L’ENSEMBLE PORTUAIRE DE VILLEFRANCHE DARSE : Un patrimoine du XVIII
ème
siècle ancré dans un pôle de réparation navale
ORIGINE DE VILLA FRANCA ET SON PORT
L
a rade de Villefranche est fréquentée dès l’Antiquité par les marins grecs et romains qui lui donnent le nom d’Olivula Portus. L’endroit est sauvage, aride et exposé aux incursions barbaresques. Les habitants s’installent sur les hauteurs où est fondé le village de Montolivo. En 1295, Charles II d’Anjou, roi de Naples et de Sicile, comte de Provence, comprend l’importance stratégique de ce site, situé aux frontières de son territoire, et encourage les habitants à revenir peupler le bord de mer. Il crée le village baptisé Villa Franca. Une franchise de taxe est octroyée. En 1388, avec la rédition du Comté de Nice au Duc de Savoie, Villefranche est la seule porte maritime des États de Savoie jusqu’à la construction du Port de Nice au XVIII ème siècle. Villefranche tire ses revenus de tous les navires marchands accostant au port (droit de Villefranche). En 1543, la flotte franco-turque commandée par Khayr ad-Din Barberousse occupe la rade de Villefranche. En 1554, le duc Emmanuel-Philibert de Savoie construit une forteresse, la « Citadelle ». Elle commande l’accès de la rade et protège un bassin de port aménagé à son pied, la « Darse », qui abrite une petite flotte de galères.
Plan de la darse de Villefranche. Vers 1730
Gravure de Tommaso Borgonio. 1682. Torino, biblioteca réale
Vaisseaux dans la rade de Villefranche. Fin du XVII ème siècle. Archives départementales des Alpes-Maritimes
Document daté approximativement vers 1660 conservé Archives départementales des Alpes-Maritimes. Port figuratif
Plan de la citadelle et de la darse de Villefranche, XVII ème siècle
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I
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EDIFICATION DE L’ENSEMBLE PORTUAIRE
A
u XVIème siècle, un ensemble défensif est édifié, composé de la citadelle Saint-Elme et du fort mont Alban. Après leurs constructions, en 1669, l’ensemble portuaire est complété par l’implantation d’un lazaret, élément d’un port « moderne ».
Une première flotte de guerre est construite dans la darse du port. Les Français occupent le comté de Nice plusieurs fois entre 1710 et 1722 et à nouveau en 1744, pendant la guerre de Succession d’Autriche, quand le prince de Conti prend d’assaut le mont Alban avec ses troupes franco-espagnoles, chassant les Savoisiens de Charles-Emmanuel III. Au cours du XVIII ème siècle, la ville de Villefranche perd de son importance maritime et portuaire avec la construction du port Lympia de Nice. En 1720, le duc de Savoie devient roi de Sardaigne et entreprend une rénovation complète de la Darse. Non seulement le môle est reconstruit, mais un arsenal pourvu d’un bassin de radoub et destiné à la construction de galères lui est adjoint. Démarre alors une intense activité de construction navale. La première galère, la Santa Barbara est lancée en juillet 1739. En 1856, le Duc de Savoie donne à bail le lazaret de Villefranche à la marine impériale russe qui fait du port une base navale de premier plan pour ses navires en Méditerranée, avec notamment, le ravitaillement en charbon des bateaux. En 1860 le Comté de Nice est à nouveau annexé par la France à la suite du Traité de Turin. Entre 1945 et 1966, la rade de Villefranche abrite la sixième flotte des États-Unis à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, dans le cadre de l’organisation du traité de l’Atlantique Nord.
Vue aérienne du Port de Villefranche Darse. 2008 CCI NCA
Affectation des équipements du port de Villefranche aux marines de guerre russe, américaine et française. 1883 Archives départementales des Alpes-Maritimes
Plan figuratif du Lazaret. 1669 Archives départementales des Alpes-Maritimes.
Bâtiment de la marine américaine en rade de Villefranche. 1872 Archives départementales des Alpes-Maritimes
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Port de Villefranche Darse. 2008 CCI NCA
II
Dommages seconde guerre mondiale sur le port de Villefranche Darse. DRAC
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QUELQUES ELEMENTS CONSTITUTIFS DU COMPLEXE PORTUAIRE
V
illefranche-sur-mer dispose d’un des plus extraordinaires ensembles patrimoniaux de la Côte d’ Azur. Un arsenal maritime que la maison de Savoie a mis quatre siècles à bâtir (du XIV ème au XVIIIème siècle), pour y lancer, entretenir et défendre sa flotte de galères. En 1793, lors de l’occupation de Nice par les troupes révolutionnaires, un rapport rédigé par les commissaires de la République décrit cet ensemble comme « considérable avec deux forts, une corderie, des magasins, des casernes pour un bataillon, un bagne pour mille forçats, un chantier pour la construction des frégates, une forme pour celle des galères ». Reconstitution de la Darse, avec ses bâtiments tels qu’ils étaient à leur construction.
• A : Le môle de la Darse Comme le prouvent les dates sculptées sur les clés de voute en pierre le « môle foraneo » est édifié entre 1725 et 1728. Ces renfoncements pratiqués dans la construction, au niveau du cheminement, servent comme dépôt et comme cuisine à terre pour la chiourme des galères. Au sommet du môle, côté mer et donc à l’est du bassin de la darse, s’élevait une « mousquée o moschea de Turchi ». Il ne reste pas de vestiges de cette mosquée fréquentée par les esclaves orientaux travaillant aux services des galères. Le prolongement final du môle et son doublement sont réalisés dans les années 1770, sous la direction du Turinois Filippo Nicolis di Robilant (1723-1783), architecte et ingénieur militaire. Le môle avec le chemin de ronde qu’il porte sont inscrits au titre des Monuments Historiques le 11 février 1991.
Plan de la darse, citadelle et ville. XVIII ème siècle
• B : Arsenal des galères du bassin. -Le bassin de Radoub L’arsenal des galères comprend un long bassin couvert en charpente, près duquel est disposé un magasin. L’espace qu’il occupe est fermé du côté de la Darse par un portail monumental et, à l’opposé, par un autre bâtiment. Sa longueur est de soixante-quatre mètres et sa largeur de douze mètres. Cet ouvrage, à l’origine couvert, a servi à la construction de galères. La première galère construite à Villefranche-sur-Mer est la «Santa Barbara», lancée en 1739. Ce bassin peut accueillir des unités jusqu’à 40 mètres de long et 6/8 mètres de large, d’un tirant d’eau de 3,5 mètres maximum. Il a l’avantage de pouvoir recevoir deux navires simultanément.
Cheminement sur le môle. 2004 CCI NCA
Bassin de Radoub. 2011 Sylvie T
Ce dernier convient parfaitement à la mise à sec en douceur des vieux yachts à moteur et des voiliers de tradition, aux carènes en bois fragiles. - Les anciennes forges Magasin pour l’arsenal de la marine, ce bâtiment en trois parties est connu sous l’appellation de «vieilles forges » car sa partie Est sert à la fabrication des pièces métalliques des navires, des chaînes des galériens et des forçats. La partie centrale, (bâtiment C) est endommagée durant la dernière guerre, faisant disparaître une série d’arcades limitant une longue galerie ouverte sur le port. Aujourd’hui, il se divise en trois parties : la partie Est, occupée par l’Observatoire Océanographique, la partie centrale (bâtiment C) et la partie Ouest (bâtiment B). Les anciennes forges sont inscrites au titre de Monument Historique par arrêté du 11 février 1991.
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III
Bassin de Radoub. 2003 CCI NCA
Début du XXème siècle : bassin de radoub en 1er plan au fond façade du bâtiment des forges, sur la droite le bâtiment d’armement du bassin.
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LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DU COMPLEXE PORTUAIRE (SUITE)
• C : L’hôpital du Bagne Dès 1767, il est projeté de construire un hôpital destiné aux galériens, qui est terminé en 1769. C’est un bâtiment régulier, de plan rectangulaire, allongé parallèlement au rivage qui comporte deux niveaux divisés en trois galeries. Il est abandonné en 1850 et les galériens transférés à Imperia. Il reprend du service en 1870 et sert de quarantaine aux prisonniers niçois atteints du choléra. Il est ensuite mis à disposition des Russes pour y mettre leur réserve de charbon et transformé en 1885 en station zoologique. Il est actuellement occupé par l’observatoire océanologique de Villefranche. • D : le Lazaret et l’arsenal des Frégates
Hôpital du Bagne
Dans le cadre de la politique sanitaire de la Maison de Savoie, début du XV ème siècle, Nice et Villefranche se dotent d’installations spécifiques liées à leur situation de fenêtres maritimes des Etats de Savoie. Les « lazarets » situés à proximité des installations portuaires, accueillent les personnes susceptibles d’être contagieuses (notamment par la peste et le choléra). Celui de Villefranche aujourd’hui disparu, est mentionné dès 1682. C’est un ensemble vaste pour l’époque, constitué de deux bâtiments rectangulaires alignés, qui sont formés de quatre galeries parallèles séparées par des arcades. L’ensemble est fermé dans une enceinte, munie de tours d’angle et percée de trois portes. La tour ouest est le dernier vestige de l’ensemble du XVIIème siècle. C’est un bâtiment carré à un étage, surmonté d’un toit à quatre pentes, aux tuiles vernissées caractéristiques de la région. Cette tour est parfois nommée « Tour Paganini » car elle abritait le corps de l’artiste après sa mort en 1840.
Chapelle du Lazaret. 1989 Base de données des monuments historiques
Des 3 tours d’origine, il n’en reste plus qu’une actuellement. • E : La Corderie A la suite de la décision prise au milieu du XVIIIème siècle d’utiliser non plus des galères, mais des frégates, il devient indispensable de disposer d’une corderie. Un premier bâtiment, construit en 1771, est prolongé vers 1787 pour atteindre une longueur d’environ 160 mètres. La façade de l’ancienne corderie est inscrite par arrêté du 11 février 1991, au titre des Monuments Historiques. • F : Entrepôts, caserne et jardin Beaudouin
L’ancienne Corderie. 2012 CCI NCA
Deux galeries sont construites à partir de 1719, leurs constructions s’échelonnent sur plusieurs décennies. Elles sont ouvertes vers la mer à travers une série d’arcades et, à l’opposé, elles donnent accès à d’autres galeries, souterraines, disposées perpendiculairement. Cet ensemble sert de dock pour le commerce, mais est aussi destiné à stocker le matériel servant à l’entretien des galères. Au dessus de ces galeries et voûtes une caserne de trois étages est construite vers 1778. Soubassement de l’ancienne caserne Dubois
Elle est détruite en 1942. Entre 1957 et 1960, le toit en terrasse remplace la caserne. Il est réaménagé en jardin par l’architecte Eugène Beaudouin. L’ancienne caserne Dubois et le jardin en terrasse qui le couvre sont inscrits au titre des Monuments Historiques par arrêté du 11 février 1991.
Dessus de l’ancienne caserne Dubois, jardin en terrasses, 1986 DRAC
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IV
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LE POLE DE REPARATION NAVALE
L
e site de la Darse accueille au fil des époques plusieurs chantiers navals, qui sont fonction du type de bateaux à construire : construction des galères, des frégates, conception ou réparation de navires de tradition …
En 1851, le bassin de Radoub est modifié pour permettre l’accueil des navires propulsés par des roues à aubes, sans avoir à démonter leurs roues. La couverture de ce bassin constituée d’une toiture et d’une porte monumentale est démolie. L’activité du chantier naval perdure à travers les époques. Les secrets et les techniques transmis de génération en génération, sont encore appliqués à la darse. Ils témoignent de la tradition de construction navale à Villefranche où au cours des siècles, des habitants ont toujours pratiqué les métiers qui s’y rattachent. Quelques chantiers navals connus : - En 1929, Gabriel Voisin, constructeur d’avions et de voitures, obtint la concession d’exploitation du bassin du radoub. Il crée le chantier du même nom qui perdure jusqu’en 1989. Il est repris en 1990 par un homme d’affaire britannique, M. Coossens qui ferme à son tour l’entreprise en juin 1994.
Réparation navale, bassin de Radoub 2003. CCI NCA
- Dans les années 50, le constructeur de voitures Lucien Rosengart, remet en état les bâtiments de la vieille forge et monte un chantier naval. Une cinquantaine d’ouvriers s’affairent à la construction de voiliers, de vedettes pour particuliers et de chaloupes de sauvetage pour les navires de commerce en Afrique. - De 1952 à 1955, un chantier naval est conduit par Joseph Masnata et Paul Spapéri, puis Joseph Cipollina. Ils construisent des pointus de pêche et de plaisance et mettent en place ensemble entre 1955 et 1965 deux cales de halage pour chariots de 45 et 100 tonnes. Ce chantier naval continue encore aujourd’hui d’exploiter les deux cales de halage, et développe des activités de carénage, mise à terre et réparation. - Autres sociétés installées à Villefranche à cette époque : le chantier naval Zugliano, opérationnel jusqu’en 1952, construit des voiliers et des pointus, le chantier naval Marius Riccardy jusqu’en 1965, construit des Monotypes, Météores et Pointus.
Atelier de réparation navale. 2008 CCI NCA
Une vingtaine d’entreprises spécialisées dans la réparation navale sont encore présentes aujourd’hui sur site. L’une d’entre elle, dirigée par Gilbert Pasqui est experte dans la restauration de vieux gréements et de construction de voiliers en bois. Ses interventions sur de nombreux navires (Tuiga, Zaca, Moonbeam III, Keep Trust, Halloween…) lui confèrent une renommée internationale.
Chantier naval. 2011. CCI NCA
Bassin du Radoub 2011. Sylvie T
Bassin de Radoub - 2003 CCI NCA3
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PROGRAMME DE MISE EN VALEUR DU PATRIMOINE DE LA DARSE Un programme d’actions est déployé pour maintenir et mettre en valeur le patrimoine portuaire de Villefranche Darse. Les dernières actions réalisées sont : • Rénovation complète de l’extérieur et l’intérieur du bâtiment A en 2007 • Remplacement du grand chariot slipway en 2008 • L’étanchement du bassin de Radoub en 2009 • La réhabilitation des anciennes forges (en cours)
Etanchement Bassin du Radoub en 2009. CCI NCA
LA REHABILITATION DES ANCIENNES FORGES Les anciennes forges de la Darse de Villefranche font l’objet d’un programme de réhabilitation complet intégrant la sauvegarde du bâti détérioré et la reconstruction du bâtiment central détruit. Il prévoit de reconstituer la volumétrie originelle des bâtiments, les façades traditionnelles, les arcades du rez-de-chaussée, et de conforter la vocation de réparation navale de ce lieu. Le permis de construire a été accordé le 24 novembre 2010. Un partenariat entre la Fondation du Patrimoine, le Conseil Général et la Chambre de Commerce et d’Industrie des Alpes Maritimes est en cours pour engager la sauvegarde de cet ensemble par une opération de mécénat et de souscription publique. La Fondation Total et la fondation du Crédit Agricole contribuent à cette opération, en finançant près d’un tiers de la réparation du bâtiment Est.
Fin XIX ème - début XX ème siècle CCI NCA
AMBITIONS POUR CE SITE • Valoriser le patrimoine bâti • Renforcer la vocation de ce site dédié à l’entretien de « vieux gréements » et yachts de prestige en intégrant la formation à la réparation navale
Aujourd’hui
• Favoriser le développement des activités économiques et touristiques en relation avec l’identité patrimoniale portuaire. • Conforter le circuit touristique Santé-CitadelleDarse en organisant un circuit sécurisé
Demain Photomontage
SOURCES DES ILLUSTRATIONS : • Torino 1706 l’alba di un regno una mostra evento per ricordare. Citta di Torino. 1990 • Voyage pittoresque dans le comté de Nice et les Alpes Maritimes du XVIIème au XIXème siècle. Academia nissarda. 2005 © Chambre de Commerce et d’Industrie Nice Côte d’Azur
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