Griffonnier122 28septembre2017

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122 - Jeudi 28 septembre 2017

3000 exemplaires - gratuit

Dossier spĂŠcial : Implication pages 2 et 3

ceuc.ca

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Implication

Jeudi 28 septembre 2017 No 122 Journal Le Griffonnier

L'implication, une entrave aux études? Jessica Normandin Journaliste

L'implication scolaire, pour certains, rime souvent avec surcharge. Étant déjà occupés par les cours et le travail, bien des étudiants et des étudiantes passeront à côté d’expériences qui pourraient s'avérer bien enrichissantes pour leur avenir. Savoir gérer son temps Gérer son emploi du temps, lorsqu’on est étudiant, n’est pas toujours facile. Qu’il s’agisse d’une implication scolaire, communautaire ou autre, il est important de bien choisir

ce que l’on veut faire, mais surtout, être conscient du temps que l’on est prêt à consacrer pour l’activité sélectionnée. Ce deuxième point est bien important puisqu’il peut être la base de bien des échecs. Il y a beaucoup de témoignages de jeunes gens certifiant qu’ils n’arrivaient plus à rien, car leur horaire était trop chargée, entre les cours, le travail et leurs activités. Il est tout à fait normal de faire des erreurs lorsque l’on essaie d’intégrer de nouvelles activités à notre quotidien. C’est par essais et erreurs que l’on finit par savoir ce qu'on aime et ce qu’on n'aime pas. L’expérimentation

nous permet également l’expérience s’avère plutôt d’établir nos limites, nos encombrante. Toutefois, motivations et nos buts. si on ne tente rien, on ne saura jamais si l’implicaMotivations et bienfaits tion en valait la peine. Plusieurs raisons peuvent pousser un étudiant ou une étudiante à vouloir s’impliquer : découvrir de nouvelles choses, faire de nouvelles rencontres, aider son prochain, acquérir de l’expérience pour un futur emploi ou même, pour une personne plus timide, apprendre à aller davantage vers les autres. Évidemment, tout dépend de la personnalité de chacun. Si l’on ne voit pas d’intérêt à l’implication et que l’on n’a pas de motivation, il se peut que

En ce qui concerne les gens motivés à s'impliquer, ils profitent d'un lot de bienfaits. On se fait des amis, on apprend à mieux connaître notre milieu de vie et le sentiment d’appartenance face à notre communauté s’amplifie. Lorsque l’on est nouveau dans un établissement scolaire ou dans un programme d’études, s’impliquer auprès d’autres étudiants et étudiantes – par exemple, en étant actif au sein de son association – peut donner un tout

les autres. Militer, c’est aussi apprendre. Par exemple, j’ai appris sur les réalités des personnes trans. J’ai aimé mieux comprendre leur réalité. Sauf que devoir tout approuver sans me poser de questions et être soumise à ces militantes, ça m’a rendue plus triste qu’autre chose. Il est fort possible de militer tout en respectant ses limites. Non, prendre une pause ne fait pas de vous des « privilégiés », mais des gens qui sont capables de s’arrêter quand leur limite est atteinte. Oui, vous pouvez trouver certaines approches militantes douteuses et, parfois, il vaut mieux s'en éloigner.

d’action contre la violence sexuelle faite aux femmes.

nouveau sens aux années d’études devant soi et ainsi motiver la présence aux cours, auxquels on veut assister pour y voir les gens que l’on aime côtoyer. De l’implication, ça prend du temps et de la motivation. Ce n’est évidemment pas toujours facile de concilier le tout avec les études et le travail. Cependant, tenter l’expérience, ne serait-ce qu’une fois, peut s'avérer enrichissant. Que l’on aime ou que l’on n’aime pas l’activité dans laquelle on a décidé de s'impliquer, il y aura toujours quelque chose à apprendre qui influencera le cheminement que l'on suit.

Militer ou performer? qu’on ne poussait pas notre militantisme assez loin. Elles ont commencé à harceler Au cours de la dernière certaines personnes – dont année, j’ai été une militante moi – si on ne disait pas ce féministe très active. Je le qu’elles voulaient entendre faisais par plaisir, mais aussi ou si on ne militait suffisampour cette cause de l'égalité ment à leur goût. des sexes qui a encore plus lieu d’être aujourd’hui. Le J’ai développé de l’anmilitantisme m’a fait réali- xiété. Je me sentais enfin ser que j’avais été victime acceptée dans un groupe, de beaucoup d’injustices mais je devais toujours liées au patriarcat, mais cela performer mieux, quitte à m’a rendue victime d’autre laisser certain.e.s de mes chose également : la perfor- ami.e.s être attaqué.e.s par mance de militante. ces militantes sans rien dire. Elles avaient souvent raison J’ai intégré un groupe de remettre certains milimilitant secret vers tants à leur place, mais parl'automne de l’année pas- fois, ça allait trop loin parce sée. Dans des conversations, qu'elles interprétaient incoron y dénonçait des person- rectement leurs intentions. nes qui causaient des pro- De plus, ce groupe de miliblèmes. Le plus souvent, ces tantes aspirait à une pureté personnes étaient des hom- idéologique irréaliste. On mes avec des idées misogy- devait tou.te.s penser de la nes ou encore d’autres qui même manière, sans quoi entretenaient la culture du on se faisait intimider. Pluviol. Bref, ces gens étaient sieurs situations m’ont mise exposés dans notre groupe mal à l’aise. secret et ça permettait de se vider un peu le cœur. CepenBref, cette façon de milidant, certaines militantes ter est selon moi toxique, commençaient à trouver autant pour soi que pour Ionana Brassard Journaliste

Je ne milite donc plus vraiment sur les réseaux sociaux et je me suis dissociée de ces militantes, mais j’ai coorganisé une marche de solidarité pour les femmes victimes d’agression sexuelle avec la Maison Isa, organisme auprès duquel je fais du bénévolat. Nous avons fait cette marche dans le cadre de la Journée

les failles du système de justice dans les agressions sexuelles qui ont été dénonNous sommes des- cées. Nous avons égalecendus de la Cathédrale ment observé une minute jusqu’à la Place du Citoyen, de silence devant l’ancien où nous avons tenu un ate- Bar Le Pub, puisque ce lieu lier d’art ambulatoire animé était connu en raison des par Annie Baron. Bien que hommes qui mettaient de la nous étions peu, les gens drogue du viol dans les veront participé à fond à l'acti- res des femmes. Bref, une vité. Nous avons aussi tenu belle soirée de mobilisation des discours symboliques, et d’information, c’est un notamment devant le palais style de militantisme qui me de justice afin de dénoncer convient parfaitement!

Source Photo : Ioana Brassard


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Le bénévolat n'est pas une obligation, mais une nécessité Jessica Lavoie Journaliste Je peux affirmer sans hésiter que mes expériences de vie et mon parcours scolaire seraient grandement différents si je ne m’étais pas impliquée comme je l'ai fait lors des dernières années. Mon implication n’est pas la plus grande; elle se résume à quelques participations à des projets étudiants et à des projets au sein de la communauté. Néanmoins, toutes ces expériences ont été des plus enrichissantes et ont ajouté un plus à mon existence.

Je crois que le désir de s’impliquer naît le jour où une cause, une idée ou un organisme nous interpelle plus que jamais. La passion, la volonté de changer les choses et l’envie de se sentir utile sont, je pense, les principaux moteurs de l’implication. Passionnée de littérature et d’écriture, le hasard (qui n’en est pas un) m’a menée il y a plus d’un an à écrire pour CEUC, m’offrant une expérience unique de rédaction que je n’aurais pu acquérir autrement. Certaines cir-

constances de la vie m’ont aussi poussé à développer une volonté de collaborer à un organisme dont la mission et les valeurs me parlaient peut-être plus que tout autre : la Société canadienne du cancer. Chaque expérience peut donc devenir le point de départ de l’implication. Il faut garder l’esprit ouvert et demeurer attentif aux nombreuses possibilités qui surgissent sur notre chemin. Le choix des causes et des organismes est immense. Il est alors relati-

vement facile de choisir ce qui correspond le mieux à ce que nous sommes, à nos intérêts et à nos besoins. L’étape la plus difficile n’est pas de choisir, mais bien d’oser franchir le pas.

grand avantage! Étant donné que ce n’est pas une obligation, chacun donne le temps dont il dispose et s’implique parce qu’il veut réellement le faire. C’est d’ailleurs lors de ces occasions qu’on fait parfois les plus belles renEt pourtant, il faut oser contres. On fait la connaisle faire! Je pense qu’on ne sance de personnes qui devrait jamais hésiter à ont les mêmes intérêts et s’investir et à s’impliquer motivations que nous, qui dans un projet qui nous nous partagent leur expétient à cœur. Le bénévo- rience, leur histoire, leurs lat est un loisir, une action ambitions, et qui, petit à faite volontairement et petit, enrichissent notre c’est, je crois, son plus manière de voir la vie.

Une partie de mon quotidien Andréa LeSieur Journaliste

Depuis le primaire, je m’implique dans plusieurs domaines. J’ai toujours eu à cœur de donner de mon temps pour les autres. J’ai commencé à faire du bénévolat pour le Club des petits déjeuners à mon école lorsque j’étais à Kingston, car je voulais donner un peu de bonheur et un bon déjeuner

à ces jeunes de mon établissement qui n’avaient pas la même chance que moi.

par année. Pour ma part, je n’ai jamais senti d'obligation, c’était toujours très important pour moi Dès le début de cette de me donner. J’ai surtout expérience, je me suis été active bénévolement découvert une passion dans le cadre de mon école pour le bénévolat et pour secondaire, mais j'ai aussi l’implication. aidé dans un centre communautaire de la place. En Ontario, une fois au secondaire, nous sommes L’implication a beauobligés de faire un nom- coup de bienfaits : être bre d’heures de bénévolat utile à la communauté,

apprendre à connaître différents groupes de personnes, avoir des objectifs, prendre du temps pour les autres, apprendre sur soi et, surtout, apprendre plein de nouvelles choses.

je n'ai pas de préférence – elles ont pour moi toutes une valeur égale.

Le moteur de mon désir d'implication, c’est cette possibilité de donner au suivant, d’une façon Chaque expérience de ou d’une autre, et de faire bénévolat apporte quelque du bien à tous – c'est là la chose d’unique et amène à force du bénévolat. Une se dépasser, et c'est cette chose est sûre : il n’y a pas différence entre les expé- de mauvais bénévole ou de riences qui fait en sorte que mauvaise implication!

Sous le sang: un nouveau concept pour CEUCRadio Francis Guay Journaliste

Freaky Geek de Productions FG, en direct de CEUCRadio, anime une toute nouvelle émission s'intitulant Sous le sang émission portée sur la découverte et l'explication des genres de l'horreur et du suspense.

Dans sa toute première émission, Freaky Geek a fait part de l'histoire générale englobant le jeu à succès Five Nights at Freddy's, jeu dans lequel le joueur incarne le rôle d'un agent de sécurité travaillant pour une franchise de restaurants ayant fermé suite à plusieurs incidents. L'émission Sous le sang est en

direct tous les lundis de 14h30 à 16h et peut être écoutée en rediffusion au courant de la semaine sur le site web ceuc.ca. Dans l'émission, Freaky Geek parlera de plusieurs titres connus dans le domaine des films, des jeux, des légendes et des romans d'horreur tels que A Nightmare on

Elm Street, Friday the 13th, Resident Evil, Silent Hill, Slenderman et Jeff the Killer. Il est possible de suivre la page Facebook des Productions FG afin d'avoir tous les détails concernant Sous le sang, que Freaky Geek anime pour son propre plaisir ainsi que pour celui de ses auditeurs et audi-

trices. Ce projet étant le fruit de son implication au sein des Communications étudiantes de Chicoutimi, Freaky Geek considère toujours les choix et les idées des gens qui l'écoutent et le suivent sur les réseaux sociaux afin de produire un contenu intéressant et de qualité.


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Jeudi 28 septembre 2017 No 122 Journal Le Griffonnier

Du latin, du français et de la féminisation remercie ses partenaires

Noémie Simard Journaliste Si, en août dernier, la parution des ouvrages

Grammaire non sexiste de la langue française et Dictionnaire critique du sexisme linguistique mis au point par deux avocats de profession, Suzanne Zaccour et Michaël Lessard, a su renflammer tout le débat sur la féminisation de la langue française, elle a déclenché chez moi plusieurs questionnements sur ce qui constitue cette problématique sociale. Le but de cet article est donc de partager et de poser certaines questions quant à l'avenir de la langue, de susciter la réflexion à ce sujet et de porter le débat ailleurs; il n’est pas de prendre position face à ce problème ni d’y apporter de réponses claires.

La féminisation de la langue française : un débat pertinent

Saguenay– Lac-Saint-Jean

Les propos contenus dans chaque article n’engagent que leurs auteurs. - Dépôt légalBibliothèque Nationale du Québec Bibliothèque Nationale du Canada Le Griffonnier est publié par les Communications étudiantes universitaires de Chicoutimi (CEUC).

La langue est le reflet d’une société donnée, qu’on parle du français, de l’anglais, de l’espagnol, du sanskrit, du japonais ou de n’importe quel autre langage. Vecteur d’une culture, elle sert à découper le réel, à l’exprimer d’une façon particulière et unique. Par exemple, l’inuktitut contient plusieurs dizaines de termes servant à définir et à différencier les types de neige et les types de glace, ce qui lui donne une capacité de distinction plus élevée que celle de bien des langues. Ce sont ces références au réel qui, exprimées différemment par chaque peuple, représentent leur culture et leur vision du monde et, donc, elles les représentent eux, elles représentent leur identité. Ainsi,

pour les personnes « proféminisation », le français, avec cette idée apportée que le « masculin l’emporte sur le féminin », avec les modifications et les coupures sexistes (comme l’effacement du mot autrice) apportées par l’Académie française aux XVIIe et XVIIIe siècles – ainsi qu’ultérieurement – représente une société dépassée de la vielle France où le patriarcat était dominant et la femme invisible. C’est pourquoi ces dernières décennies, avec la montée du féminisme et la volonté d’atteindre l’égalité des sexes, la question de la féminisation de la langue a commencé à se poser : une partie de la société ne se sentant plus représentée dans ce sexisme linguistique, elle a tenté de trouver une solution afin de rendre les femmes visibles, rendre la langue inclusive. Les défenseurs de la langue française telle qu’elle est aujourd’hui reprochent surtout aux personnes proféminisation de mélanger le genre linguistique et l’identité de genre. Certains parlent de genre marqué et non marqué, selon quoi le masculin correspondrait au non marqué (masculin générique) à moins d’être mis en relation avec le féminin; seulement alors, il deviendrait marqué. Voulant montrer ainsi qu’à la base, le genre linguistique n’est pas sexiste, mais plutôt pragmatique, ils rappellent également aux gens proféminisation que le français vient avant tout du latin, et que le genre linguistique de cette langue ancienne n’avait, comme c’est le cas du français aujourd’hui, aucun lien avec l’identité de genre ou le sexe. Si cela peut s'avérer exact « en

théorie », il en est peut-être autrement dans la réalité. Dans leur article du Devoir « Quand la ‘’neutralité’’ grammaticale rend les femmes invisibles », Michaël Lessard et Suzanne Zaccour tentent de réfuter cette idée et affirment que la « relation entre le genre grammatical et le genre des personnes est bien réelle, comme l’observe une étude de Markus Brauer et Michaël Landry dans laquelle on demandait à des participants et participantes de nommer un artiste, un héros, un candidat au poste de premier ministre ou un professionnel. L’emploi du masculin générique les incitait à nommer davantage d’hommes que lorsqu’une formulation épicène était utilisée, c’est-à-dire un nom qui renvoie à la fois aux hommes et aux femmes comme artiste ou personne. En moyenne, lorsqu’un terme générique masculin était employé, 23 % des nominations étaient féminines contre 43 % lorsqu’un terme épicène était utilisé. »

Le latin : un bref historique Puisque le français trouve sa source dans le latin, il semble important de faire le point sur l’origine de cette langue ancienne afin de mieux comprendre les questions que l’on se pose aujourd’hui. Tout d’abord, il faut savoir que le latin est dérivé d’une langue indo-européenne dont on ne sait presque rien. Cette dernière aurait été parlée par des tribus nomades, les Indo-Européens, qui auraient notamment migré vers la Grèce et vers l’Italie au cours du IIe millénaire av. J.-C. La manière dont ces populations vivaient, dont elles interagissaient ou encore d’où elles

arrivaient, on l’ignore encore de nos jours; elles restent un grand mystère pour les archéologues et les historiens. Néanmoins, le latin naît en Italie centrale, d’un petit groupe d’Indo-Européens s’étant installés dans la plaine du Latium. Il survit jusqu’au Ve siècle apr. J.-C., mais avec la dislocation de l’Empire romain, il se développe différemment selon les régions, donnant ainsi naissance aux langues romanes, parmi lesquelles se trouve le français. Au cours de cette transformation de la langue, le français a perdu les mots neutres que comportait le latin, c’està-dire des mots qui n’étaient ni féminin ni masculin. Au contraire, l’allemand, une langue aussi dérivée du latin, a gardé ce troisième genre neutre. D’un point de vue simplement linguistique, le masculin et le féminin dans la langue latine n’ont aucun lien avec l’identité de genre. Chaque mot a sa propre déclinaison, les mots féminins ressemblent quelque peu à la façon dont on percevait le féminin à l'époque, et vice versa pour le masculin. Seulement, d’un point de vue historique et sociologique, on constate que chez les Romains, la femme n’avait aucune place dans les hautes fonctions, n'ayant ainsi presque aucun – voire nul – pouvoir décisionnel au niveau de l’administration de la société, qui était surtout axée sur les hommes et sur la guerre. On se rend compte que la question de la féminisation d’un texte latin ne pouvait pas se poser à l’époque – genre neutre ou pas – puisque la société était patriarcale. Ainsi, il est pertinent de se demander si les linguistes ont pris en compte ce contexte sociohistorique

Nous joindre Rédactrice en chef : Noémie Simard Graphiste : Joëlle Gobeil

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Guillaume Ratté Jessica Lavoie Jessica Normandin Laurie Tremblay Stéphane Boivin

Image à la une : http://bit.ly/2fPhTAy

Prochaine parution : Jeudi 2 Novembre 2017 Tombée des textes : Vendredi 20 octobre 2017, 17 h Tombée publicitaire : Lundi 23 Octobre 2017, 17 h Impression : Imprimerie Le Progrès du Saguenay Tirage : 3 000 exemplaires


Jeudi 28 septembre 2017 No 122 Journal Le Griffonnier qui a pu largement influencer la formation ainsi que le développement du latin puisque, comme on l’a dit, une langue reflète la culture et la réalité d’un peuple, d’une société.

main », les catégories et les normes étant tellement installées depuis longtemps qu’elles sont totalement ancrées en l’humain. Finalement, Butler veut déconstruire un système qu’elle considère trop exclusif pour le remplacer par un système plus inclusif.

Judith Butler est une théoricienne importante et reconnue dans le domaine des Gender studies, connu en français comme « les études de genre ». Elle élabore la théorie de la matrice hétérosexuelle, une sorte de cadre normatif qui, prôné par la société occidentale, naturaliserait les corps, les genres et les désirs. L’être humain ayant besoin de reconnaissance sociale, tous ceux qui sortent de ce cadre seraient donc exclus ou pathologisés (par exemple les transsexuels, les intersexes et les homosexuels). Judith Butler avance donc qu’à défaut de réussir à éliminer totalement cette hétéronormativité, il faudrait au moins élaborer une norme dite minoritaire, afin que la vie des individus qui n’entrent pas dans le cadre de la « normalité » devienne vivable, car elle serait alors reconnue par un certain milieu social.

Cette brève introduction à la théorie de Butler semble révélatrice du débat sur la féminisation. En effet, on peut voir la langue française comme la matrice hétérosexuelle : elle prescrit une norme, la domination du masculin sur le féminin, ne laissant ainsi qu’une visibilité minime à la femme dont la vie pourrait devenir « vivable » grâce à la féminisation, qui lui octroierait une plus grande reconnaissance sociale.

Le genre : plus qu’une notion linguistique

Aussi, puisque ce social joue un rôle si important dans la construction du genre, la théoricienne affirme que celui-ci est une performance. En effet, chaque fois qu’un individu correspond aux normes établies par la majorité, il joue un rôle, c’est-à-dire le rôle de son genre; la femme qui se maquille parce que c’est ce que les femmes font et l’homme qui se force à aimer le sport parce que les hommes, selon la norme, doivent aimer le sport performent tous deux les genres normativisés de l’homme et de la femme. On arrive donc au cœur de la suggestion de Butler, qui critique le peu de marge de manœuvre qu’offre la matrice hétérosexuelle : défaire le genre, et ce, pour mieux le reconstruire. Dans son texte Défaire le genre, elle dit même qu’il « faut d’une certaine manière se départir de l’humain pour engager le processus de reconstruction de l’hu-

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Le français, la langue de l’avenir? Cependant, tout féminiser réglerait-il vraiment la question? Faire une place à la femme dans la langue, oui, mais qu’en est-il des personnes qui n’ont pas d’identité de genre? C’est d’ailleurs l’une des préoccupations de Suzanne Zaccour et Michaël Lessard, qui sont conscients que les méthodes proposées dans leurs guides de féminisation ne les incluent pas. Après tout, féminiser, c’est performer le genre à l’écrit, c’est rentrer le féminin dans la norme comme le masculin, mais c’est aussi exclure ceux qui n’ont pas d’identité de genre. Dans cette optique, la langue française, même féminisée, ne sera toujours pas représentative d’une société qui désire être inclusive et égalitaire. Conséquemment, si l’on veut réellement éliminer le sexisme de la langue française, on peut se demander si cette dernière n’a pas une date de péremption. Et si la solution n’était pas de féminiser, mais plutôt de « neutraliser » la langue? Et si la langue française évoluait, devenait queer? Celle-ci étant fondée sur la dichotomie féminin/masculin, cela serait-il possible? Pourrait-on encore appeler la langue qui en découle du « français »? Et si, comme le dit Judith Butler pour le genre, il fallait déconstruire la langue, et ce, pour mieux la reconstruire?

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Ubisoft Saguenay Elena Vongsawath Journaliste

Le premier ministre du Québec Philippe Couillard, le ministre des Finances Carlos Leitao, le maire de Saguenay Jean Tremblay, le cofondateur et présidentdirecteur général d’Ubisoft Yves Guillemot, le président-directeur général des studios d’Ubisoft Montréal, d'Ubisoft Québec et d'Ubisoft Ottawa Yannis Mallat ainsi que le directeur général d’Ubisoft Saguenay Jimmy Boulianne sont les acteurs principaux qui se sont réunis lors de la conférence de presse ayant eu lieu le 5 septembre dernier à la Place du citoyen de Chicoutimi. Un par un, ​ces acteurs du changement ont défilé et pris la parole pour nous expliquer ce que représentait pour eux un projet comme Ubisoft Saguenay, et ce que cela impliquait pour notre région ​​et ​​ses ​​habitants.

Dès le commencement de l’année 2018, Saguenay verra naître un tout nouveau studio de création : Ubisoft Saguenay. Bien que reconnu pour ses titres comme ​For Honor et​ Assassin’s creed​, Ubisoft a décidé d’investir dans une branche croissante

du jeu vidéo : le online. Ainsi, l’entreprise qui s’installera sous peu au Saguenay se concentrera principalement sur le développement de l’expertise online de la compagnie. Ubisoft compte effectuer un investissement direct d’un montant d’environ 135 millions de dollars dans la région d’ici 2027. Le studio devrait compter 125 employés d’ici cinq ans et Ubisoft anticipe la création de 1000 nouveaux emplois répartis entre ses différents studios de la province, ainsi qu’un futur studio québécois d’ici​​ 2027.

Bien que la nouvelle de la venue d’Ubisoft ait enflammé les esprits des joueurs et des programmeurs de la région, bien peu d’informations, autres que celles divulguées dans les journaux précédemment, furent ajoutées au sujet du projet Ubisoft Saguenay. Cependant, la nouvelle en elle-même a réussi à animer un espoir chez les gens de la région qui désiraient tant rester​​ ici ​​tout ​​en ​​pratiquant ​​leur​​ métier.​​L​​​​es derniers détails restent ​​à​​ suivre​​ dans​​ les​​ prochains ​​mois.

Source Photo : http://bit.ly/2wnDHfS

L’UQAC, une référence selon Ubisoft Stéphane Boivin Journaliste

La multinationale du jeu vidéo Ubisoft – à l’origine des séries Assassin’s creed, Far cry et Rainbow six – annonçait le 5 septembre à Chicoutimi l’ouverture d’un bureau à Saguenay. Ce dévoilement a réuni bon nombre de personnalités politiques de tous les paliers de gouvernement ainsi que plusieurs représentants des milieux de l’éducation et de l’économie. L’entreprise a développé une relation privilégiée avec le Québec depuis son installation à Montréal en 1997, contribuant à faire de la province le troisième pôle mondial de l’industrie du jeu vidéo. Sa venue à Saguenay fait partie d’un plan de croissance visant les régions du Québec. Ubisoft compte ainsi investir plus de 780 millions de dollars sur dix ans dans ce déploiement hors des grands centres. L’UQAC au cœur de la décision

Source Photo : http://bit.ly/2wnDHfS

Yves Guillemot lors de la conférence de presse du 5 septembre.

À Saguenay, l’opération représente un investissement de 135 millions de dollars qui devrait, à terme, permettre la création de 125 emplois dans un délai de cinq ans. Si les détails de l’installation d’Ubisoft en ville restent inconnus, aucun lieu n’ayant encore été identifié, les raisons et les besoins de la compagnie sont manifestes, comme l’explique Jimmy Boulianne, qui dirigera le studio de Saguenay :

« Nous avons trouvé, dans la région, les atouts nécessaires au bon développement de l’industrie du jeu vidéo. Le premier facteur déterminant est la présence d’institutions d’enseignement de haut niveau, comme l’UQAC, qui offrent des programmes parfaitement adaptés aux jeux vidéo. J’en profite pour insister sur le fait que l’UQAC est l’un des secrets les mieux gardés au Québec. C’est une véritable référence dans notre domaine. » La présence remarquée d’étudiants et d'étudiantes de l’UQAC et de l’École NAD lors de concours organisés par Ubisoft a attiré l’attention des dirigeants. Cofondateur et président-directeur général d’Ubisoft, Yves Guillemot tenait à être le premier à profiter des talents développés ici. « Généralement, nos concurrents nous suivent assez vite. Donc j’aimerais qu’ils ne viennent pas trop vite quand même! (…) La principale problématique (pour s’établir en région) c’est de pouvoir trouver les talents. La réponse de l’UQAC est excellente pour nous. Nous avons regardé ce qu’ils avaient fait avant ; c’est à dire comment ils avaient créé tout un système qui permettait aux personnes d’apprendre ce métier du jeu vidéo. (…) C’est ça qui nous a fait prendre la décision finale. Ce concours nous a démontré qu’ici il y avait les talents, et qu’il fallait venir les chercher

ici. Assez tôt pour pouvoir s’installer avant qu’effectivement d’autres puissent venir. » Un projet en marche Ubisoft prévoit ouvrir son antenne saguenéenne au tout début de 2018. Les bureaux de Saguenay seront spécialisés dans le développement d’expériences connectées liées au jeu en ligne, un axe de croissance et d’innovation de premier plan. La période d’embauche s’ouvre dès maintenant. On peut soumettre sa candidature en visitant la page d’Ubisoft Saguenay. L’entreprise mettra sur pied une équipe multidisciplinaire comprenant entre autres des profils en gestion de production, programmation, design graphique, animation et conception. Participation à la recherche En plus de la reconnaissance accordée à l’UQAC comme partenaire de cette implantation au Saguenay, Ubisoft investit également 13 millions de dollars dans diverses stratégies de développement de la relève, de la recherche et de l’entrepreneuriat, notamment à travers ses plateformes La Forge, destinée à la recherche universitaire appliquée, et Codex, un programme d’investissements en éducation. Les modalités de ces investissements et leurs répercussions sur l’UQAC seront précisées en temps et lieu.


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Jeudi 28 septembre 2017 No 122 Journal Le Griffonnier

Le point sur les travaux Stéphane Boivin Journaliste Difficile de ne pas le remarquer : le campus de l’UQAC abrite actuellement plusieurs chantiers. Afin de faire le point sur ces travaux, nous avons rencontré Frédéric Desgagné, directeur du Service des immeubles et équipements (SIE). Le SIE doit jongler avec les priorités imposées par trois volets de sa mission. Aux exigences d’entretien général et régulier du campus s’ajoutent les besoins académiques et les rénovations ponctuelles d’équipements désuets. Même si le service privilégie l’été pour effectuer les travaux les plus invasifs, la belle saison comprend ses contraintes. En effet, la période où la communauté étudiante est réellement absente est limitée. Il faut aussi prendre en compte les vacances de la construction qui limitent la marge de manœuvre en période estivale. Ces contraintes, en plus de la nécessité de privilégier les espaces académiques en vue de la rentrée, expliquent que certains projets d’envergure, comme la réfection de l’entrée principale de l’UQAC, empiètent sur la session d’automne et sont actuellement en cours. Les espaces intérieurs sont priorisés afin de minimiser l’impact sur les activités d’enseignement. Autant de défis logistiques pour l'équipe du SIE.

Entretien Malgré une enveloppe budgétaire limitée, le service s’assure que les immeubles et les équipements ne se détériorent pas. Sur cet indice du degré de vétusté, l’UQAC se positionne fort bien. En effet, une étude rendue publique par RadioCanada en octobre dernier plaçait l’institution saguenéenne en tête de liste quant à la qualité de ses installations. La réfection des toitures débute dès la fonte des neiges et est effectuée par secteurs. Le cycle tire à sa fin, les derniers travaux concernant la toiture étant prévus au printemps prochain.

Installations académiques Plusieurs équipements académiques ont été rafraîchis ces derniers mois. D’autres encore sont sur le point de l’être. Parmi ces projets, les laboratoires des sciences appliquées ont été refaits cet été. Ces espaces étaient presque aussi anciens que le pavillon principal bâti au tournant des années 1960.

Le deuxième étage du pavillon principal, du côté est, a connu une profonde cure de rajeunissement afin d’accueillir les nouveaux laboratoires de sciences appliquées, d’informatique et de génie. Ce qui fut jadis la reprographie de l’UQAC a été transformé en une « superclasse » d’informatique. Par ailleurs, la plomberie des laboratoires situés au-dessus de ces locaux, au troisième étage, a également été refaite. Les travaux dans ce se teur ont respecté un échéancier serré et résultent en une esthétique d’inspiration industrielle qui s’éloigne de l’ensemble de l’établissement. C’est un choix volontaire afin de souligner la vocation technologique de ce secteur. Quant au pavillon AlphonseDesjardins, un laboratoire d’orthopédagogie ainsi qu’une clinique de kinésiologie ont été créés.

Photo : courtoisie

De gros chantiers Mais le chantier le plus visible est sans aucun doute celui de l’entrée principale. Frédéric Desgagné explique les raisons qui ont rendu ce projet nécessaire : « D’abord, les portes étaient plus qu’à bout d’âge. Elles devaient être remplacées. On avait également une mise aux normes à faire pour la rendre conforme au niveau de l’évacuation. Enfin, on en a profité pour redonner ses lettres de noblesse à l’entrée principale. Avec l’apparition de nouvelles bâtisses sur le campus on avait un peu

perdu de vue qu’il s’agissait de l’entrée principale. » Les visiteurs et les personnes découvrant le campus avaient en effet tendance à se diriger vers le pavillon AlphonseDesjardins alors que l’ensemble des services se situe plutôt du côté du pavillon principal. Les fondations de la large verrière cubique sont en cours de construction et la structure a commencé à s’élever. Ces travaux devraient se terminer en novembre et auront représenté un investissement de 800 000 dollars.

TEL-AIDE 418 695 2433

PREVENTION SUICIDE 1 866 APPELLE (277-3553)

Transport collectif La construction d’un terminal de la STS dans le stationnement du côté ouest est un premier pas d’un plan ambitieux visant à favoriser le transport en commun auprès de la communauté universitaire. Cet équipement permet également de délester le côté est pendant la durée des travaux de l’entrée principale. Même si quelque cinquante espaces de stationnement ont été sacrifiés, Fréderic Desgagné croit que la mesure est bien perçue : « Je m’attendais à avoir plus d’échos négatifs, ou peut-être ne se sontils pas rendus jusqu’à moi. Mais je pense que les gens sont bien conscients qu’on est en train de basculer dans une nouvelle dimension en termes de transport et de façon de se déplacer. Cette station est un premier jalon dans un projet qui va arriver ultérieurement et qui devrait être très intéressant. » L’impact du terminal sera évalué pendant deux ans avant le développement de nouvelles installations.

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telaide02.org

Enfin, le pavillon sportif n’est pas en reste dans ce vaste cycle de réfection. L’entière surface de la piste de course et du stade intérieur est remplacée. Cet équipement n’avait pas été refait depuis les jeux du Canada en 1983. Devenue irrégulière, la surface posait des problèmes pour la pratique de certaines activités, dont le tennis. Par ailleurs, bien enfouies sous la piste, on retrouvait des vestiges des épreuves d’athlétisme des jeux de 1983 telles que des trappes de sable. Inutilisées et inaccessibles depuis cette époque, ces trappes sont comblées et seront recouvertes par une surface neuve.

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Littérature

Jeudi 28 septembre 2017 No 122 Journal Le Griffonnier

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Ce pont nommé Littérature : entre la Tunisie et le Québec introduit à l’univers éclectique d’une maison d’édition pas comme les autres : Pop Libris.

Amira Ben Rejeb Journaliste

On rêve tous de voyager, de quitter les décors qui ont contenu des années de nos vies et aller voir ce qu’il y a ailleurs, ne serait-ce que pour quelques jours, quelques heures, ne serait-ce que le temps d’une lecture. Il y a un an, à mon retour de Tunis, j’ai partagé entre les colonnes de ce journal Une Nuit d’août, un poème en prose sur le rythme d’un coup de foudre, imprégné de l’ambiance d’un restaurant de plage à Carthage avec les parfums d’une nuit méditerranéenne. Cependant, un poème ne saurait égaler la vraie littérature tunisienne et ce qu’elle pourrait apporter à un lecteur désireux de découvrir ce qui se fait, ce qui se dit et ce qui s’écrit ailleurs, derrière l’Atlantique. C’est fou ce pouvoir des mots à nous faire franchir des frontières et des abîmes sans qu'on ait à se déplacer. Cette année, je ne suis pas revenue bredouille au Québec. J’ai rapporté un nouveau coup de foudre, en chair et en encre. Vous l’aurez deviné au titre, ce coup de foudre n’est autre que mon grand amour de toujours : un livre! Il s’agit de Diva Motherf****er, le premier ouvrage qui m’a

Pop Libris est une maison d'édition née d’abord d’un désir commun d’innovation littéraire en misant sur la littérature de genre (thriller, fantastique, roman policier). Une nouvelle génération d’écrivains talentueux est en train de voir le jour grâce à des maisons d’édition comme Pop Libris. Tout a commencé avec trois jeunes passionnés de la littérature qui se sont rencontrés sur le groupe Facebook The Reading Corner. En 2013, ils ont décidé de fonder la maison d’édition Pop Libris et d’offrir un air nouveau à la littérature de genre en Tunisie. Par ailleurs, c’est la première maison d’édition tunisienne à tendance pop qui a su percer dans le milieu du livre au Québec. Un échange né d’une double volonté d’établissement de ponts entre deux cultures francophones ayant tant de choses à partager. L’équipe est composée d’un trio d’amis qui n’ont pas eu de formation en littérature : Samy Mokaddem, expert comptable, Atef Attia diplômé de l’école de commerce, tous deux auteurs talentueux qui avaient déjà fait leurs preuves en publiant sur les réseaux sociaux et dont les nouvelles publiées ont remporté des prix prestigieux (UNPD program et Comar d’or); enfin, Souha Cherni, médecin dentiste et fondatrice du groupe The

Reading Corner.

Il est vrai qu’on ne choisit pas un livre à sa couverture, mais j'ai développé une nouvelle philosophie

« La pluie, comme la vie, nous vole un moment de bonheur mais nous le rend plus tard. » -Samy Mokaddem, La Cité Écarlate.

«Le secret est simplement d'être soi-même

et croire du plus profond de ses tripes au grand amour. Si vous y croyez sincèrement, alors l'univers entier fera que vous croisiez le chemin de votre âme sœur. » -Jihène Charrad, Diva

moderne (à la manière de Baudelaire) où tout ce qui brille a bien été investi, que l’artifice relève de l’art et qu’on ne se trompe jamais en choisissant l’art. Pop Libris l’a bien compris et a intégré une vision artistique dont témoignent les couvertures de ses livres et leurs contenus!

Diva de Jihène Charrad est un mélange de critiques sociologiques et féministes présenté dans une forme moderne de blogue à l’américaine. Y est exposée la vision d’une femme tunisienne, trentenaire et working girl assumée qui fait une satire amusante et légère des traditions qui persistent dans la société tunisienne, comme les rencontres amoureuses, le mariage et la vision universelle du « prince charmant ». L’œuvre rappelle dans sa vision globale celle d’India Desjardins dans La Mort d’une Princesse.

Plusieurs ouvrages de Pop Libris ont ensuite suivi Diva: La Cité Écarlate de Samy Mokaddem (ou le Haruki Murakami tunisien) est un recueil de nouvelles ingénieusement ficelées dans un scénario à couper le souffle. Un texte fantastique et un style authentique et franc finissent par nous plonger dans une cité complètement fantastique avec des détails tout juste sortis du quotidien, magiquement recollés. Le récit se clôt sur des incantations qui libèrent enfin le personnage principal de ses propres dédales, célébrant ses amours et ses pertes :

« Fraises, cerises, framboises et prunes. Inondez la Cité Écarlate avec le clair de lune. » Un flot d’émotions est libéré et le lecteur, à sa plus grande surprise, se trouve emporté. Du même auteur, le roman Dix-Neuf , un texte fantastique à mi-chemin entre H.P. Lovecraft et Dan Brown, prend pour cadre un mélange de Carthage, de Sang d’encre de Atef Attia et d’une panoplie de choix de lectures exquises qui emmènent le lecteur Là où tu n’es jamais allé, comme le titre du roman de Salma Inoubli, le dernier né de Pop Libris dans lequel Maddy, à travers les paroles posthumes de son frère, se trouve au cœur d'un voyage initia-

tique : un petit périple avec pour toile de fond les plus belles villes de l'Europe, à la rencontre de l'amitié, de l'amour et surtout d'ellemême. Les livres ont été proposés au libraire saguenéen Shannon Desbiens qui les a tout de suite adoptés. Il en a commandé plusieurs exemplaires qui garnissent les tablettes de la librairie Les Bouquinistes et celles de l’Euguélionne, une nouvelle librairie LGBT à Montréal – une première pour la littérature tunisienne francophone au Canada. Ces livres, d’une originalité éblouissante, n’attendent plus que d’être explorés par les lecteurs et les lectrices avides de vivre l’expérience énergisante d’un réel échange culturel et d’un voyage fantastique que la littérature sait si bien offrir. Les livres se lisent très bien et sont une bonne ressource pour retrouver l’inspiration avant et après les examens de session. Bonne lecture à tous!


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Culture Littérature

Jeudi 28 septembre 2017 No 122 Journal Le Griffonnier

Le roman de Kevin Lambert décape Chicoutimi Stéphane Boivin Journaliste

Kevin Lambert a 24 ans. Il a grandi à Chicoutimi. Dans son premier roman, Tu aime-

ras ce que tu as tué, publié en mars chez Héliotrope, la ville est un personnage grotesque et haï. De passage dans la région pour le lancement saguenéen de son livre, l’auteur est venu répondre à nos questions.

« C’est un fantasme lit- nies. Kevin Lambert rés par une population téraire. Je m’intéresse décrit les causes et les vivant dans le déni. Tu beaucoup aux écrivains effets d’un vaste chan- aimeras ce que tu as tué pourrait s’avérer jubilatoire pour bien des lecteurs qui entretiennent « J’avais envie de prendre un lieu réel et peinune relation amourhaine à l’égard de la dre du faux dessus. Habiter Chicoutimi, pas « capitale de la douleur ». nécessairement les lieux les plus importants Il plait aussi dans les grands centres, toutes auxquels on pense. Et à partir de ces lieuxles critiques lui étant des là, greffer des histoires, de l’imaginaire. » plus favorables.

Tu aimeras ce que tu as tué ne ménage ni

Charmant! Lambert, qui étudie à Montréal en création littéraire sous la direction de Catherine Mavrikakis, planche déjà sur un deuxième roman. Celuici devrait se dérouler dans une scierie en grève, avec cette fois Roberval en toile de fond. Ou comme personnage ? En tout cas,

la hargne ni l’outrance. Mais ce qui frappe en premier, c’est la justesse de la représentation de la ville. Les lecteurs y reconnaîtront leur déneigeur, une prof détestée ou encore une compagne de classe de la petite école. C’est l’un de ces livres dont le décor bien planté donne envie d’y plonger dès les premières lignes. « J’avais envie de prendre un lieu réel et peindre du faux dessus. Habiter Chicoutimi, pas nécessairement les lieux les plus importants auxquels on pense. Et à partir de ces lieux-là, greffer des histoires, de l’imaginaire. » Ce sont les lieux physiques, la géographie d’une Chicoutimi telle quelle, qui servent de tremplin à Kevin Lambert pour décoller vers le fantasme incantatoire, vers une apocalypse dont le Saguenay serait l’épicentre. Et comme pour tous les fantasmes, certains en jouiront, d’autres s’en scandaliseront. Dans les rues, les centres commerciaux, les écoles secondaires, l’auteur extrapole un monde hideux que seule la destruction pourrait sauver. Une mission dont se chargera le narrateur pendant quelques 200 pages.

métaphore pour bien des choses dans mon livre. Moi, j’ai peu d’espoir! (rires) Je prône une table rase de plusieurs affaires qui marquent l’idéologie québécoise et la manière dont on peut penser la communauté, le politique, la littérature aussi. En tant que personne, hors de la littérature, si une telle chose est possible, je dirais qu’on peut espérer que Chicoutimi se fende la tête pour s’ouvrir le crâne un peu. Oui, je dirais ça. »

Tu aimeras ce que tu as tué donne envie d’en

lire davantage. Photo : Valérie Lebrun

qui ont un fantasme de pouvoir sur la réalité par la littérature. Dans la société, la littérature est un peu mise à l’écart. Elle n’a pas la place que je voudrais qu’elle ait. Pour moi c’est la chose la plus importante. Donc c’est une sorte de vengeance de la littérature envers le réel, de vouloir le transformer. L’outrance ou les niveaux de parole, comme la parole prophétique ou la parole de haine, visent à avoir un impact sur la personne à qui l’on parle. C’est de la littérature qui ne veut pas rester à sa place, qui veut faire plus qu’être un texte dans un livre. Pour le narrateur Faldistoire, qui voit mourir ses amis encore enfants autour de lui, Chicoutimi est responsable de toutes les horreurs, de toutes les vile-

« Dans la société, la littérature est un peu mise à l'écart. Elle n'a pas la place que je voudrais qu'elle ait. Pour moi c'est la chose la plus importante. » tier de destruction. DesLe futur truction d’une littérature que nous souhaite mièvre et inoffensive, Kevin Lambert des récits exemplaires et d’une petite ville pourrie Peu avant le passous son vernis. sage de l’auteur dans la région, Radio-Canada « Il y a cette volonté avait interrogé les cande faire ressortir le didats à la mairie de à propos refoulé, de le mettre à Saguenay jour, de décaper les meu- de ce dont on pouvait rêver pour la ville. Pour bles.» répondre à cette même Enchevêtré à la vio- question, Kevin Lambert lence du monde dépeint oscille entre la vraie vie par Kevin Lambert, et la littérature. l’humour est pourtant « Dans la littérature, omniprésent. Il se manifeste dans l’outrage, j’y réponds dans mon dans la démolition de livre : on peut rêver que certains symboles obso- Chicoutimi soit détruite. est une lètes mais toujours révé- Chicoutimi

C’est un livre qu’il faudrait cacher au creux d’un rayon dans les bibliothèques de toutes les écoles de la commission scolaire. Le laisser là afin qu’un jour un jeune narrateur en puissance y trouve toute la liberté que peut offrir la littérature.

Tu aimeras ce que tu as tué

aux éditions Héliotrope


Jeudi 28 septembre 2017 No 122 Journal Le Griffonnier

Littérature Culture

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Un talent caché qui promet

Guillaume Ratté Journaliste July, étudiante à l’UQAC, adore tout ce qui est artistique et s’est lancé dans le monde de la littérature. Son premier roman, Pattes de velours, est présentement en vente. Lors du Salon du livre de cette année, il sera possible de se le procurer et d’encourager la jeune auteure qui mérite de se faire découvrir davantage.

Source photo : http://bit.ly/2wRAExr

rieusement qu’il est en fait un chat qui a la capacité de prendre forme humaine, le même qu’elle avait sauvé de Shana est une jeune fille la mort sur la route. Grâce ordinaire dont la vie sem- à lui, elle découvre que le blait ne rien attendre d’elle. prince des chats tente de Cela, c’était avant que le former une révolution afin destin la mette sur la route d’éteindre l’espèce humaine d’un étrange nouvel élève, et qu’une grande guerre est Katse. Elle découvre mysté- sur le bord de se produire.

Les deux doivent alors s’allier afin de mettre un terme au plan de ce félin psychopathe avant qu’il ne soit trop tard.

lecture assez difficile. On a toujours envie de savoir ce qui va se produire. Même si c’est un roman jeunesse, certains thèmes sont assez matures et tous peuvent y prendre Pour un premier roman, plaisir. L’action est toujours l’auteure sait réellement nous présente pour nous garder surprendre. Le style d’écriture en haleine. Les personnages est assez simple, ce qui nous sont complexes, uniques et accroche et rend l’arrêt de la extrêmement bien dévelop-

pés. On s’attache à chacun d’eux. La jeune auteure travaille présentement sur son deuxième roman. C’est une relève prometteuse de la littérature de fantaisie sur laquelle il va falloir garder un œil. On peut se procurer son roman dans les librairies et lors du prochain Salon du livre.


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» Arts

Jeudi 28 septembre 2017 No 122 Journal Le Griffonnier

Vernissage au centre Bang La rentrée au Centre Bang s’amorce avec une exposition collective s'intitulant

Source Photo : http://bit.ly/2fw9iG0

Emmanuel Trotobas Journaliste À l’Espace Virtuel du Centre Bang a eu lieu le 31 août dernier le vernissage de trois artistes québécoises émergentes : Gabrielle Boucher, Élyse Brodeur-Magna et Pascale LeBlanc Lavigne. Toutes trois explorent la poétique de la [dé]matérialité, touchant ainsi à la notion d’états transitoires. À partir de ce cadre, chacune a présenté des œuvres très différentes. La table de Gabrielle Boucher, que l’on peut facile-

ment s'imaginer qu'elle s’allonge ou se réduit, ramène le visiteur aux moments de plein et de vide, aux moments de rencontre simples avec soi ou avec d’autres, sans oublier les moments séparant ces moments de rencontre. Quant à la bouilloire électrique qui fait réchauffer la glace autour, elle laisse voir l’espace vide laissé. En parlant d’espace vide, avez-vous vu ces planches de bois 2x4 vidées de l’intérieur? Avec un espace entre chacune d’elles. Eh bien, Élyse Brodeur-

Magna sculpte de l’intérieur. Exploration du vide? En ce qui concerne la vitrine de Pascale LeBlanc Lavigne, elle semble poser cette question : combien de vides doit contenir une existence pour laver et laver encore une vitrine qui se salit à nouveau? Combien de temps passe-t-on là? Est-ce inefficace? Passer du temps pour des tâches que l’on considère comme étant inutiles? La vitrine est vide, car il n’y a personne elle est vide d’humanité, c’est une machine qui effectue ce travail qui a l’air si vide de sens.

« La poétique de la [dé] matérialité », qui aborde la transformation des formes. L’utilitarisme détourne ainsi les objets de leurs fonctions premières pour apporter une vision renouvelée, ancrée dans les métaphores poétiques des matériaux du quotidien. Par conséquent, les propositions des trois artistes amènent le visiteur à concevoir l’objet d’art autrement que dans sa structure habituelle. Ici, tout se [dé]forme pour [re]prendre forme. Gabrielle Boucher présente deux œuvres. La première, Se retrouver, présente un plateau de table incrusté dans un tableau. La seconde, Résistance, consiste en une vidéo présentée en boucle montrant une bouilloire emprisonnée dans un bloc de glace.

Pour Carcasse, Élyse Brodeur-Magna sculpte à l’inverse des méthodes traditionnelles en soustrayant la matière de l’intérieur, tout en conservant son enveloppe d’origine. Geste après geste, un processus d'une ironie singulière se creuse et se forme, car un effort est fait pour arriver au rien – et pourtant, cet effort est mené par l’espoir de créer un plein. Chez Pascale LeBlanc Lavigne, La vitrine est une installation in situ, cinétique et sonore composée principalement de vaporisateurs et de chiffons qui s’acharnent vainement à nettoyer une vitrine. En cette ouverture de la saison 2017-2018, le centre Bang vous invite à venir célébrer cette nouvelle rentrée culturelle à l'Espace Virtuel.Pour en savoir plus sur la programmation de l'automne 2017, rendez-vous sur leur site internet!

Magali Baribeau-Marchand

prête vie à ce qui existe Stéphane Boivin Journaliste

oubliées; telle est la démarche de Magali Baribeau-Marchand.

Avec l’exposition Ce qui existe, présentée au Centre des arts et de la culture de Chicoutimi jusqu’au 5 octobre, l’artiste saguenéenne Magali Baribeau-Marchand réconcilie la beauté avec le désuet.

« Je pars d’objets qui sont un peu obsolètes, inutiles, même qui sont devenus des rebus. Je les réactive, je les mets en scène, je les fais réexister. Ce sont des trouvailles dont je fais quelque chose de magnifié. »

À peine revenue de BaieSaint-Paul, où elle a œuvré tout le mois d’août en compagnie de sa fidèle collaboratrice Sara Letourneau, Magali Baribeau-Marchand enchaîne avec une exposition solo à Chicoutimi. Dans la salle, une foule de petits objets du quotidien, aussi banaux que des enveloppes ou de vieilles photos de famille, cohabitent dans une fausse anarchie.

Des centaines d’avions de papier miniatures, taillés dans de vieilles enveloppes, coexistent avec une photo privée trouvée il y a des années dans une brocante. La photo et le souvenir qu’elle contient flottent sur un voile comme la lessive une journée d’été. Les motifs imprimés à l’intérieur d’enveloppes deviennent des imageries esthétiques, rappelant que même l’objet le plus utilitaire est fait à partir de décisions, de choix de son concepteur. Dans ce travail de recyclage et de réorganisation, l’artiste met en abîme sa propre pratique.

L’artiste formée à l’UQAC s’affaire depuis plusieurs années à prêter un sens à ces choses qui ne servent plus. En cultiver la beauté propre, les organiser en un tout cohérent pour amener le spectateur à prêter attention aux choses

« Quelque chose dans la collection continue à avoir son effet

de surprise et d’émerveillement. Ce sont des objets qui sous-tendent une sorte de récit, et c’est pour ça que je les choisis. Les objets du quotidien, les références communes parlent à beaucoup de gens. » Parmi les objets composant l’exposition, certains suivent Magali BaribeauMarchand depuis des années. D’autres se sont ajoutés au corpus quelques jours seulement avant l’ouverture de Ce qui existe. « Je suis à l’écoute de ce qu’un objet peut amener, de sa relation aux autres objets et à l’espace. Tout est déposé, rien n’est fixé vraiment. L’exposition pourrait changer de bord demain. Ce qui m’intéresse c’est de créer un parcours où je peux jouer avec la matière et avec l’espace. Je fonctionne aussi comme ça en atelier : tout bouge tous les jours. » Par sa simplicité et sa sincérité, le travail de Magali Baribeau-Marchand connaît une belle diffusion et touche les

Source Photo : Stéphane Boivin-CEUC

spectateurs. C’est le cas également des projets qu’elle mène avec Sara Létourneau. Les deux Saguenéennes ont d’ailleurs remporté le prix du public lors du Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul en août. Elles y ont notamment poursuivi leur travail de courtepointes composées de fleurs artificielles balayées par le vent dans les cimetières. Le travail coloré qui en résulte porte la mémoire des disparus, transforme le deuil. Le tandem a également créé des boîtes à musique dont l’air était composé à partir des prénoms de personnes décédées. Loin d’être morbide, cette approche a valu aux artistes beaucoup de sympathie de la part des visi-

teurs du symposium. Ceux-ci pouvaient inscrire le nom d’une personne chère disparue et quelques instants plus tard découvrir une mélodie qui leur était propre. « Ça donnait lieu à beaucoup d’émotions. C’était un beau rituel qui faisait souvent sourire, ou qui parfois amenait des émotions plus intenses. On a vécu quelque chose de particulier avec les visiteurs. » Cohérentes dans la démarche et ne se répétant jamais, les oeuvres de Magali BaribeauMarchand valent vraiment un détour du côté du Centre des arts et de la culture de Chicoutimi, d’ici au 5 octobre.


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Jeudi 28 septembre 2017 No 122 Journal Le Griffonnier

La fuite des Rois mongols Stéphane Boivin Journaliste

Le comédien et réalisateur Luc Picard revisite l’époque trouble de la Crise d’octobre avec Les Rois mongols, son quatrième long-métrage à l’affiche depuis le 22 septembre. Adapté du roman Salut mon roi mongol de Nicole Bélanger, l’histoire mise en image par Luc Picard attendait depuis plusieurs années son adaptation cinématographique. Bien qu’interpellé par l’époque et les événements (rappelons que Luc Picard a joué dans Octobre de Pierre Falardeau en 1994, puis interprété Michel Chartrand au petit écran), le réalisateur a été attiré par le point de vue de l’enfance. Le récit et le film avec lui jettent un regard intime sur l’époque à travers les yeux d’une jeune adolescente.

Les Rois mongols n’est pas un film historique qui rendrait compte des événements d’octobre. La dimension politique est bien présente en toile de fond, comme une allégorie des bouleversements vécus par une famille modeste d’Hochelaga -Maisonneuve. Mais c’est avant tout un film sur la révolte, la jeunesse et l’injustice.

Devant la mort imminente de son père cancéreux et la perspective qu’elle et son petit frère soient séparés dans des familles d’accueil, la jeune Manon (excellente Milya Corbeil-Gauvreau) s’inspirera des enlèvements perpétrés par les felquistes afin de déjouer le mauvais sort. En compagnie de son frère Mimi (Anthony Bouchard) et de ses cousins Martin (Henri Picard) et Denis (Alexis Guay), Manon fomente l’enlèvement d’une grand-mère du voisinage. L’improbable groupe emmène l’otage dans un chalet isolé dans l’espoir d’y trouver un certain équilibre, un peu de justice et beaucoup d’amour. Le regard de ces jeunes, révoltés par la morosité ambiante, est ce qui a motivé Luc Picard à prendre en main l’histoire largement autobiographique de Nicole Bélanger publiée dans les années 1990. Les jeunes acteurs, dont le fils du réalisateur Henri Picard, ont été choisis avec beaucoup de soin et de recherche. Ça se sent, ça se voit : le quatuor habilement dirigé porte tout le film. À tel point que les acteurs adultes semblent souvent un peu pâles, à peine esquissés, aux côtés des héros juvéniles. Il est très stimulant de se retrouver dans un contexte de huis clos comparable à

celui mis en scène par Pierre Falardeau dans Octobre, où des ravisseurs et un otage doivent cohabiter et en viennent à se questionner les uns les autres. Un contexte qui se ressemble, parfois même des répliques presque identiques – « Pourquoi vous faites ça? » –, mais qui amènent l’émotion et la réflexion ailleurs. La reconstitution d’époque et un choix de chansons québécoises à peu près contemporaines à l’histoire agacent plus d’une fois tant l’ensemble frôle le convenu. En ce sens, Un musicien parmi tant d’autres d’Harmonium (« On a mis quelqu’un au monde / on devrait peut-être l’écouter ») pousse franchement le bouchon un peu loin. Une direction photo discrète, mais efficace aide à surmonter ces quelques maladresses. Mais l’authenticité du jeu des jeunes acteurs est irrésistible. Le film est touchant et suscite chez le spectateur une saine réflexion sur la révolte. Il évoque habilement comment la pauvreté systémique et l’absence de recours peuvent pousser des protagonistes dans leurs derniers retranchements. On y voit un écho aux actions des membres du FLQ. C’est ainsi que Les Rois mongols peut être lu comme une allégorie satisfaisante, et ce, à plus d’un niveau.

Source Photo : Courtoisie

Source Photo : http://bit.ly/2y6bvzr

Ça Laurie Tremblay Journaliste Pennywise sème la terreur sur nos grands écrans pour une seconde fois avec la nouvelle adaptation du roman à succès de Stephen King Ça, paru en 1986. Dans les années 1980, une bande d’enfants se surnommant « le Club des Ratés » accueille de nouveaux membres après avoir été confrontée à des apparitions étranges et horrifiantes de « Ça ». Cette créature, prenant à son gré la forme des plus grandes peurs de ses victimes, favorise toutefois son apparence de clown maléfique, qui l’aide à attirer les enfants qui lui servent de repas. Faisant le lien entre les mystérieuses disparitions d’enfants et « Ça », les enfants se lancent alors à la recherche du clown au péril de leurs vies. Réalisé par Andrés Muschietti (Mama, 2013), Ça nous surprend avec un jeu parfait des acteurs, et plus particulièrement de la part de Bill Skarsgård, qui incarne avec brio le fameux Pennywise. Avec des décors parfaitement agencés à l’époque des années 1980, des effets spéciaux réalistes à en glacer le sang dans nos veines et des montages saisissants, cette nouvelle version arrive à parfaire le style d’horreur de Stephen King tout en y ajoutant quelques touches d’humour et de romantisme. Le « Club des Ratés », tout simplement parfait, nous inspire avec ses membres courageux et loyaux que nous reverrons bientôt dans un second film, dont la sortie est prévue dans quelques années. On y retrouvera les Ratés, trente ans plus tard, devenus adultes et ayant des flashbacks de leur terrible aventure.

N’ayant personnellement jamais vu l’adaptation de 1990 ni lu le roman, j’ai toutefois adoré la nouvelle adaptation de Muschietti. Les effets spéciaux plus que sanglants et la scénarisation sont les aspects qui m’ont le plus accrochée. Étant une personne qui déteste particulièrement les clowns, ce film a su me donner la chair de poule du début à la fin. D’un autre côté, les personnages attachants et drôles ont su me ramener les pieds sur terre et me faire oublier ma frousse entre deux apparitions de Pennywise. Enfin, l’interprétation incomparable de Skarsgård dans le rôle de ce dernier est probablement ce qui fait de ce film un pur chef-d’œuvre. Je recommande donc ce film à tous les fans de films d’horreur insolites et ayant une touche d’humour. Je conseille toutefois aux coulrophobes de se trouver un ou une amie à l’âme charitable qui saura les rassurer durant le visionnement du film et ensuite les protéger des clowns qui se cachent dans les égouts.

Avis de certains spectateurs : « J’ai trouvé la direction artistique vraiment parfaite. Tout rappelait l’époque à la perfection, allant du choix des chaussures aux vélos des petits enfants. »

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« J’ai bien aimé ce film. Nous allons dans un autre genre d’horreur : Ça tombe dans la perversion en utilisant un clown perfide qui se nourrit de la peur des autres. C’est à la fois ingénieux et surprenant. Les acteurs sont très bons également. »

.....

. « J’ai trouvé le côté horreur un peu léger. Je m’attendais à faire des sursauts alors que j’ai plutôt ressenti l’angoisse inconfortable que nous provoquerait un thriller.


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Création littéraire

Jeudi 28 septembre 2017 No 122 Journal Le Griffonnier

Spotted à ce qui fut englouti par la bière et la nuit Anonyme À trois heures et quelques, porte ouest, spotted aux fêtards qui se frenchaient en attendant leur taxi. Vous avez fermé le Baruqac et vous n’avez salué personne. Spotted parce que vous étiez grièvement beaux. Il était facile de savoir, même avant que tu ne t’approches d’elle avec cette douce véhémence-là. Que goût de l’autre vous

vienne vraiment. Que vous flirtiez ensemble. Ça, ça se voit dans les yeux qui brillent, les sourires lascifs et les propos inféconds. L’avidité. Vous parliez de vos vies d’étudiants, des joies et des peines de la vingtaine, sans faire vraiment attention à ce que l’autre disait, perdus dans cette proximité entre vous, dans la chaleur à venir. On aurait pu vous prendre pour des frères et sœurs tant vous vous ressemblez tous. Vous, ces

gens-là. Les filles habillées de noir et les garçons aux cheveux noirs. Vos mouvements étaient traînants, décousus. Et vous n’avez plus parlé. Enfin. Tu avais si hâte. Tellement hâte que je me demande pourquoi tu n’as rien fait d’abord. Peut-être étiez-vous assez saouls pour ne vous remémorer votre soirée qu’en de courtes images mises bout à bout aléatoirement, qu’en de subtiles odeurs en deux dimensions, à votre réveil. Pour

ne vous rappeler que de ce moment-là, peut-être, où tu t’es dit « Ça y est », après toute une soirée à le regarder comme ça, à chercher sa conversation à travers celle des autres, à faire ta belle en jouant dans les odeurs de shampoing et de cigarette qui se dégageaient de tes cheveux, « C’est comme ça que ça finit ». Que ça finit bien. Je vous ai vus, vous étiez beaux et vous me faisiez de la peine.

Comme précieux.

si

c’était

Ce matin, je me suis levé, j’ai regardé mon hangover dans le miroir et j’ai repensé à vous deux. Je suis resté un moment à ne rien faire, devant ce personnage que je ne voulais pas être, à me demander : « Que peut-il bien rester, quand on se réveille dans les draps sales d’un inconnu, de la magie, de la nuit, et de l’alcool? »

Source Photo : http://fr.freeimages.com/



Emmanuelle Melanรงon Journaliste


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