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Le magazine des initiatives positives

Pour construire une nouvelle société

Hors série n°2 octobre 2013 / 12€

Transition Tout sur le mouvement qui transforme l'hexagone

reportages :

• Énergie : faire sans pétrole et sans nucléaire • Agriculture : produire autant sans engrais ni pesticide • Éducation : l'avenir de l'école • économie : réinventer la monnaie Entretiens :

Philippe Meirieu • Thierry Salomon • Delphine Batho • Yves Cochet



Editeur SARL EKO LIBRIS au capital de 59 000 €. 95, rue du Faubourg-Saint-Antoine 75011 Paris www.kaizen-magazine.com Hors-série numéro 2 : ocotbre 2013 Imprimé sur papier recyclé blanchi sans chlore Directeur de la publication Patrick Oudin Directeur de la rédaction et rédaction en chef pour ce numéro : Cyril Dion

Transition Tout sur le mouvement qui transforme l'hexagone

N

Distribution Presstalis

ous le savons désormais, la France, tout comme l’Europe et le monde, doit muter. Réinventer son économie pour ne pas périr par la dette et l’inexorable mouvement ascendant du chômage et descendant de la croissance. Repenser son agriculture pour être en mesure, dans un monde où le pétrole sera de plus en plus cher et les dérèglements climatiques toujours plus nombreux, de nourrir sa population sans endommager l’environnement. Opérer une ambitieuse transition énergétique afin de survivre à la fin des énergies de stock (épuisables) et à l’inéluctable augmentation du prix de l’énergie. Et permettre à chacun de subvenir à ses besoins essentiels, sans perturber le climat ni ravager les paysages. Réorganiser son urbanisme, repenser son habitat afin que tous puissent occuper des logements abordables, économes en énergies, respectueux de la nature. Et que l’organisation de nouveaux bassins de vie donne à chaque territoire les moyens de son autonomie et de sa résilience. Transformer son modèle éducatif pour préparer nos enfants à relever les défis du siècle et les accompagner dans leur épanouissement. Profondément revisiter son modèle démocratique, afin de libérer l’énergie créatrice qu’une intelligente coopération entre élus, entrepreneurs et citoyens susciterait. Sortir de la paralysie institutionnelle dans laquelle nous vivons, où les problèmes sont de plus en plus graves, les gouvernants toujours plus déconnectés et impuissants et les citoyens au bord de la révolte. Dans ce deuxième hors-série, nous explorons les initiatives de citoyens, d’associations, d’entreprises, de collectivités, qui, à leur échelle, ont engagé cette transition. Ce panorama ne se veut pas exhaustif, ni sur les thématiques qu’il aborde, ni sur les initiatives qu’il décrit. Soyons réalistes, ce mouvement est encore minoritaire, expérimental. Mais il porte en lui les germes du véritable changement. Par la complémentarité des approches qu’il développe, il élabore, consciemment ou non, un nouveau projet de société, complet et cohérent.Bon voyage sur les chemins de la transition !

Vente aux N° pour les diffuseurs: Alexandre Campi Groupe HOMMELL Tél : 01 47 11 20 12 diffusion-hommell@sfep.fr

Cyril Dion directeur de la rédaction

Rédacteur en chef : Pascal Greboval Secrétaire de rédaction Lucile Vannier Contact contact@kaizen-magazine.fr Abonnements abonnement@kaizen-magazine.fr Comptabilité et administration administration@kaizen-magazine.fr Rédaction redaction@kaizen-magazine.fr Couverture Fanny Dion et Schuller Graphic Maquette et mise en page Schuller-graphic SIREN : 539 732 990 APE : 5814Z Commission paritaire : 0317 k 92284 Numéro ISSN : 2258-4676 Dépôt légal à parution Impression Via Schuller-Graphic Corlet Roto (imprim’Vert) ZA Les Vallées 53300 Ambrières les vallées Régie de Publicité et distribution dans les magasins spécialisés AlterreNat Presse, Sandrine Novarino Tél. 05 63 94 15 50

Aucun texte et illustration ne peuvent être reproduits sans autorisation du magazine. Merci. | hors-série n°2 |

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Transition

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AVANT-PROPOS Editorial p.3 Pourquoi la Transition ? p.6 Petit lexique de la Transition p.8 Se nourrir Infographie : où sommes-nous de la transition agricole ? La Biovallée : un territoire en marche vers l'autonomie alimentaire Les AMAP, révolution ou normailité ? Terre de Liens : l'association qui fait pousser des fermes bio Cocagne : des jardins qui cultivent la solidarité Afterres 2050 : un scénario de transition agricole Les mouvements : Villes en transition et Incroyables comestibles

p.10 p.12 p.14 p.18 p.22 p.28 p.32 p.36

ÉNERGie Infographie : où sommes-nous de la transition énergétique ? Ernercoop, la transition énergétique à la maison ! Do it Yourself : Et si je co-construisais mon éolienne ? Énergie partagée : choisir ensemble l'énergie de demain Montdidier : commune à énergie positive Interview Thierry Salomon : où en est la transition énergétique française ?

p.38 p.40 p.42 p.46 p.52 p.56 p.60

Portfolio : Tour de France en transition p.64

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HABITATS Infographie : où sommes-nous de la transition dans l'habitat ? Terra-Cités : le bâtiment, autrement Habitats partagés : Babel Ouest, une mini-tour maxi-citoyenne Les mouvements : l’Université du Nous (UdN) Grenoble : laboratoire des futures villes nouvelles Les mouvements : les colibris Économie Infographie : en route vers l'économie sociale et solidaire 9 pistes pour l’économie de demain Nef : changer la banque Reinventer la monnaie Biocoop : entreprise coopérative du XXIème siècle Les mouvements : Klub Terre et collectif richesse EDUCATION Infographie : où sommes-nous de la transition éducative ? Ecole du colibris : une école à murs ouverts Interview Philippe Merieu Living School : devenir éco-citoyens Les mouvements : Le Printemps de l’éducation et ATTAC

p.72 p.74 p.76 p.80 p.85 p.86 p.91 p.92 p.94 p.96 p.100 p.104 p.108 p.112 p.114 p.116 p.118 p.123 p.126 p. 130

Interview : Delphine Batho et Yves Cochet p. 132

Conclusion : être heureux... p. 136

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Pourquoi

?

la transition avant-propos par Cyril Dion

I

l n’est jamais agréable de rabâcher. C’est pourtant ce que les lanceurs d’alerte écologistes ont le sentiment de faire depuis des décennies. Depuis Fairfield Osborn et sa Planète au pillage en 1949 (réédition récente chez Actes Sud Babel), Rachel Carson et son Printemps Silencieux en 1961, les livres, les rapports, les films, les émissions s’accumulent pour nous dépeindre une situation écologique de plus en plus grave : dérèglement climatique, effondrement de la biodiversité, érosion des terres arables, déforestation, pollution des sols, de l’eau, de l’air, épuisement des ressources naturelles… Dernière grande étude en date, Approaching a state-shift in Earth’s biosphere1, publiée en juillet 2012 dans la revue Nature par vingt-deux chercheurs appartenant à une quinzaine d'institutions scientifiques internationales, prévoit que « presque la moitié des climats que nous connaissons aujourd'hui sur la Terre pourraient bientôt avoir disparu et seraient remplacés, entre 12 % à 39 % de la surface du globe, par des conditions qui n'ont jamais été connues par les organismes vivants. Et ce changement s'effectuerait de manière brutale, empêchant les espèces et écosystèmes de s'y adapter . » En résumé, une partie de l’humanité pourrait tout simplement disparaître à l’horizon 2100 si nous ne prenons pas les mesures adaptées. Les chercheurs se sont eux-mêmes déclarés « terrifiés » par les résultats de cette étude.

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Un effondrement invisible Alors pourquoi ne réagissons-nous pas ? Il y aurait de nombreuses raisons à explorer, tellesla puissance écrasante des lobbies, l’éducation perpétuant un modèle essentiellement fondé sur la performance et la compétition, l’influence considérable de la publicité, mais il est intéressant d’en souligner deux. D’une part, parce qu’elles nous concernent directement et de l’autre parce qu’elles peuvent nous indiquer une voie de salut. La première est que la majorité d’entre nous ne voit pas (encore) les conséquences de cet effondrement dans un quotidien de plus en plus éloigné de la nature. Mais cette désagrégation qui nous paraît relativement indolore en Occident pourrait nous jouer des tours, comme l’illustre Lester Brown dans son livre Basculement avec la parabole du nénuphar : « C’est l’histoire d’un nénuphar qui double de surface chaque jour. On sait qu’il occupera l’ensemble de l’étang en 100 jours, mais on n’y croit guère ! Car en observant sa croissance, on constate qu’au 90ème jour il en occupe à peine 0,1%. Au 95ème jour, nous sommes tentés de dire : Nous avons bien le temps, il n’occupe que 3% de l’étang !’ Au 99ème jour il aura colonisé 50% du plan d’eau, et le 100ème jour la totalité : c’est l’asphyxie… ». Ce processus s’apparente à ce que les scientifiques


décrivent dans Approaching a state-shift in Earth’s biosphere, ou à ce que Jared Diammond décrit dans son ouvrage Effondrement : la rupture pourrait être si brutale et si soudaine que nous ne disposerions pas du temps nécessaire pour nous y adapter. La seconde raison de notre inertie est, d’une certaine façon, contenue dans la première. Ces changements sont si considérables, ces informations tellement incroyables, ces enjeux si écrasants, qu’il nous est presque impossible de réagir en conséquence. Nos cerveaux, paralysés par la peur, s’enfoncent dans le déni et les phénomènes de compensation. C’est d’une certaine façon l’un des constats que nous pourrions tirer de cette dernière décennie, où les sonnettes d’alarme se sont succédées à un rythme inédit, sans pour autant entraîner une mobilisation à la hauteur du danger.

agir. Les responsables politiques ne prennent pas les décisions ? Les multinationales et les banques continuent leur jeu comme si de rien n’était ? Eh bien commençons à nous retrousser les manches, ici et maintenant. Faisons tout ce que nous pouvons, à notre mesure, pour construire la société de demain. Enfin il est intéressant de souligner que ces initiatives se rejoignent dans l’idée de résilience. Il ne s’agit plus seulement de réformes structurelles à grande ampleur, mais bien de permettre à des communautés humaines, à des territoires, de pouvoir s’adapter au maximum lorsque la rupture annoncée surviendra. Et de survivre. Une précaution qui semble devenue plus que nécessaire… 1

Audrey Garric, le Monde.fr, 2012, 27 juillet 2012

La transition comme un nouvel imaginaire Face à cette situation, un véritable mouvement mondial s’est structuré autour de l’idée de « transition ». Le point commun entre toutes ces initiatives est qu’elles cherchent à créer un nouvel imaginaire, hors du consumérisme et de ce que l’on pourrait appeler schématiquement le rêve américain, transposé à l’échelle de la planète entière. Il n’est plus seulement temps d’alerter, il est désormais indispensable d’inspirer. Si le rêve du progrès a eu une telle puissance pour tirer des sociétés entières vers la consommation de masse, il nous faut élaborer un rêve de cette ampleur pour entraîner les citoyens du XXIème siècle vers une société plus écologique et plus humaine. Ces démarches sont aussi similaires en ce qu’elles n’impliquent pas d’attendre qui que ce soit pour

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Petit

de la lexique Transition

La transition a son propre langage, que l’on considère parfois avec circonspection ou interrogation. Petit passage en revue des mots et concepts phares.

Transition

Littéralement 1: passage d’un état à un autre, d’une situation à une autre. Désigne aujourd’hui le mouvement qui travaille à conduire nos sociétés de l’endroit où elles sont à une situation écologiquement durable, socialement équitable et spirituellement épanouissante. Qualifie égaleAutonomie ment le chemin à emprunter. Littéralement : droit de se gouverner par ses propres lois / Droit pour l’individu de déterminer librement les règles auxquelles il se soumet / Liberté, indépendance matérielle ou intellectuelle. Terme cher à certains précurseurs de la Transition (Ivan Illich entre autres), l’autonomie est à la fois la capacité d’individus ou de territoires à répondre à leurs propres besoins (alimentaires, énergétiques, économiques…), mais également la liberté de penser et d’agir sans être exagérément dépendants d’entités extérieures. La possibilité pour les Résilience Littéralement : résilient = qui a une cer- peuples de se nourrir par leurs propres moyens, sans être tributaires de multinationales contrôlant semences, prix, distribution, est l’un des taine résistance au choc. Ce terme, à l’origine utilisé pour carac- chevaux de bataille de personnalités telles que Vandana Shiva en Inde ou tériser la résistance du métal, a été large- Pierre Rabhi en France. ment popularisé dans le champ psychanalytique par Boris Cyrulnik pour qualifier la capacité à dépasser des situations traumatiques et à se reconstruire. Dans le mouvement de la Transition, il décrit la capacité de territoires et d’écosystèmes humains à encaisser les chocs occasionnés par les catastrophes écologiques, économiques.

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Local (adj.)

Écosystème

Littéralement : qui concerne un lieu, une région, lui est particulier. Au sein du mouvement de la Transition resurgit l’idée que l’enracinement dans un territoire, dans un biotope, est un facteur important de résilience, d’identité et d’épanouissement. L’inspiration des écosystèmes y est pour beaucoup. Ainsi l’économie, l’agriculture, la production d’énergie, la monnaie et la culture peuvent et doivent être locales avant d’être globales. Pour autant, local ne signifie pas repli identitaire ou repli sur soi. L’idée est d’interconnecter des réalités locales autonomes (et par là même libres et résilientes) pour que notre « village mondial » puisse fonctionner harmonieusement grâce à la synergie des diversités (facteur incontournable de la résilience).

Littéralement : unité écologique de base formée par le milieu et les organismes animaux, végétaux et bactériens qui y vivent. Dans le mouvement de la Transition, l’écosystème tient une place particulière. De nombreux acteurs tâchent de s’inspirer du fonctionnement des écosystèmes naturels pour les reproduire ou les adapter aux écosystèmes humains. Bernard Lietaer, spécialiste mondial des monnaies complémentaires, a coutume de dire que pour qu’un écosystème fonctionne il doit atteindre un équilibre entre efficience et résilience. C’est cet objectif Sobriété que visent notamment l’économie Littéralement : modération, réserve. circulaire, l’économie bleue, ou Qu’elle soit heureuse ou énergétique, la sobriété encore la permaculture, à l’origine du fait un retour en force dans le vocable porté par mouvement des villes en transition… le mouvement de la Transition. Elle constitue une exhortation à sortir de notre ébriété matérialiste pour retrouver une véritable qualité d’être. Coopération

Réseaux

Littéralement : répartition des éléments d’une organisation en différents points. Le réseau est la forme d’organisation privilégiée de la Transition. Il remplace la pyramide du système centralisé du XXème siècle. L’apparition d’Internet constitue une innovation technologique qui a permis et qui symbolise ce passage en modifiant nos façons de penser, d’agir, de prendre des décisions, d’accéder à l’information ou de la diffuser, de participer à l’élaboration de contenus, de projets, d’objets…

1

Littéralement : action de participer à une œuvre commune. La coopération est une clé de la Transition. Le chemin de la Transition pourrait même se résumer au passage de l’axiome de la compétition à celui de la coopération dans l’ensemble de nos activités.

Les définitions littérales sont tirées du Petit Robert, édition 2000.

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© Fanny Dion

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Se Nourrir

P

our qu’une société existe, qu’elle soit en mesure d’élaborer une culture, il lui faut d’abord se nourrir. Nombre de peuples (les Mayas, les Sumériens…) ont disparu pour avoir mis en péril les sources de leur alimentation. Face à nous se dresse le défi d’alimenter l’ensemble de la population, sans dégrader les sols, sans faire disparaître la biodiversité, dérégler le climat, déforester à outrance, sans mettre en danger la santé des paysans et des citoyens et sans prendre le risque de dérégler les équilibres naturels (avec les OGM notamment). A l’inverse, nous devons nous orienter vers des pratiques permettant aux paysans de vivre de leur métier, aux sols de se régénérer et de capter un maximum de carbone, de consolider le patrimoine de semences mondial, de réaménager les territoires, de préserver les réserves en eau, de sauvegarder les espèces végétales et animales, de produire une nourriture saine et abondante… Pour cela l’agriculture doit se relocaliser autour de bassins de vie comme le montrent les exemples du Diois et de la Biovallée dans la Drôme, ou la démultiplication

des AMAP. Les pratiques doivent évoluer vers des techniques à la fois productives et plus écologiques. L’agriculture intégrée, l’agriculture biologique, et plus encore l’agroécologie et la permaculture, sont particulièrement prometteuses en la matière (voir Kaizen 10). Mais nous devons également veiller à ne pas faire disparaître l’ensemble de nos terres arables et de nos paysans. En France, la Fondation Terre de Liens s’est attaquée au problème de la privatisation des terres et aide de nombreux jeunes à s’installer en agriculture biologique. Un formidable gisement d’emplois peut en outre se tisser grâce à l’agriculture, qui peut être un moyen de réinsérer nos chômeurs - l’expérience des jardins de Cocagne l’illustre particulièrement. Toutes ces données ont été compilées (ou sont en cours de compilation) dans le scénario Afterres, qui élabore un schéma de transition agricole à l’échelle de l’hexagone, sur le modèle du scénario NégaWatt dans le domaine de l’énergie. Et ce afin de démontrer que cette transition est non seulement souhaitable mais absolument réaliste. Voyage dans l’agriculture de demain…

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Champ de petit épautre pour la fabrication de pâtes artisanales « Rimon et Saveurs »

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La Carline, épicerie coopérative bio, locale et solidaire à Die

Un territoire en marche vers l'autonomie alimentaire Texte : Jean-Claude Mengoni / Images : Eléonore Henry de Frahan

Au cœur d’une mondialisation de l'alimentation, des territoires et des citoyens parient sur une relocalisation de leurs besoins alimentaires. Bienvenue en Biovallée.

A

u cœur d’une mondialisation de l'alimentation, des territoires et des citoyens parient sur une relocalisation de leurs besoins alimentaires. Bienvenue en Biovallée.

La mondialisation, par laquelle un agneau de NouvelleZélande ou une tomate chinoise1 coûtent moins cher que leurs cousins français, oblige nos agriculteurs nationaux à produire plus en gagnant moins. Les grandes surfaces et leurs méga-centrales d'achats amplifient le phénomène. Conséquence directe : la distance parcourue par les aliments explose, le nombre d'exploitations agricoles chute dramatiquement2, la profession investit dans du matériel de plus en plus coûteux et déprime. Ceux qui survivent voient leur espace de décision se

restreindre, leur autonomie s’effilocher sous la double pression de la dépendance financière et de la main mise industrielle. Heureusement, des citoyens, des collectivités, des territoires, de plus en plus nombreux, ont compris l'impasse dans laquelle l'agriculture glisse peu à peu. Ils plaident pour une agriculture paysanne, de terroir, à petite échelle, en lien direct avec les consommateurs.

Il est possible de s'installer sur 2 à 4 ha, à condition d'assurer la transformation ainsi que la vente directe | hors-série n°2 |

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AMAP :

révolution

?

ou normalité Texte : Aude Raux / Photos : Jérômine Derigny

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se nourrir Les adhérents de l'AMAP "la Courgette Solidaire" aux Lilas, sont venus ramasser les pommes de terre chez le producteur, dans la région de Dourdan.

Depuis 12 ans, les Amap ont permis d’amorcer une transition agricole dans les esprits et dans les champs. De nombreux projets se nourrissent d’ailleurs de leur philosophie.

S

ur un terrain fertile en pente douce, délimité par un rideau d’arbres derrière lequel coule l’Orge, Eric Chatelet fait sortir de terre des légumes croquants qui régaleront les 87 familles adhérentes à son Association pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP). Enracinée à Longpont-sur-Orge (Essonne), à 25 kilomètres de Paris, l’AMAP des Douvières a été fondée à l’initiative de quatre amis, réunis au sein de l’association des Paniers de Longpont. Sous un ciel bleu de juin traversé de nuages tourmentés, Bernadette, costumière de spectacles à la retraite, franchit, comme chaque samedi matin, la porte du hangar de l’exploitation agricole. Elle est accompagnée d’une petite fille, sa voisine : les deux familles se partagent un panier. Après avoir fait la bise à Eric, elles remplissent leurs sacs de la récolte hebdomadaire. Au menu : des

pommes de terre, des courgettes, des navets, un chourave, une botte d’oignons, des carottes, des blettes et une laitue. « J’ai adhéré à l’AMAP pour plusieurs raisons, confie Bernadette. Comme ce n’est pas loin de chez moi, j’y viens à pied. L’ambiance est conviviale. De temps en temps, on fait des pique-niques et on s’échange des recettes. Les légumes sont cultivés sans produit chimique. Ils n’ont pas fait des milliers de kilomètres par camion. Et ils sont de saison. Bon, au bout d’un moment, j’en ai marre des choux ! Et j’aimerais bien manger des tomates dès le printemps. Mais il faut faire avec la nature… ». Et Julie d’ajouter « Les fraises de l’AMAP, elles sont meilleures. Elles sont plus sucrées. Les tomates aussi : à l’intérieur, elles sont bien rouges. Quand je rentre à la maison, je lave et je cuisine les légumes avec ma maman ». En partant, le tandem croise le maire, Delphine Antonetti, elle aussi membre de l’AMAP et convaincue de ses bienfaits : « Dans notre commune de 4500 habitants en passe de devenir une banlieue dortoir, cette AMAP, ainsi que celle créée l’année dernière également par l’association des Paniers de Longpont, ont permis de tisser du lien entre les habitants et de montrer qu’on pouvait préserver les ceintures vertes », précise-t-elle.

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Terre de Liens

l'association qui fait pousser des fermes

© Fanny Dion

bios

texte : Frédérique Basset

En faisant appel à l’épargne citoyenne, Terre de Liens achète des fermes qui permettront à de nouveaux paysans de s’installer en agriculture biologique.

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se nourrir

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n France, chaque semaine, plus de 200 fermes disparaissent et 1300 hectares sont recouverts de béton. Quant au prix de la terre, il a bondi de presque 40% en dix ans. Notre pays ne compte plus que 300 000 paysans (ils étaient plus de 2 millions dans les années 1950) et 20 000 cessent leur activité chaque année. A ce trainlà, dans quinze ans, il n’y en aura plus un seul ! Que serions-nous sans paysans, et que seraient les paysans sans terre ? Selon l’association Terre de Liens, le déclin de nos campagnes n’a rien d’une fatalité. Née en 2003 de la convergence de mouvements de l’éducation populaire, de l’agriculture biologique et biodynamique, de la finance éthique et de l’économie solidaire, elle facilite l’accès au foncier agricole pour de nouvelles installations paysannes. Parallèlement, elle interpelle élus et citoyens sur cette question essentielle : A qui devrait appartenir la terre ? « La terre doit être déprivatisée et devenir un bien commun », affirme son directeur, Philippe Cacciabue. Pour sortir ce bien commun du marché spéculatif, Terre de Liens a mis en place trois structures : un réseau associatif, cheville ouvrière du mouvement avec ses 19 associations régionales qui repèrent les fermes, accompagnent l’installation des agriculteurs et en assurent le suivi ; une fondation qui reçoit des legs et donations de fermes (les propriétaires s’assurant ainsi que leur bien conservera sa vocation agricole) et une foncière qui propose aux citoyens de placer leur épargne dans un projet social et écologique. Le capital accumulé est affecté à l’achat de propriétés louées à des agriculteurs qui signent un bail à long terme. Ce bail comporte des clauses environnementales les engageant à pratiquer des méthodes de culture agroécologiques. « Notre action est marginale sur le plan quantitatif, reconnaît Philippe Cacciabue, mais nous démontrons qu’un autre modèle est possible. La généralisation de ce modèle est entre les mains des politiques et de la société civile. » De plus en plus consultée par les décideurs nationaux, Terre de Liens se mobilise pour infléchir les orientations de la PAC, mais c’est surtout au niveau local que son action est efficace. Elle

Chaque semaine, plus de 200 fermes disparaissent et 1300 hectares sont recouverts de béton Repiquage de poireaux à la ferme Jamato | hors-série n°2 |

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Cocagne :

des jardins qui cultivent

la solidarité texte : Frédérique Basset / Photos : Fanny Dion

Grâce à la production de légumes bios, distribués sous forme de paniers à des consommateurs-adhérents, des personnes en insertion retrouvent un emploi et construisent un projet de vie.

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se nourrir

Deux piliers du jardin de Lumingny (78) : Mohammed et Micheline

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omment insérer des personnes en grande difficulté via le maraîchage ? La réponse se trouve peut-être du côté des Jardins de Cocagne. Initiés par Jean-Guy Henckel en 1991, ces jardins, qui ont pris racine dans plusieurs régions de France, accueillent des femmes et des hommes en situation précaire (allocataires des minima sociaux, chômeurs de longue durée, sans domicile fixe…). Embauchés en contrat aidé, ils produisent des fruits et légumes bios vendus sous forme de paniers à des consommateurs adhérents. Pendant toute la durée de leur contrat (deux ans maximum), les jardiniers travaillent 24 h par semaine ; ils sont rémunérés sur la base du Smic et encadrés par des maraîchers et des travailleurs sociaux. « L’objectif n’est pas de créer des exploitations à but uniquement commer-

cial, explique Jean-Guy Henckel. Nous sommes des gestionnaires de tensions, car nous faisons vivre ensemble trois sœurs ennemies : le social, l’économie et l’écologie. Les Jardins de Cocagne doivent être rentables, sans pour autant laisser sur le bord du chemin des personnes abîmées par l’existence, et sans causer de dommage à la planète. »

Des projets diversifiés

Le taux d’insertion des maraîcher(e)s de Cocagne est plutôt encourageant et augmente chaque année. Environ 30% accèdent à un emploi au sortir de leur expérience, 10% suivent une formation, 8% poursuivent leur parcours d’insertion. Mais il faudrait aussi comptabiliser les bénéfices indirects de ces deux années passées au jardin : 38% parviennent en effet à régler leurs problèmes de logement, de

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Afterres 2050,

un scénario de transition agricole

pour la France texte : Barnabé Binctin / Photos : Fanny Dion

Scénario chiffré, Afterres 2050 défend un nouveau modèle pour l'agriculture française. Balayant préconçus et pratiques actuelles, il propose une culture d'avenir à la profession. Explications.

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se nourrir

A

l'heure où le secteur agricole affronte des défis toujours plus conséquents pour les décennies à venir, Solagro s'est lancée en 2011 dans une étude visant à dessiner un autre modèle. C'est ainsi qu'est né « Afterres 2050 », dont l'intitulé en forme de calembour anglicisé évoque la problématique générale : quel scénario réellement soutenable peut-on envisager pour l'agriculture française à l'horizon 2050 ? Créée en 1981 à Toulouse, l’association a pour but d' « ouvrir d'autres voies pour l'agriculture, l'énergie et l'environnement ». Ses 24 salariés, la plupart ingénieurs, sont spécialisés en énergies durables et en agroécologie. En réalisant cette analyse prospective, ils se sont largement inspirés de la démarche de négaWatt1 sur l'énergie. Même postulat de départ : ce sont les besoins de la population qui doivent déterminer les facteurs de production, et non l'inverse. Et même conclusion optimiste : non, l'agriculture industrielle et intensive n'est pas une fatalité, ni une perspective d'avenir. Oui, il est envisageable de nourrir plus de 70 millions de personnes en 2050. Démonstration.

L'alimentation, pilier du changement D'ici 40 ans, la population française aura augmenté de 8 millions d'habitants, alors même que la France est déficitaire de 1,7 millions d'hectares de terres cultivables et que le pic de production agricole a déjà été franchi. L'équation est simple : aurons-nous suffisamment de surfaces agricoles pour nous nourrir en 2050 ? Pour concilier besoins alimentaires et usage des terres, Solagro a mis au point un outil de modélisation spécifique, MoSUT2 , qui met en correspondance des variables aussi différentes que l'indice de masse corporelle et le temps de pâture des bovins. Les résultats, publiés à l'été 2013, mettent l'accent sur l'assiette alimentaire. La mesure phare d'Afterres 2050 consiste à redéfinir les besoins nutritionnels de la population, trop habituée à une alimentation carnée et sucrée. Le scénario privilégie ainsi les protéines végétales aux protéines animales : il préconise une ration contenant plus de céréales, de fruits et de légumes, tandis qu'il appelle les Français à consommer deux fois moins de viande et de lait. La deuxième évolution

Ce sont les besoins de la population qui doivent déterminer les facteurs de production, et non l’inverse sensible concerne, en conséquence, l'élevage. Afterres 2050 réduit de moitié l'ensemble du cheptel, hormis les ovins. La mesure vise à travailler plus qualitativement autour des animaux d'élevage, en améliorant leur « performance alimentaire3» . En parallèle, le scénario appelle à une transformation profonde des pratiques agricoles : finie l'utilisation d'intrants chimiques, auxquels on doit préférer le système de cultures associées qui permet de cultiver, en même temps et sur la même parcelle, plusieurs espèces végétales. La rotation des cultures ou l'agroforesterie apparaissent également comme des modes de production à optimiser. « Le scénario n'est pas 100% bio, précise Philippe Pointereau, directeur de Solagro. C'est un mix à 50/50 entre l'agriculture biologique et l'agriculture dite intégrée ». Suivant ces recommandations, Afterres 2050 remplit sa première mission : nourrir la population française dans son ensemble, sur la base des produits cultivables en France. Elle réorganise aussi la production pour gagner de la surface, libérant ainsi 4 millions d'hectares de terres agricoles. Enfin, ce scénario fournit des quantités significatives de biomasse, que l'on peut imaginer utiliser à des fins énergétiques.

L'expérimentation : un vecteur de dialogue Ces résultats théoriques et mathématiques doivent désormais affronter l'épreuve de la mise en œuvre. Ils soulèvent un certain nombre de questions quant à l'organisation de la production : comment un tel scénario national peut-il se décliner à l'échelle régionale, en collant aux filières et contextes locaux ? Comment par exemple diversifier des régions tombées dans la monoproduction ? « Nous n'avons pas les réponses à l'heure actuelle. Le concept de relocalisation doit être amélioré : il est évident qu'on ne fera pas de vignes en Picardie ni de

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Énergie les ingénieurs de NégaWatt pour proposer l’un des scénarios de transition les plus aboutis en Europe. Parallèlement, nous avons là une occasion historique de construire une réelle indépendance énergétique. La toute-puissance des pays de l’OPEP (et demain des Etats-Unis) pour le pétrole, de la Russie pour le gaz, la prépondérance de l’uranium au Canada, en Australie et dans le Caucase, entretiennent des relations géostratégiques complexes qui, la plupart du temps, ne s’organisent pas au bénéfice des populations. Développer, sur chaque territoire - « chaque bâtiment », dirait Jérémy Rifkin - des moyens de production autonomes, partie prenante d’un vaste réseau d’échanges intelligent, tout en préservant nos ressources naturelles épuisables, voilà un véritable projet d’avenir ! C’est ce que nous découvrirons à Montdidier dans le Pas-de-Calais ou dans les projets développés par Énergie Partagée. Produire son énergie soi-même ou en petit groupe deviendra alors possible, comme nous le verrons avec le petit éolien. A défaut, il est toujours possible d’opter pour un fournisseur d’électricité verte et de stimuler ainsi le développement du renouvelable en France, comme le propose Enercoop. Tout un programme !

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© Patrick Lazic

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ous sommes devenus totalement dépendants de l’énergie. Nos sociétés ne savent plus fonctionner sans électricité pour s’éclairer, pour alimenter nos outils de communication, nos bureaux, nos usines, nos immeubles. Ne savent pas plus vivre sans pétrole pour fabriquer nos objets, faire rouler nos voitures, nos camions ou voler nos avions. Privés d’énergie, nous ne pouvons plus avancer. L’enjeu est donc de taille : alors que nous sommes de plus en plus nombreux sur Terre et que les énergies fossiles sont non seulement en voie d’épuisement, mais directement incriminées dans le dérèglement climatique (or l’utilisation de charbon explose en Chine et en Inde) ; que l’énergie nucléaire n’offre ni les garanties de sécurité (tant pour les réacteurs que pour les déchets), ni une véritable indépendance (l’uranium est non seulement épuisable mais, aux dernières nouvelles, on ne le trouve pas en abondance dans les mines françaises), opérer une véritable transition énergétique est devenu capital. Pour cela il nous faudra apprendre à économiser drastiquement l’énergie, démultiplier l’efficacité de son usage (faire plus avec moins) et développer un bouquet d’énergies renouvelables, aptes à répondre à nos besoins. C’est sur cette base qu’ont travaillé


Enercoop, la Transition énergétique…

à la maison!

texte : Cyril Dion / Illustrations : le Cil Vert / Photos : Eléonore Henry de Frahan

Accomplir chez soi une transition énergétique peut sembler compliqué. On s’imagine devoir isoler la maison, changer la chaudière, installer des panneaux solaires, acheter un appareillage plus économe… Il existe pourtant un moyen beaucoup plus simple d’initier ce changement : opter pour un nouveau fournisseur d’électricité.

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elon le baromètre 2012 du médiateur de l’énergie, 52% de la population ignore que l’on peut trouver une alternative à EDF en matière de fournisseur d’énergie. C’est pourtant le cas avec Enercoop, première coopérative en France à proposer une énergie 100% renouvelable. Le 12 juillet 2013, l’électricité de l’hexagone provenait à 76% du nucléaire, à 3% du charbon et à 21% d’énergies renouvelables (13% d’hydraulique, 2% d’éolien et 6% de la biomasse). Pour ceux qui jugent fondamental d’abandonner les énergies fossiles et nucléaires, choisir ce type de fournisseur est une première démarche simple qui, adoptée par davantage de clients, peut permettre un véritable essor du renouvelable en France.

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Une histoire de choix L’histoire d’Enercoop commence par un choix collectif. Nous sommes en 2005, le marché de l’énergie s’ouvre pour les professionnels. Vingt-deux acteurs des énergies renouvelables et de l'économie sociale et solidaire (parmi lesquels Greenpeace, les Amis de la Terre, Biocoop, la Nef et bien d'autres) refusent de continuer à alimenter la filière nucléaire et décident de créer Enercoop. Leur objectif se résume en trois points : favoriser les énergies renouvelables, aider les gens à moins consommer, mais aussi faire en sorte qu'ils s'approprient la question énergétique. Pour ce faire, ils optent pour le statut de Scic (Société coopérative d'intérêt collectif) qui


leur permet d’impliquer tous les participants : consommateurs, producteurs, salariés, fondateurs, partenaires et collectivités locales. Ces six entités font partie de la gouvernance globale et se retrouvent lors d'assemblées générales, chacune disposant d’une voix et toutes ayant le même poids, indépendamment des effectifs qui les composent.

Développer les producteurs indépendants Dans les premiers temps, Enercoop se fournit auprès de quelques petits producteurs hydrauliques indépendants, retenant ceux qui n'étaient pas liés à EDF-GDF par un contrat d'obligation d'achat (souvent mal considérés par l’opérateur en raison de leur petite taille, ou découragés par la complexité des démarches administratives). De fil en aiguille, le nombre de producteurs augmente et se diversifie. Ils sont aujourd’hui 55, répartis entre l’hydraulique, l’éolien, le photovoltaïque et le biogaz. « A terme, nous souhaiterions qu'Enercoop devienne lui-même producteur, explique Stéphanie Lacomblez, responsable communication et commerciale. Pour cela, nous avons créé des coopératives régionales ayant pour mission de construire leurs propres sources de production grâce à l'investissement commun des acteurs locaux (collectivités, entreprises, associations) et des partenaires. » Depuis 2009, six coopératives ont vu le jour en Champagne-Ardenne, Rhône-Alpes, Nord-Pas-de-Calais, Languedoc-Roussillon, Bretagne et Provence-Alpes-Côte d'Azur. Trois autres projets sont en cours en Midi-Pyrénées, Aquitaine et Normandie.

Objectif 150 000 clients L’objectif poursuivi par Enercoop est l’appropriation citoyenne et locale du secteur de l’énergie. Faire en sorte que l’énergie soit non seulement renouvelable mais aussi produite localement, et que la gouvernance des outils de production revienne en partie aux habitants des territoires. L’entreprise rejoint en cela la vision développée par NégaWatt (voir p.58) ou par Jérémy Rifkin dans son essai intitulé La troisième révolution industrielle : décentraliser le pouvoir, les moyens de production, développer une plus grande autonomie des personnes et des territoires, cultiver le réseau comme un moyen démocratique et efficace de faire évoluer la société. Pour concrétiser cette intention, les différentes instances d’Enercoop misent sur un passage de 15 000 à 150 000 clients d’ici 2020 - une chiffre apparemment conséquent mais qui demeure faible au regard des 33 millions de contrats existant en France. Cet objectif vise de fait les personnes concernées par le sujet, 150 000 étant approximativement le nombre d’adhérents français au WWF et à Greenpeace. La progression récente est plutôt encourageante : l’entreprise est déjà passée de 10 000 à 15 000 clients en une année à peine. Des collectivités importantes telles que Besançon, Montreuil ou L’Ile-Saint-Denis souscrivent des contrats, rejoignant ainsi la vingtaine de villages historiquement clients (Trémargat, Loosen-Gohelle…). Enercoop a fait 8,7 millions d’euros de chiffre d’affaire en 2012 (+ 50% ces deux dernières années) et est à l’équilibre depuis quatre ans. | hors-série n°2 |

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Et si je

(co-)construisais mon éolienne ? texte : Jean-claude mengoni /photos : Éléonore henry de frahan

Le petit éolien concourt à la création d'un réseau citoyen de l'énergie. Kaizen a suivi un stage de fabrication d'une éolienne dans la Drôme.

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énergie

L

a transition énergétique passera par le déploiement d'un bouquet d'énergies renouvelables, nous en sommes maintenant conscients. Mais audelà de l'objectif prôné par l'Union Européenne et la France (passage progressif à une économie à faibles émissions de carbone), beaucoup militent pour une relocalisation de l'énergie.

Troisième révolution industrielle

Depuis 70 ans, l'énergie demeure, en France, l’apanage de deux grands opérateurs, EDF et GDF-Suez. Les deux entreprises, dans lesquelles l’État est aujourd'hui encore actionnaire, jouissent d'un quasi-monopole qui ne favorise pas l'émergence des énergies renouvelables et ne permet pas aux citoyens ou aux collectivités locales de choisir leur destin énergétique. Comme l'explique Jeremy Rifkin dans son livre La troisième Révolution industrielle, notre société doit prendre le chemin d’une démocratisation de l'énergie, passer d’un pouvoir centralisé vertical – le modèle actuel – à un pouvoir latéral, où chacun sera autorisé à produire son énergie et à la partager dans un grand réseau intelligent. Les bâtiments à énergie positive sont une des mille facettes de la révolution en cours. Le petit éolien concourt à cette mutation.

Ils ont construit une éolienne en 5 jours

La construction d'une éolienne est un ensemble d'actes techniques extrêmement précis et assez compliqués si l’on n’a pas bénéficié d’une formation préalable. Nous avons suivi un stage organisé par l'association Tripalium : récit de 5 jours de travail collaboratif. Il règne chez Elisabeth Girardin, notre hôte, installée dans un vallon un peu féérique aux abords de Crest (26), une ambiance de légère décroissance. Plusieurs stagiaires ont pour projet la création de lieux de vie collectifs, autonomes en énergie. Quelques-uns complètent leur formation, tel Julien qui poursuit des études d'architecte, ou Noé qui termine un DUT en Génie thermique et énergie. La plupart envisagent d'installer une éolienne dans leur jardin. Notre formateur se nomme Jay Hudnall. Son accent et son humour très british surprennent au départ,

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Énergie Partagée,

choisir ensemble l'énergie de demain textes : Barnabé Binctin / Photos : Énergie Partagée

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énergie

Énergie Partagée, fonds d'investissement citoyen consacré à l'énergie, offre la possibilité à chacun de s'engager concrètement dans la transition énergétique. Démonstration à travers un projet d'énergie solaire photovoltaïque en Normandie.

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Bourguébus, petite commune rurale du Calvados (14), seuls les petits nouveaux ont ouvert de grands yeux en pénétrant dans la cour de récréation lors de la nouvelle rentrée de septembre. Les autres, enseignants, parents et élèves, sont désormais habitués à cette école à la toiture pas tout à fait comme les autres. Depuis août 2012, le bâtiment scolaire est en effet recouvert de panneaux photovoltaïques. Ce projet, effectif depuis plus d'un an et officiellement inauguré le 18 mai dernier, est le premier aboutissement d'Énergie Partagée, fonds d'investissement solidaire exclusivement consacré aux énergies renouvelables.

Quand la pluralité fait la force A l'origine du projet se trouve un petit groupe de citoyens, motivés pour reposer la question du modèle énergétique sur leur territoire. Dans une Basse-Normandie marquée par l'histoire du nucléaire – la centrale très controversée de Flamanville doit y accueillir le premier EPR troisième génération du pays – ils sont quelques-uns à s'organiser. Valérie Haelewyn en fait partie : « Nous avions envie de développer autrement notre territoire. S'attaquer à l'énergie, c'était un moyen de se réapproprier l'espace dans lequel nous vivons tout en préparant l'avenir de nos enfants ». L'idée prend forme d'agir à un niveau intercommunal, en mêlant acteurs privés – associations, citoyens et entreprises et acteurs publics, dans le cadre d'un grand projet collectif. Très vite, trois écoles sont identifiées sur le territoire de Plaine Sud de Caen, une communauté de communes de 8 500 habitants. En juin 2011, grâce au soutien précieux, dès l'origine, de l'ARDES1, l'association prend le statut de SCIC (voir note ci-dessous) : Plaine Sud Énergie est née.

S’attaquer à l’énergie, c’était un moyen de se réapproprier l’espace dans lequel nous vivons | hors-série n°2 |

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Les éoliennes "publiques", situées à 1km du centre, sont la nouvelle fierté des habitants de Montdidier

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énergie

Montdidier,

commune à énergie

positive textes / photos : Pascal Greboval

Commune de 6500 habitants, Montdidier est le laboratoire de la transition énergétique en France. Bois, solaire, éolien, tout est testé dans cette sous-préfecture picarde. Reportage. Une idée en marche Tout commence en 2001. Fraîchement élus à la tête de la municipalité, Catherine Quignon et son équipe s’inquiètent des factures d’électricité de la ville. Ils s’interrogent aussi sur l’avenir de la régie communale, une spécificité locale (voir encadré). Le conseil municipal diligente différentes études : un bilan thermique des bâtiments municipaux montre que ce sont « de vraies passoires énergétiques ». De son côté l’Ademe propose de valoriser les déchets forestiers des bois avoisinants, la partie noble des arbres partant en scierie ou en papeterie. Le maire inscrit alors Montdidier dans une démarche de « Ville pilote ». La Signature en 2005 d’un accord-cadre entre la ville, la région, l’Ademe et la régie communale de Montdidier concrétise le projet. Celui-ci repose sur trois piliers : la sensibilisation des citoyens à la maîtrise de l’énergie, le renforcement de l’isolation des bâtiments publics et privés et la diversification de la production énergétique locale. La création d’une chaufferie à bois en 2008 sera la première étape de cette diversification. D’une puissance de 1.6 Mégawatt elle consomme 2000 tonnes de bois à l’année, issu d’un rayon de moins de 35 km à la ronde. Branchée à un réseau de chaleur de deux kilomètres, elle alimente le chauffage central de l’hôpital, différentes écoles ainsi qu’un gymnase. C’est ensuite l’éclairage public qui est repensé : les lampes

à mercure, très consommatrices, sont remplacées par des modèles à vapeur de sodium et des réducteurs de puissance sont installés. Pour compléter la démarche, en 2010, la mairie installe quatre éoliennes de 2 MWh chacune. « Les tests effectués indiquaient des résultats moyens (6 mètres/seconde), se souvient Benjamin Sauval, chargé de mission de la régie, mais ils semblaient suffisants pour envisager un investissement ». Dans le même mouvement, un parc de 1200 panneaux photovoltaïques est implanté sur la commune.

Un cercle vertueux Des panneaux solaires, des éoliennes, rien de nouveau ! Certes, ces éoliennes ressemblent à toutes les autres, pourtant ce parc éolien est révolutionnaire : il appartient à la commune, une première en France où jusqu’à présent les éoliennes sont la propriété de développeurs (fonds de pension, société privés etc.). « Ces installations ont pu être implantées grâce à la région et à l’Europe », reconnaît le maire de Montdidier. Sur un coût global de 13 millions d’euros (éoliennes et chaufferie), la moitié a été financée par les collectivités, ce qui pose la question de la reproductibilité du schéma. L’initiative interroge la relation public-privé dans la production de l’énergie mais permet avant tout la mise en place d’un cercle vertueux, cher à Catherine Quignon. « Grâce à ces éoliennes, nous avons réalisé

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Occupation du parvis de la Grande Arche de La Défense (92) par le mouvement des "indignés" à l’instar d’ « Occupy Wall Street ». Environ 500/600 personnes ont tenté d'installer un campement avant d'être délogés par les forces de l'ordre. 4 Novembre 2011. Le temps très froid et pluvieux de l’hiver 2011 eut raison des plus motivés mais l’occupation du Parvis dura 7 semaines. © J Cédric Faimali / Collectif Argos

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Tour de France

en Transition photos : collectif Argos

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© Patrick Lazic

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Habitat

(même électriques !) n’est plus une option dans une réalité où les émissions de gaz à effet de serre doivent être jugulées, l’énergie et les ressources naturelles économisées. Il nous faut donc réorganiser nos territoires et nos habitats. Créer de véritables bassins de vie où les produits essentiels sont accessibles à tous par des transports doux. Construire ou rénover les logements de demain en limitant notre empreinte écologique et en optimisant nos performances énergétiques, comme l’illustrent l’écoquartier de Grenoble et Terra Cités. Repeupler nos campagnes. Désengorger Paris et autres mégapoles. Donner un toit à tous, repenser toutes les mixités et faire en sorte que l’urbanisme et les logements nous aident à vivre ensemble, nous le verrons à travers l’exemple de Nantes. Enfin, réconcilier ville et campagne, nature et culture, pour organiser des lieux qui nous rendent tout simplement heureux… 1

3% de paysans aujourd’hui contre près de 50% dans les années 1930.

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A

u cours des dernières décennies, l’inspiration des banlieues américaines a façonné nos campagnes françaises, faisant fleurir des centaines de milliers de pavillons de banlieue dans de mornes zones périurbaines, provoquant un étalement urbain aussi laid qu’anarchique. Dans ces centres urbanisés toujours plus vastes s’est entassée près de 70% de la population, désertant peu à peu des campagnes où les exploitations n’ont cessé de grandir et le nombre de paysans de diminuer1. Dans ce monde-là - notre monde ! - la voiture règne en maître, supplantant transports en commun et autres transports doux. C’est avec elle que les familles arpentent les zones commerciales périphériques, les no man’s lands où s’alignent des hangars de toutes sortes, offrant aux homo consumerus que nous sommes de quoi assouvir leurs innombrables pulsions d’achat. Mais ce modèle ne pourra perdurer. D’une part, la pression démographique combinée à la dégradation de nos écosystèmes nous impose de cesser l’artificialisation des espaces naturels. De l’autre, le tout-voiture


Terra Cité

Le Bâtiment, autrement texte : Pascal Gueugue / photos : terra cités

Une véritable transition de l’habitat suppose une mutation des opérateurs immobiliers. Rencontre avec Terra Cités, entreprise écologique et citoyenne.

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habitat

Repenser le schéma de l’habitat Terra Cités est un créateur et développeur de programmes d’habitat pour le public et le privé. « Dans notre secteur, dominé par quelques opérateurs immobiliers de grande taille, il existe un fonctionnement établi qui semble immuable, explique Esra Tat, codirigeante de l’entreprise. Or si l’on veut aborder la question du logement sous un autre angle (prix maîtrisés, question environnementale, liens entre habitants), il nous faut aller vers d’autres schémas. » L’objectif est de faciliter l’accès à un habitat abordable et respectueux de l’environnement dans un cadre social et urbain complexe. « Nous optons pour une démarche transversale ; bien avant le premier coup de crayon, nous réunissons tous les intéressés autour de la table architectes, bureaux d’études, associations, représentants d’usagers, acteurs publics ». Une phase lourde qui permet de délimiter des programmes cohérents et utiles au quartier, et de prioriser les axes de travail. Cette étude préalable fait ressortir des problématiques spécifiques ultra-locales, pouvant s’insérer dans le projet futur.

Un habitant éco-responsable Partant du principe que l’habitat doit devenir plus écologique (il est notamment responsable de 20% des émissions de GES et le chauffage est l’un des secteurs les plus énergivores), les fondateurs de Terra Cités ont abordé la question de l’usage : comment globaliser la démarche de l’écoconstruction en responsabilisant les futurs habitants ? L’équipe consacre beaucoup de temps à leur expliquer qu’un bâtiment est un élément vivant, qui évolue au gré du climat et de l’atmosphère ; elle tâche de leur transmettre les règles du bon propriétaire et du vivre ensemble. Comme le rappelle Esra Tat, « nous préférons investir 1 euro supplémentaire dans la formation des habitants aux économies d’énergies qu’1 euro supplémentaire dans la performance énergétique, car la question de l’usage du bâtiment est essentielle ». Ce qui n’empêche pas Terra Cités d’être à la pointe de la construction écologique : des performances énergétiques maximum qui vont au-delà du label BBC1 (approche bioclimatique, démarche négaWatt visant à ne produire que l’énergie nécessaire…), démarches environnementales optimisées (utilisation de matériaux naturels ou recyclés à faible impact environnemental, énergies renouvelables, circuits courts, chantiers propres, utilisation raisonnée de l’eau, traitement des déchets…) et une

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Chaque appartement dispose d'un balcon, d'une terrasse orientĂŠe plein sud

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habitat

Habitat participatif Babel Ouest, une mini-tour maxi-citoyenne texte / photos : Pascal Greboval

Et si on vivait ensemble chacun chez soi ? L’habitat participatif peut donner forme à cet oxymore. Il permet de réduire les coûts, de s’entraider, de construire une bulle de bienveillance pour se sentir en paix. Visite à Babel Ouest…

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uelques pas après la porte d’entrée, une petite estrade fait face au visiteur. « Nous venons de l’acquérir dans une ressourcerie, commente Renaud. Ici, sous le préau, se produisent ceux de nos amis qui ont des âmes d’artistes. Le temps d’un conte, d’un concert, d’une représentation théâtrale, ils peuvent s’exprimer devant un public acquis d’avance : nous et nos proches. » Bienvenue à Babel Ouest, temple du « vivre ensemble » joyeux. Dans leur jeunesse, plusieurs membres de ce groupe d’amis avaient connu la colocation. Passé la cinquantaine, à l’approche de la retraite, ils aimeraient retrouver un mode de vie collectif, le confort et l’intimité en prime. Tous très engagés dans la vie de la cité, ils souhaitaient que leur projet repose également sur des valeurs fortes : solidarité, convivialité et écologie. L’habitat participatif répondait à leurs aspirations. Cette formule offre à un groupe la possibilité de construire et gérer un lieu d’habitation où s’articulent des parties privées et communes. Faut-il rappeler que cette façon de vivre ensemble n’est pas neuve en soi ? Depuis toujours l’homme a organisé sa vie en groupe, s’est naturellement constitué en bandes. Celles-ci permettaient de se défendre des agressions extérieures. Quelques exemples symboliques jalonnent notre histoire et illustrent ce besoin naturel de communauté : au Xème siècle en France se forment les commu-

nautés taisibles, des exploitations agricoles non régies par des actes écrits, d’où leur nom (« tacites »). Elles regroupent des familles élargies, collectivement propriétaires du lieu. A la même époque en Chine, dans la province du Fujian, les Hakkas construisent les remarquables Tulou, de grandes bâtisses en terre de plusieurs étages, aménagées autour d’une cour centrale. Ces habitats regroupant plusieurs clans pouvaient abriter jusqu’à 800 personnes. Au XIIème les « béguinages » rassemblent des communautés de femmes seules partageant des valeurs identiques. C’est dans les années 1970, en Europe du nord, pour contrecarrer l’individualisme grandissant, que naît le concept d’habitat participatif dans sa forme contemporaine. Au centre des préoccupations des premières familles, le souhait d’élever leurs enfants dans les meilleures conditions, de mener une vie plus solidaire, fondée sur l’entraide et le partage des tâches répétitives (repas pris en charge à tour de rôle, libérant du temps aux femmes en particulier).

Un programme pour tous Aujourd’hui cette forme d’habitat gagne encore en intérêt. A Nantes, la municipalité qui ne fit aucun effort pour accompagner le projet Babel Ouest réalise depuis peu à quel point un tel schéma de vie offre une transition

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Ecoquartier, laboratoire des futures VILLES DURABLES

texte : Aude Raux / Photos : Patrick Lazic

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Situé en plein cœur de Grenoble, l’écoquartier de Bonne, construit entre 2005 et 2010, est le premier à avoir vu le jour en France. Une source d’inspiration pour la ville durable de demain ?

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© Cédric Faimali

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Économie

livres, films, articles, l’ont désormais documenté, notamment l’excellent « Goldman Sachs : la Banque qui dirige le monde », documentaire diffusé sur Arte en septembre 2012. Cette concentration de pouvoirs, conférée par la privatisation de la création monétaire, est non seulement une grave atteinte à nos démocraties, mais elle pourrait provoquer la faillite de nos économies et même de nos Etats. Réinventer l’économie est donc indispensable autant que complexe. Les pistes sont nombreuses pour y parvenir : citons l’économie circulaire (zéro déchets), localisée, de fonctionnalité (acheter l’usage et non plus le produit), sociale et solidaire, coopérative… AnneSophie Novel, auteur de Vive la co-révolution et de La vie share nous en donne un bon aperçu dans les pages qui vont suivre. Mais il est non moins indispensable de repenser les banques (nous le découvrirons avec la Nef), la création monétaire (exemples à Toulouse et à Villeneuve-sur-Lot) et même l’entreprise (voir le cas de Biocoop). Voyage en économie à hautes valeurs écologique et humaine ajoutées.

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© Patrick Lazic

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’économie est devenue folle. C’est à peine si ce marché globalisé, mondialisé, où 97% des transactions sont spéculatives, peut encore être appelé économie. Plus question de bonne gestion de la maison (littéralement oïkos nomos, étymologie du terme « économie »), mais de casino géant où les ressources sont pillées et les humains asservis, sacrifiés sur l’autel du consumérisme et de l’optimisation des profits. Le constat peut paraître caricatural, gauchisant ; où il aurait pu paraître tel il y a encore dix ans. Difficile aujourd’hui de renier cet état de fait, quelle que soit notre opinion politique. Oui, nous sommes devenus prêts à tout (ou presque) pour acheter moins cher toutes sortes de produits, même s’il faut pour cela que d’invisibles travailleurs étrangers le paient de leur dignité ou même de leur vie. Oui, cette boulimie matérialiste, dopée par la publicité et l’obsolescence programmée, est en train d’épuiser nos ressources à un rythme étourdissant, décimant les espèces par milliers. Oui, le secteur financier et les banques privées sont devenus, en trois décennies, les véritables détenteurs du pouvoir politique et économique. De nombreux



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économie

pistes pour l’économie de demain texte : Anne-Sophie Novel / photo : Eléonore Henry de Frahan

Notre économie, tout comme notre modèle énergétique ou notre agriculture, doit vivre sa transition. A quoi pourrait ressembler celle de demain ? Découvrons un panorama des modèles qui réinventent nos sociétés.

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La Nef :changer la

banque

texte : Barnabé Binctin / Illustrations : Le Cil Vert

Vouée à financer des projets écologiques et sociaux, la Nef a réinventé le métier de banquier. La progression constante de son volume d’activité doit ouvrir la voie à une nouvelle ère, celle de la banque éthique.

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ans le grand univers de la finance ravagé par la crise bancaire de 2008, l’histoire de la Nef ressemble à un conte de fée. Elle est pourtant bien réelle et préexistait à de nombreux chocs économiques : voici 25 ans que la Nef propose une autre façon de faire de la banque, alors même que le modèle – malgré de lourdes séquelles – continue d'évoluer suivant les règles qui l'ont conduit à l'effondrement. Le secteur bancaire incarne cette idée d'ordre immuable, voire immanent. Aussi quand en 1988 l'Association de la Nouvelle Économie Fraternelle, créée 10 ans plus tôt, reçoit un agrément de la Banque

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de France pour collecter l'épargne et dispenser des crédits, les voisins de la finance font les yeux ronds. Et pour cause : comparer la Nef aux banques traditionnelles revient à jouer au jeu des différences...

1ère différence : le statut - une banque qui n'en est pas vraiment une La Nef obéit à toutes les contraintes et obligations réglementaires d'une banque, mais elle n'en est pas officiellement une : elle ne propose pas de comptes courants et ne peut pas gérer de dépôts d'épargne à moins de 2 ans. Elle revêt aujourd’hui le statut juridique de « Société Financière », ce qui n'est pas sans poser un problème de dénomination : « Légalement nous ne sommes pas une banque mais simplement un établissement bancaire. Nous nous présentons comme une coopérative bancaire » explique ainsi Amandine Albizzati, responsable des relations institutionnelles. L’aventure est parrainée dès le début par le Crédit Coopératif, qui deviendra par la suite l’établissement d’adossement de la Nef. Grâce à cette tutelle, les sociétaires de la Nef ont donc pu ouvrir des comptes courants, siglés Nef, auprès du Crédit Coopératif.


économie

Il s'agit de remettre la finance au service de la société, de ses projets et de ses innovations, dans les domaines écologique et social 2ème différence : l'outil - une banque à l'écart du jeu de marché La Nef se pense comme une banque dans la mesure où elle utilise depuis ses débuts les outils de la finance : l’épargne et le crédit. La différence avec les autres banques ? Elle n'en fait pas davantage : elle ne s’engage pas sur les marchés financiers, ne s'y refinance pas en tentant des placements particuliers et ne tombe pas dans le jeu de la spéculation.

3ème différence : la finalité une banque au service de la transition Redonner du sens à l’argent en lui permettant de financer des projets qui en ont également. Telle est la valeur fondatrice de la structure, qui s’est d’abord créée en réponse à « un besoin d’outils financiers pour des projets alternatifs innovants ne trouvant pas de soutien dans les réseaux bancaires ». Il s'agit de remettre la finance au service de la société, de ses projets et de ses innovations, dans les domaines écologique et social. Symboliquement, le premier projet financé par la Nef

en 1980 est ainsi l’installation d’une exploitation agricole en biodynamie. Depuis, la moitié de l’activité de crédit de la Nef a été consacrée à la filière de l’agriculture biologique et biodynamique.

4ème différence : la vocation - une banque qui responsabilise le citoyen Amener les citoyens à prendre conscience de l’utilité de leur argent est une des missions de la Nef. Pour cela, elle se réapproprie la vocation originelle du métier de banquier, celle d’intermédiaire. Elle fait le lien direct entre les épargnants et les porteurs de projets, à partir de la collecte d’épargne. Ce modèle d’intermédiation implique une autre différence majeure.

5ème différence : la transparence - une banque qui publie ses placements Afin d’informer ses sociétaires quant à la destination de leurs dépôts, la Nef publie chaque année la totalité de ses prêts, diffusant la liste des entreprises qui en ont bénéficié ainsi que leurs coordonnées. Pour l’année 2012, chacun des sociétaires peut vérifier l’utilisation

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RÉINVENTER

la MONNAIE texte : Aude Raux

© Fanny Dion

En ces temps de crise financière, les initiatives de création de monnaies locales complémentaires se multiplient, participant au mouvement de transition économique.

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Entreprise coopérative ème

du XXI

texte : Cyril Dion / Photos : Fanny Dion

siècle

Aujourd’hui plus grand réseau de supermarchés bio en France, Biocoop est peutêtre en train d’inventer, avec de vieilles recettes, l’entreprise de demain…

Les deux Biocoop « Le retour à la Terre » dans le 5ème et le 9ème arrondissement de Paris emploient près de 50 salariés. Plus de 150 petits producteurs y sont référencés.

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économie

«

L’une de nos spécificités est d’avoir fait travailler ensemble des acteurs aux intérêts divergents : les producteurs et les magasins. Et ce n’est pas une mince affaire tous les jours ! » s’exclame Claude Gruffat, président de Biocoop. Pour permettre ce travail collectif, la gouvernance de la coopérative s’organise en quatre collèges : - deux collèges coopérateurs : les 1400 producteurs réunis en 10 groupements et les 340 magasins indépendants ; - deux non-coopérateurs (mais partie prenante des décisions) : les quelque 800 salariés et les clients via 4 associations de consommateurs. Tous ces membres de l’écosystème Biocoop participent ainsi à élaborer un projet commun : les producteurs qui ont intérêt à vendre le plus cher possible, les magasins qui ont intérêt à acheter bas et à vendre haut et les clients qui recherchent bien souvent le plus bas prix. Comment les satisfaire tous ?

Une chaîne de valeur L’intention est de créer une chaîne de valeur où tout le monde trouve son compte. La coopérative passe des contrats avec des producteurs et des transformateurs, planifiant des années à l’avance les quantités et la nature des aliments à produire ou à transformer. Ainsi les prix sont lissés et stabilisés sur une longue période pour les magasins. De leur côté, les producteurs et transformateurs sont assurés de disposer d’un débouché important à moyen et long terme hors des fluctuations du marché. Cette politique a permis aux groupements de producteurs de Biocoop d’élaborer le premier cahier des charges du commerce équitable Nord-Nord, donnant naissance à la gamme Ensemble, Solidaires du producteur au consommateur. Et de constituer des filières bio sur les territoires, profitant à d’autres acteurs que Biocoop. Les clients disposent alors de produits locaux, bio et à un prix juste pour tous. « Le prix est d’abord une valeur avant d’être un coût, poursuit Claude Gruffat, et c’est à nous d’expliquer aux consommateurs ce qu’il représente. Acheter chez

L’une de nos spécificités est d’avoir fait travailler ensemble des acteurs aux intérêts divergents : les producteurs et les magasins. Biocoop une carotte maraîchère est différent d’acheter une carotte industrielle qui vient d’un champ de 150 hectares en monoculture depuis 5 ans. » Les salariés ou la collectivité ne sont pas oubliés : 1/3 des bénéfices revient à la société civile par l’impôt, 1/3 aux salariés et 1/3 est réinvesti dans l’entreprise, dans laquelle est cultivée une certaine équité avec une échelle de salaire allant de 1 à 3,5 et où la rémunération la plus basse est supérieure au SMIC de 10%.

Un projet politique Mais ce qui soude avant tout ces différents acteurs, c’est le projet « politique » de Biocoop : la vision de société que l’entreprise souhaite contribuer à développer. C’est sur elle que le Conseil d’Administration s’appuie lorsqu’il lui faut arbitrer des différends entre coopérateurs ou défendre une décision très contestée, comme la récente modification de la politique tarifaire, qui oblige les magasins à se fournir à plus de 75% auprès de la centrale Biocoop (donc les producteurs coopérateurs) pour bénéficier de tarifs préférentiels. Une vraie mesure de solidarité pour les uns, une décision qui prive les magasins de leur liberté pour les autres. Ce projet de société est élaboré, pour sa partie agricole, en partenariat avec les membres de la Fédération Nationale des Agriculteurs Biologiques (FNAB). Il s’agit de développer en France une agriculture biologique de proximité, paysanne, avec des exploitations à taille humaine en polyculture, favorisant la biodiversité. Mais il s’agit aussi de réinventer le modèle de la distribution en France, tenu par les grandes enseignes et leurs centrales d’achats. « La distribution de masse

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© Fanny Dion

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«

Nous enseignons la conscience de notre temps » dit Jérémy Rifkin que nous citions dans Kaizen 3. A nouveaux temps, donc, nouvelle conscience et nouvelle éducation. D’un modèle fondé sur la compétition, la formation à la performance, nous avons besoin de construire un système axé sur la coopération, l’épanouissement. D’une société où règne encore trop souvent la violence éducative ordinaire, la différence de valeur accordée à un enfant par rapport à un adulte, d’une femme par rapport à un homme, nous avons besoin de faire émerger une société où la bienveillance et l’équité sont la normalité. L’enfance est le moment où se forment les perceptions du monde, où se construit la relation aux autres, à la société, la confiance et l’estime de soi, la capacité d’empathie. L’éducation a pour vocation d’accompagner les enfants à devenir des êtres libres, responsables, à connaître et à respecter les autres et la nature, à trouver leur juste place dans la société, fidèles à leurs aspirations et à leurs talents.

Pour cela nous devons nous réinventer nous-mêmes et réinventer l’école. Sur le sujet, la France est particulièrement chatouilleuse. Le Mammouth, comme nous avons coutume d’appeler l’Éducation nationale, n’est pas système à se transformer aisément. Pourtant il lui faudrait rapidement intégrer les éléments nécessaires à la formation des citoyens du XXIème siècle. Pour y parvenir, il lui faudra également mieux traiter, former, accompagner ses enseignants. C’est dans ces directions que l’école du colibris et Living School ont expérimenté en dehors du système d’Etat, tout en tâchant de transmettre leurs découvertes par le biais de formations aux enseignants. Des mouvements tels que le printemps de l’éducation s’engagent dans cette voie pour fédérer acteurs associatifs, acteurs institutionnels et parents. Car l’éducation n’est évidemment pas l’apanage de l’école mais de la société tout entière, ainsi que l’explique Philippe Meirieu.

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Une école à murs ouverts texte : Cyril Dion / Photos : Eléonore Henry de Frahan

Qu’est-ce qui manque le plus aux adultes et que l’école pourrait transmettre aux enfants ? Selon Isabelle Peloux : la capacité à coopérer…

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Éducation

A

l’époque où Isabelle Peloux est formatrice auprès de futurs professeurs des écoles et d’équipes enseignantes au centre de formation pédagogique de Lyon1 , elle constate que les questions concernant les aspects relationnels reviennent en permanence. « C’est particulièrement avec les parents d’élèves que les enseignants craignaient d’éprouver des difficultés à établir un lien » témoigne-t-elle. La gestion des conflits et la communication dans les groupes s’avèrent aussi des objets de préoccupation majeurs, tout comme la pédagogie. Lorsqu’elle décide de créer l’école du colibris au sein du centre agroécologique des Amanins (voir Horssérie n°1), elle choisit de s’atteler prioritairement à deux sujets : la pédagogie et les relations humaines. Dans une classe unique de 35 élèves allant du CP au CM2, elle anime un vrai petit laboratoire de recherche, accompagnée par deux enseignants en formation.

APPRENDRE À APPRENDRE D’après Isabelle Peloux, l’instruction est la première mission de l’école ; elle servira ensuite de base à la socialisation et à l’apprentissage du vivre ensemble. Il est donc nécessaire de revisiter la façon dont les savoirs sont intégrés. L’un des leitmotivs de l’école du colibris dans ce domaine est « apprendre à apprendre », rôle principal de l’école élémentaire. « Pour apprendre il faut avoir un projet, expliquet-elle, sinon on ne peut pas mettre sa mémoire en route. D’où l’importance de donner du sens aux apprentissages. Si l’enfant ne sait pas à quoi cela va lui servir, il va avoir beaucoup de difficultés à retenir. » Le projet peut être la fabrication d’un objet, la réalisation d’une exposition ou plus simplement restituer la leçon que l’enfant est en train d’étudier. Cette mise en perspective est enrichie par le fait que l’école se trouve sur un site totalement écoconstruit où il est possible d’expérimenter : la ferme permet de découvrir comment cultiver, s’occuper des animaux, faire du pain ou du fromage ; les bâtiments, les panneaux solaires, l’éolienne, sensibilisent aux questions de l’habitat, de l’énergie, de l’eau… 1

Equivalent de l’IUFM pour les écoles privées.

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living school :

Devenir éco-citoyens texte : Cyril Dion / Photos : Fanny Dion

Qui ne s’est jamais dit en découvrant des solutions à nos problèmes écologiques, sociaux ou économiques : « On devrait apprendre ça à l’école » ? Vous en avez rêvé, Living School l’a fait…

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Éducation

L

’histoire commence dans une entreprise de jeux vidéo où la jeune Caroline Sost, diplômée d’une grande école de commerce, décide de donner une nouvelle orientation à sa vie. En plein bouleversement intérieur, elle s’engage dans une formation nouvelle : un Master pour le Développement du Leadership Ethique. Le programme dure trois ans et s’ouvre sur un constat de l’état du monde : dégradation écologique, pauvreté, malnutrition, crise économique… Caroline tombe de haut. Elle s’intéresse alors particulièrement à l’éducation à travers le monde et, là non plus, les indicateurs ne sont pas brillants. « Je ne pouvais plus faire comme si ça n’existait pas » se souvient-elle. Plutôt que de déplorer la situation, elle monte un projet d’école alternative qui lui semble répondre aux deux grands besoins de la génération à venir : réparer la planète et les humains. Depuis plusieurs années elle est très investie dans ce champ : bénévole durant quatre ans en centre social, où elle proposait du soutien scolaire aux enfants de Belleville (Paris) et remplaçante dans des écoles privées catholiques, elle parfait son expérience avec une maîtrise en sciences de l’éducation. Living School naît à Paris dans le 19ème, en septembre 2007, grâce à quelques investisseurs que la jeune femme inspire par sa détermination et son enthousiasme. Le projet est axé sur la formation à l’écocitoyenneté et au « savoir-être » (la capacité à vivre en harmonie avec soi et les autres). En complément, l’école propose une formation bilingue basée sur des cours en anglais (dispensés par des anglophones) pendant la moitié de la journée. Autour de cette colonne vertébrale s’organisera tout le programme traditionnel.

APPRENDRE À SE SENTIR BIEN Peu à peu les pièces se mettent en place. Côté épanouissement personnel et relationnel, Caroline introduit des éléments de la communication nonviolente (CNV) et de la psychologie de l’évolution. Le travail consiste à faire prendre conscience aux enfants de leurs qualités - leur potentiel - et dans le même temps, d’arriver à gérer leurs émotions, sans s’identifier à elles. Lorsqu’un enfant se laisse déborder par la colère ou le ressentiment, il peut aller décharger ses émotions sur le punchingball ou le coussin de colère et se recentrer en respirant, méditant ou en prenant soin du petit jardin zen.

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Etre heureux… texte : Cyril Dion / Photos : Fanny Dion

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conclusion

Et maintenant ? Que faire ? Toutes les initiatives décrites dans ce hors-série sont essentielles. Non seulement elles apportent des réponses concrètes aux questions de la biodiversité, du dérèglement climatique, des crises économiques et financières, de l’épuisement des ressources, du chômage, etc., mais elles sont en outre portées par une autre vision du monde. Pourtant, il n’est pas toujours aisé de voir comment les mettre en pratique. Alors, par où commencer cette fameuse transition ?

Bienvenu dans l’ère de la complexité Nous avons construit un monde d’une extrême complexité. L’enchevêtrement des causalités y est vertigineux. Le jean que nous achetons innocemment est directement relié aux travailleurs exploités du Bengladesh, s’échinant dans des usines susceptibles de prendre feu ou de s’effondrer, la tomate que nous attrapons sans y penser au supermarché a peut-être été ramassée par des sans papiers payés une misère et logés dans des cahutes branlantes au fin fond de l’Almeria, le bois de nos meubles, de nos livres vient peut-être de forêts primaires, notre gel douche, notre liquide vaisselle, qui s’écoulent dans l’évier auront un impact direct sur l’eau de nos rivières, sur les animaux et végétaux qui y vivent… Et nous pourrions continuer cette énumération sans fin. Devant une telle pelote inextricable et face à des enjeux aussi énormes que le dérèglement climatique ou l’effondrement de la biodiversité, nous pourrions être tentés de renoncer. Pourtant, si les choses marchent dans un sens, elles marchent aussi dans l’autre…

La voie du Kaizen L’idée du Kaizen est que les plus grandes transformations commencent par un petit pas. Cette théorie, aujourd’hui appliquée en entreprise, dans la psychologie ou l’industrie, est née de la deuxième guerre mondiale. A l’époque où les Américains ont dû se mobiliser pour totalement réorienter leur économie en vue de la guerre contre les nazis. Le temps était court et il était impossible de mettre en place de grandes mesures structurelles. Il a alors été demandé à chacun de faire le

maximum, là où il était. Des petits pas. Et en quelques mois, le paquebot a viré de bord. Chaque geste que nous faisons a un impact considérable dans la toile de notre monde relié et globalisé. Il faut deux centrales nucléaires pour alimenter en énergie l’ensemble des appareils en veille dans les foyers français. Aucune mesure structurelle ne peut apporter de réponse définitive à cette réalité sinon… nous ! Changer de fournisseur d’électricité, changer de banque, choisir l’endroit où nous faisons nos courses et les produits que nous achetons, placer un peu de notre épargne pour permettre à des paysans bio de s’installer ou à des sources d’énergies renouvelables de se développer, éduquer nos enfants dans une conscience nouvelle, éviter d’acheter à chaque fois que nous le pouvons, recycler, réparer, composter, sont autant de petits pas qui, additionnés, ont un impact considérable. A trop les négliger, nous nous privons d’une transition culturelle douce, silencieuse, peu spectaculaire certes, mais très puissante. Il ne s’agit pas forcément de faire plus, de mobiliser nos soirs et week-end, mais de faire mieux, dans une conscience nouvelle. De donner du sens à chacun de nos actes.

Vers la sobriété heureuse Voilà une série de premiers pas. Mais qui ne peuvent être durables que si nous construisons le socle qui les alimentera en carburant : notre épanouissement, notre satisfaction, notre bonheur. Si notre monde est malade de sa folie consumériste, de sa volonté sans limite de conquête et de domination, l’antidote est sans doute à trouver en nousmêmes. Consacrer moins d’énergie à tout ce qui est matériel et d’avantage à notre intériorité. A faire le calme, à contempler, à créer, à profiter pleinement des moments partagés, à cultiver nos talents, à apprendre à faire chaque jour ce qui nous passionne le plus, à être utile aux autres… Des êtres humains frustrés, malheureux, blessés auront beaucoup de mal à construire un monde apaisé, équitable, radieux. Alors, la transition est peut-être d’abord notre transition personnelle, vers une forme de sobriété heureuse. Pas à pas…

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Afin d’encourager cette dynamique, nous créons aujourd’hui, le Collectif pour une Transition Citoyenne. Plus que jamais nous croyons indispensable « d’être ce changement que nous voulons pour le monde », individuellement et collectivement. N’attendons pas le changement. Prenons notre avenir en main, maintenant. Ces initiatives pionnières, ont fait leurs preuves. Si nous le voulons, elles pourront construire en quelques décennies, une société radicalement nouvelle, partout sur la planète. Déclaration complète sur : http://www.festival-transition.coop/ collectif-transition/

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