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Introduction

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Sven Becker

Sven Becker

Christian Aschman

Pol Aschman avec sa chambre technique Linhof Technika dans le parc municipal, près de la Villa Louvigny. Collection Aschman-Bodson En 2017, l’envie de me plonger à nouveau dans les archives de mon oncle, le photographe Pol Aschman, s’est dessinée en moi. 2021 marquant le centenaire de sa naissance, l’année m’a semblée être naturellement celle durant laquelle son œuvre se devait d’être montrée.

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Connaissant une grande partie de son travail de par des recherches antérieures et grâce aux expositions et publications de la Photothèque de la Ville de Luxembourg, je me suis penché sur ses archives durant quelques mois, afin d’avoir une vue d’ensemble sur sa carrière de photographe.

En scrutant les quelques 220 000 clichés reproduits sur des planchescontacts – il ne subsiste que très peu de tirages d’époque – j’ai compris à quel point cet homme était travailleur et absorbé par son métier. Dès lors qu’il a commencé à travailler pour l’hebdomadaire illustré Revue, l’année est rythmée par les grands rendez-vous qui jalonnent la vie au Luxembourg, comme la Schuerberfouer, l’Emaischen, la Braderie, le Bichermaart, la Fête nationale. Autant d’évènements couverts par ses soins jusqu’en 1988.

Le Rolleiflex de format 6x6 était son appareil de prédilection. Ce boîtier se porte au niveau du ventre : on vise son sujet à travers un verre dépoli tout en penchant la tête vers le bas. Le regard est ainsi moins direct, comme si le photographe s’inclinait devant son modèle. Même si le boîtier Leica IIIf l’accompagnait toujours, celui-ci était moins utilisé. Dans les années 1970, le Nikon Reflex a doucement pris la relève, c’est avec une chambre technique Linhof Technika III (Technische Kamera 9x12/4x5 inch) achetée en 1952 qu’il prenait ses photographies d’architecture et de studio, en noir et blanc ou en couleurs.

Photographe indépendant et photographe-reporter, mon oncle a mené deux carrières parallèles : celle du journaliste couvrant tous types d’évènements – à la fois politiques, culturels et sociaux – et celle du photographe indépendant, travaillant sur commande pour des clients privés ou des sociétés commerciales.

Pol Aschman a été mis au contact de la photographie dès son enfance. Camille Aschman, son père, était chimiste au sein de l’ARBED-Dommeldange. Il y documentait des objets manufacturés par les usines du groupe sidérurgique. Souvent il photographiait ses enfants, Pol, Camille-Gaston,

décédé à l’âge de 9 mois, et Alex. Il mettait Pol et Alex en scène, les faisait poser devant la maison, sur leur terrasse, dans le parc municipal, avec à chaque fois un jouet, un animal ou une plante dans les bras ou posé devant eux. On retrouve d’ailleurs ces petites scénarisations dans le travail de Pol Aschman et ce tout au long de sa carrière. Mon oncle se mettait volontairement en scène dans ses reportages, endossant par exemple l’uniforme de receveur de ticket dans le tramway.

Dans le cadre de cette publication, j’ai eu à cœur de porter un autre regard sur le travail de Pol. Je me souviens de soirées passées chez lui, dans son studio, alors que j’étais adolescent. Il nous invitait, avec mes frères et sœurs, pour la fête des saints Pierre et Paul, chaque 29 juin. Étaient présents sa fidèle gouvernante et des assistants ou anciens assistants. C’était chaque année le même rituel : « Bowle » à la fraise et tartes aux groseilles vertes du jardin, sans sucre. À ses yeux, cela devait être l’occasion d’organiser une sorte de fête familiale où il jouait le rôle principal. Sa personnalité, forte en apparence, m’a toujours impressionné et je me souviens d’évènements comme le Bichermaart, la Braderie ou l’Emaischen, lors desquels, avec mes frères et sœurs, nous espérions le croiser à un moment ou un autre pour qu’il nous prenne en photo parmi la foule. Au fil de mes recherches, j’ai aussi découvert des anécdotes que je ne connaissais pas comme, que ma mère, fille de Victor Bodson, ministre des Travaux publics, avait inauguré le pont de Kautenbach le 5 octobre 1952.

En 1988, j’ai moi-même commencé mes études de photographie, mais malheureusement je n’ai jamais eu l’occasion de discuter avec mon oncle de son métier. Ce livre est pour moi l’occasion de montrer l’homme et son travail sous un angle différent. La presque totalité de ses photographies ont été prises dans le cadre de reportages réalisés pour l’hebdomadaire illustré luxembourgeois Revue et le quotidien Luxemburger Wort. S’y ajoutent des photographies peu connues, issues de commandes commerciales réalisées pour les Foires Internationales de Luxembourg ou de commandes de photographies d’architecture.

Mon œil et ma carrière de photographe, mais aussi ce lien familial qui nous unit, m’ont aidé à rentrer dans son travail et à m’imaginer un peu mieux sa vie,

Pol Aschman avec deux amis sur l’esplanade du Trocadéro à Paris en août 1947. Collection Aschman-Bodson

Pol Aschman, 1947. Collection Aschman-Bodson

Inauguration du pont de Kautenbach par Sonia Bodson, fille de Victor Bodson, ministre des Travaux publics, le 5 octobre 1952.

Pol Aschman dans son atelier vers 1947. Collection Aschman-Bodson

son regard et son œuvre. Son parcours et sa carrière ont été très marqués, comme pour beaucoup de jeunes de sa génération, par l’épisode de la Seconde Guerre mondiale. À partir de 1945, Pol Aschman photographiait souvent ses camarades, les camps de scouts ou encore des amis étudiants à Montpellier, ville où il avait commencé de brèves études d’ingénieur-chimiste. S’ensuivent des stages chez des photographes en Belgique, en France et au Luxembourg, époque durant laquelle apparaissent les premiers portraits d’amis réalisés dans un studio improvisé, aménagé dans la salle à manger de son père. À Vevey, en Suisse, au sein de l’École communale des Arts et Métiers, section photographie, il réalise ses premiers reportages comme par exemple celui dédié à l’arrivée en ville du cirque Knie. Ceux menés au Luxembourg datent de la fin des années 40, en témoigne « Konzert auf dem Paradeplatz », sa première publication dans l’illustré Revue daté du 20 août 1949.

Durant les mois d’été, Pol Aschman partait régulièrement en voyage. Des périples qui l’emmenaient en Scandinavie ou en Italie, au Portugal, en ex-Yougoslavie ou en Turquie, et qu’il effectuait toujours au volant de sa Volkswagen Coccinelle. Ces virées étaient souvent combinées à des reportages. Paris était comme un refuge pour lui, de nombreuses séries de photos en témoignent, tandis qu’il se rendait à Strasbourg pour aller chez son coiffeur. De tout ce travail, de ces milliers de kilomètres parcourus, de cette multitude d’images, je retiens avant tout la passion de Pol Aschman pour l’homme, mais aussi ses échanges, son désir de montrer des faits de société, de mettre en lumière les exclus, la jeunesse, les changements, le renouveau… avec un regard précis, joyeux et parfois un peu moqueur.

Je suis fier que de nombreuses photographies retraçant la vie au Luxembourg, surtout dans les années 1950 et 1960, soient devenues des classiques, des images entrées dans la mémoire collective luxembourgeoise.

Festival du film italien au cinéma Eldorado du 6 au 8 décembre 1954. L’actrice italienne Silvana Pampanini refait le nœud papillon de Pol Aschman.

La famille Camille Aschman-Huss, le 6 août 1924 devant le magasin de tabac de Sisy Huss Au Planteur de la Semois, situé au n° 16 de la rue Philippe II à Luxembourg. Pol Aschman tient la main de son père Camille Aschman jr. Collection Aschman-Bodson

Pol Aschman, rue Philippe II, le 20 avril 1922. Photo Camille Aschman jr. Collection Aschman-Bodson

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