constan· tes pendant une longue période de maturation » pour pouvoir accepter leur ambivalence et réaliser ensuite ce dépassement. L'individu humain est ainsi pris dans un processus circulaire où les niveaux primaire et secondaire se déterminent mu· tuellement. Et, traditionnellement, la ville - dont l'image ressemble à celle d'une personne et qu'un lien « objectal» lie à son habitant est le lieu privilégié de ce proces· sus : lieu du développement de l'intelligence et de l'autolibération, mais aussi des relations interpersonnelles primaires et de la socialisation qui les conditionne. Cette théorie éclaire pour Mit· scherlich l'événement consécutü à la révolution industrielle : l'intelligence transforme le milieu à un
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rythme qui menace le nécessaire enracinement affectif. Dans le «conflit entre volonté d'organisation du neuf et réflexes primitifs d'auto-conservation », la vie est débordée par la massivité de la création anti-naturelle. Pas plus que les métropoles du XIXe siècle, les nouveaux ensembles du XXe siècle ne peuvent apporter à leurs habitants le «minimum vital» de satisfactions primaires. Si on se souvient du rôle déterminant des quatre premières années de la vie pour le destin psycho-affectif de l'individu humain, c'est au niveau de l'enfant qu'apparaît le plus dramatiquement la double carence de ces environnements. Ils sont en effet impropres à assurer aux petits le sentiment de sécurité et le libre jeu des pulsions affectives primaires (qui par définition ne peuvent être contrôlées qu'après avoir reçu satisfaction). Et ils sont également impropres à fournir les réseaux où l'enfant puisse faire progressivement l'expérience de l'ambivalence des relations humaines et à travers elle apprendre à « renoncer à satisfaire son ego primaire ». A la figure précise de la cité se substitue une image maternelle archaïque indifférenciée, terre-mère nourricière qui n'est plus . perçue comme gestalt et objet libidinal mais dont on attend passivement qu'elle vous nourrisse.
Des conduites régressives C'était là le thème de la Société sans Père. Frustré, l'individu se réfugie dans une série de conduites régressives, névrotiques. Il fuit dans la passivité de l'hyperadaptation : c'est ainsi que Mitscherlich interprète l'inertie des habitants des grands ensembles, leur incapacité de formuler des revendications positives. Il fuit aussi dans l'individualisme dont Mitscherlich dénonce deux manifestations pathologiques solidaires : la régression-fixation au « tabou de propriété privée » (<< quant aux forces qui s'opposent à une redistribution du sol urbain, je propose d'y voir l'action d'organisations pulsionnelles du type primitif »); et le développement de l'idéal pavillonnaire, tentative suprême de l'ego lésé pour se soustraire aux contraintes de la discipline sociale. Mitscherlich rappelle, à ce propos, comment à l'époque de la cité, le jeu des différences, si
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urbain souvent invoqué aujourd'hui par les urbanistes, reposait en fait sur un fond d'identité, toutes les demeures étant bâties sur un même prototype ou standard, librement accepté. Le cercle noté plus haut est donc bouclé à l'envers. Notre urbanisme régressif assimilable à une réaction de panique, est incapable de créer le milieu favorable au développement de l'ego : il forme des sur-. adaptés (inadaptés). Cette analyse pessimiste débouche cependant sur une série de propositions concrètes ressortissant à une double activité réflexive et pratique : lutte contre la puissance dissimulatrice de l'inconscient et combat pour la reconquête du sentiment de respectabilité, mais aussi élaboration d'un milieu plus favotlible à la construction (Bildung) du petit humain. Or, bien que pour Mitscherlich « la grande ville soit une donnée inéluctable pour une société qui ne peut venir à bout de ses tâches d'organisation que par un énorme accroissement des services », il est cependant amené ici à proposer et définir une petite unité « reposant sur une expérience affective de tous les instants», la seule où puissent se constituer des relations humaines véritables - et où l'enfant dispose à la fois de « voisins» et d'un espace non abstrait (avec boue, cachettes, animaux vivants, etc.). La candeur des analyses de Mitscherlich fera parfois sourire. Comment peut-on par exemple rendre compte du statut foncier des villes par la seule régression à un tabou? Comment peut-on aussi radicalement faire abstraction des dimensions économiques et politiques de la ville ? Pourtant, ces simplifications, ou plutôt le choix des strates élémentaires du psychisme où se situe l'analyse, ne doivent pas faire méconnaître l'apport considérable de Mitscherlich. Si celui-ci se rattache à bien des égards, comme nous l'avons montré, aux « idéologies» du XIXe siècle, il contribue cependant à les faire éclater. L'introduction délibérée de l'inconscient (et en particulier de concepts tels celui de régression) dans le discours sur la ville, en perturbe aussitôt l'ancienne organisation. Ainsi la dichotomie des for· ces primaires et secondaires du psychisme présente sans doute une grande valeur opératoire. Elle peut notamment rendre compte de l'existence, sous-jacente dans le discours
La Qulnzalne Littéraire, du 15 au 30 novembre 1970
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sur la ville depuis le XIXe siècle et jusque dans les projets urbanistiques les plus récents, des deux courants que nous avions nommés progressisme et culturalisme. Dès lors que ces systèmes de valeurs seraient repérés dans leur simultanéité, une double recherche s'imposerait. D'une part, elle tenterait de rendre nos agglomérations vraiment contemporaines de nos savoirs et savoirs-faire, des acquisitions de la science et de la technologie. D'autre part, elle entreprendrait d'en faire des matrices propices au développement de l'identité personnelle et à la création de relations interpersonnelles. Cette vision duelle ne doit pas être interprétée comme une homélie sur le changement dans la continuité : tout en dégageant la notion de « seuils de dénaturalisation », Mitscherlich n'en ouvre pas moins à celle-ci un horizon infini. En outre, ne serait-il pas temps de réfléchir aux petites unités évoquées par Mitscherlich. Pareille structure ne marque-t-elle pas le moment de rompre avec le concept de l'urbain ? La réalisation dialectique de l'urbain par l'urbain a-t-elle un sens? Ce qu'on appelle l'urbanisation (planétaire) ne marque-telle pas la fin de l'urbain ? Penser et réaliser ces nouvelles unités écologiques ne conduirait-il pas au seuil
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d'une constellation nouvelle, celle que nous masquent encore tant de concepts, la ville, la campagne, le centre, et qui les remplacerait pa~ ce que nous avons nommé ailleurs le post-urbain? . Si Mitscherlich ne va pas jusque là, son livre permet de poser la question et il ébranle, parfois malgré l'auteur et en dépit de tous les liens qui l'y rattachent, les fondements de l'ancien discours sur la ville.
Françoise Choay (1) La révolution Gallimard.
urbaine,.
idées.
(2) Que Lefebvre reconnaît sans pouvoir l'expliquer.
(3) The Death and Life of the Great American Cities, Random House; N.Y. 1960. Voir « La Quinzaine» n° 3; j'avais donné de larges extraits de cet ouvrage en 1965 dans Urbanisme, Utopies et Réalités, Le Seuil. (4) Devançant la publication des travaux d'ailleurs très différents, de J. Rykwert. Cf La Maison d'Adam au Paradis, à paraître au Seuil. (5) Voir notamment de R. Bentmann et M. Müller Die Villa ais Herrenschafts-Archirekrur, Suhrkamp 1970, qui reprend, en l'approfondissant et en l'appliquant à l'analyse de la villa palladienne, puis de la villa péri-urbaine des XIX' et XX' siècles, un thème cher à Mitscherlich.
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ESSAIS
Les réalités locales .
Maurice Agulhon La République au village Coll. « Civilisation et mentalités » Plon éd., 540 p.
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Depuis le Tableau politique de la France de l'ouest, la sociologie politique n'avait guère fait que suivre et perfectionner la méthode mise au point par André Siegfried.• En débarquant en Provence en 1832, la duchesse de Berry comptait bien aborder une terre fidèle, « une Vendée méridionale»; le Midi méditerranéen n'avait-il pas été le pays de la Terreur Blanche? Il cesse de l'être, sans grande raison apparente, au cours du règne de Louis-Philippe et c'est cette énigme que Maurice Agulhon essaie de résoudre dans cet ouvrage. Cette micro-histoire n'aurait pas plus retenu l'attention pourtant, si la nouveauté de l'approche ne faisait de cette étude un exemple, aussi révolutionnaire, à sa façon, que l'ouvrage, désormais dépassé d'André Siegfried sur l'Ardèche. Elle permet de comprendre également comment, de l'univers dramatique de 1848-1851, on est passé à l'univers serein de 1880-1940 parce que l'ancien régime économique a disparu au temps du Second empire ; et comment, du folklore serein de la politique de gauche, on passe au climat actuel parce que la société paysanne se défait et s'intègre à l' « univers des loisirs » où la Provence tient la place que l'on sait. Mais l'essentiel n'est pas là. L'intérêt de l'ouvrage se trouve dans le fait que Maurice Agulhon rompt avec les schémas mécanistes qui, traditionnellement, résolvaient tous les problèmes par l'opposition grossière des intérêts de classe; il rajeunit et bouleverse cette appro'che en sachant montrer que le même individu peut être à la fois un et plusieurs, sans prendre nécessairement conscience des contradictions qu'implique la complexité de son statut. Ainsi, « un paysan peut être un salarié, par rapport à son employeur, ou un preneur de bail, par rapport au propriétaire bailleur. Dans les deux cas, il fait face au bourgeois. Il peut être aussi (et souvent simultanément) un producteur confronté au marché des produits agricoles, affronté à tous les échelons du monde du négoce. Il est enfin un villageois, inséré dans le réseau si complexe des droits et des devoirs de la commune. Qu'est-ce qui a le
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plus compté et le plus concouru à le pousser à l'action ? » Cette question se compliquerait encore si cino quante ans plus tard, on ajoutait que ce même villageois est à la fois patriote et internationaliste, socia· liste et très attaché à sa petite propriété. Méthodiquement menée, l'analyse montre qu'au tournant .du XVIUe-XIXe siècle, les masses ru· raIes ont plus ou moins perdu les ressources d'appoint fournies na·
des riches, elle se manüeste souvent
à l'occasion des fêtes folkloriques, que la droite catholique essaie de récupérer à son profit mais vaine· ment. D'autres pratiques collectives comme le carnaval et le charivari deviennent prétexte à manifester dans la rue sans trop de risques. Cette vitalité folklorique (qui annonce le renouveau régionaliste des époques postérieures, et qui est une forme de la résistance à l'Etat et à ses fonctionnaires, ne va pas, d'ail-
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Jean.Jacques Salomon Science et Politique Le Seuil éd., 407 p.
Le premier et immense mérite de Jean-Jacques Salomon est d'apporter des informations en un domaine où la littérature de langue française a produit jusqu'ici plus de pamphlets que d'analyses fondées. Il s'agit ici du statut de la science. Entendons bien: non de ce c( genre culturel » abstrait dont les manuels de philosophie présentent l'image défraîchie, mais de cette institution multiforme qui, dans les sociétés modernes, joue un rôle déterminant intellectuel, politique, stratégique, technologique, social. Il est question de l'activité scientifique en tant que celle-ci concerne directement aujourd'hui non seulement le travail de la cc pensée » mais encore et surtout le niveau des forces productives, l'organisation des rapports de production et les problématiques politiques.
La science comme vocation pratique
guère par les industries diffuses. Les campagnes ont ainsi été d'autant plus sensibles aux contraintes que subissait l'uage collectü d'un certain nombre d'usages ou de biens, les forêts en particulier. .Bien avant mai 1968 et ses séquelles, les incendies de forêts ne se comptent plus, « la haine des populations envers l'Etat oppresseur se manifestait à l'endroit des agents forestiers : elle est la principale cause de ces sinistres » (1838). Cette tradition d'indocilité se retrouve en mille occasions, la lutte contre l'impôt, notamment, qui permet de vérifier l'alliance soigneusement cachée de l'Etat, des hommes de loi et
leurs sans l'ébranlement de la piété traditionnelle, rendant l'église vulnérable à l'assaut de la libre pensée. Parallèlement, l'horizon culturel des masses populaires s'élargit. D'abord, on apprend à lire, puis on connaît mieux le français et on assiste à cc une descente sociale» des goûts littéraires ou autres : toute une réalité sociale et politique se découvre aux masses comme il en est aujourd'hui avec l'image et le film, compréhensibles de tous, qui n'ont pas de patrie et sont un facteur d'accélération dans l'acquisition du savoir, de la réflexion politique et de la prise de conscience. Marc Ferro
J.-J. Sawmon rappelle d'abord opportunément que la science, dès qu'elle s'est constituée comme telle, aux XVIe - XVIIe siècles, s'est donné une vocation pratique. Il a fallu tout l'empirisme débordant du siècle dernier ...:..- tant sous sa forme positiviste que sous son avatar spiritualiste - pour qu'on en vienne à oublier que· Galilée s'est voulu aussi ingénieur, que le Descartes de la quarantaine projetait de réformer radicalement, grâce à sa nouvelle physique, la médecine et la mécanique (et, du coup, la morale) èt que le personnage central de cette opération fondatrice est le chancelier Francis Bacon, baron de Verulam, politique et réformateur. Car c'est finalement l'image du chancelier qui s'impose historiquement. De la nouvelle Atlantis de Bacon au Tableau historique des progrès de l'eaprit humain de Condorcet, publié à la fin du XVIIIe siècle, la même idée' mobilise les ip.tellectuels épris de cette science nouvelle : celle d'une société où le pouvoir - le pouvoir de décider comment doivent être organisées les sociétés - serait tributaire du savoir - un savoir expérimentalement et logiquement justifié.
• Vocations de la sCience l'histoire, mais la critique) qu'il va vite lorsqu'il résume en quelques pages le devenir navrant qui a conduit le matérialisme dialectique des débats entre « mécanicistes » et « déboriniens » à Jdanov et à Lyssenko...
Le savant et le scientifique
Galilée, par Ottavio Leoni, Bibliotheca Marucelliana, Florence.
Or, il va de soi que s'attribuant ce rôle pratique" la science doit rencontrer concrètement la politique. Cela arrive précisément lors de la Révolution française. Il n'est pas tout à fait sûr que J .-J. Salomon soit juste avec les Conventionnels. Peu importe: ce qui compte, c'est qu'il marque avec précision - dans son esquisse historique - l'attitude de la bourgeoisie au pouvoir lorsque les conséquences de la révolution sont réduites. De 1815 à 1930 le libé· ralisme joue double jeu. En tant qu'il est propriétaire de l'Etat, il « laisse faire» les savants; il les protège distraitement; il leur accorde quelquefois des garanties, mais quasiment aucune ressource. En tant qu'il détient les moyens de production et qu'il pressent l'importance de la recherche scientifique, il s'efforce de l'infléchir déjà du côté de la rentabilité technologique.
La science, affaire d'Etat Ainsi se trouve posé, de biais, le problème de ces cinquante dernières années. F.D. Roosevelt demande, après la crise, aux chercheurs américains de s'associer à l'élaboration du New Deal; Léon Blum fait d'Irène Joliot-Curie, puis de Jean Perrin, des sous-secrétaires à la Recherche scientifique. Dès lors, la science devient une affaire d'Etat. Elle l'était déjà, il est vrai, en Union soviétique; là encore, on pourrait dire à J.-J. Salomon (sans 'reproche, car son objet n'est pas
En tout cas, le problème est désormais, posé au fond. Le XIX" siècle a laissé subsister la notion du savant, chercheur désintéressé, passionné d'abstraction, distrait et utopiste. Depuis quelque cinquante ans, « sous la pression des événements», disons plus nettement : à cause du' développement industriel et des impératifs stratégiques de la deuxième guerre guerre mondiale, est advenu le scientifique. Ce dernier, ce n'est pas le savant - celui qui sait, au sens où pouvaient l'être Descartes, Leibniz ou Lavoisier - ; ce n'est pas l'ingénieur, au sens vieilli et désormais contradictoire « du bricoleur qui s'y connaît»; ce n'est pas le technocrate (il faut se féliciter à cet égard, que, dans ce texte, J .-J. Salomon ne s'étende jamais sur deux débats encombrants et inutiles : celui de la nature de la technocratie et celui de la différence / ressemblance entre sciences de la nature et sciences humaines). Le scientifique sait qu'il appartient à un groupe social relativement unifié; qu'il a une fonction dans la société, imposée par cette société même, qu'il a des objectifs, tenant à ce statut social, mais aussi aux exigences propres de son métier ; qu'il est, en fin de compte, un employé - de l'Etat, des indus· triels, mais que son emploi a une tradition telle et une efficacité si grande, tant imaginaire que réelle que sa place dans la production est exceptionnelle. Dans la deuxième partie de l'ouvrage, la plus riche pour le lecteur de langue française, J .-J. Salomon met en évidence le fait que la science contemporaine soutenue par ses techniques, mais coincée entre la fonction qu'elle se donne et la place qu'on lui attribue est incapable d'imposer, parce qu'elle ne saurait la déterminer en toute sûreté, une politique de la science. Selon l'auteur, la rationalité en acte, la raison réelle, n'a pas le pouvoir de savoir ce qu'elle veut, de faire valoir clairement ce qu'elle propose.
La Qu1nza1ne Uttéraire, du 15 qu 30 novembre 1970
Dès lors, le scientifique est doublement responsable. Science et politique étudie - avec des références remarquables et surprenantes - l'apparition de cette responsabilité naine et péremptoire chez les physiciens des U.S.A. qui sont à l'origine de la fabrication de la bombe atomique; il met clairement en place la signification à la fois navrée et confiante des promoteurs du mouvement Pug-
....
wash. Doublement responsable : à l'égard d'une science dont le scientifique ne parvient pas à apprécier les développements à l'égard d'une société qu'il ne contrôle pas, à laquelle' il fournit des instruments d'une extraordinaire efficacité, qui dépend de lui, mais dont, plus fondamentalement, il dépend. Avoir tant de puissance, et si peu de pouvoir !
vient de paraître
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OCTOBRI 1970 SARAH KOrllAI L'enfance de l'art
une interprétation de l'esthétique freudienne
.lACQUIS BIIIT
Psychologie économique ahicaine
DOIIIIIQUI ZAHAI
Religion, spiritualité et pensée ahicaines
LOUISB WIISS
Mémoires d'une européenne
Tome DI (1934-1939)
BILlIE DIUTSCH
La psychanalyse des névroses
PAUL TILLICH
Histoire de la pensée chrétienne
IASTOI BOUTHOUL Traité de polémologie
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Psychologie de la motivation
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IIAXIMILIII RUBIL
,Pages de Karl Mart pour une éthique socialiste.
L Sociologie critique
Il. Révolution et socialisme
no 188 no 187
.1.-1. IALBRAITH
La crise économique de 1929
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• J..J. Salomon
En fait de linguistique, l'éd,ition française a rattrapé le temps perdu. On voudrait l'en féliciter, mais d'abord, à ce qu'il semble, elle n'y a pas de mérite particulier : cela se vend bien. Même on pourrait craindre, si la mariée pouvait être trop belle, que cela ne se vende que trop bien. Que le public, encore un certain temps, n'accepte d'avaler tout et n'importe quoi, ou presque. De plus, tout ce mouvement ne va pas sans quelque précipitation, ni par conséquent sans négligences.
« Nous sommes au rouet », dirait Leibniz. Pourquoi s'étonner, dès lors, que la conclusion de J .-J . Salomon soit étrange et se perde dans une fausse transcendance. Elle se réclame d'une citation saisissante de Nietzsche où sont dénoncées les trois « erreurs » de la pensée européenne triomphante : la croyance en la bonté et en la sagesse de Dieu, la foi en l'efficacité de la connaissance comme moyen de bonheur, l'idée que l'homme peut prendre la place de Dieu. Elle marque, dans le texte même, le caractère foncièrement irrationnel de l'insertion de la rationalisation scientifique dans l'histoire, hier et aujourd'hui, avec les conséquences mêmes que cette situation annonce : un nouveau divorce, qui se profile, entre le sa· voir et le pouvoir. Et, cependant, elle propose une solution de type spéculatif (ou, si l'on préfère, moralisant). Dans le scientifique, il y aurait toujours un savant qui som· meille. Contre celui-là, pris dans les réseaux des sociétés constituées, se dresse celui-ci qui « n'est pas seulement celui qui sait et fait la science pour la science, (mais qui) est aussi celui qui la pense comme problème pour l'humanité ».
Un document décisif Pourquoi supposer qu'il y ait un lieu, qui ne serait ni celui de la science « pure» - J .-J. Salomon en a démystifié l'idée - ni celui des sciences appliquées et qui serait celui de la science « tout court ». où seraient posées, en toute miraculeuse abstraction, les questions de la « pensée» et du « problème de l'humanité » ? Ce qUe dit Nietzsche, c'est que cette supposition est insupportable et malfaisante. Ce que dit Marx - que J .-J. Salomon cite pertinemment - c'est que la force de la production scientifique doit êire, comprise comme élément des forces productives et de leurs conséquences politiques. Mais peu importe ce: que disent Marx et Nietzsche. Ce: qui compte maintenant, c'est non la fonction que peut avoir abstraitement l'activité scientifique, mais la force additionnée que celle-ci apportera dans les luttes de classes.
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A cet égard aussi, Science et politique est un document décisif.
François Cluîtelet
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Par exemple, dans le Langage cet inconnu, de Julia Joyaux (Denoël), si riche en détails vivants 'sur l'histoire du langage, on sent un peu trop le livre fait à coups de ciseaux dans les travaux des autres, ce qui à tout prendre reste de la très bonne vulgarisation, conforme à l'ambition déclarée de la collection : Le point de la question. Mais les non linguistes qui, en dépit de l'heureuse formule, ne sauraient avoir ici rectifié d'eux-mêmes, vont tomber sur un Suorri qui n'est autre que Snorri, sur un Baliânder qui est Bibliander, et deux fois sur un Dalgrano qui est Dalgarno. Est-ce l'auteur qui a recopié trop vite? Est-ce plutôt le moulin de l'édition qui, trop souvent malgré l'auteur, tourne trop vite? Les éditions Denoël ont aussi donné voici moins d'un an - outre le précieux Guide alphabétique sur la linguistique, de Martinet, qui est devenu tout de suite un instrument de travail indispensable pour les apprentis-linguistes (sérieux) - la traduction française de Language, Thought and Reality (1956) de Whorf, sous le titre Linguistique et anthropologie; toutefois avec ce sous-titre insolite : Les origines de la sémiologie. Le cher Whorf et le pauvre Saussure seraient bien étonnés d'apprendre que le premier (lequel semble avoir tout ignoré du second) « a établi un pont entre la linguistique et la sémiologie (saussurienne) », qu'il ignorait totalement, et dont son ouvrage n'offre pas la moindre trace. Mais la sémiologie, cela commence à se vendre. Un journaliste soucieux de se brouiller avec beaucoup de monde tient là un joli sujet d'enquête : mais qu'est-ce donc aujourd'hui, en France, qu'un directeur de collec· tion linguistique ?
Après l'Introduction à la linguistique (1955) de Gleason, bien traduit par Françoise Dubois-Charlier (Larousse, 1968), et qui est un manuel de linguistique bloomfieldienne, et sans parler du Chomsky le plus récent (Le langage et la pensée, Payot) voici maintenant la traduction du Language (1932) de Bloomfield lui-même, qui paraît chez Payot. Avec presque trente ans de retard, mais il est bien que ce retard soit enfin comblé, car la dimension de l'ouvrage reste intacte. Bloomfield en effet, qui sert de cible commode aux chomskiens (pour des raisons propres à la vie intellectuelle américaine, qui ne valent absolument pas pour l'Europe) n'est sûrement pas aussi périmé qu'ils le disent. Il n'est pas prudent de croire qu'il aurait déjà passé, comme Racine et le café de Mme de Sévigné. Simplement, c'est plus difficile de lire Bloomfield aujourd 'hui, sans éclairage historique et théorique qui mette en place chez lui ce qui demeure. Heureusement, l'avant-propos de Frédéric François, véritablement magistral, est ici l'introduction qu'on souhaiterait à chaque grande œuvre du passé, et qui manquait dans le Gleason : un art de lire Bloomfield en 1970. De ces vingt-deux pages, un autre eût tiré la substance d'une thèse doctorale, intitulée comme il se doit : Le projet bloomfieldien, essai d'interprétation épistémologique du discours d'une textualité formalisatrice. Nous n'avions, sur Bloomfield, rien d'équivalent jusqu'ici, même en américain. Si Frédéric François nous offrait une présentation critique de la théorie des signes chez Peirce, nul doute qu'en comblant l'une des dernières lacunes qui nous restent en matière de traduction d'ouvrages fondamentaux pour la sémiologie, il nous donnerait aussi une introduction vite classique à la lecture d'une œuvre qui en a bien besoin.
Dans un tout autre secteur, voici le Littré d'Alain Rey (Gallimard, collection les Essais). Sans doute fallait-il un outsider de la linguistique française et de la lexicologie et un outsider gagnant - pour découvrir que nous connaissions si mal l'auteur du Littré, qui ne méritait pas un' tel oubli. Mais Alain Rey, qui a donné avec Josette Rey dix à quinze ans de sa vie au Robert et au Petit Robert, était sans doute bien placé pour revivre et nous ra-
conter de l'intérieur l'histoire naturelle, intellectuelle et sociale d'un lexicographe de grande taille. Comme j'aime bien l'auteur, me permettra-t'il de lui dire qu'il a tort de sacrifier dans son introduction (et là seulement, c'est curieux) au langage à la mode sur le langage? Quelle idée, quand on a tant de choses solides à dire et qu'on les dit si bien, de parler, vingt pages durant, du dictionnaire comme d'une « duplicité du verbe avec soi-même, dont le rôle est non de décrire, mais d'épuiser une totalité, de figer le mouvant, en un mot de combler ? » Si un Alain Rey y succombe, il faut que la préciosité linguistique parisienne des littérateurs soit un mal terrible. (Comme on apprécie rétrospectivement l'originalité contestataire du Molière de 1659 écrivant, seul contre tous, les Précieuses ridicules, et récidivant treize ans plus tard - oui, treize ans : nous ne sommes pas sortis de l'auberge pseudo-structuraliste avec les Femmes savantes 1) Qu'apparemment les Matinées structuralistes d'Albert Crémant (chez Pauvert) aient fait si peu rire à Paris semble à cet égard un fait instructif, et plutôt désolant.
Les philosophes et le langage Avec les Points de vue sur le langage d'André Jacob (chez Klincksieck), nous touchons, comme avec Julia Joyaux me semble-t-il, à un autre secteur encore : celui des philosophes français qui cherchent à réaliser l'aggiornamento linguistique de leur propre discipline. Le linguiste éprouve à l'égard de ces tentatives des sentiments mêlés. Comme le livre de Jacob est une anthologie de textes sur le langage, on est ravi, surtout pour toutes les périodes antérieures au XXe siècle, de trouver sans peine, en français dans le texte, tant de fragments de langues diverses, souvent connus par ouï-dire, et souvent difficiles d'accès; Mais en même temps on est sensible à l'aplatissement synoptique de toutes ces citations où tout est sur le même plan, Humboldt et Steinthal par exemple, Saussure et W eisgerber, malgré des notices forcément cursives. On finit même par se demander si ces fameux Textbooks, que nous envions plus d'une fois à l'Amérique, ne risquent pas d'être aussi désorientants qu'utiles, à cause de leur pointillisme. Faire le mont Blanc en hélicoptère n'est sûrement pas de l'alpinisme. Plaise à
en 70 Dieu que le livre de Jacob ne finisse pas dans le ravitaillement en sujets de dissertations pour le baccalauréat, et en citations pour l'ornement des mêmes. Pour le reste, le syncrétisme inorganique des philosophes sur le langage n'est sûrement p~ encore dépassé par ce genre d'ouvrages, qui risqueraient plutôt de le perpétuer.
KARL MARX: DIFFERENCE DE LA PHILOSOPHIE DE LA NAT URE CHEZ 0 E M 0 CRI T E ET EPICURE [avec Travaux préparatoires]. Traduction, introduction et notes par J. Ponnier.
J. BAUBI:ROT :
La linguistique cc non linguistique»
LE TORT D'EXISTER. juifs aux Palestiniens.
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DOPPET:
Que dire de Du sens, le dernier ouvrage de Greimas? C'est essentiellement le recueil de ses articles entre 1966 et 1970. C'est donc le Greimas de la période parisienne, beaucoup plus préoccupé de sémiologie (barthésienne, non saussurienne), d'épistémologie, de mythologie comparée, d'analyse littéraire, que de linguistique. Un tel ouvrage décourage le compte rendu du linguiste. Personnellement je regrette ,que Greimas - l'homme et le savant sont la gentillesse même ait renoncé à ce qu'il appelle après Martinet la linguistique « linguistique» pour s'enfoncer, sans bonnes armes à mon avis, dans la linguistique « non linguistique». Si pleins de suggestions que soient ses articles, le livre ressemble à un car· refour (de théories) où un malin génie serait venu durant la nuit permuter tous les panneaux d'orientation. Greimas est devenu comme une espèce de musicien qui ferait à perte de vue des « variations» et des « fantaisies» sur des thèmes d'autres musiciens: pour l'entendre, il faut d'abord connaître parfaitement ces autres musiciens. Le moins qu'on puisse dire est qu'il ne s'agit pas d'une lecture pour débutants; encore moins, comme le croyaient déjà de sa Sémantique, structurale trop d'étudiants en lettres moder· nes, d'une introduction à la linguistique « linguistique» aux moindres frais.
Le retard que nous sommes en train de prendre Toute cette activité réjouissante dans le domaine de l'édition (lin.
APHRODISIAQUE EXTERNE ou TRAITE DU FOUET. Réédition d'un classique. MAUPERTUIS, CONDILLAC, TURGOT, DU MARSAIS, ADAM-SMITH : VARIA L1NGUISTICA. Préface par M. Duchet. Choix et notes' par Ch. Porset. P. CORNEILLE: Roy LICHTENSTEIN (dOC\llDent Sonn&btnd)
déchiffrer le langage de la réalité quotidienne guistique) simple rattrapage d'un retard sensible, il faut le répéter masque sans doute le nouveau retard que nous sommes en train de prendre. En effet, le problème central en France actuellement, pour ce qui est de la linguistique, est brusquement devenu très différent. C'est celui de la rénovation de l'enseignement de la pratique de la langue à l'école. Il se trouve que nous manquons' de bonnes descriptions scientifiques d'ensemble, homogènes, du français écrit et parlé du XX· siècle, qui pourraient fournir une base éprouvée à l'expérimentation pédagogique; sauf des grammaires traditionnelles plus ou moins remises au goût du jour. Disons même franchement : on souhaiterait que la France possède, pour la rénovation de l'enseignement du français lan· gue indigène, l'équivalent du Centre de Linguistique Appliquée de Dakar, qui travaille avec une belle et productive continuité théorique et méthodique sur l'enseignement du français langue seconde! Les enseignants, et certes on les com-'.
La Qulnzaine Uttéraire, du 15 au 30 novembre 1970
prend, voudraient tout tout de suite : c'est-à-dire des manuels. Il est du devoir pénible des linguistes de les détromper. De longtemps encore les choses ne" seront pas si simples. Il faut d'abord qu'eux-II!êmes en· seignants prennent conscience des problèmes posés par le fonctionnement réel de la langue. Il se trouve que le seul ouvrage publié ces temps-ci, qui leur propose non pas des recettes pédagogiques tout élaborées, mais des exercices de réflexion sur des points précis du français, des manières neuves d'observer la langue, c'est le seul livre dont on ne leur parle pas, dont on ne rende pas compte, qu'ils ne connaissent pas, dont je n'entends pour ainsi dire jamais parler dans les réùnions pédagogiques, à quelque niveau que ce soit : Le français sans fard, d'André Martinet (Presses Universitaires de France). C'est un livre de travail, et de réflexion. C'est la raison pour laquelle tous les enseignants devraient le pratiquer : ils n'ont jamais eu peur de l'un ni de l'autre. Georges Mounin
SUR ENA, GENERAL DES PARTHES. Edition, introduction et notes par J. Sanchez. SADE: IDEE SUR LES ROMANS. Edition et notes par J. Glastier. RICHARDSON: PAMELA ou LA VERTU RECOMPENSEE. HUMBOLDT: DE L'ORIGINE DES FORMES GRAMMATICALES. M. MOLHO: LINGUISTIQUES ET LANGAGE. GONGORA: LE~ SOLITUDES. SOLEDADES. Edition bilingue.
BOULGAKOV: IVAN VASSILIEVITCH. duction P. Kalinine.
Tra-
. ROUSSEAU: ESSAI SUR L'ORIGINE DES LANGUES. Introduction et notes par Ch. Porset.
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ETHNOLOGIE
L~ échange
inégal
qu'il n'a pas eu le temps d'achever l'ouvrage qu'il projetait de leur consacrer : il meurt en 1942 et les Dynamiques de l'évolution culturelle est un ouvrage posthume Ces quatre points suffisent pour indiquer qu'il ne s'agit pas là d'un ouvrage capital; ils ne doivent pas faire oublier pourtant le caractère particulièrement explosü du sujet qu'il traite : les rapports raciaux en Mrique du Sud. Mais même sur ce point il y a lieu de regretter que Malinowski, bien que certaines des analyses qu'il fait de ces rapports raciaux soient exemptes de concessions, oublie, dès. qu'il s'agit de l'avenir, leurs implications explosives ou qu'il pense pouvoir· les conjurer par des vœux aussi platoniques que celui de convaincre la société blanche'« qu'il n'y a pas de prix trop élevé à payer pour éviter un désastre inévitable ». Il est vrai que nous ne sommes encore qu'en 1940. Ces vœux sont également liés à une promotion de l'anthropologie la science appliquée ou pratique commence avec ses applications») qui débouche sur un pragmatisme condamné à masquer ce que le problème a de radical : Malinowski s'efforce de déceler la présence ou les germes de « facteurs communs J) aux Blancs et aux indigènes, « facteurs communs» à partir desquels il deviendra en somme relativement facile d'aménager l'apartheid. Tout cela repose sur un optimisme lié au fonctionnalisme : les institutions semblables remplissant, dans toutes les sociétés, une fonction identique, rien n'exclut a priori la possibilité d'un «compromis» entre christianisme et religions indigènes, entre modes de production primitü et capitaliste, etc. Mais pour être efficace ce compromis doit se soumettre à une loi du tout ou rien : ou bien la transformation concerne l'ensemble de la société, ou bien elle échoue. Il est contradictoire par exemple de vouloir que les chefs conservent leur autorité politique et de détruire en même temps la religion qui la fonde et le régime foncier qu'elle implique. Une évolution contrôlée par des administrateurs acquis aux conclusions de l'anthropologie culturelle permettrait ainsi à une société d'un type spécüique, ni africaine ni européenne, de se constituer en Afrique du Sud. Ce qui assure la cohésion d'une société, ce n'est pas la commune participation de ses membres à
«(
Bronislaw Malinowski Les dynamiques de l'évolution culturelle Trad. par G. Pintzler Payot éd., 237 p.
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1° Malinowski était meilleur observateur que théoricien. Ce jugement ne sera pas remis en question à l'occasion de la traduction de ses ouvrages théoriques: ni la Théorie scientifique de la culture ni les Dynamiques de l'évolution cuturelle ne risquent de supplanter les Argonautes du Pacifique occidental ou la Vie sexuelle des sauvages du N ord-Ouestde la 111élanésie. 2° « Les meilleures monographies sont généralement dues à des enquêteurs qui ont vécu et travaillé dans une seule région» (LéviStrauss). C'est sans doute une des raisons pour lesquelles l'œuvre de Malinowski (parmi les premières à s'être fondées sur une expérience de terrain et consacrée presque exclusivement aux Mélanésiens - pour ne pas dire aux Trobriandais) - est une des œuvres majeures de l'ethnographie. Mais c'est aussi une des raisons pour lesquelles l'étude sur les Dynamiques de l'évolution
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culturelle, qui consiste en recherches sur les relations raciales en Afrique, peut paraître décevante : l'Mrique n'était pas « le» terrain de Malinowski qui n'a pu y faire d'ailleurs qu'un « voyage» de cinq mois en 1934. 3° Le fonctionnalisme (théorie, élaborée par Malinowski, selon laquelle la culture est un appareil permettant la satisfaction des besoins fondamentaux) a longtemps été opposé à l'histoire. Il conduit d'autre part à considérer une société comme un système organique clos (on a reproché en ce sens aux Argonautes de ne pas faire sentir davantage l'existence de la douzaine d'Européens installés aux îles Trobriands et dont la présence ne pouvait pourtant pas être sans effets sur le fonctionnement des institutions indigènes). En conséquence l'étude des contacts de culture et de l'évolution qu'ils font subir aux institutions n'a été abordée qu'assez tard par Malinowski : la désorganisation qui en résulte constitue pour le fonctionnalisme, un terrain où il hésite à s'engager; sa position n'y est pas avantageuse. 4° L'intérêt de Malinowski pour ces problèmes a été même si tardif
quelque « génie de la tribu » comme en inventaient les théoriciens des patterns auxquels s'est opposé Malinowski (cf. le chapitre qui lui est consacré dans A. Kardiner et E. Preble, Introduction à l'ethnologie), c'est la loi du « Do ut des », la réci· procité des échanges. Or, de ce point de vue, l'Mrique du Sud mais cette observation est valable pour l'ensemble des situations de contact avec d'autres types de société que l'Europe a provoquées est fort loin de constituer une société : les échanges entre les communautés qui s'y côtoient n'ont en effet rien de réciproque. La situation est celle que l'économiste A. Emmanuel a baptisée « échange inégal ». fi. En comparant la valeur des choses données et celle des clw-
ESPRIT Sur une décision de la Cour de Sûreté
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Les Frances divergentes (le régionalisme)
• Lettre à un Rev. Père sur l'intelligence
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Goya
• Max Picard et Gabriel Marcel
• Inquiétude au Maroc
• Ben Salah
• NOV!MBRE 1970 : 7 F
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19, rue Jacob. Paris 6C.C.P. Paris 1154-51
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Jancso ses qui ont été enlevées, écrit Malinowski, nous ne devons pas oublier que lorsq'f'on en v~~t aux eJo.1]-§ spirituels, il est facile de donner mais plus difficile d'accepter. Les avantages matériels, eux, sont facilement acceptés mais ne sont cédés qu'avec répugnance. Or c'est précisément de dons spirituels que nous sommes le plus généreux, alors que nous conservons la richesse; la puissance, l'indépendance et l'égalité sociale ». Mais, peut-on même dire que l'Europe, qui prend ses terres à l'Africain, lui donne le christianisme en échange puisque l'aspect le plus tangihle de ce « don » consiste en une répression impitoyable de toutes les manifestations de la reli· gion indigène? En réalité, en attaquant celui-là l'infrastructure et celui-ci les superstructures, le missionnaire et l'entrepreneur (même si leurs moyens peuvent s'opposer à l'occasion) poursuivent le même but : la détrihalisation de l'indigène et sa prolétarisation. « Toutes ces conclusions nous fournissent une leçon de morale» écrit Malinowski qui demande aussi que l'on prenne garde à ne pas détruire le « civisme ». Ces termes lénifiants peuvent étonner. Ils sont impliqués par le point de vue pragmatiste qui, en face du développement des nationalismes africains, cherche quels compromis proposer au pouvoir blanc. Dans un processus d'évolution que l'Europe a imposé aux Africains, Malinowski se contente d'être auprès des Blancs l',avocat, l'interprète de ces derniers. Pourtant lorsqu'il oppose le « Pays de l'Homme Blanc» et le « Labeur de l'Homme Noir», lorsqu'il montre que même la politique des réserves a pour conséquence réelle de contraindre les indigènes à quitter leurs terres et de les jeter sur le marché du travail (agricole, industriel, domestique) européen, Malinowski semble disposer d'outils qui devraient le dispenser de recourir à ce genre de perspectives que l'on hésite à qualifier d'optimistes. Il aurait fallu, entre autres, que soient mises davantage en rapport avec Wall Street ou la City les conditions de travail d'un des plus misérables prolétariats, celui des mines d'or de Johannesburg. Il aurait fallu insérer le problème des relations raciales en Afrique du Sud dans la perspective mondiale de l'impérialisme : est·il inconcevable que l'anthropologie le fasse ? Denis H ollier
Miklos Jancso Sirocco d'hiver En conjoignant, pour former le titre de son dernier film, Sirocco d'hiver, deux termes vivement antagonistes (été/hiver, chaud/froid, mobile/statique, événement/durée), Jancso confirme qu'une des matrices majeures de son expression réside dans le principe de l'opposition dualiste, de la paire conflictuelle, du couple ennemi, de la dichotomie exterminatrice, comme on voudra - qu'illustrèrent avec netteté des œuvres antérieures : les Sans Espoirs en 1965, les Rouges et les Blancs en 1967 et Silence et Cri l'année suivante, Mais le titre n'est pas seulement la formule condensée de .,1 • relations dueIles que le film déploie (1 sur le mode de la destruction, il opère )' aussi pour son propre compte, comme valeur unitaire; en désignant un temps saisonnier marqué par un paradoxal événement météorologique, Sirocco d'hiver paraît nous introduire dans quelque chose qui est de l'ordre de la (c'est-à-dIre : va-et-vient, chassés-<:roiinscrite dans un certain espace; et nature, ou, à tout le moins, dans une sés) jusqu'à l'obsession, jusqu'à un comme ce • dans. risque d'Introduire réalité affective, par exemple trop de' volume, de • profondeur ., effet quasi-hallucinatoire; dans un qui pourrait être liée métaphorique- film de Jancso, tout personnage (à Jancso - encore qu'il exploite sans ment à du • naturel., à du • cosmi- l'exception de faire-valoir statiques, im· hésiter les valeurs dramaturgiques traque. ; or, les premières images dénon- mobiles, comme ·les .vieilles paysannes ditionnelles de certains volumes, tels cent brutalement cette attente, et nous de Sirocco d'hiver) est d'abord llne que la cour d'une ferme ou d'une priinstallent au contraire dans un temps . trajectoire, U1Ie courbe de mouvement son - pousse à la bi-dimensionnalité, historique marqué par un événement humain dramatique: le 9 octobre 1934, à Marseille, Alexandre 1er de Serbie et Louis Barthou, ministre français des Affaires étrangères, sont tués par des nationalistes croates et macédoniens; cet • insert • d'actualité, bout de pellicule tremblotante, à peine lisible avec son grain taché, ses noirs baveux, n'en affirme pas moins, dans toute sa gloire cinématographique (les • actualités. !, le • pris sur le vif! .), l'historicité; en contraste avec la formule verbale du titre, il s'offre, dans sa brièveté et son mutisme, comme une sorte de • titre visuel., de • titre iconique., il définit, pour exploiter une acception chimique du terme, le • titre historique. 'du film; si, aussitôt énoncé, il se replie, il laisse une trace dure, Two minutes is aIl it takes to fill in the coupon below. It sous forme de l'horizon politique qu'il dessine, et par ailleurs, il va opérer brings you a full year's subscription to The Times Literary comme une articulation déterminante Supplement, the world's leading weekly review of books. de l'organisation narrative-symbolique du film : l'insert, en effet, inaugure la The T.L.S. puts you in direct contact with the international publishing durée spectaculaire, le temps de la scene, giving you the most informed and authoritative comment ranging représentation, de la projection dans over more books from· more countries than any other journal in its la salle; mais le récit proprement dit (qui, lui-même, s'ouvre sous le signe field, To help you select your reading, and to give you an aw~eness of du • naturel., du • cosmique. : forêt, books that perhaps you cannot find rime to read, the T.L.S. lS a very neige) commence quatre ans avant, enjoyable essential. If you already have a subscription, how about montrant comment, vers 1930, les naintroducing afriend? tionalistes sont accueillis sur le sol hongrois; mais l'activité des exilés, précisément, est orientée vers l'attenr.;::~:-;;~:-z.;~a:;,s~Ple~~~---------l tat, comme l'atteste la présence, dans 1 TiIDes Ne'-Vspapers LiIDited, 8 rue Halévy, Paris ge 1 la grande salle du château, d'une carte 1 Please arranlre a year·s subscription ta the T .LoS. startinlr 1 de Marseille, véritable panneau 'de si'-Vith the earliest possible issue. TICK AS APPLICABLE. gnalisation historique; ainsi se dessine une • boucle à deux niveaux. (de 1 enclose a cheque for 76 Fr. Please invoice me in due COUIlle. l'historique au narratif, du narratif à l'historique, avec maints chevauche1 Name.. Profession 1 ments, et chevauchées), qui constitue une figure très significative de ·la sty1 Position held . . .. _.... listique de Jancso. 1 Address. . .. . . 1 Outre sa fonction dans l'organisation globale du film, cette figure s'acDate................................................... 1 1 tualise dans des tracés plus élémentaires, repris, ressassés, ré-itérés
La QuiilZatne Littéraire. du 15 au 30 nO".'>',.iJte 1970
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TH:IIATRE
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Jancso
dans un tel contexte, arme redoutable, • revolver. braqué - et c'est le simple gommage de la ilettre T qui sauve la vie de Varlam Chalamov (1)); le signe-clef, unificateur, est fourni par une proclamation libertaire, dont le héros, Lazar, fait emphatiquement la lecture - longue citation tirée d'un ouvrage qui dénonce l'odieuse emprise de l'Etat sur l'individu écrasé, atomisé; pareil texte, dans pareil contexte, définit certes le statut du héros, Lazar - butant, de fait, incessamment, contre la Loi du groupe, et par elle finalement anéanti, puis récupéré; mals il renvoie surtout, pensons-nous, à la façon dont Jancso perçoit sa propre condition d'homme et d'artiste libre/enfermé, choyé/menacé, trahi/ récupéré dans une société bouclée (2), la Hongrie d'aujourd'hui; nulle allusion pensable, naturellement, au concept de • masses révolutionnaires .; il ne reste guère d'autre recours à l'homme Jancso que de s'adonner à une problématique individualiste, à vocation humaniste et morale, sur le thème, où s'Ulustra Camus, de • l'individu contre la société.; et à fartlste Jancso, que de griffer avec sa caméra, mettre sa griffe sur une surface durcie, hostile, sans perspective, et pour finir, triomphante; que de pousser, dans cette société des bouches closes, du Silence, son Cri; que de faire se lever un Sirocco-mlrage dans ce pays d'hiver, de la glaciation stalinienne, du glacis soviétique.
'valorlsant de grandes surfaces plates, apparemment neutres : un mur de plAtre, une vaste plaine de terre grise, ou de neige. Les • évolutions. d'un personnage et ses relations aux autres sont autant de courbes (rectilignes, brisées, sinusoïdales, embrouillées) qui se rencontrent, se heurtent, se repoussent ou s'enveloppent - mouvements browniens de sujets atomisés, dont la charge, la surcharge, fait percevoir une figure-destin fondamentale, l'Enfermement. L'orÎ9inalité de Jancso, ici, ne réside pas seulement dans 'le recours systématique aux panoramiques latéraux, elle vient surtout du décalage opéré entre la courbe du personnage et le mouvement de la caméra, -laquelle tantôt ,le devance tantôt -s'y accroche, suscitant un rythme de fuites et de poursuites, ,des déséquilibres et des tensions de nature spécifiquement cinématographique, donnant au film de Jancso comme un sourd halètement, un souffle particulier, le -souffle d'une agonie : Les héros de Jancso sont voués à la mort, sans espoirs. Enfermement, agonie, échec : le héros, abattu, est repris, absorbé par la grande surface grise-blanche, la terre, la neige. Groupons ou regroupons maintenant, pour être bref, les signes essentiels disséminés dans le film, et traçons-en, à notre tour, -la courbe, pour voir à quelle structure Ils abouti'ssent : l'histoire s'impose d'emblée, horizon, donc ,lecture, politique, à condition d'opérer ce rétablissement qui fait des .. actualités. l'actualité, qui transforme 1930 en 1970; ces nationalistes croates exilés, qui tournent en rond sur un bout de sol hongrois, nous suggèrent l'idée d'un exil Intérieur, attitude existentielle typique d'une _société totalitaire; laquelle société exige de ses membres qU'l'ls soient fondamentalement liés par des relations d'agressivité (méfiance, menaces, dénonciations, chantages, asphyxie...), Illustrées dans le film moins par les froides tueries que par -la • ronde des revolvers. accompagnée de la rengaine • Etes-vous armé? (et n'importe quel mot devient,
Roger Dadoun (1) Récits de Kolyma, Denolll (Coll. Lettres Nouvelles).
(2) La séquence des femmes nues présente, à sa manière, une autre • boucle -; la relation homosexuelle Indique la fermeture; l'en. trée d'une tierce personne, par effraction, viol, garantit l'universalité de la violence; mals, par le Jeu de la nudité et des actrices françaises qui l'assument, l'érotisme forme œdème recouvrant la violence, et renvoie à une • francité - galante, et surtout à la • corrup· tlon de l'Occident bourgeois _. Bonne conscience et fausse piste pour une éventuelle censure, • distraite - à bon compte. Ii aurait fallu une analyse comparée de la réception de celte séquence par un public hongrois et un public français.
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Le théâtre d'aujourd'hui est-il encore du théâtre? Il ne suffit plus de refuser la cérémonie, la tradition littéraire, les rapports classiques entre l'œuvre et son public, il faudrait à la limite rejeter la scène et même la salle! Que restera-t-il alors de ce dont nous avons hérité? La culture étant aussi une forme exaspérante de la propriété privée, le désarroi et l'irritation percent face à l'évolution convulsive du théâtre. Quoi qu'il en soit, le théâtre restant le moment d'une relation privilégiée entre quelqu'un qui joue et un autre qui le regarde, il s'agit, même si le mot est gênant, parce que galvaudé ici comme ailleurs, de participer, son bagage culturel à la main. Chassé de l'Odéon pou r n'avoir pas voulu devenir - va· let ", Jean-Louis - Barrault a repris son brigadier de pèlerin du théâtre pour repartir à zéro. Mais on ne repart jamais tout à fait à zéro, et c'est là parfois le drame des - serviteurs" d'un art mutatif par excellence. Avec Jarry sur la Butte, en désirant réussir à tout prix la rencontre avec le public d'une œuvre peu connue, Barrault a voulu trop dire en une seule fois. Et cette fois son enthousiasme l'a trahi. Cependant, assez paradoxalement, ce n'est pas la pièce qui est en cause mais le spectacle lui-même. J'ai trouvé plus d'intérêt malgré les écueils placés par Barrault - en dehors d'Ubu que connaît-on sérieusement de Jarry? - à découvir un homme à travers un texte qu'à suivre les évolutions d'une trentaine de comédiens et musiciens. Plongeant à bras-le-corps dans les œuvres complètes de Jarry, et délaissant volontairement la série des Ubu connue, Barrault a mis à jour un ensemble de textes dont, par les thèmes, la modernité est évidente. Pris séparément, chacun d'eux avait, en effet, de quoi surprendre et intéresser. Le besoin du dépassement de soi, la fuite vers son double, qui est à la fois ce que l'on voudrait être et ce que l'on ne sera jamais, cette nécessité de jouer pour exister, face à l'intelligence implacable et déshumanisée, cette angoisse de vivre qui trouve son défoulement dans toutes sortes de libé-
rations, et qui ressemble à une quête du bonheur qui serait le bonheur lui-même face à la dédsion de l'espace vie-homme, c'est bien sûr - le malaise des âmes ". Mais l'addition est trop lourde : pourquoi Barrault, par fidélité à Jarry, dont il voulait à travers les œuvres nous raconter la trajectoire, n'a-t-il pas élagué? Il a refusé le - collage" pour faire un - montage" alors que l'œuvre assimilée, il aurait fallu retranscrire et traduire. Platon, nous rappelle J.-l. Barrault, discernait trois âmes chez l'homme : le ventre, la tête et le cœur. C'est le cœur qui manque le plus dans ce spectacle et la tête y tient trop de place par rapport au ventre. Néanmoins, s'étant refusé à • trahir" l'œuvre de Jarry, Barrault aurait peut-être pu nous con v ai n cre totalement s'il s'était attaché essentiellement, par un travail presque exclusif sur le texte, à rendre la pièce dans sa complexité. Malheureusement Barrault a sacrifié à la mise en scène alors que le texte proposé nécessitait déjà une culture livresque étendue. A l'Elysée-Montmartre, il a fait éclater le lieu scénique en cernant de fauteuils confortables le parterre prolongé jusqu'aux derniers rangs. Il a voulu démythifier le théâtre sans parvenir pour autant à nous faire entrer dans son jeu. Le sitar, l'encens, les chansons et la musique de Michel Legrand, la chorégraphie de Norbert Schmucki, le -. rythme psychédélique ", les - effets très modernes et scientifiques" (1), l'érotisme masqué dans des costumes de Jacques Noël, significatifs mais non signifiants, tout cela peut faire • moderne " mais apparaît comme plaqué et gratuit. Dans des rapports scène-salle qui prédisposent à l'inattention, surtout quand le spectacle dure trois heures, à trop vouloir dire et montrer, Barrault se disperse et déroute. Dans Henri IV, par exemple, ou dans Rabelais, remettant son métier cent fois sur l'ouvrage, Barrault nous présentait déjà
Jarry sur la Butte La Moscheta une anthologie vivante de ses mises en scènes, d'où les redites inévitables. Et le souci qu'il a de se rencontrer avec nous à chaque représentation, avec son rire désarmant, cette volonté évidente de vouloir jouer avec nous, le poussent juvénilement à céder à un trop-plein de vitalité et d'intentions. Avec Jarry sur la Butte, Barrault voulait faire rire, mais c'est à penser qu'il nous donne et pas nécessairement à réfléchir. C'était pourtant aussi son propos. Depuis 1968, Barrault est désormais contraint à chaque spectacle de jouer à quitte ou double. Ce qui est lamentable. Il est possible que dans d'autres conditions de travail il ne se serait pas réservé un rôle de comédien aussi important. Il aurait eu alors le recul nécessaire du seul metteur en scène qui trie et dans son texte et dans son spectacle. Et il aurait plus certainement réussi cette fête théâtrale qu'il voulait don. ner, avec la complicité d'une troupe remarquable, sur la butte Montmartre. L'actualité théâtrale ayant parfois de curieux hasards, c'est précisément sur la scène de l'ex-Odéon symboliquement rebaptisé Théâtre de France que la fête théâtrale s'est installée avec La Moscheta de Ruzante. Pour peu de temps, hélas! Ce spectacle de Marcel Maréchal a été conçu pour retrouver l'actualité d'un classique, en dehors d'un lieu et hors du temps, c'est-à-dire dans notre temps. C'est que Marcel Maréchal pratique l'art du théâtre avec ce que cela suppose de contact direct avec la réalité théâtrale d'aujourd'hui qui veut que l'on joue à jouer sans que l'on puisse oublier, ne fût-ce qu'un instant, au demeurant rassurant, que face à la vie, le théâtre est un jeu dans lequel les cartes sont truquées : le théâtre pouvant tout au plus servir de faire-valoir à la vie. Marcel Maréchal et ses camarades de la Compagnie du Cothurne, qu'il dirige avec Jean Sourbier, ont pris depuis bientôt dix ans, à Lyon, le pari, aujourd'hui gagné, de réussir la rencontre difficile entre un répertoire contemporain et un public délaissé ou exclu.
Le Père et la Mère Ubu, dans «Jarry sur la Butte
La pièce originale de Ruzante a constitué pour la compagnie une base extraordinaire de recherches qu'elle poursuit sur ce même spectacle depuis 1962 (2). Auteur-acteur du XVIe siècle, Ruzante est le créateur d'un personnage dont il prit le nom et sous le couvert duquel, en dialecte padouan, devant la cour des princes, il assénait quelques vérités graves enveloppées subtilement dans le rire gros; avec ce balancement de l'insolence calculée et de la démesure contrôlée que Rabelais pratiquait à merveille, il déplorait l'écrasement des campagnes par les cités florissantes qui obligeaient le paysan spolié à mendier son droit à la vie. Habilement, Ruzante affirmait sa « résistance " par le langage: il opposait, par exemple, la langue des paysans padouans à celle parlée par les na':ltis, « le Mos· cheto ", c'est-à-dire le florentin littéraire des villes, considéré, précisément, comme une langue de classe. Sur un thème, somme toute assez simple, et depuis devenu classique - un paysan dépossédé de ses «biens", de sa
La Qulnzalne littéraire, du 15 au 30 novembre 1970
lt.
femme, et même de l'amitié ce désespoir entretenu dans les essaie de survivre Marcel bidonvilles de Padoue, de Récife Maréchal exécute un merveil- ou de Nanterre. Cette trouvaille leux exercice de re-création technique enrichit le spectacle d'un texte. Acteur, il retrouve, en obligeant les acteurs - Berpar-delà le temps et l'espace, ce nard Ballet, Jean-Jacques Lagarqu'il y a de commun à tous les de et José Gagnol sont égaIehéros populaires, depuis Ruzan- ment excellents ---' à jouer sur te, qu'il interprète, à Charlot en au moins deux registres. Et le passant par Arlequin. Il est co- décor du même Jacques Angémique et pitoyable, tendre et niol, fait de tôles et de débris de poétique, roublard et généreux, toutes sortes, comme seuls les veule et respectueux, mais sur- bidonvilles savent en montrer, tout battu et mécontent. ajoute, dans sa laideur subliMais Marcel Maréchal n'est mée, la note indispensable à pas seulement l'acteur le plus l'approche d'un spectacle qui se complet de sa génération, il est veut simple dans sa démarche aussi, dans une décentralisation et clair d'ans sa finalité : avec théâtrale qui s'interroge, l'une son montage sonore, ses addides valeurs les plus sûres com- tifs et références à l'actualité, me animateur et metteur en ses intermèdes, la Moscheta, scène. Pour éviter le piège du sous le couvert de la comédie vaudeville statique, il fait jouer de bonne humeur, se veut un le rôle de Bétia, la femme du appel sans équivoque aux souspaysan, convoitée par tous, par prolétaires de tous les pays qui un acteur remarquable de fines- n'ont que ferraille et boue pour se et d'intelligence, Jacques tout horizon. C'est aussi un apAngéniol, qui se garde bien pel aux spectateurs d'un soir : d'imiter la femme, mais remo- qui déchirera la frange? dèle de l'intérieur le sujet deveLucien Attoun (1) Voir la préface de la pièce panu objet. Bétia devient alors le mythe de l'espérance et le lieu rue aux Ed. Gallimard (collection Manteau d'Arlequin). géométrique de ces rêves ca- . (2) Voir le texte de la pièce parue chés, de ces cris retenus et de aux Ed. de l'Arche.
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Mercure de France, 128 p., 15 F. Un livre qui renouvelle avec brio un genre passablement fatigué.
ROMANS FRANÇAIS Jean-louis Arnaud Chacun sa bière Pierre Horay éd., 320 p., 29 F. Vingt-quatre heures de la vie d'une grande ville moderne, laquelle est le véritable héros de ce roman. Paul Boulssac Les demolsalle. Editions de Minuit, 182 p., 15 F. le premier roman de cet auteur, qui est actuellement professeur de littérature française à l'Université Victoria de Toronto. • Jean-Jacques Brochier Mon dieu quel malheur, mon dieu quel malheur, d'écrire un roman érotique
Jean Canolle Un cavalier rouge Laffont, 400 p., 20 F. le premier tome d'une trilogie romanesque : « La rose et le sang ., qui a pour toile de fond la France de la seconde moitié du XIV· siècle. Yves Dartois Le grand-prêtre des Guanches Denoël, 208 p., 14 F. l'aventure fantastique d'un écrivain français aux îles Canaries. André Dhôtel La maison du bout du monde Pierre Horay éd., 216 p., 19,70 F. Par l'auteur du « Pays où l'on n'arrive
Jamais - (voir les nO' 31 et 72 de la Quinzaine) • Tony Duvert Le voyageur Editions de Minuit, tirage limité à 1 500 ex., 324 p., 75 F. le troisième roman de l'auteur de « Portrait d'homme couteau - et de « Interdit de séjour -. léo Ferré Benoit Misère laffont, 304 p., 20 F. les débuts romanesques du célèbre chanteur. Alain Gauzelln. L'île mouvante Coll. « l'écart -, laffont, 234 p., 15 F. Le voyage intérieur d'un enfant hanté par l'image de la femme idéale et qui se retrouve, pour finir, face à l'homme qu'il est devenu.
Rita Kraus Les guignols du crépuscule Table Ronde, 256 p., 8,50 F. Un roman d'aventures explosif qui prend à partie • toutes les mafias qui tiennent aujourd'hui le haut du pavé -. laudryc
La femme éparpillée Coll. « L'écart laffont, 232 p., 15 F. la révélation secrète et intime d'une femme de notre temps.
Une radioscopie de la jeunesse et des enseignants à travers la reconstitution minutieuse de la journée du 22 mars 1968 à Nanterre. Jacqueline Monsigny Floris. mon amour Grasset, 352 p., 22 F. Le premier volume d'une série romanesque qui s'inscrit dans la tradition des grands romans de cape et d'épée du Xlxe siècle. François Nourissier
Anne-Marie Marmouset La cité des mobiles Robert Morel, 164 p., 18 F. Un premier roman poétique et paysan sur les problèmes de la femme au foyer. Robert Merle Derrière la vitre Gallimard, 424 p., 112 F.
récit, par l'auteur du • Dossier 51 - et de • L'Orchestre rouge-. Alain Robbe-Grillet Projet pour une révolution à New York Editions de Minuit, 216 p., 15 F. Voir le n° 105 de la Quinzaine. T. de Saint Phalle Le souverain Gallimard, 240 p., 19 F. Par l'auteur de « La Mendigote -, un nouveau roman qui a pour thème la vie privée d'un homme d'Etat.
La crève Grasset, 272 p., 21 F. la crise d'un homme de 48 ans, qui découvre la faillite d'une civilisation et celle de sa propre vie. Gilles Perrault Les sanglots longs Fayard, 216 p., 18 F. Sept nouvelles et un
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POESIE Dino Buzatti Poèmes·Bulles Trad. de l'italien par Max Gallo et Antoine Ottan Laffont, 225 p., 29 F. Des bandes dessinées et commentées par l'auteur du « Désert des Tartares '.
REEDITIONS CLASSIQUES André Malraux Œuvres. Tome 1 : Lunes en papier • La tentation de l'Occident • Les conquérants • Royaume farfelu Coll. « La Gerbe illustrée» 18 ill. dont 7 d'Alexeieff et 11 d'André Masson Gallimard, 344 p., 85 F. André Malraux Œuvres· Tome Il : La voie royale • La condition humaine 25 ill. d'Alexeieff Gallimard, 472 p., 85 F. Anton Tchékhov Œuvres Il Récits (1887-1892) Traduction par E. Parayre Révision de Lily Denis Note par C. Frioux « Bibliothèque de La Pléiade. Gallimard, 1 032 p., 55 F. Madame de Villedieu Les désordres de l'amour Edition critique par M. Cuenin, préface de Pierre Moreau Droz-Minard, 260 p., 15 F
BIOGRAPHIES MEMOIRES CORRESPONDANCE Leonid Grossman Dostoïevski Nombr. illustrations Editions de Moscou, 532 p., 24,90 F. Une biographie très complète, étayée sur les documents d'archives ainsi que sur les journaux intimes et la correspondance de l'écrivain. Claude Mauriac Une amitié contrariée Grasset, 288 p., 23 F. Des extraits du journal de l'auteur relatifs à l'amitié qui l'unit à Jean Cocteau forment la matière de ce livre qui est aussi le début d'une œuvre intitulée « Le temps immobile •. Ch. de Montalembert Correspondance inédite 1852-1870 Introduction d'A. Lareille Cerf, 450 p., 39 F. La correspondance de Montalembert avec le Père Lacordaire, Mgr de Mérod, A. de Falloux. Bernd Ruland Wernher Von Braun : ma vie pour l'espace Trad. de l'allemand Nombr. illustrations Stock, 318 p., 30 F. Une biographie complète du « père des fusées. et, à travers elle, le récit vivant de la conquête de l'espace. Ravi Shankar Musique, ma vie Trad. de l'américain Nombr. illustrations Stock, 224 p., 38 F. Par le célèbre musicien indien, un ouvrage qui se présente à la fois comme un essai philosophique, un manuel pratique et un recueil de souvenirs et de réflexions.
CRITIQUE HISTOIRE LITTERAIRE Jean-Louis Dumont Marcel Aymé et le merveilleux Nlles Editions Debresse, 224 p., 18 F. Les rapports littéraires
La Qulnzalne Littéraire, du 15 qu 30 novembre 1970
de Marcel Aymé avec le merveilleux. Fiorenza di Franco Le théâtre de Salacrou Gallimard, 176 p., 13 F. Une thèse riche d'enseignements non seulement sur l'œuvre de Salacrou mais sur la création dramatique en général. La littérature française
Ouvrage collectif sous la direction de H. Lemaître, A. Lagarde et L. Michard Avec la collaboration de T. Van der Elst et R. Pagosse Tome 1 : Du Moyen Age à l'âge baroque 1 200 ill. en noir et 32 hors-texte en couleurs Bordas, 640 p., 96 F. Les grands modes d'expression du Moyen Age, l'évolution vers l'humanisme et la crise de celui-ci. Jean Ristat Du coup d'Etat en littérature suivi d'exemples tirés de la Bible et des auteurs anciens Gallimard, 136 p., 16 F. Un second livre d'une virtuosité peu commune où l'auteur, contestant les thèmes littéraires à la mode, finit par contester sa propre contestation de la littérature.
SOCIOLOGIE PSYCHOLOGIE ETHNOLOGIE Fanny Deschamps Journal d'une assistante sociale Edition Spéciale, 180 p., 18 F. Les misérables de la société d'abondance, par une journaliste de « France-Soir. et de «Elle •. Richard Hoggart La culture du pauvre Trad. de l'anglais par E. et J.-C. Garcias et J.-C. Passeron Présentation et index de J.-C. Passeron Coll. « Le sens commun» Editions de Minuit, 424 p., 33 F. Un ouvrage passionnant, qui remet en question avec beaucoup de talent les poncifs aristocratiques ou
populistes sur la culture populaire et le conditionnement des masses par les moyens modernes de communication. Roger Hood Richard Sparks La délinquance Hachette, 256 p., 14,50 F. Une étude objective due à deux directeurs des recherches à l'Institut de Criminologie de l'Université de Cambridge. Sarah Kofman L'enfance de l'art (Une interprétation de l'esthétique freudienne) Payot, 240 p., 24,80 F. Une lecture « symptomale » qui renouvelle l'interprétation de l'esthétique freudienne. Hélène Michel-Wolfromm Cette chose-là Grasset, 392 p., 32 F. Une grande gynécologue et psychosomaticienne récemment disparue nous parle des conflits sexuels de la femme française.
dans une maison d'enfants Ed. de l'Epi, 120 p., 16 F. Pour une révolution pédagogique basée sur les concepts majeurs de la psychanalyse.
PHILOSOPHIE Emile Callot La doctrine de Socrate Ed. Marcel Rivière 178 p., 18 F. L'apport original et définitif de Socrate à la constitution de l'éthique. Ibn Gabirol Source de vie (fons vitae) Première traduction précédée d'une introduction par J. Schlanger . Aubier-Montaigne, 328 p., 39 F. Un poète de langue hébraïque et un penseur d'expression arabe né à Malaga vers 1020. Victor Goldschmidt Platonisme et pensée contemporaine Aubier-Montaigne, 272 p., 24 F. De la critique des idées platoniciennes par Nietzsche et Heidegger à l'éclatement de la philosophie.
J. Potel Mort à voir, mort à vendre suivi d'une réflexion de Pierre Colin Desclée de Brouwer, 267 p., 19,75 F. Les attitudes devant la mort dans la société de • Kierkegaard Hâte·toi d'écouter consommation. Traduction inédite. précédée d'une Emilio Willems introduction de Dictionnaire de N. Viallaneix sociologie fexte danois en regard Adaptation française Aubier-Montaigne, par A. Cuvillier 1270 p., 36 F. Ed. Marcel Rivière, Une œuvre inédite du 316 p., 30 F. grand philosophe danois, Nouvelle édition remise accompagnée d'un à jour de ce important appareil dictionnaire des notions, critique qui en dégage des auteurs et de leurs l'originalité et œuvres. l'actualité. Dominique Zahan Charles Rihs Religion, spiritualité Les philosophes et pensées africaines utopistes Payot, 248 p., 26,70 F. Ed. Marcel Rivière, Un livre qui s'efforce 414 p., 40 F. de rendre compte de Le mythe de la cité l'unité des cultures communautaire en africaines par une France au XVIII" siècle analyse approfondie de et ses antécédents leurs aspects historiques. fondamentaux.
ENSEIGNEMENT PEDAGOGIE Xavier Audouard L'idée psychanalytique
ESSAIS Elisabeth Antebi Ave Lucifer Calmann-Lévy 320 p., 22,50 F.
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Jean Bancal Proudhon Pluralisme et autogestion T. 1 : Les fondements • Ernst Fischer T. 2 : Les réalisations A la recherche de Aubier-Montaigne, la réalité 328 p., 21 F le vol. Trad. de l'allemand Une véritable somme, par lL. Lebrave et qui est le fruit de vingtJ.-P. Lefebvre cinq années de • Lettres Nouvelles. recherches sur l'œuvre . Denoël, 344 p., 25 F. de Proudhon. Voir le n° 104 de la Quinzaine. • Thomas Browne Hydriotaphia ou • Erich Fromm Discours sur les Espoir et révolution urnes funéraires Trad. de l'américain récemment découvertes Stock, 192 p., 24 F. dans le Norfolk Un psychanalyste Trad. de l'anglais américain analyse la par D. Aury • contestation. de la Gallimard, 128 p., 25 F. jeunesse et nous invite Inédite en français, à y trouver des raisons l''œuvre la plus d'espérer. significative de cet écrivain anglais du XVII' siècle dont la Le siècle de prose baroque a Saint Louis .profondément marqué Ouvrage collectit la lïttérature Nombr. illustrations britannique. Hachette, 320 p., 30 F. Un recueil d'études dues à des écrivains, des Olivier Burgelin historiens, des La communication universitaires, etc., sur de masse la France du S.G.P.P., 304 p., 31 F. XIII' siècle. Une analyse et une mise au point sur les aspects positifs et les aspects Christian Léourier négatifs des mass L'origine de la vie media. 32 dessins in texte Laffont, 176 p., 15 F. Collection • Sciences Lanciné Camara nouvelles •. L'Afrique Noire est bien partie Nlles Editions Debresse, C. et G. Mathé 164 p., 15 F. La santé est-elle Le cri d'un poète au·dessus de nos africain qui répond, à moyens? sa manière, lli Plon, 328 p., 22,50 F. • L'Afrique Noire est Comment libérer la mal partie. de médecine des entraves R. Dumont. politiques, économiques et administratives qui paralysent son Jean-François Delassus développement. Le Japon : monstre ou modèle? Amédée Ponceau Hachette, 320 p., 25 F. Timoléon Un témoignage Réflexions sur la impressionnant sur la tyrannie société de Introduction de consommation la plus Raymond Aron, fébrile après les Ed. Marcel Rivière, Etats-Unis. 160 p., 16 F. Un livre. à l'usage Georges Elgozy de l'homme traqué •. Les damnés de l'opulence Calmann-Lévy, 336 p., 22,50 F. Une analyse pleine d'humour et de gravité des maux que causent les impératifs de l'abondance et de la technologie.
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rigoureuse et qui constitue une grave mise en garde contre les dangers qui menacent actuellement les ressources naturelles de l'humanité.
Laffont, 832 p., 34 F. Quatre siècles de l'histoire secrète de l'Europe retracée à travers le récit de l'épopée de la famille Krupp.
Jean-François Revel Ni Marx ni Jésus Laffont, 256 p., 18 F. L'Amérique est-elle en passe de créer un modèle révolutionnaire pour les autres pays? Un ouvrage qui irritera beaucoup d'esprits -mais qui est manifestement fondé sur une profonde connaissance et compréhension des Etats-Unis.
Edmond Pognon De Gaulle et l'histoire de France (Trente ans éclairés par vingt siècles) A. Michel, 352 p., 25 F. Les grandes lignes de force de la pensée gaullienne et leur soubassement historique.
Olivier du Roy La réciprocité Essai de morale fondamentale Editions de l'Epi, 336 p., 34,20 F. Docteur en théologie et abbé de l'Abbaye de • Maredsous, l'auteur pose ici les fonde~ents d'un~ morale humaine, au-deia de la loi et des modèles vertueux. Daniel Spoerri J'aime les Keftedes Robert Morel, 136 p., 20 F. Une démonstration gastronomique qui se double d'un petit tour du monde des lettres, des goûts et des arts.
HISTOIRE
Georges Blond Les enragés de Dieu Grasset, 384 p., 28 F. La guerre qui opposa pendant quatre siècles les catholiques aux protestants. Jean Bron Histoire du mouvement ouvrier français Tome 2 : La contestation du capitalisme par les travailleurs organisés (1884·1950) Editions Ouvrières, 328 p., 24 F. Abdallah Laroui L'histoire du Maghreb Un essai de synthèse Maspéro, 380 p., 26,70 F. Le point de vue d'un Maghrébin sur l'histoire de son pays. William Manchester Les armes des Krupp Trad. de l'américain par R. Rosenthal 24 p. d'illustrations
Jean H. Prat Paysages, vie et visages des Yvelines à l'orée du XX' siècle Ed. du Tigre, 225 p., 24 F. Le tournant de l'histoire à un endroit typique de la banlieue parisienne. William L. Shirer la chute de la Troisième République Trad. de l'américain 60 illustrations Stock, 1 100 p., 49 F. Un document remarquable par sa richesse et sa précision sur les causes de la défaite de 1940.
Samir Amin Le Maghreb moderne Editions de Minuit, 244 p., 18 F. • Une étude sociologique, politique et économique de la colonisation du Maghreb et des transformations postcoloniales de la société maghrébine. Julien Freund Le nouvel âge Eléments pour la théorie de la démocratie et de la paix Ed. Marcel Rivière, 218 p., 20 F. Coll .• Etudes sur le devenir social •. Hakan Hedberg Le défi japonais Trad. de l'anglais par Paul Hebert . Denoël, 304 p., 23 F. Le bilan d'un redressement économique sans précédent mais qui ne va pas sans inconvénients. Léo Huberman Paul M. Sweezy Le socialisme cubain Anthropos, 240 p., 21,50 F. Par les auteurs de • Cuba, anatomie d'une révolution ., paru en 1960, une étude très objective du fonctionnement du système socialiste à Cuba au cours de ces dix dernières années.
Charles Terrasse François 1" Tome III Grasset, 272 p., 24 F. Le dernier volume d'une trilogie sur François 1": il traite des dix dernières années de • Les 3'1 séances son règne, de 1538 officielles de la à 1547. Commune de Paris Réédition en fac-similé Vienne au temps Maspéro, 280 p., 15 F. de François·Joseph Les textes des séances De Strauss à Freud officielles tenues par 124 il!. en noir, 16 p. la Commune . en quadrichromie Hachette, 272 p., 43,50 F. • Karl Liebknecht Comment la capitale la Militarisme, guerre, plus traditionaliste de révolution l'Europe devint le choix de textes et berceau d'une présentation de civilisation Claudie Weill contestataire avant Trad. de l'allemand la lettre. par M. Ollivier Maspéro, 360 p., 23,70 F. Un tableau d'ensemble de l'œuvre de POLITIQUE Liebknecht.
Jean-Marie Albertini Capitalismes et socialismes à l'épreuve Editions Ouvrières, 304 p., 18 F. Les mécanismes comparés des régimes économiques qui partagent actuellement le monde.
Guy de Lusignan L'Afrique noire depuis l'Indépendance Fayard, 420 p. 34 F. D'abord publié en anglais pour les éditions Praeger (New York et Londres) et Pal Mali Press (Londres), ce livre analyse avec pertinence
et objectivité l'évolution des Etats francophones. Rosa Luxemburg Introduction à l'économie politique préface par E. Mandel Anthropos, 276 p., 21,50 F. Un ouvrage capital de la grande révolutionnaire allemande, qui met en lumière son apport original à la théorie marxiste. Harry Magdoff L'âge de l'impérialisme Trad. de l'anglais par G. Pelat Maspéro, 232 p., 18,10 F. L'économie de la politique étrangère des Etats-Unis et son incidence sur le système capitaliste mondial. Ouvriers face aux appareils (Une expérience militante chez Hispano-Suiza) Ouvrage collectif Maspéro, 276 p., 18,10 F. Un livre écrit à partir d'entretiens et de textes écrits collectivement par un groupe de militants de l'une des plus importantes usines de la région parisienne. Samuel Pisar Les armes de la paix (L'ouverture économique vers l'Est) Préface de J.-J. Servan-Schreiber Trad. de l'anglais par P. Alexandre et F. Meyrier Denoël, 288 p., 24 F. Un livre qui a obtenu un immense succès aux Etats-Unis et en Allemagne et qui se présente comme une sorte de charte pour la coopération économique Est-Ouest. Michel Salomon Méditerranée rouge 16 p. d'illustrations Laffont, 400 p. Une enquête sur la présence soviétique en Méditerranée, par l'envoyé spécial de • L'Express. au Moyen-Orient.
DOCUMENTS Georges Andrews Simon Vinkenoog Le livre du chanvre Trad. de l'anglais par Eric Delorme Fayard, 336 p., 25 F. Le dossier complet du
Livres publiés du 20 oct. au 5 nov. chanvre, de ses origines à sa plus immédiate actualité.
200 p. illustrées 91 photos en coul. et 243 en noir Arthaud, 360 p., 130 F. A la découverte de 28 palais issus des rêves et des mythes de certains hommes, dans tous les pays du monde et de l'aube des Temps Modernes à la période contemporaine.
Bernard Clavel Le massacre des innocents Latfont, 256 p., 18 F. 12 p. d'illustrations Un document poignant sur la misère et la mort des enfants dans le monde (les bénéfices sur ce livre seront .Max Ernst versés à l'organisation Ecritures • Terre des Hommes ., Nombr. illustrations consacrée précisément Gallimard, 448 p., 65 F. au sauvetage de Un recueil des textes, ces enfants). en général peù connus, ou devenus introuvables, de ce peintre Seymour M. Hersh surréaliste, complété Le massacre de par une biographie Song My inédite et un choix (La guerre du Vietnam d'interviews. et la conscience américaine) Trad. de l'anglais Gavin Hambly par Georges Magnane Cités de l'Inde Moghole Gallimard, 256 p., 20 F. Delhi, Agrs, Fatehpour, Un document d'une Sikri objectivité peu commune Trad. de l'anglais sur un des épisodes les par Robert Latour plus atroces de la 128 illustrations guerre du Vietnam. A. Michel, 240 p., 63,30 F. Collection «Cités Ben Dan d'Art '. A Tel·Aviv et au Caire Poker d'espions Fayard, 275 p., 24 F. Millard Meiss Par deux journalistes Grandes époques israéliens. de la fresque 119 pl. en couleurs et 8 611 noir Jacques Lantier Hachette, 252 p., 155 F. Le temps des Publié à l'occasion de policiers l'exposition de la Fayard, 336 p., 24 F. Fresque au Petit Palais, Un document un somptueux ouvrage remarquable et fort qui présente quelquessurprenant sur la police, unes des plus belles dû à un haut peintures monumentales fonctionnaire de du monde. l'Intérieur, ancien agent secret. Edmonde Sebeille L'affaire Dominici Plon, 320 p., 20,40 F. Une enquête approfondie sur le crime de Lurs. G. Lefèvre-Toussaint Plaidoyer pour une âme Préface de Daniel Mayer Denoël, 224 p., 18 F. L'affaire Gabrielle Russier. Jacob Tsur La révolte juive Plon, 288 p., 15.40 F. L'histoire du mouvement sioniste, vécue et décrite par un de ses protagonistes.
ARTS URBANISME Claude Arthaud Les palais du rêve
RELIGIONS Eugène Fleischmann Le christianisme mis à nu Plon, 240 p., 27,50 F. Coll. « Recherches en Sciences Humaines '. Marcel Legaut Introduction à l'intelligence du passé et de l'avenir du christianisme Aubier-Montaigne, 405 p., 27 F. Des solutions à la crise religieuse, par un chrétien de bonne volonté. Thomas Merton Zen, T&O et nirvana Esprit et contemplation en Extrême-Orient Trad. de l'anglais par Francis Ledoux
Coll. « Documents spirituels. Fayard, 176 p., 25 F. Inaugurant cette collection, une suite d'essais c-onsacrés au rôle de la contemplation dans la vie humaine et aux sommets qu'elle atteint en Extrême-Orient. René d'Ouince Un prophète en procès: Teilhard de Chardin Tome 1 : Teilhard dans l'Eglise de son temps Aubier-Montaigne, 264 p., 18 F. Les rapports de Teilhard avec les autorités majeures de la Compagnie et de la Curie romaine. René d'Ouince Un prophète en procès: Tome 2 : L'homme et l'avenir de la pensée humaine Aubier-Montaigne, 272 p., 18 F. T. Lobsang Rampa Lama médecin Coll. « Les Chemins de l'impossible. A. Michel, 256 p., 18 F. Un ouvrage qui captivera les amateurs d'occultisme et ceux que passionnent les mystères du Tibet. Claude Vincent Eglise, mère abusive Coll. « Points chauds. Fayard, 256 p., 20 F. L'expérience intime d'une chrétienne d'aujourd'hui face aux problèmes de la foi et à la crise de l'Eglise.
HUMOUR VOYAGES DIVERS Pierre Berloquin Le livre des jeux Nombr. illustrations Stock, 280 p., 30 F. Une encyclopédie très complète des jeux. Alain Mc Kenzle Le pavillon des caractères tracés Pauvert, 270 p., 26 F. Un « petit vocabulaire chinois franco-anglais '. Marcel Routf La vie et la passion de Dodln-Bouffant, gourmet Avec une préface de James de Coquet Stock, 230 p., 38 F. De la gastronomie considérée comme un des Beaux Arts.
La QuinzaIne Uttéralre, du 15 au 30 novembre 1970
POESIE
Anthologie de la poésie russe La renaissance du XX' siècle Bilingue Aubier-Flammarion. Paul Claudel Poésies Introduction de Jacques Petit Gall imard/Poésie. René Daumal Le contre-c:iel suivi de Les dernières paroles du poète Préface de C. Rugafiori Gallimard/Poésie Cette édition, enrichie de textes inédits, restitue le premier état du « Contre-ciel. qui n'a jamais été édité. Pierre-Jean Jouve Diadème suivi de Mélodrame Gallimard/Poésie. Maurice Regnaut 66-67 Pierre Jean Oswald/ Action Poétique. Louise. de Vilmorin Poèmes Gallimard/Poésie.
POCHE Paul Diel Psychologie de la motivation Petite Bibliothèque Payot. André Hodeir Les mondes du jazz 10/18. Thomas Mann Sur le mariage Lessing Freud et la pensée moderne Mon temps Bilingue Aubier-Flammarion. Alfred Rosmer Moscou sous Lénine Petite Collection Maspéro. W. Rostow Les étapes de. la croissance économique Seuil/Points. Victor Serge Ce que tout révolutionnaire doit
savoir de la répression Petite Collection Maspéro. J.-J. Servan-Schreiber Le manifeste radical Livre de Poche. Grégoire de Tours Histoire des Francs 10/18. Constantin Tsoucalas La Grèce, de l'indépendance aux colonels Trad. de l'anglais par J.-P. Rospars Petite Collection Maspéro.
ESSAIS
Maurice Bessy Walt Disney Seghers/Cinéma d'aujourd'hui A la fois une analyse critique d'une œuvre fort discutée et le portrait d'une personnalité hors du commun. Catherine Drinker Bowen Le rendez·vous de Philadelphie SeghersjVent d'Ouest Le « rendez-vous. de mai à septembre 1787, qui réunit les délégués à la Convention constitutionnelle des Etats-Unis. Louis Bréhier Les institutions de l'Empire Byzantin La civilisation byzantine A. Michel/L'Evolution de l'Humanité Le deuxième et troisième volet de la triologie que l'auteur consacre à Byzance.
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Jean Ehrard L'idée de nature en France à l'aube des Lumières Flammarion/Science La formation d'une préoccupation majeure de l'âge encyclopédiste et son incidence sur la vie intellectuelle. Jean-Louis Flandrin L'Eglise et le contrôle des naissances Flammarion/Questions d'Histoire Les origines historiques de l'attitude actuelle de l'Eglise face à ce problème et l'évolution probable de ses positions en la matière.
J.K. Galbraith La crise économique de 1929 Trad. de l'anglais par H. Le Gallo Petite Bibliothèque Payot Une anatomie de la catastrophe financière de 1929, par le célèbre économiste américain. Alain de Lattre Geulincx Seghers/Philosophes de tous les temps L'œuvre de ce ~ philosophe flamand, contemporain de Spinoza (1624-1669) . Georg Lukacs Soljenitsyne Trad. de l'allemand par S. Bricianer Gallimard/Idées Dans le cadre de ses recherches sur l'esthétique du roman, "auteur interroge ici l'œuvre du plus illustre des écrivains soviétiques. Henry Miller Le temps des assassins Piere Jean Oswald Enfin publié en France, un essai sur Rimbaud que Miller écrivit en 1945.· A.S. Neill La liberté· pas l'anarchie Réflexions sur l'éducation et l'expérience de Summerhill Trad. de l'anglais par M. Laguilhomie Petite Bibliothèque Payot (Voir le na 98 de la Quinzaine) .
Claude Ranel Moi, juif palestinien Laffont/Libertés Le point de vue d'un Israélien, réalisateur et commentateur à la radio israélienne, sur le problème de la Palestine.
Maximilien Rubel Pages de Karl Marx pour une éthique socialiste 1. Sociologie critique 2. Révolution et socialisme Petite Bibliothèque Payot Une anthologie due à l'éditeur des Œuvres de Marx.
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Michel Déon
Marguerite Duras
Patricia Finaly
Bruno Gay-Lussac
LES PONEYS SAU'TAGES
ABAHN SABANA DA'TID
LE GAI GHETTO
INTRODUCTION A LA VIE PROFANE
Michel Huriet
Jean Maxime
Robert Merle
Claude Mourthé
UNE FILLE DE MANCHESTER
LA FETE, ENCERCLEE
DERRIERE LA VITRE
Bertrand Poirot-Delpech
Bernard Ponty
Thérèse de Saint Phalle
Jacques Serguine
LA FOLLE DE LITUANIE
LE SEQUESTRE
LE SOUVERAIN
LA J\tORT CONFUSE
J. M. G. Le Clézio
Nicole Quentin-Maurer
LA GUERRE
PORTRAIT •• DE RAPHAEL
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LA CAMERA Prix de la Fondation Del Duca f 970 décerné sur manuscrit
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