Ambroise Vollard ou Leo Castelli ou Denise René ; certaines figures de galeristes sont devenues si légendaires qu'elles demeurent figées pour l'éternité, comme des silhouettes ou des archétypes. Dans le cas de Christian Berst, premier marchand d'art brut contemporain à Paris, cette inclination prend une ampleur particulière car elle agit dans un champ où le biographique occupe une place particulièrement problématique. Par nature, le créateur brut se définit tellement par les accidents de son existence que des profanes l'y résumeraient volontiers. Pour tel, la catastrophe est survenue dès les ténèbres de sa conception. Pour tel autre, c'est l'enfance qui aura été le théâtre d'une effroyable erreur d'aiguillage. Pour d'autres encore, l'entrée dans l'âge adulte, voire l'âge mûr, aura été marquée par un décrochage équivoque. Certains enfin, apparemment bien intégrés le jour, laissent la nuit les monstres de l'irraison les envahir. Dans le meilleur des cas, on ignore tout de la vie de l'auteur, et on se contente de fouiller dans son œuvre pour en extraire d'hypothétiques indices. Quant à Christian Berst, dont je n'ai jamais recueilli le récit biographique, c'est donc d'indices que j'ai cherché à extraire les motifs d'une passion, sa singularité, sa nécessité dans le paysage contemporain.
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