Le Griffonnier 132 - 29 novembre 2018

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No 132

Le journal étudiant de l'Université du Québec à Chicoutimi

29 Novembre 2018

À la sauvegarde du Fjord Page 5

Révolution: Entrevue avec Sophie Larouche Page 7

Effacer le patrimoine

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Actualité

Jeudi 29 Novembre 2018 No 132 Le Griffonnier

Je suis, tu es, il.elle est, nous sommes… cultivé.e.s!

Émilie Morin

Rédactrice en chef

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le Saguenay est un endroit qui bouge énormément, culturellement parlant. Malgré le froid et l’éloignement qui caractérisent notre région, ça grouille de culture par ici! Pour ce mois de novembre sombre et enneigé, les journalistes et collaborateur.trice.s du Griffonnier se sont lancés sur les traces d’expo-

sitions, de pièces de théâtre et de représentations cinématographiques qui avaient lieu dans la région. Emma et Pauline ont assisté à l’exposition Datasets : lumière : Chicoutimi, Ève-Marie s’est plongée au cœur du cinéma et nous propose sa critique du tout dernier opus de la saga des Animaux fantastiques, tandis que Michelle a eu le bonheur de

voir une présentation de Cyrano de Bergerac. Élizabeth a, quant à elle, interviewé Sophie Larouche, une étudiante de l’UQAC qui a participé à l’émission Révolution il y a quelques semaines. Notre parution 132 vous offre également une réflexion sur la cyberdépendance, gracieuseté d’Amira Ben Rejeb et un aperçu de la conférence de Gabriel

Filippi, à laquelle Ioana a eu le plaisir d’assister. Stéphane Boivin nous offre, encore une fois, un aperçu de ce qui s’est déroulé à l’UQAC au cours du dernier mois. Nous espérons que cette dernière édition (la dernière de 2018!) vous plaira. Nous nous reverrons en janvier, mais en attendant, nous vous souhaitons une bonne lecture!

L’Histoire au placard Émilie Morin Journaliste

Le 31 octobre dernier avait lieu une conférence sur les stratégies de mise en valeur du patrimoine régional au Québec. L’historien et sociologue culturel Fernand Harvey, professeur associé à la chaire Fernand-Dumont sur la culture du Centre Urbanisation Culture Société de l’Institut national de la recherche scientifique à Québec, expliquait les liens entre les initiatives régionales de conservation du patrimoine et les politiques de l’État à ce sujet. 31 octobre 2018 : une journée bien ironique pour assister à une conférence sur la conservation du patrimoine. En effet, pendant que M. Harvey nous démontre les divers moyens mis en œuvre partout au Québec pour sauvegarder les bâtiments témoins de notre histoire, la maison Bossé, sur la rue Racine, s’écroule. La Ville de Saguenay avait récemment autorisé sa destruction, faisant fi de l’opinion de ses citoyens à ce sujet. Pétition et rassemblement n’ont pas été suffisants pour sauver l’un des derniers bâtiments historiques de Chicoutimi.

Une solution efficace… sur papier Dans la salle de conférence, qui rassemble environ 20 personnes, des chuchotements expriment le mécontentement, même s’il est dorénavant trop tard : « On a une belle démolition aujourd’hui… », « Ils avaient tout pour la protéger… ». Effectivement, à entendre parler M. Harvey, on se demande pourquoi on a dû dire adieu à la maison Bossé. Depuis les années 1970, la notion même de patrimoine s’est élargie afin de couvrir un plus large éventail de bâtiments et de lieux historiques. On décentralise le pouvoir afin de le redonner aux milieux locaux afin de leur permettre de choisir ce qu’ils veulent protéger. C’est qu’on considère que les municipalités sont les mieux placées pour déterminer ce qui est une source de mémoire pour elles. Cela permet également d’assurer une cohérence entre les politiques culturelles de l’État et celles des municipalités. Selon M. Harvey, ce système est favorable à la conservation du patrimoine. Au Saguenay, pourtant, on a plutôt l’impression que c’est l’inverse. Nos points de repère sont rasés au profit

de stationnements, de condos et de jumelés. Pourtant, le marché immobilier est mort. Les citoyens peinent à vendre leurs maisons, qui se vendent sous le prix de l’évaluation municipale. Malgré tout, on rase, on démolit, on construit, on s’étend et on unifie le paysage. Du brun. Tous les quartiers sont bruns. Ou gris. Il ne faut pas oublier les stationnements, quand même.

photo : Pierrick Bouchard

On se fait sans cesse dire qu’il faut que la communauté se lève afin de protéger son patrimoine, qu’il ne faut pas s’imaginer que l’État soit le seul à fournir des ressources. Mais n’est-ce pas ce que la communauté a fait, en octobre dernier, avant que la maison Bossé ne soit hâtivement jetée à terre?

Inventer la tradition À la fin de la conférence, un professeur se lève et remet en question l’utilité des économusées, ces lieux de conservation de la culture et de la tradition, qui vise à développer le tourisme d’une région. Il souligne que les économusées ne conservent pas le patrimoine, puisqu’il s’agit alors d’une création imaginaire du passé, d’une invention de la tradition. Plutôt effrayant comme perspective,

photo : ANQC, fonds Lemay, no 69894

La maison Bossé dans la côte du même nom, vers 1920. La maison a été bâtie vers 1880.

mais c’est bien vers cela qu’on se dirige. Nous dénaturons l’Histoire, l’enfermant entre quatre murs pour pouvoir en ériger de nouveaux, vides de sens et de valeur culturelle ou esthétique. À vouloir démolir pour reconstruire, le gris et brun sera le nouveau noir et blanc, érigé sur un passé qu’un simple musée ne saurait reconstituer. Les citoyens se lèvent, mais les institutions municipales ne les écoutent pas.

Or, ce qui ressort de la conférence, c’est bien que l’implication de la ville est primordiale.. Il faut une reconnaissance officielle et un engagement financier afin de préserver notre patrimoine. Mais que faut-il faire de plus, quand les manifestations et les pétitions ne sont pas entendues? Quand les recommandations ne sont pas suivies? Lorsque la Racine sera entièrement rénovée, est-ce que madame la mairesse ira se promener au musée?


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Jeudi 29 Novembre 2018 No 132 Le Griffonnier

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Le MAGE-UQAC quitte l’AVEQ Photo : edwin andrade, unsplash.com

Stéphane Boivin Journaliste

L’affiliation du MAGEUQAC à l’Association pour la Voix Étudiante au Québec (AVEQ) aura été de courte durée. Moins de deux ans après un référendum d’affiliation tenu en avril 2017, l’association générale de l’UQAC a voté sa désaffiliation lors de son assemblée générale annuelle du 23 octobre. La désaffiliation survient suite aux recommandations en ce sens de la part de trois grandes instances de l’association étudiante saguenéenne. Le conseil d’administration, le conseil exécutif et le conseil central avaient tous les trois recommandé ce choix aux membres au cours des dernières semaines. Cette recommandation a été entérinée par les membres devant peu d’opposition. Les pratiques de gestion de l’AVEQ et son climat interne semblent être au cœur du problème.

Déficit et gestion L’AVEQ avait déposé en juillet dernier un budget prévisionnel qui indiquait un déficit de plus de 77 000 $. Pour une deuxième année consécutive, l’association nationale regroupant les étudiant.es de l’UQAC, l’UQAR (AGECAR) et l’Université Concordia (CSU) se dirigeait vers un bilan déficitaire. Cette situation a été jugée alarmante par plusieurs instances. Le MAGE-UQAC avait demandé une révision de cette prévision budgétaire. Des changements minimes y ont été effectués.

En trois années d’existence, l’AVEQ aurait consacré 75 % de son budget à son fonctionnement (équipements, loyers, salaires). 90 % des cotisations étudiantes recueillies par l’AVEQ auraient été investies dans le fonctionnement. Les représentants du MAGE-UQAC auraient sonné l’alarme à ce sujet, mais la situation n’était apparemment pas aussi dramatique aux yeux des autres associations membres. En assemblée générale, le vice-président aux affaires externes du MAGE-UQAC, Olivier Plourde, a fourni quelques exemples des problématiques vécues dans la relation avec l’AVEQ. Il a indiqué qu’il y a quelques jours, un représentant de l’association nationale avait contacté le MAGE-UQAC puisqu’il ne pouvait trouver les sommes des cotisations étudiantes de l’UQAC. Ces sommes (deux chèques totalisant 52 000 $) avaient pourtant été encaissées selon les données du MAGE-UQAC. Devant cette gestion déficiente, le MAGE-UQAC aurait également reçu la recommandation de ses avocats de ne pas mêler d’étudiant.es au conseil d’administration de l’AVEQ, puisque cette responsabilité aurait pu avoir des conséquences sérieuses pour l’association locale. Par ailleurs, des problématiques structurelles avaient été soulevées, notamment au sein du conseil d’administration de l’AVEQ et de sa difficulté à maintenir un exécutif complet. Ses statuts et règlements, pourtant bien

définis, n’auraient pas systématiquement été respectés lors de l’élection d’exécutants. Une communication à efficacité variable aurait également été un problème récurrent. Lors de l’assemblée générale du 23 octobre, des membres du MAGE-UQAC ont souligné, avec raison, que l’AVEQ ne mettait plus à jour les documents et procèsverbaux sur son site web, ce qui soulevait des questions à propos de la transparence. En effet, les derniers documents mis en ligne par l’AVEQ datent de juillet 2017. Il n’y a donc aucune trace du congrès mouvementé de l’été 2018 dont semble résulter le vote de cette semaine. Un manque de rigueur (documents remis à la dernière minute, retards considérables aux séances matinales) lors de ce congrès semble avoir exaspéré l'exécutif du MAGE-UQAC. Le MAGE-UQAC aurait également souhaité une décentralisation de l’AVEQ, basée à Montréal, pour des besoins de représentation. Ce souhait aurait cependant été jugé difficilement réalisable, notamment pour des raisons logistiques.

Représentation nationale En plus de son mandat de représentation nationale, l’AVEQ s’était donné la mission de réaliser des recherches sur des dossiers importants pour le mouvement étudiant, dont la santé mentale et la dérèglementation

des droits de scolarité des étudiant.es internationaux. Or, certains contrats attribués pour des recherches qui n’auraient pas été menées à terme ont été « déchirés », faute de suivi. Par ailleurs, certaines thématiques de recherche ne semblaient pas prioritaires aux yeux du MAGE-UQAC, comme une étude sur les campus sanctuaires, une problématique jugée peu pertinente en milieu régional. Dans un rapport interne du MAGE-UQAC, l’association indique qu’après trois ans à étoffer ses recherches, elle aurait souhaité que l’AVEQ se tourne davantage vers la représentation nationale d’enjeux chers au mouvement étudiant et qu’elle s’affaire à recruter de nouvelles associations. Des divergences à ce sujet feraient partie des causes de la désaffiliation, tout comme l’absence de nouveaux membres à l’horizon. Par ailleurs, l’AVEQ était plutôt effacée des débats au niveau national, au profit d’une association « concurrente » (l’Union étudiante du Québec – UEQ) systématiquement sollicitée par les médias.

Réactions Deux jours après le vote de désaffiliation, l’AVEQ a publié un communiqué sur sa page Facebook. L’association nationale y exprime sa tristesse de voir l’une de ses associations fondatrices se retirer. Elle déplore également que cette désaffiliation n’ait pas été faite selon ses statuts et règlements.

À travers ce communiqué, tout comme dans nos échanges avec l’exécutif du MAGE-UQAC, on décèle des tensions entre les individus : « L’AVEQ tient à souligner qu’elle n’a jamais été invitée à venir parler aux membres du MAGE-UQAC dans le but de présenter l’association ou défendre ses positions en vue de ce vote de désaffiliation. Il s’agit de la volonté des exécutant-e-s responsables de l’association et nous respectons ce choix. » Si le projet de l’AVEQ avait été, dès sa création en 2015, porté en large part par des exécutant.es du MAGE-UQAC, il semble que cette affiliation ne jouissait plus du soutien de l’exécutif en place. Il apparaît que la collaboration avec l'AVEQ était devenue très lourde, certains membres de l'exécutif du MAGEUQAC ayant même menacé de quitter leur poste si cette collaboration devait se poursuivre. Lors de l'assemblée générale du 23 octobre, des membres s’opposant à la désaffiliation ont fait valoir qu’il était trop tôt pour prendre une telle décision, ce à quoi d’autres membres ont répondu que la désaffiliation était discutée dans les instances du MAGE-UQAC depuis avril. L’assemblée a donc opté de respecter les recommandations de ses instances en ce sens. Dans la foulée de ce vote, le MAGE-UQAC cherchera-t-il à s'associer à une autre association nationale comme l'UEQ? Du côté de l'exécutif de l'association régionale, l'urgence d'une représentation nationale ne se fait pas sentir pour le moment.


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Jeudi 29 Novembre 2018 No 132 Le Griffonnier

Instinct de Survie Ioana Brassard collaboratrice

T'étais habillé.e comment? Ioana Brassard collaboratrice

Le 30 octobre dernier se tenait la première journée de l'exposition T'étais habillé.e comment, une initiative de Sans oui, c'est non! Vous devez vous en douter, ce sont les agressions sexuelles qui étaient le sujet de cette exposition-choc. Lorsqu'on parle d'agression sexuelle, la faute est souvent rejetée sur la victime. « As-tu bu? Lui as-tu donné un signe qu'il a mal interprété? Que portais-tu? » sont des exemples de questions qui sont souvent posées aux victimes d'agression sexuelle, même par ceux qui repré-

Les propos contenus dans chaque article n’engagent que leurs auteurs. - Dépôt légalBibliothèque Nationale du Québec Bibliothèque Nationale du Canada Le Griffonnier est publié par les Communications étudiantes universitaires de Chicoutimi (CEUC).

sentent la loi. Dernièrement, dans l'actualité, en Irlande, la décision d'un juge d'acquitter un violeur des accusations portées contre lui a fait réagir. En effet, la victime de 17 ans portait un string de dentelle, ce qui, selon le magistrat, affirmait son consentement. T’étais habillé.e comment visait ainsi à déconstruire l'un des mythes les plus puants de la culture du viol : les victimes l'ont cherché avec leurs vêtements. Des vêtements étaient exposés avec un petit papier descriptif sur lequel on pouvait lire des histoires. Des histoires qui font mal. On pouvait, par exemple, voir un petit gilet d'enfant, preuve que l'agression sexuelle est une

prise de pouvoir et non une mécanique de séduction provoquée par la victime. On y a aussi vu des robes, ou encore des vêtements de tous les jours. Tout a été mis en œuvre pour renverser le préjugé selon lequel l'habillement de la victime a joué un rôle dans son agression. Pour les personnes pour qui cette exposition pouvait être plus difficile à regarder et faire remonter de mauvais souvenirs, des intervenantes de la Maison ISA (CALACS) étaient présentes afin d'apporter un certain réconfort. Je ne vous cacherai pas que des larmes ont coulé en quittant l'exposition, mais c’est un mal nécessaire pour qu'enfin, la honte change de camp!

Le 1er novembre dernier, l'alpiniste Gabriel Filippi venait donner sa conférence Instinct de Survie dans le cadre d'une collecte de fonds pour venir en aide à Sonam Sherpa, un jeune orphelin qui subvient aux besoins de ses quatre sœurs. Passionnés de montagnes, sportifs, alpinistes, jeunes et moins jeunes étaient présents pour entendre ses mots réconfortants. M. Filippi a amorcé la conférence en parlant un peu de son enfance et de sa famille. Il a commencé à pratiquer le sport de montagne tardivement, à l'âge de 35 ans. Cela n'a pas mis un frein à ses rêves, bien au contraire. Il est le seul Québécois à avoir gravi la mère des montagnes, l’Everest, par les deux versants (le plus populaire est le versant sud, au Népal, le versant nord, situé au Tibet, étant bien plus difficile à gravir). Ses aventures extraordinaires ne sont cependant pas exemptes de risques. M. Filippi a frôlé la mort et sait à quel point la vie ne tient seulement qu’à un

fil. Un journaliste surpris lui a déjà affirmé qu'il jouait avec la mort, ce à quoi l'alpiniste aguerri a répondu : « Non, je m'amuse avec la vie. » En 2015, lors d’un tremblement de terre au Népal, Gabriel Filippi a échappé à une avalanche meurtrière qui a dévasté le camp de base de l'Everest. Il a eu le temps de se cacher derrière une roche et donc d'éviter d'être emporté par l'avalanche. En 40 secondes, le camp de base, reconnu pour sa beauté, était devenu le champ d'une bataille entre l'homme et la nature. Guidé par sa cliente, qui était médecin, M. Filippi est venu en aide aux personnes blessées et en a vu d'autres mourir. M. Filippi incite toujours les autres à se dépasser et sortir de leur zone de confort. En raison d'un traumatisme lié à son enfance, il avait peur de l'eau. Il a décidé de faire l'Ironman en Floride, un parcours de natation de 3.8 km, alors qu'il n'a jamais pratiqué ce sport. Il était à ce moment âgé de 50 ans, preuve que la victoire sur soi et la réussite n'ont pas d'âge, un message qu’il s’assure de transmettre à tous ceux qui se déplacent pour l’écouter.

Source photo : Ioana Brassard

Nous joindre Rédactrice en chef : Émilie Morin

Collaborateurs :

Graphiste : Joëlle Gobeil

Amira Ben Rejeb Stéphane Boivin Michelle Bouchard Ioana Brassard Élizabeth Colette Labbé Ève-Marie Fortier

Coordonnateur : Stéphane Boivin

Courriel : ceuc@uqac.ca Téléphone : 418 545-5011 #2011 Télécopieur : 418 545-5400 /ceuc.ca

@ceuc_ca

ceuc.ca

Publicité : Christian Tremblay Courriel : publicitieceuc@uqac.ca Correction : Émilie Morin

Marjolaine Larive Frédérique Laroche Sarah-Maude Meunier Émilie Morin Laurie Tremblay Emmanuel Trotobas

Photo Une: Mathieu Breton photos des sous-titres: Rosemarie Caron et Pierrick Bouchard

CEUC remercie ses partenaires :

Prochaine parution : Jeudi 17 Janvier 2018 Tombée des textes : Vendredi 4 Janvier 2018, 17 h Tombée publicitaire : Lundi 7 Janvier 2018, 17 h Impression : Imprimerie Le Progrès du Saguenay Tirage : 3 000 exemplaires


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Jeudi 29 Novembre 2018 No 132 Le Griffonnier

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Photo : Mathieu Breton

Coalition citoyenne à la défense du fjord Stéphane Boivin Journaliste Plusieurs projets industriels ayant le fjord du Saguenay comme point de mire s’annoncent. Devant ces plans distincts aux conséquences globales, différents comités de citoyens se sentant concernés s’unissent sous la Coalition Fjord. Adrien Guibert-Barthez, l’un des porte-parole de la coalition, explique le contexte de sa constitution : « La fédération des forces d’opposition devenait incontournable et nécessaire dans le contexte des nombreuses annonces récentes concernant l’approbation (par le gouvernement fédéral, NDLR) d’un troisième port sur la rive nord, de différents projets de gaz naturel liquéfié à Saguenay et de la progression du projet de la fonderie BlackRock. » Plusieurs regroupements de citoyens travaillaient déjà à se documenter et à présenter leurs points de vue aux autorités. L’absence d’une analyse globale des effets cumulatifs des différents projets, telle que constatée par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) dans son rapport sur le projet de Métaux BlackRock, a poussé ces comités à regrouper leurs efforts. Les effets de cette association se sont rapidement fait sentir. Les enjeux environnementaux des projets industriels touchant le Saguenay ont gagné en visibilité médiatique

et une manifestation tenue le 10 novembre au centre-ville de Chicoutimi a rassemblé entre 300 et 400 personnes, un départ très satisfaisant pour Adrien GuibertBarthez : « C’était probablement la plus grande manifestation sur l’environnement au Saguenay. S’il y a un message qui en est ressorti, c’est le mécontentement de beaucoup de gens par rapport aux développements qui se passent actuellement au Saguenay, et [les citoyens] questionnent les élus sur les projets qui s’en viennent. »

sile et qu’un jour il n’y en aura plus, combien de familles vont se retrouver sans [revenu]? Si ce sont des emplois qui sont à long terme, comme dans l’industrie du tourisme, le même nombre d’emplois dans une industrie différente serait pas mal plus riche pour la région. »

Une coalition d’opposition?

Par ailleurs, Adrien Guibert-Barthez explique que les apports économiques de ces projets sont incertains : « Premièrement, chacun des projets a une durée limitée. Ensuite, de grosses critiques ont été émises au niveau de l’environnement, autant par le BAPE que par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale. Au niveau de l’emploi, on n’est vraiment pas sûrs du nombre, que ce soit à court ou à long terme, puisqu’on parle d’automatisation des infrastructures. »

On oppose souvent économie et environnement. La classe politique et la Chambre de commerce et d’industrie Saguenay-Le Fjord ont pris position en faveur de ces projets en se basant sur les retombées économiques potentielles, notamment en termes d’emplois. De là à accuser les militant.es environnementalistes de vouloir saboter l’économie régionale, il n’y a qu’un pas que plusieurs n’hésitent pas à franchir, une vision que conteste Anne Gilbert-Thévard, également porteparole de la Coalition Fjord. À ses yeux, il existe un risque réel à miser autant sur des projets industriels basés sur des ressources non renouvelables : « Quand une usine ferme dans une région, c’est une tragédie. […] Ça fait un gros choc : [il y a] des pères de famille en dépression. [On se retrouve avec] des enjeux majeurs. Si on ouvre cette mine et qu’elle ferme, puisque c’est une ressource fos-

La coalition compte en effet plusieurs acteurs du milieu touristique, en plus de citoyens issus de nombreux horizons, dont l’ingénierie, la biologie ou le plein air.

Quant aux redevances minières, la moyenne québécoise se situerait entre 1% et 1.5% de la valeur des ressources, selon le porte-parole. Rien n’indique que les projets actuels ne soient plus généreux à cet égard. « C’est sans compter les subventions qu’on donne à ces entreprises-là (autour de 250 millions uniquement pour le projet de Métaux BlackRock, NDLR), de l’argent public dont on se sert pour [une] entreprise privée », complète Adrien Guibert-Barthez.

Minuit moins une À plusieurs reprises, la classe politique régionale a prétendu que les projets étaient enclenchés et qu’il était trop tard pour reculer. En août dernier, le député de Dubuc défait aux dernières élections provinciales, Serge Simard, était allé jusqu’à affirmer que les citoyens avaient eu l’occasion de s’exprimer et que « si ça n’[avait] pas été fait, c’[était] leur problème ». Pourtant, Anne Gilbert-Thévard peut témoigner que l’idée voulant que la mobilisation soit tardive est erronée : « Comme coalition on n’était pas là, mais les collectifs oui. Entre autres, celui de l’Anse-à-Pelletier a fait un travail hallucinant sur le dossier. Dans ce cas, on ne parle que du troisième port et de la mine au Lac-à-Paul. Vous pouvez aller voir sur le site du BAPE les mémoires qui ont été déposés. Toutes les rencontres auxquelles ils ont assisté… Ils ont fait tout ce qu’il était possible de faire pour s’informer et donner leur avis. Malgré ça, malgré les bémols formulés par le BAPE dans leur rapport, ils décident de faire le projet quand même. Dans ce cas-là, on ne peut pas dire qu’on n’était pas là. Les gens étaient là. » Les médias locaux, dont on peut critiquer le déséquilibre dans la couverture des avantages et désavantages de tels projets, ont évidemment leur responsabilité dans le peu de retentissement de ces actions citoyennes. Adrien Guibert-Barthez admet toutefois que l’autorisation, inattendue pour plusieurs, par le gouvernement fédéral d’un troisième port sur le Saguenay a fait monter la mobilisation d’un cran.

« Pour ce qui est d’Énergie Saguenay, les consultations sont encore à venir, on a encore le temps de manifester ou de donner notre avis sur le projet », souligne-t-il. « Pour ce qui est d’Arianne Phosphate, le projet est rendu plus loin, mais il reste encore des acceptations à aller chercher. » Adrien Guibert-Barthez croit en tout cas qu’il n’est pas trop tard pour changer certains aspects du projet de la minière, comme l’usage du train ou d’infrastructures déjà existantes sur le Saint-Laurent ou le Saguenay. À ce sujet, Métaux BlackRock annonçait le 19 novembre qu’elle utiliserait le rail au lieu du transport routier, même si cette solution était moins rentable : « Nous nous sommes rendu compte que faire traverser une centaine de camions par jour dans les villages ne faisait pas l’affaire de tout le monde, alors on a écouté [la population] », a déclaré son directeur général David Dufour sur les ondes de Radio-Canada.

Ce n’est qu’un début La Coalition Fjord entend poursuivre la mobilisation et participer à l’éducation de la population sur les nombreux enjeux soulevés par les développements industriels sur le fjord ou le bassin versant du Saguenay. Il est possible de s'impliquer sur l'un des comités en cours de formation. La coalition tiendra également sa deuxième assemblée publique le 7 décembre prochain. Photo : Pixabay.com


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Jeudi 29 Novembre 2018 No 132 Le Griffonnier

Ras-le-bol d’être bénévoles Stéphane Boivin

enseignement, la lutte pour la rémunération des stages s’étend à l’ensemble des disciplines.

La semaine du 19 novembre 2018 aura été celle d’une très large mobilisation étudiante pour la rémunération de tous les stages. Le 21 novembre, au sommet de cette mobilisation, entre 50 000 et 60 000 étudiant.es étaient en grève. Parallèlement, les différentes associations ont intensifié les actions de sensibilisation. Si l’UQAC n’a pas encore été touchée par des mandats de grève, le tout nouveau Comité unitaire pour le travail étudiant de l’UQAC (CUTE-UQAC) a fait sentir sa présence et connaître ses revendications.

Selon Haxän Bondu, de CUTE-UQAC, plus de la moitié des stagiaires de l’UQAC effectuent des stages non rémunérés : « Les stages rémunérés à l’UQAC vont surtout concerner le génie, l’informatique ou l’administration. Par contre, l’UQAC a beaucoup de stagiaires en éducation, en sciences infirmières, en travail social ou en sciences humaines. En regardant les pourcentages à l’UQAC, juste en sciences infirmières et en éducation, ça représente plus de 50% des stagiaires. Si on ajoute travail social, sciences humaines, kinésiologie [et] physiothérapie, [ce nombre] monte rapidement. Nous, on croit qu’il y a au moins 70% des stagiaires de l’UQAC qui ne sont pas rémunérés. » Les revendications se fondent sur le manque de reconnaissance du rôle souvent essentiel des stagiaires, notamment dans le

Journaliste

Équité et reconnaissance Si une compensation sous forme de bourse a été mise en place cet automne pour les stagiaires de quatrième année en

système public, et sur l’absence de protection dont ils disposent puisque les stagiaires ne sont pas admissibles aux normes du travail. Par ailleurs, à la pression des stages s’ajoute celle des responsabilités liées à la formation scolaire, qui se poursuit, d’un emploi parallèle souvent nécessaire et, parfois, de frais assumés par les stagiaires pour effectuer leur stage. Dans des milieux de travail sous tension comme la santé ou l’éducation, les stagiaires supportent souvent la même charge que les employé.es syndiqué.es. « On n’est pas nécessairement laissé.es à nous-mêmes, tout dépendant des lieux de stages et des milieux. Par contre s’il y arrive quoi que ce soit, on n’est pas sous les normes du travail. Des fois, ça peut être plus difficile d’aller chercher de l’aide si on a quelque problème que ce soit. Reconnaître le statut de travailleur aux stagiaires faciliterait leur travail en stage », ajoute Haxän Bondu.

Par ailleurs, les membres du CUTE font valoir que la compensation sous forme de bourses n’est pas idéale. Par exemple, les doctorant.es en psychologie de la FIDEP, qui avaient obtenu gain de cause en 2016, arrivent au terme d’une entente de trois ans qui devra être renégociée avec de nouveaux interlocuteurs gouvernementaux. Un autre exemple de l’insuffisance des mesures déjà annoncées est la compensation du stage 4 en enseignement, comme l’explique Haxän Bondu : « C’est une bourse en deux versements dont le total avoisine les 4000 $. Une première partie est remise au début du stage et l’autre à la fin. Si on prend en considération qu’on a quand même les frais de scolarité à payer et qu’on fait, au minimum, 32 heures par semaine, ce qu’un enseignant devrait faire, on n’est vraiment pas proche du salaire minimum pour cette bourse-là. C’est mieux que rien, mais il y a encore des gains à faire. »

Un pas dans la mobilisation La semaine de mobilisation de novembre était une étape dans la progression des revendications. Le 20 février prochain sera une journée mondiale de mobilisation des stagiaires qui devrait donner lieu à de nouveaux moyens de pression. Ce sera également le cas pour la grève internationale des femmes annoncée pour le 8 mars. À l’échelle nationale, le mouvement fait planer la menace d’une grève générale illimitée dès l’hiver 2019 si ses revendications ne sont pas entendues. Du côté de l’UQAC, il est trop tôt pour parler de grève, comme l’explique Haxän Bondu : « L’objectif est que le CUTE-UQAC prenne de plus en plus de place. Il peut y avoir, au cours des prochains mois, si la mobilisation est au rendez-vous, l’idée d’un mandat de grève. »


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Jeudi 29 Novembre 2018 No 132 Le Griffonnier

La révolution de Sophie Larouche Photo : Goran Tomasevic - Reuters

World Press Photo Marjolaine Larive Collaboratrice

Du 19 octobre au 11 novembre 2018 se tenait l’exposition du World Press Photo 2018, présentée à la Pulperie de Chicoutimi. Prestigieux concours annuel de photographie de presse, le World Press Photo sélectionne et récompense environ 130 photographies de presse parmi une sélection de plus de 72 000 photos. Dans le numéro précédent du Griffonnier, un article portait sur les panels de discussion organisés à l’UQAC. Ces conférences portaient sur les missions du photojournalisme, soit rapporter l’information ou dénoncer une injustice. L’exposition du World Press Photo à Chicoutimi en est l’exemple parfait. Elle permet, comme l’indique l’organisation, de « connecter le monde aux histoires qui comptent ». Elle retrace des moments, des situations marquantes de l’année 2017, sous l’œil de photojournalistes du monde entier : les combats pour la reprise de Mossoul (par Goran Tomasevic, Serbie, ou Ivor Pricket, Irlande), les manifestations à Charlottesville entre l’extrême droite et les groupes antiracistes (Ryan M. Kelly, États-Unis), la crise des Rohingas (Md Masfiqur Akhtar Sohan, Bengladesh, et Patrick Brown, Australie), l’attentat de Las Vegas par David Becker (États-Unis), la crise écologique et environnementale (par Kadir van Lohuinzen, Pays-Bas, Neil Aldridge, Afrique du Sud, et Ami Vitale, États-Unis), la violence liée à la corruption et le

trafic de drogue qui touche l’Amérique latine (Javier Arcenillas, Espagne), ou même les manifestations au Venezuela contre le président Nicolas Maduro (Ronaldo Schemidt, Venezuela). Si Confucius disait « une image vaut mille mots », cette exposition retrace, elle, l’histoire du monde contemporain. Un monde écologiquement, politiquement, économiquement et humainement en danger. Il ne s’agit pas d’un roman de fiction; l’exposition nous invite à prendre conscience de la réalité du monde, à la voir de nos propres yeux. Ce que la presse écrite n’est pas parvenue à saisir, à dénoncer, ce qui n’a pas pu entrainer une prise de conscience, le photojournalisme le permet. Il nous confronte directement. Récemment, la une du New York Times présentait la photo de Amal Hussein, petite fille yéménite de 7 ans, frappée par la famine qui sévit dans son pays depuis 2015. La photo, qui a fait le tour du monde, avait pour mission « d’alerter le monde sur la situation critique de 5 millions d’enfants comme elle » (Le Parisien, 2 novembre 2018). Alors qu’on peut s’échapper d’un article de presse écrite, on ne peut pas s’échapper d’une photo. On peut ne pas apprécier, ne pas la relayer, ne pas s’attarder dessus. Mais on l’a vue, et on ne peut plus jouer la carte de l’indifférence. La plupart des images (et d’autres encore) peuvent être vues sur le compte Instagram officiel de l’organisme : @worldpressphoto

Élizabeth Colette Labbé

Collaboratrice

Certaines personnes nous inspirent par leur persévérance et leur ténacité. Sophie Larouche, danseuse du Prisme Culturel et étudiante au baccalauréat en enseignement du français au secondaire, fait à tout coup partie du lot. La jeune femme de 20 ans, qui s’est démarquée dans l’émission de télévision Révolution, est une battante. Portrait d’une étudiante inspirante.

Les débuts « J’ai commencé la danse à l’âge de trois ans. J’ai commencé avec la danse classique, puis tranquillement je me suis dirigée vers d’autres styles, comme le hip-hop, le contemporain et le jazz. » Après un passage au secondaire dans le programme Art-études, Sophie poursuit sa scolarité au CÉGEP dans le même programme, afin de perfectionner sa technique. Pendant son parcours, elle participe à de nombreux concours, tels Sidanse et Hit The Floor. Au BATD Scholarship 2014, à Toronto, elle remporte la première place en ballet classique senior ainsi que la première place en jazz senior. Pourtant, tout n’est pas toujours rose. Son principal obstacle? Son corps : « Je n’avais vraiment pas un corps facile pour la danse : je n’avais aucune souplesse, j’étais très raide. Aussi, j’étais très petite par rapport aux autres, et je n’avais pas les jambes en ‘’hyperextension’’, comme le corps de ballet le demande. » Un mal pour un bien : cela lui a permis de développer sa motivation et sa persévérance.

Révolution Sa participation à l’émission de télévision Révolution fut un coup de tête. « Je me suis décidée à y aller la veille de l’audition :

j’ai choisi une musique dans l’auto, quand nous sommes montés à Québec, et j’ai décidé de faire une improvisation devant les juges. Je l’ai fait avec mon cœur. » Un geste payant, car elle est aussitôt admise à concourir. Son premier moment Révolution, appelé Le Saut de l’Ange, représente son envol en tant que femme et, surtout, la liberté. « Être libre de pouvoir montrer ce que tu es, ce que tu vaux », affirme Sophie. Son deuxième saut, appelé L’Étoile qui brille, représente l’émancipation de l’être humain : « Oui, on peut tomber, mais il faut se relever. Il faut apprendre à briller à sa façon, à se relever et à ne pas cesser de rêver. » Fait à noter : lors de son aventure, Sophie Larouche a choisi des chansons québécoises sur lesquelles danser. « J’adore la chanson québécoise. À travers elle, j’ai l’impression que je peux véhiculer un message. J’aime raconter des histoires quand je danse. J’aime que les gens comprennent les mouvements que je fais par rapport aux paroles. »

L’avenir À court terme, Sophie Larouche tient à terminer sa

Photo : Rosemarie Caron- CEUC

session universitaire au baccalauréat en enseignement du français au secondaire. Si l’aventure Révolution est terminée pour elle, elle a toutefois encore beaucoup de projets de danse à réaliser. Celle qui aimerait danser pour le Cirque du Soleil souhaite rejoindre une agence pour danser professionnellement : « Je pense que c’est réalisable. Je vais tout faire pour m’y rendre. Je veux tenter l’expérience professionnelle pour aller au bout de mes rêves et ne pas avoir de regrets plus tard. » Il ne fait aucun doute que la jeune femme mérite sa place sur scène.


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Notez que

Toute l’équipe du MAGE-UQAC te souhaite une bonne fin de session et un beau temps des Fêtes! Reviens en forme pour 2019!

seront en horaire réduit à partir du lundi 17 décembre. Le festoie avec toi pour une dernière fois en 2018, vendredi le 14 décembre, pour son unique P.U. de fin de session!


Arts et Culture

Jeudi 29 Novembre 2018 No 132 Le Griffonnier

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Lumière sur Datasets Photo : Aymeric Long

Pauline Caiado & Emma Solet Des imprimantes du papier, de la lumière, c’est ce que vous verrez si vous vous rendez au centre bang à Chicoutimi, qui accueille l’exposition Datasets : lumière : Chicoutimi de l’artiste Paolo Almario du 18 octobre au 7 janvier, mais ce n’est pas tout. Paolo Almario, artiste d’origine colombienne, vit au Saguenay depuis 2011. Il est aussi professeur à l’Université du Québec à Chicoutimi au Département des arts et lettres. Il a exposé notamment en Colombie, en Italie, en Belgique et en France différents travaux sur son thème de prédilection : l’art numérique. Pour lui, chaque projet est une tentative de répondre à la question suivante : « Comment l’espace qu’on habite nous façonne-t-il en tant qu’individu? » C’est sur cette ligne directrice qu’il tente ici de «

capturer la ville de manière numérique » par le biais de la lumière qu’elle émet. Cela fait plus d’un an et demi qu’il travaille sur l’œuvre Datasets : lumière : Chicoutimi, qu’il crée dans le cadre du projet d’Artagnan-02, dont il fut lauréat. Ce projet, créé par le Centre Bang, soutient des artistes résidents du SaguenayLac-Saint-Jean dans la création et la production d’œuvres, ainsi que dans leur diffusion. Pour réaliser Datasets, Paolo Almario a entamé une phase d’exploration urbaine. Il a ainsi parcouru Chicoutimi pour capter numériquement la lumière à l’aide d’un sac à dos sur lequel il insère différents capteurs afin de mesurer l’intensité lumineuse, de la même manière qu’il l’avait fait pour certains quartiers de Strasbourg et de Toronto lors de la préparation de ses précédentes expositions. C’est ensuite à l’aide d’un logiciel qu’il a créé lui-même qu’il a pu programmer quatre

machines dotées d’un mécanisme d’impression. Paolo Almario les a construites sur la base d’un plotter grâce, notamment, à des moteurs, des roulements à billes et des feutres. Il les a ensuite déposées sur des tables dans une première salle.

reconstituer des cartes abstraites ou réalistes de Chicoutimi.

Ayant eu la chance d’être conviées au vernissage de l’exposition le 18 octobre dernier, les premières choses qui attirent notre œil sont ces imposantes machines disposées sur quatre tables au centre de la pièce. Les deux premières machines représentent la lumière urbaine sous forme de carré dont la taille varie en fonction de l’intensité. Les deux autres machines traduisent ces données, l’une sous forme d’une simple carte tandis que l’autre liste les coordonnés GPS des lieux où Paolo Almario a mesuré l’intensité lumineuse. Ces machines fonctionnent selon le principe d’une imprimante, mais en réalisant les dessins point par point. Une fois terminé, chaque dessin est exposé au mur afin de

Dans la seconde salle de l’exposition, Paolo Almario a décidé de retranscrire la lumière grâce au son.

Nous pouvons aussi retrouver, dans un angle de la pièce, un écran diffusant une image abstraite de l’intensité lumineuse de la ville.

Pour cela, il utilise un système de 25 haut-parleurs, chacun couplé à un projecteur dont l’intensité lumineuse varie en fonction du son, qui est basé sur les mesures réalisées par l’artiste. Il constitue ainsi une carte sonore de la ville d’une tout autre manière que ce que nous avons vu précédemment. Lors de notre entrevue avec Paolo Almario, où nous l’avons questionné sur le choix des matériaux utilisés, nous avons été surprises d’apprendre que le fonctionnement continu des

imprimantes implique l’utilisation de 300 feutres, puisqu’il est nécessaire de changer le feutre à la fin de chaque dessin. Le coût de ces feutres implique un budget important, ce qui nous a amenées à la question du financement. L’artiste a dû faire appel à des sponsors pour financer son exposition, dont le Centre Bang, qui accueille l’exposition, et a aussi pu bénéficier d’une subvention publique. Même s’il a rencontré certains contretemps, dont le blocage de certaines machines, il considère avoir atteint son objectif et est d’ailleurs fier de présenter son exposition au Centre Bang avec le soutien régional. Ces jeunes artistes émergeants dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean apportent un vent de fraîcheur au monde artistique. En effet, son exposition diffère de ce que nous avons eu l’habitude de voir grâce à l’incorporation des nouvelles technologies au sein de ses créations.

Pourquoi y aller ? • Supporter un projet financé en partie par la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. • Soutenir le travail d’un artiste ayant étudié à l’UQAC, où il est maintenant professeur. • Découvrir comment le numérique peut être intégré à l’art.

Centre Bang

132, rue Racine Est, C.P. 8125, Chicoutimi (Québec) G7H 5B5 Téléphone : 1-418 543-2744

Du 18 octobre au 7 janvier

Horaire : Mardi, mercredi et samedi de 10h à 18h Jeudi et vendredi de 10h à 21h Tarif : gratuit (accès libre) Photo : Aymeric Long


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Arts et culture Culture

Jeudi 29 Novembre 2018 No 132 Le Griffonnier

Les Animaux fantastiques : Les Crimes de Grindelwald Ève-Marie Fortier Collaboratrice

Les Animaux fantastiques : Les Crimes de Grindelwald, film très attendu par les amateurs de l’univers d’Harry Potter, a finalement pris l’affiche le 16 novembre dernier, et J.K. Rowling a encore une fois réussi à écrire un scénario à la hauteur des attentes de ses fans. Nous pourrions croire qu’il est difficile de s’attacher aux personnages des Animaux fantastiques lorsque nous avons vécu une histoire d’amour avec les personnages d’Harry Potter, mais c’est plutôt l’inverse qui se produit lors du visionnement. Norbert Dragonneau, interprété par Eddie Redmayne,

est le personnage principal des Animaux fantastiques. Tout comme Harry Potter, le jeune sorcier ne recherche pas la popularité ou le pouvoir, il a seulement soif de justice, une caractéristique qui le démarque des autres protagonistes et qui donne envie aux spectateurs de le suivre dans sa quête. Les liens avec l’univers d’Harry Potter sont énormément présents et c’est ce qui donne des frissons tout au long du film. La trame sonore, les prises de vue, les personnages, l’ambiance : tout rappelle le monde de Potter. Certains secrets sont dévoilés et le passé de plusieurs personnages est révélé, ce qui permet au spectateur de comprendre des éléments du récit qui avaient été instaurés dans le précédent volet de la franchise.

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Les Animaux fantastiques : Les Crimes de Grindelwald est un film à ne pas manquer. Les Potterheads auront définitivement envie de faire un marathon d’Harry Potter durant le temps des fêtes pour plonger à nouveau dans le merveilleux monde de la magie.

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Le scénario du deuxième film de la saga des Animaux fantastiques est toutefois assez complexe à comprendre, à la fois pour ceux qui ne connaissent pas l’univers Potteresque, mais aussi pour ceux qui sont familiers avec celui-ci. Il est facile d’entremêler les personnages, particulièrement alors que ceux-ci se plaisent à changer d’apparence pendant le film. Par contre, la complexité du scénario donne quand même envie de voir le film une deuxième fois pour être certain de n’avoir manqué aucun détail.

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Le Premier homme : Chazelle et Gosling s’unissent à nouveau Ève-Marie Fortier Collaboratrice

Le Premier homme, de Damien Chazelle, met en lumière la vie de Neil Armstrong, premier homme à avoir marché sur la Lune. Ryan Gosling est celui qui interprète Armstrong. Il s’agit du second film de Chazelle où l’acteur interprète le rôle principal, le duo ayant fait fureur en 2016 avec le très populaire La La Land. Gosling, excellent dans son rôle, montre parfaitement au spectateur les problématiques que posait un premier voyage sur la Lune. Plusieurs essais et plusieurs pertes, humaines et monétaires, ont été nécessaires pour permettre à l’Homme ce voyage historique. La population des États-Unis n’était pas totalement en accord avec leur gouvernement, qui souhaitait absolument mettre le pied sur la Lune avant la Russie. Les Américains avaient l’impression que l’éducation de la population par rapport à l’espace ne valait pas les pertes humaines et monétaires. La NASA a quand même persisté et, après plusieurs essais, Apollo XI a finalement accompli sa mission, faisant de Armstrong et Aldrin les premiers astronautes à marcher sur la Lune. C’était « un petit pas pour l’Homme, mais un grand pas pour l’humanité ».

Chazelle a réussi à déjouer les pièges du déjà vu et du cliché, réussissant à toucher les spectateurs par son film, même s’ils en connaissent déjà l’issue. Cet effet est atteint notamment par l’excellent choix de chacune des trames musicales, mais aussi par un très bon travail de caméra, qui permet de garder un certain suspense. Les prises de vues dans l’espace sont magnifiques, et les spectateurs se sentent presque à bord d’Apollo XI. Le film de Chazelle met également l’accent sur la famille d’Armstrong et les amitiés qu’il entretenait. Il est évidemment difficile pour un astronaute de partir dans l’espace, mais ce l’est également pour sa femme et ses enfants, qui ne savent pas si l’être cher reviendra à la maison. Chazelle montre la réalité de toutes les familles du quartier, qui connaissent les défis à relever lorsqu’il y a un astronaute dans la famille. Le spectateur y découvre un esprit de communauté vif, qui montre que les gens se soutiennent beaucoup lors des missions de la NASA, qui ont un impact important dans plusieurs sphères.

Le Premier homme est un film biographique à voir, à la fois par ceux qui s’intéressent à la vie de Neil Armstrong, mais aussi par toute personne s’intéressant à l’espace. Il est toujours à l’affiche dans plusieurs cinémas.


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Quand Cyrano m’invite au théâtre Michelle Bouchard Journaliste

Cet automne, nos salles de spectacle ont prêté leurs planches à neuf comédien.ne.s des Productions La Comédie Humaine afin qu’ils jouent pour notre plus grand plaisir la pièce écrite à la fin du XIXe siècle par Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac. Malgré les nombreux sièges demeurés vacants pour leur seconde représentation locale, qui se tenait à la salle Michel Côté à Alma, la troupe a offert une prestation majestueuse, digne de cette œuvre incontournable qui traite du thème universel qui ne saurait subir l’usure : l’amour!

Le résultat du travail de la metteure en scène, Michèle Deslauriers, est magistral! Pour obtenir une pièce de quatre-vingt-dix minutes sans entracte, elle a dû relever le défi de tronquer de nombreuses scènes sans affaiblir ni dénaturer l’œuvre originale. Elle a choisi de suivre la trame du triangle amoureux formé de Cyrano, Christian et Roxane, d’y attacher les scènes essentielles et de délester, tout naturellement, des scènes jugées un peu moins pertinentes. Elle a également osé prendre le risque (et non le moindre!) de dispenser son Cyrano d’une prothèse nasale, d’une part fort coûteuse, qui se serait avérée par ailleurs encombrante pour

le comédien qui la (sup)porte. Elle a plutôt misé sur le talent de ses collaborateurs en commandant aux uns un savant maquillage et aux autres, un jeu d’éclairage étudié, qui donneraient l’illusion d’une protubérance bien ingrate au milieu du visage du pauvre homme. Force m’est d’admettre que tous ces procédés, qui peuvent sembler audacieux, servent admirablement la pièce. Le rythme soutenu et les enchaînements habilement chorégraphiés des scènes et des actes, où les comédien. ne.s, subtilement, disposent des éléments de décor sous un éclairage tamisé en un temps record, contribuent à envoû-

ter l’assistance. Cette fluidité, associée à la verve des acteurs et à leur magnifique maniement des vers, prouvent que les grands classiques gagnent à être revisités, encore et toujours. L’adaptation respecte parfaitement l’époque et l’atmosphère du texte source, les caractéristiques des personnages ainsi que le registre linguistique. Ce faisant, elle communique des dualités qui sont toujours très actuelles, qu’il s’agisse de l’apparence physique par rapport à l’âme et à l’esprit, de la beauté face à la laideur, de l’éloquence contre la sottise, etc. Sans rien enlever aux productions théâtrales plus contemporaines, il n’en demeure pas moins que

cette pièce d’un autre temps, revue un nombre incalculable de fois et sous toutes formes, demeure intemporelle. Compte tenu des difficultés reliées au texte composé en vers et aux longues tirades imposées à Cyrano, je ne saurais conclure sans saluer l’immense talent d’Hugo Giroux. Dans la peau de Cyrano de Bergerac, il meuble la scène d’abord de sa présence charismatique, puis déclame avec une totale aisance des vers qu’il arrive même à nous faire oublier. La mélodie des mots ainsi nous envoûte et ouvre une brèche où l’histoire d’amour doucement s’immisce, et, inévitablement, émeut.

Fuck Wall Street Émilie Morin Journaliste

C’est un pari plutôt risqué que de vouloir unir deux mondes qui sont en apparence parfaitement opposés. Pourtant, après avoir vu L’Art de la chute, on se demande en fait ce qui sépare l’art de l’économie. Orchestrée autour du fameux krach boursier de 2008, la pièce amène le spectateur à reconsidérer le rapport entre le monde de la finance et celui de la création. Le 2 novembre dernier, le théâtre La Rubrique accueillait L’Art de la chute. Faisant suite à Chapitres de la chute, qui racontait l’ascension économique de la famille Lehman, la pièce s’organise cette fois autour de la faillite de la banque Lehman Brothers. Le spectateur y suit Alice, une artiste canadienne en résidence à Londres au moment où le monde de la finance part en vrille. Au cours de son séjour, Alice fait la connaissance de Gregory Monroe, richissime trader de Wall Street qui a profité du krach boursier

pour empocher près d’un milliard de dollars. Cette rencontre remettra en question les plus profondes convictions artistiques d’Alice.

Une pièce didactique Les auteurs de L’Art de la chute sont conscients de la complexité du sujet dont il est traité dans la pièce. Afin d’aider le spectateur à mieux comprendre les concepts financiers dont il est question tout au long du récit, on brise plus d’une fois le quatrième mur pour expliciter certains termes aux gens dans la salle. Les exemples sont clairs et très bien vulgarisés. Ils permettent à la fois de comprendre le krach de 2008, mais aussi d’appliquer ces concepts au monde artistique dont il est question dans la pièce. Car il ne faut pas s’y méprendre : L’Art de la chute ne raconte pas l’histoire du krach de 2008. Là où l’art semble au service de l’économie, ici, c’est plutôt le contraire qui se produit. Les explications concernant les bulles économiques et autres servent à ce que le spectateur établisse des paral-

Photo : Vincent Champoux / Nuages en pantalon

lèles entre la finance et l’art et qu’il constate la dure réalité affrontée par Alice : la valeur d’une œuvre est déterminée par la valeur économique de l’artiste qui la conçoit, rien d’autre.

Le règne du capitalisme À travers sa relation avec Gregory Monroe, Alice constate à quel point l’art contemporain est commercialisé. La valeur de l’art n’est pas, comme elle le voudrait, déterminée selon l’effort qu’on veut bien y mettre mais elle est plutôt intrinsèquement

liée au prix que l’on veut payer les œuvres d’un artiste. L’Art de la chute montre brillamment l’inversion d’un paradigme économique. Dans le monde artistique, c’est le prix qui fixe la valeur, et non la valeur qui fixe le prix. Alice observera ce phénomène au premier plan, alors que sa carrière subira finalement les conséquences d’une controverse dont elle avait précédemment profité.

Une réussite linguistique L’Art de la chute réussit à éduquer son spectateur et à lui

transmettre les connaissances nécessaires pour qu’il prenne conscience d’une problématique très actuelle, sans toutefois commettre l’erreur de lui faire la moralité. L’humour du dialogue et le jeu multiple des comédiens ne laissent personne indifférent. L’utilisation de multiples langues aux accents différents est impressionnante, et l’ajout d’un tableau multimédia diffusant les traductions du dialogue en direct est une excellente idée afin de rendre la pièce accessible aux régions où le bilinguisme est moins répandu, en plus de dynamiser la mise en scène!


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Arts et culture

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Culture et politique Emmanuel Trotobas Collaborateur

Culture et politique sont deux termes qui désignent comme deux mondes se rencontrant de diverses façons. On peut se demander ce qu’est la culture en dehors des journées spécifiquement consacrées à celle-ci, ou ce qu’est la politique en dehors de la période électorale. Ces deux mondes sont vus comme deux réalités distinctes, mais ces deux réalités rencontrées, mises en relation, évoluent. Est-il possible de parler de deux mondes interreliés, interdépendants? Personnellement, je suis intrigué par l’écart des types de personnalités qui œuvrent dans ces deux domaines. Le monde de la culture, qui abrite les artistes (qu’ils soient peintres, acteurs, musiciens et autres), est une plateforme propice à la diffusion de certains discours de changement. Des artistes, se sentant respon-

sables, prennent la parole, soutiennent des causes et des candidats, bousculant parfois l’ordre établi et rappelant certains liens sociaux. Pour certains, c’est la facilité de prendre la parole en public qui rend l’exercice possible, tandis que pour d’autres, les médias sociaux sont privilégiés, rendant facile la communication avec un auditoire attiré par l’artiste en question. Toutefois, nous trouvons là aussi des humoristes pouvant parfois être populistes, déblatérant des rhétoriques binaires. Le tout est évidemment navrant, démagogique et toxique, nuisant plus à la cause qu’il ne la soutient. C’est ainsi que des artistes choisissent de s’engager dans le discours politique. L’engagement politique des personnalités artistiques est ancien, bien ancré dans nos mœurs. Cette pratique remonte notamment en France aux années 30, époque où les politiciens se montraient en public avec des artistes afin d’obtenir le vote de leurs admirateurs. De nos jours, chanteurs et chanteuses utilisent les réseaux

sociaux afin de faire connaître leurs opinions politiques. C’est notamment le cas de Taylor Swift, qui a tout récemment décidé de s’engager politiquement, chose qu’elle n’avait encore jamais faite au cours de sa carrière, préférant séparer politique et musique. Parmi les artistes engagés politiquement, on retrouve entre autres Les Cowboys Fringants, Samian, Natasha Kanapé Fontaine, Mes Aïeux, Emmanuel Bilodeau, Dominic Champagne, U2, Peter Gabriel et Midnight Oil. Selon Peter Garett, ex-chanteur du groupe Midnight Oil, plusieurs fois ministres : « Il n’y a pas à choisir entre la musique et l’action politique ». Prenons également note du cas de Gilberto Gil, grand nom de la musique brésilienne, qui a notamment joué avec Pink Floyd. Il s’est engagé au conseil municipal de Sao Paulo avant de devenir plus tard, en 2002, ministre de la Culture. En 2008, il a finalement choisi de retourner à sa carrière musicale. Youssou Ndour, célèbre chanteur sénégalais, a un parcours semblable, ayant été ministre de la Culture, du Tou-

risme et des Loisirs au sein de son pays. Le Sénégal a également profité de son statut de célébrité afin d’en faire un ambassadeur, dont la tâche était de promouvoir le pays à l’échelle internationale. En marge de sa carrière artistique, Lou Depryck, compositeur-interprète, mais aussi producteur de nombreuses chansons populaires, dont Ça plane pour moi de Plastic Bertrand, s’engage depuis six ans dans la gestion de sa ville natale. Nana Mouskouri, chanteuse célèbre, interprète de Je chante avec toi Liberté, a siégé au Parlement européen de 1994 à 1999. Il ne faudrait pas oublier Yves Duteil, maire d’une petite commune en France, ou André Malraux, connu comme écrivain engagé, militant antifasciste et anticolonialiste. Ce dernier a mené en France une politique culturelle active en tant que ministre. On ne peut omettre de citer Leopold Sedar Senghor, poète, écrivain, académicien et homme politique sénégalais, chef d’État pendant la période de la décolonisation. On l’a dit poète par nature, homme politique par accident.

Pour sa part, la politique a bien évidemment son rôle à jouer dans le domaine culturel. Pensons aux prix des livres, à l’ouverture de marchés, à la reconnaissance des artistes, aux bourses et aux subventions qui sont accordées aux activités et programmes culturels, ces dernières dépendant par ailleurs du gouvernement en place. Le dernier gouvernement conservateur, par exemple, était bien connu pour les compressions budgétaires qu’ils effectuaient du côté de la culture… La culture, mise de côté ou instrumentalisée, reste ce qui nous soude. Elle englobe l’art ainsi que nos mœurs et manières de vivre. L’enjeu présent ici est la mobilisation artistique pour un changement de paradigme, de mode de vie, un changement de société. La culture est changeante, et le monde politique, que certains voient comme un simple régisseur, est là pour s’adapter à celle-ci. N’est-il pas là pour le bien commun? Si les acteurs du monde culturel lui envoient un message, saura-t-il l’écouter?

Hubert dans l'espace, 2018 Rosemarie Caron


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Jeudi 29 Novembre 2018 No 132 Le Griffonnier

La cyberdépendance a carrément happé nos vies Amira Ben Rejeb Collaboratrice

Cela fait 10 ans que je suis sur le réseau social Facebook et j’avoue que je suis passée par plusieurs phases. La phase où ton orthographe se dégrade, la phase où, lors d’un examen, tu es tentée d’écrire avec le langage de texto (et je n’étais clairement pas la seule à le faire !). On ne se rend pas compte à quel point cela influence nos vies et nos perceptions. Il y a ceux qui se nourrissent de notre temps, les influenceurs et influenceuses. On croit qu’ils. elles ont une vie parfaite. Leurs conseils sur les produits, les nouveautés : consommez, consommez! Le pire, c’est quand des adolescent.es se mettent à imiter la vie de leurs instagrammeur.ses préféré.es, et passent des heures à regarder, aimer, partager, commenter, ne se rendant même pas comptent que ces heures, comptabilisées en dollars, ne font que les éloigner de la vraie vie. En même temps, je sais que Facebook peut être un outil indispensable pour ceux qui travaillent avec, et ceux qui doivent gérer leurs pages professionnelles (j’en ai deux que je dois administrer, mais c’est une membre fondatrice qui s’en occupe!). On peut toujours se limiter à une heure par jour; je pense que ça peut être raisonnable. Pour ma part, je n’y vais simplement plus. Les articles intéressants, je peux aller les chercher directement sur leurs sites respectifs une fois par semaine. J’ai tout de même gardé la messagerie instantanée, que j’utilise sur ordinateur (sur le cellulaire, c’est un piège !) pour garder contact avec les personnes proches et importantes dans ma vie, autant professionnellement que personnellement. Alors depuis un mois, bien des choses ironiques arrivent! J’ai d’abord constaté qu’il y a des personnes, à ma grande

surprise, qui confondent littéralement la vie avec Facebook. Facebook est carrément devenu un Ersatz de la société. Une amie m’a même confié qu’elle perçoit la désactivation de Facebook comme l’expression d’un désordre psycholo-

gique, le signe d’une dépression! « Moi, je m’inquiète quand on me dit que quelqu’un a désactivé » ! C’est là que je me dis que c’est rendu vraiment trop loin! La dépendance aux réseaux sociaux passe pour la norme : c’est tellement ancré dans la vie des jeunes (et des moins jeunes!), qui doivent rendre compte de leur présence et de leur vie même sur Facebook! Les concepts du bien-être sont inexorablement inversés. Le site se comporte de la même manière engageante. Avez-vous remarqué toutes ces questions? Avant de désactiver,

on vous demande : « Êtes-vous sûr.e de vouloir désactiver? » On vous fait défiler les photos de profils de vos amis : « Vous allez manquer à “un tel” ! » Ensuite, quand on s’est bien assuré que vous désirez partir : « Ditesnous vos raisons », et on dirait

que Facebook n’est rassuré que quand on coche « C’est momentané, je reviendrai plus tard ! ». Bloquer une personne sur Facebook, c’est comme la bloquer dans la vie, tu as beau avoir été ami.e avec elle durant les trois dernières années, si tu n’aimes pas une de ses réactions sur ton mur, attends-toi à ce qu’elle te bloque ou qu’elle te rappelle à l’ordre : « Il faut accepter toutes les réactions des autres s’ils sont tes amis Facebook ! » Sérieux, depuis quand la démocratisation des réactions est-elle devenue un

acquis social? Tu es obligé.e de tout accepter, même quelqu’un qui ridiculise une cause humanitaire… La vie est belle, y’a pas d’inondations ni de personnes qui meurent par manque de ressources, restons dans le virtuel! Y’en a d’autres

aussi que si tu oublies de leur poster des vœux d’anniversaires sur Facebook, t’es plus leur ami.e, c’est fini! Plus sérieusement, dans un cours en ligne que je suis avec l’Université de Yale, la professeure Laurie Santos souligne que la dépendance aux réseaux sociaux en général, entre autres Facebook et Instagram, est perçue par la communauté académique comme une pathologie sociale et un danger imminent sur le bien-être de la population. De nombreuses recherches

empiriques et statistiques ont été menées sur des groupes d’une population hyperconnectée pour mesurer le degré de satisfaction et d’alignement avec sa vie réelle. Les personnes hyperconnectées sont les moins heureuses parce qu’elles se retrouvent à croire en l’image virtuelle que propagent certains sur leurs profils et tentent de les imiter : « The higher your facebook activity, the lower your self-esteem. » Laurie Santos conseille d’ailleurs aux jeunes étudiants de son groupe de commencer par rompre avec ces sites qui happent le bonheur et la productivité de tout un chacun, en les lançant dans une course de comparaisons infernales, à un point tel que même nos choix les plus personnels, comme le choix de nos vacances, nos marques ou notre goût ne sont plus de notre ressort mais téléguidés, ciblés, filtrés. Pour ma part, j’ai désactivé un compte qui a plus de 10 ans, et je n’ai pas le sentiment d’y avoir laissé une part de ma vie, mais plutôt d’avoir retrouvé ma vie. J’ai miraculeusement repris en main le contrôle des nombreuses heures que je passais quotidiennement sur Facebook pour les orienter à ma façon, selon mes priorités. Prenez le temps de savourer votre vie, de mesurer ces heures qu’on dilapide pour rester « connecté.e », jamais à soi. On se rend très vite compte qu’on a le temps de réviser et de rédiger, bien avant la date d’échéance, d’aller visiter cet. te ami.e perdu.e de vue parce que Facebook donne l’illusion de le.la voir tous les jours, qu’on peut commencer ce cours de yoga qui nous tenait à cœur, qu’on a le temps de se mettre enfin à la peinture, de prendre un cours en ligne! La culture c’est gratuit, mais quand on en est le produit, ça a un prix et une partie de notre vie!


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Chronique littéraire

Jeudi 29 Novembre 2018 No 132 Le Griffonnier

OFFRE D’EMPLOI GRAPHISTE

Le Griffonnier, journal des étudiants de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), est présentement à la recherche d’une personne pour occuper le poste de graphiste. Lieux de travail UQAC - Bureau des Communications étudiantes universitaires de Chicoutimi (CEUC) – P0-3100.

Description du poste Le.la graphiste travaille sous l’autorité directe du coordonnateur de CEUC et du conseil d’administration de CEUC. Son rôle est de réaliser l’ensemble de la mise en page du journal Le Griffonnier et de s’assurer de la conformité des éléments visuels des Communications étudiantes universitaires de Chicoutimi. Principales tâches Travailler de concert avec la rédactrice en chef afin de mettre en forme le journal; Assurer les contacts avec la maison d’impression, voir à l’impression du journal et au respect des échéanciers; Effectuer, en collaboration avec le responsable publicitaire, le montage des publicités vendues par celui-ci; Effectuer toute autre tâche reliée au poste. Exigences et conditions de travail Être étudiant.e pour l’année scolaire 2018-2019; Avoir une bonne maîtrise de la langue française écrite; Avoir une bonne maîtrise des logiciels suivants : Adobe InDesign, Adobe Illustrator, Adobe Photoshop et Adobe Acrobat Pro; Posséder une formation en graphisme ou l’équivalent; Statut du poste : Contractuel à temps partiel; Nombre d’heures : minimum de 30 heures par mois; Salaire : à discuter.

Veuillez faire parvenir votre curriculum vitæ à l’attention de Monsieur Stéphane Boivin Par courriel : ceuc@uqac.ca Par la poste : CEUC - Communications étudiantes universitaires de Chicoutimi 555, boulevard de l’Université, Local P0-3100, Chicoutimi (Québec) G7H 2B1 Pour obtenir davantage d’informations : 418 545-5011 poste 2011 Date limite pour poser votre candidature : Le lundi 7 janvier à 16 heures Dates prévues pour les entrevues : Les 9 et 10 janvier 2019


Chroniques littéraires

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présente... Frédérique Laroche complète présentement son baccalauréat en études littéraires françaises. Elle commencera une maîtrise en lettres à l’hiver 2019, où elle rédigera un mémoire de création centré sur l’écriture de séquences descriptives. Elle nous présente l’une de ses oeuvres.

Sept femmes

L’Amante Frédérique Laroche Collaboratrice

Elle s’attarda longuement sur sa bouche, ces lèvres trop pleines, d’un rose pâle, qui l’avaient embrassée tant de fois, partout. Ces mêmes lèvres qui avaient proféré les pires insanités, mais qui, accompagnées de cette voix si tendre, ressemblaient à des paroles d’amour. Juste au-dessus d’elles : un petit nez, tout fin, qu’on ne remarquerait pas s’il n’était pas orné de ces petites taches de rousseur qui parsemaient la peau, blanche et polie. Quand elle était agacée, le petit nez se plissait, et, bien que cela lui donnait un air adorable, il valait mieux ne pas se fier aux apparences. Les yeux, d’un bleu presque translucide, la fixaient. Elle savait, juste en les regardant, qu’elle était calme et détendue, ce qui n’arrivait pas souvent. Ces yeux qui affichaient habituellement un ennui profond, assombrissant parfois ce regard. Une mèche de ses cheveux, d’un blond qui tirait sur le roux, lui tombait sur le visage, ce visage toujours figé qui, quand il se décidait à sourire, pouvait illuminer une pièce entière. Sa che-

Laurie Tremblay est une ancienne étudiante du baccalauréat en études littéraires françaises, qu’elle a complété à l’hiver 2018. Elle nous offre ici un poème qu’elle a composé dans le cadre de son cours de Création littéraire.

velure qui ondulait, indomptable, jusqu’à sa taille, chevelure qu’elle refusait toujours de couper, dégageait un parfum à la fois sucré et épicé, mystérieux et indescriptible, mais surtout, envoûtant. Sa taille, si fine, peut-être même un peu trop ; elle l’avait tenue et serrée suffisamment de fois pour la connaître par cœur. Sa peau douce, elle en avait parcouru toute la surface. Elle adorait voir son visage, si pâle, se teinter de rouge, chaque fois qu’elle se trouvait près d’elle. Elle aimait entendre sa respiration s’accélérer à la simple idée de leur étreinte à venir. Le corps de son amante n’avait aucun secret pour elle. Pourtant, elle avait l’impression de ne pas réellement la connaître. Quand elle se rhabillait, remettant toujours l’une de ses petites robes noires qui laissaient ses longues jambes minces dévoilées, elle s’enfermait dans un mutisme qu’elle ne rompait que pour annoncer son départ. Son absence devenait vite pesante, plus douloureuse encore que sa présence. Elle se languissait de cette femme qui n’avait jamais su lui parler de ses sentiments, qui la méprisait ouvertement, mais qui revenait toujours.

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Laurie Tremblay Collaboratrice

Lors d’un chic souper, sept femmes étaient attablées. Toutes discutaient de ce qui les contrariait. Les sept femmes, bien que liées, étaient fort partagées Sur ce que chacune dans son coin considérait. La première, nonchalante, conversait sur la vie. D’une lourdeur sympathique, elle refusait l’effort, Disant qu’il valait mieux faire preuve de modestie Et ne pas se presser en fatiguant son corps. La seconde, débordante d’une forte prétention, Avouait son sentiment de supériorité, À travers un élogieux discours en son nom, Pour ses pairs qui lui inspiraient de la pitié. La troisième, elle, n’avait pas fini de manger ; Ses doigts sales passaient de sa bouche à son assiette Plus vite qu’elle ne pouvait avaler ses denrées ; Son immonde gloutonnerie empêchait la disette. La quatrième exhibait une obscène allure :

Ses gestes lascifs laissaient croire son indécence, Son décolleté offrait une sombre lecture Et ses doux yeux lubriques contemplaient en silence. La cinquième, ambitieuse, rêvassait, l’air de rien. Seule la richesse matérielle occupait sa tête : Elle en voulait toujours plus, ne dépensait rien. Jamais elle n’avait eu à s’acquitter de dettes. La sixième ruminait sa rage et sa haine : De son poing, elle frappait la table, impatiente. Son ressentiment se manifestait sans peine ; De sa voix, elle hurlait d’une ardeur foudroyante. La septième femme transpirait la fascination : Pour ses amies elle ressentait un fort désir. Dans ses entrailles se manifestait la passion, Sa chaude curiosité était un plaisir. Le souper terminé, les sept femmes s’en allèrent, Fort satisfaites de la présence de chacune. Malgré le fait qu’elles demeuraient toutes si solitaires, Leurs péchés les unissaient en une femme commune.


Au nom de notre communauté et des 54 000 diplômés qui illuminent de leur savoir les quatre coins du globe, nous vous souhaitons une excellente fin de trimestre et au plaisir de vous retrouver en 2019!


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