Luc Apers
Le Professionnel Du close-up à la scène
Luc Apers
Le Professionnel Du close-up à la scène
Illustré par Rob de Schutter
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L.122-5 (2° et 3° a), d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Responsable d’édition, composition et mise en pages : Frantz Réjasse. Création de couverture : Sarah Métais. Photos de couverture : Franky Claeys. Relecture et correction : Ludovic Gorges et Jean Valsen. www.cc-editions.fr www.livres-de-magie.com Version française : © C.C. Éditions et Luc Apers – Septembre 2013. ISBN 978-2-914983-53-2
Sommaire
La pièce à travers la poche.................................................................................. 9 Chinese Silver.................................................................................................... 13 The Coin Entertainer........................................................................................ 19 La fiche technique............................................................................................. 25 Oscar.................................................................................................................. 29 Les conditions fermées...................................................................................... 33 Production invisible........................................................................................... 37 Pomme pomme................................................................................................. 43 Le choix des tours.............................................................................................. 51 La poche belge................................................................................................... 53 La poche égyptienne.......................................................................................... 61 La clarté............................................................................................................. 67 Les canifs........................................................................................................... 69 Écrire.................................................................................................................. 75 Bonus / Malus.................................................................................................... 77 Un oui pour un non........................................................................................... 81 Le cigare . .......................................................................................................... 83 Supprimer.......................................................................................................... 89 La carte au couteau............................................................................................ 91 Le moment magique ?....................................................................................... 95 51 cartes dans la poche...................................................................................... 99 La bague dans l’étui de cartes.......................................................................... 107 Les salles de théâtre......................................................................................... 113 Ma routine de gobelets.................................................................................... 115 Conclusion....................................................................................................... 121
La fiche technique
J’aime bien le close-up. J’en ai fait beaucoup professionnellement : de table à table ou de groupe en groupe, avec plus ou moins de succès. Quand ça marchait moins bien, je me disais que le problème venait de moi, de ma technique, de mon choix de tours, de ma présentation. Alors, j’apprenais de nouvelles techniques, je cherchais d’autres tours, je suivais des cours de théâtre et j’essayais d’améliorer ma présence. Grâce à tous ces efforts, mon close-up s’améliorait. Ainsi, durant une dizaine d’années, j’avais affiné sept tours que je maîtrisais sur le bout des doigts. Et pourtant, malgré ces perfectionnements, le succès n’était pas toujours au rendez-vous. Parfois, un orchestre jouait tellement fort que j’arrivais à peine à me faire comprendre. À d’autres moments, je perdais toute l’attention car un « faux serveur » intervenait juste avant le dénouement de mon effet. Occasionnellement, j’étais engagé pour faire trois heures de close-up et je constatais à mon arrivée qu’il n’y avait que seize personnes assises à une longue table. La liste de mes petites expériences négatives est longue… Apparemment, le succès ne dépendait pas que de moi. En fait, je pense que plus je maîtrisais l’art du close-up, moins le succès dépendait de moi. Il dépendait des situations dans lesquelles je devais présenter mes tours. Et très souvent je trouvais ces situations frustrantes : car je n’y pouvais rien. Ce n’était pas de ma faute. Me semblait-il… 25
Luc Apers Que pouvais-je faire ? Devais-je m’adapter aux conditions ? Faire d’autres tours, parler plus fort, faire plus de gags, des choses plus visuelles ? Ce n’est pas ce que je voulais. J’aimais bien les petites choses raffinées. N’avais-je pas choisi ce métier parce que je ne voulais faire que ce qui me plaisait ? Et d’ailleurs, essayer de s’adapter à la situation, était-ce une garantie de succès ? Souvent, j’étais engagé avec d’autres animateurs, et ils semblaient tous avoir le même souci. Leur succès, comme le mien, dépendait des moments et de la situation. Parfois ils avaient un succès fou, souvent ils n’en avaient pas du tout. « Il y a l’artistique, et il y a l’alimentaire », me disaient-ils. Il fallait que j’accepte. Je ne voulais pas accepter. Ainsi, quand j’étais engagé par un agent, je prenais l’habitude de téléphoner directement au client quelques jours avant l’événement pour m’informer de son attente, du déroulement de la soirée, des conditions. Combien d’invités ? Combien de tables ? Y aura-t-il d’autres animations ? Un discours, un orchestre ? J’essayais de convenir avec lui des meilleurs moments pour mes passages. Dans certains cas, j’essayais de lui faire comprendre qu’en modifiant quelques détails dans l’organisation, ma prestation serait davantage mise en valeur : baisser le volume de la musique, changer le nombre de tables (les séparer), ne pas prévoir trop de gens par table. Et si c’était vraiment nécessaire, je préparais quelques tours en plus, adaptés à la situation. Souvent le client ne pouvait plus changer grand-chose, ou n’était pas prêt à faire l’effort. C’était à moi de m’adapter. En d’autres occasions, j’étais engagé par un agent qui refusait de donner le numéro de téléphone du client. De temps en temps, je me rendais compte que je n’aurais pas dû accepter le contrat : un barbecue dehors, un groupe de musiciens qui jouait en même temps que ma prestation, trop peu d’invités à animer pendant trois heures. Il était trop tard. Il aurait fallu que je communique les conditions favorables plus tôt. Le plus tôt possible. Lors du premier contact avec l’agent ou le client, à chaque offre de prix, et même encore avant : dans ma communication, sur mon site internet par exemple. Pour cela, il fallait d’abord définir ces conditions. Je les ai résumées dans une fiche technique : 26
Le Professionnel 1. Nombre de spectateurs : il faut au moins soixante personnes (debout) ou cinq tables. De toutes façons, quand le groupe est plus restreint, les invités regardent tous en même temps. Il est préférable, dans ce cas, d’organiser un spectacle de trente ou quarante-cinq minutes devant tout le monde. 2. Pas d’autres animations : l’artiste ne peut pas se produire en même temps que se déroule une autre activité qui demande de l’attention ou qui puisse distraire les gens. Ainsi, l’artiste n’intervient pas pendant que les gens mangent, ni pendant un discours. 3. Il est nécessaire que l’artiste puisse se faire comprendre. Une musique de fond ne pose pas de problème, au contraire, mais l’artiste devra s’arrêter si un orchestre joue trop fort ou si la soirée dansante commence. Je pourrais ajouter un grand nombre d’autres conditions, mais je crains que, s’il y en a trop, le client ne les lise pas ou les oublie. Je préfère être concis et clair. Aujourd’hui, la fiche technique est devenue pour moi une évidence, même pour les animations : nous pratiquons une discipline artistique, qui est conçue pour certaines situations. C’est à nous de les définir et de les communiquer au client avant la signature du contrat. Plus jamais je n’accepterai un contrat, que ce soit pour un spectacle de rue, de scène ou une animation, sans avoir obtenu un accord préalable sur les conditions techniques. Que faire si vous recevez une demande pour une prestation dans de mauvaises conditions et que le client ne peut pas, ou ne veut pas, changer ? À vous de voir, mais n’ayez pas peur de renoncer. Oui, à court terme, vous perdrez de « l’alimentaire ». Mais vous gagnerez en artistique, en respect et en cachet à long terme.
Pomme pomme
Pour des raisons d’unité de style, je trouve qu’un jeu de cartes ne se marie pas bien avec un sac en papier. Je ressens mieux son association avec, par exemple, une pomme. En outre, une pomme étant plus volumineuse qu’un jeu de cartes, son apparition est plus forte. Dans la routine suivante, je fais d’abord apparaître une pomme. Ensuite je la vends pour vingt euros. Je déchire le billet de vingt euros de l’acheteur et lui en rends la moitié. L’autre moitié disparaît et le spectateur la retrouve à l’intérieur de la pomme. Enfin, les deux moitiés du billet sont reconstituées en… deux billets de dix euros. Pendant des années, cette routine a été mon « petit numéro devant tout le monde » pour clore une soirée de close-up. La séquence est bien structurée, les effets sont forts et la présentation est humoristique. Que demander de plus ?
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L’apparition de la pomme L’apparition de la pomme est basée sur la technique de la routine précédente. Le fruit est tenu par un support fixé sur le pantalon au niveau de la poche arrière droite, sous la veste. J’ai fabriqué ce support avec un gros fil de fer (fig. 1). 43
Luc Apers Les manipulations pour charger la pomme dans le sac en papier sont les mêmes que celles pour charger le jeu de cartes, sauf que vous volez la pomme par dessous la veste. Après son apparition, remettez la pomme dans le sac, fermez-le et mettez-le de côté. Demandez un billet de vingt euros à un spectateur. Rangez-le en poche, prenez le sac contenant la pomme et donnez-le au spectateur. « Vendu ! » Ressortez le billet de la poche, déchirez-le en deux et rendez-en une moitié au spectateur. « Voilà. Dix euros de retour. » En réalité, vous n’avez pas déchiré le billet du spectateur, mais vous en avez sorti un autre que vous aviez un peu truqué avant le tour… Voyons comment… Préparation du billet Prenez deux billets de vingt euros, faces vers vous. Déchirez les deux billets plus ou moins au milieu, mais pas exactement au même endroit. La moitié gauche d’un billet doit être quelques millimètres plus longue que la moitié gauche de l’autre billet. Prenez la moitié gauche la plus longue. Mettez de la colle repositionable sur son côté droit (le côté déchiré). Prenez la moitié droite de l’autre billet (la moitié droite la plus longue) et collez son côté déchiré sur le côté déchiré de la moitié gauche du premier billet (fig. 2). 2
Ensemble, les deux moitiés collées ressemblent ainsi à un vrai billet, même de près. Placez ce billet, éventuellement plié en deux, dans votre poche. 44
Le Professionnel Quand vous recevez le billet de vingt euros d’un spectateur, mettezle en poche, sous le billet préparé. Après avoir donné la pomme au spectateur, allez chercher le billet préparé dans votre poche et déchirez-le en deux. En réalité, vous séparez les deux moitiés collées ensemble. Faites attention de ne pas réellement déchirer le billet : placez les doigts des deux mains devant le billet, les pouces derrière, près de la déchirure et séparez les deux moitiés, plutôt méticuleusement, faisant ainsi semblant de le déchirer bien droit et au milieu (fig. 3). 3
Ne séparez pas les deux moitiés complètement. Laissez-les collées ensemble par un petit bout. Tenez la moitié gauche du billet dans une main. L’autre moitié pend en dessous (fig. 4). 4
Demandez au spectateur de tenir cette moitié inférieure (la portion sans colle). Quand il la prend, tirez sur votre morceau, déchirant ainsi 45
Luc Apers le dernier petit bout. Le spectateur garde sa moitié, vous n’y toucherez plus. Cette façon de faire exclut l’éventualité d’un échange de morceau après avoir déchiré le billet. Préparation de la pomme Avant de commencer le tour, préparez la pomme de la manière suivante. Prenez la moitié complétant celle qui sera gardée par le spectateur. Pliez ce morceau en deux, puis roulez-le fermement pour former un petit tube. Percez un trou dans la pomme, au niveau du calice (c’est-à-dire la partie noire opposée au pédoncule). Le trou doit avoir le même diamètre que celui du demi-billet enroulé mais être d’une longueur supérieure à ce dernier, sans traverser complètement la pomme. Enfoncez le demibillet dans le trou que vous rebouchez ensuite avec quelques-un des petits morceaux de pomme. Ceux-ci sécheront et le trou sera quasiment invisible (fig. 5). 5
Disparition du billet Après avoir donné une moitié du billet au spectateur, il faut faire disparaître l’autre moitié. Plusieurs solutions sont possibles. Personnellement, je la brûle, après l’avoir échangée avec la moitié d’un billet en papier flash. Pour ce faire, il y a encore une petite préparation à effectuer. Prenez un billet en papier flash de vingt euros. Vous pouvez trouver ces billets dans les boutiques de magie . Déchirez le billet en deux et . Si vous n’avez pas de « billet flash », un simple morceau de papier flash vaguement colorié au crayon de couleur bleu fera parfaitement l’affaire. Ce bout de billet ne sera jamais vu en entier, il sera juste tenu plié un court instant au bout des doigts, et donc la différence avec un vrai billet sera imperceptible. (Note de l’éditeur.)
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Le Professionnel pliez une moitié en deux, puis en quatre et finalement en huit. Mettez ce morceau plié avec un briquet dans votre poche droite. Après avoir donné le sac contenant la pomme à son acheteur, vos deux mains vont dans les poches. La main gauche en sort le billet préparé, tandis que la main droite prend le billet flash plié à l’empalmage des doigts. Ensuite, avec le billet flash empalmé en main droite, « déchirez » les deux moitiés du billet préparé. Après avoir laissé une portion au spectateur, mettez l’autre partie dans la main droite, sur le morceau de billet flash plié. Reprenez ces deux morceaux avec la main gauche et 6 tenez le demi-billet verticalement. Le morceau de billet flash est caché derrière le morceau du vrai billet (fig. 6). Pliez la moitié du vrai billet en huit, en gardant le billet flash derrière elle. À la fin du pliage, retournez les deux morceaux pliés, de sorte que le billet flash se retrouve côté public et la moitié du vrai billet vers vous.
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Tenez les deux billets pliés alignés ensemble entre le pouce et les doigts de la main droite. Ce mouvement est similaire à celui utilisé pour le change classique du billet au faux pouce (100$ Bill Switch, popularisé par Mike Kozlowski). Le pouce droit tire ensuite la moitié qui est la plus près de vous (la moitié du vrai billet), pour la cacher derrière les doigts droits et pour permettre au billet flash d’être saisi par le bout des doigts gauches (fig. 7). 47
Luc Apers Dès que vous avez pris le morceau de billet flash avec la main gauche, le pouce droit positionne la moitié de billet qu’il tient cachée à l’empalmage supérieur des doigts. Cela vous permet éventuellement d’utiliser une subtilité Ramsay avant d’aller chercher le briquet dans votre poche droite (fig. 8). 8
Quand vous prenez le briquet, laissez la moitié pliée dans la poche. Allumez alors le morceau de billet flash tenu en main gauche : le billet disparaît aussitôt dans un éclair de feu… « Voulez-vous que je recommence ? Avez-vous un autre billet de vingt euros ? » Révélation du billet dans la pomme Faites venir près de vous le spectateur qui a le sac en papier. Demandezlui de l’ouvrir et de sortir la pomme. Donnez-lui un couteau et reprenez le sac en échange. Surtout ne touchez pas à la pomme. Expliquez au spectateur comment il doit couper la pomme : transversalement en deux moitiés, « sans couper à travers le milieu ». Cette dernière phrase fait rire les spectateurs, je ne sais pas très bien pourquoi. Reprenez le couteau et rangez-le. Invitez le participant à séparer les deux moitiés de la pomme. Attirez l’attention sur la présence de « quelque chose d’étrange » à l’intérieur. Demandez au spectateur de l’enlever. Pour se libérer les mains, il peut déposer les morceaux de pomme dans le sac en papier. Fermez ce dernier et mettez-le de côté. Le spectateur déplie le demi-billet, le compare avec l’autre moitié et confirme qu’il s’agit bien de la moitié correspondante. Miracle ! 48
Le Professionnel Reconstitution du billet Reprenez les deux morceaux de billet des mains du spectateur et invitez-le à regagner sa place, promettant de le rembourser plus tard. Pendant ce temps, chargez-vous secrètement d’un faux pouce contenant un billet entier de vingt euros (ou deux billets de dix euros). À l’aide du change classique de billets au faux pouce, vous pouvez maintenant reconstituer le billet de vingt euros ou transformer les deux moitiés en deux billets de dix euros. Plusieurs techniques pour réaliser ce change ont été publiées (voir par exemple 100$ Bill Switch, de Mike Kozlowski, ou Roger Klause In Concert, page 63). Ma méthode n’est pas différente de celles existantes. Pour échanger les deux moitiés contre deux billets de dix euros, la technique est identique mais la préparation est un peu différente. Alignez parfaitement les deux billets de dix euros l’un sur l’autre. Ensuite, pliezles ensemble en deux, de sorte que le côté droit des billets dépasse le côté gauche de quelques millimètres. Cela facilitera l’ouverture des deux billets pendant la routine. Le reste du pliage ne diffère pas du pliage classique d’un seul billet. Quand j’ai présenté cette routine pour la première fois, je craignais que le change final de billets soit un anti-climax par rapport au voyage du demi-billet dans la pomme. Le change classique l’est peut être, mais la transformation des deux moitiés en deux billets de dix euros est tellement inattendue, visuelle, voire comique, qu’elle a un très fort impact et plaît beaucoup aux spectateurs. Essayez vous-même, vous serez récompensé par un tonnerre d’applaudissements !
Le professionnel Créateur de plusieurs spectacles très appréciés du public, Luc Apers a fait de nombreuses apparitions à la radio et à la télévision belges, et sillonne la France depuis 2010 avec son spectacle, La Véritable Histoire de Paul Cres. Ce livre dévoile plusieurs facettes de son talent. Il propose quinze routines originales de son répertoire professionnel (cartes, pièces, canifs, bague, gobelets…), essentiellement dérivées de grands classiques, et pouvant pour la plupart être présentées en condition de close-up ou de scène. Outre ces effets, dont la plupart ne nécessitent qu’une préparation minimale, Luc Apers apporte ses réflexions au détour de neuf essais théoriques… mais éminemment pratiques ! Maîtrise des conditions de représentation, choix des tours, force de l’écriture, de la simplification et de la clarté, importance du moment magique, de la théâtralisation… Avec humilité et sincérité, l’auteur se livre à une véritable introspection, nous faisant part de ses tâtonnements sur ces questions et des réponses qu’il y a apportées. Une remise en question permanente qui lui vaut d’être reconnu aujourd’hui comme l’un des meilleurs artistes belges de sa génération. ISBN : 978-2-914983-53-2
Prix public TTC : 45,00 €