La Quinzaine Littéraire n°108

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SOMMAIRE

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LE LIVRE DE LA QUINZAINE INEDIT

Andrei Amalrik

Voyage involontaire en Sibérie

Maurice Blanchot

L'exij:!;ence du retour

LITTERATURE ETRANGERE

John Galsworthy

La dynastie des Forsyte

par Alain Clerval

Juan Goytisolo

Revendication du Comte don Julian

par Adelaide Blasquez

Arno Schmidt

Le rêve de Zettel

par Karlheinz Schauder

J erzy Lisowski Guillaume Apollinaire

Anthologie de la poésie française Les onze mille verges Les exploits d'un jeune don Juan Livres d'Etrennes

par Guy de Bosschère par Raymond Jean

Les meilleurs livres d'art en 1970

Livres d'enfants

par Françoise Choay Jean Selz Marcel Billot Claude Lepelley par Marie-José Lepicard

Ni Marx ni Jésus

par Annie Kriep:el

8 10

LETTRE D'ALLEMAGNE

12 13 14 16

24 26 27 29

POLITIQUE

Jean-François Revel

Le prinlemps de

LETTRE D'AMERIOUE HISTOIRE

32

CINEMA

33 34

par Lucien Attoun

Gordon Hessler Roger Corman

Scream and scream again Bloody Marna

par Louis Seguin

Michel Drach

Elise. ou la vraie vie

par Roger Dadoun

Bertucelli

Remparts d'argile L'écriture par l'image Dans les galeries

par Michel Zéraffa par Jean Desfossés par Jean-Jacques Lévêque

TELEVISION

François Erval, Maurice Nadeau.

Conseiller: Joseph Breitbach. Comité de rédaction : Georges Balandier, Bernard Cazes, FrançÔis Châtelet, Françoise Choay, Dominique Femandez, Marc Ferro, Gilles Lapouge, Gilbert Walusinski. litteraire

Secrétariat de la rédaction et .documentation : Anne Sarraute. Courrier liu'eraire : Adelaide Blasquez. Maql(ette de couverture : JacqUes Daniel. Dessin de Robert Lapoujade Rédaction, administration : 43, rue du Temple, Paris (4e ) Téléphone: 887-48·58.

2

~aporta

Dhu-Roi Tête d'Or

35

La Quinzaine

par Marc

par Louis Bergeron

Charles Tilly

THEATRE

par Adelaide Blasquez

Sur la Révolution française La Révolution française . Mythes et interprétations La Révolution française La Civilisation et la Révolution française La Vendée, Révolution et Contre-Révolution

Claude Mazauric Alice Gérard François Furet et Denis Richet Albert Soboul

31

r Amérique

par Maurice Nadeau

Crédits photograpmquea

Publicité littéraire : 22, rue de Grenelle, Paris (7e ). Téléphone: 222·94·03.

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Publicité générale : au journal.

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Pm du nO au Canada : 75 cents. Abonnements : Un an : 58 F, vingt-trois. numéros. Six mois : 34 F, douze numéros. Etudiants : réduction de 20 %. Etranger: Un an : 70 F. Six mois: 40 F. Pour tout changement d'adresse envoyer 3 timbres à 0,40 F. Règlement par mandat, chèque bancaire, chèque postal : C.C.P. Paris 15551·53. Directeur de la publication.: François Emanuel. Impression S.I.S.s. Printed in France.

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8 p. 13 p. 16 p. 17 p. 18 p. 19 p. 20 p. 22 p. 23 p. 25 p. 27 p.28 p. 29 p. 31 p. 32 p. 33

Gallimard L'Arc Gallimard

RN. Gallimard Flammarion Hachette Flammarion Skira Skira Office du Livre L'école des Loisirs. D.R. D.R. Hachette Réalités D.R. D.R. D.R.


LE LIVRE DE

Libérez Amalrik! LA QUINZAINE

AndreÏ Amalrik Voyage involontaire en Sibérie Traduit du russe Coll. Témoins Gallimard éd., 296 p.

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Voyage involontaire en Sibérie a été écrit antérieurement à l'U.R.S.S. survivra-t-elle en 1984 ?, que nous avons lu ici en premier et qui vient d'envoyer Amalrik en camp pour trois ans (1). C'est le récit d'une déportation dont l'auteur est revenu en 1966, à vingt-huit ans, et au cours de laquelle il a eu le triste avantage de pénétrer dans les couches profondes de son pays. Ce qui l'a probablement amené à écrire le pamphlet dont les autorités soviétiques tirent aujourd'hui vengeance: on n'envoie pas en effet un exempté du service militaire pour troubles cardiaques dans un camp disciplinaire « dur» sans intention meurtrière. AmaIrik subit le sort de Siniavski, de Daniel et de quelques autres pour le même crime impardoQnable de non-conformisme. Les deux ouvrages ne se ressemblent guère. Dans l'U.R.S.S. survivra-t-elle... Amalrik échafaude des vues à longue portée qui culminent dans une vision apocalyptique : celle de la désintégration du régime post-stalinien et de l'U.R.S.S. ellemême après que les Chinois l'auront envahie. Nous sommes dans le domaine de l'hypothèse et de la prédiction, l'analyse ne paraît pas toujours solidement fondée. Dans V oyage involontaire en Sibérie l'auteur se garde au contraire de toute vue d'avenir, de toute incursion théorique, de toute appréciation d'ensemble. Il raconte seulement ce qui lui est advenu par un enchaînement de circonstances précises et détaillées, et si le fonctionnement des rouages qui ont pour fin de broyer tout individu suspect de nourrir à l'endroit du régime, du Parti, de l'U.R.S.S., des opinions hétérodoxes est admirablement décrit, l'auteur se tient en deça du gémissement, de la colère ou de l'indignation. Il n'en appelle ni à la conscience universelle ni aux idéaux du socialisme. Il se borne à montrer les faits. Au lecteur de juger. Le lecteur juge, en effet, et s'il n'est pas intimement bouleversé comme, par exemple, à la lecture du Premier Cercle, sa conviction néanmoins se renforce qu'un régime qui traite aussi abominablement les hommes - et pas seulement ceux qu'il met hors de sa loi, nous le ver"

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rons - qui administre si barbarement les choses, est malfaisant. Pour ceux qui croient au socialisme et à une révolution dont la nécessité, quoi qu'on fasse, est inscrite dans notre propre destin, cette constatation invite à penser que le fameux dilemme posé par Trotsky à la veille de la Deuxième guerre mondiale : « Socialisme ou barbarie? » mérite un puissant correctif. La barbarie n'est plus, hélas, l'apanage des régimes fascistes ou « démocratiques ». D'abord, les motifs qui ont fait arrêter Amalrik. Ils sont à peine croyables. Il avait pour ami un peintre dit abstrait, donc mal vu, Zverev, qui avait, en outre eu le tort de se laisser exposer à Paris (et subi, du même coup, les étrivières de M. Aragon dans les Lettres Fran· çaises). Les Américains, voulant à leur tour exposer ses œuvres, dépê. chent auprès de lui le correspondant d'un de leurs journaux à Moscou afin de prendre une interview. Zverev est introuvable, il vit, en fait, en clochard, Amalrik s'entremet et reçoit chez lui ledit journaliste. Il avait voulu oublier que sa brave ménagère de voisine était, comme beaucoup de Russes, une in· dicatrice. Le voici signalé comme entretenant des rapports avec des étrangers (et dans quel but, sinon de subversion et d'espionnage ?), visité par des argousins, traîné de bureau en bureau, perquisitionné, les toiles de Zverev (jugées « pornographiques ») et ses manuscrits (qui ne peuvent qu'être « antisoviétiques ») saisis. Il n'a occupé jusqu'alors que des emplois temporai. res, son père ancien combattant à moitié paralysé et cardiaque réclamant tous ses soins. Le voici accusé de « parasitisme ». On le met en demeure de trouver un travail régulier et on lui en refuse en même temps la possibilité. La machine qui l'a happé ne le lâchera plus. Il passe son temps entre le bureau de police et la prison, avec de brefs retours à la vie civile qui permettront d'accumuler de nouvelles preuves contre lui et de grossir un dossier à l'origine fort mince. AmaIrik se défend pied à pied, trouvant padois refuge derrière les articles du code. Peine perdue. Déféré devant un juge-accusateur dont le principal travail a été de susciter de faux témoins, son cas expédié en quelques minutes, il s'entend condamner à deux ans et demi de déportation dans la région de Tomsk. Il décrit, chemin faisant, les

La Qn'nza''''' Uttâ'alre, du 16 au 31 décembre 1970

mille et un aspects de la persécution policière, le traitement réservé à ses compagnons de cellule : pochards invétérés, clochards professionnels, concussionnaires au petit pied ou simples filous qui devraient relever d'une débonnaire correctionnelle ou des soins du médecin, et qui seront envoyés du côté de Novossibirsk où l'agriculture soviétique manque de bras. La justice, en effet, se borne à seconder la police, de façon très obéissante et très zélée, son rôle consistant seulement à mettre en forme, si l'on ose dire, des jugements déjà prononcés ailleurs, par le K.G.B. ou les polices locales. Aux environs de Tomsk nous voi· ci dans un autre monde, et plus étonnant encore. Amalrik est versé dans un kolkhoze comme il en exis· te des milliers en U.R.S.S., parmi des paysans « libres ». TI est commis aux travaux les plus durs, ce qui n'est pas pour surprendre, mais son sort n'est pas pire que celui des paysans ou, si l'on veut, celui des « travailleurs kolkhoziens» n'est guère meilleur que le sien. Ils sont, certes, assurés de ne pas mourir de

faim, mais cette sécurité ils la paient très cher, attachés à la glèbe de leur naissance à leur mort (on ne s'évade du kolkhoze qu'à la faveur du service militaire ou d'aléatoires études), transférés d'un emploi à un autre qui souvent ne leur convient pas davantage, payés en « unités de travail» qui donnent droit à quelques roubles et un sac de grains à la fin du mois, ne connaissant ni jours de repos ni vacances (le dimanche, en principe, jour férié, est consacré au travaîl « volontaire»), n'ayant pour horizon que leur parcelle individuelle qu'ils cultivent quand les travaux collectifs leur en laissent le loisir (?). Si peu et si mal qu'ils fassent, on ne peut les chasser du kolkhoze, cela leur suffit. Pour distraction, la vodka ou, la vodka coûte cher, la braga, un alcool obtenu en faisant fondre trois kilos de sucre dans "un seau d'eau et auxquels on ajoute en temps voulu un peu de levure : un demi-verre de ce tord-boyaux économique permet d'oublier les misères de l'existence. Les jeunes danseilt le soir au club et y. voient de temps .à

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LES REVUES

~ Amalrik

autre des films vieux de vingt ans. Quant aux « têtes pensantes» : l'instituteur, le président du kolkhoze, la secrétaire du club, appar· tenant au Parti, ils s'accommodent de l'envie qu'ils suscitent en raison de leUr petit travail de fonctionnaires et de leurs salaires plus élevés. Les déportéi» sont généralement bien vus des paysans : « nous pensions, dit l'un d'eux à Amalrik, que nous étions au plus bas de l'échelle, tu es encore au-dessous de nous ». On imagine l'entrain au travail de ces nouveaux serfs, leur goût de l'initiative, leur sens de l'organisation. Ils subsistent, n'est-ce pas suffisant ? Et leur force d'inertie est incalculable, le comptable, ignare, en est encore à aligner des bâtons. pour calculer les « unités de tra· vail ».

A quoi bon? Amalrik, que désespèrent cette arriération ancestrale, la pagaille, l'immense gaspillage de forces et de temps dont chacun prend aisément son parti, ne peut s'empêcher de donner des conseils, de faire appel au bon sens du travailleur qui, s'il l'écoutait, verrait sa peine d'autant soulagée. On. lui répond par des haussements d'épaule : les choses se sont toujours faites ainsi, et puis à quoi bon ? Bonne ou mauvaise, la récolte ira de toute façon dans les magasins de l'Etat. Si elle dépasse les prévisions, on n'en travaillera pas moins pour cela. Des bâti-

ments vétustes menacent de s'écrou1er, il faudrait en construire de nouveaux, mais comme « les autorités traquent avec énergie les charpentiers, les fumistes et en général tous les ouvriers du bâtiment qui travaillent de façon indépendante », ce sont les paysans eux-mêmes qui doivent édifier de leurs mains de belles ruines toutes neuves : étables sur murs bancals, porcheries sans toit, crèches ouvertes sur le vent sibérien. Quand les étudiants d'une école technique voisine viennent aider à ces travaux hautement qualifiés, c'est encore pis : il n'y a plus qu'à loger les vaches chez l'habitant. Curieux étudiants d'ailleurs, bien intentionnés, et qui voudraient por· ter remède à ce mal endémique de la désorganisation dont, à l'exemple de ce kolkhoze, souffre le pays tout entier. Il y faudrait une main de fer, disent-ils, un Staline. Avec Khrouchtchev, les travailleurs en prennent vraiment trop à leur aise. On frémit à penser qu'ils formeront les cadres de demain. Les plus « contestataires» d'entre eux, ceux qui, dans les conversations privées, dénoncent « les règlements en vigueur dans les usines, le travail très peu payé, les conditions de vie très pénibles », ce n'est pas le gouvernement ou l'Etat qu'ils en rendent responsables, mais les juifs, qui « ont pris tous les postes ». Beau ré· sultat de l'éducation socialiste! Ils sont persuadés, comme tous les Soviétiques ajoute Amalrik, et « à tous les niveaux de la pensée », « qu'on ne peut rien obtenir que par la force et la contrainte ».

REIMPRESSIONS 10u ANDREAS-SALOME :

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cc FREDERIC NIETZSCHE », 20,95 F nous avons vécu et pensé pareillement. - Nietzsche à LouB. Russell: La Philosophie de Leibniz -, 23,10 F. A. Labriola: Essais sur la Conception Matérialiste de l'Histoire -, 20,90 F. M. Halbwachs: c La Classe Ouvrière et les Niveaux de Vie -, 24,70 F. H. Bourgin: c L'Ecole Normale et la Politique -, (de Jaurès à Blum), 23,10 F. M. Blanchot: c Le Ressassement Eternel -, 17,75 F. Diffusion France: OPHRYS, 10, rue de Nesle, 'Paris (6e ) . GORDON et BREACH : 7-9, rue Emile-Dubois, Paris (14°). 12, Bloomsbury Way - Londres WC 1 , c ...

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Passons sur les tribulations d'Amalrik (qui relèvent souvent de l'humour noir), sur l'impossibilité pour lui de retourner à Moscou au terme de sa déportation (absent depuis plus de six mois, et pour cause, il perd non seulement son logement mais cette inscription qui, où que ce soit, autorise à résider), passons sur les circonstances tristement bureaucratiques de sa libération anti· cipée. L'ouvrage vaut surtout par cette peinture de la vie quotidienne aux traits innombrables et singu. liers qui ne sont pas seulement là pour le pittoresque. A travers eux, c'est moins le visage du socialisme qui se laisse voir que celui d'une Russie millénaire, encroûtée dans les traditions moyenâgeuses. Amal· rik les décrit en observateur des mœurs, sans commentaire acrimo· nieux ou plaintif, avec même, quand il s'agit de lui, une pointe d'humour perceptible jusque dans le titre de son ouvrage et qui révèle en ce fragile intellectuel l'homme supérieur aux événements, inentamable dans ses convictions. Né dans ce pays et tenant à partager le sort de ses compatriotes, il voudrait seulement que ce « socialisme » qu'il ne récuse pas s'accompagne des droits fondamentaux générale. ment reconnus à la personne humai· ne et généralement, d'ailleurs, si peu respectés. Il voudrait que son pays parvienne enfin, cinquante ans après Octobre, à la « démocratie politique ». Ses espoirs, il en paie actuelle· ment le prix, comme l'ont payé ou continuent de le payer Chalamov, Soljenitsyne, Youli Daniel et quelques autres. Parce que ces hommes existent et font face, on n'a pas le droit, comme. sont portés à le faire chez nous d'anciens thuriféraires de l'U.R.S.S. récemment « américani· sés », de porter un grand pays tout entier au compte profits et pertes de la Révolution. Après avoir fait le tour du mon· de, le livre d'Amalrik va revenir en boomerang sur la tête de bourreaux médiocres et de leurs juges aux or· dres. Circonstancié et précis comme une enquête d'ethnologue, honnête comme le Baedeker d'un monde moins connu que la Lune, écrit sans flonflons ni flaflas, Voyage involon· taire en Sibérie, est animé d'une force terrible. Maurice Nadeau

(1) Fayard, éd. Voir la Qulnzalne n° 96.

Les Temps modernes (n° 291) Numéro entièrement consacré aux luttes américaines, aux Etats-Unis, au Mexique, en Argentine et en Uruguay. Ce tour d'horizon est complété par le reportage d'un jeune professeur, Claude Courchay, à Cuba l'été dernier. M. Courchay est optimiste.

Esprit (novembre 1970) Livraison très éclectique avec Casamayor (sur une décision de la Cour de Sûreté), Paul Thibaud (sur la régionalisation), Manuel de Dieguez, Gabriel Germain et D. Pereira da Costa. La partie littéraire est consacrée. à la peinture (Robert Marteau parle de Goya) et à la poésie de Robert Lowell. Le texte le plus curieux est certai· nement cette prière que Duvallier, le dictateur de Haïti, a fait distribuer dans les églises : ft Notre Doc, qui êtes au Palais national pour la vie, que votre nom soit béni pour les générations présentes et futures, que votre volonté soit faite à Port·au-Prince et en province... »

Les Cahiers du chemin (n° 10) Jean-Luc Parant, Roger Borderie, Le Clézio, Claude Mouchard, François Coupry, Jean Roudaut et Jude Stephan sont au sommaire de ce numéro d'automne. Pour la première fois, la revue de Georges Lambrichs inaugure une partie critique assurée uniquement par des auteurs de 'la collection c Le Chemin -.

Action poétique (n° 44) Après une remise en question de Jdanov dans le numéro précédent, c'est une réflexion sur le réalisme socialiste à l'aide de documents et d'un inventaire critique sérieux qui est au centre de ce numéro. La partie poéti· que est assurée par Pierre Lartigue, Charles Dobzynski, Paul-Louis Rossi, Claude Delmas ainsi que par des poèmes du romancier albanais Ismaël Kadaré dont nous avons pu lire l'an dernier le Général de l'armée morte.

La Nouvelle Revue française (n° 215) Giuseppe Ungaretti, Jean Grenier, Daniel Boulanger, Pierre Oster, Pierre Leyris (sur une pièce inédite de Shakespeare) et Alexandre Blok sont au sommaire de la N.R.F. Dans la partie critique, Mauriac, Dickens, Le Clézio, Poliakoff, Ionesco, Genet et Laurel et Hardy sont à l'honneur.

Entretiens La revue Entretiens, qui s'est déjà signalé par de remarquables numéros spéciaux (dont un sur l'Algérie, publié sous la direction de Mohammed Harbl, toujours emprisonné ,à Alger), offre dans sa dernière livraison un très riche ensemble de textes sur Roger Vailland; de nombreuses photographies contribuent à faire revivre la séduisante personnalité de l'auteur de Dr6le de jeu, mort en 1965. Sont en préparation, par ailleurs, des numéros sur Lautreamont et sur Antonin Artaud.


INEDIT

Maurice Blanchot •• L'exigence du retour

Le nouveau c a hie r de l'Arc (1) est consacré à l'œuvre de Pierre Klossowski. Autour d'une contribution capitale de Klossowski lui-même - considérations rétrospectives sur l'ensemble de son œuvre d'écrivain, de penseur et de dessinateur s'organisent diverses études mythologiques (Catherine Backès-Clément, Pierre Pachet), psychanalytiques (Gilles Deleuze et Félix Guattari, Michèle Montrelay et Jean Reboul), rhétoriques (le .. théâtre de société ,,) est évoqué par des textes de Michel Butor et Georges Perros). La théologie intime, de la Vocation suspendue au Baphomet, apparaît dans l'essai de Jean-Noël Vuarnet sa sainte .. Thérèse et le philosophe ". Enfin, l'interprétation décisive qu'a donnée Klossowski de .. la période turinoise" de Nietzsche fait l'objet d'études de Brice Parain et Claude Vivien, tandis que Maurice Blanchot décrit, à travers Nietzsche et le Cercle Vicieux : .. L'exigence du retour". De ce dernier texte nous sommes heureux de publier l'extrait ci-dessous: (1) L'Arc. Chemin de Repentance. Aix-en-Provence.

Pierre Klossowski Pour Pierre Klossowski, qui a réinscrit sur nos murs, lui donnant sa valeur d'éclat, le signe : Circulus vitiosus deus, et ainsi, comme par la main (doucement. perfidement). nous a conduits là où. depuis toujours et pour

toujours. dans le temps hors temps, nous nous rencontrions sans nous reconnaître et nous reconnaissions sans nous rencontrer. en compagnie des amis morts. morts et vivant ensemble avec eux :

Entrons dans ce rapport. •

La mort, nous n'y sommes pas habitués. La mort étant ce à quoi nous ne sommes pas habitués, nous l'approchons soit comme l'inhabituel qui émerveille, soit comme le non-familier qui fait horreur. La pensée de la mort ne nous aide pas à penser la mort, ne nous donne pas la mort comme quelque chose à penser. Mort, pensées à ce point proches que, pensant, nous mourons, si mourants nous nous dispensons de penser: toute pensée serait mortelle; toute pensée, dernière pensée.

• Le rapport au .. il " : la pluralité que détient le .. il " est telle qu'elle ne peut se marquer par quelque signe pluriel. Pourquoi? .. ils" désignerait encore une singularité multiple, un ensemble analysable, par conséquent maniable... Ils" est la manière dont

(il) se libère du neutre en empruntant à la pluralité une possibilité de se déterminer, par là retournant commodément à l'indétermination, comme si (il) pouvait y trouver l'indice suffisant qui lui fixerait une place, celle, très déterminée, où s'inscrit tout indéterminé. Si j'écris il, le dénonçant plutôt que l'indiquant, je sais au moins que, loin de lui donner un rang, un rôle ou une présence qui l'élèverait au-dessus de tout ce qui peut se désigner, c'est moi qui, à partir de là, entre dans le rapport où .. je " accepte de se figer dans une identité de fiction ou de fonction, afin que puisse s'exercer le jeu d'écriture dont il est alors soit le partenaire et (en même temps) le produit ou le don, soit la mise, l'enjeu qui, en tant que tel, principal joueur, joue, change, se déplace et prend la place du changement même, déplacement qui manque d'emplacement et à tout emplacement. il : si je tiens au bord de l'écriture, attentif à ne pas I:y introduire sous forme majuscule, plus attentif encore à ne pas lui faire porter un surplus de sens qui lui viendrait de ce qu'on ne sait pas ce qu'il désigne, ce mot que je maintiens, non sans lutte, dans la position que momentanément je lui assigne (au bord de l'écriture), je dois non seulement le surveiller sans cesse, mais, à partir de lui, par une usurpation ou fiction impossible, surveiller le changement de place et de configuration qui en résulterait pour ce .. moi ", dès l'abord à la fois chargé de représenter le même et

~ La Quinzaine Uttéralre, du 16 au 31 décembre 1970

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~ Blanchot

l'identité ou la permanence des signes mêmes dans et par leur graphie, en même temps n'ayant pas d'autre forme que cette fonction ou ponction d'identité. Le moi n'est pas moi, mais le même du moi-même : non pas quelque identité personnelle, impersonnelle, sûre et vacillante, mais la loi ou règle qui assure conventionnellement l'identité idéale des termes ou notations. Le moi est alors .une abréviation qu'on peut dire canonique, formule qui règle et, si l'on veut, bénit, dans la première personne, la prétention du Même à la primauté. De là peut-être ce caractère sacré qui s'attacherait au moi et que l'égoïsme confisque en en faisant le privilège du point central qu'il occupe, ainsi que le trait de tout mouvement de rassembler, associer, grouper; unifier, voire négativement désunifier, dissocier ou désassembler. • il : au bord de l'écriture; transparence, en ,tant que telle, opaque; portant ce qui l'inscrit, l'effaçant, s'effaçant en l'inscription, l'effacement de la marque qui le marque; neutre, sous l'attrait du neutre, au point de paraître dangereusement le fixer et, si nous étions capables de le « suivre - jusqu'à ce bord où ce qui s'écrit a toujours déjà disparu non pas dans l'autre de l'écriture mais dans la neutralité d'écrire, de nous tenter d'avoir rapport avec ce qui s'exclut de tout rapport et qui pourtant ne s'indique absolu que sous le mode relatif (de la relation même, multiple). Qu'il soit majuscule, minuscule, en position de sujet, en situation de pléonasme, indiquant tel autre ou aucun autre ou n'indiquant que sa propre indication, le il sans identité; personnel? im:>ersonnel ? pas encore et toujours au-delà; et n'étant pas quelqu'un ou quelque chose, pas plus qu'il ne saurait avoir pour répondant la magie de l'être ou la fascination du non-être. Pour l'instant, la seule chose à dire: il, un mot de trop, que par ruse nous situons au bord de l'écriture, soit le rapport d'écriture à l'écriture, lorsque celle-ci s'indique au bord d'elle-même. • Non-présent, non-absent; il nous tente à la manière de ce que nous ne saurions rencontrer que dans les situations où nous ne sommes plus: sauf - sauf à la limite; situations qu'on nomme « extrêmes -, à supposer qu'il y en ait. • Le rapport de moi à l'autre, difficile à penser (rapport que « rapporte - le il) : à cause du statut de l'autre, tantôt et à la fois l'autre comme terme, tantôt et à la fois l'autre comme rapport sans terme, relais toujours à relayer; puis, par le changement qu'il propose à moi, celui-ci devant s'~ccepter non seulement comme hypothétique, voire fictif, mais comme abréviation canonique, représentant la loi du même, par avance fracturé (alors à nouveau sous la fallacieuse proposition de ce moi morcelé, intimement blessé - à nouveau un moi vivant, c'est-à-dire plein). • L'Eternel Retour du Même : le même, soit le moi-même en tant qu'il résume la règle d'identité, soit le moi présent. Mais l'exigence du retour, excluant du temps tout mode présent, ne libérera jamais un maintenant où le même reviendrait au même, au moimême. • L'Eternel Retour du Même : comlTle si le retour, proposé ironiquement comme loi du Même, où le Même serait souverain, ne faisait pas nécessairement du temps un jeu infini à deux entrées (données pour une et toutefois jamais unifiées) : avenir toujours déjà dépassé, passé toujours encore à venir, d'où la troisième lnstance, l'instant de la présence, s'excluànt, exclurait toute possibilité identique. Comment, sous la loi du retour là où entre passé et avenir rien ne se conjugue, sauter de l'un à ('autre, alors que la règle ne permet pas le passage, fût-ce celui d'un saut? Passé, dit-on, serait le même qu'avenir. Il n'y aurait donc qu'une seule modalité ou une double modalité fonctionnant de telle manière que l'identité, différée, réglerait la différence. Mais telle serait l'exigence du retour: c'est CI sous une apparence fausse de présent» que l'ambiguïté passé-avenir séparerait invisiblement l'avenir du passé. Soit un passé, soit un avenir, sans rien qui permettrait de l'un à l'autre le passage, de telle sorte que la ligne de démarcation les démarquerait d'autant plus qu'elle resterait invisible: espérance

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d'un passé, révolu d'un avenir. Seule, alors, du temps, resterait cette ligne toujours à franchir, toujours déjà franchie, cependant infranchissable et, par rapport à « moi -, non situable. L'impossibilité de situer cette ligne, c'est peut-être cela seulement que ' nous nommerions le «présent -. La loi du retour supposant que «tout - reviendrait, semble poser le temps comme achevé : le cercle hors circulation de tous cercles; mais, pour autant qu'elle rompt l'anneau en son milieu, elle propose un temps non pas inaccompli, fini au contraire, sauf en ce point actuel que nous croyons détenir seul et qui, manquant, introduit la rupture d'infinité, nous obligeant à vivre comme en état de mort perpétuelle. • Le passé (vide), le futur (vide), sous le faux jour d'un présent: seuls épisodes à insèrire dans et par l'absence de livre. • Supposons cela: le passé est vide et seul le jeu multiple de miroitement, l'illusion qu'il y aurait un présent destiné à passer et à se retenir dans le passé, conduirait à le croire rempli d'événements, croyance qui le ferait paraître moins inamical, moins effrayant: passé alors habité, fût-ce de fantômes, il accorderait le droit de vivre innocemment (sur le mode narratif) cela même qui cependant se donne pour à jamais révoqué et en même temps irrévocable. L'irrévocabilité serait le trait par lequel le vide du passé marque, en les donnant pour impossibles à revivre et donc comme' ayant été déjà vécus dans un présent insituable, les semblants d'événements qui ne sont là que pour recouvrir le vide, l'enchanter en le dérobant, tout de même en l'annonçant par l'indice d'irréversibilitê. L'irrévocable n'est alors nullement ou pas seulement le fait que cela qui a eu lieu a eu lieu à jamais : c'est peutêtre le moyen - étrange, j'en conviens - pour le passé de nous avertir (en nous ménageant) qu'il est vide et que l'échéance - la chute infinie - qu'il désigne, ce puits infiniment profond où tomberaient, s'il y en avait, les événements un par un, ne signifie que le vide du puits, la profondeur de ce qui est sans fond. C'est irrévocable, indélébile, oui : ineffaçable, mais parce que rien n'y est inscrit. Admettons maintenant que les événements ne soient « réels - qu'au passé, machine fonctionnant de telle sorte que nous puissions nous remémorer, par une mémoire bien agencée, quoique avec un léger doute, tout ce que le futur pourrait nous promettre ou nous faire redouter. Mais le passé n'est-il pas toujours moins riche que l'avenir et toujours autre? Assurément, sauf si le passé étant l'infiniment vide et l'avenir, l'infiniment vide, l'un et l'autre n'étaient que la manière oblique (l'écran différemment incliné) dont le vide se donne, simulant tantôt le possible-impossible, tantôt l'irrévocable-révolu, sauf encore si la loi de l'Eternel Retour ne laissait jamais d'autre choix que de vivre au passé l'avenir et l'avenir au passé, sans cependant que passé, avenir soient appelés à s'échanger selon la circulation du Même, puisque, entre eux, l'interruption, le défaut de présence, empêcherait toute communication autrement que par l'interruption : interruption vécue soit comme le révolu du passé ou le possible de l'avenir, soit précisément comme l'utopie incroyable de l'Eternel Retour. On ne peut croire à l'Eternel Retour. C'est sa seule garantie, sa « vérification -. Telle est, là-bas, l'exigence de la Loi. • Si, dans « l'effroyablement ancien -, rien ne fut jamais présent et si, à peine vient-il de se produire, l'événement, par la chute absolue, aussitôt y tombe, comme l'indice d'irrévocabilité nous l'annonce, c'est que (d'où notre froid pressentiment) l'événement que nous croyions avoir vécu ne fut, lui non plus, jamais avec nous ni avec quoi que ce soit en rapport de présence. (C'est comme s'il avait écrit dans la marge d'un livre qui ne serait écrit que bien plus tard, à une époque où les livres depuis toujours disparus évoqueraient seulement un passé effroyablement ancien et comme sans parole, sans autre parole que cette voix murmurante d'un passé effroyablement ancien.) • Le vide du futur: la mort y a notre avenir. Le vide du passé: la mort y a son tombeau.


I.ITT.RATURE

Une épopée victorienne .TRANG~RE

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John Galsworthy

La dynastie des Forsyte Calmann-Lévy éd., 860 p.

La Forsyte Saga fait partie de ces livres qui, comme Contrepoint d'Aldous Huxley, les récits d'Evelyn Waugh, Sam de Mary Webb ou 1984 de George Orwell, contribuèrent au cours de l'entre deux guerres à assurer aux lettres anglaises l'audience du grand public français. C'est une œuvre qui flatte les classes dominantes dans le sentiment d'appartenir à un establishment par les valeurs et la culture. Dans le temps que les sociétés libérales commençaient de se sentir menacées par la montée spectaculaire des fascismes, en France les bourgeois conquérants, pour reprendre l'expression de C. Morazé, et les dynasties bourgeoises, si l'on emprunte le terme de Beau de Loménie, n'étaient pas si éloignés, ni par leur évolution, ni par les institutions économiques ou politiques qui favorisèrent leur essor, ni par le système des valeurs, de la postérité des chevaliers d'industrie de la Cité, qu'ils ne puissent prendre un plaisir égal à la vaste fresque par laquelle John Galsworthy faisait revivre l'épopée de la société v,ictorienne. Galsworthy assimile l'évolution de la société au transformisme de Darwin. On ne trouve dans son œuvre ni l'utopie socialiste généreuse de Zola, ni le pouvoir visionnaire de Balzac, malgré des similitudes superficielles dans la conception du développement et de l'organisation sociale. L'auteur s'inspire davantage d'un mécanisme sommaire. Dans la Forsyte Saga, hélas, le talent de l'écrivain ne parvient pas, comme dans la Comédie Humaine ou les Rougon-Macquart, à faire démentir les postulats qui servent d'armature de base à l'édification du roman. La vision de l'auteur coïncide, sans guère les transgresser, avec les conceptions théoriques insuffisantes qui l'orientent dans son propos. L'argent qui a permis à la dynastie d'asseoir sa puissance et son influence et lui a donné, avec le temps, un certain raffinement dans l'art de yivre, prévaut sur toutes les autres considérations humanitaires, politiques ou même familiales. La famille étant fondée, comme toute société anonyme, sur la solidarité des intérêts et. la valeur des placements, la parentèle exprime la consanguinité des partages et le sub-

til dosage des intérêts, plus que les liens du sang. Mais, il est singulier de voir un écrivain si pénétré de l'invincibilité abominable de la règle sociale, mettre toute sa foi dans l'amour, seule force capable, selon lui, de s'opposer au triomphe de l'absolutisme moral. Car, s'il assure avant tout la perpétuation de l'espèce, l'amour est aussi le ferment de désordre qui s'introduit au cœur de la citadelle et l'effrite du dedans. Par les déportements insolites qui contreviennent aux visées du clan, il brav.e les préjugés, lézarde la façade de respectabilité et d'hypocrisie. Il est évidemment impossible de donner une idée, même simplifiée, de la multiplicité des intrigues qui se nouent autour du tronc généalogique des Forsyte. L'ampleur de la matière ne doit toutefois pas nous dérober l'extrême simplicité du ressort romanesque qui fait progresser le roman. Il s'agit toujours d'événements qui ressortissent à la chroni. d'eces, .\ que d es carnets mond alns: naissances, mariages, divorces, à quoi il faut ajouter tout ce qui touche au transfert ou à l'accroissement des biens. A travers l'écheveau compliqué d'une fresque qui s'étend tout ou long d'un demi-siècle, de 1887 à 1930, des dernières années du règne de Victoria, de la guerre des Boers aux crises de l'entre deux guerres, dépression économique de l'après-guerre, guerre de l'indépendance irlandaise, développement du Labour et des syndicats, revendications féministes, la vie de Soames Forsyte (2" génération de la dynastie), représentant accompli de l'esprit de propriété et de la respectabilité bourgeoise, ses deux mariages malheureux avec Irène, trop belle pour son étroitesse, et Annette, une Française, donnent le fil conducteur d'une action dont les rebondissements servent à illustrer le conflit des intérêts et de la passion, de la raison pratique aussi impérieuse que l'impératif catégoriqUe de Kant, et du raffinement dont s'accompagne, la jouissance des avantages de la fortune. C'est avec une régularité cyclique que, sous le voie d'une affabulation à peine changeante, se répètent les contradictions entre les principes qui font les fortunes et la culture ou l'art de vivre qui contribuent à les défaire. Si, pour Galsworthy, l'amour et l'art sont les seules forces capables d'ébranler l'ordre bourgeois, comment ne pas déplorer que sa conception de l'amour ou ses idées sur la

La Qllinzaine Utt6ralre, du 16 au 31 décembre 1970

situation de l'artiste dans la société soient si timides et pauvres à côté de celles de Lawrence. A cet égard, comment ne pas être surpris qu'un contemporain de D. H. Lawrence, Virginia Woolf, Joyce, n'ait jamais senti la nécessité de renouveler la tradition romanesque de Thackeray ou de Jane Austin? Vanity Fair et Pride and Prejudice ont une virulence infiniment plus corrosive à l'égard de l'ordre établi que le tableau de mœurs souvent fade et conventionnel de Galsworthy. Dans le temps que Lawrence voyait dans la médiation panique du sexe et du mythe le moyen de relier l'homme à un univers dont il est exilé, dépossédé par l'argent et l'aliénation capitaliste, l'écrivain qui nous concerne ne s'évadaii pas de la satire des apparences. Il demeurait le prisonnier de son milieu, lors même qu'il tentait de s'en affranchir. A l'égard de la réalité sexuelle, à l'inverse de Lawrence, Galsworthy sacrifie sans le vouloir à l'insidieux opprobe dont le puritanisme victorien couvre les égarements de la chair. Il est nécessaire au dévelop-

pement des sociétés bourgeoises que l'amour soit réduit aux termes d'un contrat, afin de ne plus être qu'une clause de propriété. De même que l'argent ne doit pas être consommé, la consommation sexuelle paraît sacrilège. A son insu, Galsworthy, par le culte éthéré qu'il voue à l'amour fou, le plus souvent platonique, ,sacrifie au mythe bourgeois. N'est-il pas révélateur que la société de la fin de l'ère victorienne, celle des débuts de l'époque edwardienne, tendent aujourd'hui ce mi· roir jauni où les bourgeoisies des deux plus anciennes démocraties européennes aiment à se contempler et à retrouver l'écho nostalgique de leur prospérité et de leur grandeur passée? Ce rapprochement tardif, les affinités que se découvrent, pardelà le temps, des classes si dissemblables en apparence, nous donnent envie de souscrire au jugement que Virginia Woolf portait à sa mort sur l'œuvre de Galsworthy: elle ne voyait dans cette chemise empaillée que le peintre cynique et court d'une société d'oppression. Alain Clerval

Saut de la mort roman

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La fin mythe Juan Goytisolo Revendication du Comte don Julian Joaquin Ortiz éd., Mexico (1) 246 p.

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Est-ce parce que la France de l'idée n'existe pas que le plus soli· taire· des Français en fut réduit, sa vie durant, à se battre les flancs pour réussir à se faire « une certaine idée de la France», à recréer, pour son seul usage, la face mythique, idéelle, d'une France que la révolution bourgeoise de 1789 s'employa à mettre à bas et dont le triomphe définitif de l'esprit bourgeois devait, au siècle suivant, balayer les derniers vestiges ? L'Espagne mythique, l'Espagne de l'idée, ou plutôt de la chimère, qui sustenta les rêves de tant de romantiques, ce cc cauchemar esthétique» (2) dans lequel l'histoire, l'Eglise et l'Art se sont acharnés à -engluer chaque Espagnol, n'existe que trop: elle est sortie indemne du

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carnage de 1936 ; elle a bénéficié, tout au long de trente années de franquisme, d'une surenchère mythologique sans précédent entre une droite intéressée à masquer la réalité à coups de mythes et une gauche incapable de transformer ses désirs en réalités, préférant les confondre avec ses nostalgies; et à l'heure où, sous les assauts conjugués de l'américanisation, du tourisme et de la technocratie, le cauchemar esthétique est en passe de se muer en cauchemar climatisé, elle trouve une fortune nouvelle dans une forme de coexistence qui est à elle seule un scandale pour l'esprit. C'est le scandale de cette coexistence que Juan Goytisolo s'a ttache à dénoncer dans son dernier livre : Revendication du Comte don Julian, par la voix de son héros - on serait tenté d'écrire son héraut. Voix impersonnelle d'un personnage délibérément privé d'identité et de consistance psychologique et dont le discours, pour reprendre l'expresson de l'auteur (3), sert de véhicule à une cc agression aliénée, onirique et schizophrénique» contre les my· thes qui, en dépit d'une transforma· tion profonde des structures socio· économiques, conservent en Espagne tout leur pouvoir. De Tanger, ville cosmopolite, lieu d'exil privilégié de par sa posi. tion géographique, ses traditions historiques et ses franchises passées, cet homme sans nom. contemplant les côtes de son ancienne patrie, médite, rêve, clame, invective, raille et, ce faisant, donne superbement corps à ce vieux rêve que tout Espagnol normalement constitué sent monter en lui, sauvage, irrépressible, à quelque moment de sa vie : en finir une bonne fois avec l'hispanité de Sénèque, le sénéquisme de Manolete et la quichotisme du Cid, extirper de lui à tout jamais, saccager, désamorcer radicalement tou· te cette métaphysique obscène d'une Espagne héroïque et mystique, passionnée et tragique, vouée à la tauromachie de la vertu, à la haine du sexe et à la pornographie de la mort. Des menus f,its quotidiens, des choses et des gens qu'il lui est donné d'observe~. au gré. de ses pérégri. nations à travers les rues de la ville, le narrateur ne retient que ce qui peut servir à nourrir son délire mythoclaste. Nous le voyons ainsi insensiblement amené à s'identifier au Comte Julian, grand traître de l'histoire de l'Espagne qui, au VIlle

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l'hispanité

siècle, dans la même ville dont il était le gouverneur, trahit sa patrie en ouvrant les portes de la péninsule aux musulmans. Reprenant à son compte, en les inversant jusqu'à la dérision la plus complète, les termes d'une tradition qui veut que la cc souillure» de l'Espagne sacrée par l'Islam soit la conséquence d'une ,c faute» d'ordre sexuel l'amour illégitime du roi Rodrigue pour la fille de don Julian, il rêve d'une nouvelle invasion musulmane qui consommerait la ruine totale de la terre hispanique, livrée irré· médiablement à l'érotisme arabe. Pour le porte-parole de Goytisolo. la répression, à partir de la recon· quête définitive de la péninsule par Ferdinand II, de la sensualité incar· née par la civilisation islamique, a eu sur le destin de son pays un effet de blocage non moins pernicieux que le mépris des tâches économi· ques et intellectuelles, associées au monde hébraïque, après l'expulsion des Juifs. Répression sexuelle et ré· pression intellectuelle participent d'une même démarche et la destruction de l'Espagne mythique, condamnée, faute de mieux, à la collusion de la métaphysique et de l'obscé· nité, de l'érotique et de la théologie, doit passer par une érotisation à outrancc que ce nouveau don Julian poursuivra, pathétiquement, à coups de fantasmes, tout au long de son cauchemar profanateur. Pour consommer sa trahison, trahison qui équivaut ici à une for· me exemplaire de suicide, le héros de Goytisolo, héraut réduit tout entier à son seul discours, ne dispose que d'une seule arme : sa langue natale, elle-même circonscrite à cet héritage culturel qui est sa vérita· ble, immarcescible patrie, sa dernière possession, la seule part du patrimoine à laquelle il ne puisse renoncer, quand il le voudrait, puisqu'elle est ce qui constitue la tex· ture même de sa pensée, de cc qui lui reste d'être. Dans cette œuvre de transgression, de contestation culturelle radicale, les citations lit· téraires jouent le même rôle que les descriptions de paysages ou de personnages dans le roman tradi· tionnel et l'on retrouvera à la fin du volume une longue liste d'au· teurs espagnols que l'auteur remercie pour leur collaboration cc pos· thume et involontaire ll. Juan Goytisolo publie ainsi jusque dans ses limites extrêmes une vérité que le puritanisme ou la mauvaise conscience des intellectuels rechigne gé. néralement à admettre: que l'hom-

me de culture et de lecture entretient, malgré qu'il en ait, avec ses auteurs et ses livres familiers une relation non moins intense qu'avec ses amis vivants et sa réalité quoti. dienne. Et nous en arrivons à la dimension proprement universelle de ce roman dont on réduirait abusivement la portée ea le circonscrivant à un thème et à des ob5essions par· ticulières à l'Espagne, lesquelles, au bout du compte, pourraient bien n'être que le dernier piège que l'hispanité tend à ses contestataires. à ses contcstataires. Sans doute une des clefs de don Julian cst·elle contenue dans le défi que, son éducation sentimen· tale parachcvée, Alvaro, le protagoniste du précédent roman de l'au· teur, Pièces d'identité. lance à son pays du haut du belvédère de Montjuich : « Comment te ruiner, Espagne, toi qui n'es plus que ruines? ». La réponse. suggérée dans Pièces d'identité, c'est don Julian qui va la donner à Alvaro et, dans cc scns, on peut dire que le dernicr roman de Goytisolo constitue la suite na· turelle, logique, immédiate du livre précédent. Pièces d'identité était une œuvre de jeunesse exem plaire il va sans dire qu'il ne faut pas prêter ici à ce terme l'acceptation restrictive, paternaliste ({u 'on lui assigne habituellement - en ce que décrivant le périple que tout homme jeune doit accomplir pour découvrir son identité véritable, il épuisait toutes les combinaisons possibles de cette entreprise de destruction des valeurs héritées qu'est une éducation sentimentale - laquelle, de nos jours, prend nécessairement la forme d'une éducation politique et culturelle. Mais qu'y a-t-il au bout de cette quête de l'identité sinon un nouveau point de départ pour une quête nouvelle: celle d'une liberté autrement terrible, qui passe préci. sément par l'holocauste de cela même qui désormais nous définit, nous identifie. Mais laissons parler Goytisolo : cc la patrie est la mère de tous les vices : et le moyen le plus expéditif, le plus efficace pour s'en guérir est de la vendre, de la trahir (H') : pour le simple et suffisant plaisir de la trahison : pour se libérer de cela qui nous identifie, qui nous définit : qui fait de nous, malgré que nous en ayons, ies porte· parole de quelque chose : qui nous donne une étiquette et nous fabrique un masque (H') : quelle patrie ? toutes : celles du passé, cel-


les du présent, celles du futur ( ... ) : refuser l'identité, repartir à zéro : Sysiphe et anssi Phénix qui renaît de ses cendres... » Ainsi, libéré de toute subjectivité psychologique, cet apatride volontaire, cet homme sans masque, sans étiquette nous invite, au bout du compte, à aborder dans cette patrie inconnue qui est la destination ultime de toute aventure spirituelle et dont le nom est peut-être l'universalité. Juan Govtisolo a lu Benveniste, les formali;tes russes et les travaux de la « nouvelle critique» française dont il confesse hautement avoir subi l'influence. Voilà qui ne manquera pas de lui aliéner un certain nombre de lecteurs qui verront dans les moyens linguistiques mis en œuvre dans son dernier livre une illustration plus ou moins fastidieuse des thèses de Tel Quel. L'emploi systématique de la seconde personne du singulier et du futur de l'indi· catif, l'absence de majuscules et la ponctuation binaire seraient fasti· dieux en effet si ces procédés n'étaient constamment mis au ser· vice d'un projet critique très précis qui est de souligner l'effacement du narrateur au bénéfice d'un dis· cours littéraire sans commencement ni fin, équivalent en ses termes, ouvert de toutes parts, lequel, dans ce livre comme dans toute œuvre vraiment significative, est éternel ressassement, perpétuelle approxi. mation de ce monde, de cette pa· trie unique dont nous parle Gilles Deleuze à propos de la recherche de Proust. « Mais en art ou en littérature, dit encore ce philosophe qui ose postuler le privilège absolu de l'art sur la philosophie au regard de la vérité, quand l'intelligence survient, c'est toujours après, non pas avant». Avec la Revendication du Lomte don lulian, nous assistons une fois de plus à la miraculeuse conjonc. tion, indéfiniment répétée dans l'histoire des civilisations, des vérités abstraites de la théorie et des vérités très concrètes, partant combien plus révolutionnaires du ly. risme. Adélaïde Blasquez (1) A paraître aux éditions Gallimard. (2) L'expression, quelque peu détournée de son sens, est de J .-M. Chastellet dans la Littérature espagnole et le temps de la destruction, « Les Lettres Nouvelles ", mars-avril 1963. (3) Cf. l'entretien de l'auteur avec Claude Couffon dans «Le Monde» du 11 septembre 1970.

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LE'ITRE

D'ALLEMAGNE Arno Schmidt Le Rêve de Zettel Stahlherg-Verlag Karlsruhe, 1 330 p.

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Arno Schmidt a publié voici quel. que temps deux rapports de travail substantiels, intitulés Calculs 1 et II, qui récapitulent les résultats théoriques de ses recherches expéri. mentales sur de nouvelles formes d'écriture en prose. Il y relate son projet d'élaborer les formes d'écri· ture en prose corespondant à cel" tains types d'expériences qui réapparaissent constamment. Après avoir analysé dans le domaine du conscient trois processus intitulés « Erinnerung». « LOchrige Gegenwart», et « Lanjel'es Gedankenspitel», il réservait la série d'expériences consacrées au « rêve» pour un ouvrage qui aurait continué Calculs. Au lieu de présenter la mise au point théorique annoncée, Schmidt a donné directement le résultat pratique de cette dernière série d'expériences. En se référant au Songe d'une nuit d'été de Sha· kespeare, il a appelé son livre le Rêve de Zettel. On sait que le tis· serand Zettel raconte aux protago. nistes du Rüpelspiel un rêve étrange et profond qu'il prétend avoir fait. Ce récit est placé en exergue au début du livre. Les dimensions inhabituelles de l'œuvre de Schmidt constituent un premier sujet d'étonnement. Le li· vre a le format d'un atlas : 1 330 pages de dimension DIN A 4, environ 9 kilos; de ce fait, on l'aborde à la fois corporellement et intellectuellement. Pris dans son ensemble, le texte contient approximativement 9 millions de caractères, et il rem· plirait 7 000 pages imprimées nor· males. Ce compendium géant correspond donc à peu près à vingt volumes de 350 pages chacun; il est plus volumineux que la totalité des livres publiés jusque-là par Schmidt. On a compté qu'il faudrait 600 heu· l'es pour le lire, et la teinte jaune utilisée pour le papier spécial est destinée à ménager la vue autant que possible. L'auteur ne se fait pas d'illusions quant au nombre de ses lecteurs véritables. Il en compte 390, ce qui, selon ses propres ter· mes, représente « la racine cubique de P, P étant la population ». , Ce livre étant le premier du gen· re, l'éditeur se trouve confronté à de grandes difficultés d'élaboration et de fabrication. Il a publié cette . œuvre géante en offset, sous forme

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Un rival allemand de typoscript, en faisant un fac·si· milé du texte dactylographié. Malgré son prix considérable, l'édition signée et limitée à 2 000 exemplai. l'es était épuisée avant la fin de la souscription. Tout aussi inhabituel est le travail physique et psychique investi par l'auteur dans cette entreprise. Arno Schmidt a consacré près de dix ans à la réalisation de son rêve littéraire. Il entreprit les travaux préliminaires au début des années 60, et consacra six ans, d~ 1963 à 1969, à la rédaction de· son magnum opus. Cette œuvre capitale, long. temps attendue, contient la somme de ses travaux et de ses expériences antérieures. Il a procédé à l'agen. cement systématique des notes, des idées et des citations contenues dans douze boîtes de 130 000 fiches. On ne louera jamais assez le travail, les sacrifices, le courage et le zèle de ce Jean-Paul du XX, siècle. Si l'on s'avisait de croire que Schmidt s'est épuisé dans ce livre, on n'a qu'à savoir qu'il travaille déjà à la traduction d'un copieux roman de Bulwer-Lytton. Il prévoit ensuite la rédaction d'un roman dont les gran· des lignes sont déjà fixées. Le contenu du livre n'est pas moins singulier: il s'agit du songe fantastique d'une nuit et d'un jour d'été. Dan Pagenstecher, maître des livres et des esprits, se consacre à des recherches personnelles dans une maison de bois sur la lande de Lünebourg. Un jour, il reçoit la visite de Paul et de Wilma Jacobi, accompagnés de leur fille, âgée de seize ans. Le couple travaille à une traduction d'Edgar Allan Poe, et veut demander à Pagenstecher des renseignements sur certains détails ,de la vie et de l'œuvre de l'écrivain américain. Cette description minutieuse du déroulement d'une jour. née rappelle - et ce n'est pas un hasard - l'Ulysse de Joyce, qui ra· conte vingt.quatre heures de la vie du juif irlandais Leopold Bloom. De même que cette joumée du 16 juin 1904 à Dublin est entrée dans l'histoire de la littérature sous le nom de Bloom's Day, peut.être qu'un jour les 1440 minutes consignées par Schmidt sur un nombre presque égal de pages grand format ac· querront la célébrité sous le nom de Dan's Day. Bien que l'œuvre s'appelle « roman », sans plus de précautions, elle se distingue fortement des réalisations habituelles du genre. L'œuvre en prose de Schmidt se situe bien plutôt dans ce domaine intermédiai·

re entre le roman et l'essai qu'avant lui Hermann Broch, Robert Musil et Thomas Mann ont essayé de cultiver. L'action romanesque sert seu· lement de coulisse à une recherche réflexive entreprise par les quatre personnages principaux sous la forme d'un dialogue que viennent interrompre le monologue intérieur et le commentaire critique du narrateur. Les discussions dans la maison et le jardin, les promenades dans la lande et la forêt n'ont en définitive qu'un seul but : faire progresser, non le cours de l'action, mais le déroulement de la recherche. Enfin, les rapports humains entre les personnages principaux sont eux aussi subordonnés à ce but. Pour cette recherche intégrée au genre romanesque, Schmidt a développé un mode de présentation complexe. Presque toutes les pages de son livre contiennent trois blocs de textes qui, au lieu de se dérouler les uns à côté des autres, sont imhriqués les uns dans les autres. Il avait déjà utilisé la technique typographique des deux colonnes imbriquées dans KalI ou Mare Crisium. Les différentes dispositions typographiques marquaient l'alternance de deux plans, celui des expériences sur terre (plan 1) et celui des expériences sur la lune (plan II). Le quotidien réel et le jeu de l'imagination se donnaient mutuelle· ment des suggestions, des idées et des impulsions. Les trois colonnes du Rêve de Zettel, écrites (vu leur format particulier) sur une machine à écrire à tabulateur et à chariot large, annoncent trois niveaux de conscience. La colonne du milieu, la plus large, contient le déroulement du récit et de l'action, à gauche, on trouve des digressions particulières et de nombreuses citations des œuvres de Poe, le tiers droit est réservé à des remarques générales. Ce côté multiforme de la construction du texte permet à l'auteur de dresser un procès-verhal détaillé des événements et des conversations, mais aussi des associations d'idées et des citations. L' «œil» constamment variahle procure l'impression d'une polyphonie optique, d'une partition d'idées et de conversations, d'un hallet entre la fiction et la réflexion. La richesse d'invention d'Arn'o Schmidt dans l'agencement des textes est inépuisable, de sorte qu'il n'y a pas deux pages qui se ressemblent. Le nom du narrateur, Daniel Pagenstechem (1), évoque beaucoup de choses, entre autres le

fait que l'auteur « grave» le dessin des pages à la façon dont un « écrivain» calligraphie sa copie (2). C'est pourquoi un dessinateur prendrait lui aussi un grand plaisir à la conception typographique du livre. Dans cet important livre-montage, les arts s'unissent pour engendrer une œuvre d'art totale. Pourquoi le système de représentation complexe de Schmidt, pourquoi ces entretiens hrillants entre quatre amateurs de littérature sur l'œuvre de Poe et ses arrière-plans hiographiques? Schmidt utilise pour Poe la méthode qu'il avait dé· jà expérimentée dans une étude sur Karl May, son caractère, son œuvre et son influence. Les œuvres de Poe sont pour lui les produits d'un refoulement de l'Eros, elles transposent dans le domaine littéraire des rêves sexuels et des fails scandaleux. Poe est pour lui le prototype d'un groupe de poètes mus par l'imagination, chez lesquels les incitations essen· tielles proviennent du subconscient. La culture comme sexualité sublimée : on se souvient d'avoir déjà lu cela chez Sigmund Freud. De fait, après Joyce, c'est Freud dont Amo Schmidt vient de découvrir la portée pour son étude du monde et de la littérature. C'est la première fois qu'il utilise les instruments freudiens sur une vaste échelle ; les représentations freudiennes l'aident à identifier et à déchiffrer des phra. ses ambiguës. Au moyen de digressions qui re· lèvent de la linguistique et de la psychanalyse, de la théorie de la sexualité et de la sociologie de la culture, Schmidt entreprend de rechercher les symboles sexuels dans l'œuvre de Poe. Il n'est presque pas de décor, d'événement, de personnage ou d'objet où il ne cherche désespérément à diagnostiquer une ac· tion de substitution ou l'image d'un organe. Il voit presque toujours dans l'intrigue une correspondance sexuelle, le monde de l'image est pour lui la projection du monde corporel. Pour démontrer ses thè· ses, Schmidt donne des références tirées de différents niveaux de si· gnification. Dans ce travail, le rôle essentiel revient, non aux témoigna. ges hiographiques, mais uniquement aux expressions linguistiques du poète. Du destin des héros et de la situation psychique des personnages, il tire des conclusions sur la pel" sonnalité et le caractère de l'auteur. La nature prohlématique de Poe fournit à Amo Schmidt un vaste champ d'action. Dans ses efforts


de Joyce pour éclairer le monde obscur dont sont issues les créations littéraires, il procède d'une façon à la fois ri· goureuse et arbitraire. Ses découvertes et ses interprétations oscillent entre la profondeur et la banalité, ce qui fait balancer l'humeur du lecteur entre le plaisir et l'irritation. Dans son analyse du monde des mots et des représentations de Poe, Schmidt élabore un type particulier d'étude étymologique. Il est attentif au choix des mots et aux associations caractéristiques, à l'engrenage et à l'enchevêtrement de certaines expressions. Il parvient de cette fa· çon au résultat suivant : le sens secondaire des mots et des expressions peut être ramené à des modèles fondamentaux simples qu'il nomme des « étyms ». Il utilise un procédé de phonétique combinatoire pour démontrer le voisinage sémantique de concepts qui remontent à un étym, à un noyau verbal. II ajoute cette remarque : « Le conscient parle par expression. Mais vous savez d'après la Science des rêves de Freud que le subconscient balbutie un espéranto bouffon qui lui est propre; .car il utilise à la fois des images symboliques et des parentés entre mots pour rendre simultanément plusieurs significations. Je voudrais nommer étyms ces formations nouvelles qui ressemblent à des mots et qui servent aussi bien à l'apparente précision de la langue normale qu' « aux amphibologies des arrière-pensées, actes manqués et lapsus : la partie supérieure de l'inconscient par étym ». Dans le dialogue entre les quatre personnages principaux, Schmidt a élargi et amélioré la forme de dialogue de ses features radiophoniques. Les divers commentaires et confessions sont ourdis, interrompus, poursuivis et finalement menés à leur terme. On voit alterner descriptions simples, passages en langue scientifique et textes obscènes ; la langue, la création littéraire et la vie s'interpénètrent. Cette surabondance de texte et de matériau est à peine ordonnée. Même les intertitres qui découpent l'œuvre géante en huit livres ne créent pas les césures manquantes. Ils ne font qu'indiquer que le livre contient plusieurs romans en un seul, qu'il fait intervenir plusieurs plans dans l'action et regroupe plusieurs niveaux à l'intérieur de la conscience. Le~ personnages ont un rôle double : d'une part, ils assument leurs propres conflits. ils souffrent de la puberté ou de la ménopause: d'au·

tre part, leur attitude reflète des atti. tudes de Poe. Des messagers et des personnages caricaluraux viennent sans cesse retarder le déroulement de l'intrigue; toutefois, ils ne par· viennent pas jusqu'au cœur de l'action et de la réflexion. Schmidt s'est efforcé d'assouplir l'unité d'atmosphère et de ton du livre par des ingrédients romanesques et un comi· que plein de verdeur. Il recourt à des métamorphoses fantastiques et à des allégories mythico-naturelles pour interrompre le fanatisme de cette réflexion sur l'art. Ces intrusions ne font que renforcer l'impression d'un monologue sans fin où le narrateur à la première personne et le moi du narrateur se seraient scindés en q~atre personnages. Pour lire l'essai romanesque de Schmidt sur Poe, il est nécessaire de connaître les œuvres de l'auteur américain. Une fois de plus, Schmidt déploie son immense culture sur un thème, et il en impose au lecteur par des détails de provenance parfaitement diverse. Outre des extraits en anglais des œuvres de Poe, qu'il présente comme des pièces justificatives à l'appui de ses affirmations, on trouve, également destinées à étayer sa démonstration, de nombreuses références aux sour· ces de Poe. Et, pour finir, innombrables sont les allusions multiformes et les textes extraits de l'en· semble de la littérature universelle. Schmidt cite l'Ancien Testament, Catulle, Ovide, Lucien, Rabelais, Cervantes, Holberg, FIetscher, Spenser, Sterne, Irving, Dickens, Bul· wer, Cooper, Scott, Tieck et E.T.A. Hoffmann. A son Panthéon intérieur, où Joyce occupe une place dominante, viennent s'intégrer de nouveaux goûts et de nouvelles incli· nations. Ceux-ci se manifestent dans les extraits d'ouvrages psychanalytiques et de théories de la sexualité, dans les renvois à Freud, à Stekel et à Hirschfeld. La reproduction parfaitement fi· dèle du manuscrit offre au lecteur une possihilité unique de regarder l'atelier de l'auteur et lui permet de voir la structure d'une œuvre en train de se faire, a work in progress. L'impression en offset reproduit parfaitement la texture complexe du texte, avec ses compléments manuscrits, ses passages barrés et ses corrections. Collés à l'in· térieur du texte, on trouve des extraits de journaux, des photographies, des diagrammes, des dessins faits dans les marges et des esquis-

Là Quinzaine UtténÛl"e, du 16 au 31 décembre 1970

ses de plan. Par exemple, le Iccteur remarque que l'auteur a utilisé deux machines à écrire dont les caractères étaient différents, ou que les corrections ultérieures ont été effec· tuées avec un soin tout particulier. Les lignes et les passages supprimés ont exactement la forme d'un rec· tangle dont la surface est intégralement couverte d'encre de Chine. Ce sont là en définitive des choses se· condaires, mais elles contribuent elles aussi à occuper l'imagination, la réflexion et le pouvoir combina· toire du lecteur. Ce Rêve de Zettel, qui était l'un des projets les plus attendus de ces dernière années, est remarquable aussi bien au point de vue du contenu que du point de vue de la forme. A partir de l'Eros, du paysage et de la littérature, qui constituaient jusque-là sa Trinité, Schmidt a essayé dans le livre qui nous occupe d'étudier le travail créateur de l'écrivain et de faire une psychanalyse de l'œuvre d'art verbale. Son analyse d'un cas particulier problématique s'élargit jusqu'à devenir une étude générale sur l'essence de la littérature. Les repérages psychologiques entrepris dans ce sens sont susceptibles de modifier plus d'une concep· tion du langage et de la création artistique. Du point de vue formel, Schmidt a peut-être réalisé l'équiva. lent allemand de Finnegan's Wake de James Joyce. La puissance du langage et la richesse d'invention verbale, l'entrelacement de la phonétique, des associations et des jeux de miroir sémantique permettent réellement de comparer l'œuvre de Schmidt à la poésie intellectuelle du grand Irlandais. En dernier ressort, la surenchère textuelle et l'inconsistance 'formelle de la langue constituaient la seule chance pour l'auteur de représenter d'une façon valable le monde complexe de ses idées, de ses images et de ses informations. Dans le Rêve de Zettel. Schmidt a créé un continent épique plein de possibilités esthétiques inconnues, et nous devons y voir un des chefs-d'œuvre littéraires de notre siècle. Karlheinz Schauder Traduit de l'allemand par J .L. LebravE' (l) Sens littéral : «graveur de pages ". (2) Le terme «Schriftsteller" a désigné jusqu'au début du XVIII' siècle l' « écrivain public ", qui rédi· geait des lettres pour autrui (die Schrift stellen).

KARL MARX: DIFFERENCE DE LA PHILOSOPHIE DE LA NAT URE CHEZ 0 E M 0 CRI T E Er EPICURE [avec Travaux préparatoires]. Traduction, introduction et notes par J. Ponnier.

J. BAUBi:ROT : LE TORT D'EXISTER. juifs aux Palestiniens.

Des

DOPPET: APHRODISIAQUE EXTERNE ou TRAITE DU FOUET. Réédition d'un ciassique, MAUPERTUIS, CONDILLAC, TURGOT, DU MARSAIS, ADAM-SMITH: VARIA L1NGUISTICA. Préface par M. Duche!. Choix et notes par Ch. Porse!. P. CORNEILLE: SUR ENA, GENERAL DES PARTHES, Edition, introduction et notes par J. Sanchez, SADE: IDEE SUR LES ROMANS. Edition et notes par J. Glastier. RICHARDSON: PAMELA ou LA VERTU RECOMPENSEE. HUMBOLDT: DE L'ORIGINE DES FORMES GRAMMATICALES. M. MOLHO: LINGUISTIQUES ET LANGAGE. GONGORA: LES SOLITUDES, SOLEDADES Edition bilingue, BOULGAKOV: IVAN VASSILIEVITCH, duction P, Kalinine.

Tra-

ROUSSEAU: ESSAI SUR L'ORIGINE DES LANGUES. Introduction et notes par Ch. Porse!.

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Varsovie Une anthologie de la poésie française Jerzy Lisowski .AlItologia poezji Francuskiejl Anthologie de la poésie française (t. II)

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Czytelnik éQ. Varsovie, 775 p.

Le dessein semblait extravagant, l'ambition démesurée, la gageure intenable. Et, pourtant, l'utopie s'incarne progressivement, le projet est déjà à moitié réalité. Georges Lisowski, le maître d'œuvre, a dégagé, au seuil du premier tome (dans un avant-propos succinct, mais dense), l'axe essentiel de l'aventure téméraire qu'il méditait simultanément d'assumer et de nous faire partager : une appréhension globale de la poésie épique et lyrique française (de ses origines à son étape actuelle), à travers quatre volumes - le mot volume n'étant point ici un euphémisme. La publication, aujourd'hui, du deuxième tome correspond sans doute au mouvement le plus vif de l'effort. Dix ans auront été nécessaires à la mise en chantier de l'Ouvrage, et quatre ans séparent la parution de chacun de ses deux premiers volets : l'Anthologie prend plus exactement sa dimension, ainsi mesurée au temps qui lui a déjà été consacré. Georges Lisowski, secrétaire de rédaction de la revue littéraire Tworczosc (la Création), sans doute actuellement la mieux informée et la pLus dynamique de Pologne; critique d'une pénétrante lucidité et traducteur de valeur (nous lui devons, notamment, la version française de Tango, de Mrozek, de Mère Jeanne des Anges, d'Iwaszkiewicz, et de plusieurs nouvelles du Traité des Mannequins, de Bruno Schulz), est tout particulièrement qualifié pour la tâche qu'il a entreprise. De mère française, il aura vécu dix ans en France (de 1940 à 1950 : les années où la guerre et ses études secondaires et supérieures se sont confondues), avant de choisir de retourner dans son pays natal. A l'Université de Lille, sa matière de prédilection était le Moyen Age français. En Pologne, il est devenu l'un des meilleurs spécialistes de la littérature classique et contemporaine polonaise. Il est donc, aujourd'hui, ce qu'il est convenu d'appeler un parfait bilingue. Et sa naturelle aisance quand il se meut d'une culture à l'autre, et qu'il s'entend à corn-prendre des génies aussi dif. férents, avec une égale intuition de leur spécificité, il l'utilise au service de l'Œuvre présente. Celle-ci ne constitue ni un choix d'humeur, ni un travail d'érudition (tel qu'il pourrait apparaître à un regard dénué d'attention), mais plutôt un panorama, et sans doute le plus vaste et le plus divers qui se soit jamais déployé, où l'auteur (j'allais écrire le créateur) a tenté de concilier les goûts du lecteur courant (qui aspire à retrouver des textes connus ou réputés) avec ceux du chercheur ou de l'amateur le plus exigeant. N'oublions guère que cette anthologie est destinée à un public polonais pour qui les seuls poètes français connus sont Villon, Ron-

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sard, Racine, Hugo, Baudelaire, Mallarmé, Rimbaud et Apollinaire. Ce qui n'est déjà pas si mal (citez-moi les poètes polonais que vous avez lu ?). Le deuxième volume recouvre la période historique qui s'étend de la Renaissance à la Révolution, ou l'ère poétique allant de Malherbe à Chénier. Les poètes, représentés par leurs œuvres, sont ici au nombre de soixante-dix. Même diversité de genres (épique et lyrique) et de tempéraments connus et inconnus : les plus illustres, Sponde, Viau, Marbeuf, Voiture, Scudéry, Corneille, Scarron, La Fontaine, Molière, Cyrano de Bergerac, Boileau, Racine. Voltaire, Beaumarchais, Florian, voisinant avec de plus obscurs, tels Clovis Hesteau de Nuysement, André Mage de Fiefmelin, Honorat Laugier de Porchère, Jean de Lingendes, Denis Sanguin de Saint-Pavin, Charles Vion Dalibray, Jean Mairet, Claude Le Petit, Nicolas Léonard, etc. C'est, toutefois, au commerce de ces derniers que l'on risque de se ménager les plus agréables surprises.. Ainsi, pour ma part, ai-je découvert (après Lisowski, et bien d'autres, sans doute), mais sans que ma joie en soit pour au· tant atténuée, la charmante Antoinette DeshouIières (1638-1694) qui, sans atteindre à la haute voix d'une Louise Labbé, n'en déroule pas moins son chant, avec une grâce infinie et une belle sûreté de ton. Georges Lisowski ne pouvait évi· demment son~er à se charger, seul, de la traductIOn de l'ensemble des textes contenus dans cette monumentale anthologie (bien qu'il ait « abattu JO une grande part du travail). Il s'est donc entouré d'une pléiade d'écrivains, parmi les plus doués que compte aujourd'hui la Pologne (les Julia Hartwig, Jaroslaw Iwaszkiewicz, Adam Wazyk, Ar· tur Miedzyrzecki, Mieczyslaw Jastrun, etc.), qui se sont efforcés, le plus souvent avec succès, à resti· tuer en polonais, à partir de traductions littérales, les poèmes français dans leur plus haute fidélité poétique. Mais, aux côtés de ces écrivains contemporains «un long cortège" de poètes polonais, cheminant à travers quatre siècles d'histoire, fait ici figure de traducteurs. Les deux tomes en préparation, et qui achèveront de donner son poids spécifique et son sens à l'aventure, nous conduiront de Chateau· briand à Germain Nouveau, et de Rimbaud à Aragon .et à quelquesuns de ses cadets les plus piaffants. Je ne connais guère, pour ma part. d'ouvrage anthologique d'une telle ampleur et d'une telle richesse, dont n'aura finalement été exclu que la « poésie populaire", considérée par l'auteur, à tort ou à raison, comme un sous-produit (du moins en France). Et, Georges Lisowski remarque très justement qu'un tel effort (qui n'est consenti dans les pays capitalistes les plus importants que par les trusts d'édition les plus puissants) n'a été rendu possible que dans le cadre d'une économie socialiste et grâce à elle. Guy de Bossc1tère

L'œuvre Guillaume Apollinaire Les onze mille verges L'Or du temps éd., 222 p.

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Don Juan 127 I Les exploits d'un jeune L'Or du temps éd.,

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Dans l'abondance et la diversité des «d i S cou r s sexuels JO (j'emprunte l'expresssion à Sollers) qui nous sont offerts aujourd'hui - du Complexe de Portnoy, à Eden, Eden, Eden, de New York par· ty à l'Image les œuvres érotiques d'Apollinaire, rééditées non pas sous le manteau mais sous les plus attrayantes couvertures, ne font pas mauvaise figure.

Œuvres érotiques? Les raffinés diront qu'il s'agit de la plus basse pornographie. Et l'on sait très bien qu'Apollinaire écrivit ces livres à l'âge de vingt-six ans pour gagner l'argent que son petit emploi dans une banque et sa collaboration à de jeunes revues ne lui procuraient pas : il fit ce qu'il fallait faire et eut la main lourde. De toute façon, il gardait l'anonymat. Seulement voilà : il arriva que les deux petites ini· tiales G. A. qu'il avait tout de même eu l'imprudence de laisser porter sur un catalogue pour curieux, sont devenues célèbres, et aujourd'hui nous n'avons plus le droit (ni mê· me la simple possibilité) d'ignorer que les Onze mille verges et les Exploits d'un jeune Don Juan lui appartiennent. Alors, regardons-y. Les Exploits d'abord. Dans une annonce clandestine de 1907 reproduite par Louis Perceau dans sa Bibliographie du roman érotique, ils s'intitulaient Mémoires, et, comme le héros s'appelait Willie, on pouvait penser que les réminiscences autobiographiques n'étaient pas bien loin. De fait, il y a dans les aventures du jeune Roger c'est son prénom définitü - beaucoup de choses qui sentent l'enfance et l'adolescence, et plus particulièrement cette enfance et cette adolescence mi-monégasque, miflamande ou allemande, qu'a imprégnées une si vive odor di femina, qu'ont traversées jeune mère, jeunes tantes, jeunes parentes, jeunes amies. Tout est là, dans le livre, et cet érotisme presque innocent dans ses désordres, ses audaces et ses incorrigibles curiosités, a en effet

quelque chose d'étrangement domestique et familial.

cc

Le château ))

On ne sort pas du monde clos de cette grande demeure qui s'appelle le Château et qui ressemble peut-être à ce domaine de NeuGlück perdu dans la forêt rhénane où Apollinaire avait fait, auprès d'Annie, ses premières (ou secondes) armes poétiques et amoureuses puisqu'on y trouve, à portée de la main, tous les « charmes» que l'on souhaite : tantes et sœurs délurées, paysannes, servantes, voisines, concierges... Le jeune homme imagine, regarde, touche, explore, compare. Non sans quelque forme de progression méthodique qui ferait croire parfois à une curieuse description in vivo des différents stades de « fixation » sexuelle (étapes incestueuses comprises), en cette époque où naît la psychanalyse! Mais enfin, ce qui domine, c'est l'idylle, l'idylle érotique, dans sa naïve luxuriance. Et comme le château est plein de corridors, de greniers, de verdures et de labyrinthes, on est aussi proche de la Comtesse de Ségur (dont les audaces sexuelles, on le sait d'ailleurs, ne se comptent pas) que de Casanova. Il en va tout autrement avec les Onze mille verges. D'abord le langage y a une étrange puissance « quantitative» et générative. Le titre nous en avertit : vierges ou verges, emblèmes de coït ou de flagellation, les mots sont porteurs d'une pluralité de sens, d'une infi· nité d'images, et Apollinaire ne se prive pas d'en jouer. Ensuite, il ne se prive pas non plus de mettre dans ce livre tout ce qui peuple et hante sa mythologie personnelle. A commencer par tous les fantasmes « cosmopolites» qui traversent sa biographie réelle ou imaginaire et sont si caractéristiques des obsessions xénophiles/phobes qu'il partage avec son époque. Son héros, en effet, porte le beau nom roumain de Mony Vibescu (fort proche de quelque Bibesco proustien) et le titre de hospodar héréditaire : Apol. linaire s'épanouit dans le monde des boyards et des hospodars : il y trouve quelque chose à la mesure de son appétit de luxure et un aliment à ses rêveries « généalogiques ». Dès le début du livre, il annonce : « Bucarest est une très belle ville où il semble que viennent se mêler


érotique d'Apollinaire par Raymond Jean l'Orient et l'Occident », et, très vite, nous verrons des Roumains, des Serbes, des Monténégrins, des Albanais, présider aux exploits sexuels de Mony. Cela se terminera avec des Turcs, des Allemands, des Tatars, des Japonais, des Mandchous, et des batailles orgiaques à Port.Arthur, dans une atmosphère qui, candeur en moins, n'est pas loin d'évoquer celle de Candide. L'Orient-Express, et-" ses équivoques sleepings, est là pour relier l'Asie à l'Europe. Dans ces conditions, on voit que le hospodar héréditaire, trouve, d'entrée de jeu, un cadre digne de ses princieres prouesses. Nous dé· couvrons vite que, grand amateur de femmes et en même temps giton du vice-consul de Serbie, il n'est pas très regardant sur l'orthodoxie sexuelle. Mais quand il quitte Bucarest pour Paris, à la fin du cha· pitre 1, ce sont d'autres surprises qu'il nous réserve. A partir de ce moment-là, le ton monte, le rythme s';lCcélère, l'imagination s'échauffe, et le lecteur, entraîné, ne tarde pas à s'apercevoir que la notice du catalogue clandestin de 1907 ne mentait pas, qui disait : « Les scènes de pédérastie, de saphisme, de nécrophilie, de scatomanie, de bestialité se mêlent ici de la façon la plus harmonieuse». Très harmonieuse, en effet. Au point que le lecteur se sent devenir le lieu (commun) des fantaisies sexuelles les plus inatten· dues. Le mot fantaisie étant d'ailleurs parfaitement à sa place ici, aussi bien par son sens propre que par celui qu'Apollinaire semble vouloir lui donner à tout moment : joyeuse humeur dans les déportements les plus atroces. Et sans doute est-ce un effet de son art littéraire. La notice du catalogue le dit d'ailleurs, en concluant: « Sadiques ou masochistes, les personnages des Onze mille verges appartiennent désormais à la littérature ».

Du tempérament Ces personnages, il serait difficile de résumer, ou même de simple. ment énumérer, leurs prouesses érotiques. Disons simplement qu'Alexi. ne et Culculine (qui s'appelle d'ailleurs, à la manière des « lionnes » de l'époque, Culculine d'Ancône) ont un tempérament qui aide à comprendre pourquoi Mony a préféré Paris à Bucarest. Et que, Estel· le Romange l'actrice ou Mariette la servante, ainsi que Wanda, Hélène

ou Ida, qui appartiennent pourtant aux milieux sociaux comme aux pays les plus divers, n'~nt pas grand-chose à leur envier. On ne s'étonne pas que la lubricité de Mony renaisse, inépuisable. ment, de l'une à l'autre. L'érotisme féminin est fêté ici avec autant de prodigalité que l'érotisme masculin. Quelque chose de différent, pourtant, apparaît avec des personna· ges comme Cornaboeux et La Chaloupe, abominables malfrats sortis tout droit des Mystères de Paris qui, au moins dans un des épisodes par· ticulièrement délirants du livre, in· troduisent une note de violence sanglante dont des prodiges d'hu· mour rocambolesque ne parvien. nent pas à effacer tout à fait le côté inquiétant.

Pulsions sadiques On touche ici à une composante particulièrement appuyée de l'érotique apollinarienne qui est la présence de pulsions sadiques très brutales et très franchement assumées. Il n'est pas nécessaire de rappeler qu'elle est décelable dans toute son œuvre y compris dans son œuvre poétique - comme dans son comportement réel : les Lettres à Lou en témoignent assez ainsi que tous les textes où les choses de l'amour se trouvent mêlées aux cho· ses de la guerre. Pas plus qu'il n'est nécessaire d'insister sur l'intérêt éclairé qu'Apollinaire a porté, en un temps où ce n'était pas ordinaire, à l'œuvre' de Sade. On verra dans les Onze mille verges jusqu'à quels dérèglements frénétiques peut aller la violence de cette pulsion. La scène de l'orgie en sleeping, terminée par un double assassinat, est révélatrice à cet égard, tout autant que les scènes de vampirisme sur un champ de bataille qui occupent la dernière par· tie du livre. Et dans telles pages de haut déchaînement sexuel, on a beau lire des délicatesses du genre : « Ses dents déchirèrent le dos d'une. blancheur polaire et le sang vermeil qui jaillit, vite coagulé, avait l'air d'être étalé sur de la neige», il n'en est pas moins vrai que la dominante est souvent atroce ivresse « du sang, de la merde et du foutre mêlés» où Apollinaire se plonge avec une troublante rage. Oui, on tue, on viole, on éventre dans ce livre. Et le poète du Pont Mirabeau est très à l'aise dans ce

La QuInzaIne Uttéralre, du 16 au 31 décembre 1970

genre d'ébats. Cependant, le trait le plus original de son érotisme « litté· raire » est peut.être dans un certain don d'écriture qui le pousse à une extrême précision descriptive dans l'évocation des détails sexuels. Certes il sacrifie en cela aux lois du genre et fait scrupuleusement, avec un zèle jamais lassé, ce qu'on at· tend de lui. On dirait pourtant qu'il prend un plaisir tout personnel, vi· siblement fait du sens de la « transgression » et du viol du langage, à accuser les traits, les ombres et les lumières, à faire voir, dans un perpétuel grossissement, tout ce qui peut être vu. Ce pouvoir d'exhibi· tion de l'écriture, il en use sans re· tenue et parfois avec une insistance qui prend curieusement la forme d'une obsession - s'agissant notam· ment des seins, des fesses, des cuis· ses et des croupes - du « gros» et du surabondant. Tout Apollinaire est là si on le connaît un peu, avec sa truculence, sa démesure, son rire, ses indécences et son énorme « obscénité » caractérielle. Il a une certaine façon sexuelle d'utiliser le mot « cul» qui trouve peu d'équi. valents (sauf, peut-être, paradoxalement, chez Bataille). Le plus étrange, et c'est par là qu'il faudra terminer, c'est qu'au milieu de cette prolifération obscène, la plus discrète, la plus secrète poésie tout d'un coup se glisse. Le passage le plus étonnant du livre, à cet égard, est celui où, au détour d'une page, sans transition, parmi les délires copro et nécro-philes du sleeping, on peut lire cette description du paysage qui se découpe dans

.A Cologne, en

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.la portière du train : « Et 'comme on passait sur un pont, le prince se mit à la portière pour contempler le panorama romantique du Rhin qui déployait ses splendeurs ver· doyantes et se déroulait en larges méandres jusqu'à l'horizon. Il était quatre heure.'. du matin, des vaches paissaient dtlns les prés, des enfants dansaient déjà sous les tilleuls germaniques. Une musique de fifres, monotone et mortuaire, annonçait la présence d'un régiment prussien et la mélopée se mêlait tristement au bruit de ferraille du pont et à l'accompagnement sourd du train en marche. .Des villages heureux animaient les rives dominées par les burgs centenaires et les vignes rhénanes étalaient à l'infini leûr mosaïque régulière et précieuse ». Etrange pause. Etrange romantisme. Mais, cette fois encore, Apollinaire est là tout entier, avec la.pOésie des Colchiques. Et, pour qui sait lire, sa « thématique » la plus pero sonnelle se découvre à chaque ligne des Onze mille verges. Ses mythes intimes y coexistent pacifiquement avec ses plus atroces fantasmes. Ce n'est pas un des moindres paradoxes de ce livre aussi monstrueusement que tendrement érotique.

John Cage Silence traduit de l'américain par Monique Fang 184 pages - 29 F

Collection des Lettres Nouvelles collection dirigée par Maurice Nadeau

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Livres Littérature

La série «Bordas Encyclopédie» s'enrichit d'un nouveau titre : le premier volume de l'Aventu~e littéraire de l'humanité, publi(}-.-sous la direction de Roger Caratini et préfacé par Roland Barthes. Abondamment illustré, l'ouvrage, qui traite des littératures allemande, anglaise, américaine et française, ne prétend nullement être exhaustif inais s'attache avant. tout à proposer une conception vivante et originale du savoir littéraire, fidèle en cela à l'orientation générale de cette collection dont la présentation mérite tous les éloges. Chez .le même éditeur, en collaboration avec Robert Laffont, paraît' une importante Histoire de la littérature française, allant des Classiques aux philosophes, par A. Lagarde et L. Michard. Le volume, -enrichi de 32 hor~~exte en couleurs, d'une bibliographie. et d'un index des noms et des œuvres cités, est le deuxième tome d'·une série qui en comprendra cinq, sous le titre général de «Bibliothèque des connaissances essentielles,.. La collection «Les sentiers de la création,. de Skira (voir les nO' 88 et 94 de la Quinzaine) noùs a proposé cette année tout un évantail de fort beaux livres, remarquablement présentés, abondamment illustrés et d'une lecture souvent passionnante. . Citons notamment: Je n'ai jamais appris à écrire ou les incipit, par Aragon; Découvertes, par E. Ionesco; les Mots dans la peinture, par M. Butor; l'Empire des signes, par Roland Barthes; l'Ecriture des pierres, par Roger Caillois; Portrait de l'artiste en saltimbanque, par J. Starobinski; Orion aveugle, par Claude Simon; Imaginaires, par J. Prévert; Admirable tremblement du temps, par Gaëtan Picon. La collection «Les joyaux de la littérature lO, éditée par la Société . Encyclopédique Française (O.D.E.G. E.), se propose de mettre à la portée des lecteurs à un prix abordable les chefs-d'œuvre de la littérature populaire du XIX" siècle dans une présentation qui était jusqu'ici réservée aux bibliophiles. Chacune des œuvres sélectionnées est présentée selon l'édition originale,. avec les gravures des plus grands illustrateurs romantiques. Parmi les ouvrages parus : les Contes fantastiques d'Hoffmann; le Capitaine Fracasse, de Théophile Gautier; la Peau de chagrin, de

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Balzac; la Dame aux camélias Œuvres complètes de Lautréamont d'Alexandre Dumas fils; Notre-Da~ et Germain Nouveau, présentées par me-de-Paris, de Victor Hugo; les Pierre-Olivier Walzer (voir le n° 98 Trois mousquetaires et Vingt" ans de la Quinzaine); la Petit Dorrit suivi d'Un Conte de deux villes, de après, d'Alexandre Dumas. Charles Dickens, publié sous la diAu Seuil, trois succès de l'année rection de P. Leyris et dans une traont été repris en édition reliée de duction de J. Métifeu-Bejeau; Moll luxe à l'occasion des étrennes: les Flanders et autres œuvres romaBienheureux de la désolation d'Her- nesques de Daniel Defoe, avec une vé Bazin; Kamouraska d'Anne Hé- introduction de F. Ledoux, traduit bert (voir le n° 107 de la Quinzaine) de l'anglais par F. Ledoux et M. et Un Printemps d'Italie d'E. Ro- Schwob ; Propos II. 1906 -1936, d'Alain, texte établi et annoté par blès. S.S. de Sacy; le tome 1 des ŒuAu Seuil également, les Rougon- vres de J. Renard, textes établis, Macquart d'Emile Zola ont été ré- présentés et annotés par L. Guichard. édités en six volumes illustrés et reliés dans la collection c L'Intégrale ,.. Chez Albin Michel, qui a entrepns l'édition en sept· volumes illustrés Les éditions Erker (diffusion We- des Œuvres complètes de Pierre ber) publient, sous le titre de la Benoît, nous sont proposées les ŒuFlûte de Jade, un recueil de poèmes vres complètes en deux volumes red'amour chinois, calligraphiés dans liés de Guy de Maupassant, les Œuleur langile d'origine et traduits en vres complètes en quatre volumes reanglais et en français, tandis que, à liés de Romain Rolland ainsi que l'occasion du centenaire de Lautréa- les Mille et une nuits, dans une tramont, paraît aux éditions Paris-Noé, duction de René-R. Khawam, en u., fort beau volume des Poésies quatre volumes illustrés de miniad'Isidore Ducasse, illustré de dix li- tures en quadrichromie. thographies originales de Hans Helmer. La collection c Les peintres du Chez Garnier, la collection c Pres- livre,. des éditions L.CL (diffusion tige,., consacrée à des ouvrages clas- Garnier) comptent cette année deux siques et dont la présentation (re-· nouveautés : l'Art d'aimer, d'Ovide, liure à l'ancienne, nombreuses illus- illustré de seize bois et 12 lithogratrations) est particulièrement soi- phies de Maillol et le Florilège des gnée, nous offre, parmi les derniers amours de Ronsard, qui. rassemble titres parus : l'Illustre Gaudissart vingt-trois poèmes et chansons choiet la Muse du département, de Bal- sis par Matisse, accompagnés de zac; Romans et nouvelles, de Ma- soixante lithographies originales du dame de La Fayette; la Dame de Pi- peintre. que et autres nouvelles, de Tchékhov; la Vie de mon père, de Rétif Chez Buchet-Chastel, la trilogie de la Bretonne. d'Henry Miller : la Crucifixion en rose (Sexus, Plexus et Nexus) est La collection c La Gerbe illus- présentée, à l'occasion des fêtes de trée,. de .Gallimard présente les Noël en trois beaux volumes reliéS. Œuvres d'André Malraux en quatre Un autre chef-d'œuvre de la littéravolumes, ornées d'illustrations ori- ture anglo-saxonne, Au-dessous du ginales d'Alexeieff, de Chagall et de volcan, de Malcolm Lowry, nous est Masson (388 F les quatre volumes), également proposé chez cet éditeur et A la recherche du temps perdu. en édition reliée. de Marcel Proust en sept volumes illustrés par Philippe Jullian (57480 Chez Calmann-Lévy, où l'on peut F). ' Chez le même éditeur ont été se procurer les Œuvres complètes réédités de nombreux romans con- en dix tomes reliés, d'Ernest Re~ temporains dans la collection reliée nan, ont été réédités, à l'occasion de la project,ionClu feuilleton téléc Soleil,. : Abahn Sabana David, de visé, adapté du grand roman de M. Duras (voir le n° 98 de la Quinzaine); la Guerre, de J.M.G. Le Clé- John Galsworthy, deux volumes de la Forsyte saga ;' la Dynastie des zio (voir le n° 103 de la Quinzaine); et Une Comédie moderne. Forsyte Ulysse, de James Joyce; Portnoy et son complexe, de Ph. Roth (voir le n° 16 de la Quinzaine); l'Iris de A la Table Ronde, enfin, la série Suse, de J. Giono (voir le n° 92 de des œuvres d'Alphonse Allais, Tout la Quinzaine); Derrière la vitre de Allais, est maintenant complète R. Merle; Point du jour, d'A. Bre- avec le huitième et dernier volume ton. des Œuvres Posthumes, récemment paru, .!equel groupe des chroniques, Nouveaux titres ~galement dans la des pleces écrites entre 1889 et 1911 «Bibliothèque de· La Pléiade,. : des contes et des nouvelles inédites:

Essais

Couronné par le Prix des graphistes 1970, la Lettre et l'image de Massin (voir le n° 96 de la Quinzai· ne), qui traite de la figuration dans l'alphabet latin du VIII" siècle à nos jours, passionnera tous ceux qu'intéresse l'histoire de l'art et des civilisations. Ce livre est actuellement disponible chez Gallimard où vient également de paraître, sous le titre d'Ecritures, un ensemble de textes de Max Ernst, accompagné de 120 illustrations extraites de son œuvre. Les mélomanes trouveront dans la Musique de Roland de Candé, qui se présente à la fois comme une discographie, un dictionnaire et un vaste travail de synthèse sur les formes, les techniques et les instru-· ments en tous temps et en tous pays, une véritable somme en matière de connaissances musicales (Seuil).

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C'est une encyclopédie, richement sur le développement des mstruments de musique au cours des âges que nous proposent R. Bragard et Ferd J. De Hen' avec les Instruments de musique dans l'art et l'histoire (A. De Visscher diffusion Garnier).· , . ~llustrée,

Réalités-Hachette publie, dans sa collection c Génies et réalités,., un ouvrag~ sur Schumann, présenté sous divers aspects par F. MalletJoris, M. Brion, M. Fleuret, C. Rostand, etc. De nombreuses illustrations agrémentent les textes. Deux nouveaux titres dans la col· lection c Musique,. de Griind : les Instruments de musique populaire d'A. Buchner et A travers chants: de Jacques Chailley. Les volumes reliés, comportent de nombr~ illustrations en noir et en couleurs une introduction et un index. ' Nouveau titre également dans la collection c Traditions musicales,. de Buchet-Chastel: Musique du Japon. Publié sous la direction de Marc Honneger, chez Bordas le Diction· naire de la musique en' deux tomes abondamment illustrés contient 5 500 articles rédigés ~ plus de 150 spécialistes. Sur la danse, la Bibliothèque des Arts présente un fort bel album réunissant 64 dessins de Michel Larionov, reproduits en fac-similé, avec des textes inédits sur l'histoire des


d'étrennes ballets russes de leur création à leur disparition et des photos prises sur le vif de la Pavlova, Serge Lifar, etc. : Diaghilev et les ballets. De leur côté, les cinéphiles trouveront avec l'Encyclopédie du cinéma par l'image, de Roger Boussinot, un large panorama du septième art, illustré de 3 000 reproductions en noir et en couleurs de photos de films (Bordas). Plus spécialisée, la collection « Cinéma Club" de Seghers leur offre un ouvrage de Léon Barsacq, préfacé par René Clair : le Décor du film, étude à la fois historique, critique et technique, augmentée de 120 documents, de nombreuses reproductions de maquettes, illustrant les grandes réalisations du décor de film dans le monde entier. Autre titre dans la même collection : le Cinéma fantastique, de René Prédal, étude d'ensemble sur les différents aspects de ce genre cinématographique (110 illustrations).

par Gérard Walter; les Mémoires de la duchesse de Tourzel (La famille royale sous la Révolution). Après Voltaire et Bussy Rabutin (voir le n° 10 de la Quinzaine), Jean Orieux publie chez Flammarion une nouvelle biographie, à la fois très documentée et fort attrayante quant .à la présentation, sur Talleyrand. Nouveau titre dans la collection «Le livre de chevet,. de Tchou : Correspondance féminine, qui réunit, en quatre volumes, les lettres des épistolières les plus célèbres des lettres françaises, telles que Madame de Sévigné, Madame de Staël, Juliette Drouet, George Sand. Plus de 500 documents dont de nombreux inédits, des lettres et des extraits du Journal, composent le nouveau « Livre d'identité" consacré à Cocteau sous le titre d'Album Cocteau, chez le même éditeur.

Histoire Sur un texte de Robert Benayoun, Losfeld présente un fort beau livre consacré à un grand cinéaste espagnol, illustré de montages photographiques : Images de Bunuel, tandis qu'aux éditions Corymbe Pierre Leprohon consacre une importante étude, augmentée de cent documents, à l'œuvre de Charlie Chaplin. Dans la nouvelle collection «Les usuels ", inaugurée cet autornrie par Hachette en coédition avec Tchou, le Nouveau dictionnaire des difficultés du français, de J.-P. Colin répertorie quelque 10000 mots et offre 30 000 réponses qui font le point sur ce qu'il est convenu d'appeler le «bon usage ", cependant que le Nouveau dictionnaire des citations françaises, de Pierre Oster propose plus de 16 000 citations d'auteurs français suivies d'un index.

Biographies Mémoires Correspondances En édition reliée dans la collection «Le temps retrouvé,. du Mercure de France, les Mémoires de Madame de Staal-Delaunay, dame d'honneur de la duchesse du Maine à la Cour de Sceaux, qui évoque ici ses souvenirs des premiers temps de la Régence (présentation par Gérard Doscot). Autres titres disponibles dans la même collection : les Mémoires de Madame Roland; les Mémoires intimes de Napoléon la: par Constant, son valet de chambre; les Actes du Tribunal Révolutionnaire, textes recueillis et commentés

A l'occasion du centième anniversaire de la Commune, les Editions Sociales présentent, sous le titre de la Commune de 1871, par Jean Bruhat, Jean Dautry et Emile Tersen, un grand album accompagné de 400 photographies dont certaines sont encore inédites. Dans la collection «Ages d'or et réalités" d'Hachette, Vienne au temps de François-Joseph évoque, avec de nombreux documents à l'appui, la vie dans la capitale de l'Autriche à une époque particulièrement prestigieuse. de son histoire, cependant que le Siècle de SaïntLouis publié à l'occasion du septième centenaire de la naissance de ce roi, sous la direction de Régine Pernoud, est un brillant tableau, fondé sur une importante documentation, de la France gothique. Deux nouveaux titres dans la col· lection des «Panoramas étrangers " de Seghers : le Siècle de Périclès, par Michel Nouhaud et le Siècle élisabéthain, par André Castegna. Dans la «Bibliothèque historique illustrée" d'Arthaud, Simone Poignant nous propose un beau livre intitulé les Filles de Louis XV L'aile des princes, tandis que dans la série des «Grandes civilisations ,. du même auteur, Albert Soboul étudie la Civilisation et la Révolution française.

De son côté, Denoël a lancé cette année une nouvelle collection historique composée d'ouvrages élégam•. ment présentés et abondamment illustrés : «Histoire de France,..

La QuIDzalne Uttéraire, du 16 au 31 décembre 1970

Parmi les derniers titres parus : la Fraru:e de la Révolution (17891799), par F. Dornic; la France de Napoléon la: (1799-1815) par P. Sussel; la France des lumières (17151789), par P. Galliano, R. Philippe et P. Sussel; la Fraru:e de la bourgeoisie (1815-1850) et Louis XIV (1645-1715). Chez Albin Michel, Donald Earl brosse dans le Siècle d'Auguste (un volume relié avec 84 hors-texte en couleurs et de nombreuses figures et plans) un vivant tableau de la vie politique, sociale et religieuse à Rome et dans les provinces romaines au premier siècle de notre ère, tandis que Michael Avi-Yonah retrace l'Histoire de la Terre Sainte dans un très bel ouvrage, abondamment illustré, et que Max Wurmbrand en collaboration avec Cecil Roth, évoque, par le texte et par l'image, l'épopée du Peuple juif ou quatre mille ans de survivance. Toujours chez Albin Michel, l'aventure de la voile (1520-1914), par Donald MacIntyre, est une· vaste fresque de la navigation à voile englobant quatre siècles d'aventures, retracées à travers les documents laissés par ceux qui les vécurent (400 planches en couleurs, 400 monochromies), tandis que chez Ro·bert Laffont les Grandes routes maritimes,· par Bruno Tavernier, reconstitue l'histoire des grands itinéraires de la navigation mondial~ sous la forme d'un bel album relié et illustré de nombreux documents en noir et. en couleurs.. Signalons également, aux Editions Maritimes et d'Outre-Mer (diffusion Seuil) les Derniers voyages de forçats et de voiliers en Guyane, Les· Derniers Antillais, par Louis Lacroix (32 horstexte, 3 cartes). Chez Robert Laffont, la collection des «Grands monuments de l'Histoire,., remarquable par sa présentation et son iconographie, propose deux importantes rééditions : Histoire du déclin et de la chute de l'Empire romain, d'Edward Gibbon et Histoire des origines du christianisme, d'Ernest Renan. Aux amateurs d'histoire qui ont aussi le goût des beaux livres, nous recommandons également un album composé par Lucien Bodard et qui retrace dans l'esprit des grandes émissions télévisées l'épopée de Mao (Gallimard); Charles le Téméraire, par John Bartier, qui se présente à la fois' Fàmme un remarquable ouvrage d'histoire et un magnifique livre d'art, illustré par des reproduct~ns des œuvres les plus prestigieuses des artistes dont s'entoura la Cour de Bourgogne (Ed. de l'Arcade, diffusion Garnier); Rome. 1630, par Yves Bonnefoy, premier

volume d'une nouvelle collection consacrée aux périodes clés de l'histoire de l'humanité (Flammarion); la Fantastique épopée du Far-West, de Fronval et Murtin, en deux tomes enrichis de nombreux documents photographiques (collection « Pilotoramas ". de Dargaud) et la Véritable conquête de l'Ouest, préfacé par Yves Berger, illustré de 400 photographies d'époque et qui analyse en détail l'histoire du grand Ouest américain (Tchou).

Humour $Dus le. titre de Trésors du rire, François Caradec a rassemblé des textes drôles dus aux meilleurs auteurs du XIX' et du XX' siècle, d'Alphonse Allais. et Villiers de l'Isle Adam à René de Obaldia, Roland Topor, etc. Dans la collection «La main à griffe" d'.Albin Michel, plusieurs nouveaux recueils sont proposés cette année avec, notamment, un album de Chaval composé de 240 dessins sur le thème- de l'Homme; un album de Mose intitt»é Mosaïque; Jet'aime, de Bosc; Dix ans d'histoire en cent dessins, de Moisan; l'Amour de A à Z, d'Alain Trez; amsi que des Dessins, par Topor. Plusieurs titres également dans la collection «Humour. de Fayard avec une Famille bien française et Vivre avec son temps, par Jean Bellus; le Dictionnaire des histoires drôles, d'Hervé Nègre, réédité cette aimée dans une nouvelle présentation; De drôles de chats et l'Œuf cube ou le cercle vicieux, de Ronald Searle; Histoire de rire et de pleurer, de Guy Dupré; les Quatre saisons du rire, de Mina et André Gui]. lois. Un nouvel album de Sempé chez Denoël : des Hauts et des bas. Chez le même éditeur, Jacques Faizant nous invite, avec C'est ouvert, à un voyage politico-humoristique fort savoureux, .au cours duquel l'auteur des Vieilles dames passe tour à tour en revue « l'ouverture ", « l'Education nâtionale ", «l'agitation sociale ", «la bombe Servan-Schreiber,., «la gauche unie" et «le P. C.F.". .Chez le même éditeur, Tristan et Jacques Sternoo~ ~us donnent une anthologie des Chefsd'œuvre de l'humour noir, qui réunit un choix de textes des meilleurs auteurs de tous temps et de tous pays, de Pétrone à Boris Vian. M~a

Adélaïde Blasque'l

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LES MEILLEURS

LIVRES

Art antique

D'ART, en 1970 Jean Charbonneaux, Roland Martin, François Villard Grèce hellénistique (330-50 av. J.-C.) Coll. « Univers des formes ), 420 photos et documents Gallimard éd., 420 p. La collection « L'Univers des Formes» vient de publier son quatrième et dernier volume consacré à .l'art grec. Il s'agit, cette fois, de l'époque hellénistique qui vit la éivilisation grecque se dilater, à la suite des conquêtes d'Alexandre, presque jusqu'aux limites du monde méditerranéen. L'art de cette période fut parfois, décrié, jugé décadent par rapport à l'originalité créatrice de l'archaïsme et à l'harmonie classique. Il suffit de feuilleter ce magnifique volume, l'un des plus beaux d'une collection prestigieuse, pour constater l'injustice de ce jugement. Ce qui apparaît, c'est bien plutôt l'extraordinaire faculté d'invention et de renouvellement qui anima l'art grec de cette période. Les artistes hellénistiques montrèrent une grande liberté à l'égard des traditions classiques. Loin de s'enfermer dans un carcan académique, ils surent dégager avec une incomparable puissance créatrice les multiples virtualités en germe dans l'art classique. Rejetant, dès le IV· siècle, des règles d'équilibre qui pouvaient devenir rapidement stérilisantes, ils surent retrouver, pardelà l'âge classique, la spontanéité inventive de l'art archaïque. Roland Martin montre cette « turbulence de la création» dans le domaine de l'architecture. Le cadre limité de la cité étant rompu, c'est à l'échelle de vastes et puissantes monarchies, de grandes villes aux riches bourgeoisies, qu'on bâtit désormais. Dans ses manifestations les plus spectaculaires, comme l'ensemble de Pergame, il s'agit d'nn art d'apparat, d'un art royal. En ville, l'architecture cesse d'être purement religieuse et civique; édifices publics et fastueuses demeures des riches citadins s'insèrent dans un plan d'ensemble : l'art de l'urbanisme est une création hellénistique. Une esthétique architecturale nouvelle apparaît : les proportions s'affinent et s'allongent, les surfaces se développent plus que les volumes, le décor s'étend 16

Dictionnaire de la Bible

archéologique

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650 articles, 54 pl. en noir.

Fernand Hazan, éd.,

336 p., 75 F.

Délos, Aphrodite, Eros et Pan

et acquiert son indépendance. On a pu critiquer cette architecture détachée de ses structures. fondamentales et très éloignée, sauf par son sens du colossal, du goût de notre temps. Elle témoigne cependant d'un sens remarquable de l'invention; de plus, il faut la replacer dans de vastes masses monumentales et tout un paysage urbain. L'art classique tendait à exprimer l'équilibre, le durable, l'éternel. Jean Charbonneaux - dont ce sont les dernières lignes montre que la sculpture hellénistique vise à exprimer l'individuel et l'instantané : l'art du portrait s'épanouit et montre des personnalités fortement typées et caractérisées. L'expression sera puissamment individualisée, parfois tragique ou pathétique, comme à Pergame. Les artistes marqueront ~vec vigueur la force, la musculature, du corps masculin, la sensualité du corps féminin. Le mouvement est exprimé puissamment, jusqu'à l'outrance, voire au mauvais goût : en sculpture comme en architecture, l'art hellénistique représente une véritable conquête de l'espace. Cet art témoigne d'un goût violent de la vie, qui s'exprime autant dans les scènes tragiques, violentes, cruelles - guerrier mourrant, supplice de Marsyas - que dans les scènes de genre, pittoresques et familières. Un trait est souligné par les auteurs, qui est très révélateur de cette civilisation : la grande faiblesse de l'inspiration religieuse; les thèmes mythologiques sont interprétés

gues, principalement israéliens. Travail de grande érudition que la formule alphabétique rend d'une utilisation pratique. Travail de synthèse qui éclaire les données fondamentales de l'histoire humaine.

L'aspect fabuleux de l'histoire sainte a longtemps contribué à entretenir la notion de géographie mythique que favorisaient, d'autre part, les incertitudes et les lacunes de l'archéologie. L'extension des fouilles entreprises depuis quelques années et l'importance des découvertes qu'elles ont provoquées permettent aujourd'hui de parler véritablement d'une archéologie biblique. Il manquait un ouvrage où le répertoire de tous les sites de la Terre Sainte soit établi en relation avec leur situation topographique actuelle. C'est ce que vient de réaliser un groupe d'archéolo-

Rappelons que chez le même éditeur, et dans la même collection, a paru cette année le Nouveau Dictionnaire de la Sculpture moderne auquel trente-quatre critiques et historiens d'art ont collaboré sous la direction de Robert Maillard. Les analyses sérieuses que présentent ses 472 articles et sa documentation photographique (500 illustrations) font de cet ouvrage l'utile complément du Nouveau Dictionnaire de la Peinture moderne précédemment publié. (328 pages, 75 F). J. S.

Samothrace. Arsinoeion de manière très humaine, les édifices religieux et leur décoration sculptée ou picturale ne sont que les éléments d'un décor. Les préoccupations proprement spirituelles semblent absentes de cet art et de cette civilisation exclusivement humaine. Les pages consacrées par François Villard à la peinture seront, avec leur magnifique illustration, une révélation pour beaucoup. Si la peinture des vases subit, dès le IV· siècle, une irrémédiable décadence, la mosaïque et la peinture murale connaissent un magnifique essor. La peinture hellénistique acquiert la maîtrise de la couleur, de l'ombre et de la lumière. Les riches demeures des marchands de Délos ou des bourgeois de Pella voient leurs murs et leurs sols ornés de compositions colorées qui élargissent et éclairent les surfaces et les volumes. Rarement, dans l'histoire de l'art, la peinture décorative a connu une telle maîtrise, une telle variété, en particulier dans les compositions florales ou les architectures en trompe-l'œil.

La décoration des maisons de Pompéi est très justement intégrée à cette étude : pour être plus tardive, elle n'en est pas moins fidèle aux modèles hellénistiques. Particulièrement dignes d'éloges sont les efforts de F. Villard pour tenter de retrouver, à travers les fresques et les mosaïques qui les reproduisent, les œuvres originales perdues des peintres de chevalet. Au-delà de l'art décoratif apprécié par les riehes bourgeois pour orner leurs belles demeures, il existait un art puissant et original dont les trouvailles pour rendre le jeu des lumières et les nuances de couleur témoignent de l'apport essentiel de l'âge hellénistique dans le domaine pictural. L'art hellénistique, tel que nous le révèle ce magnifique volume, est donc profondément multiple, individualisé, il est mouvementé et coloré, violent et raffiné. C'est lui qui a élaboré l'héritage que le monde grec a transmis au monde romain : sur bien des plans, l'art de Rome n'est qu'une province de l'hellénisme. C'est l'art hellénistique, et son interprétation romaine que les artistes et les lettrés de la Renaissance et de l'âge classique ont découverts et ont imités. Il n'est pas d'autre exemple, dans l'histoire, d'une aussi prodigieuse diffusion, dans le temps et l'espace, d'une esthétique. C'est donc un élément essentiel de l'héritage ocidental que nous présente cet ouvrage. Claude Lepelley


Art roman La peinture murale romane Texte de Otto Demus Photographies de Max Hirmer 250 il!. en noir, 102 hors-texte en couleurs Flammarion éd., 590 p.

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Le côté émouvant de ]a peinture murale réside dans son caractère de peinture condamnée. Ce que nous en connaissons représente les vestiges très réduits, et souvent très endommagés, de ce que possédaient les églises à l'époque romane. En outre, son destin est de continuer à se détruire et à s'effacer. La récente exposition, au Petit Palais, des Fresques de Florence sauvées des souillures de boue, de nitrate et de mazout que leur infligea le débordement de l'Arno en 1966, a remis en lumière cette nouvelle phase, particulièrement dramatique, de son destin (1). Pourtant, à cette fatalité s'oppose, en manière de compensation, le fait que des fresques semblent bénéficier d'un destin contraire et réapparaissent, <lécouvertes sous les badigeons qui les cachaient. Ce fut le cas, récemment encore, à Winchester, dans la chapelle du Saint Sépulcre; à Lambach, en Haute-Autriche, dans le chœur ouest de la collégiale des bénédictins; à Novare, dans le baptistère de la cathédrale. Mises au jour après plusieurs siècles de disparition,' ces peintures nous semblent d'autant plus précieuses qu'elles sont demeurées vierges de toute restauration. Car, ce fut là une autre façon de les meur-

Oreste Ferrari

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Les Trésors d'art du Vatican 171 ill. dont 54 pl. en coul. Aimery Somogy, éd., 288 p.

Cet itinéraire à travers la cité vaticane, et qui nous conduit des plus austères aux plus frivoles représentants de l'art religieux, passe par Giotto, Michel-Ange, Raphaël, le Bernin, Canova. Mais le Vatican n'est pas le palais d'un collectionneur, 1e s œuvres d'art n'y sont pas entrées à la faveur de circonstances hasardeuses. La basilique SaintPierre, la chapelle Sixtine, la chapelle Pauline, les Chambres et les Loges de Raphaël,

trir : la furie de restaurer qui s'était répandue, surtout en Allemagne, au XIXe siècle. Aussi l'une des tâches essentielles auxquelles on s'applique aujourd'hui est-elle la «dérestauration» des peintures murales. Cette vie, cette mort, cette survie, des fresques, donnent à leur étude un mouvement d'intérêt continuel que semble synthétiser sur certains murs un fragment encore déchiffrable, alors que tout le reste s'éloigne irrémédiablement de notre vue. Notre contemplation i n qui è t e est comme suspendue à leur fragilité. Ce n'est là, cependant, qu'un des aspects de l'exploration à laquelle s'est livré Otto Demus pour écrire cette vaste étude sur la Peinture murale romane de l'Europe centrale et occidentale, dont les photographies de Max Hirmer nous montrent les principaux ensembles et les moins connus. L'auteur, professeur d'histoire de l'art à l'Université de Vienne, ne nous cache pas la difficulté d'établir les limites de la peinture monumentale 'à l'époque romane, de préciser en quoi, et où, elle se sépare de la peinture grecque, et même de fixer son début et sa fin, entre la fin de l'Antiquité et le début du moyen âge gothique. Mais si « le cœur de l'art roman lt se situe au XIIe siècle, il en est de même pour la peinture murale, et c'est ce que l'ouvrage nous permet de constater en nous faisant parcourir tous les cycles iconographiques qui ont transformé les églises en grands livres d'images entre le début du XIe 'et la seconde

les tombeaux des papes, le Belvédère, sont avec leurs décors, leurs monuments, leurs statues, des créations complètes intégrées dans un ensemble architectural qui n'a cessé de se développer depuis la fondation de la basilique de Constantin. Le livre d'Oreste Ferrari et le choix de ses illustrations font mieux que guider nos pas dans les dédales de l'histoire qui accompagne cette ville apostolique : ils nous donnent la synthèse d'une expérience unique, celle d'un- transfert, obstinément poursuivi, de la pensée religieuse dans tous les domaines de l'art. J. S.

La QuInzaIne Uttéraire, du 16 au 31 décembre 1970

moitié du XIIIe siècle. La pensée chrétienne s'y reflétait en des programmes plus disciplinés que ceux auxquels travaillaient les sculpteurs. C'est pourquoi dans ses attaques contre la décoration des sanctuaires, saint Bernard de Clairvaux s'en est pris au monde fantastique des chapiteaux beaucoup plus qu'à l'imagerie un peu naïve des voûtes et des murs. Outre la liberté de son style; ses variations et ses particularismes locaux, ce qui différencie la peinture murale romane de la peinture byzantine, c'est sa diversité thématique, le système décoratif byzantin ayant été une fois pour toutes réglé et appliqué, presque invariablement, pendant deux siècles. La peinture romane, au contraire, à part l'habitude, généralement observée, de repré.~-

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senter dans les absides en cul-defour le Christ ou la Vierge «en majesté », se présente en des schémas iconographiques partout différents. L'utile confrontation de documents que nous suggèrent les 352 reproductions du livre d'Otto Demus, en offrant à notre curiosité un itinéraire qui va de la cathédrale de Canterbury à Sant' Angelo in Formis, près de Capoue; de Saint-Savin à Regensburg; et de Salzbourg au Pantéon de los Reyes à Léon, nous montre la richesse des idées qui ont circulé en Europe pour illustrer les nefs et les cryptes de l'église romane en y projetant l'univers merveilleux de l'imagination médiévale que les rêves bibliques avaient' sitmulée.

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Maitre de Pistoie: Crucifixion (vers 1250)


Léo Bronstein El Greco 56 pl. en coul., 19 ill. en noir Cercle d'Art., éd., 126 p.

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Léo Bronstein voit dans la peinture de ce Grec, Domenico Théotocopoulos, venu à Venise comme peintre d'icônes dans la seconde moitié du XVI" siècle, «un héritage du monde greco-byzàntin" confronté avec la conception d'un idéal de la Renaissance. On peut y voir aussi l'annonce d'un baroque espagnol d'un caractère plus tragique qu'aucun baroque n'aura comporté. L'accentuation d'une esthétique du mouvement tourmenté dans l'évolution du peintre est

Millard Meiss Les grandes époques de la fresque 118 reproductions coul. Hachette éd.

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Ces «Grandes époques de la fresque", précisons-le, ne concernent que l'Italie, terre élue il est vrai de cette technique que les Romains utilisaient déjà pour animer lt:s murs de leurs maisons. L'exposition itinérante des «Fresques de Florence" qui vient de passer par Paris a été l'occasion de publier cet ouvrage qui présente le dernier état des découvertes et récupérations, fruit d'un vaste programme de sauvegarde dont la désastreuse inondation de 1966 a précipité la réalisation. Il dépasse cependant largement le cadre de l'exposition, offrant quelque soixante-dix fresques supplémentaires qui incluent notamment celles de Lombardie et de Vénétie. De toutes les techniques picturales, la fresque est sans doute la plus fascinante ce qu'elle est on ne peut plus intimement liée à son support. C'est en effet une réaction chimique du mortier humide qui' fixe les pigments colorants; la cristallisation n'a lieu (Jue le temps du séchage, imr::;sant c:insi une rapidité d'exécution qui est pure virtuosité. C'est du travail sans filet, à tel point que les fresquistes durent très vite mettre au point des méthodes permettant une fragmentation du travail. Millard Meiss indique de façon très claire l'évolution de cette technique; il ne se borne pas à la

par-

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visible en comparant à la première reproduction du livre la dernière - l'une et l'autre étant des Assomptions de la Vierge. Celle de Chicago, de 1577, porte encore les traces d'une certaine quiétude italienne, celle de Tolède, vers 1610, situe l'ascension des corps au-dessus d'un paysage qui semble éclairé par les fulgurations de la foudre. Entre les deux toiles, une suite de tableaux religieux, de paysages et de portraits, sont autant d'exemples du génie avec lequel El Greco est toujours allé au-delà de· ses sujets : dans le domaine de la pure spéculation picturale. J. S.

décrire sèchement, il la justifie par l'évolution de la peinture, la nécessité pour les artistes de dipasser,les formes stéréotypées . qu'imposaient évidemment la rapidité d'exécution, mais aussi à la fin du Moyen Age la transformation de l'idée de Dieu conduisant à l'individualisation de sa créature. Le courant humaniste allait d'ailleurs amener les peintres à rechercher de nouveaux effets picturaux que l'huile et la toile leur permi· rent plus totalement. Mais la fresque y perdra entre autres ses belles couleurs que seule l'action combinée de l'humidité et des substances chimi· ques du mur pouvait altérer, alors que l'huile assombrit inéluctablement. Si la fresque a d'autres ti· tres de gloire qu'en Italie et antérieurement - il n'en est pas moins vrai que c'est là qu'elle connut son plein épanouissement et que c'est avec elle que commence véritablement la peinture italienne. Il est d'ailleurs à noter que cet épanouissement correspond à la soudaine croissance des villes et à leur rivalité car c'est à partir de là q:Af. les édifices publics se cou·vrirent de peintures murales célébrant les vertus civiques et morales tout autant qu'elles invoquaient la protection de la Vierge ou des saints locaux. De leur côté, les nouveaux ordres mendiants dont la croissance n'était pas moins rapide firent également appel à la fresque tant pour décorer leurs églises que pour prolonger sur les murs les sermons qu'ils prêchaient.

Berzé-la-ville (S.-etL.). Peinture murale Les particuliers eux-mêmes partiCipèrent à cette frénésie en érigeant leurs propres cha· pelles, tel Scrovegni à Padoue qui fit tout bonnement appel à Giotto pour la décorer. De cette passion qui gagna l'Italie entière et la couvrit, selon les contemporains, de merveilles, il ne reste qu'une petite partie; mais ce sont ces chefs-d'œuvre longtemps

méconnus que l'on voit avec tant de difficulté dans les églises souvent mal éclairées. Ce livre était donc indispensable, qui en présente une centaine du XIIIe au XVIIIe siècle, exce.[[emment reproduites en couleurs et surtout merveilleusement commentées par un érudit qui sait aussi écrire pour un large public. Marcel Billot

ETRENNES 1970

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Classique et baroque Yves Bonnefoy Rome 1630 Flammarion éd., 204 p.

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Rome 1630 : la Ville Eternelle resurgie de la Contre-Réforme, réinstaurée métropole sacrée, reçoit, après celle de Jules II et de Sixte V,.la marque d'Urbain VIII. et des Barberini et accueille- dans la simultanéité une extraordinaire diversité de présences. Le Bernin travaille au Baldaquin de Saint Pierre et au tombeau d'Urbain VIII, Borromini appose le premier signe de son génie propre à la façade de ce palais Barberini que Pierre de Cortone orne de peintures; Lanfranc vient d'achever la coupole de Sant' Andrea della Valle, modèle que le Dominiquin cherche à égaler à San Carlo ai Cortinari; Poussin fait l'admiration de la cour papale avec son Martyre de Saint Erasme, tandis que Peter van Laer, dit le Bamboche, s'adonne à la peinture de genre, pour les touristes; Valentin présente à Saint Pierre son Martyre des. Sainb Procès et Martinien, Claude Lorrain peint ses premiers paysages. Et, dans le même temps passent des visiteurs éphémères, sans doute Le Nàin, La Tour, Seghers, et en tout cas Velasquezqui peignit La forge de Vulcain à Rome en 1610. C'est cette richesse, fertile en contradictions et en paradoxes, apanage d'une cité - non point close comme les autres villes d'art italiennes, mais ouverte' et où le monde vient se former en s'informant - qui a attiré Yves Bonne· foy. Et, de ce moment dont l'analyse, comme l'atteste sa bibliographie, a sollicité les meilleurs esprits, il tente une synthèse. Ou plutôt deux lectures si intimement liées d'ailleurs que le lecteur ne parvient pas toujours à les dissocier. La lecture majeure, celle qui constitue le propos fondamental du livre, déchiffre dans l'année 1630 à Rome un de ces moments privilégiés du temps ou de grandes structures soudain s'articulent, où la double poussée de la nécessité et du hasard (dont la part n'est pas ici minimisée) fait émerger des mondes neufs et clot à jamais des domaines anciens. La lecture attentive de 1630 fait donc éclater la fausse synchronie de l'histoire chronologique. Da-

vantage, elle exige de nouveaux découpages. Yves Bonnefoy les découvre derrière les cadres reçus, à mesure d'une impitoyable confrontation des travaux mu.ti· pIes accomplis en 16.30. L'analyse synchronique qui ne craint pas d'intégrer les œuvres médiocres (-Dominiquin, Stomer, Sorodine) ou mineures (Bamboche, Praelen· burgh, Breenberg) mais inductrices de sens, rompt les contraintes de la monographie personnelle, délivre des préconceptions qu'entraîne l'étude des filiations matérielles et des parentés formelles. Mais elle est rectifiée, mise à l'épreuve par l'analyse diachronique qui resitue les œuvres dans la production des artistes. Ainsi, par exemple, Lanfranc apparaît comme le seul peintre dont le projet coïncide avec celui de l'architecte-sculpteur Bernin, tandis que l'entreprise de ce dernier (c tout le sensible qu'il met en œuvre n'a trait qu'à l'expérience tout intérieure de la grâce lt) est dissociée, pas seulement de celles de Cortone ou Borromini, mais de ce c théâtre du vraisemblable lt représenté par les Serodine, Stomer ou Bigot. De même Poussin - un instant baroque, par jeu - est opposé à Duquesnoy et rapproché de Pierre de Cortone. Et Yves Bonnefoy lit aussi que 1630 enferme une partie des artistes de Rome, tel Bernin lui-même, dans c l'âge religieux de la représentation lt, tandis que certains, au contraire, postérité de la nostalgie carrachienne, s'installent déjà, tels Valentin et Claude Lorrain, dans un romantisme qui annonce Holderlin et Nerval. Ces restructurations sont pour Yves Bonnefoy l'occasion de mettre en question certains concepts ambigus. Ainsi du Baroque, dont il restreint le champ (le Don Juan de Tirso de Molina, paru précisément en 1630 est c infra-baroque lt) et dont il donne une série de définitions éblouissantes : c ésotérisme de l'évidence lt, c stade religieux de la conscience artistique lt, c le paroque n'est pas un trompe-l'œil, mais une expérience de .J'être par l'illusion lt. De même, la critique de la notion de réalisme peut être considérée comme un des fils directeurs du livre. Yves Bonnefoy la traque et la fait littéralement éclater. Il l'aborde dès Caravage, dénonçant le contresens qui consiste à c Prendre cette peinture angoissée d'un

La QUIDralne Uttéralre, du 16 au 31 décembre 1970

Pierre de Cortone : Deux études d'une tête de jeune fille univers muet et d'une substance nin sculptait lt) qui trouent opaque, pour un simple natura- l'épaisseur de ,leur secret. Dislolisme lt. n lie le c réalisme lt ita- quée par l'émergence d'un monde, lien à la grande crise de l'expé- l'étonnante galerie imaginaire qui rience sensible que symbolisent mène du Baldaquin de Saint les travaux de Galilée et montre Pierre à la Rome triomphante de comment il échappe précisément Valentin, retrouve son unité à de toutes parts au réel. Au natu- travers l'histoire contingente et ralisme photographique où s'en- mystérieuse des artistes. lisent les post-caravagistes roL'iconographie de l'ouvrage renmains enfermés dans un monde voie à des œuvres exemplaires, idéal imaginaire, il oppose le toutes également impliquées dans c réalisme lt fondé sur la réalité l'argumentation de l'auteur. Cer· rugueuse et 'l'expérience c provin- taines illustres, d'autres quasi ciale lt de la souffrance, des Hol· inconnues, leur choix n'a pas été landais contemporains, le Hals du dicté par un désir d'exhaustivité, Portrait de Descartes (1630), et le mais par ,le souci de prouver un Rembrandt de La leçon d'anato- découpage. Ce livre, qui inaugure mie. Et il découvre dans la pein- une collection fondée sur la même ture de genre de Bamboccio et approche du temps et dirigée par ses amis, la nostalgie que s'appro- Yves Bonnefoy, n'est donc pas, prieront Claude et Velasquez. ' en dépit de son abondante iconoQuant à la lecture seconde graphie, un livre d'images. Pas d'Yves Bonnefoy, celle qui sous- davantage un livre d'initiation. Il tend en filigrane son grand dé- suppose chez le lecteur une famichiffrement global de 1630, c'est liarité relative avec l'époque et aux contingences et en particu- les œuvres analysées, les problèlier aux individus qu'elle évoque mes soulevés. Cette condition non dans l'accumulation des faits remplie, • il présente un intérêt biographiques, mais à travers de exceptionnel, renouvelant l'éclaifulgurants détails véridiques ou rage d'une des périodes les plus inventés (c Je suis même incliné complexes de l'histoire' des arts à croire que c'est à partir de son plastiques, appelant des déchiffreinaptitude à l'expérience chré- ments nouveaux. tienne et pour le vérifier, une fois Et puis, c'est Yves Bonnefoy pour toutes, que Poussin a tenté poète qui a écrit le texte difficile en 1628 et 29 de peindre c par d'Yves Bonnefoy historien d'art. hypothèse lt dans l'esprit où BerF.rançoise Choay 19


Maria et Godfrey Blunden et Jean-Luc Daval Journal de l'Inipressionnlsme 435 documènts dont 175 cou!. Skira éd., 240 p. -

Il se passe en ce monde tant de choses qui scandalisent, exaltent, angoissent ou déconcertent qu'il n'est pas de majorité silencieuse qui ne soit àujourd'hui familière de l'idée de révolution. Nul ne se formalisera donc, au contraire, d'une Histoire de l'Impressionnisme considéré comme partie intégrante du c grand bouleversement social lt qui a agité la vie française au XIX· siècle. Nul n'en a jamais douté, les jeunes peintres qui allaient devenir les impressionnistes étaient des jeunes hommes en colère. Ils étaient les seuls à savoir qu'il n'était plus possible de peindre c Les Romains de la Décadence lt ou quelque paysage mitonné dans un coin d'atelier. Leurs aînés immédiats Millet, Courbet, les peintres de Barbizon déjà s'en étaient détournés au profit de la réalité quotidienne de la nature et des hommes, soutenus par Proudhon qui voyait là c le vrai point de départ de l'art moderne~. Il y manquait toutefois le langa,8e propre à exprimer le changement de regard qu'impliquait cette libération du sujet. Son élaboration était leur tâche à la" quelle ils ne pouvaient logiquement se soustraire; c'était une démarche esthétique naturelle mais que les circonstances allaient faire affronter une société traumatisée par 1848, éperdue d'ordre et . de certitude. Pendant vingt ans, sous les insultes et les sarcasmes ils n'auront pourtant d'autre ambition que celle d'un accrochage au Salon, indispensable à la plupart d'entre eux pou'r conserver· la rente servie par leur famille, et d'en obtenir là fameuse médaille qui leur assurera le respect dû aux Messonnier et autres Bouguereau. Faute de jouer le jeu, ce n'est que le temps qui leur apportera hl gloire, lorsque de ,nouveaux trublions provoqueront à leur tour la sottise triomphante pour qui tout regard autre est chargé de dynamite. Faut-il pour cela en faire des révolutionnaires? Est-il équitable, comme le fait l'éditeur, de présenter Manet, Monet, Degas, Renoir, etc. comme participant

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Auguste Renoir: Trois baigneuses, mine de plomb, 1883-1885 à ce grand mouvement vers une poser une approche différente démocratie républicaine lt? On comme le voudrait précisément peut sans crainte en douter; rien ce «Journal ». Si cette tentative n'indique chez eux la moindre vel- rete vaine, c'est que nous n'avons léité révolutionnaire, ni même pas affaire à un livre d'auteur l'expression d'une conscience po- mais à un livre d'éditeur. Et c'est litique. La débâcle de 1870 les précisément sur. ce plan que se verra les uns en Angleterre ou à la situent la nouveauté et la réussite, campagne, les autres se hasar- car ce qui nous est proposé n'est dant parfois à faire des croquis pas une nouvelle c lecture» mais des barricades durant la Commu- une méthode de lecture qui juxne. Seule la peinture les requiert tapose dans un déroulement syet ils lui font franchir upe étape noptique l'histoire événementielavec une opiniâtreté exemplaire le, l'analyse des œuvres, les témoiet un éclat sans pareH. gnages des contemporains et les Quoi qu'en ait l'éditeur. lais- jugements ultérieurs de la critisons donc la Révolution et· re- que. gardons .son livre. Il en vaut la La complexité de ce mode de peine. Des Histoires de l'Impres- lecture n'est qu'apparente si les sioDDisme, il y en a à la pelle, textes sont clairs et la mise en en noir et en couleurs; aucune page rigoureuse. Cela ne s'improécole de peinture n'a suscité vise pas il y faut une conception plus importante bibiographie à initiale et un maître d'œuvre. Il tel point que tout éditeur se vou- est clair, en l'occurrence, que lant sérieux s'en détourne volon- l'éditeur s'est préoccupé avant tiers jugeant le marché saturé. tout du public, qu'il l'a voulu inIl l'est en effet, mais par le man- telligent et qu'il a demandé à ses que d'imagination qui caractérise collaborateurs un dossier clair et l'édition française du livre d'art. soigneusement présenté. A Maria Ce n'est pas de l'Impressionnis- et Godfrey Blunden il a demandé me que le public se détourne, les un récit qui constitue une sorte expositions sont là pour en té- de c geste» de l'impressionnisme, moigner, mais des sempiternels dégagée des considérations esthéalbums de reproduction présen- tiques et de l'afflux des témoités par d'innombrables préfa- gnages. Récit simple et familier, ciers; de çet Impressionnisme presque d'un conteur qui met en servi en tranches, car tout y est place les événements et les hompassé : peintres, paysages, por- mes. traits, natures mortes, jusqu'aux Ponctuant ce récit et en marge, endroits fréquentés par les pein- choisis par Jean-Luc Daval, les tres, promus c hauts lieux de la lettres, .!èS témoignages, les coupeinture lt ! On ne peut il est vrai pures de presse, les jugements de récrire l'histoire de l'Impression- la postérité, les reproductions nisme, ni les hommes, ni les œu- d'œuvres longuement commentées vres, ni les faits n'ont changé et sans pédanterie élargissant la lectant d'exégètes les ont passés au ture à une' compréhension active. crible qu'on ne peut raisonnable- Ainsi sur la même double page la ment en attendre encgre des révé- découverte de l'estampe japonailations capitales. On ne peut non se est relatée dans le récit comme plus, du moins je le crains. en pro- un événement historique illustré «

par une gravure représentant les ambassadeurs japonais dans l'atelier de Nadar et deux estampes d'Hirosige; et étudié en contrepoint· dans ses rapports avec la peinture impressionniste, illustré cette fois par des tableaux de Manet, Monet, et Whistler et par un extrait de lettre de Pissaro. Chaque élément joue de l'un à l'autre, l'information est vive, rapide, globale, l'attention sollicitée, la connaissance acquise. D'aucuns' ne manqueront pas de faire la fine bouche sur ce didactisme évident,' blâmeront les quelques redites d'un texte à l'autre inévitables et avec plus de raison quelques négligences incontestablement coupables, cOmme celle-ci qui concerne c le Déjeuner sur l'herbe» de Monet. Le récit nous apprend qu'après en avoir fait une esquisse, il la transposa sur une toile de très grandes dimensions qu'il détruisit mais dont c certains fragments découpés et vendus.. par Monet existent encore aujourd'hui lt. L'un, on le sait, est au Louvre, et un second dans une collection particulière. Ils sont reproduits ici côte à côte; l'ennui est que dans la lé~ gende, celui du Louvre est donné comme seul existant, daté de 1865-66; que lé second soit daté de 1865 et qu'enfin la toile préliminaire, actuellement au Musée Pouchkine à Moscou également reproduite, est datée de 1866. N'en ·prenons cependant pas prétexte pour méjuger une entreprise comme celle-ci, de vulgarisation certes mais combien. intelligente, qui fait véritablement honneur à son éditeur et que l'on aimerait voir se généraliser à la condition toutefois d'un prix plus abordable. Marcel Billot


Contemporains Gaëtan Picon Admirable tremblement du temps Coll. « Les sentiers de la création» Skira éd., 160 p.

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«Admirable tremblement du temps », la phrase est née chez Chateaubriand dans la vie de Rancé, écrite à propos du tableau de Poussin, le Déluge; cueillie au passage par Gaëtan Pican, elle va proliférer de façon rigoureuse au long d'un itinéraire fait de préférences et de plaisirs que l'auteur a eus en face de tableaux aimés, dont il livre de façon bien tracée l'exégèse la plus sobre et la plus riche. On connaît le principe de cette collection, Les sentiers de la création, animée par G. Picon, qui est de livrer le cheminement libre d'un écrivain dans les rendez-vous de la poétique de l'espace que lui donne subjectivement la peinture. G. Pican s'appelant lui-même à écrire nous donne une réflexion philosophique sur le temps, qui va fort loin dans l'analyse, mais toujours reposant sur le goût qu'il professe pour les tableaux en tant qu'individualités, en tant aussi que se tisse et se noue entre eux un réseau qui a le temps pour matrice. En ce tracé littéraire, fait d'une ligne mélodique semblable à la gravure, ou à la liberté de la ligne chez Klee, « la ligne qui rêve », on sent à tout instant affleurer la possibilité d'une référence ou d'une citation érudite. Or le tour

Dora Vallier Henri Rousseau 64 . pl. en coul., 374 Hl. en nOir

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Flammarion, éd., 128 p., 22 F

« Faute de biographie, écrit Dora V allier, Henri Rousseau a eu sa légende ». Il a aujourd'hui mieux qu'une biographie, grâce à ce livre où pour la première fois l'œuvre beaucoup plus abondant qu'on ne le supposait (261 toiles) nous est montré dans sa totalité et analysé dans sa chronologie. Mais la vie de celui qui apporta à la peinture moderne «une innocence picturale sans précédent,., cette vie minutieusement explorée

de force de G. Pican est de nous enchanter du tracé de son écri- . ture savante sans jamais faillir à la discrétion d'une érudition contenue. De quel temps s'agit-il ? Ni de la ligne axiale indéfinie, l'axe traditionnel de la fuite, irrémissible, ni du cercle du retour éternel qui absorbe dans son immobilité cachée l'apparence de cette fuite, mais le temps est ici saisi par l'idiome de la peinture dans son instantanéité, dans sa ponctualité infinitésimale qui n'est pas plénitude d'un noyau solide, mais espacement, écart, différence : « il faut que la labilité s'inscrive dans la matière même» écrit l'auteur page 57. Au lecteur de ces toiles de les déchiffrer : voici cette labilité traquée dans la débilité même de la main tremblante de Poussin «qui ne veut plus lui obéir ainsi qu'il le voudrait ». Et ce défaut physique, est le brouillé fameux, la signature de Poussin, où vient rêver le décalage temporel. Le temps cette fois traqué dans ses aUégories les plus subtiles, en une rêverie élémentaire qui n'est pas sans rappeler celle d'un thème Bachelardien : de ce vieillard qui contemple peut-être le fleuve, dessiné par Vinci,' G. Pican fait éclater l'évidence superficiellement héraclitéenne du « tu' ne te baignes jamais dans le même fleuve » au profit d'une lecture de la mouvance infinitésimale du trait. « Avec un ~mer rassérènement, il constate les forces qui conduiront à son terme une aventure dont le caractère dérisoire est souligné par ses personnages mi-

par l'auteur, ne contient pas moins de faits extraordinaires que sa légende. Qu'il ait été gabelou de l'octroi et non douanier ne change rien à l'auréole du personnage. Que la Bohémienne endormie ait été découverte chez un plombier, et la Guerre chez un cultivateur, cela fait partie d'une aventure singulière dominée par cette singulûrit~ grandiose : sa peinture. Les multiples aspects inconnus qui nous en sont révélés et le texte intelligent de Dora Vallier font de ce livre un des meilleurs de cette collection où le «gabelou Rousseau" occupe parfaitement sa place à côté de Titien, de Véronèse et de Watteau. J. S.

muscules fuyant l'eau et le feu lt. Subtilité aussi de cette courbe du temps, boucle du temps en nœud coulant : « les derniers tableaux sont quelquefois ceux où le peintre commence à parler. Il annule (pour lui sinon pour nous) ce qui précède. Il inaugure le temps. Ils sont les tableaux d'une naissan· ce ». A propos de La Musique aux· Tuileries: « l'adieu est aussi dans dans le regard de la serveuse; car le temps n'est pas toujours représenté par l'encombrement d'une mémoire, la mise en ordre d'une expérience : il est autrement, mais très intensément perceptible dans la signification d'un regard, la charge particulière d'une image, mieux: dans l'espace invisible qui met l'image à distance ». Liaison du temps à la mort : «qui aime le temps aime la mort », à l'absence, à la différen~ ce, à l'effritement du sens, à l'événement dans sa dispersion qui est rature de l'origine. Tous ces thè-

mes s'entrelacent et tous nous invitent à nous arrêter pour les méditer, comme autant de propositions du Tao, mais d'un Tao occidental d'autant plus envoûtant par son appel qu'il se propose à nous sous l'espèce d'une écriture continue, toujours prenant l'icône pour prétexte. Et pourtant cette écriture linéaire, riche de tout le savoir qu'elle a surmonté pour se donner au lecteur plus ciselée encore, plus tremblante encore de sa promesse et de son attente, s'illustrerait dans cette situation occidentale de notre impuissance qui fait de notre héritage pictural cette richesse herméneutique inévitable: « et nous aussi nous voulions traverser le miroir. Mais nous sommes toujours devant lui, les yeux pleins de nos images inoubliables, images des choses que nous avons discernées, saisies, manquées, étreintes de toutes nos forces, dans leur temps, dans notre temps. » Jean-Marie Benoist

les romans du mois

GILLES PERRAULT

les sanglots longs 9 nouvelles par l'auteur de

l'orchestre rouge et du dossier 51

un direct, un crochet, un uppercut, ces contes laissent groggy...

PIERRE JEANCARD

la cravache une histoire passionnée où la mort fait irruption dans le vert paradis des amours enfantines.

JACQUES TOURNIER

les amours brèves les premiers romans de· Dominique Saint-Alban.

chez

fayard La Qu'np'ne Utthalre, du 16 au 31 décembre 1970

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Jacques Prévert

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ImaginaIres

Les sentiers de la création Skira éd., 112 p.

L'illustration d'Imaginaires est de Prévert lui-même. Non pas un choix donc, mais des collages, ceux que le poète colle depuis aussi longtemps qu'il poétise.. Et ce qu'ils donnent' à voir ici sans mot,;, ce qu'ils miment plutôt, c'est l'art même de l'écrivain, la façon insolite, cocasse, irrespectueuse, tendre ou violente dont il assemble les mots ou les idées. Nulle part mieux' que dans ce petit recueil on ne saisit à sa source cet art de l'assemblage propre au poète de Paroles. Comme il était prévisible, le texte écrit qui se veut parfois légende (Les dieux ont toujours été des chefs de bande dessinée, L'enclume de mer), est parfois au contraire "décollé» et appelé ainsi à jouer

comme le rôle d'une illustration dans l'écriture des images. Parmi celles-ci, deux sont empruntées au musée, peutêtre les plus merveilleusement expressives du merveilleux dans la peinture occidentale : Le songe du roi René, tiré du . manuscrit du Cœur d'Amour épris, et la Vierge de Fouquet que Prévert fait découvrir dans une sorte de double-jeu apparenté au collage, et au regard de laquelle un petit conte du musée s'achève sur cette ligne cruelle : "En peinture comme en écriture tout s'explique. li> Retenant la leçon nous bornerons là nos explications d'un livre charmant qu'on peut ouvrir n'importe où, consulter n'importe quand, offrir - presque - à n'importe qui, en particulier à tous les enfants et à tous ceux qui aiment Prévert. Nicolas Bischower

Dunoyer de Segonzac Dessins 1900-1970 390 reproductions Pierre Cailler, éd., 456 p., 150 F.

Angk.or Texte et photos d'Henri Stierlin Office du Il:Vre, 188 p.

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«D'instinct, écrit Dunoyer de Segonzac, j'ai toujours dessirié à la plume, aimant la précision de la forme clairement et franchement exprimée ». Ce sont aussi, pour la plupart, des dessins à la plume qui ont été rassemblés dans ce livre. Et, sans aucun doute, c'est en eux que le peintre, durant toute sa vie, s'est exprimé avec le plus de liberté. Mais s'il y chercha toujours cette "précision de la forme» il y trou. va aussi une relative, une heureuse imprécision, qui tient au fait que son trait d'encre a un si grand pouvoir de suggérer ce qu'il ne montre pas que c'est en notre esprit seulement que la forme, en fin de compte, se précise. C'est en cela que réside l'attrait poétique de ces dessins, leur charme de choses vues d'un rapide coup d'œil, qu'il s'agisse d'un village de l'Ile-àe-France, de baigneuses sur une plage, d'un nu dans la forêt ou de ces portraits tracés d'une main qui semble distraite et qui sont souvent d'une émouvante pénétration ; Colette écrivant à la Treille Muscate, Grock dans sa loge à l'Empire, Marcel Proust sur son lit de mort. J. S.

Jacques Prévert: Collages (détail) René Passeron René Magritte Filippacchi-Odege éd.

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Les bonnes monographies sur les artis'tes contemporains sont chose rare. Cette saison nous en apporte deux qui seront analysées dans le prochain numéro : le monumental Max Ernst par Max Ernst (1) et le plus modeste René Magritte de René Passeron dont nous voudrions seulement indiquer ici qu'il doit nécessairement figurer parmi les ouvrages retenus pour les cadeaux de fin d'année. Ce livre est en effet remar- . quable à la fois par le choix des images, le texte et la mise en page qui est une des clés choisies pour aborder l'œuvre. Le parti .original qui a été adopté est inspiré du cinéma:

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pour commencer une succession d!images évocatrices et invocatrices, sorte de mise en condition silencieuse qui transporte ailleurs, dans le monde du peintre: Puis, chacun des thèmes que R. Passeron a choisi de développer est annoncé par une série d'images dans la présentation desquelles le cadrage joue un rôle important. Enfin le texte de chacun des cinq thèmes, des grands espaces froids aux lois de l'absurde est lui-même assorti de sept à huit illustrations en couleur, mais de petit format, simultanées, toutes ensemble face au texte, qui permettent une confrontation immédiate des formes et deS idées. En fin de volume, le générique, biographie, bibliographies... F.C. (1) Gallimard.

Robert Fernier Gustave Courbet 127 ill. dont 23 pl. en coui. Bibliothèque des Arts, éd., 140 p., 69 F.

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Nous connaissions sans doute Courbet, mais -le livre de Robert Fernier présente cet avantage, outre celui de nous donner une excellente analyse de son œuvre, de retracer d'une façon très vivante l'aventure du chef de l'école réaliste qui eut plus d'une fois à pâtir des réalités de l'existence. Les documents sur sa vie, sa famille, ses activités politiques, son exil en Suisse, complètent intelligemment le choix de reproductions de son œuvre de peintre et de sculpteUT. J. S.

Chine Texte de Michèle Pirazzoli-t'Serstevens Documentation de Nicolas Bouvier Office du livre, 190 p.

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Japon Tex!e de Tomoya Masuda Photos de Yukio Futagawa Office du livre, 186 p.

L'architecture universelle, collection dirigée par Henri Stierlin est unique et le titre n'en précise pas suffisamment la portée. Il ne s'agit pas ici, en effet, d'architecture telle qu'on l'entend habituellement. Ce qui est abordé, c'est civilisation après civilisation (1), la façon globale dont les peuples organisent l'espace et construisent dans l'espace. Autrement dit, non seulement il n'est pas question de dissocier l'architecture de l'urbanisme, mais ces savoir-faire sont réintégrés dans le contexte qui les rend possibles et intelligibles. Ainsi, il ne sera pas question d'étudier les villes chinoises sans référence à la symbolique de l'espace où à la hiérarchie des classes sociales qui s'y logent; il sera exclu d'analyser les demeures japonaises qui fascinent aujourd'hui les architectes occidentaux, sans se référer à un système de construction qu'on éclaire à la fois par l'analyse de l'organisation de la. profession de charpentier et de l'ùtilisation de l'équerre par les charpentiers. Le projet que nous venons de définir est réalisé grâce à l'as~ ciation d'un texte dense mais très structuré et d'une multiplicité de cartes, plans, photographies, tableaux chronologiques. Un certain nombre de problèmes spécifiques (par exemple, pour la Chine, l' Habitation chinoise archaïque ou le Traité d'architecture de Li Mingzhong) sont développés sous forme de Notices sur des pages légèrement teintées et qui, mieux intégrées dans le texte que des notes rejetées en· fin de volume, ne pèsent cependant pas sur une première lecture d'ensemble. Les livres ainsi construits s'adressent à un très vaste public, allant des moins avertis aux spécialistes. Ils constituent une in·'


Architectures troduction à l'histoire des civilisations aussi bien qu'une initiation au rôle et à la signification de l'espace ou une somme de références et de documents pour les architectes, urbanistes et tous ceux que concerne l'organisation de l'espace. Le format est particulièrement maniable et agréable. La mise en page intelligente stimule et facilite la lecture, les documents photogmphiques sont toujours d'une grande qualité. Trois nouveaux volumes consacrés à l'Orient viennent de paraître. Il ne peut être question ici de les résumer, mais seulement d'en évoquer rapidement l'intérêt.

La Chine Le fil conducteur du livre réside dans le fait qu'en Chine « l'espace architectural se présente comme une série de mondes clos, complets, unités indépendantes, de plus en plus petites, de la ville à la maison privée », et dont l'unité, assurée par une commune référence au macrocosme, est soulignée par l'absence - paradoxale pour l'occidental - de toute différence entre les édifices privés ou publics, civils ou religieux. L'opposition entre la perennité des schémas ou programmes et la précarité des édifices (voir le rôle du bois) est admirablement exposée et introduit à une réflexion sur la dialectique de l'espace. La même perspective' conduit l'auteur au cœur de l'opposition entre villes et jardins, maçonnerie et charpenterie. Les documents photographiques choisis par N. Bouvier présentent un intérêt exceptionnel. Signalons en particulier les photos aériennes de Graf zu Casteil de Munich qui ne permettent pas seulement le rapprochement d'une ferme et d'un palais, mais éclairent un aspect généralement méconnu de l'architecture, le paysage.

Le Japon Ce livre offre la particularité remarquable d'avoir été écrit pour le public ocidental par un spécialiste japonais de l'a tradition architecturale japonaise. Ce qui explique les développements qu'il accorde à la mentalité japonaise, « à l'évolution de l'attitude des Japonais face à la nature, au bouddhisme, à la vie, à la La QulDzalne Uttéralre,

Pékin. La Cité interdite. Porte du palais de la tranquillité

mort, à la sexualité et à la poésie », comme le note Pierre Rambach, l'architecte traducteur de l'ouvrage. Si l'on fait abstraction de la précision et de la richesse de l'exposé, l'origine de l'auteur suffirait à donner son prix à ce livre, en un moment où les interprétations occidentales se multiplient, d'un Japon qui finit par devenir mythique. Les photographies sont également dues à un Japonais, auteur de deux monumentales anthologies de l'architecture domestique japonaise.

Angkor Le monde fantastique d'Angkor a tant inspiré les éditeurs d'art qu'il nous est plus familier que les microcosmes chinois ou japonais. Mais la perspective adoptée par l'auteur est originale qui fait d'Angkor l'épitomé et le symbole de la civilisation khmère : l'analyse de seize édifices construits de 879 à 1250 permet de reconstituer le système de l'espace khmer à son apogée, évoqué dans son rap-· port avec les structures sociales et technologiques (systèmes d'irrigation) de la production (agricole) de cette société.

F. C. (1) Titres déjà parus

Monde grec, Mexique ancien, Monde roman.

du 16 au 31 décembre 1970

Saintonge romane

1

Collection «La Nuit des temps» Zodiaque éd.

. Ingrat, je m'étais lassé de cètte «Nuit des temps» à laquelle je devais pourtant bon nombre de randonnées ferventes sur les routes romanes. J'en conservais le souvenir des courts textes de présentation, évoquant avec une justesse d'émotion, de sensibilité - de connaissance en un mot - incomparables, la perfection de Saint-Benoit-surLoire, la détresse de Saulieu, la grandiose austérité de Tournus, la sérénité de Serrabone, mais aussi de longues descriptions, dénuées, elles, d'émotion, d'une rigueur intransigeante qui déspiritualisaient - que les bons pères me pardonnent - aussi sûrement que les restaurations du XIX' siècle, ces pierres que par ailleurs ils nous apprenaient à aimer. le me souvenais aussi des photos souvent excellentes mais dont le tirage hélio de Braun empouacrait les ombres, des kyrielles juxtaposées de nefs, de bas-côtés droits et gauches et des colonies de chaises qui les peuplent. le me souvenais aussi de leurs légendes introuva-

bles, de leur mise en pages, impossible alors que celle des textes était parfaite. Mais il n'était pourtant pas de rencontre avec l'art roman qui ne me reliât à ces livres qui m'y avaient initié. Et me voici avec le trentetroisième volume consacré à la Saintonge, paré me semblet-il des mêmes défauts;· mais les nefs, les bas-côtés laissent cette fois la place aux chapiteaux et surtout aux façades dont la sculpture d'une richesse incroyable a substitué au classement habituel par édifices, un classement thématique. Etrange et mystérieuse luxuriance, dit Dom Angelico Surchamp que permet certes la pierre tendre de Saintonge, mais dont l'inspiration serait peut-être à chercher au-delà des mers puisque déjà ont été suggérées des influences possibles des manuscrits irlandais sur la sculpture saintongeaise. Quoi qu'il en soit, il est certain qu'on ne peut résister à cet inventaire, que l'envie vous prend de partir sur le champ pour Saintes, Echillais, Saujon, Pérignac, Talmont et tant d'autres monuments signalés, désir si fort qu'on en arrive à trouv.er mesquins les griefs que suscitent pourtant cette irremplaçable collection. M.B.

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Livres Entre décembre et la fête des Rois, nous avons tous un Uvre d'enfant à choisir pour ms, m· leul, neveu, ami. Par défaut de mémoire, par Indifférence, nous donnons souvent au hasard, alors que pour un adulte nous entou· rons notre choix de mille précau· tions. Pour un enfant, un livre est, comme le dit Isabelle Jan (Essai sur la Uttérature enfan· tine), l'acquisition d'un vocabu· laire, mais encore plus, par le style comme par l'image, le moyen qu'ont les enfants de «distan· cier. le monde. Ils découvrent là la poésie, l'humour, l'imagination ou la méticulosité, la longue-vue ou le microscope : en tous cas un autre point de vue sur la vie que celui qu'ils ont à partir du milieu famiUal. C'est dire que la lecture doit être une découverte, et non un ro~..-on. Méfiez·vous donc des auteurs trop fertiles, des collec· tions trop abondantes, des thèmes éculés qui anesthésient l'Imagination. Autant que des «mauvaises lectures. Il faut protéger les en· fants des lectures insignifiantes. Leur Jeunesse les incline facile· ment à la mièvrerie. Ils ont besoin d'être encouragés pour absorber des lectures vigoureuses, mais une fois bien lancés, ils ne risqueront pas de retomber en infantiHsme. LIVRES A RACONTER

ure ou raconter un Uvre à un eofant, c'est l'une des meilleures maulèrés de l'initier au maulement d'un livre. En Angleterre, en Allemagne, entre «l'heure de se coucher. et «l'heure d'éteindre la lumière., il Y a quelques minutes réservées par la mère à une lecture, ou un commentaire de Um d'Images. Moment de détente, d'apaisement, où l'ogre fera rire, le loup n'effraiera pas. Passé les Uvres d'Images, bien des lectures plus difficiles. pourront être amorcées ~, et seront ter· m,inées et .refaites indéfiniment par l'enfant tout seul.

Le petit bleu et le petit Jaune par Léo Lionni. L'école des loisirs. F. 14,80. Un chef-d'œuvre. Je pense que c'est le meilleur livre de l'année. L'illustration. moderne, abstraite, rappelle, en beaucoup plus gai! celle du « Petit Chaperon Rouge» édité par Maeght il y a cinq ans. Gaieté, vitalité, chaleur des sentiments, humour. suspense, rien n'y manque.

La pomme et le paplllon et L'œuf et la poule. par Iela et Enzo Mari. L'école des loisirs. F. 13,80 Les premiers vraiment très beaux livres sans texte édités en France pour de jeunes enfants. Excellents tous les deux; je préfère pourtant "La pomme et le papillon ».

Barbapapa Anette Tison et Talus Taylor L'école des loisirs. F. 12. Repoussant P9ur les adul· tes, le monstre n'étonne pas même les enfants. Il est gentil, il est drôle, affectueux et de bonne volonté. Images et texte sont bien accordés. Jerlcan et Brindisi Pascale Claude-Lafontaine Tisné. F. 12,70. Les Jerican sont gros. les Brindisi sont maigres, c'est l'histoire familière et bienveillante de deux modes de. vie différents dans le même milieu social : ce que tout enfant rencontre quand il est invité chez son copain de classe. L'oiseau et le marin Joël Stein. Editions du Sénevé. F. 8,50. Une histoire d'amitié. Images modernes, vigoureuses. Texte simple, poétique dans la manière de Supervielle. "Mais c'est mon marin!» "Mais c'est mon oiseau! » Cache-cache couleurs Joël Stein. Editions du Sénevé. F. 9. Le chat poursuit la souris de page en page, et la souris saute d'une page à l'autre

poétique. On regrette de trouver Robert -Desnos en si bonne compagnie... L'extravagante expédition Beaumlnet Molly Lefébure. Idéal-Bibliothèque Hachette. F. 7,90. Désopilant pastiche de Kipling. Racontez-le : les chats alpinistes feront rire aux tarmes, mais le texte est encore difficile pour de jeunes enfants et paraîtra peut-être trop " bébé» après dix ans. Bulle René Fallet Denoël. F. 18. Encore un livre à raconter. Peu d'enfants s'enchantent d'un style précieux si l'histoire n'est pas racontée, immédiatement dosée à l'intérêt marqué. Mais la randonnée du coquillage, des mers du Sud aux falaises de Dieppe est pourtant bien amusante.

LIVRES JEUX Ici, les enfants n'ont besoin de personne. Ils trouvent . leur plaisir dans l'animation même du procédé.

A partir de cinq ans Je connais les animaux Illustrations Marie·Rose Lortet. L'école des loisirs. F. 9,50. Raccorder le corps et les pattes, c'est amusant et facik .., pas déjà si facile, avec ces animaux tricotés, charmants, aux contours imprécis, à la silhouette insolite. Tintin (Le tem.ple du soleil . On a marché sur la lune). Hergé. . G.P. F. 16. Amusant et fragile. Pages à malices et à surprises qui se déplient, se soulèvent, se re· tournent, pour tous les enfants uniques de 7 à ... ett.

PREMIERES LECTURES A partir de quatre ans Format du Uvre, papier, texte, illustrations, couleurs, typogra· phie, tout compte, tout prend fon:ede loi générale, quand on n'a enëore rien vu.

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A partir de sept ans Premier Hvre de poésie Gautier Languereau. F. 28,86. Une belle anthologie, une belle introduction au monde

A partir de sept ans A six ans on apprend à lire, à sept ans, on prend le goût de l'in· dépendance. Il faut déjà une vraie lecture mais encore très illustrée.

Petit Ours et Petit Ours en visite Else H. Minarik. Illustrations Maurice Sendak. L'école des loisirs. F. 9,80. Les charmantes histoires de Petit Ours servent de livre de lecture aux jeunes écoliers américains. La tendresse et l'humour du texte, le petit côté "démodé» de l'image rendent ces livres particulièrement sécurisants pour l'enfant. JoseUto Albertine Deletaille Albums du Père Castor Flammarion. F. 2,60 L'intégration des petits étrangers dans l'école. Un bon sujet, à l'ordre du jour. "Joselito répète tout bas : "A-mi, a·mi» le premier mot qu'il a appris dans son nouveau pays." La mère framboise Maurice Carème H1ustrations Marie Wabbes Editions Le Sénevé. F. 9,60. La vieille amie dans la forêt était tout de même un peu sorcière... La leçon de silence Yvonne Meynier Images Eric Kubis Hatier. F. 2,50. Se taire, cela ne veut pas dire parler moins fort, mais fermer sa bouche tout de bon... Alors on entend autre chose : la pluie, la pendule, le vent dans les .volets...

Monsieur le lièvre, youlez-yous m'aider? Charlotte Zolotow Illustrations M. Sendak L'école des loisirs. F. 14,80. L'illustration est charmante : un "Alice au pays des merveilles " sans claustrophobie, mais, chose rare à ce point de perfection, le texte vaut encore mieux que l.'illus· tration. Slmp, le boulet de canon John Burningham. Flammarion. F. 14. Dans la même collection que "Borka l'oie sans plumes », l'histoire parfaite d'une petite chienne affreuse et affectueuse. Alexis dans la forêt Foly François-Régis Bastide. Images de Monica. Casterman. F. 10. Pour un lecteur déjà dégourdi : l'histoire d'un démé-


pour enfants nagement dans une résidence de grande banlieue qui se transforme en déménagement à la campagne. Dans un cadre sans fantaisie, le charme et le bon sens enfantins redécouvrent l'exotisme, la vieillesse, la nature: un monde en relief.

regardé la lune nous y allons!

Demoiselle Libellule Albums du Père Castor. Flammarion. F. 2,90. Aussi précis que Fabre, parfaitement exact et parfaitement raconté. Kit Carson, l'ami des Indiens George Fronval Images Jean MarceHin Fernand Nathan. F. 16,50. Un pionnier de la tolérance et de la cohabitation pacifique au début du XIX' siècle, dans l'ouest américain.

ROMANS L'un des passages difficiles dans l'amour de la lecture est certainement le saut du livre d'images au roman proprement dit (dont l'illustration est d'aillem-s presque toujours décevante). Il faut suivre le fil d'une histoire assez longue et ne plus être du tout gêné par la technique même de la lecture. Si le passage se fait trop tôt, il rebute l'enfant et le rejette vers la bande dessinée.

A partir de neuf ans Message de Noël aux enfants de France Charles de Gaulle Plon. G.P. F. 18. Le texte même du message adressé par de Gaulle aux petits Français, le soir de Noël 1941. On regrette la banalité de l'illustration.

A partir de huit ans Le petit cornac Willis Lindquist Nouvelle bibliothèque rose. Hachette. F. 4. Un enfant part dans la forêt birmane rattraper le grand éléphant retourné à la sauvagerie. La maison

des petits bonheurs Colette Vivier Collection mille épisodes. La Farandole. F. 5,10. Réédition d'un des meilleurs Colette Vivier d'avant-guerre. Thème classique de la fratrie temporairement privée de la mère. Mésaventures assorties et happy end.

A partir de neuf ans Les voyageurs sans souci Marcelle Lerme-Walter Bibliothèque internationale Fernand Nathan. F. 13,50. L'histoire fantaisiste et alerte de deux enfants qui reçoivent des ailes et voyagent comme les oiseaux. Un contexte très précis, rien de flou. mais rien qui grince non plus : c'est gai et léger.

A partir de dix ans

La pomme et le papillon (l'Ecole des loisirs) Le club du samedi Elizabeth Enright Bibliothèque internationale. Fernand Nathan. F. 13,50. L'atmosphère chaleureuse et décontractée d'une famille américaine. Seul le grand dépaysement du livre empêche de le donner à lire plus tôt.

A partir de douze ans Opération Oiseau Noir Paul Berna Rouge et Or Souveraine. Ed. G.P. F. 8,10. Un bidonville des environs de Paris. La vie des bandes d'enfants. Une description précise de la misère et de l'insécurité, beaucoup de vitalité. Alerte sur le roc blanc MA Baudouy Bibliothèque de l'Amitié. Hatier. F. 8,60. Sur la frontière franco-espagnole, les isards vivent dans la réserve. Braconniers, chasseurs d'image et gardes forestiers montent vers les hardes avec des cœurs plus ou moins purs.

La grande peste de Londres

Rosemary Weir Collection Spirale. G.P. F. 4. Le parfait roman historique et la découverte de la campagne et de la vie à la ferme par un petit londonien.

maintenant,

Au cœur du blizzard Leif Hamre.. Collection Plein Vent. Robert Laffont F. 10. Depuis Jack London les histoires du Grand Nord connais-

La QuInzaIne Uttéralre, du 16 au 31 décembre 1970

sent un succès sans défaut. Ici deux aviateurs naufragés au Finmark.

Pionniers du Cosmos Henri Thilliez Bibliothèque Verte Haohette. F. 4. L'histoire des premiers cosmonautes russes et américains. Assez technique pour renseigner, assez vivant pour passionner.

DOCUMENTS Dès l'âge du livre d'images, les enfants sont avides de renseignements techniques, de précisions et d'histoires vraies, Et là, un technicien spécialiste de dix ans peut recevoir un beau livre édité en principe pour les adultes (exemple type : la chasse silencieuse de Holecek, chez Gründ, recueil de superbes photos de la faune forestière d'Europe).

pour les collectionneurs

'UNIFORME ET LES ARMES (par Liliane et Fred Funcken) 5 volumes parûs chaque album: 22,5Q F

A partir de quatre ans Les beaux métiers de chaque jour et La ronde joyeuse des métiers. Richard Scarry. Hachette. F. 8. Drôle et d'une précision méticuleuse. A regarder avec papa.

casterman

A partir de sept ans Les hommes regardent la lune

A.M. Cocagnac. Images B. Gilbert. Editions du Cerf. F. 13,50. Depuis toujours et dans tous les pays, les hommes ont

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POLITIQUE

Les animaux et les saisons Marcelle Vérité Hachette. F. 25. Un texte encore très simple, mais un découpage de i'année très intéressant pour l'enfant observateur.

A partir de onze ans 'La chasse silencieuse (déjà cité, F. 18).

Les oiseaux du monde François de la Grance et Antoine Reille. Fernand Nathan.

Mammifères sauvages d~Europe

Claus K6nig. Hatier. F. 18,90. Trois livres pour zoologues amateurs passionnés. Les merveilles

de l'avion il réaction Yves de Bouard Grand Livre d'Or. F. 22. F.22.

Editions des deux coqs d'or. Clair et bien documenté.

A partir de treize ans 'Marco Polo, le livre des merveilles Editions la Farandole. F. 20. L'histoire de l'explorateur, illustrée des miniatures originales du «Livre des Merveilles ». Piéton d'espace Alexei Leonov Stock. F. 25,10. Le récit par Leonov des premiers voyages dans l'espace des cos'monautes russes.

Après douze ans, après treize ans... il faut lire autre chose que des llvres pour enfants. Ce qui se passera tout naturellement si l 'ha'bltude a été prise tôt de Ure les textes originaux des auteurs et non des boulllles prédigérées. Il faut lire Perrault dans le texte pour y trouve.r le charme, et les contes d'Andersen dès neuf ans dans l'édition du Mercure de France (F.72), et« Tom Sawyer ... et «Le llvre de la jungle... sans mutilations (Mercure de France, encore) et il dix ans «les Letres de mon moulln ..., à onze «les Trois mo~uetalres... (Gautier' Languereau, F. 25 et F. 30). Alors vers treize ans on Dra très natu· rellement «L'enfant de la haute mer ... et « Guerre et Paix ..., quitte les relire plus tard, et à y découvrir des profondeurs inaperçues. . Marle-José Leplcard

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Jean-François Revel Ni Marx ni Jésus. La nouvelle révolution mondiale est commencée aux Etats-Unis Laffont éd., 256 p.

On demande un Tocqueville

ne saurait accomplir un autre parcours que celui de son programme, de son projet ? C'est ici exactement le point où l'on mesure le retard des sciences sociales : on n'a pas encore reconnu pour les formations sociales cette « logique du vivant » Il faut donc tenir le livre de analysée par François Jacob et qui Jean-François Revel pour un événe· fait qu'un lapin ne saurait devenir ment: sans doute parce qu'il traite lui-même ni, en se reproduisant, de l'Amérique avec bon sens, parce produire une carpe. Il est vrai qu'il qu'il n'a pas reculé devant le devoir est bien plus consternant, en obser· de marquer les évidences, parce vànt par exemple la logique du sysqu'il consent à examiner le réel en tème soviétique, d'admettre que ce langue profane. système est ce qu'il est : doué de Ce bon sens et ces évidences sont toutes sortes de capacités mais pas en effet règles si peu communes de celle d'être « lihéralisable », que qu'ils prennent comme un air de d'attendre le miracle (au sens fort) courage : l'auteur et son lecteur ont de sa rencontre avec la liberté. le sentiment de traverser dangereu. La logique du système américain? sement un champ de mines et l'ou- On n'a pas de peine à découvrir le vrage mérite enfin, à l'issue du par· code avec lequel chacun ici sou· cours, le qualificatif suprême et su- haite le décrypter : l'impérialisme prêmement ridicule démysti. est le concept unificateur qui, du fiant. En' tous cas, même si cette slogan de la pratique politique quodémystification-là est un peu trop tidienne aux produits plus sophisti. fûtée, elle a du moins une incontes- qués de la pratique universitaire, table vertu hilarante : le chapitre fonde en théorie et organise la sur l'anti-américanisme béat de no- connaissance européenne de l'Amé· tre intelligentsia est, au cœur du rique. Malheureusement le concept livre, un merveilleux condensé des d'impérialisme - malgré l'intérêt vues qui s'échangent dans les dîners que lui témoignent les éditeurs parisiens entre quadragénaires obs- verse de plus en plus du côté de la tinément progressistes chacun vertu dormitive de l'opium: ce thèd'eux sachant que se faire inviter me-clef, au cœur de la pensée poli. dans une des institutions universi· tique contemporaine, est l'un des taires du (( complexe militaro-indus- plus obscurément polymorphes. Certriel» ne peut le faire accuser de tes, dès son apparition, au début de complicité avec l'impérialisme amé· ce siècle, il a souffert de grandes ricain à condition bien entendu que incertitudes: mais enfin il fut l'obcette institution soit suffisamment jet d'investigations ambitieuses - il prestigieuse et qu'il fasse aussi en· faut d'ailleurs être reconnaissant à tendre les misères et les affres sur· Yvon Bourdet et Marcel Ollivier d'avoir mis très récemment à notre montées pour obtenir le visa. Quelle est donc la thèse de Jean- disposition la traduction des grandes Fran~ois Revel? Que l'Amérique œuves de Rosa Luxemburg et est la seule société qui ne soit 'pas d'Hilferding (1). Rien de tel depuis. aujourd'hui une société bloquée. Il faudrait au demeurant démon. Car société bloquée, l'Union Sovié· trer que même circonscrit, défini, tique. Société bloquée, l'Europe oc- rendu opératoire, le concept d'impécidentale et singulièrement la Fran- rialisme suffise à décoder le phénoce. Société bloquée, le Tiers Monde. mène américain. Démontrer encore Bien entendu, comme toutes les que le concept d'innovation par expressions qui ont fait fortune, exemple ne conduit pas à une anacette expression de société bloquée lyse plus pertinente et englobante : a perdu sa «relevance »originelle car enfin il y a maintenant deux et désigne maintenant n'importe siècles que le Nouveau Monde s'est quoi : quand Stanley Hoffmann, le imposé comme tel. Or nouveau, il premier, avança de manière perti. l'est toujours. Cette créativité, cette nente la formule, il parlait de la immaturité préservée, cette réserve France des années 50, et de la so- d'énergie, quels en sont les facteurs, èiété politique. les assises, les canaux, le coût, les Aujourd'hui, tout est bloqué. Car produits? on ne vieillit plus. Quoiqu'on finisse La frénésie des pédagogues de par m o u r i r . ' l'Enfer s'affairant à substituer les Bloquée, l'Union Soviétique, par· Etats-Unis à l'Allemagne hitlérien· ce qu'elle persiste dans son être? ne, outre qu'elle dédouane à bon Bloqué. le Tiers Monde, parce qu'il compte et dangereusement le nazis.

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me auprès d'une nouvelle génération qui ne l'a pas éprouvé dans sa chair, enfonce les intellectuels dans une malsaine hypocrisie; car en le disant ou sans le dire, il n'en est à peu près aucun qui puisse, ne serait-ce que professionnellement, se passer de la référence américaine - référence, ce qui écarte aussi bien l'éloge que le dénigrement systématique et signifie évaluation. Le propos central de Jean-François Revel est donc clair : il souhaite dire que l'Amérique, c'est en effet important. Mais comme ce qu'on a jugé important parmi les docteurs parisiens ces derniers hivers, c'était la révolution, il a conduit son entreprise de manière à donner de surcroît à la riche Amérique cette richesse suprême : porter l'espérance révolutionnaire mon· diale. Est-ce vraiment sérieux? N'est-il pas un peu décourageant d'être contraint d'aborder un vaste sujet sous un angle aussi paradoxal, ou même purement verbàl : car, après expulsion du politique, tout se joue sur une dévaluation ou une torsion du mot révolution. Révolution, pas changement : de celui-ci l'Amérique est coutumière si elle n'est pas coutumière de cellelà. Certes un ( milieu intellectuel de nouveau style» (2) a depuis le milieu des années 60 surgi, s'est cristallisé et érigé jusqu'à un certain point en contre-communauté : de New Yort, où depuis le début du siècle il n'a jamais cessé de se renouveler dans une version tantôt plus autochtone, tantôt plus tributaire du foyer européen, il a essaimé et s'est succursalisé à Boston, Chi· cago et naturellement en Californie avec des haltes provinciales comme Madison. Il s'est ainsi constitué en réseau physique à l'échelle nationale, relié par l'avion, les caravanes de cars convergeant à l'occasion des grandes démonstrations inter-régionales, la circulation des pétitions pour ou contre les incidences concrè· tes qu'appellent les quatre thèmes majeurs de la guerre, du racisme, de l'émancipation féminine et de l'environnement. Son assise sociale massivement «académique» est néanmoins plus différenciée qu'il ne semble grâce à l'apport - ou la neutralité active - des «milieux d'affaires para-intellectuels» de rédition, la publicité, les mass-media, certains cadres de gestion sophisti. quée, etc. Une sensibilité commune que diffusent le charter et le paper-


Le printemps de l 'Amérique c John en est à C.2, mais Margaret est vraiment à C.3" Tel est le genre de réflexion que l'on peut entendre aujourd'hui aux Etats-Unis, depuis que Charles Reich a publié dans le numéro du New Yorker du 26 septembre dernier un volumineux article présenté sur 80 pages (dont 50 % de publicité) sous un titre modeste, comme c'est toujours le cas dans ce magazine spirituel et sophistiqué : « Reflections : The Greening of America". Le nom de l'auteur - fort inconnu alors - ne figurait qu'au bas de la dernière colonne, en petits caractères; il était suivi d'une citation humoristique sans lien apparent avec l'étude antérieure et tirée des petites annonces; les dessins, pas toujours drôles, qui accompagnaient le texte

back, une commune symbolique du corps - domaine où la rupture est la plus franche et souveraine - un langagè commun où les mots le cèdent en force au rythme et aux images - la musique et le cinéma répondant plus aisément que la littérature à des exigences œcuméniques - telles sont les rubriques à établir pour un inventaire sans surprise. Mais de là à la révolution, la distance est encore grande. Sensibilité commune? Oui. Contre-culture? C'est déjà plus contestable (3) : les attitudes et les produits de ce milieu sont-ils déjà suffisamment élaborés, complexes, diversifiés et stables pour mériter le statut culturel et ne sontils pas encore constamment menacés de retomber dans le purgatoire folklorique? Si même on admet qu'il y ait contre-culture, comment s'assurer qu'elle ne glisse vite à la situation de subculture par le procès de ce qu'on appelle plus pittoresquement récupération ? Et si même on voit comment maintenir la contreculture dans son extériorité agressive et désagrégative de l'autre, a-telle pour autant déjà engendré une idéologie, indispensahle médiatrice. de l'organisation révolutionnaire? Enfin si même idéologie il y avait - impliquant dQDC un degré de systémat~tion et une homogénéité conceptuelle très élevés, ce. qui à coup sûr n'est pas, - il faudrait encore que l'organisation révolutionnaire ait la chance de rencontrer une situation révolutionnaire, indépendante d'elle, quasi incréahle par artifice et qui ne se suffit pas d'ap-

parences : or l'année américaine 1970 a été finalement marquée par un indiscutable recul des facteurs objectifs de tension et de polarisation aux extrêmes, par le passage lent de la haute conjoncture (politique) de la fin des années 60 à une conjoncture plus basse. Le relatif échec de la stratégie Nixon aux dernières élections de novembre est précisément lié au fait que la basse conjoncture politique de l'automne (plus basse que ce qui avait été prévu à la veille des vacances estivales) rendait inutile la rupture des loyautés partisanes· traditionnelles : l'extrême stahilité de l'électorat américain, la faible probabilité d'un quelconque réalignement électoral mesure, au plan politique et compte tenu de la logique du système politique américain, la faiblesse de la pression qui s'exerce à son encontre et dans la perspective de le détruire. Il serait utile de le dire clai· rement : cela aiderait au vrai débat dont une récente livraison de la Nef a formulé le libellé: les Etats-Unis comme champ d'expérience de l'Europe. Annie Kriegel (1) Cf Rosa Luxemburg. L'accumulation du capital. Trad. et prés. .d'Irène Petit. Paris, Maspero, 1967 Hilferding. Le capital financier. Etude sur le développement récent du capitalisme. Traduit par Marcel Ollivier. Préface d'Yvon Bourdet. Paris, Ed. de Minuit, 1970. (2) Aristide R. Zolberg. c La francisation de l'Amérique "'. La nef, numéro 40 (Les Etats-Unis champ d'expérience de l'Europe), juin-sept. 1970. (3) Cf Theodore Roszak. Vers une contre-culture (Stock).

La QuInzaJne Utt6:alre, du 16 au 31 décembre 1970

dispense sous forme de pollution, etc.), l'essentiel de la thèse repose sur une distinction entre les trois états de conscience (<< Consciousness" 1, 2, et 3) qu'aurait traversés l'Amérique depuis la Déclaration d'Indépendance. Remarquons, avant d'aller plus loin, qu'il est très difficile de traduire exactement en un seul mot français tout ce que l'auteur entend par «consciousness". SI nous interprétons correctement sa pensée, c'est un état de conscience - ou plus fréquemment de fausse conscience - qui permet aux hom-. mes d'organiser le monde autour d'eux, et en même temps de justifier l'organisation existante, «la configuration mentale qui informe en chaque individu sa perception globale de la réalité ".

Selon Charles Reich, l'Amérique aurait traversé trois états de conscience depuis la Déclaration d'Indépen-· dance. Le troisième est celui qui préside à la révolution actuelle. Les Américains s'arrachent un livre qui les passionne.

ne s'y ·rapportaient absolument pas. C'est de cette façon très discrètement anglo-saxonne qu'ont été jetées sur le marché des idées les thèses de ce juriste obscur dont toute l'Amérique discute, depuis lors, avec passion. Le numéro du New Yorker est introuvable. Le livre dont l'article était extrait a paru sous la bannière de Random House le 28 octobre mais le tirage était si faible que l'ouvrage a disparu des rayons en quelques heu· res et les 100000 exemplaires tirés ensuite n'ont pas été prêts avant la fin du mois de novembre, de sorte que le titre dont on parlait le plus figurait péniblement à l'avantdemier rang de la liste des best· sellers jusqu'au début de décembre. Encore s'agissait-il de la liste spéciale des ouvrages de • nonfiction ". Ou'y a-t-il donc dans cet essai qui passionne tant de monde? Si l'on fait abstraction de quelques formules de combat destinées surtout à appâter la galerie et qui ne figuraient même pas dans les extraits du New Yorker (Notre pays fait commerce de la mort; non pas seulement celle qu'il vend à l'étranger mais aussi celle qu'il nous

c Consciousness 1" est celle du pionnier, de l'homme des petites villes qui, au Xlxe siècle notamment, avait l'habitude des rapports directs entre individus. Elle met en valeur les qualités subjectives, la réussite personnelle. les vertus de caractère. Elle glorifie l'effort et le travail - voire la répression exercée par la société, à titre dérivé mais exalte l'innocence première de l'Adam américain. Cet état de conscience devait favoriser naturellement les abus du capitalisme de la jungle en même temps que le développement industriel. c Consciousness 2 ", le deuxième état de conscience, était issu des carastrophes engendrées par l'état· précédent : la liberté excessive laissée aux Individus avait donné liéu à une foire d'empoigne écono- . mique d'où étaient résultés un gâchis des ressources nationales et une crise économique de première grandeur. La «Consciousness 2" fut structurée par le New Deal de Roosevelt et l'intervention de l'Etat dans tous les domaines. Elle faisait porter l'accent sur le sacrifice nécessaire de l'intérêt individuel à l'intérêt collectif.

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~ Le printemps de l'Amérique

La volx de cette nouvelle conscience souffle à l'oreille du citoyen qu'il lui faut se soumettre aux institutions. Bien qu'elle soit • libérale - elle porte en elle de tels germes de répression qu'elle a conduit, au cours des années 60 à ce que Reich appelle le • Corporate State - - qu'il faut bien se résoudre à traduire par la • Firme-Etat -, encore que l'on ait besoin d'expliciter ce concept capital pour l'auteur : selon lui, l'Etat est désormais géré comme une gigantesque firme commerciale et industrielle (du même type que la General Motors), à laquelle se trouvent intégrés comme dans une • Corporation - toutes les institutions sociales, les fondations philantropiquesau même titre que le gouvernement, l'enseignement comme l'armée. De même que dans une firme privée, l'intérêt de l'entreprise prim~ celui des individus qui la composent et qui ne sont que des salariés. La Firme-Etat n'appartient à personne, elle dicte son intérêt à tous. Certes, d'aucuns y trouvent aussi leur intérêt propre et à des degrés divers tous les citoyens américains, pourrait-on dire, en touchent les dividendes, mais elle s'impose sans discrimination, exproprie même chacun de sa personnalité tout en prônant la propriété privée (on devient le concessionnaire Ford, le diplômé de Yale, l'ingénieur de Boeing), nul ne possède plus le ciel au-dessus de sa tête concédé à une compagnie aérienne, ni le droit de s'habiller à sa guise (en hippie par exemple) s'il veut conserver un emploi. L'homme de l'organisation y est réduit à son complet gris qu'il doit retirer en rentrant pour se sentir de nouveau un être humain, vivre en famille, tondre sa pelouse (dans des pays autres que les Etats-Unis, le recours du gazon lui serait refusé). La ~ Consciousness 3 • est celle qui préside à la révolution actuelle. Charles Reich consacre des pages brillantes au vêtement adopté par la jeunesse contemporaine des effets qui révèlent le corps en lui conférant souplesse et grâce; qui servent à toutes les circonstances de la vie des jeunes car on peut les garder pour travailler, dormir, se rouler par terre, voyager, danser; qui, sous l'apparence du déguisement le plus fantaisiste, révèlent la personnalité prOfonde

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de celui qui les porte, etc. Si le vêtement permet de remembrer l'homme en son unité, la musique nouvelle lui permet de s'exprimer, et la sécession par rapport à la société existante est en train de faire crouler la Firme-Etat, au nom du droit de chacun à sa propre responsabilité (attitude qui s'est développée parmi Jes jeunes Américains à l'occasion de la guerre du Vietnam, selon l'auteur). Au nom du droit à la libre affirmation de chacun, la nouvelle génération qui pratique la • Consciousness 3 est en train de faire triompher une révolution sans précédent que permet d'aUieurs la technologie moderne, pour la première fois de l'Histoire, en apportant la solution au problème matériel de la subsistance et une réplique au mythe de la malédiction d'Adam. Quoi qu'il en soit de la valeur de ces thèses sommairement résumées ici, le fait est que tout un chacun aux Etats-Unis se voit définir en fonction de son état de conscience actuel (on dit C.1, C.2, C.3 sans préciser davantage). La critique est aisée. Il est facile de considérer l'œuvre de Reich comme un ramassis d'affirmations sans démonstrations, de phrases à l'emporte-pièce, de formules de choc, voire de lieux communs. Mais comment alors éluder le problème que pose le branle-bas ainsi provoqué? Reste à préciser que l'auteur. pour ignoré qu'il ait été jusqu'à ce jour, n'est rien moins que négligeable. A quarante-deux ans, il est aujourd'hui professeur de droit à Yale. Après des études brillantes dans cette université célèbre, il se voyait confier d'abord la direction du journal de droit de la Faculté, puis un poste de stagiaire auprès d'un juge à la Cour Suprême dont il devenait le confident. Bientôt, il quittait le secteur public pour entrer dans une firme de Wall Street; de là il se rendait à Washington où il appartenait à un des plus grands cabinets d'avocats des Etats-Unis, chargé de régler à l'amiable les affaires les plus délicates entre les grosses firmes et le gouvernement; enfin, lassé de ces 'jeux, il regagnait Yale où le réclamait le corps des professeurs. Il a mis cinq ans à écrire son livre dont il a déchiré trois versions successives. A noter: Reich se réclame de Marcuse, ce qui ne fait aucun plaisir à ce dernier. Marc Saporta

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Jean Barrué: L'Anarchisme aujourd'hui. Bakounine: La réaction en Allemagne (inédit - 104 p. 6 F). Jean-Jacques: Luttes sociales, grèves sous l'ancien régime (144 p. 4,SO F).

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Anton Pannekoek: Lénine Philosophe. Préface de P. Mattick. Remarques, critiques de K. Korsch (12B p. 7,SO F). Léon Trotzki: Rapport de la délégation sibérienne (1903). Naissance du bolchévisme (96 p. 6 F). Rappel des récentes publications: Maurice Dommanget: Babeuf et la Conjuration des Egaux (BO p. S F). Karl Kautsky: Les trois sources du marxisme (64 p. 4 F). Louise Kautsky: Mon amie Rosa Luxembourg (96 p. 6 F). R. Luxembourg-Mehrjng: Grèves sauvages. Spontanéité des masses. (Belgique 1902-1913 - S2 p. 4 F). Herman Gorter: Réponse à Lénine (La ma'iadie infantile du Communisme). (112 p. 4F). Ida Mett: Le Paysan russe dans la Révolution et la post-révolution (nu servage à l'esclavage (BO p. S F). Riazanov-Engels-Luxemburg: La confession de Karl Marx (32 p. 3 F). Alain -Guilherm: Le Luxembourgisme aujourd'hui (64 p. 4 F). Lénine: Lettre ouverte à Boris Souvarine (32 p. 2 F). Abonnements: 3S F. Adr. à J. Lefeuvre S, rue Ste-Croix-de-Ia-Bretonnerie, Paris S'. Dépôt Librairie • ta Viei'ile Taupe. 1, rue des 'Fossés-Saint-Jacques, Paris S'. Conditions habituelles aux libraires.


HISTOIRE

Claude Mazauric Sur la Révolution française. Contribution à l'histoire de la révolution bourgeoise Editions sociales, 240 p.

1

Alice Gérard La Révolution française, mythes et interprétations (1789-1970) Coll. « Questions d'Histoire » Flammarion éd., 140 p.

1

François Furet et Denis Richet .La Révolution française, 2 tomes Hachette. Réalités éd.

1

Albert Soboul La civilisation et la Révolution française Coll. « Les grandes civilisations » Arthaud éd., 634 p.

1 1

Charles Tilly La Vendée, Révolution et Contre-Révolution Coll. « L'histoire sans frontières ») Fayard éd., 386 p.

« On ne peut celer la défaveur qui, depuis quelque temps déjà, s'attache, dans les milieux d'historiens, à l'époque de la Révolution française ». Ainsi Albert Soboul ouvre-t-ill'avant-propos qu'il a écrit pour le recueil récemment puhlié par Claude Mazauric aux Editions sociales, sous le titre : Sur la Révolution française. Contributions à l'histoire de la révolution bourgeoise. Mieux encore, ou pire : certains s'efforceraient « de remettre en cause l'acquis de plus d'un demisiècles d'historiographie révolutionnaire, de Jean Jaurès à Georges Lefebvre ». Si, effectivement, des démolisseurs entreprenaient, par haine ou par incompétence, de nier l'immense valeur réflexive, méthodologique, scientifique et humaine des travaux de Jaurès et de Lefebvre, je serais des premiers à envoyer ma signature à un hypothétique comité de défense. Mais en sommes-nous là, et l'opportunité commande-t-elle, vraiment, de relancer l'histoire de la Révolution par les voies de la polémique et de l'affrontement idéologique, comme le suggère expressément Claude Mazauric ? « Il est admis que les historiens de la Révolution ont l'humeur combative », nous dit-il; et d'affirmer la néces.sité « d'une défense et illustration des thèses matérialistes classiques sur la Révolution française ».

Points de vue sur la Révolution française On en prendra volontiers acte. Mais certaines approches dans son déroulement, sont-elles si évidem· ment réactionnaires - et si franchement éloignées des propositions de recherche des historiens marxistes eux-mêmes? D'autre part, la polémique historique, dans son plein droit de cité, doit prendre la responsabilité de ne jamais dévier vers le règlement de comptes pero sonnels. D'abord, l'histoire de la Révolution se porte-t-elle mal? Un petit livre bien fait d'Alice Gérard: La Révolution française, mythes et interprétations (1789.1970), qui vient de prendre place dans la collection (1 Questions d'Histoire» dirigée avec succès, chez Flammarion, par Marc Ferro, nous inclinerait plutôt à l'optimisme... Nous renvoyons ici à ses pages 107-132, consacrées aux (1 controverses actuelles» (1945. 1970). Certes, Alice Gérard reconnaît d'entrée de jeu que l( l'historiographie révolutionnaire a marché ail même rythme que l'histoire généra. le depuis la fin de la deuxième guerre mondiale : la guerre froide, les divers schismes communistes, ont retenti sur elle» (p. 107). Elle rappelle que l'histoire marxisteléniniste, Il la plus conquérante », a eu à lutter contre l'interprétation marxiste libertaire de la Révolution (Daniel Guérin), et contre Il le révi· sionnisme libéral ou néo-libéral », courant auquel elle rattache d'ail· leurs - et nous retombons en pleine polémique! la Révolution française de François Furet et Denis Richet. Passons sur un tel rattachement, qui paraît introduire l'effort de réflexion de Furet et de Richet comme en appendice aux fausses fenêtres inventées par l'historien américain R. R. Palmer pour les besoins de sa révolution « atlantique », ou aux paradoxes et aux acrobaties de l'historien britannique A. Cobban; rapprochement peutêtre involontaire mais certainement abusif (p. llO). Et lisez plutôt (p. ll4 et suivantes) le réconfortant tour d'horizon, l'inventaire systématique qui montre, à propos du problème des origines comme de celui du dynamisme interne de la Révolution, l'ouverture de multi· pIes chantiers. Mais c'est peut-être bien là que s'insinue un premier malentendu. Pour les marxistes orthodoxes, (1 l'histoire de la Révolution s'inscrit dans le temps court» et « doit être ·d'abord sociale et politique»

La Qllinzaine UtUnlre, du 16 au 31 décembre 1970

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Le roi est mort... Vive la nation (Albert Soboul) ; si elle « mérite de conserver une pOsition privilégiée dàns le champ d'investigation des historiens », c'est à la fois qu'une bonne connaissance « de ce moment particulier. de l'histoire nationale » est indispensable à la formation d'élites qualifiées pour diriger la France contemporaine, et parce que, d'un point de vue théorique, « la· recherche des voies de la révolution socialiste» devrait « réveiller le désir des historiens de connaître les chemins suivis par les révolutions bourgeoises » - et particulièremnt par « la Révolution française en tant que mouvement le plus spectaculaire et forme la plus achevée d'une révolution bourgeoise et démocratique» (Claude Mazauric). Or, pour ceux qui , en France ou à l'étranger, n'envisagent pas seulement l'histoire de la Révolution française comme une célébration pa· triotique ou comme un arsenal pour les luttes idéologiques quotidiennes et la consolidation des théories du matérialisme historique, le point de vue, surtout dans les vingt dernières années, a été évidemment· différent. Ce n'est pas, semble-t-il, faire injure à la Révolution française, « notre mère à tous », et la mère des révolutions modernes, ce n'est pas lui dénier son effet de choc, l'im· portance de ses ruptures, l'irréversibilité de ses impulsions, ni son caractère de césure majeure dans notre histoire nationale, que de vou· loir en améliorer l'intelligibilité en

déplaçant pour un temps au moins l'attention vers sa préhistoire et vers sa postérité. Pour ma part, la lecture des révolutions qui tour à tour s'épaulent et s'affrontent en France de 1787 au coup d'Etat de Brumaire ne m'a jamais paru mieux s'éclairer qu'au retour de longues ,:lxplorations dans l'Ancien Régime ou dans le XIX· siècle. Qu'on pardonne à un historien qui n'est pas un militant politique d'apercevoir toute la richesse de la Révolution française, d'un point de vue (étroitement ?) scientifique, à la fois comme révéla· teur des clivages multiples d'une très vieille société, trop différenciée pour ne pas craquer et ne pas rejeter ses anciens principes d'unité, et comme collection inépuisable de projets politiques et sociaux livrés, non sans désordre, à un XIX· siècle· tout occupé à perfectionner des esquisses, à recueillir des mythes, et à fourbir des armes pour de nouvelles révoltes - ou de nouvelles répressions. Qu'on m'excuse, aussi, de croire, avec quelque attachement excessif, sans doute, à un archaïsme de l'observation expérimentale, que les analyses historiques sont faites pour affiner les théories, et non pas pour couler un nouveau béton par· dessus des forteresses. Au reste, pourquoi perdre son sang-froid ? Le premier tome de la Civilisation et la Révolution française, écrit par Albert Soboul pour Arthaud et sa collection « Les gran· des civilisations », se présente bien

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La Révolution française

- il est vrai qu'il nous arrête aux portes de la Révolution elle-même - comme un essai prudent de synthèse sur Il la crise de l'Ancien Régime ». On connait la structure habituelle des volumes de la collection Arthaud dans un volume de plus de de six cents pages, cent trente environ sont occupés par des tableaux chronologiques et un copieux index ·documentaire ; l'illustration est groupée, tout au long du livre, en cahiers accompagnés de notices. L'iconographie, techniquement bonne, est fort bien choisie et les notices sont abondantes et remarquablement informées. C'est faire injustice aux autres séries que de signaler, par exemple, le joli choix des résidences aristocratiques (pages 232 à 236). Quant au texte, on sent derrière sa solidité charpentée l'expérience déjà longue du professeur des Universités de Clermont-Ferrand et de Paris, et l'information toujours tenue à jour de l'animateur des Annales historiques de la Révolution française et de la Société des Etudes robespierristes - le tout, communiqué dans un style aisé, parfois incisif, qui convient certes - réserve faite de l'austérité de nos sujets, à nous historiens - à la lecture par un public assez large. Pour être aéré, le livre n'en est pas moins compact, et surtout il soulève, par l'ampleur des sujets traités, un maelstrom de problèmes. Aussi, la Quinzaine littéraire n'étant pas la Revue historique, choisironsnous d'accrocher la discussion non point sur l'épaisse première partie La Terre et les Paysans»)~ non plus que sur la dernière Le Quatrième Etat»), mais sur les deux morceaux centraux L'Aristocratie » ; « Bourgeois et Bourgeoisie »). Je ne pense pas Il solliciter» le texte d'Albert Soboul en disant que l'un de ses apports importants tant à la littérature d~ haute vulgarisation historique qu'à une explication nuancée de la Révolution française aura été d'insister sur le renforcement des aristocraties au cours du XVIIIe siècle. Non pas seulement au travers des modalités multiples d'une réaction nobiliaire, sur l'étude de laquelle se greffe et doit se greffer plus que jamais un effort supplémentaire d'évaluation du pôids des droits seigneuriaux et féodaux, élément si important du point de vue de la connaissance de la structure des fortunes aristocratiques comme de celui de l'interprétation de la Révolution comme mouvement essentiellement antiféodal.

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Mais aussi en montrant, d'après des travaux récents, que « l'argent joue un rôle de plus en plus grand, pour le noble, tout au cours du XVIIIe siècle» (p. 227), que des aristocrates s'occupent d'affaires financières, maritimes, industrielles (p. 228), qu'ils entrent « dans le mouvement de l'économie capitalis. te » (p. 229), en petit nombre sans doute, mais aussi, souvent, avec quelle puissance de capitaux mobiliers ! Certes, le rôle de l'aristocratie dans l'évolution économique et sociale de la France reste profondément ambigu et, pour dire vrai, insuffisamment cerné. Les écarts se creusent, à l'intérieur d'une noblesse qui s'enrichit, entre une petite noblesse campagnarde fidèle à l'idée d'un monopole des carrières militaires et sensible à son appauvrissement relatif, passionnément attachée à la défense des droits et des privilèges, et une « noblesse d'af· faires », souvent liée aux élites administratives éclairées, immensément riche et d'où sont parties bien des initiatives de progrès économique. Ambiguïté d'une aristocratie qui, si elle a participé aux hardiesses des entreprises nouvelles, n'en incarne pas moins avant tout un mode de vie prestigieux fondé sur la possession de seigneuries et la consommation d'une rente foncière en hausse constante. Et c'est la domination sociale de ce « modèle » qui confère à son tour aux comportements de la bourgeoisie - et de la Révolution bourgeoise ses propres ambiguïtés. Jusque-là, en effet, et Albert Soboul inscrit bien la question en fili· grane dans la troisième partie de son livre, bourgeoisie et aristocratie sontelles des « classes antagonistes » ou des Il élites concurrentes»? L'auteur rappelle le mot de Cournot : « Rien n'était plus marqué que la subordination dans les rangs de cette société bourgeoise », et ajoute : Il Méprisée des grands, la bourgeoisie les imitait de son mieux. Jalousant l'aristocratie, elle ambitionnait de s'insinuer dans ses rangs... On comprend qu'animée d'un esprit si éloigné de la démocratie, la bourgeoisie n'ait eu de cesse, après la rude épreuve de l'an II, de restaurer la hiérarchie sociale » (p. 356). Aux couches supérieures de la bourgeoisie, au contact avec les divers types de l'aristocratie, une omose s'opérait depuis longtemps: Il dans ses couches les plus hautes, la société d'Ancien Régime se caractéri-

sait par une stratification horizontale dont l'argent était le seul critère » (p.282). La récente thèse de Jean Sentou (Fortunes et groupes sociaux à Touloltse sous la Révolution) atfire l'attention sur le fait qu'à ce processus osmotique s'est substituée à la fin du XVIIIe siècle, dans une ville parlementaire telle que celle qu'il a étudiée, une nouvelle barrière de caste, et que les effets de ce.tte substitution ont été proprement révolutionnaires. Toutefois, notre sentiment est le suivant. Au niveau des élites concurrentes aristocratie d'une part, bourgeoisie .riche de l'autre, désireuse de récolter les fruits de sa richesse sur le plan du prestige social et du rôle politique - le conflit n'était sans doute pas d'une acuité insurmontable. Les événements de 1789 ont, sous la pression populaire, précipité une opération chirurgicale qu'une cicatrisation aurait pu, théoriquement, suivre. L'aristocratie pouvait surmonter le sacrifice de l'égalité d'accès aux emplois, et le rachat des droits seigneuriaux comme le remboursement des offices pouvait, dans l'hypothèse d'un déroulement régulier et d'une stabilité monétaire, se muer en opération profitable. Le désir intense de la bourgeoisie disposant de capitaux de s'approprier de nouvelles terres trouvait sa satisfaction dans la spoliation allègrement acceptée par tous du clergé, et ne lésait pas l'aristocratie. Ce schéma théorique s'est trouvé infiniment dépassé par la révolution permanente qui s'est installée dans les campagnes, et bientôt par les mesures de rigueur prises contre les émigrés. Je ne cherche pas à refaire l'histoire, ni à amputer la Révolution française qui, précisément, a fait jouer bien d'autres ressorts sociaux et a connu dans la suite, pour reprendre l'expression d'Ernest Labrousse, son Il temps des anticipations». Simplement, de la lecture du livre d'Albert Soboul, lui-même nourri des plus solides travaux, je tire la confirmation que François Furet et Denis Richet ont eu grandement raison, dans leur Révolution française si énergiquement prise à parti par Claude Mazauric, d'attirer l'attention, ou de la ramener après une longue période où l'accent a éte plus souvent porté sur la phase démocratique de la Révolution; 1) sur cette zone d'incertitude qui s'étend de la fin du règne de Louis XV à la manifestation éclatante de la trahison de Louis XVI,

et à travers laquelle les hommes des Lumières ont pu osciller de l'espoir d'un arbitrage appuyé sur l'existence de la bourgeoisie la plus puissante du continent, à la résignation d'un recours à la révolution dont ils étaient conscients de ne pouvoir maîtriser tous les prolongements; 2) sur l'importance idéale de ces solutions Il en pointillé» souhaitées par les tenants d'une Révolution libérale et modérée, qui se sont peu à peu dégradées au contact de la réalité révolutionnaire et de la pratique politique, mais qui conservent toute leur valeur comme fils conducteurs pour l'historien. Au-delà, j'ai déjà dit que je ne partageais pas toutes leurs interprétations, dans un article des Annales auxquelles des amateurs de la petite histoire des polémiques, s'ils en avaient le loisir, pourraient se reporter. Mais je ne pense pas, tous comptes faits, que leur liv,.-e soit animé d'une vindicte à l'égard du populaire qui exige que l'on déterre la hache de guerre. Combien il est regrettable que nous ne puissions faire parler les morts! Peut-être alors, comme dans les confidences des plus grands chefs révolutionnaires· du XXe siècle, saisirionsnous, dans la bouche des ombres du Comité de Salut Public, des propos assez désabusés pour faire paraître ceux de Furet et de Richet plus lucides que pessimistes. Ceci dit, il faut revenir au livre de Claude Mazauric. Car il fait succéder, à une première partie d'Il Essais critiques» dont la verve est indéniable, une seconde partie de Il Contributions» dont la qualité constructive ne l'est pas moins. La sixième de ces contributions, intitulée Il Vendée et Chouannerie », nous sera l'occasion de signaler, pour conclure cette chronique, la traduction française (Fayard, collection Il L'histoire sans frontières ») du livre de l'historien et sociologue Charles Tilly : La Vendée, Révolution et Contre-Révolution. Fondée sur une analyse micro-régionale et sur la méthode qui consiste à faire répondre les documents d'archives aux questionnaires de la sociologie moderne, cette étude est à la fois très stimulante et, de temps à autre, fort irritante. Elle a en tout cas la fraîcheur du regard d'un chercheur d'o1,ltre-Atlantique posé sur une campagne française riche en contrastes. A lire. donc - comme les titres précédents - et en oubliant les querelles d'historiens. Louis Bergeron


THtATRE

Le "jeune théâtre" Alfred Jarry Ubu Roi Théâtre de Plaisance Paul Claudei Simon-Tête d'Or Salle Aydar

le «jeune théâtre. occupe en force à son tour l'actualité théâtrale. Comme il est un tout parfaitement divisible, ses mouvements sont nécessairement dispersés et diversifiés : Bernard Sobel et Jean Dufour donnent une rigoureuse version de la pièce ambiguë de Brecht, Homme pour Homme (1), JeanPierre Vincent, sous le couvert du rire efficace, fait découvrir un Goldoni méconnu et «révolutionnaire ., le Marquis de Montefosco (2), Jean-Marie Patte orchestre habilement une tragédie de salon, Médée, de Sénèque (3), André Benedetto reprend son beau poème dramatique Rosa-Lux (4) et Gérard Gelas lance son cri d'espérance radicale Opération (5) et. par ailleurs, deux nouveaux venus, Denis 1I0rca et Guénolé Azerthiope, se révèlent avec éclat. Assez curieusement, ces deux derniers s'imposent non pas par une contestation de l'héritage culturel mais en faisant leurs classes avec deux pièces considérées comme des chefs-d'œuvre. Le premier mérite de 1I0rca et Azerthiope est d'avoir su, malgré des moyens financiers ridicules, s'attaquer à deux monuments, Tête d'Or et Ubu Roi pour réussir un ravalement brillant et justifié : les statues sont de nouveau à leur place! Dans ce XX· siècle né avant terme, Tête d'Or - ses deux versions datent de 1889 et 1894 - et Ubu Roi - créé en 1896 - constituent les deux pôles d'un renouveau théâtral parti en guerre à la fois contre un classicisme desséchant et un réalisme horripilant. Un nouveau monde artistique s'ouvre, sur les voies tracées par les poètes qui, à la' suite de Baudelaire, enterraient joyeusement et sans ménagement un siècle étranger à leur mémoire du futur. Depuis soixante-quinze ans, l'alUvre de Jarry constitue la tentation première soit des nouveaux venus au théâtre soit de ceux qui au terme d'une carrière bien remplie se remettent en question. C'est que l'esprit de chansonnier est toujours vivace en France. Car, Ubu Roi n'est

rien d'autre qu'ul\ état d'esprit planant autour d'un personnage sans situation. Prendre trop au sérieux l'auteur dramatique Jarry c'est vouloir prendre la farce de trappe pour une force de frappe. Il y a, me semble-t-i1, deux manières de jouer Ubu Roi aujourd'hui : trahir Jarry en respectant l'esprit ou le respecter en trahissant la lettre. J'avais vu en 1967 un Ubu tchèque par le Na Zabradly, de Prague. Le co-adaptateur et metteur en scène Jan Grossman avait réussi à prendre Jarry à son piège. le père Ubu n'était pas déguisé: son ven~ tre était celui d'un petit-bourgeois obèse; la mère Ubu était une jolie fille qui avait de l'ambition pour deux. Les spectateurs commençaient par sourire de la scène de ménage mais insensiblement se trouvaient plongés dans une atmosphère propre à l'un des continuateurs de Jarry, Kafka. le tragique naissant de cette constatation: Ubu c'est nous! Cet Ubu, revu par « le brave soldat Schweik., avait un parfum du trop précoce printemps de Prague. Au Théâtre de Plaisance, Guénolé Azerthiope, habituellement connu comme décorateur, sous là nom de Jean-Marie le Tiec, prend la pièce de Jarry à bras-le-corps : dès la première image scénique, le père Ubu est plongé dans la merdre jusqu'au cul. Rien ne nous est épargné : la chienlit de l'Etat est partout. A coups de gags insolites, d'accessoires portés par de gros enfants, qui n'ont pas su casser leurs jouets, les comédiens - tous excellents amusent en s'amusant et ne prennent rien au sérieux : ni JarrY, ni les spectateurs cernés de tous endroits. Ubu Roi redevient l'énorme pochade de potache pataphysicien que tout normalien a rêvé d'écrire: le plus grand canular de Jarry serait-il d'avoir fait croire à plusieurs générations de Français qu'il avait écrit un chef-d'œuvre? Autre tête couronnée décapitée : Simon Tête d'Or. Mais avec la pièce de Claudel, le propos du metteur en scène Denis 1I0rca est différent : rendre au futur auteur de l'Annonce faite à Marie ce qui lui est dû et que le poète lui-même, dans le souci qu'il avait eu de "réussir sa carrière catholique-, a contribué à faire oublier (6). Ce n'est pas par hasard, ou par fausse coquetterie, que Claudel avait empêché de son vivant la représentation de sa première pièce. Mais par scrupule, en 1959, comme en 1968,

La Qnlnzalne Uttâ'alre, du 16 au 31 décembre 1970

Une scène de Tête d'Or

Jean-Louis Barrault ne parvenait pas à oublier la trajectoire de l'homme Claudel. alors que le prologue de Tête d'Or annonce lumineusement la 'fin de la pièce : enterrant la jeune femme - Ophélie? - Simon découvre le non-sens de la vie octroyée et justifie par avance son attitude apparemment inexplicable, quand, au faîte de la gloire, il rend la couronne à la princesse et veut se laisser mourir seul.

La solitude sidérale .de l'homme la solitude sidérale de l'homme me paraît être, en effet, un thèmà capital de la pièce qui participe directement d'une connaissance approfondie de Shakespeare. Cebès et Simon sont les deux faces d'Hamlet-Claudel jeune, mais Simon va rejeter cette impuissance paraly· sante, Cebès, et agir enfin, en voulant dominer ou ignorer ses contradictions. Et à l'instant où Simon-

Claudel découvre "alJgoisse de la mort, l'irrationnel lui apporte un commencement de solution qu'il lui faut accepter telle quelle. Mais, contrairement à ce que l'on a pu dire, en se référant à tort à la vie de Claudel, Simon ne meurt pas soumis à l'Eglise: Claudel n'a pas encore oublié les Illuminations de Rimbaud, ni assimilé et accepté pleinement la révélation de la grâce derrière le pilier de N,)tre-Dame de Paris. l'œuvre de Claudel est certes une défense de .. l'Eglise, notre mère », mais c'est l'illustration de la soumission torturée de " l'un de ses fils» ; ;. Il faut empêcher Dieu d'être tranquille ». l'intérêt de la mise en scène de Denis L10rca réside dans la volonté qu'il a eue de nous le rappeler, tout en soulignant par ailleurs le profond enracinement charnel de Claudel à la terre, cette autre " mère» : le cordon ombilical ne sera jamais tout à fait coupé! la meilleure part du théâtre de Claudel sent l'odeur de la terre fraîchement remuée et le parfum de la semence en gestation. Dans ce dialogue privilégié et mystérieux avec la terre, il y a également, bien sûr, cet attachement aux valeurs d'un passé éternel et biblique de l'homo me "né de la terre .., Et, à force d'épuration. de stylisation et de mouvements secs et musclés, où la voix l'emporte néanmoins sur le geste dessiné grossièrement dans l'espace limité, Denis L10rca et une bonne troupe d'où l'on peut détacher cependant Denis 1I0rca, également remarquable comédien, Michel Hermon, Jean-loup Wolff, Arlette Bonnard, Jean-Jacques Blanc et Serge lhorca - redonnent à Tête d'Or son atmosphère primaire, « naturelle. et barbare. Un théâtre spontané, même dans sa recherche policée qui laissait beaucoup à espér.er de ce nouvel auteur nommé Claudel! Grâces soient rendues à Denis 1I0rca et-à ses comédiens! Lucien Attoun

(1) Par l'Ensemble Théâtral de Gennevilliers. (2) Créée aU Théâtre de Sartrouville, actuellement au Théâtre Daniel Sorano de Toulouse. (3) Au Théâtre de la Cité Internationale. (4) En tournée; publiée aux Editions P.J. Oswald (5) Au Théâtre de la Cité Internationale, publiée aux Editions Stock. Collection Théâtre ouvert. (61 Salle Ayder. 35. avenue Rapp, Paris·Se .

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CINiMA

Hantises par Louis Seguin Gordon Hessler Scream and scream again

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Roger Corman Bloody Marna Beverley, France Elysées Studio Raspail

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Chacun, au moins par ouï-dire, connaît les notes de Marx, dans la Sainte Famille, sur Eugène Sue. Il y définit les règles et les lois où se reflète sans se voir la fiction du mélodrame. Les séries, au cinéma, jouent de la même façon un rôle de masques et. de manière semblable aussi, posent les conditions d'une rupture qui ne peut être provoquée que de l'extérieur, par un « auteur -. Deux films récents, Bloody Marna et Scream and scream again qui, par ailleurs appartiennent à des écoles et à des genres distincts, sont d'assez bonnes preuves de ces opacités et de cette possible brisure. Scream and scream again reprend quelques vieux principes du film d'horreur. Il apparaît comme un composé de Dracula et de Fran· kenstein, sans l'aura crépusculaire du premier et dépouillant le second de son désespoir. Si le démiurge crée encore des produits imparfaits, l'enveloppe au moins est achevée, stable et perfectionnée, voire séduisante. Les hideurs de l'âme, communes en la circonstance, ne transparaissent plus sur l'épiderme. Toute l'habileté de Gordon Hessler a été de créer un produit renouvelé et qui provoque la répulsion avec la plus grande économie des moyens. Peu de sang donc, et des effets quelquefois étrangers au c1acissisme du genre. La manière est quelque peu recherchée, avec un succès inégal, mais sa recherche s'interdit les surprises trop habituelles pour être véritablement surprenantes. Le scénario, fragmenté, obéit à une ambition semblable. Des actions sans liens apparents y filent, convergentes, jusqu'à se rencontrer et ménagent, chacune, leur propre intérêt. Un coureur à pied frappé d'une crise cardiaque se trouve, dans une mystérieuse clinique, amputé de chacun de ses membres. La police recherche un mystérieux tueur vampirique. Dans un pays «totalitaire -, un dirigeant assure, au sens propre, sa prise de pouvoir. Et les trois actions se nouent tandis qu'est donnée l'explication. Les aventures étaient provoquées par

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l'apparition d'une race nouvelle d'homme fabriqués, de «composites - dont il est donné à croire, en une inquiétante fin ouverte, que le règne commence malgré le fauxsemblant d'une défaite provisoire. Fritz Lang, dit la publicité, a fort apprécié le film. L'approbation étonnera peu si l'on songe que l'ombre des forces secrètes et des sociétés parallèles a toujours fasciné et terrifié à la fois l'auteur des Mabuse et du Maudit. Scream renoue avec cette obsession d'après le romantisme, balzacienne surtout, de la métaphysique du complot, dont on retrouve une autre extrémité, passablement pourrie, avec la légende de l'agent secret. La vraie politique y est le fait d'une minoritée cachée, agissant en retrait, oubliée des lois et à qui les gouvernements délèguent en catimini leurs puissances. Le scientisme de Frankenstein et de ses descendants (mis à part la Revanche de Frankenstein qui, faisant triompher la créature, donnait au phantasme l'ouverture réelle de l'humour) trouve ainsi avec des films tels que Scream un achèvement idéal. Scream prend place à la suite, par exemples, de l'Invasion des profanateurs de sé· . pulture de Don Siegel (195l:!, sur un scénario, le fait est important, de Daniel Mainwaring) et le Village des damnés (1961). de Wolf Rilla, parmi les représentants d'une esthétique de la menace, mais au lieu d'y voir le dessein d'une contrainte extérieure, cosmique, il en fait une conclusion interne, conséquence in·éluctable de la folie scientifique, retournant contre lui-même l'optimisme dont il était parti. La froideur, appliquée et très anglaise, à peine entachée de quelques enchaînements banals qui font succéder le hurlement d'un chanteur au visage d'une fille torturée, distend, étale l'événement et lui accorde tout un poids de vérité. Ainsi mise en œuvre, l'hypothèse banale du «savant fou» et de 1'« apprenti sorcier - se métamorphose en recherche d'une mystérieuse détention des pouvoirs. Le mythe cristallise et contredit l'Histoire; il s'évertue à matérialiser une menace factice pour mieux ignorer l'immanence du véritable antagonisme. Ce faisant, il organise des pouvoirs d'attraction dont la contemplation et l'étude ne sont pas sans agrément ni profit. Bloody Marna offre un abord tout différent. Au lieu de rénover et su-

blimer quelques peurs idéales, le prolifique, inégal et talentueux Roger Corman part du niveau élémentaire de la description. Il retrace la biographie de Ma Barker et l'histoire de son gang, se plaçant ainsi dans sa propre ligne (Machine Gun Kelly, le Massacre de la SaintValentin) et aussi dans la filiation plus générale des films contemporains sur le gangstérisme de la Dépression, dont l'un des sommets reste le Legs Diamond de Boetticher, et l'œuvre la plus illustre,

giflés lorsqu'ils jurent, on chante à la veillée et l'orl respecte le drapeau. Au retour de leurs rapines, attaques de banques ou agressions d'encaisseurs, Ma et ses fils regagnent leur maison bourgeoise, ses abat-jours de perles et ses croûtes lénifiantes. L'amour familial, filial et fraternel, règne, poussé jusqu'à l'inceste et enrichi, à l'occasion, de pratiques homosexuelles. Les étrangers, fille ou garçon, y serviront à tous, quelles que soient les affinités sentimentales, d'objets de plai-

Une scène de Bloody Marna le Bonnie and Clyde, d'Arthur Perm. Au contraire de ses essais précédents, ou des autres filins cités, il ne s'attache plus à une stricte dénonciation de la violence ou de la lâcheté ni, à l'extrême, à une mise en question sociale vaguement libertaire. Moins encore. Il refuse de renouer avec le romantisme de Gun Crazy ou avec le libéralisme sourcilleux d'un Lang obsédé par la relativité de la Justice. Bloody Marna joue une carte des plus classiques, avec l'aide efficace du scénariste Robert Thom, Car Bloody Marna se lie tout entier à la morale la plus banale, non parce que le crime, au dénouement, y est puni mais parce que les héros s'y veulent respectueux de coutumes et us de l'establish· ment américain. La famille de Ma Barker est un matriarcat qui offre un o!?jet de psychanalyse presque caricatural. Le père y est abandonné lorsqu'il a procréé des garçons vigoureux mais cet épisode fugitif n'entame en rien le désir de respectabilité. Les fils de Ma sont

sir mais, il faut y insister, rien ne sortira du cercle de famille. L'appartenance est, à elle seule, justification. De même pour la violence. Psychopathes, les frères Barker, l'aîné surtout, se laissent aller, aux hasards de leur «travail -, à quelques menues strangulations et noyades mais ces péchés, aussitôt regrettés et pleurés, sont autant de prétextes pour l'empire spirituel de Ma, qui se plaît à absoudre et à consoler le coupable. Cette fortune de la vertu trouve sa perfection avec l'enlèvement d'un riche négociant. La victime, incarnation du père et de l'époux absents, va se prêter au jeu du remplacement. Viri 1 à souhait, physiquement et moralement, il couchera avec Ma et entretiendra· avec les fils des relations disciplinaires. Ce n'est que plus tard, lorsque la bande traquée verra son unité se désagréger, que la respectabilité connaîtra quelques failles. Devant le corps de l'un de ses fils, mort d'un abus de drogue, Ma menacera Dieu de son pistolet. Mai~


• • vie Elise, ou la vraie ~ Louis Seguin il s'agitencore d'excès plus que d'un renversement. Le ton lui-même est d'une hilarité joviale qui en appelle plus à Charles Williams qu'aux classiques de l'humour noir. Les fissures ne s'élargiront qu'à la fin. Pendant l'ultime siège, accompli sous l'œil intéressé de touristes piqueniqueurs, l'aîné se suicidera tandis que les autres seront anéantis un par un. Et le film de Corman et Thom s'achève en hommage à la mère américaine. Le générique final se déroule sur l'agrandissement d'un timbre poste qui reproduit un tableau célèbre de Whistler, allusion doublement sarcastique si l'on sait que le modèle d'une toile volontiers confondue au mythe de la Mom était une personne des plus acariâtres et que le peintre s'est, dans son œuvre, davantage préoccupé de problèmes formels que de piété filiale. Le dénouement mortel, ou, du moins, catastrophique, de la presque totalité des films criminels n'est pas une simple concession aux mœurs, un hommage obligatoire et vaguement hypocrite du vice à la vertu. La nécessité même de l'isl;lue est comme le signe de l'irruption tardive de la conscience, l'instant où l'idéologie se replie sur,:elle-même, refermant son discours comme le couvercle d'un cèrcueil. Le pessimisme contemporain' de la sciencefiction, peur panique de l'atome ou, comme dans Scr~am, proclamation d'une toute puissance souterraine, participe d'un même défaitisme. La symétrie d'une hantise issue, et coupée, de la réalité (Seream) et d'une réalité 'née de la hantise et qui lui reste liée (Bloody Mama) se vérifie dans une fatalité identique. C'est à ce point, et dans cette perspective que le mythe p~ût, ou non, éclater. Entre le résultat décevant qui clot les séries italiennes sur le hold-up et la dérision terminale du Trésor de la Sierra Madre, il y a, au cœur d'une même mythologie, une nécessaire, mais non inéluctable, brisure. De même, poussé par un pique-nique, un suicide et la mère de Whistler, Bloody Mama franchit le pas décisif d'une mise en question à laquelle l'obscurantisme ,de Seream n'a pas accès. Sur le plan du spectacle même. la différence et le problème sont d'importance. C'est une question - ~a question - de mise en scène. ' Louis Seguin

Michel Drach Eli,e ou la vraie vie (Saint-Germain Village, StudioParnasse, Elysées-Lincoln l, Saint-Lazare III).

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La censure acceptée et l'autocensure appliquée par ,les cinéastes français, alliées dans un antagonisme complice à un avant-gardisme sans danger, ont si bien modelé la réceptivité du spectateur que ce dernier est choqué - au sens que l'on voudra - de voir apparaître à l'écran l'intérieur d'une usine, défiler une chaîne de montage avec des ouvriers répétant les mêmes gestes automatiques sur des carrosseries qui avancent imperturbablement et cela non pour quelque effet de pittoresque misérabiliste ou une concession idéologique à l'ouvriérisme. mais dans une substantielle succession

, La Quinzaine UttiraIre, du 16 au 31 décembre 1970

de séquences s'étendant sur 47 minutes (1); et choqué encore plus de voir, dans ce cadre banal insolite, naître et s'affirmer l'amour - entre une Française et un Arabe, militant F.L.N. de surcroît. Elise ou la vraie vie, le film de Michel Drach, apparaît ainsi, avant ". tout, comme une audaCieuse tentative d'attaquer de front les tout- puissants tabous auxquels, dans une sorte d'accord tacite, la presque totalité de la société française se soumet : tabou concernant les conditions réelles, concrètes, quotidiennes, du travail - conditions qui, montrées dans un film, redonnent aux concepts trop souvent abstraits d'exploitation, d'aliénation, d'asservissement, leur poids véritable et leur irrécusable présence; tabou visant un racisme pourtant massivement présent à l'état endémique dans la société française et qui connaît de temps

à autre quelques poussées aiguës (cf. tout le substrat psychologique de la guerre d'Algérie. et plus récemment, la • rumeur - d'Orléans). Reprenant avec une scrupuleuse fidélité les données du livre de Claire Etcherelli (2), le film de Michel Drach n'hésite pas à additionner les potentiels subversifs de ces trois domaines : l'amour d'Elise et d'Arezki naît sur une chaîne de montage, dans le fracas des outils et l'épuisement, et aussitôt saisi par l'hostilité des ouvrières et ouvriers français (et syndiqués) ; il s'affirme dans des cafés, sous les regards et les propos I)argneux des clients qui parlent de jeter une bombe atomique sur l'Algérie ou de larguer tous les travailleurs algériens de France dans la Méditerrannée; il s'aventure dans les rues de Paris, dans les taudis de la Goutte d'Or, sous la menace, à tout instant, de rafles d'ont on ne sait si l'on reviendra vivant; il connaît enfin l'épreuve de l'humiliation et du mépris, lorsque les policiers obligent Arezki à se dévêtir complètement. Ces violences, ces haines, ces menaces, cette massive adversité, n'ont d'autre effet que de dégager plus nettement ce qu'a de rare et de précieux, de limpide et de tranchant, l'amour d'Elise et d'Arezki. A se soumettre rigoureusement au livre de Claire Etcherel li , à le proposer en images précises, immédiatement lisibles, franches, sans concession ni détour, organisées en Ün récit simple et linéaire, le film de Drach néglige le,S transformations qu'impose le passage à l'écran de la vision essentiellement subjective (ce • je. omniprésent) de l'écrivain; mise en images, la subjectivité se camoufle comme telle, devient du psychologique et du sentimental; par une sorte de • ruse de l'image -, qui tient au fait, fondamental. que le film effectue toujours un travail qui lui est propre, le film de Michel Drach .:... alors m~me que tous ses Ingrédients : exploitation économique. racisme, guerre d'Algérie, répression, etc., se veulent politiques et idéologiques, et malgré sa prétention à n'être qu'un • film de sensibilité - - manifeste une curieuse incapacité à alimenter une véritable réflexion politique. Roger Dadoun (1) Le film dure 105 minutes. Cf. Interview de Drach il • Polltlque-Hebdo" n" 8. (2) E11.. ou la vraie vie, Deno~U, • Les Lettres Nouvelles'", 1967.

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TELllVUION

a"

De "Chebika" "Remparts d'argile" Chebika est un village du sud tunisien, situé bien au-delà de Tozeur, dans un 'désert où • des 'my· riades de scorpions, d'insectes de toute sorte, de .Iézards et de ser· pents se livrent 'à leurs activités frénétiques et continues -. Ainsi s'exprime Jean Duvignaud, qui de 1960 à 1965 a enquêté sur Chebika avec un groupe de ses étudiants en sociologie. Ce ne fut pas, cependant, une enquête classique. Questionnaires, recensements, stâtistiques Intéressaient moins Duvignaud que la • saisie - d'une maigre population enfermée dans des murs de torchis, et disposant d'un puits, d'un troupeau de moutons, de quelques poules et chevaux, d'un métier à tisser - et aussi de bijoux d'argent, de traditions et de mythes. L'examen profond et patient auquel s'est livrée l'équipe de Duvignaud (à une époque décisive : celle du début de l'indépendance tunisienne) est devenu un livre, Chebika (Gallimard, 1968) dont on peut regretter qu'il n'ait pas encore, en' France du moins, le succès des Enfants de Sanchez d'Oscar Lewis. Chebika, en effet" est une fiction sociologique. Des gens se. sont exprimés, bribe par bribe. Aux • enquêteurs - ils ont dit leurs activités, leurs rites, leurs légendes. Ils se sont peu à peu reconstruits, reliant leur présent à leur passé et à lel:lr avenir (s'il y en a un). Cette reconstruction, Duvignaud l'a retranscrite en un ouvrage qui conserve une précision sociologique, mais où affleure sans cesse une dimension de la personne que trop souvent la sociologie laisse de côté: la dimension de l'imaginaire. Dans un livre peuplé de personnages réels, Duvignaud sait dire comment les gens de Chebika passent, de 1960 à 1965, d'un état. fictif - (leurs mil· lénaires modes de vie) à un état historique - c'est-à-dire aux transformations sociales figurant dans le programme du Néo-Destour. Programme à visées socialistes on le sait. Même àChebika le modernisme destourien fit sentir ses effets: on voulut faire construire à ses ha· bitants une maison administrative avec, des pierres extraites d'une carrière proche du village. Ils au· .raient préféré reconstruire d'abord leurs propres maisons. Aussi firent· Ils la grève des pierres. La troupe vint, puis s'en alla. Sur cet Incident, Jean Duvlgnaud a centré le scénario qu'II écrivit pour le cinéaste Bertucelli. De même que Cheblka dépassait l'enquête

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sociologique, de même Bertucelll, pour tourner Remparts d'argile, refusait le cinéma-vérité. Bertucelli n'est pas allé à • Chebika - pour recueillir des informations filmables. Avec la caméra il a préféré apporter une histoire (mais véridique à un certain degré, puisque se référant à l' • affaire de la carrière - racontée par Duvignaud dans son livre). Remparts d'argile est donc focalisé sur un point d'intrigue. Les hommes de • Chebika - travaillent à casser des pierres sous la surveillance d'un délégué aux travaux publics en complet-veston qui chaque semaine leur alloue quelques dinars. Un jour, l'un des hommes trouve la paie trop maigre, et la refuse. Les autres l'imitent. Ils s'assoient par terre, sous les yeux des femmes du village d'argile. L'armée arrive. Une vingtaine de soldats encerclent cette résistance passive. Vingtquatre heures s'écoulent ainsi. Les hommes ne bougent pas. 'les soldats s'en vont. Les hommes ren· trent dans le village. Au risque de choquer certaines âmes généreuses nous dirons d'abord que R~mparts d'argile rappelle Le sel de la terre non pas par son message socio-politique, mais simplement parce' que la terre où se déroule le film de Bertucelli est une terre salée : celle des chotts, celle d'un désert montagneux où l'on trouve le sel en plaques. Bertucelli a construit'une remarquable esthétique de l'aride, et sans doute cette beauté, formelle (ces plans • inoubliables - de murs splendidement lépreux sous le soleil, de sol craquelé, de chevaux arabes, de' visage desséchés) a· t-elle fait écrire à certains critiques le mot passe-partout d' • incantation -, ou des expressions comme • beau à couper le souffle -. Remparts d'argile s'ouvre sur une citation de Franz Fanon qui dit en substance que la phase' bourgeoise de l'indépendance ,aura été une phase inutile. Cette vérité désormais évidente, Bertucelli la démon" tre, mais aux spectateurs seuls (et occidentaux) : les participants du film n'en. sortent - pas persuadés, et c'est là toute la différence avec Brecht. Et encore faisons-nous peutêtre trop confiance à ces spectateurs, car ceux-cI admirent un filgt où le beau fait sans cesse écran devant le réel et le vraI. Et pourtant, au service de la vérité qu'il veut démontrer, Bertucelli a mis une remarquable efficacité technique : . contrairement aux admirateurs du

• rythme majestueux - du film, nous avons trouvé celui-ci d'une saisissante rapidité. Aucune complaisance dans la présentation des séquences. En une quinzaine de minutes l'auteur recompose • Chebika comme Godard, dans Week-end, sut recomposer un univers socia-automobile. Mais dans chacune de ces visions admirablement brèves et pleines, le splendide entre en rivalité avec la signification. sociale (sinon. révolutionnaire -) des images, et toujours au détriment de cette signification. Le cinéaste dira que ce n'est l'las de sa faute si les lieux et les êtres qu'il a choisi de filmer sont objectivement, essentiellement beaux, et que c'eût été fausser son film que d'éluder cette beauté. Remparts d'argile compte un personnage central une admirable jeune fille qui prend peu à peu conscience de la misère du village et de la vanité des moyens que l'Etat emploie pour y remédier : assistante sociale sophistiquée en visiteéclair, cassage de pierres souspayé, école où le jeune instituteur explique aux enfants la • position de leur village sur un globe terrestre crevé. Mais cette trop belle fille reste un personnage de roman, en ce sens qu'elle demeure enfermée dans sa lucidité révoltée. Certes, le film comporte urie leçon importante : si les soldats s'en vont, après avoir cerné les travailleurs pèndant un jour, ce n'est pa,s parce que Ceux-ci ont. tenu -, mais parce que l'Etat tunisien ne peut pas pousser plus avant la répression - surtout quand il s'agit d'un village perdu. Il y a quelque chose de pourri dans la marche des ex-colonisés vers le socialisme et l'autogestion. Cette impuissance double, les hommes de • Chebika - (à la fois coupés de leur vie traditionnelle et de la vie • moderne -) en ont-ils conscience? Voilà pourquoi nous eussions préféré voir Remparts d'argile tourné en. cinéma-vérité -, si artificielles qu'en soient les formes et les formules. Nous aurions préféré voir moins de splendeurs arides, et entendre davantage de paroles véçues. A la pudeur et au silence on pouvait préférer une enquête fil· mée, sans doute plus banale, mais à travers laquelle se serait peut· être esquissée, chez les gens de • Chebika - une prise de conscience de leur aliénation - pour employer un mot lui aussi banal. Michel l'rafla

Deux émissions dramatiques programmées à une quinzaine de loura d'intervalle: Ils étaient tous mes fils, pièce d'Arthur Miller dans une réalisation d'Agnès Delarive et Une fatl· gue passagère écrite et réalisée par Gérard Chouchan, posent clairement par leur confrontation le problème de la dramaturgie télévisuelle. Dans les deux cas le problème posé a la même actualité; la pièce de théâtre de Miller écrite en 1947 possède la même ouverture sur le monde que le scénario de Gérard Chouchan conçu spécialement pour la télévision. les deux œuvres sont ce que l'on pourrait appeler des reportages imaginaires : à partir de la fiction elles veulent toutes deux cerner à un moment donné la réalité de notre société et inviter le spectateur à s'identifier, à s'intégrer ou à participer à l'action et l'obliger à réfléchir. Ces caractéristiques font partie des principes de base d'une nouvelle école de télévision : l'Ecriture par l'Image, principes qu'a parfaitement établis son responsable au service des émissions dramatiques dirigé par André Frank : Pierre lévelllé. A cette nouvelle école, nous devons déjà plusieurs réussites telles que Un fils unique de Michel Polac (prix Georges Sadoul), De la belle ouvrage, de Maurice Failevic dont la qualité essentielle est de ne pas dissocier la forme du fond et de faire ainsi une œuvre de création spécifiquement télévisuelle où tout participe de la même recherche : • L'image sonore télévisuelle dlf· fusée et dramatisée par son écriture devra grâce' à la vénu:lté la plus parfaite de son action, de son contexte et de ses personnages, créer l'effet de la plus parfaite confusion dans l'esprit du spectateur, lui faisant prendre la fiction qui lui est offerte c0mme une réalité -. (P. léveillé). C'est ce qui me paraît être la qualité majeure de Une fatigue passagère et ce qui manque essentiellement à la réalisation télévisuelle de Ils étalent tous rnes fils, conçu dans le style le plus banal et le plus conventionnel de l'école de télévision des Buttes-Chaumont 1960. Arthur Miller écrivit cette pièce quelques années après la fin de la guerre. Dans cette œuvre représentative d'un certain théâtre social américain, il dénonçait le système capitaliste basé sur l'argent et le profit. Un homme n'a pas hésité en temps de guerre à vendre li l'armée des pièces d'avion défectueuses provoquant ainsi la mort de nombreux jeunes aviateurs. Ce thème a de nombreuses résonances contemporaines : le système américain est resté le même, la ,guerre au Vietnam continue, Il y a quelques mols seulement de jeunes pilotes allemands trouvaient la mort dans des circonstances Identiques... Cette pièce en prise directe sur la réalité vivante s'est trouvée désincarnée par sa réalisation qui a transformé ce qui aurait dO être un témoignage en une démonstration ennuyeuse. la réalisatrice s'est contentée de laisser parler les personnages de Miller .sans même tenter de leur Insuffler la vie, de les intégrer li une société, li un milieu. Pourtant ces personnages n'existent réellement, au niveau même de l'écrlture théâtrale, que par la soclété dans laquelle Ils vl-


L'écriture par l'image vent, l'extérieur est plus important que leur maison si nous voulons les comprendre et nous intéresser à leurs problèmes. L'univers proposé par l'auteur n'est pas clos et sur le petit écran. le mot avait besoin de l'image pour signifier, il ne pouvait vivre sans elle. L'image, c'est le moyen dont s'est servi Chouchan pour réaliser Une fati· gue passagère. «Ces récits témoins qui font l'écriture par l'image sont ce qu'on peut appeler des thèmes contemporains. Ils utilisent des matériaux pris dans la réalité qui solidement organisés dans des tons et styles différents font l'originalité de chaque œuvre en fonction de ses auteurs _. Cette nouvelle dramaturgie a pour base technique le reportage (sans aucun doute l'un des apports les plus intéressants à la télévision). Aucune scène de studio : tout se passe en décors naturels, dans la rue, l'usine, les champs, Dans Un~ fatigue passagère, Anne est la femme d'un architecte, elle a une vie aisée entre son mari et deux jeunes enfants. Un jour elle ouvre une lettre qui contient le résultat d'une analyse de sang faite pOlir son mari. Elle est effrayée mais ne va cependant rien montrer de sa peur tout en tentant de connaître la vérité. Devant la menace de mort Anne va s'interroger sur sa vie? leur vie? leur amour? Ont-ils eu le temps de vivre ensemble? Le travail est plus fort que l'amour, Anne le sait, elle l'accepte. Ces deux êtres vivent devant nous leur aventure et leur histoire devient la nôtre. Dans De la belle ouvrage, de Failevic, la réalité du monde ouvrier et un problème réel (un technicien remplacé par une machine) sont plus facilement traduisibles qu"un problème abstrait comme la mort. Chouchan, auteur n'a pas toujours été bien servi par Chouchan réalisateur. Il lui aurait souvent fallu plus de lyrisme et, parfois, un regard froid. Gérard Chouchan s'est trop souvent laissé aller à une certaine conve!'ltion d'imagerie bourgeoise et n'a pas su élssez maîtriser son sujet. Il est' regrettable aussi que le jeu trop conventionnellement théâtral des deux principaux interprètes Josée Destoop et Vania Viler, soit en décalage par rapport, au quotidien de l'image. Cette nouvelle dramaturgie exige du comédien d'autres qualités, il ne s'agit plus de jeu, mais de vérité, de sincérité, d'expérience humaine. Rappelons-nous l'authenticité du héros principal de Failevic chez lequel à aucun moment derrière l'ouvrier nous ne pouvions soupçonner le comédien. Le risque d'échec que représente l'aventure du tournage de ces nouvelles dramatiques paraît beaucoup plus grand que dans la réalisation d'une dramatique conventionnelle. Dans l'écriture par l'image la notion de texte est périmée, il fÇlut constamment compter avec l'environnement, rien ne peut être définitivement fixé hormis la situation. Pour le réalisateur comme pour le comédien il s'agit d'une sorte d'improvisation permanente. Jean Desfossés N.B. : Les citations,sont extraites de la brochure O.R.T.P. «Contribution à une dramaturgie de la télévision " (situation de l'écriture par l'image, juillet 1970).

Dans les galeries SCHNEIDER

BRAM VAN VELDE

L'une des principales ambitions de l'art attuel est de «serrer au plus près. le pouls de la vie. L'art gestuel, dans son débordement lyrique, dans ses outrances, traduit les mouvements d'une sensibilité éveillée. La réalité n'y étant plus projetée en images mais ayant été, très souvent, l'amorce de cette gymnastique porteuse de couleurs qui vont, plaquées sur la toile, recréer une dimension poétique du monde. La démarche de Schneider (galerie Arnaud) relève de ce' type d'ambition. Elle fut d'abord accomplie dans une véhémence échevelée, qui creusait ses espaces, inventait ses accidents à bout de bras. Aujourd'hui le geste s'est durci, resserré, l'impact n'en a que plus de violence. Il oblitère la surface dans la briéveté blessante du signe, comme marqué au fer.

La reconnaissance, par le public français, de Bram Van Velde fut difficile et tardive. Le caractère absolument révolutionnaire de sa manière de peindre 'l'isolait; et ce n'est qu'en 1958 qu'une série d'expositions dans les musées étrangers lui fit, peu à peu, acquérir une réputation à la hauteur de ses mérites. Aujourd'hui il apparaît comme le précurseur d'une certaine peinture de caractère lyrique qui a déferlé sur l'Europe après avoir éclaté aux U.S.A. (où l'influence de Bram Van Velde fut prépondérante). Aujourd'hui volontiers confondu avec le lyrisme « venu du nord. (à travers Alechinsky, et, de fait, tous les artistes de Cobra) celui de Bram Van Velde intériorise la peinture ou, plutôt, offre à la peinture l'investigation de l'espace intérieur ou vécu qui s'exalte dans la couleur, un graphisme libre, courant sur la surface, se dénouant en suivant les rythmes du corps. Graphisme qui a, chez Van Velde, des franchises, des ardeurs et même parfois des grâces d'une grande originalité et d'une saveur incomparable, colère et douceur s'harmonisant dans le temps même de l'écriture. (Musée d'Art Moderne)

Avigdor ARIKHA Il est intéressant de confronter le lyrisme libéré d'un Schneider (motivé par le souci d'approcher le cœur des choses en en traduisant ,les spasmes les plus lointains) avec celui d'un Avigdor Arikha (C.N.A.C.) qui poursuit à la fois l'espace et le temps dans des visions arrachées à la réalité grâce à un dessin paradoxalement, tout à la fois vif et tenace, d'une Intensité qui confine, parfois, à la douleur. A la peinture, qui implique une diversité des moyens mis en œuvre susceptibles, selon lui, de nuire à l'intensité voulue du «discours " Arikha préfère le dessin : le moyen le plus simple (sinon le plus pauvre) pour retenir l'instant, pour le photographier. Il situe non seulement les attitudes, les choses, les espaces, mais la lumière qui circule, et jusqu'à la respiration qui sourd de chaque être, de chaque objet. Geneviève ASSE Cette respiration avec son théâtre : l'espace; et ses parures : la lumière, est l'essentiel des sujets de Geneviève Asse (C.N.A.C.) qui a d'abord tenté une approche toute de lenteur, de douceur, des objets les plus simples. On évoquait, alors, Morandi, Chardin. Peu à peu, ce qui était identifiable dans sa peinture s'est fondu dans le milieu ambiant. Il ne reste plus, suspendue en extase, que cette lumière, que, d'un pinceau lancinant, subtil et sensible, à la limite du vide, elle retient, avant le néant promis.

HELION Si, aujourd'hui, pour la majorité des esprits avertis il n'existe plus d'antagonisme fondamental entre l'abstraction et la figuration il n'en fut pas toujours ainsi durant les premières décennies de l'abstraction (de 1910 à 1950). A tel point que certains artistes conscients de la vanité et de la fragilité de telles frontières durent jouer le jeu des groupemènts, des scissions, des manifestes pour imposer un langage dont la nouveauté effrayait. Il en est ainsi pour Hélion dont la rétrospective au Grand Palais confirme quel grand peintre il est dans 'sa farouche solitude. Abstrait avant de retrouver le monde de la réalité mais en fait toujours identique à lui-même : voyant. Dans le sens de la synthèse il a d'abord choisi les signes géométriques mais épris de la vie il a voulu à l'intérieur même du langage de la rigueur donner un sens humain, une dimension charnelle à ce qui n'aurait été (et qui fut chez d'autres) que cryptogrammes morts. La vie la plus ordinaire affluant dans son œuvre i'I a su garder toute sa lucidité d'homme qui affronte la ville, les objets, les visages et même l'histoire. Il devient témoin. Non pas au sens artificiel donné à ce terme pour ceux qui jouent avec les apparences de l'époque mais dans le sens de la profondeur du vécu, de l'amour.

CHARBONNIER D'une facture minutieuse, descriptive mais subtile et inventive, dans l'énumération des détails, la peinture de Charbonnier développe des paysages qui ont le charme prenant des • fonds. des primitifs. Les architectures y sont grêles, comme de fragiles et provisoires décors. Mais le Ipeintre choisi de préférence l'univers contemporain des H.L.M. où le rythme fusant de leurs hautes silhouettes joue délicatement avec le délié nerveux des ramures des arbres. (Galerie ViIland-Galanis) .

La Quinzaine Uttéraire, du 16 au 31 décembre 1970

GARCIA-MULET Sa franchise graphique organise des rythmes horizontaux, tumultueux dans leurs enchevêtrements, ou verticaux, et qui, tantôt bouchent l'espace de leurs nerveux, durs et rapides changements de rythmes, tantôt dressent de fougueuses croissances, mi-humaines mi-végétales : figures de sauvages et primitives mythologies, qui trouvent, là. un accent nouveau. (Galerie Le Soleil dans la tête). Jean-Jacques Lévêque

INFORMATIONS Une rétrospective d'Alberto MAGNELLI a lieu au Musée des Beaux-Arts de Nantes, faisant suite à une importante exposition des œuvres anciennes et récentes de Paul DELTOMBE. Le Salon LE TRAIT qui se, tient. aux Halles, pavi'lIon XI, rue Plerre-Lescot, Jusqu'au 31 décembre, ne com~orte uniquement que des gravures ORIGI· NALES. Cinq peintres de tendances diverses exposent galerie RoI' Volmar (rue de Bourgogne) : AYOT-VEZY, T.J. JERVIS, M. MATSAKIS; J. MONNIER et GLEIZES-BOBIN. Jusqu'au 9 janvier:, exposition de la «Réalité onirique. chez Jacques MASSOL, avec Michel BLUM, GROBETV, JOUSSElIN, J.M. MARTIN et PROWELLER. Le coloriste Karl BRUCHHAUSER et le sculpteur Rudolf Christian BAISCH exposent galerie Mouffe. Le Roue, rue Grégoire-de-Tours présente les œuvres de ABBOUD, HESS, KARSKAYA, LACOSTE, SCHULTZE, et SOUCHARD chez Knoll International rue Vital-Garles à Bordeaux. A l'occasion des «Ballets de l'Opéra de Paris. au Théâtre des ChampsE'lysées, une collection d'Œuvres Intitulées « IMAGES de la DAN8'E. d'lise VOIGT, sera présentée du 21 décembre au 20 Janvier au Foyer du Théâtre des Champs-Elysées.

Communiqué GALERIE·LlBRAIRIE JOSIE PERON

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Trad. du russe par Un livre d'une rare A. Bloch et violence, qui a fait N. Beznikoff l'objet de nombreuses Introduction mesures d'interdiction d'Ho Zamoyska dans les pays • Roger Laporte Gallimard, 296 p., 24 F anglo-saxons et que Fugue Un recueil de nouvelles d'aucuns tiennent pour Gallimard, 176 p., 14 F une des œuvres dues à un des auteurs Un récit où l'auteur majeures de notre russes les plus célèbres d' • Une voix de fin époque. avant 1917 et qui, silence - poursuit après une longue sa rE;j::herche sur période d'oubli, • Nivaria Tejera l'expérience de l'écriture retrouve aujourd'hui (voirie n° 45 Somnambule du un regain d'intérêt. soleil de la Quinzaine). Trad. de l'espagnol par Adélaïde Blasquez Jean Yvane Milan Kundera Coll. • Lettres Les pèlerines Risibles amours Nouvelles Denoël, 208 p., 14 F Trad. du tchèque Denoël, 256 p., 23 F Par l'auteur d' • Un par François Kérel Un vaste poème de la cow-boy en exi'l Gallimard, 232 p., 20 F non-communication et (voir le n° 82 Un recueil de nouvelles, de l'absurdité du monde. de la Quinzaine). écrites entre 1963 et 1969, par l'auteur de • Paul Ritchie • La Plaisanterie Le protagoniste (voir le n° 60 ROMANS Trad. de l'anglais de la Quinzaine). par René Daillie ETRANGERS • Lettres Nouvelles .Hubert Selby Denoël, 288 p., 23 F Last exit to Brooklyn Un roman qui a pour • Léonid Andréev Trad. de l'américain cadre une pauvre Les 'sept pendus et par J. Colza maison meublée de autres récits A. Michel, 312 p., 27 F l'Angleterre industrielle, • Choses de la vie -, une histoire de marinspêcheurs bretons.

ROMANS FRANÇAIS • Antoine Blondin Monsieur Jadis ou l'école' du soir Table Ronde, 240 p., 19 F Par l'auteur de • L'humeur vagabonde et d' • Un singe en hiver-. Maurice Cury Sur la route de Salina Denoël, 192 p., 12 F Le roman dont l'adaptation cinématographique passe actuellement sur les écrans parisiens. Paul Guimard Les cousins de « La Constance » Denoël, 232 p., 13 F Par l'auteur des

où l'arrivée d'un • étranger - va servir de révélateur.

POESIE Jean.Luc Dejean La feuille à l'envers Gallimard, 192 p., 18 F. Jean-Paul Klee L'Eté éternel Préface de C. Vigée Dessin de C. Claus Ed. Chambelland, 75 p., 15 F. Patrice de La Tour du Pin Une 'lutte pour la vie Gallimard, 328 p., 28 F Un ensemble de poèmes d'inspiration religieuse ou profane qui alternent avec des lettres. Kouo Mo-Jo Poèmes Anthologie traduite

du chinois, présentée et annotée, par M. loi Gallimard, 152 p., 21,25 F Quatre poètes portugais Camoes, Cesario Verde, Mario de Carneiro, Fernando Pessoa Traduction et présentation par S. de Mello Breyner P.U.F., 340 p., 15 F.

REEDITIONS .CLASSIQUES Charles Cros Tristan Corbière Œuvres complètes Editions établies par Louis Forestier et Pierre Olivier Walzer avec la collaboration de Francis F. Burch pour la correspondance de Tristan Corbière • Bibliothèque de la Pléiade Gallimard, 1 512 p., 60 F.

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CRITIQUE HISTOIRE LITTERAIRE Princesse Bibesco Au bal avec Marcel Proust Cahiers Marcel Proust n° 2 Gallimard, 144 p., 7 F Réédition d'un livre devenu depuis 101"~temps

illtrouvable.

Serge Béhar L'univers médical de Proust Cahiers Marcel Proust n° 1 Gallimard, 256 p., 24 F Une étude qui s'efforce de montrer que la maladie et la médecine sont un des ressorts principaux de l'art proustien. Léon Cellier Baudelaire et Hugo José Corti, 288 p., 32 F Une étude rigoureusement documentée sur les rapports de Hugo et Baudelaire. Michel Dassonville Ronsard, étude historique et littéraire Tome Il : A la conquête de la Toison d'Or 1545-1550 Librairie Droz, 210 p., 49,50 F Le deuxième volume d'une série qui en comprendra quatre et dont le premier évoquait les • Enfances de Ronsard. F.E. Dorenlot Malraux ou l'unité de pensée Gallimard, 320 p., 24 F Une relecture de Malraux qui met l'accent sur l'unité profonde d'une œuvre apparemment multiple. Entretiens sur la paralittérature Sous la direction de N. Arnaud, F. Lacassin et J. Torel Plon, 475 p., 38 F Travaux de la .Décade tenue au Centre Culturel International de Cérisy en septembre 1967. Jean Gattégno Lewis Carroll José Corti, 400 p., 50 F Une étude remarquable sur l'homme et sur l'œuvre.

La littérature sous la direction de Bernard Gros • Coll.• Comprendre savoir - agir. Denoël, 544 p., 47,50 F A la fois un dictionnaire, avec plus de 400 biographies, et un traité, avec 10 articles faisant le point sur tous les genres littéraires. Alain Virmaux Antonin Artaud

et le théâtre 50 illustrations Coll. • L'archipel. Seghers, 400 p., 43 F Une étude approfondie de l'œuvre d'Artaud et de ses rapports avec le théâtre.

Une analyse approfondie de la psychologie des jeunes et de ses manifestations extérieures dans notre société.

Trad., introductions et notes de J. Ponnier Ed. Ducros, 370 p., 32 F. Emile Namer La philosophie italienne Seghers, 312 p., 22 F Un panorama complet de la philosophie italienne dans sa diversité et dans sa continuité.

PHILOSOPHIE PSYCHOLOGIE SOCIOLOGIE

Ernst Cassirer

La philosophie des Jean Barbé Emotion, angoisse et maladie Une longue route Editions E.S.F., 128p.,20F L'homme, animal affectif voué à l'émotion et à ses manifestations pathologiques. Georges Bastin Dictionnaire de la psychologie sexuelle Ch. Dessart éd., 408 p., 28,70 F Un répertoire des termes et des concepts les plus importants de la sexologie. Michel Gauquelin Connaître les autres Coll .• Comprendre, savoir, agir. Denoël, 256 p., 28,50 F Un bilan des différentes voies de connaissance des autres, sous leurs aspects empiriques et scientifiques. Maryse Choisy La guerre des sexes Edition Spéciale, 288 p., 22 f Un ouvrage sur la sexologie féminine qui entend donner des bases solides à l'actuel mouvement d'émancipation féminin. MA et J. Guilhot L'équilibre du couple Editions E.S.F., 172 p., 24 F L'avenir du couple et celui de la famil-le dans notre société en évolution. C. Lacoste-Dujardin Le conte Kabyle Maspero, 536 p., 32,70 F Une étude ethnologique . qui s'effl'rce • d'appréhender une société à travers son expression culturelle •. Dinopriglia ReqUiem pour papa Editions E.S.F. 158 p., 20 F

La QuIDzaI.oe UttUaire, du 16 au 31 décembre 1970

Lumières Trad. de l'allemand et présenté par Pierre Quillet Fayard, 352 p., 28 F Réimpression de l'ouvrage fondamental du philosophe allemand (voir le n° 8 de la Quinzaine) •

Maurice Nédoncelle Explorations personnalistes Aubier-Montaigne, 304 p., 39 F Recueil de textes, devenus difficilement accessibles et choisis parmi les travaux d'ordre philosophique.

Ciree Méthodologie de l'imagination Textes réunis et présentés par Jean Burgos Lettres Modernes, Cahiers du Centre de recherche sur l'imaginaire, 350 p., 35 F.

ESSAIS

E. Bonnefous L'homme ou la nature ? Préface de J. Rostand Hachette, 464 p., 28 F Un inventaire des dangers qui menacent l'humanité et un ensemble de solutions concrètes pour les conjurer.

Keith Gore L'idée du progrès dans la pensée de Renan A-G. Nizet éd., 320 p., 32,25 F. • C.1. Gouliane Hegel ou la philosophie de la crise Trad. du roumain par Jean Herdan Payot, 450 p., 42,60 F Par le directeur de l'Institut 'de philosophie de Bucarest. Jacques Henriot La condition volontaire Eléments pour une phénoménologie de la praxis Nauwelaerts, 308 p., 67 F Une étude qui a pour objet le vouloir comme forme phénoménale de la praxis. Henri Lefebvre La fin de l'histoire Epilégomènes Editions de Minuit, 235 p., 20 F Un prolongement méta-philosophique à la réflexion de Hegel, Marx et Nietzsche sur la fin de l'historicité. Karl Marx Différence de fa philosophie de la nature chez Démocrite et Eplcure

André Breton Perspective cavalière Texte établi par Marguerite Bonnet 8 pl. hors texte Gallimard, 252 p., 20 F (Voir le n° 104 de la Quinzaine) • Arkon Daraul Les sociétés secrètes Trad. de l'anglais par F. Menetrier Planète, 320 p., 29 F Une vaste enquête sur les croyances, les rites et les symboles des sociétés secrètes d'hier et d'aujourd'hui. Ph. d'Iribarne La science et le prince Denoël, 368 p., 26 F Les relations de la science et du pouvoir dans une démocratie digne de ce nom. VassHy Kandinsky Ecrits complets Coll.• MédiationsGonthler. Edition établie par Philippe 'Sers Denoël, 408 p., 49 F Un recueil d'études, essais, articles et notes de cours d'un des

principaux fondateurs de l'art abstrait. Pierre Maugué Le particularisme alsacien (1918-1967) 1 carte hors texte ·Presses d'Europe, 264 p., 24 F Le premier volume d'une collection intitulée • Régions. et cOl)sacrée aux régions fïançaises et europé<;nnes qui possèdent une personnalité marquée. Louis Pauwels Jacques Bergier L'homme éternel Gallimard, 360 p., 27 F Une remise en question des énigmes de l'univers qui redonne à la puissance du rêve une certaine valeur dans le monde technique et scientifique. Jean Rostand Quelques discours, de 1964 à 1968 Club Humaniste éd., 168 p., 15 F D'Hiroshima à la Lune. Robert Tocquet Meilleurs que les hommes Nombreux dessins et photographies Edition Spéciale, 224 p., 24 F Une étude sur les sociétés végétales et animales qui rompt résolument en visière avec les théories traditionnelles. Louise de Vilmorin Carnets Gallimard, 136 p., 20 F Un recueil de pensées, d'aphorismes, de confidences et de courts récits dans la tradition des moralistes français.

HISTOIRE

Florimond Bonte Le chemin de l'honneur Editions Sociales, 364 p., 22,50 F Les députés communistes pendant la • drôle de guerre. et la Résistance. Robert Boutruche Seigneurie et féodalité Tome Il : L'apogée XIe et XIIIe siècles Aubier-Montaigne. 550 p., 42 F Le tome 1 de cet

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en Europe dans les années 1378 à 1382.

ouvrage était paru en 1959 et avait été réédité en 1968. • Raymond Cartier L'Histoire mondiale de l'après-guerre Tome 2 : 1953-1965. De la guerre froide à l'assassinat de Kennedy 350 documents en noir et en couleurs, cartes Presses de la Cité, 432 p., 123,80 Fies 2 vol. Jacques Desmarest Evolution de la France contemporaine La France de 1870 Hachette. 424 p., 40 E Une étude qui s'efforce de comprendre les raisons pour lesquelles notre pays est passé du premier rang à l'état de puissance secondaire. François Dornic La France de Louis XIV Coll. • Histoire de la France. Denoël, 256 p., 35 F Une étude qui se situe à trois niveaux successifs : celui des événements, celui de .l'histoire des structures. et celui des hommes et des idées. ,Marcel Dupont Napoléon et la trahison des maréchaux Nombr. illustrations Hachette, 256 p., 30 F L'attitude des maréchaux créés par Napoléon au moment de l'écrou1ement de l'Empire.

Mouvements populaires et sociétés secrètes en Chine aux XIX' et XX' siècles Ouvrage collectif préparé par J Chesneaux, F. Davis et N. Nguyet Ho Maspero, 496 p., 60 F Un travail de recherche s'étendant sur deux siècles d'histoire du peuple chinois.

POLITIQUE ECONOMIE

John K. Galbraith L'ère de l'opulence Calmann-Lévy, • 344 p., 24 F Réédition, revue et mise à jour par l'auteur. d'un ouvrage publié en 1961 et considéré comme un classique. Brigitte Gros 4 heures de transport par jour Présentation de Roger' Priouret Denoël, 192 p., 14 F Par une des cinq femmes maires d'une ville de plus de cinq mille habitants, un cri d'alarme sur le problème des transports dans la région parisienne. Georges Fischer José Rizal, Philippin (1861.1896) Un aspect du nationalisme moderne Maspero, 128 p., 11,80 F L'action et les conceptions politiques d'un héros de l'Indépendance des Philippines.

Histoire de la France Ouvrage collectif sous la direction de G. Duby Tome 1 : Naissance d'une nation (des origines à 1348) Généalogie, chronologie, bibliographie et index Larousse, Celso Furtado 3 vol., 1200 p., Les Etats-Unis et le prix de souscription : sous-développement de 399 F .•.l'Amérique Latine Une explication très Calmann-Lévy, nouvelle de l'Histoire 280 p., 23,40 F de France à travers Par l'ancien ministre celle des Français. brésilien de la planification dans le gouvernement Goulart. Michel Mollat Philippe Wolff Ongles bleus, Nguyen Khac Vien Jacques et Ciompi Expériences Calmann-Lévy, vietnamiennes • 336 p., 24 F Editions Sociales, Un tableau d'ensemble 272 p., 22,50 F ' synthétique et La leçon de la comparatif, des divers résistance vietnamienne types de conflits pour les nations en lutte sociaux qui éclatèrent pour leur indépendance.

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Michael towy La théorie de fa révolution chez le jeune Marx Maspero, 128 p., 14,80 F Une analyse marxiste de la genèse du marxisme. Ernest Mandel Anthologie du contrôle ouvrier Maspero, 440 p., 18,10 F Une anthologie des différentes expériences de contrôle ouvrier qui ont été faites en France et en d'autres pays. Gilbert Mury Albanie, terre de l'homme nouveau Maspero, 186 p.• 14,80 F Le seul pays d'Europe dont les dirigeants se réclament publiquement de Staline et de Mao. Nicos Poulantzas Fascisme et dictature La 1... Internationale face au fascisme Maspero, 400 p., 23,70 F Une question d'une brûlante actualité à l'heure où l'impérialisme traverse, sur le plan mondial, une crise profonde. Harrison Salisbury Chine U.R.S.S. La guerre inévitable Trad. de l'américain par Max Roth 16 documents h. t. et 2 cartes A. Michel, 344 p., 24 F Par l'auteur des • 900 jours " une analyse fort pessimiste des relations entre l'Union Soviétique et la Chine. Turgot Ecrits économiques Préface de B. Cazes Série • Fondateurs de l'économie· Calmann-Lévy, 392 p., 19,20 F. Monique Vernhes Jean Bloch Pour la Guadeloupe indépendante Maspero, 60 p., 3 F Une dénonciation de toutes les guerres coloniales françaises à travers l'histoire exemplaire de la Guadeloupe.

DOCUMENTS Andreï Amalrik Voyage Involontaire en Sibérie Trad. du russe par Hélène Chatelain Gallimard, 296 p., 28 F (voir ce .n°, p. 3)

Ph. Huisman M. Jallut Marie-Antoinette «L'impossible bonheur • 160 i11. en couleurs 100 i11. en noir 4 hors-texte Vilo, 246 p.• 110 F La vie quotidienne de Marie-Antoinette reconstituée à travers les livres, les meubles, les objets d'art qu'elle aimait. Le grand atlas mondial 400 documents en couleurs Vilo, 270 p., 108 F Une somme des connaissances actuelles en matière de géographie humaine, , économique et physique. Erika Runge Femmes de notre temps Trad. de l'allemand par Léa Marcou Coll. • En direct. Mercure de France. 304 p., 19,50 F Dix-sept entretiens au magnétophone, avec des femmes allemandes de tous âges et de toutes conditions, sur leurs problèmes quotidiens.

Jacques Le Marquet L'Ile des Pommes Gallimard, 304 p., 22 F Une pièce au thème original et poétique et dont l'architecture évoque l'expérience de Xénakis dans le domaine de ·Ia musique. Romain Rolland Les tragédies de ta fol Saint louis • Aert • Le temps viendra A. Michel, 296 p., 19 F Trois drames écrits par l'auteur de • JeanChristophe, dans les dernières années du siècle dernier.

ARTS URBANISME

Noël Simon Paul Géroudet Les survivants S.O.S. pour 48 animaux 48 aquarelles 37 dessins Vilo, 280 p., 80 F A la fois un ouvrage de documentation et un cri d'alarme en faveur des espèces animales menacées de disparition. Louis Souchon Accusé. taisez·vous Préface de F. Pottecher Table Ronde, 260 p., 18 F Un document inattendu, sur l'affaire Ben Barka, par un de ses participants, condamné par la suite à six ans de détention.

THEATRE

Jean Anouilh Ne réveillez pas Madame Table Ronde, 216 p., 13,50 F La nouvelle pièce d'Anouilh, jouée actuellement à la Comédie des Champs-Elysées.

Robert Cornevin Théâtre en Afrique Noire et à Madagascar Nombr. illustrations ,Le livre Africain éd., 336 p.• 32 F Un bilan du théâtre d'hier et d'aujourd'hui en Afrique Noire et li Madagascar, par un historien et un ethnologue.

Anquetin De l'art Texte établi et annoté par Camille Versini sur les manuscrits de l'auteur 45 i11. hors texte 128 dessins in texte Nlles Editions Latines, 628 p., 70 F Mort en 1932, Anquetin fut l'ami de ToulouseLautrec, Van Gogh. Signac, Sisley, Pissarro, Renoir. Pierre Gassier Juliet-Wilson Goya, sa vie, son œuvre 48 pl. couleurs 200 i11. en noir 1 780 documents Vilo, 400 p., 250 F Un somptueux ouvrage dont la documentation constitue le catalogue complet de l'œuvre du peintre. W. Lam Dessins Préface d'Y. Taillandier 8 p. d'hors-texte en coul. Denoël, 112 p., 140 F Un grand peintre contemporain, venu du surréalisme.

Les merveilles du Louvre Préface d'A. Parrot 220 ill. en noir et 125 en couleurs Hachette, 316 p .• 120 F Un choix des chefs-d'œuvre du Louvre destiné au visiteur de 1970. G. Lilliu H. Schubart Civilisations anciennes du bassin méditerranéen Corse, Sardaigne, Baléares. les Ibères Préface de J. Thimme Traduit de l'allemand par M. Massiani et P. Wirth 43 pl. couleurs, 52 dessins in texte. 5 cartes, 26 photographies Coll. • l'art dans le monde. A. Michel. 256 p., 52,40 F Une étude qui éclaire d'un jour nouveau l'histoire de ces civilisations méconnues parce que marginales. Permerke Texte par R. Avermaete 150 ill. en noir et blanc, 100 quadrichromies Ed. Arcades. diff. Garnier, 385 p., 300 F. Un grand peintre belge, qui a apporté entre ·les deux guer.res, une conception totalement rénovée de l'art. Pierre Seghers Jacques Charpier L'art de la peinture 24 illustrations Seghers, 728 p., 45 F Une anthologie commentée des textes essentiels des peintres, critiques et théoriciens de l'Art Réédition.

RELIGIONS SCIENCES OCCULTES

Robert Claude Le converti de Damas Casterman/Coli. • Adolescent qui es-tu ?, Une perspective pour le chrétien d'aujourd'hui, à travers la doctrine apostolique de saint Paul. Marce'l Hertsens Sagesse éternelle de la Chine Avec la collaboration de M .-1. Bergeron


Uvres publiés du 20 nov. au 5 déc. Le Centurion, 290 p., 38,70 F Les grands textes du confucianisme et du taoïsme.

Nathan, 160 p., 18,50 F Un périple à la fois touristique, historique et géographique au pays des Esquimaux.

Histoire des religions Tome 1 : Religions antiques • Religions de salut (Inde et Extrême-Orient) sous la dlrectlol\ d.'H.-Ch. Puech 26 cartes et Illustrations • Encyclopédie de La Pléiade Gallimard, 1 528 p., 79 F.

Ada Bon Les cuisines régionales d'Italie Nombr. Illustrations Denoël, 292 p., 87 F Un voyage gastronomique et pittoresque à travers les provinces Italiennes

René Marié La singularité chrétienne Casterman, 184 p., 15 F Un essai qui s'efforce de trouver des solutions concrètes aux problèmes qui dominent actuellement la théologie. Jacques Maritain De l'Eglise du Christ Desclée de Brouwer, 428 p., 27,50 F La personne de l'Eglise et son personnel. Eyrenée Phllalethe L'entrée ouverte au palais fermé du roi Coll. • Bibliotheca Hermetica Denoël, 320 p. Un classique de \a littérature alchimique. Albert schweitzer Vivre Dix-huit sermons traduits de l'allemand par M. Horst Préface de Georges Marchal ·Postface d'U. Neuenschwander A. Michel, 232 p., 19 F Les sermons prononcés à Strasbourg par A. Schweitzer du temps de son pastorat. P.-P. Verbraken Les pères de l'Eglise PanonHna patristique Ed. de l'Epi, 120 p., 14 F Une introduction à l'œuvre des Pères de l'Eglise.

Georges Peeters Pleins feux sur les rings Un hors-texte Préface de Maurice Chevalier Table Ronde, 256 p., 18,50 F Par un grand spécialiste français de ia boxe. Pierre Boulanger Guide des cavernes touristiques de France Préface de N. Casteret 27 III. hors texte Nlles Editions Latines, 260 p., 24 F A la découverte de 136 grottes présentées par ordre alphabétique. Philippe Couderc Guide de la bonne cave Ed. de la Table Ronde, 424 p., 30 F Un florilège de ce que la gamme étendue des vins de notre pays peut offr.ir à • l'honnête homme -. Paula Delsol La météorologie populaire Mercure de France, 160 p., 15 F Un guide pratique magnifiquement illustré. Jacques Falzant C'est ouvert Denoël, t28 p., 12 F Un savoureux voyage polltico-humoristique.

HUMOUR VOYAGES DIVERS

irène Karsenty Le livre de la cuisine alpine Denoël, 292 p. Un ensemble de recettes muitinationalesquoique propres au massif alpin.

Jean-Claude Berrier Alaska, splendeUr sauvage Coll. • Pays et Cités d'Art •

L'art érotique (voluptés sensuelles) L'Or du Temps, 97 p., 19 F Fac-similé d'un catalogue de vente par

correspondance publié entre 1900 et 1907 et proposant aux acheteurs des photos, des livres et des objets érotiques. J. Lyon L.-P. Serenl La forme physique pour tous Nombr. photographies Denoël, 224 p., 33 F Par une journaliste spécialisée dans l'information médicale et un kinésithérapeute.

POCHE LITTERATURE

Ray Bradbury Je chante le corps électrique Trad. de l'anglais par Jane Fllllon Denoël/Présence du Futur. Félix de Caroline pour les Livre de

Chazournes ou le départ îles Poche.

Mérimée Colombe Garnier/Flammarion J.B. Priestley Soudain une ville Bilingue AubierFlammarion. Stefan Wul Niourk Denoël/Présence du futur.

POESIE

Abdellatif Laâbi La poésie palestinienne de combat Pierre Jean Oswald/ La poésie des pays arabes ·La première anthologie de la poésie de la résistance palestinienne. Noureddine Aba Montjoie Palestine 1 Pierre Jean. Oswald/ Théâtre Africain Un poète algérien réagit à la guerre des Six Jours.

La Quinzaine Uttéralre, du 16 au 31 décembre 1970

Edward Bond Demain la veNle Adaptation française d'Eric Kahane Gallimard/Théâtre du monde entier La pièce représentée actuellement au T.N.P. René Kallsky Skandalon Gallimard/Le Manteau d'Arlequin Un drame cycliste inspiré librement par la carrière du champion Coppi. Georges Michel Un petit nid d'amour Gallimard/Le Manteau d'Arlequin Par l'auteur des • Jouets - et des • Aventures d'un laveur de carreaux -. Peter Nlchols Un Jour dans la mort de Joe Egg Adapté de l'anglais par Claude Roy Gallimard/Du monde entier Cette pièce a été créée en novembre 1969 au Théâtre de la GaîtéMontparnasse.

ESSAIS

René Clair Cinéma d'hIer, cinéma d'aujourd'hui Gallimard/Idées.

INEDITS

Philippe d'Arcy Hoéné Wronskl Seghers/Philosophes de tous les temps Une étonnante figure et une œuvre Insolite (1776-1853) . Jean Cohen Sexualité Inhabituelle Casterman/Vie affective et sexuelle Une étude due à un médecin sur les anomalies sexuelles. C. CruIse O'Brien Albert Camus Seghers/Les Maîtres modernes Le premier volume de cette nouvelle collection consacrée aux principaux représentants dela pensée contemporaine. Francis Dauguet Le loisir Casterman/Enfance, Education, Enseignement Loisir ou liberté d'être. Yves Deforge· L'éducation . technologique Casterman/Enfance, Education, Enseignement Claude-Henri Frèches La littérature portugaise Oue sais-je? Alice Gérard

Lucien Fèbvre Philippe Il et la Franche-Comté Flammarion/Science. Daniel' Guérin Ni dieu, ni maître Petite Collection Maspero. Le Coran Garnier/Flammarion. Louise Michel La Cormriune Histoire et souvenirs En appendice, le procès de Louise Michel Petite Collection Maspero. Emile Zola Mon saion • Manet Garnier/Flammarion.

La révolution française Mythes et Interprétations 1789-1970 Flammarion/Ouestlons d'histoire En marge de la Révolution française, une autre histoire qui, dès l'origine se développe parallèlement: celle de "Idée que l'on s'en fait. Léon Homo Les InStitutions politiques romaines A. Michel/L'évolution de l'humanité Les différentes phases d'une évolution qui procédait,. malgré les apparences, d'une logique interne impérieuse. Maurice Joyeux L'anarchie et la

révolte de la Jeuneue Casterman/Mutatlons Orientations Par l'un des leaders du mouvement anarchiste, le mouvement libertaire repensé à la lumière des événements de mal 1968. Jacqueline lévi-Valensi Camus Garnier/Critiques de notre temps Camus vu par ses contemporains et éclairé par un choix de textes. Denis Marion André Malraux Seghers/Cinéma d'aujourd'hui Une critique de l'œuvre filmée d'André Malraux, et notamment de • L'espoir -, par un de ceux qui participèrent au tournage de ce film pendant la guerre d'Espagne. Jean Ormezzano Jeunesse à deux Càsterman/Vle affective et sexuelle • L'Itinéraire d'une nouvelle carte du Tendre, laquelle ne conduit pas toujours au marlage-. David Pears Wittgenstein Seghers/Les maîtres modernes L'un des plus éminents représentants du positivisme logique de l'Ecole de Vienne. G. Petlt-Dutaillis Les communes françaises A. Mlchel.L'évolution de l'hûmanlté Une histoire vivante du Moyen Age, qui explique les racines lointaines· de faits politiques actuels. Pierre Schaeffer L'avenir à reculons Casterman/Mutatlons Orientations Un livre à contrecourant des lieux communs qui circulent actuellement en matière de prospective: Znnie Ubersfeld Armand Salacrou Seghers-Théâtre de tous les temps Le bilan d'une œuvre riche en contradictions.

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Collection Témoins/Gallimard

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Vincent Auriol

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TROIS GÉNÉRATIONS ~

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