46e année volume 1 – Avril 2018 – Nissan 5778
ISSN 074-5352
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VIE COMMUNAUTAIRE MONDE Être juif et JUIF quÉbÉcois
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L’École Maïmonide, l’école de demain Nous reconnaissons que la sélection d’une école est une décision importante pour vous et pour vos enfants. À l’École Maïmonide, nous proposons un programme académique riche et stimulant. En plus des études juives, nos enfants y reçoivent un enseignement en français et y découvrent les trésors de la culture française et de la langue anglaise. Ils deviennent, de ce fait, des adultes parfaitement bilingues en mesure de poursuivre leurs études collégiales et universitaires dans des établissements francophones ou anglophones au Québec, au Canada ou ailleurs. À l’École Maïmonide, nous formons les leaders communautaires de demain. Notre programme éducatif conjugue les compétences fondamentales et les valeurs nécessaires à l’apprentissage de la vie et à la réussite scolaire tout en renforçant un fort sentiment d’appartenance communautaire. Ce faisant, l’École Maïmonide redonne également un nouveau souffle à la culture et aux traditions sépharades, en régénérant la capacité de nos enfants à vivre pleinement leur vie juive.
l’expression artistique est appréciée. Elle fait partie du programme scolaire à partir duquel les élèves peuvent nourrir leur passion artistique et développer leurs capacités. À l’École Maïmonide, la philanthropie et le bénévolat sont très importants. Les parents, les anciens élèves ainsi que les élèves actuels, le personnel et les membres de la communauté contribuent tous et chacun à notre école, rendant par le fait même, notre communauté plus forte et plus soudée. Nous honorons et nous vous sommes reconnaissants pour les nombreuses façons dont vous nous aidez.
Notre école secondaire s’appuie sur l’expérience de notre école primaire, en fournissant une base éducative solide ainsi que la possibilité d’un avancement individuel. Nous exposons les étudiants à un programme centré sur l’étude des mathématiques, des sciences, de la littérature, des langues, de l’histoire et des études juives, leur permettant ainsi d’appréhender leurs études postsecondaires avec confiance et assurance.
Vous avez compris que notre mission est de préparer nos enfants à faire face aux défis qui les attendent, à leur offrir un enseignement d’excellence dans un environnement de qualité et une assise identitaire fondée sur des bases solides. Nos enseignants et notre personnel guident nos élèves dans leur transition de l’enfance à l’adolescence, en les préparant à relever les défis de la vie avec confiance et enthousiasme. Nous nous efforçons toujours de faire en sorte d’assurer la réussite scolaire de chaque élève afin que chacun s’épanouisse tout en développant des amitiés durables. Avec notre projet que nous appelons l’« École de demain » ainsi qu’avec le lancement de notre campagne capital, nous assurerons, avec le support de nos généreux donateurs, la pérennité de notre École Maïmonide, en tant qu’école d’excellence pour notre communauté.
En dehors de l’éducation académique traditionnelle, à l’École Maïmonide,
Me Esther Krauze, Présidente
ÉCOLE MAÏMONIDE
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De façon conviviale, nous faisons un tour de table afin de donner un aperçu des derniers livres lus. Ces rencontres permettent des échanges d’idées de lecture et des discussions intéressantes. Offert à tous les passionnés de lecture. Les lundis, 30 avril, 28 mai, 18 juin 13 h à 15 h • 4 $ par séance Henriette Azuelos
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Pour information contactez le Département des services sociaux au 514.342.1234 Les programmes sont financés en partie par la Fondation de la famille Sam & Sadie Roth/Famille Latsky et la Fondation de la famille Bina et Leonard Ellen.
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ÉDITORIAL
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L’étude de la kabbale aujourd’hui
La Kabbale en quelques lettres et chiffres Par Marc Zilbert avec la contribution de David Bensoussan Deux enseignantes en Kabbale en Israël : Haviva Pedaya et Nadine Shenker Par Sylvie Halpern L’esprit de la Kabbale, entretien avec Julien Darmon Par Elias Levy L’étude de la Kabbale à Montréal Enquéte par Annie Ousset-Krief et Sonia Sarah Lipsyc Rabbi Moishe New et l’enseignement de la Kabbale au Montréal Torah Center Par Annie Ousset-Krief Audi Gozlan : une alliance surprenante entre Kabbale et Yoga Par Annie Ousset-Krief Haim Scherrf, le peintre des sphères de la création (Sephirot) Par Annie Ousset-Krief Le rabbin Wolf Greenglass, un kabbaliste à Montréal Par Guillermo Glujowski Un enseignant de Kabbale en français à Montréal Entretien par Sonia Sarah Lipsyc Comment s’initier à la Kabbale ? Par Sonia Sarah Lipsyc Des lettres et de la Kabbale... Entretien de Rivka Cremisi par Sonia Sarah Lipsyc Traducteur et scrutateur de la Kabbale Entretien de Georges Lahy par Sonia Sarah Lipsyc La place du Zohar dans la communauté juive marocaine de Montréal Par Marc Zilbert avec la contribution de Sonia Sarah Lipsyc Depuis l’au-delà, un roman fascinant et atypique Par Elias Levy
Monde juif Entretien avec Peter Beinart : le porte-voix des jeunes Juifs américains.
Par Bernard Bohbot
VIE JUIVE CANADIENNE Entretien avec Jean-François Lisée chef du Parti Québécois et de l’opposition officielle à l’Assemblée nationale du Québec
ÊTRE JUIF ET QUÉBÉCOIS Mile End Chavurah : une autre yiddishkeit
Par Carine Elkouby
ITINÉRAIRES DE JEUNES SÉPHARADES D'ICI ET D'AILLEURS De la France au Québec, une immigration réussie
Par Noam Krief
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Vers une mémoire active du futur sépharade nord-africain
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De Montréal à l’Institut Technion de Haifa : une année d’expérience estudiantine en Israël
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Chronique de Miléna Kartowski-Aiach
Sous la blouse blanche, deux médecins remarquables : Dr Elie Haddad et Dr Michael Bensoussan
Journées de reflexion sur l’avenir du monde sépharade à Jérusalem
Daniel Benlolo, un hazzan, un chantre, engagé
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Entrevue avec David Bensoussan par Sonia Sarah Lipsyc
CULTURE JUIVE et ISRAÉLIENNE Samuel Bonnet et l’ensemble Tessala : un voyage musical captivant
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Par Sylvie Halpern
CULTURE SÉPHARADE
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Par Benjamin Wolff
coup de projecteur sur nous autres
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Par Elias Levy
Par Annie Ousset-Krief
Par Annie Ousset-Krief
rs plus Et toujou recettes euses de délici page 71 !
JUDAÏSME La Haggadah de Pessah de Mogador
Entretien de Moche Cohen par Sonia Sarah Lipsyc
Vie communautaire Découvrir les professionnels, bénévoles et constituantes de la CSUQ Par Martine Schiefer Projets Communauté Sépharade Unifiée du Québec (CSUQ) Maurice Perez : la joie de danser sur des musiques israéliennes et du monde Par Annie Ousset-Krief Elles et ils ont publié Par Sonia Sarah Lipsyc avec la contribution de Eric Yaakov Debroise
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MOT DU PRÉSIDENT MOT DU PRÉSIDENT Ce n’est pas mon dernier mot au sein de la communauté, mais mon dernier « mot du président » puisque mon mandat se termine en juin 2018. Voici quelques développements qui ont eu lieu depuis le dernier LVS, du mois de décembre. Le lancement du Réseau mondial du judaïsme d’Afrique du Nord a eu lieu en novembre 2017 à Jérusalem, sous le parrainage de Daniel Amar de Genève. La CSUQ a été l’instigatrice et l’organisatrice de cet évènement qui a rassemblé une quarantaine d’intellectuels, leaders communautaires sépharades venus de France, d’Israël, du Maroc, des États-Unis, du Canada. Chacun des participants devait présenter au préalable son point de vue sur l’état du patrimoine identitaire sépharade sous ses différents aspects (histoire, éducation, culture, communautés, spiritualité, transmission) et proposer quelques éléments de solutions. Durant les deux jours intensifs passés ensemble, les échanges ont été fructueux. Nous avons pu constater toute la richesse de notre patrimoine identitaire qui est inconnue de la grande majorité de nos Sépharades et presque totalement inconnue de nos frères juifs ashkénazes. La question se pose : si toute cette richesse n’est pas connue et divulguée, qu’en restera-t-il dans une génération ? L’on peut aussi rêver et envisager que si la richesse de notre patrimoine faisait partie du cursus des écoles juives, ashkénazes et sépharades, nous pourrions forger une communauté plus riche de son héritage juif. Ce n’est certainement pas la première tentative de rassembler les forces vives sépharades éparpillées partout au monde pour sauvegarder et promouvoir notre patrimoine identitaire. Mais cette fois, le temps est un facteur important, car les porteurs du flambeau sont moins nombreux. Ce sont ces derniers qui ont mis la reconnaissance de notre héritage à l'ordre du jour de toutes les communautés de tous les pays. Et le plus récent est la commission Bitton, qui a remis ses conclusions au ministre de l'Éducation d'Israël, il y a moins de 3 ans. Finalement l'on reconnaît que les Sépharades ont un riche patrimoine qui mérite de faire partie du cursus des écoles d'Israël! Nous sommes rendus à la quatrième génération après l'exode de nos pays d'origine, c'est là où tout peut se jouer, et je garde l’espoir que les jeunes générations porteront très haut le flambeau. Il est donc impératif de nous organiser au niveau local et mondial pour cette cause. L’objectif d’un réseau mondial serait de préserver, promouvoir et diffuser notre patrimoine identitaire, notre histoire et notre héritage. L’idée consiste à mettre en place une plateforme afin de connecter des communautés, des institutions, des organismes et des individus partout au monde. Cette plateforme commune servira d’échange, de collaboration, d’identification de problématiques et de solutions. Elle permettra de relier les leaders d’institutions et des personnes-ressources partout au monde. Merci à David Bensoussan d’avoir joué un rôle clef dans l’organisation des travaux et des échanges de ces deux journées de réflexions. Le Festival Séfarad de Montréal (FSM) et le Festival du Cinéma Israélien de Montréal (FCIM) continuent de marquer le panorama culturel de Montréal et affirment notre présence en tant que communauté active au sein de la cité québécoise. Ainsi, le Festival Séfarad 2017 a connu un grand succès avec une participation de plus en plus grande et une programmation plus variée touchant la jeune génération. Plus de 4 000 participants, plus de commanditaires, et presque un déficit zéro. Bravo à Dave Dadoun, Président du comité du FSM et à toute son équipe. Le FCIM 2017 a connu également un énorme succès avec plus de 3 000 participants, et la programmation 2018 est très prometteuse. Toutes nos félicitations à Chantal et Gérard Buzaglo et à leur équipe.
Les professionnels du Département Jeunesse, Benjamin Bitton, Eric Choukroun, Sabine Malka, Sarah Mimran et les bénévoles ont donné une vigueur toute particulière aux programmes jeunesse. Le camp d’hiver, Kif Kef, celui qui se tient durant la relâche scolaire, le camp Benyamin, l’école de ski sont tous en marche et la plupart affichent complet. Nous misons sur la qualité de la programmation ainsi que sur les moniteurs qui ont suivi une formation d’animateurs. Le programme pour jeunes adultes Yahad, voyage en Israël, été 2017, a connu un succès retentissant. L’on prévoyait attirer une trentaine de participants, nous avons été forcés de refuser des inscriptions après en avoir accepté une cinquantaine. Yahad est devenu un programme annuel et tout est en place pour une autre superbe expérience pour nos jeunes en 2018. La formation des cadres 2017-2019 est bien partie avec plus de 35 participants dont le groupe d’âge est de 26-35 ans. Bravo Sarah ! Votre magazine LVS est de plus en plus apprécié par nos lecteurs grâce à la qualité des articles et des thèmes choisis. Le site du LVS, mis en ligne sur http://lvsmagazine.com/ est de surcroît bien fréquenté. Bravo à notre rédactrice en chef, Sonia Sarah Lipsyc ainsi qu’à notre graphiste Élodie Borel et notre webmaster Wei Song. À la demande des membres de notre communauté, le programme de Nouvel âge est relancé sous le leadership bénévole de Gilberte Cohen Scali. C’est un programme complémentaire à celui existant au Cummings, avec une programmation qui convient mieux à un certain groupe de notre communauté. En fin de mandat, l’essentiel de mes réflexions se résume ainsi : • Il est essentiel de garder notre entité communautaire, d’avoir notre propre programme qui défend les intérêts fondamentaux de notre communauté et qui assure la pérennité de notre communauté. • Il est impératif de garder le focus sur la vraie raison d’être de notre communauté qui est de préserver, de valoriser et de diffuser notre patrimoine identitaire. Nos écoles, nos synagogues, nos programmes éducatifs et culturels sont les meilleurs moyens de perpétuer notre riche héritage identitaire. • Nous sommes une communauté de plus de 25 000 personnes, soit plus de 25 % de la communauté juive. Nous avons un devoir envers nos institutions, en particulier nos écoles qui ont besoin d’un grand soutien. Que deviendront les 40 % de nos enfants qui ne fréquentent aucune école juive ? Que devons-nous faire pour eux ? Pour leurs parents ? • Faire participer davantage les jeunes générations afin d’assurer la relève, au niveau des instances communautaires, des programmes jeunesse, du soutien aux personnes vulnérables, des programmes culturels, etc. Partager avec eux l’expérience de l’enrichissement par le bénévolat. Après un épisode où ses programmes furent démantelés suite à une tentative de fusion, je peux dire que la CSUQ a repris son envol. Celui-ci se poursuivra et prendra de l’ampleur tant que toutes nos actions demeurent orientées vers la préservation de notre patrimoine identitaire, le renforcement de nos institutions (écoles et synagogues), nos programmes pour les jeunes, notre solidarité envers les plus démunis de la communauté… im en ani li mi li ? « Si je ne me prends pas en charge, qui s’occupera de moi ? »1 Il est temps pour une communauté vibrante de plus de 25 000 personnes de nous prendre en main au sein de notre belle communauté juive. Oui, nous devons contribuer à l’Appel Juif, cependant, il est temps que la communauté sépharade organise sa propre collecte de fonds pour assurer son développement, son épanouissement, son avenir. Finalement, j’aimerais exprimer toute ma gratitude aux bénévoles, membres du CA, comités de travail, à toutes celles et tous ceux qui répondent présents, à tous nos professionnels dont le dévouement est exemplaire : Daniel Amar, Raphaël Assor, Benjamin Bitton, Toby Benlolo, Élodie Borel, Agnès Castiel, Eric Choukroun, Danielle Kessous, Sonia Sarah Lipsyc, Sabine Malka, Sarah Mimran, Michaela Pascal, Wei Song, et Marc Zilbert. Hag Pessah casher ve sameah. Bonne fête de Pessah !
Henri Elbaz
1 Maximes des Pères, 1 ; 14 MAGAZINE LVS
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LVS PRÉSIDENT CSUQ Henri Elbaz
PRÉSIDENT LVS
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Joseph Amzallag
DIRECTEUR GÉNÉRAL Daniel Amar
DIRECTEUR GÉNÉRAL ASSOCIÉ Benjamin Bitton
RÉDACTRICE EN CHEF Sonia Sarah Lipsyc
COLLABORATEURS David Bensoussan Bernard Bohbot Maurice Chalom Eric Yaakov Debroise Brigitte Djian Carine Elkouby Sylvie Halpern Elias Levy Annie Ousset-Krief Martine Schiefer Marc Zilbert
RÉVISION DES TEXTES Martine Schiefer
lvsmagazine.com Wei Song
PUBLICITÉ ET VENTE Sabine Malka
ABONNEMENT Agnès Castiel
DESIGN ET GRAPHISME Élodie Borel
Prix de vente par numéro : 2 $ IMPRIMEUR/ PRINTER Accent impression Inc. 9300, boul. Henri Bourassa O. Bureau 100 Saint-Laurent H4S 1L5
DOSSIER SPÉCIAL Monde juif VIE JUIVE CANADIENNE ITINÉRAIRES DE JEUNES SÉPHARADES D'ICI ET D'AILLEURS CULTURE JUIVE ET ISRAÉLIENNE DÉCOUVERTE DES FIGURES DU MONDE SÉPHARADE JUDAÏSME Vie communautaire Coup de projecteur sur nous autres culture sÉpharade RECETTES DE CUISINE POUR TOUS LES JOURS ET JOURS DE FÊTES ELLES ET ILS ONT PUBLIÉ
EXPÉDITION POSTALE TP Express Les textes publiés n’engagent que leurs auteurs. La rédaction n’est pas responsable du contenu des annonces publicitaires. Toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, en tout ou en partie, du présent magazine, sans l’autorisation écrite de l’éditeur, est strictement interdite. Reproduction in whole or in part, by any means, is strictly prohibited unless authorized in writing by the editor. Convention postale 40011565 Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée à : 5151, Côte-Sainte-Catherine, bureau 216 Montréal, Québec, Canada H3W 1M6 Le présent numéro est tiré à 6 000 exemplaires et acheminé par voie postale au Québec, en Ontario et aux États-Unis. Des exemplaires sont également déposés dans différents endroits stratégiques à Montréal.
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ÉDITORIAL
Notre dossier est consacré à la Kabbale, ou plutôt à son étude dans le monde juif en mettant l’accent sur notre cité montréalaise. Comme vous le savez, la Kabbale est le versant mystique, voire « secret » de la tradition juive. Sylvie Halpern nous propose un portrait de deux femmes israéliennes qui enseignent la Kabbale dans des cercles académiques ou privés, Haviva Pedaya et Nadine Shenker qui est francophone. Elles incarnent ainsi l’ouverture actuelle de la Kabbale à tout public en recherche et quête spirituelles réelles. Elias Levy nous propose un entretien avec Julien Darmon, jeune chercheur qui nous présente la kabbale et certains de ses arcanes. Notre collaborateur s’est également entretenu avec l’écrivain populaire Bernard Werber en l’interrogeant notamment sur l’influence des sources mystiques juives sur son dernier roman. Le cœur de ce dossier est une enquête inédite que nous avons menée avec Annie Ousset-Krief et Marc Zilbert sur l’étude de la Kabbale à Montréal dans différents milieux. Il y a ainsi des portraits et des entretiens avec Audi Gozlan, les rabbins Moche New, Haim Sherff, Daniel Cohen et un article de Guillermo Glujowski sur le rabbin et kabbaliste Wolf Green Glass. Notre enquête ainsi que l'article de Marc Zilbert sur « La place du Zohar dans la communauté juive marocaine de Montréal », soulignent l’importance de la Kabbale dans le monde sépharade. Ce dossier qui, j’espère, ne manquera pas d’intéresser notre lectorat d'ici et d'ailleurs, s’ouvre avec un lexique de termes, d’auteurs et de dates, « la Kabbale en quelques lettres et chiffres », afin de vous orienter dans la découverte de cet univers. Il est également complété par l’un de mes articles, « Comment s’initier à la Kabbale ? » en suivant des cours à Montréal, ou en usant de livres et d’autres ressources sur Internet. Depuis que j’ai accepté ce mandat de rédactrice en chef, il y a plus d’un an et demi, j’ai eu à cœur d’intégrer des plumes nouvelles et notamment de jeunes collaboratrices et collaborateurs réguliers comme Carine Elkouby qui signe un article sur ce groupe actif de jeunes Juifs, la Chavurah dans le Mile-End; Miléna Kartowsky Aiach qui nous présente déjà sa 4e chronique, « Vers une mémoire active du futur sépharade nord-africain »; Bernard Bohbot, porté sur l’analyse politique, qui s’est entretenu avec Peter Beinard, une figure emblématique de la gauche juive américaine; Eric Yaakov Debroise qui s’attelle à nous faire connaître l’histoire et la présence de la vie juive dans tout le Québec en nous présentant cette fois-ci une contribution à la rubrique « Elles et Ils ont publié ».
À l’approche des élections, Elias Levy interviewe les chefs des principaux partis du Québec. Pour ce numéro, c’est le tour de Jean-François Lisée, chef du Parti Québecois et de l’opposition officielle à l’Assemblée nationale du Québec. La vie juive et sépharade de Montréal est particulièrement mise à l’honneur avec plusieurs articles de Sylvie Halpern et Annie Ousset Krief. Les coups de projecteurs sur deux médecins remarquables, Dr Elie Haddad et Dr Michaël Bensoussan, des portraits du chantre Daniel Benlolo, du musicien Samuel Bonnet, du chorégraphe Maurice Perez et de deux professionnels de la CSUQ, Toby Benlolo aux ressources humaines et notre graphiste Élodie Borel. Et bien évidemment tout le reste de la Vie communautaire qui se déploie à la fin de notre numéro. David Bensoussan nous rend compte d’une initiative de la CSUQ et du philanthrope Daniel Amar du Centre Mondial du Judaïsme d’Afrique du Nord David Amar qui ont organisé en novembre dernier à Jérusalem deux journées de réflexion sur la pérennité des communautés et de la culture sépharades dans le monde. À l’approche de la fête juive de Pessah, nous nous sommes entretenus avec le chercheur franco-israélien Moché Cohen qui a publié « La Haggadah de Pessah de Mogador ». Je ne saurai que trop insister sur votre soutien. Nous vous rappelons qu’il est possible de faire un don minimal suggéré de 36 $ pour le LVS dont 3 $ sont alloués à l’abonnement. Vous pouvez contribuer en ligne par PayPal sur lvsmagazine.com ou en écrivant à Agnès Castiel : acastiel@csuq.org Permettez-moi enfin de vous souhaiter une bonne fête de Pessah où que vous soyez, car je sais par les courriels des lecteurs qui nous font l’amitié de nous écrire que vous vous trouvez un peu partout dans le monde… En Israël, en France, en Belgique, au Maroc, aux É.-U. et même en Nouvelle-Zélande, et bien sûr, ici au Québec. Merci de votre confiance au nom de toute notre équipe.
Sonia Sarah Lipsyc
MAGAZINE LVS
AVRIL 2018
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DOSSIER SPÉCIAL
L'ÉTUDE DE LA KABBALE AUJOURD'HUI
La Kabbale en quelques lettres et chiffres
Marc Zilbert
Par Marc Zilbert avec la contribution de David Bensoussan
Ce lexique propose une présentation succincte des œuvres fondamentales, des principaux maîtres présentés de façon chronologique et de quelques thèmes principaux de la Kabbale en lien avec les articles de notre dossier. Nous renvoyons d’ailleurs à ceux-ci lorsque l’un de ses éléments y est particulièrement développé. Il ne s’agit ici que d’une modeste boussole afin de vous orienter quelque peu dans ce domaine si vaste de la mystique juive. Avocat et traducteur, Marc Zilbert collabore actuellement comme enseignant et recherchiste à Aleph - Centre d’études juives contemporaines de la CSUQ.
Kabbale. Le mot kabbale ou kabbalah en hébreu, issu de la racine hébraïque k.b.l. signifie « réception » ou « transmission », et désigne l’ensemble des traditions ésotériques ou mystiques du judaïsme.
Le Livre de la Création (Sefer Yetsira), attribué au patriarche Abraham et rédigé durant les premiers siècles de l’ère courante, consiste en un exposé de la formation primordiale du monde à partir des 22 lettres de l’alphabet hébraïque, ainsi qu’en une exposition du système des émanations ou sphères divines (sefirot ou séphirot). Le Livre de la Clarté (Sefer Ha Bahir), attribué à un sage de l’époque talmudique, Nehounia ben Haqana, (1er siècle) a été compilé en Provence (France) à la fin du 12e siècle de l'ère courante et constitue une réinterprétation du Sefer Yetsira. Ce livre développe un système de mystique juive appuyé sur la mystique des lettres, le système des séphirot, ainsi qu’une méditation sur la Création du monde et les mystères du Char céleste (Merkabah) . Aboulafia, Abraham (1240-1291), kabbaliste espagnol de renom. Voir dans notre dossier : Annie Ousset-Krief, « Audi Gozlan : une alliance surprenante entre Kabbale et Yoga » et Sonia Sarah Lipsyc, « Entretien avec Georges Lahy. Un traducteur et scrutateur de la Kabbale aujourd’hui ». Le Zohar ou « le Livre de la Splendeur », œuvre maîtresse de la tradition kabbalistique, est un livre qui date de la fin du 13e siècle. D’après la tradition juive, le Zohar est attribué à Rabbi Shimon bar Yohaï dit Rashby, sage de l’époque talmudique ayant vécu au 2e siècle de l’ère courante dont les enseignements sont rapportés dans ce corpus. Selon les chercheurs académiques, le Zohar fut rédigé en Espagne entre 1270 et 1280 par Moïse ben Shem Tov de León (1240-1305) ou par des membres de son cercle, possiblement sur la base de traditions plus anciennes qui leur auraient été transmises oralement. D’un point de vue formel, le Zohar se présente comme une exégèse de la Torah, rédigée en judéoaraméen à la manière des commentaires rabbiniques de la fin de l’Antiquité, sous forme d’homélies, ou de discussions entre sages. Du point de vue de son contenu doctrinal, le Zohar reprend certaines notions centrales développées dans la littérature qui l’a précédé, notamment la centralité, dans le processus de création, des lettres hébraïques et des sefirot, bien que celles-ci ne soient nommées que de façon allusive. 20
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Safed. Suite à l’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492, de nombreux érudits de la kabbale ont trouvé refuge à Safed, ville située dans les collines de la Galilée, en terre d’Israël, qui, de ce fait, devint un centre réputé d’étude kabbalistique. Certaines des plus grandes œuvres de la kabbale ont été rédigées au 16e siècle à Safed. Le Jardin des grenades (Pardes Rimonim) fut rédigé au 16e siècle à Safed par Moïse Cordovero (1522-1570) en se basant sur les notes qu’il a prises en étudiant le Zohar. Il s’agit d’une somme kabbalistique visant à élucider et à proposer un exposé cohérent de l’ensemble des préceptes du Zohar, notamment le système des sefirot et la centralité de l’alphabet. Le Pardes Rimonim a été l’œuvre kabbalistique la plus influente de son époque, jusqu’à la diffusion de la kabbale lourianique (voir ci-dessous). L’ouvrage Etz Haïm a été composé au 16e siècle à Safed à partir des notes prises par Haïm Vital alors qu’il suivait les cours de kabbale de son maître Isaac ben Solomon Louria Askenazi (1534 – 1572), dit l’Ari, l’Arizal ou l’Ari HaKadosh, dont l’enseignement appelé kabbale lourianique, aurait été essentiellement oral. Il s’agit de l’interprétation et de l’exposé synthétique principal de cet enseignement du Arizal qui comprend notamment les doctrines de la Rétraction (tsimsum), de la Brisure des vases (chevirat ha-kelim) et de la Réparation (tikoun). Sur ces derniers thèmes voir : Marc Zilbert, « La place du Zohar au sein de la communauté juive marocaine de Montréal ». Sefirot ou Séphirot. Émanations ou sphères divines. Suite à la Rétraction divine qui précéda l’acte de la Création du monde, ce qui restait de la lumière infinie divine (Or Ein Sof) fut contenu dans une série hiérarchique de vases solides (kelim), à savoir les dix sefirot (attributs divins). Or, c’est par l’entremise de cette émanation lumineuse, contenue dans les canaux séfirotiques, qu’eut lieu la Création. Le système séfirotique renferme trois sefirot « supérieures », à savoir Couronne (Keter), Sagesse (Hokhma) et Compréhension (Bina) et sept sefirot « inférieures », à savoir Miséricorde (Hesed), Force (Gevoura), Beauté (Tiferet), Éternité (Netzah), Splendeur (Hod), Fondation (Yesod) et Royaume (Malkhout). En principe, les sefirot ne seraient que des métaphores exprimant les attributs au moyen desquels Dieu, en soi Infini (Ein Sof) et inconnaissable, manifeste son Existence.
L'ÉTUDE DE LA KABBALE AUJOURD'HUI Char céleste ou Maasse Merkabah. La Maasse Merkabah est la mystique du char divin qui vise la connaissance, au moyen d’une ascèse mystique visionnaire, des mystères des mondes supérieurs ou célestes, et ce, sur le modèle de la vision du char divin rapportée dans le chapitre 1 du livre du prophète Ezekiel. Elle s’opère aussi à partir de la vision du trône divin que rapporte le livre du prophète Isaïe 6;1. Le trône divin se situe au sommet d’une série hiérarchisée de quatre mondes, à savoir le monde divin de l’Émanation (olam ha-Atzilout), le monde de la Création (olam ha-Beryah), le monde de la Formation (olam ha-Yetsirah) et le monde de l’Action (olam ha-Asiah). Arbre de vie (Etz Haïm). Expression qui dénote la représentation schématique de la cosmogonie kabbalistique, y compris les quatre mondes (Émanation, Création, Formation, Action) faisant l’objet de la mystique du char divin (ma’asse merkabah), les dix sphères divines (sefirot), et les vingt-deux sentiers de la sagesse, allusion aux vingt-deux lettres de l’alphabet hébraïque. Lettres de l’alphabet hébraïque Selon la Genèse, la parole créatrice est à l’origine du monde. Ainsi, l’arrangement des lettres hébraïques dans le texte biblique cacherait des vérités insoupçonnées à premier abord, arrangement qui expliquerait le monde et la Création. Le Zohar décrit une cosmogonie complète basée sur la combinaison de 10 chiffres (allusion aux 10 sefirot ou émanations divines) et de 22 lettres (allusion aux 22 sentiers de l’Arbre de vie) : 3 lettres mères (qui apparaissent dans le nom divin), 7 lettres doubles (correspondant aux 7 jours de la semaine et aux 7 planètes que l’on désignait alors 7 sphères et 12 lettres élémentaires (correspondant aux mois de l’année et aux signes du zodiaque). Citons le Zohar (I, 2014a) : « Quand le Saint Béni-Soit-Il créa le monde, Il le fit à l’aide du pouvoir mystérieux des lettres. Celles-ci se déroulèrent devant Lui et Il créa le monde en dessinant le Nom Saint. Elles se présentèrent devant Lui, en ordres divers et sous des figures variées, pour participer à cette création du monde, à sa manifestation et à sa mise en œuvre. » L’apprentissage des lettres hébraïques, de leur symbolique, de leur graphisme ainsi que leurs combinaisons, est essentiel au travail du kabbaliste dans sa tentative de déchiffrer les mystères de la Création. Du point de vue de la kabbale, la Création porterait en elle l’empreinte du Créateur. C’est cette empreinte que la kabbale cherche à chiffrer et à déchiffrer, et ce, en prêtant une attention toute particulière aux premiers chapitres de la Genèse . Moïse Haïm Luzzato (1707-1746), connu sous l’acronyme de son nom Ramhal, kabbaliste italien de renom. Au 18e siècle apparut le hassidisme, mouvement fondé en Ukraine par Israël ben Eliezer (1700-1760), surnommé le Baal Shem Tov (Maître du Bon Nom), qui fut une réaction contre le judaïsme de son époque dominé par les académies religieuses (yeshivot) vouées principalement à l'étude du Talmud et rejetant toute exaltation mystique. Le Baal Shem Tov réclama un retour à la mystique et insista pour que celle-ci soit rendue accessible à la masse des fidèles. Il s'oppose à l'intellectualisme, encourageant au contraire de se rapprocher de Dieu, voire d’atteindre l’union mystique avec Dieu (dveikout) au moyen de la ferveur émotionnelle et du recours à un guide spirituel (le rebbe).
DOSSIER SPÉCIAL
Azoulaï, Haïm Yossef David (1724-1807), connu sous l’acronyme de son nom Hida, né à Jérusalem, disciple de l’Or Hahayim, kabbaliste, l’un des éditeurs de l’ouvrage Hok LéIsraël. Hok LéIsraël, voir une description de cet ouvrage dans Marc Zilbert, article op. cit. Au fil du temps le mouvement hassidique se développa, il engendra des approches philosophiques distinctes dont l’isolement mystique et la joie à toute épreuve de Nahman de Breslev (1772-1810), auteur du Likouté Moharan ou le retour à l'intellectualisme de Shneour Zalman de Liadi (1745-1812), fondateur du mouvement hassidique habad-Loubavitch et auteur du Tanya (1797), œuvre qui puise notamment au corpus des textes de la kabbale en rendant accessible à chacun ses thèmes majeurs au prisme de la pensée hassidique habad. Menahem Mendel Schneerson (1902-1994), septième rabbi et leader du mouvement hassidique habad-Loubavitch, de 1950 à 1994, a encouragé et agi pour la diffusion de l’enseignement du hassidisme de Loubavitch en établissant un réseau international d'institutions d'études juives, à savoir les Centres Habad. En 1921, le kabbaliste Yéhouda Leib Ha-Levi Ashlag (1885-1954) quitta sa Pologne natale pour immigrer en terre d’Israël sous mandat britannique où il se lia d’amitié avec le kabbaliste et Grand-Rabbin du yichouv (communauté juive avant la création de l’État d’Israël), Abraham Isaac Kook (1865-1935). Le rabbin Ashlag mérita son surnom de Ba’al HaSoulam (le maître de l’Échelle) en traduisant de l’araméen à l’hébreu le Zohar et en rédigeant un commentaire intitulé l’Échelle (HaSoulam), titre qui évoque l’ascension du mekoubal (kabbaliste) vers une connaissance de plus en plus approfondie de doctrines ésotériques. Gershom Scholem (1897-1982), historien et philosophe, spécialiste de la kabbale et de la mystique juive. Originaire d’Allemagne, il introduisit l’étude de la kabbale dans le champ académique à l’Université hébraïque de Jérusalem où il enseigna durant des années. Meshulim Feish (Ferencz) Lowy (1921-2015), 4e grand rabbin de la dynastie hassidique de Tosh, mouvance qui vit le jour au 19e siècle en Hongrie et dont le centre actuel se situe dans la ville de Boisbriand, en banlieue de la métropole québécoise de Montréal, au Canada. Charles Mopsik (1956-2003), chercheur français, spécialiste de la kabbale et de la mystique juive. Il a traduit notamment en français des textes du Zohar et produit d’autres études fondamentales sur le sujet. Hiloula. Coutume qui consiste à visiter les tombeaux des tsaddikim (les justes) le jour anniversaire de leur décès, et à commémorer ce jour au moyen d'une cérémonie au cours de laquelle les pèlerins lisent notamment des Psaumes et certains passages du Zohar. Voir : Marc Zilbert, article op. cit.
Haïm Ben Attar (1696-1743), mieux connu sous le nom d’Or Hahayim (Lumière de la vie), titre de son commentaire de la Torah (Pentateuque), fut l’un des grands kabbalistes du monde séfarade .
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L'ÉTUDE DE LA KABBALE AUJOURD'HUI
Deux enseignantes en Kabbale en Israël : Haviva Pedaya et Nadine Shenker
Sylvie Halpern
Par Sylvie Halpern
Elle était occulte, sulfureuse, misogyne. Mais depuis 20 ans, l’étude de la kabbale se répand à travers tout le pays et les femmes sont loin d’en être en reste. Pourquoi ? Haviva Pedaya et Nadine Shenkar – deux d’entre elles, et non des moindres – ont peut-être une réponse. Sylvie Halpern a été toute sa vie journaliste en presse magazine, notamment pendant 20 ans à l’Actualité. Elle a récemment créé Mémoire vive, une entreprise de rédaction d’histoires de vie : à la demande des familles, elle rédige des livres en publication privée racontant la trajectoire de leurs parents.
Depuis les poubelles du vieux Be’er Sheva, huit chats montent la garde devant le mur d’enceinte débordant de bougainvilliers rouges et blancs de la maison d’Haviva Pedaya. Les milliers de livres sont bien rangés, mais la dame est aussi décontractée que souriante, et un joyeux désordre règne dans sa cuisine. Quand on enseigne la philosophie juive au Département d’Histoire d’Israël à l’université Ben Gourion, qu’on dirige le Centre Elaychar pour les études sur le patrimoine sépharade, qu’on publie abondamment des essais et des recueils de poésie, qu’on écrit des pièces de théâtre et qu’on dirige l’ensemble de musique liturgique sépharade traditionnelle qu’on a créé (ouf !), on peut bien oublier la vaisselle. De l’autre côté d’Israël, dans son coquet petit appartement du quartier de la Moshava Germanit à Jérusalem, la kabbaliste Nadine Shenkar, elle, a conservé son allure de Parisienne et sans doute la même élégance retenue que celle de la jeune étudiante en philosophie occidentale qu’elle a été à la Sorbonne, avant son immigration en Israël (alya), il y a 35 ans. L’époque où elle étudiait aussi à l’Institut international d’Études hébraïques de Paris et assistait religieusement, chaque dimanche, aux cours de Manitou (le rabbin Léon Ashkenazi)… avant de débarquer dans un pays où la kabbale ne s’étudiait que dans de petits cercles très fermés, sous l’égide de quelques rares rabbins. Et que, bien sûr, aucune femme n’en était. À sa manière et avec son bagage intellectuel, Nadine Shenkar1 a été une pionnière : la toute première femme à avoir enseigné la kabbale en plein jour au cœur de Jérusalem. Et elle l’a fait pendant près de 30 ans à la réputée Académie des Beaux-Arts Betsalel pour y nourrir – entre physique quantique et bouddhisme – quelque 5 000 artistes en tous genres. « Certains m’écrivent encore pour me dire à quel point cette découverte les a libérés et influencés dans leur art. D’ailleurs, il suffit de plonger, par exemple, dans un seul des tableaux de Chagall pour saisir à quel point la kabbale a pu le marquer ! » Tout comme Haviva Pedaya2 à Be’er Sheva, Nadine Shenkar a aussi ouvert chez elle, il y a une dizaine d’années, son propre Beth Midrash, un centre d’étude de haut niveau qui porte le joli nom de Tal HaNistar (la rosée du caché). Chaque dimanche soir, elle y enseigne le Talmud et la kabbale, étudie les textes fondamentaux avec ses élèves : le Zohar* , le Sefer Yetsirah (Livre de la création)*… Et son petit salon ne 22
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désemplit pas : « Ce sont des hommes et des femmes de tous âges et de tous métiers, religieux ou pas du tout – surtout pas du tout ! – et c’est passionnant. Souvent, ils sortent de chez moi en pleurant de joie ». Bien sûr, la dame de la kabbale s’en réjouit, mais elle n’est pas surprise : « Spinoza en tête, il n’y a aucun texte de philosophie occidentale qui atteint ce niveau. C’est une réflexion remarquable, mais ce qui lui manque, ce sont des systèmes : Platon, Aristote ou Kant, chacun ont le leur, mais ils ne vous mènent nulle part, aucun n’a un impact sur votre vie. C’est ce qui fait que, comme Heidegger, vous pouvez être à la fois un immense philosophe et un parfait nazi ! » Il faut dire que depuis quelques années, en Israël, l’étude de la kabbale se répand à vitesse grand v. dans tout le pays. Des hommes et des femmes l’étudient dans des écoles talmudiques (yeshivot) – à Safed* qui en a été le berceau israélien, au centre Shalev de Jérusalem comme dans une quarantaine d’autres lieux de la ville; à Bne Brak, à Herzliah, Tel-Aviv, Eilat ou Arad… Certains congrès, comme, par exemple, celui qu’a organisé au printemps 2015 à Tel-Aviv Kabbalah la Am (la kabbale pour tous), un mouvement créé par Michaël Laitman, le président de l’Institut Bnei Baruch3 de recherche et d’étude de la kabbale, y a attiré quelque 7 000 personnes de partout dans le monde. Et Nadine Shenkar se souvient avoir été plusieurs fois cherchée en taxi pour aller parler de kabbale aux travailleurs des raffineries de pétrole de Haïfa ou des usines de la Mer morte… « Pourtant, assure-t-elle, la plupart des gens n’en savent rien au départ. Pour la majorité, dans le meilleur des cas, c’est une mystique occulte et dans le pire, une recette de vie. Alors que ce n’est pas du tout ça, même si elle aide à mieux vivre. » C’est le Rabbi hassidique Nachman de Braslav* qui l’a dit : « Ne demande pas ton chemin à quelqu’un qui le connait parce que tu risquerais de ne pas t’égarer. » Et ici, dans ce vaste territoire, aucun GPS : la kabbale, ce serait 5 000 textes – dont le Zohar est le principal – qui jouent à l’infini avec la complexité du monde. « En fait, dit Nadine Shenkar, les kabbalistes se servent d’un formalisme de pensée très abstrait pour expliquer et commenter la Bible au niveau le plus profond (le sod, le secret). On n’y parle pas de Dieu, de croyances, de commandements (mitsvot), mais on y ouvre mille portes qui font découvrir toute la diversité de l’univers et font comprendre que ce petit monde où nous vivons n’est qu’une écorce, un rien du tout. Son langage est à la fois rationnel, fantaisiste, onirique, pour bien montrer qu’il y a
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Haviva Pedaya
Nadine Shenkar une telle multiplicité de sens qu’on ne sait plus s’il y en a un. Mais ce n’est pas tout le monde qui peut supporter autant d’incertitude et de paradoxes – surtout les hommes. Je l’ai bien vu, les femmes sont infiniment plus réceptives à la kabbale, elles y naviguent avec une dextérité extraordinaire. » Pourtant, dans le monde ashkénaze du moins, elles ont toujours été scrupuleusement tenues à l’écart de cette intense recherche de Dieu. L’étude de la kabbale qui florissait dans toute l’Europe a soudain eu un parfum de soufre avec le dramatique épisode de Zabbataï Tsevi, ce faux-messie du 17e siècle, qui a réussi à convaincre des populations entières qu’il était kabbaliste, qu’il fallait tout abandonner pour le suivre, se vautrer dans la fange et finalement se convertir à l’Islam pour accélérer la venue des Temps nouveaux. Du coup, jusqu’à ce que le hassidisme lui redonne sa lumière au 18e siècle, la kabbale est devenue occulte, quelque peu sulfureuse et… très surveillée. C’est d’ailleurs bien pour cela que chez les ashkénazes, son étude a longtemps été réservée aux hommes mariés de plus de 40 ans. Autres contrées, autre histoire : pour les sépharades, la kabbale n’a jamais été « un poison subtil » à manipuler avec grand soin (comme a pu, par exemple l’écrire, au 19e siècle, l’historien français Théodore Reinach, auteur d’une Histoire des Israélites et si confiant dans l’assimilation des Juifs en France). Elle est au contraire un élan de vie, le Zohar s’est toujours étudié, notamment le chabbat dans les synagogues. Librement, sans contrainte d’âge ni parfois même de sexe, et il y est d’ailleurs beaucoup question des dimensions féminines de Dieu, comme la Shekhina (le nom de la Présence divine toujours énoncée au féminin)… Le grand-père d’Haviva Pedaya ne s’y était pas trompé. À Jérusalem où elle est née dans une famille de rabbins et de kabbalistes venus de Bagdad, elle se souvient que toute jeune, il l’installait auprès de lui pour étudier : « C’était un hakham (un Sage) à qui les gens demandaient d’interpréter leurs rêves selon la kabbale, en suivant une méthode que son père, qui était rabbin et un très grand kabbaliste en Irak, lui avait enseignée. Il m’a énormément appris, tout ce que j’ai pu étudier à l’université m’a paru bien pauvre à côté ! » Nadine Shenkar, elle, était très proche de sa grand-mère, Marcella. Mais quand elle rentrait de la Sorbonne et qu’elle lui parlait avec excitation de Platon, Heidegger ou Bergson, elle était toujours un peu ahurie d’entendre la vieille dame lui asséner : « Tout ce que tu me racontes n’arrive pas à la cheville d’un seul verset du Zohar ! » Car Marcella était férue en kabbale. C’est bien elle – et aucun de ses quatre frères – que son père, un grand kabbaliste italien de Livourne, avait choisie pour lui transmettre son savoir. « Quand elle a eu 16 ans, raconte Nadine Shenkar, il lui a interdit de s’adonner
aux tâches domestiques et chaque jour, il la faisait asseoir auprès de lui pour étudier le Zohar… » Un texte vieux de 2 000 ans qui fait accourir les foules aujourd’hui. Mais pourquoi un tel engouement en Israël ? Bien sûr, on peut voir simplement là un phénomène de mode que quelques-uns comme la chanteuse Madonna ont alimenté. Rattacher cet intérêt à la quête de sens, au besoin de spiritualité qui, pour contrer le matérialisme ambiant et la vie virtuelle, a gagné tout l’Occident. D’autant plus que, sur le plan mystique, nous serions dans la période du « talon du messie »4, celle où toutes les sources du savoir viennent s’ouvrir… Mais Haviva Pedaya est convaincue qu’en Israël, il y a plus. De tout temps, souligne-t-elle, le Juif a été un être de spiritualité. Mais après le drame de la Shoah, après l’extermination de tout un monde, nous n’avons plus eu en tête que le pays concret à construire, l’homme nouveau à faire naître. Quitte à effacer celui que nous étions avant : « Cette obsession du nouvel homme sur une nouvelle terre nous a fait beaucoup de mal, dit-elle. Bien sûr qu’un pays était à bâtir mais, Dieu merci, aujourd’hui il est florissant. Alors maintenant que nous en sommes à la troisième génération, notre inconscient à chacun remonte : en Israël, cette quête spirituelle, c’est aussi le retour de tout ce que nous avons prétendu oublier. De tous ces pays traversés, toutes ces musiques, tous ces rites et ces voix perdues de nos grandsparents qui se sont fondus dans ce melting-pot. » En août dernier d’ailleurs, Haviva Pedaya était à Leh, au nord de l’Inde, à donner des cours sur Rabbi Nahman de Braslav. Au pied de l’Himalaya, elle y a beaucoup croisé cette « troisième génération » : des Israéliens fraîchement émoulus de l’armée, nés pour la plupart dans les kibboutz(s), les villages ou les implantations que leurs parents ou leurs grands-parents ont construits, avides de trekking et si soucieux de rentrer à temps pour chabbat. « Ils m’ont émue, tous ces jeunes souvent très éduqués qui viennent chercher de l’eau fraîche pour leur âme, qui sont en quête d’une nouvelle spiritualité qui n’est pas celle de leurs parents. Là-bas comme ici, j’ai été frappée par leur lassitude du pays concret, leur besoin de combiner autrement spiritualité et sionisme, leur rêve d’un retour à la vie communautaire en kibboutz parce que vivre dans une cité ou un village ne leur suffit plus pour saisir la Terre sacrée… Ils se cherchent et dans l’étude de la kabbale, ils peuvent beaucoup se trouver. Parce que la kabbale, c’est tout sauf un mot d’ordre ! » C’est la voie libre. * Voir notre lexique sur la Kabbale comme tous les termes ou noms suivis d’un astérisque 1 2 3 4
Voir en français : Nadine Shenkar, L’art juif et la kabbale, édition du Nil, Paris, 1996 Voir en français : Haviva Pedaya, Contes des miroirs brisés, édition Matanel, Jérusalem, 2015 Voir http://www.kabbalah.info/fr/ Voir à ce sujet les traités Sotah 4b et Sanhedrin 97a du Talmud de Babylone (T.B). Cette expression désigne le début de la période messianique.
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L'esprit de la Kabbale, entretien avec Julien Darmon
ELIAS LEVY
Par Elias Levy
Pourquoi la Kabbale fascine-t-elle tellement de Juifs et de non-Juifs ? Comment cette mystique, considérée comme le versant ésotérique du judaïsme, dont l’étude, au départ, était exclusivement réservée à une certaine élite spirituelle et savante du peuple juif, est-elle devenue au fil du temps un champ d’étude universel ? Comment saisir la complexité de cette sagesse religieuse ? Quelle est la relation entre le visible et l’invisible ? Comment penser l’identité du Dieu des philosophes et du Dieu biblique ? Le philosophe et talmudiste Julien Darmon répond à ces questions complexes, et à beaucoup d’autres, dans un livre érudit et des plus stimulants, « L’Esprit de la Kabbale » (Éditions Albin Michel, 2017). Il déboulonne une kyrielle d’idées reçues sur la Kabbale, ses origines et son enseignement. Docteur en philosophie de l’École des hautes études en sciences sociales de Paris (EHESS), principal élève de feu Charles Mopsik*, éminent spécialiste de la Kabbale et traducteur de l’hébreu au français du Zohar*, Julien Darmon est un spécialiste reconnu du Talmud et de la Kabbale. Il anime des séminaires d’étude talmudique et midrashique. Il est également assistant d’édition au Département « Spiritualités » d’Albin Michel. Julien Darmon est l’auteur de « La Loi du secret : la Kabbale comme source de Halakha chez R.Joseph Caro et les décisionnaires ultérieurs » (Éditions Honoré Champion, 2017), de la traduction d’un commentaire philosophique et kabbalistique du Cantique des Cantiques, de Meïr Leibusch dit le Malbim, « Cantiques de l’âme » (Éditions Verdier, 2009) et a codirigé, avec Jean Baumgarten, « Une grande histoire intellectuelle du judaïsme. Aux origines du judaïsme » (Éditions LLL/Actes Sud, 2012). Elias Levy est journaliste à l’hebdomadaire The Canadian Jewish News (CJN).
Aujourd’hui, les faux kabbalistes sont légion. Ce constat inéluctable vous inquiète-t-il ? Certainement. Aujourd’hui, à l’ère d’Internet, il y a beaucoup de faux kabbalistes dont les pseudo-enseignements sont une grande duperie. C’est pour cette raison que j’ai décidé d’écrire ce livre. Au début, j’hésitais parce que j’estimais que je n’ai pas toute la légitimité pour parler de ce sujet. En effet, je ne me considère pas comme un grand kabbaliste qui passe douze heures par jour à étudier la Torah et la Kabbale dans une yéchiva, une école talmudique. Mais je suis parvenu à la conclusion que si ceux qui, comme moi, s’y connaissant un peu en matière de Kabbale, se cantonnent dans un grand mutisme, on laissera alors le champ libre à des charlatans. C’est-à-dire, à des individus qui vous promettront la lune et vous demanderont en contrepartie d’être rémunérés matériellement. À l’instar de n’importe quel vrai talmudiste, les vrais enseignants de la Kabbale ne sont pas obnubilés par l’appât du gain. Chose certaine : on ne devient pas riche avec la Kabbale! Aujourd’hui, un grand nombre de livres et d’études universitaires sur la Kabbale sont publiés en hébreu et en anglais. Les textes sources de la Kabbale sont désormais traduits dans plusieurs langues. Sur Internet, via YouTube, on peut aussi suivre de nombreux cours de Kabbale en français, particulièrement sur le site Web Beit Hazohar –www.beithazohar.com–. Il est important d’étudier les textes de la Kabbale avec des enseignants crédibles et compétents plutôt qu’avec des charlatans qui vous promettront des révélations abracadabrantes sur la fin des Temps. La Kabbale est-elle réellement une mystique ésotérique inaccessible au commun des mortels ? « Ésotérisme », « savoir caché », c’est vrai que la Kabbale se définit ainsi. Mais c’est un lieu commun qui était sans doute vrai à des époques lointaines, certainement au Moyen-Âge, aux XIe, XIIe et XIIIe siècles. Mais dès que des textes kabbalistiques ont commencé à être imprimés 24
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et diffusés en Italie, aux Pays-Bas, en Pologne, au Maghreb… cette tradition ésotérique est devenue à la portée de tous. Après, comme j’aime à le répéter, c’est comme l’astrophysique. On n’interdit à personne d’étudier l’astrophysique. Mais, vous ne vous lancerez pas sérieusement dans l’étude de cette branche scientifique si vous n’avez pas suivi préalablement au lycée le programme en physique classique. Cette étape est incontournable. Beaucoup de Juifs, et de non-Juifs aussi, étudient la Kabbale. Comprennent-ils vraiment les textes kabbalistiques ? Ces textes ne sont-ils pas écrits de manière un peu codée ? Il ne s’agit donc pas juste d’apprendre ce qui est écrit d ans les textes pour devenir kabbaliste. Une expérience d’étude et de transformation intérieure est certainement nécessaire pour avoir une compréhension plus profonde qui transcende l’étude conventionnelle des textes de la Kabbale. Quelle est la meilleure définition de la Kabbale ? La définition que j’aime beaucoup est celle donnée par le Zohar : comme une personne, la Torah porte aussi des vêtements, qui sont ses récits : les histoires d’Abraham, de Jacob, de Moïse… Ce qu’on voit en premier dans la Torah, ce sont ses vêtements et pas le corps, c’est-à-dire les lois qui régissent le shabbat, la casherout (lois sur les interdits alimentaires), les mitzvoth (commandements)… La Kabbale est l’âme de la Torah, c’est-à-dire sa partie la plus spirituelle. Ce qui est très important dans cette métaphore, c’est de comprendre que si vous avez un corps sans âme, vous avez un cadavre, en l’occurrence une religion mortifère. Et, de l’autre côté, si vous n’avez qu’une âme sans corps, vous avez un fantôme ! Ce sont les deux écueils qu’on rencontre souvent. D’un côté, des gens qui sont uniquement dans une pratique religieuse mécanique, qui n’accordent aucune attention à la profondeur spirituelle des textes, et de l’autre côté, des gens qui vous diront : « Moi, je m’intéresse peu à la spiritualité, donc je ne veux pratiquer aucune religion. » Ça, c’est aussi
L'ÉTUDE DE LA KABBALE AUJOURD'HUI une religion désincarnée. Le principal objectif de la Kabbale est d’assurer une présence divine dans la réalité du monde, tout comme Dieu s’adresse au monde par le truchement de la Torah. La Kabbale est-elle une science mystique ou une sagesse religieuse ? Une éminente personnalité scientifique contemporaine, fin connaisseur du Talmud, le biologiste et philosophe Henri Atlan, explique clairement que la science moderne provient de la Kabbale, c’est-à-dire l’idée que finalement la nature doit être lue comme un livre – concept défendu par Galilée – et qu’il y a un langage mathématique qui permet de saisir le réel. En effet, la grande originalité de la Kabbale, c’est de partir du postulat : puisque le monde a été créé par la parole divine, alors tout est langage, et, en dernière analyse, tout est nom divin. D’après la Kabbale, tout n’est pas sens, mais formule, comme on parle de formule mathématique. Jusqu’au début de l’époque moderne, la Kabbale était très tributaire de la cosmologie de cette période. C’est pourquoi certaines notions kabbalistiques, telle que la structuration du ciel en fer, peuvent paraître aujourd’hui éculées. Mais tant la physique quantique que l’astrophysique contemporaines se prêtent assez bien à une résonance kabbalistique. Notamment la physique quantique, qui nous dit qu’il n’y a pas d’objets physiques, mais que des relations physiques. Or cette idée que le réel est fait non pas d’objets discrets, mais de relations, que tout se comprend en relation avec quelque chose d’autre, est une idée fondamentale dans la Kabbale.
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Révélez-vous dans votre livre quelques-uns des secrets enfouis dans les textes kabbalistiques ? C’est un vrai dilemme car, en réalité, dès que vous dévoilez un secret, ce n’est plus un secret par définition. Dans mon livre, j’ai fait le choix de ne pas traiter certains thèmes, fortement hermétiques, généralement abordés dans les livres de Kabbale. Par exemple : les détails relatifs à l’écriture précise de certains noms divins, la structure angélique dans certains miracles… De toute façon, ces notions ésotériques demeurent secrètes dans la mesure où elles seront incompréhensibles pour des personnes n’ayant pas été initiées à leur étude. Mais toutes ces notions se trouvent dans des livres de Kabbale. Quelqu’un qui lit l’hébreu, prendra un livre et y verra étayées ces notions. Est-ce que c’est encore un secret ? C’est difficile à dire. Est-ce que le vrai secret, c’est quelque chose qui n’est pas transmissible ? Alors ça demeurera un secret quoi qu’on fasse. Le Talmud dit à ce sujet quelque chose de très intéressant à propos du « Maassé Merkava *» : l’enseignement des secrets de la vision du Char divin d’Ezéchiel ne peut pas être transmis aisément à un élève1. Il y a un certain degré d’enseignement qui par essence est secret parce que les mots sont insuffisants pour en assurer la transmission. Cependant, les mots peuvent éveiller quelque chose de plus profond chez un élève, ou un disciple, s’il a déjà acquis un certain degré de maturation spirituelle.
* Voir notre lexique sur la Kabbale comme tous les termes ou noms suivis d’un astérisque
Quels sont les textes introductifs que vous recommandez pour une initiation à l’étude de la Kabbale ? La Kabbale est une approche linguistique du réel et de Dieu entièrement basée sur l’hébreu. On ne peut pas saisir la Kabbale si on ne comprend pas l’hébreu. Je ne cesse de rappeler que l’hébreu n’est pas une langue très difficile. Elle est moins difficile à apprendre que le japonais, le chinois, l’arabe ou l’allemand. Donc, on peut s’y mettre ! Par ailleurs, en termes de langue, les textes kabbalistiques ne sont pas les plus ardus. Il y a un cursus à suivre dans l’étude des textes kabbalistiques. Il y a des textes qui sont plus introductifs, notamment ceux de Rabbi Moshé Cordovero* (16e siècle) et de Rabbi Yossef Guikatilia (14e siècle). Le Zohar, qui est le texte source de la Kabbale, est écrit d’une manière tellement codée que si on n’acquiert pas les bases de celui-ci, on ne pourra pas le comprendre.
1 Voir le livre d’Ezechiel chapitre 1 et le traité Hagiga 2; 1 du Talmud de Babylone
Julien Darmon
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Sonia Sarah Lipsyc
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L’étude de la Kabbale à Montréal : enquête de Sonia Sarah Lipsyc et Annie Ousset-Krief 1
Annie Ousset-Krief
Dr Sonia Sarah Lipsyc est rédactrice en chef du LVS et directrice de Aleph - Centre d'études juives contemporaines. Annie Ousset-Krief était Maître de conférences en civilisation américaine à l’Université Sorbonne Nouvelle à Paris. Elle réside maintenant à Montréal.
Les kabbalistes ashkénazes de Montréal Lorsque le rabbin Yehouda Yudel Rosenberg (1859-1935) arrive à Montréal en 1919, après quelques années passées à Toronto, il a déjà fait paraître en Pologne où il est né au sein d’une famille hassidique, quelques tomes du Zohar* traduits pas ses soins de l’araméen à l’hébreu. Cette initiative de traduction, accompagnée de commentaires éclairants, sous le titre « Ziv ha-Zohar », afin de faciliter l’accès à ce corpus mystique, était tout à fait pionnière2. Il poursuivra à Montréal cette œuvre à laquelle il aura consacré vingt-cinq ans de sa vie. Comme le relate le professeur Ira Robinson3, « le projet était de s’adresser non pas aux érudits, mais à tout un chacun au sein du peuple juif ». Pari réussi puisque son livre fut diffusé dans de nombreuses librairies partout au monde et que l’on peut aujourd’hui encore se le procurer. Le rabbin Rosenberg était persuadé que « le bien de la communauté d’Israël surgira de l’étude du Zohar (…) Nous ne pouvons pas dire que le salut repose sur les seuls sages de la génération (…) Car viendra le temps d’une nouvelle révélation du Zohar aux masses d’Israël (…) ». Cette intention d’initier le plus grand nombre à la tradition mystique afin de leur faire (re)découvrir la richesse du judaïsme était aussi visible dans ses livres grand public, écrits en yiddish The Golem and the Wondrous Deeds of the Maharal of Prague (traduit plus tard en anglais) ou son texte Épître de la douce reine du shabbat à ses fils et filles du peuple juif. Ira Robinson souligne que le rabbin Rosenberg a été un précurseur, il a précédé les penseurs modernes qui ont popularisé la kabbale dans les milieux orthodoxes d’abord et même au-delà, comme les rabbins Adin Steinsaltz et Aryeh Kaplan (1934-1983). Yehouda Yudel Rosenberg a ainsi anticipé le fait que la Kabbale devait et allait devenir un versant majeur et de plus en plus accessible de la pensée juive contemporaine. L'un de ses fils, le rabbin Aharon Elimelech Rosenberg suivit les brisées de son père en faisant paraître un petit livre en hébreu, « Likouté beth haaron », Montréal, 1954, dans lequel une partie est consacrée à la kabbale. Par sa fille Lily Léah, Yehouda Yudel Rosenberg est le grand-père d’un écrivain célèbre, le montréalais Mordecai Richler (1931-2001). Et bien que ce dernier s'éloigna de la pratique de son ancêtre, il en hérita probablement le goût de raconter des histoires...4 Le Rabbin Menachem Zeev Greenglass (1917-2010) est l'un de ces réfugiés juifs polonais ayant miraculeusement échappé à la Shoah après avoir obtenu un visa pour Shanghai. Il fut ensuite envoyé à Montréal comme émissaire du rabbi de Loubavitch* pour développer ce courant hassidique au Québec. Guillermo Glukovsky consacre un portrait à ce kabbaliste dont le hessed (la bonté) illuminait le visage. Même s’il n’a pas écrit d’ouvrages portant sur la kabbale, il l’a enseignée et correspondait avec des kabbalistes de renom en Israël et ailleurs. 26
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L’autre figure kabbaliste du monde ashkénaze à Montréal c’est Meshulim Feish Lowy* (1921-2015), rabbin hassidique de Tosh*, qui installa sa communauté à Boisbriand (Québec). On venait le consulter pour un conseil ou une bénédiction, dans quelque domaine que ce soit, et parfois tard dans la nuit, au moment où il recevait aussi bien les Juifs ashkénazes et sépharades d’ici ou d’ailleurs. Faut-il s’étonner de cette fréquentation régulière d’un rabbin hassidique par des Juifs sépharades alors que sous certains aspects, il ne manque pas de points communs entre ces deux traditions du judaïsme : la vénération et la foi dans les tsadikim, saintes personnes, perçues comme des intercesseurs entre Dieu et les humains, et l’attrait ou le respect du mysticisme, etc.5 ? L’ancien secrétaire du rabbi de Tosh, le rabbin Sholom Orgel, rapporte même que la grande figure kabbalistique du monde marocain, rabbi Israël Abou’hatsirah (1890-1984) dit Baba Salé, qui n’avait jamais rencontré le rabbi de Tosh, aurait exprimé toute l’admiration qu’il avait pour lui6. L’arrivée des Sépharades, peu ou prou vers les années soixante et notamment de la communauté juive marocaine représentant la majorité du monde sépharade à Montréal qui aujourd’hui atteint presque 30 % de la population juive du Québec, diversifiera et renforcera le paysage de l’étude de la kabbale dans cette cité.
La richesse de la Kabbale marocaine La kabbale est un enseignement important dans le monde sépharade au cours de l’histoire. Jusqu’au temps des kabbalistes de Safed* et de la kabbale lourianique du Arizal* au 16e siècle, et depuis lors, il y eut des kabbalistes de renom dans le monde sépharade7. Pour ne citer que quelques kabbalistes du Maroc8, mentionnons Rabbi Joseph Ibn Teboul (1545-1610), un élève et ami du Arizal qui écrivit un ouvrage important sur l’enseignement de son maître9; le rabbin Simon Labi (1485-1586) qui vécut à Fez avant de se rendre à Tripoli et à qui l’on doit le premier commentaire du Zohar, sous le titre Ketem Paz. Il est également l’auteur de ce poème liturgique très populaire, Bar Yohaï* du nom de l’auteur du Zohar*, selon la tradition juive, et que les sépharades récitent le vendredi soir. Les kabbalistes de Marrakech du 18e siècle, Abraham Azoulay et Shalom Buzaglo, auteurs respectivement de Or Ha-Hammah et de Miqdash Melech, un commentaire célèbre sur le Zohar. Au 19e siècle, il y a les figures kabbalistes très connues des rabbins Hayim Pinto de Mogador et Jacob Abouhatsira, tous deux ancêtres de toute une dynastie de kabbalistes. Enfin, citons Elie Benamozeh, natif de Fez avant de vivre à Livourne (Italie) et d’écrire l’essentiel de son œuvre dont une partie est traduite en français. Il est l’auteur notamment de Emat Mafgia, une défense de la kabbale.
L'ÉTUDE DE LA KABBALE AUJOURD'HUI Mais comme l’écrit Julien Darmon, avec qui s’est entretenu notre collaborateur Elias Levy : « L’histoire systématique de la kabbale au Maghreb reste à écrire, malgré les travaux pionniers de Haïm Zafrani10 ». Cependant à l'exception du commentaire Or Hahayim* d'inspiration kabbaliste, du rabbin Hayim Benattar* (1696-1743) sur la Torah qu'il est aisé de se procurer, tous ces auteurs sont-ils pour autant étudiés dans la communauté juive sépharade de Montréal ? Ou même ailleurs ? La question mérite d'être posée.
L’étude de la kabbale en français dans le monde sépharade à Montréal La figure marquante de l’enseignement de la kabbale à Montréal, en français et dans la communauté sépharade, a été le rabbin Mordekhaï Chriqui, également docteur en sciences des religions11. Entre 1985 et 1988, il créa à Montréal, l’Institut Ramhal* du nom du kabbaliste italien Moche Haim Luzatto (18e siècle)*. Son but est la publication en hébreu des œuvres du Ramhal souvent restées à l’état de manuscrit, vingt livres de ce kabbaliste ont été publiés jusqu’à présent. Le rabbin Chriqui a également traduit en français une dizaine d’ouvrages de ce maître de la kabbale (La voie des Justes, La voie de Dieu) ou écrit à ce sujet par exemple Le Maguid du Ramhal, le Flambeau de la Kabbale et son doctorat passé en 2015 à Concordia et portant sur La métaphysique de l’unité chez Ramhal12. Il dispensa un enseignement à Montréal durant des années avant de retourner vivre en Israël et de transférer à Jérusalem l’institut Ramhal. Il eut notamment ici comme élèves Sidney Saadya Elhadad, le rabbin Dov Harroch, Joëlle Weizman, Sam Banattar et d’autres. Il a donc fait école même si certains de ses élèves se sont engagés dans d’autres voies ou ont fait leur alya, en partant en Israël comme le rabbin Raphaël Afilalo, auteur en anglais et en français de nombreux ouvrages sur la kabbale (Dictionnaire de Kabbalah, Concepts de Kabbalah). Toutefois le rabbin Chriqui se rend encore régulièrement au Québec, où il donne des conférences et délivre son enseignement sur le campus numérique juif Akadem ou sur Youtube. La proximité du monde sépharade avec la kabbale est démontrée dans le texte et l'enquête de Marc Zilbert, « La place du Zohar au sein de la communauté juive marocaine de Montréal ». L’importance de la lecture du Zohar y est prédominante que ce soit au cours des prières, de fêtes ou à d’autres occasions. Quant à l’étude de ce corpus mystique, elle est quotidienne pour certaines communautés du Grand Montréal par exemple le rabbin Yehouda Abittan à la Congrégation Spanish and Portuguese de Montréal ou le rabbin Ronen Abitbol à la synagogue Hekhal Shalom à Ville Saint-Laurent qui se servent de l’ouvrage très répandu dans le monde sépharade du Hok Israël*, compilation d’extraits de la Bible, du Talmud et du Zohar. Il y a également régulièrement à ALEPH, le centre d’études juives contemporaines de la CSUQ des conférences ou cycles d’études sur le sujet13. Et nous prévoyons avant l’été de cette année 2018, une journée thématique autour de ce numéro sur la kabbale, avec diverses interventions et conférenciers.
L’enseignement de la Kabbale au travers des courants hassidiques à Montréal L'enseignement de la kabbale est également diffusé à Montréal en anglais, mais aussi en français, au travers de la pensée hassidique de deux groupes, loubavitch* et breslav*. Pour le courant loubavitch habad, très actif, nous publions les entretiens avec la figure charismatique du rabbin Moshe New du Montreal Torah Center, avec Audi Gozlan qui a mis au point une méthode originale de Yoga Kabbale au travers d’une approche mimétique fondée sur une mystique des lettres hébraïques et avec le peintre et rabbin Haim Sherff qui use de la kabbale dans son art et son enseignement.
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Le courant habad*, outre les textes du Zohar, s’appuie avant tout sur le Tanya*, l’ouvrage du fondateur de ce courant, Shneour Zalman de Liadi* (1745-1812). Le Likouté Moharan*, l’œuvre puissante d’inspiration kabbaliste de Rabbi Nahman de Braslav* (18e siècle), est étudié au Centre Breslav de Montréal. Il y a en français, les cours du rabbin Daniel Cohen dont nous publions également un entretien. Attaché au mouvement habad, il évolue dans divers milieux hassidiques comme braslav où il donne des cours sur le Zohar et le hassidisme. Il dirige la Congrégation Beith Hazohar qu’il a créée, et qui, tout en étant indépendante, occupe le shabbat la synagogue de la Yeshivat Yavné à Côte-Saint-Luc. Le rabbin Cohen donne des cours d’initiation à la kabbale, ouverts à toutes et tous, dans des cercles privés ainsi qu’à la Congrégation Spanish and Portuguese. Il enregistre régulièrement des vidéos sur le sujet qu’il envoie sur WhatsApp ou par courriel. Dans le monde orthodoxe et non hassidique, gageons que dans les structures autour du Kollel Torah MiTzion à Côte-Saint-Luc, qui se réclament de la pensée du grand rabbin et kabbaliste, Abraham Isaac Kook* (1865-1935), un enseignement sur ses œuvres y est dispensé. Nous ne prétendons pas avoir épuisé le sujet, car par définition les cercles kabbalistes sont discrets et il n’est pas facile de percer leurs mystères. Mais nous espérons que ce premier tour d’horizon inédit permettra de donner quelques points d’ancrage à celles et ceux qui souhaitent s’initier et étudier ce versant mystique de la tradition juive.
* Voir notre lexique sur la Kabbale comme tous les termes ou noms suivis d’un astérisque 1 À la mémoire de mon arrière-grand-père maternel Rabbi Yehouda Ibn Moyal
(1837-1910), juge au tribunal rabbinique de Safi (Maroc) avant d'être nommé Président du Tribunal Rabbinique de Mogador et auteur de Shevet Yehouda, recueil de responsa rabbiniques, de commentaires de la Torah et de textes de pensée juive s’inspirant largement de l’héritage kabbaliste. 2 Elle fut suivie plus tard dans les années quarante et cinquante de la traduction magistrale de l’araméen vers l’hébreu du rabbin Ashlag* (1885-1954). 3 Les propos du Professeur Robinson proviennent de Rabbis & Their Community, Studies in the Eastern European Orthodox Rabbinate in Montreal, 1869-1930, Montreal, 2007, p. 64 ainsi que d’un entretien que nous avons eu avec lui en février 2018 en préparation de ce numéro. 4 Il y a, sans doute, des références au Rabbin Rosenberg dans l’œuvre de Mordecai Richler, mais il est difficile de les identifier précisément. L’auteur insistait sur le fait que ses romans étaient de la fiction, pas une autobiographie – même si Son of a Smaller Hero puise largement dans sa vie. Dans son essai This Year in Jerusalem (publié en 1994), il a inclus la traduction d’une des histoires écrites par son grand-père au sujet du Golem, sans autre explication ou préambule. 5 Les visites au rabbi hassidique de Loubavitch Mendel Menachem Schneersohn* de son vivant et les pélerinages sur sa tombe à New York en sont un autre exemple. 6 Voir l’article de Sandy Eller sur Vosizneias.com/212289/2015/08/17/kiryas-toshcanada-the-rebbe-of-all-rebbes-insights-from-the-secretary-of-the-tosher-rebbe-ztl/ 7 Ce passage emprunte à Haim Zafrani, Kabbale, vie mystique et magie, Ed. Maisonneuve & Larose, Paris, 1986, Charles Mopsik, Cabale et Cabalistes, Bayard, Paris, 1997 et Julien Darmon, L’esprit de la kabbale, Albin Michel, 2017. 8 Les autres pays d’Afrique du Nord comme ceux du Machrek comptent aussi de nombreux kabbalistes que nous ne pouvons tous citer ici comme Hayim Ben Eliah (1724-1806) appelé Ben Ich Hay, de Bagdad (Irak) qui écrivit un commentaire des récits du Talmud d’après la doctrine lourianique ou le rabbin Yehouda Alkalaï (1798-1878) de Belgrade, l’un des rabbins orthodoxes penseurs du sionisme moderne. 9 Son ouvrage Derush Hefzi-Bah s’était perdu dans le monde sépharade jusqu’à ce que Rabbi Ibn Moyal (cité en note 1), le rapporta à Jérusalem, le remettant à la Yeshiva des kabbalistes de Beth El. Voir à ce sujet Haim Zafrani, op. cit. p 195. 10 Op. cit. p 39 11 Ces propos sont tirés d’un échange épistolaire avec le rabbin Chriqui au cours du mois de février et d’un entretien que nous avions eu avec lui pour le LVS, « L’œuvre du Ramhal, kabbaliste, de Montréal à Jérusalem », Mars 2016. http://lvsmagazine.com/2016/03/loeuvre-du-ramhal-kabbaliste-de-montreala-jerusalem/ 12 Voir le site de l’institut : http://www.ramhal.com/Beit-Ramhal.html 13 Voir l’article du présent numéro : « Comment s’initier à la kabbale ? »
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DOSSIER SPÉCIAL
L'ÉTUDE DE LA KABBALE AUJOURD'HUI
Rabbi Moishe New Montreal Torah Center Par Annie Ousset-Krief
Le rabbin Moishe New enseigne la Kabbale au Montreal Torah Center (MTC) qu’il dirige depuis 1991. Cet Australien d’origine (il a quitté Melbourne en 1977) a été chaliach (émissaire) du mouvement hassidique Habad* aux États-Unis, puis à Montréal, où l’envoya le Rebbe Schneerson* en 1981. Il fut d’abord rabbin d’une petite synagogue à Chomedey, puis sur instruction du Rebbe, fonda le Montreal Torah Center dans un petit local situé au Carré Décarie. Le succès du centre d’études fut tel qu’il fut déplacé dans un imposant bâtiment de Hampstead (Montréal) en 2004. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui suivent les enseignements dispensés, participent aux activités ou viennent suivre les offices. Chaque shabbat rassemble plus de 200 personnes venues de tous horizons, Ashkénazes, Sépharades, plus ou moins orthodoxes... Le centre comporte également une école maternelle, dirigée par son épouse. Outre ses fonctions de directeur, le rabbin New enseigne en anglais la Kabbale1. Ses cours sont enregistrés et diffusés sur le site du mouvement Chabad : chabad.org ainsi que sur jewish.tv. Le Hassidisme repose sur la Kabbale, m’explique le rabbin Moishe New. Pas la Kabbale classique, ésotérique, des siècles qui précédèrent le Baal Shem Tov*, mais la Kabbale interprétée et transmise par celui-ci depuis le 18e siècle. La Kabbale est venue compléter la Torah, la soutenir, et a inspiré la Hassidout c'est a dire la pensee hassidique. La Kabbale/Hassidout (le rabbin Moishe New insiste à ses yeux sur le caractère indissociable des deux) a allié philosophie et spiritualité pour permettre d’effectuer la rencontre entre Dieu et les êtres humains. Cette fusion du mysticisme et de la philosophie guide les croyants vers plus de compréhension : comprendre notre place dans le monde, comprendre le sens de la Création, appréhender le sens de la vie, notre mission. Si le Talmud traite des commandements, la Kabbale, quant à elle, donne les clés pour établir la relation avec Celui qui a ordonné les commandements. « La Kabbale est la connaissance de Dieu, elle apporte la lumière à l’observance des lois religieuses », déclare le rabbin New. Ses cours sur la Kabbale s’adressent à tous, hommes et femmes, pratiquants ou non. Le rabbin New voit dans la popularité accrue des études de la Kabbale le signe d’un besoin de spiritualité qui n’est pas le fait unique des Juifs, mais se retrouve chez nombre d’individus en quête de sens. Car, insiste-t-il, la Kabbale offre une direction de vie. À toutes les questions que nous pouvons nous poser sur les raisons de notre existence, la Kabbale offrira une réponse, un contexte général pour la vie. C’est la révolution apportée par la Kabbale/Hassidout, l’étude de la Kabbale ne se confine pas à l’élévation spirituelle, elle permettrait d’apporter une lumière infinie dans la vie quotidienne
et d’inspirer chaque action. Dans ses cours, le Zohar* et les autres textes classiques sont en permanence étudiés, mais à la lumière de la pensée Hassique, qui, selon lui, on l’aura compris, va révéler la profondeur de la Kabbale. Le rabbin New met en garde contre l’étude de la Kabbale sans guide spirituel, car les textes sont cryptiques, et ouverts à de mauvaises interprétations. Être guidé positivement pour ne pas se perdre dans des voies obscures, tel est son conseil. Si la Kabbale s’est imposée après 1 500 ans d’oubli, explique-t-il, c’est parce que le peuple juif devait approfondir sa connaissance et renforcer sa foi pour affronter les épreuves terribles qui l’attendaient dans cette ère dite prémessianique. Il cite le prophète Isaïe : « La terre sera remplie de la conscience de Dieu comme l’eau couvre le fond des océans » (Isaïe 11, 9). Voilà pourquoi la spiritualité apportée par la Kabbale est nécessaire, pour « voir au-delà de la surface » et pour préparer l’ère messianique, ce « grand shabbat » qui amènera la Rédemption. Chacun participe de la spiritualisation du monde, et la femme joue un rôle central. Le rabbin Moishe New insiste sur la place prépondérante de la femme dans l’univers. Il affirme que la Kabbale est la dimension féminine du judaïsme. Et comme l’annonce le prophète Jérémie, à l’ère messianique, « c’est la femme qui entourera l’homme » (Jérémie, 31, 22). Cette dimension exceptionnelle de la femme dans la Création, est une notion au cœur des enseignements du Rebbe Scheerson. Les femmes apporteront une nouvelle énergie, une nouvelle lumière à l’observance de la Torah et l’avènement de la Rédemption. Quant au côté secret de la Kabbale, il existe, mais peu nombreux sont ceux qui percent le mystère. Ce sont les kabbalistes mystiques, explique le rabbin New, ceux qui ont totalement transcendé leur ego et vivent une vie purement liée au divin. Ils peuvent produire des miracles, des actes inexpliqués, comme des guérisons. Mais plus le temps du Messie approche, moins ces mystiques seront nécessaires. Le supra-naturel doit céder le pas au naturel, et chacun doit prendre sa part dans la spiritualisation du monde.
Rabbin Moishe New
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DOSSIER SPÉCIAL
Audi Gozlan : une alliance surprenante entre Kabbale et Yoga Par Annie Ousset-Krief
Il est avocat et professeur de yoga. Mais pas n’importe quel yoga : un yoga qu’il a lui-même créé, à partir des enseignements de la Kabbale. Audi Gozlan est un Juif orthodoxe sépharade (sa famille est originaire du Maroc), éduqué au Collège rabbinique du Canada à Montréal, une institution éducative Loubavitch*, avant de poursuivre des études de droit à l’Université de Montréal. Dès son adolescence, il a suivi les conférences et cours du Rebbe (rabbin) Menachem Mendel Schneerson* (1902-1994), leader du mouvement Habad ou Loubavitch* – une formation spirituelle cruciale dans sa vie. Il dédie son livre Kabalah Yoga, Embodying the Hidden Power of the Sacred Hebrew Letters (New Harbinger Publications, 2017), au Rebbe, qui éclaira de sa « lumière sacrée » sa jeunesse, un homme qui l’encouragea dans sa voie et lui donna inspiration et motivation. Il a toujours pratiqué la méditation – comme le faisaient les pères du Judaïsme, souligne-t-il. Il a étudié le yoga pendant 20 ans, l’enseigne depuis une dizaine d’années et a graduellement établi le lien avec la kabbale, qu’il étudie depuis toujours. À la base de sa méthode de yoga, les enseignements de la Kabbale sur le pouvoir des lettres hébraïques, véritables « formes sacrées ». Comme il l’écrit dans l’introduction de son livre, « le secret des lettres hébraïques réside en ce qu’elles sont la matrice pour toutes les réalités physiques qu’elles représentent et en ce qu’elles créent et renouvellent constamment toutes les formes de vie ». Elles contiennent l’énergie créatrice de l’univers. Dans Keter Shem Tov Hashalem1, livre qui reprend les enseignements du Baal Shem Tov*, fondateur du hassidisme au 18e siècle, figure la phrase « chaque lettre hébraïque a une âme, un souffle et un corps ». Le corps : chaque lettre comporte ce qui ressemble à des bras, des jambes. Le souffle : c’est l’énergie qui emplit la lettre. L’âme : c’est l’essence de la lettre, l’étincelle divine qui donne vie au corps. Audi Gozlan a alors commencé à dessiner les lettres comme des formes corporelles et imaginé des postures de yoga correspondant à ces formes. Tout son livre est illustré de figures qu’il a lui-même conçues, car il faut ajouter à ses nombreux talents, celui d’artiste. Le yoga lui permet d’associer corps et esprit, de montrer « qu’avec les postures basées sur chaque lettre, associées à la méditation sur leur sens, vous pouvez accéder à leur sagesse immense et curative ». L’idée que les lettres puissent être des formes sacrées est ancienne. Audi Gozlan se réfère souvent au grand kabbaliste du XIIIe siècle, Abraham Aboulafia*, dont l’œuvre est pour lui une source d’inspiration constante. Aboulafia pratiquait la méditation, basée sur des exercices respiratoires, en adoptant des postures spécifiques. L’un de ses étudiants, Nathan Shem Tov, dessina les lettres de l’alphabet hébraïque à partir des enseignements de son maître2 : les lettres sont des postures corporelles. Yoga avant l’heure…
Audi Gozlan
Audi Gozlan a une audience internationale. Il est déjà l’auteur de deux DVD : Kabalah Yoga : Awaken your soul et Mystic Flow : the Chakra-Sefirot Connection. Il anime régulièrement des ateliers aux États-Unis et au Canada, a eu une émission sur la chaîne de télévision ONE, « the Kabalah Yoga Show » est diffusé sur JoyTV et Vision TV. De nombreux magazines consacrés au yoga ont salué la publication de son ouvrage. Cette reconnaissance dans le monde non juif est le signe que sa méthode originale parle à tout le monde et a une portée générale importante. Quant au monde juif orthodoxe, il y a quelques réticences, mais elles restent limitées. Audi Gozlan a pu organiser avec succès un atelier à Outremont, avec les Hassidim Satmar – connus pour leur observance particulièrement stricte, un vrai défi. Il a voulu créer un yoga plus « casher », me dit-il. À savoir, un yoga acceptable pour des Juifs méfiants à l’égard de toute technique orientale, associée – à tort – à l’hindouisme et au polythéisme. Il a d’ailleurs l’approbation totale de son rabbin (appartenant au mouvement Loubavitch) pour son entreprise. Le message reste universel, et sa méthode renoue avec des techniques utilisées par les rabbins il y a des siècles. Il n’y a donc aucune contradiction entre judaïsme et yoga, entre Kabbale et méditation. Il se voit comme l’instrument au service d’une plus grande vérité, le passeur d’un message spirituel qui doit apporter harmonie et paix au monde : « J’ai appris à me regarder non pas comme la source de mes talents ou de ma sagesse, mais comme l’instrument qui a été béni pour les utiliser afin de faire de ce monde un lieu plus beau3 » . Cela passe par l’éveil spirituel, la réalisation de son potentiel, dans la conscience de l’unité universelle, de l’harmonie entre le corps et l’esprit. « Notre corps est le temple, l’espace sacré qui abrite notre âme et permet à notre lumière intérieure de briller4 », car nous avons tous un rôle à jouer dans ce monde. * Voir notre lexique sur la Kabbale comme tous les termes ou noms suivis d’un astérisque 1 Cité dans l’introduction de Kabalah Yoga, Embodying the Hidden Power of the Sacred
Hebrew Letters, p.6. 2 Ibidem, p.11. 3 Interview donnée à ONE TV, septembre 2017
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L'ÉTUDE DE LA KABBALE AUJOURD'HUI Tableau de l'artiste
Haim Sherrf : le peintre des sphères de la Création (Sephirot) * 1
Par Annie Ousset-Krief
Haim Sherff vit à Montréal. Il est à la fois rabbin et artiste peintre. Il révèle ici comme il crée en s’inspirant d’ouvrages de la Kabbale, notamment pour le choix des couleurs. Propos rapportés par Annie Ousset Krief. Haim Sherrf, d’origine sépharade, peint depuis toujours. Ses premières expositions furent réalisées à son adolescence, en Israël, son pays de naissance. C’est après quatre années passées au service de l’aviation israélienne et dans la division de renseignements de l’armée qu’il décide de venir au Canada en 1987, afin de se consacrer entièrement à sa peinture. Et c’est à Montréal que sa vie va être totalement bouleversée par la rencontre quelques mois plus tard avec une famille juive hassidique Loubavitch qui l’emmènera voir le Rebbe Schneerson* à Crown Heights (New York). Le Rebbe le conseillera et le guidera dans son parcours spirituel et l’encouragera à poursuivre son art. Haim Sherrf étudiera dans une yeshiva (école talmudique) de l’État de New York et deviendra rabbin après une dizaine d’années d’études. Après des décennies passées à exercer ses fonctions religieuses (il sera entre autres aumônier des prisons de Québec pendant 27 ans), il ne pratique plus, sauf à titre privé, pour aider et conseiller, et travaille sa peinture. Il est également renommé pour ses ketoubot (écriture et illustration des actes de mariage juifs) et ses délicats boîtiers en argent de mezouzot (parchemins contenant des passages du Deutéronome mis sur les linteaux d’une porte). Il a même créé en 2011 une ligne de T-shirts basée sur les images de la Kabbale, « les Chars célestes ». Il voulait lutter contre une certaine mode macabre, qui produisait des images de violence et de mort : dessins de crânes, de pistolets, slogans tels « l’amour tue lentement »... Ses T-shirts portaient une charge positive, un message de paix et de bonté, et il y voyait la continuation de sa mission en tant que rabbin : transmettre l’amour et la vie, en concordance avec le message divin. Haim Sherrf étudie la Kabbale quotidiennement, et œuvre à transcrire dans ses toiles le mystère de la Création. Le dessin est délicat, les couleurs somptueuses et intenses. L’ensemble dégage une force spirituelle étonnante. Les peintures ne sont pas que des peintures, mais la mise en image de quelque chose d’inconnu, de concepts abstraits avec lesquels l’artiste veut toucher les autres. « La réaction des gens a été extraordinaire », me dit-il. « Cela les touche profondément, intimement, cela touche le cœur et l’âme. C’était mon but. » Il s’est lancé dans cette entreprise à partir de l’étude du livre du grand kabbaliste du XVIe siècle, Moïse Cordovero*, Pardes Rimonim (le Jardin des Grenades), ouvrage dans lequel Cordovero analyse notamment la relation entre sephirot et couleurs. Cela lui a permis de mieux comprendre, m’explique Haim Sherrf, comment les couleurs affectent le monde, le sens des couleurs, les relations entre elles. La lumière divine se diffuse à travers les sephirot pour révéler l’infini – cet infini qui réside au cœur d’un monde fini, imparfait,
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qu’il appartient à l’homme d’améliorer. Chaque action a un impact – comprendre que nous sommes constamment des partenaires dans la Création divine permettra de réparer l’univers et de réaliser le but de Dieu, qui est de faire de ce monde-ci son temple. La série des peintures représentant les sephirot lui est venue à l’esprit comme une prophétie, dit-il. Toutes les couleurs sont là : le jaune or de Tiferet (beauté), signe de joie et d’équilibre, d’harmonie entre bonté (Hessed) et jugement (Gevoura), le vert de Bina (compréhension), qui suggère le début de la Création, le blanc de Keter (la couronne), couleur qui reçoit toutes les couleurs et les redonne aux sphères inférieures… Les 22 lettres de l’alphabet hébraïque* apparaissent sur les toiles – façonnées de manière particulière, porteuses d’une valeur numérique qui confère à chacune sa spécificité. Tout comme les sephirot qui servent de canaux à travers lesquels se diffuse l’énergie divine, les lettres sont destinées à transmettre le message de Dieu au monde. Haim Sherrf a consacré une autre série au Char céleste*, le Merkava*, tel que décrit par Ezechiel dans sa vision prophétique (chapitre 1) : lion, taureau, aigle et homme. L’aigle céleste symbolise la présence divine qui domine la Création. Il est miséricordieux et portera l’Homme vers la Terre Promise au temps de la Rédemption. Le taureau représente le travail, la dévotion. Par le sacrifice du taureau sur l’autel, l’individu est invité à se repentir et ainsi se rapproche de Dieu. Le lion appartient à la tribu de Judée : comme le lion règne sur le royaume animal, le lion céleste symbolise le royaume de Judée. Les deux lions sont peints en miroir l’un de l’autre. La Kabbale et la Torah sont au cœur de l’œuvre de l’artiste, ses peintures lumineuses nous emmènent dans un univers de beauté et de réflexion. Haim Sherrf a mis son talent au service de sa foi. Tout doit avoir du sens, déclare-t-il. Son souhait ? Que son inspiration serve à inspirer les autres, à les amener vers Dieu et la Torah. Quand l’art rejoint le spirituel et l’intemporel… Le Rabbin et peintre Haim Sherff
* Voir notre lexique sur la Kabbale comme tous les termes ou noms suivis d’un astérisque 1 Sphères par lesquelles, selon la kabbale, D.ieu créa le monde
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DOSSIER SPÉCIAL
Portrait du Rabbin Menachem Zeev Greenglass « Un Kabbaliste à Montréal »
GUILLERMO GLUJOVSkY
Par Guillermo Glujovsky avec la collaboration de Virginie Brand1 Ancien professeur en Sociologie à l’Université de Buenos Aires (Argentine) Guillermo Pablo Glujovsky, collabore au LVS et à ALEPH - le Centre d’Études Juives Contemporaines au sein de la CSUQ (Communauté Sépharade Unifiée du Québec). Il nous présente ici le portrait d’un rabbin kabbaliste qui vécut à Montréal. Légendaire leader spirituel, enseignant, écrivain2, kabbaliste et l’un des membres fondateurs du mouvement Loubavitch à Montréal, le rabbin Greenglass (1917- 2010), était reconnu par sa famille, ses amis et ses étudiants pour sa sagesse, sa perspicacité et sa compréhension profonde de l’être humain. Né dans la ville de Lodz (Pologne) en 1917, dans une famille qui appartenait à la branche hassidique Alexander3, il fut attiré dès son très jeune âge par les études de la pensée hassidique et de la Kabbale dispensées par le rabbin Schneour Zalman Schneersohn* (1898-1980). Grâce à ce premier contact avec le groupe hassidique Habad ou Loubavitch*, il a consacré toute sa vie non seulement aux études, mais aussi à transformer son apprentissage en « maasim tovim » (actions de bonté à l’égard d‘autrui). Envoyé par le Rabbi de loubavitch, Menachem Mendel Schneerson* (1902-1994), à Montréal, il a fait partie du groupe fondateur du Collège rabbinique du Canada, école d’études hassidiques pour garçons, et de l’école pour jeunes filles, Beth Rivkah, institution dans laquelle il a travaillé comme enseignant presque toute sa vie. Son existence était parsemée de nombreuses anecdotes et de miracles racontant notamment comment lui et d’autres ont été sauvés durant la Shoah. Ainsi son évasion de Varsovie à Shadlitz (Pologne), échappant aux coups de revolver des nazis, sa fuite dans la péninsule du Japon, et même en Chine, plus précisément dans la ville de Shanghai, où il s’était réfugié, dans la synagogue déjà existante du mouvement Habad, pour enfin arriver au Canada. Ces récits relatent aussi ses bénédictions et actes de guérisons qu'il a réalisés pendant qu’il habitait à Montréal. Le kabbaliste de Montréal Le Rabbin Menachem Zeev Greenglass a commencé à suivre ses études de Kabbale quand il était très jeune et il les a poursuivies toute sa vie. Il est resté en contact plusieurs années avec un expert dans les études de Kabbale, qui vivait à Jérusalem, Rabbi Yeshaya Asher Zelig Margalios (Pologne, 1893 – Israël, 1969), auteur de trente volumes sur la Kabbale et lorsque ce dernier est décédé, le rabbin Greenglass a continué à être en relation avec son fils Rabbi Eliezer Margalios. La sagesse du Rabbi Greenglass était telle qu’il fut souvent nommé et référé par le Rabbi Yeshaya Asher Zelig Margalios auprès de ses étudiants comme son ami de cœur, génie et maître de la Kabbale.
Plus précisément, le titre du Mekoubal, de « Kabbaliste de Montréal », lui a été décerné par le dernier Rabbi du Loubavitch, Rabbi Menachem Mendel Schneerson, l’un des grands maîtres du judaïsme contemporain4. Le gendre du Rabbin Greenglass, David Cohen, rabbin de la synagogue qui porte le nom de son beau-père, située à Montréal (5150, Avenue Plamondon, rez-de-chaussée, dans le quartier Côte-des-Neiges) dans un entretien qu’il nous a donné récemment, nous explique la relation de son beau-père avec la Kabbale : « Rabbin Zeev Greenglass a pris la Kabbale comme un mode de vie, c’est à dire, que chacun de ses comportements quotidiens était imprégné par des habitudes qu’il a apprises de la Kabbale ». Et de poursuivre, « c’était un kabbaliste unique qui savait user de mots, de telle manière que s’ouvrent les portes du ciel. » Bien qu’il ne fût pas reconnu publiquement pour ses dons de guérisseur, il y a des histoires que des fidèles ont gardées en mémoire qui témoignent de ses caractéristiques mystiques exceptionnelles. Nous mentionnons ci-dessous deux témoignages. Le premier tient à rester anonyme : « Un jour, j’ai reçu un appel étonnant du Rabbi Greenglass : « aujourd’hui, c’est mon anniversaire, et je vous adresse une bénédiction pour vous ainsi que votre famille ! ». Quelques minutes plus tard, le téléphone sonna à nouveau, c’était mes parents – en voyage vers les États-Unis me disant qu’ils venaient d’avoir un accident ! Leur voiture avait glissé dans un ravin, mais ils étaient sains et saufs! » Dès leur retour, les parents et notre témoin se rendent à la demeure de Rabbi Greenglass pour lui raconter ce qui s’était passé : il ouvre sa porte et les accueille avec un immense sourire, en disant : « je sais, je sais ». Le deuxième témoignage est celui d’un membre de la communauté sépharade, Steve Maman (créateur d’une fondation pour venir en aide aux Yazidis : CYCI – The Liberation of Christian and Yazidi Children of Iraq) . Il raconte que sa relation avec le Rabbi Greenglass était intense, plus qu’amicale, étroite, « sans limites », à tel point que pour lui ce n’était pas nécessaire de lui raconter ses expériences positives ou ses mésaventures : parfois, ils communiquaient et se comprenaient sans même parler : « Aie confiance, tu sais que je sais » était la phrase la plus répétée par le Rabbi Greenglass lorsqu’ils se rencontraient.
1 Homéopathe et naturopathe de profession, conférencière à la Faculté de Pharmacie de Paris ainsi qu’à l’Université UQAM à Montréal, elle a également une expérience
dans le monde des médias.
2 Rabbin Menachem Zeev Greenglass a écrit le Sefer Ha Minhagim (Livre des Coutumes) avec Rabbi Leibel Groner (New York, 1932), un ouvrage de référence pour les membres
du mouvement Loubavitch, concernant les pratiques et les coutumes du hassidisme.
3 Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le régime nazi a pratiquement annihilé tous les membres de cette branche hassidique de la région de Lodz (Pologne). 4 Voir à ce sujet, Dovid Zaklikowski, « Montreal Kabbalist and Educator Passes Away at Age of 94 », Habad.org, 16.11.2011 5 Voir à ce sujet dans le LVS de décembre 2017 ou en ligne sur notre site, Annie Ousset Krief, « Un philanthrope au service de la cause Yazidi. Rencontre avec Steve Maman »
* Voir notre lexique sur la Kabbale comme tous les termes ou noms suivis d’un astérisque MAGAZINE LVS
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Un enseignant de Kabbale en français à Montréal, entretien avec le rabbin Daniel Cohen Par Sonia Sarah Lipsyc
Natif de France d'origine ashkénaze et sépharade, le rabbin Daniel Cohen a immigré au Québec en 2004; il vit depuis à Montréal avec sa femme et ses neuf enfants. Il a eu l'occasion d'enseigner à ALEPH - le Centre d’Études Juives Contemporaines de la Communauté Sépharade Unifiée du Québec, une introduction aux principes fondamentaux de la kabbale et poursuit cet enseignement notamment à la Congrégation montréalaise de la Spanish and Portuguese ainsi que dans des cercles privés ou par des cours sur YouTube1. Le rabbin Cohen a accepté de répondre à nos questions portant sur son itinéraire et l'enseignement d’aujourd'hui de la kabbale
Comment avez-vous découvert l'univers de la Kabbale ? J’ai découvert l’univers de la Kabbale assez jeune. Lorsque j’ai fait techouva, que je suis revenu à l’étude et à la pratique du judaïsme, et suis entré à la yeshiva (école talmudique), en plus du Talmud, j’étudiais plus ou moins secrètement le Zohar*. Je me rappelle que mes camarades me surnommaient « le kabbaliste ». La Kabbale, plus que maintenant, souffrait encore des vieux apriori suspicieux : « C’est dangereux, il faut être marié, avoir quarante ans, connaître tout le Talmud… » Il est vrai que la Kabbale, étant une Sagesse très profonde, cela appelle quelques précautions, un certain sérieux. Cependant, les plus grands kabbalistes étaient parfois jeunes et même encore célibataires et pourtant déjà auteurs d’ouvrages profonds sur le sujet. On peut citer Moche Haim Luzatto, dit le Ramhal* (kabbaliste italien du 18e siècle) qui avait déjà écrit plusieurs ouvrages dans le langage du Zohar à l’âge de vingt ans. Les Maîtres du courant hassidique habad* ou de Komarna, encore adolescents, étaient de grands érudits dans le domaine. Le Gaon de Vilna* (18e siècle) lui-même grand kabbaliste, insiste sur le fait de commencer l’étude de la Kabbale dès la bar mitsva, la majorité religieuse. Dans le courant hassidique Habad ou Loubavitch, les enfants apprennent très jeunes les rudiments du Tanya2, œuvre majeure de la doctrine hassidique, basée principalement sur les grands ouvrages de la Kabbale.
Où enseignez-vous à Montréal ? À qui s'adressent vos cours ? Sont-ils mixtes (hommes et femmes) ? Sont-ils ouverts aux non-Juifs ? À Montréal, j’enseigne dans plusieurs endroits : à la Yeshiva Yavné où je suis responsable de la synagogue le shabbat, au Centre Breslev3, au Centre Habad de Côte-Saint-Luc (Montréal). Un certain nombre de cours se passent chez moi ou chez des personnes privées. Je donne régulièrement des sessions de conférences en français à la synagogue Spanish and Portuguese ouvertes à un public mixte (hommes et femmes), Juif et non-Juif. Nous sommes dans un temps de diffusion et d’ouverture des « portes de la Sagesse ».
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Vous définiriez-vous comme un Kabbaliste ? Si oui dans quel sens ? Le mot « kabbaliste » est un grand mot qui possède toutes sortes de connotations, comme faiseur de miracles par exemple. À mon sens, un kabbaliste doit porter ce titre s’il se rattache à un groupe d’études ésotériques des ouvrages profonds de la doctrine kabbaliste, enseignement qui possède, de surcroît, un véritable rattachement initiatique à la chaîne de transmission de cette connaissance sacrée. J’ai eu la chance de m’attacher depuis une quinzaine d’années à l’un des plus grands Maîtres de notre génération dans le domaine, le Rav Yitshak Meir Morgenstern de Jérusalem. À vous de voir comment vous voulez m’appeler. Mais, modestement, j’essaye déjà d’être un hassid et de suivre les enseignements du Rabbi de Loubavitch, Menahem Mendel Shnersohn* (1902-1994). Cela ne m’empêche pas d’étudier d’autres auteurs.
Comment expliquez-vous l'intérêt croissant pour la Kabbale dans le monde juif et non juif ? Il s’agit de bien plus qu’une mode. Les prophéties anciennes du Tanakh (Bible hébraïque) promettent que l’ère messianique sera un temps où la connaissance de Dieu sera répandue dans le monde4. Le Zohar dit que vers la fin du sixième millénaire (nous sommes en l’an 5778 du calendrier hébraïque), les portes du ciel doivent s’ouvrir pour faire descendre la lumière de la Connaissance des secrets5. Ce sont d’ailleurs les « résidus » de cette connaissance qui permettent aux êtres humains de découvrir les mystères du monde et de développer les sciences et les technologies. Lors d’une ascension céleste, il a été révélé au Baal Shem Tov* (1698-1760), le fondateur du hassidisme, que le Mashiah (Messie) se dévoilera lorsque les sources hassidiques seront répandues à l’extérieur. Et le dernier Rabbi de Loubavitch* de rajouter : « À l’extérieur de l’extérieur », autrement dit au monde entier, Juifs et non-Juif. La Kabbale est la Sagesse profonde et secrète du peuple juif, mais comme le reste de la Torah, elle possède un message universel, absolument nécessaire dans le monde troublé actuel.
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« Les prophéties anciennes du Tanakh (Bible hébraïque) promettent que l’ère messianique sera un temps où la connaissance de Dieu sera répandue dans le monde. »
Quels conseils donnerez-vous à quelqu’un qui souhaiterait s’initier à la Kabbale ? Y a-t-il un âge minimum ? Comme je le mentionnais, il n’y a pas d’âge minimum. Mais il faut rejoindre de bons groupes et trouver de véritables Maîtres. Sur Internet, il n’y a pas que des gens sérieux. Dans le courant hassidique, la Kabbale est surtout enseignée à l’intérieur des discours et écrits qui parlent de hassidout, c’est-à-dire la pensée hassidique. C’est très clair dans le courant habad où l’étude approfondie permet d’intégrer peu à peu la doctrine kabbalistique. Il en est de même pour les grands textes de la hassidout comme la pensée hassidique Breslev6. Aussi, je ne saurais trop conseiller d’approcher dans un premier temps la Kabbale, par l’étude de ces fondamentaux de la pensée hassidique. Et pour cela, on ne manque pas aujourd’hui de ressources, y compris sur le net.
Vous enseignez également aux Bnei Noah ou Noahides ? Pouvez nous dire quelques mots sur ce groupe et votre enseignement ? Le mouvement des Bnei Noah est l’une des choses les plus importantes qui concerne le judaïsme actuel. De par le monde, des groupes, des cours et des publications ne cessent de voir le jour. Lorsqu’il y a une quarantaine d’années, le dernier Rabbi de Loubavitch a promu l’importance d’enseigner aux nations les sept mitsvot, commandements7, auxquelles elles sont tenues au regard de la tradition juive, peu dans le monde rabbinique ont emprunté le pas. Depuis quand enseigne-t-on la Torah aux non-Juifs ? Ne faut-il pas s’intéresser en priorité aux « Enfants d’Israël », c’est-à-dire au peuple juif ? Mais le Rabbi de Loubavitch, en lisant Maimonide (12e siècle), montrait que c’était de notre responsabilité de faire rayonner la Torah comme un phare pour l’Humanité. Pourquoi cela n’avait-il jamais été encore fait ? Parce qu’en exil, ce n’était tout simplement pas possible. Les Églises, comme l’Islam, l’auraient-elles toléré ? Aujourd’hui, les choses ont bien changé et le Peuple Juif sort chaque jour un peu plus de l’exil et trouve enfin sa place de « Frère aîné » parmi les peuples.
Tout n’est pas encore joué et beaucoup de travail et de combats restent à venir, mais l’enjeu est de taille. Le Judaïsme doit répondre aux grandes interrogations et au besoin de spiritualité d’une Humanité en demande. Personnellement, j’anime depuis près de cinq ans des cours dans le cadre de l’association des Noahides de Montréal. Je peux vous dire que le public y est de qualité et réceptif à un enseignement en profondeur.
Rabbin Daniel Cohen
* Voir notre lexique sur la Kabbale comme tous les termes ou noms suivis d’un astérisque 1 Voir sur YouTube sous l’entrée de « Rav Daniel Cohen » https://www.youtube.com/
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channel/UCqxXiMOjvj7ilw2eP6rWU0g/featured?view_as=subscriber ou sur le site Atikyomin.com Le Tanya est l’œuvre de base de la pensée hassidique du courant Habad et a été écrit par son fondateur le Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi* (1745-1812). Du nom d’un autre courant du hassidisme fondé par Rabbi Nahman de Braslav* (1772-1810) Voir les livres des prophètes Isaïe chapitre 9 et Habakuk 2:14 Se référer au Zohar sur la parasha (lection) Noah Voir les ouvrages « Likoutey Moharan » ou « Likoutey Halakhot ». Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Lois_noahides et https://fr.wikipedia.org/wiki/Nohaism
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Comment s’initier à la Kabbale ? Par Sonia Sarah Lipsyc
L’intérêt pour la Kabbale va en augmentant ces dernières décades et tout particulièrement depuis le début du 21e siècle. On se souvient du bracelet rouge de la chanteuse Madonna porté comme un signe protecteur, symbole contre « le mauvais œil », ou comme une promesse de bénédictions ainsi que des cours qu’elle suivit auprès du rabbin Philippe Berg (1927-2013) dans son Centre de Kabbale1. Certains relèveront que c’est une mode laissant à des charlatans de tout poil l’occasion de sévir. Mais sans écarter ce risque, une mode, loin d’être anodine, ne vient-elle pas révéler un manque, une crainte ou une aspiration ? Ici le fait de trouver un sens à sa vie et à sa quête spirituelle en puisant dans les eaux profondes de la mystique juive mise aujourd’hui à la portée de tout un chacun? C’est pourquoi d’autres se réjouiront de cette soif de Kabbale, y voyant l’un des signes des temps prémessianiques tels qu’enseigné ou interprété dans les sources de la tradition juive : « Car la terre sera pleine de la connaissance de Dieu » (Isaïe 11 ; 9)2. Enfin, les derniers s’en offenseront arguant du fait que la mystique juive doit rester cachée. Et s’intéresser à la Kabbale pour eux serait comme vouloir faire un doctorat en physique nucléaire sans même avoir terminé son Cegep ! Il reste que l’attrait pour la Kabbale est réel. En témoignent, à notre échelle, les appels fréquents de Juifs et non-Juifs à ALEPH, le centre d’études juives de la Communauté Sépharade du Québec, qui a eu l’occasion d’offrir au long des années quelques cours à ce sujet3. La Kabbale attire, intrigue, intéresse, fascine… passionne. Il y a de plus en plus de livres à ce sujet (traduction des textes fondamentaux, livres universitaires ou de vulgarisation), des conférences sur YouTube, des cours en ligne ou au sein d’instituts, donnés en anglais, en hébreu, mais aussi en français ou dans d’autres langues. Alors comment s’initier à cette connaissance et s’y retrouver dans cette effervescence ? Je vais tenter de donner quelques pistes en lien avec l’enseignement traditionnel de la Kabbale, d’autres rivées au domaine académique, et les dernières orientées vers un grand public. Mais il ne s’agit ici que d’une esquisse. Les cours avec un maître en chair et en os ou par Internet Commençons par le plus difficile… La kabbale est une initiation. Il faut donc se trouver un maître, un homme ou une femme (voir l’article de Sylvie Halpern dans le présent numéro). L’idéal reste le cursus oral, l’enseignement en direct avec la possibilité d’avoir accès aux textes, d’écouter et de poser des questions. Nous avons relaté dans notre
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article « L’étude de la Kabbale à Montréal » ainsi que dans l’article de Marc Zilbert sur « La place du Zohar au sein de la communauté juive marocaine de Montréal », les possibilités de s’initier à cette discipline au Québec. Les possibilités existent même si elles ne sont pas légion et nous avons rapporté à la note 3 du présent article les enseignements qui se tiennent à ALEPH. Mais les nouvelles technologies et Internet ouvrent des horizons infinis, y compris en français. Contentons-nous d’en mentionner quelques-uns. Il y a les cours, ou les enseignements parfois de quelques minutes, que le rabbin montréalais, Daniel Cohen, envoie par WhatsApp ou ceux du rabbin Mordechaï Chriqui, fondateur ici de l’institut Ramhal* que l’on peut trouver sur YouTube. Comme l’on peut retrouver sur YouTube par son site Internet des vidéos de Georges Lahy dont nous publions un entretien, sur des sujets les plus divers de la kabbale inspirés notamment par l’enseignement de Aboulafia* (13e siècle)4. Michaël Sebban, qui a fondé le centre Beth Zohar à Paris, adresse, une fois par semaine par courriel des passages du Zohar éclairant sous cet angle le passage de la Torah lu le shabbat à la synagogue5. Tout comme le rabbin Michaël Laitman, fondateur de l’Institut Bnei Baruch de recherche et d’étude de la Kabbale qui propose des envois hebdomadaires sur la Kabbale6. Eric Daniel El-Baze, lui, sur Facebook, affiche des pages entières de ses livres d’initiation à la Kabbale et l’on peut s’abonner à sa page ou son mur. Le campus numérique incontournable d’Akadem met en ligne des cours, conférences et colloques sur la Kabbale. En faire la liste serait fastidieux : tapez sur leur moteur de recherche « kabbale » et vous verrez 214 résultats qui s’affichent… Toutes les vidéos y sont présentées séquencées, minutées avec des titres pour chaque séquence. Les documents auxquels fait référence le conférencier apparaissent à l’écran et il est possible de l’imprimer ainsi que d’avoir accès à une bibliographie. Il est difficile de trouver un cours académique au Québec sur la kabbale. Le Dr Steven Lapidus et le Professeur Ira Robinson en ont donné dans les années précédentes, le premier à l’Université de Montréal en français, le second en anglais à l’Université Concordia, mais il semblerait qu’il n'y ait rien de prévu pour l’instant dans notre belle Province. À moins de se tourner vers le professeur Justin Jaron Lewis à l’Université du Manitoba ou vers les États-Unis.
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« L’intérêt pour la Kabbale va en augmentant ces dernières décades et tout particulièrement depuis le début du siècle. »
En France, de grandes figures ont marqué et poursuivent l’enseignement de la Kabbale et nous en présentons ici quelques-unes par ordre alphabétique : Paul Fenton, orientaliste hébraïsant et arabisant, professeur au Département d’Études arabes et hébraïques de l’Université de la Sorbonne, qui a notamment traduit et présenté le Sefer Yetsirah ou le Livre de la Création*. Exposé de cosmogonie hébraïque ancienne, Éd. Rivages, 20027. Roland Goetschel à la tête durant des années du département d’études hébraïques et juives de l’Université de Strasbourg est l’auteur de la Kabbale dans la collection de vulgarisation Que Sais-Je ? ainsi que d’autres études plus académiques sur la Kabbale espagnole. Gérard Nahon (1931-2018), spécialiste de l’histoire juive, a écrit un petit ouvrage éclairant sur La Terre sainte au temps des kabbalistes : 1492-1592, A. Michel, 1997. Georges Vajda (1908-1981), directeur d'études de la section des sciences religieuses de l’École pratique des hautes études à Paris, spécialiste de la pensée juive médiéviale et certains de ses élèves comme Colette Sirat ont écrit de nombreux articles sur la philosophie juive et la kabbale. Haim Zafrani (1922-2004) qui dirigea le Département de langue hébraïque et de civilisation juive à l’Université de Paris VIII rédigea des livres, véritable somme de travail, sur la mystique juive au Maroc8. Florilège de livres sur la Kabbale en français Restons dans le domaine des livres académiques, mais accessibles. D’abord ceux de Gershom Scholem (1897-1982) qui introduisit l’enseignement de la Kabbale à l’Université hébraïque de Jérusalem et lui donna ainsi ses lettres de noblesse dans l’enceinte académique. Les grands courants de la mystique juive est régulièrement réédité chez Payot, et il y a aussi comme livre de base : La Kabbale : Une introduction. Origines, thèmes et biographies, 2003 en poche. L’un de ses élèves, Moché Idel, renouvelle les recherches du maître avec par exemple La Cabale : nouvelles perspectives, Le Cerf, Paris, 1998. Et il y a, bien sûr, le regretté Charles Mopsik* (1956-2003) qui marqua le paysage francophone en la matière. Il entreprit la traduction du Zohar en français – œuvre pour l’instant inachevée et qui remplace la traduction parfois contestée de Jean de Pauly au début du 20e siècle. Son implication fut remarquable, ses traductions et écrits nombreux. On peut citer Les grands textes de la cabale : les rites qui font Dieu, Verdier, 1993. Cabale et cabalistes, Paris, Bayard, Albin Michel, 2003, Le Sexe des âmes. Aléas de la différence sexuelle dans la cabale, ParisTel Aviv, L’Éclat, 2003. Il publia essentiellement aux éditions Verdier
où il créa la collection « Les Dix Paroles » et aux éditions de l’Éclat, qui a également publié le texte personnel et érudit, La poétique du Zohar d’Eliane Amado Levy-Valensi (1919-2006). Citons également le livre un peu pointu du biologiste Henri Atlan, Les étincelles du hasard, Seuil et enfin, L’esprit de la kabbale de Julien Darmon, personnalité montante dans le monde francophone de la recherche en kabbale avec qui Elias Levy s’est entretenu pour notre magazine du LVS. Bien qu’il ne se situe pas dans le domaine académique, rappelons les ouvrages de Georges Lahy dont l’œuvre de traduction et de commentaires est impressionnante avec comme référence de prédilection ses travaux sur le kabbaliste Aboulafia (13e siècle)*, mais aussi Gikatilla (13e siècle) comme Les portes de la lumière. Le mouvement hassidique a sa propre production qui s’inspire largement de la kabbale et le site http://fr.chabad.org propose de nombreux articles. Il existe par exemple des traductions du Tanya* du fondateur du mouvement Loubavitch* ainsi que des traductions partielles du Likouté Moharan* de la pensée hassidique braslav. Mais la Kabbale est, comme nous l’avons vu, loin d’être l’apanage du mouvement hassidique et il y a un livre remarquable du rabbin Hayyim de Volozhyn, élève du Gaon de Vilna* (1720-1797) qui s’éleva contre le hassidisme, mais fut lui-même un grand kabbaliste : « L’âme de vie », Verdier, 1986, présenté, traduit et commenté par Benjamin Gross, mon ancien directeur de l’École juive Aquiba, décédé en 2015. C’est personnellement l’un des livres d’études juives qui m’a le plus marqué. Pour le grand public, Les mystères de la kabbale, éd. Assouline, de l’infatigable et créatif rabbin Marc-Alain Ouaknine qui a écrit plusieurs livres inspirés notamment par la kabbale. En ce qui concerne la symbolique des lettres hébraïques, importante dans l’investigation de la mystique juive, il y a, bien sûr, le splendide livre, Splendeur des lettres Splendeur de l’être, Dangles 2017 de Rivka Crémisi dont nous avons publié un entretien en ligne. Mais aussi les livres de Franck Lalou comme Les 22 clés de l’alphabet hébraïque. Les connaître pour mieux se connaître, DDB, 2016 avec un beau visuel. Ou celui de l’érudite Catherine Chalier qui a écrit un court ouvrage profond et instructif, Les lettres de la Création. L’alphabet hébraïque chez Arfuyen, 2007. Nous avons déjà cité dans notre autre article de ce numéro les ouvrages de l’ancien montréalais Raphaël Afilalo. Il y a également les deux tomes de Sagesse de la Kabbale,
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chez Stock du Grand Rabbin Alexandre Safran, qui présente une compilation de textes choisis de la littérature mystique juive. Terminons par l’étonnant Aryeh Kaplan (1934-1983), qui, en peu de temps écrivit de nombreux ouvrages dont La Méditation et la Bible qui vient d’être réédité en poche chez Albin Michel. Et dans cette même collection, La Rose aux treize pétales qui est une très bonne introduction à la kabbale par le remarquable rabbin Adin Steinsaltz. Et pour encore bénéficier de l’érudition et de l’esprit de vulgarisation de ce grand maître, on lira avec profit la transcription de ses échanges télévisés sur ce sujet avec le rabbin Josy Eisenberg, récemment disparu9. Enfin, concluons par les ouvrages de celui qui est le maître de quelques-unes et quelquesuns d’entre nous ici à Montréal, en Israël et en France, le rabbin Léon Yehouda Askénazi (1922-1996), comme La Parole et l’Écrit. Penser la tradition juive aujourd’hui, Albin Michel, dont toute l’œuvre est traversée par les enseignements de la Kabbale. Bref de quoi de ne pas chômer dans les chaumières et comme dans tout chemin spirituel – il suffit de commencer et avec sérieux pour que d’autres portes s’ouvrent.
1 Ce centre fréquenté par des célébrités d’Hollywood reste controversé. On a reproché
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* Voir notre lexique sur la Kabbale comme tous les termes ou noms suivis d’un astérisque
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au rabbin Berg de dispenser un enseignement grand public et « déjudaïsé », l’aspect hyper commercial de ses centres (vente de fils rouges et d’eau bénite à des prix exorbitants) a été aussi stigmatisé. Certains ont même porté des accusations de comportement de sectes à l’encontre de son association et de ses centres. Il reste que le rabbin Berg a étudié avec le rabbin Yehouda Brandwein qui fut l’un de disciples du rabbin Yehouda Ashlag* (1896-1954), l’un des plus grands experts en Kabbale de l’époque contemporaine. Voir Maimonide, « De la conversion à Dieu », chap 9 ; 2 dans Le Livre de la connaissance, édition PUF, p 422. Voir aussi « Lois sur les rois et leurs guerres » chap 12 ; 4 et 5 dans Miché Torah (en hébreu) cité dans David Banon, Le messianisme, Que Sais-je, Paris, p 34. Dans l’esprit de Maimonide (13e siècle), cette soif de connaissance propre aux temps messianiques s’applique aux différents versants de l’étude et pas seulement à la mystique. Elle s’accompagne aussi de la pratique des commandements de la Torah. Depuis 2009, il y eut des séminaires ou cycles de cours, des journées thématiques et des conférences sur ces sujets avec notamment les rabbins Daniel Cohen, Raphaël Afilalo, Avi Finegold, Mordechaï Chriqui, etc. La prochaine journée thématique autour de ce numéro sur la Kabbale se tiendra entre avril et juin 2018. Voir http://editions-lahy.e-monsite.com/videos/videos-francaises/ Se référer à https://beithazohar.com/member/michael-sebban/ et voir également l’entretien que nous avions eu avec lui pour le LVS, « Du surf au Zohar », Pessah 2016. http://www.kabbalah.info L’autre texte fondamental de la Kabbale, Le Bahir. Le livre de la clarté, a été traduit de l’hébreu et de l’araméen et présenté par Joseph Gottfarstein, collection les « Dix paroles », Verdier, 1983. Voir notamment Kabbale, vie mystique et magie : judaïsme d'Occident musulman, Maisonneuve et Larose, 1986, Éthique et mystique, Judaïsme en terre d’Islam : le commentaire kabbalistique du « Traité des Pères », Maisonneuve et Larose, 1991 Comme L’Alphabet Sacré, Fayard.
Rivka Crémisi vit en France et enseigne le Qui Gong et le Tai Ji Quan ainsi que la symbolique des lettres hébraïques. Son livre, merveilleusement mis en page, Splendeur des lettres. Splendeur de l’être. Corps, Kabbale et médecine énergétique , Éditions Dangles, 2016 avec une peinture-calligraphie « Shalom, paix » de Shinta Zenker, est le fruit d’années d’étude, de recherches et d’enseignement aussi bien dans la tradition juive ésotérique que dans la médecine énergétique chinoise . Elle partage avec nous son itinéraire singulier, érudit et ouvert en tant que femme inscrite dans l’initiation de l’apprentissage et l’enseignement de la kabbale.
Pour lire cet entretien avec Sonia Sarah Lipsyc, allez sur lvsmagazine.com
Scrutateur de la Kabbale, comme il s’est défini lui-même au cours d’un récent échange épistolaire, Georges Lahy a déjà traduit et écrit une vingtaine d’ouvrages sur la Kabbale. Son dernier ouvrage, Les Épistoles, 2017, regroupe les lettres mensuelles qu’il écrit sur le sujet et envoie à ses lecteurs. Georges Lahy vit dans le sud de la France, mais enseigne en Europe et vient régulièrement au Québec. Il a accepté de répondre à nos questions en partageant quelques-unes de ses interrogations et en nous faisant part de sa découverte et de son chemin personnel dans l’univers de la Kabbale. Il nous délivre ainsi quelques principes de base de la Kabbale, l’importance du kabbaliste du Moyen-Age Abraham Aboulafia*(1240-1291) dans son propre itinéraire et s’exprime sur l’enseignement de la Kabbale aujourd’hui dans le monde francophone.
Pour lire cet entretien avec Sonia Sarah Lipsyc, allez sur lvsmagazine.com
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La place du Zohar au sein de la communauté juive marocaine de Montréal Par Marc Zilbert avec la contribution de Sonia Sarah Lipsyc
Commençons par un enseignement qui expliquerait l’importance pour les Juifs séfarades de l’étude et de la pratique de la kabbale, transmis par le rabbin Léon Askenazi (1922-1996) connu sous son surnom d’éclaireur israélite de Manitou et rapporté par l’une de ses élèves, Dr Sonia Sarah Lipsyc, directrice du LVS magazine et d’Aleph, centre d’études juives contemporaines. La signification du terme SeFaRad doit être lue, selon cet enseignement, comme un acronyme des quatre sens de la compréhension de la Torah cependant ici présentés dans un ordre différent. En effet, les quatre sens de la compréhension de la Torah sont le Pchat (le sens obvie), le Remez (l’allusif), le Drach (l’allégorique) et le Sod (le secret). L’acronyme donne PaRDeS, autrement dit le PaRaDiS1, car pour le Juif, le Paradis ne peut-être que celui de la connaissance, en l’occurrence la connaissance simultanée des quatre sens de la Torah. Ainsi nous renvoie-t-elle, sur le sujet, au midrach (exégèse sous forme de parabole) du traité talmudique Hagiga 14b qui raconte les aventures de quatre sages qui sont entrés dans le paradis de la connaissance, et surtout comment ils en sont ressortis ou pas… SeFaRaD est donc l’acronyme de PaRDeS (le p et le f étant une seule et même lettre dans l’alphabet hébraïque), mais ici le Sod (le secret c’est-à-dire la dimension mystique ou kabbalistique de l’étude) passe en premier. C’est pourquoi, il y aurait une prédilection, selon Manitou, à étudier la kabbale dans le monde séfarade et à inscrire la lecture du Zohar * dans les rites séfarades. Mais qu’en est-il de cette prédilection pour la lecture ou l’étude du Zohar au sein de la communauté juive marocaine de Montréal? A. La lecture et l’étude du Zohar Selon Benjamin Bitton, directeur général associé à la CSUQ, qui est souvent retourné au Maroc pour visiter des membres de sa famille qui y sont demeurés, il serait monnaie courante parmi les Juifs du Maroc de pouvoir citer, par cœur, des passages du Zohar, ce qui semblerait ne plus être si fréquent pour la génération actuelle des Juifs montréalais d’origine marocaine. Dans les communautés juives du Maroc, le Zohar faisait l’objet d’une attention constante. En effet, selon les quelques personnes que nous avons interviewées à Montréal parmi lesquelles les rabbins Haïm Moryoussef, (auteur de Le bon oeil. Ben Porat Yossef), et Yehuda Abittan, chantre-en-chef de Shearith Israel, soit la Congrégation hispano-portugaise (Spanish & Portuguese), tous deux originaires du Maroc : dans les synagogues du Maroc, tous les samedis soirs, après le rituel du havdala qui marque la transition entre le temps saint (kodesh) du chabbat et le temps profane (‘hol) des six autres jours de la semaine, l’on ouvrait l’arche sainte (hekhal) de la synagogue pour en sortir un exemplaire du Zohar dont on lisait à voix haute un extrait du commentaire sur la parachat hashavoua (le passage ou péricope
de la Torah qu'on lit d’un chabbat à l’autre). On en explicitait ensuite le contenu. Ce rituel tend à démontrer la centralité du Zohar dans la vie spirituelle des communautés juives du Maroc. Selon le rabbin Moryoussef, aujourd’hui encore, par exemple, à Jérusalem, au Centre Ramhal (du nom du kabbaliste du 18e siècle, le rabbin Moche Haim Luzzato*), créé et dirigé par le rabbin Mordechai Chriqui2, ancien résident de Montréal, lui aussi originaire du Maroc; il y aurait un groupe d’hommes récitant quotidiennement le Zohar à voix haute, et ce, à longueur de journée. L’idée serait qu’à la différence de l’étude des autres textes de la tradition juive dont le mérite consiste à tenter d’en saisir le sens, le fait même de réciter à voix haute le Zohar serait à lui seul « salutaire pour l’âme »3. Si l’étude du Zohar a toujours sa place, à l’heure actuelle, dans la communauté juive marocaine de Montréal, c’est en grande partie grâce à l’étude régulière de l’ouvrage, Hok Leisraël*. Cet ouvrage présente pour chaque jour, le passage de la Torah à lire ainsi que des extraits des deux autres parties de la Bible hébraïque (Prophètes et Hagiographes), du Talmud (Michna et Guemara), et un passage du Zohar. Son étude quotidienne a justement été instituée par le grand maître kabbaliste Rabbi Isaac Louria*, connu sous le nom de Arizal*(1534-1572) et son élève Rabbi Hayim Vital* (1542 - 1620); le rabbin Haim Yossef David Azoulay* dit le Hida (1724 – 1806) autre éminent talmudiste et kabbaliste sépharade, y a ajouté un enseignement de loi juive (halakha) tiré du Michné Tora de Maimonide (12e siècle) et une étude d’Éthique juive (moussar). En effet, au centre d’étude (bet hamidrash) Helwani de la synagogue hispano-portugaise de Montréal, par exemple, le rabbin Abittan propose une étude quotidienne, du Hok Leisraël, du dimanche au vendredi, ouverte à tous et à toutes, où le Zohar est donc étudié. Le Hok Leisraël est également étudié à la synagogue Hekhal Shalom, dirigé par le rabbin Ronen Abitbol à Ville Saint-Laurent, et probablement dans d’autres synagogues séfarades de la ville. L’étude du Zohar à Montréal se fait aussi de manière informelle, dans de petits cercles restreints n’ayant aucune affiliation à quelque institution communautaire officielle que ce soit.
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À titre d’exemple, un ami d’origine séfarade nous a confié qu’il fréquente un cercle d’étude situé dans une résidence privée de la ville de Côte-Saint-Luc. Tous les chabbats, entre les prières de l’aprèsmidi (minha) et du soir (maariv), il se rend sur place pour écouter un cours (chiour) donné par Shlomo, un adepte de la kabbale, originaire du Maroc, qui transmet à son auditoire des enseignements issus du Zohar portant sur la parachat hashavoua. Le groupe en question est plutôt restreint, puisque son existence n’a jamais été publicisée, mais il demeure néanmoins ouvert, en principe, à tous. En ce qui concerne l’étude des textes de la tradition kabbalistique, il y a une certaine croyance populaire qui mériterait d’être corrigée ou du moins clarifiée : en principe, l’étude de la kabbale serait réservée, dit-on, aux personnes mariées ayant atteint l’âge de 40 ans. Bien qu’il soit vrai que le traité du Talmud Pirqé Avot (5,21) suggère de ne pas tenter d’atteindre la binah (ou la compréhension en profondeur) avant d’avoir atteint l’âge de 40 ans et que cet enseignement fut par la suite appliqué à l’étude de la kabbale et codifié, notamment, par le rabbin Shabbatai HaKohen (dit le Shach), au 17e siècle, - dans son commentaire de l’ouvrage de référence de la loi juive, le Choul’han Arou’h (« Yoreh Deah » 246:6)-, il s’avère que cet enseignement n’a jamais vraiment été suivi de façon stricte4. Selon le rabbin Moryoussef et M. Jo Gabbay, ancien élève de Manitou, et enseignant à la Congrégation Or Hahayim, l’enseignement suivant lequel il faille éviter d’étudier la kabbale avant l’âge de 40 ans est un conseil qu’il nous incombe, bien sûr, de prendre très au sérieux, l’idée étant qu’il soit raisonnable d’attendre d’avoir atteint un certain niveau de maturité spirituelle et intellectuelle avant de s’adonner à l’étude de la kabbale. Par contre, ajoutent-ils, il s’avère que certaines personnes parviennent à ce niveau de connaissance et de maturité bien avant l’âge de 40 ans alors que d’autres n’y parviendront jamais, et donc que l’âge convenable pour étudier en profondeur la kabbale peut varier d’un individu à l’autre. B. Les lectures du Zohar durant certaines nuits de fêtes juives Pour ce qui est du contenu du Zohar et de son influence sur la vie rituelle juive, il nous paraît essentiel de souligner l’impact qu’a eu l’interprétation du Zohar par le Arizal*, mentionné ci-dessus, qui vécut à Safed, en terre d’Israël, et dont l’enseignement (« kabbale lourianique* »), fut diffusé après sa mort principalement par ses disciples les rabbins Haïm Vital et Joseph Ibn Teboul (17e siècle), natif du Maroc. En bref, la kabbale lourianique connaît trois moments essentiels, soit le retrait (tsimsoum), la brisure des vases (chevira hakelim) et la réparation (tikoun)5. Suite au retrait par le Dieu-Créateur « de lui-même en lui-même » qui fit de l’espace pour le monde-à-venir, la lumière divine fut d’abord contenue dans des vases solides (kelim), mais l’impact de cette lumière fut tellement fort que ces récipients, qui ne pouvaient plus la contenir, éclatèrent (chevira). Avant la brisure des vases, « chaque élément du monde occupait une place adéquate et réservée » : depuis la brisure, « tout est désarticulé, imparfait, déficient, écarté de sa place propre, en exil. » Au moment de la brisure, certaines étincelles de sainteté ou parcelles de lumières divines sont tombées dans le monde, mais celles-ci sont entourées par des écorces (klipot) qui empêchent de les atteindre. Le travail de l’être humain consiste à briser ces écorces afin de restaurer la Présence divine (la Chekhina) qui, comme le peuple juif, se trouve en exil. Le processus de réparation (tikoun) consiste à rétablir l’ordre idéal initial et à « ramener les choses à leur place et à leur nature ». Le peuple juif, dans son observance de la Torah, s’associerait donc à Dieu dans le processus de création. Ainsi, parmi les coutumes kabbalistiques les plus répandues, il faut compter les prières de minuit (tikounim hatsot) pour l’exil de 38
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la Présence divine et la pratique de veillées qui durent de la tombée de la nuit jusqu’à l’aube, que l’on consacre à un cycle de lectures à la fois kabbalistique et non kabbalistiques pour les nuits des fêtes de Chavouot, Hochanah Rabba durant Souccot et le septième jour de Pessah6. Tous ces rites, les liturgies qui y correspondent, ainsi que les textes qui s’y rapportent, sont considérés comme des réparations (tikounim) aux raisons diverses. Des congrégations séfarades de Montréal, par exemple, la Congrégation hispanoportugaise, observent ces trois tikounim, et ce, en suivant un ordre très particulier de récitation à voix haute. À Chavouot, par exemple, fête qui célèbre le don de la Torah, si les fidèles s’adonnent au tikoun de cette nuit-là en écoutant des cours portant sur des sujets divers, plus ou moins en lien avec la Révélation de la Torah, dans les synagogues séfarades, on propose aussi des récitations d’extraits de la Bible hébraïque, du Midrash Rabbah portant sur la péricope Yitro dans la Torah qui énonce les dix commandements, et d’une section du Zohar intitulée Idra Rabbah (la Grande Assemblée) 7. C. Les lectures du Zohar durant certains mois du calendrier hébraïque À ces pratiques sépharades d’origine kabbaliste s’ajoute le tikoun des Chovavim des mois hébraïques de Tevet et de Chevat que pratiquent notamment, selon les rabbins Moryoussef et Abittan, la congrégation hispano-portugaise de Montréal et le Grand Rabbinat du Québec. Le terme chovavim qui signifie « enfants rebelles » se présente ici comme un acronyme qui reprend la première lettre des péricopes suivantes du livre de l’Exode : « Chemot », « Va'era », « Bo », « Be’Challach », « Yitro » et « Michpatim » généralement lus à la synagogue durant les mois d’hiver de janvier et février. Selon la tradition kabbalistique, cet acronyme est étroitement lié, en hébreu, au verset du livre de Jérémie (3,22) : « Revenez enfants rebelles. Je guérirai vos égarements (….) » qui est interprété comme décrivant l’appel de Dieu au peuple d’Israël, peuple qui serait coupable de s’être égaré et d’avoir transgressé devant Lui 8. La période des Chovavim conviendrait donc au repentir, car les péricopes qui sont lues durant cette période font référence à l’esclavage du peuple hébreu en Égypte, mais aussi à la sortie d’Égypte et à la délivrance. Il s’agit notamment d’étudier davantage de Torah, d’augmenter le nombre et la valeur de nos dons charitables (tsedaka) et d’effectuer le jeûne de la parole (ta’anit hadibbur) afin de rectifier, par exemple, la faute de médisance qui aurait largement contribué à prolonger l’exil du peuple d’Israël9. Enfin, ces péricopes traitent de toutes les fêtes, de la Révélation, et d’autres sujets majeurs de la tradition juive. D. La mystique du chabbat L’impact de la kabbale lourianique se fait sentir aussi durant la liturgie du chabbat qui, selon l’universitaire israélien Gershom Scholem*, est « complètement imprégné de notions kabbalistiques sur le rôle de l’homme dans l’unification des mondes supérieurs ». Ainsi, « sous l’aspect symbolique des noces du Roi et de la reine », le rituel de l’accueil du chabbat (kabbalat chabbat) du vendredi soir dans le monde sépharade a été enrichi de coutumes élaborées par le cercle du Arizal comme réciter le Cantique des Cantiques et le chap. 31 du Livre des Proverbes qui toutes constituent des « méditations sur la Présence divine sous son aspect de la fiancée mystique de Dieu »10. S’ajoutent aussi notamment la lecture de l’extrait du commentaire du Zohar sur le péricope Yitro qui mentionne le commandement de se souvenir du jour du chabbat et le poème liturgique (piyout) de Rabbi Shimon Bar Yohaï* (2e siècle), considéré comme le fondateur de la tradition kabbalistique. Selon rabbin Abittan, il semble difficile d’imaginer que l’on puisse convenablement accueillir le chabbat sans que l’ensemble de ces rites ne soient observés.
L'ÉTUDE DE LA KABBALE AUJOURD'HUI Il semblerait donc qu’au sein de la communauté séfarade marocaine montréalaise d’obédience traditionnelle, la kabbale trouve toujours une place d’honneur. Même si comme le souligne Shlomo, qui étudie et enseigne le Zohar, percer le sens caché (sod) reste une quête incessante. Les hilloulot ou pèlerinages de saints au Maroc Cet article, loin d’être exhaustif, ne serait toutefois pas complet si on ne mentionnait les hilloulot11 ou pèlerinages de saints au Maroc particulièrement le jour anniversaire de leur mort. Cette pratique a toujours existé au sein du judaïsme marocain où des familles avaient l’habitude de pèleriner sur l’une ou l’autre tombe de saints et de saintes à l’occasion de la date anniversaire de leur mort12. On se déplaçait en famille, on allumait des bougies, on buvait de la mahiya (eau de vie), on abattait parfois des moutons et on faisait des repas. Et on chantait, les hommes des poèmes liturgiques (piyoutim) et les femmes des quasidas13. Les hommes et les femmes priaient pour des demandes de guérison, trouver son mazal (conjoint.e), avoir des enfants, une bonne parnassah (moyens de subsistance) etc. Le saint ou la sainte étaient ainsi considérés comme des intercesseurs auprès de l’Éternel. Et on lisait des Psaumes et des passages du Zohar en particulier la section « Pata’h Elyaou » (littéralement, « le prophète Elie a ouvert une discussion ») qui se trouve dans les Tikouné Zohar en introduction du Zohar. Cette coutume des pèlerinages sur la tombe des tsadikim (saints) se trouve déjà relatée dans le Talmud14. Elle se manifeste tout particulièrement, en Israël, lors de la hilloula de Rabbi Meïr Baal Haness (2e siècle) à Tibériade et à lag ba’omer (le 33 du jour de l’Omer soit le 18 du mois hébraïque de Iyar) lors de la hilloula de Rabbi Simon Bar Yohai* enterré à Méron, près de Safed. C’est à ce sage que la tradition juive attribue la paternité du Zohar. Parmi les autres saints en Israël qui attirent des pèlerinages de masse, citons les rabbins et kabbalistes marocains Israël Abou’hatsirah (1890-1984) dit Baba Salé, (plus de 250 000 personnes par année à Netivot où il est enterré), et Haim Benatar dit Or Hahaim* (1696-1743) dont le tombeau se trouve au Mont des Oliviers à Jérusalem. Il existe, depuis quelques années, des voyages organisés de Montréal au Maroc, initiatives d’individus ou de groupe de personnes qui proposent un circuit de pèlerinages sur les tombes de saints parmi lesquels les rabbins Hayim Pinto (1748-1865) de Mogador (Essaouira), Amram Ben Diwan (1743-1782) à Ouezzane, David Ben Moche connu sous le nom David Ou Moche (19e siècle) à Timzerit, Nessim ben Nessim (19e siècle) à Ait Bayoud et Isaac Abouhatsera (1876-1912) à Toulal15.
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1 En hébreu, les termes se déclinent à partir d’une racine de trois consonnes;
autrement dit les voyelles n’ont pas le statut de lettres, c’est pourquoi l’on peut vocaliser une racine à sa guise… On peut donc mesurer l’horizon d’interprétations qu’offre cette polysémie au répertoire multiple de « voyellisation ». 2 Créé en 1988 à Montréal, voir à ce sujet, « L’œuvre du Ramhal, kabbaliste, de Montréal à Jérusalem », entretien du Rabbin Mordékhaï Chriqui par Sonia Sarah Lipsyc, LVS, avril 2016. http://lvsmagazine.com/tag/RabbinMordekhai-Chriqui/ et Annie Ousset Krief et Sonia Sarah Lipsyc, « L’étude de la Kabbale à Montréal » dans le présent numéro. 3 Voir Gershom Scholem, La kabbale. Une introduction. Origines, thèmes et biographies, Gallimard, Paris, 1998, p. 311. 4 Voir à ce sujet l’avis du professeur américain, Elliot Wolfson, expert en mysticisme juif et kabbale dans Mjl Staff, « Ask the Expert: Do I Have to be 40 to Study Kabbalah ? Why are there age limits on Torah learning? » : https://www.myjewishlearning.com/ article/ask-the-expert-do-i-have-to-be-40-to-study-kabbalah/. 5 Pour tout ce passage sur la kabbale lourianique se référer à M.-A. Ouaknin, Tsimtsoum. Introduction à la méditation hébraïque, (Paris : Albin Michel, 1992), p. 31-35 6 G. Scholem, La Kabbale, op. cit. p. 310. Toutes les citations de cet auteur dans cet article sont tirées de cet ouvrage. 7 Voir Yehuda Liebes, Studies in the Zohar, (New York, SUNY Press, 1993), p. 81. 8 Voir http://www.torah-box.com/etudes-ethique-juive/pensee-juive/la-periode-deschovavim-en-10-points_7850.html. 9 Voir http://www.hevratpinto.org/pahad_n/chemot/f_michpatim_06.html 10 Il y a également le cantique du « Lecha Dodi » écrit et composé au 16e siècle à Safed par le kabbaliste et rabbin Shlomo Elkabetz pour l’accueil du chabbat et intégré également au rite ashkénaze. 11 L’une des origines de ce terme est associée à la racine HaLLeL qui signifie louange, car ces pèlerinages donnent l’occasion d’exprimer des louanges sur la vie vertueuse et parfois sur les dons miraculeux des saints et des saintes sur les tombes desquelles on va se recueillir. Pour en savoir plus, notamment sur la traduction de ce terme en Noces en référence à l’alliance du saint et de son âme avec la Torah particulièrement manifeste d’un point de vue mystique le jour de sa mort et mis en exergue le jour anniversaire de sa mort, voir « Qu’est-ce qu’une Hilloula » dans Torah Box etc. http://www2.torah-box.com/hiloula/hiloula-definition.php. 12 Sur ces pèlerinages, voir le très beau livre du montréalais Elie Azoulay, Maroc. Terre des saints. Histoire et origine des saints juifs du Maroc, Montréal, 2009. Un chapitre sur les femmes saintes y est consacré en plus d’un autre sur la célèbre Solica Hatchouel dite Lalla Solica Ha-Tsadika (1817-1834) enterrée à Fez (voir p 117-122 et p 247). 13 Se référer à Issachar Ben-Ami, Culte des saints et pèlerinages judéo-musulmans au Maroc, Édition Maisonneuve et Larose, Paris, 1990 p 71-72. 14 Voir, par exemple, le traité Sota 34b du Talmud de Babylone qui s’appuyant sur Nombres 13 ; 22 enseigne que Caleb, s’est rendu à Hebron prier sur la tombe des patriarches et matriarches et leur a demandé de l’aide avant de rejoindre les onze autres messagers envoyés pour explorer la terre de Canaan. À ce sujet le Zohar énonce « que la prière des morts peut protéger les vivants » (cité par Elie Munk sur ce verset dans son livre La Voix de la Torah, Fondation Levy, Paris,1998 p 129). 15 Pour l’ensemble des saints juifs et lieux de pèlerinages juifs au Maroc, se référer aussi à darnna.com * Voir notre lexique sur la Kabbale comme tous les termes ou noms suivis d’un astérisque
Ces pèlerinages se font aussi sur les tombes de rabbins ashkénazes comme celles de Rabbi Nahman de Braslav* à Ouman où durant la fête juive du Nouvel An hébraïque (Roch Hachana) se rendent des séfarades se définissant comme des hassidim ou des sympathisants de ce groupe hassidique des Breslaver. D’autres vont se recueillir sur la tombe du dernier rabbi de Loubavich*, le rabbi Menahem Mendel Schneerson* à New York ou sur la tombe de Meshulim Feish (Ferencz) Lowy (1921-2015), 4e grand rabbin de la dynastie hassidique de Tosh*, à Boisbriand, près de Montréal. Ces deux derniers rabbis contemporains comptaient parmi les rabbins que les sépharades montréalais allaient régulièrement voir de leur vivant pour recevoir des bénédictions. Si le culte des saints et des saintes est un élément important de la croyance du judaïsme marocain, il s’exprime aussi bien à l’égard de rabbins séfarades qu’ashkénazes. Il met ainsi en valeur une foi commune dans des figures charismatiques religieuses accompagnée cependant généralement dans le cadre de ces pèlerinages par des lectures d’extrait du Zohar.
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Depuis l’au-delà un roman fascinant et atypique Entretien avec le célèbre romancier Bernard Werber par Elias Levy
Bernard Werber est l’un des auteurs français les plus lus dans le monde. Depuis l’immense succès de sa trilogie Les Fourmis, ses livres, tous des best-sellers internationaux, se sont écoulés à plus de 35 millions d’exemplaires. Son œuvre romanesque atypique, constituée d’une trentaine de romans et traduite en trente-sept langues, est à la croisée de la science-fiction, du polar, de la spiritualité, de la philosophie, de la biologie et de la mythologie. Bernard Werber qualifie son travail littéraire de « philosophie-fiction ». Dans son dernier roman, « Depuis l’au-delà » (Éditions Albin Michel, 2017), cet auteur prolixe à l’imagination foisonnante convie ses lecteurs à un périple haletant dans l’univers insolite des « âmes errantes ». Un romancier décédé enquête sur son propre assassinat avec l’aide d’une médium. Une course effrénée est alors engagée pour démasquer l’assassin… Suspense déroutant, rebondissements rocambolesques, découvertes scientifiques effarantes et humour désopilant sont au rendez-vous. « Depuis l’au-delà » est un roman des plus jouissifs qu’on ne peut plus lâcher une fois la première page tournée. La vie dans l’au-delà vous fascine-t-elle à tel point que vous lui avez consacré un roman ? Depuis l’au-delà est un polar un peu particulier parce que dès la première ligne, le héros est assassiné. Après sa mort, il décide de mener une enquête, à l’état d’« âme errante », pour découvrir l’identité de son assassin. Plusieurs questions lancinantes sont au cœur de ce roman : qu’est-ce qui nous arrive après notre mort ? Est-ce qu’on se réincarne dans le corps d’un bébé ou continue-t-on à errer sur la terre ? Quel est le statut d’une « âme errante » ? Est-ce qu’il y a quelque chose après la mort ? J’ai essayé d’aborder ces questions ésotériques d’une manière peu conventionnelle : par l’entremise d’un roman écrit sous la forme double d’un polar et d’une enquête scientifique. Vous avez donc fait appel à la science pour tisser la trame de ce roman. J’ai épluché de nombreuses études scientifiques consacrées à la possibilité de communiquer avec les morts. Notamment, une découverte extraordinaire réalisée par l’illustre inventeur et scientifique américain Thomas Edison, qui a déposé un brevet de machine pour entrer en contact avec les morts. Ce livre, que j’ai eu beaucoup de plaisir à écrire, a pour but d’essayer d’éveiller les consciences sur un sujet teinté d’irrationnel et de magie, alors que ça se peut qu’il s’agisse d’une autre dimension de l’esprit. J’aime bien l’idée que nous sommes peut-être des esprits internés dans des corps qui ne seraient que des enveloppes. On associe rarement la science à la mort, si ce n’est pour dire comment on doit traiter le corps humain. Le fait de considérer que l’esprit est séparé du corps, et que celui-ci peut être une onde qu’on peut capter avec un récepteur, de la même manière qu’on capte une onde radio, me paraît une notion très intéressante. Je n’avance aucune réponse sûre, ni scientifique, ni mystique. Je propose seulement des scénarios possibles. C’est le grand avantage du mot « roman ». Je n’ai pas l’obligation de prouver ce que je dis. Par contre, je peux mettre en perspective des informations, et ensuite le lecteur se fera sa propre opinion. Que vous ont raconté les médiums que vous avez consultés ? Les avez-vous crus ? J’ai longuement discuté avec des femmes médiums. J’ai écouté attentivement leurs récits. J’ai ensuite vérifié si ceux-ci résonnaient 40
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par rapport à mes intuitions personnelles. Je crois que c’est la bonne attitude à avoir devant n’importe quel phénomène. Personne ne peut affirmer d’une manière certaine qu’un médium peut entrer réellement en contact avec des entités invisibles. Il subsistera toujours un doute, un mystère. Je n’essaye pas de convaincre qui que ce soit de quoi que ce soit. Je relate simplement dans ce roman ce que ces médiums m’ont raconté, et je le mets en scène. Je suis là pour poser des questions philosophiques et non des questions mystiques ou scientifiques. Souvent, le mystique ou le scientifique croit détenir des vérités hermétiques. La philosophie, c’est la recherche de la sagesse. C’est une démarche dynamique qui, normalement, aboutit à de la spiritualité et non à de la mystique. Depuis l’au-delà est un livre qui aide à ouvrir des perspectives à ceux qui se posent des questions sur ce qu’il y a après la mort ? Pour ceux qui pensent qu’il n’y a absolument rien, mon livre ne changera pas leur point de vue. Ces derniers pourront simplement lire une histoire sortant des sentiers battus, portée par une enquête policière, dont la conclusion est surprenante.
Votre roman recèle aussi une réflexion fort stimulante sur l’exploration des nouvelles frontières de l’humain. En tant qu’ancien journaliste scientifique, j’ai fait de la vulgarisation scientifique pendant de nombreuses années. Pour moi, la fonction principale d’un journaliste ou d’un écrivain, c’est d’explorer les frontières. À l’époque de Jules Verne, la frontière c’était la mer et l’espace. Aujourd’hui, au XXIe siècle, l’homme a déjà conquis la lune, fabrique des sous-marins atomiques, invente des outils technologiques révolutionnaires… Les principaux rêves de Jules Verne ayant été réalisés, nous devons explorer de nouvelles frontières. Pour moi, celles-ci se situent au-delà de la technologie, donc, au-delà des robots, de la conquête spatiale, de l’intelligence artificielle… Désormais, ce qui motive l’homme, c’est la conquête du champ naturel, à savoir, les mondes invisibles et l’après-demain. Moi, je suis un explorateur de nouvelles frontières. Il y a encore quelques années, la notion de science-fiction était uniquement tournée vers la science. Désormais, il faut aller plus loin que la science. L’homme doit se questionner sur les mondes invisibles, les endroits où nous n’avons pas encore trouvé des réponses. Le romancier doit aussi sillonner ces univers inconnus.
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Vous intéressez-vous aussi à la place que les « âmes errantes » occupent dans les religions ? Absolument. Les âmes errantes occupent une place singulière dans les traditions religieuses. Dans la religion juive et dans la mystique bouddhiste, on fait allusion aux esprits qui ne montent pas vers la lumière, mais restent sur cette terre avec les humains. Bien qu’elles soient très réfractaires à toute tentative de communication avec les âmes errantes, les traditions juive et bouddhiste reconnaissent qu’il faut aider celles-ci à monter vers l’au-delà avec une impulsion d’énergie, d’amour et de lumière. Ce n’est pas un hasard si dans la religion juive on célèbre la fête des Lumières. Cette célébration est basée sur l’idée que la lumière doit guider les âmes pour qu’elles montent en conscience et puissent poursuivre leur chemin. Ce qui m’intéressait d’explorer dans l’hypothèse au cœur de ce roman, c’est le choix qui est fait après la mort : rester sur terre ou continuer le chemin vers l’au-delà. J’ai réalisé que beaucoup de religions ont raconté la même histoire que celle que je relate dans ce roman. Certaines personnes mortes restent probablement sur terre parce qu’elles ont encore des liens émotionnels et beaucoup de mal à entamer le voyage ultime vers l’inconnu. Mais le trajet normal d’une âme est de s’élever et de poursuivre sa route. Donc, pour vous, les textes de la tradition juive sont une précieuse source de connaissances et d’informations. Certainement. Je me suis passionné pour le judaïsme parce que cette religion et civilisation, plusieurs fois millénaire, est le terreau de mes racines identitaires. J’ai trouvé dans des textes de la tradition juive des informations scientifiques majeures, qui ne sont pas simplement des injonctions de la Torah ressassées dans les prières religieuses. J’ai découvert des notions insolites de biologie, d’économie, de sociologie, d’écologie, de diététique… Par exemple, le shabbat est étroitement lié à l’idée de rupture de pattern, c’est-à-dire, mettre des séquences de repos dans les événements répétitifs. Le judaïsme préconise depuis des milliers d’années des notions de diététique : il interdit de mélanger la viande et le lait… Il y a beaucoup d’éléments scientifiques dans la religion juive. Plusieurs d’entre eux ont été explicités plus tard, sous forme mystique, dans des dérivés du judaïsme, comme la Kabbale. On retrouve dans cette science mystique des réflexions iconoclastes et passionnantes sur l’univers, le cosmos, l’au-delà, la relation entre
le visible et l’invisible… qui dépassent largement le cadre des textes de la Bible hébraïque. C’est ce qui explique le nombre très élevé d’éminents scientifiques juifs depuis la nuit des Temps. Il y a dans la mystique juive une ouverture extraordinaire vers la science et des univers inconnus qui fascine les scientifiques du monde entier. La tradition juive a-t-elle une position spécifique sur la vie dans l’audelà et les « âmes errantes » ? J’ai des contacts réguliers avec des philosophes et des spiritualistes juifs, de même qu’avec des scientifiques israéliens. Je les interroge souvent sur des questions scientifiques complexes. J’aime beaucoup nos conversations animées. Il me semble que le judaïsme a résolu la plupart des problèmes en science et en éthique. En ce qui a trait à la notion de l’au-delà, c’est-à-dire d’un monde parallèle et d’endroits où des esprits circulent, c’est surtout dans la Kabbale que l’on trouve des réflexions plus approfondies sur ce sujet. Je ne suis pas un spécialiste de la notion de l’au-delà dans la tradition juive. Mais les informations que j’ai colligées sur cette question m’ont permis de constater que le judaïsme conventionnel bannit tout contact avec des personnes essayant de communiquer avec des morts. Ce qui n’est pas une mauvaise chose puisqu’il peut y avoir des abus dans ce domaine. Mais quand on examine l’histoire des mystiques juives, on s’aperçoit qu’il y a dans celle-ci des allusions à des personnes qui parlent avec des entités invisibles. On les appelle de plusieurs façons : « anges », « esprits », « l’esprit des ancêtres », Elohim… Je pense qu’il y a une sagesse juive très ancienne qui gère en même temps les âmes et le dialogue avec les esprits.
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VIE JUIVE CANADIENNE
Entrevue avec Jean-François Lisée, chef du Parti Québécois et chef de l’opposition officielle à l’Assemblée nationale du Québec Par Elias Levy À six mois des élections générales, les défis à relever pour le Parti Québécois (PQ) et son chef, Jean-François Lisée, sont énormes, tous les sondages d’opinion leur étant défavorables. Jean-François Lisée, qui assume aussi la fonction de chef de l’opposition officielle à l’Assemblée nationale du Québec, a accordé une entrevue au LVS-La Voix Sépharade.
Le PQ est à la traîne dans tous les sondages. Il arrive en troisième position, après le Parti libéral du Québec (PLQ) et la Coalition Avenir Québec (CAQ). Pourquoi les Québécois sont-ils peu réceptifs à votre programme politique ? Le 1er octobre prochain, les Québécois auront une vraie décision à prendre. Les sondages sont unanimes : les deux tiers des Québécois, dont trois quarts des francophones, veulent se débarrasser du gouvernement libéral de Philippe Couillard. Il y a une volonté de changement extrêmement forte, qu’on n’a pas vue au Québec depuis très longtemps. Mais pour l’instant, le parti qui n’a jamais gouverné, la CAQ, semble être le plus attractif pour les Québécois. Au PQ, on reconnaît cette réalité. Mais quand on demande aux Québécois, au-delà de l’humeur du moment, quelle est votre priorité : baisser les impôts et les taxes ou réinvestir dans les services pour les aînés, les patients dans les hôpitaux, les familles, les élèves en difficulté ? Deux Québécois sur trois répondent sans hésiter : réinvestir des fonds dans des domaines névralgiques, tels que la santé, l’éducation et les services sociaux. Un seul parti propose cela : le PQ. Actuellement, il y a une contradiction entre ce que les Québécois veulent pour l’avenir et leur intention de vote. Pour nous, c’est encourageant parce que nous allons mettre l’emphase sur cette contradiction frappante au cours des prochaines semaines. Une large majorité de Québécois, dont un grand nombre de jeunes, rejette aujourd’hui le projet indépendantiste prôné par le PQ. Ce désaveu vous inquiète-t-il ? Nous sommes conscients que si nous essayons de tenir un référendum sur la souveraineté du Québec au cours du premier mandat d’un gouvernement du PQ, on échouerait parce que les Québécois ne sont pas encore prêts à nous accorder leur appui pour mener à terme ce projet national historique. Nous sommes résolus à réussir l’indépendance du Québec, mais dans le cadre de deux mandats. Durant le premier mandat, nous allons nous atteler à reconstruire un État fort, nécessaire pour faire l’indépendance. Les libéraux ont fragilisé l’État québécois, tout comme ils ont fragilisé aussi la santé, l’éducation, la langue française, et même la justice, avec des délais qui font que des accusés sont libérés. Nous disons à tous les souverainistes : le seul train qui va vers l’indépendance, et qui part le 1er octobre 2018, c’est le train du PQ. Tous les autres trains vont dans le sens inverse. Quelle est la position officielle du PQ sur la question de la laïcité ? Si vous êtes élu premier ministre du Québec, réhabiliterez-vous le projet controversé de Charte des valeurs québécoises ? En ce qui a trait à la laïcité de l’État et au port de signes religieux, 42
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notre position est très claire. Comme l’a recommandé fortement la Commission Bouchard-Taylor, nous allons prendre les dispositions nécessaires pour que le port de signes religieux soit interdit pour les personnes en position d’autorité, c’est-à-dire les juges, les gardiens de prison et les policiers. Le PQ ajoutera à cette liste les futurs enseignants et éducateurs, qui seront embauchés dans les écoles primaires et secondaires, ainsi que dans les garderies. Ceux qui sont déjà à l’emploi préserveront leur droit de porter des signes religieux, mais les nouveaux enseignants et éducateurs seront assujettis à un code vestimentaire. Le terme « Charte des valeurs québécoises » n’est pas utile, donc nous ne l’utiliserons pas. Nous apporterons simplement des modifications à la loi 62, promulguée par les libéraux. Que propose concrètement le PQ pour attaquer de front les problèmes qui sévissent dans notre système de santé ? Dans le dossier « santé », nous avons deux grandes priorités. La première : miser sur le décloisonnement et l’interdisciplinarité des professions médicales. Au Québec, quelque 200 000 professionnels de la santé – infirmières, pharmaciens, psychologues, paramédics, orthophonistes… (une quinzaine de professions médicales) – sont sous-utilisés. Un gouvernement du PQ prendra des mesures concrètes pour que ces professionnels soient autonomes dans les actes cliniques qu’ils prodiguent. Cette mesure essentielle permettra certes de désegorger le système de santé. La deuxième grande priorité : geler le salaire des médecins, qui sont fort bien rémunérés, au cours des prochaines années et réinvestir plutôt dans les services les sommes dédiées à l’augmentation de leur salaire – le gouvernement Couillard leur a accordé une bonification salariale de 650 millions de dollars par année, en plus de leur rémunération actuelle –. Il est impératif aussi d’injecter de l’argent neuf pour les soins à domicile et pour développer une meilleure offre de soins de première ligne pour les patients malades. Quelles sont les priorités du PQ en matière d’immigration ? En matière d’immigration, le Québec est confronté à une situation très paradoxale. À Montréal, le taux de chômage chez les Québécois issus de l’immigration se situe entre 10 et 12 % alors qu’on a des pénuries de main-d’oeuvre partout ailleurs au Québec. Cette situation déplorable est la résultante de l’évolution démographique et de la mauvaise gestion du dossier de l’immigration par les libéraux. Le PQ propose de mieux identifier parmi les candidats à l’immigration ceux qui ont des perspectives d’emploi précises. Par exemple, s’il y a parmi eux un soudeur ou une infirmière spécialisée, nous allons l’accompagner
VIE JUIVE CANADIENNE
« Beaucoup de membres de la communauté juive sont socialement d'accord avec le PQ. »
jusqu’à son emploi. Mais un des outils essentiels pour réussir son intégration sur le marché du travail, à part la compétence professionnelle, c’est la connaissance du français. En 2017, 60 % des nouveaux immigrants ne connaissaient pas le français à leur arrivée au Québec. C’est l’une des pires statistiques de l’histoire du Québec. Résultat regrettable : deux années après leur arrivée, beaucoup d’immigrants ont quitté le Québec pour s’établir au Canada anglais ou aux États-Unis. C’est une perte d’argent pour ces immigrants, et aussi pour le Québec. Au chapitre de l’éducation, un gouvernement élu du PQ mettrait-il fin au financement du réseau des écoles privées confessionnelles ? Notre inquiétude est réelle en ce qui a trait à l’affaiblissement graduel du secteur de l’éducation publique québécoise. Il y a des écoles privées qui sont des modèles parce qu’elles ne discriminent pas les enfants en difficulté. Mais il y a aussi des écoles privées qui discriminent ces derniers. Ils sont alors contraints de se tourner vers l’école publique. Si le PQ accède au pouvoir, les écoles privées modèles n’auront rien à craindre. Cependant, celles qui ont des barèmes de sélection discriminatoires, nous examinerons les critères de modulation du financement que le gouvernement leur prodigue. Je connais bien le système des écoles juives. Je tiens à dire que ces écoles sont des modèles inspirants, notamment pour ce qui est de leur ouverture à la mixité sociale. En ce qui concerne les élèves en difficulté, les écoles juives font un effort considérable. Celles qui sont modèles n’auront rien à craindre d’un gouvernement du PQ, au contraire. Comment qualifieriez-vous l’état actuel des relations entre le PQ et la communauté juive ? Il faut poser aussi cette question aux leaders de la communauté juive. Je pense qu’il y a un respect mutuel entre le PQ et la communauté juive québécoise. Quand j’étais ministre de la Métropole, j’avais des contacts réguliers avec des leaders de la communauté juive. Des relations cordiales qui se poursuivent depuis que j’ai été élu chef du PQ. Plusieurs députés du PQ, dont Pascal Bérubé, leader parlementaire de l’opposition officielle, ont aussi des contacts étroits avec la communauté juive. On a développé des liens de respect mutuel. J’en suis satisfait, mais il y a toujours place à l’amélioration.
Jean-François Lisée
tous ceux et celles qui sont favorables au BDS : c’est mal connaître la résilience des Israéliens et du peuple juif que de penser que vous allez modifier les politiques du gouvernement d’Israël en boycottant les produits israéliens. Le BDS ne peut avoir aucun impact. Ce qui me gêne, en particulier, c’est lorsque certains promoteurs du mouvement BDS prônent la rupture des liens culturels et universitaires avec Israël. Ça, c’est vraiment contre productif. Personnellement, je suis en désaccord, et je le serai toujours, avec la politique de colonisation en Cisjordanie menée par l’actuel gouvernement d’Israël. Beaucoup de mes amis dans la communauté juive sont aussi en désaccord avec cette politique. Mais celle-ci ne doit pas servir d’exutoire pour appeler à un boycott généralisé d’Israël. Si vous êtes élu premier ministre du Québec, continuerez-vous à œuvrer au renforcement des relations entre Israël et le Québec, qui ont connu un essor important ces dernières années ? Certainement. J’œuvrerai au renforcement des relations avec Israël, et aussi avec les territoires palestiniens. Il faudra faire des pas supplémentaires pour renforcer la coopération entre le Québec et Israël. Avez-vous un message à transmettre aux membres de la communauté juive en cette année électorale ? Je sais qu’il y a beaucoup de membres de la communauté juive qui sont socialement d’accord avec le PQ. Ces derniers souhaitent aussi que la priorité soit mise non pas sur des baisses d’impôts, mais sur la qualité des services. Sur la question de l’indépendance, j’ai quelques amis juifs qui sont indépendantistes, et d’autres qui ne le sont pas. Dans un premier mandat d’un gouvernement du PQ, il n’y aura pas de référendum sur l’indépendance du Québec. Je propose à mes amis de la communauté juive de faire un bout de chemin avec nous. On essayera ensuite de les convaincre de continuer à nos côtés, mais ce sera à eux de décider en 2022.
Quelle est la position du PQ face à la campagne BDS, qui prône le boycott économique d’Israël ? Le PQ n’a jamais appuyé le mouvement BDS. Mais les boycotts de toutes sortes font partie de la vie démocratique. Moi, je dis à
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ÊTRE JUIF ET QUÉBÉCOIS
Mile-End Chavurah : un autre yiddishkeit
carine elkouby
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Par Carine Elkouby Le Mile-End Chavurah (MEC) est un groupe communautaire né à l’été 2009 de la volonté d’une dizaine d’amis, tous voisins dans le Mile-End 2, qui souhaitaient renouer avec leur judaïsme et tisser des liens avec d’autres Juifs des environs, partageant le même désir. L’idée était d’offrir une alternative aux synagogues traditionnelles ou orthodoxes dans ce quartier considéré comme le plus vibrant de la planète3. Carine Elkouby est journaliste, réalisatrice de documentaires et scénariste. Elle travaille principalement pour la télévision, sur des sujets de société, notamment liés à la santé et la justice. En fin de journée, quand la lumière commence à décliner, il règne une ambiance unique à l’intersection des rues Bernard et de l’Esplanade. Il suffit de s’assoir sur le banc du trottoir sud et d’observer. L’homme en noir couvert de son schtreimel4 demeure concentré sur son appel téléphonique et ne remarque pas les tatouages japonais qui recouvrent pourtant la quasi-totalité des bras et des jambes de cette jeune femme au verbe haut, accrochée au bras de son amie. Son rire interpelle un cycliste qui prend les secondes nécessaires pour l’apprécier, avant de continuer sa route, sacoche en bandoulière et barbe soignée. Les lumières commencent à teinter les fenêtres des appartements de nuances de bleu et d’orange, les transformant en tableaux vivants. De l’une d’entre elles s’échappe l’ombre d’un homme à la guitare et sa voix. Il joue « All I want » de Joni Mitchell5. Le Mile-End Chavurah ne possède pas d’espace sur la rue Bernard ni sur l’avenue de l’Esplanade. Et nulle part ailleurs dans le Mile-End. Mais c’est cette atmosphère, nourrie par la diversité de ses membres, que ce groupe véhicule dans chacun des endroits qu’il investit. Genèse L’aventure du Mile-End Chavurah naît du besoin d’une poignée de personnes de pratiquer à nouveau leur judaïsme. Amis, collègues, voisins décident, à partir de l’été 2009, de se retrouver les uns chez les autres pour partager des shabbats. Rachel Kronick fait partie de ces pionniers. « Je rêvais d’une communauté qui posséderait un lieu dévolu à la fois à la pratique du judaïsme et à la spiritualité, mais aussi à la culture juive. Un espace qui serait aussi un lieu de débat et d’émulation intellectuelle », se souvient-elle. Le rêve de Rachel et de ses camarades semble trouver un écho dans le quartier. Après une série de shabbats très inspirants, le groupe décide de célébrer Hanoucca ensemble. Finalement, près d’une centaine de personnes accueille 5770 ensemble. Un succès auquel la bande d’amis ne s’attendait pas. La communauté qu’ils imaginaient semble bel et bien exister. Ils décident donc de lui donner son nom et de la structurer afin de l’aider à grandir. Tout le monde y est le bienvenu, peu importe son degré de judaïsme ou son identité. Une communauté ouverte et sans limites Le Mile-End Chavurah, c’est avant tout une communauté de Juifs venant d’horizons très divers, mais qui partagent des valeurs progressistes et d’inclusion ainsi que le désir de prier, d’étudier et de se cultiver ensemble. Le groupe se veut indépendant de tout mouvement et prône un judaïsme équilibré entre tradition et innovation. 44
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Pour ce faire, les membres se retrouvent pour des shabbats, à l’occasion des fêtes religieuses, avec des temps forts comme Hanoucca, Kippour et Pessah qui rassemblent jusqu’à 170 personnes, mais aussi lors d’événements à caractère plus social ou culturel. Par ailleurs, cette communauté n’a pas de rabbin attitré ni de lieu permanent. Ce qui permet à chacun d’accueillir un shabbat chez lui, d’apporter une idée ou sa manière de faire pour une fête ou un événement. Cependant, Rachel Kronick conduit la plupart des shabbats et des cérémonies, parce qu’elle le souhaite et qu’elle en a cultivé le goût et l’expérience lors de camps d’été ou dans des synagogues. « D’une part, j’essaie d’être à l’écoute de la communauté, de ce que les membres désirent et de ce à quoi ils sont prêts. Et d’autre part, j’essaie de m’engager vraiment dans la prière », précise-t-elle. Aujourd’hui, le Mile-End Chavurah compte environ 300 membres, ce qui représente une centaine de foyers. Mais le rayonnement de cette communauté franchit les limites du Mile-End et rejoint des femmes et des hommes qui se retrouvent dans ses valeurs et apprécient les événements qu’elle propose. Peter Horowitz, le directeur des opérations et seul employé de l’association depuis sa création, fait remarquer que même si les membres sont majoritairement anglophones, il y a toujours eu des francophones au sein du MEC. Et depuis quelques années, leur nombre augmente, notamment à la suite de l’arrivée de familles françaises dans le quartier. Cela enrichit la variété des profils des membres qui travaillent, pour beaucoup, en éducation, en production audiovisuelle ou en santé mentale. Après bientôt 10 ans d’existence, la petite communauté du Mile-End a donc bien grandi. Depuis septembre dernier, aux activités proposées s’ajoute un programme éducatif pour les enfants du primaire, le J.E.D.I. (Jewish Education Development Initiative)6. Vingt élèves divisés en 2 groupes en fonction de leur âge se retrouvent une fois par semaine pour apprendre les bases du judaïsme, le sens des fêtes, les traditions et des chants. Compte tenu de la demande, le J.E.D.I. devrait proposer une classe supplémentaire pour l’année prochaine avec 30 élèves en tout. Le Mile-End Chavurah continue donc de rêver son avenir en grand. La question d’un lieu permanent revient souvent lors des réunions, mais n’est pas tranchée pour l’heure. 1 Littéralement, en yiddish, le mode de vie juive. 2 Le Mile-End est un quartier
de Montréal qui fait partie de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal. 3 Le Mile-End/ Mile ex figure premier au classement des quartiers les plus « cool » au monde, établi en 2016 par le site How I travel. 4 Chapeau de fourrure porté notamment par les Juifs hassidiques. 5 Joni Mitchell, « All I want », issu de l’album Blue, (1971). 6 Initiative de développement et d’éducation juive.
ITINÉRAIRES DE JEUNES SÉPHARADES D'ICI ET D'AILLEURS
De la France au Québec, une immigration réussie
noam krief
Par Noam Krief Noam Krief, natif de Paris, est arrivé au Québec il y a 10 ans, avec ses parents Olivier et Nady et son frère Élie. Après avoir terminé sa maîtrise à l'Université de Montréal en Neurosciences, il a entrepris des études de Droit à l'Université Laval de Québec. Il a choisi de nous raconter, en s’appuyant sur son expérience personnelle, la relation d’un jeune Juif d’origine sépharade à la société québécoise.
J’ai commencé à vraiment m’intéresser à la société québécoise il y a environ cinq ans, lorsque j’ai entrepris les démarches pour devenir citoyen canadien. Comme tout résident permanent, j’ai dû me familiariser avec l’histoire de ce pays, avec sa culture, façonnée par la coexistence de son influence anglo-saxonne et française. Le Québec était alors en pleine effervescence politique due aux élections provinciales, tiraillé entre les valeurs souverainistes du Parti Québécois et le mouvement fédéraliste du Parti libéral. Tous les médias de l’époque n’avaient qu’un sujet très controversé au bout des lèvres : la Charte des valeurs québécoises. Cette fameuse Charte touchait à mon sens à l’un des droits les plus fondamentaux de la Constitution canadienne, le droit à la liberté de religion. Chacun allait de sa propre opinion sur le bienfait de poser par écrit les « valeurs québécoises ». Pour ma part, j’ai grandi en France, un pays dans lequel le modèle d’intégration des minorités culturelles est loin d’être parfait, comme d’ailleurs en ont témoigné les événements de 2015 dans les locaux de Charlie Hebdo et du supermarché Hyper Cacher. Faisant partie de cette minorité juive en France, mes parents, mon frère et moi avons décidé de venir nous installer ici, car le Canada représentait pour nous un modèle de coexistence et de tolérance à l’égard de ces minorités, de quelques horizons soient-elles. Je me suis donc intéressé de près à ces élections provinciales. En effet, le climat social canadien tire sa richesse de ce mélange de cultures française et anglaise que l’on peut retrouver au sein même de son histoire et de sa population, mais aussi de l’intégration de ses autres minorités culturelles venant des quatre coins du monde. Au sein de la communauté juive du Québec, l’éventail de culture est lui aussi tout autant inclusif et diversifié. Il suffit par exemple de se rendre un matin de shabbat au Beth Chabad du Rabbin Raskin à Côte-Saint-Luc dans le grand Montréal, pour y trouver une personne aux cheveux grisonnants du Maroc accompagné de son arrière-petit-fils sur le même banc qu’un jeune étudiant d’une yeshiva, école talmudique de New York ne jurant que par le Talmud et les écrits du Baal Shem Tov1. Cette communauté active et ce sentiment de faire partie d’une grande famille – famille que nous n’avions malheureusement pas au Québec – transcendent les barrières d’âge, de culture ou de géographie. C’est d’ailleurs cette raison qui a fait que notre famille a décidé de s’installer à proximité de cette synagogue, en plein cœur d’un quartier juif de Montréal. Ce sentiment d’appartenance communautaire a été un élément essentiel à la construction de mon identité juive. Le fait d’appartenir à une communauté permet de savoir d’où
l’on vient pour mieux comprendre ce que l’on veut pour l’avenir. En tant que jeunes juifs, nous avons en effet la chance d’hériter d’une histoire riche de plusieurs milliers d’années, peu importe notre degré de religion ou nos origines. C’est de cette diversité que notre communauté tire sa force que l’on retrouve d’ailleurs illustrée dans le proverbe « deux juifs, trois opinions ». Il y a deux ans, la Communauté Sépharade Unifiée du Québec nous a permis à mon frère et moi de participer au programme de « Leadership » des jeunes professionnels. En plus des shabbats forts en émotions et des activités que nous avons organisées tout au long de l’année, plusieurs intervenants de la communauté nous ont ouverts aux enjeux de la communauté juive de demain. Un des ateliers qui m’avait particulièrement touché fut celui où j’ai rencontré Me Azogui. Celle-ci travaillait alors au CIJA, qui est le porte-parole de la communauté juive institutionnelle auprès du gouvernement et des pouvoirs publics. Mon frère et moi nous sommes rendus compte que la possibilité de vivre pleinement son judaïsme au Canada n’est pas simplement un droit, mais plutôt un privilège que l’on devait au travail de centaines de personnes de la Fédération Juive d’hier et d’aujourd’hui. Tandis que mon frère était sur le point de devenir stagiaire à la Cour Suprême d’Israël, on m’a offert la chance d’être le stagiaire à intégrer l’Assemblée nationale du Québec pour une durée de neuf mois afin de représenter la communauté juive auprès des parlementaires de la Coalition Avenir Québec. Ce fut pour moi une opportunité incroyable au cours de laquelle j’ai eu l’occasion de travailler directement avec des députés, mais aussi avec toutes les personnes qui œuvrent en coulisse et font face aux enjeux politiques de notre Province. Moi qui voulais en apprendre davantage sur la culture québécoise, il n’aurait pas été possible de trouver un meilleur moyen pour y arriver. Cette expérience fut réellement l’occasion d’ouvrir mes horizons et de comprendre les défis de notre communauté comme composante intégrante du grand ensemble qu’est la société canadienne. En tant que futurs avocats, aussi bien mon frère que moi ne pouvions rêver de meilleures opportunités pour notre apprentissage et nos débuts dans le monde professionnel. Ces opportunités, nous les devons en grande partie à la communauté juive de Montréal ainsi qu’au Canada, qui nous ont accueillis et nous ont fait grandir depuis maintenant 10 ans.
1 Fondateur au 18e siècle du mouvement hassidique.
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coup de projecteur sur nous autres
Sous la blouse blanche, deux médecins remarquables : Dr Élie Haddad et Dr Michaël Bensoussan Par Sylvie Halpern
L’un est pédiatre, l’autre gastroentérologue. Le premier aime chanter, le second sait faire parler ses émotions. Mais Élie Haddad et Michaël Bensoussan se propulsent au même carburant : leur amour de la médecine.
Quand il avait sept ans à Dreux, en région parisienne, Élie Haddad a entendu son oncle, qui était pédiatre, raconter qu’un couple, dont le premier enfant était mort d’une leucémie, venait de donner son prénom à leur nouveau bébé. « Évidemment, en bonne Juive tunisienne, ma mère a réagi, bouleversée, en arabe. Et moi, je ne comprenais pas qu’on ne puisse pas guérir de cette maladie. C’est sans doute pour cela que, bien plus tard à Paris, j’ai fait médecine, puis pédiatrie, puis immunologie, avec pour tout premier objectif de soigner le cancer des enfants. » Dans la vie du docteur Élie Haddad, et de son épouse Valérie DarmonHaddad, très engagée dans la vie communautaire, il y en a aujourd’hui trois, des enfants. Mais ce serait sans compter les milliers d’autres que ce clinicien-chercheur dans la jeune cinquantaine reçoit chaque année au Service d’immunologie et de rhumatologie qu’il dirige depuis 2005 à l’hôpital Sainte-Justine. D’ailleurs même quand il ne les voit pas, il les a toujours en tête : en s’enfermant dans son laboratoire pour livrer une guerre sans merci aux nombreuses formes de déficits immunitaires dont souffrent ses jeunes patients. « Je suis un passionné du système immunitaire, je cherche comment on peut l’utiliser pour guérir le cancer. Et j’en suis heureux, on vit une révolution dans ce domaine et ce n’est qu’un début ! » Pourquoi est-ce que certains jeunes organismes sont incapables de se défendre contre les infections ? Quand ils n’en viennent pas à s’attaquer eux-mêmes et parfois, las de tant de batailles, à s’éteindre ? « Avez-vous vu L’enfant-bulle, ce film où John Travolta ne pouvait vivre que dans un environnement stérile ? Ces bébés bulles, qui font des infections à répétition, souffrent de la forme la plus grave de déficit immunitaire et le seul moyen de tenter de les guérir est une greffe de moelle osseuse, sinon ils ne peuvent pas survivre plus d’un an. » Ces greffes, le docteur Haddad en pratiquait déjà en France, avant de découvrir le Québec en 2003. Et d’adorer : « Les espaces, la luminosité, la gentillesse… Et puis ici, il y a tellement plus de respect et d’autonomie : à chacun de construire son petit royaume ! » Son royaume à lui est complexe… Car les déficits souvent génétiques qui apparaissent pendant l’enfance peuvent s’avancer masqués : on a déjà répertorié 350 gènes qui peuvent être à l’origine de maladies très rares. Leur conséquence commune est la multiplication des infections, mais selon les failles de leur système, les enfants en font certaines et d’autres pas. Ou bien ils souffrent de maladies auto-immunes : déréglé, leur système immunitaire s’attaque tout seul… Ou bien ils font toutes sortes d’allergies. Ou bien ils développent des cancers. Pourquoi certains enfants font un cancer, et comment les guérir ? 46
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C’est ce qui obsède Élie Haddad qui poursuit sa traque sur des souris… humanisées... qui, comme les jeunes qu’il ausculte, ont un déficit immunitaire profond. Souris auxquelles il injecte, par exemple, des cellules cancéreuses de patient que ces souris ne peuvent pas rejeter.. « En mettant en quelque sorte de l’humain dans ces souris, nous comprenons mieux ce qui se passe et nous essayons – avec l’éthique de l’animal en tête, bien sûr – de nouveaux traitements qui permettront de guérir les enfants.» Outre sa vie professionnelle, Élie Haddad s’investit également dans la vie communautaire. Il fréquente Aleph et la Communauté Sépharade Unifiée du Québec et participe régulièrement au concert de collecte de fonds pour le Centre Segal des Arts et de la Scène, puisque le chant est une autre de ses passions. Cet amour de la médecine, le docteur Michaël Bensoussan le vit lui aussi dans sa pratique de gastroentérologue à Longueuil : « Je me considère béni parce que je fais partie de ces gens qui ont réalisé leur rêve d’enfant. » Natif de Strasbourg où son père était médecin généraliste, il a découvert sa passion pendant son internat à Reims. Puis a travaillé pendant dix ans à l’hôpital européen Georges-Pompidou de Paris, ville qu’il a copieusement… détestée. « À cause de la violence extrême qui y règne : sur la route, au Franprix, dans la queue au musée ou au cinéma. Je ne supportais plus cette compétition permanente qui rend tout le monde extrêmement tendu et agressif. Plus l’antisémitisme que je sentais monter… » L’affaire Merah lui a donné le reste en mars 2012. « Quand je me suis vu, moi le petit-fils de déporté, expliquer à mes enfants (il en avait trois, la quatrième est née depuis au Québec) qu’il y aurait une minute de silence à l’école parce qu’un monsieur avait tué des enfants juste parce qu’ils étaient juifs. Quand je les ai vus se mettre à pleurer parce qu’ils avaient peur, j’ai compris que la France, ma France, c’était terminé… » C’est grâce à un confrère niçois marié à une Québécoise que sur la mappemonde, le doigt de Michaël Bensoussan s’est posé sur Montréal. Mais en immigrant au Québec où, hormis un oncle, il ne connaissait personne, en ouvrant son cabinet à Longueuil et en démarrant sa pratique à l’hôpital Charles-Lemoyne, il n’imaginait pas que moins de deux ans après son arrivée, il deviendrait… la coqueluche des médias! « Une équipe de Télé-Québec a débarqué pour faire une série de télé-réalité sur la vie des médecins à l’hôpital. Et comme De garde 24/7 a connu un succès extraordinaire, ça m’a amené sur les plateaux de télé et de radio. J’ai été un peu dépassé par les évènements, mais j’ai essayé d’en faire quelque chose. » À l’instar de Michel Cymes, ce docteur juif adoré des écrans français, qu’il place haut dans son panthéon personnel : « Voilà un médecin qui se sert de sa notoriété pour délivrer des messages de santé publique qui ont de l’allure. »
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Comme bien des Français qui débarquent à Montréal, c’est spontanément sur le Plateau Mont-Royal que Michaël Bensoussan s’est installé avec sa famille, et ses enfants vont à l’école publique du quartier. Même s’il vient d’une famille orthodoxe originaire d’Agadir, même si son grand-père était rabbin, il n’a pas immigré ici, « communautarisme » en tête : « Je viens de Strasbourg, de Paris, où tout le monde vit de manière mixée. Sans pour autant vivre dans l’athéisme, ce n’est pas en tant que Juif que je suis venu ici – m’installant donc nécessairement dans un quartier juif. »
« Je me considère béni parce que je fais partie de ces gens qui ont réalisé leur rêve d’enfant. »
Bien sûr, à l’approche de la bar-mitzvah, (cérémonie de majorité religieuse pour les garçons de 13 ans) de son aîné, le gastroentérologue vient d’être rattrapé : il lui fallait quand même se raccrocher à une communauté! Et c’est Emanu-El-Beth Sholom, le temple libéral de Westmount qui a su le prendre dans ses bras. « Au début j’y suis un peu allé à reculons : une femme rabbin, une communauté (kahal) mélangée… » Pourtant, lui dont l’épouse n’est pas juive, dont les enfants ont été élevés entre deux cultures, lui qui a voulu garder ses attaches profondes, s’y est totalement retrouvé : « Je crois qu’il y a beaucoup de Juifs comme moi que la communauté libérale d’Amérique du Nord est en train de rattraper. »
Dr Élie Haddad
Dr Michaël Bensoussan
Et maintenant, notre mini-questionnaire de Proust à la sauce juive et sépharade. Parmi tous les textes de la littérature juive, de la Bible en passant par le Talmud jusqu’aux auteurs contemporains (Albert Cohen, Philippe Roth, Bob Dylan par exemple), quel est celui qui vous inspire et pour quelle raison ? E. H. : Moi qui suis d’origine tunisienne, c’est pourtant de la littérature ashkénaze qui me vient à l’esprit : les légendes du Baal Chem Tov, l’œuvre d’Isaac Bashevis Singer ou de Chaïm Potok. Je fais partie de cette génération qui est venue repeupler la France de Juifs : les Ashkénazes ont été massacrés et nous, en Europe, nous avons grandi dans l’éducation de la Shoah. J’ai toujours été très touché par l’art, la musique, l’intellectualisme ashkénazes, sans doute parce que les Sépharades n’ont pas assez eu la fierté de leur culture. Heureusement ça change, avec par exemple des gens comme Denis Cohen-Tannoudji . M. B. : J’ai été bouleversé par le Journal d’Anne Franck, on devrait en rendre la lecture obligatoire à tous les enfants pour qu’ils n’oublient jamais que la haine ancestrale du Juif existe. D’autant plus que les conspirationnistes sont en train de convaincre le monde entier que les Juifs ont fait semblant et que les derniers témoins sont en train de mourir… Quant aux textes qui m’inspirent, ce sont les œuvres de Primo Lévi. La personnalité du monde juif, tous siècles confondus, qui vous a le plus marqué ? E. H. : Côté scientifique : Einstein, bien sûr. Mais avant tout, le Baal Chem Tov, le fondateur du hassidisme, parce qu’il a été spirituellement révolutionnaire. Sa façon si intense d’aimer Dieu dans la joie me transporte. M. B. : Albert Einstein : parce que c’est un émigré qui s’est réfugié aux États-Unis avec sa famille et y a fait sa place par son intelligence. C’est le plus grand savant de tous les temps. Oui, on doit en être fiers : le peuple juif est jalonné d’intelligences et de prix Nobel.
Y a-t-il une citation de la culture juive qui vous viendrait à l’esprit ? E. H. : Non, je me suis nourri à la culture française et américaine. Alors je pense à celles du Petit Prince de Saint-Exupery ou des livres de Richard Bach – Jonathan Livingston le goéland ou Le Messie récalcitrant. M. B. : Une citation en yiddish de ma grand-mère maternelle : « Mieux vaut manger un rôti que mourir de faim ». Je la trouve drôle et révélatrice de ces autres traits du peuple juif : l’humour, le bon sens, la dérision. Et ça, c’est mon côté ashkénaze. Quelle est la fête juive qui vous touche particulièrement ? E. H. : Kippour, le message en est tellement profond. C’est un acte d’humilité majeur, la capacité de reconnaître qu’on n’est pas infaillible – et pour un scientifique, c’est important. Pour moi, ce message du Pardon est le plus fort de la religion juive. M. B. : Kippour, parce que sa finalité, c’est l’introspection, l’occasion de s’arrêter dans sa vie parfois trépidante et de réfléchir à ce qu’on a dit, ce qu’on a fait, à pourquoi on est là. Un moment mystique, un temps suspendu. Quel est le trait de la culture sépharade que vous mettriez de l’avant ? E. H. : La joie pure, l’esprit de famille, le sens de la fête. Chez les ashkénazes, même dans la joie on sent la tristesse. Mais j’aime les deux… M. B. : C’est la fête ! C’est ce qui m’a toujours un peu distancé du rite ashkénaze qui est strict et rigoureux, parfois même triste. Jusque dans la gastronomie. Justement, après les nourritures spirituelles, les nourritures terrestres… Quel est votre plat préféré dans la cuisine juive ? E. H. : On se souvient toujours de la cuisine de sa mère… Oui, c’est le bon couscous-boulettes tunisien, bien plus sophistiqué que pas mal d’autres. M. B. : La dafina, la fête aux féculents, c’est ma madeleine de Proust ! Et la meilleure cuisinière du monde, c’était ma grand-mère marocaine qui aurait pu ouvrir quatre restaurants. MAGAZINE LVS
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CULTURE SÉPHARADE
Journées de réflexion sur l’avenir du monde sépharade au Centre Mondial du Judaïsme d’Afrique du Nord - David Amar à Jérusalem
David bensoussan
Entrevue avec David Bensoussan par Sonia Sarah Lipsyc À l’initiative de Daniel Amar (Suisse) et de la Communauté Sépharade Unifiée du Québec (CSUQ), sous l’égide de David Bensoussan et avec la collaboration du Dr Sonia Sarah Lipsyc, s’est réunie, à la mi-novembre, durant deux journées, une trentaine de personnes afin de réfléchir sur l’héritage et la transmission du monde sépharade sous ses différents versants. La délégation canadienne était également composée de Henri Elbaz, président de la CSUQ, William Déry, ancien président de la CSUQ, Moise Amsellem, président de la Fédération Sépharade du Canada, Yolande Cohen, professeure à l’UQAM et Karen Aflalo, ancienne présidente du programme de Formation de cadres de la CSUQ. David Bensoussan nous transmet ci-dessous l’essentiel de ce groupe international de réflexion en répondant aux questions de Sonia Sarah Lipsyc.
Quel fut le but de la rencontre à Jérusalem? Durant le Festival Séfarad 2016 et peu avant la soirée d’hommage à feu David Amar (1920-2000), son fils Daniel Amar et le président de la CSUQ, Henri Elbaz s’entendirent sur le besoin du judaïsme nord-africain de faire le point sur la préservation de son patrimoine. Ainsi est née l’idée de rassembler un échantillon d’artistes, de penseurs et de communautaires pour faire part des problèmes vécus et des solutions apportées au sein de la diaspora des Juifs d’Afrique du Nord. Plus précisément, le but de ce remue-méninges a été de jeter les bases de la mise en place d’un réseau mondial d'institutions, de communautés, de personnes dans le but de préserver et promouvoir le judaïsme nord-africain, de transmettre un héritage, un patrimoine aux jeunes générations, de servir de véhicule privilégié pour la formation des cadres et de développer une vision du futur des institutions sépharades. En effet, nous vivons dans un moment charnière : après la génération de l’émigration de l’Afrique du Nord, celle qui suivit a priorisé l’installation dans les pays d’accueil. La génération suivante a hérité d’une culture qui a connu de nombreuses révolutions en un temps relativement court : mutation linguistique, transition à l’ère technologique, nationalisme dans les pays d’origine, sionisme, émigration et adaptation à la révolution des mœurs des baby-boomers. D’où le besoin de cohérence identitaire. Aussi avons-nous cherché à définir des axes d’intervention prioritaires dans les domaines qui se rapportent à notre patrimoine. Comment vous êtes-vous organisés afin que ces rencontres ayant réuni une trentaine de personnes d’Israël, du Maroc, d’Espagne, de France, de Belgique, du Canada et des É.-U. soient porteuses de sens et efficaces ? Nous avons d’abord demandé aux participants de nous envoyer un texte précisant leur analyse de l’état des lieux du monde sépharade, leurs priorités et leurs préconisations. Tous ces textes ont été distribués à l’avance et rassemblés dans un livret. Nous avons ensuite défini six axes : Histoire et documentation, la dimension culturelle et éducative, Identité et réalité sociale, Organismes communautaires, la dimension spirituelle et la future génération.
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Pour chacun de ces axes qui ont été discutés en assemblée plénière, en guise d’introduction, un intervenant résumait les diverses réflexions présentes dans les textes. Celles-ci étaient ensuite débattues durant plus d’une heure. Un autre intervenant avait pour mission de présenter la synthèse de ces débats le lendemain; la deuxième journée étant consacrée aux propositions et préconisations. Daniel Amar et certains membres de sa famille ont assisté à l’intégralité de ces deux journées au cours desquelles des personnalités sont venues nous saluer comme Nir Bakat, le maire de Jérusalem et Yuli Edelstein, le président de la Knesset. Qu’en est-il du patrimoine historique? Le besoin de faire un état des lieux a été exprimé : les sources inédites et non répertoriées du judaïsme nord-africain sont multiples : des milliers de manuscrits sont gardés dans des collections privées ou familiales ainsi que dans les genizoth1 dans les pays d’origine. On peut noter un rapprochement avec les centres d’archives en Afrique du Nord et plus particulièrement au Maroc. Un projet de numérisation de ces archives serait utile pour faire accéder le patrimoine à un plus grand nombre. Il serait opportun d’encourager la recherche universitaire avec des revues spécialisées, des chaires et des bourses de recherche, et notamment poursuivre les travaux du professeur Moshé Amar qui a déchiffré et analysé des dizaines de manuscrits en langue judéo-arabe. Il faut également penser à adapter les nouvelles technologies à l’enseignement de l’histoire en créant un musée virtuel dans lequel les références historiques seront répertoriées : les sites de l’Alliance israélite universelle, et de l’institut Yad Ben Zvi à Jérusalem ou de Paul Dahan (Bruxelles) sont riches en information2, mais il y a tout autant d’autres informations qui ne sont pas encore répertoriées. Le besoin d’un ouvrage d’Histoire des Juifs d’Afrique du Nord qui soit abordable aux jeunes écoliers et au grand public est apparu comme essentiel. Il faut réussir à passer au-delà de la fragmentation identitaire en raison de l’expérience communautaire différente dans les pays d’immigration et développer un narratif identitaire commun. Qu’en est-il de la dimension religieuse? La tradition sépharade est ouverte et tolérante. Elle préserve le judaïsme
CULTURE SÉPHARADE même si l’on n’est pas pratiquant. Par le passé, les écoles de l’Alliance israélite universelle ont mis à l’avant la culture française tout en séparant artificiellement, dans un premier temps en tout cas, judaïsme et nationalisme avant de mieux intégrer les études juives dans son cursus. En outre, il y a eu au cours des dernières décennies un certain exode spirituel vers le paradigme du judaïsme ashkénaze à la fois hassidique et non hassidique (groupes hassidiques Habad et Braslev dans lequel il y a peu de place à la représentation sépharade ou vers le parti ultra-orthodoxe du Shass ou d’autres yeshivot-écoles talmudiques de type lithuanien3. L’orthodoxie ashkénaze que certains qualifient de figée a pris les rênes de commande du judaïsme en le dépouillant de sa dimension multidisciplinaire, et sans doute aussi de sa tradition de modération d’autant plus qu’il y a eu un certain déficit organisationnel dans le monde sépharade. Des manifestations populaires tout comme les hillouloth (pèlerinages sur la tombe des saints ou de rabbins le jour anniversaire de leur mort) ou la mimouna (coutume marocaine le premier soir de sortie de la fête de Pessah) ont folklorisé le judaïsme sépharade au détriment de son patrimoine littéraire et philosophique. Il faut donc encourager l’éducation laïque d’une part et le discours de nos rabbins dans le contexte de la modernité, développer une formation rabbinique sépharade ou mettre en valeur celles qui existent déjà et qui poursuivent la tradition d’ouverture et de modération. Bien des remarques ont été faites sur le besoin de représentation des femmes dans divers domaines et l’accent à mettre sur l’éthique du judaïsme. Qu’en est-il des institutions sépharades ? Il existe un très grand nombre d’organisations en Israël même (Fédération sépharade, Brit Yots’é Maroko, Fédération mondiale des Juifs marocains, etc.). La centralité d’Israël a fait perdre une certaine autonomie des communautés de la diaspora dont les besoins sont parfois différents. En outre, la nouvelle génération a plus de difficultés à trouver des points d’attache avec les réalisations de la génération des parents; celles-ci n’ont pas eu l’écho qu’elles devraient avoir au sein de la nouvelle génération. En dehors d’Israël, un grand nombre d’institutions juives sont animées par les Juifs d’Afrique du Nord, mais il n’en demeure pas moins que les institutions sépharades souffrent de précarité financière, survivant au jour le jour sans toujours pouvoir élaborer une planification à long terme qui soit optimale. Y a-t-il une dimension israélienne particulière ? Lors des premières années de l’État d’Israël, le leadership sépharade a été nié par l’establishment ashkénaze de gauche; longtemps durant, la culture de la masse prolétarisée des Sépharades a été
dédaignée. Les révoltes successives de Wadi Salib, des Panthères noires, des partis politiques de Tami et du Shass ont exposé la réalité du « Second Israël ». C’est durant le mandat du Premier ministre Begin que la valorisation du patrimoine sépharade a constitué une valeur culturelle et identitaire nationale. Chez les Sépharades, après la période première du sentiment de dénigrement vint celle de l’acceptation de soi, puis de l’affirmation de la fierté identitaire. Aujourd’hui, la popularité de la musique andalouse, des piyoutim (poème liturgique) et de la littérature de qualité des Juifs d‘Afrique du Nord dans l’ensemble de la société israélienne ouvre des horizons optimistes. La commission gouvernementale Erez Bitton a décidé d’enrichir le curriculum éducatif israélien du patrimoine juif sépharade4. Et la jeune génération ? Il est essentiel que la transmission des valeurs éthiques du judaïsme dépasse la dimension folklorique. L’expérience culturelle des Juifs d’Afrique du Nord (littérature, pityoutim, arts, etc.) doit être stimulée parmi nos jeunes. Une place de choix devrait être faite aux outils informatiques et aux réseaux sociaux qui sont les véhicules de communication du XXIe siècle. Il est nécessaire de répertorier des textes d’étude popularisés et d’organiser des séminaires, des colloques, des expositions ambulantes, des chabatons (chabbats organisés), des rencontres périodiques et des voyages dans les pays d’origine des Sépharades. On pourrait même penser à la formation de guides. Par ailleurs, nous devons tout faire pour encourager la créativité de nos artistes et jeunes chercheurs au moyen de bourses, de prix annuels, de concours imaginatifs et de rencontres d’échanges. Et l’avenir ? Nous sommes tous mus par Ahavat Israel, l’amour d’Israël. Notre agenda est très ambitieux. Tout comme le précisa le rabbin Amram Amselem de Miami, « Tafasta méroubé, lo tafasta » : à vouloir embrasser trop d’objectifs, on ne parvient à rien. Il faut donc prioriser nos actions, à commencer par la mise en place d’une plateforme d’échanges en vue de préserver, promouvoir et diffuser notre patrimoine identitaire, notre histoire et notre héritage. Cette plateforme virtuelle desservira la revitalisation communautaire et pourra servir de tremplin pour initier des actions communes en profitant des expertises de tout un chacun, en abordant de nouveaux projets à la mesure des moyens dont nous disposons et en comptant sur le capital de bonne volonté. Cette bonne volonté était sensible lors de la rencontre à Jérusalem et nous devons maintenir ce dynamisme pour faire avancer notre agenda.
1 Salle généralement attenante d’une synagogue où sont entreposés des Rouleaux
William Dery, Josabeth Amar, Sonia Sarah Lipsyc, Peggy Cidor, Henri Elbaz, Daniel Amar, David Bensoussan, Yolande Cohen et Moïse Amsellem : de gauche à droite.
de la Torah usagés ou d’autres documents de la vie communautaire, qui portant le nom de Dieu ne peuvent être jetés, mais uniquement entreposés ou enterrés. 2 Voir respectivement les sites : http://www.ybz.org.il/?CategoryID=278 et http://www.judaisme-marocain.org/ 3 Voir « Pourquoi beaucoup de sépharades sont-ils devenus des hassidim », entretien avec Armand Abecassis par Elias Levy, LVS, Sept 2015, http://lvsmagazine.com/2015/09/pourquoi-beaucoup-de-sepharades-sont-ils-de venus-des-hassidim/ 4 Voir Peggy Cidor, « Introduire la culture sépharade dans les écoles israéliennes », LVS, avril 2017 : http://lvsmagazine.com/2017/04/introduire-la-culture-sepharadedans-les-ecoles-israeliennes/
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CULTURE JUIVE ET ISRAÉLIENNE
Samuel Bonnet et l’ensemble Tessala : un voyage musical captivant Par Annie Ousset-Krief
La musique aux accents moyen-orientaux résonne dans le temple Emanu-El Beth Shalom de Westmount. Sons inhabituels dans cette synagogue réformée, de culte ashkénaze. Mais en ce soir de Shabbat Shira, c’est Samuel Bonnet et l’ensemble Tessala qui accompagnent les prières. Le musicien et compositeur franco-israélien, aujourd’hui résident québécois, nous fait découvrir une nouvelle facette de son talent. Samuel Bonnet a reçu une formation de guitariste classique, il continue d’ailleurs à enseigner la guitare dans plusieurs écoles de Montréal, notamment à l’école de musique Vincent d’Indy. Il a été attiré par le jazz très tôt dans son adolescence – plus de liberté dans la composition, plus d’improvisation... Il a à son actif trois albums. Le premier, Tambora, produit en 2012, comporte quelques compositions personnelles, mais consiste essentiellement en arrangements de pièces classiques. En 2014, il sort un deuxième album intitulé DiaspoRapsodie, avec des musiciens new-yorkais de renom, dont le trompettiste Joe Magnarelli. Cette même année, il forme le Samuel Bonnet Quartet et donne quelques concerts aux États-Unis. La formation sera sélectionnée pour le Grand Prix Jazz TD du festival international de jazz de Montréal en 2016. Deux tournées en Israël, en 2014 et 2015, lui permettent des rencontres avec des compositeurs israéliens. Il revient avec le projet d’interpréter certaines pièces contemporaines en guitare solo : ce sera son troisième album, intitulé Israeli Music for Guitar (2015). Son prochain album, « Oriental Blue », sera produit à Paris en mars 2018. Dix compositions originales, dans une alliance de jazz et de musique classique, avec des notes moyen-orientales et méditerranéennes, en duo avec le saxophoniste français Mathias Wallerand. Dans cette profusion de créativité, Samuel Bonnet travaille maintenant sur les musiques traditionnelles juives sépharade et klezmer, mais aussi sur le répertoire de musique arabo-andalouse. Car il est passionné par la rencontre des cultures et le mélange des genres musicaux. Il a emmené dans cette entreprise deux musiciens : Nathaniel Huard, percussionniste féru de musique orientale, et Khalil Moqadem, à l’oud. Ainsi est né il y a un an et demi le groupe Tessala. Les styles musicaux se juxtaposent et s’imbriquent les uns aux autres, formant une mosaïque unique des plus réussies. Ils se sont d’ailleurs produits au Festival Sefarad de Montréal, l’hiver dernier dans le cadre de la soirée « Quand ladino rime avec latino ». Samuel Bonnet nous convie à un voyage musical poétique captivant par sa richesse et son harmonie. Musicien talentueux, créateur prolifique, éclectique, enthousiaste et passionné, Samuel Bonnet refuse de se laisser enfermer dans une catégorie. Il multiplie les performances, travaille sans relâche sur tous les genres de musique. Souhaitons-lui un grand succès dans ses projets !
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Samuel Bonnet...
... et l'ensemble Tessala
CULTURE JUIVE ET ISRAÉLIENNE
Daniel Benlolo, un hazzan, chantre engagé Par Annie Ousset-Krief
« La hazzanout, l’art du chant des prières dans la synagogue, n’est qu’une partie de sa vie, sa passion pour la musique alliée à son désir d’aider l’Autre l’ont conduit à créer des chorales, chanter dans des hôpitaux et maisons de retraite… » Il a un parcours d’une richesse remarquable, mais a gardé une simplicité chaleureuse : Daniel Benlolo, le nouveau hazzan de la congrégation Shaare Tsedek, à Côte-Saint-Luc (Montréal) partage ses expériences et ses projets multiples avec un enthousiasme communicatif. Né à Casablanca, il a grandi à Montréal où sa famille s’est installée en novembre 1970 et a embrassé la carrière de hazzan à l’âge de 17 ans, à la Spanish and Portuguese Synagogue, où il officia pendant huit ans. Son maître et mentor ne fut autre que le grand musicien et chanteur Salomon Amsallag – plus connu sous le nom de Samy El Maghribi (1922-2008). Remarqué par son talent, il obtint une bourse pour étudier pendant deux ans à la Belz School of Jewish Music, institution affiliée à la Yeshiva University de New York. Il reçut une formation dans les liturgies sépharade, ashkénaze, yéménite, syrienne… Devenu hazzan en résidence, il chantera dans de nombreux pays. Cette période nourrira son amour pour la diversité à l’intérieur de chaque branche du Judaïsme et son désir de bâtir des ponts entre les différents groupes. Revenu au Canada en 1993, il rejoindra la synagogue Beth Shalom (aujourd’hui Kehilla Beth Israel) à Ottawa, une congrégation presque entièrement ashkénaze. Il y restera 23 ans, bâtissant ainsi une structure communautaire solide, ouverte sur les autres rites et cultures. Car Daniel Benlolo va œuvrer sans relâche pour le rapprochement entre la communauté juive et les autres communautés religieuses. Concerts, rencontres, ont réuni Juifs, musulmans et chrétiens tout au long des années. Il fut d’ailleurs nommé à la Table ronde transculturelle sur la sécurité (TRTS), un organisme fédéral qui sert de lien entre les diverses collectivités canadiennes et le gouvernement. La hazzanout, l’art du chant des prières dans la synagogue, n’est qu’une partie de sa vie, sa passion pour la musique alliée à son désir d’aider l’Autre l’ont conduit à créer des chorales, chanter dans des hôpitaux et maisons de retraite… L’une des réalisations dont il est le plus fier est la fondation de la chorale Tamir Neshama,
une chorale constituée d’adultes souffrant de déficiences intellectuelles, qu’il a amenés, par la musique, à des accomplissements exceptionnels. Il est également éducateur et conseiller en matière judaïque. Ses activités au service de la communauté ont été récompensées par de multiples prix, notamment le prix de bâtisseur communautaire de Centraide Ottawa en 2004, le prix du Gouverneur général du Canada pour l’Entraide en 2013, la Médaille du Souverain pour les Bénévoles en 2016 et le prix de bâtisseur de la Ville décerné par le Maire d’Ottawa en novembre 2017. Depuis sa prise de fonction à la congrégation Shaare Tsedek en août 2017, il a pris la direction de la chorale Kinor de la communauté sépharade de Montréal, et a parmi ses projets, la création d’une école de payetanim, poèmes et chants liturgiques pour préserver le patrimoine juif marocain auquel il est tant attaché. Hazzan de talent, homme engagé, Daniel Benlolo est un véritable bâtisseur, œuvrant inlassablement au renforcement et au rayonnement de sa communauté.
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JUDAÏSME
La Haggadah de Pessah de Mogador Entretien avec Moché Cohen par Sonia Sarah Lipsyc Né à Mogador (Essaouira) au Maroc, Moché Cohen, enseignant, a fait une partie de ses études à Strasbourg avant de partir vivre en Israël. Il est le fondateur et l’administrateur de Tanou Rabbanan - Centre de documentation sur le judaïsme marocain. Ce centre a pour but la formation à la transcription des textes anciens, la constitution d’un centre de documentation et de recherche, la sauvegarde de manuscrits par numérisation, ainsi que l’édition et la diffusion de ces œuvres du judaïsme marocain qui constituent la richesse d’un pan entier du judaïsme1. Vous avez publié l'année dernière une très belle Haggadah de Pessah2 de Mogador, qu'a-t-elle de spécifique ? La ville de Mogador avait toutes les qualités requises pour faire naître une Haggadah de Pessah de qualité, au même titre que la Haggadah connue de Frankfort, de Sarajevo ou d’Amsterdam, avec illustrations, enluminures et commentaires. Mogador a vu naître des rabbins lettrés, poètes et artistes et tous les ingrédients étaient réunis pour mettre en valeur toute la richesse souvent méconnue de ce patrimoine. Aujourd’hui, avec l’institut Tanou Rabbanan (littéralement « nos maîtres ont enseigné »), nous avons réparé cette injustice en éditant cette œuvre. Mogador possède enfin sa Haggadah où nous avons mis l’accent sur les couleurs, le style graphique pour reproduire un peu de l’atmosphère d’antan chère aux ressortissants du Maroc en général, et à Mogador en particulier; les enluminures proviennent de manuscrits, d’ornements ou autres ketoubot (actes de mariage) réalisés par des rabbins artistes natifs de Mogador ou y ayant vécu une partie de leurs vies, tout comme les extraits des commentaires que nous avons choisis et adaptés pour cette édition. Il s’agit des extraits des œuvres du Lehem Oni de Rabbi Raphaël Hassan, 1784, de Rouah Yaacov de rabbi Yaacov Benchabat, 1881, de Brith Avot de rabbi Abraham Coriat, 1862, de Zebah Pessah et Yeffe Enaym de Rabbi Yossef Knao, 1875 et 1899 et de Chear Yerakot de Rabbi David Sebag, 1943. Avez-vous trouvé aisément ces commentaires ou cela vous a-t-il demandé une recherche particulière ? Oui, ce sont des ouvrages assez rares comme le livre Lehem Oni3 imprimé à Londres en 1784, dont il ne reste plus que deux exemplaires, un se trouvant à la Bibliothèque Nationale de Jérusalem et l'autre ayant été vendu aux enchères. Pour les autres ouvrages, ils ont été imprimés à Livourne (Italie) et au Maroc en petite quantité. On trouve encore des exemplaires chez certaines familles. Le travail le plus difficile n'étant pas de trouver les livres, mais de travailler sur ces textes écrits à l’origine pour un public d’érudits. Pour être accessible au plus grand nombre, nous les avons retravaillés et simplifiés. Cette Hagaddah compilée par vos soins est une édition de l'Institut Tanou Rabbanan. Pouvez- vous nous en dire plus sur ce centre ? L’institut Tanou Rabbanan se consacre depuis de nombreuses années à la préservation de manuscrits juifs provenant des communautés juives disparues d’Afrique du Nord, et nous savons que le pourcentage des manuscrits imprimés est minime! Ainsi à ce jour, des milliers de manuscrits de tout type « dorment » dans des institutions,
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Haggadah de Pessah de Mogador
des bibliothèques et chez des collectionneurs à travers le monde. Au regard de ce triste constat et avec les encouragements du Grand Rabbin d’Israël, Shlomo Amar, nous avons décidé de créer une structure qui se consacre au sauvetage des écrits des grands Maîtres d’Afrique du Nord, c’est ainsi qu’est né l’institut Tanou Rabbanan à Paris, mais dont l’activité est centrée à Jérusalem. Nous avons, depuis ces neuf années passées, tissé un réseau de connaissances avec des bibliothèques et des collectionneurs du monde entier chez lesquels nous découvrons toutes sortes d’ouvrages et de documents anciens, dont l’importance et la richesse sont bien souvent ignorées de leur propre propriétaire. Au fil des recherches, nous entrons également en contact avec les descendants de certains grands rabbins, qui possèdent encore des ouvrages de leurs ancêtres, et qui, bien souvent, n’ont pas du tout conscience de détenir de véritables trésors. Une fois les manuscrits localisés, il s’agit de préserver leur contenu; l’institut Tanou Rabbanan s’attache à numériser en haute définition ces documents ou parfois, il se porte acquéreur des manuscrits ou de bibliothèques entières afin d’empêcher que cet héritage soit voué à l’éparpillement et à la perte. Ce travail a permis d’accumuler une très importante base de données, unique en son genre. Cependant, bien que parfaitement numérisée et sauvegardée, une grande majorité des manuscrits et des documents restent en l’état, car la connaissance de la lecture de l’écriture cursive séfarade n’est plus transmise depuis l’avènement de l’ère moderne en terre d’islam. De fait, cette écriture n’est accessible qu’à une communauté restreinte, avoisinant la centaine de personnes dans le monde et qui est appelée à disparaître. C’est face à ce constat qu’est née l’idée de la conception d’un module de formation unique dont l’objectif est d’augmenter le nombre de personnes ayant accès à cette écriture cursive sépharade et donc à ce patrimoine millénaire. En sachant déchiffrer et retranscrire ces textes anciens, ces personnes œuvreront ainsi à la connaissance de cette culture littéraire jusqu’ici encore inaccessible à la plupart et au renouveau de sa diffusion.
1 Voir http://www.tanou-rabbanan.com 2 Ouvrage qui contient le récit de la sortie d’Égypte
Moché Cohen
des Hébreux et que l’on lit et commente au cours du séder c’est-à-dire le premier soir de la fête de Pessah (Pâque). 3 Ce livre a été réimprimé de nouveau grâce aux efforts de M. Raphael Kalifa Cohen.
DÉCOUVRIR LES bénévoles, professionnels et constituantes de la CSUQ
Vie communautaire
Toby Benlolo,
multiplier son temps au service des autres Par Martine Schiefer
Probablement née sous l’étoile de la générosité et du don de soi, c’est une toute jeune femme titulaire d’un DEC en sciences de la santé, d’un baccalauréat en commerce et d’un DIA (Diplôme de 2e cycle en administration institutionnelle) qui entre au service de la communauté en 1986. Engagée à titre d’assistante administrative à la CSQ (entité d’origine de la CSUQ), Toby Benlolo occupe maintenant et déjà depuis plusieurs années le poste de directrice de l’administration. Adepte fervente des activités communautaires, elle déclare sans hésitation : « Je suis fière de toutes les activités et les œuvres de la CSUQ, surtout celles qui touchent les personnes vulnérables et les enfants. » Mais cette professionnelle infatigable ne se limite pas aux activités de la CSUQ et pratique le bénévolat à grande échelle. Elle est engagée dans des institutions offrant des services aux personnes handicapées comme les résidences de la Maison Shalom, et du centre de réhabilitation Miriam Home. Lauréate de nombreux prix, elle a notamment reçu en septembre 2013 le Prix de L’Employée Exceptionnelle de la Fédération CJA en reconnaissance de son professionnalisme
exemplaire au sein de la communauté juive de Montréal et quelques mois plus tôt en juin le Prix de la Reconnaissance communautaire, un prix décerné par la CSUQ à une personne, bénévole ou employé de la CSUQ pour services rendus durant plusieurs années, pour son engagement et son dévouement au service des membres de la communauté. Ses réalisations les plus grandes et les plus passionnantes demeurent sans aucun doute et avant tout sa famille, son époux Émile Z’’L (2010) et ses cinq enfants, quatre garçons et une fille, dont elle est très fière. C’est aussi avec une grande détermination qu’elle consacre énergie et passion à son fils Joshua, non voyant, qui chante en tant que soliste lors d’événements de collecte de fonds où il touche indiscutablement le cœur des personnes qui l’écoutent. Après plus de 30 ans de carrière communautaire, Toby demeure cette femme discrète qui apporte son aide « dans les coulisses » et est heureuse d’assurer la réussite financière et communautaire de l’organisme et de favoriser son rayonnement.
Élodie Borel,
du talent à revendre et une patience à toute épreuve ! Par Martine Schiefer
Originaire du sud de la France, Élodie Borel travaille à la CSUQ depuis plus d’un an. Après des études littéraires, elle, qui dessine depuis l’enfance, entre à l’Atelier de Conti, une école privée de graphisme et d’illustrations très réputée d’Aix-en-Provence où elle étudie pendant quatre ans et obtient son diplôme de Graphiste-illustratrice en 2010 avec mention excellence. Diplômée, elle exerce avec plaisir et succès en France. Mais curieuse de s’enrichir d’autres expériences, l’air du large la tente et c’est à Montréal qu’elle décide de s’installer il y a près de deux ans même si elle n’y connaît personne. C'est au sein de la CSUQ qu'elle mettra son talent au service de la communauté et à l’épreuve… de bien des projets ! À commencer par la mise en page complète des trois numéros annuels du magazine LVS. Page couverture thématisée, plus d’une soixantaine de pages à monter, calibrer, illustrer, etc... Le quotidien d’une graphiste, mais grâce à
sa créativité, son endurance et sa patience, vous pouvez lire un magazine qui met en valeur le contenu et qui est aussi intéressant que beau à regarder; ce qui lui a permis de remporter en 2017 le prix « Meilleure conception graphique magazine » décerné par l’AMECQ (Association des médias écrits communautaires du Québec). Outre le LVS, elle compose et illustre aussi avec brio la plupart des documents des activités de la CSUQ qu’il vous arrive sans doute de voir comme les brochures du programme du Festival Sefarad, du Festival du Film israélien de Montréal ainsi que le Golfswing. Concernant son poste à la CSUQ, elle aime tout particulièrement la liberté et la confiance que l’équipe lui accorde, et ce, depuis le premier jour. Comme elle le dit si bien : « Le graphisme, c’est une partie importante de ma vie. J’aime mon métier et j’ai la chance de me lever tous les matins avec l’envie de travailler tout simplement parce que moi je ne travaille pas, je m’éclate ! »
Toute l'équipe de la CSUQ se fait un plaisir d'être à vos côtés, tous les jours, en tout temps.
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DÉPARTEMENT JEUNESSE
Vie communautaire
Du 25 décembre au 1er janvier dernier, plus de 150 participants dont 100 jeunes et 50 animateurs bénévoles et professionnels ont profité d'une semaine d'activités ahurissantes pendant les vacances d'hiver au nord au Camp B'nai Brith à Sainte-Agathe. Le camp Kif Kef n'a pas de pareil l'ambiance, les soirées, les activités, les staffs ! Chaque année le camp propose des activités originales qui passionnent les jeunes - son et lumière, effets spéciaux, technologie de pointe, musique. La sortie en traîneau à chiens était particulièrement bien appréciée du groupe des Kadimadrichs. De plus, une chasse au trésor a été organisée dans le village touristique du Mont-tremblant. Tous les soirs, les jeunes de 8 à 16 ans ont été comblés par des activités conçues en fonction de chaque groupe d'âge. L'implication des Shinshinim, venus d'Israël, a apporté une ambiance unique au camp. Le camp Kif Kef, fidèle à ses traditions, a fait vivre à tous ses participants un Chabat mémorable. En journée, les jeunes n'ont pas arrêté grâce aux activités préparées par les animateurs, lesquelles se sont terminées au bout de la semaine avec l'apogée : les Maccabiades.
DÉPARTEMENT JEUNESSE
LA MEILLEURE SEMAINE DE MA VIE ! « Mon fils Shimon a adoré sa première expérience au camp kif kef. Il dit avoir passé la meilleure semaine de sa vie! Le staff, les campeurs, les activités, tout était incroyable. Des souvenirs pour la vie! Il aurait aimé qu’il y ait encore le camp pendant la semaine de relâche et en été. La seule chose dont il s’est plaint c’est que ça soit passé trop vite ! »
Vanessa Suissa MERCI ET BRAVO ! « En tant que parents de 3 enfants, Olivia 15 ans, Léa 12 ans et Ness 10 ans, l'expérience était pour les trois excellente... Les trois sont revenus enchantés, ayant voulu que la durée soit un peu plus longue. Ils ont déjà hâte à l'an prochain. Merci à toute l'équipe et à l'an prochain BH ! »
Esther et David Bouzaglo
MERCI ET BRAVO ! « Ma fille a participé pour la première fois à Kif Kef. Les activités malgré le froid, les soirées animées, le shabbat, les moniteurs lui ont apporté tellement de joies et de plaisirs ! Merci et bravo. »
! ubliable
Ino
Sandrine Fhima-Ruimy
Infos, photos et inscription
www.camp-kifkef.com
TELLEMENT DE JOIE ET DE PLAISIR ! « Mes enfants ont participé pour la première fois au Camp Kif Kef. C’était leur première expérience d’un camp de nuit. Les moniteurs ont fait de leur expérience un moment inoubliable. Ils se sont fait de nouveaux amis et ont eu des moments tellement amusants qu’ils en parlent encore. Leur partie préférée était les jeux de Maccabiades ! Ils ont hâte d'y retourner l'année prochaine ! »
Natalie Bohbot
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F 20
KE KIF 54
Pour toute information: 514 733.4998 poste 8135 ou 3183
DÉPARTEMENT JEUNESSE
Vie communautaire
u a e v u No rd ! reco de
Plus ts fan n e 0 9 ur ! o j r a p
Du 19 au 23 février dernier, plus de 90 jeunes ont passé une semaine d’activités incroyables.
PLACES LIMITÉES
Toutes les photos sur
semaine-relache.com
5 jours de sorties exaltantes en profitant des joies de l’hiver :
• Mégamaze : Immense labyrinthe de plus de 7 000 pieds carrés divisé sur 3 étages • Glissades sur tubes aux Glissades des Pays d’en Haut à Piedmont • Clip n’ Climb : un centre d’escalade pour tous les niveaux • Parc Omega : Observation des animaux sauvages nord-américains à Montebello • Sportira Cage : Journée sportive intérieure
École de ski chÉleg CHÉleg Après plusieurs années d’absences, l’école de ski Chéleg fait son grand retour.
Du 14 janvier au 25 février dernier, les jeunes ont profité des plaisirs du ski pendant 7 dimanches à un coût abordable. Les enfants ont été pris en charge par les instructeurs certifiés de la station Ski Chantecler dans les Laurentides. Une expérience d’apprentissage agréable et valorisante, en ski ou en planche à neige. De plus, les accompagnateurs ont assuré une supervision complète des enfants dès qu’ils sont montés à bord de l’autobus le matin, jusqu’à leur retour.
Toutes les photos sur
À l'année prochaine !
inscriptions : www.csuq.org
www.cheleg.com Fondation CSUQ
d’une génération à l’autre en partenariat avec la
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Vie communautaire
DÉPARTEMENT JEUNESSE
promotion jusqu'au 30 avril 2018 Une foule de sorties et d’activités épatantes attendent les enfants de 5 à 13 ans. Au Camp Benyamin, votre enfant pourra profiter pleinement de ses vacances en compagnie de ses amis dans un cadre juif, agréable et stimulant.
Un fond a été créé à la mémoire de Nadav Cohen Z'L pour un accompagnement des enfants au Camp Benyamin ayant une limitation fonctionnelle afin qu'ils puissent participer au Camp Benyamin. Pour faire une demande d'accompagnement au Camp Benyamin veuillez contacter Eric Choukroun : 514-733-4998 poste 8135, ou pour faire un don : csuq.org/nadavcohen
CAM P
AVENTURES
Les activités comprennent entre autres : • Parc Aquatique Mont Saint-Sauveur ∙ • Zoo de Granby • Arbraska • Katag • Complexe Aquatique Jean-Drapeau • Plages • Activités nautiques • Super Aqua Club • La Ronde
Infos, photos et inscription
www.camp-benyamin.com *Prix subventionné / Afin de bénéficier de ce tarif, le paiement doit être effectué au moment de l'inscription.
Nouveau au Camp Benyamin pour les 12-14 ans 5 semaines d’activités de plein air du lundi au vendredi pour les ados de 12 à 14 ans. • Camping au Parc des Îles-de-Boucherville • Expédition au Parc du Mont-Tremblant • Vélo-camping au Parc Linéaire le P’tit Train du Nord • Canot-camping • Cyclotourisme
Infos, photos et inscription
www.camp-benyamin.com FF ! REJOIGNEZ NOTRE STA Toute l’information sur 56
www.camp-benyamin.com
Pour toute information: 514 733.4998 poste 8135 ou 3183
DÉPARTEMENT JEUNESSE
DU 27 JUIN AU 16 JUILLET 3 745 $ *
Vie communautaire
Infos, photos et inscription
www.voyage-yahad.com
*prix subventionné
Yahad est un programme de visites organisées qui permet de découvrir les principaux sites touristiques d’Israël. Le voyage comprend : • Transport aérien aller-retour et transferts • 3 repas par jour strictement cachères • Hébergement • Guide touristique accrédité • Excursions, randonnées et activités sociales • Bénévolat dans la région de Beer-Sheva qui sera crédité pour l’année scolaire.
inscriptions : www.csuq.org
Fondation CSUQ
d’une génération à l’autre en partenariat avec la
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Soirée cocktail Lancement du programme LDRSHP 14 nov. 2017
Atelier #3 La levée de fonds Conférencière: Muriel Amar
24 jan. 2018
Mission Voyage «Retour aux Sources IV» été 2016
juin-juill. 2018 Soirée XXIV 24 déc. 2017
Atelier #2 Le Leadership 11 jan. 2018
Conférenciers: Rabbin Dov Harrouch, Jonathan Dahan, Sonia Zarbatany
Week-end Shabbaton à Québec 12-14 jan. 2018
Le programme LDRSHP est un programme de développement du leadership offert aux jeunes professionnels âgés de 24 à 35 ans. LDRSHP a pour mission de développer, représenter, et faire rayonner la relève sépharade. Les participants bénéficient de l’apprentissage, de l’acquisition de compétences, de réseautage, de la possibilité de tisser des liens et surtout, de faire partie d’un groupe de jeunes professionnels partageant des intérêts communs. Nous transmettons des valeurs de collaboration, d’engagement, de culture, et de leadership aux jeunes professionnels de la communauté à travers des ateliers, des conférences, d’événements sociaux et rencontres et un voyage de « Retour Aux Sources ». Ce voyage planifié pour l'été 2018 en Espagne, au Portugal et au Maroc est une occasion pour les participants du programme de renouer avec leurs origines et de retracer les pas de leurs ancêtres jusqu’à Montréal et ailleur.
Atelier #4 Compétence: Communication non-verbal Conférencière: Angela Podolsky 12 fév. 2018
PROCHAINE ACTIVITÉ
...
La vision du programme LDRSHP est de bâtir une relève communautaire outillée et engagée qui contribue à une communauté cultivée, prospère et solidaire.
16 mai 2018
Atelier #1 Le lancement du livre de Yolande Cohen: Les Sépharades du Québec: Parcours d’exils nord africains De gauche à droite: Yaniv Cohen-Scali, co-president, Yolande Cohen, auteure, Alexia Maman Hazan, co-presidente
13 déc. 2017
présente
e
11 JUIN
20édition Venez cÉlÉbrer la 18 Édition du golfswing 20 18 sur les terrains 18 trous du club de golf hillsdale e
INFO & INSCRIPTION : www.golfswingcsuq.com • 514 733 4998 ext 3135
Vie communautaire
Jouez pour notre avenir LE TOURNOI ANNUEL DE LA CSUQ
TENNIS - SOCCER 2018 Dimanche 27 mai 2018 au Club Sportif Côte de Liesse
U A E V I N E R T O V tennis.csuq.org Z E S V CHOISIS Z E V I R C S N I T E E T I D N A M ! DE COM dès maintenant
Inscrivez-vous dès maintenant ou choisissez votre niveau de commandite sur
MAGAZINE LVS
Info : Sarah Mimran Tél : 514 733-4998 ext. 3183 Email : smimran@csuq.org
ROCH HACHANA 2017
Vie communautaire
Après l’effort, le réconfort Chers ami(e)s, J’éprouve un sentiment de profonde gratitude à l’endroit de tous les donateurs qui ont cru en ce projet. Vous avez honoré vos engagements et vos promesses. Merci au nom de notre jeunesse. J’aimerais également rendre hommage à la haute direction de la Banque Nationale pour leur confiance, leur soutien et leur générosité. Ils ont été au cœur de ce partenariat depuis bientôt 5 ans. Merci au nom de notre communauté. Ensemble, nous avons recueilli la somme de 1 041 619 $ qui nous permettra d’investir sur la prochaine génération, notre avenir. Ils portent nos espoirs, nos ambitions et formeront les leaders communautaires de demain. Pour se faire, nous devons leur insuffler le goût de la communauté et de la solidarité, de l’action et de l’implication. Voyage Yahad, Camp de jour Benyamin, Camp de nuit Kif Kef, école de ski Cheleg ou la semaine de relâche scolaire, les sommes recueillies permettront de mieux répondre à leurs besoins mais aussi de soutenir les plus vulnérables de notre communauté. Comme le dit le proverbe juif, « On ne peut donner que deux choses à ses enfants : des racines et des ailes ».
Armand Afilalo
Président de la Fondation CSUQ
T N E M E T R A P É D JEUNESSE DE LA CSUQ
MERCI À NOS PARTENAIRES
Vie communautaire
JUSQU'À PRÉSENT,
613 Bar-Mitzvot célébrées EN ISRAËL
17 ans d'existence
Plus de
800 000 $ d'aide financière
Célébration des Bar-Mitzvot au Kotel
Le 15 février dernier, a eu lieu la célébration des Bar-Mitzvot au Kotel à Jérusalem.
La Mission de solidarité de la CSUQ a eu lieu du 13 au 25 février. Elle était composée de 22 participants qui ont assisté à la célébration des Bar-Mitzvot, fait du bénévolat et visité Israël. Dans ce programme varié, tout y était inclus dont 2 shabattes : Jérusalem et Ashdod. Il était présidé par Marcel Elbaz, dirigé par Benjamin Bitton et coordonné par Sabine Malka. De plus, 45 enfants ont pu célèbrer avec dignité cet événement fondamental de leur vie. Le Gala de la Mission a permis de recueillir de nouveau les fonds nécessaires à l’organisation et à la réalisation de la Bar-Mitzva pour ces enfants orphelins ou issus de familles défavorisées de Beer-Sheva et ses régions. Notons aussi que chaque année, la Mission permet également de remettre à différents organismes de Beer-Sheva des équipements et autres articles qui leur permettent de mener à bien leur propre mission.
Visite des participants à Massada
Toutes les photos sur www.mission.csuq.org Pour toute information, veuillez contacter Sabine Malka : 514 733-4998, poste 8230 ou smalka@csuq.org MAGAZINE LVS
AVRIL 2018
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Chers amis, Selon un sondage réalisé par la Fondation communautaire juive, 34,1 % des répondants ont jugé la qualité globale du festival « excellente », 43,5 % l’ont jugé « très bonne » et 20 % l’ont jugé « bonne », soit une note globale de 97,6 %. 91,8 % des répondants ont confirmé qu’ils seront présents lors de la prochaine édition. 81,8 % des participants au sondage ont affirmé que le Festival avait suscité en eux un sentiment de fierté et d’appréciation de leur héritage sépharade. Pour qualifier de tels résultats, il n’y a que deux mots : bravo et merci.
MERCI
à Air Transat à nos commanditaires aux organismes subventionnaires aux 4 000 participants au comité organisateur
AM AD EZ E B N
ESPACE MO ET INSPIRATTIVATION ION
Merci enfin aux personnes ayant répondu au sondage d’évaluation. Nous avons pris bonne note de vos commentaires, suggestions et recommandations. Et nous ferons tout notre possible pour répondre à vos souhaits lors de la prochaine édition.
Dave Dadoun, Président
AMIR
LA MAGIE DU PIYOUT
IBRE ATY NGE L ÉCHA IMON SERF S AVEC
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MÉDI LE CO CLUB
ADINO QUAND L LATINO EC RIME AV
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SOIRÉE ANDALOUSE
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“Le meilleur site canadien de commentaires d'hôtels”
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NICOLE RAVIV & THE SOULDIERS
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RETENEZ LA DATE ! SAVE THE DATE!
6 AU 17 MAI 2018 MAY 6 TO 17 2018 CINEPLEX ODÉON FORUM
united king films and ucm present
Shai Avivi asi levi neta riskin
MAGORA PRODUCTIONS & TRANSFAX FILM présentent
Commandité par KAREN ET ALEXANDRE ABECASSIS
13
Israeli Academy Nominations
Audience Award Best Script
LONGING
Michal Sahar studio
a film by Savi Gabizon
Yoram Tolledano, Shimon Mimran, oleg levin, Adam Gabay, Ella Armony, shiri golan, shmil ben ari, Salim Daw, Ori Laizerouvich Line Producer Meir Tezet Cinematographer Asaf Sudry Editor Tali Halter Shenkar Music composed by Yoram Hazan Art Director Shachar Bar-Adon Casting Keren Elrom Sound Designer Yossi Epelbaum visual effects dani cohen Costume Designer Michal Dor Make-up Artist Orly Ronen Assistant Director Raanan Tesler Sound Recordist Itay Alohav Producers Chilik Michaeli, Avraham Pirchi, Tami Leon, Savi Gabizon, Moshe Edery, Leon Edery distribution films boutique Written and Directed by Savi Gabizon ron peled
The film was produced with the support of israel fund for film production cinema indaustry association in israel
Un film de RAPHAEL REBIBO
LIRON LIVO OR ILAN ANAT ATZMON DAN TURGEMAN NATALY ATTIYA TAMAR SHEM OR amicale MOSHE IVGY Musique YANIV TAICHMAN GIL ALON SHOSHA GOREN Participation DIrecteur Directeur de Scénario RAPHAEL REBIBO Image RAMI AGAMI artistique GIYORA BERGEL production TOMER LAHMY Productrice associée MARTINE FITOUSSI Producteur MAREK ROSENBAUM Montage BEN TZION ABRAMYAN Coproduction MAGORA PRODUCTIONS & TRANSFAX FILM Produit et réalisé par RAPHAEL REBIBO
Vie communautaire
ASSOCIATIONS CSUQ
Maurice Perez : la joie de danser sur des musiques israéliennes ou du monde Par Annie Ousset-Krief
Il a la passion de la danse en lui, et la partage avec un enthousiasme inlassable. Maurice Perez est danseur, chorégraphe, et enseigne la danse israélienne à Montréal depuis 35 ans. C’est à Paris, où il est né, qu’il découvre ce qui va être sa vocation : il étudiera le ballet moderne jazz auprès du chorégraphe américain Matt Mattox. Il se formera en parallèle à la danse israélienne avec des chorégraphes israéliens renommés : Shalom Hermon, Jonathan Karmon, Moshiko Halevi, Moshe Eskayo… Dessinateur industriel de son métier, il abandonne cette profession pour se consacrer exclusivement à la danse dès 1982, à Montréal où il s’est installé quelques années auparavant. Il enseigne alors la danse israélienne dans de nombreuses écoles, assure plusieurs cours pour adultes, anime des ateliers au Canada, aux États-Unis et en France. Il dirigera un camp d’été, « Danse Montréal », pendant 20 ans. Il se produit en France, où il est convié par des associations de danses folkloriques, et en Israël, où il est invité par des chorégraphes israéliens à enseigner ses danses. Car Maurice Perez est aussi créateur. L’une de ses danses, Hora Gil, reçut d’ailleurs le premier prix du concours des nouvelles
danses israéliennes de Césarée en 1988. Il travailla comme chorégraphe pour le Théâtre Yiddish de Montréal, sous la direction de Dora Wasserman : trois pièces produites dans les années 1980, Lies my father told me, Shlmiel, et The Fiddler on the Roof. Il fut le chorégraphe de nombreuses troupes dans les années 1990, au Canada, mais aussi aux États-Unis. Une multitude d’activités qui ont fait de lui un personnage incontournable du monde de la danse à Montréal au fil des ans. Aujourd’hui il ne peut consacrer autant de temps à la danse, mais il continue à enseigner dans plusieurs classes de CPE du Centre Communautaire Juif Sylvan Adams (Sylvan Adams YM-YWHA), il assure des cours pour adultes à la Chevra (Congrégation B’nai Jacob, rue Clanranald à Montréal), a un cours hebdomadaire pour adultes au Centre Communautaire Juif, tout en poursuivant ses tournées en France, en Israël et aux États-Unis. L’été, il fait danser sur le Mont-Royal, au bord du lac des Castors – pour la plus grande joie des promeneurs qui découvrent les sonorités des musiques klezmer, yéménite, hassidique, israélienne… Maurice Perez a ce talent artistique et cette passion de transmettre qui font de ses cours des instants de vrai bonheur.
ALEPH en février et après Pessah « Vers une mémoire active du futur sépharade nord-africain » était le thème de la causerie brillante de Miléna Kartowski-Aïach, artiste et doctorante en anthropologie, de passage à Montréal et qui écrit régulièrement pour notre magazine LVS. L’écrivain canado-berbère Karim Akouche, était l’autre intervenant de ce dialogue autour d’une mémoire commune. Cet événement du 21 février s’inscrit dans le cadre du programme « Pour une citoyenneté réussie entre Juifs, Arabes, Musulmans et Berbères originaires d’Afrique du Nord au Québec ». Ce numéro du LVS que vous lisez sur l’étude de la kabbale donnera lieu à une journée thématique d’ALEPH, probablement au courant du mois d’avril. Elle réunira nos contributrices et contributeurs ainsi que d’autres intervenants qui reviendront sur cette enquête inédite et la complèteront grâce à leurs interventions et aux vôtres. Nous ne manquerons pas de vous en informer. Rappelons qu’il est possible de suivre le fil de l’actualité d’ALEPH sur son groupe Facebook ou sur son site : alephetudesjuives.ca
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MAGAZINE LVS
AVRIL 2018
ELLES ET ILS ONT PUBLIÉ PAR SONIA SARAH LIPSYC
Vie communautaire
Paul Sidoun, Le divan et le Talmud, éd. Matanel et Avant-Propos, 2012 Écrire son journal d’étude qui plus est talmudique n’est pas un exercice facile et Paul Sidoun, thérapeute, s’y risque avec succès en nous relatant le dialogue qu’il a eu avec un rabbin, dirigeant d’une yeshiva (école talmudique) parisienne. Psychiatre, spécialiste du couple, il a longtemps enseigné et pratiqué à Montréal avant d’immigrer en France.Il a souhaité durant plus d’un an, convoquer ses interrogations, en tant qu’être humain et thérapeute sur l’amour, le couple, les hommes et les femmes, sur la sexualité, la mort, la vie au regard de certaines connaissances talmudiques. Dialogue passionnant qui n’offre aucune recette et n’incite pas Paul Sidoun à un retour drastique à une pratique religieuse, mais le rend plus conscient et plus lucide pour poursuivre, et aller son chemin. Le livre date de quelques années et il déroge exceptionnellement à la règle d’actualité de cette rubrique, mais il nous avait échappé.
Ephraïm Herrera, Étincelles de Manitou rassemblées, Tome I et II, éd. Elkan, Jérusalem, 2015 et 2016 Il a été quelques fois question dans ce numéro sur la Kabbale de la pensée du rabbin Léon Yehouda Askenazi (1922-1996) connu sous son nom de totem de Manitou, des Éclaireurs israélites. Il fut comme le relève l’ouvrage, le ou l’un des maîtres dont l’enseignement et les activités après guerre ont probablement le plus marqué le judaïsme français avec Emmanuel Levinas et André Neher. Deux de ses anciens élèves, Alain Michel, l’éditeur et Ephraïm Herrera, ont réuni ici, « une multitude d’étincelles » de l’enseignement oral de cet homme hors du commun qui savait à la fois puiser aux sources talmudiques, midrachiques et kabbalistes du judaïsme ainsi qu’à d’autres disciplines. Et surtout exprimer avec sagesse, fulgurance et humour, l’essentiel de la pensée juive comme dans ces ouvrages qui vous raviront.
Pierre Anctil, Histoire des Juifs du Québec, éd. du Boréal, Montréal, 2017 Pierre Anctil, professeur titulaire au département d’histoire contemporaine à l’Université d’Ottawa est un spécialiste reconnu de la communauté juive québécoise et de la littérature yiddish. Il a traduit de nombreux textes de cette culture qui s’est développée ici aussi et est l’auteur de quelques ouvrages sur le monde juif et la société québécoise. Ce dernier livre est une somme de travail qui retrace la vie des Juifs au Québec du 17e siècle à nos jours. Dotée d’une identité forte, extrêmement active dans la société et fortement attachée aux valeurs de liberté de conscience, de tolérance et d’échange, la communauté juive du Québec a contribué à bâtir le Québec d’aujourd’hui au-delà de son poids numérique. L’ouvrage intègre également dans sa réflexion les répercussions de la création de l’État d’Israël, le départ des Juifs sépharades des terres d’islam et la réalité contemporaine des communautés hassidiques. Un livre à disposer bien en vue dans votre bibliothèque privée. (On y reviendra à coup sûr dans l’une des prochaines éditions du LVS ndr). Eric Yaakov Debroise
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Un soutien tout au long de l’année
• Hessed est un mot hébreu communément traduit par « bonté », « gentillesse » ou « amour ». Il est considéré comme une vertu en soi, et aussi pour sa contribution au tikkun olam (réparer le monde). Sous la coprésidence de Samuel Cohen-Scali et de Marc Kakon, la campagne Hessed de la CSUQ est lancée afin de venir en aide à plus de 1000 personnes pendant la période des fêtes. Cette campagne vise à permettre à ces familles de passer des fêtes en toute dignité. Merci à tous les bénévoles et notamment à Madame Rachel Elbaz qui nous aide à réaliser nos objectifs. Objectifs : Maintenir un fonds dédié à • 100 % aux besoins ponctuels et urgents des demandeurs. • Collaborer avec les autres partenaires, notamment l’agence Ometz de la Fédération CJA, pour mieux cibler l’aide. • Solidifier les liens avec le Centre juif Cummings pour aînés. • Réduire la dépendance des bénéficiaires à l’aide financière récurrente. Ou vont vos dons? • De votre poche à celle des bénéficiaires • Hessed distribue 100 % des fonds recueillis aux personnes nécessiteuses, et ce, sans aucune charge administrative.
M. Henri Elbaz, Président de la Communauté sépharade unifiée du Québec, son conseil d’administration ainsi que l’équipe des professionnels, vous souhaitent de passer de très belles fêtes de Pessah, entourés de toute votre famille, dans la joie et le bonheur. Pessah Casher Ve Sameah.
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MAGAZINE LVS
AVRIL 2018
RECETTES DE CUISINE POUR TOUS LES JOURS ET JOURS DE FÊTES
« PETITS PAINS » DE PESSAH
SOUPE DE FÈVES DE MOGADOR
Recettes
AGNEAU AUX TRUFFES
COOKIES DE PESSAH
« PetitS pains » Bo rel* nie ha ép St r pa de Pessah
S oupe aux fèves de M ogador
pa r Gi lbe rte Co hen Scali *
Pour 12 « petit pains » azymes) - 160 g de farine de matsa (pains ½ - Cuillère à café de sel ½ - Cuillère à café de sucre - 25 cl d’eau - 12 cl d’huile - 2/3 œufs
- 1 paquet de fèves fraîches ou con gelées (dont on aura enlevé la peau) - 1 pomme de terre - 1 oignon - 1 bouquet de coriandre ciselée (en 2 parts égales) - Viande de jarret avec os - Sel, safran ou mélange curcuma-p oivre
Préchauffer le four à 190°C (thermostat 6-7). Huiler une plaque à pâtisserie. Bien mélanger la farine de matsa, le sel et le sucre. Faire bouillir l’eau et l’huile. Verser l’eau bouillante sur la farine de matsa, le sel et le sucre et mélanger jusqu’à ce que tous les ingrédients soient incorporés. Incorporer un à un les œufs dans la préparation. Laisser reposer 15 min. Former des petits pains après s’être huilé les mains. Les poser sur la plaque à pâtisserie et cuire pendant 50 min
Faire cuire ensemble, dans suffisamment d'eau, les légumes, la viande, les épices et la moitié de la coriandre. En fin de cuisson, retirer la viande et passer les légumes au mixeur plongeur. Ajouter le reste de la coriandre au moment de servir.
* La cuisine sépharade marocaine des grands jours et du quotidien, édition Communauté Sépharade Unifiée du Québec, Montréal, 2011.
Pour 4 pers.
Pour 4 pers.
Pour 4 pers.
Pour 4 pers.
Pessah CO O KI E S de *
pa r St ép ha nie Bo rel
Préchauffer le four à th 160 degrés. Dans un bol, mélanger les amandes en poudre, la fécule et le sucre en poudre. Ajouter l'huile, l'œuf et le jus d'orange et bien mélanger : la pâte ne doit pas être trop collante sinon les biscuits vont s'étaler, mettre plus d'amandes en poudre si la pâte colle trop. Mettre des pépites de chocolat dans la pâte. Former des boules, les aplatir légèrement et les déposer sur la plaque du four recouverte de papier sulfurisé. Enfourner pour 15 à 18 minutes selon le goût.
* Retrouvez toutes les recettes de Stéphanie sur sa page Facebook @stephncookchef
sur sa page Facebook @stephncookchef
Agneau aux truffes
pa r Gi lbe rte Co hen Scali *
Découpez et collectionnez vos recettes préférées
re - 250 g d'amandes en poud e de terre - 125 g de fécule de pomm udre - 1 verre de sucre en po cl) - 1/4 de verre d'huile (5 range (5 cl) - 1/4 de verre de jus d'o - 1 œuf moyen lé cacher pour Pessah - 2 sachets de sucre vanil t (une tablette concassée) - 100 g pépites de chocola
* Retrouvez toutes les recettes de Stéphanie
- 1 épaule d'agneau - 1 t. d'huile - Safran - Sel, poivre - Menthe fraîche - 2 boites de truffes Badigeonner l'épaule d'agneau avec un mélange composé d'huile, de sel, de poivre et de safran. Laisser macérer 2 a 3 heures au réfrigérateur. Mettre au four à 400o F pendant 1 heure. Baisser la température à 325o F et poursuivre la cuisson. Laisser reposer dix minutes avant de dresser l'agneau sur un plat de service. Disposer autour des feuilles de menthe fraîche. Rincer les truffes deux ou trois fois à l'eau froide. Les faire cuire à feu doux avec de l'huile, du safran, du sel et un peu d'eau. Pour satisfaire les végétariens, servir les truffes séparément.
* La cuisine sépharade marocaine des grands jours et du quotidien, édition Communauté Sépharade Unifiée du Québec, Montréal, 2011.
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C’est avec une immense tristesse que nous vous faisons part du décès de
Je voudrais exprimer mes plus sincères condoléances et mon soutien à ma famille de cœur (et bien plus encore), la famille Levy pour la perte de leur bien aimée mère, belle-mère, grand-mère et arrière grand-mère, Mme Berthe Freha Levy
Nous informons la population que la Communauté Sépharade Unifiée de Québec possède un cimetière communautaire à Beaconsfield avec des lots à prix très abordables.
(née Abecassis) z’’l., le 17 Adar 5778. Une nouvelle bonne étoile veille sur vous et continuera de briller à travers nos pensées.
-Élodie Borel-
Mme Olga Benhaim (née Oiknine) z’’l., le 5 décembre 2017, femme adorée et dévouée de M. Ruben (Robert) Benhaim pendant presque 69 ans; mère bien-aimée de Raymond (et Shelley), David (et Nataliia); Jacques (et Rivka),
Pour toute information appelez 514-733-4998
Dr Albert (et Gail); et Daniel; Mémé chérie de 10 petits-enfants, et arrière-grand-mère de huit (B.H.) Elle était une vrai « Wonder Woman », et elle nous manquera beaucoup. Baruch Dayan Ha-Émet.
HEVRA KADISHA
de Rabbi Shimon bar Yohaï
Confrérie du dernier devoir
URGENCE ?
Appeler M. David Benizri 514-824-7573
Nous présentons aux familles endeuillées nos condoléances très émues
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Veuillez nous la faire parvenir par courriel : acastiel@csuq.org
Nous nous ferons un plaisir de la partager !
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mars 2017
חג כשר ושמח Au service de la communauté montréalaise depuis 100 ans, la famille Paperman vous garantit des services funéraires empreints de dignité et conformes à la tradition.
3888 Jean Talon ouest • Montréal, QC, H3R 2G8 (514) 733-7101 • www.paperman.com
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