Secrets bisontins promo

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Jaime Figueroa Dave Forrest Roberto Giobbi Filoo Justyn Jo Maldéra Hector Mancha Caroline Marx Jakob Mathias Jeff McBride Sylvain Mirouf Ali Nouira Rocco Silano David Stone Zébrano

Secrets bisontins



Secrets bisontins Ouvrage collectif réalisé dans le cadre du 49e congrès français de l’illusion FFAP, du 1er au 4 octobre 2015 à Besançon, présidé par Emmanuel Courvoisier


Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L.122-5 (2° et 3° a), d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Responsable éditorial : Emmanuel Courvoisier. Création de couverture, composition et mise en pages : Frantz Réjasse. Photo panoramique haut de pages : Jack Varlet. Traducteurs : José Alonso (depuis l’espagnol), Mathieu Menet (depuis l’allemand), Marc Pudlo, Jean-Louis Girault et Bruno Depay (depuis l’anglais). Ouvrage collectif. Chaque article reste la propriété de son auteur. Conception et impression : www.cc-editions.fr – www.livres-de-magie.com © C.C. Éditions, septembre 2015. ISBN 978-2-914983-71-6


Sommaire Le mot du président.................................................... 9 Serge Odin

Édito.................................................................. 11 Emmanuel Courvoisier

Magie, comédie et magie comique.................................... 13 Jaime Figueroa

L’effet papillon........................................................ 29 Dave Forrest

Le 7 magique (Shanghai Shuffle)................................ 33 Roberto Giobbi

Pas une carte, mais un mot…......................................... 35 Filoo Justyn

Prédiction au portefeuille.............................................. 39 Jo Maldéra


Rompre la glace...................................................... 43 Hector Mancha

Quelques conseils...................................................... 47 Caroline Marx

Change de billet....................................................... 49 Jakob Mathias

Cartes d’embarquement dans le temps................................. 53 Jeff McBride

Trois idées…............................................................ 61 Sylvain Mirouf

Postal prediction....................................................... 65 Ali Nouira

Number Sand........................................................ 71 Ali Nouira

Prédiction au billet de banque......................................... 77 Ali Nouira

Snickers Bar Surprise.............................................. 85 Rocco Silano

Disparition au lancer................................................. 89 David Stone

Sculptures de ballons.................................................. 93 Zébrano


Le mot du président Serge Odin

Chers amis, Vous avez choisi de participer au championnat de France de magie FFAP 2015, et vous avez bien fait. Le livre que vous découvrez aujourd’hui est un cadeau exceptionnel qui, à lui seul, devrait ne pas vous faire regretter votre inscription. Cet ouvrage a pu voir le jour grâce à la volonté du comité organisateur de ce 49e congrès français de l’illusion qui a su convaincre ces prestigieux artistes de vous offrir l’une de leurs meilleures créations. Je suis persuadé que la diversité des effets proposés permettra à chacun d’entre vous de trouver celui qui correspond à vos préférences magiques et que vous ne manquerez pas d’ajouter prochainement à votre répertoire. Je vous souhaite beaucoup de plaisir à la lecture de ce livre, découvrant au fil des pages les trésors de ces magiciens internationaux que vous allez avoir la chance unique de côtoyer pendant les quatre jours de votre congrès FFAP 2015. Serge Odin, Président de la FFAP

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Photo : Laurent Lacour

Édito

Emmanuel Courvoisier Bienvenue à Besançon pour ce 49e congrès français de l’illusion ! Ce livre a été écrit et publié pour vous. Désireux de vous offrir un souvenir de votre passage à Besançon, nous avons cherché quel était le meilleur cadeau à offrir à un magicien. Un présent qui fasse plaisir au plus grand nombre et qui perdure dans le temps. L’idée d’un livre s’est imposée d’elle-même. La variété et la richesse de son contenu permettront à chacun d’y trouver son intérêt. Les différents articles et tours que vous découvrirez au fil des pages sont le fruit de la générosité des artistes. Toute l’équipe du Cercle magique comtois et moi-même les remercions chaleureusement pour leur coopération. Vous pourrez croiser tous les auteurs de cet ouvrage dans les allées de notre congrès. Faites vous plaisir en les rencontrant ! Nous sommes ravis de partager avec vous ce premier souvenir de notre congrès. Nous espérons que vous prendrez autant de plaisir à le parcourir que nous avons eu à réunir ces articles. 11


Pour ma part, je souhaite que ce livre soit un bon engrais pour cultiver la petite graine de magie qui demeure en chacun d’entre nous. Bonne lecture ! Emmanuel Courvoisier, alias Epsilon, Président du 49e congrès de l’illusion FFAP


Magie, comédie et magie comique Jaime Figueroa

Si nous décidons de faire de la magie comique, nous devrons « frapper et surprendre » le spectateur. Nous sommes des magiciens mais nous devons surtout faire rire ! Il nous faut pour cela appréhender les deux disciplines, celle de la magie et celle du comique. La magie a ses propres règles, ses lois écrites ou non, ses techniques et ses spécificités et il en est de même pour la comédie. La magie et la comédie ne sont pas des univers indépendants et isolés l’un de l’autre. Ces deux disciplines ont beaucoup de liens de parenté et elles s’harmonisent très bien. En fait, les magiciens, les comiques et les clowns les ont mélangées et assimilées depuis qu’ils existent les uns et les autres. Lamentablement, il n’y a pas beaucoup de références écrites et spécifiques pour la magie comique, et pour d’autres raisons encore cellesci n’ont fonctionné que par le bouche à oreille. De plus, la majorité des publications existantes sur ce thème font référence à des gags utilisés par des magiciens sans être ni théoriques ni fondamentaux. Nous nous trouvons donc dans l’obligation d’improviser et de les adapter, et cela de A à Z. L’étonnement et le surréalisme provoquent très souvent des rires dans le public. La majorité d’entre nous (les magiciens) « saupoudrons »

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de gags et de blagues nos prestations pour des effets comiques. De fait, le public doit présupposer qu’il va rire pour peu qu’il « accède » aux effets proposés. Le magicien anglais George Blake disait : « Introduire des gags ou blagues autour d’un numéro de magie n’était pas de la magie comique ! C’est de la magie avec de la comédie. Pour faire de la magie comique, le comique devrait être la magie ! » Très souvent, nous utilisons des blagues dans nos prestations. Juan Tamariz, dans sa conférence sur la magie et l’humour, affirme qu’il est très difficile de faire un gag ou une blague juste avant ou à la fin d’un effet magique. Faire relâcher la tension des spectateurs avec une blague peut anéantir l’impact magique d’un numéro ! La magie comique possède plusieurs représentants dont nous étudierons les spécialités. Cardini, grand « manipulateur comique » a rencontré de nombreux problèmes dans ses numéros de magie. Les cigarettes apparaissaient sans cesse et indépendamment de sa volonté. Les foulards se nouaient tout seuls, et les cartes jaillissaient de ses mains comme d’un jet d’eau. L’américain Carl Ballantine se présentait comme un « homme de spectacle peu ordinaire ». Il jouait le rôle de magicien mais son numéro n’était pas de la magie. C’était une parodie du magicien. Aucun « trucs » ne fonctionnait mais cela ne semblait pas l’affecter. Il n’hésitait pas à mettre la faute sur le dos d’un assistant invisible et prétendait faire disparaître tout le public en se bandant les yeux d’un voile noir ! Topper Martyn était un grand jongleur et magicien suédois. À peine entré sur scène, une avalanche d’objets sortait de ses manches. Des tas d’objets se retrouvaient au sol. Les anneaux chinois (fabriqués en Allemagne) se « nouaient » et les tentatives pour les libérer s’avéraient infructueuses. Il commençait son numéro d’anneaux en disant :

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« Je vais réaliser un numéro vieux de plus de deux mille ans… et qui ce soir va mourir ! » Je ne peux pas ignorer d’autres génies comme David Nixon, Tommy Cooper, Ali Bongo, Johnny Lonn, Gaétan Bloom, tous grands magiciens comiques du xxe siècle. On peut prendre le risque de dire que cette spécificité comique est très voisine de la stratégie scénique et des techniques du clown. De fait, les clowns ont parodié les magiciens depuis toujours. Un personnage élégamment vêtu qui présente de prodigieux numéros magiques que lui seul connait, a toutes les chances d’être parodié. C’est ainsi que les clowns parodient les chanteurs d’opéra ou tout autres activités très sérieuses. Pour poursuivre, je vous propose une classification des différentes formes de magie comique que nous trouvons dans l’imaginaire de la magie que nous pratiquons vous et moi. J’ai défini trois catégories où la magie et la comédie se rapprochent le plus. La première c’est la comédie sur la magie : il n’est pas nécessaire d’avoir de la magie mais plutôt un contexte qui encadre les blagues et les gags. Il y a deux paragraphes dans cette catégorie : la présentation du numéro et la magie idiote. La deuxième est la propre magie comique : la propre magie avec les mêmes effets déclencheurs que dans la comédie. On peut également rencontrer dans cette catégorie la magie perverse et les effets magiques et/ou comiques. Enfin, la plus basique, la magie avec comédie. Nous utilisons tous des blagues, des réflexions amusantes, des gags ou de l’humour de situation lorsque nous faisons venir un spectateur sur scène. Parfois, nous montrerons un objet amusant et parfois nous ridiculiserons l’assistant en « pauvre type »

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Comédie sur magie

Tout le monde sait que les numéros de magie se réalisent grâce à des « trucs » plus ou moins secrets que seul le magicien connaît. Il s’agit alors de faire la comédie en valorisant la pierre angulaire de la magie : le secret ! Présentation du numéro Un magicien met son assistante dans une boîte décorée comme un restaurant chinois. La tête et les pieds apparaissent à chaque extrémité de la boîte par des trous prévus à cet effet. Le magicien coupe la boîte en deux morceaux qu’il sépare. Le public applaudit le sadisme du magicien. Un contretemps, un faux mouvement et la demi-boîte contenant les jambes tombe et se détruit en laissant découvrir que les jambes ne sont pas celles de son assistante mais celles d’un chauve avec des chaussures de femme qui essaye de sortir maladroitement. Le public qui est sadique meurt de rire ! C’est une des stratégies les plus évidentes et les plus anciennes de la magie comique. Il s’agit de proposer un numéro de magie et faire coïncider la « chute » du numéro avec les rires du public. Parfois les méthodes peuvent être amusantes mais parfois absurdes.

Voyons d’autres exemples : dans Le Livre d’or des clowns (recueil des numéros de clowns depuis la fin du xviiie sècle au début du xxe), nous retrouvons plusieurs versions du truc du lapin, que l’on fait apparaître entre autres avec des journaux. Le clown, très à l’aise, grand prestidigitateur réalise ce miracle ! Un lapin vivant et remuant sa queue traverse la piste du cirque. Mais le clown le moins futé dévoile le truc, tout le public rit à inonder la piste. Le grand Balantine met un chapeau haut de forme sur un guéridon. Il le dépoussière avec un plumeau en préparant une sortie merveilleuse. Le plumeau disparaît. Il plonge son bras entièrement dans le chapeau et en ressort le plumeau. Le chapeau a un trou dans son fond, et le public rit aux éclats.

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Il existe un truc très classique utilisé par des magiciens comme par des clowns. Un assistant s’allonge sur un support quelconque, il est recouvert entièrement d’un grand drap, il commence à léviter ; puis le magicien retire le drap et nous découvrons qu’en fait l’assistant n’était pas allongé mais debout et manipulait de fausses jambes. Lorsque j’ai vu ce numéro pour la première fois, j’en ai ri comme un aliéné. Beaucoup de magiciens renient ce type d’effet et considèrent qu’il n’est pas bon d’expliquer le moindre de leurs secrets. Toutefois, les trucs et manipulations intéressent toujours le public. Très souvent, on peut dire que les effets restent inachevés dans l’esprit des spectateurs. Il manque l’explication du truc, la solution du mystère, « l’assassin est le majordome » ! Certes, expliquer un truc pour sa simple compréhension n’a pas de sens. Mais nous pouvons parfois trouver de nouveaux effets, même rocambolesques ou farfelus, mais plus amusants que l’effet initial. Souvenons-nous du numéro en duo de Juan Tamriz et Gaétan Blom avec les « Pelotititas en Chan-ta-ta-chan » ! Il est bon de commencer sa prestation par un numéro de magie qui se termine avec l’explication du truc. On commence ainsi en se moquant, en quelque sorte, de la magie, c’est ironique mais cela met en place les bases d’une prestation comique. De plus, elle écarte une règle connue de tous, celle de dévoiler un secret. Ceci crée une empathie immédiate avec le public. Il est facile de confondre avec le sucker trick (un « truc pour idiot »). Ce dernier est semblable à l’exposition du truc, mais avec une rotation supplémentaire au final. Apres avoir montré le truc, il y a une rotation magique qui le réfute et le numéro se termine en magie. Un grand exemple est le mouchoir et l’œuf : d’abord on présente le numéro (le mouchoir se transforme en œuf ) et on montre le truc (le mouchoir est à l’intérieur un œuf creux) ; un nouveau mouvement magique, et l’œuf se rompt et s’avère être un œuf frais !

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Cartes d’embarquement dans le temps Jeff McBride

Cette routine est extraite de The Show Doctor de Jeff McBride et supplémentée par Lawrence Hass. Une nouvelle édition du livre publié en 2012 par Theory and Art of Magic est disponible. Cet extrait est utilisé avec la permission de l’auteur et de l’éditeur. (Lawrence Hass, éditeur, Theory and Art of Magic Press.)

Effet

Le magicien transforme un paquet de cartes en machine à voyager dans le temps transportant l’ensemble du public dans son enfance. Des spectateurs révèlent pour le plaisir de tous quelques-uns de leurs meilleurs souvenirs. Pour le finale, le magicien devine l’année à laquelle le spectateur pense.

Présentation

Il s’agit d’un effet de mentalisme particulièrement efficace et amusant. Il n’y parait pas à la lecture seule car l’astuce s’avère être basique et relativement simple, ne vous y laissez pas tromper. Lorsque vous aurez commencé à le pratiquer, vous réaliserez 53


rapidement que les spectateurs apprécient cette expérience merveilleuse et étonnante. Il ouvre un passage éphémère vers un souvenir agréable. Comme dit Jeff au chapitre 14 : « L’oubli est une bonne façon de se souvenir de vous ! » Ce qui donne à « Cartes d’embarquement dans le temps » son fort impact est la participation de l’ensemble d’un groupe et l’emploi d’une nouvelle technique que j’appellerais « immersion dans les souvenirs ». Tout cela est expliqué ci-dessous. Comme vous le verrez, il y a dans l’interaction avec le publique un caractère « jazzy » et ce qui suit un exemple de scénario tiré d’une performance.

Scénario

Jeff [sortant un paquet de cartes] : Ceci est une machine à remonter dans le temps. Elles vont être les pages d’un calendrier. Pouvez-vous mélanger ces cartes, bien les mélanger ? [Deux personnes mélangent chacune une moitié du paquet.] Voyez-vous, un paquet de cartes peut être utilisé comme calendrier. Il y a cinquante-deux cartes dans un paquet, elles représentent les cinquante-deux semaines d’une année. Dans le paquet, il y a quatre couleurs comme il y quatre saisons. Il y a treize cartes par couleur représentant les treize phases lunaires, pouvant ainsi être utilisées comme calendrier lunaire. De plus l’addition de la valeur de chacune des cartes donne 364 et si on ajoute le joker cela fait 365. [Jeff reprend et rassemble les deux parties du jeu de cartes.] Considérons donc ce paquet comme une machine à voyager dans le temps, comme les pages d’un calendrier. Partons pour un voyage vers les souvenirs heureux. Nous pouvons tous jouer. Quel est votre nom ? John, je

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feuillète les pages de notre calendrier et vous dites stop. Ici ? Un cinq ! Vous retournez à l’âge de cinq ans. [Jeff se tourne vers un autre spectateur se trouvant sur le côté de la salle.] Vous là-bas, donnez-moi une saison. L’été ! L’été était un moment important pour vous ? À présent, chacun pense à quelque chose d’agréable qu’il faisait durant l’été de ses cinq ans. [Jeff se tourne vers quelqu’un d’autre au fond de la salle.] Avez-vous un souvenir en tête ? Je reviens vers vous dans un instant. Je viendrai vers vous également [en regardant une autre personne] mais auparavant, David [qui est assis au premier rang] dites-nous un bon souvenir de l’été de vos cinq ans. David : Je jouais avec de petits objets. Jeff : De petits objets dites-vous ? David : Oui, des petits morceaux de bois avec lesquels je construisais de petites maisons. Jeff : Où étiez-vous à ce moment-là ? David : Dans la salle de jeux de notre maison à Castle en Virginie Occidentale. Jeff : Quel est votre nom ? Susan, quel est votre bon souvenir de l’été de vos cinq ans ? Susan : Je prenais un goûter dans le jardin. Il faisait très beau et le vent soufflait. Jeff : C’est merveilleux ! Steve, partons pour une nouvelle destination dans le temps. Je feuillette les pages de notre calendrier et vous dites stop sur une nouvelle année. Ici ? Vous en êtes sûr ? Une dame, soit treize ans. [À une autre personne.] Pourriezvous nous indiquer une saison ? L’hiver ! Alors Steve, quel est 55


votre souvenir de l’hiver de vos treize ans ? Steve : J’écoutais un album studio que j’avais reçu pour Noël. C’était School’s Out d’Alice Cooper. Jeff : Rock and Roll ! Excellent ! Tous les parents n’achètent pas ça pour Noël. [Rires.] Pouvez-vous nous en dire plus sur ce moment ? Steve : J’étais simplement assis devant la chaine hi-fi et j’étais dans le rythme. Jeff : Fantastique ! Maintenant John, partons pour un instant secret. Dites stop quand vous voulez mais ne me dites pas l’année. Ici ? Souhaitez-vous avancer de quelques années ? J’avance encore un peu. Ici ? Voici l’âge auquel nous partons, vous avez bien vu ? Encore une fois, ne me dites pas cet âge, faites nous seulement partager le souvenir vous revenant de cette époque. Regardez-moi dans les yeux en me le disant. John : Théâtre Camden. Je m’y trouve pour un spectacle avec chants, danses et sketchs. C’est l’été et il fait chaud. Jeff : Il y a quelque chose comme un rite de passage pour vous ? N’est-ce pas ? John parait surpris : En effet, je participais au spectacle et c’était une première pour moi ! Jeff : Oui, ce rite de passage était une Bar Mitzvah et vous aviez treize ans. John est stupéfait ; éclate de rire en hochant la tête : Oui ! Les spectateurs applaudissent chaleureusement.

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Présentation et Psychologie

Pour Jeff, un des éléments les plus importants de « Cartes d’Embarquement dans le Temps » est qu’il est conçu autour de la participation d’un groupe de personnes pour, dit-il, « presser le bouton reset » sur l’attention de l’ensemble du groupe. Jeff a remarqué que lors d’un spectacle l’attention des participants diffère : certains plutôt assis vers l’avant ont leur mains sur les genoux alors que d’autres – en particulier sur les côtés ou le fond de la salle – sont au fond de leur siège, jambes croisées, pas vraiment présents. Ils sont physiquement là mais leur esprit est totalement ou en partie à des kilomètres. Jeff pense, il s’agit de son travail – de notre travail en bon « performeur » – à créer des expériences magiques stimulantes retenant l’attention sur le spectacle plutôt que sur ce qui se passe dans la tête des spectateurs parce qu’ils s’ennuieraient ou seraient distraits. Si vous relisez le scénario précédent, vous pourrez apprécier comment Jeff pose des questions à un certain nombre de personnes parmi l’auditoire. Au cours de la performance, il survole l’assemblée et dirige ses questions vers les personnes semblant s’évader. Vous verrez également comment il avertit les personnes en leur disant qu’il va revenir vers eux (même s’il ne le fait pas toujours). D’après Jeff, cette stratégie est destinée à retenir l’attention de tous parce qu’ils réalisent qu’ils peuvent être le prochain à être appelés. La dynamique change à mesure que la tension monte : chacun concentre son attention sur le spectacle. Du point de vue de Jeff, le second point essentiel de la psychologie de ce tour est la transformation des cartes en machine à remonter dans le temps et plus précisément en pompe à souvenirs employée à faire évoquer des sentiments personnels, des expériences sensitives et mieux connaitre les personnes présentes. 57


Ainsi alors que toute l’attention est retenue par le spectacle, il se crée un état de rêverie autour de souvenirs heureux. Ce sont les deux facteurs primordiaux. Essayez vous-même et observez ce qu’il se passe : dès à présent, pensez à un souvenir heureux alors que vous aviez six ans. Faites-le sans tarder. Je ne peux pas connaitre précisément votre souvenir mais je peux vous dire qu’une image forte remonte à la surface et déclenche votre imagination. De plus, cette image génère à coup sûr des sensations et des sentiments vifs et colorés. Notez également que lorsque cette image-souvenir est dans votre esprit, vous êtes subtilement privé de vision alentour. Autrement dit, quand vous commencez à faire resurgir des souvenirs dans un groupe de personnes, ils baissent leur garde, suspendent leur incrédulité et entrent dans un état vraiment agréable d’imagination sensitive. C’est agréable car vous les avez guidé vers des souvenirs heureux ; notez également que Jeff approfondit cet état en réalisant l’ « induction de souvenir » par trois fois. Alors que les membres du public sont dans un état d’attention accrue, immergés dans leurs souvenirs, vous êtes assuré de créer une magie puissante. J’ai eu la grande chance que Jeff me fasse cette routine avant de m’expliquer quoi que ce soit, c’est ainsi que je peux vous dire que l’induction de souvenir a produit son effet sur moi-même – et je suis un magicien avertit et extrêmement vigilant. Cet état entre imagination et souvenirs était si fort que lorsque Jeff a deviné mon âge, je n’avais aucune idée de la façon dont il l’avait fait. Je me souviens l’avoir regardé en disant : « Mais comment as-tu bien pu faire ça ? » J’étais déconcerté mais aussi enchanté. Je ne pensais absolument ni aux cartes ni aux techniques de magie des cartes.

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Je suppose que certains d’entre vous lirons ceci avec un esprit critique et ne voudrons, ou ne pourrons, pas croire que cela fonctionne. Mais toute la psychologie est employée, dans la présentation de Jeff, à défaire l’esprit critique ; le résultat est une expérience magique puissante et agréable. En revanche, ce dont je suis sûr, c’est que d’autres mentalistes ont utilisé cette technique d’induction de souvenirs vifs afin de mettre en sommeil une autre partie de l’esprit – c’est ce que j’ai appelé « immersion dans les souvenirs ». Je ne connais pas les auteurs précédents qui ont publié le concept complet.

Technique

L’effet magique de cette routine consiste à deviner l’âge secret du spectateur ; en réalité tout ce que vous avez besoin de connaitre est la valeur de la troisième carte à laquelle on vous a arrêté. De nombreuses manipulations ou techniques peuvent être employées pour obtenir cette information. Pour ne donner que quelques possibilités, cette valeur peut être obtenue par un forçage, une carte à l’œil ou un jeu marqué.

Par exemple, après avoir discuté du deuxième souvenir d’un spectateur, vous pouvez regarder subrepticement la première carte (carte à l’œil), couper le jeu et réaliser un forçage à l’effeuillage. Autrement, vous pouvez utiliser l’approche de Don Alan : corner légèrement une des cartes du jeu et utiliser une manipulation subtile du spectateur pour la lui forcer (cf. « Corner Riffle Force by Timing » dans Close-Up Time with Don Alan, Magic, Inc., 1951). Souvenez-vous qu’à ce stade de la routine, l’accent n’est pas mis sur les cartes car le public erre dans un univers de souvenirs et rien n’indique qu’une conclusion magique va se produire. Le principal est de conserver la même procédure 59


ISBN : 978-2-914983-71-6

Prix TTC France 35,00 €


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