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LES ARBRES, LE NOUVEAU LUXE DES JARDINS ET DES PARCS DE CHÂTEAUX

Qu’il s’agisse de spécimens anciens ou de variétés extrêmement rares, ces arbres coûtent, pour la plupart, des dizaines de milliers d’euros.

Oubliez les œuvres d’art et la haute couture. Place aux «trophy trees», ces arbres convoités pour leur prestige. Rencontre avec la société belge Arbor, qui livre des spécimens exceptionnels dans le monde entier pour embellir les jardins et les parcs des châteaux.

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elui-ci est en route vers la Suisse», nous explique Michael Van Dyck, patron de la pépinière Arbor, en pointant du doigt la semi-remorque que nous croisons sur notre chemin. Alors qu’il conduit d’une main sa Mercedes G-Wagon pour la diriger vers l’intérieur de la cour, nous voyons un autre arbre empaqueté passer devant nous. «Et ceux-là – sa main pointe le côté droit de la cour– ils vont à Bordeaux, dans un domaine viticole».

Arbor, c’est «the place to be» pour ceux qui sont à la recherche d’une «pièce de résistance» en vue d’enjoliver leur jardin ou le parc de leur château. C’est la plus grande pépinière de Belgique et l’une des rares pépinières à proposer des grands arbres en Europe. Ces arbres, également appelés «trophy trees» - puisqu’ils per- me ent à leurs propriétaires de parader- sont en passe de détrôner les piscines à débordement et les statues de bronze. Qu’il s’agisse de spécimens anciens ou de variétés extrêmement rares, ils coûtent, pour la plupart, des dizaines de milliers d’euros. On les retrouve en de multiples exemplaires sur le vaste domaine d’Arbor, qui compte 300 hectares en Belgique et 200 hectares en France. «Les gens n’ont plus la patience d’a endre qu’un arbre grandisse», explique Micheal Van Dyck. «L’ancien dicton ‘grand arbre, propriétaire mort’ n’est plus d’actualité. De nombreuses personnes fortunées veulent des résultats immédiats. C’est la même chose avec les arbres».

11 millions d’euros par an L’entreprise familiale – créée par son arrière-grand-père en 1901 – compte déjà quatre générations. Le grand-père, le père et l’oncle de Michael Van Dyck travaillent également dans l’entreprise, qu’il dirige avec ses deux cousins. Arbor compte 50 collaborateurs et autant de travailleurs saisonniers dans les périodes où les demandes sont encore plus importantes. La société réalise un chi ff re d’affaires de 11 millions d’euros par an. Chaque année, pas moins de 30.000 arbres sont plantés sur les terrains de l’entreprise, faisant d’Arbor une pépinière unique. «Je vends les arbres qui ont été plantés par mon grand-père», explique Michael Van Dyck. «Nous avons des arbres vieux de 80 ans. Des chênes pédonculés, d’anciens tilleuls, des séquoiadendrons: les types d’arbres que recherchent les collectionneurs. Certaines personnes les achètent comme elles achèteraient une œuvre d’art. Mais nous travaillons également avec des familles issues de la noblesse. Nous sentons que dans ce cas-là, elles ont une obligation morale de continuer à entretenir, embellir et enrichir le patrimoine familial.»

Le propriétaire des lieux nous fait découvrir son «catalogue» alors que nous traversons des chemins de gravier et de boue. Le domaine compte près de 500.000 arbres en pleine terre, dont plusieurs milliers sont anciens. Ce terrain pourrait même être une forêt si les arbres n’étaient pas regroupés par espèces, sur des lignes droites.

Récemment, Michael Van Dyck a fait

Le domaine compte près de 500.000 arbres en pleine terre, dont plusieurs milliers sont anciens. Ci-dessous, Michael Van Dyck, responsable et propriétaire de la pépinière Arbor.

Trois conseils pour replanter un arbre ancien

1.

Analysez ou faites analyser le sol et l’environnement du lieu où vous souhaitez planter l’arbre. «Un bel arbre ne se plante pas n’importe où», explique Erik de Waele, un des architectes paysagistes qui collabore régulièrement avec Arbor. Étudiez l’endroit où l’arbre doit être planté et réfléchissez à l’espèce qui s’y adaptera le mieux.

2.

Soyez très précis. «Le trou où l’arbre sera planté doit avoir la bonne profondeur», poursuit Éric de Waele. «Un arbre adulte ne peut être planté un centimètre trop haut ou trop bas. La nappe phréatique doit également correspondre à celle de la pépinière. Et l’arbre doit être replanté selon la même orientation que dans la pépinière.» visiter son domaine au président du Tadjikistan. Après s’être entretenu avec le Premier ministre et la présidente de la Commission européenne, le président s’est rendu à Houtvenne, dans la région d’Anvers, pour choisir des arbres en vue d’habiller son palais. «C’était inoubliable», nous confie Michael Van Dyck.

La visite du président du Tadjikistan n’a rien de si exceptionnel. 90% des arbres exclusifs sont exportés, même si le marché est limité à l’Europe et à l’Asie Centrale pour des raisons climatiques et sanitaires. Parmi ses visiteurs de marque, Arbor compte aussi James Dyson, l’inventeur britannique des aspirateurs éponymes, et le président turc Recep Tayyip Erdogan. «Je m’occupe actuellement d’un dossier pour un industriel américain qui a acquis un château dans la Vallée de la Loire. Il veut non seulement restaurer le château, mais aussi réaménager la totalité de son parc. Il est donc venu chez nous pour acquérir de grands arbres qui seront replantés dans les allées».

Arbor dispose de tout un assortiment pour les grands jardins et les parcs. Plus loin, dans un coin reculé du domaine, on peut apercevoir des dizaines d’ifs de différentes formes (en pyramide, en canard,…), qui nous rappellent un peu un jeu d’échecs. «Il n’y a qu’un seul employé qui est autorisé à les tailler», explique Michael

3.

Arrosez suffisamment votre arbre! «Dans notre cahier des charges, qui comprend également les conditions de la garantie, nous définissons l’arrosage de manière très précise», explique Éric de Waele. «C’est souvent beaucoup plus abondant que ce que l’on imagine.»

Van Dyck. «Il invente des formes et travaille ici depuis 40 ans. Cela posera problème lorsqu’il partira à la pension», ajoute-t-il. Et pour cause, ces espèces sont très délicates. L’enlèvement et le transport des ifs ne peuvent être réalisés que par une seule personne. «À la moindre erreur, vous endommagez l’écorce et vous détruisez 50 années de travail», poursuit-il.

Des arbres à prix d’or Quel que soit l’arbre recherché, que les clients viennent de Belgique ou de l’étranger, Michael Van Dyck leur laisse choisir eux-mêmes leur arbre. Le spécimen est ensuite marqué d’un ruban, chargé sur une remorque, et livré. «Chaque arbre est différent et tous les goûts sont dans la nature. J’ai récemment vendu un de nos plus grands chênes à un industriel de Knokke. Il est venu voir notre pépinière trois fois avant de faire son choix final. Il ne s’agit pas d’un petit achat.»

Il faut en effet compter plusieurs dizaines de milliers d’euros pour un arbre. Le plus cher jamais vendu par Arbor coûtait 50.000 euros. Un if coûte au minimum 5.500 euros: plus la forme est complexe, plus il est cher. Pour un portail en charmes – deux arbres ayant poussé l’un vers l’autre pendant 40 ans – il faut compter 10.000 euros. «Souvent, le transport et la plantation coûtent plus cher que l’arbre lui-même », poursuit Michael Van Dyck. «Je me souviens d’une de nos commandes. C’était pour le CEO d’une grande société pharmaceutique en Suisse. Son domaine était difficile d’accès, car il était situé sur une falaise. Mais il voulait tout de même de grands spécimens dans son parc. Nous sommes d’abord allés en camion en Suisse et nous avons ensuite utilisé un hélicoptère pour hisser les arbres au sommet. Le transport à lui seul a coûté plusieurs fois le prix des arbres», détaille-t-il.

Parmi les clients d’Arbor, figurent notamment James Dyson, l’inventeur de l’aspirateur éponyme, et le président turc Recep Tayyip Erdogan.

Un travail minutieux

Selon Michael Van Dyck, c’est une erreur de croire que les grands arbres sont difficiles à replanter, pour autant que l’opération soit réalisée par des personnes compétentes et que les arbres bénéficient des soins adéquats. Il nous montre un tracteur jaune qui porte devant lui un arbre dans une machine qui ressemble à une cuillère à glace. «C’est mon oncle qui a créé le prototype», explique-t-il. «Nous enlevons les arbres et nous les replantons à un autre endroit. Pour que le système racinaire reste aussi jeune et compact que possible, nous replantons les arbres tous les quatre à cinq ans. De ce e manière, ils produisent à chaque fois de nouvelles petites racines capillaires. C’est la garantie qu’ils s’adapteront à leur futur nouvel environnement.»

Parallèlement, Arbor veille à ce que les cimes des arbres ne s’écartent pas trop. «Nous essayons de garder la largeur et la hauteur des arbres à environ quatre mètres», poursuit Michael Van Dyck. «Si nous dépassons ces dimensions, le déplacement doit se faire sous escorte policière, ce qui fait exploser le coût du transport.»

Arbor ne subit pas vraiment la crise économique dans le segment des grands arbres. «Nos clients privés n’y sont pas sensibles», confie Michael Van Dyck. «Cela concerne davantage les projets des villes. Ces dernières optent parfois pour des plus petits spécimens.» Il y a toujours des ten- dances et des modes qui font que certains arbres se vendent mieux. «À l’heure actuelle, certains conifères font leur grand retour», ajoute le responsable. «Comme les séquoiadendrons, qui deviennent des arbres gigantesques. Les clients les achètent pour a irer l’a ention.»

Alors qu’il nous montre un de ses arbres préférés – un Acer Griseum – Michael Van Dyck nous confie qu’il est devenu responsable de la vente des prochaines générations d’arbres. Mais le changement joue un rôle important à jouer. «Auparavant, les gens venaient souvent acheter de grands hêtres. Aujourd’hui, c’est beaucoup moins fréquent. La production est aussi en baisse car ils ne seront plus viables à terme dans nos contrées». «Nous pouvons cultiver certaines espèces méditerranéennes en pleine terre, car les hivers sont devenus moins rigoureux. Nous devons tenir compte de ces changements, car nous devons faire des choix pour les cinquante prochaines années», conclut-il. ■

L’arbre le plus cher jamais vendu par Arbor coûtait 50.000 euros.

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