Collectoire 2014 promo by cc éditions

Mentalisme

Jean Merlin Magic History Day 2014

Le mentalisme

Ă&#x2030;ditions Le Collectoire

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Table des matières Introduction �� 9 Définition du mot « mentalisme » �� 11 Histoire de la seconde vue avant Robert-Houdin �� 13

La transmission de pensée dans l’Antiquité �� 14 La seconde vue moderne dans les textes arabes médiévaux �� 15 La seconde vue moderne en Europe à partir de la Renaissance �� 18 Les arguments d’Houdini contre Robert-Houdin : Breslaw et Pinetti 20 Robert-Houdin ou l’apogée de la seconde vue �� 23 Conclusion �� 24 Bibliographie indicative en français sur la transmission de pensée et l’hypnose �� 26

La seconde vue, de 1845 aux années 1930 �� 29

Robert-Houdin créateur de la double vue �� 29 Gandon le débineur �� 35 Le xxe siècle débute �� 60 Conclusion �� 74

Derren Brown �� 81 Petite biographie �� 82 7

Jean Merlin Magic History Day 2014

L’art de raconter des histoires magiques �� 87 La roulette russe �� 95

Le mentalisme au prisme de la Psychologie Sociale �� 121

Courte introduction anthropologique et symbolique �� 122 Le mentalisme : une classification �� 124 Position des magiciens par rapport aux phénomènes psychiques �� 128 Mentalisme et phénomènes psychiques : que peut en dire la psychologie ? �� 129 Zététique ? �� 129 Les effets du (manque de) contrôle �� 130 L’effet Barnum �� 131 Prophéties auto-réalisatrices �� 132 Des influences non conscientes �� 134 Recherches actuelles sur le mentalisme �� 138 Références �� 151

La journée du 31 mai 2014 comme si vous y étiez ! �� 159 La seconde vue de 1845 aux années 1920, par Didier Morax �� 160 Les Gilsons �� 166 La lecture de pensée avec Thierry Collet �� 170 Derren Brown, par Claude De Piante �� 173 L’hypnose de spectacle, par Romaric Hoffmann �� 176 L’hypnose au prisme de la psychologie sociale, par Pascal Morchain 179 Dominique Webb �� 182

Album photo �� 193

Introduction Le Collectoire

S’il est vrai que le mentalisme paraît nouveau aux yeux du grand public, il convient de rappeler que cette discipline nous vient de loin et que c’est plutôt sa forte médiatisation qui est nouvelle. Que ce soit par l’intermédiaire de la télévision (Gary Kurtz, Derren Brown, Viktor Vincent, la série The Mentalist) ou par Internet. Sujet fascinant, mystérieux, populaire, dérangeant, le mentalisme fait réagir : qui n’a jamais rêvé de posséder des capacités de double-vue ? Dans quelles mesures certains individus sont-ils capables de prédire les événements ? Est-il possible de deviner les pensées les plus profondes d’une tierce personne ? Au Collectoire, nous avons eu envie d’aborder cette thématique pour au moins deux raisons : • l’engouement actuel du mentalisme auprès des magiciens et du grand public ; • et son incroyable champ de recherches, d’analyse et d’application au quotidien. Si l’illusionnisme s’appuie, comme il est coutume de dire, sur une grande part de psychologie, c’est encore plus vrai avec le mentalisme. Non seulement 9

Jean Merlin Magic History Day 2014 par les différentes subtilités mêlant astuces physiques et mentales propres au tour de magie, mais aussi par l’atmosphère et l’environnement que le mentaliste crée autour de sa personne ou de l’expérience qu’il présente. Parce qu’il n’est plus question ici de parler de tour de magie, trop péjoratif, trop enfantin, trop réducteur, mais bien d’expérience. Si la plupart des artistes magiciens s’accordent à intégrer l’art du mentalisme à l’illusionnisme, l’inverse n’est pas toujours vrai. Aujourd’hui, le mentalisme tend à s’émanciper. Ainsi, il est courant de mélanger différentes notions psychologiques comme la programmation neuro-linguistique, la synergologie et autres analyses transactionnelles avec des pratiques plus conventionnelles chez les magiciens comme la misdirection ou encore le cold-reading. Le mentalisme devient de ce fait une discipline à part et il n’est pas rare qu’un mentaliste réfute totalement son appartenance au monde magique. Plus troublant encore : on voit aujourd’hui des individus évoluant dans le milieu de la thérapie, de la formation, se présenter comme mentalistes, c’est-à-dire ici une personne « qui développe son mental » en dehors de toute considération artistique. Il n’est pas de notre ressort de juger si l’orientation prise par certains praticiens ou artistes est bonne ou mauvaise. Tout au plus constatons-nous qu’un sujet revient souvent sur Internet ou ailleurs : le mentalisme est-il oui ou non une discipline artistique ? Ou est-ce plus ambigu ? Les mentalistes sont-ils, oui ou non, des illusionnistes ? Évidemment, il serait vain d’essayer de mettre tout le monde d’accord. Cependant, notre volonté étant de clarifier l’histoire et la culture magique, il nous est apparu nécessaire de nous interroger sur les origines du mentalisme d’un point de vue lexical et pratique. Jusqu’où pouvons-nous remonter ? Il aurait été trop compliqué d’aborder dans un seul ouvrage, qui se veut une synthèse et une suite du Jean Merlin Magic History Day, tout ce qui pourrait représenter le mentalisme : prédictions, lectures de pensées, divinations, cumberlandisme, mémoire prodigieuse, calcul rapide, etc. Dans cet ouvrage, nous traiterons donc essentiellement de la transmission de pensée présentée au music-hall, de la double-vue, d’hypnose de spectacle et de psychologie sociale à travers l’histoire passionnante des magiciens.

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Joseph Adolphe Gentil publie en 1847 Magnétisme… Explications du phénomène de seconde vue et de soustraction de pensée dont jouissent les Somnambules lucides.

Gandon le débineur Un ancien militaire, Antoine Francois Gandon se reconvertit dans la vie civile en montant un numéro de télépathie copié sur celui de Robert-Houdin. Courant 1848, Robert-Houdin père et fils partent jouer en Angleterre, car l’obligation imposée par le gouvernement de donner des billets de faveur ne permet plus de rentabiliser l’exploitation du théâtre des Soirées fantastiques. En 1849 Gandon publie La Seconde Vue dévoilée : dernier coup porté aux sorciers et aux sortilèges. Ouvrage entièrement nouveau, donnant à tout le monde la facilité de faire des expériences dites de seconde-vue ou de double-vue.

Jean Merlin Magic History Day 2014 L’auteur décrit entièrement le système de codage. Il a monté avec un partenaire, appelé son neveu, un numéro complet de seconde vue dans des conditions dont je vous parlerai dans quelques instants. Malgré son travail de débinage, fait avec passion et volonté, les spectateurs ne veulent pas admettre qu’il n’y a pas un dessous de spiritisme. Il en arrive à être déçu car ses démonstrations méticuleuses laissent malgré tout un doute dans l’esprit des spectateurs qui croient fermement aux phénomènes paranormaux. RobertHoudin rentre d’Angleterre, et prépare la présentation du nouveau répertoire dans lequel il y aura la première version de la suspension éthéréenne avec Eugène son second fils. Il travaille avec Émile sur la modification du numéro. La seconde vue ou double vue devient muette. La clochette fait son apparition. Le numéro s’appelle désormais La Seconde vue ou la clochette mystérieuse. Ses tintements, ses silences et sa position donneront les précieuses indications à Émile qui maintenant devra être muni d’un bandeau truqué du genre à coulisse.

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Les précieuses informations ainsi qu’une idée de la méthode pourront être obtenues dans le livre incontournable de Marcel Vassal, alias Sarrazin : La Transmission de pensée au music-hall. Premier volume – Lecture de pensée, sorti en 1939 et réédité chez Sauty Rex à Genève en 1963. Le nouveau numéro de seconde vue est présenté et les plagiaires attitrés se mettent immédiatement à la besogne. Le 23 août 1850 sur les affiches de Robin on lit : « Seconde vue extra lucide et à la clochette, de madame Robin ». Je vous laisse observer l’affiche et ce qui ressort le plus. Quel dommage que Christian Fechner n’ait jamais pu voir ce document2. Le journal L’Éventail du 3 novembre 1850 relate la soirée donnée par Gandon et son médium nommé Gouhenant. Ils 2. Robin serait descendu d’une marche supplémentaire dans son estime !

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En 1871, Édouard Raynaly, celui qui va avantageusement opérer au théâtre Robert-Houdin dans quelques années, remplace provisoirement l’un des frères Bonheur.

Le mentalisme Il va lui aussi devenir un adepte du bandeau, mais plus pour de la lecture de pensée. Raynaly est ensuite remplacé par de Thorcey, spécialiste des attractions mentales.

De Thorcy, ou Thorcey, managera Inaudi, le célèbre calculateur prodige d’origine italienne, et tiendra quelques temps en 1895 la baraque foraine de projections cinématographiques des associés Inaudi et Méliès. En 1875, Cumberland et de Bischop commencent à présenter des expériences de transmission de pensée non plus avec un sujet, mais en exécutant les actes ordonnés mentalement et directement par les spectateurs. La base est la perception des réflexes inconscients qui ne peuvent être réprimés. Ces expériences vont prendre le nom de Cumberlandisme. Deux ans plus tard Donato deviendra le modèle du genre. Ses assistants seront de Thorcey, et Alberti, qui deviendra Pickmann. Le journal The Times publie les notes posthumes de Robert Heller décédé en 1878. À Philadelphie, les codes sont dévoilés. En parallèle, De la Mano exerce la seconde vue en Amérique. En 1880, parution du livre La Seconde Vue expliquée d’après les présentations faites auparavant par Robert-Houdin et Robert Heller. 47

Derren Brown par Claude De Piante

Derren Brown est un personnage fascinant. L’analyse de son travail est grandement instructive. C’est un acteur remarquable et un puissant magicien. On trouvera dans cette analyse des points de vue que j’ai déjà développés par ailleurs et notamment dans des articles parus dans la revue Magicus et d’autres, qui, il me semble, n’ont jamais été développés. J’ai tenté à la fois d’analyser la magie de Derren Brown à travers la pratique de l’acteur et celle de l’hypnotiseur. Mais ces deux regards n’en forment en réalité qu’un seul, ce qui est aujourd’hui ma conviction la plus profonde à travers ma propre pratique de ces deux arts. La philosophie de la vie que j’ai développée est celle enseignée par Milton Erickson, l’hypnose est un outil de liberté et de respect de l’individu. L’hypnose est un cadeau de la vie apporté à ceux qui souffrent. Le regard de l’hypnothérapeute n’est pas toujours tendre avec certaines pratiques de l’hypnose de spectacle. Le spectacle doit être et ne peut qu’être un endroit de bienveillance pour celui qui nous fait le plaisir d’y assister et d’y participer. Je voulais évoquer ces quelques points de vue personnels pour donner un éclairage sur ma propre vision du travail de l’acteur et de 81

Jean Merlin Magic History Day 2014 illustration de cet habile mélange des genres. On y trouve un peu de cold reading, un jeu truqué et un change manipulatif d’une cigarette en carte. La composition de la routine respecte d’ailleurs le principe de Tommy Wonder qui voulait qu’un bon tour de magie soit composé à part égale de manipulation, de truquage et de psychologie. Je crois que c’est effectivement la parfaite composition de l’alchimie magique. Dans Fumée, l’effet est simple : un spectateur pense à une carte vue dans le jeu, celle-ci disparaît du jeu ou semble n’y avoir jamais été et réapparaît roulée et roussie entre les lèvres du magicien en lieu et place d’une cigarette. Le spectateur en vient à douter de ce qu’il a réellement vu. Ce qui est l’impression que devrait donner tout bon tour de magie. Ce mélange des genres au service d’une construction intelligente et cohérente sublimée par un excellent jeu d’acteur est un modèle du genre. Car voilà le vrai secret de Derren Brown : son jeu d’acteur et ses constructions théâtralisées. Il est la parfaite illustration de ce que doit être le travail d’acteur et la construction théâtrale au service de l’art magique : des outils permettant de donner de la puissance à l’effet magique. Son interprétation d’un personnage sympathique et fascinant, entraînant les spectateurs dans une aventure magique où l’esprit semble être le jouet de forces psychologiques mystérieuses. Un personnage, une cohérence, une intrigue générale et une misdirection qui se tissent principalement dans la construction théâtrale. Si l’on voulait analyser son travail sur scène, je dirais qu’il résulte d’à peine 10 à 20 % d’hypnose, PNL ou autres techniques spécifiques, de 20 à 30 % de techniques magiques traditionnelles et de plus de 60 % de construction théâtrale et de jeu d’acteur. Même si son discours, et c’est de bonne guerre, semble privilégier une explication en grande partie basée sur des techniques de communication, il ne s’agit que d’un sens donné à l’histoire qu’il nous raconte. Ses émissions de télévision sont parfois de véritables laboratoires où l’utilisation de conditionnement psychologique, d’hypnose et de techniques de communication permettent d’opérer de véritables miracles sur des sujets habilement sélectionnés.

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L’art de raconter des histoires magiques Le story telling, ou l’art de raconter des histoires pour convaincre, est au cœur de toute communication moderne. La thérapie, le marketing, les ressources humaines, la formation, la politique, etc., font aujourd’hui un large usage de cet art ancestral. Qu’on le veuille ou non, on ne peut pas ne pas raconter une histoire, comme on ne peut pas ne pas communiquer. En fait, ce que l’on communique de soi est toujours une histoire de soi, même si ce n’est pas l’histoire qu’on aurait rêvé de communiquer. Il se peut parfois que ce soit l’histoire d’un gars impoli qui vient s’imposer à une table pour faire un tour de cartes et qui devient mal à l’aise, quelque fois agressif, quand il comprend qu’il n’arrive pas à épater l’auditoire. C’est une mauvaise histoire mais c’est quand même une histoire. On voudrait plutôt raconter celle d’un magicien étonnant qui vient faire le cadeau de son savoir-faire à un groupe reconnaissant d’avoir passé un merveilleux moment. Et lorsque l’on comprend qu’il ne s’agit que de raconter une histoire, on peut comprendre du même coup qu’on peut modifier l’histoire qu’on raconte et transformer l’impact que l’on a sur les autres. On peut raconter un tas d’autres histoires dans l’histoire principale, mais la première histoire que l’on raconte est celle qui s’impose lorsque les spectateurs nous voient apparaître. Nous savons tous que la première impression est déterminante notamment parce que l’humain est ainsi constitué qu’il ne modifiera que rarement cette première impression. Ce qui explique qu’on a tous tendance à justifier, et parfois contre la raison, nos propres jugements et que l’on reconnaît difficilement qu’on a eu tort. On s’attache comme le coquillage au rocher, à notre première impression. Contrairement à ce que l’on prétend, ce n’est pas forcément dans les premiers instants que se forge la première impression. En fait, on ne peut jamais vraiment savoir quand elle s’établit vraiment, on sait seulement que quand elle s’est établie, on ne reviendra quasiment jamais sur elle. Un excellent effet pour débuter ne garantit pas qu’une première impression favorable va s’établir. Parfois, le public peut suspendre, un certain temps son jugement. En général, lorsque le personnage n’est pas sympathique, ce qui ne veut pas forcément dire gentil, la première impression est très rapide à arriver et elle 87

Jean Merlin Magic History Day 2014 souhaite. Ainsi, à l’instar de Pygmalion14, nous sommes créateurs – ou à tout le moins architectes – de notre monde et de nos relations sociales. Toutefois, il faut noter que cela se produit la majeure partie de manière automatique, non consciente.

Des influences non conscientes J’ai parlé l’année dernière des filtres cognitifs, des cadres psychosociaux influençant la perception. J’avais évoqué le fait que la majeure partie du temps, ces influences sont non-conscientes, et j’avais donné quelques exemples, entre autres celui de la dilatation pupillaire qui rend une personne plus attractive sans que l’observateur et encore moins la personne elle-même ni l’observateur ne s’en aperçoivent15 (Hess, 1965 ; Niedenthal & Cantor, 1986 ; Demos et al., 2008). Bargh (1997) estime qu’environ 95-98 % de nos pensées, sentiments, comportements proviennent de traitements nonconscients. Avec Tanya Chartrand, il écrit : « Our thesis here – that most of a person’s everyday life is determined not by their conscious intentions and deliberate choices but by mental processes that are put into motion by features of the environment and that operate outside of conscious awareness and guidance – is a difficult one for people to accept. One cannot have any experiences or memories of being nonconsciously influenced, of course, almost by definition » (Bargh & Chartrand, 1999). Attention toutefois : la notion de « non-conscience » en psychologie est très différente de celle de l’ « inconscient » freudien. Si la psychologie peut facilement maintenant démontrer l’existence de traitements de l’information 14. Pygmalion, fils de Bélos, s’éprit de la déesse Aphrodite. Comme elle ne voulait pas lui céder, il fit d’elle une statue en ivoire et la coucha dans son lit, en la suppliant d’avoir pitié de lui. Aphrodite, émue, s’incarna dans la statue et lui donna vie. Elle devint Galatée, et donna deux fils à Pygmalion : Paphos et Métharmé (voir Graves, 1958). Ainsi donc le mythe nous dit que l’autre devient ce que nous croyons qu’il est. Il ajoute que le moteur en est l’amour. 15. Contrairement à ce que l’on croit généralement, de par le fait de certaines émissions de vulgarisation, ce phénomène n’est pas limité qu’au désir, mais est relié plus généralement à des processus attentionnels et à notre fonctionnement hormonal.

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Le mentalisme à de très bas niveaux de conscience, y compris à des niveaux échappant à la conscience de la personne, rien ne permet de penser que l’inconscient – tel que défini par Freud – existe, et absolument rien ne permet de démontrer son existence, ni son inexistence. On se situe donc sur ce point particulier dans le domaine de la croyance. Dans les situations de mentalisme, ces processus automatiques me semblent particulièrement efficients, plus peut-être que dans une situation de magie « classique », justement parce que dans une situation de mentalisme, la personne n’a aucun contrôle – ni même une illusion de contrôle – sur la situation. Cela reste bien sûr à démontrer. Parmi ces phénomènes qui nous influencent à notre insu, on trouve l’ancrage et l’amorçage. Un ancrage renvoie à l’influence d’une activation numérique sur des estimations subséquentes. Par exemple, si je vous demande de mémoriser une série de nombres élevés, puis que je vous demande le nombre de pays africains, vous aurez tendance à surestimer ce nombre, comparativement à une personne qui n’aura pas eu ces nombres élevés à mémoriser. Si je vous demande : « La taille de ce monsieur est-elle supérieure à 1m80 ? », j’ancre votre estimation sur 1m80. Votre estimation est donc influencée, sans que vous vous en soyez clairement rendu compte. Certaines ancres fonctionnent cependant très consciemment : c’est le cas des soldes. Dans l’exemple ci-contre, la première ancre est le prix initial : 249 €. La deuxième est 199 €. Vous estimez donc que 169 € n’est pas cher, comparativement à 249 €. Bien que le calcul se fasse de manière automatique, sans que vous y pensiez réellement, cela est très clair dans votre tête. Ce n’est pas, loin s’en faut, toujours le cas. L’ancrage est – ou peut être – utilisé aussi en mentalisme, bien entendu. Étant moi-même encore un enfant dans cette branche de la magie, je laisse les adultes en ce domaine en trouver des exemples. L’amorçage est un phénomène proche de l’ancrage. Il renvoie à ce que, à la fin du xixe siècle, on appelait en psychologie les phénomènes idéomoteurs. Dès 1890 en effet, William James pensait que le simple fait de penser

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Dominique Webb Arrive le moment solennel de chaque journée du JMMHD : le talk-show rendant hommage à une grande figure de la magie. Gaétan Bloom est aux anges car il a connu Dominique Webb par le biais de sa boutique et de son école de magie quand il a voulu prendre des cours à l’âge de douze ans. C’est donc parti pour cet entretien tout en intimité et sans langue de bois. Où es-tu né ? À Portel-des-Corbières, un village sur le chemin de l’Andorre, j’y suis né dans la maison de bon papa et bonne maman au milieu des vignes et des platanes, à l’époque où les cigales commencent à chanter le printemps. Comment t’es-tu aperçu de tes pouvoirs de suggestion ? Je suis élève de l’école communale de Portel, division et conjugaison me paraissent fort compliquées. J’appréhende donc le moment de l’interrogation. Lorsque je vois le regard de la maîtresse se poser sur moi je la supplie mentalement de ne pas s’adresser à moi. Subit-elle ma première suggestion télépsychique lui suggérant d’interroger un autre élève ? Trop souvent pour que ce ne soit que le hasard. À l’âge de six ans, je confectionnais des petits tours de magie comme par exemple une boîte de conserve dans laquelle je mettais au fond une éponge et puis je versais de l’eau et montrais à mes copains que l’eau avait disparu ! Qui a été à l’origine de ta vocation ? Mon papa m’a offert mon premier livre de magie du Professeur Marcel, camelot qui opérait sur les marchés parisiens (le roi des cartes biseautées). Il faisait des tours et les vendait avec un extraordinaire boniment très convaincant. Je lui ai acheté tous ses trucs ! Ensuite as-tu pris des cours ? Vers onze ans, papa Achille m’accompagnait prendre des cours chez le magicien Sanas, « l’homme au cerveau d’acier ». Encore enfant mon cher papa m’inscrivit au club de magiciens « le French Ring » dont le président était Eugène Piret. Papa était ravi de participer à ces réunions avec moi, à chaque fois c’était une vraie fête qui se terminait par un repas convivial et chaleureux. Mon adhésion à l’AFAP a suivi très vite.

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Le mentalisme À quel âge ta carrière a-t-elle vraiment commencé ? Très tôt ! À l’âge de quatorze ans, je suis allé au théâtre de l’Alhambra ou Jean Nohain animait son émission Trente-six chandelles avec l’intention de me présenter à lui. Là, j’ai croisé Fernand Raynaud qui sortait de la salle et je lui ai demandé de me présenter à Jean Nohain ; sa réponse fut claire et brève : « Débrouille-toi ! » Je me suis payé le culot d’aller en coulisses ; nombre de vedettes de l’époque étaient présentes et suppliaient Jean Nohain pour passer dans ses émissions ; la réponse était toujours la même : « On vous rappellera, promis ! » J’ai avancé alors vers lui, me suis présenté en disant que je venais de la part de Fernand Raynaud, je lui ai expliqué mon numéro et obtins en retour : « On vous rappellera, promis ! » Je suis donc reparti, sans grand espoir. Quelle ne fut pas ma surprise quand, dans la semaine suivante, j’ai reçu un appel de son équipe, m’invitant à participer à la prochaine émission ! À l’époque je ne faisais que quelques tours pourtant insignifiants (type tour des six cartes, casserole aux colombes…), mais cela lui a plu et j’ai ainsi participé à nombre de ses émissions Trente-six chandelles, émission tout public, le train de la gaîté… La seule remarque qu’il m’ait faite lors de ma première, c’était : « Parle plus fort ; hier, on nous recevait à Paris et sa banlieue ; demain, on nous recevra jusqu’à Lille ; il faut qu’on t’entende ! » Y a-t-il un magicien qui t’a influencé plus particulièrement ? Oui, le premier qui provoqua vraiment « le déclic », c’est Dominique, le pickpocket, à l’Olympia en première partie d’Édith Piaf. Il invitait certaines personnes du public à monter sur scène et je n’ai pas hésité à y aller pour me faire « pickpockéter ». J’étais très impressionné et il est devenu mon modèle pour mes premiers spectacles. J’étais surpris par l’audace notamment par la façon de détourner l’attention. Tout en étant très impressionné par ce formidable showman, j’étais très inspiré par lui, j’ai présenté à mon tour un numéro de pickpocket que j’ai vite transformé en spectacle d’hypnose. As-tu passé d’autres auditions à part celle de Jean Nohain ? J’ai le souvenir qu’à quinze ans, avec mon frère Philippe, nous avions auditionné à Bobino alors que les compagnons de la chanson étaient à l’affiche. Nous étions trois à être auditionnés : la chanteuse Danielle Rouillet, un jeune chanteur, Johnny Halliday, et un magicien que j’étais. Johnny et 183

Ils y étaient ! Daniel Arnassand – Jean-Baptiste Arnold – Serge Arriailh – Richard Atek – Brieuc Balme Du Garay – Lionel Bardeau – Bataille-Testu – Sébastien Bazou – Christophe Blangy – Gaétan Bloom – Christophe Boisselier – Franck Boisselier – Sébastien Bouchet – David Boukhors – Gérard Bouvet – Fabienne Bringtown – Luc Cavé – Yves Certain – Gérald Charles – Bertrand Charlot – André Ciocca – Patrick Clisson – Thierry Collet – Loïc Coquet – Jean-Claude Crispon – Julien Daniel – Bernard Darber-Herault – Claude De Piante – Joël Debrie-Ribabas – Michel Decamps – François Decard – Vincent Delourmel – Jean-Marie Dewaeghemaecker – Philippe Dinot – Mickaël Diot – Benjamin Dubayle – Pierre Emonot – Patrice Erler – Pierre Fermey – Michel Forestier – Mickael Forster – Antoine Fort – Patrice France – Jérémy Garcia – Patrick Garin – Yohann Gauthier – Pierre-Émilien Gendron – Mylène Gilsons – Claude Gilsons – Bruno Givelet – Florence Goyer – Olivier Grim – Jean-Claude Gropeaux – Sylvain Guillaume – François Guillemin – Maxime Guillois – Olivier Heloir – Romaric Hoffmann – Alain Issard – Robert Jacquot – Alain Joseph – Michel Jouan – Jérémy Kiener – Gérard Kremer – Gerard Kunian – Michel Lageois – Pascale Lathoumétie – Hervé Le Marchant – Christophe Le Roux – Aude Lebrun – Olivier Lepoivre – Sébastien Maillot – François Martinez – Pierre Ménager – Éric Merandon – Jean Merlin – Didier Morax – Pascal Morchain – Eddy Mozar – Émmanuel Muro – Ali Nouira – Céline Noulin – Pierre Onfroy – Jacques Paget – Stéphane Pelliccia – Yves Plancard – Hugues Protat – AnneMarie Quevrain – Henk Raison – Roselyne Régil – Jean Régil – Frantz Réjasse – Philippe Riffier – Thibaut Rioult – Sylvain Rollet – Baraa Saleh – Thierry Schanen – Yann Sicamois – Pierre Smolevsky – François Soualhi – Monique Souchet – Antoine Souchet – Gérard Souchet – Frédéric Tabet – Thomas Thiébaut – Christine Treiber – Alain Vasseur – Xavier Villard – Leslie Villiaume – Jacques Voignier – William Watt – Dominique Webb – Sandrine Webb – Clarisse Webb – Jose Zabala – Benjamin Zeitoun.

ISBN : 978-2-9543361-2-1

Prix TTC France : 55,00 €