Kaizen 6 extraits

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Editeur SARL EKO LIBRIS au capital de 10 000 €. 95, rue du faubourg Saint Antoine 75011 Paris www.kaizen-magazine.com Magazine bimestriel numéro 6 janvier-février 2013 Imprimé sur papier recyclé blanchi sans chlore Directeur de la publication Yvan Saint-Jours Directeur de la rédaction Cyril Dion Rédacteur en chef Pascal Greboval Secrétaire de rédaction Lucile Vannier Contact contact@kaizen-magazine.fr Abonnements abonnement@kaizen-magazine.fr Comptabilité et administration administration@kaizen-magazine.fr Rédaction redaction@kaizen-magazine.fr Couverture Fanny Dion Maquette et mise en page Agence Saluces Avignon SIREN : 539 732 990 APE : 5814Z Commission paritaire : 0317 k 92284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution Impression Via Schuller-Graphic Corlet Roto (imprim’Vert) ZA Les Vallées 53300 Ambrières les vallées

Régie de Publicité et distribution dans magasins spécialisés AlterreNat Presse, Sandrine Novarino Tél. 05 63 94 15 50 Distribution Presstalis Aucun texte et illustration ne peuvent être reproduits sans autorisation du magazine. Merci

J

amais, sans doute, il n’aura été aussi nécessaire de revenir en nous-mêmes. Chaque jour, je suis interpellé par des personnes qui, face à la démesure des enjeux que nous affrontons, me demandent : que peut-on faire ? C’est une question que je me pose moi aussi, perpétuellement. Il y aurait de quoi être découragé lorsque nous voyons l’emprise des banques, la vitesse de disparition des espèces vivantes, les prévisions de climatologues toujours plus graves, alors que les alertes sont de plus en plus fréquentes. Il est si facile de s’épuiser à vouloir sauver le monde, de s’angoisser, de s’agiter, d’adresser des reproches à la terre entière de ne rien faire. Et pourtant, est-ce que cela fait avancer les choses pour autant ? Lire Matthieu Ricard fait du bien. Lire Pierre Rabhi aussi. Ces êtres nous reconnectent à l’idée que ce qui se passe à l’extérieur, n’est jamais que le reflet de ce qui se passe à l’intérieur. Et qu’en revenant en nous-mêmes, en cherchant notre équilibre, notre cohérence, notre bonheur, nous soignons une petite partie de l’humanité. Nous lui donnons de l’espoir, de la perspective. C’est à ce sentiment de plénitude, de joie simple, que je tâche de m’accrocher lorsque le monde me paraît chavirer un peu trop fort. Car je crois que c’est la chose la plus puissante que nous puissions faire. Trouver notre place et nous épanouir. Puis devenir contagieux. Les chefs d’Etat, les chefs d’entreprise, les patrons de banques, ne sont rien d’autre que des êtres humains, comme nous. Cherchant la porte étroite qui les mènera au bonheur. Soyons donc contagieux les uns pour les autres. Soyons les êtres humains que l’humanité mérite et faisons-nous du bien. Bonne année à chacun,

édito

Cyril Dion DIRECTEUR DE LA RÉDACTION

© M. Leynaud

KAIZEN «Changer le monde pas à pas»


kaizen 6 janvier février 2013

sommaire 3 Édito 5

Sommaire

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Manifeste

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ils sont Kaizen

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Actus des réseaux

10 Désenfumage : Le bio au supermarché ?

Kaizen késaco ?

Kaizen est un mot japonais qui signifie littéralement «changement bon». Mais c’est également une méthode : celle du changement par les petits pas. La perspective de changer brutalement, de passer du tout au tout, réveille nos peurs et attise nos résistances. Commencer par un petit pas, prendre courage, en faire un second puis toute une multitude, chaque jour, avec régularité, peut nous conduire aux plus grandes transformations. Cela s’est déjà vu dans l’histoire et c’est ce que nous espérons, à nouveau.

13 Et si on le faisait : Demain, je télétravaille 18 Ensemble on va plus loin : Bâtir sans exclure 23 Le dossier : Se soigner sans médicament 39 Portfolio : Le Bonheur selon Matthieu Ricard 48 Portraits de colibris : Deux maires de France 51 Changeons l’économie : L’économie bleue 54 Infographie :

Impact de la Transition Energétique sur l’emploi

56 Recyclage : Art-stock 60 Yes they can : Les campus américains se mettent au bio 62 Idée remuante : La violence éducative ordinaire 69 Le sourire d’Yvan 71 Le bon plan : Strasbourg 75 Sauvage et délicieux : Le bouleau 82 Chronique de Pierre Rabhi : La santé, c’est la vie KAIZEN | JANVIER — féVRIER 2013

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Manifeste pour un changement du monde PAS À pas L

’humanité se trouve aujourd’hui face à un ultimatum, qui nous oblige à changer pour ne pas disparaître. La logique du progrès, qui aspirait à libérer l’être humain et à améliorer sa condition, est à l’évidence en train de l’incarcérer encore d’avantage. Dans un monde où l’indigence côtoie un superflu sans limite et où toute puissance est donnée à l’argent, les déflagrations sociales ne peuvent que s’amplifier et convulser l’ensemble de la société. L’ère de la technologie fondée sur les combustions énergétiques a relégué la nature, pourtant seule garante de notre survie, à un simple gisement de ressources à piller indéfiniment. Ce faisant, elle lui inflige des dommages considérables.

Face à cet implacable constat nous aurions toutes les raisons de désespérer et pourtant, silencieusement, un nouveau monde est en marche. Tandis que la politique exerce une sorte d’acharnement thérapeutique sur un modèle obsolète, la société civile fait preuve d’un génie extraordinaire. Aux quatre coins du monde, des femmes et des hommes inventent une agriculture abondante, sans pétrole, fondée sur la diversité et l’interdépendance des espèces ; des modèles énergétiques utilisant les forces inépuisables de l’eau, du soleil et du vent ; des bâtiments ultra économes, faits de matériaux sains et locaux, produisant plus d’énergie qu’ils n’en consomment ; des économies locales qui organisent une répartition équitable de nos richesses et encouragent l’autonomie du plus grand nombre ; des modèles industriels zéro déchet, utilisant les rebuts pour créer des produits nouveaux ; des lieux où chaque enfant peut s’épanouir et découvrir qui il est… Ces initiatives sont la preuve de vitalité de la vie qui veut vivre.

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C’est à ce monde que nous choisissons de donner la parole aujourd’hui, à ces personnes qui portent les (r)évolutions que nous attendons, à ces initiatives pionnières qui, par leur simplicité et leur bon sens, nous offrent de nouveaux horizons, de véritables raisons de croire en l’avenir.

Pourtant, il ne s’agit pas de proposer ici un énième catalogue de solutions. Les initiatives, pour elles-mêmes, nous intéressent moins que l’esprit qui les porte. Car au-delà de remplacer les énergies fossiles par les renouvelables ou l’agriculture chimique par la bio, c’est à l’âme humaine que nous nous intéressons. Au sens que nous donnons à nos vies, à nos capacités d’empathie et d’émerveillement, à notre profond désir d’être libres. Plus que tout, nous croyons qu’il ne peut y avoir de réelle métamorphose de nos sociétés sans un profond changement de ceux qui la composent : chacune et chacun d’entre nous. Avec créativité, humour, légèreté et rigueur, nous nous engageons, au fil des pages de Kaizen, à inventer un nouveau rêve, et à le concrétiser en même temps. Plus que jamais nous avons soif d’inspiration et de reliance, pour construire dès à présent ce monde nouveau, dans lequel vivront demain nos enfants, leurs enfants et les enfants de leurs enfants… Le temps est venu de placer l’humain et la nature au cœur de nos préoccupations et de nous appuyer sur la puissance de la modération pour un vivre ensemble apaisé et heureux. L’argent peut acheter beaucoup de choses, mais pas la joie à laquelle chacune et chacun d’entre nous aspire de tout son être.


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Ils sont 1 Pierre Rabhi Agriculteur, écrivain et penseur français d’origine algérienne, il défend un mode de société plus respectueux de l’homme et de la nature. Il soutient le développement de l’agroécologie à travers le monde pour contribuer à l’autonomisation, la sécurité et la salubrité alimentaire des populations.

Yvan Saint-Jours Objecteur de conscience, journaliste, fondateur du magazine La Maison écologique, je suis investi dans Colibris depuis quelques années. Si les questions d’habitat et d’énergie sont ma passion, je m’intéresse fortement à la place de l’enfant dans notre société. J’aime me promener au grand air souvent humide en Normandie. 2

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3 Cyril Dion Depuis que j’ai douze ans, je n’ai eu qu’une idée en tête : écrire. A dix-huit ans, je voulais créer la nouvelle revue «Les Temps Modernes» qui parlerait de notre temps, avec des penseurs, des artistes, qui nous aideraient à regarder le monde dans lequel nous vivons. Et écrire dedans. Aujourd’hui je fais beaucoup de choses passionnantes, parmi lesquelles : Kaizen !

Pascal Greboval Voilà, ça fait un an que je suis la voie du kaizen, cette philosophe qui s’inspire de la pensée de Lao-Tseu « Même un voyage de mille kilomètres commence par un premier pas ». Autant dire qu’il faut des bons pieds et de bonnes jambes…. 4

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Lucile Vannier Secrétaire de rédaction : animal vivant en symbiose avec ses congénères les rédacteurs, tapi sous le lichen sémantique, jonglant entre adaptation, camouflage et polyphonie. 5

6 Sandrine Novarino Fille de paysans, de formation agricole, passionnée de nature et de grands espaces, de lecture et de liberté… Je n’ai qu’un seul amour : Celui de la Terre ! Mon utopie, construire un monde meilleur où règnent beauté, harmonie et sagesse. Devant les causes défendues par le réseau Colibris et à travers l’équipe rédactionnelle du magazine, Alterrenat Presse a rejoint le navire, avec un grand enthousiasme !

7 Linda Louis Épikurienne dans l’âme, je vois toujours la vie en Kaizen : préparer des boulettes de kasha, des cuirs de kiwi, du ketchup pour mes kids, chiner de la vaisselle kitsch, boire des kirs berrichons avec mes amis (et le lendemain du kéfir), bref ma spécialité, c’est la kuisine !

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8 Julie Graux A Bruxelles, le jardin d’enfant où j’ai passé mes trois premières années d’école s’appelait «Le colibri»... Après j’ai butiné, comme lui, partout. Me voilà illustratrice et paysanneboulangère bio dans le Perche avec Erik et nos trois filles.

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9 Le Cil Vert Dessinateur de BD perdant inexorablement ses cheveux. Dans son panier : des strips dans les magazines Esprit Village, Macadam, des dessins pour le CCFD.

Nathalie Ferron Passionnée par l’humain et son potentiel d’évolution, j’aime explorer les idées nouvelles. Journaliste spécialisée en santé, psycho et bien-être, je suis également auteur de Transformer sa vie par la méditation (Presses du Châtelet). 10

Thierry Thouvenot Praticien de médecine traditionnelle chinoise à Grenoble et à Paris. Passionné par l’interaction du corps et de l’esprit, il enseigne le Tai Ji Quan, le Qi Gong et la méditation. 11

Lionel Astruc Auteur de plusieurs livres et directeur d’un cabinet de conseil, j’aime faire découvrir des initiatives économiques et sociales capables de susciter une remise en question profonde et constructive. Les filières décrites par Gunter Pauli dans ce numéro génèrent des bénéfices considérables pour l’intérêt général. 12

13 Jérômine Derigny, photographe, et Aude Raux, rédactrice sont membres du collectif Argos. Des sujets porteurs d’espoir, tel est l’axe documentaire de ces deux journalistes qui témoignent des difficultés de la vie en France et à l’étranger valorisant des solutions. Fondé en 2001, le collectif Argos rassemble des journalistes indépendants. www. collectifargos.com

Xavier de Mazenod Néo-rural militant, individualiste qui ne sait vivre qu’avec les autres, je suis consultant dans le domaine de la stratégie Internet et fondateur de Zevillage.net, site d’information et réseau social du télétravail, du coworking et des nouvelles formes de travail.

Fanny Dion J’aborde chaque reportage à peu près de la même façon, par une rencontre. C’est ce que j’aime dans ce que je fais : créer une relation avec les personnes que je photographie. J’aime que les gens se ressemblent et à la fois se trouvent beaux. D’ailleurs la plupart des gens sont beaux. Je ne le voyais pas avant, mais maintenant oui. C’est une des raisons pour laquelle je suis heureuse de faire ce métier. Jean Claude Mengoni Italien de souche et de ventre (j’adore la pasta al formaggio), né en Belgique, je vis en Drôme aujourd’hui et Dieu sait où demain. J’ai été séduit par la vision positive de Kaizen, même si parfois mon côté potache a du mal à ne pas être dans la dénonciation des injustices et des dérives de notre «merveilleuse» société libérale. 16

Amina Boumazza est une journaliste indépendante. Elle s’intéresse essentiellement aux sujets de société et liés à l’environnement. Elle travaille actuellement pour différentes publications en France mais aussi en Algérie, où elle participe actuellement au développement d’un site d’information. 17

Christelle Gérand J’ai pour l’instant posé mes valises et mon dictaphone à New York, où j’ai trouvé le meilleur et le pire, pas grand chose au milieu. Assez vite, j’ai aussi eu envie de parler du meilleur. 18

Marie Laure Fauquet Après 12 ans de communication d’entreprise, j’ai bifurqué vers l’enseignement destiné aux enfants avec comme désir, celui de développer leur esprit critique, leur capacité à s’émerveiller, le respect de soi et de l’environnement. Musicienne, passionnée de photo, de montagnes et d’actualités scientifiques, je continue d’écrire (histoires, contes, articles …).

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Peut-on changer le système de l’intérieur ?

L’exemple du bio au supermarché. Texte CYRIL DION et dessin Julie Graux

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ne question se pose de façon récurrente à nous pauvres homo économicus, aspirant à toute force à devenir ecologicus. Devonsnous réinventer notre modèle de société ou pouvons-nous le changer de l’intérieur ? Histoire de ne pas nous perdre dans de fumeuses considérations philosophiques, penchons-nous sur un exemple concret, qui illustre bien le problème : le bio au supermarché.

1930 : M ich marchan ael Cullen entre pose de dises ac s hetées e invendu n gros o s dans u u des n garage naît le p de New remier s York. Ain uperma si rché. 1948 : G oulet-Tu rpin inau le premie gure à P r « mag aris asin san d’alimen s vendeu tation en r» lib plus tard , l’entrep re-service. Dix ans rise Gou à Rueillet-Turp Ma in ouvre ce jour c lmaison ce qui e omme le st consid éré à p France, d’une su remier superma rface de rché en 560 m 2. 2011 : E n France , la gran recense de distrib 11 250 p ution oints de environ vente qu 650 000 i emploie personn d’affaire nt es pour s annue un l de 205 milliards chiffre d’euros.

Commençons par étudier quelques données objectives. La surface agricole consacrée au bio est aujourd’hui de 3 % en France (deux fois plus qu’il y a dix ans mais toujours peu). Nous savons que pour différentes raisons que je ne développerai pas ici (baisse des émissions de GES, raréfaction du pétrole bon marché, préservation de la biodiversité, de l’eau, des sols et j’en passe) il est indispensable de la faire augmenter. La question est : comment et à quel prix ? 10

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Désenfumage

La France est le pays d’Europe qui compte le plus grand nombre d’hyper et de supermarchés par habitant : 1,5 pour 100 000 habitants, contre 1,3 en Allemagne et au Royaume-Uni, 1 en Belgique, 0,2 en Italie. Selon l’INSEE1, 70 % des dépenses alimentaires se faisaient dans les grandes surfaces en 2006. C’est donc là que se trouve la plus grande partie des consommateurs. Pour ce qui est des produits bio, en 2010, 45 % d’entre eux étaient vendus dans les grandes et moyennes surfaces (GMS), 34 % dans les magasins spécialisés et 11 % en vente directe. Restent 4 % pour la restauration collective et 5 % chez les petits commerçants et dans les magasins de surgelés2. A première vue, il semble effectivement que vendre du bio là où la plupart des gens vont faire leurs courses est un effet de levier indéniable. Mais quel peutêtre l’effet plus global de ce levier ? De nombreux experts, réseaux et autres curieux se penchent depuis de nombreuses années sur l’impact de la grande distribution. D’autres, comme l’économiste Michael Shuman (voir

Kaizen 4) se sont intéressés à l’impact du « acheter local » aux EtatsUnis. Jetons un œil aux fruits de leurs recherches. Selon Christian Jacquiau, auteur de Les coulisses de la grande distribution, près de 97 % des produits alimentaires (et 90 % des produits de grande consommation) passent par les fourches caudines de 5 centrales d’achat : Carrefour-Promodès couvre 29 % de part du marché alimentaire français, Lucie - centrale d’achat commune à Leclerc et à Système U, 22 %, Opéra - centrale d’achats regroupant Casino-Cora (mais aussi Franprix, Leader Price, Monoprix-Prisunic) 19 %, Auchan 14 % et Intermarché 13 %. Cette situation place ces mastodontes en position extrêmement confortable pour constamment négocier les prix à la baisse vis-à-vis des producteurs. Pour supporter cette pression, ceux-ci sont amenés à industrialiser au maximum leurs méthodes production, cherchant à fournir des volumes importants à des prix toujours plus compétitifs. Le bio de grande surface suit donc la

même voie d’industrialisation : pratiques presque similaires à l’agriculture conventionnelle mais avec des produits agréés par le cahier des charges de l’agriculture biologique, champs cultivés en monoculture, terres dénudées à l’extrême, forte mécanisation, etc. Par ailleurs, la France n’étant pas encore en mesure de répondre à la demande croissante, ce bio vient souvent de pays plus ou moins lointains (Espagne, Italie, Maroc, Chili…). Non seulement ce n’est guère satisfaisant (les ressources en eau sont bien souvent pompées aux dépens des paysans locaux, les devises profitent peu au pays, les émissions de GES ont tendance à être accrues…), mais les producteurs eux-mêmes sont bien souvent incapables de vivre du fruit de leur labeur. Comme l’affirmait l’agriculteur conventionnel Michel Morisset en 20103, « La grande distribution fixe des prix en dessous du coût de production. 1 kg de tomates, c’est environ 80 centimes à 1 euro pourtant la grande distribution nous l’achète à 60 centimes ! » Autre bienfait de ce beau système de boîtes toujours plus grandes qui KAIZEN | JANVIER — féVRIER 2013

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Demain,

je télétravaille dans un tiers lieu

Texte Xavier de Mazenod Photos Pascal Greboval sauf mentions contraires

Le télétravail peut comporter des risques d’isolement pour le salarié. L’une des solutions pour remédier à cet inconvénient consiste à travailler dans un « tiers lieu » entre le bureau et la maison pour y retrouver un collectif de travail, choisi et non subi.

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ans l’esprit de beaucoup de managers ou de syndicalistes, les préjugés sur le télétravail ont la

vie dure. Pour les premiers, il est synonyme de travail devant la télé (téléglandouille ou pyjama toute la journée). Pour les seconds il est encore souvent assimilé à un travail à la tâche qui isolerait le salarié chez lui. Force est de reconnaître que se retrouver en télétravail tout seul chez soi comporte un certain nombre de risques, parmi lesquels la perte de contact avec ses collègues, ou la désorganisation qui pousse à trop travailler - ou pas assez. C’est ce qu’a vécu Sophie lorsqu’elle a proposé la solution du télétravail après une mutation, pour s’épargner 2 h 30 de route par jour et un déménagement.


Malheureusement son entreprise n’a manifesté aucune politique de télétravail et Sophie s’est retrouvée livrée à elle-même dans cette démarche. « Etre chez soi, ce n’est pas mal, racontet-elle. J’étais demandeuse, j’aime mon travail et je suis contente de ne pas avoir à me déplacer. Mais mon isolement engendre de la désorganisation. Je n’ai pas de liens avec mes collègues et je ressens très fortement la solitude ». Ce déséquilibre se traduit par des difficultés à gérer ses rythmes de travail : « Je travaille beaucoup plus, et souvent je ne m’arrête pas quand je suis lancée dans une tâche. Parfois, j’ai même du mal à m’arrêter pour les repas. Cette désorganisation atteint un tel point que je finis par haïr mon ordinateur ». UN TÉLÉCENTRE Heureusement, les télétravailleurs se retrouvant dans une telle situation sont minoritaires et il existe des solutions pour éviter ces risques. La première consiste à bien gérer le passage des salariés au télétravail (voir encadré). La seconde est simple : ne pas rester seul et profiter de collectifs de travail comme ceux développés dans des télécentres ou des espaces de coworking (travail partagé). Dans ces « tiers lieux » entre le bureau

et le domicile, on peut venir travailler régulièrement ou ponctuellement et retrouver d’autres télétravailleurs pour recréer une ambiance et des repères de travail. Une centaine de tels lieux existent en France et devant le succès rencontré, leur nombre devrait bientôt doubler. Un service très précieux en milieu rural où ils se font plus rares. Face à ce constat, le département de l’Orne, en Normandie, s’est lancé dans la création de 10 télécentres à l’initiative de Zevillage.net. La commune de Boitron a ainsi créé en septembre 2010 le premier télécentre du réseau ornais. Une école « classe unique » a été réhabilitée pour s’adapter à ce nouvel usage : on y a créé deux bureaux privatifs ainsi qu’une grande pièce utilisée pour du « coworking », des réunions ou des formations. Un investissement à la mesure d’une petite commune rurale de 360 habitants : 15 000 € de la commune et 5 500 € du conseil général ont été affectés à la réhabilitation, auxquels le conseil régional a ajouté 50 000 € pour le raccordement en très haut débit (20 Mo symétriques de débit). La commune a confié gracieusement la gestion du lieu à une association,

Et si on le faisait ? « Boitron à Très haut débit » qui facture l’utilisation, généralement au mois (30 à 50 € selon l’usage) et prend en charge les frais de connexion à l’Internet. Les 12 membres peuvent utiliser le lieu selon leurs besoins, ponctuellement ou régulièrement, 24h/24. Ils organisent également entre eux des événements, des formations bénévoles et des moments de convivialité autour de repas partagés - en France, c’est bien connu, le lien se crée autour de la table... Dans la limite des usages professionnels, la commune organise aussi dans cet espace des formations grand public, des sensibilisations à l’informatique ou à l’Internet pour les jeunes ou les anciens, dispensées par des bénévoles. Cet aspect « multiservices » est important pour amortir l’investissement des travaux mais aussi pour croiser les publics et créer du lien social. Une dynamique qui fait connaître le lieu, ses usages et permet de recruter des membres professionnels. Jean-Luc, chef d’entreprise et utilisateur du télécentre, n’y voit que des avantages : il y fait étape pour ne pas


Bâtir

sans exclure Texte Aude Raux photos Jeromine Derigny

Depuis vingt-cinq ans, Solidarités Nouvelles pour le Logement propose « d’agir ensemble pour le logement ». Grâce à la mobilisation de citoyens bénévoles, l’association crée des habitats aux loyers accessibles pour des personnes sans logement ou mal logées et les accompagne dans leur intégration.

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eurs maisons s’avérant trop petites pour offrir l’hospitalité à tous les plus démunis qui croisaient leurs chemins, Etienne et Denis Primard décident de bâtir. Les deux généreux frères, entrepreneurs dans le bâtiment (l’un en Essonne et l’autre à Paris), leurs épouses ainsi que quelques amis achètent ainsi des appartements qu’ils retapent pour garantir un toit à ceux qui n’en ont pas, moyennant un loyer modéré. « Nous n’imaginions pas alors, se souvient Etienne Primard, que nous allions dépasser ce cadre familial et amical. Finalement, nous avons mobilisé des centaines de bénévoles autour de la recherche de solutions concrètes pour se loger. Par cette action, on a montré

que ce qui n’est pas possible seul peut le devenir à plusieurs ». Déjà cofondateurs en 1985, autour de Jean-Baptiste Foucault, de Solidarités Nouvelles face au Chômage, ils créent en 1988 une autre association : Solidarités Nouvelles pour le Logement (SNL), convaincus que « l’habitat est premier pour la dignité humaine ». En 1990, la loi Besson qui permet aux associations de recevoir des subventions de l’Etat si elles s’engagent à embaucher des travailleurs sociaux favorise un « décollage immédiat » de SNL, qui emploie alors des travailleurs sociaux professionnels. Vingt-cinq ans plus tard, l’association reçoit le « Prix de l’entreprise de plus de 50 salariés », décerné en novembre 2012 lors de la troisième édition des Grands prix de la finance solidaire. Elle est aujourd’hui présente dans cinq départements d’Ile-de-France (Paris, l’Essonne, les Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne et les Yvelines). Depuis sa création, SNL a permis à plus de 6 000 ménages de se loger dignement. Plus de 800 logements ont été créés. « Autant de réalisations concrétisées grâce à des donateurs et surtout, précise Pierre Anquetil, directeur de SNL Val-de-Marne, à la mobilisation de près de 1 100 bénévoles répartis dans des Groupes locaux de solidarité. L’engagement bénévole est l’un des fondements de SNL ».

Par cette action, on a montré que ce qui n’est pas possible seul peut le devenir à plusieurs

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Ensemble, on va plus loin

UNE DÉMARCHE CITOYENNE DE SOLIDARITÉ Le slogan de l’association est explicite : « Ensemble, agissons pour le logement ». Comme le raconte Sophie Fourestier, conférencière et co-fondatrice de SNL Val-de-Marne, « ma rencontre avec les fondateurs de SNL m’a donné une force d’espérance pour tout ce que l’on vit : à condition d’être plusieurs, on ne subit plus les choses. Même face à un problème aussi difficile que le mallogement. Tout devient possible si les gens se mobilisent ». Cette démarche citoyenne de solidarité implique de donner de son temps, pour créer du logement social mais aussi pour accompagner les personnes en grande précarité afin de leur permettre d’y habiter. Trois jours avant la trêve hivernale, un tandem de bénévoles - Mireille Convard,

bibliothécaire, et Jean-Paul Wald, informaticien - ont rendez-vous dans un logement de SNL situé dans un quartier bourgeois de Fontenay-sous-Bois. Ils viennent dire au revoir à Cynthia et ses deux adorables filles. La jeune mère de 24 ans a vécu dans ce T1 de 40 m2 pendant deux ans et demi. « Franchement, c’est cool. Ça m’a donné le temps de me poser. J’ai pu suivre une formation et ensuite trouver un travail qui me plaît : je suis aide médico-psychologique auprès d’enfants handicapés. La femme de JeanPaul qui connaît bien le milieu social m’avait briefée pour l’entretien. Je peux maintenant emménager dans un logement social, un grand 3 pièces. Mais je reste à Fontenay, on va se revoir ; ils ne vont pas se débarrasser de moi comme ça ! » Jean-Paul est très confiant pour son avenir : « elle sait ce qu’elle veut ».

« Ensemble, agissons pour le logement »

Tolovi, locataire dans le même immeuble, signe son bail. Après avoir vécu dans une chambre d'hôtel avec ses deux enfants, elle emménage dans un trois pièces.

TISSER DES LIENS DE PROXIMITÉ Un autre locataire succède à Cynthia le soir même. Emile arrive avec quelques bagages et un poste de télévision. Mireille et Jean-Paul lui indiquent où se trouvent le Lavomatic le plus proche et un supermarché pas cher, ils lui demandent aussi s’il a besoin de meubles. « L’accompagnement d’Emile va certainement être très différent de celui de Cynthia », présage Jean-Paul. L’homme, presque 40 ans, a un travail mais est couvert de dettes. Divorcé, père de deux enfants dont il a perdu la garde, il a connu la prison et reste suivi psychologiquement. La travailleuse sociale de SNL Val-de-Marne, Isolde Houziaux, est présente pour faire signer le contrat de sous-location à toutes les parties. Tandis KAIZEN | JANVIER — féVRIER 2013

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Dossier

Se soigner sans médicament

Dossier réalisé paR Nathalie Ferron, Thierry Thouvenot, Pascal Greboval

© Fanny Dion

L’homme a toujours cherché à se soigner par des moyens naturels, une idée plus que jamais d’actualité. Face à la croissance des dépenses de santé, une responsabilisation des citoyens dans la prise en charge de leur santé est envisagée. Aujourd’hui les maladies chroniques gagnent du terrain (maladies cardio-vasculaires, cancers, dépression, etc.). En France, l’un des plus grands consommateurs de soins en Europe, les traitements chimiques suscitent une méfiance grandissante (les scandales du Médiator et des prothèses PIP ont marqué les esprits). Sans renier les progrès médicaux et les avancées technologiques, il est possible de préserver notre santé par des moyens simples et naturels, que ce soit de manière préventive ou curative.


L’Alimentation

nous sommes ce que nous mangeons L’influence de l’alimentation sur notre santé n’est plus à démontrer. Comment bien se nourrir ? Eclairages avec Stéphane Tétard, naturopathe.

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n pourrait croire que dans nos cultures occidentales, où l’on dispose de pléthore de denrées et messages récurrents sur la nécessité de bien se nourrir, adopter un juste comportement alimentaire semble être à la portée de tous. Mais derrière les discours institutionnels, la présence de pesticides, additifs, OGM et autres polluants dans nos assiettes rend compte d’une situation difficilement contrôlable et complique les choix du consommateur. « L’aliment équilibré et de qualité est le premier garant de la santé, le 24

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déséquilibré et le pollué le premier poison » Gilles-Eric Séralini 1. Qu’est-ce qu’une bonne alimentation ? Nous aimerions pouvoir donner une réponse simple. En réalité les besoins divergent : selon les tempéraments, les morphologies et les capacités digestives, l’alimentation idéale pourra varier d’une personne à l’autre. En naturopathie, en médecine chinoise ou en ayurvéda, le praticien tient compte des particularités individuelles avant de prodiguer des conseils nutritionnels. Stéphane Tétard, naturopathe à Montreuil (93), distingue plusieurs terrains pouvant rappeler la

classification hippocratique des tempéraments (sanguin, bilieux, etc.). Il insiste sur la nécessité d’adapter l’alimentation en fonction des besoins de chacun : « Certains aliments, comme les crudités et le jus d’orange, peuvent être bons pour les uns et déconseillés aux autres. Elles ne conviennent pas par exemple aux personnes frileuses, dotées de moins bonnes capacités digestives » explique-t-il. BIEN SE NOURRIR POUR BIEN VIVRE Au-delà des particularités de chacun, de plus en plus de spécialistes reconnaissent que l’alimentation industrielle élaborée à partir de produits raffinés contient un grand nombre d’aliments « poisons » qui encrassent notre organisme. Sont visés : les graisses hydrogénées, le blé et le sucre raffinés, l’excès d’aliments carnés (surtout de viande rouge) ainsi que le lait et ses dérivés. De nombreuses personnes présentent aujourd’hui une intolérance au gluten (contenu notamment dans le blé) et à la caséine de lait, parfois sans le savoir. Pour Stéphane Tétard, il suffit parfois d’éliminer une catégorie d’aliments pour résoudre certains problèmes : « J’ai pu observer que la suppression du lait de vache chez des enfants souffrant


Dossier

© Ellen Kooi

L’ÉQUILIBRE ACIDO-BASIQUE TROP SOUVENT NÉGLIGÉ

de pathologies ORL à répétition pouvait être vraiment bénéfique ». Idéalement, notre assiette devrait contenir un maximum de produits frais et de saison, si possible de provenance locale, ce qui est loin d’être le cas. En outre, notre alimentation est souvent carencée en minéraux en oligo-éléments, vitamine B et oméga 3. « En milieu urbain, compte tenu de notre mode de vie et du stress qui l’accompagne, nous devrions sensiblement augmenter nos apports en magnésium », souligne le naturopathe. Concrètement, on ne consomme pas assez d’oléagineux (noix, amandes…), sources d’oméga 3 et de magnésium, ni de légumes à feuilles vertes, riches en vitamines et en calcium. « Cinq fruits et légumes par jour, c’est vraiment le minimum. Nous ne mangeons pas assez de végétaux », rappelle Stéphane Tétard. Par ailleurs, des croyances erronées persistent : c’est le cas des prétendus bienfaits du lait sur la prévention de l’ostéoporose. Certains chercheurs, parmi lesquels l’éminent Pr Walter Willett, président du département nutrition de l’école de santé publique d’Harvard, n’hésitent pas à remettre en cause cette idée reçue, expliquant qu’il n’existe là aucune relation de cause à effet. Et de

rappeler que c’est dans les pays les plus grands consommateurs de lait que l’on recense le plus de fractures… INGRÉDIENT ESSENTIEL : le plaisir de manger Bien manger ? Un savant mélange de bon sens, de sagesse et aussi de plaisir. Sachez-le : un excès temporaire ou l’ingestion occasionnelle d’aliments « poisons » ne vont pas compromettre votre équilibre alimentaire. « Une canette de soda ou une pâtisserie de temps en temps ne posent pas de problème. Ces produits seront bien assimilés s’ils entrent dans le cadre d’un régime alimentaire équilibré », rappelle Stéphane Tétard. Inutile de sombrer dans l’ascétisme, manger doit rester un plaisir ! Notons que la rigidité peut conduire à des dérives telles que l’orthorexie, cette obsession récente pour les aliments santé. Et si, pour bien manger, il suffisait de réapprendre à écouter les besoins de notre organisme ?

(1) Extrait de Nous pouvons nous dépolluer, Ed J. Lyon, 2012.

L’excès d’acidité est une conséquence fréquente du mode d’alimentation moderne. Fatigue, maux de tête, frilosité, nervosité, douleurs musculaires et articulaires sont quelques-uns des symptômes détectant un excès d’acidité dans l’organisme. Les organes émonctoires (peau, reins, foie, poumons, utérus) éliminent quotidiennement les toxines mais leurs capacités peuvent venir à saturer. Pour savoir si le pH de votre organisme est équilibré, un simple test : procurez-vous une bandelette de papier pH en pharmacie ou dans un magasin diététique et déposez dessus quelques gouttes de la seconde urine du matin, puis de celles précédant chaque repas pendant 2/3 jours. Compris entre 0 et 14, le pH est équilibré autour de 7. En deçà de 6.5, on parle d’acidose : l’organisme doit alors fournir des molécules dites « neutralisantes » (carbonate de calcium issu des os et des dents, magnésium des os ou potassium des muscles), au risque de se retrouver carencé en minéraux. Pour rétablir l’équilibre il faudra limiter aliments acidifiants (viandes, céréales et légumineuses, produits raffinés) ou acides (agrumes, yaourts, vin, etc.), au profit des basifiants et reminéralisants (légumes, pommes de terre, graines germées, etc.). Parallèlement à cela, une activité physique régulière comme la simple marche à pieds et des exercices de respiration permettront à l’organisme de se réoxygéner.

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Portfolio

Qu’est-ce que le bonheur ? par Matthieu Ricard Matthieu Ricard est moine bouddhiste, auteur de livres, traducteur et photographe. Après avoir terminé sa thèse de doctorat sur la génétique cellulaire en 1972, il s'est consacré à l'étude et à la pratique du bouddhisme. Depuis, il a vécu en Inde, au Bhoutan et au Népal. Matthieu Ricard est l’interprète français du Dalaï-Lama depuis 1989.


Pascal Greboval : L’acte de photographier est-il votre dernier lien à votre culture d’origine, ou un levier pour véhiculer les valeurs du bouddhisme ? Matthieu Ricard : Pour moi la photographie est un hymne à la beauté. J’ai commencé à photographier vers l’âge de quinze ans avec mon ami André Fatras, photographe animalier et grand amoureux de la nature. D’après les enseignements bouddhistes, la nature de Bouddha est présente en chaque être. Par la photographie, je voudrais montrer la beauté de cette nature humaine. Les images de souffrance, de détresse et d’ignominie abondent, je n’ai jamais pu en prendre. Il est essentiel d’inspirer la confiance et l’espoir, c’est ce dont nous avons le plus besoin. Ci-dessus : Paro Taktsang (la Tanière du Tigre), au Bhoutan, un site sacré important liés à Padmasambhava : on dit qu’il s’y rendit en volant, à cheval sur une tigresse. Les temples ont été construits au XVIIe siècle.

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Pascal : Nous avons choisi des photos que vous avez prises au Bhoutan, le pays qui a introduit la notion de Bonheur intérieur Brut (par opposition au PNB) ; comment définissezvous le bonheur ? N’y a-t-il pas en Occident une confusion entre plaisir et bonheur ? Matthieu : Le bonheur véritable n’est pas une suite sans fin de sensations plaisantes, ce qui s’apparente plutôt à une recette pour l’épuisement. Le bonheur véritable est une manière d’être qui va de pair avec l’amour altruiste, la force et la liberté intérieures, la sérénité, et qui jour après jour, mois après mois, peut être cultivée comme une compétence. C’est un état acquis de plénitude sousjacent à chaque instant de l’existence et qui perdure à travers ses aléas. Dans le bouddhisme, le terme soukha désigne un état de bien-être né d’un esprit exceptionnellement sain et serein. C’est une qualité qui imprègne chaque expérience, chaque comportement, qui embrasse toutes les joies et toutes les peines. C’est aussi un état de

sagesse, affranchie des poisons mentaux, et de connaissance de la nature véritable des choses. Pascal : Nous le constatons avec vos images, nous sommes loin des modes de vie du Bhoutan ; comment pourrions-nous introduire une part de Bonheur intérieur Brut dans nos sociétés ? Matthieu : En Juillet 2011, une résolution sur « Le Bonheur : vers une approche holistique du développement » présentée par le Royaume du Bhoutan a été adoptée à l’unanimité par les 193 États-membres de l’Assemblée générale de l’ONU. À une époque de dévastation environnementale et culturelle globale, d’effondrement de l’ordre économique mondial, le monde a désespérément besoin d’une alternative à l’obsession matérialiste et consumériste qui provoque de tels ravages. Il faudrait parvenir à démontrer la viabilité pratique d’une comptabilité fonctionnant à partir du BNB (Bonheur National Brut) et non pas du PNB (Produit National Brut), qui irait de l’avant de


Ci-dessus : Lac Tsophou (4350m), à deux heures de marche au-dessus du camp de base du Jomolhari au Bhoutan Ci-dessous : Des danseurs à la coiffe noire, ‘shanak’, virevoltent pendant trois quart d’heure, rythmant leurs mouvements à l’aide d’un tambour pendant le festival annuel de danses sacrées au monastère de Trongsar au Bhoutan.

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Changeons l’éco

L’économie bleue : l'industrie comme écosystème Texte Lionel Astruc Photos Pascal Greboval

Qu’adviendrait-il si les entreprises remplaçaient l’hyperspécialisation par plus de coopération à l’échelle locale ? Elles réduiraient leur impact environnemental et créeraient des emplois non-délocalisables. Aux confins de l’écologie industrielle, du biomimétisme1, de la relocalisation et de l’économie sociale et solidaire, les expériences de l’entrepreneur et économiste belge Gunter Pauli sont à l’origine d’un modèle prometteur : l’économie bleue. OÙ CHAQUE ACTIVITÉ EN COMPLÈTE UNE AUTRE ’économie verte est un remède pire que le mal, un jeu de dupe qui retarde dangereusement l’humanité alors qu’un vrai changement de paradigme est urgent ! » déplore Gunter Pauli. Dans les années 1990, il était pourtant l’un des emblèmes de cette économie verte qu’il dénonce aujourd’hui : il présidait la société Ecover (fabriquant de liquide vaisselle et de lessive), alors

«L La société Upcycle a lancé à Paris une production de pleurotes. Comme les shiitakes ce sont des champignons saprophytes : ils se nourrissent de matières organiques végétales ou animales en décomposition. Ils poussent ici dans un container www.upcycle.org/UpCycle/Home.html

vue comme pionnière en matière de responsabilité sociale et environnementale. Mais il n’a pas supporté le décalage entre sa réputation d’entrepreneur modèle et une réalité moins reluisante : Ecover intégrait certes l’écologie à presque tous les étages de sa chaîne de valeur, mais son activité dépendait de l’huile de palme, contribuant donc à la déforestation2. Gunter Pauli décide de vendre l’entreprise pour dénoncer l’hypocrisie d’une économie verte fournissant des produits ni vraiment écologiques, ni tout à fait acces-

L’économie bleue : un modèle favorisant l’accès pour tous aux produits écologiques, sibles : des aliments bio transportés depuis les antipodes et réservés aux classes aisées, des cosmétiques écolabellisés contenant eux aussi de l’huile de palme, des agro-carburants dévoreurs de forêts primaires, ou encore des panneaux solaires non rentables et dépendants des subventions. Cette critique porte en elle les grands principes de l’économie bleue : un modèle favorisant l’accès pour tous aux produits écologiques, la réduction KAIZEN | JANVIER — féVRIER 2013

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Recyclage

Le recyclage se donne en spectacle Texte et photos Amina Boumazza

L’association marseillaise Artstock récupère d’anciens décors de spectacles vivants issus de toute la France, puis elle les recycle pour leur donner la chance d’habiller de nouvelles créations. Les membres de cette association ont créé le premier réseau national de développement durable artistique.

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me Butterfly offrant des coquelicots au spectacle pour enfants La Lettre de Pierrot, l’esprit du festival rock WoodStower planant au-dessus de l’ancien commissariat du film Francis le Belge... Autant de réincarnations inattendues rendues possibles grâce au travail d’Artstock. Cette association s’est donnée pour mission d’offrir une seconde vie à d’anciens décors d’opéras, de théâtre ou de cinéma, en les restaurant pour les louer ou les revendre à des structures culturelles plus modestes. L’association a été créée en 2009 par un comédien, un chef machiniste et deux scénographes, lassés de voir des décors entiers détruits à l’issue des saisons théâtrales. « Depuis des années on se di-

sait que tout ce gaspillage était insensé » raconte Blasco Ruiz, co-directeur de l’association. Le quatuor a eu l’idée originale de les recycler. Dans un premier temps, la récupération s’organise grâce à internet et au bouche-à-oreille puis progressivement, un circuit s’installe. Aujourd’hui, l’association agit seulement après avoir établi des partenariats et des conventions avec les structures culturelles donatrices. Celles-ci s’engagent à fournir des décors pour une période d’un an renouvelable. « Les décors sont cédés à titre gracieux par le fournisseur. C’est lui aussi qui paiera leur transport et les intermittents engagés pour l’opération » explique Vincent Grangé, co-directeur d’Artstock. Si de grandes structures culturelles ont choisi de se tourner vers le recyclage proposé par Artstock, c’est que le coût est bien moindre. Avec l’association elles ne payent que la location du matériel servant au transfert de décors là où habituellement, elles doivent trouver et louer des locaux pour le stockage jusqu’au démontage total, payer le matériel et la main-d’œuvre pour jeter ces « déchets », et enfin l’incinération des éléments. Recourir à Arstock leur permet d’économiser du temps et des milliers d’euros. De son côté, l’association garantit qu’elle récupérera ces œuvres dans le but de les stocker et de les réutiliser sous certaines conditions : elle s’engage notamment à ne pas conserver pas la création originale dans son

« Depuis des années on se disait que tout ce gaspillage était insensé »

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ensemble, seules certains éléments y seront récupérés et remodelés pour devenir de nouveaux décors. Artstock a déjà mis en place ce type de convention avec Canal Plus, le Théâtre des Champs-Elysées, ou encore les Chorégies d’Orange. C’est essentiellement l’univers de l’opéra qui est sollicité en premier lieu, dans la mesure où il génère une grande quantité de déchets artistiques. Cette année, 1000 m3 de décors ont ainsi pu être récupérés au Théâtre des Champs Elysées. « LES ROBIN DES BOIS DE L’ART » Au lieu d’être brûlés, ces décors usagés sont triés puis stockés dans l’un des deux ateliers de l’association, à Manosque ou à Vierzon. Des cavernes d’Ali Baba où se mêlent toutes sortes d’objets : chaussures géantes de Cendrillon, lustre russe arrivé directement de Moscou, etc. Grâce à ces mille et une merveilles, l’association peut proposer plusieurs services. Elle met à disposition de ses membres une matériauthèque où chacun pioche à sa guise. Outre la location ou la revente d’éléments simples prélevés sur les décors récupérés, les membres d’Artstock partagent également leur talent en proposant aux petites structures de créer des décors sur mesure. « On tient à la dimension sociale, on est un peu des Robin des bois de l’art puisqu’on prélève

chez les plus grands pour donner aux plus petits », raconte Vincent Grangé. Ce système est un vrai paradis pour les petites compagnies, qui héritent de décors personnalisés à des coûts bien moins élevés que d’ordinaire. Emmanuel Chambert, directeur du Délirium Théâtre, est un client assidu. « Les matériaux coûtent très cher, l’élaboration d’un décor demande beaucoup d’investissement financier et de temps. Grâce à la récupération, on peut économiser des matériaux et disposer d’éléments déjà construits », reconnaît-il. À plusieurs reprises il a confié des missions à Artstock, notamment lors de ses participations au Carnaval de Marseille. Ces recycleurs d’art y ont conçu des chars et surtout une marionnette géante à l’effigie du Délirium Théâtre. Dans le cadre de cette création, l’association a fait appel à deux marionnettistes, Steffie Bayer et Anaïs Durin. Quelque part dans le Vaucluse, cachés dans un atelier perdu au milieu d’un vaste champ face aux Alpes, pendant trois jours les charpentiers artistes se sont efforcés de redonner vie à une immense tête de mort… Un regard vide, une chevelure de tulle dissimulée sous un voile de mousse, ce vestige oublié d’un décor des Chorégies d’Orange a été métamorphosé pour se réincarner en marionnette géante à Marseille. Les concepteurs ont usé de leur imagination et fouillé dans leurs

ateliers pour offrir à la compagnie une matière certes recyclée, mais parfaite. Du bois, du métal, de multiples matériaux qui traînaient ont servi à l’élaboration de la marionnette : tout a été envisagé, pourvu que ce soit solide. « J’aime bien cet esprit de débrouille », confie Steffie. La marionnettiste fait partie d’une petite compagnie, elle est habituée au système D. « Par nécessité, on a toujours construit grâce à la récup’, explique-t-elle. Avec Artstock c’est deve-

« On tient à la dimension sociale, on est un peu des Robin des bois de l’art puisqu’on prélève chez les plus grands pour donner aux plus petits » nu un principe à défendre. C’est une sorte de solidarité matérielle ». Les acteurs du monde du spectacle sont nombreux à solliciter les talents d’Artstock. Parmi eux, Aurélie Garno, KAIZEN | JANVIER — féVRIER 2013

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The Real Food Challenge Texte et photo Christelle Gerand

Un réseau d’étudiants milite pour avoir accès à une alimentation locale et écologique sur leurs campus.

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ù vont les 5 milliards de dollars de budget alimentation dépensés par les campus américains chaque année? C’est pour obtenir une réponse et faire passer les universités de la dépendance aux plats cuisinés des géants de l’agroalimentaire à une alimentation saine et responsable que Tim Galarneau et Anim Steel ont créé le Real Food Challenge en 2008. Alors sur les bancs de l’université, ils ont su fédérer une coalition nationale d’étudiants qui font pression pour que d’ici à 2020, au moins un cinquième des achats des campus soient responsables. Avec l’aide d’experts, ils ont créé un outil permettant d’évaluer précisément le pourcentage de nourriture écologique, produite localement et de façon équitable, dans l’alimentation : le Real Food Calculator. « La première étape du processus est de demander à Sodexo ou Aramark de nous informer sur le contenu et la provenance de chacun de leurs plats. Il faut se montrer persévérant, ces entreprises n’ont pas l’habitude de la transparence, explique Tim. Les étudiants évaluent aussi le reste de la nourriture présente sur le campus, de la provenance du café des distributeurs à celle des tomates dans le

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réfrigérateur, en passant par les frites du congélateur, en se renseignant auprès de chaque producteur. » D'après Anim Steel, environ 30 % des campus gèrent la cuisine en interne et la part d'approvisionnement en "real food" (locale et bio) se situerait autour de 2 % (données extraites d’une étude de 2007 de la W.K Kellogg Foundation). L’aide des membres du Real Food Challenge, étudiants ou anciens étudiants qui désirent continuer un combat démarré alors qu’ils étaient à la fac, s’avère souvent déterminante. « Nous travaillons avec environ 300 campus actuellement, précise Anim. Le rôle des coordinateurs est de faire partager les expériences des autres campus, mais aussi d’aider les étudiants à préparer un bon argumentaire destiné aux directeurs d’universités et aux entreprises agroalimentaires. » Le soutien d’un professeur peut s’avérer précieux. Ainsi Sarah Wald, qui enseigne l’environnement et l’aménagement durable à l’Université Drew, dans le New Jersey, a proposé à ses étudiants de calculer le pourcentage d’alimentation dite « durable » présente sur le campus à l’aide du Real Food Calculator au printemps dernier. « Cela permettait de


Yes they can !

relier la salle de classe à la vie du campus, et a obligé Aramark à se montrer transparent sur la provenance de ses produits cuisinés ». Les efforts ont été payants : après le St. Mary’s College dans l’Indiana, l’Université Drew a été la deuxième aux Etats-Unis à signer en mars le « Real Food commitment ». Son président s’est engagé à acheter 20 % de produits issus de l’agriculture responsable d’ici à 2020. Vingt-six autres universités ont suivi son exemple, toujours à la demande des étudiants. La plus grosse victoire de la coalition a été l’engagement de toutes les universités californiennes, sous la pression de Tim Galarneau. « Depuis des années, des étudiants cherchaient à améliorer telle ou telle chose sur leur campus, remarque Anim. Mais plutôt que de demander isolément du café équitable ou une alimentation bio, nous avons fédéré toutes ces énergies avec un but commun. En partageant nos expériences et nos idées, nous sommes bien plus forts. Certains présidents jouent la montre, répondent que ce n’est

pas une mauvaise idée, qu’ils y réfléchiront, attendant impatiemment que les étudiants se démotivent ou aient terminé leur cursus. On aide les étudiants qui veulent se lancer dans l’aventure, pour maximiser leurs chances de réussite. La pire chose à faire serait d’aller seul voir le directeur de l’université, par exemple. On leur suggère de se munir d’une pétition signée par un maximum d’étudiants. On leur conseille d’évaluer la provenance de la nourriture avant toute chose, pour montrer qu’ils maîtrisent leur sujet. On les incite également à présenter rapidement des propositions concrètes et réalisables, après avoir rencontré les producteurs locaux. Il faut que le président comprenne que ce n’est pas une lubie, mais une volonté réelle des étudiants, généralement très enthousiastes et très investis. Le Real Food Challenge leur permet de changer les choses au niveau mondial, tout en faisant quelque chose pour leur communauté. » L’une des plus importantes réussites du Real Food Challenge est de former

En partageant nos expériences et nos idées, nous sommes bien plus forts

une génération de jeunes bien armés pour défendre une alimentation responsable. Comme le remarque Tim, dorénavant coordinateur au Centre pour une Alimentation Responsable de Santa Cruz, « les étudiants qui se sont le plus investis dans notre mouvement sont aujourd’hui des professeurs spécialisés dans l’alimentation, des fermiers, des défenseurs de la justice alimentaire au sein d’ONG ou des journalistes d’investigation spécialisés dans ces questions ». ◗ www.realfoodchallenge.org

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La Violence Educative Ordinaire,des mots pour des maux ENTRETIEN AVEC Olivier Maurel et photos le Cil vert

Notre relation avec les enfants est souvent telle que nous trouvons normal de les traiter, verbalement et psychologiquement, comme nous ne traiterions pas les adultes et les personnes âgées. Olivier Maurel fondateur de l’Observatoire de la Violence Educative Ordinaire (OVEO) décrypte les enjeux de cette violence …ordinaire

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Idée remuante

Kaizen : Comment est né votre intérêt pour la question de la violence éducative ? Olivier Maurel : Cela remonte à mon enfance pendant la guerre, à ces bombardements sous lesquels j’ai dû chercher un abri et à la déportation d’une de mes sœurs. Toute ma vie, je me suis demandé pourquoi les hommes en arrivaient à adopter des comportements si violents et si cruels. J’avais près de cinquante ans quand j’ai trouvé la réponse la plus convaincante à mes questions, dans le livre C’est pour ton bien d’Alice Miller. Depuis lors, je n’ai pas cessé de travailler sur ce sujet. Et je me suis aperçu que la violence éducative avait des conséquences dans une multitude de domaines où on ne s’attendrait pas à la voir intervenir, comme la recherche scientifique ou la religion. Kaizen : Qu’appelez-vous « violence éducative ordinaire » ? Quelle différence faites-vous avec la maltraitance ? Olivier : La « violence éducative ordinaire » désigne tous les comportements qui se veulent éducatifs, mais qui sont des formes de violence physique,

verbale ou psychologique tolérées ou préconisées dans une société donnée. En France, la tape, la gifle et la fessée en sont des exemples. La maltraitance,

La violence est une atteinte à l’intégrité des enfants elle, inclut des mauvais traitements sans visée éducative comme la négligence ou les abus sexuels. Dans le domaine éducatif, elle fait référence à des comportements qui, à un moment donné de l’histoire d’une société, ne sont plus considérés comme tolérables. En France, aujourd’hui, les coups de ceinture et de bâton ne sont plus tolérés, alors qu’ils l’étaient il y a un siècle ou deux. Kaizen : Peut-on évaluer la proportion d’enfants victimes de ce type de violence en France et à travers le monde ? Olivier : Les résultats des enquêtes varient beaucoup selon la manière dont les questions sont posées. Pour la

France, ils vont de 70 à 85 %. Dans les pays du monde où les punitions corporelles n’ont pas été contestées, 90 % des enfants, ou même davantage, sont battus, et souvent très violemment, dans les familles et dans les écoles. C’est en Europe qu’on trouve le plus grand nombre de pays ayant interdit toute forme de punition corporelle à l’école et à la maison, mais cette tendance commence à se répandre en Amérique du Sud et en Océanie. Kaizen : Quelles sont les conséquences de la violence éducative ? Olivier : Elles sont multiples. La violence est une atteinte à l’intégrité des enfants et au capital de sociabilité innée avec lequel, comme tous les animaux sociaux, ils viennent au monde. C’est une atteinte à leur santé physique (l’Organisation Mondiale de la Santé recense de nombreuses maladies somatiques et psychosomatiques causées par des violences subies dans l’enfance), ainsi qu’à leur santé mentale et notamment à leur estime de soi, à leur confiance en eux. Cela nuit également à leurs capacités relationnelles, qui se modèlent sur les premières relations vécues dans

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le bon plan

Avec des voisins allemands plus en avance que l’Hexagone sur les solutions environnementales (part de terre agricole cultivée en bio, éco-quartiers, etc.), Strasbourg bénéfice d’un vent vert venu de l’est.

Le bon plan Strasbourg TEXTE ET PHOTO PASCAL GREBOVAL

STRATÉGIQUE

Bretz’selle vous donne les clés pour être autonome en vélo

Du chanvre dans tous ses états chez Can’art

Récompensée en décembre 2012 par le magazine «Ville, Rail & Transports» qui l’a dotée d’un Passe d’Or pour sa politique de transports en commun associés au développement des modes doux, Strasbourg est une ville où il est facile de se déplacer en tram ou à vélo. L’association Bretz’selle, située en centre ville, est une adresse à connaître pour qui choisit la bicyclette en guise de moyen de locomotion. Créée en avril 2010, Bretz’selle promeut l’usage du vélo par l’apprentissage de la mécanique du cycle. Elle propose ainsi un atelier où les adhérents réparent euxmêmes leurs vélos grâce aux outils, pièces détachées et conseils prodigués sur place. C’est un vrai succès : mille adhérents, trente bénévoles et trois salariés bricolent, lubrifient et montent dans la bonne humeur tous les organes des vélos. L’association organise aussi des ateliers délocalisés, intervenant en milieu scolaire, professionnel ou dans

les quartiers éloignés – par exemple à Cronembourg, avec C pour les ateliers aCcros du vélo. La gastronomie tient une place importante dans la culture alsacienne. Envie de manger sain, local et bio ? STRADIVARIUS DU BIO Les pages du dossier de ce magazine consacrées à l’alimentation, décrivant l’équilibre acido-basique, vous ont donné envie d’aller plus loin, de tester cette cuisine équilibrée ? A Strasbourg les repas sains sont au coin de la rue. Passez par exemple le seuil d’« Une Fleur des Champs » : le parcours atypique de Michel lui a appris que la santé est dans l’assiette, il pourrait vous en parler pendant des heures… Pour preuve, ses enfants âgés d’une vingtaine d’années n’ont jamais vu un médecin. Quelques habitués viennent même suivre ici un régime ! Si c’est juste le plaisir de manger local et bio qui vous attire, vous serez tout autant ravis. « L’Essentiel, chez Raphaël », ce serait un résumé possible mais qui vous laisserait sur votre faim. Pourtant cette enseigne décrit bien l’esprit du lieu : des aliments (presque tous) issus d’une agriculture en bio dynamie, cuisinés avec passion par Raphael. Ajoutez un zest d’animation intelligente du lieu, alliant des rencontres musicales et des conférences sur le thème de l’alimentation, garnissez de sorbets fait maisons, et l’essentiel est dit ! Petit plus, chez Raphaël on peut commander et emporter des plats. KAIZEN | JANVIER — féVRIER 2013

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STRAPONTIN : MANGER VITE ET SAIN Le jus de pomme chaud que propose VertuOse n’est pas seulement excellent, il revigore aussi à la saison froide. Une des nombreuses raisons de découvrir ce petit point de restauration rapide qui met l’accent sur un double principe : la solidarité et le local. VertuOse, dernier né du groupement coopératif Soli’vers, s’inspire des valeurs chères à Pierre Hoerter, l’instigateur du lieu. Il fut dans les années 90 à l’origine de la Main Verte, association offrant la possibilité aux personnes en situation de handicap ou insertion de définir un plan de vie professionnel et personnel qui mène à l’autonomie. C’est ainsi que sept salariés œuvrent ici pour proposer des produits locaux en épicerie (vins, bières, produits sauvages d’exception, etc.) ou à consommer sur place. Ce mélange locavore et solidaire séduit : 350 repas sont servis ici par jour. Au Mixeur, un « bar à soupe » on trouve évidemment des soupes. Mais la carte affiche aussi des quiches, tartes, et autres petits encas cuisinés sur place. Les végétariens y trouveront tous les jours un plat à leur goût. Riches de ses origines métissées, Doriane propose des cours de cuisine éclectiques - ayurvédique, créole ou encore végétarienne. Juste à côté, c’est chez Krüt’Herbes, « la Petite Boutique Bio ou l’on cuisine ». Grâce à ce concept à mi-chemin entre l'épicerie et le restaurant, vous pourrez aussi bien déguster des gratins préparés avec les légumes Demeter de 72

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la ferme de Truttenhausen que dénicher un grand choix de thé et tisanes, fromages, cosmétiques bio et artisanaux. Le tout à consommer sur place ou à emporter ! Pur et cætera. Comme son nom le suggère, vous trouverez essentiellement ici des purées à base de légumes de saison achetés directement aux producteurs. Quant au « cætera », il englobe des salades de crudités, servies avec divers accompagnements (saucisses, poulet, tofu, comté…), des jus frais et des desserts maison aux fruits. Dans cet endroit atypique on tente d’adopter une démarche globale et de réduire son empreinte globale. Ainsi les conditionnements peuvent être consignés et réutilisés pour les clients qui le désirent. STRATIFIÉ Can’Art. Alexandre définit ce lieu qu’il a créé en 1999 comme la boutique des alternatives écologiques, où l’on peut trouver un peu de tout. C’est le chanvre qui préside principalement les choix des produits proposés : textile, alimentation, produits de beauté, matériaux de construction... et même des couches lavables, pour la plus part issues de cette plante. Tant de produits avec un seul matériau de base, le rêve ! Les autoconstructeurs bénéficient de conseils avisés avec Alexandre, qui a suivi une formation Bio-Espace. A noter : Can’Art fait aussi office de point de dépôt pour les paniers de légumes bio des Jardins de la Montagne Verte (Réseau Cocagne).

1 : Viva la Vie, un coiffeur qui privilégie les produits sains pour vos cheveux 2 : Louise aime les vêtements bio, jusqu’à en tricoter

STRASS ET PAILLETTES VERTES Avez-vous déjà rencontré un « bébé bio » ? Rendez-vous au 15 de la charmante rue de la Madeline. Certes Louise a un peu grandi, preuve qu’un bébé bio ça pousse bien, mais elle a gardé son sourire. Pourtant le challenge qu’elle s’est lancé est ambitieux : reprendre l’activité de ses parents, vendeurs de vêtements écologiques sur les salons. Préférant une vie plus sédentaire, elle a ouvert début 2012 la boutique Concept Fibres et Formes. Tous les vêtements que propose Louise sont labellisé GOTS (« Global Organic Textile Standard », certification de produits textiles garantissant le respect des principes du développement durable). Riche de ses études de stylisme, elle aspire aujourd’hui à conjuguer mode et éthique en créant sa propre ligne. Ses premiers vêtements arrivent en janvier : l’occasion rêvée d’un petit tour chez Louise. C’est dans la ville toute proche de Chatenois qu’est née Bionat, entreprise de chaussures écologiques qui a tout naturellement implanté l’un de ses magasins Grande Rue à Strasbourg. Outre ses collections de chaussures, dont elle assure également certaines réparations, la boutique propose des accessoires et des produits d’entretiens du cuir ainsi qu’une large de gamme de vêtements écologiques.


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sauvage & délicieux ? Reconnaître, récolter et cuisiner les cadeaux de la nature

Le bouleau Sa sève est un élixir que l’on boit pour réaliser une cure dépurative et dynamisante. Kaizen vous propose de renouer avec une pratique ancestrale en prélevant sur l’arbre cette eau vivante ! A la fin de l’hiver a lieu un réveil invisible mais perceptible par ceux qui savent écouter la nature : la remontée de sève. Les racines des arbres, qui se réchauffent lentement, puisent dans les tréfonds de la terre l’eau et les nutriments nécessaires à la formation de leurs futurs bourgeons. Cette sève brute (par opposition à la sève élaborée, produite plus tard par la photosynthèse des feuilles), circule dans l’aubier, la partie vivante de l’écorce. Si l’usage de la sève de l’érable à sucre est connu de tous, celui de la sève du bouleau reste plus marginal. Et pourtant, elle est prélevée depuis des millénaires par les peuples autochtones du cercle circumpolaire. Les ethnobotanistes s’entendent pour parler d’une civilisation du bouleau. En Laponie, on avait coutume de planter un jeune bouleau lors d’une naissance. Le petit humain allait grandir au même rythme que son arbre, dont la longévité est identique à la sienne (jusqu’à 100 ans). Les chamans le considéraient comme un pilier cosmique, une passerelle entre le

Texte et photo Linda Louis

monde des humains et celui des esprits. Lors des cérémonies, ils le disposaient dans l’âtre, au milieu de la yourte, la cime pointée vers l’étoile polaire. Symbole de l’élévation de l’esprit et du passage vers l’au-delà, le bouleau accompagnait les morts, comme en témoignent des sépultures retrouvées dans une boulaie sibérienne ou des tombeaux et des linceuls recouverts d’écorce (imputrescible) de bouleau. Audelà des pratiques spirituelles, l’arbre était également inscrit dans le quotidien des peuples du Nord, à travers un artisanat très riche. Son écorce était nettoyée et tannée pour réaliser des parchemins, des récipients de cuisine, des chaussures, voire même des pirogues parfaitement étanches. « L’arbre de la sagesse » véhicule en outre la notion de purification. Les fouets des esclaves romains, des scandinaves pratiquant le sauna et des instituteurs souhaitant punir les cancres étaient élaborés à partir de rameaux de bouleau ; de même que les balais dans les régions rurales françaises, destinés à chasser les mauvais esprits. De nos jours, cette symbolique de pureté est surtout marquée par l’usage de sa sève. Diurétique, elle permet d’évacuer les toxines accumulées durant l’hiver à cause d’une alimentation plus riche…

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