Mars . Avril . Mai 2015 . Numéro 654
)Participer( Magazine des sociétés coopératives et participatives
Se regrouper,
)International(
)Enjeux(
un enjeu pour les coopératives
Scop : les femmes font mouvement
New York marque son engagement pour les « worker cooperatives »
Crédit photo : Gettyimages/Onur DAngel.
50 ANS ET TOUJOURS ENGAGE Le Groupe Chèque Déjeuner change de nom et devient le groupe Up. Depuis plus de 50 ans, nous anticipons les évolutions technologiques et les nouveaux usages pour répondre aux attentes de nos clients. N° 3 mondial sur le marché des titres de services, nous faisons du progrès social notre source de développement et de performance économique. Nous aidons aujourd’hui plus de 26 millions de bénéficiaires à mieux vivre ensemble au quotidien. Plus que le nom d’une entreprise, le nouveau nom du Groupe est un véritable label, synonyme d’action, de mouvement et d’avancée.
Sommaire p.4 p.6 p.9 p.10 p.11
Média Scop Vie du réseau Communication Btp Actualité
)Enjeux Scop( p.12 Scop : les femmes font mouvement p.14 Pratique : Les aides publiques
)Dossier(
La démocratie nous réussit
B p.16
Groupes coopératifs : se rassembler pour grandir
)Ouvertures( p.22 L’ancrage territorial des coopératives p.24 Zoom : Librairies et coopératives de belles rencontres
)International( p.26 New York : reconnaissance des worker cooperatives
)Rencontres( p.28 Roger Belot, président de la Chambre française de l’économie sociale et solidaire
)Scop en action( p.30 CLPS p.32 Orchestre de chambre de Toulouse p.33 Socova TP p.34 Lectures Participer. Magazine des Sociétés coopératives et participatives 37, rue Jean Leclaire 75017 Paris - tél. : 01 44 85 47 00, fax : 01 44 85 47 10 • www.les-scop.coop Réalisation : Scopedit, 37, rue Jean-Leclaire 75017 Paris. Gérant : Patrick Lenancker. Rédacteur en chef : Pierre Liret. Secrétariat de rédaction : Corinne Lefaucheux, Carine Dieu-Romastin. Conception, réalisation, appui éditorial : Philem Despiney, Scop In Studio 4, Bruno Chambrillon. Impression : Chevillon Imprimeurs. Dépôt légal : 1er trimestre 2015. CPPAP 1115 T 87741 . ISSN 1264-949X. Abonnement : 1 à 3 abonnements souscrits : 26 € par abonnement, à partir de 4 abonnements 22 € par abonnement. Contact abonnement : 03 80 48 95 37
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ien sûr, il faut se réjouir de la dynamique de la loi ESS et notamment de la publication récente du décret sur la Scop d’amorçage qui devrait permettre à plus de salariés d’envisager la reprise de leur entreprise. Bien sûr les Scop sont avant tout un mouvement d’entreprises et d’entrepreneurs animés par l’idéal d’une économie à visage humain, participative et solidaire. Bien sûr notre projet est avant tout centré sur l’émancipation économique des personnes dans leur métier, le partage équitable du pouvoir et des richesses.
Mais comment ignorer les événements tragiques qui ont marqué la planète entière les 7, 8 et 9 janvier derniers ? Au-delà de l’assassinat de dix-sept personnes qui, en soi, est parfaitement incompréhensible, inacceptable et révoltant, ce sont la liberté d’expression, la liberté et le vivre ensemble qui ont été attaqués à travers les attentats contre Charlie Hebdo et l’hypermarché Casher. Ce sont les fondements même de notre société que les terroristes cherchent à déstabiliser. La mobilisation extraordinaire et inédite du 11 janvier traduit tout l’attachement profond de la France aux valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité par-delà les clivages, qu’ils soient politiques, culturels, sociaux ou générationnels. Et c’est heureux. Il est à souhaiter que nous sachions continuer à faire front uni face aux menaces dont il est à craindre que malheureusement, elles ne se poursuivent, voire s’amplifient, comme en témoignent les récents événements au Danemark. Nous avons pour notre Mouvement choisi le slogan « La démocratie nous réussit ». Nous pouvons en être fiers. En le faisant vivre au quotidien dans nos coopératives, il prend aussi aujourd’hui une résonance toute particulière et nous invite à aller au-delà pour savoir aussi défendre les valeurs qui fondent notre projet.
Patrick Lenancker Président de la Confédération générale des Scop
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)Dossier(
Groupes coopératifs : se rassembler pour grandir
L Pour les dirigeants de coopératives, la loi ESS apporte une solution nouvelle et coopérative à leurs scénarios de développement futurs.
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Avec la nouveauté juridique du groupe coopératif, les Scop, grandes ou petites, se voient offrir une opportunité de se développer en tant que groupes. Depuis une quinzaine d’années, poussées par la croissance, de nombreuses Scop n’ont pas attendu pour grandir, se regrouper et diffuser une culture de groupe. Témoignages de leurs succès et de leurs attentes pour permettre à leurs projets de croissance de s’inscrire dans un projet réellement coopératif.
a coopérative est un regroupement d’hommes et de femmes autour d’un projet économique et social. Ces rapprochements de premier degré ont fait leurs preuves depuis des années, avec ce double objectif. À partir de leur immersion dans un monde très concurrentiel et des besoins plus forts de développement, les coopératives ont mis en place des regroupements de second degré, entre les entités économiques elles-mêmes. Selon les besoins et les pratiques, elles leur ont donné les formes les plus diverses : simples regroupements de mutualisation de moyens et des services, véritables groupes, avec de nombreuses filiales, intégration à des structures hybrides, comme les groupements de l’économie sociale ou les récents pôles territoriaux de coopération économique…
Scop mère à 51 % du capital L’outillage juridique étant par défaut conçu pour le droit commun des sociétés, les chefs d’entreprises coopératives ont dû faire preuve de beaucoup d’imagination pour se développer depuis les
vingt dernières années ! De pragmatisme également, avec l’acquisition de filiales de droit commun, en France comme à l’étranger, mais qui rendaient difficile l’extension des pratiques coopératives à l’ensemble du groupe ainsi constitué. Et puis vint la loi ESS. Une innovation, attendue par beaucoup, est apparue l’an dernier à l’article 29 de la loi sur l’économie sociale et solidaire favorisant les groupements de Scop. Ces groupements pourront se constituer lors de la transformation de filiale(s) en Scop ou lors de regroupement de Scop existantes (prise de participation directe). Dans les deux cas, la Scop « mère » pourra détenir 51 % du capital et des droits de vote. Pour les dirigeants de coopératives, cette mesure ne vient pas remplacer ou détruire la logique des groupes qu’ils ont souvent mis des années à construire. Mais elle apporte une solution nouvelle et coopérative à leurs scénarios de développement futurs. En témoigne la Scop UTB, dont le siège social est à Pantin (SeineSaint-Denis) et qui agit depuis plusieurs années comme un véritable groupe, et
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)Dossier(
Un outil complémentaire Un véritable groupe est alors en germe. En 2008-2009, toutes ces filiales passent sous statut SAS ou SARL, avec un seul cas d’absorption, celui de la société GTB,
CG Scop, Jean-Robert Dantou / Picturetank
ce, même si son président Charles-Henri Montaut évoque plutôt avec modestie « le balbutiement d’un groupe ». UTB compte plus d’un millier de salariés, répartis dans six agences régionales et dans quatre filiales. Une croissance externe entamée dans les années 2000, qui résulte du hasard et de la nécessité. « Notre croissance endogène s’est faite de façon organisée, au travers de la formation de nos salariés, qui a généré de l’activité en continu, explique le PDG d’UTB. Cette situation a perduré jusqu’en 2005, quand l’entreprise était toujours mono-site. À partir de cette date, nous avons eu des opportunités de rachats d’entreprises avec lesquelles on travaillait déjà et qui n’avaient pas de successeurs pour des dirigeants qui partaient à la retraite : Genty, près d’Arras (Pas-de-Calais), Guillaumin à Lucé (Eureet-Loir) et les Charpentes du Gâtinais. Les premières acquisitions n’avaient rien de naturel pour nous et nous nous sommes forgés notre propre expérience. L’an dernier, nous avons racheté une entreprise de deux personnes, une démarche facilitée par l’expérience que nous avions acquise. »
Pour UTB, le groupe coopératif est un outil complémentaire stratégique dans sa réflexion
Cinq questions à Lionel Orsi « Un outil supplémentaire au service du développement coopératif »
Lionel Orsi, directeur juridique de la CG Scop
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Quelles étaient les possibilités de constitution d’un groupe coopératif avant la loi ESS ? Il faut d’abord préciser qu’il n’existe pas de droit pour les groupes de sociétés en France, seulement des dispositions éparses et donc qu’il n’existait rien jusqu’à la loi du 31 juillet dernier sur les groupes coopératifs. Les groupes existants avaient développé leurs propres pratiques et usages, avec des filiales privées de droit commun. La seule possibilité qui existait pour une Scop de détenir une autre Scop était une exception à la loi de 1947, apportée par la loi de 1978 : pendant dix ans, une Scop
pouvait détenir plus de la moitié du capital d’une autre Scop et bénéficier de droits de vote supplémentaires au sein des assemblées générales de la « filiale » sans toutefois en détenir la majorité.. Cette possibilité a été très peu utilisée par les Scop et quand elle l’a été, elle s’inscrivait plus dans une logique de parrainage. Quels sont les enjeux autour du nouveau statut de groupe coopératif ? De plus en plus de sociétés coopératives ont des objectifs de croissance externe, qu’elles ont réalisés pour la plupart dans les quinze dernières années. Aujourd’hui,
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dont les salariés deviennent sociétaires d’UTB. « Dans la période qui s’ouvre maintenant pour développer la Scop, poursuit Charles-Henri Montaut, nous avons plusieurs pistes : continuer les absorptions, nous en tenir au statu quo ou transformer les filiales en Scop, comme la loi le permet désormais. Auparavant, transformer une filiale en Scop, c’était prendre le risque d’en perdre le contrôle ! » Pour UTB, l’hypothèse du groupe coopératif est un outil complémentaire dans sa réflexion. Mais avant même ces possibles changements juridiques, la Scop spécialiste du BTP s’est attachée depuis des années à développer une culture de groupe. « Dès lors qu’on commence à avoir des métiers variés et des implantations dans différentes régions, souligne ce défenseur des valeurs coopératives, il est important que tout le monde ait un sentiment d’appartenance commune à l’aventure collective. Si nous regroupons tout le monde sous la même bannière, chaque salarié se sentira plus impliqué. » Aujourd’hui, le quasi-groupe UTB compte donc déjà plusieurs agences et filiales, qui fonctionnent comme des centres de profit, des fonctions support d’une cinquantaine de personnes au siège social, mais aussi le service Nidhoo (qui propose de la main d’œuvre aux particuliers), la fondation UTB et - last but not least l’école UTB.
Se développer comme groupe, c’est aussi la problématique actuelle du Groupe Chèque Déjeuner, devenu le Groupe Up le mois dernier. La Scop de Gennevilliers (Hauts-de-Seine) compte elle aussi plus d’un millier de salariés en France, mais elle en dénombre plus de 1 200 supplémentaires dans quatorze pays étrangers ! « Jusqu’au milieu des années 1990, nous étions une entreprise mono-produit et mono-site, évoque Catherine Coupet, présidente du Groupe Up depuis septembre dernier. Puis, nous avons commencé à créer des filiales à l’étranger, d’abord en Europe de l’Est, sur notre cœur de métier, le chèque déjeuner et les avantages aux salariés. Au tournant des années 2000, nous avons aussi racheté des entreprises liées à l’informatisation des services à la personne. À chaque fois, la Scop était actionnaire à 100 % de ses filiales. Mais au fil du temps, nous avions proportionnellement de plus en plus de salariés non sociétaires. »
les dix plus grandes Scop (en chiffre d’affaires) détiennent globalement une centaine de filiales. Mais, jusqu’à la loi ESS, ce développement ne pouvait pas se faire intégralement dans un cadre coopératif. Demain, cela sera possible. Le groupe coopératif est simplement un outil supplémentaire, qui pourra être proposé aux sociétaires, et qui pourra coexister avec les solutions précédentes d’acquisitions de filiales « classiques ».
créer une culture d’entreprise, entre une Scop mère et une ou des filles devenues Scop. La loi considère que la Scop mère peut détenir 51 % des droits de vote de la Scop fille, après une période de dix ans, pendant laquelle la Scop n’est au contraire ni limitée en capital, ni en droits de vote. Pendant cette période, cela doit améliorer la dimension coopérative de la filiale et des salariés.
Quelles sont les logiques mises en œuvre par le législateur ? On va pouvoir distinguer deux cas de figure dans la création d’un groupe coopératif : la transformation d’une filiale en Scop ou la création d’une deuxième Scop. Dans le premier cas, il va bien s’agir de
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Des salariés enthousiastes à l’étranger Hors des frontières, le Groupe Chèque Déjeuner avait expérimenté son propre modèle, avec des filiales de droit commun, car, soit la forme coopérative n’existait pas localement, soit elle était connotée négativement, comme dans les pays d’Europe centrale… Malgré tout, la politique du géant de l’économie sociale
Comment fonctionne la deuxième possibilité ? Elle est encore plus simple, puisqu’il s’agit d’emblée de créer une Scop, détenue par la première. Celle-ci a immédiatement 51 % des droits de vote de la Scop fille, dont on estime qu’elle est immédiatement une Scop.
était d’associer le plus grand nombre de salariés locaux au capital, dès que l’entreprise devenait profitable. Mais cela ne semble plus suffisant désormais. Depuis l’an dernier, le nouveau Groupe Up a décidé d’accélérer la dynamique de groupe. Très concrètement, une commission interne (administrateurs, experts, représentants des salariés) a été mise en place, avec pour mission de définir les contours de la création d’un groupe coopératif, pour lequel la loi ESS pourrait logiquement aider. « Trois périmètres à intégrer dans le groupe ont été définis jusqu’à présent : les activités de titres en France, les activités d’action sociale et les filiales à l’étranger, détaille Catherine Coupet. Sous réserve de la validation par les actuels sociétaires, le premier périmètre devrait fusionner dans le Groupe Up dès l’année prochaine. Nous passerions de 400 à 1 000 sociétaires. Les autres périmètres pourraient prendre un peu plus de temps, mais nous constatons déjà que les salariés à l’étranger sont très enthousiastes à l’idée d’entrer dans un groupe indépendant. » La montée en gamme comme groupe doit aussi permettre au Groupe Up d’accroître son image (avec la déclinaison de la marque unique Up à travers le monde) et son impact économique (avec la volonté de passer d’un volume d’émission de titres de 5,8 milliards en début d’année jusqu’à 10 milliards en 2018). D’ici là, le
Quels peuvent être les résultats attendus ? Les objectifs autour des groupes sont multiples pour confirmer le « choc coopératif ». Cela doit d’abord permettre aux groupes déjà constitués de poursuivre leur développement, au travers de filiales coopératives ou non. Cela doit ensuite consolider les groupes, avec un actionnariat plus large des salariés des deux entités. Enfin, ce sont des groupes ouverts, qui peuvent accueillir de nouvelles filiales au fil des années. On attend les premiers dossiers. Nous pensons que cela va attirer les groupes qui ont déjà de l’ancienneté, mais aussi des groupes nouveaux qui vont se constituer à cette occasion.
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CG Scop, Jean-Robert Dantou / Picturetank
)Dossier(
L’un des objectifs du Groupe Up (ex Chèque Déjeuner) sera d’associer le plus grand nombre de salariés au capital
ner.com
cheque-dejeu
www.groupe-
ire Boîte exelarmiéspaslasociés. . e u q ri é n é g m No dont 357 sa . 2130 salariés -de-France
ner, Scop en Île
Chèque Déjeu
groupe fondé par Georges Rino, pourrait choisir de devenir un groupe coopératif au sens de la loi française. Passer d’une petite structure de développement local à un grand groupe spécialisé dans les télécommunications, c’est le défi qu’a relevé Scopelec, la Scop de Revel (Haute-Garonne) en une quarantaine d’années. « Pour arriver à ce groupe de 2 300 salariés, notre stratégie a été portée par une vision du marché qui avait (et a toujours) tendance à se concentrer, confirme Jean-Luc Candelon, PDG de Scopelec. Nous avons commencé par racheter des petites sociétés locales de téléphonie d’entreprises. Puis depuis 2003, nous avons fait des acquisitions plus importantes pour conserver notre place de sous-traitant de premier rang d’Orange. Deux holdings, pour les levées de fonds, ont été mises en place pour faire ces rachats de sociétés, avec qui nous travaillions déjà et qui était aussi désireuses d’intégrer le périmètre d’un groupe. Pour les salariés de ces entreprises déjà de taille importante, il était impossible de racheter des parts.» Mais pour créer une culture de groupe de ces SAS disséminées dans toute la France, Jean-Luc Candelon a
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instauré une direction de la vie participative. Il souligne aussi que Scopelec poursuit son développement endogène, avec 850 salariés dans la maison-mère, auprès desquels la stratégie d’acquisition est systématiquement validée. « Pour conserver nos atouts économiques, conclut Jean-Luc Candelon, nous avons plusieurs pistes, dont celles d’essaimer nos sous-traitants sous forme coopérative ou de constituer une filière avec d’autres Scop des télécoms. » On peut être moins nombreux qu’UTB, Scopelec ou Up et vouloir faire un groupe ! C’est le cas de l’ensemble Trait d’Union qui rassemble 150 salariés. Depuis janvier 2013, Trait d’Union rassemble 12 agences d’interprétation et de traduction de français-langue des signes française. « Nous étions déjà sensibles à l’univers coopératif, avance Christophe Ricono, co-gérant de Trait d’Union et interprète dans la Scop Ex Aequo à Lyon. Il faut dire que la plupart des agences sont devenues des Scop depuis des années. Elles ont eu la volonté de créer une structure commune, avec le statut de coopérative de loi 1947, pour travailler à leur propre consolidation et à leur développement. »
Développer l’offre commerciale « C’est d’abord un outil commercial, répond en écho Hélène Lafitedupont, co-gérante de Trait d’Union et directrice financière de la Scop Signe à Bordeaux. Nous sommes trois co-gérants mis à disposition par nos coopératives pour développer l’offre commerciale de nos interprètes. Les grands donneurs d’ordre souhaitent des interlocuteurs uniques et Trait d’Union en fait office. L’an dernier, la coop loi 47 a contractualisé avec La Poste ; sans Trait d’Union, nos Scop qui l’avaient pour cliente l’auraient perdue et les autres n’auraient eu aucune chance de remporter le marché… » Avec La Poste, Trait d’Union a développé une interface informatique Trait d’Union Réservation, pour obtenir très rapidement les services d’un interprète. Hélène Lafitedupont et Christophe Ricono rappellent que toutes leurs décisions sont avalisées par l’ensemble des structures, au cours de réunions hebdomadaires et lors des trois assemblées générales annuelles. Peut-être une prochaine AG aura-t-elle à décider de la constitution de Trait d’Union comme un groupe coopératif ? « Nous
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fonctionnons déjà comme un groupe décentralisé, confirme Hélène Lafitedupont. Nous souhaitons avoir une logique d’essaimage, avec une tête de réseau pour la veille, la création d’outils et la recherche de clients. Nous sommes dans la logique du réseau d’autopartage Citiz, avec la volonté de développer une marque. » Avec le groupe Teria, installé entre Douai et Valenciennes, c’est encore un autre modèle de développement collectif qui s’est fait jour l’an dernier. Ses promoteurs ont d’emblée créé trois Scop, deux sur des métiers (Teria Services, sur l’aide à la personne et Teria Eco-habitat, pour le bâtiment) et la troisième sur les fonctions support, Asteria Gestion. « Nous sommes partis de l’idée simple de faciliter les démarches administratives et comptables de nos salariés, indique Justine Ben Chaba, responsable financière du Groupe Teria. Pour ces personnes, une trentaine, qui travaillaient en indépendantes ou dans des associations, il a été facile de se retrouver dans le modèle coopératif, qui a des objectifs économiques et des plus-values sociales. » Chaque Scop a bien sûr son propre gérant et la réalité du groupe Teria se concrétise par des participations croisées entre chaque Scop, détentrice de parts de capital des deux autres. Le groupe Teria devrait encore grandir l’an prochain, avec la transformation en Scop d’In-Teria, une association intermédiaire, créée il y a peu. Avec le soutien des collectivités locales, d’autres Scop, propulsées par Teria, pourraient aussi naître dans le Nord. Il existe enfin d’autres modalités de regroupement hybrides dans lesquelles les Scop peuvent trouver leur place, comme par exemple le Groupe Archer à Romans (Drôme). C’est un groupe économique solidaire, avec un double objectif d’insertion et de développement économique. Dans ce bassin d’emploi en grande difficulté, le groupe Archer associe des associations d’insertion, des petites entreprises et la coopérative d’activités et d’emploi Arcoop. « Notre structure faîtière est une SAS qui mutualise des fonctions pour les douze entités économiques, précise Christophe Chevallier, PDG du groupe Archer. Faire partie d’un groupe permet
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Oh Dites, une Scop du Finistère a gagné grâce à MADEinSCOP le marché de création du journal interne de la RATP
à ces structures de connaître des appels d’offre et d’y répondre ensemble, quand les tickets d’entrée pour certains financements sont trop élevés pour une seule. » La création d’un groupe a aussi permis de développer des services partagés, que n’aurait pu s’offrir chaque petite entreprise, comme une crèche inter-entreprises. « Le groupe économique solidaire est une bonne solution locale, souligne Christophe Chevallier. Il faut l’adapter à chaque territoire ; les Scop non délocalisables y ont toute leur place. »
Mutualiser ses moyens La mutualisation des moyens et des compétences est clairement un argument-massue pour la constitution de groupes. La Fédération des Scop de la communication l’a mise en œuvre sous une forme souple depuis 2010, avec la création de la plate-forme MADEinSCOP, qui rassemble les offres de marchés du secteur et propose les services de 240 Scop, seules ou en intercoopération. « Ce sont des marchés supplémentaires pour ces Scop, qui n’auraient pas été retenues sans la plateforme, affirme
Nathalie Jammes, déléguée générale de la Fédération. Cela leur a apporté un demi-million d’euros de commandes en plus l’an dernier. » Et certaines de prestige comme pour Oh Dites, une petite Scop du Finistère, qui, grâce à MADEinSCOP, a gagné l’an dernier le marché de création du journal interne de la RATP ! On le voit, l’intelligence collective est à l’œuvre au sein des groupements coopératifs. Il ne s’agirait pas que la loi ESS l’éteigne. Pour Laurent Gros, juriste spécialiste en droit coopératif au sein du cabinet lillois Trinity Avocats, « la loi confirme des pratiques déjà existantes dans le monde des Scop, comme des fusions, des joint-ventures, mais surtout des créations de filiales. C’est plus un renforcement de l’existant sur une base coopérative. La possibilité de groupements était néanmoins un manque pour les Scop, alors que d’autres familles, comme les coopératives agricoles, ont de l’avance sur ces thèmes. Cela devrait leur permettre d’améliorer leur croissance externe et aussi d’avoir plus de sociétaires » Eric Larpin
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)Enjeux Scop(
Scop : les femmes font mouvement Malgré de nombreuses initiatives pour favoriser leur ascension dans l’entreprise, les femmes restent en France minoritaires aux fonctions dirigeantes. Avec pourtant des secteurs fortement masculinisés, les Scop ont de longue date ouvert la voie.
L
es chiffres parlent d’euxmêmes : les femmes constituent la moitié de la population active, mais elles ne sont que 18,1 % à diriger des entreprises (source Insee). Elles sont encore plus rares (7 %) à la tête des entreprises de plus de 250 salariés. Mais les choses changent : en 2004, elles n’étaient que 15 % parmi les dirigeants. Leur poids est plus fort, autour de 30 %, dans les métiers de services comme le commerce, le secteur de la santé, de l’action sociale et de l’éducation, dans les services aux entreprises et aux ménages. Elles restent en revanche très minoritaires (entre 10 et 15 %) dans les secteurs du bâtiment ou des transports. Les Scop se distinguent de ce point de vue par un taux plus élevé de femmes dirigeantes, de l’ordre de 25 % malgré pourtant une part plus importante de métiers historiquement masculins comme le BTP ou l’industrie. Leur présence est également plus forte que la moyenne nationale dans les métiers de la santé, l’action sociale et l’éducation (42 %). La dernière enquête menée en novembre 2014 par le Mouvement1 montre qu’elles représentent 32 % des créateurs de nouvelles coopératives ces quatre dernières années.
Compétentes avant tout « Le milieu économique et politique est très masculin », constate Andrea Diaz Gonzalez, dirigeante de Catalane Performance, une Scop de conseil et formation en Languedoc-Roussillon. Mais, pour autant, je ne suis pas pour la parité qui est certes une discrimina-
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tion positive, mais une discrimination quand même. Les femmes doivent être sélectionnées et acceptées pour leurs compétences. » Elle reconnaît néanmoins qu’il faut faire preuve de plus de compétences qu’un homme pour gagner sa place. Ce que confirme Nathalie Jammes, secrétaire générale de la Fédération des Scop de la communication : « Il faut viser l’excellence ; on ne fait confiance qu’aux femmes qui font leurs preuves… alors que certains dirigeants sont pour le moins légers ». Cette différence de compétences attendues est sans doute la marque la plus forte d’une inégalité qui perdure. Les dirigeantes coopératives interrogées ont souvent été confrontées à des situations de crise ou de restructuration économique ou institutionnelle de leur entreprise alors qu’elles en prenaient les rênes. Camille Dorival directrice d’Alternatives Economiques, Brigitte Bari, directrice des Pompes Japy, Catherine Parrotin PDG d’Avenir électrique de Limoges (AEL) témoignent néanmoins du soutien et de la confiance de leurs collaborateurs. « L’enjeu pour moi était d’autant plus important, explique ainsi Catherine Parrotin, que les mandats d’administrateurs arrivaient à échéance. » À l’issue de son premier mandat, elle est réélue à 85 %.
Le poids du secteur « Chaque Scop est victime du profil sociologique propre à son métier, analyse Camille Dorival. Une démocratie fondée sur la cooptation ne favorise pas beaucoup les femmes, les jeunes, les personnes issues de la diversité. On choisit toujours qui nous ressemble. » Ses prédécesseurs ne sont pas tombés dans
ce piège. Elle est néanmoins la première femme désignée à ce poste, les dirigeants précédents étant issus de la rédaction. Or, les journalistes économiques, surtout macro-économiques, sont généralement des hommes... « Les Scop sont des entreprises avant tout, insiste Amélie Rafael membre du Bureau national de la CG Scop. Elles sont donc très marquées par leur environnement professionnel. Or, lorsqu’il est très masculin, il est parfois difficile pour une femme de s’y faire une place. » Catherine Parrotin confirme : les femmes sont rares à la tête des entreprises du secteur BTP, « moins de 10 localement ». Quand Nathalie Jammes arrive à la direction de la Fédération de la communication, le conseil d’administration n’était composé que d’hommes, majoritairement des imprimeurs. « Mais avec l’arrivée des agences de communication, de graphisme, etc., les choses changent ». Le Mouvement Scop n’est pas en reste : Patricia Lexcellent, déléguée générale de la CG Scop depuis octobre 2012, a succédé à plusieurs hommes et une autre femme, Dominique Marcon, a déjà occupé sa fonction à la fin des années 1990.
Un statut qui favorise leur ascension Brigitte Bari, PDG des Pompes Japy en Franche-Comté, a la sensation que les femmes sont toutefois plus nombreuses à la tête de Scop que dans le secteur commercial. Andrea Diaz Gonzalez constate aussi que le milieu de l’économie sociale et solidaire est plus féminisé, ce qu’elle explique par une plus grande ouverture mais aussi par le fait que « les femmes s’y sentent plus à l’aise », qu’elles y trouvent des valeurs
PARTICIPER Mars • Avril • Mai 2015
“Faire monter des femmes est une vraie préoccupation du Mouvement, le discours est sincère mais il est plus difficile de le concrétiser “ Brigitte Bari
Catherine Parrotin
Andréa Diaz Gonzalez
Les Scop se distinguent par un taux plus élevé de femmes dirigeantes, de l’ordre de 25 % malgré pourtant une part plus importante de métiers historiquement masculins comme le BTP ou l’industrie.
qui leur correspondent mieux. Elles sont plusieurs à insister sur le mode de management plus participatif, qui dépasse les échelons hiérarchiques, à l’opposé d’un management directif et « déshumanisé » qu’elles sont plusieurs à avoir fui. Et, surtout, certaines considèrent qu’elles n’auraient pas pu parvenir à ce poste ailleurs que dans une Scop. « Ça ne se serait pas passé comme ça, reconnaît Camille Dorival. On compte peu de journaux où les salariés sont impliqués dans la gouvernance. » « Dans une entreprise classique, je n’aurais jamais occupé ce poste », confirme Brigitte Bari. Et si certaines découvrent le statut Scop à leur arrivée, toutes s’y impliquent, y prennent des responsabilités de plus en plus importantes. « Je me suis investie dans la Fédération sans compter », témoigne Nathalie Jammes.
Appels du pied Pour certaines, c’est aussi l’occasion de s’engager sur des mandats élec-
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Amélie Rafael
Nathalie Jammes
tifs : Andrea Diaz Gonzalez devient administratrice de l’UR Scop Languedoc-Roussillon en 2013, « parce que je préfère m’investir plutôt que de râler ». D’autres témoignent d’appels du pied du Mouvement, « mais je ne souhaitais pas m’investir si je ne dégageais pas suffisamment de temps pour apporter ma pierre à l’édifice. À 50 ans, je me suis dit qu’il était temps », explique Brigitte Bari qui devient trésorière de l’UR Scop Bourgogne Franche-Comté, puis présidente du Comité d’engagement financier régional des Scop, avant d’intégrer Sofiscop, l’un des outils financiers du Mouvement Scop. « Pour s’investir dans les instances, il faut maîtriser son sujet. C’est une condition essentielle », souligne Amélie Rafael, rapidement sollicitée par l’UR Scop Nord Pas-de-Calais Picardie dont elle devient vice-présidente, avant d’intégrer le Bureau national à la demande de Patrick Lenancker, le président de la CG Scop ; elle y est aujourd’hui la seule femme. « Faire monter des femmes est
Camille Dorival
Amélie Rafael
une vraie préoccupation du Mouvement, le discours est sincère mais il est plus difficile de le concrétiser », ajoutet-elle. Elle pointe des modes de désignation qui favorisent les dirigeants de Scop, majoritairement des hommes, le manque d’outils adaptés pour favoriser la parité. Malgré des statistiques plutôt flatteuses au regard des statistiques nationales, le Mouvement Scop est conscient des efforts à accomplir en matière de promotion des femmes et continuera de porter ce thème dans ses débats. Hélène Spoladore
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)Ouvertures(
Étude : l’ancrage territorial des Les coopératives sont souvent associées à une valeur ajoutée en termes d’ancrage territorial et de développement local. Une étude conduite par l’association de chercheurs Acte 1 pour le compte de CoopFR, l’organisation des coopératives françaises, en explore les contours.
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outes les coopératives et leurs mouvements revendiquent leur ancrage territorial comme un marqueur de leur identité. C’est sur la base de ce postulat que CoopFR1, l’organisation représentative des coopératives françaises, a souhaité conduire une étude permettant de confronter l’hypothèse à la réalité, mettre en évidence les contours de cet ancrage territorial, les liens effectifs entre coopératives et territoires et ses différentes formes. Soutenue par la Direction générale de la Cohésion sociale, l’étude a été confiée au collectif de chercheurs et acteurs de l’association Acte 1, présidé par JeanFrançois Draperi, directeur du Centre d’économie sociale travail et société (CESTES) au CNAM, et rédacteur en chef de la Recma, revue de l’économie sociale.
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Menée à l’automne 2013 et l’hiver 2014, l’étude a permis d’établir une cartographie donnant une vision visuelle inédite de l’implantation des différentes coopératives, selon leur nature, leur taille, leur métier. Outre la cartographie réalisée par des étudiants de l’Université de Caen Basse-Normandie, l’étude s’est appuyée sur la réalisation d’entretiens qualitatifs auprès de dirigeants d’une cinquantaine de coopératives dans dix régions françaises, dont plusieurs Sociétés coopératives et participatives. Les résultats de l’enquête présentés à l’assemblée générale de CoopFR en 2014 mettent en évidence différents facteurs d’ancrage territorial parmi lesquels les enjeux liés
à la distanciation entre la direction et ses membres dans les grands groupes coopératifs.
Global et local Lorsqu’on est une coopérative de taille nationale, voire internationale, avec plusieurs milliers de salariés, et bon nombre de filiales implantées là où le marché l’exige, peut-on encore revendiquer un ancrage territorial ? Lorsqu’on est un grand groupe coopératif, peut-on parler d’ancrage territorial alors que le coopérateur adhérent est loin de la direction de sa coopérative ? Certes, une multinationale coopérative suit la logique des marchés au-delà de son ter-
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coopératives
Lorsqu’on est un grand groupe coopératif, peuton parler d’ancrage territorial alors que le coopérateur adhérent est loin de la direction de sa coopérative ?
acteur du développement local, coopération identitaire qui s’inscrit dans une stratégie de tradition autonomiste (Pays basque, Bretagne…), coopération multifonctionnelle sur des territoires relativement isolés et éloignés des pôles du pouvoir où l’artisanat, le petit commerce, la production agricole ont une place centrale. Pour Jean-François Draperi, ces cinq territoires coopératifs définissent les contours d’une future « méso-république inter coopérative ». « Méso », parce qu’elle est à l’échelle des territoires ; intercoopérative parce qu’elle s’appuie sur les pouvoirs des producteurs et des consommateurs (Scic, Amap, CAE, commerce équitable, circuits courts, achats de proximité, etc.). Pierre Liret ritoire. Mais c’est précisément en suivant ses marchés qu’elle peut assurer sa pérennité et continuer à produire le service à ses membres sur son territoire d’origine. Dans le cas des Scop, Acome a pérennisé son activité de câblage et fibres optiques depuis 85 ans et maintient ses 1 200 emplois dans la petite commune de Mortain dans la Manche parce qu’elle a accepté de suivre ses clients automobile en établissant des partenariats jusqu’en Chine et au Brésil. En dépit de leur internationalisation, même les coopératives agricoles et agroalimentaires continuent de jouer un rôle essentiel en faveur du maintien d’activités sur les territoires.
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Selon l’économiste René Mauget, les coopératives agricoles seront demain plus encore qu’hier déterminantes face aux risques de délocalisation qu’accroît la poursuite de la mondialisation des marchés. L’enquête permet d’identifier cinq principales formes de relations entre les coopératives et les territoires : coopération ancrée dans la tradition, attachée à un mode de vie qui valorise les savoir-faire traditionnels, coopération de service ou « intégrée » dans le capitalisme, plutôt dans les régions industrielles et/ou d’agriculture intensive, coopération d’intérêt général à l’image du Crédit Mutuel en Alsace,
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CoopFR rassemble et représente les différentes familles coopératives françaises : Sociétés coopératives et participatives, coopératives agricoles, bancaires, coopératives de commerçants, d’artisans, maritimes, consommateurs, transport, etc.
En savoir plus : La revue Recma consacrera un article dans son numéro 335 sur l’ancrage territorial des coopératives, à partir notamment des conclusions de l’enquête réalisée par Acte 1. www.recma.org
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)Rencontres(
Roger Belot : « Pour que l’ESS Président d’honneur de la Maif, la Mutuelle d’assurance des instituteurs et du monde de l’enseignement, Roger Belot a été élu président de la Chambre française de l’économie sociale et solidaire, instaurée dans l’article 5 de la loi de juillet 2014 sur l’ESS. Il dévoile pour Participer quelles seront les missions de la Chambre, son positionnement spécifique, les enjeux à relever pour l’ESS et ses priorités.
P
ourquoi la Chambre française de l’ESS a-t-elle été créée ? L’idée a été portée politiquement par le député Yves Blein dans le cadre des travaux qui ont abouti à la loi sur l’ESS du 31 juillet 2014. La Chambre française a vocation à fédérer toutes les composantes de l’ESS, à leur permettre d’échanger, se coordonner et se concerter pour parler d’une seule voix auprès des pouvoirs publics. Ma mission est de faire en sorte que toutes les familles de l’ESS se sentent écoutées, présentes et parties prenantes de cette Chambre.
chambres régionales de l’économie sociale et solidaire. Il est l’émanation du terrain et fait partie des membres fondateurs de la Chambre française. Concernant l’Udes, l’enjeu est celui de la représentation des employeurs et de la négociation sociale. Plusieurs familles, notamment dans la coopération, souhaitent conserver la négociation sociale dans leur branche professionnelle. Or, l’objet même de la Chambre française est de fédérer l’ensemble des familles. Donc, l’Udes a un rôle essentiel de négociation sociale pour les branches de l’ESS qui le souhaitent. Elle a d’ailleurs été reconnue dans sa mission par la loi en mars 2014. Pour assurer une cohérence des prises de positions, l’Udes va devenir membre associé de la Chambre française. Elle ne participera pas au vote, mais saura ce qui s’y passe et pourra affirmer ses positions en connaissance de cause. Enfin, le CSESS est une institution émanant du gouvernement et présidée par lui. Ce sera l’un des lieux de rencontre entre la Chambre française et les pouvoirs publics.
Quel sera le rôle spécifique de la Chambre française aux côtés des autres institutions de l’ESS ? La Chambre française est complémentaire du rôle du CN Cres, de l’Udes et du CSESS1. Le CN Cres anime le réseau des Cress,
Au-delà du partage des valeurs, quels sont les enjeux communs à toutes les familles de l’ESS ? Il y a un risque global de banalisation. Les gouvernants aiment bien avoir un interlocuteur unique. Dans l’assurance,
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la Maif, la Macif ou la Matmut sont différentes d’Allianz, Generali ou Axa. Ce ne sont pas les mêmes organismes qui les représentent. D’un côté, le pouvoir est aux sociétaires et de l’autre aux actionnaires. On aurait pu comprendre qu’il faille aligner les mutuelles ou les coopératives sur les autres entreprises si elles avaient montré de moindres performances en termes de service client ou de santé économique. Mais c’est le contraire qui s’est produit : les banques coopératives et les mutuelles se sont mieux développées que leurs concurrentes capitalistes et ont mieux résisté à la crise financière entre 2008 et 2010. En toute logique, c’est notre modèle qu’il faudrait encourager.
Quelles sont les actions opérationnelles à mener au niveau de l’ESS ? La démocratie et la gouvernance de nos entreprises sont un point clé. Exemple : certains pensent que pour améliorer la gouvernance des entreprises, il faut des administrateurs « indépendants » et considèrent que les sociétaires de mutuelles ou de coopératives ne sont pas suffisamment qualifiés. Il faut se battre contre cette idée et faire valoir en ce domaine la spécificité de la gouver-
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parle d’une seule voix » nance des organisations de l’ESS. Autre point : le financement. Il faut veiller à ce que les décrets d’application concrétisent l’intention de la loi sur l’ESS de dédier des financements à l’ESS. Autre priorité : l’Europe. L’ESS n’est pas suffisamment reconnue au niveau européen. Nous agirons par l’intermédiaire de Social economy Europe au sein de laquelle siège le délégué général.
Quelle sera la gouvernance de la Chambre française et son financement ? Aujourd’hui, le conseil d’administration comprend 18 personnes représentant les sept membres fondateurs. Nous allons l’élargir à 24 avec des acteurs positionnés sur différentes thématiques : l’éducation avec l’Esper2, la finance solidaire, le commerce équitable ou encore l’insertion par l’activité économique. On a aussi prévu un club des partenaires. La Chambre française a en effet beaucoup d’idées et de projets, mais peu de moyens. L’équipe salariée se compose de deux personnes, j’espère bientôt trois en fonction du budget dont nous disposerons. Quelles sont les priorités 2015 de la Chambre française ? La première est la mise en œuvre de la loi sur l’ESS et la publication de ses décrets d’application, la constitution et la composition du nouveau Conseil supérieur de l’ESS, mais aussi la réalisation d’un guide de bonnes pratiques. Nous veillerons également à la bonne mise en œuvre des financements annoncés. Il faut aussi faire en sorte que les acteurs se connaissent car chacun au quotidien dans son métier ignore souvent les préoccupations des autres. Il y a enfin un enjeu de vitrine et de reconnaissance de l’ESS, notamment dans l’enseignement.
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Vous avez déclaré « on entend souvent le Medef, pas assez les acteurs de l’ESS. La Chambre française devrait davantage prendre la parole ». Quels sont les sujets importants sur lesquels l’ESS peut et/ou doit se positionner ? L’ESS peut et doit prendre davantage la parole sur des sujets sociétaux qui relèvent du champ d’intervention de ses membres. Le CICE3 en est un exemple. Au regard de ce qu’elle représente en France, elle devrait avoir plus de poids dans le débat public. Quelle place pour les Scop et les Scic dans la Chambre française ? Les coopératives sont représentées dans la Chambre française par Coop FR qui a trois sièges sur dix-huit au conseil d’administration dont l’un est occupé par le président de la CG Scop. Je suis sûr qu’il ne manquera pas d’apporter une précieuse contribution à nos réflexions et nos échanges. C’est d’ailleurs la CG Scop qui accueille dans ses locaux le siège de la Chambre française.
Biographie Âgé de 68 ans, Roger Belot commence une carrière d’instituteur à Niort. À 27 ans, en 1973, il devient militant de la Maif, la Mutuelle d’assurance des instituteurs de France. Très engagé, Roger Belot grimpe progressivement les échelons. Élu au conseil d’administration en 1984, il quitte son poste à l’éducation nationale quatre ans plus tard pour s’engager à temps plein à la Maif. En 1996, il devient PDG de la mutuelle d’assurance, jusqu’à son départ à la retraite en mai dernier. Sous sa présidence, la Maif a doublé le nombre de ses sociétaires. Elle compte aujourd’hui près de 7 000 salariés et trois millions de familles assurées.
Propos recueillis par Pierre Liret
onseil national des Cres, Union des employeurs C de l’ESS, Conseil supérieur de l’ESS L’ESPER, Économie sociale partenaire de l’école de la république, rassemble 40 organisations de l’économie sociale (associations, mutuelles, coopératives, syndicats) agissant dans le champ de l’École et de la communauté éducative. L’ESPER a vocation à exprimer des prises de position communes sur leurs conceptions de l’école publique laïque et de la société. (3) Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) est un avantage fiscal qui concerne les entreprises employant des salariés et équivaut à une baisse de leurs charges sociales, en vue de financer les efforts de l’entreprise en matière d’investissement, recherche, d’innovation, formation, recrutement, prospection de nouveaux marchés, transition écologique ou énergétique et reconstitution de leur fonds de roulement. (1)
(2)
Contact Chambre française de l’ESS : Djamila Hichour - 01 53 31 39 80 d.hichour@ess-france.org
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)Scop en action(
L’Orchestre de chambre de Toulouse : 10 ans d’innovation en Scop ! Composé de douze musiciens, l’Orchestre de chambre de Toulouse, né en 1953, fait partie avec l’Orchestre Colonne de Paris des deux ensembles musicaux français organisés en Scop. Mais il cultive d’autres singularités : plus petit orchestre permanent parmi la trentaine existant en France, il fonctionne aussi avec un modèle économique original.
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a formation musicale a pourtant bien failli disparaître en 2004. C’est sans compter sur la volonté de ses membres de poursuivre en coopérative. « Après un dépôt de bilan, nous nous sommes transformés en Scop, convaincus de la viabilité de notre projet musical », explique son gérant Renaud Gruss. L’orchestre recommence alors à se produire en France et à l’international grâce au soutien des collectivités locales : la Ville de Toulouse, la Région Midi-Pyrénées et le Conseil général de la Haute-Garonne.
Faire évoluer notre modèle économique A cette époque, Renaud Gruss et ses onze salariés associés savent qu’ils doivent faire évoluer leur modèle économique, trop dépendant des subventions, et décident alors d’augmenter leurs recettes propres, en adoptant, dans une logique de « flux tendus », un processus de production innovant dans le secteur. Si dans leur modèle précédent chaque concert nécessitait trois à quatre jours de répétitions, leur nouveau modèle implique la création de dix programmes par an qu’ils apprennent et perfectionnent progressivement. Ainsi, le coût de production d’un concert n’est plus que d’une répétition. Cette option leur permet de se produire plusieurs fois par semaine. « Avant de devenir une coopérative, l’orchestre assurait environ 60 concerts par an et comptait 450 abonnés. Au-
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L’Orchestre de chambre de Toulouse organise 170 concerts par an en France et à l’étranger
jourd’hui, nous assurons 170 représentations et avons fidélisé plus de 1 200 abonnés supplémentaires, sans compter les 60 000 spectateurs chaque année. » Autre singularité qui leur permet aussi d’augmenter leurs gains propres : la vente de CD. Avec 50 % de subventions et 50 % de recettes nettes, l’orchestre assure chaque année un chiffre d’affaires d’un million d’euros.
Innover continuellement En 2010, l’Orchestre de chambre de Toulouse se consacre à un projet de recherche & développement : Coruss, une fibre synthétique qui présente les
mêmes qualités acoustiques que le crin de cheval des archets. Cette création, déposée à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), est exportée jusqu’aux EtatsUnis et au Japon. Elle leur a valu en 2012 le prix « Coup de cœur » du concours Innovation de la région MidiPyrénées et également le prix du Crédit Coopératif. « Le statut Scop rend possible cette innovation continue. L’investissement des salariés est notre force », résume Renaud Gruss. www.orchestredechambredetoulouse.fr
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