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123 - Jeudi 2 novembre 2017
3000 exemplaires - gratuit
Dossier spĂŠcial : Performance pages 2 et 3
ceuc.ca
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Performance
Jeudi 2 novembre 2017 No 123 Journal Le Griffonnier
L’art de s’incruster dans nos vies : réflexion sur la performance que l’objet en question date de plusieurs années, mais lorsque celui-ci a été acheté Alors que l’avancée tech- dans les derniers mois, cela nologique est accueillie avec peut paraitre étrange. Jessica Normandin Journaliste
la plus grande des joies, on fait souvent abstraction de la pression qu’elle ajoute à la vie de chacun. Bien qu’elle soit effectivement utile dans plusieurs sphères de notre vie quotidienne, parfois celle-ci ne fait que s’incruster dans la vie des gens, sans même qu’ils s’en aperçoivent, imposée par une société qui en veut toujours plus.
Toujours plus performant Chaque année, la technologie évolue à une vitesse fulgurante. À peine achètet-on un nouveau produit que déjà il est désuet. Vous avez peut-être vécu ce genre de situation où, apportant votre téléphone portable brisé à un technicien, ce dernier l’a regardé comme s’il était un dinosaure disparu depuis des millénaires. On peut comprendre cette réaction lors-
De ce fait, si l’on désire être à jour, on se retrouve contraint de devoir changer notre attirail informatique, ou de faire une mise à niveau de l’équipement que l’on posDès qu’une nouveauté sède déjà, ce qui, souvent, arrive, les anciens produits coûte extrêmement cher. sont mis progressivement Disponible en tout temps de côté. On pense notamment à toutes les nouvelles L’innovation technogénérations d’Iphone qui logique ne s’impose pas débarquent chaque année, mais aussi aux ordinateurs qu’en obligeant l’achat de dont la durée de vie n’est nouveaux produits : elle pas des plus longues, sur- s’installe également dans tout en ce qui concerne les nos vies privées. Désormais, portables. On ne s’en rend avec les téléphones portapas forcément compte lors- bles et les réseaux sociaux, que l’on s’en sert unique- on doit assumer le fait d’être ment pour du traitement de présent partout, en tout texte, mais lorsque l’on uti- temps. Il parait maintenant lise des programmes tech- inconcevable d’attendre une niquement plus poussés, ou réponse lorsqu'on s’adresse que l’on joue à des jeux, le à quelqu’un. Le bon entreretard technologique arrive preneur de 2017 sera celui rapidement. Les program- qui est disponible vingt-quames et les jeux nécessitant tre heures sur vingt-quatre, toujours plus de ressources, sept jours sur sept. Autrel’ordinateur ne sera plus ment, sa réputation pourrait assez puissant pour afficher être entachée et l’image d’un le tout sans subir de légers travailleur désinvolte pour– ou gros – ralentissements. rait lui être affublée.
Lors du reportage « Société de performance », réalisé dans le cadre de l’émission Faut en parler! diffusée en octobre 2016 sur les ondes de Télé-Québec, Véronique Hébert, femme d’affaires, s’exprime à ce propos : « Les gens me le disent : "Véronique, ta marque de commerce, c’est que tu ne te fais pas attendre. On n’est pas insatisfait, parce que t’es tellement rapide. Ça ne répond pas sur sa ligne de bureau, on appelle tout de suite sur le cellulaire. Puis on ne laisse pas de message, on rappelle sur la ligne de bureau. On envoie un courriel, un texto" ».
de ces entreprises rendent visible le temps moyen qu’ils prennent pour répondre aux messages qu’elles reçoivent. Ainsi, on peut être assuré d’avoir droit à un service rapide.
que d’autres n’aiment tout simplement pas le sport. Malheureusement, on les pousse tellement à performer qu’on en oublie l’essentiel : le plaisir.
son accord, au club de lecture. Comme il choisissait ses livres selon ses goûts et qu’il pouvait prendre son temps pour les lire, il a fini par apprécier la lecture et il s’est grandement amélioré. Pourquoi? Parce qu’il y a pris du plaisir. Cette année, il n’a plus de problèmes avec la lecture à l’école. Il a réussi à s’améliorer car il a appris en s’amusant.
Cependant, qu’en est-il de la qualité? À vouloir à tout prix être le plus rapide, ne risque-t-on pas de faire n’importe quoi? On mentionne les entreprises, mais cela peut être aussi le cas des médias, qui servent souvent des nouvelles sans fondement dans l’espoir de les sortir avant leurs compétiteurs. Du côté des technologies, plus on avance, moins elles sont résistantes. Tout Dans ce même but d’être est plus fragile. D’autant plus présent pour la clientèle, plus qu’à force d’ajouter des les compagnies mettent les fonctionnalités, les batteries réseaux sociaux à profit. Il des téléphones portables se devient de plus en plus rare déchargent maintenant en qu’une entreprise ne possède un temps record. pas de comptes sur Facebook ou Twitter, ne serait-ce que À trop vouloir la perforpour promouvoir des nou- mance, se pourrait-il que veautés. Par ailleurs, sur Face- l’on devienne justement book notamment, certaines moins performant?
La performance chez les enfants profiter de leur enfance. On ne doit pas oublier que ce sont des enfants.
Jessica Roy-Vachon Chroniqueuse
On sait déjà que la performance est très présente dans la société d’aujourd’hui. On demande aux gens de performer à l’école, au travail et dans plusieurs autres sphères de leur vie, aussi bien professionnelle que personnelle. Certes, en ce qui concerne les adultes, le choix leur appartient entre performer toujours plus ou vivre plus en douceur. Mais qu’en est-il des enfants? Car eux aussi sont touchés par cette vague de performance, et ce, dès leur plus jeune âge. On demande sans cesse aux enfants de performer. Même quand ils sont tout petits, on voudrait qu’ils per-
Photo : http://bit.ly/2zX8fnK
forment. On les compare aux autres enfants, on veut savoir s’ils ont parlé avant un tel, s’ils ont marché avant tel autre, jusqu’où ils savent compter, etc. : on les pousse encore et encore. Certes, c’est bien de leur faire apprendre toutes sortes de choses s’ils y prennent du plaisir, s’ils en ont envie, mais on ne doit pas leur imposer notre besoin de performer. On doit les laisser s’amuser et
Puis, le moment vient où ils rentrent à l’école et, encore, on veut qu’ils performent. On veut qu’ils obtiennent de bonnes notes, qu’ils soient aimés de leur enseignant, qu’ils se fassent de bons amis, qu’ils réussissent. On leur en demande toujours plus. S’ils ne sont pas bons en découpage, on se plaint qu’ils ont des difficultés avec leur motricité fine; s’ils ne courent pas aussi vite que les autres ou qu’ils sont plus lents pour se préparer, ils ont des problèmes de motricité globale… Il faut savoir faire la part des choses. Bien sûr, certains enfants ont des difficultés, mais certains sont seulement moins habiles pour découper, alors
S’ils se sentent toujours poussés et obligés à performer, condamnés à ne plus pouvoir profiter du moment présent, ils finissent par ne plus aimer ce qu’ils font. Oui, ils doivent participer, donner leur meilleur, mais ils doivent s’amuser en même temps. Ainsi, ils s’amélioreront. Par exemple, le fils d’une jeune femme que je connais avait de la difficulté à lire. Puisqu’on demandait toujours plus de lui (en le corrigeant incessamment et en lui demandant de s’améliorer), il en est venu à détester la lecture. Pour lui, c’était devenu une corvée. Au cours de l’été, sa mère l’a inscrit, avec
Cet exemple montre donc que les enfants peuvent bien performer, surtout s’ils s’amusent et ne ressentent pas de pression de la part des différents intervenants. Pour ma part, je crois qu’il serait judicieux de commencer à être plus à l’écoute des besoins des enfants au lieu de leur infliger cette pression de la performance qui fait partie du monde des adultes.
Performance
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Performances variées que certains considèrent comme un « art éphémère ».
Photo : http://bit.ly/2ySLMdQ
Emmanuel Trotobas Chroniqueur On dit souvent que les performances scolaires s’apparentent à des résultats de disciplines sportives, qu'il faut être discipliné pour atteindre un résultat satisfaisant. Ainsi, cela implique une bonne hygiène de vie : manger sainement, boire beaucoup d'eau, dormir suffisamment, etc.
Seulement, que l'on soit dans le parcours du combattant étudiant ou dans une démarche de militance (à noter que les deux ne sont pas incompatibles), il ne faut pas oublier de prendre soin de soi. Au contraire, il est aussi possible de se lancer dans l’art de la performance, ce
Alors qu'un examen est éphémère, car soumis aux changements et aux rectifications de l'enseignant au fil du temps, toujours est-il que les résultats obtenus lors de celui-ci restent. Une personne peut échouer à un examen alors qu’elle pourrait très bien expliquer la matière et l'appliquer dans un contexte plus concret, moins scolaire. Le moment où on passe l’épreuve a beaucoup d’importance. En effet, on doit alors être efficace, disponible et se conformer à un rythme qui ne convient pas toujours à tous. Dans ces situations, il est primordial de bien se connaître afin de gérer tous les obstacles qui peuvent parsemer le chemin de la réussite comme le stress, la faim, la soif et
la fatigue. Parfois, le fait de ne pas performer lors d'une telle épreuve scolaire peut mener à des remises en question des moyens qu'on utilise et des objectifs que l'on se fixe, et ce, jusqu'à ce qu'on reconsidère même, parfois, les projets de vie. Par ailleurs, si on met la notion de performance dans le contexte de la mondialisation, dans le contexte du capitalisme ou dans le contexte de la politique, on s’aventure dans une course qui peut s’avérer très dangereuse. En effet, il y aura toujours quelqu’un pour user de ruse, user de ses charmes afin de gravir les échelons d’une entreprise quelconque, et ce, dans le but de satisfaire ses ambitions. Il ne faut pas oublier que l’humain est un être sensible. Dans des cas d’ir-
respect entre employés qui ne désirent qu’obéir au patron ou encore des cas plus graves – par exemple, récemment quelqu’un est littéralement « mort de fatigue » au Japon –, on peut se remettre en question quant à cette pression de performance imposée par les sociétés de pays dits « avancés » comme la France ou les États-Unis. Ne serait-il pas intéressant de revoir non seulement les normes, mais aussi tout l’imaginaire de ce qu’on appelle les contrats sociaux? Les mouvements de l’éloge de la lenteur, avec le slow food par exemple, sont nés il y a une vingtaine d’années, comme une réaction à la productivité sans cesse demandée. Ces mouvements sont plus qu’une mode : ils montrent qu’une réflexion est en cours. Prendre la mesure du temps, serait-ce vraiment la solution?
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Spectacle
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Deadmau5 à Alma remercie ses partenaires
Ioana Brassard Journaliste
Le 14 octobre dernier, Joel Thomas Zimmerman, alias deadmau5, était présent à Alma. Le célèbre producteur de musique venait dans le cadre de sa tournée Lots Of Shows In A Row Part 2 . À 20h, la première partie était assurée par Attlas, un DJ et producteur canadien qui est proche de deadmau5. Le son n’était pas assez fort, ce qui était légèrement décevant. Néanmoins, le jeune homme a su tirer son épingle du jeu avec des titres house qui étaient un peu plus relaxants que ce qu’avait réservé la souris aux spectateurs.
été agréable d’entendre quelques classiques tels que Faxing Berlin, mais le style ne coïncidait pas avec le reste du spectacle, qui était plus de style électro que de style progressive-house. Vers la fin du spectacle, Zimmerman a retiré sa tête de souris pour qu’on puisse voir son visage, ce que les fans ont semblé beaucoup apprécier. Bref, deadmau5 a su donner un spectacle haut en couleur et pendant ses deux heures de mixage, la petite souris a fait du bruit!
Photo : Mau5trap
Deamau5 a commencé sa partie à 21h pile avec « 71c », un de ses nombreux titres de style progressive-house. Dès que la basse s’est fait entendre, le rideau s’est levé et deadmau5 est apparu, juché sur un énorme cube et portant sa traditionnelle tête de souris.
Saguenay– Lac-Saint-Jean
Les propos contenus dans chaque article n’engagent que leurs auteurs. - Dépôt légalBibliothèque Nationale du Québec Bibliothèque Nationale du Canada Le Griffonnier est publié par les Communications étudiantes universitaires de Chicoutimi (CEUC).
Sur le fameux cube, de dix-huit pieds de haut, des images apparaissaient au rythme de la musique. À la moitié du spectacle, on voyait même une partie d’un jeu vidéo. Une chose est sûre, Joel Zimmerman a réussi à captiver la foule avec sa musique entraînante et ses effets spéciaux. L’idée du cube est géniale, puisque le producteur était assez élevé pour que tout le monde puisse bien le voir. Il aurait
Nous joindre Rédactrice en chef : Noémie Simard Graphiste : Joëlle Gobeil
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Prochaine parution : Jeudi 30 novembre 2017 Tombée des textes : Vendredi 17 novembre 2017, 17 h Tombée publicitaire : Lundi 20 novembre 2017, 17 h Impression : Imprimerie Le Progrès du Saguenay Tirage : 3 000 exemplaires
Spectacle
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Moule Robert : une production théâtrale des plus actuelles Sophie Bouchard-Tremblay Critique
Le théâtre La Rubrique a présenté du 4 au 21 octobre derniers sa production
Moule Robert ou l'Éducation comique au Mont-Jacob, à Jonquière. C'est un texte de Martin Bellemare qui a été mis en scène par Christian Fortin. Il s'agit de l'histoire de Robert Moule, un consciencieux éducateur d'une école primaire. Sa vie bascule au moment où une étudiante, à qui il serre le bras lors d'une dispute, l'accuse faussement d'agression sexuelle. Robert Moule et Robert Goule, le père de la jeune « victime », s'affronteront alors. Il faut savoir que Goule possède, pour sa part, un véritable passé d'agresseur.
L'actualité des sujets abordés par la pièce est pour le moins frappante. Les derniers événements survenus dans l'actualité lui donnent encore plus d'importance. On pense bien sûr aux allégations portées contre le producteur américain Harvey Weinstein, puis au Québec contre l'animateur Éric Salvail ainsi que contre le géant du monde de l'humour Gilbert Rozon (pour ne nommer que ceux-là). Depuis quelques années, la culture du viol est un sujet qui enflamme les débats. Les victimes d'agressions acceptent de plus en plus d'élever la voix. Nous assistons à une forme de révolution culturelle et sociale. Celle-ci est nécessaire pour enfin lever le voile sur des injustices trop longtemps maintenues sous silence. Ce qui surprend avec la pièce Moule Robert, c'est que les allégations portées contre Moule sont non fondées. Est-ce une manière pour l'auteur de nager à contrecourant de l'actualité ou plutôt est-ce pour lui une manière d'y plonger complètement? Par ailleurs, la pièce soulève de nombreux questionnements philosophiques. Par exemple, Robert Moule se questionne au sujet de l'éducation. Il s’interroge notamment sur la meilleure manière
d'enseigner aux enfants et sur les finalités de l'éducation. À cet égard, le titre de la pièce donne une bonne indication de la réflexion qu'elle pose quant à la manière dont on éduque les jeunes : tandis que Moule cherchait à éviter de « mouler » ses étudiants, il sera lui-même, au final, « moulé » par la société. En effet, le chœur étant à l’origine une représentation du peuple dans le théâtre grec, la voix du chœur présent sur scène aura une influence sur Moule et sa manière d'appréhender sa situation. Également, Moule considère que la société se divise en deux types d'individus : les dominants et les dominés. Pour lui, différentes valeurs sont attachées à l'un et à l'autre de ces types. Par exemple, alors que Moule est un dominé (il se considère lui-même ainsi), il possède les valeurs de la bonté et du respect. Au contraire, Robert Goule est un dominant. C'est un agresseur qui ne recherche que le gain immédiat. Pour illustrer la confrontation entre Moule et Goule, des figures du passé leur apparaissent et leur apportent un enseignement. Notamment, Napoléon Bonaparte vient à la rencontre de Robert Goule. On établit alors un parallèle entre les conquêtes territoriales de Bonaparte et les conquêtes sexuelles de Goule. Enfin, Bonaparte quitte la scène en disant : « ça doit être ça, l'évolution. » En dépit des sujets sérieux et dramatiques que la pièce aborde, celle-ci est interprétée avec humour, sur un ton qui se veut léger. On peut sentir dans l'écriture une volonté d'alléger l'effet dramatique, et ce, pour ne pas se perdre dans le drame. Le ton permet de créer une distance devant de graves événements, ce qui permet de s'y pencher avec plus d'objectivité et non pas de plonger dans une réelle catharsis. Par contre, cette légèreté a peutêtre occasionné une perte de rythme à certains moments.
Photo : http://www.theatrelarubrique.com
On se détache tellement des événements pour insister sur l'humour que l'on ne se sent plus autant investi dans le cours de l'histoire qui est racontée. La scénographie épurée, quant à elle, est très agréable à l'œil. Elle donne surtout le ton d'irréalisme dans lequel évolue la pièce. La toile de fond, de son côté, est un des-
sin collectif réalisé par des jeunes. Le résultat est intéressant, puisque c'est l'éducation des enfants qui est abordée, ainsi que les répercussions qu'elle aura sur les adultes qu'ils deviendront. Cette présence de l'enfance plane donc tout au long de la pièce. De plus, il faut souligner la grande attention qu'a portée le metteur en scène à l'équi-
libre de plateau. Il s'agit là d'un travail de professionnel. Enfin, la partie est gagnée quant à la volonté de lancer la discussion à propos de nos valeurs collectives et individuelles. C'est une grande fierté de pouvoir apprécier un théâtre engagé, produit ici en région. Chapeau bas à toute l'équipe de production!
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mother! Émilie Morin Critique On pourrait sans doute dire de mother! qu’il s’agit d’un film à propos d’un couple qui cherche à survivre à la célébrité envahissante de l’homme, mais ce serait probablement faire fi de l’explication qu’en donne le directeur lui-même ou refuser de voir le deuxième degré d’une œuvre créée pour être comprise ainsi. À première vue, mother! semble raconter la vie quotidienne de Him (Javier Bardem) et de sa femme, mother (Jennifer Lawrence). Him est en panne d’inspiration et se remet en question en tant que poète, tandis que mother est occupée à effectuer des rénovations dans leur demeure, qui est en fait la maison d’enfance de Him, partie en flammes il y a plusieurs années. On constate rapidement que mother est aux prises avec des hallucinations, qui s’intensifient lorsqu’un homme âgé inconnu se présente à la maison et auquel Him offre l’hospitalité. L’inconnu est rejoint par sa femme, et les deux individus envahissent bientôt l’intimité de mother, qui supplie Him de leur demander de quitter la maison. Celui-ci, qui constate que les deux étrangers sont fans de son travail, refuse obstinément de se soumettre à sa demande, et incite davantage le couple à faire comme s’ils étaient chez eux, insistant sur le partage de ses biens et sur le fait que tout ce qui est à lui est à eux. Le concept est pris au premier degré et le tout dégénère rapidement ; c’est bientôt une émeute qui défile chez Him et mother, détruisant la maison minutieusement rénovée et faisant tout pour s’approprier une petite part de Him. Ceux qui sont familiers avec Aronofsky ne seront pas surpris de voir le point culminant de l’œuvre résider dans sa fin tragique : mother, à qui la meute d’admirateurs a volé son enfant puisqu’il était une part de Him, brûle la maison et se consume. Him lui demande alors de lui donner une dernière chose, ce à quoi mother répond qu’elle lui a donné tout ce qu’elle avait. Him lui prend alors son cœur, et l’histoire recommence, refermant une boucle éternelle.
Photo : http://bit.ly/2zeiwi4
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Le (seul) point faible de mother! est probablement le fait qu’on a besoin du commentaire d’Aronofksy pour comprendre l’entière signification de son film. Le réalisateur le décrit comme l’histoire de mère Nature vue par elle-même et, que ça plaise ou non à ses détracteurs, force est de constater que ça fonctionne extrêmement bien. Cette explication se valide dès le départ avec le nom des personnages : mother, évidemment, mais aussi Him ; la lettre majuscule étant une référence claire à Dieu, et sa relation avec les autres personnages du film est représentative de l’axe entre divinité, humain et Terre. Aronofsky crée donc une balance entre spirituel et environnement ; mother est à la fois créatrice de l’univers dans lequel évolue Him, de même que son inspiration. Sans elle, Him ne pourrait point créer, mais c’est Sa création qui, éventuellement, cause la perte de mother lentement, cruellement, jusqu’à la toute fin des 122 minutes que dure le film. mother! a une énorme charge émotive, un élément important pour la compréhension de la thématique et qui aurait pu tomber à plat sans le talent de son actrice principale, Jennifer Lawrence, qui livre une solide performance. Elle attise avec brio la sympathie du spectateur en illustrant très bien la souffrance de mother, mais c’est par une autre émotion qu’elle réussit à nous bouleverser : la peur. C’est lorsqu’on constate que Him ne lui viendra pas en aide, qu’il lui préfère sa célébrité, que notre compassion à l’égard de mother bat son plein, et c’est cette peur de voir ce qui va advenir de mother qui signe la force de l’œuvre d’Aronofsky. Ce dernier
cherche à faire réfléchir son spectateur ; car si nous sommes en mesure de juger que ce qui arrive à mother est terrible, ne devrions-nous pas éprouver la même chose envers notre propre mère Nature? Javier Bardem est également excellent en artiste égocentrique obnubilé par son succès ; malgré l’évident manque d’altruisme de Him, Bardem arrive quand même à faire de lui une figure complexe qu’on arrive facilement à identifier à une divinité. Aronofsky signe avec mother! l’une de ses œuvres les plus controversées au niveau de la thématique et de la signification. Là où certains ne voient qu’un couple aux prises avec des difficultés sentimentales, il y a toute la complexité de notre rapport avec la planète, un rapport auquel le directeur ose, avec son audace typique, ajouter un élément divin. Il résulte de cette initiative un brillant film qui bouleverse assez le spectateur pour que celui-ci s’interroge face à ses propres rapports environnementaux.
Un film révolutionnaire, mais inexistant
Guillaume Ratté Critique
L’industrie du film à Hollywood est souvent difficile. Parfois, même quand on a une idée révolutionnaire et la passion nécessaires pour lui faire voir le jour, l’argent règne en maître. Jodorowsky l’a vécue, cette situation à double tranchant : même s’il avait les meilleurs acteurs, les meilleurs designers et tous les outils pour mener à terme son projet de film qui aurait pu être le plus révolutionnaire qui soit, tout est tombé à l'eau. Dans ce documentaire s'intitulant Jodorowsky’s Dune, son aventure est racontée. Le documentaire plonge le spectateur dans l’esprit totalement spirituel et créatif d’Alejandro Jodorowsky. Avant sa tentative de reprise du roman Dune de Frank Herbert, il avait fait quelques films tordus et spirituels qui lui ont donné une image d’anticonformiste. On voit tout le parcours qu’il a dû traverser
pour essayer de réaliser son film, de ses rencontres hasardeuses à tous les alliés qu’il a su se faire pour que son projet voie le jour, dont Salvador Dali et Pink Floyd. Toute la passion et tous les efforts que cet homme met pour réaliser son rêve de toute une vie donnent au documentaire une dimension captivante et on est triste pour Jodorowsky que cela n’ait pas abouti. Ce documentaire est en quelque sorte frustrant, car après l’avoir regardé, il semble impossible que ce film n'existe pas après avoir été porté aussi loin dans la réalisation. Ce projet était des plus farfelus et des plus délirants, il était ambitieux. Par exemple, il aurait nécessité notamment des millions de dollars de budget et la durée de tournage et de montage prévue semblait inconcevable. Finalement, le documentaire colle parfaitement à la personnalité de ce réalisateur surréaliste. On est captivé par tous les détails de production de Dune et par le ton à la fois sérieux, émouvant, drôle et enthousiaste. En bref, Jodorowsky’s Dune est un merveilleux documentaire à écouter, et ce, même si vous n’êtes pas cinéphile.
Linguistique « 7
Jeudi 2 novembre 2017 No 123 Journal Le Griffonnier
Le franglais, une saine évolution de la langue? Jessica Normandin Journaliste
Chez les militants de la langue française, une vague d’inquiétude s’installe. « À force de laisser passer des mots anglais dans la langue, le français finira par se perdre », disent certains. Pourtant, comme toute autre langue, le français est appelé à évoluer en fonction de la société qui l’utilise. Ainsi, il subit l’influence d’autres langues qui l’entoure. Différents types d’anglicismes Utiliser un anglicisme ne se résume pas qu’à employer un anglicisme intégral, c’està-dire l’utilisation d’un mot anglais dans une phrase. En effet, la banque de dépannage linguistique en comptabilise six autres types, qui prennent différentes formes : l’hybride, le morphologique, le phraséologique, le sémantique, le syntaxique et l’orthographique. L’anglicisme hybride consiste en la francisation d’un mot anglais. Cela peut se faire notamment avec l’ajout d’un suffixe français comme –er (par exemple, « customiser », qui provient du verbe anglais to custom). Le morphologique, quant à lui, consiste en la traduction littérale de la forme anglophone d’un mot simple ou composé. Par exemple, utiliser les termes « appel longue distance » (de l’anglais long distance call) alors que l’emploi accepté en français est « appel interurbain » est un anglicisme morphologique. Ce dernier ressemble quelque peu à l’anglicisme phraséologique
Photo : CEUC
qui, lui, se révèle plutôt être l’emprunt d’une expression figée que l’on traduit mot à mot. Prenons le cas de « prendre pour acquis ». Cette formulation, qui vient de l’anglais to take for granted, est fautive et il vaut mieux privilégier l’utilisation de « tenir pour acquis ». On est en présence d’un anglicisme sémantique lorsque l’on emploie un mot français en lui donnant un sens anglais. Par exemple, l’utilisation du verbe « disposer » au lieu du verbe « jeter ». Il y a ensuite l’anglicisme syntaxique, qui se qualifie par le fait d’utiliser une structure syntaxique anglaise dans une phrase française. Par exemple, la phrase « siéger sur un comité » (de l’anglais to sit on a committee) est fautive et nous devrions plutôt dire « siéger à un comité ». Enfin, l’anglicisme orthographique est la confusion entre l’orthographe des deux langues. Prenons l’exemple du mot « académie », qui s’écrit academy en anglais. Ayant parfois le terme anglais en tête, on pourrait être tenté de l’écrire fautivement de deux façons : soit en oubliant l’accent aigu (academie) ou en confondant la finale des deux orthographes (-y au lieu de –ie).
Politique de l’emprunt linguistique Lorsqu’un anglicisme fait son apparition dans la langue, l’Office québécois de la langue française se charge de l’analyser par rapport à divers critères. Cela se fait également en fonction du regroupement dans lequel il se situe. Certains critères reviennent de façon récurrente, peu importe la catégorie dans laquelle l’anglicisme se trouve. Notamment en ce qui concerne l’ancienneté qu’il a au sein de la langue québécoise. Plus un anglicisme est récent, plus ses chances d’être toléré sont restreintes. Avant de songer à légitimer son utilisation, on tentera de lui trouver un équivalent français convenable. Toutefois, même si un terme francophone est désigné, la survie de ce dernier n’est pas pour autant assurée. Implanter un équivalent français pour un terme anglais n’est pas toujours simple à faire. Celui-ci doit être accepté par la population. Plus précisément, il doit combler un besoin linguistique. Si l’équivalent s’avère inefficace – souvent parce qu’il est trop long par rapport au terme anglais–, les gens continueront, naturellement, d’utiliser l’angli-
cisme. Un exemple probant illustrant ce type de scénario est le cas du mot « aréna »,de l’anglais arena. Longtemps considéré comme un anglicisme à proscrire, l’Office recommandait plutôt les termes « patinoire intérieure ». Loin d’avoir fait l’unanimité, « patinoire intérieure » n’a jamais réussi à se tailler une place dans la langue, le mot « aréna » étant toujours utilisé malgré tout. Ainsi, « aréna » est finalement devenu un emploi approuvé par l’Office. Dans d’autres cas, le dénouement est bien différent. Le mot e-mail, par exemple, a vite été remplacé par « courriel ». Bien que certains continuent d’utiliser e-mail, celui-ci a très peu de chance d’entrer officiellement dans l’usage un jour. Dans le cas où un anglicisme est légitimé, celui-ci fera l’objet d’une adaptation. L’orthographe changera afin de s’harmoniser avec l’alphabet francophone, mais aussi avec sa phonétique et sa logique orthographique. De plus, des accents seront ajoutés au besoin et une règle concernant le genre et le nombre sera instaurée. Dans certain cas, les mots finissant en –er seront modifiés pour se terminer en -eur (« footballeur » au lieu de footballer).
Depuis le 31 janvier 2017, l’Office québécois de la langue française a adopté une nouvelle mise à jour de leur politique concernant l’emprunt linguistique, la dernière datant de septembre 2007. Emprunts à travers l’histoire L’emprunt linguistique n’est pas un concept nouveau. D’ailleurs, il n’y a pas que la langue de Shakespeare qui ait influencé celle de Molière. Au Moyen Âge ainsi qu’à la Renaissance, c’est l’italien qui faisait trembler les plus grands puristes de la langue française. En effet, plusieurs mots couramment utilisés aujourd’hui viennent de la langue italienne : brigade, galerie, alarme, bombe, violon, masque, etc. Connaissant un grand prestige à cette époque, l’italien influençait notre langue à tel point que cet envahissement était perçu d’un mauvais œil. Pourtant, notre langue est toujours en vie. Aujourd’hui, on ne se rend plus compte que jadis, tous ces mots n’étaient pas propres au français. De ce fait, un questionnement pourrait être posé : l’influence de l’anglais est-elle une si mauvaise chose? Pourvu que l’on garde un certain contrôle, est-ce qu’elle ne permettrait pas à notre langue d’évoluer pour le mieux?
Jeux
Jeudi 28 septembre 2017 No 122 Journal Le Griffonnier
Sudoku
Difficulté: Facile
Difficulté: Moyenne
Difficulté: Difficile
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Culture technologies Nouvelles
Jeudi 2 novembre 2017 No 123 Journal Le Griffonnier
La blockchain, une révolution technologique
Photo : http://bit.ly/2lpBDQ6
En se basant sur le principe du web, la blockchain est un registre qui permet de certifier et authentifier tout échange et toute transaction financière, et ce, sans passer par un tiers de confiance. C’est aussi une base de données décentralisée qui comporte l’historique de toutes les transactions effectuées depuis le début de sa création. Jean-François Lavigne Journaliste
J’ai découvert la technologie blockchain il y a plusieurs mois par l’entremise d’une entreprise internationale qui, en plus d’être une académie d’éducation financière, a développé sa propre crypto-monnaie basée sur la technologie blockchain. Cet article a pour but de faire connaître cette technologie qui fera peut-être partie intégrante de l’avenir. Tout d’abord, qu’est-ce que la crypto-monnaie? C’est une monnaie électronique sur un réseau informatique pair à pair qui, basé sur les principes de la cryptographie, sert à valider des transactions instantanées à des coûts minimes et sans organe central de contrôle
comme c’est le cas pour une banque. La valeur d’une crypto-monnaie dépend de l’offre et de la demande. Elle est donc souvent comparée à l’or et, par conséquent, on l’appelle communément « or virtuel ». Plus une crypto-monnaie est utilisée, plus sa demande et sa valeur augmentent. La technologie blockchain est l’outil qui a permis de fabriquer la première monnaie virtuelle. Les origines de la blockchain En octobre 2008, Satoshi Nakamoto – nom fictif pris par une personne ou un groupe de personnes dont l’identité reste encore inconnue aujourd’hui – publie son livre Bitcoin : A
Peer-to-Peer Electronic Cash System, dans lequel il propose une nouvelle forme de
monnaie digitale, le Bitcoin. Celle-ci est fondée par un protocole nouveau, celui d’une chaîne de blocs ou blockchain, qui consiste en un système de vérification décentralisé. Le Bitcoin ne relève plus d’une autorité centralisée, mais d’une relation dite « pair à pair », c’està-dire d’un réseau informatique dont les participants se sont affranchis d’un serveur central. Mais comment fonctionne la blockchain? Elle dépend d’un algorithme qui permet de vérifier et d’authentifier toute forme de documents (par exemple des titres de propriété, des votes, des actions, etc.) avant de décider de les enregistrer. Une fois validées, les données se regroupent en blocs puis rejoignent le réseau. Cependant, si elles
ne sont pas validées, l’opération est annulée. Une simple irrégularité peut entraîner une non-validation, rendant ainsi le système de la blockchain fiable et futuriste. Le grand livre de la chaîne de blocs peut suivre et tracer n’importe quel objet de valeur. Par exemple, un bijou serait tracé à partir de l’échantillon de matière première qui a été utilisé pour le fabriquer – dans ce cas l’or ou l’argent – ainsi qu’à partir de toutes les étapes de sa création en usine jusqu’à la livraison au domicile du client. Il a été créé pour lutter contre la fraude, la duplicité et la falsification. La chaîne de blocs présente de nombreux avantages financiers puisqu'elle permet de réduire les frais liés aux transactions bancaires et même de supprimer les banques comme tiers de
confiance. Outre les paiements numériques, cette technologie peut servir au transfert d'autres actifs, par exemple des titres, des obligations, des actions, des droits de vote, etc. Par ailleurs, les mécanismes de chiffrement et de calcul mathématique qui se retrouvent derrière la chaîne de blocs sont éprouvés depuis des dizaines d’années. Finalement, la transparence du système et son architecture décentralisée lui confèrent un potentiel d'applications qui dépasse la sphère financière. Tout porte à penser que l’on est au début d’une révolution numérique et financière. En effet, on est aujourd’hui devant la technologie blockchain comme on l’était devant internet il y a trente ans.
Culture UQAC
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Leçon de stratégie avec Simon Lafrance Jessica Normandin Journaliste Il n’est pas nécessaire d’avoir fait ses études à McGill ou à l’UQAM pour briller à l’étranger. Avec de la volonté, il est tout à fait possible d’atteindre des sommets! Alors que l’on pourrait croire qu’il est peu probable d’accéder à une carrière internationale en ayant obtenu un diplôme d’une université régionale, Simon Lafrance prouve le contraire. Diplômé de l’UQAC en science politique et en gestion des ressources humaines, ce stratège participe aujourd’hui à plusieurs campagnes électorales américaines et sa compagnie STRATEGEUM, dont il est le cofondateur, est établie sur quatre continents.
Un passage décisif à l’UQAC Selon Simon Lafrance, c’est en partie grâce à ses études à l’UQAC s’il est parvenu à s’impliquer dans des campagnes politiques américaines. N’étant pas originaire de la région, c’est par pur hasard qu’il entame sa scolarité à Chicoutimi. Bien qu’il œuvre déjà dans le sérail politique à ce moment, Simon désire obtenir un diplôme.
« J’ai suivi ma blonde qui étudiait ici. Je me suis dit : tant qu’à être là, je vais étudier aussi », confie le stratège. En 2010, il a pour projet d’étudier dans une université du Massachusetts et, en parallèle, de participer à la campagne du gouverneur de l’État, Deval Patrick. En temps normal, ce cursus devait comprendre un cours universitaire afin d’être considéré comme un projet d’étude. L’étudiant, en raison de particularités administratives, a pu être soustrait de cette obligation, ce qui lui a permis de se concentrer à plein temps sur la campagne du candidat démocrate Patrick. Simon soutient qu’il n’aurait peut-être pas eu cette opportunité s’il n’avait pas complété ses études à l’UQAC. Afin de mener à bien son projet, un programme sur mesure a dû être élaboré afin qu’il puisse compenser cette formation académique qui manquait à son cheminement. Cependant, ces procédures ne se font qu’en personne et par le biais d’une rencontre, ce qui rend le processus plus difficile dans les universités des grands centres où il est moins aisé d’obtenir un rendez-vous.
« Quand les gens disent : "c’est intéressant! Tu as réussi! Tu perces! Tu fais du travail à l’international même si t’es allé à l’UQAC", c’est faux! C’est parce que je suis allé à l’UQAC, entre autres, que j’ai réussi à le faire. »
Ce
passage
au
Massachusetts marque un tournant décisif pour le stratège à qui l’on avait confié de grandes responsabilités. Il devait diriger la division de segmentation de l’électorat et de mobilisation dans les communautés afro-américaine, latinoaméricaine, asiatique, LGBT ainsi que chez les jeunes. Cette affectation, qui allait de pair avec les formations dont il était muni, soit la gestion des ressources humaines ainsi que la politique, lui aura servi d’entraînement pour la campagne d’Obama à laquelle il a participé en 2012.
Une compagnie sur les rails depuis 2011 STRATEGEUM voit le jour en 2011, fondé par Simon Lafrance et ses associés Philipe Brisson (géographe) et Martin Maltais (professeur d’université). L’entreprise, qui a pour objectif d’effectuer des analyses de
situations à partir de réelles données, se spécialise dans l’élaboration de stratégies qui pourront être déclinées ensuite en communication, en lobbying ou en droit. Monsieur Lafrance rapporte que ces trois branches sont généralement mises à profit dans diverses entreprises. Toutefois, l’étape cruciale de l’analyse, qui devrait toujours être effectuée avant tout le reste, est souvent survolée brièvement et basée sur des intuitions. C’est entre autres pour pallier ce manque qu’a été créé STRATEGEUM. Bien implanté dans le domaine, STRATEGEUM œuvre maintenant sur quatre continents : l’Afrique, le MoyenOrient, l’Europe et l’Amérique du Nord. STRATEGEUM, qui se concentrait au départ sur la sphère politique, a maintenant élargi sa clientèle et travaille auprès de diverses entreprises.
Stratégie de réussite pour les futurs diplômés Le stratège est conscient des efforts qu’il a dû faire pour en arriver où il est à présent. Lorsqu’on lui demande la meilleure stratégie qu’il pourrait conseiller à un étudiant, sa
réponse est catégorique : « Essayez des choses! »
Il précise ensuite sa pensée : « Le cursus universitaire est bâti pour que ce soit logique pour l’université. Il n’est pas bâti pour que ce soit nécessairement adapté à chacune des personnes. La façon de l’adapter à votre personnalité est d’essayer des trucs. Essayez de convaincre les professeurs avec qui vous êtes de vous aider dans des projets. Essayez de convaincre l’université de vous aider financièrement quand vous avez des dossiers sur lesquels vous voulez avancer. Si des choses que j’essaie fonctionnent, c’est parce que j’en essaye plus. » Même s’il semble avoir une carrière construite sur une montagne de réussites, Simon Lafrance admet avoir aussi connu son lot d’échecs. La plupart du temps, seuls les projets ayant fonctionné sont visibles. De ce fait, l’illusion d’une carrière sans embûches est créée. Une belle leçon de vie qui nous est prodiguée par ce diplômé : derrière le succès, il y a aussi des revers.
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Photo : courtoisie
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UQAC
Jeudi 2 novembre 2017 No 123 Journal Le Griffonnier
Le phénomène Trump vu par Simon Lafrance Stéphane Boivin Journaliste Diplômé de l’UQAC et fondateur de STRATEGEUM, Simon Lafrance était l'invité des Grandes Conférences de l’Association des diplômés. Il y a proposé une analyse du phénomène Donald Trump afin d’en tirer quelques leçons de stratégie. Fin stratège ou politicien chanceux? À quoi Trump doit-il son élection inattendue à la présidence américaine? Nous avons posé la question à Simon Lafrance, observateur privilégié de la dernière campagne. Pour Simon Lafrance, Donald Trump est à la fois un stratège efficace et quelqu’un qui a su tirer parti du hasard. Mais l’ascension vers la présidence américaine est si complexe qu’on ne peut attribuer son succès à la simple chance. « Être président des ÉtatsUnis, c’est compliqué, ça représenterait beaucoup de hasards d’affilés. Il a fallu qu’à un
moment donné des bons coups soient faits. Du côté du hasard, il y a le timing. Quatre ans plus tôt, il a essayé de se présenter contre Barack Obama. On ne le prenait pas au sérieux, il était resté à deux ou quatre pourcents tout au long de la course. Ce qui en 2012 n’est à peu près rien devient en 2016 quelque chose qu’on avait rarement vu. Entretemps, un élément de contexte a changé. » Dans ses communications sur les réseaux sociaux, Trump donne l’image d’un être colérique et impulsif. Ce qu’il est. Mais selon Simon Lafrance, cette perception doit être nuancée. « Il y a énormément de travail derrière sa lecture de l’électorat américain. Il a embauché des firmes qui ont beaucoup travaillé sur la psychanalyse de cet électorat. Les démocrates d’Obama avaient beaucoup travaillé sur l’aspect sociodémographique; les communautés émergentes, là où sont les gens, le vote des femmes, des communautés culturelles. Ça avait fonctionné
pour Obama. Chez Trump, ce n’est pas tant un électorat communautaire qu’une manière de penser, surtout d’être en colère contre l’establishment. » La surprise Trump est donc un mélange de hasard et de stratégie. Même s’il n’est pas à l’origine du contexte lui étant favorable, ni même des lignes idéologiques qu’il met de l’avant, il est le personnage qu’il faut pour brandir ce mouvement. Malgré ces facteurs, Simon Lafrance croit que Trump luimême est surpris de se retrouver à la Maison-Blanche. De toute évidence, Trump n’écoute pas beaucoup l’opposition ou l’ordre établi. C’est un peu la marque de commerce qu’il a développé à travers les grandes étapes de sa carrière : homme d’affaires, vedette de la télévision puis président. « Il n’a pas vraiment de raison de changer ça. Pour lui, écouter plus de monde et consulter n’a jamais été sa façon de réussir. À la base, ce n’est pas son réflexe.
Dans le contexte de Washington, écouter voudrait dire amollir sa position à ses yeux. Dans l’ADN de sa campagne électorale, ça serait faire le contraire de ce pour quoi il a été élu. » Cette façon de peu écouter, de ne s’entourer que d’une garde rapprochée est une ligne délicate. Car on ne peut être compétent dans tous les secteurs d’activité se rattachant à la présidence. Économie, politique internationale, questions sociales, Trump maîtrise-t-il tous ces sujets? « C’est comme si pour l’instant aucun conseil n’est bon. Alors qu’il ne peut pas être omniscient. »
Les réseaux sociaux et la politique Lors de sa conférence, Simon Lafrance a approfondi le rôle stratégique des réseaux sociaux dans le contexte politique. À ses yeux, ces réseaux sont un outil important. Mais ce ne sont pas les réseaux qui font le contenu ou la stratégie.
« Quand on fait de la stratégie politique, il faut voir les réseaux sociaux comme un moyen. Comment on l’utilise à notre fin pour atteindre nos objectifs stratégiques? À ce niveau-là, ce sont des moyens d’une qualité incroyable à des coûts bien moindres que ce qui existait avant. Ces réseaux permettent de rejoindre les gens beaucoup plus directement. C’est une belle machine de promotion. » Au lieu d’utiliser les réseaux sociaux afin de « pousser » de l’information, Trump a pris le pari, plutôt novateur, de faire émaner l’information des réseaux euxmêmes. Il a travaillé étroitement avec l’équipe de Facebook afin d’utiliser sa plateforme au maximum de son efficacité. Cette expertise compte sans doute pour beaucoup dans le succès de la campagne républicaine. Quelle que soit la perception que nous avons du phénomène Trump, Simon Lafrance a permis d’en tirer des leçons de stratégies utiles et inspirantes.
Votre assiette mérite-elle un A+? Laura Landry Journaliste
Des ateliers de nutrition et de cuisine à l’UQAC
Les étudiants qui entrent à l’université auraient tendance à augmenter leurs connaissances et… leur tour de taille. Tel est le constat lors de l’évaluation de la condition physique à laquelle participaient des étudiants et étudiantes de divers programmes à l’Université du Québec à Chicoutimi.
Devant ce constat, le département de kinésiologie et les services aux étudiants ont décidé de remettre au menu des ateliers de cuisine. « Les places ont rapidement été comblées et nous avons même une liste d’attente », précise Mme Anne-Marie Bérubé, nutritionniste et étudiante à la maîtrise en sciences cliniques et biomédicales.
Les changements des habitudes alimentaires et le niveau d’activité physique semblent prendre un coup lors de la rentrée à l’université et, pour plusieurs, cela marque aussi le départ du nid familial. Les repas sont plus salés, plus sucrés, plus rapides et moins variés, parfois par manque de confiance en ses talents de cuisinier.ère et surtout par manque de temps.
Les mauvaises habitudes alimentaires n’ont pas seulement des répercussions sur le tour de taille, mais aussi sur les résultats scolaires. Le cerveau a aussi ses exigences en matière de nutrition. « La qualité de l’alimentation influencera le niveau de concentration, le niveau d’énergie et la motivation. Si toute notre énergie sert à digérer un repas bien gras, on en a donc moins pour se concentrer à l’étude », ajoute Mme Bérubé.
Les défauts des étudiants 1. La vaisselle Les étudiant.e.s veulent faire le moins de vaisselle possible : « Ils manquent de temps et en général, ils ou elles recherchent des repas qui se font rapidement et qui ne prennent pas trop de vaisselle », constate la nutritionniste.
2. Les écrans Beaucoup d’étudiant.e.s, par souci d’efficacité sans doute, choisissentdeprendreleurrepasdevantleur ordinateur ou devant leur téléphone. « Mais lorsqu’on mange devant un écran, on oublie qu’on mange et les signaux de satiété se font moins sentir, donc il y a une tendance à surconsommer », précise Mme Bérubé.
3. L’alcool En plus de ses effets bien connus sur la concentration, l’al-
photo: Laura Landry
C’est dans une ambiance de camaraderie que les étudiants apprennent de nouvelles recettes. cool a aussi un traitement « V.I.P. » dans le corps. L’absorption d’autres nutriments essentiels est donc relayée au second rang par le corps, le temps du traitement de l’alcool. « De plus, l’alcool vient jouer sur les signaux de faim, en autres parce qu’il est souvent consommé en soirée, on est éveillé plus longtemps, on dépense de l’énergie, mais nos choix nutritionnels sont rarement les bons lorsque vient le temps de combler cette
dépense énergétique, les gens vont vers le gras et le salé en général », ajoute la nutritionniste.
Sur la bonne voie Les ateliers de cuisine seront aussi offerts au prochain semestre et un volet évaluation de la condition physique sera ajouté à partir de janvier. Il n’est jamais trop tard pour intégrer de saines habitudes de vie!
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C’est Jeudi dans une ambiance de camaraderie les 2 novembre 2017 No 123que Journal Le Griffonnier étudiants apprennent de nouvelles recettes.
Les multiples regards de Gérard Bouchard Stéphane Boivin Journaliste
d’autres faits sociaux, pour enrichir la compréhension. Cette idée-là m’a beaucoup séduit. Tout mon itinéraire s’enracine là-dedans. Pourquoi est-ce que j’ai couru de l’histoire sociale à l’histoire culturelle, démographique? C’est exactement dans le même esprit. Avec, toujours au centre de mes travaux, l’idée du fait social. »
Un colloque consacré à l’œuvre de Gérard Bouchard se tenait à l’Université du Québec à Chicoutimi les 28 et 29 septembre derniers. CEUC a rencontré celui dont la pensée vaste et multiple se développe depuis la Révolution tranquille et occupe encore aujourd’hui une place importante dans Gérard Bouchard a les débats publics. enseigné à l’UQAC depuis le début des années 1970 Nous rencontrons jusqu’à une retraite toute Gérard Bouchard dans récente. Au cours de sa le pavillon de l’UQAC où carrière, il a fréquemil a ses bureaux. Dans la ment été invité à enseipetite pièce où nous l’at- gner dans des institutendons s’empilent des tions nord-américaines et boîtes d’archives et des européennes prestigieutiroirs de fiches écrites à ses. L’une de ses réalisala main. Tout est soigneu- tions les plus reconnues sement identifié : Fernand est d’avoir marié l’histoire Dumont, Histoire Sag, et la génétique à travers Multiculturalisme… C’est le Fichier BALSAC, dével’endroit tout désigné pour loppé à Chicoutimi. tenter un portrait de quarante ans de recherche. Dix ans depuis Bouchard-Taylor Né à Jonquière, Gérard Bouchard a étudié la L’intellectuel a été parsociologie à l’Université ticulièrement actif dans Laval au milieu des années l’espace public québécois 1960, auprès du sociolo- depuis sa participation à gue Fernand Dumont et la Commission Boucharddu politologue Léon Dion, Taylor sur les accommofigures intellectuelles dements raisonnables, importantes de la Révo- tenue il y a une décennie. lution tranquille. Ses tra- Comment perçoit-il l’état vaux ont ensuite investi de l’interculturalité au des disciplines aussi Québec avec dix années variées que l’histoire, la de recul? génétique, la démographie, l’alphabétisation ou « La situation n’a pas le roman. avancé. Il n’y a pas d’initiative qui a été prise « On s’aperçoit, quand par les gouvernements. on regarde en arrière, que Sauf par le Parti Québéles idées qui ont com- cois avec sa Charte des mandé le mouvement valeurs qui était une très sont les idées premiè- mauvaise idée et que la res, les premiers rêves. population a repoussé. Dumont et Dion culti- Ce que le gouvernement vaient une très grande libéral est en train de ouverture d’analyse. Ils faire avec le projet de loi prenaient un sujet précis 62 ne va absolument rien mais ils ressentaient le changer. La Commission besoin d’en faire le tour des consultations sur et de le situer dans des le racisme systémique, contextes différents, avec je ne crois pas que ça
Ça Laurie Tremblay Journaliste
donne grand-chose non plus. Parce que la volonté gouvernementale n’est pas là. » Selon Gérard Bouchard, il faut mettre cet immobilisme sur le compte d’un électoralisme à courte vue. Les gouvernements n’ont rien à gagner à s’engager sur ces questions complexes et émotives, mais beaucoup à perdre.
ce n’était pas une voix qui était organisée, structurée, qui voulait aller plus loin. Moi je pense que c’est la pourriture de la situation, d’avoir laissé faire les choses. Les groupes qui se durcissent, qui se sont organisés, ne se sont pas heurtés à grand-chose au cours des dix dernières années. Il n’y a pas eu d’offensive contraire pour en saisir la population, soutenir l’opinion publique, marquer une direction très forte. Le champ était libre. Non seulement on n’a pas avancé, mais quand je pense à l’extrême droite qui s’affirme, on a régressé d’une certaine façon. »
« Ils attendent que le feu prenne dans la maison pour intervenir. Lorsqu’ils ont éteint le feu, ils passent à autre chose. Sur le moment, tout le monde est sollicité par un événement comme la tuerie de Québec et même très Un colloque sur plus ému. Mais si ce n’est pas 40 ans de recherche soutenu par des initiatives de l’État, l’humeur Des collègues de populaire passe à autre Gérard Bouchard, prochose. » fesseurs au département des sciences humaines de À ses yeux, l’inaction l’UQAC, ont souhaité saluer des gouvernements n’est l’œuvre du chercheur et pas étrangère à l’émer- offrir un panorama des gence d’une droite radi- explorations qu’elle soucale qui serait de plus en tient dans différentes displus organisée dans plu- ciplines. Divisé en sept sieurs régions de la province. « Il y a dix ans, tout le monde n’était pas content du rapport à l’immigrant, de la façon dont l’intégration se faisait ou ne se faisait pas. Il y avait des gens qui étaient assez mécontents de ça, on les a entendus dans les forums. Mais
grands axes de la pensée de Gérard Bouchard,
Explorer le social – Au passé et au présent, du biologique au symbolique a rassemblé les communications de quinze chercheurs issus de différentes spécialités. Ceux-ci se sont succédé sur deux journées bien remplies, à la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l’UQAC. « Maintenant je n’enseigne plus. Mais ça me laisse plus de temps pour mes travaux. Ça continue exactement comme avant. J’ai fini un livre l’année dernière, je suis en train d’en faire un autre qui sera terminé l’année prochaine. Je continue mes chroniques dans La Presse, je donne des conférences un peu partout… enfin, j’ai même plus de temps qu’avant. » Bien qu’un colloque vienne le forcer à jeter un regard sur une longue carrière, Gérard Bouchard n’a pas dit son dernier mot. et ce, à plus d’un niveau.
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Création littéraire
Jeudi 2 novembre 2017 No 123 Journal Le Griffonnier
Spotted à la goélette du mercredi matin Anonyme Spotted à la fille qui portait un coton ouaté vert trop grand pour elle, mercredi dernier. T’avais l’air de manquer de sommeil, encore emmêlée dans l’odeur du gars tout croche que tu portais. Comme à chaque fois que j’te croise, c’était un matin à ne pas trop savoir d’où tu sors. J’me disais : « Ses nuits ont beau tourner à
l’envers, elle est quand même là aujourd’hui, elle est là mais elle est pas là. » J’voulais te dire que j’te trouve belle même si t’es deep into shit, même si tu te câlices de toute. J’aimerais ça, un moment donné, t’offrir un resto, t’emmener au cinéma, pis te montrer qu’on n’est pas obligés de passer nos soirées dans les bars. Tu t’es commandé un café avant moi, à la cantine ; j’ai pas eu le temps de te
parler parce que tu t’es pas arrêtée pour mettre du lait ou du sucre, mais j’ai remarqué tes cernes. Pour moi, t’es une goélette prisonnière du triangle des Bermudes. Contre quoi est-ce que tu te rebelles? J’veux pas être macho, mais criss que j’avais l’goût de te shaker pis de te demander de reprendre ta vie en main, d’arrêter de boire pis de fumer, de te trouver un bon gars –
pourquoi pas piger dans ceux que tu friendzone d’habitude? –, de passer de vraies nuits de sommeil, de prendre soin de toi le matin, de ne plus baser ton alimentation sur la poutine de trois heures, de finir tes études pis d’arrêter de glander comme une ado, d’emménager dans une belle maison en banlieue, d’avoir un chien, pourquoi pas, pis une cuisine propre, d’arrêter
de trop penser à toute – la littérature pis la philo, ça rend pas heureux –, de te faire les ongles, d’avoir des flos… Pis surtout, oui surtout, perds donc ton air de fais-moipas-chier-j’suis-féministe. J’voudrais te montrer que le monde est beau, que les humains peuvent être bons. Pourquoi est-ce que tu t’échappes de même? Pourquoi est-ce que tu t’échappes de même?
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Emmanuelle Melanรงon Journaliste