DOSSIER SPÉCIAL
44e année volume 1 – Pessah 2016 – AdarI / Nisan 5776
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?...ׁת ָּנה ַה ַּל ְי ָלה ַה ֶּזה ַּ ַמה ִּנ ְש ma nichtana halayla hazÉ? Cette nuit, l’année passée, il y avait une maman, un papa, le petit Yossi entouré de ses frères et sœurs, une grande et merveilleuse famille qui célèbre ensemble la fête, dans une maison remplie de lumière.
Cette année, maman ne sera pas là…
Cette année, Yossi est devenu orphelin. Nous ne pouvons pas lui ramener sa maman. Par contre, nous pouvons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que cette famille ne s’effondre pas! Nous pouvons aussi faire en sorte que du Ciel, sa maman puisse voir que papa, Yossi et toute la famille sont attablés ensemble pour commémorer le soir du Séder, habillés et joyeux comme des petits princes. La fondation Diskin pour 1700 orphelins et orphelines d’Israël. Etre là, quand un parent n’est plus
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LA FONDATION COMMUNAUTAIRE JUIVE DE MONTRÉAL
Le point de vue de Kathy PRÊTS POUR L‘AVENIR ! Forte d’un actif de plus de 1.2 milliard de dollars et de quelque 1 300 clients et partenaires communautaires, la Fondation communautaire juive de Kathy R. Assayag Montréal est une ressource fiable pour le don de bienfaisance – et le secret le mieux gardé de la communauté. La plupart des gens ne savent pas qui nous sommes ni ce que nous faisons; à moins bien sûr qu’ils ne soient déjà clients. C’est donc avec plaisir que je m’acquitte du devoir de transmettre la mission de la Fondation et de vous informer de ses activités au service de la communauté. Nous existons depuis 1971. La FCJ a été fondée il y a 45 ans par Arthur Pascal z’l, qui voulait créer un filet de sécurité pour assurer l’avenir de la communauté. De simple réceptrice de legs caritatifs, la FCJ s’est transformée au fil de son évolution en un organisme expert en don planifié et un modèle de philanthropie avisée. Notre engagement est d’aider les particuliers et les familles à soutenir les causes qui leur tiennent à coeur et à réaliser leurs objectifs philanthropiques. Nous aidons nos clients à trouver des solutions fiscalement avantageuses, où créer un plus grand impact et refléter leurs valeurs; tout en assurant que la communauté juive de Montréal et ses institutions demeurent fortes et dynamiques. Nos clients confient leurs fonds à la FCJ pour une gestion plus efficace de leurs placements et une planification pertinente de leurs dons. Faire affaire avec FCJ demeure une façon beaucoup plus efficace et moins coûteuse que de gérer une fondation privée. Notre rôle consiste à conseiller nos clients sur les moyens les plus avantageux de réaliser leurs objectifs philanthropiques. Les titulaires de fonds contrôlent pleinement l’affectation de leurs allocations et la FCJ s’occupe de distribuer les chèques et de veiller à la bonneadministration des fonds – un gain de temps et d’argent par rapport au fardeau de la gestion d’une fondation privée. Pourquoi les philanthropes choisissent de travailler avec nous : Expertise : La FCJ est une solution de philanthropie clé en main, qui dispose de la compétence experte pour faciliter le don de bienfaisance et en optimiser l’efficacité et les avantages fiscaux. Votre héritage : Établir un héritage auprès de la FCJ vous permet de faire bénéficier de votre leadership philanthropique les causes et les organisations qui vous tiennent à coeur pour de nombreuses années à venir. Rentabilité : En philanthropie comme en affaires, la rentabilité est la clé du succès. La FCJ aide les titulaires de fonds à optimiser leurs dons tout en minimisant les coûts.
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« Nos clients veulent réaliser leurs rêves philanthropiques et ils choisissent de centraliser leurs activités de bienfaisance par notre intermédiaire. En fait, nous sommes leur banque pour la tzedakah. »
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Rayonnement : Votre action philanthropique occupe une place importante dans votre vie. La FCJ s’associe à vous pour prendre soin de notre communauté et bâtir un monde meilleur. Entière confidentialité : La FCJ ne divulgue jamais l’identité de ses donateurs ni le montant investi dans leurs fonds. Au Canada, le gouvernement publie l’information financière sur les fondations privées, y compris leurs actifs, revenus et déboursements annuels. À la FCJ, l’information sur les fonds individuels demeure entièrementconfidentielle.
Magazine LVS | Pessah 2016 19
Pessah 2016
5151 Côte Ste-Catherine, Bureau 216 Montréal, Québec, Canada H3W 1M6 T. (514) 733-4998 - F. (514) 733-3158
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IMPRIMEUR / PRINTER Accent Impression Inc. 9300, Boul. HenriBourassa O., Bureau 100 St-Laurent, Qc H4S 1L5 Tél : 514 337-7870 Fax : 514 588-8269 EXPÉDITION POSTALE TP Express Les textes publiés n’engagent que leurs auteurs. La rédaction n’est pas responsable du contenu des annonces publicitaires. Toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, en tout ou en partie, du présent magazine, sans l’autorisation écrite de l’éditeur, est strictement interdite. Reproduction in whole or in part, by any means, is strictly prohibited unless authorized in writing by the editor. Convention Postale 40011565 Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée à : 5151 Côte Ste-Catherine, bureau 216 Montréal, Québec, Canada H3W 1M6 Le présent numéro est tiré à 6 000 exemplaires et acheminé par voie postale au Québec, en Ontario et aux États-Unis. Des exemplaires sont également déposés dans différents endroits stratégiques à Montréal.
Magazine LVS | Pessah 2016
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Mot du président Éditorial Sous le ciel du logos, la boue du henné Pourquoi moi? D’Exils et d’Errances J’ai fait un minian à moi tout seul Être juif au Mexique Doit-on toujours garder le silence? « Les Sépharades ont toujours porté l’Espagne dans leur cœur » « La Mémoire sépharade continue de hanter le Portugal » Les Juifs sépharades en Amérique du Nord
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Orthodoxie et Diversité L’œuvre du Ramhal, kabbaliste, de Montréal à Jérusalem Rencontre du monde ashkénaze et sépharade au travers de l’Éthique juive Du surf au Zohar Carnet
Mot du président au quotidien, à titre individuel et collectif : nous devons être solidaires avec les populations en détresse, sans distinction de race ni de religion. Et puis, il y a l’anecdote des quatre fils. Le premier parle de tradition et des devoirs de Pessah. Ainsi, il transmet, ce qu’il a reçu et assure ainsi la continuité et la pérennité de notre héritage. Le deuxième rejette cet enseignement et ainsi s’exclut, il brise le chaînon qui nous relie à notre passé. Pessah est tellement riche en messages! Pessah marque le jour de notre libération, de la rupture des chaînes de l’esclavage, jour où commença à se forger l’identité d’une nation libre et émancipée. Pessah nous rappelle aussi que nous devons nous libérer de toutes ces chaînes qui nous empêchent de progresser dans la vie. Pessah est aussi un appel au souvenir et à la compassion envers ceux qui sont opprimés. « Souviens-toi que tu étais un esclave en Égypte ». D. nous rappelle et attire notre attention sur tous ceux qui comme nous ont souffert de l’oppression, du racisme, de la haine. Nous avons peut-être pris ce message à la lettre, puisqu’à travers les âges les Juifs ont été les premiers à défendre les personnes et les populations opprimées et ainsi à faire avancer les droits et les libertés des individus. Nous avons le bonheur de vivre dans un pays de liberté et de démocratie, ce qui n’est pas le cas dans plusieurs autres pays. Or, l’esclavage, l’intolérance, le racisme et la haine sont encore le lot de nombreuses populations de nos jours et nous nous devons de contribuer à l’amélioration de leur sort. Le message de Pessah doit résonner en nous
Le troisième est présent, mais n’est pas sûr de comprendre. Quant au quatrième, il ne sait pas formuler de question. Peut-être est-il ignorant ou peut-être qu’il ne peut formuler la question qui lui pèse tellement sur le cœur : pourquoi tant de génocides, pourquoi tant de haine, pourquoi l’holocauste? Cependant, les quatre fils sont autour de la table. Ils sont là, chacun avec ses qualités et ses défauts. Mais il y a un ou une autre qui est absent(e) de la table. Oui, il y a un cinquième enfant, mais il ou elle s’est éloigné(e) de la communauté et de ses valeurs. C’est elle ou lui qu’il faut aller chercher et accueillir au sein de la communauté. Voici un autre beau défi que nous devons relever. La génération dont je suis issu en est une d’immigrants. Malgré des moyens très modestes, nous avons mis en place les institutions et les infrastructures pour édifier l’une des plus belles communautés sépharades en dehors d’Israël. Nous nous sommes donnés comme vision de préserver et de perpétuer un trésor de valeurs qui nous ont permis de survivre et de nous épanouir au cours de notre histoire.
Il y a 34 ans j’ai présidé aux destinées de la Communauté sépharade du Québec. Récemment, on m’a invité à reprendre du service. C’est avec un immense bonheur que je découvre notre nouvelle génération née au Canada avec l’énorme potentiel qu’elle représente pour l’avenir de la communauté sépharade et de la communauté juive de Montréal. Beaucoup de nos jeunes sont impliqués communautairement, que ce soit avec la communauté sépharade du Québec, les communautés sépharades régionales, les synagogues, la Fédération CJA, Mada, etc. Ils sont hautement compétents, prêts à prendre le flambeau et à mener notre communauté vers des niveaux encore plus hauts. Et je suis fier de voir que la plupart d’entre eux sont d’anciens gradués de l’École Maïmonide. Ils mettent en pratique ce qu’ils ont appris de l’École, à la maison et à la synagogue. Nous avons visé juste, nous sommes sur la bonne voie. Beaucoup de travail reste à faire : la lutte contre la pauvreté, la détresse, l’isolement, les besoins aux personnes âgées, etc. Avant la publication de ce numéro, Hessed aura organisé son Gala pour collecter des fonds qui serviront aux personnes et familles en détresse. Bravo à Marc Kakon et à Michael Goodman pour leur travail remarquable. Je tiens à remercier tous ceux et celles, bénévoles et professionnels qui participent à cet effort commun d’édification de notre communauté. À vous chers lecteurs, et à toute notre belle communauté, je vous souhaite un merveilleux Pessah Kasher ve Sameah. Henri Elbaz, Président, CSUQ
Vous retrouverez les textes des auteurs marqués par une astérisque* dans la version numérique de notre magazine disponible sur
LVSMAGAZINE.COM Éliette Abecassis · Serge Ankry · Esther Brenfedj · Judith Cohen
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Être sépharade dans le monde
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Magazine LVS | Pessah 2016
ÉDITORIAL Nous avons essayé pour cette année 5776 de vous présenter l’identité sépharade sous plusieurs aspects. Le présent numéro « Être sépharade dans le monde » est le troisième volet après les deux précédents, « Être sépharade en Israël » et « Être sépharade à Montréal ». La conclusion ne peut être que provisoire pour une identité riche et vivante qui se déclinera sous d’autres formes dans les prochains numéros. Nous sommes fiers de présenter dans ce numéro, des auteurs, qui, en grande majorité n’avaient encore jamais signé d’articles ou répondu à des entretiens pour le LVS. Ils ou elles côtoient des plumes que vous connaissez déjà et que nous sommes toujours heureux de retrouver. Nous avons choisi d’ouvrir ce dossier par des itinéraires de Juifs/ves sépharades. La jeune Noémie Benchimol qui parle de sa filiation avec sa grand-mère et de son héritage de femme juive tunisienne à l’esprit libre dans lequel elle se reconnaît. L’auteure reconnue et la cinéaste Chochana Boukhobza nous fait l’amitié de signer un texte où, à l’appui de son dernier film, elle s’interroge sur son lien à la Shoah en tant que Sépharade. De sa plume truculente, Maurice Chalom mène l’enquête sur l’origine du mot Séfarad aux orthographes diverses y compris dans ce numéro. « Quand j’étais enfant à Casablanca, je ne savais pas que j’étais Sépharade, je croyais être Juif » ainsi commence le texte de Serge Ouaknine, qui nous narre avec talent au travers de son parcours artistique et géographique la quête d’une identité toujours en évolution. Nous avons repris une interview d’Éliette Abecassis* sur la situation actuelle souvent préoccupante des Juifs de France. Le rabbin Yamin Levy, dans son article sur les Juifs sépharades en Amérique du Nord nous propose, non seulement un historique, mais aussi un portrait des valeurs juives sépharades qui demandent à être défendues et développées dans le monde d’aujourd’hui. Elias Levy nous parle de ce revirement de l’histoire auquel nous assistons depuis quelques décades et qui se traduit notamment par le fait que les Juifs expulsés d’Espagne, il y a six siècles, peuvent maintenant demander à nouveau leur nationalité espagnole. Son second texte passionnant relate le thriller mystico-historique de l’auteur portugais José Rodrigues Dos San-
tos qui, dans son dernier ouvrage avance l’hypothèse d’un Christophe Colomb juif sépharade… Pour l’Amérique du Sud, le rabbin Arye Cofman nous présente la communauté singulière du Mexique. Et Guillermo Glujovsky rend hommage au Rabbin M.T Meyer, un homme remarquable qui fut aux côtés des Juifs argentins durant les années de dictature qui les touchèrent aussi durement. Deux articles, celui de Judith Cohen* que nous avons conservé en anglais et celui de Serge Ankry*, incarnent la rubrique artistique. Le premier relate la découverte de la musique judéo-espagnole par une Juive ashkénaze, musicienne et musicologue. Le second article nous offre un panorama du cinéma israélien sépharade des années quatre vingt à nos jours. Enfin, les derniers textes illustrent l’évolution de la pensée juive sépharade au travers des itinéraires de Michael Sebban, auteur à succès qui traduit maintenant en français le texte du Zohar, ce monument de la pensée kabbaliste et de Georges-Elia Sarfati,novateur dans sa manière de conjuguer l’étude et l’éthique juives ainsi que la pratique psychologique. La journaliste Esther Brenfedj* met en valeur les idées maîtresses de l’ouvrage le plus récent de ce penseur sépharade majeur qu’est Shmuel Trigano et qui s’exprime sur ce retour historique des Juifs à la terre et l’État d’Israël. Le rabbin Marc D.Angel, ancien Président du RCA (Rabbinical Council fo America) plaide pour une orthdoxie moderne sépharade qui aurait tant à apporter au judaïsme en général grâce à ses valeurs d’ouverture et son respect de la diversité. Et le rabbin Mordechay Chriqui répond à nos questions au sujet du kabbaliste Ramhal (18e siècle) dont la traduction des œuvres en français a été amorcée à Montréal avant de se poursuivre à Jérusalem. Ces deux villes chères à notre cœur. Nous avons souhaité au travers de ces trois dossiers thématiques vous faire re (découvrir) la diversité du monde sépharade et son empreinte dans le monde. Son legs est parfois injustement méconnu tout autant que son renouvellement. Nous aurons réussi dans notre tâche si l’écho de cette richesse s’est retrouvée dans ces numéros. Voilà, chers lecteurs/trices de quoi nourrir vos reflexions pour cette fête de Pessah que je vous souhaite belle et enrichissante. Sonia Sarah Lipsyc * LVSMAGAZINE.COM
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ÊTRE SÉPHARADE DANS LE MONDE | DOSSIER SPÉCIAL
Sous le ciel du logos, la boue du henné Itinéraires croisés d’une grand-mère et de sa petite-fille, de femmes juives séfarades, entre la Tunisie, la France et Israël. Noémie Benchimol est diplômée en philosophie et études hébraïques de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm à Paris et titulaire d’un Master d’études Historiques Philologiques et Religieuses de l’EPHE (Ecole Pratique des Hautes Etudes). Née en 1988 d’une mère tunisienne et d’un père marocain, elle vit aujourd’hui à Jérusalem avec son mari et leurs deux enfants. ditionnelles qui racontent la mariée, sa beauté, à porter le caftan que d’autres femmes, mes mères et grands-mères, ont porté avant moi, à mettre sur mes paumes le henné préparé minutieusement par ma mère afin que la couleur ocre accroche bien à la peau, à suivre ces traditions qui me définissent autant que me définit mon appétence pour les choses de l’esprit. Car ces deux parties font partie de moi, je pleure en écoutant de la musique arabe, et j’aime fêter cette tradition sublime. Je n’y vois pas, contrairement à certains trop pressés d’oublier leur folklore, un reste d’arabité primitive.
Noémie Benchimol Août 2007. J’ai dix-huit ans, je viens de finir ma khâgne, mes deux années de classes préparatoires et de passer un mois de concours intensifs pour tenter d’intégrer les grandes écoles. Je viens de finir ma khâgne et je me marie avec l’homme que j’aime et que j’ai rencontré à dix-sept ans. Je viens de passer deux ans à lire, à apprendre le latin, le grec, à écrire des dissertations, à tenter de maîtriser le langage conceptuel de la philosophie et je me retrouve déguisée en costume séfarade pour ma soirée de henné, caftan coloré, lourds bijoux en or, maquillage au khôl qui suit des dessins précis, les louis d’or. Le contraste m’amuse intérieurement. On m’a appris à écouter de l’opéra et je suis là, à danser l’oriental sur des musiques arabes tra-
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Comment et pourquoi ces traditions djerbiennes se retrouvent greffées à cette fête majoritairement marocaine, alors même que je ne suis pas d’origine djerbienne, que ma mère est bien tunisienne mais qu’elle est née à Gabès? Mon engagement féministe religieux et intellectuel est-il une des caractéristiques de mon individualité ou au contraire répète une trajectoire déjà parcourue, différemment, sans les -ismes ni les revendications, par d’autres avant moi et dans ma famille? Il faut, pour expliquer cette présence rituelle djerbienne, que je revienne à la femme dont je porte aussi le prénom, Gisèle Haddad, née Lahmy ma grand-mère, Mémé. Une femme éduquée, ayant fréquenté la mission française de Gabès jusqu’à la cinquième, ses quatorze ans, âge auquel un beau bourgeois désargenté de vingt-trois ans, mon grand-père René Haddad,
s’est amouraché d’elle à la sortie de l’école. À la faveur d’une tragédie, un très grave accident de moto de Pépé, un mois après leur mariage en janvier 1948, Mémé a appris à piquer, elle est devenue une infirmière de facto. Après quelques pérégrinations en Tunisie à Tataouine et Gabès, où elle a dirigé le dispensaire, et où sa présence a fait baisser le taux de mortalité infantile de façon significative, elle se retrouve mutée à Djerba, une presqu’île dont l’Histoire dit que les juifs y sont descendants directs de la caste des prêtres, des Cohanim, expulsés de Jérusalem à la suite de la destruction du Premier Temple, et dont le mythe dit que la synagogue de la Ghriba est construite de ses pierres. Une vie juive insulaire, très religieuse, faite d’entre soi. La présence juive est divisée entre la Hara Zrira et la Hara Kbira, le grand quartier juif et le petit quartier juif. De 1960 à 1974, Mémé y dirigera un temps le centre de l’OSE (Œuvre des secours aux enfants, institution juive), d’où elle sera licenciée pour d’obscures raisons mettant en jeu les notables de la ville et des jalousies, et y sera la sage-femme attitrée des femmes juives. Formée par un gynécologue arabe, le Docteur Ahmad Fendri, elle a aidé à mettre au monde des centaines d’enfants, a partagé l’intimité de ces femmes avec qui elle avait peu en commun, est devenue l’une des leurs sans jamais l’être vraiment.
TÉMOINAGES | DOSSIER SPÉCIAL La grande-mère et le grand-père de Noémie Benchimol C’est que dans cette petite communauté d’où sont sortis de grands érudits et des rabbins passionnants, comme le Rabbin Halfoun Hacohen, Mémé détonne. Elle est européanisée, elle porte le pantalon, elle conduit. Elle ne porte pas le fouta, cette grande pièce de tissu savamment nouée et qui couvre tout le corps. Elle qui ne comprenait que peu l’arabe va apprendre à le parler couramment là-bas. Elle parle encore aujourd’hui ce judéo-arabe bien spécifique qui mêle hébreu, français et arabe. Les Djerbiennes s’amusaient parfois à la déguiser en habits de fêtes traditionnels djerbiens. La tradition qui verra toutes mes cousines maternelles déguisées ainsi pour leur henné vient donc de là. D’une adoption, d’un emprunt, d’une greffe. Mémé peut ainsi être qualifiée de proto-féministe. Une féministe de fait, sans théorie, sans De Beauvoir, sans revendications affirmées. Une féministe tranquille, qui décidera de faire quatorze enfants et de ne jamais s’arrêter de travailler, laissant son mari cuisiner. Aujourd’hui encore, elle s’amuse de ce que Pépé cuisine mieux qu’elle et de ce qu’elle ne sait pas vraiment faire le ménage et qu’elle déteste ça. Je dois ici raconter une anecdote marquante, qui montre la force d’opposition de Mémé face aux superstitions et pressions phallocrates. Il y avait à Djerba une demi-folle, une simplette du nom de Manta, qui se promenait sans culotte et vivait dans la crasse entourée d’animaux sauvages. Il s’avéra que cette fille était enceinte, sans que l’on sache très bien qui était l’auteur du méfait. Lorsque vint le moment de l’accouchement, l’usage était qu’on fasse appeler Mémé pour venir aider la parturiente. Mais pour Manta, et alors que Mémé s’apprêtait à partir, elle eut la surprise de recevoir la visite d’un rabbin et d’un notable. Ils lui demandèrent expressément de ne pas aider cette fille à mettre son enfant au monde, arguant du fait que « Si Dieu voulait faire son œuvre et prendre la mère et le bébé, il fallait le laisser faire ». Un horrible test religieux d’où il était certain que la pauvre femme sortirait perdante. Mémé les a, non seulement, vertement envoyé balader et aidé Manta à accoucher, mais elle a encore soigné et pris soin du bébé personnellement les premiers temps de sa vie, le nourrissant comme son propre enfant, venant se substituer à cette pauvre bougresse sans doute retardée mentalement, pour nettoyer la maison, enlever les puces de la tête du nourrisson.
Lorsque l’enfant eut huit jours et qu’il fallût le circoncire, aucun homme ne voulut tenir le rôle du parrain, le sandaq. S’exposant aux moqueries et sous-entendus, Pépé accepta ce rôle et cette grande mitswa. Il eût comme difficile tâche de donner un prénom à l’enfant. Comme on était en début d’année et que Pépé n’y avait pas pensé avant, il répondit « Bounani » (bonne année prononcée à l’arabe) lorsque le circonciseur lui demanda « Et son nom en Israël sera... ». Bounani. Ce nom qui cristallise à lui tout seul l’engagement de Mémé pour la vie et la justice face aux dérives superstitieuses et machistes. Après Djerba, direction la France, où mes oncles et tantes étaient déjà en pensionnat. Car pour Mémé, hors de question qu’ils n’aient pas d’éducation laïque et religieuse. Et pour enfin rejoindre Israël, où ses parents et sœurs étaient venus dès 1948, il faudra attendre ses 70 ans, pour enfin concrétiser le rêve de cette sioniste de la première heure. Mémé et Pépé vivent aujourd’hui à Jérusalem, là où je vis aussi depuis quatre ans. Il faudrait une autre histoire pour raconter le devenir parallèle et différent de ces juifs séfarades émigrés en Israël dans les premiers temps de l’État, et ceux venus vivre en France ou dans les pays européens. Au sein de mêmes familles, deux destinées identitaires et culturelles radicalement différentes. J’ai donc suivi à peu près son itinéraire, à la différence que ma Tunisie à moi, elle est surtout rêvée, qu’elle est surtout faite d’expressions imagées, d’odeurs, de saveurs, de sons, comme mon Maroc. Que je suis, moi, née en France, où j’ai pu étudier à l’école puis à l’université. Et que je suis, moi, une féministe orthodoxe assumée. Tradition et modernité, séfaradité et francité, religion et émancipation, féminisme au singulier du Je, et machisme le plus souvent du Nous communautaire; ces couples d’antonymes, ces pôles en tension, travaillent et ont travaillé nos vies de femmes. Parler la langue de l’universalité tout en célébrant ses origines et sa culture, être très pratiquante tout en pensant les abus d’une domination masculine de la religion, se penser avant tout française et se découvrir mizrahit, orientale dans les yeux ashkenazo-centrés des Israéliens, voilà quelques-unes des dialectiques qui peuvent être à l’œuvre dans la vie d’une femme juive orthodoxe féministe et séfarade au XXIe siècle. Noémie Benchimol Magazine LVS | Pessah 2016 25
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POURQUOI MOI? Chochana Boukhobza est née à Sfax en Tunisie. Elle est l’auteure d’une dizaine de romans dont « Un été à Jérusalem » qui a reçu le Prix Méditerranée 1986 alors que « Le Cri », a été finaliste au Prix Fémina 1987. Elle a également réalisé plusieurs films documentaires dont « Les petits héros du ghetto de Varsovie » qui raconte l’histoire vraie de 18 enfants juifs de 6 ans à 15 ans qui réussissent à survivre dans la zone aryenne de la ville, après la liquidation du ghetto. Son dernier film, « Les évadés de Rawa Ruska » (2016), relate les témoignages de soldats français internés en Ukraine, confrontés à l’extermination de la population juive sous le nazisme. Ces hommes étaient des militaires, évadés de camps de prisonniers en Allemagne pour tenter de rejoindre la France. Pour les punir et les briser, les Allemands les ont enfermés dans un camp en Ukraine alors que la Shoah par balles battait son plein. En 1975, j’étais en première au lycée Yabné à Paris. Un historien s’est présenté au lycée. Il demandait des volontaires pour l’aider à recopier 76 000 noms. Ce travail était confidentiel et urgent. Trop occupée par mon départ pour Israël, je n’ai pas répondu à cet appel. Deux jours plus tard, une amie m’a suppliée de l’aider à finir ce qu’elle avait promis de donner à l’historien et qu’elle n’arrivait pas à terminer dans les temps. Elle m’a tendu une liasse de feuilles noircies et une boîte de cartes bristol. Il s’agissait de recopier sur ces cartes les noms, prénoms, âge des Juifs raflés sur le sol de France et qui étaient morts dans les camps d’internement, des Juifs exécutés sur le sol de France pour avoir résisté à Pétain, des Juifs expédiés à Auschwitz au seul prétexte qu’ils étaient Juifs. Pour ceux qui avaient été envoyés à Auschwitz, on ajoutait la date de leur déportation, le numéro de leur convoi et leur numéro de matricule qui leur avait été attribué à Drancy ou à Compiègne. L’historien était Serge Klarsfeld.
Chochana Boukhobza
Il préparait son « Mémorial de la déportation des Juifs de France », un ouvrage colossal, d’une importance extraordinaire, pour arracher de l’oubli et donner sous la forme d’un annuaire, une sépulture aux disparus. J’avais 17 ans. Je suis née en Tunisie. Ma communauté a été épargnée par miracle et ma famille ne l’a jamais oublié. Mon père, né en 1927, se souvient encore d’une journée de jeûne ordonnée par le Grand rabbin de Tunisie pour soutenir les forces françaises devant l’envahisseur allemand. Mes grands-oncles, naturalisés français à leur naissance, ont été enrôlés en 1939 et se sont battus pour la France. Capturés par les Allemands, envoyés dans des camps de prisonniers de guerre, ils ont réussi à s’évader. Après avoir traversé au prix de mille périls la France occupée, ils ont trouvé les Allemands en Tunisie. Le pays avait été occupé le 11 novembre 1942. Pendant les six mois de l’occupation allemande en Tunisie, plusieurs milliers de jeunes Juifs tunisiens ont été enfermés dans des camps de travail, ils ont dû porter l’étoile jaune, et les Allemands se préparaient à les déporter quand les Alliés ont débarqué.
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À la Libération, pour saluer la liberté retrouvée, tous les cousins de ma mère nés en 1945 et 1946 ont été appelés Victoire, pour les filles, Victor, pour les garçons. Nous avions eu chaud, nous les Juifs de Tunisie. Si les Alliés avaient tardé à arriver, Vichy et les nazis nous auraient liquidés. En recopiant les listes de noms, l’âge des victimes, les numéros de convoi, la douleur m’a percé le cœur. Cette douleur avait la forme d’un wagon obscur empli de visages harassés et assoiffés. Je recopiais l’âge des enfants : quatre ans, six ans, dix ans. Il y avait là des familles entières, grands-parents, parents, enfants, des orthodoxes, des bundistes1, des Juifs français, des Juifs polonais, des Juifs allemands. Leur avenir s’était arrêté, parce qu’ils s’appelaient Levy, Cohen et Rosenberg…. Les listes éclairaient d’une lumière crue ce nombre inouï : 6 millions. Car malgré l’épouvante qu’il représente et même s’il dit beaucoup sur la barbarie, un nombre reste une abstraction. J’avais grandi dans une famille religieuse. Le vendredi soir, nous chantions des cantiques, nous ouvrions la porte de la maison pour faire entrer les anges dans notre foyer. Shalom halehem, malahé hachalom, malahé elion, salut à vous, anges de la paix, anges des hauteurs… Durant leur voyage vers le néant, aucun ange n’était entré dans ces wagons, aucun sauveur, aucun libérateur. Pourquoi? Je me suis demandée pourquoi rester Juif? J’ai compris plus tard, que même cette solution n’aurait pas été une solution. Que les nazis avaient pensé à tout, qu’ils avaient distingué tous ceux qui, sur trois générations avaient eu un parent juif. Que la seule solution était celle de Klarsfeld, traquer les bourreaux, dévoiler leur crime, en cherchant des témoins et toutes les preuves de leur forfait. Les listes de Klarsfeld n’étaient que l’écume de la grande destruction.
Elle avait eu lieu partout, sauvage, effroyable, pour se saisir de tout ce qui était ce peuple, pour anéantir son nom et le rayer de la surface de la terre jusqu’au dernier. L’historien Raoul Hilberg l’avait compris et il avait poursuivi un lent travail de fourmi pour réunir tous les documents de la machine d’extermination. Le cinéaste Claude Lanzmann avait pressenti la force vitale du témoignage, et il avait couru le monde pour retrouver les victimes et leur demander de raconter, de nous raconter. L’ampleur du génocide ne cesse de nous interroger encore et toujours sur l’humanité, sur ceux qui tuent et ceux qui sauvent au péril de leur vie, sur ceux qui dénoncent et ceux qui meurent sous la torture, sur ceux qui marchent vers la mort pour accompagner des orphelins et ceux qui se sont révoltés, dans le ghetto de Varsovie, à Treblinka, à Sobibor et à Auschwitz. Elle nous questionne sur le désir de survie et sur la résistance. Sur ce qui fait de nous un homme ou un chien, un Juste ou un barbare. Elle interpelle Dieu, les cohortes d’anges et les myriades de démons. Même si le silence du ciel persiste, la question reste posée et elle le restera jusqu’à la fin des temps. L’anéantissement programmé du peuple juif concerne l’humanité toute entière, et pas seulement les Juifs. Là est la matrice du monde, la grande et seule question. De quel bois sommes nous fait? Et qui sommes-nous? Voilà pourquoi, de livres en films, je réfléchis et travaille sur le génocide.
Chochana Boukhobza
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Membre du Bund, mouvement socialiste créé à la fin du 19e siècle qui désigne l’Union générale des travailleurs juifs en Lituanie, Pologne et Russie.
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Prisonniers du camp, image tirée du film, «Les évadés de Rawa Ruska »
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D’Exils et d’Errances « Et les exilés de Jérusalem qui sont dans Sfarad hériteront des villes du Midi » (Obadia, verset 20)
Maurice Chalom, Ph.D
Ne perdez pas votre temps à chercher, vous ne trouverez nulle part ailleurs dans le Tanakh le terme Sfarad, car il n’est mentionné qu’une seule fois, au vingtième verset de l’unique chapitre de l’opuscule du Prophète Obadia. Celui-là, 0n peut dire qu’il ne s’est pas beaucoup foulé. Une plaquette composée d’un seul chapitre de vingt-et-un versets. Il paraît même qu’Obadia serait son nom de plume; un pseudo voulant dire « celui qui honore YHWH » et que son véritable nom serait Abdias. Mais bon, on peut le comprendre. Quand tu écris l’équivalent d’une brochure, pas sûr que t’aies envie qu’on te reconnaisse dans la rue. C’est peut-être pour cela qu’Obadia-Abdias est le quatrième des « douze petits Prophètes ». Ce n’est pas avec une plaquette que tu passes à l’Histoire. On est loin, très loin de Moise et de ses cinq volumes. Un succès d’édition encore inégalé à ce jour, sans parler des traductions et des adaptations cinématographiques. En tout cas, l’unique fois où il est fait mention de Sfarad, c’est chez Obadia-Abdias le Prophète. On appelle ça un hapax. Mais non, rien à voir avec l’anthrax ou autre saloperie du genre ni avec la pêche à la mouche. Pour ceux qui l’ignorent, l’hapax sert à décrire un terme dont on ne connaît qu’une occurrence. Sfarad n’est mentionné qu’une seule fois et ne veut rien dire d’autre que Sfarad. Sfarad est un hapax. Ça vous en bouche un coin, non? Attendez, cela ne fait que commencer. Avant d’écrire ma chronique, je potasse mon sujet et celle-ci ne fait pas exception. Quoi, vous croyez que ça s’écrit tout seul? Eh non. Derrière les quelque trois mille mots que vous vous apprêtez à lire avec délectation, il y a du boulot. N’ayant rien du rapiat, j’ai des cadeaux-surprises à vous offrir. Autant vous prévenir, c’est du lourd comme dirait Luchini. Durant des siècles, les traducteurs, commentateurs et autres scoliastes de l’opuscule du Prophète Obadia-Abdias ont identifié la Sfarad biblique à la péninsule ibérique et à l’Espagne; les Sfaradim et leurs descendants, aux Juifs d’Espagne. Traducteurs et exégètes pouvaient s’atteler à d’autres tâches, l’affaire était entendue. Sauf que dans la première moitié du vingtième siècle, quelques trublions et non des moindres – des historiens, archéologues, linguistes et anthropologues – sont venus remettre en question l’évidence consensuelle, en échafaudant de nouvelles théories quant aux origines étymologiques et géographiques de Sfarad, et en soulevant la question blasphématoire : Et si. Et si la Sfarad biblique n’avait rien à voir avec l’Espagne? Et si l’origine des Séfarades était autre, tout autre? Vous voyez d’ici le balagan dans le cercle des zélateurs et autres initiés de l’exégèse. En voici quelques-unes résumées et synthétisées. Cadeau.
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Un certain abbé Chaud (pareil nom ne s’invente pas) soutient la thèse qu’au moment de quitter l’Égypte, une partie du peuple Hébreu, au lieu d’accompagner Moïse, aurait pris la première à gauche, direction ouest, et se serait disséminée autour du bassin méditerranéen, allant jusqu’à coloniser le Jardin des Hespérides situé, selon certains commentateurs, du côté de la Mauritanie et pour d’autres, dans les Iles Canaries. En tout cas, pas vraiment la porte à côté de l’Espagne. Pour l’abbé Chaud, Sfarad dériverait de Hespérides; les deux mots ayant la même sonorité et la même racine lexicale. Une autre théorie soutient l’idée que les Sfardim seraient originaires de la ville de Sfarde, capitale de la Lydie, quelque part en Anatolie, la partie ouest de l’actuelle Turquie. Ces Lydiens de Sfarde, aujourd’hui connue sous le nom de Sardis ou Sardes, se seraient convertis au judaïsme quelque cinq siècles avant l’ère chrétienne et auraient migré autour du bassin méditerranéen et vers l’Espagne. Sfard, pluriel Sfardim : les habitants de Sfarde. Une troisième voudrait que les Juifs séfarades, enfin ceux qui par la suite seront identifiés comme tels, n’auraient jamais migré d’Orient vers l’Espagne - ce serait plutôt le contraire - seraient des Ibériens qui, plusieurs siècles avant l’ère chrétienne, auraient mis le cap en direction de l’Est pour débarquer sur les côtes phéniciennes y apporter leur civilisation - des colonialistes dirait-on aujourd’hui- ET leur nom : Ivri, c’est à dire Ibère ou Ibérien; le B pouvant se lire V en hébreu comme en espagnol. Avec comme résultat, pour le moins étonnant : Ibère-Ibérien=Ivri, peuple ibérien= peuple ivri. La beauté de cette théorie, c’est que ce ne sont plus les Séfarades qui seraient d’origine juive, mais bien les Hébreux qui seraient d’origine espagnole. Cette théorie s’apparente à celle voulant que Sfarad soit l’anagramme du mot Pardes, avec une interversion du P et du S aboutissant à la racine spard, d’où Sfarad; terme qui désignerait ceux qui étudient le sod, littéralement, la Kabbale. Sfarad, spéculation métaphysique? Pourquoi pas. Dans le même ordre d’idées, plusieurs linguistes voient dans Sfarad
un lien de proximité avec l’arabe Safar qui veut dire voyage, comme Safari en swahili. Sfarad, Safar, Safari; le voyage, l’errance perpétuelle, l’exil. Le Sfarad, archétype du Juif errant? Je prends. Au terme de ce périple spatiotemporel (je ne peux résister à ce jeu de mot), un consensus : impossible de dire avec certitude et précision à quelle époque les Juifs ont débarqué en Sfarad. L’Histoire est muette. On suppute et subodore approximativement bien avant les Romains et probablement à l’époque des Phéniciens, mais Quid de l’exactitude du quand et reQuid de celle de la provenance. Étonnant quand même que tous ces savants, habiles à théoriser sur la genèse d’un hapax et ses significations multiples et diverses, aptes à nous balader aux quatre coins de la planète, du delta du Nil aux Îles Canaries, de l’Anatolie aux côtes phéniciennes, industrieux à comparer entre eux des dialectes disparus depuis des lustres, capables de passer allègrement d’une discipline à une autre, s’ingéniant à établir des liens et des correspondances entre mystique juive, histoire, linguistique et géographie, qui maîtrisent aussi bien le swahili et l’arabe que l’hébreu, soient à ce point infoutus de s’entendre entre eux et de nous dire quand exactement les Juifs ont déposé leurs baluchons en Espagne. Une autre chose me fascine, je ne sais pas pour vous, c’est l’intérêt affiché et la passion démontrée des décennies durant par tous ces pontes, pour une billevesée dont le commun des mortels s’en moque comme de colin-tampon et qui ne change rien à sa vie de tous les jours; d’autant que, en bout de piste, à la question qui est Séfarade, nous ne sommes guère plus avancés.
La force du nombre et son insignifiance Sur cette question et pour faire simple, il y a deux écoles en tension. À un bout du spectre, se situent ceux que j’appelle les puristes du sol pour qui seuls les descendants directs des Juifs ayant vécu dans la péninsule ibérique avant l’expulsion d’Espagne en 1492 et du Portugal en 1496 sont Séfarades-Sfaradim-Sefardis.
Pendant longtemps, le nombre de 600 000 Juifs ayant fui l’Espagne en 1492 a été avancé. De récents travaux ont révisé cette estimation à la baisse et aujourd’hui, on évalue leur nombre plutôt entre 150 000 et 200 000. Cela n’a rien d’anodin et j’y reviens un peu plus loin, à propos de la loi du retour pour les Juifs d’origine espagnole. À l’autre bout du spectre, il y a les pragmatiques fatalistes, comme je les appelle par manque d’imagination. Pour eux, sont Séfarades ceux qui ne sont pas Ashkénazes et qui ne parlent pas le yiddish. Seraient donc Séfarades, les Juifs d’Afrique du Nord, ceux des pays arabes (la liste est longue), appelés Juifs orientaux ou Mizrahim, ceux des Îles Caraïbes, de l’Inde, de Cochinchine et d’Éthiopie. En ai-je oublié? En Israël, mais également en France et dans plusieurs communautés juives d’Amérique du Nord, le grand rabbin Séfarade représente surtout les Juifs mizrahim, bien plus que ceux se réclamant d’une identité juive ibérique, aujourd’hui fortement diluée. En Israël, on recense près d’un million et demi de Juifs séfarades-mizrahim; en France, entre 300 000 et 400 000; aux États-Unis, de 200 000 à 300 000 et en Argentine, quelque 50 000 âmes, sans compter ceux des « petites communautés ». Au fil du temps, Séfarade est donc devenu une appellation ethno-religieuse quasi fourretout, au grand dam des puristes du sol pour qui les mots ont un sens. Si Sfarad veut bien dire Espagne, on ne peut donc qualifier les Juifs orientaux, les Mizrahim, de Séfarades puisqu’ils n’ont rien d’espagnol. Ces Juifs arabes n’ont aucun lien avec l’Espagne, les langues vernaculaires qu’ils parlaient dans leur pays d’origine n’ont rien à voir avec le Judéo-espagnol, proche du Castillan du 16e siècle, leur histoire, leurs coutumes, leurs traditions et leur folklore sont également bien différents de ceux des descendants des 150 000 - 200 000 Judios Sefardis qui ont préféré la valise à la conversion. Malgré la massivité de l’évidence, pourquoi les Juifs marocains de la zone espagnole, avec cet air hautain et prétentieux, se prennent-ils pour les enfants illégitimes d’Isabelle? Idem pour les Casablancais, Rabatys et autres citadins qui n’ont que mépris Magazine LVS | Pessah 2016 29
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Sfarad égale Espagne, ah oui?
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et moqueries pour leurs Chleuhs de coreligionnaires du Haut Atlas. Eh les mecs, vous êtes tous des Juifs arabes, des Mizrahim vous, vos parents, vos grands-parents et trisaïeuls, et ce, depuis des siècles, sans lien aucun avec les Judios Sefardis de Castille ou d’Andalousie! Arrêtez donc de vous la jouer « bourgeois gentilhomme ».
Réparation morale et enfumage Et dire qu’il aurait suffi d’une déclaration officielle reconnaissant solennellement l’erreur historique que fut l’expulsion des Judios Sefardis de 1492. Imaginez une invitation de Felipe VI à l’adresse du grand rabbin d’Espagne, des représentants des principales communautés Séfarades de Diaspora, du grand rabbin Séfarade d’Israël et du clergé espagnol; cérémonie au cours de laquelle, trémolos dans la voix, Felipe VI aurait reconnu la faute d’Isabelle la catholique et remis symboliquement les clés du pays, en guise d’amende honorable et de réparation morale. Quelques photos officielles, une conférence de presse, impression de ladite déclaration sur parchemin vierge, à apposer bien en évidence à l’entrée des centres communautaires et synagogues Séfarades de par le monde, et basta. L’affaire aurait été entendue. Flétrissure effacée, blessures cicatrisées et dossier classé. Pareille cérémonie, à portée hautement symbolique, aurait suffi. N’étant guère rancuniers et n’ayant aucune expectative après cinq siècles, les descendants des Judios Sefardis auraient été pleinement comblés et le Royaume d’Espagne aurait recouvré sa virginité. En lieu et place de quoi, le gouvernement espagnol s’est embarqué dans une opération de com. et d’enfumage, en promulguant sa loi sur l’octroi de la nationalité aux descendants des Juifs séfarades. À examiner de près les conditions à remplir pour l’obtention de ladite nationalité, cette loi en est une de dissuasion massive et un véritable parcours du combattant.
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Les documents officiels parlent de l’octroi de la nationalité espagnole à toute personne pouvant prouver d’une ascendance Séfarade sous certaines conditions. À noter qu’il s’agit d’un octroi et non d’une restitution. Le gouvernement espagnol concèdera la nationalité aux demandeurs qui répondront à tous ses critères et qui sauront prouver d’une ascendance directe avec l’un des 150 000 - 200 000 Judios Sefardis expulsés à coups de pompes dans le cul en 1492. L‘Espagne magnanime concèdera, dans son infinie mansuétude, la nationalité à ceux qui trouveront grâce à ses yeux. Une nationalité accordée et non restituée. Un octroi conditionnel. Bel exercice de com. Voici, dans les grandes lignes, les conditions exigées. Outre une taxe de cent euros non remboursable, les descendants des quelque 150 000 - 200 000 Judios Sefardis doivent prouver leur filiation par leur nom, leur pratique du Ladino, démontrer leurs liens avec les coutumes Séfarades, apporter un certificat expédié par la communauté juive d’Espagne ou de leur pays de résidence, passer avec succès le test linguistique qui se déroulera en Espagne; le voyage étant à la charge du demandeur, faire traduire en espagnol tous les documents requis par un officiel ou une personne agréée par le gouvernement espagnol, aux frais du requérant, il s’entend. Les actes de naissance ou les contrats de mariage selon les traditions de l’ancienne Castille sont également mandés. Pour plus de détails, je vous convie à aller au www.csuq.org et vous constaterez par vous-mêmes que tout a été minutieusement gambergé pour rejeter le plus grand nombre de demandes. Prudent, le gouvernement espagnol a sorti sa calculette et fait ses comptes. En considérant qu’entre 150 000 et 200 000 Judios Sefardis ont été expulsés en 1492, il évalue à quelques milliers le nombre de Juifs séfarades en mesure de répondre à tous ses critères qui se verraient octroyer ladite nationalité. Eh oui, tout ça pour ça. Pas fou, ledit gouvernement anticipe entre
80 000 et 100 000 le nombre de requérants, principalement en provenance d’Israël, de France, des États-Unis, du Canada, du Brésil, du Venezuela, de Grèce et de Turquie, qui se précipiteront dans les ambassades et consulats espagnols, et les institutions communautaires agréées, y ouvrir un dossier, remplir la paperasse et s’acquitter des coûts afférents. Il paraît que dans les bureaux de la CSUQ, le téléphone ne dérougit pas. Pas étonnant, vous êtes si prévisibles et prêts à n’importe quoi pour obtenir un Sésame pour l’Europe. Cent mille suppliques pour quelques milliers de nationalités octroyées. Question image et relations publiques, la loi d’octroi, c’est tout bénef pour le gouvernement espagnol. De l’enfumage, je vous dis.
Identité et transmission J’étais à mille lieues de me douter, en commençant cette chronique, que j’irais fouiller dans cette vieille boîte, en ressortir les rares photos qui me restent de mon père. Trois clichés de Claude, de son père Isaac et de sa mère Sarah. Le plus ancien date de 1925, l’année du mariage de mes grandsparents paternels. Sur un autre, on les voit tous les trois en train de piqueniquer sur les bords de Marne. 1937 est inscrit en bas à gauche. On ressent le front populaire de Léon Blum et les premiers congés payés. Sur le dernier, pris en 1942, seuls Sarah et Claude y figurent; Isaac ayant déjà été déporté. En plus des photos, je dépoussière la vieille carte d’identité émise, par la préfecture de police de Paris en 1943, au dénommé Chalonnet Albert avec la photo de mon père, agrafée dessus. Une de ces « fausses vraies » cartes d’identité inappréciables pour un Juif durant l’Occupation. Ces photographies et cette pièce d’identité, allez savoir pourquoi, me font penser au psychiatre-psychanalyste, Boris Cyrulnik, pour qui « il faut quelqu’un pour devenir quelqu’un ». C’est vrai. On ne peut se développer sans ancrage, sans appartenance ni transmission. C’est bête à dire, mais si je me sens pleine-
Il nous a transmis son silence sur les années sombres de l’Occupation, son attachement indéfectible à Israël et sa fierté d’être un Judio, comme il se plaisait à dire. Il a réussi à nous transmettre cette identification et cette appartenance aux Judios Sefardis par un Ladino qu’il baragouinait, une
dévotion pour ses parents et par une mémoire défaillante de l’histoire de ses grands-parents, et de sa parentèle restée en Turquie. Il nous a transmis ce qu’il a pu : une appartenance ténue et diluée, certes, une filiation écorchée et diffuse, il est vrai, mais appartenance malgré tout aux Judios Sefardis que furent ses parents et dont nous sommes, à notre tour, les récipiendaires, les porteurs et les tributaires. Par mon père, je suis lié à ses parents et, par eux, aux Judios Sefardis dont ils sont issus par le temps, la sédimentation de leurs mémoires, l’accumulation de leurs expériences, et à leur transmission. Une transmission, avec tout ce qu’elle comprend d’impossible, si elle ne dépend que de l’unique absolue fidélité du fils envers le père : une transmission identitaire immuable et figée. Morte. « Le fils ressemble davantage à son temps, qu’à son père », dit l’adage. Lourde tâche que celle de recomposer mon identité Sefardie, de métaboliser mon histoire et mon héritage.
Un peu comme ces albums de vieilles photos jaunies par le temps, « l’identité juive ibérique » se dilue et s’estompe. « Je pense aux jours lointains. Que reste-t-il de ces beaux jours? Une photo, vieille photo de ma jeunesse. Un souvenir qui me poursuit sans cesse. Que reste-t-il de tout cela? Dites-le moi » chantonnait Charles Trenet, l’un des chanteurs préférés de mon père, avec Aznavour et Montand. Il en va de même du Judio Sefardi que je suis. Dans ce baluchon que je trimbale de pays en territoires, de villes en cités : une langue vernaculaire gauchie par le temps, des fragments de mémoires, une histoire morcelée, une identité étiolée, un passé qui s’éteint. Une nostalgie. Kol ehad lefi darko, dit l‘apophtegme Hébreu. À chacun son chemin, son aventure et son destin. Je me retrouve en mon père, ce Judio Sefardi, Homme de la verticalité et de la rencontre. À mon tour, je trace mon chemin dans ses pas. Je suis Judio.
Maurice Chalom
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ment Judio, c’est grâce à mon père et à ce qu’il nous a transmis à nous, ses enfants. Je ne sais si transmission est le bon terme, mais la transmission peut-elle être, doit-elle être toujours mesurable? Il est vrai qu’il ne nous a transmis aucune pratique religieuse ni aucune prière; il ne savait pas lire l’hébreu, n’avait reçu aucune éducation religieuse et son unique livre de prières était celui du rituel de Kippour, écrit en phonétique. À Pessah, il nous chantait El Cavretico, d’une voix éraillée, dans un Ladino écorché par son accent du faubourg. Il n’empêche. Nous, ses enfants, sans jamais nous être consultés, récitons, nous aussi, El Cavretico, Pessah après Pessah.
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J’AI FAIT UN MINIAN À MOI TOUT SEUL « Point de loi, point de bonnes mœurs. Point de bonnes mœurs, point de loi. Pas de sagesse, pas de religion. Pas de religion, pas de sagesse. Pas de science, pas d’intelligence. Pas d’intelligence, pas de science. Pas de pain, pas d’étude. Pas d’étude, pas de pain. » Rabbi Elazar ben Azaria. Pirké Aboth, Principes des pères. Écrivain, metteur en scène et artiste interdisciplinaire, Serge Ouaknine a été directeur du programme de Doctorat en études et pratiques des arts de l’Université du Québec à Montréal. Il a signé une quarantaine de mises en scène et plus de deux cent cinquante publications sur le théâtre et la formation de l’acteur, des poèmes, des récits, des nouvelles et un roman paru récemment, Le tao du tagueur, Édition XYZ, Montréal, 2015. Serge Ouaknine Quand j’étais enfant à Casablanca, je ne savais pas que j’étais Sépharade, je croyais être Juif. Je savais qu’il y avait les… autres. À Kippour, les Ashkénazim louaient le cinéma Le Paris pour la journée. Ils n’avaient pas leur synagogue. Et je trouvais cela étrange « d’être Juif » une seule fois par an. Plus tard, j’ai voulu retrouver cette deuxième moitié de mon peuple, presque disparue dans les cendres de l’Europe. Je n’ai pas abusé d’une curiosité maligne pour la mort et la tristesse, mais désiré reconnaître et toucher, par l’art, les lieux de leurs blessures.
D’une identité voyageuse À l’adolescence, j’ai demandé à mon père d’où venonsnous? Il me répondit, Rome avait conquis la Judée et la Galilée. En 70 de notre ère Titus a pillé et détruit notre Temple et Jérusalem nous fut interdite. Alors nous avons refait le chemin de l’Egypte, la Lybie, Carthage et le Sahara. Les plus résistants sont arrivés au pied de l’Atlas. Par des cols enneigés, ils ont atteint des vallées verdoyantes. À l’oasis de Tinghir, près de Ouarzazate, dans le Grand Sud du Maroc. Les Amazighs (dit Berbères) nous ont accueilli! Nos prières nous les avons retranscrites. Nous avons sacrifié nos bêtes en priant, et ils ont fait comme nous. Nous sommes des Aknine, des Ould-Aknine, des Fils de Jacob, en berbère. Nous avons pris femmes parmi eux. Et eux parmi nous. C’était bien avant la conquête des Chrétiens, puis de l’Islam, en terre d’Afrique.
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J’ai demandé à ma mère : D’ou venons-nous? Nous sommes des descendants des Juifs d’Espagne, une famille de kabbalistes… réfugiés au Maroc, après 1492. Certains sont descendus à Marrakech, l’ancienne capitale chérifienne. Rabbi David Sabbah, le grand-père de mon père était vénéré et fut enterré au mur des Saints, pour ses dons de voyance et ses miracles. Il eut la vision que son fils unique, Abraham, mourrait jeune. Il le maria très tôt. Ainsi Abraham n’eût qu’un seul enfant qu’il nomma David. Et le petit David devint orphelin : c’est ton grand-père. Il se réfugia à Mogador (aujourd’hui Essaouira) qui était un comptoir commercial anglais sur la côte atlantique. À quinze ans, il voulut connaître le monde et avec sa protection consulaire britannique, il partit pour Londres où là, sur la recommandation de Lord Belisha, conseiller de la Reine Victoria, un Juif séfarade de la même ville que lui, il étudie les pierres précieuses. Victoria? La statue de bronze, assise devant la Faculté de musique de l’Université McGill, à Montréal? Elle-même. Les Anglais convoitaient l’Argentine pour en importer la laine… David s’est embarqué pour Buenos-Aires où il fit du commerce. Il loua la beauté et la grâce des femmes argentines... et retourna vers l’Europe par le port anglais de Southampton. Son rêve, c’était l’Amérique du Nord! Le 10 avril 1912, il s’apprête à embarquer sur le Titanic, pour New York. Sur le quai, il admire le bateau, mais sur la ligne de flottaison de la coque, il découvre écrit en anglais : Même Dieu ne peut couler
En 1923, David deviendra Français. En 1933, face à la montée d’Hitler, il eut la vision qu’il détruirait l’Europe et qu’il ne serait sauf qu’au Maroc. Il alerta tout les Juifs de son immeuble de la rue de l’Hôtel-de-Ville à Paris. Personne ne le crut. Tous furent déportés à Auschwitz. Sauf un qui s’était engagé pour l’Indochine. « N’oublie jamais que nous sommes des Sépharades, des Juifs d’Espagne expulsés en 1492, me dit ma mère. Nous portons un livre en nous et nous devons le délivrer! » À quinze ans, je suis entré avec dérogation du ministre de la Culture, aux Beaux-Arts de Casablanca, car j’étais mineur et j’aurais à dessiner et à peindre, des natures mortes, mais aussi des femmes nues! J’appris vite à capter le rythme essentiel! Je n’avais qu’un seul rêve : toucher l’étincelle de Dieu.
Un Minian à moi tout seul Quand je suis entré dans la salle obscure du Théâtre Laboratoire, de Wroclaw, du maître Jerzy Grotowski, en Pologne en janvier 1966, les acteurs étaient prodigieux, les corps et les voix faisaient vibrer les murs, j’ai ressenti que là était ma vraie maison, ma synagogue laïque et sacrée. Les acteurs, mon Minian, pour tracer l’allégorie vivante de nos errances. Réconcilier l’Orient et l’Occident aux frontières de l’Europe. Je me mis à dessiner les acteurs et j’appris le polonais… J’avais vingt-deux ans quand je suis allé à pied à Auschwitz. J’ai marché sur la voie ferrée, j’ai arpenté les baraques de Birkenau. Je suis resté sur le quai, au terminus du rail, incapable d’avancer plus loin vers le petit boisé, juste après les chambres à gaz détruites, à gauche, et les fours crématoires, à droite. Les arbres étaient enveloppés d’une aura étrange, ils avaient tout vu, et se souvenaient encore. C’était là les massacres individuels au pistolet : la Shoah par balle. Dans les « blocs » des femmes, sur les murs badigeonnés à la chaux : des noms, des adresses, des poèmes en plusieurs langues, de nombreux dessins humoristiques. Dans la minuscule cellule du Kapo, un petit croquis au crayon noir. Un tout petit Juif hilare qui court avec un bâton après son tortionnaire effrayé… Même au milieu de l’Enfer, les Juifs ont eu de l’humour et un sursaut poétique. Je n’ai jamais oublié cette lettre d’amour à l’encre violette, un poème dédié à son fiancé, pour après la guerre, signé de son prénom : Jadwiga. J’ai pleuré devant sa lettre passionnée à son futur époux! En ce temps-là, on se touchait à peine par les doigts de la main. On s’aimait avec les yeux et des mots d’amour jusqu’à la nuit de noces. Je n’avais pas hélas d’appareil pour
saisir ce petit miracle de persévérance, dans le froid absolu de l’hiver polonais. Mais ce poème m’a donné une force pour la vie. Alors sa lettre est bien arrivée. Qu’allais-je faire en Pologne? Sinon fermer la boucle des récits et voyages de mes ancêtres. Marcher sur le sol des disparus, tout en me souvenant des galettes à l’anis que ma grand-mère Esther faisait pour le jour de Shabbat… Je ne savais pas tout cela en quittant le Maroc pour la France, à l’âge de dix-huit ans, que le Canada s’ouvrirait à moi après Paris, l’Europe et ses deuils, son doute et sa mémoire sombre. Je suis devenu un « rabbin d’artistes » en traçant mon chemin de création. En guidant les êtres comme un vieux rébbé de shtel ou mellah. En Israël, j’ai trouvé un silence apaisant sur les marges de la Mer Morte. En face des grottes de Qumran, là où a dormi la bibliothèque des Esséniens et celle aussi du Temple, pendant 2000 ans. Je vois de mon balcon, les grottes et crevasses dans le rocher, sur la face occidentale de la plus vaste dépression géologique du monde. Là ont dormi les parchemins, et par chemins, qui nous ont tenus droit. La palmeraie est gorgée de fruits. Voilà qu’un théâtre de femmes religieuses de Jérusalem, et de parents rescapés de la Shoah, m’appellent pour donner forme au dédale de leurs souvenirs, des contes et des musiques de la Vieille Europe. Je taille dans les textes et décide que la musique conduira la saga des familles! Le spectacle est un bijou qui fait rire et pleurer. Nous sommes invités à Lublin, à l’Est de la Pologne, jadis peuplée de milliers de Juifs... En marge du spectacle, je traverse les ruelles vides de l’ancien et vaste quartier juif, j’entre dans des couloirs de maisons où je crois entendre des voix d’enfants... Je touche des rampes crasseuses d’escaliers où des mains s’y étaient accrochées. Une odeur de soupe et de radis noir. Je me suis retrouvé à Lublin le jour de Kippour, avec un spectacle sur la Shoah dont j’avais fait la mise en scène. Bien sûr, nous n’avons pas joué ce j’avais, nous avons jeûné et marché quelque trois ou quatre kilomètres depuis notre hôtel... jusqu’au camp de concentration de Majdanek. Ce n’était pas la première fois que je me retrouvais en Pologne, un Yom Kippour. Ce n’était pas la première fois que je cherchais une synagogue sur cette terre de destruction et de deuil, Il faut être au moins dix, soit un Minian, dix Juifs pour pouvoir réciter le Kaddish, cette prière qu’on prendrait pour une consolation des morts, mais qui en fait célèbre la vie, une exaltation de confiance sans faille en son Créateur. Ce jour-là, le camp de Majdanek est presque vide, j’arrive seul dans la chambre à gaz. Seul. Le Kaddish s’impose à moi. À voix haute, dans cette voûte de béton close qui résonne et imprègne mon corps, j’entends des milliers d’âmes muettes. Le son de ma voix retombe, en provoquant sur ma poitrine une oppression sèche. Les ingénieurs nazis avaient fait des hublots parfaitement circulaires dans le béton, autrefois vitrés, pour observer et chronométrer l’effet de différents types de gaz, et choisir celui qui provoquerait la mort la plus rapide, pour le plus grand nombre possible. En Magazine LVS | Pessah 2016 33
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ce navire! Il se souvient du Troisième Commandement : « Tu n’utiliseras pas le nom de l’Éternel, ton Dieu, en vain; car l’Éternel ne laissera pas impuni celui qui prendra son nom en vain ». David refuse d’embarquer. Ce qui probablement lui sauvera la vie. Au large de Terre-Neuve, quatre jours plus tard… le Titanic heurte un iceberg et coule, faisant 1 491 victimes.
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ce lieu fut expérimenté la première réponse industrielle de la solution finale… La tragédie de la Seconde Guerre mondiale avait déjà eu ses prémisses en 1492, quatre siècles plus tôt par les autodafé ou acte de foi et qui consistait à faire défiler dans les rues d’Espagne des mannequins de paille, des effigies de Juifs, qu’on brûlait ensuite. Sinistre usage du spectacle. Une fois le simulacre accompli, l’exaltation populaire ouvre le passage à l’acte réel sur des Juifs avec leurs livres… Ce fut le sujet d’un premier volet de trois créations théâtrales en forme d’événements errants au Festival Mondial de Nancy en 1980 et par deux fois à Montréal en 1982 et 1992. Ainsi ai-je commémoré la mémoire de mes ancêtres. Voilà mes voyages à travers le monde. J’en ai reçu la piqûre très tôt. Elle est l’étoffe même de ma vie.
Tant de deuils traversés, alors que je porte tant de joie! J’ai toujours eu le sentiment d’être un « Juif à côté », dans la marge de l’orthodoxie. Je ne trouve pas ma place dans le rituel déjà construit de la synagogue. Et pourtant j’avais envisagé de devenir rabbin. Apprendre. Prier mais autrement. Quelle est cette tristesse si profonde qu’un sourire ne peut combler? Pas même l’allégorie des ancêtres prophètes et faiseurs de miracles! Toujours des pertes sur la route, la cartographie fragile des rencontres. Rester noble de cœur, malgré les trahisons. Tout s’accélère en une sorte de course aveugle dont on peut perdre le sens. Le judaïsme interdit l’idolâtrie, il n’a pas interdit l’art ! Le jeune homme que j’étais avait mal compris la part muette du désert où les voix dessinent sur le sable des paroles sacrées. Tout disparaît, sauf quelques œuvres qui traversent la modernité de chaque temps. D’éclats de couleurs plus impossibles qu’un arc en ciel. De terres ocres, de sels rougeoyants et de bleus plus noirs que toute nuit. Quelle est cette joie triste! À quoi tient cette transe qui touche l’invisible. Cette question me hante toujours. Dans l’art j’ai trouvé mon rite spirituel. Mon infini privé. Mes étoiles. Même dans le dédale des fours crématoires, ma foi est restée intacte et plus forte que toutes les intolérances que j’ai traversées. Il ne faut pas rendre Dieu responsable de l’horreur, mais œuvrer vers son propre bien. Quand j’allais en Pologne, le train traversait Dresde, en Allemagne « de l’Est », sans s’y arrêter, la ville totalement détruite par les bombardements anglo-américains des 1314 février 1945 : 260 000 morts en deux nuits. Par les livres, je connaissais ses musées. Mais le train filait droit. Nous voilà en 2012, le Festival des Cultures Yiddish de Dresde nous invite avec notre spectacle sur la Shoah, en hébreu et 6 autres langues. Les ombres de l’histoire nous poursuivent. Dans la salle, de jeunes Allemands découvrent ce qu’on leur avait caché, et pleurent. Un cri émerge d’une sorte de brume hallucinée. Alors j’ai arpenté la ville et j’ai visité ses musées.
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L’artiste est inspiré de la vie, mais ne la calque pas. Il fabrique des prières qui sont des mensonges de lumière plus beaux que nature. Le chemin n’est jamais rassurant, mais il y a un Ange pour les voyageurs, et ceux qui prennent le risque de l’inconnu. Voilà ce que signifie pour moi être Sépharade et Juif. Ma joie aide à réparer le drame des autres. Leurs pages intimes, toujours inattendues, et dans la marge où la route prend des chemins multiples. Le théâtre c’est la vie qui sort de la page du livre. Le roman, son retour vers la blancheur, pour raconter ce qui fut glané au dehors et qui revient sur son parchemin périssable. L’écume des paroles qui ne meurent pas. Il y a un mois, je devais partir pour Bamako, capitale du Mali. Mon roman Le tao du tagueur ayant été sélectionné parmi les 10 meilleurs des Cinq continents de la Francophonie 2015. Je me suis fait injecter tous les vaccins obligatoires pour entrer en Afrique… Mais tout s’est arrêté 24 heures avant mon envol vers cette vaste manifestation littéraire, qui était aussi une magnifique vitrine pour les artistes africains... Attentat islamiste. Vingt morts à l’Hôtel Radisson. Tout fut annulé... Et pourtant, cette terre africaine a tant d’ingéniosité à offrir, les élans qui peignent, chantent, dansent et écrivent ... sur les traces de savoirs millénaires. Voilà mon va-et-vient entre la diaspora et la terre promise. J’assume mon identité de Juif nomade et de Juif en terre sainte et en exil. C’est ce passage qui aide l’âme à se détacher de la vanité du monde, et en même temps d’honorer sa valeur précieuse. Ainsi ai-je inventé ma prière, mais seul dans l’écho du monde.
Terre promise ou terre de promesse? Il est dit que la terre d’Israël se mérite par une soumission aux épreuves qu’elle fait subir. J’aime sa lumière, la tendresse de son désert de feu, sa faune humaine diversifiée, sa passion à vivre. Sa construction spartiate obligée. Mais j’y suis arrivé trop tard, je n’arrive pas à me plier à sa règle. Je suis un indécrottable francophone. Il faut y être né, y avoir grandi pour se confondre à la fabrique d’une langue retrouvée. Les doutes existentiels n’ont pas de place, face à l’urgence de la survie nationale. Voilà le dilemme. Sioniste oui. Soumis jamais. La nation ne peut contenir que ce qui l’approuve contre la mort et en dépit de tout. Pour se construire, elle ne peut pas douter. Alors que reste-il de l’idéalisme juif? La diaspora pour une construction individualiste, mais sans sécurité. Ou la terre de Sion en combat permanent. Dans les deux cas, il faut sacrifier quelque chose. Il reste alors le jeu de l’aller et du retour. Une fécondité agissante face aux failles humaines de l’autre. Quelle peut être la place de l’artiste, entre la diaspora et la terre promise hypothéquée par la sécurité? L’intimité est le territoire intérieur de l’art. Écrire c’est, apprendre à tailler dans la saga des mots. Un long et patient travail sur soi.
ÊTRE SÉPHARADE DANS LE MONDE | DOSSIER SPÉCIAL Dessin à l’encre de chine de Serge Ouaknine
Depuis 2006, voilà que je suis appelé sur les marges du théâtre et de la médecine. Un échange de connaissances, un transfert d’expériences : Comment humaniser la relation du médecin au malade? Les technologies accélèrent et affinent le diagnostic, mais court-circuitent l’attention bienfaisante du médecin qui perd sa durée d’écoute. Quand la technique divinise les écrans, l’humain disparaît! L’art à la rencontre de la science! Nos Ateliers sont aujourd’hui obligatoires dans le cursus des étudiants des Facultés de Médecine de Montpellier et Nîmes. Là même où sont passés il y a huit siècles les médecins juifs, dont Maïmonide le plus affiné de tous! Qu’est-ce qu’un patient sinon un être qui attend… Une qualité d’accueil et de présence puisque les tests et examens ont déjà tout dit! Induire une attention plus fine, un silence qui accueille, une bienveillance qui rassure. Voilà que l’homme de théâtre interroge la pratique et l’éthique de la médecine, par le jeu d’une écoute plus sensible du malade et de ses proches… un Shéma Israël! L’Écoute de ce UN qui commence avec le « visage de l’autre », comme l’énonce si finement Lévinas. Le théâtre vient aider les médecins à entendre l’âme des malades, le désordre soudain d’une vie frappée par la maladie. Apaiser les craintes, suspendre le spectre de la mort par plus d’empathie.
L’Écoute, clé de voûte de toute relation humaine. Voilà comment je suis devenu le « Juif en marge » du religieux, à inventer chaque fois l’étincelle de mon propre Kaddish et mon Minian. Car le visage de l’autre est présent dans la conscience de celui qui crée. Un écho qui le suit et ne le quitte pas. Ce qui compte désormais pour moi, est de déposer la mémoire de cet immense trajet. Porter le souffle d’une écriture romanesque, la trace des vies, et consigner mes expériences d’artiste chercheur. À distance de la doxa, des coups d’éclats du paraître. Tout s’efface sauf le Ciel. « Nu je suis sorti du ventre de ma mère. Nu j’y retournerai. » crie Job malgré ses épreuves! Voilà la Bible qui a éclairé mon chemin.
Serge Ouaknine
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ÊTRE JUIF AU MEXIQUE ENTRETIEN avec le rabbin Aryeh COFFMAN par Sonia Sarah LIPSYC Le rabbin Aryeh Coffman se consacre à la traduction et à l’explication en espagnol des œuvres classiques du judaïsme. Parmi ses ouvrages, on compte aussi bien des traductions et explications du commentaire de Rachi (1040-1105) sur la Torah que des ouvrages d’éthique comme La voie des justes du Ramhal (1706-1746) que de cabbale comme le Palmier de Déborah de Rabbi Moshé Cordovero (1522-1570).
Combien de Juifs vivent au Mexique? Où vivent-ils? Quelles sont leurs origines (Sépharades? Ashkénazes?) Que représente la communauté juive mexicaine au sein de l’Amérique du Sud? On considère que la population juive du Mexique approche les 50 000 personnes. La majeure partie (près de 95%) habite Mexico et les zones urbaines alentour. Cependant, selon une étude récente de l’Instituto Nacional de Geografía y Estadística (2012), près de 60 000 personnes affirment pratiquer le judaïsme. Mais une exagération reste possible! Les Juifs mexicains se divisent en trois communautés : ashkénaze, turque, et syrienne, cette dernière se composant de deux groupes : les Halebim (originaires de la ville de Alep) et les Shami (originaire de la ville de Damas). Chacun de ces deux groupes fonctionnant comme deux communautés à part entière. Il y a donc réellement quatre communautés. Il y a peu de temps encore la communauté ashkénaze constituait la moitié de la communauté juive mexicaine, et les Séfarades d’origine syrienne et turque, l’autre moitié.
Rabbin Aryeh Coffman
En Amérique latine, il existe autour de 4 000 000 de Juifs de langue espagnole. Si l’on considère que la population juive mexicaine est de 50 000, cela représente approximativement 10 à 15 % de la totalité du judaïsme latino-américain. La plus grande partie des juifs latino-américains se trouve en Argentine soit approximativement 300 000 personnes. Quelles sont les principales structures communautaires et les Juifs mexicains y sont-ils affiliés? La majorité des Juifs mexicains sont affiliés à leurs communautés respectives. Ce sont des membres actifs qui participent aux activités. Il n’y a pas de centre communautaire général car chaque communauté possède son centre communautaire, ses synagogues et ses écoles. Il y a six grandes écoles où étudient les jeunes Juifs, depuis le primaire jusqu’au secondaire. Cependant ces dix dernières années, la communauté syrienne a amplement dépassé le nombre de structures éducatives et communautaires proposées par chacune des autres communautés.
Daat Tebunot, 2 volumes. Traduction et commentaire de le œuvre la plus célèbre de Ramhal (Rabí Moshé Hayim Luzzatto), Traite de la Kabbale et la philosophie du judaïsme.
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Il y a trois grandes écoles religieuses dirigées par la communauté Magen David (‘Halebi, originaire de Alep), plusieurs yeshivot (académies talmudiques) et beaucoup de petit kolelim (lieux d’études pour hommes mariés), certains étant affiliés au centre communautaire officiel et d’autres étant indépendants. Au Mexique, une centaine d’abre’him, membres de kolelim ont fait de l’étude de la Torah, leur activité principale. En terme d’étude journalière de la Torah, le Mexique est dans le monde l’un des endroits où proportionnellement l’on étudie le plus la Torah.
Le Mexique est un pays où se pratique plus généralement un judaïsme traditionnel. La grande majorité des institutions juives sont idéologiquement traditionalistes ou orthodoxe. Le mouvement juif réformiste ne possède qu’une petite synagogue, le mouvement conservative légèrement plus important, ne possède qu’une seule synagogue. La grande majorité des gens qui les fréquentent sont ashkénazes. Ces dernières années au Mexique, on a vue apparaître une pratique religieuse du judaïsme des plus traditionnelles et une augmentation de l’étude de la Torah sous l’influence haredi (ultra-orthodoxie). Chaque jour plusieurs centaines de Juifs mexicains vont dans les synagogues, les yeshivot ou les kolelim pour y étudier avec des rabbins ou des abre’him de mouvance haredi. À la différence de beaucoup de pays où le mouvement habad (Loubavitch) est important, au Mexique ce groupe reste mineur et sans grande influence sur la pratique et l’étude du judaïsme orthodoxe; il n’y a pas ici d’impact notable de groupes comme habad ou Breslev. Comment définiriez-vous l’apport des Juifs mexicains, plus particulièrement des Séfarades, à la culture juive? Le Mexique est l’un des rares pays au monde où la communauté séfarade, et plus particulièrement ceux d’origine syrienne, et notamment d’Alep, jouit et maintient une influence plus grande que la communauté ashkénaze. Cette communauté séfarade, se développe et impose de plus en plus ses propres valeurs à toutes les communautés du pays. Récemment, on a vu une multiplication de centres d’études de la Torah dirigés par des rabbins et des enseignants haredim d’origine séfarade, attirer beaucoup de jeunes. De plus, l’institution de cacherout qui monopolise la supervision des aliments cacher au Mexique fait également partie de cette communauté Magen David d’origine syrienne. Les Séfarades ici, déterminent de plus en plus, le développement culturel et social des Juifs mexicains, et spécialement des jeunes alors que par ailleurs les Juifs ashkénazes ne savent pas générer de nouvelles initiatives pouvant attirer les jeunes, pour les faire participer activement à tous les domaines de la culture juive. Qu’est-ce que le décret (takana) du rabbin syrien David Sutton Dabah (1885-1949) et quel est son impact dans la communauté juive mexicaine? Cette takana n’est pas exclusive à ce rabbin. Dans la première décade du XXe siècle, toutes les communautés syriennes du monde ont institué cette takana pour interdire l’intégration des guerim ou convertis dans leur communauté. À l’origine, c’était une mesure qui permettait de protéger la communauté de la venue de personnes dont la sincérité dans l’accomplissement des mitzvot ou commandements de la Torah n’était pas réelle. La grande discipline communau-
taire qui existe à l’intérieur de cette communauté syrienne, permit à ce décret d’être adopté dans tous les endroits où l’on pouvait trouver un fort pourcentage de cette communauté, comme à New York, en Argentine, au Panama, et au Mexique. Ce décret a largement évolué depuis son institution, le rendant chaque fois plus strict. Aujourd’hui, on assiste à un refus de réaliser des conversions de personnes qui désirent devenir juives, mais aussi le refus d’accepter tout converti dans sa communauté, même si celui-ci est sincère et très observant des mitzvot. Ce décret ne concerne pas uniquement les convertis, mais même leur descendance jusqu’à la troisième génération. Et même si cette takana fut très controversée et que beaucoup l’ont réfutée du point de vue légal de la loi juive (hala’ha) et même du point de vue moral, cette dernière continue à être respectée et appliquée dans la communauté syrienne. Au Mexique, cette takana a donné une atmosphère généralisée de rejet à l’encontre des convertis, même les plus sincères dans l’accomplissement de la Torah et de ses mitzvot. L’impact a été tel qu’actuellement il n’y a pratiquement plus de conversions au Mexique, quelle que soit la communauté. Une personne qui désire se convertir aujourd’hui doit le faire dans un autre pays, et en général finira par émigrer en Israël afin d’être acceptée pleinement comme Juif. Y a-t-il une présence des Crypto-Juifs ou Marranes1 au Mexique? Sont-ils en contact avec la communauté juive? Oui, il y a une petite présence de Crypto-Juifs ou Marranes au Mexique. Même si certaines sources historiques affirment qu’avec la conquête espagnole du Mexique, beaucoup de Juifs fuyant l’inquisition d’Espagne et ces persécutions sont arrivés ici, pratiquement tous se sont assimilés avec le temps. Il y a cependant au Mexique plusieurs régions où quelques groupes de gens affirment être descendants de Juifs marranes. Malheureusement, dû à l’atmosphère de rejet envers tous ceux qui ne sont pas Juifs de naissance, provoqué par la takana précitée, les descendants (réels ou non) n’ont aucun contact officiel avec les communautés juives établies. Seulement quelques initiatives personnelles, certains rabbins ou autres personnes religieuses essaient de renforcer leurs liens avec le judaïsme. L’antisémitisme est-il perceptible au Mexique? Et quels sont les rapports de la communauté juive mexicaine avec les autorités? En comparant le Mexique à d’autres pays, on peut affirmer qu’il n’y existe pas d’antisémitisme comme phénomène social généralisé. Dans tout pays il y a des individus ou des groupes antisémites, mais au Mexique il n’y a pas l’hostilité (ouverte ou latente) que l’on ressent dans d’autres pays comme en Europe. À cela vient s’ajouter une excellente relation entre le gouvernement et la communauté juive mexicaine.
1 Termes synonymes qui désignent les Juifs ayant été forcés de se convertir au christianisme au 15e siècle et qui continuaient dans le plus grand secret à pratiquer certains rites juifs. Magazine LVS | Pessah 2016 37
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Les différents courants et sensibilités du judaïsme (réformé, conservative, orthodoxes, ultra-orthodoxes, habad, etc.) sont-ils représentés au Mexique et quels sont les liens entre eux?
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Ce climat de liberté et d’acceptation fait que les Juifs se sentent très bien ici et n’aspirent pas à émigrer en Israël. Pour les Juifs, la vie dans ce pays est simplement commode et sereine. On sait que l’insécurité est une préoccupation au Mexique (drogue, enlèvements), comment se sent et se protège la communauté juive dans ce contexte? Effectivement, si l’antisémitisme n’est pas une préoccupation, la criminalité est ici un problème réel provoqué généralement par la grande inégalité socioéconomique et les conséquences de l’insécurité sociale qui en résulte. Comme tous les Mexicains qui en souffrent, les Juifs du Mexique, mènent une vie pleine de précautions et imaginent des stratégies pour éviter ce danger. Au Mexique, il y a un comité intercommunautaire qui s’occupe de résoudre ces problèmes et grâce à Dieu, il est très efficace. Y a-t-il une alya (montée ou émigration) des Juifs du Mexique en Israël ou des migrations vers d’autres pays d’Amérique du Sud? Comme la société mexicaine est suffisamment ouverte et tolérante envers les Juifs, et que, en terme généralement leur situation socioéconomique est suffisamment bonne, il n’y a pas de mouvement significatif d’émigration vers Israël. En général, peu de Juifs font leur alya. Ce qui existe, c’est une petite émigration, en général des Juifs ashkénazes vers les États-Unis, dans un but de prospection professionnelle. Vous-mêmes avez vécu à Montréal il y a quelques années? Pourquoi y étiez-vous venus et en êtes-vous repartis? Nous avons vécu à Montréal quatre ans, de l’été 2009 à l’été 2013. La raison principale de mon désir d’émigrer au Canada était de pouvoir offrir à ma famille une meilleure vie sociale et en rapport avec la culture cosmopolite que nous avons à la maison. Je suis né au Mexique où j’ai vécu une grande partie de ma vie, mon père étant Américain, j’ai résidé aussi quelques années aux États-Unis. J’ai vécu quinze ans en Israël où je me suis marié avec une femme française. À cause et grâce à tous cela, la culture et la mentalité de tous les membres de ma famille ne sont pas exclusivement mexicaines. Nous sommes un tiers mexicain, un tiers français, un tiers américain -israélien. Montréal nous semblait être un endroit ouvert et cosmopolite qui pouvait répondre à tous ce que nous représentions comme famille. De surcroît, nous avons au Canada des amis
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canadiens et français très appréciés avec qui nous avons développé une amitié dépuis plusieurs années et qui partagent nos valeurs. De retour au Mexique, nous avons découvert dans notre famille que Montréal ne fut pas seulement une expérience, mais que c’était devenu une partie importante de nous-mêmes. Certains de mes enfants veulent retourner vivre très rapidement au Canada. Le facteur principal qui a motivé notre retour au Mexique fut essentiellement d’ordre économique. À Montréal, ni moi ni ma femme n’avions un empoi qui aurait pu rendre viable notre vie et notre résidence définitive. Ma profession au Mexique durant ces dernières vingt années a été la diffusion du judaïsme, de par les cours que je donne quotidiennement, comme la traduction et les commentaires des œuvres classiques du judaïsme espagnol. Evidemment ceci n’était pas une activité qui aurait pu être pertinente pour Montréal. Je n’ai pas été capable de trouver une activité de Torah qui aurait pu apporter quelque chose à la communauté juive de Montréal et n’ai reçu aucune proposition dans ce domaine. Sur quels ouvrages de traduction en espagnol travaillez-vous maintenant? Quel a été la réception de vos précédentes traductions dans le monde parlant l’espagnol? Actuellement, je travaille sur la traduction en espagnol de tout le Tana’h (Bible hébraïque), accompagnée d’un large commentaire. Avec l’aide de Dieu, c’est une œuvre qui me prendra plusieurs années encore. Dieu m’a donné le privilège d’avoir été le premier en Amérique Latine à avoir traduit et expliqué certaines œuvres classiques du judaïsme. Ce sont des ouvrages d’érudition, qui ont bénéficié d’une acceptation générale de la part des Juifs de langue espagnole. Plusieurs des œuvres que j’ai faites sont reconnues et étudiées, et présentes dans des centaines de synagogues et maisons juives d’Amérique latine, d’Espagne et même d’Israël. Imaginez-vous votre avenir et celui de vos enfants au Mexique? Pour le moment, c’est l’endroit où nous devons être, mais je dois avouer que même si j’ai un futur dans ce pays grâce à ce que je fais au bénéfice de la communauté juive mexicaine, ce n’est peut-être pas le cas pour mes enfants. Seul Dieu le sait! Un de nos rêves serait éventuellement de partir vivre en Israël ou peut être…
Sonia Sarah Lipsyc
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Doit-on toujours garder le silence? Hommage au Rabbin Marshall Théodore Meyer pour la défense des droits de l’homme et des membres de la communauté juive pendant la dernière dictature militaire en Argentine Guillermo Pablo Glujovsky était professeur en Sociologie à l’Université de Buenos Aires (Argentine), il a connu le rabbin Meyer à la synagogue de Bet-El en 1981 et a organisé à Montréal une exposition à son sujet à l’UQAM. Le 24 mars 2016 marque le 40e anniversaire du début de la dictature la plus terrible de l’histoire de la République argentine. L’effrayant chiffre de trente mille victimes de la « Junta Militar »1 qui sévit jusqu’en 1983, est connu pour ceux qui se sont intéressés à l’histoire récente de l’Amérique latine et de l’Argentine. Mais ce qui reste encore inconnu, et après quarante ans, c’est l’existence de trois mille victimes membres de la communauté juive, parmi l’ensemble des assassinés.
Quelques faits saillants de l’histoire de la communauté en Argentine
Guillermo Pablo Glujovsky
La première référence d’une participation importante de membres appartenant à la communauté juive argentine est celle des généraux Louis H. Brie et Mordechai Navarro, qui, sous le commandement du Général Justo José de Urquiza, ont vaincu en 1852, l’armée du brigadier Juan M. de Rosas à la bataille de Caseros. L.H. Brie deviendra un membre éminent de la communauté juive, et fondera la première synagogue d’Argentine, la Congregacion Israelita Argentina (1862), aujourd’hui connue sous le nom de la Synagogue Libertad, l’une des plus importantes du pays. Après une longue période de guerres civiles, le pays fut unifié et une Constitution Nationale établit les garanties et droits des habitants et des nouveaux arrivants. C’est ainsi que les premiers immigrants, d’origine juive ashkénaze, sont arrivés de Russie, après avoir échappé aux persécutions des Tsars Alexandre II et Nicolas II. D’après l’auteur et spécialiste de l’histoire juive en Amérique latine, Seymour B. Liebman, en il y avait en 1899, 10 000 nouveaux arrivants juifs. En 1924, le chiffre grimpe à 133 641, c’est là le résultat d’une politique gouvernementale qui attira des immigrants, non seulement de l’Europe de l’Est, mais aussi des Juifs sépharades du Maroc, de Syrie (provenant principalement des villes de Damas et Alep), de l’Île de Rodas, de Palestine et de Turquie. Face à la nécessité d’organiser institutionnellement une communauté de plus en plus nombreuse, deux organisations se sont créées : la Asociacion Mutual Israelita Argentina (AMIA) qui en 1894 comptait 85 membres, et la Delegación de Asociaciones Israelitas Argentinas ( D.A.I.A) fondée en 1935 ainsi que deux synagogues sépharades : La Congregacion Israelita Latina (1891) et la Comunidad Israelita Sefardi (1914).
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Le 24 mars 1976, « une junte militaire » prenait le pouvoir en Argentine mettant ainsi fin à la dernière expérience péroniste. La « Junta » était intégrée par les généraux Jorge Rafael Videla, l’amiral Emilio Eduardo Massera et le brigadier Orlando Ramon Agosti. Magazine LVS | Pessah 2016 39
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La situation de la communauté juive dans les années 1960 D’après les études de S. Liebman, dans le recensement de la population de l’année 1967, sur 31 090 000 habitants, 2 %, soit 621 800 personnes, s’identifiaient comme Juifs. Parmi eux, dans cette même étude démographique,environ 220 000 Juifs vivant dans la Province de Buenos Aires -la plus peuplée et qui concentre le plus grand nombre de Juifs soit 380 000 habitants – ont répondu être sans religion. Par ailleurs, moins de 10 % avaient célébré Rosh Hashana et Yom Kippour et il y avait 5 % de mariages mixtes. Actuellement, il y a deux cent mille trente mille Juifs en Argentine car il y eut plusieurs vagues d’émigration vers l’Amérique du Nord, Israël et l’Europe (Espagne), suite à la répression de la junte militaire et des crises économiques. Il reste que la population juive d’Argentine est la plus grande d’Amérique latine et la 6e communauté juive au monde. La proportion des Juifs sépharades était dans les années 1960 de 20 % et de 80 % pour les Ashkénazes d’après le professeur en Histoire latino-américaine à l’Université de Westminster2, Ignacio Klich.
en Amérique latine3 et la consolidation de l’État d’Israël incitant au travers du mouvement sioniste les Juifs à rejoindre l’état hébraïque, ont introduit de nouveaux enjeux identitaires, sociaux et politiques parmi les Juifs argentins. C’est dans ce contexte que le Rabbin Marshall T. Meyer, ordonné au sein du mouvement conservative est arrivé en Argentine, en provenance des États-Unis. Il est devenu ainsi le rabbin de la Synagogue Libertad à partir des années 1959. Cette synagogue était non seulement la plus ancienne mais aussi la plus importante de l’Argentine en terme de représentation de la communauté argentine face à l’État et aussi face à la communauté internationale : les ambassadeurs étrangers y étaient toujours invités pour assister aux grands événements de la collectivité juive argentine. Avec stupéfaction et inquiétude, le Rabbin M. T. Meyer vit des synagogues vides et des Juifs s’éloignant de la religion, une situation qui, à court terme, menait à une progressive assimilation4.Bien que M. Marshall Meyer ait discuté avec les dirigeants des institutions juives existantes de la situation au sujet de la communauté juive, ses idées sur la manière de résoudre la crise étaient très différentes, à tel point que pour mettre en pratique son projet, il dut quitter la synagogue Libertad.
Mais en 1967, les divisions au sein de la communauté étaient de plus en plus pesantes, à tel point que le directeur de l’AMIA considéra que la situation entraînait un état d’aliénation qui provoquait un affaiblissement religieux et des répercussions décisives pour les prochaines générations.
Les débuts d’un mouvement alternatif juif en Argentine : l’arrivée du Rabbin Marshall T. Meyer. En tant que sociologue, je ne peux pas rester uniquement avec une seule version qui expliquerait la situation de la communauté juive argentine de l’époque. Alors, mon hypothèse est que la crise de la communauté était due aux institutions existantes, l’AMIA et la Delegación de Asociaciones Israelitas Argentinas (DAIA), aux synagogues et aux centres communautaires, entre autres, qui ont empêché l’intégration d’une grande majorité des Juifs argentins et parallèlement, ces derniers ne se sentaient pas représentés par ces organisations. À cette situation, on doit ajouter l’environnement de changement social qui régnait à l’époque dans le pays. Dans le contexte international, des phénomènes aussi divers que le triomphe de la Révolution cubaine, la montée de la gauche
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Source : Klich, Ignacio. Árabes, judíos y árabes judíos en la Argentina.University of Westminster.Eial.tau.ac.il/index.php/eial/ article/view/1196/1224
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L’activité du Rabbin Meyer pour la défense des victimes juives pendant la dictature de 1976-1983 Inspiré par les principes de justice sociale et du respect des droits de l’homme tels qu’ils sont énoncés dans la tradition juive, le Rabbin Marshall T. Meyer prit l’initiative de mettre en pratique ses valeurs. C’est ainsi que pendant toute la période de la dictature, il visita les prisonniers non seulement pour leur procurer un soutien spirituel, mais aussi pour demander aux autorités dictatoriales leur liberté, raison pour laquelle sa vie fut toujours menacée. Dans cette perspective de combat, le Rabbin M. T. Meyer prit été en contact avec les Madres de Plaza de Mayo, les mères de Plaza de Mayo, une association civile composée des mères argentines dont les enfants avaient disparu, ou avaient été assassinés par la dictature militaire. Il fonda en 1980, en Argentine, le Mouvement juif pour les droits humains avec le journaliste Herman Schiller. Afin d’illustrer la démarche du Rabbin Marshall T. Meyer notamment pour libé-
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Dans un article publié dans The American Jewish Year Book, son auteur Nissim Elnecavé, considère qu’un grand nombre de Juifs argentins, en majorité étudiants universitaires, ont soutenu les mouvements de gauche avec une orientation vers le tiers monde.
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Témoignage extrait de ma recherche personnelle sur les archives du Rabbin Marshall Meyer situées à la Bibliothèque juive de la Duke University, Caroline du Nord, États-Unis.
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rer les victimes d’origine juive de la « Junta », on peut citer quelques exemples significatifs comme ceux du journaliste et fondateur du Journal La Opinion, Jacobo Timerman, du banquier Eduardo Saiegh, de l’étudiant Eduardo Grutzky (qui avait été en prison sans aucune accusation judiciaire de 1974 jusqu’à 1980), de la jeune fille de 16 ans, Déborah Benchoam, emprisonnée pour le seul délit d’avoir été le témoin du meurtre de son frère par les militaires, dans leur propre maison. Contrairement au message diffusé par la « Junta », qui affirmait qu’« il s’agit d’une guerre psychologique et politique, où on lutte contre un ennemi qui cherche à prendre le pouvoir par la force, et à créer le chaos social »5; on relate au travers de récentes études6 les faits évidents, à savoir que l’écrasante majorité des 30 000 mille disparus et des 3 000 disparus juifs ne correspondaient pas à cette image « d’ennemis en commun ». Les forces armées accusaient notamment les Juifs d’être des espions pour l’État d’Israël et de former un groupe de révolutionnaires visant à prendre le pouvoir par la violence. Cependant d’après l’étude de la DAIA7, plus que révolutionnaires, l’ensemble des victimes juives était un groupe très diversifié, constitué par de nombreux professionnels, des professeurs et des étudiants universitaires, ainsi que des hommes d’affaires, des artistes, des écrivains, des journalistes, des membres des organisations communautaires, qui ont souffert des actes d’antisémitisme commis par les militaires argentins. Une fois que la démocratie est arrivée, le Président Raul Ricardo Alfonsin a créé la Commission nationale de disparus (CONADEP) le 15 décembre 1983 avec l’objectif de juger les crimes contre l’humanité commis par les membres de la
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Extrait d’un discours prononcé dans une réunion des groupes d’intelligence des armées de l’Amérique du Sud. Santiago de Chile. 1975. Source : Lipis, Guillermo. Zikaron – Memoria – judíos y militares bajo el terror del Plan Cóndor, Editorial del nuevo Extremo S.A. Marzo 2010.
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Lipis, Guillermo. Zikaron – Memoria – Judíos y militares bajo el terror del Plan Cóndor, Editorial del nuevo Extremo S.A., marzo 2010. Goldman Daniel, Dobry Hernán. Ser judío en los setenta. Siglo Veintiuno editores.2014.
Rabbin Marshall Théodore Meyer dictature. Il faut remarquer que le Président Alfonsin avait nommé le Rabbin Marshall T. Meyer membre de la CONADEP et lui avait aussi octroyé « la Orden del Libertador San Martin » pour son œuvre en faveur de la défense de droits de l’homme. Le Rabbin Marshall T. Meyer a ainsi été la seule personne dans l’histoire de l’Argentine qui, né à l’extérieur du pays, a reçu cette distinction réservée exclusivement aux fonctionnaires civils ou militaires dans l’exercice de leurs fonctions. Le Rabbin Marshall T. Meyer, né en 1930 est mort en 1993 à New York, où de retour d’Argentine en 1984, il fut le rabbin de la synagogue B’nai Jeshurum.
Guillermo Pablo Glujovsky
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Informe sobre la situación de los detenidos-desaparecidos judíos durante el genocidio perpetrado en Argentina 1976-1983. Publicado por el Centro de Estudios Sociales de la DAIA. 2007.
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«Les Sépharades ont toujours porté l’Espagne dans leur cœur » UNE ENTREVUE AVEC ISAAC QUERUB CARO, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION DES COMMUNAUTÉS JUIVES D’ESPAGNE « Señor, se nos ha llamado « Españoles sin Patria » pero, como bien sabéis, el corazón no sabe de razones y, por el ejemplo bendito de nuestros padres, hemos sido y seguiremos siendo Embajadores de las bondades de un país al que fuimos incapaces de dejar de amar. » « Majesté, on nous a appelés « Espagnols sans Patrie », mais comme vous le savez bien, le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. En suivant l’exemple béni de nos parents, nous avons été et continuerons d’être des Ambassadeurs de la bonté d’un pays que nous avons été incapables de cesser d’aimer. »
La voix nouée par l’émotion, c’est avec ces mots empreints d’une grande solennité qu’Isaac Querub Caro, Président de la Fédération regroupant les treize Communautés juives d’Espagne, s’est adressé au Roi Felipe VI d’Espagne au cours d’une cérémonie très émouvante qui a eu lieu le 30 novembre dernier au Palais royal de Madrid. Une rencontre mémorable, où étaient présents des leaders des communautés sépharades d’Espagne, d’Israël et de la Diaspora, organisée à l’initiative du Roi Felipe VI pour souligner l’adoption, le 10 juin 2015, par las Cortes – Parlement espagnol – de la Loi qui permettra aux descendants des Sépharades expulsés d’Espagne en 1492 de recouvrer la nationalité dont leurs ancêtres furent déchus.
Elias Levy
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« C’est un moment mémorable et historique pour le Judaïsme espagnol, le peuple espagnol et le Séphardisme. L’Espagne n’a pas manqué cette fois-ci son rendez-vous avec les Sépharades », nous a dit Isaac Querub Caro au cours de l’entrevue qu’il nous a accordée depuis Madrid. Figure des premier plan des Judaïsmes espagnol, sépharade et européen, Isaac Querub Caro, né à Tanger, Maroc, en 1955, et établi en Espagne avec sa famille depuis 1966, a un parcours communautaire très marquant : ancien Président de la Communauté juive de Madrid; Président des Amis Espagnols de Yad Vashem – Institution israélienne qui s’est mérité en 2007 le prestigieux Prix de la Concordia, décerné par la Fondation
Sous la gouverne d’Isaac Querub Caro, la Fédération des Communautés juives d’Espagne a joué un rôle majeur auprès du gouvernement de Madrid dans le processus d’élaboration de cette nouvelle législation qui réhabilitera un droit fondamental dont les Sépharades de souche hispanique ont été privés pendant plus de cinq siècles.
En novembre 1992, quelques mois après la commémoration du 500e anniversaire de l’expulsion des Juifs d’Espagne, las Cortes promulguèrent une Loi historique qui considérait, pour la première fois dans l’Histoire de l’Espagne, le Judaïsme comme « une religion à part entière ». Depuis, le Judaïsme bénéficie des mêmes droits que ceux accordés au Catholicisme, religion officielle de l’Espagne. Cette Loi historique fut le fruit de longues années de négociations entre le gouvernement espagnol et la Fédération des Communautés juives d’Espagne, présidée alors par un grand leader Sépharade, feu Samuel Toledano.
On estime entre 40 000 et 45 000 le nombre de Juifs vivant aujourd’hui en Espagne. Au printemps 1992, lors de sa visite mémorable Seuls les Juifs pouvant prouver leur origine sépharade, à la Synagogue de Madrid, le Roi Juan Carlos Ier au sens ibérique du terme, pourront obtenir la déclara: « Les Juifs sépharades doivent se sentir en Espagne comme chez eux parce que l’Espagne est nationalité espagnole, rappelle Isaac Querub Caro. leur maison. » « Tous les Sépharades souhaitant acquérir la nationalité espagnole devront préalablement « Cette première visite royale à la Synagogue de démontrer leurs liens avec l’Espagne, que ce soit Madrid a marqué indéniablement un avant et un après par leur nom de famille – une liste des patronymes dans les relations entre l’Espagne et les Sépharades », sépharades éligibles a été établie par le gouvernement dit Isaac Querub Caro. espagnol –; leur langue familiale; leur descendance Quel est l’état actuel des relations entre les Juifs et directe ou leur lien de parenté collatéral avec des l’Espagne? Sépharades expulsés d’Espagne en 1492; leur attachement aux us et coutumes sépharades; leur « Depuis le début du XXe siècle, à la différence certificat de mariage religieux – Kettouba –, célébré d’autres pays qui n’ont jamais rien fait pour les Juifs selon le rite synagogal sépharade; leur appartenance lorsque ces derniers traversaient des moments de à une communauté sépharade… Ces preuves de liens grande détresse, l’Espagne s’est toujours comportée avec le Séphardisme espagnol devront être entérinées honorablement envers les Juifs. Certains diront que par une Attestation qui sera émise par la Fédération cette attitude affable vise à réparer la grande tragédie des Communautés juives d’Espagne. » que les Juifs ont vécue lorsque les Rois Catholiques avalisèrent leur expulsion d’Espagne. C’est fort Cette nouvelle Loi visant à redonner la citoyenneté possible. Mais ce qui compte réellement dans la espagnole aux descendants des Juifs bannis d’Espagne vie et dans l’Histoire, ce sont les gestes et les actes il y a 524 ans est-elle un fait inusité dans les annales concrets et non les rhétoriques creuses. Sur ce planhistoriques et juridiques de l’Espagne? là, on ne peut rien reprocher à l’Espagne », répond « Non. Il y a eu plusieurs antécédents », souligne Isaac Querub Caro sur un ton catégorique. Isaac Querub Caro. À l’instar des autres pays européens, l’antisémitisme En 1924, le gouvernement issu de la dictature instaurée par Miguel Primo de Rivera promulgua un Décret juridique qui a permis d’octroyer la nationalité à des Sépharades désireux de quitter des contrées ravagées par la guerre. Plusieurs milliers de Sépharades de Turquie ont bénéficié de cette disposition juridique. Cette Loi fut réactivée au début des années 90 durant la Guerre des Balkans pour permettre à des familles Sépharades natives de l’ex-Yougoslavie d’échapper aux affres de ce conflit très meurtrier et de s’établir en Espagne.
prolifère aussi dans l’Espagne démocratique du début du XXIe siècle. Ce phénomène morbide inquiète-t-il Isaac Querub Caro? « L’Espagne n’est pas un pays antisémite, ditil. Cependant, de récentes enquêtes d’opinion commanditées par des organisations juives et nonjuives nous rappellent que des stéréotypes et des préjugés antisémites tenaces sévissent toujours dans la société espagnole. D’après plusieurs enquêtes d’opinion, un pourcentage important d’étudiants espagnols ne souhaitent pas avoir comme camarade Magazine LVS | Pessah 2016 43
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du Prince des Asturies –; membre du Conseil des Gouverneurs de l’Université de Tel-Aviv; membre du Conseil d’administration de la branche espagnole du Centre Shimon Peres pour la Paix…
ÊTRE SÉPHARADE DANS LE MONDE | DOSSIER SPÉCIAL Le Roi Felipe VI d’Espagne (gauche) serrant la main d’Isaac Querub Caro, Président des Communautés juives d’Espagne, lors d’une rencontre qui a eu lieu au Palais royal de Madrid. (Photo: Casa Real de España)
juives institutionnelles espagnoles a grandement contribué à endiguer le phénomène de l’assimilation. Ces communautés, qui sont relativement petites quand on les compare aux communautés juives des États-Unis, du Canada, de France, d’Angleterre… sont très bien structurées et organisées. Celles-ci ont bâti des écoles juives, des synagogues, des centres L’assimilation des Juifs est-elle un phénomène communautaires… En Espagne, les Juifs peuvent important dans l’Espagne d’aujourd’hui? vivre pleinement une vie juive. » « Les Juifs, qui sont parfaitement bien intégrés dans Comment Isaac Querub Caro envisage-t-il l’avenir la société espagnole, aiment beaucoup l’Espagne. La des Juifs en Espagne? majorité des Juifs espagnols sont d’origine sépharade. C’est-à-dire que bien qu’ils aient reçu dans leur pays « Je suis optimiste. Dans l’Histoire du peuple juif, il natal une éducation en français ou dans une autre n’y a pas de place pour le pessimisme. Avec l’Histoire langue, ils ont grandi au sein de familles qui parlaient qu’ils ont derrière eux, les Juifs n’ont pas une autre l’espagnol à la maison. Cette bonne connaissance du alternative : ils doivent continuer à envisager le futur castillan a beaucoup facilité leur intégration dans la avec espoir et optimisme. Je crois dur comme fer à société espagnole. Mais cette forte intégration n’est la conviction, à la motivation et à l’ambition qui ont pas synonyme d’assimilation. En effet, en Espagne, toujours animé le peuple juif et à la relation charnelle la proportion de mariages mixtes, entre Juifs et et indéfectible que celui-ci entretient avec l’État Catholiques, est relativement faible. Il est indéniable d’Israël. » que le rôle fondamental joué par les communautés de classe un Juif. En Espagne, l’image des Juifs continue à être sensiblement dénaturée. Ces préjugés antisémites émanent d’un contexte historique et populaire délétère et sont aussi la résultante du traitement peu objectif que les médias espagnols font du conflit israélo-palestinien. »
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« La Mémoire sépharade continue de hanter le Portugal » José Rodrigues Dos Santos
UNE ENTREVUE AVEC LE CÉLÈBRE JOURNALISTE ET ROMANCIER PORTUGAIS JOSÉ RODRIGUES DOS SANTOS PAR ELIAS LEVY
Avant de déambuler dans les artères envoûtantes de Lisbonne et de découvrir hébété les monuments historiques majestueux de cette cité magnifique baignant dans une lumière exceptionnelle, j’ai dévoré le roman magistral et haletant de José Rodrigues Dos Santos, Codex 632. Le Secret de Christophe Colomb (Éditions Hervé Chopin).
mené par les Sépharades chassés de l’Espagne inquisitoriale et ayant trouvé refuge au Portugal pour préserver, contre vents et marées, leur identité juive très menacée.
Journaliste, ancien reporter de guerre et présentateur vedette du Téléjournal de 20 h au Portugal, José Rodrigues Dos Santos s’est imposé comme l’un des plus Ce thriller mystico-historique passionnant nous fait grands auteurs contemporains de thrillers historiques. sillonner des sites et des rues emblématiques de la capitale lusitanienne toujours hantés par la Mémoire Ses romans historiques et de vulgarisation scientisépharade : le Monastère dos Jeronimos, édifié par fique, La Formule de Dieu, L’ultime Secret du Christ le Roi Manuel Ier (1496-1521) en 1501 pour célébrer – ce roman historique magistral sur les origines juives les exploits maritimes du grand navigateur portugais de Jésus suscita lors de sa parution une grande poléVasco de Gama; le lacis des ruelles de l’ancienne mique au Portugal –, La Clé de Salomon… ont connu Juderia – Juiverie (quartier juif) – menant à l’impo- un grand succès mondial. sant Castelo de Sao Jorge, une forteresse bâtie par les Traduits en dix-sept langues, les romans de José Musulmans vers le milieu du XIe siècle; la magni- Rodrigues Dos Santos – traduits en français par les fique Tour de Belém, construite sur les bords du Tage Éditions Hervé Chopin – se sont écoulés à plus de dans la Freguesia – municipalité – de Santa Maria de 8 millions d’exemplaires. Belém entre 1515 et 1521 par le Roi Manuel Ier pour S’appuyant sur des thèses historiques ou scientidéfendre l’entrée du port de Lisbonne… fiques avérées, José Rodrigues Dos Santos parvient Codex 632 nous plonge dans les dédales nébuleux de à nous faire comprendre avec une facilité parfois dél’une des plus fascinantes énigmes historiques non concertante des notions philosophiques, historiques élucidées à ce jour : la vraie identité de Christophe et scientifiques complexes. Colomb et la véritable histoire des grandes DécouCe journaliste polyglotte, qui a une très bonne vertes du XVe siècle. connaissance de l’hébreu, a séjourné plusieurs fois Quels rapports secrets Christophe Colomb entrete- en Israël pour effectuer des recherches qui ont constinait-il avec le Judaïsme? tué le matériau de base de plusieurs de ses romans, À travers l’insaisissable personnage du découvreur du notamment Codex 632. Le Secret de Christophe CoNouveau Monde, José Rodrigues Dos Santos relate lomb et L’ultime Secret du Christ. avec brio un chapitre cardinal, mais fort mal connu, Rencontre avec un brillant romancier-enquêteur obde l’Histoire du Séphardisme: le combat homérique sédé par la vérité historique.
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LVS : Selon vous, Christophe Colomb était un Sépharade portugais et non un Génois catholique, comme l’affirment encore avec assurance de nombreux historiens. La signature du célèbre navigateur recèlerait même des symboles hébraïques consignés dans la Kabbale.
sa vraie religion sous un manteau chrétien, mais n’est jamais devenu un nouveau Chrétien. Il était ce qu’on appelle un « Marrano ». Colomb était fort probablement le fils illégitime d’un noble portugais et d’une femme Juive sépharade. Ce qui à cette époque n’était pas rare au Portugal.
José Rodrigues Dos Santos : J’ai rencontré à Jérusalem un éminent Kabbaliste, ancien Grand Rabbin de Lisbonne, qui vit aujourd’hui en Israël. Il m’a démontré, en appuyant son raisonnement sur plusieurs Traités kabbalistiques, que la signature de Christophe Colomb est kabbalistique. Dans la signature de Colomb apparaissent le mot Xpo, qui signifie en grec « Christ », et le mot Ferens, qui est une forme du verbe latin fero, qui signifie « porter ». Xpoferens est Christoferens, appellation signifiant « celui qui porte le Christ ». « Christ » est à la base des noms Cristovao, Cristobal et Cristoforo. C’est un nom qu’aucun Juif n’utiliserait. Personne en Israël n’appellerait son enfant ainsi, m’a expliqué ce Grand Rabbin Kabbaliste. Comment Colomb s’il était Juif aurait-il pu avoir comme prénom Cristovao ou Cristobal et signer Cristoferens? D’après mon interlocuteur israélien, un seul type de Juif est capable de faire ça, un Juif voulant à tout prix se faire passer pour un Chrétien, mais qui professe toujours sa foi juive en secret. Un tel homme aurait pu prendre « Christ » comme prénom. Mais pour se réconcilier avec Dieu, il a inclu dans sa signature kabbalistique un terme subtil exprimant le rejet catégorique du nom de Jésus, effaçant ainsi ce patronyme et son souvenir. Christophe Colomb était, selon toute probabilité, un Sépharade né sous un autre nom qui demeure inconnu. Il a caché
LVS : Avez-vous trouvé au cours de vos recherches d’autres indices de la Judéité de Christophe Colomb? J.R.D.S. : Oui. Dans son Journal, toutes les citations de la Bible proviennent de l’Ancien Testament et non du Nouveau Testament. Très étonnant pour un supposé Catholique méconnaissant totalement le Judaïsme. Un autre indice de sa probable Judéité : Colomb a embarqué sur le navire Santa Maria au port de Palos, à Cadix, le 3 août 1492, le jour même où la Loi d’expulsion des Juifs fut promulguée en Espagne, pas le lendemain. LVS : L’identité réelle de Christophe Colomb est une énigme historique très complexe qui n’a jamais été dénouée? J.R.D.S. : La figure alambiquée de Christophe Colomb nourrit depuis plusieurs siècles une intrigue lancinante fondée sur un grand malentendu. Deux hommes aux patronymes très proches ont vécu au XVe siècle: l’un, appelé Colombo, un plébéien illettré né à Gênes, devenu marin à l’âge de 14 ans, et l’autre, appelé Colon, un amiral et érudit marié à une femme de la noblesse apparentée à la famille royale portugaise. Depuis le début du XIXe siècle, des historiens, notamment italiens, se sont escrimés à nous faire croire qu’il s’agit d’un seul et même homme. La longue enquête que j’ai menée pour écrire Codex 632 met en charpie la thèse selon laquelle Christophe Colomb
LVS : Toutes vos recherches historiques ont été lues et analysées par des spécialistes renommés de Christophe Colomb et de l’Histoire du royaume du Portugal de l’époque des grandes expéditions maritimes qui débouchèrent sur la découverte des Amériques. J.R.D.S. : Absolument. Chaque fois que j’écris un livre, je sollicite l’avis de spécialistes reconnus des sujets que je traite, à qui je soumets mes hypothèses pour une évaluation critique. Tous les documents, livres d’Histoire et autres sources historiques cités dans mon roman sont authentiques. Tous les résultats de mes investigations ont été passés au crible par de grands historiens et spécialistes de Christophe Colomb et du Portugal des XIVe et XVe siècles. Le plus éminent historien portugais des grandes Découvertes maritimes m’a confié avoir revu sa position sur cette question après avoir lu mon enquête et pris acte de la crédibilité des ouvrages que j’ai lus et des sources historiques que j’ai utilisées pour mener à bien celle-ci. LVS : Pourtant, la thèse affirmant que Christophe Colomb était Génois prédomine toujours dans les cénacles d’historiens. J.R.D.S. : Oui, regrettablement. Ce sont des historiens italiens du XIXe siècle qui se sont échinés à conférer une crédibilité à l’hypothèse selon laquelle Christophe Colomb était Génois. Au moment de l’unification de leur pays, les Italiens avaient impé-
rativement besoin d’un héros national. Ces historiens transalpins n’ont pas fait de l’Histoire, mais de la politique. Cette hypothèse historique, qui n’a jamais été corroborée scientifiquement, a été reprise par d’autres historiens. Ainsi, la politique la plus idéologique a fini par prendre le dessus sur la vérité historique. LVS : Beaucoup de Sépharades fuyant l’Inquisition instaurée par les Rois Catholiques d’Espagne, qui prônaient la pureté du sang, ont trouvé refuge au Portugal, où ils ont bénéficié pendant plusieurs années de la protection royale et de nombreuses prérogatives. J.R.D.S. : L’Inquisition fut instituée en Espagne une décennie avant l’expulsion des Juifs de cette contrée. À cette époque sombre, les Juifs du Portugal jouissaient encore de la protection royale. Le Roi Alphonse (1432-1481) leur permettait de vivre hors des Juderias et de ne pas porter des signes ni des habits distinctifs. Au moment de l’expulsion des Juifs d’Espagne, les Juifs du Portugal appartenaient aux classes les plus favorisées de la société. Malgré la promulgation de lois répressives, ces derniers jouissaient encore d’un énorme prestige. De nombreux Juifs portugais occupaient des postes officiels de la plus haute importance. Bon nombre d’entre eux étaient détenteurs de grosses fortunes. La contribution des Juifs au Trésor royal portugais était considérable. En 1497, peu avant la conversion forcée des Juifs, les Juderias payaient des impôts très élevés. Les Juifs ont grandement contribué à l’essor économique et social du royaume du Portugal du XVe siècle. Les plus éminents médecins, mathématiciens, cartographes, marins, historiens, pionniers de l’imprimerie… portugais étaient Juifs. Le plus célèbre des astronomes et des mathématiciens du XVIe siècle fut certainement Pedro Nunes (1502-1578), un nouveau Chrétien né dans la cité portugaise d’Alcacer do Sal. LVS : Le Portugal finira par instituer une politique inquisitoriale impitoyable pour obliger les Juifs à se convertir au Christianisme. J.R.D.S. : S’il est vrai que le Portugal a accueilli la plupart des exilés sépharades expulsés d’Espagne, cinq ans plus tard, la majorité d’entre eux furent convertis de force au Catholicisme, devenant ainsi des nouveaux Chrétiens. La violence du Roi Manuel Ier contre ses sujets Juifs fut la résultante de ses intérêts politiques vis-à-vis de l’Espagne voisine. Le cousin et successeur du Roi Jean II souhaitait ardemment placer le royaume d’Espagne sous la couronne du Portugal. Pour atteindre cet objectif ambitieux, il Magazine LVS | Pessah 2016 47
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était Génois. Je démontre que tous les documents tendant à corroborer cette thèse établie, mais très lacunaire, sont des faux. En effet, il est difficile de croire que le fils d’un humble tisserand de Gênes aurait pu pénétrer dans le monde très secret et très sélect des navigateurs. À cette époque, seuls des individus appartenant à la noblesse pouvaient acquérir les connaissances et la formation marine nécessaires pour mener à bien une ambitieuse expédition maritime. Par ailleurs, quand Colomb a eu besoin de se procurer la carte conçue par le célèbre géographe Toscanelli qui, en se basant sur la sphéricité de la terre, préconisait la découverte de l’Orient en mettant le cap sur l’Occident, la lettre qu’il écrivit à ce dernier était rédigée en portugais. Le nom de Colomb n’apparaît dans aucun document de cette époque. Il n’a jamais signé « Colombo » dans aucun document connu, ni mentionné la version latine de son nom. Dans les Archives maritimes de Gênes, pas un seul document ne mentionne non plus un navigateur portant ce nom.
se devait d’épouser la princesse Isabel, fille des Rois Catholiques. Mais avant de lui accorder la main de leur fille, les Rois Ferdinand et Isabel imposèrent au Roi Manuel Ier une condition incontournable : l’expulsion de tous les infidèles au Catholicisme, Juifs et Maures. En décembre 1496, le Roi Manuel Ier signa la clause du mariage qui obligeait tous les infidèles, Juifs et Maures, à quitter le Portugal dans un délai de dix mois, sous peine de mort et de confiscation de tous leurs biens. Ce fut le début de l’époque la plus sinistre de l’Histoire du Portugal. LVS : Le « marranisme » a laissé des traces indélébiles dans la société portugaise. J.R.D.S. : Sans aucun doute. La conversion forcée des Juifs portugais au Catholicisme engendra une nouvelle religion: la « religion marrane ». Celle-ci s’adapta et se modela selon les régions et les conditions sociales locales. Les adeptes du « marranisme » portugais conservèrent quelques pratiques de base de la religion juive : l’observance du Shabbat; le jeûne du Yom Kippour – qu’on appelle en portugais Dia Grande; la célébration de la fête de la Reine Esther (Pourim); la célébration de la Pâque juive avec la préparation du pain enzyme. Par contre, la pratique de la circoncision, acte religieux juif sévèrement condamné par l’Église catholique, fut abandonnée, sauf dans quelques cas très rares. Ces traditions juives, transmises oralement, survécurent pendant plus de trois siècles dans l’empire portugais. Ces nouveaux Chrétiens, qui abhorraient le Catholicisme, connaissaient de manière très confuse les traditions du Judaïsme orthodoxe. N’étant ni Juifs, ni Chrétiens, ces nouveaux Chrétiens assumaient pleinement le stigmate du Judaïsme dans leur identité. On peut classer les nouveaux Chrétiens en trois catégories : les Chrétiens fidèles à la religion de Jésus-Christ; les « Crypto-Juifs », qui pratiquaient en catimini les traditions religieuses juives et résistèrent pendant des siècles au modèle religieux dominant imposé par l’Église catholique, et les « mécréants », qui rejetaient toute forme de religion révélée. Chose certaine, l’apport des nouveaux Chrétiens à la société portugaise fut très important. Les traces du « marranisme » sont toujours ostensibles dans la trame identitaire et la Mémoire historique du Portugal. Le Monastère dos Jeronimos, Lisbonne (Photo: Elias Levy)
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« Aujourd’hui, 40 % des Portugais ont des gènes juifs »
La Tour de Bélem, Lisbonne. (Photo: Elias Levy)
LVS : Quel regard portez-vous sur la communau- de nouveaux Chrétiens que beaucoup de Portugais té juive du Portugal d’aujourd’hui? catholiques portent aujourd’hui : Henriques, Morao, Mendes, Pereira, Rodrigues, Silva, Souza, MascaJ.R.D.S. : Au fil du temps, la communauté juive renhas, Matos, Pessoa, Preto… Au Portugal, les méportugaise s’est réduite comme une peau de cha- langes entre les populations juive et chrétienne ont grin. En 1536, alors que l’Inquisition instaurée par été très importants. Une étude réalisée dernièrement les monarques portugais battait son plein, quelque par l’Université de Lisbonne en collaboration avec 400 000 Juifs furent expulsés du Portugal ou mas- l’Université de Caroline du Sud, aux États-Unis, a sacrés dans les colonies sous la férule du royaume montré que le patrimoine génétique des Portugais est portugais. Les Juifs qui restèrent furent contraints de constitué à 40 % de gènes juifs. Il est fort probable se convertir au Christianisme. Aujourd’hui, la com- que mes ancêtres étaient Juifs. Il en de même pour munauté juive du Portugal ne compte plus qu’envi- Cristiano Ronaldo, joueur vedette du club de footron 1 500 personnes. C’est une communauté qui s’est ball Real Madrid. La probabilité qu’il soit demi-Juif lentement vidée. Le gouvernement portugais a adop- est élevée! té en 2015 une Loi visant à redonner la nationalité Elias Levy portugaise aux descendants des Sépharades qui ont été bannis du pays au XVe siècle quand l’Inquisition fut instaurée. C’est une mesure symbolique très juste, mais qui pour beaucoup de Juifs arrive trop tard. Mais, il ne faut pas oublier que le Portugal compte dans sa population des milliers de descendants des nouveaux Chrétiens qui se sont fondus dans le tissu social. Bon nombre d’entre eux, tout en étant de fervents Catholiques, connaissent leurs origines juives ou continuent de se questionner sur celles-ci. Dans les registres inquisitoriaux, on retrouve des noms Magazine LVS | Pessah 2016 49
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Les Juifs sépharades en Amérique du Nord Yamin Levy est rabbin de la Synagogue Beth Hadassah de Great Neck, NY, fondateur et chef spirituel de la Long Island Hebrew Academy et fondateur ainsi que le directeur international du Maimonides Heritage Center situé en Israël et à New York. Il est l’auteur et l’éditeur de nombreux livres ainsi que d’articles sur la pensée juive, le Tanakh (Bible hébraïque) et les textes de Maimonide. L’arrivée des Juifs sépharades en Amérique du Nord, en différentes étapes au cours des 250 dernières années, a créé et solidifié, dans une certaine mesure, une superbe mosaïque d’ethnies diverses s’identifiant toutes fièrement en tant que « Sepharadi ». Une grande partie des caractéristiques multiculturelles et multi spirituelles de ces communautés sont demeurées intactes et peuvent être retracées jusque dans leurs pays d’origine alors que le phénomène du melting pot a, bien sûr, eu de lourdes conséquences sur les communautés immigrantes. J’exprime cet optimisme avec réserve et un certain degré de chagrin sachant parfaitement que notre nombre, au fil des années, s’est amoindri de manière importante par assimilation à la société occidentale. Les premiers ayant abordé sur ces côtes étaient des Juifs sépharades de l’ouest venant d’Espagne et du Portugal qui ont établi les communautés espagnoles et portugaises de Newport (R.I), Philadelphie et New York. Durant les 250 dernières années, grâce à une série d’illustres leaders rabbiniques et laïques, cette communauté a préservé ses actifs ainsi que son décorum formel et, dans certains cas, sa liturgie unique.
Yamin Levy
La plus importante vague d’immigrants suivante est arrivée de Syrie vers la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle. Cette communauté a réussi à résister au courant de l’assimilation en établissant des règles rigoureuses et en demeurant structurée et soudée. Son sens des affaires et son engagement à l’égard de l’éducation religieuse a assuré sa présence dans le paysage sépharade de l’Amérique du Nord. Aujourd’hui, la communauté syrienne maintient un grand nombre de synagogues, de centres communautaires et d’écoles dans la région des trois États1 et compte près de 100 000 membres à Brooklyn (NY) et Deal (NJ) seulement. Au même moment, les communautés grecques et turques parlant le ladino2, sont arrivées sur ces côtes. La présence de la communauté ladino, qui a diminué en raison de l’assimilation, se remarque à Los Angeles, Seattle (WA) et dans une moindre mesure à Atlanta (GA). Ils ont préservé leurs traditions culinaires et grâce à des leaders comme les rabbins Benaroya et Isaac Azose, ils ont aussi préservé leurs traditions liturgiques uniques au moyen d’enregistrements et de la publication de livres de prières. Les années 1950 et 1960 ont vu l’arrivée des Juifs d’Afrique du Nord. Ces communautés francophones et hispanophones se sont établies principalement au Québec et en Ontario, et dans une moindre mesure à New York et à Los Angeles. Sauf des exceptions minimes, ils ont été à même de préserver leur passion en exprimant leur liturgie au moyen de créations musicales raffinées.
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La région des trois États fait généralement référence à la grande région de New York couvrant les États de New York, du New Jersey et du Connecticut. 2 Le ladino ou judéo-espagnol est une langue judéo-romane dérivée du vieux castillan (espagnol) et de l’hébreu.
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Disséminés dans l’histoire de ce déploiement, des Juifs yéménites, des Juifs kurdes et d’autres petites communautés, toutes identifiées en tant qu’ethnies sépharades, ont également élu domicile en Amérique du Nord. À des fins de simplicité et de clarté, j’établis dans ce texte un parallèle entre l’identité sépharade et l’identité juive. Extraire l’une de l’autre sonnerait faux et mon point de vue serait inutile. Tous les immigrants vivent cet enjeu, cette tension entre leur désir de s’acculturer à la société américaine et la volonté de préserver en même temps leur identité juive sépharade. Ceux qui ont penché davantage vers l’assimilation occidentale ont choisi les écoles publiques pour leurs enfants et les synagogues du mouvement conservative4 comme expression religieuse. Mais ces choix n’ont pas empêché l’effet suivant : aujourd’hui, tous les centres importants du judaïsme conservative en Amérique du Nord cherchent des conseils sur la manière de répondre aux événements du cycle de la vie de leurs innombrables membres sépharades. On estime que près de 40 % de l’affiliation au judaïsme convervative dans des centres majeurs comme New York, Los Angeles, Chicago, Atlanta, Seattle et St. Louis, est composée de Juifs sépharades qui demandent à leurs autorités religieuses de répondre aux besoins spécifiques liés à leurs communautés. Ceux qui ont priorisé l’identité juive et mis plus d’emphase sur l’éducation juive ont ont eu un impact significatif et ont fait naître une tendance étonnante au sein des Modern Orthodox Yeshiva Day School (écoles talmudiques modernes orthodoxes) en Amérique du Nord. Alors que nos frères, les Ashkénazes, ont amorcé leur mouvement vers la droite religieuse environ 20 ans auparavant et ont commencé à envoyer davantage leurs enfants vers des Yeshivoth Haredim (écoles talmudiques « ultra-orthodoxes »), le vide laissé dans les écoles orthodoxes modernes, qui ont été fondées et construites par les communautés ashkénazes dans les années 1950, 1960 et 1970, a été rempli d’étudiants sépharades. Aujourd’hui, la Flatbush Yeshiva de Brooklyn est à 60 % composée de Sépharades et est dirigée par un Sépharade. On peut en dire autant de la North Shore Hebrew Academy de
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Ville de l’Ouzbékistan, dont les habitants sont les Boukhariotes. 4 Le mouvement conservative est l’un des courants non orthodoxes du judaïsme, le plus important en Amérique du Nord jusqu’à ce qu’il soit récemment supplanté par le mouvement réformiste.
Long Island, de la Ramaz Yeshiva Day School de Manhattan, de la Hillel Academy de Deal et de l’Académie Hébraïque de Montréal ainsi que d’innombrables autres écoles dans des villes comme Toronto, Vancouver, Miami et Chicago. Des tensions surgissent et des compromis sont trouvés après que les fondateurs et membres des comités d’administration de ces écoles changent leur programme afin de l’adapter aux besoins des étudiants sépharades. Comme la culture juive sépharade en Amérique du Nord a gardé une identité unique et distincte, elle est devenue actuellement un secteur cible dans le monde juif. La Jewish Federation of North America (Fédération juive d’Amérique du Nord) a créé ces 10 dernières années, un Bureau sépharade afin de pouvoir puiser dans l’important patrimoine financier de la communauté sépharade. Birthright a mis sur pied des voyages uniques en Israël ciblant les étudiants sépharades. Les centres Hillel et Orthodox Union ont organisé des programmes exclusifs pour les étudiants sépharades sur les campus des collèges. De plus, des organisations à portée religieuse comme le Habad, Aish HaTorah et d’autres groupes similaires, ciblent spécifiquement les communautés sépharades. Le résultat de cette attention constitue, bien entendu, une bonne nouvelle, mais s’accompagne aussi d’un prix à payer. Au chapitre des bonnes nouvelles, nos communautés sont les bénéficiaires d’une grande partie de ce qui a été bâti par les groupes d’immigrants précédents. L’infrastructure a été déjà établie, que ce soit par le mouvement conservative ou par l’intermédiaire du judaïsme orthodoxe. Des organismes de jeunesse jusqu’aux soins pour les personnes âgées, des programmes d’éducation de la petite enfance jusqu’aux campus des collèges, la présence distincte de la communauté sépharade se fait sentir et est abordée de manière responsable. Certaines communautés sépharades ont utilisé l’infrastructure existante comme un tremplin pour répondre à leurs propres besoins. Ces communautés ont pris l’initiative de bâtir leurs propres écoles et programmes sociaux. La communauté la plus organisée serait celle des Juifs syriens de Brooklyn. La Magen David Yeshiva est une école primaire et secondaire à la fine pointe, bâtie et fondée pour répondre aux besoins particuliers de la communauté sépharade syrienne. Elle comprend également un centre communautaire des plus modernes, un centre de services sociaux et même une association de prêts sans intérêts en dépit du fait que plusieurs de ces organismes existent déjà dans la région de New York. Un autre exemple du même genre est la communauté juive marocaine de Montréal qui, malgré la présence d’autres écoles dans la communauté, est allée de l’avant et a fondé l’École Maimonide pour répondre aux besoins d’éducation de ses jeunes. D’autres initiatives semblables comprennent la Iranian American Jewish Federation (IAJF) à New York et Los Angeles. Désireux que leurs dons de bienfaisance soient utilisés pour Magazine LVS | Pessah 2016 51
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La dernière des vagues importantes de migration de la communauté sépharade en Amérique du Nord est arrivée d’Iran, d’Iraq, d’Afghanistan et de Boukhara3. Ces communautés immigrantes sont arrivées grâce aux ressources et au soutien de communautés juives déjà bien installées. Les communautés boukhariotes et iraniennes, bien qu’étant plus appauvries du point de vue liturgique, arrivèrent dotées d’une riche culture traditionnelle qui, aujourd’hui encore est toujours imprégnée de ferveur et de passion religieuse. Leur impact culturel et religieux à New York et à Los Angeles reste à déterminer.
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des questions communautaires particulières, la communauté a créé sa propre caisse de fonds fédérés. À la différence de la CSUQ du Québec, qui fait partie d’un plus grand organisme, la Fédération CJA de Montréal, la IAJF fonctionne de manière complètement indépendante. Il y a un sacrifice à tous ces services bien intentionnés à l’égard de la communauté sépharade. Le prix que nous payons est que certaines de nos valeurs fondamentales, définissant les communautés sépharades partout dans le monde durant ces 2500 dernières années, sont écornées. Quelques exemples suffiront. La tradition juive a toujours épousé l’unité mais pas nécessairement l’uniformité. L’uniformité a traditionnellement été une valeur préconisée et mise en place par nos frères européens et n’a pas eu autant cours au sein des communautés sépharades partout dans le monde. Les Juifs sépharades ont toujours apprécié leur mosaïque colorée et l’aptitude de chacun à l’expression religieuse sans préjugés. Les synagogues sépharades ont toujours été un lieu de rencontre pour les individus ayant des degrés d’observance religieuse différents. Le concept du judaïsme conservative et réformiste n’a jamais existé dans n’importe quelle terre sépharade précisément parce qu’ils privilégiaient l’unité plutôt que l’uniformité. De la même façon, les hommes et les femmes sépharades ont traditionnellement attaché de la valeur au tziniuth (la décence), mais n’ont jamais imposé de code vestimentaire. L’uniformité dans le style d’une personne ou dans sa façon de s’habiller n’a jamais existé dans n’importe quelle terre sépharade et n’a été adoptée qu’en Amérique du Nord sous l’influence de nos frères européens. Sur le plan de l’éducation également, nous voyons un compromis dans les valeurs fondamentales. Un programme d’éducation religieuse sépharade a toujours été modelé selon le grand enseignant qu’était HaRambam, c’est à dire Maimonide (1135-1204), qui soutenait l’étude de la science et de la philosophie en parallèle à l’étude de la Torah. Comme des éléments de notre communauté sépharade gravitent
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autour des Yeshivoth ashkénazes, ils sont éduqués selon les programmes lithuaniens qui limitent les études laïques et se détournent des matières comme la littérature, l’histoire ou la philosophie. Ce n’est pas seulement le programme qui est influencé de manière considérable par les valeurs européennes, mais la mise en avant aussi du concept d’un leadership autoritaire et charismatique. Le modèle hassidique ou habad où un Rabbi ou Rebbe connaît tout et peut influencer la destinée de chacun n’a jamais fait partie de la culture religieuse sépharade. Oui, il y a de grands intellectuels de la Torah et dirigeants, mais les décisions communes dans les communautés sépharades ont toujours été prises de manière démocratique. Le modèle Rebbe bien sûr donne lieu à des croyances en des superstitions et des pouvoirs surnaturels d’individus, dont les résultats dépassent largement la portée de cet article. J’ai publié récemment un article intitulé A comparative Study of the Sephardic and Ashkenaz Wedding ceremony (Étude comparative d’une cérémonie de mariage sépharade et ashkénaze)5, qui non seulement met en lumière quelques différences flagrantes entre notre culture religieuse et celle de nos frères et sœurs européens, mais parle aussi des évolutions, au sein des communautés sépharades, dans les événements traditionnels du cycle de la vie. Tant que nos communautés gardent leur identité, une vénération sans concession pour notre Écriture sainte, un amour inconditionnel pour Israël et un solide respect pour l’unité de notre peuple, nous comprenons la nature évolutive d’une identité? Qui a dit que nous ne croyons pas en l’évolution? Yamin Levy
5 Voir https://www.jewishideas.org/articles/comparativestudy-sephardic-and-ashkenazic-wedding-ceremony
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Orthodoxie et Diversité
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Le rabbin Marc. D. Angel, est le rabbin émérite de la Congrégation « Shearit Israël », la synagogue historique « Spanish and Portuguese » de New York. Né dans une famille sépharade, il a reçu son ordination de la Yeshiva University où il a aussi obtenu une Maîtrise en littérature anglaise. Il a été le président du RCA (Rabbinical Council of America, affilié à l’Union Orthodoxe) et membre du comité de rédaction de la revue « Tradition ». Le Talmud, dans son traité « Berakhot » 58a, nous enseigne que l’on doit réciter une bénédiction spéciale lorsque l’on voit une multitude de Juifs et bénir le Tout-puissant qui est « h’akham harazim » (littéralement le Sage des secrets), c’est-à-dire Celui qui comprend le cœur et les pensées intimes de chaque individu. « Leurs pensées ne sont pas les mêmes et ils ne se ressemblent pas ». Le Créateur a créé des êtres humains uniques, pareils à nul autre. Il désirait et voulait une grande diversité de pensée, et nous Le bénissons pour avoir créé cette diversité parmi nous.
Rabbin Marc D. Angel
L’antithèse de cet idéal est représentée par Sodome. L’enseignement rabbinique allègue que les Sodomites plaçaient le visiteur dans un lit. S’il était trop petit, il était étiré jusqu’à ce qu’il remplisse le lit; s’il était trop grand, on lui coupait les jambes afin qu’il ne dépasse pas du lit. Cette parabole, je pense, ne se réfère pas purement et simplement à une uniformité physique : les habitants de Sodome voulaient que tous soient identiques, pensent de la même façon, et se conforment aux habitudes des Sodomites. Ils nourrissaient et imposaient la conformité à l’extrême. Le respect de l’individualité et de la diversité est sine qua non d’une vie saine. Nous avons tous des talents uniques et des façons différentes de voir les choses. Nous avons besoin d’un climat spirituel qui nous permet de nous développer, d’être créatif et de contribuer à ce qui constitue le trésor
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de l’humanité, la connaissance et les idées. Les sociétés luttent afin de trouver un équilibre entre les libertés individuelles et les règles de conduite commune. La Torah, tout en offrant un éventail de libertés, donne un cadre audelà duquel les individus ne devraient pas s’aventurer. Lorsque la liberté devient licencieuse, elle peut perturber la société. Par contre, lorsque l’autoritarisme écrase les libertés individuelles, la dignité de l’individu est violée. Je souhaite me concentrer sur cette tendance, liée au monde juif orthodoxe contemporain.
De l’autoritarisme dans le monde juif orthodoxe contemporain Il y a quelques années, j’ai rendu visite, en Israël, à une sommité, possédant une grande connaissance de la Torah. Sa vision originale et indépendante l’isolait de plus en plus de l’establishment rabbinique. Il déclarait tristement : « Avez-vous entendu parler de la mafia? Eh oui, nous avons une mafia rabbinique ici. ». Il faut se poser la question, un érudit dans le monde rabbinique, a-t-il le droit et la responsabilité d’explorer et d’avancer des idées même si celles-ci ne sont pas au goût du jour? Exercer une pression exagérée pour empêcher une saine discussion est défavorable et contraire aux meilleurs intérêts de la communauté et de la Torah. C’est la façon de faire de Sodome.
Le titre intégral est « Orthodoxie et Diversité : pensées sur la parasha Vayera » c’est-à-dire le passage de Genèse des chapitres 18-22. Les sous-titres sont de la rédaction ainsi que les précisions biographiques sur les rabbins cités. Nous les avons mises généralement en notes avec les références et sources apportées par l’auteur.
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Il existe de nombreux cas similaires où une pression indue a été exercée sur des rabbins et des érudits qui exposent des points de vue non conformes aux opinions qui prévalent dans les cercles des leaders rabbiniques orthodoxes. Au cours des dernières années, j’ai participé à l’organisation d’un certain nombre de conférences et de conventions rabbiniques. Invariablement, des questions surgissaient quant au choix de ceux qui seraient invités à participer. Quelqu’un disait : « Si le Rabbin untel participe au programme alors d’autres rabbins et conférenciers refuseront d’y participer ». Un autre déclarait : « Si tel ou tel groupe fait partie des promoteurs de la conférence, d’autres groupes boycotteront l’événement ». Ce qui se passe, dans de telles circonstances, est subtil – en fait pas si subtil – car il s’agit simplement de coercition. Des décisions sont alors prises déterminant quels seraient les individus ou groupes orthodoxes qui seraient ou non acceptables. Cette façon de faire insidieuse est malsaine pour les orthodoxes. Elle nous prive de discussions riches de sens et de débats. C’est aussi une forme d’intimidation qui décourage des individus d’adopter des points de vue et des positions indépendantes ou originales, de peur de se voir isolé, voire ostracisé. J’ai entendu souvent dire par des personnes sensées : « Je crois ceci et cela mais je ne peux pas le dire ouvertement, je crains de me faire attaquer par la « droite ». Je soutiens telle et telle proposition, mais je ne peux pas le dire ouvertement, y associer mon nom, je crains d’être vilipendé ou discrédité par un groupe ou un autre ».
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Nous devons aborder ce problème sans détour et avec franchise : l’étroitesse des points de vue dans le monde contemporain orthodoxe est une réalité. La peur d’exprimer des opinions qui ne soient pas « acceptables » est palpable. Si les individus ne peuvent se permettre de penser librement, s’ils ne questionnent pas ou ne peuvent proposer une alternative, alors notre communauté souffre d’un manque de vitalité et de dynamisme. La peur et la timidité deviennent notre marque de commerce.
De la richesse et de la diversité d’opinions au sein du judaïsme orthodoxe au cours de l’histoire Il existe un contraste flagrant entre la situation actuelle et la façon dont le monde dynamique de la Torah devrait évoluer. Le Rabbin Yehiel Mikhel Epstein (1829-1908)2, affirme que les différences d’opinion parmi les sages, constituent la gloire de la Torah : « L’ensemble de la Torah, est appelé un chant (shira) et ce chant est glorieux lorsque les voix diffèrent les unes des autres. C’est là l’essence de son charme ». Tant les débats que les désaccords ont été acceptés et valorisés dans le passé et font partie de la tradition juive. Le Rama (1520-1572)3, note qu’il est aussi permis à un étudiant de ne pas être d’accord avec la décision de son rabbin s’il peut argumenter et soutenir son propre point de vue.
Le rabbin Hayyim Palachi (17881869), la grande autorité halakhique (de loi juive) du 19e siècle à Izmir, écrivait que « la Torah offrait à chaque personne d’exprimer son opinion selon sa compréhension… Un sage ne doit pas se taire par respect pour les sages qui l’ont précédé s’il trouve dans leurs propos une contradiction évidente… Un sage qui souhaite défendre son point de vue contre les grands et les autorités de la Torah ne devrait pas s’empêcher de s’exprimer, ni de prophétiser mais présenter son analyse comme s’il était guidé par les cieux»4. Le grand sage (israélien) du 20 siècle, le rabbin Haim David Halevy (1924-1998), déclarait que : « non seulement un juge a le droit de décider contre l’avis de ses propres rabbins mais il a aussi l’obligation de le faire. S’il est persuadé que leur décision n’est pas juste et qu’il a de solides preuves supportant son propre jugement; si la décision prise par ceux ayant plus d’autorité que lui, lui paraît mauvaise, qu’il ne se sente pas à l’aise, et que néanmoins, il l’accepte – par déférence pour leur autorité – alors, il a certainement rendu un mauvais jugement5. » e
Le rabbin Moshe Feinstein (18951986)6 rejetant une opinion du Rabbin Shlomo Kruger (19esiècle) a écrit que : « Nous devons aimer la vérité plus que tout ». L’Orthodoxie doit encourager la recherche de la vérité. Cette recherche doit être active, vivante dans les différents courants intellectuels, et réceptive à la discussion.
D’abord, il faut nous dresser et être du côté de la liberté d’expression. Nous devons, en tant que communauté, encourager tous ceux qui ont des opinions légitimes à partager. Nous ne devons pas tolérer l’intolérance. Nous ne devons pas céder aux tactiques de coercition et d’intimidation. Nos écoles et nos institutions doivent favoriser une diversité légitime dans le monde orthodoxe. Nous devons exiger une ouverture intellectuelle et résister aux efforts de ceux qui veulent imposer la conformité : nous ne nous adapterons pas aux lits de Sodome. La communauté doit soutenir la diversité dans le cadre de la loi juive afin que les individus ne soient pas intimidés, qu’ils puissent s’exprimer librement et n’hésitent pas à apposer leur signature sur un document public. L’Orthodoxie est suffisamment vaste et importante pour englober Rambam (Maimonide 1135-1204)7 et le Ari (rabbi Isaac Louria Askénazi, kabbaliste, 1534-1572), le Baal Shem Tov (fondateur du hassidisme,1698-1760) et le Gaon de Vilna (sommité rabbinique qui fut un opposant au hassidisme 1720-1797), le rabbin Eliahu Benamozegh (18231900) et le rabbin Samson Raphael Hirsch (fondateur de la néo-orthodoxie ou orthodoxie moderne, 1808-1888), le
rabbin Abraham Issac Kook (premier Grand Rabbin Ashkénaze du yishouv, communauté juive vivant sur la terre d’Israël, 1865-1935) et le rabbin Benzion Uziel (premier Grand Rabbin Sépharade du yishouv, 1880-1953), Dona Gracia Nasi (bienfaitrice des communautés juives, 1510-1568) et Sarah Schnirer (fondatrice en Pologne des écoles où les filles pouvaient étudier la Torah, 1808-1888). Nous profitons de la sagesse et de l’inspiration d’hommes et de femmes depuis des générations et au travers de communautés de par le monde. L’étendue et la variété des différents modèles orthodoxes approfondissent notre propre religiosité et notre compréhension, et de ce fait, nous attribuent une façon de vivre dynamique et intellectuellement stimulante. Si la communauté orthodoxe moderne n’a ni la volonté ni le courage d’œuvrer pour la diversité, qui le fera? Et si nous ne le faisons pas maintenant, nous manquons le grand défi de notre génération. Rabbin Marc D. Angel Cet article est originellement paru en anglais en novembre 2011 dans Jewishideas.org8. Le rabbin Angel y précise que « cet article est basé sur un article que j’ai publié dans Liber Amicorum, un livre composé d’essais, en honneur du Rabbin Nathan Lopes Cardozo, publié à Jérusalem, en 2006 ». Merci à Michel Mons pour sa traduction
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Décideur (posek) de la loi juive et auteur d’un commentaire célèbre sur la Torah connu sous le nom de Torat Temima. La citation est extraite de son introduction au « Hoshen Mishpat » dans son Aroukh haShoulkhan,
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De son vrai nom Moses Isserles, (1520-1572) a commenté l’ouvrage de référence de la loi juive, Shoulkhan Aroukh, en rapportant les décisions des maîtres ashkénazes. La référence ici est son commentaire sur « Yoreh Deah » 242 :2,3 dans le Shoulkhan Aroukh.
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Voir Hikekei Lev sur «Orah Hayim 6» et « Yoreh Deah 42» du Shoulkhan Aroukh.
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Voir Asseh Lekha Rav, 2 : 61
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L’un des décideurs de la loi juive les plus importants du siècle dernier. La référence du propos est dans Iggrot Moshe, sur « Yoreh Deah » 3:88 du Shoulkhan Aroukh.
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Rappel, les dates et précisions biographiques sont de la rédaction.
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https://www.jewishideas.org/angel-shabbat/orthodoxy-and-diversity-thoughts-parashat-vaye
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Comment pouvons-nous, en tant que communauté orthodoxe combattre la tendance à l’autoritarisme et à l’obscurantisme?
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L’œuvre du Ramhal, kabbaliste, de Montréal à Jérusalem ENTRETIEN AVEC LE RABBIN MORDEKHAI CHRIQUI par Sonia Sarah Lipsyc Mordékhaï Chriqui, est Rabbin et chercheur dans le domaine de la métaphysique et de la kabbale; il est le fondateur de lʼInstitut Ramhal d’abord à Montréal et ensuite à Jérusalem. Il est conférencier dans plusieurs centres à travers le monde sur la kabbale. Auteur de nombreux ouvrages dont Le Flambeau de la Cabale, Les voies de la Direction divine, lʼEssence de la Torah et Le Roi du monde ou Le règne de l’Unité. Il s’intéresse depuis de nombreuses années à la pensée kabbalistique et à ses implications philosophiques dans lʼhistoire. Il vient de terminer (2015) une thèse de doctorat (Ph.D.) sur « La perception de la kabbale de Luzzatto en tant que Métaphysique de lʼUnité ». Vous êtes un spécialiste du Ramhal, un kabbaliste du 18e siècle que vous traduisez en français et dont vous diffusez la pensée au travers de divers ouvrages. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur cet auteur et sur les raisons de l’intérêt que vous lui portez? Ramhal, acronyme de Rabbi Moshé Hayyim Luzzatto (1707-1746) est sans aucun doute l’un des maîtres les plus prolifiques et les plus innovateurs que le judaïsme ait connu depuis Maïmonide (1135-1204). Logicien et kabbaliste, poète et talmudiste, moraliste et grammairien, théologien et dramaturge – telles sont les facettes apparemment antinomiques de la personnalité exceptionnellement riche de ce maître, aujourd’hui incontesté du judaïsme. La vie du Ramhal a connu beaucoup de bouleversements; son œuvre, quoi qu’elle ait subie les fluctuations et les vicissitudes du temps, reflète l’harmonie d’une production exceptionnelle (80-90 ouvrages). Au-delà des péripéties et des bouleversements de son histoire, on perçoit la profonde unité de sa personnalité et de son œuvre. Littérature et rhétorique, mystique et ésotérisme, éthique et théâtre, un seul but est recherché par ce génie : il s’agit de la révélation de l’Unique Existence, l’Unité de Dieu qui permet la réparation du monde.
Rabbin Mordékhaï Chriqui
À partir de quand vous êtes-vous intéressé au RaMHaL? Vous avez même créé à Montréal, je crois l’Institut d’études sur le RaMHAL? Au printemps 1986, j’ai publié en Israël ma première biographie sur le Ramhal : Yessod Olam. En 1990, j’ai publié : Le Flambeau de la Cabbale : Vie et œuvre de R. Moché Hayim Luzzatto à Montréal (ÉD. Phidal). Parallèlement à mes fonctions de Rabbin à la synagogue Beth Rambam (Côte-Saint-Luc, Québec), j’ai suivi des études sur la science des religions à l’Université Concordia (Montréal) où j’ai rédigé une thèse de maîtrise sur Le Maguid et les écrits Zohariques du Ramhal, sous la direction du Pr. Ira Robinson. À propos de l’Institut Ramhal : en 1988, j’ai créé avec un petit groupe de montréalais (Joëlle Weizman, Sam Benattar, Ralph Benattar, Sylvain Abitbol, et d’autres) l’Institut Ramhal. Le succès immédiat et l’enthousiasme de la communauté sépharade fut très grand, ce qui m’a permis de continuer et de développer l’Institut Ramhal à Jérusalem depuis 1991. Quelles sont les activités de votre centre en Israël et dans le monde juif? Un centre d’études comprenant un Kollel (lieu pour adultes se consacrant à l’étude juive ndr), un Beth Midrash (lieu d’études), et des cours pour tout public,
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avec un groupe très dynamique. Nous avons aussi mis en place une (ré)édition de l’œuvre du Ramhal en hébreu ainsi que de nouvelles traductions en français des textes fondamentaux du Ramhal. Pour ne citer que les derniers: Kalah Pithé Hokhmah - Les 138 Portes de la Sagesse, et Le Discours de la Délivrance. Vos projets? Il en existe plusieurs b’h (bezeraat hachem, avec l’aide de Dieu, ndr). Entre autre la publication prochaine en mars 2016 de ma thèse de Doctorat : La Métaphysique de l’Unité chez le Ramhal, aux éditions Auteurs du Monde et l’édition prochaine du livret - qui est mon cheval de bataille - Tikoun Olam (la Réparation du Monde). Vous avez aussi un projet de monter à Montréal une pièce du Ramhal que vous avez déjà fait jouer à Paris dans une mise en scène de Daniel Mesguish? Pourrions-nous en savoir davantage? Il ne faut pas oublier le côté littéraire, dramaturge, artistique du Ramhal. Nous avons eu de la chance d’avoir rencontré à Paris un producteur exceptionnel - Fabrice Tebboul - qui a mis en œuvre la dernière pièce du Ramhal (1743) : Layesharim Tehila - Gloire aux Justes, avec Daniel Mesguish. Là aussi, nous avons démontré qu’il existe un théâtre – au-delà du divertissement - symbolique et sacré. Comment définiriez-vous la dimension sépharade du Ramhal? Bien que l’origine des Luzzatto soit germanique, voire française selon certains chercheurs, la famille Luzzatto installée à Padoue (Italie) depuis le 16e siècle s’est enracinée avec les Juifs italiens locaux. À Padoue où il y avait 3 synagogues (sépharade, italienne et ashkénaze), le Ramhal ne priait et n’étudiait qu’avec un cénacle d’amis sépharades (R. Moshé David Wallé, David Franco, Israël Trévis, etc.) - à l’exception d’un disciple polonais : Yékutiel Gordon, qui était venu étudier la médecine à Padoue. Pour les fêtes de Rosh Hashana et de Kippour, le Ramhal retrouvait la communauté ashkénaze pour les prières solennelles. De toutes les façons, la kabbale ainsi que les maîtres à penser du Ramhal (R. Moïse Cordovéro, R. Benjamin ha-Cohen Rabbi Isaïe Bassan, etc.) étaient sépharades. En revanche la majorité des rabbins ashkénazes d’Italie et d’Allemagne de l’époque s’opposèrent à son enseignement. Lors des attaques contre lui en 1735, il trouva refuge dans la communauté spanish-portuguese d’Amsterdam, où il devint le maître de cette institution jusqu’à son départ en Israël en 1743. Quel est son héritage dans la pensée d’aujourd’hui? Le Ramhal qui influença, depuis la fin du 18e siècle, le judaïsme lituanien des yeshivot (écoles académiques), avec son livre d’éthique : Messilat yesharim (La voie des justes). Il imprégna aussi le mouvement du hassidisme ainsi que l’école de la Haskala (Ère des lumières) de Mendelssohn. L’actualité du Ramhal se ressent dans toutes les universités israéliennes. Il est perçu comme un penseur original de la kabbale qui a posé les fondements d’une historiosophie et d’une science de l’Unité. Sonia Sarah Lipsyc Magazine LVS | Pessah 2016 57
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Rencontre du monde ashkénaze et sépharade au travers de l’Éthique juive Entretien avec Georges-Elia Sarfati par Sonia Sarah Lipsyc Georges-Elia Sarfati est philosophe, linguiste, et logothérapeute. Il partage sa vie entre Paris et Jérusalem. Il est l’auteur d’une œuvre féconde qui compte autant des essais, des traductions que des poésies1. Georges-Elia Sarfati, et si nous commencions par l’une de vos récentes compétences : logothérapeute? Cette thérapie fondée par Victor Frankl, ce psychiatre juif rescapé de Theresienstadt et d’Auschwitz et qui a mis la recherche d’un sens spirituel au centre de toute démarche de guérison?
Georges-Elia Sarfati
Ma lecture de Viktor Frankl (1905-1997) remonte au début des années 1980, à Jérusalem. Il faut rappeler que pour ce médecin qui est aussi philosophe, critique de la psychanalyse historique, la quête du sens – c’est-à-dire d’une raison de vivre – constitue la motivation humaine la plus fondamentale. C’est ce postulat qui fonde l’analyse existentielle et la logothérapie (thérapie centrée sur le sens). J’avais pris connaissance de son témoignage de déportation, dans sa version américaine (Man’s search for meaning), et cela m’avait confirmé dans mon intuition, selon laquelle la définition d’un projet de vie fécond est à la fois la condition de la bonne santé et une source d’accomplissement. Alors que je recevais les premiers enseignements de pensée juive, avec Emmanuel Lévinas à Paris, André Néher, le rabbin Léon Askénazi, Daniel Epstein, à Jérusalem, je retrouvai indirectement dans cette lecture l’idée que la Torah est « source de vie ». Plusieurs décennies se sont passées, lorsque dans le contexte des attentats qui ont ensanglanté Tel-Aviv dans les années 1990 – époque dont j’ai personnellement souffert- j’ai « redécouvert » Frankl. Après le versant philosophique, j’accédai à la dimension thérapeutique de sa pensée. Conscient qu’il était absurdement méconnu dans le monde francophone, j’ai décidé de traduire certains de ses textes importants. Les choses se sont enchaînées : après une psychanalyse, je me suis formé en analyse existentielle et à la logothérapie, puis j’ai fondé l’École française d’analyse existentielle, avec l’agrément et l’accréditation scientifique de l’Institut V. Frankl de Vienne. Enfin, avec certains de mes élèves, eux-mêmes thérapeutes, j’ai ouvert à Paris la Clinique du sens. Je considère comme Frankl que la plupart des souffrances humaines ne sont pas liées à des pathologies, mais à des problèmes existentiels. Je me suis assigné d’institutionnaliser la thérapie centrée sur le sens au meilleur niveau : par sa traduction2, par sa transmission, son développement clinique dans l’espace social, son ancrage à l’université (Faculté de médecine, Paris V), et le contexte hospitalier (Groupes de parole en oncologie, à l’Hôpital Hartmann). Nous sommes au début. Et tout cela a d’autant plus d’importance que nous vivons une époque pauvre, où la demande d’analyse se définit le plus souvent comme une demande de sens. Vous venez de traduire de l’hébreu, les grands textes du mouvement du
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Voir son site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges-Elia_Sarfati
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Nos raisons de vivre. À l’école du sens de la vie, Paris, InterEditions, 2009; Le Dieu inconscient. Psychothérapie et religion, Paris, InterEditions, 2012; Ce qui ne figure pas dans mes livres, Paris, InterEditions, 2014.
J’ai souhaité remonter aux sources spirituelles de la pensée d’Emmanuel Lévinas, en montrant l’importance du Mouvement du Moussar, entendu comme « discipline pratique » : à la fois psychothérapie (soin de l’âme) et psychagogie (éducation de l’âme). Donner accès aux textes séminaux du dernier grand mouvement spirituel du judaïsme m’est apparu avec l’urgence d’une entreprise salutaire. Rabbi Salanter (1810-1883) a eu une vie itinérante, son œuvre – à de rares exceptions, comme l’Epître sur le Moussar, parue en 1858- est avant tout épistolaire, puisqu’il s’agit pour l’essentiel de lettres à ses disciples. C’est à Rabbi Blazer (1837-1907) que l’on doit la publication en 1900 du volume d’Ohr Israel, rassemblant les écrits de son maître, dont lui-même hérite en ligne directe, et dont il systématise, avec un grand talent didactique, les enseignements. Préalablement, j’ai souhaité restituer dans une étude transversale les principales étapes et les principaux aspects de la pensée morale d’Israël, chose qui n’avait jamais été faite en français. J’espère ainsi avoir rétabli un chaînon manquant, restauré une cohérence singulièrement absente de la bibliothèque contemporaine. L’école du Moussar repose tout entière sur le personnalisme de la Bible, le primat de la relation à autrui, l’exigence d’une transmission sensée, véritable éducation de l’humanité de l’être humain. À cela s’ajoute l’universalité et l’ouverture culturelle des maîtres de cette tradition, qui inclut les femmes aussi bien que les hommes, par le dialogue, le souci d’autrui et le perfectionnement de soi.
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Moussar (Ethique juive) : Ohr Israel/ La Lumière d’Israël de Rabbi Salanter et Rabbi Blazer, en faisant précéder ces publications d’une véritable somme : La tradition éthique du judaisme, tous parus chez Berg International. Qu’est-ce qui vous a incité à consacrer déjà trois ouvrages à ce sujet?
Vous citez sur ce thème de nombreux maitres sépharades du 10e au 13e siècle comme les rabbins Ibn Gabirol, Ibn Paqda, Ramban, Yona pour n’en citer que quelques-uns. Quel a été ou est l’apport de la tradition sépharade à ce sujet? La tradition sépharade est première, puisqu’elle prend la suite immédiate de la tradition orientale des Gueonim, les Princes de l’Exil, dès après la période babylonienne, à partir du 10e siècle : l’Afrique du Nord, l’Espagne, puis l’Empire Ottoman, tandis que se développe, à partir du 12e siècle l’École rhénane des Hassidei Ashkénazes, fondée sur la Cabbale provençale. Au-delà des textes fondateurs, qui sont ceux du corpus rabbinique (Tanakh ou Bible hébraique, Talmud), le programme éducatif du Moussar se trouve en toutes lettres dans le Sefer emounot vé déot de Saadia Gaon (882-942). C’est d’une certaine manière Salomon Ibn Gabirol (10211058) qui fixe le canon du Moussar avec son traité d’éthique : Sefer tikun middot hanefech/Le livre du perfectionnement des qualités de l’âme, bientôt suivi de Bahya Ibn Paquda (11e siècle): Hovot halevavot/Les devoirs du cœur, de Maimonide (1135-1204) : Chemonah perakim/ Les huits chapitres, Nahmanide (11941270) : Iggeret hamoussar/Épître sur le moussar. Cette inspiration liminaire se retrouve et connaît une véritable efflorescence avec les penseurs de Safed, au 16e siècle, autour de Rabbi Joseph Caro (1498-1575) et de Rabbi Itrak Louria Askénazi (1534-1570), jusqu’à Rabbi Haim Joseph David Azoulay (17241807) et Rabbi E. Papo (1785-1828). En majorité, tous ces maîtres sont d’ascendance espagnole. Lorsque le Mouvement du Moussar s’épanouit, en Lituanie au milieu du 19è siècle, dans le sillage de l’enseignement de Haïm de Volozhyne (1749 -1821), le principe d’un moussar individuel cède le pas à la grande synthèse de Rabbi Salanter, qui constitue une double réplique, au versant assimilationniste de la Haskala (Ère des lumières dans le judaisme ndr) et aux effusions du Hassidisme.
Mais c’est une pensée très intégratrice, véritable creuset de toutes les sensibilités du judaïsme : Rabbi Salanter fait réimprimer le traité d’Ibn Gabirol, en même temps que le Sefer Hechbon hanefech de Rabbi Menahem Mendel Levin de Satanov (1749–1826), acquis aux idées des Lumières. Linguiste, vous avez enseigné cette discipline à l’Université, en Israël et en France, et écrit des ouvrages de référence en la matière avant de décider à l’âge de 50 ans de devenir rabbin en suivant votre formation à Jérusalem. Une vocation tardive? Afin de garder toute ma liberté de pensée, je n’ai pas souhaité occuper de responsabilité communautaire, mais c’est par exigence spirituelle et intellectuelle que j’ai accompli sur le tard un projet qui me portait déjà dans ma prime jeunesse. Le choix initial de la linguistique et de la philosophie témoigne de ma volonté de définir une perspective critique, pour penser la condition humaine et la condition juive, en tant que centre névralgique de l’humain, dans une époque de désymbolisation. Les deux versants de ce même questionnement sont pour la première fois au travail dans mon livre Discours ordinaire et identités juives (Ed. Berg 1999). Il ne faut négliger aucun niveau d’étude, et réaffirmer le narratif hébraïque.
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Vous avez fondé l’Université populaire de Jérusalem que vous dirigez. Quelle est l’orientation de ce lieu d’études francophones? L’initiative constitue une réplique éducative aux ravages de la désinformation d’un côté, et de la méconnaissance entretenue par l’enseignement public de l’autre, s’agissant des sources spirituelles et culturelles du judaïsme. La devise tient à deux actes pédagogiques : informer/réinformer. Il s’agit en somme d’enseigner Israël, au double sens de l’expression : enseigner ce qu’il en est du sens d’Israël, au public non-juif, perplexe et curieux d’apprendre, enseigner au peuple juif ce qu’il tend aussi à méconnaître. L’Université populaire de Jérusalem, qui a reçu l’appui de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, ne se substitue ni aux institutions académiques, ni aux lieux d’étude traditionnels, c’est un dispositif qui se fonde sur le principe d’une pédagogie active, dont les contenus de prédilection concernent l’histoire d’Israël (antique, classique, moderne), l’histoire du sionisme (ce qui implique la transmission de sa diversité philosophique), ainsi que l’initiation au corpus rabbinique (Tanakh, Midrach, Talmud). L’analyse des enjeux du nouvel antisémistisme, de son inscription dans l’archive judéophobe fait partie intégrante des enseignements, qui se déroulent sous forme de séminaire. L’UPJ s’adresse à tous les publics, en priorité aux jeunes adultes, mais aussi aux adultes soucieux de se donner les moyens d’une réflexion plus approfondie sur la condition juive actuelle. Vous comptez parmi les intellectuels autour de Shmuel Trigano qui ont depuis des années alerté sur la montée de l’antisémitisme en France. Quelles en sont, selon vous, les causes? J’ai en effet compté au nombre des premiers intellectuels — avec Raphaël Drai, S. Trigano, A. Finkielkraut, P.-A. Taguieff — à alerter sur l’imminence des nouveaux dangers, en qualifiant l’émergence du nouvel antisémitisme. C’est aujourd’hui un truisme, une évidence mais il fallait alors apporter la démonstration que l’antisionisme est le prête-nom actuel de la haine métaphysique d’Israël. C’est un phénomène idéologique plurifactoriel : y entre d’abord l’incompréhension du principe sioniste, puisque pour le sens commun l’identité juive est une identité religieuse, ce qui implique que l’idée d’un État juif est une antinomie. Ensuite, l’idéologie postmoderne, arquée sur un universalisme indifférientialiste, hostile à toute souveraineté qui n’aspirerait pas à se fondre dans une universalité abstraite. Enfin, la collusion au sein de la vieille Europe, de l’idéologie pro-palestinienne et du bloc rouge-brun-vert. C’est incontestablement l’exploitation médiatique, politique, militante du conflit du Proche-Orient qui, depuis la Guerre des Six jours, a servi de cheval de Troie à l’essor du nouvel antisémitisme. Un demi-siècle de conditionnement univoque de l’opinion, a semé les germes de violence que nous récoltons.
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Je me souviens d’un ouvrage très instructif que vous aviez signé sur l’antisionisme3 dans lequel vous avanciez la thèse que le fondement de cette position était indubitablement antisémite. Comment fondiez-vous votre thèse? Entre la fin des années 1980 et le début des années 1990, j’ai beaucoup travaillé avec Léon Poliakov, le grand historien de l’antisémitisme. C’est à sa véritable « contre-histoire de l’Occident » que je dois ma compréhension très précise des mécanismes de ce que Léon Pinsker (1821-1891) a appelé la « judéophobie ». J’étais donc très bien préparé à situer et à analyser l’émergence de l’antisionisme, au regard d’une temporalité historique longue. C’est ainsi que j’ai établi que la judéophobie articule trois modalités de la haine et de la criminalisation des Juifs et du judaïsme : la modalité théologique, déjà présente dans l’antiquité païenne, mais durablement étayée par l’antijudaïsme chrétien (marqué par ce que Jules Isaac a qualifié d’« enseignement du mépris »), la modalité politico-culturelle, élaborée par l’antisémitisme, avec des mutations significatives –depuis l’Affaire Dreyfus jusqu’au racisme biologique nazi-, enfin la modalité pseudo-progressiste, formulée par l’antisionisme contemporain. J’ai ainsi montré que les postulations et la rhétorique antisionistes s’enracinent dans l’archive judéophobe. Le postulat consiste à dire que l’État d’Israël est une entité malfaisante; naguère la diabolisation portait sur le Judaïsme (la synagogue, repaire du Diable), puis sur les Juifs (ligués contre la civilisation sous les figures du traître, de l’apatride, du profiteur, etc.). Il existe des matrices thématiques, recyclables, au gré des conjonctures et des motifs historiques, ce dont témoigne le faux des Protocoles des Sages de Sion, dont j’ai donné la première analyse en 1992. Ajoutons enfin que l’antisionisme présente les mêmes mécanismes sociologiques que l’antisémitisme et l’antijudaïsme : des formes de propagande, des communautés idéologiques, des groupes politiques, une littérature, un activisme ciblé, un prosélytisme et la tendance à façonner des tics intellectuels et des stéréotypes péjoratifs. Au même titre que l’appellatif « juif » autrefois, le mot « sioniste » est devenu une invective. Vous êtes né en Tunisie, vous avez suivi vos études en France. Pourriez-vous mettre en évidence la part de votre héritage sépharade dans votre cheminement? Cet héritage se ramène surtout à ma forme de fidélité au Judaïsme – judaïsme fraternel – à la fois lucide et ouvert aux autres spiritualités. Cela va de pair avec une sensibilité et un imaginaire, marqués par la Méditerranée, une manière d’être présent au monde. C’est mon limon, dont témoignent dans l’œuvre écrite mes livres de poésie, comme L’Heure Liguée ou Tessiture. C’est ma part inaliénable d’enfance. Sonia Sarah Lipsyc 3
L’antisionisme. Israël/Palestine aux miroirs d’Occident, Paris, Berg International, 2003.
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DU SURF AU ZOHAR Entretien avec Michael Sebban par Sonia Sarah Lipsyc
Né à Bordeaux d’origine juive algérienne, Michael Sebban a été professeur de philosophie dans les banlieues, en zone d’éducation prioritaire, et romancier à succès avant de se consacrer à l’étude, la traduction en français et la diffusion de la tradition kabbaliste. Michael Sebban Le surf a toujours été l’une de vos passions et elle est présente dans vos romans. Est-ce toujours le cas? Je m’occupe depuis plus de vingt ans de la charmante communauté balnéaire de Biarritz dont je suis le délégué rabbinique. J’ai enseigné le surf et organisé des stages de surf pour la Fédération israélienne de surf. L’océan, l’eau, c’est l’énergie qui purifie. Le mikvé (bain rituel ndr), de la nature. Le surf est une très bonne discipline sportive, solitaire et exigeante même si la vie à Paris en rend l’exercice difficile. Étudiez-vous déjà le Talmud lorsque vous avez commencé à écrire vos romans comme La terre promise pas encore (Ramsay 2002), Kotel California (Hachette Littératures, 2006)? J’ai eu très jeune une grande attirance pour les textes juifs et j’essayais toujours d’organiser et de participer à des cercles d’études. Je suivais les cours du Séminaire israélite de France en 1990, oui bien avant d’écrire des romans. En Israël, où vous avez séjourné, vous avez été également secrétaire à Jérusalem du philosophe juif Benny Levy (1943-2005), l’ancien secrétaire de Sartre et le fondateur avec Bernard-Henri Levy et Alain Finkelkraut de l’Institut d’études lévinassiennes?
Ma rencontre avec Benny Lévy (zal)1 a été déterminante, en 1999. Nous avons monté ensemble à Jérusalem en 1998 l’institut de philosophie et de littérature de l’Université Paris 7 qui est devenu ensuite l’institut d’études lévinassiennes. J’ai vécu à ses côtés pendant ces années et elles m’ont pour ainsi dire éveillé sur la philosophie, le judaïsme, l’étude, le monde. Je suis rentré en France en 2000 et je suis devenu le délégué de l’institut à Paris jusqu’à la disparition de Benny Lévy, pendant la fête de Souccot, en 2003. De retour en France, depuis quelques années vous vous consacrez notamment à la traduction du Zohar, l’un des textes fondamentaux de la Kabbale et à l’enseignement. Comment vous êtes-vous initié à cette dimension ésotérique du judaïsme? L’étude du Zohar s’est imposée à moi après ma rencontre avec Benny. J’étais déjà attiré par ce texte d’une infinie puissance mais disons que je n’étais pas encore en contact permanent avec ce livre. Je participais déjà à Paris, à Jérusalem, à Nice à des cercles d’études de la Kabbale mais l’étude du Zohar c’est un monde en soi et il a fallu des années et il m’en faudra encore beaucoup pour effleurer les profondeurs du plus haut des livres comme le décrit le kabbaliste Rabbi Moshé Cordovéro (1522-1570). Il faut trouver des maîtres, des com1
Abréviation des deux mots hébraiques « zikhrono liverakha (pour un homme) ou de zikhrona liverakha (pour une femme) : « que son souvenir soit une bénédiction ».
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pagnons d’études mais surtout des livres. En effet, les livres qui permettent l’étude du Zohar sont très rares et ça a toujours été là le point fondamental dans l’histoire de l’étude du Zohar; des dictionnaires, des commentaires, des éditions rares. Quelles sont exactement les traductions sur lesquelles vous travaillez et vos publications à ce sujet? J’ai fondé avec quelques amis l’association Beit Hazohar en 2011 pour diffuser et promouvoir l’étude du Zohar qui est malheureusement très marginale aujourd’hui. Une partie de ce travail consiste en des publications : traductions bilingues, outils d’études, dictionnaire en hébreu et en français. J’ai commencé une série de traductions du Zohar à partir de la sélection de textes de l’ouvrage connu sous le nom de Hoq lé Israël. C’est une bonne approche pour s’initier à l’étude du Zohar avant d’aborder les parties plus complexes. Le troisième volume portant sur Wayqra (Lévitique), le 3e livre de la Torah, est en cours. Le premier tome de la traduction des Tiqqouney Hazohar (appendice fondamental du Zohar ndr) paraîtra en mars 2016. Les Tiqqouney Hazohar n’ont jamais été traduits dans aucune langue à part l’hébreu. Cette traduction a été faite en collaboration avec Mr Nissim Sebban qui travaille sur ce texte depuis 25 ans. D’autres ouvrages sont en cours en hébreu et en français et nous accueillons volontiers les personnes et les moyens qui veulent s’associer à notre travail2. Vous enseignez dans votre propre Beit Hamidrach, maison d’études, que vous avez créé qui se nomme Beit Hazohar3. Qui assistent à vos cours? Le Beit Hamidrach du centre Edmond Fleg, dans le 6e arrondissement de Paris, est un Beit hamidrach ouvert à tous, aux hommes et aux femmes. Aux étudiants qui fréquentent ce centre mais aussi aux fidèles de la synagogue et à tous ceux qui sont intéressés par l’étude des textes. Des cours de Torah, Talmud, pensée juive et bien sûr de Zohar y ont lieu toutes les semaines. Nous organisons aussi des journées d’études tous les trimestres. Le thème de cette année est le Pur et le Saint. Les journées d’études ainsi que la plupart de mes cours sont en ligne sur Akadem ou sur YouTube, Beit Hazohar4. Quel est justement l’impact d’internet et des médias sociaux que vous utilisez beaucoup ainsi que l’envoi de votre bulletin de nouvelles?
Comment considérez-vous l’apport des maîtres sépharades à la pensée juive, notamment kabbalistique? N’oublions pas que la Kabbale a été florissante en Espagne, au Portugal, en Italie, et dans tout le Maghreb. La Kabbale sépharade a une longue et riche histoire. L’étude du Zohar a toujours été une tradition dans le monde sépharade et on n’imagine pas combien le Zohar est au cœur du judaïsme sépharade. Il existe de nombreux commentaires sur le Zohar et majoritairement, il s’agit de commentaires sépharades dont certains n’ont jamais été publiés. J’ai quelques idées sur le pourquoi de la chose mais ce serait très long à expliquer dans le cadre de cet entretien5. L’approche sépharade de la Kabbale est aussi bien différente de celle des maîtres ashkénazes bien qu’évidemment, il y eut des échanges entre ces maîtres, dont certains sont savoureux comme celui entre Rabbi Shalom Bouzaglo (1700-1780) et Rabbi Yonathan Eibeshutz (1690-1784). Bref, des tas de raisons, historiques, politiques mais aussi sur l’approche même de la Kabbale, ont fait que les maîtres sépharades ont excellé dans ce domaine et que malheureusement le monde sépharade contemporain fait peu ou pas grand chose pour les étudier, les diffuser, les imprimer, etc. C’est aussi l’une des raisons pour laquelle j’ai créé Beit Hazohar. Beit Hazohar est le nom de la Hevra (confrérie) d’étude du Zohar qui existait à Constantine à la fin du XIXe siècle. Comment vous sentez-vous actuellement comme Juif de France? Le constat est plus celui de la situation de la société française elle-même que celle des Juifs de France. Pour les Juifs l’antisémitisme est un très vieux monstre que nous connaissons assez bien mais qui revêt à chaque époque des habits nouveaux. Mon expérience de prof de philosophie dans les banlieues parisiennes m’a poussé à écrire mon roman Léhaïm et j’ai vu telle une évidence l’état de la France et son malaise le plus profond. Et comme à chaque époque, l’antisémitisme est aussi un symptôme d’une crise de civilisation. Le constat que j’ai fait dans Léhaïm en 2004 n’a malheureusement pas été contredit par les faits, bien au contraire, et je n’ai rien à y ajouter. Je ne participe plus depuis cette époque aux débats publics sur cette question parce que pour moi l’heure de tous ces discours est terminée depuis longtemps. Sonia Sarah Lipsyc
Il y a une véritable communauté mondiale de gens intéressés par l’étude et c’est l’intérêt d’Internet de permettre à ce savoir d’être diffusé. Il y a une communauté des textes et les outils digitaux que tout le monde utilise aujourd’hui devraient d’abord servir à cela. Même les maîtres juifs du XIe siècle et ceux d’avant avaient des contacts et des échanges avec leurs semblables aux quatre coins du monde. 2
Tous ces livres sont en vente sur le site http://www.amazon.fr
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http://beithazohar.com
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https://www.youtube.com/channel/UCcy6coS9yFqYlcxxNYkgWvQ
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5 Michaël Sebban est l’un des conférenciers, comme d’autres auteurs présents dans ce dossier, que ALEPH espère pouvoir inviter prochainement.
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Carnet
Décès C’est avec une immense tristesse que nous vous annonçons le décès de Madame Fiby Bensoussan Z’L qui s’est éteinte le jeudi 4 février 2016 à Montréal. Elle était l’épouse de feu Salomon Bensoussan, mère et belle-mère aimée d’Aimé et Liliane, Raphael et Lydia, Albert et Susan, David ancien président de la CSUQ et son épouse Adelia, Madeleine, Michel et Perlette, Daniel et Myriam, Katia et Suli Tchernin. Nous présentons nos sincères condoléances aux familles éprouvées.
À ma mère Il me semble qu’hier encore j’avais 8 ans et qu’en rentrant de l’école je récitais à ma mère ces versets de Lamartine : « Autour du toit qui nous vit naître Un pampre étalait ses rameaux, Ses grains dorés, vers la fenêtre, Attiraient les petits oiseaux. Ma mère, étendant sa main blanche, Rapprochait les grappes de miel, Et ses enfants suçaient la branche, Qu’ils rendaient aux oiseaux du ciel. L’oiseau n’est plus, la mère est morte ; Le vieux cep languit jaunissant, L’herbe d’hiver croît sur la porte, Et moi, je pleure en y pensant. » Je me souviens aussi que dans les chansons scoutes, nous chantions Le psaume 94-18 commence par im amarti : lorsque je dis ou si je dis. Quand je dis: Mon pied chancelle! Ta bonté, ô Éternel! me vient en aide. Mais nous chantions tous sans exception Ém amarti, Mère je dis: Mon pied chancelle! Ta bonté, ô Éternel! me vient en aide car nous trouvions naturel de trouver aide et confort auprès d’une mère tout comme on peut les trouver auprès de Dieu. Aujourd’hui, je cherche à m’accrocher aux moments de félicité. Mais « Le temps m’échappe et fuit ; Je dis à cette nuit : « Sois plus lente »; et l’aurore va dissiper la nuit. En vain le jour succède au jour, Ils glissent sans laisser de trace; Dans mon âme rien ne t’efface… Je vois mes rapides années S’accumuler derrière moi, Comme le chêne autour de soi Voit tomber ses feuilles fanées. Mais ta jeune et brillante image, Que le regret vient embellir, Dans mon sein ne saurait vieillir Comme l’âme, elle n’a point d’âge. Ta pure et touchante beauté Dans les cieux même t’a suivie ; Tes yeux, où s’éteignit la vie, Rayonnent d’immortalité! Quel héritage nous aura-t-elle laissé? Celui du renouveau et de la persévérance exemplaires. Je cite un de ses poèmes. La femme de l’Âge d’Or, A changé son sort. De femme fragile et effacée S’est faite plus forte et affirmée Adieu tabous et mièvreries, Et l’art de broder aux petits points Noyés douloureux souvenirs et chagrins Elle assume sa vie, Faite de larmes, ou de rires. Elle affirme son bon sens. Finies l’innocence et l’inconscience De se cacher dans l’enfance. Subtile et patiente, Elle mérite une couronne De roses de l’indépendance Car de tout son cœur Elle façonne et embellit son avenir. Quel héritage nous aura-t-elle laissé? Celui d’une foi inébranlable qui guide nos aspirations. ()פז
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(ׁא( לִבְנֵי קֹרַח מִזְמוֹר שִׁיר יְסוּדָתוֹ בְּהַרְרֵי קֹדֶש: (ב( אֹהֵב יְקֹוָק שַׁעֲרֵי צִיּוֹן מִכֹּל מִשְׁכְּנוֹת יַעֲקֹב: (ה( וּלֲצִיּוֹן יֵאָמַר אִישׁ וְאִישׁ יֻלַּד בָּה: Sa fondation est sur les montagnes saintes. Le Seigneur aime les portes de Sion Plus que toutes les demeures de Jacob. Mais on appelle Sion: « Ma mère! » Car en elle tout homme est né. Quel héritage nous aura-t-elle laissé? Celui d’e l’abondance d’amour, de dévouement יחזקאל פרק יט (י( אִמְּךָ כַגֶּפֶן בְּדָמְךָ עַל מַיִם שְׁתוּלָה פֹּרִיָּה וַעֲנֵפָה הָיְתָה מִמַּיִם רַבִּים: (יא( וַיִּהְיוּ לָהּ מַטּוֹת עֹז אֶל שִׁבְטֵי מֹשְׁלִים וַתִּגְבַּהּ קוֹמָתוֹ עַל בֵּין עֲבֹתִים וַיֵּרָא בְגָבְהוֹ בְּרֹב דָּלִיֹּתָיו: « Ta mère était, comme toi, semblable à une vigne, Plantée près des eaux. Elle était féconde et chargée de branches, A cause de l’abondance des eaux. Elle avait de vigoureux rameaux pour des sceptres de souverains; Par son élévation elle dominait les branches touffues; Elle attirait les regards par sa hauteur, Et par la multitude de ses rameaux. » Ces rameaux, ce sont les enfants et petits-enfants et arrière-petits-enfants inspirés pour une ode à la vie ים השיבולים שמסביב על גליו לשוט יצא הרוח ,אלף חיוכים אלי שלח האביב .שמש חביבה יצאה לשוח ,על המיתרים המפיקים צלילי זהב .הם המזמרים אל מול התכלת ,אלף מלאכים השרים שלום לסתיו .נושקים ומלטפים פצעי שלכת ,אלף ציפורים לקולך שיר מזמרות .יפית כה ילדתי מן האביב Sur les ondes des doux épis tout autour le vent s’élève Le printemps m’envoie mille sourires Le soleil radieux émerge Sur les cordes résonnent des accords dorés Qui chantent à l’azur. Mille anges font leurs adieux à l’automne Embrassant et étreignant ses blessures Mille oiseaux à ta voix chantent Ils embellissent le printemps.
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2016 Commandes pour les décorations florales postées le 30 janvier 2016 Afin de remplir toutes les demandes, les commandes devront nous être parvenues avant le 30 avril. Si vous n’avez pas reçu votre bon de commande, appelez le bureau du cimetière au 514 735 4696, du lundi au vendredi de 8h30 à 16h30
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Carnet
Décès Nous avons le regret d’annoncer le décès de Madame Anita Hanna Sabbah Z’L, née Suissa,
C’est avec une immense tristesse que nous vous faisons part du décès de
C’est avec une immense tristesse que nous vous faisons part du décès de
Monsieur Jacob Alloul, Z’l
Monsieur Amram Benudiz Z’L
Père d’Eliane Z’’l, Jean, Michel, Grand-Père de Stéphane et Carine Bouzaglou et Sophie, Audrey, Daniel, Jeremy, Marc et Eric Alloul
qui s’est éteint le 25 Février 2016
qui s’est éteinte le mercredi 17 février 2016 à Montréal. Elle était la grand-mère de notre cher collègue Benjamin Bitton.
Son décès est survenu à Montréal le Jeudi 14 janvier 2016
Nous présentons nos sincères condoléances aux familles éprouvées.
Nous présentons aux familles éprouvées nos condoléances très émues et nos prières.
Nous avons le regret de vous annoncer le décès de
Nous avons le regret de vous annoncer le décès de
Monsieur Azami Mimoun Z’l
Monsieur Marcel Bohbot z’l
survenu le samedi 23 janvier 2016 à Tanger, Maroc
survenu à Montréal, le mercredi 17 février 2016. Nous présentons aux familles éprouvées nos condoléancestrès émues et nos prières.
Il était le beau- père de Monsieur Benjamin Magazzinish, président de la congrégation Hekhal Shalom à Ville St-Laurent
Il était le père de Sidney Benudiz Nous présentons aux familles éprouvées nos condoléances très émues et nos prières.
Nous avons le regret d’annoncer le décès de Madame Mona Goodman Z’L survenu le vendredi 19 février 2016 à Montréal Elle était la grand-mère de M. Michael Goodman Nous présentons aux familles éprouvées nos condoléances très émues et nos prières.
Nous présentons aux familles éprouvées nos condoléances très émues et nos prières.
HEVERA KADISHA de Rabbi Shimon bar Yohaï Confrérie du dernier devoir
Nous informons la population que la Communauté Sépharade Unifiée de Québec possède un cimetière communautaire à Beaconsfield avec des lots à prix très abordables.
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