K9 a feuilleter

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Editeur SARL EKO LIBRIS au capital de 59 000 €. 95, rue du Faubourg-Saint-Antoine 75011 Paris www.kaizen-magazine.com Magazine bimestriel numéro 9 juillet-août 2013 Imprimé sur papier recyclé blanchi sans chlore Directeur de la publication Yvan Saint-Jours Directeur de la rédaction Cyril Dion Rédacteur en chef Pascal Greboval Secrétaire de rédaction Lucile Vannier Contact contact@kaizen-magazine.fr Abonnements abonnement@kaizen-magazine.fr Comptabilité et administration administration@kaizen-magazine.fr Rédaction redaction@kaizen-magazine.fr Couverture Pascal Greboval Maquette et mise en page Agence Saluces Avignon SIREN : 539 732 990 APE : 5814Z Commission paritaire : 0317 k 92284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution Impression Via Schuller-Graphic Corlet Roto (imprim’Vert) ZA Les Vallées 53300 Ambrières les vallées

Régie de Publicité et distribution dans les magasins spécialisés AlterreNat Presse, Sandrine Novarino Tél. 05 63 94 15 50 Distribution Presstalis Vente aux N° pour les diffuseurs: Alexandre Campi Groupe HOMMELL Tél : 01 47 11 20 12 diffusion-hommell@sfep.fr Aucun texte et illustration ne peuvent être reproduits sans autorisation du magazine. Merci.

SOBRIÉTÉ HEUREUSE SUR ROUES…

Q

uelle ne fut pas notre surprise lorsque Yvan, l’un des co-fondateurs de Kaizen, nous a annoncé son intention de quitter sa petite maison du Calvados pour tenter l’aventure de la Tiny House (voir son billet p.69), une habitation minuscule et sur roues. A nos inquiétudes sur le peu de place dont il allait disposer, sur le fait qu’il n’aurait plus d’adresse, qu’il lui serait difficile de faire cohabiter ses deux enfants et lui dans 14m2 (il va en réalité en construire une deuxième), il nous opposa son grand sourire, un brin charmeur, en nous expliquant qu’il s’agissait là de limiter ses besoins au maximum, afin de ne pas avoir à travailler plus que de raison. Qu’il était question d’aventure intérieure, de contemplation, de réinventer la forme de son habitat et de partir à la rencontre des autres, aussi bien que de lui-même. Quel que soit le regard que l’on pose sur cette intention, elle nous ramène à un projet familier : la sobriété heureuse. L’antidote à la frénésie consumériste et à l’épuisement professionnel. Quel luxe plus grand que celui d’avoir le temps de choisir ce que nous entreprenons chaque jour et de pouvoir nous arrêter aussi longtemps que nous le voulons sous les pommiers en fleurs ? Quelle liberté plus farouche que de ne dépendre d’aucun salaire (ou le moins possible), de ne pas devoir à tout prix monnayer nos instants les plus essentiels pour rembourser un crédit, payer un loyer, survivre dans une société qui laisse de côté ses éléments les moins productifs ? La Tiny House n’est certainement pas le seul moyen d’y parvenir. Mais elle est une voie. Merci à Yvan de nous avoir redonné le goût de chercher la nôtre. Bon début d’été à tous ! Cyril Dion DIRECTEUR DE LA RÉDACTION

édito

© M. Leynaud

KAIZEN “Changer le monde pas à pas”


kaizen 9 juillet août 2013

sommaire

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Édito

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Sommaire

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Manifeste

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Ils sont Kaizen

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Actus Colibris reportages

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Désenfumage : Le courrier est il plus écologique que l’email ?

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Si on le faisait : Tourisme participatif : privilégier la rencontre

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Ensemble on va plus loin : Incroyables comestibles

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Dossier : La Coméstique bio, la nature sur la peau

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Portfolio : La France, de l’aube à l’horizontal

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Portrait : Portraits de deux marcheurs

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DIY : Fais-le toi-même : La cosmétique maison avec les roses du jardin

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Infographie : Et si vous construisiez en paille ?

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Changeons l'éco : Charles Braine, un militant pêcheur

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Yes they can : Semons des graines dans les bibliothèques

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Un brin de kulture : Babel Gum, l’art en milieu rural

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Le sourire d’Yvan : Habiter mini c’est géant !

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Le bon plan : Le Diois dans la Drôme.

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Sauvage et délicieux : L'angélique

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Les rendez-vous Kaizen

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Chronique de Pierre Rabhi : C’est quoi être en vacances ?

Kaizen késaco ?

Kaizen est un mot japonais qui signifie littéralement «changement bon». Mais c’est également une méthode : celle du changement par les petits pas. La perspective de changer brutalement, de passer du tout au tout, réveille nos peurs et attise nos résistances. Commencer par un petit pas, prendre courage, en faire un second puis toute une multitude, chaque jour, avec régularité, peut nous conduire aux plus grandes transformations. Cela s’est déjà vu dans l’histoire et c’est ce que nous espérons, à nouveau.

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LE NUMÉRIQUE C’EST PLUS ÉCOLOGIQUE ? TEXTE CYRIL DION DESSIN JULIE GRAUX

“En choisissant la facture électronique, vous vous simplifiez la vie tout en minimisant votre impact sur l’environnement.” Voici ce que j’ai pu lire sur l’enveloppe de mon fournisseur d’accès à Internet. Car oui, depuis de nombreuses années, l’idée selon laquelle le numérique est plus écologique que le papier s’enracine de plus en plus dans les esprits.

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Désenfumage

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ace aux tonnes de papier imprimées chaque jour, il apparaît tout naturel que le numérique, supposément dématérialisé, offre une alternative “propre”, “verte”, “économe en ressources”. Quitte à progressivement bannir le papier de nos environnements : lire ses romans sur une liseuse, ses manuscrits ou scénarios sur une tablette, ses courriers sur son téléphone, ses rapports sur son ordinateur… Regardons de plus près ce qu’il en est réellement. EMAIL VS FACTURE PAPIER Une analyse de cycle de vie réalisée par le groupe EcoInfo du CNRS à la demande de l’entreprise Pocheco (fabriquant d’enveloppes) a comparé l’impact d’un courrier papier et l’envoi d’un courriel. Loin d’être clichés ou uniformes les résultats montrent à quel point cet impact dépend du comportement de l’utilisateur. Ainsi, sur un faisceau de dix facteurs (parmi lesquels on compte épuisement des ressources, destruction de la couche d’ozone, changement climatique, consommation d’énergie, toxicité humaine, eutrophisation…), la facture numérique sera globalement moins dommageable si elle n’est jamais imprimée et si sa consultation en ligne dure moins de trente minutes (ce qui est fréquemment observé pour les relevés bancaires). Comme le note l’étude, “dès que la facture numérique est régulièrement imprimée (1 fois sur 3) son avantage environnemental sur la facture papier devient discutable”.

Cela peut paraître étonnant. Et pourtant, si la facture papier est impactante par son impression et son acheminement, la facture numérique peut l’être tout autant par l’appareillage de son utilisateur (ordinateur, imprimante, box internet) et celle des fournisseurs d’accès (serveurs, centres de données), tant pour leur fabrication (matière première, énergie) que pour leur utilisation (énergie consommée pour l’envoi et le stockage des données). A lui seul, l’envoi de votre relevé de compte ou de votre note de portable va suivre cinq étapes, toutes consommatrices d’énergie : - Création de la facture par le fournisseur de service, sauvegarde, création de l’email et envoi ; - Réception de l’email par votre prestataire mail (Gmail, Orange, etc.) et consultation ; - Consultation de la facture sur le site de votre fournisseur de service (banque, opérateur web ou téléphone) ;

- Téléchargement en PDF ; - Archivage sur votre ordinateur et/ou impression. L’ensemble de ces opérations ramenées à l’échelle d’un utilisateur unique aura engendré une consommation de 36,5 Wh. Sachant qu'avec 1000 Wh (1 kWh) il est possible de regarder la télévision durant 30 h, de faire fonctionner un réfrigérateur pendant 4 jours, travailler 10 jours avec un ordinateur portable, s'éclairer durant 7 h avec une ampoule basse-consommation. LIVRE VS LISEUSE ET TABLETTE Côté livre papier, le rapport est sensiblement le même. Les deux études les plus citées montrent que la création du livre nécessite entre 1,3 kg en équivalent carbone (d’après l’institut Carbone 4) et 7,5 kg (institut Cleantech), contre 135 kg pour un Ipad et 168 kg pour une liseuse Kindle. Le ratio deviendrait intéressant au delà de vingt livres lus par an selon l’étude Cleantech KAIZEN | JUILLET - AOÛT 2013

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Et si on le faisait ?

Tourisme participatif : privilégier la rencontre TEXTE AUDE RAUX PHOTOS JEROMINE DERIGNY

“O

n ne propose pas aux touristes d’arpenter Notre Dame, mais de nouer une relation personnelle avec ceux qui vivent la ville”, explique Anne Hofman, chargée des activités de l’association de greeters Parisien d’un jour. Du mot anglais “to greet” (accueillir), les greeters sont des bénévoles qui reçoivent des voyageurs afin de leur faire partager l’amour de leur ville, en dehors des sentiers battus. Le concept a été créé en 1992, par une habitante de New-York, désireuse de changer l’image négative de Big Apple. Depuis, l’idée a voyagé : Allemagne, Chine, Côte d’Ivoire... La France est le pays où le concept a le plus essaimé. Première destination touristique mondiale, Paris a son association de greeters. Fondée en 2007, Parisien d’un jour rassemble 360 bénévoles. “Sans eux, sourit Anne Hofman, les visiteurs ne croiseraient que des chauffeurs de taxi ou des garçons de café. C’est aussi une façon de lutter contre le cliché du Parisien inamical ou pressé !”. Angénic Agnero fondatrice de Paris par rues méconnues emmènent les touristes hors de sentiers battus

Sortir des circuits balisés et de l’indifférence entre touristes et habitants : une bonne raison de se lancer dans le tourisme participatif.

UN TOURISME BASÉ SUR LA RENCONTRE De son côté, Angénic Agnero imprime la mémoire des vieux habitants des communautés de Belleville, quartier cosmopolite de Paris. ”En Afrique, on dit que lorsqu’un ancien disparaît, c’est une bibliothèque qui brûle. Grâce à ma quête du passé, j’ai plein d’amis de 60 à 104 ans !” Et autant d’anecdotes sur le nord-est de la capitale. Riche de ses témoignages, la jeune femme a fondé,

en 2008, une association spécialisée dans le tourisme participatif : Paris par rues méconnues. Un samedi de printemps ensoleillé, on suit la “sésame de Belleville”, comme les anciens surnomment celle à qui aucune porte - pas même la plus digicodée - ne résiste. Trois heures d’une fabuleuse visite guidée, où prime le ressenti, en compagnie d’une autre Bellevilloise, Josiane. Le temps de rencontrer les figures locales, tel un résistant de la Seconde Guerre mondiale. KAIZEN | JUILLET - AOÛT 2013

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Ensemble, on va plus loin

Les Incroyables comestibles essaiment à Versailles TEXTE FRÉDERIQUE BASSET PHOTOS PATRICK LAZIC

Dans la cité royale de Versailles, comme dans plusieurs villes des Yvelines, des légumes poussent dans la rue. De la nourriture à partager gratuitement !

Q Samedi 4 mai, les incroyables comestibles en partenariat avec le mouvement des colibris ont transformé 63 villes en potagers et enclenché ainsi le lancement du volet agriculture de "La (R)évolution des colibris”.

ui aurait pu imaginer que poireaux et carottes allaient fleurir les avenues de Versailles ? S’inspirant du mouvement Incredible Edible (Incroyables comestibles, voir encadré), les cinquante jeunes du Rotaract de Versailles (traduisez “Rotary en actions”) ont pris l’initiative d’installer des “potagers solidaires” un peu partout dans la ville. Le principe est simple : chacun sème et plante des fruits et légumes qui seront récoltés par tous gratuitement. « Comme le disait Voltaire nous voulons “cultiver notre jardin” », déclare plein d’enthousiasme Thibaut Mathieu, étudiant en droit public et président du Rotaract.

L’aventure commence en juin 2012. Thibaut rencontre François Rouillay, coordinateur des Incroyables comestibles France, et l’idée germe de faire des Yvelines un département pilote. En août, Nick Green, jardinier de Todmorden (Angleterre) et l’un des initiateurs de Incredible Edible, vient soutenir l’initiative des jeunes Versaillais. “Les potagers sont le plus souvent associés aux seniors, constate Thibaut. Nous sommes en train de prouver qu’ils peuvent concerner tout le monde, même les jeunes. Ce projet sert l’intérêt général, il permet de prendre conscience des questions environnementales, sociétales et alimentaires. Mettre les mains dans la terre, faire pousser nos propres fruits et légumes, manger local, créer du lien social et intergénérationnel, voilà notre objectif !” Versailles n’est pas la première à rallier les Incroyables comestibles. En France, une soixantaine de villes ont déjà été conquises. En avril 2012, Colroy-laRoche en Alsace inaugure le mouvement ; aujourd’hui, des dizaines de bacs KAIZEN | JUILLET - AOÛT 2013

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Dossier

La Cosmétique bio, la nature sur la peau A qui confiez-vous votre peau ? Vous ne jurez que par les labels de la cosmétique bio ? Vous ne vous fiez qu’à vos recettes maison ? Vous ne vous êtes jamais posé la question ? Elle n’a pourtant rien de futile, contrairement au ton donné par les publicités du secteur. Or, on aimerait que ce ton change, que le discours marketing nous aide enfin à retrouver le chemin du bon sens et cesse de brouiller les pistes. C’est du moins ce pour quoi militent les tenants de la “slow cosmétique”… et nous avec.

DOSSIER RÉALISÉ PAR EMMANUELLE VIBERT © Laure Maud pour GREEN IS BEAUTIFUL


Une autre cosmétique est possible

B

eaucoup d’entre nous ont appris à considérer les flacons de leur salle de bain d’un œil critique. De son côté le marché de la cosmétique bio connaît une croissance fulgurante. Une évolution suffisante ? Evidemment pas. Certains acteurs de la cosmétique naturelle nous invitent aujourd’hui à une grande désintoxication et à nous défaire une bonne fois pour toutes des messages du marketing, qui frôlent parfois la publicité mensongère. Salutaire.

En une dizaine d’années, les termes “parabens”, “silicone”, “EDTA” ou Tout commence au début du nouveau “sodium laureth sulfate” sont devenus millénaire. Une dizaine de pionniers de la cosmétique bio française lancent en des grossièretés. 2002 le label Cosmébio, pour permettre aux consommateurs de distinguer le Ces substances issues de la chimie, vrai du faux. Le succès est immédiat : les journalistes appellent, les postulants ingrédients de base dans l’industrie à la certification aussi. Le grand public est manifestement mûr pour remettre cosmétique, sont désormais suspectes. A l’opposé, les mots “naturel” et “bio” sonnent comme une formule magique aux oreilles des consommateurs en quête de produits sains. Que de chemin parcouru !

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Portfolio

La France,

de l’aube à l’horizontal par Hervé Sentucq A ceux qui passeraient sans les voir, Hervé Sentucq révèle des horizons naturels enchanteurs, un patrimoine familier fondu dans le décor, des sites inattendus au tournant d’une route banale... De l'aube au calme crépusculaire, portfolio d'un panoramiste


Ci-dessus Valensole (04) et page précédente Queribus (11)

Pascal Greboval: Quelle place prend la photographie dans votre vie ? Hervé Sentucq : Selon moi, la photographie est une philosophie de vie : j’essaie d’être bien au quotidien, je cherche des scènes qui donnent du baume au cœur et enchantent ma vie. Je pense souvent à cette phrase du photographe Guy Le Querrec, “pour mieux voir, frottez-vous l’œil au papier de verre” : c’est ainsi que je regarde. La photographie et la vie se nourrissent mutuellement, en cela mes photos sont autant de petites choses qui mises bout à bout me rendent heureux. La photographie est aussi pour moi un moyen de transmettre, je la rapproche un peu de mon précédent métier d’enseignant. J’aime donner envie de se rendre sur les lieux que j’ai vus et photographiés, c’est 40

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un vrai bonheur d’apprendre parfois que mes livres y ont mené et accompagné des promeneurs. De même après avoir travaillé les limites en photo (composition, lumière) je reviens à un “juste milieu” dans la création ; cet équilibre est essentiel dans la vie, c’est un fil directeur. Pascal : Votre travail se compose exclusivement de panoramas, pourquoi avoir choisi ce format ? Hervé : J’ai fait le pari un peu fou de me spécialiser dans le panorama parce que j’avais envie de montrer le monde comme je le vois, avec une large focalisation. Le panorama me rappelle le cinéma, par son côté un peu cinémascope en haute résolution ; il correspond aussi chez moi à un désir d’immersion dans le paysage, une envie de faire partager des images uniques captées à des moments où elles seront particulièrement mises en valeur. Il donne l’impression que si l’on pose ses pieds dans les pas du

photographe on entrera dans le décor. Ce format ne permet pas d’englober toute la vue en une seule fois, le regard évolue suivant un sens de lecture assez accidenté, de gauche à droite, à travers les éléments. Pascal : Pourquoi privilégiez-vous les paysages situés en France ? Hervé : Cela vient d’une conviction ancienne qui me pousse à croire que nous avons des merveilles chez nous. J’ai toujours cherché le dépaysement auprès de moi, pour ne pas m’ennuyer et pour pouvoir partager mes découvertes. Je ne photographie que des lieux accessibles à tous, non loin des routes par exemple. On peut trouver à côté de chez soi des merveilles cachées, des lieux exotiques, insolites, c’est avant tout la façon de regarder qui compte. La France est un résumé du monde, elle recèle toutes les ambiances géologiques du globe… On peut faire un tour de la planète dans l’Hexagone.


Ci-dessus Passages Gois (85) Ci-contre Cheserys (74)

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DIY - Fais-le toi-même

A rosir de beauté TEXTE SYLVIE HAMPIKIAN PHOTO PASCAL GREBOVAL

De Venus à Cléopâtre, de Damas aux Reflets de Saint-Malo, la rose et son parfum enchantent les sens depuis des millénaires. Bénéfique sous toutes ses formes, des huiles de massage aux poudres et aux crèmes, redécouvrez la “reine des fleurs”, un atout roi pour la cosmétique... maison.

L’actif “rose” sous la loupe

A

voir un teint de rose : tout est suggéré dans cette image ! La rose est en effet une source incontournable d’actifs cosmétiques. Le plus précieux et sans doute le plus connu est l’essence de rose, traditionnellement produite en Bulgarie, mais aussi entre autres en Inde et au Maroc. Outre son parfum envoûtant, elle est riche de nombreuses vertus pour le corps comme pour l’esprit : antirides, cicatrisante, tonifiante pour la peau, relaxante, antidépressive... Cependant, il s’agit d’un véritable article de grand luxe (environ 20 euros le millilitre). On peut la remplacer à moindre coût par les huiles essentielles de géranium rosat (de préférence la variété bourbon) ou de bois de rose. Sans en avoir la subtilité ni la puissance, elles en constituent un ersatz de grande qualité. Et puis la rose est généreuse, elle offre bien d’autres trésors… plus abordables : - L’hydrolat (ou eau de rose) : une substance issue du processus de distillation des pétales de rose à la vapeur d’eau produisant l’essence de rose. Etant donné le très faible rendement, cette technique présente l’avantage de récupérer beaucoup de vapeur d’eau. Celle-ci une fois refroidie donne la délicieuse eau de

rose. Chargée d’environ 0,4% d’actifs aromatiques, elle est astringente, adoucissante et tonifiante. C’est la lotion visage idéale pour toutes les peaux et un basique incontournable pour les cosmétiques maison. - L’huile végétale de rosier muscat (ou huile de rose musquée) : cette huile végétale précieuse est extraite des graines du cynorrhodon, faux fruit du rosier Rosa rubiginosa. Dotée d’un doux parfum de noisette, elle est fine et très bien absorbée par l’épiderme. Son usage offre un réel plaisir et laissera une peau satinée. Adoucissante, hydratante, antirides, cicatrisante, régénératrice des cellules épidermiques, elle aide également à lutter contre la déshydratation. Elle favorise ainsi le rajeunissement cutané et la restauration des peaux endommagées, notamment par les rayons ultraviolets du soleil. Idéale pour traiter les rides, les ridules, les cicatrices et les vergetures, elle convient tout particulièrement aux peaux matures et sèches. On peut l’employer pure (quelques gouttes en massage du visage, matin et soir avant d’appliquer sa crème habituelle). - le macérât (ou huile à la rose) : à ne pas confondre avec l’huile de rosier évoquée ci-dessus, il s’agit ici de pétales de

roses parfumées que l’on a fait macérer dans une huile végétale de son choix, le plus souvent de tournesol. Ce macérât aux délicates senteurs de rose peut s’employer en soin de massage, adoucissant et relaxant, pour le corps comme pour le visage. Il peut également servir de phase huileuse dans la plupart des préparations cosmétiques maison. En revanche, il est très rare d’en trouver dans le commerce, d’où l’intérêt de savoir le préparer soi-même (voir recette) : c’est facile, pas cher et précieux ! - La poudre de rose : injustement méconnue en France, elle est surtout appréciée en Inde, où on l’utilise pour les soins de beauté inspirés de la médecine ayurvédique. Il suffit de l’imprégner de liquide (eau de source, eau florale, lait, huile végétale, jus d’aloès…) pour obtenir une pâte qui pourra s’appliquer comme masque, aux vertus astringentes, tonifiantes et défatigantes. Effet bonne mine garanti ! On peut confectionner cette poudre soi-même (voir recette du masque “poussière de rose”) ou l’acheter toute prête, dans les épiceries indiennes ou dans les magasins ou sites Internet spécialisés dans la vente de produits cosmétiques.

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Charles Braine un militant pêcheur TEXTE PASCAL GREBOVAL PHOTO MARKÉTA SUPKOVA

En charge du programme pêche durable au WWF pendant 4 ans, Charles Braine a changé de bord, il est devenu marin pêcheur. Rencontre avec un homme en transition.

P

ascal Greboval : Comment êtesvous venu à troquer le costume de militant au WWF ayant travaillé sur le dossier pêche pendant le grenelle de l’environnent contre le ciré de marin ? Charles Braine : Le changement n’a pas été si radical, j’ai toujours eu un pied dans le monde de la pêche, bien avant d’entrer dans le milieu associatif. Dès l’enfance la pêche m’a passionné, je passais une partie de mes vacances chez mes grands-mères - l’une en Normandie, où je taquinais la truite, l’autre en Bretagne où je pêchais le bar. Plus tard j’ai suivi une formation d’ingénieur agronome spécialisé en halieutique ; je fus successivement mareyeur à Rungis, puis en charge de la pêche accidentelle des dauphins dans un bureau d’étude et enfin chargé de programme sur la pêche durable au WWF. J’y ai passé quatre années passionnantes, mais j’y ai laissé beaucoup d’énergie. Pour faire passer trois amendements mineurs dans un texte de loi (un règlement sur le thon rouge), il m’a fallu des mois de travail sans compter mes heures, 56

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sans vraiment voir le résultat. J’ai pris conscience que pour faire bouger le monde de la pêche en France il était préférable de privilégier l’exemplarité aux leçons de morale, d’être acteur de bonnes pratiques qui essaiment. J’avais besoin de réel. Pascal : Arrivez-vous à suivre les techniques de pêche, les recommandations que vous préconisiez pour une pêche durable ? Charles : Les méthodes douces existent depuis longtemps déjà. Aujourd’hui j’exerce plusieurs techniques dont la ligne, le casier et le filet que je mets à l’eau de nuit pour une durée très limitée. De manière générale, il faut privilégier les “arts dormants” (lignes, casiers, filets ou pièges) par rapport aux “arts traînants” (chaluts, dragues à coquillages). Mais la pêche durable est moins une question de technique qu’une vision globale. Il faut maîtriser l’impact du bateau (consommation, pollution des produits d’entretien), optimiser les modèles économiques avec des circuits courts pour réduire les prises et mettre en place des

modèles vertueux. Il faut établir de nouvelles passerelles entre le monde de la pêche et le monde commercial. Pascal : Quels sont ces modèles vertueux ? Peut-on appliquer le modèle AMAP au monde de la pêche ? Charles : Les AMAP pêche sont très délicates à mettre en place. Il en existe, notamment à Lorient, mais il est très difficile de garantir une régularité. Nous sommes dépendants - plus que les maraîchers - de facteurs que nous ne maîtrisons pas : la météo, la présence ou non de bancs de poissons, etc. Mais avec mon bateau de 5 mètres et mes 20 kg de poisson par sortie, je n’ai aucun intérêt à entrer dans un processus d’expédition traditionnel par camion vers Rungis. C’est la raison pour laquelle je favorise le circuit court et/ou direct. Trois fois par semaine je vends sur le port de pêche de mon village. J’ai aussi trouvé en parallèle une entreprise de type mini-grossiste, qui privilégie les valeurs humaines et environnementales : Terroir d’avenir fournit en direct une cinquantaine de restaurants à Paris.


Changeons l'éco

Les pêcheurs doivent comprendre que s’ils vendent plus cher et dégagent des marges plus importantes, ils auront moins besoin de pêcher. Pascal : Vous incitez à la mise en place de circuits courts, mais comment faiton quand on réside loin de la mer ? Charles : C’est un vrai débat qu’il faut considérer dans son ensemble. Dans un premier temps, on doit bousculer l’idée que l’on peut avoir de tout, tout le temps. La production des océans mondiaux est figée à environ 100 millions de tonnes par an, dont 70 millions pour la consommation humaine, soit environ 10 kg de poisson par an et par personne. En France on consomme 37 kg par an : on devrait donc dans un premier temps manger moins de poisson. D’autant que 75 % du poisson qui arrive à Paris ou Strasbourg ne vient pas de France et est issu d’une pêche industrielle sans avenir, car elle dérègle profondément les ressources halieutiques. Il est nécessaire de consommer moins mais mieux. Pour les personnes qui résident loin des océans, il faut trouver des alternatives. Il n’y

Il est nécessaire de consommer moins mais mieux

pas si longtemps en Alsace, Allemagne, République tchèque, la carpe élevée en étangs présentait une alternative intéressante. Elle offre le double avantage d’apporter des protéines aquacoles locales et de servir de composteur [ndlr voir Kaizen n°8, dossier permaculture]. En Brenne, cette pêche existe encore, pourquoi ne pas remettre ces modèles au goût du jour ? La carpe, qui a été dévalorisée ces dernières années, est en outre un fabuleux produit !

Pascal : Vous prônez une pêche artisanale, mais que faire de tous ces gros bateaux qui représentent une part importante de l’économie française, notamment en matière d’emploi ? Charles : Il ne faut pas poser la question en ces termes. Nous devons l’aborder sous un angle géographique : avec mon bateau de 5 mètres je ne peux pas aller très loin. Il faudrait par conséquent que les douze premiers miles marins

(environ 15 Km) soient réservés aux petites embarcations, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Tous les bateaux même les plus gros peuvent pêcher en bord de côte, où se trouvent les zones de nourriceries. Avec des capacités de pêche démesurées, ils détruisent la biodiversité et empêchent la reproduction des espèces. D’un point de vue économique, ils retirent en une journée l’équivalent de six mois de ressources pour les petites embarcations comme la mienne. Ils doivent être cantonnés au-delà de ces 12 miles marins. Cela implique une révolution culturelle pour eux, mais ils peuvent faire évoluer leurs techniques, améliorer la qualité des produits afin d’augmenter leurs prix de vente. J’aime prendre l’exemple du thon blanc, que l’on trouve dans ces zones éloignées : pendant des années, en Bretagne, il était pêché à la ligne sur des thoniers à voile, aujourd’hui remplacés par d’énormes chaluts pélagiques. Comme c’est un KAIZEN | JUILLET - AOÛT 2013

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Créateur de Culture

Babel-Gum, un festival itinérant TEXTE CAROLE TESTA PHOTOS LUCIE FRANÇOIS

À la fois saltimbanques et animateurs de développement local, les jeunes acteurs du festival itinérant Babel-Gum créent des moments de culture en milieu rural.

B

Les folles queues, après leur concert (à gauche), et le public goûteront la soupe préparée par Stéphane, régisseur de Babel Gum.

abel-Gum a déployé sa caravane sous la pluie. À Gramat dans le Lot, en novembre 2012 puis en mars 2013, le public est moins nombreux qu’espéré mais l’équipe ne se laisse pas décourager. Ainsi, Stéphane Linon a frappé aux portes pour récolter ici et là des légumes du jardin, qui se retrouvent en julienne dans une soupe au cumin très parfumée. À l’entrée de la demi-yourte il la sert aux habitants, aux musiciens et aux danseurs pour les réchauffer avant le bal-concert. Dans la yourte, les Cousins du Quercy, un collectif de très jeunes musiciens, ne se lassent pas de faire vibrer les violons. Les spectateurs se sont levés pour danser en cercle un bal occitan improvisé. En 2009 quand l’aventure a commencé, Gwen Rio, Stéphane Linon et à l’époque, Julien Chassagne voulaient pallier le manque de lieux de diffusion culturelle en milieu rural. En trois ans seulement, ces “néo-forains” ont animé une dizaine de festivals, principalement autour de Toulouse et dans le Lot mais aussi en Bretagne, et espèrent parcourir toute la France. Chaque escale dure environ

dix jours, le temps de tisser une véritable relation avec les artistes et les habitants. L’équipe est domiciliée à Lalbenque dans le Lot, un lieu idéal pour recharger les batteries - humaines et mécaniques... avant de repartir de plus belle ! D’ailleurs, “gum” est un clin d’œil à la gomme des pneus des caravanes. Financés par la Caf et des collectivités territoriales, ils pratiquent volontiers le prix libre en sensibilisant le public à leurs contraintes budgétaires. La force de ces nomades tient à leur polyvalence : Gwen, administratrice issue du milieu des politiques culturelles, s’occupe aussi des décors et de la cuisine ; Stéphane, circassien, assure la régie générale et l’entretien du convoi. Le même soir, il peut débattre en costume avec des habitants avant de réparer une fuite d’eau, allongé sous la caravane. Il est assisté dans ses travaux de bricolage par Chloé, comédienne et créatrice de personnages tout-terrain, qui vient théâtraliser le service au bar et la billetterie. L’équipe s’agrandit : elle accueille désormais Arnaud, technicien du son, et Camille chargée de KAIZEN | JUILLET - AOÛT 2013

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Habiter mini c’est géant !

Le sourire d'Yvan

PAR YVAN SAINT-JOURS

part (vous savez comme le colibri, le petit oiseau là… ). Et comme un oiseau je fais un mini nid. Une maison de la taille d’un nid ! Ça tombe bien car cette maison elle s’appelle la tiny house (prononcer taille-nid). Et le slogan révolutionnaire que je scande tout seul en attendant d’être plus nombreux c’est “Mieux vaut tiny que pas d’nid !”. ◗

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beaucoup le Yvan, qu’est-ce que ça va être ?!”). Mais je fais fi des critiques, ma vie commence déjà à changer, j’en veux pour exemple cette nouvelle kai-zen-attitude qui s’est emparée de moi depuis peu. Il y a quelques jours je me suis rendu chez Ikea pour faire comme tout le monde. A l ‘entrée je prends le petit crayon et la “je-dois-acheter-plein-detrucs-liste” qui va avec, gracieusement offerts par le géant suédois. Une demieheure plus tard, je trouve enfin la sortie de ce labyrintho-consommationniste et passe à la caisse l’air léger, le crayon offert sur l’oreille et les mains dans les poches. Eh oui, je n’ai pas de place dans ma mignonnette maisonnette et je dois donc me recentrer sur l’essentiel absolu, l’ultime nécessaire, le précieux utile. Alors adieu futiles babioles, achats compulsifs, et autres trucmuches à l’obsolescence programmée ! Imaginez encore quand je suis entré l’autre matin dans le magasin d’écomatériaux “Bonjour je voudrais de la lasure pour toute ma maison”. Un large sourire se dessine sur le visage du commerçant et dans ses yeux je peux lire “enfin les affaires reprennent, avec cette crise qui n’en finit pas de durer, à croire que jamais la relance ne pourra s’économiser… ou l’inverse”. Je m’en vais dans le rayon et reviens avec un petit pot de 2,5 litres. ”Monsieur, avec un pot de cette contenance vous ne ferez qu’une toute petite pièce”. “Eh bien justement, lui réponds-je, c’est exactement la taille de ma maison, et si tout va bien j’aurai fini pour le déjeuner”. Alors voilà, j’ai commencé une révolution, minuscule, histoire de faire ma

© F. Dio

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’ai récemment démarré une drôle d’aventure (drôle dans le sens de bizarre, mais aussi de rigolo). J’ai en effet entrepris la construction d’une maison de 10 m2. Non non, Lucile n’a pas oublié de corriger une faute que je n’ai pas faite, la maison ne fait pas 100, mais bien 10 m2. La superficie d’une chambre d’enfant en somme. “Mais diantre quelle mouche le pique ?”, pensez-vous soudainement en levant le nez de votre magazine préféré pour évaluer la superficie de la pièce où vous vous trouvez. Et vous ajoutez : “Mais c’est super mini ! Il est maxi zinzin ce type !”. J’assume la zinzinerie. Et pourquoi donc me lancer dans une pareille entreprise alors que c’est la crise et qu’il faut à tout prix relancer l’économie car la croissance est infinie ? Parce que j’ai envie, voire besoin, de simplicité. Et que je me suis dit que quand je serai mort il sera trop tard pour tenter la vie simple puisque je serai mort (ceci dit je planche aussi sur un projet de mort simple, mais c’est une autre histoire). Imaginez un instant la nouvelle vie qui s’ouvre à moi ! L’espace et le temps vont enfin faire bon ménage. Car qui dit mini espace, dit mini ménage, et donc gain de temps. Et qui dit gain de temps dit des siestes plus longues, des discussions plus profondes, des rires plus forts, des méditations plus méditatives. Et puis un mini espace à vivre, ce sont des mini charges, donc moins besoin d’argent, donc moins de travail (j’entends d’ici Pascal, notre vénérable rédacteur en chef dont les origines terre à terre de sa Haute-Normandie ne sont jamais bien loin : “Ah ben déjà qu’il travaille pas

Pour suivre cette minuscule réalisation, un minuscule blog : www.latinyhouse.com KAIZEN | JUILLET - AOÛT 2013

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L’angélique TEXTES ET PHOTOS LINDA LOUIS

Son élégance, son envoûtant parfum mentholé et anisé ainsi que ses vertus médicinales remarquables ont contribué à diffuser sa réputation de plante divine.

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erbe aux anges, herbe du SaintEsprit, herbe aux fées… Autant de noms populaires qui vont si bien à l’angélique ! Aujourd’hui encore elle bénéficie d’une aura particulière, véhiculée depuis le Moyen Âge par les religieux qui cultivaient cette simple dans les monastères. Au bord des fossés, elle est là, majestueuse et robuste, formant des pompons de fleurs parfumés qui attirent d’emblée l’œil du promeneur. La plante est en effet l’une des plus grandes aromatiques poussant sous nos latitudes.

Comme l’anis, la carotte, le carvi, le cerfeuil, le cumin, le fenouil ou le persil, elle fait partie de la famille des Apiacées (autrefois nommée Ombellifères). Mais attention, d’autres plantes cousines sont très toxiques, comme l’œnanthe 74

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safranée, la berce du Caucase, voire mortelles comme la ciguë. En étant consciencieux dans votre analyse botanique (voir ci-contre), vous pourrez glaner cette plante et la cuisiner. Et si vous craignez de ne pas savoir la reconnaître, plantez de l’angélique cultivée et le problème est réglé ! Pour vous en procurer, deux options : soit vous achetez des plants chez un pépiniériste, soit vous récupérez des graines fraîches (passé un mois, elles perdent quasiment toute leur capacité germinative) et vous les semez sur un terrain tassé et compact (utilisez un rouleau). L’angélique est bisannuelle, c’est-àdire qu’elle produit simplement des feuilles la première année, puis des fleurs la deuxième année (mais ce rythme est très variable, elles peuvent mettre jusqu’à 5 ans pour se développer).

Après sa floraison, la plante meurt car sa survie n’est assurée que grâce aux graines qu’elle aura produites (plante monocarpique). Elle développe une certaine amertume qu’il convient d’apprivoiser selon les parties utilisées, les espèces et les recettes choisies. L’angélique archangélique est par exemple plus douce que la sylvestre, mais cette dernière, une fois confite au sucre, n’est plus amère. De manière générale, on récolte les pétioles (“tiges” des feuilles) avant la floraison totale. Cependant certains amateurs de cuisine sauvage n’appliquent pas systématiquement ce principe (surtout s’il s’agit de l’angélique archangélique) et prélèvent les pétioles plus tard, du moins avant que la plante ne monte en graines. Une fois de plus, s’ils sont confits au sucre, aucune amertume ne sera sentie. En cuisine et en médecine, les utilisations de l’angélique sont très nombreuses ; mais avant de passer à la pratique, observons de plus près ses critères de détermination…


sauvage & délicieux ? Reconnaître, récolter et cuisiner les cadeaux de la nature

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IDENTIFICATIONS Angelica sylvestris L. (Apiacées) Angélique sylvestre

Angelica archangelica L. (Apiacées) Angélique cultivée (1)

Habitat

A l’état sauvage, dans les zones humides (bois clairs, fossés, bords d’étang ou de lac, prairies ombragées inondées, marais…), sols profonds et riches en matières organiques.

Dans les jardins, parfois spontanée dans les mêmes zones que la sylvestre (voir ci-contre). Attention, sa cueillette est interdite dans le Nord-Pas-deCalais et en Haute-Normandie.

Port et hauteur

Grande plante herbacée pouvant atteindre 2 m voire 2,50 m.

Comme la sylvestre.

Tige principale

Très épaisse, glauque (verdâtre) et/ou rouge violacé, creuse, légèrement striée et glabre (sans poils).

Comme la sylvestre.

Feuilles

Grandes, tripennées, composées de folioles ovales-lancéolées et finement dentées sur les bords. (2) Feuilles supérieures portées par un pétiole dilaté en grosse gaine ventrue (formant un nœud). (6)

Composées comme la sylvestre, mais plus grandes.

Pétioles “tiges” des feuilles

Tubulaires avec une gouttière, produisant un latex une fois coupés. (3)

Tubulaires, parfaitement ronds, produisant un latex une fois coupés. (4)

Fleurs

Blanc-rosé, très petites, aux pétales dressés, regroupées dans une ombelle de 20 à 50 rayons velus au sommet. (5)

Vert-jaunâtre, très petites, regroupées dans une ombelle de 20 à 40 rayons velus sur toute la longueur, jusqu’à 15 cm de diamètre.

Graines

Vert pomme, avec 3 côtes dorsales développées en ailes.

Assez proches de la sylvestre.

Goût

Senteur parfumée, goût légèrement amer.

Senteur plus aromatique et goût moins amer que la sylvestre.

Récolte

Pétioles et feuilles de mai à août ; graines de juillet à septembre.

Comme la sylvestre.

Confusion possible avec la berce (Heracleum sphondilium), développant aussi des ombelles blanches et des gaines ventrues rougeâtres. Contrairement à l’angélique, ses feuilles ne sont pas aussi divisées (simplement pennées), son ombelle est plus étalée, sa tige principale très striée et velue. Il existe deux autres espèces, dont la rareté interdit toute cueillette : l’angélique des Marais (Angelica heterocarpa) et l’angélique de Razouls (Angelica razulii). Autre point important, récoltez l’angélique avec des gants, car elle est photo-sensibilisante : si votre peau est au contact de son latex, puis exposée au soleil, de fortes brûlures apparaissent localement. Enfin, ne prélevez que les grands pétioles, pas la tige principale, trop fibreuse (ou alors au stade très jeune). KAIZEN | JUILLET - AOÛT 2013

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