Islamic Finance Magazine-Juillet 2022

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AFRIQUE DU SUD

BUSINESS HALAL

Dénéba DIOUF

Président Halal Sénégal

Les opportunités de la certification Halal en Afrique de l'Ouest: enjeux et impacts dans le libre-échange entre pays membres de l’OCI

REFLEXIONS

FINTECH INTERVIEW

Sommaire 22 Quel modèle de taux de rendement des investissements en économie islamique? ECONOMIE
Dr. Adama DIEYE, Economiste, Auteur 26
ISLAMIQUE
Senior Investment Officer, IsDB La marche vers le premier véhicule d’investissement souverain ivoirien 28
Lagassan OUATTARA
Azentio Software 04 L’EDITO Avec Sory TOURE 08
Point sur la financeislamique en Afrique et dans le reste du monde 12
La financeislamique en Afriquedu Sud: il est temps d’aller 12 18
Mohammed KATEEB Président Moyen-Orient et Afrique
ACTUALITES
Dr Ziyaad Mahomed
06 ILS ONT DIT…
Assistant Proefessor,
INCEIF
2 IFC MAGAZINE - JUILLET 2022
DR Ziyaad Mahomed
38 Interview: Dr Umar Oseni CEO, International Islamic Liquidity Management Corporation MARCHE DES CAPITAUX ISLAMIQUES Les problématiques structurantes pour la finance islamique 38 50 38 50 Dr Umar OSENI CEO, International Islamic Liquidity Corporation (IILM) Boubkeur AJDIR 80 FINANCE SOCIALE Analyse: L’assurance islamique comme instrument pour l’inclusion financière 73 Abidjan Takaful Conference: Retour sur l’évènement 54 ASSURANCE ISLAMIQUE Comprendre et appliquer l’assurance islamique 54 62 88 BIBLIOTHEQUE 89 AGENDA Interview : Ezzedine Ghmallah 76 76 Ezzedine GHMALLAH 73 Maguette SAKHO Quels partenariats entre les institutions de développement et les fondsZakat pour atteindre les objectifs de développement durable? 3 IFC MAGAZINE-JUILLET 2022

L’Afrique bien dans le sillage du développement de la finance islamique !

Dr Umar Oseni, IILM Corporation (Malaisie), soutient que « l’Afrique peut bénéficier de notre volonté de pénétrer de nouveaux marchés pour des raisons de diversification et d'évolutivité Elle figure donc en tête de liste de nos priorités. » Il n’est pas le seul à nourrir une telle ambition ; l’Afrique intéresse plusieurs autres institutions et acteurs de l’industrie.

L’Afrique bouge ! Elle bouge et se développe, tout comme la finance islamique Certes, l’industrie de la finance islamique en Afrique n’est pas encore aussi développée que dans d’autres régions du monde (Europe et Asie). Mais ceci ne saurait occulter l’élan de dynamisme grandissant que nous avons remarqué de par de nombreuses activités à travers le continent. La finance islamique se positionne comme un levier viable de . plus en plus convoité pour booster le développement de l’Afrique

Restant fidèle à notre vision se résumant à Connecter. Apprendre. Impacter, nous vous offrons dans ce 2ème trimestriel de IFC MAGAZINE des couvertures bien à propos sur plusieurs secteurs

En effet, en toute exclusivité, Dr Umar Oseni, à la tête d’un organisme international de gestion des liquidités des institutions financières islamiques, nous parle de ses expériences et ambitions, surtout pour l’Afrique. Quant à l’article de M. Boubkeur Ajdir sur le marché des capitaux islamiques, il aborde certaines problématiques en matière de réglementation sur la finance islamique.

Dans une même optique, nous sommes entrainés dans une discussion révélatrice sur l’innovation et la Fintech avec leurs forts potentiels pour l’Afrique par M Mohammed Kateeb, Président, Moyen-Orient et Afrique, et Directeur Général de la Finance Islamique Chez Azentio Software, premier fournisseur de Core Banking totalement islamique (déjà présent en Afrique).

Le Dr Adama Dieye nous livre un regard d’expert sur l’épineuse question d’actualité concernant le taux de rendement sur les investissements en économie islamique et l’alternative au LIBOR qui a été utilisé comme benchmark dans de nombreuses institutions financières islamiques Le gouverneur de la Banque Centrale du Bahreïn, M Rasheed Mohamed Al Maraj, ne disait-il pas à ce propos lors de la 20ème conférence annuelle de la Shari’ah Board de l’AAOIFI (L’Organisation pour la Comptabilité et l’Audit des Institutions Financières Islamiques) : « Je pense qu'il est temps pour le secteur d'essayer de répondre à l'une des critiques les plus fortes et les plus courantes du public concernant l'utilisation des taux de référence traditionnels pour la tarification des transactions islamiques. Il est vrai que c'est plus complexe et plus subtil que d'utiliser simplement un prix de référence du marché monétaire, mais c'est la bonne chose à faire. »

Un dossier sur l’assurance islamique permettra au lecteur de comprendre cette nouvelle industrie qui s’installe avec une proposition de valeur plus inclusive qui rime avec les cultures africaines. De ce fait, Maguette Sacko voit en l’assurance islamique ou Takaful un véhicule pour l’inclusion financière, et qui, de facto, participera à l’amélioration du taux de pénétration qui est relativement bas sur l’ensemble. Vous y trouverez également les moments forts du forum Abidjan Takaful Conference 2022 justement intitulé : Exploiter le potentiel du Takaful pour favoriser l’inclusion économique et le développement durable en Afrique.

Le coup de projecteur sur l’Afrique du Sud nous vient du Dr Ziyaad Mahomed qui retrace l’historique du développement de l’industrie.

Finalement, ce numéro regorge d’autres articles et rubriques qui, nous espérons, bénéficieront à plus d’un Considérant cet engouement en général de la part des organismes et acteurs de la finance islamique, ne faille-t-il donc pas que toutes les parties prenantes mènent davantage des actions et initiatives pour renforcer la synergie à la faveur d’un développement durable de l’industrie ?

Directeur de publication

Fraternellement ! 4 IFC MAGAZINE-JUILLET 2022
Directeur de publication sory.toure@dexterityafrica.com Rédacteur en chef muhammed.jimoh@ dexterity-africa.com Secrétaire de rédaction Tenan SORO tenan.soro@ dexterity-africa.com salomon.nouaman@ dexterity-africa.com Correction muhammed.jimoh@ dexterity-africa.com pefagneli.sanogo@ dexterity-africa.com Marketing et vente publishing@ dexterity-africa.com Contributeurs Infographie yannickachille222@ gmail.com Publié par Dexterity Africa Abidjan Côte d’Ivoire Contacts Tel +225 27 22 558 120 Email: publishing@dexterity-africa.com Numéro Précédant 5 IFC MAGAZINE-JUILLET 2022

Il ne fait aucun doute que la finance sociale islamique a le potentiel de réaliser le développement humain par l'inclusion financière et la prospérité partagée. Afin d'en libérer tout le potentiel, il est nécessaire de comprendre les défis auxquels nous sommes confrontés dans le monde pour sa mise en œuvre.

Dans la pratique de la banque islamique, il n'y a pas de boîte noire qui nécessite un génie pour la déboucler. Beaucoup de ces produits conventionnels qui ont été mis sous pression ces derniers temps sont très complexes et nécessitent des outils spéciaux de gestion des risques. Dans la banque islamique, ce genre de choses n'existe pas. Certains de ces produits ne seraient pas acceptés par la charia.

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La finance islamique peut en principe devenir un facteur de stabilité financière car le partage du risque réduit le ratio d’endettement et les échanges sont adossés à des actifs tangibles donc entièrement garantis.

Tout ce que nous avions emprunté jusqu'en 1985 ou 1986 s'élevait à environ 5 milliards de dollars et nous avons payé environ 16 milliards de dollars, mais on nous dit encore que nous devons environ 28 milliards de dollars. Ces 28 milliards de dollars sont dus à l'injustice des taux d'intérêt des créanciers étrangers. Si vous me demandez quelle est la pire chose au monde, je vous répondrai que ce sont les intérêts composés.

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Etat mondial de l’Economie Islamique en 2021 (SGIER, 2022)

+ 2000 milliards USD de dépenses totales en 2021

8,9 % de croissance en 2021

1270 milliards USD de dépenses alimentaires

MAROC : Le Ministère des Finances autorise l’amendement du Plan Comptable des assurances pour son application aux compagnies de Takaful

295 milliards USD de dépenses en Modest Fashion

231 milliards USD de dépenses dans les médias

En sa qualité de présidente du Conseil National de la Comptabilité (CNC), Nadia Fettah Alaoui, la Ministre marocaine de l’Economie et des Finances, a autorisé par un arrêté ministériel, l’amendement du Plan Comptable applicable aux assurances pour une prise en compte de l’entrée de l’assurance islamiques (Takaful) sur ce marché Cet amendement du plan comptable des assurances suite à l’introduction du Takaful vise ainsi à accompagner la forte progression que connait le secteur de la finance participative dans le pays. Les amendements apportés au plan comptable entreront en vigueur à compter de la date de publication de l’arrêté du ministre de l’Économie et des Finances portant modification et complément de l’arrêté du ministre des Finances et de la Privatisation n° 1493-05 du 20 octobre 2005 relatif au plan comptable des assurances.

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SENEGAL : Signature d’un accord de partenariat entre l’ADM et le PROMISE

et recueillir leurs besoins pour une prise en charge efficiente Aussi, dans un type de partenariat gagnant-gagnant et par l’entremise de l’ADM, le PROMISE entend-il faire davantage la promotion de ses actions et produits innovants auprès d’une catégorie de la population n’ayant pas accès au financement conventionnel

CÔTE D’IVOIRE/FINANCEMENT PND 20212025 : La BID promet 2 milliards de dollars US lors du Groupe Consultatif du gouvernement

102 milliards USD de dépenses en matière de tourisme

100 milliards USD de dépenses en produits pharmaceutiques

70 milliards USD de dépenses en produits cosmétiques

Le Programme de développement de la Microfinance Islamique au Sénégal (PROMISE) et l’Agence de développement Municipale (ADM) ont conclu le 15 juin 2022 une convention de partenariat pour une durée de cinq (5) ans Etaient présents à la cérémonie de signature Mme Fatou Diané, Coordonnatrice du PROMISE et M Cheikh Issa Sall, Directeur Général de l’ADM. En concluant ce partenariat, l’objectif du PROMISE est de pouvoir profiter de l’expertise et de l’expérience de l’ADM pour pouvoir toucher rapidement les populations vulnérables

Organisé par le Ministère du Plan et du Développement dans le but de mobiliser les ressources nécessaires au financement du PND 2021-2025, le Groupe Consultatif, tenu le 15 juin 2022 au Sofitel Hôtel Ivoire, a réuni l’ensemble des partenaires financiers bilatérales et multilatérales du pays. Parmi les principaux acteurs présents à cette rencontre de haut niveau, il y’a la Banque Islamique de Développement (BID) qui a annoncé à travers son Vice-Président chargé des opérations, M Mansur Muhtar, le décaissement de 2 milliards USD pour le financement du PND. Notons que les intentions de financement recueillies des différents partenaires se sont évaluées à plus de 15 mille milliards de FCFA contre 9335,6 milliards attendus, soit un taux de mobilisation d’un peu plus de 168% La réussite de ce Groupe Consultatif constitue un véritable espoir pour les autorités ivoiriennes quant à la mobilisation effective des ressources prévues pour la mise en œuvre du 3ème PND dont l’objectif global est de réaliser la transformation économique et sociale nécessaire pour hisser le pays, à l’horizon 2030, au rang des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure

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ARABIE SAOUDITE : Bahri émet un Sukuk d’un montant de près de 4 milliards SAR

La National Shipping Company of Saudi Arabia (Bahri) a annoncé l’émission d’un Corporate Sukuk Libellé en riyals saoudiens (SAR), la valeur de cette émission de Sukuk dont les conditions du marché permettront de déterminer, est estimée à 3,9 milliards SAR. Lancé le 16 juin dernier, la période de souscription à l’offre s’étant jusqu’au 21 juillet 2022 La souscription à l’offre est spécifiquement réservée aux investisseurs institutionnels tels que définis par la réglementation de la Capital Market Autority (CMA) Cette offre dont la valeur nominale du coupon est fixé à 1 million SAR, a une maturité de 7 ans. Les sociétés Al Rajhi Capital, HSBC Arabie Saoudite et SNB Capital ont été retenues pour arranger les opérations de souscriptions

MALAISIE/ FINTECH: Muamalat Bank lance "EasiGold", une plateforme d'investissement numérique sur l’or

La banque Malaisienne Muamalat, a lancé ce mardi 24 mai 2022 sa première plateforme numérique d'investissement sur l'or conforme au principe de la charia permettant aux clients d’investir rapidement dans l’or via le mobile Cette application dénommée EasiGold, déployée en collaboration avec ACE Capital Growth, a pour but de promouvoir l'or en tant qu'alternative d'investissement plus sûre pour le public dans un contexte d’incertitudes économiques. Selon M. Zury Rahimee Zainal Abiden, directeur de la division Retail Banking, la plateforme est réservée aux clients de la banque d’une part et d’autre part aux personnes désireuses d’investir dans l’or Elle devrait attirer jusqu’à 350 000 clients d’ici 12 mois La plateforme propose également un affichage du prix de l’or en temps réel qui permet aux clients d'acheter et de vendre de l'or de pureté 999,9 certifié par London Bullion Market Association (LBMA) à des prix au comptant

AUSTRALIE : Marhaba DeFi lance une certification Halal des NFT.

La plateforme financière numérique Marhaba DeFi Network (MRHB) a lancé la première certification mondiale conforme à la charia des Non-Fungible Token (NFT) L’initiative permettra d’apporter plus de transparence dans la démarche des entreprises certifiées en leur donnant également la possibilité de prouver aux clients la conformité à la charia de leurs pratiques commerciales. Cette certification se fixe comme objectif de faire accepter dans le temps l’utilisation de certaines crypto monnaies dont la conformité à la charia fait toujours l’objet de controverses dans le rang des érudits du droit musulman des affaires Avec ce nouveau développement, l’intention de MRHB est d’exploiter au mieux les ressources de l’économie islamique dans les crypto monnaies

AZERBAIDJAN: L'ICD ET l’AFEZA signent un protocole d’accord pour renforcer leur collaboration

Le 23 mai 2022, un protocole d’accords a été signé pour renforcer la collaboration sur la zone de libre échange en Azerbaidjan Les signataires de ce protocole d’accords sont : The Islamic Corporation for the Development of the Private Sector (ICD), l’entité du groupe de la Banque Islamique de Développement (BID) dédiée au secteur privé et the Alat Free Economic Zone Authority (AFEZA), l’autorité en charge de la régulation des investissements dans la zone de libre échange économique d’Alat Sa signature a eu lieu au siège de l’ICD par monsieur Ayman Sejiny, PDG de l’ICD, et monsieur Valeh Alasgarov, PCA de l’AFEZA. D’une part, l’accord permettra à l’ICD de répondre aux demandes croissantes des entreprises enregistrées auprès de l’AFEZA en leur permettant un accès à une source diversifiée de financement D’autre part, les deux parties conviennent d’étudier la possibilité d’organiser des activités conjointes pour faire la promotion de l’AFEZA auprès des pays membres de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI). Le protocole d’accord permettra également aux deux parties de collaborer et de mener des consultations conjointes pour développer des instruments spécifiques afin de parvenir à l’atteinte des objectifs communs Il convient de noter que l’ICD est une institution financière multilatérale de développement créée en novembre 1999 Avec un capital de 4 milliards USD, son but est de favoriser la croissance économique durable dans les 55 pays membres.

COOPERATION/TAKAFUL: ICIEC et IFTI signent un protocole d’accords pour promouvoir le Takaful

L’ICIEC (Islamic Corporation for the Insurance of Investment and Export Credit), et l’IFTI (International Federation of Islamic Takaful and Insurance Companies), ont signé le 22 mai 2022 en Arabie Saoudite un protocole d’accords visant à redynamiser le secteur de l’assurance Takaful La signature du protocole d’accords s’est fait en présence de monsieur Oussama Kaissi, Directeur Général de l’ICIEC, et monsieur Reda Amin Dahbour, Président de l’IFTI. Le principal objectif de l’accord consiste à faire la promotion du Takaful et d'aider les institutions membres de l’IFTI à fournir les meilleures solutions et services, en renforçant les capacités techniques de la maind'œuvre dans le domaine de l'assurance islamique Créé en 1994, l’ICIEC demeure au monde le seul assureur multilatéral conforme à la charia qui fournit une gamme complète de solutions d'assurance aux entreprises et aux particuliers dans les 48 États membres

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Islamic Finance Markets Intelligence

Chaque semaine, comprenez la dynamique des marchés de la finance islamique en Afrique et dans le monde et saisissez de nouvelles opportunités. L’HEBDOMADAIRE
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La finance islamique en Afrique du Sud Dr Ziyaad Mahomed

Avec

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La finance islamique en Afrique du Sud: Il est temps d'aller de l'avant

Étapes importantes

Labanqueislamique

Pays célèbre pour ses paysages uniques, ses importantes richesses minérales et son histoire tumultueuse marquée par l'apartheid, l'Afrique du Sud est restée un bastion des services financiers sophistiqués et de la réglementation financière stricte en Afrique. La finance islamique s'est également bien implantée dans le pays, au service d'une communauté musulmane minoritaire représentant moins de 3 % de la population, soit 1,8 million d'adeptes. Les musulmans sud-africains ont créé des banques islamiques et des solutions d'investissement conformes à la charia dans les années 1980, bien avant presque toutes les autres nations africaines (à l'exception du Soudan et de l'Égypte). Mais quel est le niveau de développement du marché sudafricain de la finance islamique et quels sont les défis qui limitent la croissance nationale dans ce secteur ? Nous passons brièvement en revue ces questions et suggérons une voie potentielle à suivre.

La banque islamique en Afrique du Sud a connu des débuts chancelants. Le premier effort, Jaame Limited, lancé en 1980, s'est soldé par une liquidation en raison de difficultés financières peu après. La deuxième tentative s'est malheureusement aussi soldée par un désastre, fournissant une étude de cas unique aux universitaires pour les décennies à venir (étant donné que seule une poignée de banques islamiques ont fait faillite au niveau international). L'Islamic Bank Limited a obtenu le statut de banque en 1988, mais elle a fait faillite neuf ans plus tard, laissant dans son sillage une traînée de larmes, de méfiance, d'incompétence et de manquements à la réglementation. Mais le secteur a beaucoup appris de ses premières erreurs, et la phase suivante de la finance islamique dans le pays a été soutenue par une gouvernance saine, un bon leadership, le respect de la charia et une confiance renouvelée de la communauté. Al Baraka Bank, filiale du groupe bancaire Al Baraka basé au Bahreïn, a obtenu sa licence

Panorama

en juin 1989 et n'a été dirigée que par deux PDG depuis sa création (Ebrahim Vawda jusqu'en 2005 et Shabir Chohan à ce jour). Celle-ci reste la seule banque islamique à part entière du pays, avec des actifs totaux estimés à 8,7 milliards ZAR (+500 millions USD) en 2021. La croissance du secteur a été faible jusqu'en 2003, lorsque la First National Bank (FNB) a commencé à offrir un financement automobile conforme à la charia par l'intermédiaire de la Wesbank. La FNB a lancé le premier guichet bancaire islamique du pays en 2004, suivi par les guichets islamiques de la HBZ Bank en 2005 et de l'ABSA en 2006. La Standard Bank (la plus grande banque d'Afrique) a lancé son offre de services bancaires islamiques en Afrique du Sud en 2016, mais était déjà active en Tanzanie et au Nigéria bien auparavant.

En juin 2020, la BASA (The Banking Association South Africa) a indiqué que les dépôts islamiques s'élevaient à 37 milliards de ZAR, contre 23 milliards de ZAR en décembre 2018 ; et que le financement islamique atteignait 14,6 milliards de ZAR (Al Baraka a contribué pour environ 8 milliards de ZAR), soit une augmentation de 4 milliards de ZAR par rapport à 18 mois plus tôt.

Takaful

Un service essentiel soutenant le financement des actifs est la couverture des actifs, bien que l'assurance conventionnelle soit inadmissible dans la loi islamique. Takafol South Africa a offert la première protection d'actifs conforme à la charia dans le pays en 2005. Comme il n'existe pas de réglementation de l'assurance islamique, la société a opéré dans le cadre de la loi sur l'assurance à court terme grâce à un modèle unique conforme à la charia intégrant la Wakalah (agence) et le Waqf (dotation). Plusieurs offres Takaful sont désormais disponibles dans le pays.

L'annonce récente la plus significative est le lancement d'une aide médicale conforme à la Charia par le plus grand fournisseur d'assurance médicale du pays : Discovery Health (dont le lancement était prévu pour le mois de juin 2022). En 2020, le total des contributions Takaful était estimé à 145 millions de ZAR, avec environ 6 500 participants dans tout le pays.

Gestiond'actifsislamiques

La gestion d'actifs conformes à la charia s'est également épanouie en Afrique du Sud, d'abord introduite en 1992, puis avec Oasis Asset Management en 1997 et le Futuregrowth Al Baraka Equity Fund en 2003. Jusqu’en 2021, 25 fonds nationaux généraux d'actions, fonds équilibrés et fonds immobiliers conformes à la charia auront été créés. Les fonds communs de placement conformes à la charia gèrent plus de 35 milliards de ZAR d'actifs en 2020.

Sukuk

Le marché sud-africain des Sukuk est sous-développé, contrairement à ses compères africains comme le Nigéria et la Gambie qui ont procédé à plusieurs émissions souveraines et d'entreprises (corporate). Toutefois, le Trésor national a émis un Sukuk de 7,9 milliards ZAR en 2014 et Al Baraka a émis le premier Sukuk d'entreprise en 2018 (200 millions ZAR).

Réglementation

Il n'existe pas de réglementation spécifique à la finance islamique en Afrique du Sud et les institutions financières islamiques opèrent sous licence conventionnelle. Toutefois, la section 24JA de la loi

sur l'impôt sur le revenu (Income Tax Act) n° 58 de 1962 a été introduite en 2010, reconnaissant la diminution des musharaka, mudharaba, murabaha et sukuk. D'autres amendements à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et à la loi sur les droits de transfert (n° 40 de 1949) ont permis d'alléger toute double imposition découlant des achats à la première vente pour les banques islamiques. Ces modifications ont permis d'améliorer la parité entre les banques conventionnelles et les banques islamiques, réduisant ainsi les coûts pour les clients.

Défis

Après plus de 30 ans de finance islamique dans le pays, des défis importants subsistent. Les produits et services ont été centrés sur les structures bancaires de base fondées sur le partenariat et la dette, les banques islamiques ayant opté pour une approche plus conservatrice de l'innovation. Le marché local a eu des difficultés à se développer, et certaines de ces difficultés ont été élaborées davantage:

proposées en Indonésie (BMT), au Soudan ou au Bangladesh n'ont pas encore pénétré le marché sud-africain.

- Le Life Takaful est un instrument populaire à l'échelle internationale, mais il n'est pas disponible en Afrique du Sud.

- Il existe peu ou pas de produits de financement personnel.

- Aucun Sukuk souverain libellé en Rand n'a été émis dans le pays, et un seul Sukuk d'entreprise a été émis, alors que des pays africains moins matures ont établi des marchés de Sukuk.

- Le renforcement des capacités est faible, ce qui se traduit par la gamme de produits limitée et restreint également l'innovation.

- Les conseils de la charia dans le pays sont dominés par une poignée d'érudits de la charia connectés depuis l'introduction, ce qui contribue potentiellement aux défis auxquels l'industrie est confrontée. La plupart des érudits qui occupent des postes dans les conseils de la charia ont peu ou pas d'expérience en finance.

- La communauté musulmane sud-africaine a une compréhension limitée de la finance islamique.

- Le développement de stratégies de durabilité axées sur la finance islamique est limité, voire inexistant.

Figure 1: Total des actifs et passifs bancaires islamiques pour 2021

Source: BASA (2021)

- Les excédents de liquidités ont été particulièrement difficiles à gérer en raison du nombre limité d'instruments de trésorerie conformes à la charia. L'inadéquation entre l'actif et le passif a continué à se creuser en 2021 (voir figure 1).

- Les produits destinés aux micro et petites entreprises ont été limités, et les solutions de microfinance islamique holistiques comme celles

Allerdel'avant

Les solutions de finance islamique offrent des avantages significatifs par rapport à leurs homologues conventionnels car elles contribuent à l'édification d'une nation juste, éthique et morale. Les IFI sud-africaines ont progressé.

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lentement au cours des 30 dernières années et offrent une bonne gamme de base de produits et de services à la communauté musulmane. La communauté sud-africaine et australe largement inexploitée n'est généralement pas consciente des avantages qu'offre la finance islamique. Pour que l'Afrique du Sud passe à la prochaine étape du développement de la finance islamique, une introspection importante est nécessaire. Cela commence par une intention de valeur d'entreprise islamique basée sur l'approche Maqasidic (objectifs juridiques islamiques), fermement ancrée dans l'autonomisation socio-économique, la promotion d'un esprit d'entreprise et la construction d'une industrie durable et responsable. Avec une exposition externe, les praticiens peuvent recalibrer et développer le

secteur, tandis que les conseils de la charia doivent se diversifier et se développer grâce à une capacité internationale. La réglementation existante nécessite une révision substantielle si la finance islamique doit se développer, élargir les dispenses de produits, supprimer les obstacles à l'émission de Sukuk et assurer la sécurité fiscale. Fournir un environnement propice aux solutions fintech islamiques peut être considérablement avantageux car les IFI établies peuvent atteindre un marché inexploité grâce à l'incubation et à la collaboration fintech Le secteur sud-africain de la finance islamique a fait des progrès significatifs depuis qu'il a trébuché dans les années 80 et 90 et a soutenu efficacement une communauté musulmane minoritaire dans le passé. Il est temps d'avancer

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Les opportunités de la certification Halal en Afrique de l'Ouest: Enjeux et impacts dans le libre-échange entre pays membres de l’OCI

La problématique:

Le commerce de produits Halal est depuis quelques années entré dans une phase de croissance sans précédent. Il a enregistré une croissance de 25% avec un portefeuille de plus de 3,6 trillions de $US. Le tiers de cette manne revient aux produits alimentaires Halal avec des prévisions en hausse de plus de 40% dans les 5 prochaines années. Dans un contexte où le multilatéralisme marque le pas, la ruée est de plus en plus vers la conclusion d'accords commerciaux régionaux et bilatéraux. D'autant plus que même les inconditionnels des accords multilatéraux tels que les États-Unis et le Japon, ont abandonné leurs réticences initiales. Conséquence, une nouvelle ère d'accords de partenariat économique s’est ouverte. Aujourd’hui force est de reconnaitre que les Etats membres de l'Organisation de la Coopération Islamique (OCI) ne sont pas en reste, car leur intégration économique régionale

est de nouveau à l'ordre du jour à travers l'entrée en vigueur du protocole sur le schéma de tarifs préférentiel (PRETAS) pour le Système de Préférences Commerciales (SPC) entre les pays membres de l'OCI. Le SPC est une voie idoine pour atteindre le projet de zone de libreéchange pour l’ouverture d’une nouvelle ère dans la coopération commerciale entre les pays islamiques et particulièrement en Afrique Subsaharienne.

L’industrie de production Halal est probablement une des plus dynamiques de la planète. Les partenariats avec les pays

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D’un marché de niche à un marché grand public, le halal devient mondial

musulmans africains sont souvent davantage tributaires des affinités interétatiques dans la coopération bilatérale, de l’assistance, que de l’opportunisme économique du secteur privé basé sur les atouts d’une relation commerciale durable. Or, le continent africain offre des ressources en termes de capital humain, d’intrants, de matières premières et de possibilités de développement susceptibles de constituer le socle d’une nouvelle attractivité pour plusieurs autres pays de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI).

Enjeux

Les PME jouent un rôle prépondérant dans toutes les

économies car elles dynamisent la croissance, génèrent de l'emploi et permettent une élévation du niveau de vie. On estime que 500 millions de nouveaux emplois seront créés d'ici 2030 dans le monde, et qu'une proportion importante le sera dans les pays membres de l'Organisation de la Coopération Islamique (OCI) où 60 % de la population est âgée de moins de 30 ans. Le soutien apporté aux PME/PMI en Afrique de l’Ouest dans la prise en charge de la normalisation et de la certification pourrait être un excellent vecteur de croissance. Alors que de nombreux secteurs de marché connaissent une saturation et une concurrence accrues, le secteur halal en Afrique de l’Ouest comme partout dans le monde est en pleine évolution, il offre de nouvelles opportunités, de nouvelles règles, et donne aux PME agiles et entreprenantes

la
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On estime que 500 millions de nouveaux emplois seront créés d'ici 2030 dans le monde, et qu'une proportion importante le sera dans les pays membres de l'Organisation de la Coopération Islamique (OCI) .

possibilité d'entrer en lien avec ce nouveau marché.

Toutefois, le secteur halal pose ses propres défis auxquels les nouveau-venus risquent de se heurter: différentes façons d'interpréter les règles religieuses, différentes normes, cadres réglementaires en évolution constante. C'est en faisant la lumière sur ces questions que les pays de l’Afrique de l’Ouest (un marché d’environ 250 millions de consommateurs) arriveront à mettre en place une stratégie sous-régionale du business halal pour accompagner les acteurs et rehausser véritablement le niveau des échanges commerciaux au sein des pays de l’OCI.

Opportunité et Impact

Le niveau d'adhésion des gouvernements des pays ouest-africains membres de l’OCI et leur compréhension du secteur halal ainsi que le renforcement des capacités institutionnelles au sein du secteur halal constituent un facteur clé de réussite.

Le rôle principal d'une Institution d’Aide au Commerce et aux Investissements (IACI) comme le Centre Islamique pour le Développement du Commerce est de promouvoir et de faciliter le commerce, de trouver les moyens de mettre les entreprises en contact avec des acheteurs potentiels. Or, les salons commerciaux comme la World Halal Summit, sont des lieux bien établis qui ont fait leurs preuves, et les salons des aliments et boissons halal ont acquis une place reconnue au sein du secteur ces dix dernières années. Les initiatives qui aident les entreprises d'un même pays à se rassembler pour exposer leurs produits sur un pavillon commun sont utiles, toutefois les bénéfices de ces rassemblements peuvent être encore mieux exploités.

Le choix des normes qu'un fabricant décide de mettre en œuvre et de l'organisme de certification qui délivrera le certificat de conformité doivent être étudiés avec soin, surtout dans le cas des exportations en Afrique de l’Ouest.

Les fabricants ouest-africains qui projettent sérieusement de réussir leur entrée sur le marché halal doivent s'informer régulièrement sur la progression des discussions et des décisions prises aux niveaux national, régional et international en matière de conformité halal et de qualité. Les exportateurs ne veulent pas se retrouver, comme par le passé, avec des conteneurs entiers prêts à être expédiés mais dont la marchandise n'est plus considérée comme halal par les instances du pays importateur.

Des domaines prioritaires et favorables à l’entreprenariat du business halal en Afrique de l’Ouest

L’agrobusiness et l’économie du tourisme ont été identifiés comme secteurs porteurs importants du business halal en relation avec les politiques de développement économique des pays de l’UEMOA et de la CEDEAO.

Perspectives

• Ancrage du dynamisme et de l’innovation des PME/PMI en Afrique de l’Ouest dans les politiques de croissance des pays de l’OCI ainsi que dans leurs priorités actuelles en matière de création d’emplois chez les jeunes et les femmes; • Harmonisation de la norme halal en Afrique de l’ouest et création d’alliances stratégiques nationales, sous-régionales et intra Umma pour pénétrer de larges marchés et être compétitif.

• Mise en place d’une stratégie sous-régionale du business halal et d’un Observatoire de l’évolution du marché halal en Afrique de l’ouest

Deneba Diouf est directeur associé chez Halal Sénégal. Il a été initiateur en 2016 du Forum Africain du Business Halal en partenariat avec le gouvernement sénégalais Il est consultant en communication et développement organisationnel.

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Par

Dr Adama DIEYE

Quel modèle de taux de rendement des investissements en économie islamique?

L’annonce, en juillet 2017, du Directeur-Général de la Financial Conduct Authority (FCA) du Royaume-Uni, de la nécessité pour le marché d'abandonner le LIBOR comme référence de taux d'intérêt avant la fin de l'année a relancé la problématique de la détermination de taux de référence pour les opérations économiques et financières en économie islamique. L’annonce de la Financial Conduct Authority était assortie de proposition de remplacement du LIBOR par ce qui a été convenu d’appeler les « backwards-looking overnight Risk Free Rates » des taux sans risque au jour le jour (c'est-à-dire le Secured Overnight Financing Rate, SOFR) pour les transactions en USD et le Sterling Overnight Index Average (SONIA) pour les transactions en GBP. L’approche d’une manière générale soulève d’importantes questions d’ordre pratique et méthodologique, auxquelles il faut rajouter, pour les institutions de finance islamique, des questions de Sharia induites par le mode de détermination d'un taux sans risque. En effet, les IBOR (Interbank Offered Rates) sont des taux à terme « prospectifs », ce qui signifie que les taux sont fixés et disponibles publiquement au début de chaque période de calcul. En revanche, les RFR sont des taux à un jour et - à ce stade - le consensus du marché est

qu'un taux à terme ne peut être produit que sur une base " rétrospective ", ce qui signifie qu'un RFR serait déterminé sur la base de données historiques à la fin de chaque période de calcul. Il en résulterait une incertitude sur le prix d’une transaction qui, selon les règles de la Sharia doit être déterminé au moment où une transaction réelle a lieu ou qu’une prestation de services est convenue.

Dans ce contexte, il apparaît qu’il est temps pour le système financier islamique de renoncer à l'utilisation des taux de référence conventionnels et d'établir à la place un taux de référence alternatif qui soit conforme aux principes de la Sharia.

Dans une perspective élargie du cadre macroéconomique islamique, du fait de la prohibition des revenus fixes et prédéterminés (comme les taux d’intérêt), la détermination d'un taux de rendement qui permet de rémunérer les propriétaires des actifs publics et/ou privés a créé une question centrale qui a très tôt retenu l’attention des chercheurs et praticiens de l’économie islamique.

La question va au-delà de la sphère financière pour concerner les aspects de conception de la politique macroéconomique. A cet égard, Askari et al. (2014) montrent qu’une augmentation du taux de rendement des investissements entraînerait une hausse des dépenses d'investissement, ce qui se traduirait par une augmentation de la demande globale et,

par conséquent, des niveaux de production souhaités. La disponibilité de cet indicateur permet d’intégrer dans les travaux techniques les considérations relatives à la croissance économique à moyen et long terme à travers la spécification et l'estimation d'une relation à long terme qui lie positivement le produit intérieur brut (PIB) au taux de rendement des investissements dans le secteur réel de l'économie (Dieye, 2020) . Dans le cadre de ces travaux de pionniers, on peut notamment citer les travaux de Khan et Mirakhor (1989) qui ont établi que le taux de rendement des actifs financiers est déterminé par le taux de rendement

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du secteur réel de l'économie qui sert de référence pour les décisions d'investissement. Plusieurs approches, allant de simples ratios à des indices de marché plus complexes, ont été discutées largement, tant au niveau macroéconomique qu’au niveau sectoriel. Une méthode suggérée par Haque et Mirakhor (1999) serait d'estimer le taux de rendement global en se basant sur le rendement du capital selon l'indice du marché dans les marchés financiers bien développés. Cependant pour de nombreux autres pays en développement, les

marchés financiers ne sont pas assez développés et ne permettent pas l'utilisation de cette méthode. De manière pratique, ces limites ont motivé l'utilisation d'alternative (Bai Chong-En et al. 2006), pour estimer un taux de rendement du capital comme approximation du taux de rendement de l'investissement dans le secteur réel (Dieye, 2020). Des axes de recherches ont été suggérés dans la littérature récente proposant l’utilisation d’indicateurs faisant référence au taux de croissance économique, à l’indice des prix à la production, au taux de profit bancaire voire, au taux de

perception de la Zakat. Nul doute que des travaux d’analyses théoriques et de validation empirique beaucoup plus poussées seront nécessaires

Dans une perspective élargie du cadre macroéconomique islamique, du fait de la prohibition des revenus fixes et prédéterminés (comme les taux d’intérêt), la détermination d'un taux de rendement qui permet de rémunérer les propriétaires des actifs publics et/ou privés a créé une question centrale qui a très tôt retenu l’attention des chercheurs et praticiens de l’économie islamique.
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Lagassane Ouattara

La marche vers le premier véhicule d’investissement souverain ivoirien

Etape 2 : La mobilisation de ressources

Dans un article précédent, ont été posées les bases conceptuelles du premier fonds souverain ivoirien qui se positionnera comme le levier opérationnel de la politique de prise de participation de l’Etat dans le secteur privé. Nous nous proposons ici d’analyser les canaux de financement possibles permettant de doter le fonds d’importantes ressources financières à la hauteur de ses ambitions

De fait, le financement du fonds stratégique devra se baser sur des ressources provenant de diverses sources hors budget de l’Etat L’objectif est d’utiliser des fonds sous-exploités, n’entrant pas dans les canaux traditionnels de financement du budget pour les fructifier à travers des investissements rentables En l’occurrence, les différents types de ressources pouvant être ciblés sont les suivants:

• Les revenus minier et pétrolier: Les revenus perçus par l’Etat dans le cadre des codes minier et pétrolier sont une source potentiellement importante pour le financement du fonds souverain En effet, en contrepartie de l’octroi de permis miniers, l’Etat bénéficie de 10% du capital de chaque société d’exploitation Pour le secteur pétrolier, cette part est variable selon les conditions et modalités prévues dans chaque contrat Par ailleurs, les exploitants sont tenus de payer, le cas échéant, des taxes sur les bénéfices additionnels (superprofit)

• Les réserves des caisses de sécurité sociale et les dépôts réglementés: Cette catégorie comprend entre autres, les réserves des caisses de retraite (CNPS, CGRAE, etc ) les sommes reçues par les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires et les comptes de tiers déposés chez les notaires La Caisse des Dépôts et Consignation (CDC) qui a récemment été mis en place jouera à coup sûr

un rôle primordial dans la centralisation de ces ressources dont une partie pourra être allouée au fonds souverain qui se chargera de les fructifier En effet, il peut être envisagé une collaboration dans laquelle la CDC centralise les réserves des diverses caisses de sécurité sociale ainsi que les dépôts réglementés pour les transférer par la suite au fonds souverain à des fins d’investissements rentables

• Les redevances de la commercialisation du Café et du Cacao: Une partie des redevances versée par les exportateurs de café et de cacao au profit de l’Etat (à l’exclusion du Droit Unique de Sortie qui est une composante importante du budget de l’Etat) peut également être mise à contribution pour financer efficacement le fonds souverain

• Apport initial forfaitaire de l’Etat de Côte d’Ivoire :

Bien que le Fonds Stratégique n’envisage pas d’utiliser des ressources directes du budget de l’Etat pour financer ses investissements, une contribution forfaitaire de ce dernier sera nécessaire au lancement des activités pour couvrir les dépenses de fonctionnement des premières années (aménagement des bureaux, logistiques, fournitures et matériels de bureau, masse salariale, etc )

En résumé, l'Etat de Côte d’Ivoire dispose de plusieurs canaux de financement nonbudgétaires pour doter son futur fonds souverain de ressources nécessaires à son bon fonctionnement

Lagassane Ouattara travaille au sein de la Banque Islamique de Développement en tant que Senior Investment Officer Il intervient notamment sur des opérations de financement du secteur privé dans les pays membres de l’institution répartis sur divers continents dont l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Asie Centrale, l’Amérique Latine, etc Au delà de ses activités professionnelles, Lagassane produit régulièrement des réflexions portant sur des sujets économiques et financiers et qui sont publiées dans des revues reconnues comme Jeune Afrique et Tycoon

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Interview

Mohammed Kateeb IFC MAGAZINE-JUILLET 2022

MohammedKateebestunleaderréputé,connupourêtrerésolument tournéverslesrésultats,dynamiqueettrèsentreprenant.Ilpossède uneexpériencediversifiéedanslacréationd'entreprisesetd'équipes,ainsi

quedans l'identificationetl'exploitationd'opportunitésdemarchédepuisplusde30ans auxÉtats-Unis,auRoyaume-UnietauMoyen-Orient.Ildirigeactuellementlastratégie régionale,lesopérationscommerciales,lacroissancedesproduitsetdesactivités d'AzentioSoftwaredanslespaysduMoyen-Orientetdel'AfriqueduNord,afinde renforcerlapositiondel'entrepriseentantqueleaderinnovantdusecteur.Avantde rejoindreAzentio,M.KateebétaitPrésidentetDirecteur-GénéraldugroupePath Solutions,oùils'estconcentrésurlacroissancedel'entreprisepourconquérirunmarché complexe.Précédemment,M.KateebaexercéentantquecadrechezMicrosoftpendant 11ans.Ilestégalementreconnucommeuncontributeurclédel'industriedes télécommunications,desmédiasetdestechnologiesdel'informationdelarégion. Kateebarécemmentétéchoisicommeco-présidentdugroupedetravailsurl'innovation etlatechnologie(ITWG)duConseilgénéraldesbanquesetinstitutionsfinancières islamiques(CIBAFI)pourlapériode2021-2022.L'ITWGfaitpartieduplanstratégique 2019-2022approuvéparleCIBAFIdontl'objectifestdemenerdiversesinitiativesdansle butderenforcerl'adoptiondestechnologiesfinancièresauseindusecteurdesservices financiersislamiques.Actuellement,ilestdirecteurduConseild'Administration d'iPORTALetdeFasterCommunity.IlaégalementétémembreduConseil d'Administrationd'IsDBI,unefilialeduGroupedelaBanqueIslamiquedeDéveloppement (BID)quiseconcentresurledéveloppementd'unsecteurdesservicesfinanciers islamiquesaxésurlatechnologie,entirantpartides technologiesdepointepour intégrerlesconnaissancesdel'économieetdelafinanceislamiques.M.Kateebareçule prix"FintechLeaderofTheYear"lorsduFintechLeadershipPrize2021etle"Financial ServicesTechnologyLeadershipAward"lorsdesMEAFinanceBankingTechnology Awards2021.Outrelefaitqu'ilareçule"IslamicFintechLeaderoftheYearAward"du FINTECHPRIZEen2020,ilaégalementétédésigné"BankingTechnologyPersonalityofthe Year"lorsduBanktechAward2021et"BestTechnologyExecutiveoftheYearforFinancial Services"lorsdesMEAFinanceAwards2020.Lauréatdu"2018GIFAAdvocacyAward (IslamicFinancialTechnology)",M.Kateebaétédistinguélamêmeannéeparmiles "LeadersofIslamicEconomyinEastAfrica",eten2017,ilareçuleprestigieux"Leadership AwardinInformationTechnologies&Media"del'ISFIN,nommécinqfoisparmiles"50 leaderslesplusinfluentsquifontl'économieislamique"dansISLAMICA500.M.Kateeb estégalementlauréatdu"FinanceMonthly-CEOAward2018",etreconnu "GamechangeroftheYear(IslamicFintech)"danslesACQ5GlobalAwards2021,2019et 2018,honoréparl'IFFSAavecle"2016HonoraryLeadershipAward",nomméparmiles "Top10CEOsinEnterpriseSoftware"dansles2016/17CEOInsightGlobalAwards,enplus d'avoirétésélectionnédeuxfoisen2018et2017"BestIslamicFinanceTechnologyCEOof theYearEMEA"parGlobalBanking&FinanceReview,ainsique"IslamicFinance TechnologyCEOoftheYear2015"parlemagazineBusinessWorldwide. M.MohammedKateebestégalementunorateurchevronnéetaétéleprincipal intervenantlorsdenombreusesconférencesinternationalessurlethèmedestendances informatiquesdansl’industriedesservicesfinanciersinternationaux,etestunmembre actifdelacommunautédelafinanceislamique. Ensavoirplusici :https://www.linkedin.com/in/mohammedkateeb/

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IFC MAG a eu le plaisir d'interviewer l'un des plus importants leaders du monde émergent de la fintech, en particulier dans le secteur des services financiers islamiques, Mohammed Kateeb, président, Moyen-Orient et Afrique et directeur mondial de la banque islamique chez Azentio Software.

M. Kateeb, en ce qui concerne la banque islamique et la fintech, le secteur prend incontestablement de l'ampleur mais fait face à des défis uniques. En tant qu'expert, parlez-nous de vos stratégies pour les surmonter avec succès.

Nous vous remercions pour cette opportunité. Les deux dernières années ont secoué le monde financier avec une explosion d'innovations technologiques principalement due à la pandémie qui a forcé un niveau sans précédent de changement de canal pour répondre aux changements de comportement et d'attentes des clients. Au cœur de tous ces changements, la technologie financière ou fintech qui a poussé les institutions financières traditionnelles à suivre la révolution numérique et à donner la priorité aux besoins de leurs clients. Comme vous le savez, le secteur bancaire islamique est lourdement chargé de réglementations et de restrictions. De nombreuses banques islamiques dans cette partie du monde ont encore un long chemin à parcourir pour être au même niveau que les banques conventionnelles en raison des limitations et des préoccupations réglementaires. Néanmoins, nous avons vu certaines banques islamiques être de véritables pionnières dans l'utilisation de ces technologies en constante évolution pour répondre aux demandes des clients comme jamais auparavant. Si davantage d'institutions financières islamiques adoptent les nouvelles technologies, elles pourront elles aussi connaître un succès et une croissance similaire à ceux de leurs homologues. Les perspectives semblent très favorables, compte tenu de l'intention stratégique des différents gouvernements de la région de se transformer en centres de fintechs islamiques ou de maintenir leur position de centres financiers islamiques. Azentio Software a fait ses preuves en aidant les banques islamiques dans leur

transformation numérique. Nous donnons à la communauté de la finance islamique les moyens d'agir grâce à des logiciels flexibles et innovants conformes à la charia, spécialement conçus pour améliorer l'expérience client afin d'être compétitif à l'ère du numérique.

Nous sommes maintenant dans l'ère post-pandémique qui traverse des changements profonds et sans précédents. Comment les tendances numériques de la finance islamique peuvent-elles être utilisées efficacement pour surmonter les dommages économiques causés par la pandémie ? Plusieurs études ont montré que la finance islamique est non seulement capable de faire face aux conséquences économiques de la pandémie, mais qu'elle a aussi le potentiel d'émerger comme un système financier alternatif performant et de défier la domination du système bancaire conventionnel. La pandémie actuelle a fourni une nouvelle occasion à la finance islamique de prouver son potentiel et de briller. Le bouleversement numérique incite les banques islamiques à accélérer leur stratégie numérique bien que chacune à son propre rythme dans le but de créer un secteur résilient et compétitif.

LA PANDÉMIE

ACTUELLE A FOURNI UNE NOUVELLE OCCASION À LA FINANCE ISLAMIQUE DE PROUVER SON POTENTIEL ET DE BRILLER.

En tant que vétéran du secteur, que faut-il pour comprendre les clients des banques aujourd'hui ?

Les institutions financières du monde entier utilisent un large éventail d'outils scientifiques et de recherches avancés disponibles aujourd'hui pour se doter d'un avantage concurrentiel important en générant des informations qui conduisent à une

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nouvelle croissance organique. La science du comportement du consommateur joue un rôle clé dans la compréhension du comportement, du style de vie et des préférences des clients. Les segmentations générales classiques qui ont été utilisées par les banques au fil des ans ne suffiront pas à satisfaire leurs clients. Les banques doivent collecter d'énormes quantités de données sur leurs clients par le biais de divers canaux, analyser ces données, reconnaître les modèles de comportement et utiliser ces données de manière stratégique pour fournir des produits et des services qui répondent à leurs besoins. Leur principal objectif est de comprendre comment ils peuvent stimuler la croissance en

répondant aux besoins individuels des clients. Pour parvenir à ce niveau de compréhension de ce que les clients attendent réellement de leurs banques, il faut être capable de comprendre en profondeur ce qui les motive, ainsi que la manière dont ils prennent leurs décisions. Les banques qui identifient ces besoins sont les plus à même d'attirer de nouveaux clients, ce qui entraîne de nouvelles opportunités de croissance.

La finance islamique peut-elle stimuler la croissance inclusive et le développement durable ?

La question de savoir si la finance islamique est un catalyseur de la croissance inclusive et du développement durable n'est pas aussi

LES SEGMENTATIONS GÉNÉRALES CLASSIQUES QUI ONT ÉTÉ UTILISÉES PAR LES BANQUES AU FIL DES ANS NE SUFFIRONT PAS À SATISFAIRE LEURS CLIENTS.
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simple qu'on pourrait l'espérer. Si les caractéristiques inhérentes à la finance islamique lui confèrent plusieurs avantages, le plein potentiel d'une économie islamique complète n'a pas encore été réalisé. Pour que la finance islamique y parvienne, il faut améliorer considérablement le niveau de sensibilisation, le renforcement des capacités, la normalisation, les pratiques de gestion des risques, la surveillance réglementaire, le traitement fiscal et les cadres d'insolvabilité.

Azentio a récemment déployé une solution de BI dans une banque basée au Kenya. Quelle est la relation entre la Business Intelligence et la prise de décision ?

Justement, la Gulf African Bank au Kenya (GAB) a mis en service la solution de Business Intelligence d'Azentio. Cette mise en œuvre fournira à la banque une solution de pointe qui utilise des techniques d'analyse, des ratios, des formules et des procédures de calcul pour mesurer et surveiller les performances et la rentabilité en ligne de la GAB en temps réel. L'objectif ultime de ce projet est de prendre de meilleures décisions commerciales qui permettront à la banque d'augmenter ses revenus, d'améliorer son efficacité opérationnelle et d'obtenir des avantages concurrentiels par rapport aux banques locales et régionales. Lorsque nos clients mettent en œuvre notre

plateforme d'intelligence, l'objectif est directement lié à l'importance de l'utilisation stratégique des données en interne pour améliorer l'efficacité des opérations de la banque, et en externe pour fournir des produits et services de qualité supérieure aux clients de la GAB. Il est important que chaque décision de la banque soit fondée sur des données, l'objectif étant de devenir une organisation axée sur les données.

Quelle est la vision d'Azentio pour faire progresser la banque islamique en Afrique ?

La croissance rapide de la population et des marchés africains présente de nombreuses opportunités pour nous dans un contexte de ralentissement de la croissance mondiale. C'est l'un de nos principaux marchés cibles. Nous avons la connaissance du marché et les compétences nécessaires pour servir nos clients africains. L'exploitation de la fintech islamique et des technologies numériques innovantes peut constituer un avantage comparatif, notamment pour atteindre la portée des communautés non bancarisées/éloignées et réduire le coût de l'intermédiation financière

L'OBJECTIF ULTIME DE CE PROJET EST DE PRENDRE DE MEILLEURES DÉCISIONS COMMERCIALES QUI PERMETTRONT À LA BANQUE D'AUGMENTER SES REVENUS, D'AMÉLIORER SON EFFICACITÉ OPÉRATIONNELLE ET D'OBTENIR DES AVANTAGES CONCURRENTIELS PAR RAPPORT AUX BANQUES LOCALES ET RÉGIONALES.

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PUBLICITES REPORTAGES ANNONCES

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Dr UMAR OSENI

International Islamic Liquidity Management Corporation

Notre intérêt pour l'Afrique reste fort et nous sommes déjà en pourparlers avec des institutions multilatérales telles que la Banque Africaine de Développement (BAD) dans le cadre d’une collaboration afin de voir dans quelle mesure nous pouvons soutenir le marché africain.

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Parlez-nous de l’IILM, son but et ses objectifs

International Islamic Liquidity Management Corporation (IILM) est une organisation internationale créée par des Banques Centrales et une organisation multilatérale pour répondre aux défis de la gestion des liquidités auxquels sont confrontés les institutions financières islamiques, en développant et en proposant des instruments de liquidité conformes à la charia avec une notation élevée. L'IILM est composée de membres divers, dont les Banques Centrales d'Indonésie, du Koweït, de Malaisie, de Maurice, du Nigéria, du Qatar, de la Turquie, des Émirats Arabes Unis ainsi que de la Islamic Corporation for the Development of Private Sector (ICD)Société Islamique pour le Développement du secteur privé (SID). L'IILM vise à encourager la coopération régionale et internationale et à mettre en place une infrastructure solide de gestion des liquidités aux niveaux national, régional et international en émettant régulièrement sur le marché des Sukuk à court terme libellés en dollars US. Les Sukuk de l'IILM représentent un instrument du marché financier conforme à la charia et bénéficiant d'une notation élevée, soutenus par des actifs souverains et supranationaux pour répondre aux différents besoins de liquidité des institutions financières islamiques. Le programme d'émission de l'IILM est noté A-1 par Standard and Poor's (S&P) et est distribué et négociable dans le monde entier par l'intermédiaire d'un réseau multi-juridictionnel de principaux négociants. À ce jour, l’IILM a émis plus de 78 milliards de dollars US de Sukuk

Depuis 2018, vous êtes à la tête de l'IILM, passant du statut de PDG par intérim à celui de PDG d'une organisation aussi importante comme l'IILM. Qu'est-ce que cela signifie pour vous ? Quelles leçons de leadership devons-nous tirer de cette trajectoire exceptionnelle ?

Alhamdulillah, je remercie le ToutPuissant Allah pour ses bienfaits. En effet, c'est un honneur de continuer à servir en tant que PDG d'une organisation internationale aussi remarquable. Un voyage et une expérience passionnants. Diriger l'IILM, dont les actionnaires sont des Banques Centrales, exige de le faire avec le plus haut niveau d'éthique et de professionnalisme. Je suis fier de mon équipe et j'apprécie énormément les conseils du Conseil d'Administration de l'IILM. Ils ont été la colonne vertébrale du succès depuis que j'ai commencé à assumer le poste de PDG par intérim, puis celui de PDG maintenant. Je dirige avec une approche simple qui consiste à rendre le titre de la fonction moins important, tout en mettant davantage l'accent sur les résultats. Cette stratégie s'est avérée efficace car chacun a un sentiment d'appartenance et est prêt à donner le meilleur de lui-même. Nous ne travaillons pas en silos mais en EQUIPE (en anglais TEAM, Together Everyone Achieves More – Ensemble chacun fait plus). Et ensemble, nous avons franchi des étapes importantes, comme l'augmentation de l'encours des Sukuk de l'IILM sur le marché, qui a atteint un record de 3,51 milliards USD en 2020, contre 1,96 milliard USD auparavant. Cela nous a permis de répondre aux besoins des investisseurs en proposant régulièrement différentes durées et en améliorant la liquidité du marché secondaire. Et cela a été réalisé pendant une période sans précédent où la pandémie de COVID-19 a frappé le monde.

La pandémie de Covid-19 a eu un impact sur les activités économiques et a créé une nouvelle donne mondiale. Quels sont certains des défis auxquels l'IILM a été confronté pendant la pandémie et quels mécanismes ont été utilisés pour limiter l'impact de la Covid-19 ? A-t-il eu un impact sur votre vision et vos stratégies à long terme pour relever les défis du marché ?

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Découvrez le Leader

Le Dr Umar A. Oseni est le Président-Directeur Général et l'avocat général de l'International Islamic Liquidity Management Corporation (IILM). Auparavant, il était chef de la direction par intérim et directeur exécutif (juridique et conformité) et a été membre de l'équipe de direction de l'IILM depuis 2016. Le Dr Umar A. Oseni a également été chercheur postdoctoral invité par le programme d'études juridiques islamiques de la faculté de droit de Harvard, Université de Harvard. En plus d'être un négociateur certifié à Harvard et un expert en règlement des différends en droit commercial, il possède également une expérience significative et diversifiée dans la structuration des Sukuk, le droit de la finance islamique et les questions de conformité. Le Dr Umar A. Oseni a été consultant dans de nombreux organismes dans les domaines du droit et de la réglementation de la finance islamique. Avec un bon mélange d'expérience académique et industrielle significative dans la finance islamique, Umar a réalisé des travaux de conseils stratégiques pour certaines agences des Nations Unies telles que l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), le COMCEC de l'Organisation de la Coopération Islamique (OCI), Groupe de la Banque islamique de développement (BID) et autres agences gouvernementales. Le Dr Umar A. Oseni est membre de l'Association du Barreau canadien ainsi que de l'Association du Barreau nigérian. En outre, il a précédemment été professeur agrégé de droit et de réglementation de la finance islamique à l'Université internationale islamique de Malaisie. Dans le cadre de son rôle de leader d'opinion, le Dr Umar A. Oseni a publié de nombreux articles dans des revues à comité de lecture et est également l'auteur d'ouvrages faisant autorité sur la finance et le droit islamiques. Il est co-auteur du premier manuel sur la finance islamique intitulé : Introduction to Islamic Banking and Finance : Principles and Practice (Royaume-Uni : Pearson Education Limited, 2013). Il est également co-auteur de IFSA 2013 : Commentaries on Islamic Banking and Finance, and Alternative Dispute Resolution in Islam (Kuala Lumpur : IIUM Press, 2013). Il a co-édité Islamic Finance and Development (Cambridge, Massachusetts : ILSP, Harvard Law School, 2014) et Emerging Issues in Islamic Finance Law and Practice in Malaysia, (Royaume-Uni : Emerald Publishing, 2019). Il est également rédacteur en chef de Fintech in Islamic Finance: Theory and Practice (Royaume-Uni: Taylor et Francis, Routledge, 2019), un ouvrage pionnier faisant autorité sur la dynamique de la technologie financière dans la finance islamique.

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La pandémie de COVID-19 a sans aucun doute eu un impact majeur sur l'économie mondiale, mais les autorités monétaires ont tenu bon en soutenant leurs économies et leurs marchés. L'IILM n'a pas fait exception à la règle, car nous faisons partie de l'écosystème financier et avons eu notre part des défis. Au plus fort de la pandémie, en avril 2020, il y a eu un resserrement des liquidités sur le marché financier mondial et l'IILM a dû supporter des coûts d'émission élevés pour répondre à la demande des investisseurs. Le prix du pétrole a également chuté à l'un des niveaux les plus bas de tous les temps, affectant les flux de revenus des pays du GCC, The Gulf Cooperation Council (entendons le Conseil de Coopération des États arabes du Golfe) et, par extension, cela a créé des opportunités pour soutenir les juridictions ayant besoin de financement. L'IILM, comme toute autre organisation, a également dû faire face à des défis opérationnels en raison des confinements, la sécurité sanitaire des employés et la nouvelle norme du travail virtuel. L'organisation s'est adaptée sur le plan opérationnel, a redéfini sa

stratégie et a relevé ces défis de front. L'année 2020 s'est avérée être l'une des meilleures années de toute l'histoire de l'IILM.

En effet, l'IILM a navigué dans la tempête en émettant stratégiquement sur le marché des Sukuk à court terme pour soutenir les institutions financières islamiques dans la gestion de leurs besoins en liquidités. Les Sukuk de l'IILM ont servi de valeur refuge aux investisseurs en quête de sécurité au plus fort de la pandémie. Nous avons également financé des États souverains pour les aider à soutenir leur économie pendant la pandémie, augmentant ainsi la taille de notre programme à 4 milliards de dollars US et un encours d'émission de 3,51 milliards de dollars US. La pandémie n'a pas vraiment affecté la vision à long terme de l'IILM, elle nous a plutôt présenté de nouveaux défis et de nouvelles opportunités compte tenu de la nouvelle norme que nous avons intégrée dans notre vision d'une institution adaptable et dynamique.

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Considérant le fait que chaque juridiction a ses propres règlements charaïques et autres exigences de la charia, comment l'IILM traite-t-il cette question puisqu'il est impliqué dans la gestion des liquidités transfrontalières ? Pensezvous que la normalisation pourrait être une solution potentielle ?

Il ne fait aucun doute que la normalisation est essentielle pour accélérer le développement d'un programme ou d'un cadre, car elle garantit une acceptation plus large du marché, la transparence, la confiance, etc. C'est pourquoi les institutions et les professions les plus importantes s'y évertuent. Ces atouts sont reconnus par l'IILM, qui continue de s'engager avec les spécialistes de la charia et les parties prenantes à travers des tables rondes sur la charia et des événements en collaboration avec Islamic Financial Services Board (IFSB) sur la manière d'ancrer l'uniformité dans les normes, en particulier en ce qui concerne le traitement HQLA des Sukuk de l'IILM et la nécessité d'un taux

de référence mondial pour les opérations Repo (contrats de rachat) islamiques.

Nous pensons qu'elle contribuerait à approfondir le programme de l'IILM et l’industrie des services financiers islamiques dans son ensemble. En tant qu'instrument de liquidité transfrontalier, le Sukuk à court terme de l'IILM s'est bien comporté, a été accepté et continue d'élargir sa base d'investisseurs dans différentes régions. Ceci est dû au fait qu'il répond à la plupart des exigences requises par les normes de différentes régions, telles que la définition du Sukuk en tant que masse d'actifs, le cadre de gestion des risques, le conseil de la Charia et la fatwa, etc. Afin que les Sukuk de l'IILM puissent être largement acceptés en termes de conformité à la Charia, nous visons le plus haut ratio/rapport de tangibilité dans la structuration des Sukuk. Actuellement, notre portefeuille d'actifs est à ~80% tangible, ce qui est supérieur au minimum de 51% requis par l'AAOIFI. Néanmoins, il est possible d'aller plus loin en matière de normalisation et il ne fait aucun doute qu'elle ouvrira des opportunités de croissance dans le domaine de la finance islamique et contribuera à accroître la portée du programme Sukuk de l'IILM.

Notre portefeuille d'actifs est à ~80% tangible, ce qui est supérieur au minimum de 51% requis par l'AAOIFI

Aujourd'hui, la question de l'intégration de l'ESG dans la structuration des Sukuk fait l'objet de débats dans de nombreux écosystèmes de la finance islamique et de nombreuses voix s'élèvent pour que le modèle puisse répondre aux Maqassid de la charia. Comment pensez-vous que le marché financier islamique pourrait atteindre ces objectifs ?

La pertinence et la croissance des principes environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans l'investissement ont attiré l'attention de la communauté internationale, en particulier avec les préoccupations actuelles liées au changement climatique. Il existe une grande synergie entre les principes de la charia et ceux de l'ESG, en particulier en ce qui concerne les valeurs d’éthique et la responsabilité, qui sont

en accord avec la proposition de valeur originale de la théorie économique islamique et de la charia.

L'idée d'élargir le concept d'intégration ESG pour englober les Maqasid al Shari'ah (objectifs principaux de la loi islamique) est importante car elle incorpore les valeurs et principes de l’ESG plus larges reconnus par l'investissement socialement responsable (de l’anglais SRI, socially responsible investing), qui est efficace pour répondre aux défis socio-économiques de la société. Pour intensifier l'adoption de la considération ESG en accord avec les Maqasid al-Shari'ah, le marché des capitaux islamiques doit adopter une approche plus dynamique et proactive en encourageant les institutions financières à intégrer les objectifs ESG dans leurs modèles d'entreprise et dans l'élaboration de leurs politiques, encourager les entités qui se

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conforment, fournir des plateformes et des infrastructures pour les produits liés à l'ESG, promouvoir des cadres de normalisation et de reporting, une réglementation efficace et des incitations réglementaires. Nous avons constaté des développements importants dans ce domaine dans certaines juridictions avancées, comme la Malaisie, qui a introduit les Sukuk d'investissement durable et responsable (ISR). Par conséquent, on pourrait facilement dire qu'il existe une certaine convergence entre les principes ESG et les principes qui soustendent le marché des capitaux islamiques.

Quel rôle l'IILM pourrait-il jouer pour relever ces défis ? Les sukuk ESG sont-ils pertinents du point de vue des perspectives de la gestion des liquidités ?

Le défi ESG est une préoccupation pour tous et particulièrement les acteurs de l'écosystème financier. En tant qu'émetteurs de Sukuk à court terme, l'IILM pourrait envisager d'émettre des Sukuk liés à l'ESG à l'avenir, au fur et à mesure que le marché se développe. De même, nous sommes ouverts au financement à long terme des souverains et des GRE qui ont une passion pour les projets verts et le financement social au sein de l'économie dans l'espace ESG. La liquidité est importante pour la plupart des institutions financières, en particulier les banques, et les Sukuk ESG à court terme seraient pour elles un moyen d'investir dans des instruments liquides qui sont également conformes aux normes ESG. En agissant ainsi, elles peuvent remplir leurs mandats ESG sans compromettre la liquidité. Il existe en effet un marché pour les Sukuk ESG à court terme, compte tenu de la popularité croissante des Sukuk verts et autres.

La finance islamique fait des vagues en Afrique avec des nouveaux cadres réglementaires dans de nombreuses juridictions. Mais parmi les défis auxquels sont confrontées les banques islamiques figure la liquidité. L'IILM exploite-telle ce marché ? Quelle est votre relation avec l'écosystème africain de la finance islamique ?

L'Afrique reste une destination importante pour les investisseurs en raison de son potentiel de croissance, de son énorme marché et de ses avantages en termes de diversification. Comme souligné, la finance islamique commence à pénétrer le marché africain, ce qui n'a que trop tardé compte tenu des nombreux avantages attendus et du niveau élevé d'exclusion

financière sur le continent. Cependant, comme dans d'autres parties du monde, la gestion des liquidités reste un problème surtout pour les institutions financières islamiques où les instruments sont rares, d'où la nécessité d'une institution telle que l'IILM. Nous n'avons pas encore exploité pleinement les marchés africains, car nous nous sommes davantage concentrés sur la région du Golfe et l'Asie, étant donné l’avancée de la finance islamique dans ces régions. Toutefois, la Banque Centrale du Nigéria et la Banque de Maurice sont des membres fondateurs de l'IILM. Actuellement, des efforts de collaboration sont en cours pour approfondir le marché de l'IILM au Nigéria en incitant les institutions financières à souscrire aux Sukuk à court terme de l'IILM. Nous avons également des investisseurs d'autres pays africains et nous prévoyons de continuer à élargir notre base d'investisseurs africains dans un avenir proche.

Selon vous, que devraient faire les pays africains pour être plus attrayants pour les investisseurs comme l’IILM ?

Il est essentiel pour l'Afrique d'approfondir l'infrastructure financière et les solutions de plate-forme dans

lesquelles les produits financiers peuvent être mis en œuvre et d'améliorer leur solvabilité afin de pouvoir attirer les capitaux au niveau mondial. Il est également nécessaire de soutenir l'effort de sensibilisation dans l'espace de la finance islamique et soutenir l'établissement d'institutions financières islamiques plus solides sur le continent, capables d'être compétitives au niveau mondial, de lancer des produits islamiques innovants et d’approfondir le marché. Les gouvernements, les spécialistes de la charia et les autres parties prenantes ont tous un rôle à jouer dans le développement du secteur financier pour qu'il soit compétitif au niveau mondial et attirer les meilleurs investisseurs, étant donné l'énorme potentiel du marché

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Quelles sont les projections de l'IILM puisqu'elle prévoie de s'étendre et comment l'Afrique en bénéficierait-elle ? Envisageriez-vous de signer des protocoles d'accord avec des organismes financiers africains ?

L'IILM prévoit de maintenir sa trajectoire ascendante en fournissant des solutions de liquidité transfrontalières au niveau mondial en tant que seul émetteur de Sukuk à court terme libellé en dollars. L'objectif est d'être plus innovant, de pénétrer plus de marchés, de servir de référence mondiale pour les solutions de gestion de la liquidité islamique et de s'adapter à cet environnement en constante évolution. L'Afrique peut bénéficier de notre volonté de pénétrer de nouveaux marchés pour des raisons de diversification et d'évolutivité. Elle figure donc en tête de liste de nos priorités. Ces développements leur donneraient accès à des financements pour les souverains et des solutions de liquidité pour leurs institutions financières. Notre intérêt pour l'Afrique reste fort et nous sommes déjà en pourparlers avec des institutions multilatérales telles que la Banque Africaine de Développement (BAD) dans le cadre

équipe mondiale d'experts pour produire l'un des livres pionniers sur la fintech dans la finance islamique. Cela fait partie du leadership éclairé que certains d'entre nous essaient d'offrir au secteur des services financiers islamiques à l’échelle mondiale.

Comment l'écosystème africain de la finance islamique pourrait-il s'appuyer sur les Fintech pour renforcer son leadership/attrait dans le secteur financier mondial ?

En étant présent, proactif et pas seulement réactif. Le savoir est un pouvoir, nous devons commencer à investir dans l'avenir et créer des leaders capables d'évoluer et de suivre l'évolution du temps. Il faut être prêt non seulement à accepter le changement, mais aussi à agir rapidement. L'espace de la finance islamique n'en est qu'à ses débuts et de nombreux produits doivent encore être développés pour répondre à la demande des investisseurs. L'espace fintech offre une plateforme idéale pour y parvenir. Pour être pris en compte globalement, l'écosystème africain de la finance islamique pourrait en effet s'appuyer sur la technologie qui a contribué à faire tomber les barrières et a permis la création d'un marché plus global. Cependant, cela ne peut se faire qu'au prix d'efforts concertés de la part des leaders du secteur, d'investissements massifs dans les fintech, le renforcement des capacités et des solutions innovantes.

L'IILM envisage-t-il d'élargir son offre de programmes ?

sur l'espace technologique s'il souhaite rester en activité. En cette ère de croissance exponentielle de la technologie, l'adaptabilité et la vigilance sont les ingrédients du succès. L'espace fintech offre de nombreuses opportunités et la finance islamique doit se positionner stratégiquement pour en tirer le meilleur parti. Chaque aspect de notre vie est en train de se numériser, comme les monnaies numériques, les blockchains, les NFT, etc. Ce sont les réalités de l'avenir, et elles regorgent de nombreuses opportunités.

La finance islamique ne doit pas rester à la traîne. Il ne fait aucun doute que la fintech islamique déterminera le succès de l'industrie de la finance islamique à l'avenir et il est urgent de développer l'espace fintech Dans le cadre de mes humbles efforts, j'ai dirigé une

L'IILM s'est efforcée de remplir son mandat en fournissant des instruments de gestion de la liquidité au marché. En 2021, l'IILM a fourni plus de 14,12 milliards de dollars à travers l’émission de 36 Sukuk, le volume le plus élevé depuis sa création. Elle est devenue un émetteur fréquent et stable, proposant pour la première fois 3 durées différentes, à savoir des Sukuk à 1 mois, 3 mois et 6 mois. Ces émissions ont représenté 27 % du total des émissions mondiales de Sukuk en USD en 2021 et a positionné l'IILM comme l'un des principaux émetteurs de Sukuk en USD. Le volume du marché secondaire a augmenté pour atteindre 1,4 milliard d'USD, soit environ 10 % du total des émissions.

À l'avenir, l'IILM s'efforcera de développer son programme d'émission en y ajoutant de nouvelles caractéristiques et en répondant à la demande d'émission d'actifs liquides de haute qualité et de durées plus longues en fonction des conditions du marché. L'IILM se réjouit d'attirer de nouveaux investisseurs, en particulier en Afrique, afin de diversifier sa base d'investisseurs et d'améliorer ainsi la liquidité de ses Sukuk sur le marché secondaire

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QUELQUES LIVRES DE L’AUTEUR

Dr Umar OSENI

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FORMATION CERTIFIANTE PRATIQUE DES MARCHES DES CAPITAUX ISLAMIQUES DEVELOPPEZ DES COMPETENCES DANS L’INGENIERIE DES PRODUITS DES MARCHES DES CAPITAUX ISLAMIQUES ET SAISISSEZ DE NOUVELLES OPPORTUNITES Pour toute information training@dexterity-africa.com +225 07 57 707 012 +225 27 22 558 120 SUKUKS ET ACTIONS SHARIA/ESG SCREENING FONDS D’INVESTISSEMENTS PRIVATE EQUITY MODELISATION FINANCIERE CROWDFUNDING FINTECH Malaisie Bahrein Avec des programmes d’immersions virtuelles ONLINE Nigéria Sénégal
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UNE
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AJDIR
ANALYSEDE Boubkeur

LES PROBLÉMATIQUES RÉGLEMENTAIRES

STRUCTURANTES POUR LA FINANCE ISLAMIQUE

Boubkeur AJDIR

Il est fondamental dans le cadre de la mise en œuvre du cadre réglementaire d'un marché de la finance islamique d’adopter une approche bien pensée et intégrée. Les lois régissant le secteur financier dans les juridictions non musulmanes comportent en effet un certain nombre de frottements qui peuvent potentiellement freiner la finance islamique. Nous passerons en revue ici trois des problématiques les plus structurantes et qui concernent le marché des capitaux islamiques, les Sukuk et quelques outils de la gestion collectives : (i) l’intégration dans les textes existants ou l’adoption de textes nouveaux; (ii) le cas particulier des Sukuk et de la titrisation et (iii) le référentiel de conformité Charia. Nous aurons l’occasion d’en aborder d’autres dans de prochaines publications.

I. Nouveaux textes dédiés ou amendements des textes existants

Lorsque l’on parcourt les approches réglementaires à l’échelle internationale, on observe qu’à de rares exceptions près, il n’existe pas de régulation propre aux «marchés financiers islamiques », mais plutôt aux « produits financiers islamiques». Ceux-ci s’inscrivent le plus souvent dans un cadre général qui est celui de la protection de l’épargne et l’intégrité des marchés. Les objectifs des régulateurs ne divergent pas selon qu’il s’agit de produits de la finance conventionnelle ou de la finance islamique. S’agissant des produits eux-mêmes, la question est de savoir s’il convient de modifier les textes existants régissant les produits et véhicules d’investissement déjà en vigueur (Organisme de Placement Collectif, Fonds Communs de Titrisation, Repo-Pensions livrées, …), ou s’il convient

de faire, pour chacun de ces instruments, un texte ad hoc.

De ce point de vue, les exemples les plus proches de l’Afrique de l’Ouest, à savoir le Maroc et la Tunisie, sont radicalement différents : alors que la Tunisie a mis en place des textes spécifiques sur les Sukuk, le Maroc a fait le choix d’intégrer ces instruments dans la loi relative la titrisation, complétée par des arrêtés qui font l’objet d’une approbation par le Conseil Supérieur des Oulémas, seul organe du Royaume habilité à se prononcer sur la conformité au droit musulman.

Ces deux approches présentent des avantages et inconvénients. S’agissant de l’intégration dans les textes existants : - Avantages : cohérence entre le produit islamique et le produit conventionnel - Inconvénients : risque de forcer certains concepts qui ne correspondent pas à la finance conventionnelle S’agissant de la mise en place de texte ad hoc :

- Avantages : meilleure lisibilité et cohérence du produit islamique ; - Difficultés : risque d’être considéré comme un produit radicalement différent de celui équivalent dans la finance conventionnelle (par exemple, un Repo islamique risque d’être vu comme totalement différent d’un repo conventionnel).

II. Les émissions de Sukuk par titrisation et sans titrisation

En Afrique de l’Ouest, en l’absence d’instrument juridique comparable au trust anglo-saxon, l’émission de Sukuk repose dans la pratique substantiellement sur la technique de titrisation et/ou sur des titres adossés à des actifs. Cependant, le recours à des véhicules de titrisation réglementés n’est pas une obligation imposée par le droit musulman. Une société en participation

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pourrait, à titre illustratif, émettre des Sukuk. Ces opérations peuvent, par conséquent, être structurées de différentes manières, notamment selon les besoins des émetteurs, des actifs sous-jacents disponibles, de l’aversion au risque des investisseurs en s’appuyant sur des structures juridiques ad-hoc.

Les émissions de Sukuk sans mécanisme de titrisation sont d’autant plus importantes pour les Etats qui ont besoin de s’appuyer sur une procédure moins lourde, moins fastidieuse et moins coûteuse. Une émission souveraine de Sukuk ne doit, en effet, pas être plus complexe à réaliser qu’une émission obligataire. Ceci est également applicable aux émissions privées dès lors que les intérêts et droits des investisseurs sont correctement protégés. Il est alors pertinent d’étudier le recours à des entités adhoc de type SPV plutôt qu’à des fonds ou sociétés de titrisation.

III. La nécessité de définir un référentiel normatif pour la conformité à la Charia

Le contexte laïc des juridictions ouest-africaines nous amène à considérer que les autorités n’ont ni la compétence, ni la légitimité pour se prononcer elles-mêmes sur la conformité au droit musulman des affaires des produits financiers islamiques. Dans le même temps, il leur est alors nécessaire de mettre en place un cadre permettant de concilier conformité au droit local et conformité au droit

musulman. Pour ce faire, elles doivent être, à minima, en mesure d’évaluer l'aptitude des jurisconsultes musulmans à se prononcer ou émettre des avis pour les institutions financières. A cette fin, elles doivent définir un ancrage institutionnel de la conformité et de la gouvernance sharia en s’appuyant ou en s’inspirant des normes internationales telles que celles de l'IFSB et l'AAOIFI. Le contexte civiliste de l’Afrique de l’Ouest ne permet pas de dupliquer de façon automatique et simpliste les approches adoptées dans les pays d’Asie du Sud ou du GCC où sont installés les organes de normalisation de la finance islamique. Par conséquent il est nécessaire de mettre en place un « référentiel sharia » qui est propre au contexte ouest-africain, qui permet à la fois d’intégrer les spécificités juridiques locales mais également de tenir compte des dynamiques socio-culturelles, socio-économiques et religieuses des pays de l’UEMOA

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Boubkeur AJDIR, Associé, Directeur des activités du groupe IFAAS dans les pays francophones

Audit Shariah d´un portefeuille d’actifs islamiques d'une valeur de 3 milliards de dollars

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Comprendre et appliquer le Takaful

u cours des 30 dernières années, l'industrie des services financiers islamiques a connu une forte expansion dans plusieurs parties du monde. Selon le rapport 2021 Refinitiv, il existe 1595 institutions financières islamiques dans le monde. Dans un contexte de crise perpétuelle, le besoin de se référer à des valeurs éthiques s’affirme chaque jour un peu plus. L’attractivité des investissements socialement responsables s’en trouve aujourd’hui renforcée et la finance islamique s'impose ainsi de plus en plus comme une alternative fiable à la finance conventionnelle. Le secteur de l'assurance islamique, ou Takaful, figure parmi les plus florissants depuis l'arrivée du premier assureur de ce genre en 1979 au Soudan. L’assurance islamique ou Takaful est étymologiquement un mode d’organisation de la solidarité au sein de la communauté (Oumma) des croyants, conçu conformément à l’éthique musulmane et dont la mise en œuvre obéit à des mécanismes juridiques qui s’accordent avec la loi islamique (charia). Le Takaful est un système d'assurance dans lequel les membres contribuent mutuellement à la constitution d’un fonds, afin de se soutenir mutuellement en cas de survenance d’un dommage. L'objectif du Takaful est de coopérer, de vivre en harmonie au sein de la communauté et de se protéger mutuellement contre les aléas de la vie. Les assurés du Takaful contribuent régulièrement sur une base monétaire qui est supervisée et gérée par une société de gestion Takaful. La pénétration de l’assurance conventionnelle reste très faible en Afrique. Elle comptabilise 60190 milliards USD de primes vie et non vie en 2020, soit 0,95% de la prime mondiale.(Atlas Magazine N°189, mars 2022.)

MICROTAKAFUL TAKAFUL GENERAL TAKAFUL FAMILY
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A

L'Afrique du Sud s’accapare à elle seule 67,5% des cotisations du continent soit 1% de son PIB, loin des 5 % observés en Asie (Atlas Magazine, Février 2021). Les assureurs ont mis du temps à adapter leurs produits et services aux réalités du continent africain Ceux-ci sont, pour la plupart, identiques aux produits et services proposés dans les pays industrialisés, c’est-à-dire des contrats longs et complexes, distribués par l’intermédiaire de réseaux coûteux d’agents et de courtiers qui ne touchent que l’élite urbaine. Face à l’incapacité du marché traditionnel de l’assurance conventionnelle à répondre à ces besoins, l’assurance islamique basée sur des principes éthiques se positionne comme une alternative viable

I- FONDEMENTS

A- Principe et modèle du Takaful a- Principe

L'assurance Takaful se distingue fondamentalement de l'assurance conventionnelle du fait que, les primes sont considérées comme des « contributions » à un fonds commun établi dans le but de répartir le risque de survenance d’un événement défavorable touchant un membre du groupe Le Takaful consiste en un accord d’entraide et de solidarité entre les membres d’une communauté en cas de perte ou de dommage subis par l’un d’entre eux. C’est un concept global qui peut se traduire par celui de garantie mutuelle ou d’indemnisation entre membres d’un groupe qui sont à la fois assureurs et assurés Il prône le partage équitable des risques et des bénéfices, une forme de finance associative.

L’assurance Takaful est donc une garantie mutuelle, basée sur les principes de la finance islamique qui sont :

• Le partage des risques entre les parties au contrat;

•La matérialité : toute transaction doit avoir une "finalité matérielle", liée directement ou indirectement à la transaction économique réelle;

•La non-exploitation : les transactions financières ne doivent jamais donner lieu à l'exploitation d'une des parties contractantes;

•L'interdiction de financer le "haram" ou les activités illicites en rapport avec la production de boissons alcoolisées, le porc, la pornographie, les jeux de hasard

Les seuls placements admis par la loi religieuse sont ceux dont la rémunération résulte d’un partage du sort entre investisseurs et bénéficiaires.

Le Takaful implique :

•La séparation des fonds des preneurs d’assurance et ceux des actionnaires;

• L’engagement à distribuer les bénéfices financiers aux preneurs d’assurance ;

•La création d’un conseil de surveillance de la charia, qui supervise les opérations d’assurance et contrôle leur conformité à la charia

b- Takaful: produits et modèles •Les produits

Il y a 2 types de produits Takaful : Takaful Général (Assurance nonvie) et le Takaful Famille (Assurance vie). Le Takaful Général offre une protection à court terme, normalement pour une période d’un an Il inclut les assurances de biens, les assurances de responsabilité et les assurances de dommages corporels Il s’agit de : Takaful automobile, incendie, maritime, accidents divers, etc…

Le Takaful Famille, quant à lui, offre une combinaison de protection et d’épargne à long terme, couvrant une période de plus d’une année Il intègre les assurances de personnes à l’exception des assurances de dommages corporels On peut

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citer entre autres, le Takaful décès, crédit, éducation, santé, …

• Les

modèles

Dans le régime Takaful, il existe plusieurs modèles opérationnels qui ont été adoptés par les sociétés Takaful dans le monde Les Takaful à faible nombre de participants fonctionnent sous la forme de coopératives et s’appuient sur le Tabarru (donation en arabe) La contribution donnée par les promoteurs à la création du Takaful est assimilée à un qard hassan c’est-à-dire un prêt à titre gracieux, et celle des participants (assurés) à un don (Tabarru) destiné au fonds de garantie mutuelle. Les compagnies Takaful évoluant sous la forme de sociétés commerciales peuvent être gérées

selon certains contrats existants en finance islamique La distinction est maintenue entre le fonds mutuel des assurés et le fonds constitué par les promoteurs Les modèles les plus utilisés sont le modèle Mudarabah (commandite), le modèle wakalah (contrat d’agent) et le modèle hybride.

Le modèle Mudarabah

• Takaful général :

1 Les participants versent des cotisations takaful qui forment un fonds commun de Takaful

2 Le fonds est investi dans des actifs conformes à la Charia

3 Tout bénéfice généré par les investissements est partagé entre les participants et l'opérateur Takaful sur la base d'un ratio de partage des bénéfices convenu au préalable.

4 À la fin de l'année, l'excédent (après déduction des indemnités en cas de sinistre, des contributions au retakaful, des provisions et des frais de gestion) est distribué aux participants Dans un modèle de mudarabah modifié, l'excédent est partagé entre les participants et l'opérateur Takaful

Le modèle Mudarabah

Takaful Famille

Mode opératoire Takaful Famille

1,Les participants versent des cotisations takaful qui forment un fonds commun Takaful

2 Le fonds Takaful est réparti sur des comptes : le compte d'investissement des participants (également appelé compte d'épargne des participants), et le compte spécial des participants (également appelé compte de risque des participants). Ce dernier est basé sur le concept de Tabarru. Le ratio de répartition du fonds est convenu au préalable entre les participants et l'opérateur Takaful

3 Les fonds des deux comptes sont investis dans des actifs conformes à la Charia, tels que des instruments islamiques gouvernementaux, des titres de créance privés islamiques et des actions, ainsi que des actifs fixes et des comptes de dépôt fixe islamiques.

4. Tout bénéfice généré par les investissements est partagé entre les participants et l'opérateur Takaful sur la base d'un ratio de participation aux bénéfices convenu au préalable

5 Le montant du compte d'investissement des participants est versé aux participants à l’échéance du régime Takaful, ou au bénéficiaire en cas de décès de l'assuré

6 Le montant du compte spécial des participants est utilisé pour payer les demandes d'indemnisation des participants, les cotisations de retakaful, les provisions et les frais de gestion.

7 En fin d'année, l'excédent est distribué aux participants Dans un modèle de mudarabah modifié, l'excédent est partagé entre les participants et l'opérateur Takaful

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Fonds
PARTICIPANTS Compte
Sinistres • Prestation • Rétakaful •Provisions Surplus de souscription Opérateur Tabarru Investissement Profit Fonds de risques 2 1 5 3 4 4 4 6 7 7
Takaful
Investissement
Mode opératoire Takaful Général Fonds Takaful (Primes) PARTICIPANTS Investissement Provisions Rétakaful Sinistres Surplus de souscription Opérateur Profit d’investissement X% Y% X % Y % 4 1 3 3 4 Déductions ➢ Le modèle Wakalah • Takaful
2
Général

1 Les participants versent des cotisations Takaful dans le cadre du régime Takaful qui sont divisées en : (a) commissions de gestion wakalah (la rémunération des agents et les frais d'administration) versés à l’opérateur et (b) fonds Takaful

2 le fonds Takaful est investi

3. Tout revenu ou bénéfice généré est ajouté au fonds. L’opérateur Takaful peut aussi percevoir une commission de performance en cas de bonne performance de l'investissement

4 On déduit du fonds Takaful, les indemnités en cas de sinistre des participants, les contributions au retakaful et les provisions

5 A la fin de l’année, l'excédent (après déduction) est distribué aux participants Dans un modèle Wakalah modifié, l'excédent est partagé entre les participants et l'opérateur Takaful.

➢ Le modèle Wakalah

• Takaful Famille

1. Les participants versent des cotisations qui permettent de constituer le fonds Takaful et de payer les commissions de gestion wakalah de l’opérateur

2 Le fonds Takaful est divisé en deux comptes: compte d'investissements pour l'épargne, et le compte spécial des participants (également appelé compte de risque des participants) Ce dernier est basé sur le concept de tabarru.

3 Les fonds des deux comptes sont investis dans des actifs conformes à la charia

4 Le bénéfice de l'investissement, s'il y en a un, est ajouté aux comptes (investissements et Tabbaru)

L'opérateur takaful peut avoir droit à une commission de performance pour une bonne performance de l'investissement.

Le montant du compte d'investissement des participants est versé aux participants à l'échéance du contrat, ou au bénéficiaire au décès de l'assuré

Le montant du compte spécial des participants est utilisé pour le paiement des sinistres, le retakaful et les provisions

5 En fin d'année, l'excédent est distribué aux participants. En principe, l'excédent de souscription dans le cadre du modèle wakalah devrait être distribué aux participants uniquement ; cependant, sur la base des pratiques actuelles du secteur, dans un modèle wakalah modifié, l'excédent est partagé entre les participants et l'opérateur Takaful

➢ Le modèle Hydride

Ce modèle est le modèle le plus dominant sur le marché Takaful En effet, ce modèle est pratiqué par la plupart des sociétés Takaful du Moyen-Orient ainsi que dans d’autres régions (Malaisie, Bahreïn, EAU, Soudan, Kenya ) En outre, l'Organisation de l‘Audit et de la Comptabilité des Institutions Financières Islamiques (AAOIFI) recommande l’utilisation de ce modèle par les opérateurs Takaful (AAOIFI, 2003)

1. Les participants versent des cotisations pour constituer le fonds Takaful

2. Les cotisations sont divisées en : commissions de gestion wakalah, en fonds de risques (Tabbaru) et en fonds d’investissement.

Les frais d'agence, qui comprennent la commission d'agence et les frais administratifs, sont versés au fonds de l'opérateur Takaful.

On déduit du fonds de risques (géré selon la wakalah), les indemnités en cas de sinistres, les provisions et les frais de retakaful

Mode opératoire Takaful Général X% Y% déductions X % Y % 5 1 3 3 5 1b 1 1a 2 4 Fonds Takaful Provisions Sinistres Retakaful Surplus Investissements Profits Opérateurs PARTICIPANTS Commissions de gestion wakalah Modèle hybride PARTICIPANTS 2 1 3 4 100 % X% Y% 2 2 5 4 5b 5a commissions de gestion Wakalah Fonds Takaful Fonds d’investissement Fonds de risques (Tabbaru) Sinistres Retakaful Provisions Profit Opérateur Surplus 2 1 3 4 1 2 5 4 5b 5a commissions de gestion Wakala Fonds Takaful Fonds d’investissement des participants Fonds de risque des participants Sinistres Retakaful Provisions Profit Opérateur Surplus Investissements Profit 4 Wakala modifié PARTICIPANTS
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Mode opératoire Takaful Famille

3. le fonds d’investissement (géré selon la Moudarabah) est utilisé pour effectuer des placements conformes à la charia.

4.Les bénéfices, s'il y en a, sont partagés entre les participants et l'opérateur Takaful sur la base du ratio convenu.

5.A la fin de l’année, l'excédent resultant du fonds de risques, est distribué aux participants et à l'opérateur Takaful selon le ratio convenu dans le contrat. Ceci est basé sur la pratique actuelle, bien qu'en principe, l'excédent de souscription sous Wakalah devrait être distribué aux participants uniquement.

B- Comparaison entre Takaful et assurance conventionnelle

a- Points de divergences

Le Takaful et l'assurance conventionnelle peuvent se ressembler à première vue, dans la mesure où ils partagent tous deux l'objectif de protection contre des circonstances imprévues, mais en y regardant de plus près, les différences deviennent apparentes

La principale différence entre l'assurance conventionnelle et le Takaful est que la première est un modèle de transfert des risques, tandis que le second est un modèle de partage des risques Outre la principale caractéristique mentionnée ci-dessus, il existe quelques autres différences entre les deux polices Dans l'assurance conventionnelle, le risque est transféré de l'assuré à l'assureur Le Takaful, en revanche, est basé sur le partage du risque Chaque participant fait un don à un fonds commun et, en cas de sinistre, le participant en recevra le montant de sa réclamation. Contrairement à l'assurance conventionnelle, les participants au Takaful conservent un droit de propriété sur le fonds Les contributions des participants sont ensuite investies dans des activités "halal" ou conformes à la charia afin d'en tirer un revenu d'investissement Si le fonds génère un excédent, celui-ci est partagé entre les participants et, dans certains cas, avec l'opérateur Takaful Cela crée une situation "gagnant-gagnant" pour toutes les parties prenantes.

b- Synthèse comparative

II- MARCHE DE TAKAFUL EN AFRIQUE

La première compagnie d’assurance islamique a été introduite au Soudan dans les années 1970, sur un modèle coopératif assez proche de celui d’un assureur mutualiste classique. Le modèle est resté confiné dans les pays musulmans Des modèles plus commerciaux de Takaful ont été implantés plus tard dans des pays comme la Malaisie et l’Arabie Saoudite Le Takaful a évolué vers une alternative viable à l’assurance classique et a attiré un large éventail de clients, musulmans et non musulmans Le développement de l’assurance Takaful s’est propagé dans plusieurs pays en Afrique et dans le monde. Le Takaful est désormais considéré comme un élément clé du développement de la finance islamique en général, surtout grâce à sa capacité à mobiliser des capitaux

a- Règlementation en Afrique

La promotion financière islamique suppose l’amélioration nécessaire du cadre institutionnel dans lequel opèrent ces institutions L’absence de cadre règlementaire est un handicap majeur empêchant le développement des produits financiers islamiques sur le continent. En dépit de cette situation, certains pays africains tels que le Nigéria, le Maroc la Tunisie, le Kenya, les pays de la zone UEMOA, se démarquent du lot à travers des juridictions spécifiques à la finance islamique et plus précisément l’assurance Takaful

b-Règlementation zone UEMOA

La zone UEMOA a affiché sa volonté à développer la finance islamique. Et ceci à travers la mise en place d’un cadre règlementaire destiné spécifiquement aux établissements de crédit exerçant une activité de finance islamique par le biais de deux (2) instructions n°002-03-2018 et n°004-05-2018 Dès 2019, la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurance (CIMA), a introduit le règlement N°003-19 portant réglementation des opérations d’assurance Takaful dans les Etats membres.

TAKAFUL ASSURANCE CONVENTIONNELLE

Coopération mutuelle. Les fonds sont alimentés par les dons des participants. Les fonds mis en commun peuvent être utilisés pour protéger les autres participants contre les risques.

Soumis à la fois à la charia et aux lois gouvernementales.

Une police qui transfère le risque à la compagnie d'assurance. Vous payez une prime pour être couvert.

Cependant, dans la pratique, certaines problématiques de droit local posent encore des obstacles au recours de la finance islamique Ainsi, il convient d’adapter les lois et réglementations fiscales au niveau national pour s’assurer que celles-ci ne pénalisent pas les produits de la finance islamique

Soumis uniquement aux lois du gouvernement.

Les compagnies d'assurance sont libres d'investir dans des instruments juridiques tels que des actions, des obligations, etc. Les bénéfices ou les excédents sont partagés entre les participants et les opérateurs d'un fonds Takaful.

L'opérateur Takaful n'investit que dans des instruments conformes à la charia, exempts de gharar (incertitude), de maisyr (jeu et hasard) et de riba (intérêts)

Les dividendes sont reversés aux actionnaires.

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c- Les contraintes

D’un point de vue règlementaire, nombreux sont les efforts qui ont été faits dans plusieurs pays sur le continent pour le développement effectif de la finance islamique en général et du Takaful en particulier Cependant, après l’examen du cadre règlementaire actuel dans certains pays, il convient de relever quelques insuffisances liées : aux normes prudentielles, à la fiscalité, la comptabilité etc. Dans la zone UEMOA par exemple, le dispositif prudentiel spécifique à la finance islamique est en cours d’adoption par la BCEAO Or celui existant ne prévoit pas de règles permettant de gérer les risques propres à la finance islamique La loi fiscale dans la plupart des pays de l’UEMOA ne contient pas des dérogations pour les établissements de crédit exerçant la finance islamique En effet, pour financer certains besoins réels des clients, la banque islamique doit d’abord posséder l’actif en question avant de le transférer au client. Ces transactions pourraient entraîner une double taxation qui serait de nature à rendre le produit proposé par la banque islamique plus cher que celui de la banque conventionnelle

III- PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENT DU TAKAFUL

Le marché mondial du Takaful en termes de primes brutes émises s’établissaient à 21 milliards de dollars américains en 2020, selon Atlas Magazine. Ce développement est une opportunité pour l'Afrique qui peine à canaliser suffisamment de ressources financières de l’industrie sur les marchés financiers islamiques Le marché mondial du Takaful est très dynamique, comme en témoigne le rapport 2021 de l’Islamic Finance Development Indicator (IFDI), c’est 62 billions de dollars US d’actifs, 16% de croissance et 323 institutions Takaful qui opèrent à travers le monde (voir schéma 2).

Ces chiffres montrent bien le dynamisme du plus petit des secteurs de la finance islamique en termes d'actifs. Le marché Takaful est dominé par les pays du Conseil de Coopération Arabes du Golfe (CCG) et de l’Asie du Sud-Est L'Iran, l'Arabie saoudite et la Malaisie abritent la majeure partie des actifs mondiaux de Takaful en 2021 L’Afrique ne représente que 1% du total des actifs Avec un taux de pénétration du marché très faible de l’assurance classique, l’assurance Takaful ou les micro Takaful présentent plus d’opportunités pour la collectivité. En Afrique, la micro-assurance est accessible à travers différentes formes : les structures coopératives, les mutuelles de santé et autres programmes communautaires, les organisations non gouvernementales (ONG), les institutions de microfinance (IMF), les assureurs commerciaux règlementés et des mécanismes informels tels que les tontines, et autres groupes d’entraide La micro Takaful cible principalement les populations rurales, les travailleurs à faible revenu des pays en développement, particulièrement ceux travaillant dans le secteur informel qui sont souvent mal servis ou exclus par le système d’assurance traditionnel C’est le cas de la mise en place de la micro Takaful au Cameroun pour l’amélioration de la santé maternelle, l’autonomisation des femmes et la protection sociale des couches défavorisées Les défis de développement de l’assurance Takaful en Afrique sont énormes On peut citer le faible niveau d'inclusion bancaire, de sensibilisation du public, une épargne intérieure limitée, le renforcement des capacités des acteurs du secteur Malgré les problèmes relevés, il n’en demeure pas moins que l’assurance Takaful constitue une alternative viable pour l’inclusion financière en Afrique Dans des pays comme le Sénégal, le Maroc, le Soudan, le Nigéria, l'Egypte ou encore la Côte d’Ivoire la forte population islamisée constitue une niche de croissance

Source : Rapport IFDI, 2021
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CONCLUSION

L'importance du secteur de l'assurance ne se mesure pas uniquement par le nombre d’assurés dans un pays donné, ni sa contribution au PIB, mais joue aussi un rôle plus fondamental dans le fonctionnement d'une économie moderne et le bien-être social de la société La pénétration très faible de ce marché stratégique impose aux acteurs de développer une offre adaptée L’assurance Takaful a vocation à jouer pleinement ce rôle

Elle vise à apporter des solutions concrètes en termes de gestion des risques aux populations A travers la mutualisation des risques, l’assurance Takaful peut transcender les catégorisations (pauvres/non-pauvres), en tenant compte de l’hétérogénéité des populations et des dynamiques de pauvreté dues aux irrégularités de revenu Pour atteindre cet objectif, des aménagements juridiques et réglementaires devraient être envisagés

ABIDJANTAKAFULCONFERENCE

2022estunegrandeopportunité, unebelleopportunitépourtousles acteursdumarchédevenir apprendrecequec’estquele takaful,écoutertoutesles opportunitésqu’ilyadansce domaineetsurtouts’immiscerdans cevastechantierquiestaujourd’hui beaucoupplusimportantsous d’autrescieuxeneurope,enasieque cheznousenafriqueoùlecollectif, lesocialsontdeséléments importants.Etjepensequel’afrique devraitprendresapartàl’intérieur decegrandmarchédel’assurance takaful,surtoutdanscegrand marchédelafinanceislamique.

L’ASSURANCE ISLAMIQUE POUR L’INCLUSION FINANCIERE ET LE DEVELOPPEMENT DURABLE EN AFRIQUE

Organisée à l’initiative du cabinet Dexterity Africa, la première édition du forum Abidjan Takaful Conference (ATC) qui s’est tenue les 23 et 24 juin dernier au CRRAE-UMOA aura tenu toutes les promesses à bien des égards De par la qualité des modérateurs, intervenants et des panelistes aux sujets abordés et débattus en passant par la mobilisation des participants, dans l’ensemble, tous ont convenu du succès de l’organisation de l’évènement. Avec pour thème principal : « Exploiter le potentiel du Takaful pour favoriser l’inclusion économique et le développement durable en Afrique », autour duquel les échanges se sont organisés, plusieurs activités étaient à l’ordre du jour au cours de cette conférence

On peut noter, entre autres, des Panels, des KeyNotes, des Rencontres B2B, des Sessions Découvertes, etc Ces différentes activités ont permis d’aborder et d’approfondir plusieurs thématiques en lien avec le Takaful, l’assurance islamique.

PRESENCE DE NOMBREUX OFFIELS

Au nombre des personnalités qui ont pris part à cette première édition de ATC, il faut noter la présence effective de : - Monsieur Siaka FANNY, Conseiller Technique du Ministre de l’Economie et des Finances, Secrétaire Exécutif du Programme de Développement du Secteur Financier (PDSFI), représentant le Ministre de l’Economie et des Finances, Son Excellence Monsieur Adama Coulibaly ;

- Une délégation de l’Ambassade du Nigéria conduite par monsieur Mohammed GANA, Chef de Mission Adjoint, Représentant l’Ambassadeur du Nigéria en Côte d’Ivoire ;

- Monsieur Cheik Oumar OUATTARA, Représentant pays de la BID en Côte d’Ivoire ; - Madame Henry Maria, Conseillère municipale, Représentante du Député Maire, Monsieur Jacques EHOUO, Maire de la Commune du Plateau ;

- Monsieur Mamadou KONE, Directeur Général de Allianz Côte d’Ivoire, Président de l’ASA-CI (Association des Sociétés d’Assurance de Côte d’ivoire) ;

- Monsieur Tiornan COULIBALY, Directeur Général de LEADWAY Assurance Vie, SPONSOR GOLD de Abidjan Takaful Conference; - Madame Fatou BILE, Responsable de Takaful Assurances by LEADWAY vie ;

- Imam KONE Daou, Représentant du COSIM; - Monsieur KONE Tiémoko, Représentant du CODIS.

ALLOCUTIONS DES OFFICIELS

Appelé au pépite par le Maitre de Conférence, monsieur Ibrahim Doumbia, Madame Henry Maria, Conseillère municipale, Représentante du Député Maire Monsieur Jacques EHOUO, Maire de la Commune du Plateau a été la première à prendre la parole.

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De prime abord, elle a tenu à présenter les excuses de monsieur EHOUO, député-maire du plateau, qui avait voulu être présent physiquement à la conférence Mais pour des contraintes de calendrier, il n’a pas pu effectuer le déplacement et l’a donc commise à le représenter. Cependant, dira-t-elle, il apporte son soutien et ses encouragements à Dexterity Africa et sera toujours le partenaire idéal pour tout ce qui se rapporte au développement de la communauté Elle a par la suite indiqué l’importance pour les individus d’être bien assurés pour amortir les chocs dus aux aléas de la vie

forum, qui selon lui, vise le positionnement du Takaful dans l’amélioration du taux de pénétration de l’assurance, son apport au développement économique en Afrique et l’atteinte des Objectifs de Développement (ODD) Au vu des exemples de réussite du Takaful constatés au Soudan, en Egypte, au Nigéria et au Kenya ainsi que son caractère inclusif, le CEO de Dexterity Africa, reste confiant du rôle primordial que peut jouer le Takaful dans le développement des économies africaine s. Il a pour cela profité pour lancer un vibrant appel à l’endroit de l’ensemble des acteurs à œuvrer à exploiter au mieux les nouvelles possibilités offertes par la

Selon elle, l’assurance est un outil de développement C’est pour cela qu’elle a profité pour saluer cette belle initiative de Dexterity Africa qui œuvre à insuffler un souffle nouveau dans le secteur des assurances avec le Takaful, l’assurance islamique Pour terminer, madame Henry Maria, a aussi remercier les organisateurs de ATC d’avoir porté leur choix sur la commune du plateau, la Smart City, pour abriter la conférence

A sa suite, l’allocution du fondateur et CEO de Dexterity Africa, monsieur Touré Sory A l’entame de son discours, il a tenu à souhaiter la bienvenue à l’ensemble des participants Il a souligné le fait que malgré les récurrentes crises, l’Afrique est entrée dans une nouvelle dynamique de développement. Et pour faire face aux nouveaux challenges, il est nécessaire de diversifier les instruments de financement Selon lui, la finance islamique est l’une des sources privilégiées à explorer davantage, car elle a montré sous d’autres cieux ses preuves à impulser le développement par le financement des infrastructures économiques Cependant, notera-t-il, il subsiste une méconnaissance de cette finance par les acteurs. C’est pour apporter sa pierre à l’édifice que Dexterity Africa a initié Abidjan Takaful Conference pour vulgariser cette forme de finance. Monsieur Touré a insisté sur le choix du thème principal du

Quant à monsieur Tiornan Coulibaly, Directeur Général de Leadway Assurance, il a présenté l’ambition de sa compagnie à créer une fenêtre Takaful Selon lui, cela s’explique en partie par le fait que Leadway a dans son ADN, une envie d’aller toujours plus loin. Aussi, cela s’explique par le fait que la compagnie voulait répondre à une préoccupation d’un certain nombre de clients Celle de savoir ce que deviendraient les primes payées si le risque assuré ne se produisait pas C’est dans ce cadre qu’il a présenté l’assurance islamique comme une réponse à quelques préoccupations de certains clients dans le domaine de l’assurance conventionnelle. Prenant la parole à la suite du DG de leadway, monsieur Mamadou Koné, Directeur Général de Allianz et président de l’Association des Sociétés d’Assurances de Côte d’Ivoire (ASA-CI) a dit tout son plaisir pour l’avènement de l’assurance islamiques qui viendra insuffler une nouvelle dynamique dans le secteur des assurances Il a précisé que dès sa prise de fonction à la présidence de l’ASA-CI en Avril 2021, sa principale préoccupation a été d’identifier des voies pour mieux répondre aux besoins des clients. Et l’assurance islamique a été identifiée dans ce sens. A son tour, le représentant du Ministre de l’économie et des Finances, monsieur Siaka Fanny, a réitéré ses félicitations à l’endroit du CEO de Dexterity Africa

finance islamique LE DEPUTE-MAIRE DU PLATEAU, MONSIEUR JACQUES EHOUO APPORTE SON SOUTIEN ET SES ENCOURAGEMENTS A DEXTERITY AFRICA ET SERA TOUJOURS LE PARTENAIRE IDEAL POUR TOUT CE QUI SE RAPPORTE AU DEVELOPPEMENT DE LA COMMUNAUTE. Henry Maria, Conseillère municipale, Représentantee du Maire du Plateau
Abidjan Takaful Conference vise le positionnement du Takaful dans l’amélioration du taux de pénétration de l’assurance, son apport au développement économique en Afrique et l’atteinte des Objectifs de Développement (ODD)
Sory Touré, Fondateur et CEO de Dexterity Africa
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ainsi qu’au comité d’organisation pour avoir reçu à organiser une telle conférence en Côte d’Ivoire. Il a clairement affiché le soutien du Ministre de l’Economie et des Finances à cette conférence Pour finir, il a déclaré ouverte la première édition de « Abidjan Takaful Conference »

Après les allocutions des officiels, la conférence proprement dite à débuter avec les animateurs du premier panel qui ont pris place sur l’estrade.

CONFERENCE

PANEL 1

Abordant la problématique de la synergie entre les institutions financières islamiques, l’occasion a été donnée aux panélistes de présenter leurs visions sur le type de synergie entre les acteurs pour développer l’écosystème de la finance islamique afin de stimuler une croissance économique inclusive. Ont pris part à ce panel madame Kynda Compaoré (Directrice groupe Coris Baraka, en ligne du Burkina Faso), messieurs Siaka Fanny, Tiornan Coulibaly, Cheik Oumar Ouattara et Sory Touré en qualité de modérateur Les panélistes ont convenu d’un renforcement de la coopération entre tous les acteurs afin de favoriser le développement d’un écosystème solide de la finance islamique en Afrique et en Côte d’Ivoire.

PANEL 2

Modéré par monsieur Ziémogo Ouattara, ce panel a permis de passer en revue la règlementation du Takaful dans la zone CIMA. Ont pris part au panel, messieurs Bara Diene (DG CIFIA, en ligne du Sénégal), Boubkeur Ajdir (Associé, Directeur IFAAS zone francophone), Chiheb Ghanmi (Partner, financial services, Tunisie) et Radhouane Ben Amara (DGA Amana Takaful, Tunisie)

Les panélistes ont largement présenté la réglementation du Takaful en zone CIMA et les opportunités offertes par son adoption.

PANEL 3

Portant exclusivement sur le leadership féminin en finance islamique, ce panel constitué uniquement de femmes leaders en la matière a permis de passer en revue le rôle que les femmes jouent et les challenges restant à surmonter

PANEL 4

Au cours de ce panel, les panelistes ont mis en exergue la synergie qu’il pouvait y avoir en Afrique entre le micro-takaful, la microfinance, le Waqf et la Zakat pour développer des produits innovants en faveur de l’inclusion financières des personnes à faibles revenus et le développement des PME

PANEL 5

Ce panel a discuté du nouveau cadre réglementaire du marché des capitaux islamiques dans la zone UEMOA. Les opportunités offertes à l’ensemble des acteurs ont été présentées et les nouveaux défis à surmonter identifiés. Dans les moindres détails, monsieur Ajdir, qui est l’un des experts ayant travaillés à rendre possible la livraison du nouveau cadre règlementaire, a fait l’historique et les principales étapes franchies pour aboutir au texte final qui attend toujours d’être adopté par les autorités de l’UMOA

FIRESIDE CHAT

Dans cette rubrique, il s’est agi de donner la parole à deux pionniers du Takaful, en l’occurrence Dr Bachir Hassan, Fondateur et ancien CEO de Takaful Insurance of Africa Limited (Kenya) et M. Mommodou Joof, CEO West Africa Takaful (Gambie) Les panélistes ont enrichi les participants de leurs expériences professionnelles dans l’industrie du Takaful

SESSION DECOUVERTE

Abordant la problématique de l’utilisation de la technologie financière (Fintech) et assurantielle (Assurtech) par les compagnies Takaful et de son impact sur l’inclusion financière, ce panel à passer en revue les offres existantes dans le monde et en Afrique. L’un des points marquants de ce panel a été la présentation de Payday Takaful, une fintech innovante spécialisée dans la gestion des avances de salaire entre les employeurs et leurs salariés

La conférence a pris fin aux environs de dix-huit heure après les réponses données aux préoccupations des participants par le monsieur Boubkeur Ajdir qui a brillamment animé cette session découverte.

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Abidjan Takafu Conference ATC: Accueil et installation des invités, Allocutions des officiels, Teach In, Panels, Echanges, Interviews… Revivez en images les temps forts de cette cérémonie qui fut une grande première. Allocution de Mme Henri Maria, représentante du Maire de la Commune du Plateau M. Mamadou Koné, DG Allianz CI Assurances, Président de l’ASACI Panel sur La réglementation du Takaful en zone UEMOA avec Ziemogo Ouattara (Gauche); Boubkeur Ajdir (Centre); Mme Maguette Sakho (Droite). Lors du Panel inaugural sur le thème « Synergies entre institutions financières islamiques ». De gauche à droite., M. Tiornan Coulibaly, DG Leadway; M. Siaka Fanny, Secrétaire Exécutif PDESFI; M. Sory Touré, CEO Dexterity Africa; M. Cheick Oumar Ouattara, Représentant pays BID. Arrivée de l’Imam Daoud Koné, Secrétaire Exécutif du COSIM et Président du Comité de Supervision Charia de Leadway Takaful
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De Gauche à Droite, M Tiornan Coulibaly; M Sory Touré; M Mamadou Koné; Mme Henri Maria; M Siaka Fanny et M. Momodou Musa Joof.

De

M.

Echange

Panel sur le Micro Takaful, microfinance Waqf et Zakat en Afrique avec Nabil Kesraoui(gauche.); Dr Dosso Mafini (Centre) et Maguette Sakho (droite). L’équipe de Leadway autour du CEO Dexterity Africa entre M. Boundy Bakary, Directeur Coordonnateur du Programme National de Microfinance Participative et de renforcement des capacités en CI (à gauche); Nabil Kesraoui (au centre) et Maguette Sakho (à droite).
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Boubkeur Ajdir, présentant la solution de TakaTech, Payday Takaful. gaucge à droite, M. Sory Touré (CEO Dexterity Africa) avec les membres du Panel sur le cadre réglementaire du marché des capitaux (Hamma Ndiaye, CEO Kaydar Consulting; Ismaêl Adam Cissé, CEO Sirius Capital; Williams Bela, CEO Property KRO; Boubkeur Ajdir, Partner IFAAS). Panel sur Fireside Chat avec, entre autres, Dr Dosso Mafini (Economiste de l’innovation) et Momodou Musa Joof (CEO, West Africa Takaful). Panel sur MicroTakaful, microfinance islamique, Waqf et Zakat en Afrique avec Dr Dosso Mafini, Mme Maguette Sacko et Dr Sylla, membre du Conseil d’Administration de la Fondation Waqf et Zakat de CI. Mme Maguette Sakho (D.) et Mme Masséni Barry (G.), Présentatrice Al Bayane TV et Modératrice du Panel CEO POWERTALKS: Femmes Leaders en finance Islamique
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Retour d’expérience avec M. Rilwan Sunmonu, CEO Noor Takaful (Nigéria) lors du Masterclass au Jour 2, sous le regard attentif de M. Sory Touré, CEO de Dexterity Africa Abidjan Takafu Conference ATC: Accueil et installation des invités, Allocutions des officiels, Teach in, Panels, Echanges, Interviews… Revivez en images les temps forts de cette cérémonie qui fut une grande première. M. Ibrahim Adama Cissé, CEO Sirius Capital, lors de sa participation au Panel sur le cadre réglementaire du marché des capitaux Photo de famille au sortir du Masterclass sur le Takaful avec les participants, les formateurs, les officiels! Jour 2: Le Masterclass sur le Takaful. Vue d’ensemble lors d’un module animé par Mme Maguette Sacko.

A bien voulu rehaussé la cérémonie de sa présence une juriste internationale.

Une participante s’imprégnant des produits et services du cabinet DEXTERITY AFRICA en finance islamique: www.dexterity-africa.com

Une photo d’ensemble regroupant une hôtesse, une membre de comité d’organisation, des commerciaux de Leadway Takaful.

L’un des participants plongé dans sa prise de notes! Deux autres participants échangent… Des étudiants étaient aussi de la partie.
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Abidjan Takafu Conference ATC: Accueil et installation des invités, Allocutions des officiels, Teach in, Panels, Echanges, Interviews… Revivez en images les temps forts de cette cérémonie qui fut une grande première. M. Fanny Siaka, Secrétaire Exécutif PDESFI, représentant le Ministre de l’Economie et des Finances

Intervention

Co-participait

Intervenanit

en ligne du Dr Hassan Bachir, Fondateur et ancien CEO, Takaful Insurance of Africa (Kenya) lors du Panel Dialogue avec un pionnier du Takaful. M. Momodu Joof, CEO West Africa Takaful (Gambie) et la modératrice, Dr Dosso Mafini () Intervention en ligne de M. Said Amaghdir, DGA, Winéo Asset Management (Maroc) intervenait en ligne lors du Panel sur Nouveau cadre réglementaire du marché des capitaux islamiques dans la zone UMOA M. Radhouane Ben Amara, DGA Amana Takaful (Tunisie) intervenait en ligne dans le Panel sur Nouveau cadre réglementaire du marché des capitaux islamiques dans la zone UMOA. en ligne Chiheb Ghanmi, Partner, Financial Services à GAC Audit et Conseil lors du Panel sur Nouveau cadre réglementaire du Takaful en zone CIMA. Mme Fatou Jallow, CEO Takaful Gambia (Gambie) est intervenueenlignelorsdu Panel CEO POWERTALKS: Femmes Leaders en finance Islamique.
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Intervention en ligne du Dr Aishath Muneeza, Associate Professor, INCEIF (Malaisie) dansle Panel CEO POWERTALKS: Femmes Leaders en finance Islamique Interventionenlignede Mme Sumayya Hassan, CEO TakafulInsuranceofAfrica(Kenya)lorsdu Panel CEO POWERTALKS: Femmes Leaders en finance Islamique.

Selon l’AAOIFI Norme 26 « L’assurance islamique est un accord entre personne faisant face à des risques déterminés en vu de réparer les dommages résultant de ces risques. Les personnes en question versent des cotisations, à titre de donations, à un fonds d’assurance ayant une personnalité morale et un patrimoine propre Les ressources du fonds servent à indemniser les participants qui subissent un sinistre couvert par l’assurance conformément aux règlements et conditions des polices d’assurances »

L’assurance takaful est donc une garantie mutuelle, basée sur les principes de la finance islamique qui sont :

• Le partage des risques entre les parties au contrat ;

• la matérialité: toute transaction doit avoir une "finalité matérielle", liée directement ou indirectement à la transaction économique réelle ;

• la non-exploitation: les transactions financières ne doivent jamais donner lieu à l'exploitation d'une des parties contractantes ;

• l'interdiction de financer le "haram" ou les activités illicites en rapport avec la production de boissons alcoolisées, le porc, la pornographie, les jeux de hasard ;

Ces principes découlent de la prohibition, par la loi religieuse, de trois pratiques :

• le Riba : littéralement augmentation, addition Il s’agit en fait de l’usure, de l’intérêt produit par l’argent

L’assurance

Takaful comme instrument pour l’inclusion financière

prêté, emprunté ou déposé sur un compte bancaire

• le Gharar : la vente d’un bien non possédé

• le Maysir : jeu de hasard, spéculation.

Le «Micro-takaful» est l’alternative islamique à la « micro assurance conventionnelle », ce sont des produits d’assurances proposés aux personnes défavorisées

Le Micro-takaful est un fonds d’assistance islamique basé sur les principes d’assistance mutuelle et de contribution volontaire destinées à la population à faible revenu C’est un mécanisme social et de protection avec les produits Takaful taillés sur mesure pour cette population défavorisée Le Micro-takaful doit répondre à certains critères :

Le canal de distribution se fait par des personnes physiques ou morales engagées dans la lutte contre la pauvreté (les banques islamiques, les institutions de microfinance islamiques, les ONG, les coopératives, les associations, les mutuelles, les compagnies d’assurances, les courtiers, les personnes dédiées ou mandatées ;

• Le mécanisme et les textes doivent êtres simples, clairs et accessibles aux cibles ;

• Les adhérents sont des personnes à revenu faible ou irrégulier ;

Les montants des contributions au fonds Microtakaful sont accessibles aux adhérents ;

• L’utilisation des instruments financiers islamiques basés sur la bienfaisance et la solidarité dans la mobilisation des fonds (Sadaqat, Zakat, qard hasan, etc, ) ;

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Selon le rapport de la CNUCED, moins de la moitié des pays africains ont enregistré une croissance inclusive au cours des 20 dernières années, 34% des ménages sur le continent vivent en dessous du seuil de pauvreté (1,9 dollar par personne et par jour) Cette situation affecte le plus souvent les femmes et la petite enfance Pour faire face à ce fléau, plusieurs stratégies communautaires ont été mises en place par des femmes (tontines, nattes, solidarité, partage, GIE, association, coopérative) afin d’investir dans des activités génératrices de revenus et d’avoir une autonomie financière. Des services financiers ont été créés par la finance islamique (banques islamiques, l’assurance Takaful, les institutions de Microfinance islamique et le Micro-takaful, ...) pour contribuer à l’inclusion financière de leur cible

Inclusion financière du point de vue de l’ONU

La définition de l’inclusion financière proposée par l’ONU est la suivante ; « l'accès, à un prix raisonnable pour tous les ménages et entreprises, à une large gamme de services financiers : épargne, crédit à court et long termes, crédit-bail et affacturage, hypothèques, assurances, pensions, paiements, virements en devises locales et envois de fonds internationaux »

Inclusion financière du point de vue de l’UEMOA

Dans la zone UEMOA, la définition de l’inclusion financière retenue est la suivante : « l'accès permanent

des populations à une gamme diversifiée de produits et services financiers adaptés, à des coûts abordables et utilisés de manière effective, efficace et efficiente ».

L’assurance Takaful de même que le Micro-takaful sont des garanties mutuelles basées sur le principe de la finance islamique avec des cibles différentes En Afrique, la solidarité, le partage et l’entraide ont toujours existé Ces valeurs font également partie des critères du Takaful

L’inclusion financière est en fait le contraire de « l’exclusion financière » qui représente un aspect de l’exclusion sociale, qui constitue un concept beaucoup plus large. Un système financier est inclusif lorsque celui-ci est accessible sans contrainte à toutes les couches de la population. L’inclusion financière est considérée comme un facteur de développement durable Trois secteurs (3) contribuent au renforcement de l’inclusion financière en Afrique :

- Le secteur bancaire qui regroupe les banques, les caisses nationales d’épargnes, les services postaux et le trésor public;

- Le service de la monnaie électronique avec les établissements émetteurs de monnaie électronique;

- Les systèmes financiers décentralisés (Instituions de Micro finance);

Les données de la BCEAO, Juillet 2019, ont montré la participation de ces secteurs dans le développement de l’inclusion financière Le taux de bancarisation strict (TBS) est passé de 16,4% en 2017 à 19,3% en 2018

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Le taux de bancarisation élargie (TBE), qui inclut le taux de bancarisation strict auquel s’ajoutent les détenteurs de comptes dans les institutions de microfinance, a connu une évolution positive de 41,3% en 2018 contre 35,6% en 2017. Et le taux global d’utilisation des services financiers (TGUSF) est passé de 53,6% en 2017 à 57,1% en 2018

Pour augmenter le développement de l’inclusion financière et servir cette population à faible revenu, certaines compagnies, fenêtres Takaful et MicroTakaful en collaboration avec les instituions financières islamiques, ont développé des services financiers via la fintech et l’assurtech (crédit-santé-décès, emprunteurassurance funérailles, … ) pour prendre en charge cette population et renforcer la santé financière de leur activité. Presque 70% de cette population qui se regroupent dans les tontines, les associations, les GIE, les coopératives, possèdent un smartphone, ou ont des comptes dans ces institutions financières islamiques Elles peuvent bénéficier des microcrédits, avec une assurance crédit emprunteur qui couvre le solde restant dû en cas de décès Elles peuvent également bénéficier d’une assurance santé qui les couvre en cas de maladies leur permettant de se soigner afin de pouvoir respecter leur engagement et d’éviter le détournement d’objectif sur les fonds prêtés. Et d’une assurance funérailles pour faire face aux dépenses L’assurance Takaful ainsi que la micro Takaful visent la protection de la mutualité, la

garantie et l’assistance mutuelle de ses adhérents Ils peuvent, via les services financiers, gérer leur portefeuille, réussir leur mission, augmenter l’accessibilité des produits Takaful ou Micro-takaful dans toutes les couches de la population. Ils constituent un instrument pour l’inclusion financière avec un système de protection (Takaful famille et général), de lutte contre la pauvreté systémique, de garantie pour les institutions islamiques avec l’octroie de financement (assurance crédit emprunteur) Ce qui permet le développement des activités génératrices de revenu de groupement de femmes ainsi que l’insertion socioéconomique. Pour réussir cette inclusion financière, il faut l’accompagner par l’éducation financière avec une sensibilisation sur les produits et services des compagnies Takaful, Micro-takaful et le marketing social (les faire adhérer de façon naturelle à l’idéologie de l’assurance Takaful) au niveau des groupements de femmes (associations, tontines, coopératives, GIE, )

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En termes conventionnels, l’assurance est un moyen de fournir une sécurité et une compensation à ce qui est précieux en cas de perte, de dommage ou de destruction. Selon le droit musulman,ilexistedeuxaspectsdel’assuranceconventionnelle:unaspectconceptuelainsiqu’unaspectpratique.

Encequiconcernel’aspectconceptueldel’assurance,ilestnonseulementreconnu,maiségalementencouragéetrécompenséparl’islam.Lesjurisconsultesontestiméqueleconceptmême d’assuranceétaitconformeaudroitmusulman

Quelle est la définition d’une assurance Takāful ?

Le mot takāful signifie « solidarité, symbiose » Il provient de la racine sémitique kafala, qui a pour sens « assurer, cautionner, garantir ». En Malaisie, pays pionnier en la matière, l’article deux de la loi de 1984 définit le takāful comme « un système fondé sur la fraternité, la solidarité et l’assistance mutuelle » En Tunisie, l’article 201 du code des assurances le définit comme « un régime contractuel par lequel un groupe de personnes appelées “adhérents” s’engage à s’entraider en cas de réalisation du risque ou au terme fixé au contrat d’assurance takāful, et ce à travers le paiement d’une somme en guise de donation appelée “cotisation » Le takāful est considéré par les fuqahā” comme un contrat de donation dans lequel un groupe de participants, au moyen d’un pacte, acceptent de garantir mutuellement un dommage touchant l’un d’entre eux Ce système d’assurance est fondé sur des principes de tabarru' “don, donation, libéralité, offrande, acte à titre gratuit” et de ta'āwun “mutualité, synergie, entraide, coopération”, où le groupe partage volontairement le risque collectivement. Dans un contrat takāful, les participants versent une somme d’argent,

en tant qu’engagement de tabarru' dans un fonds commun, qui sera utilisé mutuellement pour porter assistance aux membres contre un type de risque spécifié L’engagement de tabarru’ est un pilier central de l’assurance takāful C’est le montant versé par chaque participant takāful pour s’acquitter des obligations d’entraide permettant de régler les sinistres garantis. Dans la mesure où l’engagement de tabarru’, comme base des contributions, atténue l’élément de gharar du contrat takāful et bien qu’il existe encore une certaine incertitude quant à savoir quand le risque se concrétisera, cette incertitude est considérée comme tolérable dans un contrat de donation et n’a pas pour effet d’invalider le contrat Dans un contrat takāful, il devient clair qu’un participant takāful a droit au bénéfice du fonds takāful, parce que les autres participants takāful acceptent volontiers, selon le principe de l’entraide, de faire don du montant de sa contribution pour l’indemniser du préjudice subi

En quoi est-elle différente de l’assurance conventionnelle ?

En termes conventionnels, l’assurance est un moyen de fournir une sécurité et une compensation à ce qui est précieux en cas de perte, de dommage ou de destruction Selon le droit musulman, il existe deux aspects de l’assurance conventionnelle : un aspect conceptuel ainsi qu’un aspect pratique En ce qui concerne l’aspect conceptuel de l’assurance, il est non seulement reconnu, mais également encouragé et récompensé par l’islam Les jurisconsultes ont estimé que le concept même d’assurance était conforme au droit musulman Des mesures d’indemnisations mutuelles et de réduction des risques par appel à la loi des grands nombres étaient déjà pratiquées au temps du Prophète Le fondement de la responsabilité partagée ayant été posée dans les systèmes de mutualisation des contributions d’un groupe permettant dans le cadre d’aqilah, d’indemniser la famille d’une

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victime, et dans le cadre de daman khatar at-tariq, de garantir les pertes survenues durant les voyages des caravanes de commerçants.

Toutefois, l’aspect pratique de l’assurance conventionnelle pose un problème de conformité du contrat d’assurance au droit islamique : tout d’abord en raison du gharar qu’il contient aux yeux d’une majorité des jurisconsultes, ensuite à cause de la présence de ribâ dans les compagnies qui exercent l’activité assurantielle Puisque gharar et ribâ sont clairement interdits par le droit islamique, ils ne peuvent pas être permis sous prétexte de l’aspect conceptuel Dans le cas du contrat d’assurance conventionnelle, en cas de non-survenance du sinistre, l’assureur conserve la prime et l’assuré la perd : cela peut être assimilé à une forme de maysir entrainant un risque de khatar Premièrement, la probabilité de gain est nettement moins importante que celle de perte, pour laquelle l’assuré verse une petite prime dans le but d’en percevoir une plus importante si l’évènement se produit Deuxièmement, l’assuré paye une prime de façon certaine alors que le règlement du sinistre reste pour lui incertain En droit musulman, tout contrat disproportionné ou déséquilibré qui permet une perte injuste d’une partie en faveur d’une autre est considéré comme contenant du maysir ayant pour effet d’invalider le contrat Du côté de la compagnie, si les indemnisations sont supérieures aux primes versées, la société d’assurance sera en déficit, cela est considéré par la majorité des jurisconsultes comme étant également un élément de maysir. L’autre élément caractéristique de l’assurance conventionnelle est la présence de ribâ dans les investissements à intérêts fixes, ainsi que dans les autres

pratiques connexes des activités d’investissement des compagnies d’assurance conventionnelles. Par ailleurs, en cas d’indemnisation, il y aura présence d’une différence, entre le montant du règlement du sinistre et le montant de la prime versée, qui sera elle aussi assimilée à du ribâ. Ce sont ces raisons qui ont conduit la majorité des jurisconsultes à déclarer l’assurance conventionnelle illicite, et à proposer une solution d’assurance mutuelle plus équitable, basée sur un contrat de donation unilatérale (ouqoud attabarouat), et non pas sur un contrat d’échange commercial (ouqoud al-mouawaddat). Par conséquent, la différence fondamentale repose dans la dimension du partage des risques entre les participants et donc de leur mutualisation. On pourra donc retenir que l’assurance conventionnelle repose sur le transfert des risques alors que l’assurance takāful repose sur le partage des risques.

Ces contrats de donations sont considérés comme des œuvres de bienfaisance, et la plupart des écoles juridiques de l’islam ont, pour ce type de contrats, accepté la non-application de l’interdiction du gharar, bien que leurs résultats puissent être incertains Cela parce qu’il ne s’agit pas de contrats commerciaux, mais d’œuvres de bienfaisance, pour lesquelles les participants souhaitent réaliser une donation dans le but de faire le bien et de plaire à Dieu.

Quelles garanties sont en place pour que ce nouveau produit se développe ?

L’assurance takāful répond à un double besoin. Tout d’abord, il permet de répondre au besoin de préservation des personnes et des biens, et s’inscrit pleinement dans le droit islamique qui a pour finalité la préservation.

Cette classification de l’assurance takāful en réponse au besoin de préservation tant au niveau des personnes que des biens traduit de manière efficiente l’énorme potentiel de la demande émise par les particuliers, entreprises et autres organismes tels que les institutions, associations et collectivités Par ailleurs, l’assurance takāful répond à la satisfaction des besoins de la société moderne. Corrélées au mode de vie moderne qu’est en train d’adopter la société, les ménages octroient de plus en plus d’importance aux dépenses d’assurance et à la couverture de leurs risques Encouragées par le développement économique et démographique, les opportunités de développement dans le secteur des assurances sont considérables au regard du faible taux de pénétration et de l’apparition de nouveaux besoins de sécurité et de prévoyance liés à la modernisation de la société Pour pénétrer le marché, il est indispensable de répondre à ses attentes au travers d’une stratégie marketing adaptée, tant au niveau de l’élaboration de l’offre que de la communication utilisée. L’assurance takāful , en tant qu’innovation assurantielle respectueuse du droit islamique, permet de répondre à ces besoins: il permet à la fois de répondre aux attentes des participants, mais aussi de remplir une fonction sociale importante et de contribuer considérablement au développement du secteur assurantiel dans les pays où il est peu développé

Quel est l’état du développement mondial de l’assurance takāful et plus particulièrement en Afrique ? D’après les donnés du dernier rapport de Refinitiv publié en 2021, avec 323 opérateurs takāful, les contributions mondiales représentaient 62 milliards de dollars en 2020, soit deux pour

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cent du secteur global des services financiers islamiques L'Iran, l’Arabie saoudite et la Malaisie étant les plus grands marchés takāful suivis de l’Indonésie et des Émirats arabes unis.

En Afrique, le marché est dominé par le Soudan, l'Égypte, la Tunisie et le Kenya Il existe des présences plus modestes au Nigeria, au Sénégal, en Afrique du Sud, en Gambie, en Mauritanie, en Zambie et en Algérie qui viennent de se lancer. L’assurance takāful devrait être lancée prochainement au Maroc, après l'adoption d'une législation en 2019. Le marché égyptien de l'assurance est dominé par l'entreprise publique Misr Insurance, qui détient environ 45 % du marché Il existe 11 entreprises takāful, avec une présence globalement plus forte dans le secteur non-vie du marché. Ces entreprises comprennent la filiale takāful du groupe Misr, Misr Takāful En 2020, Misr a travaillé sur la création d’une nouvelle entreprise takāful famille avec des partenaires externes. Cela devrait apporter une base solide pour le développement du secteur takāful famille dans un pays où les assurances de personnes représentent près de la moitié du marché Le Nigeria a un taux de pénétration de l'assurance très faible, même par rapport aux économies ayant un PIB par habitant similaire Ces dernières années, la croissance des cotisations n'a pas suivi l'inflation Le secteur est également en pleine restructuration, suite aux nouvelles exigences en matière de capital annoncées par le régulateur, et entrées en vigueur en décembre 2020 En conséquence, six assureurs ont annoncé leur intention de fusionner et sept autres ont annoncé qu'ils allaient lever de nouveaux capitaux. Il existe quatre sociétés takāful, toutes dotées de licences composites, mais elles représentent moins de 1 % du secteur de l'assurance. Ce pourcentage est un peu plus faible qu'au Kenya, où il n'y a qu'une seule société takāful mais un marché de l'assurance globalement plus important

Pouvez-vous revenir sur votre expérience de courtier grossiste en assurance takāful en France ?

Initiée à la demande d’associations et de pompes funèbres musulmanes établies en France, nous avons lancé en 2021 Sakina Funérailles, première offre takāful en France destinée au financement des obsèques et du rapatriement Cette couverture permet à son détenteur de couvrir les frais d’obsèques et éventuellement de rapatriement en intégrant les rituels religieux et le respect de leurs dernières volontés Pour faciliter la distribution de la solution Sakina Funérailles en ces temps de crise sanitaire, nous avons lancé une plateforme digitale qui permet de réaliser des devis, d’éditer des bulletins d’adhésion, de les signer

électroniquement. Les garanties sont accordées de 12 ans à 85 ans, la souscription se réalise sans questionnaire médical. Le contrat permet au participant d’obtenir un capital destiné à couvrir ses frais d’obsèques et de rapatriement en cas de décès. A son décès, le capital choisi lors de la souscription sera versé au bénéficiaire désigné dans le contrat. Le bénéficiaire du contrat peut être une personne physique ou une personne morale comme les pompes funèbres afin de régler directement les frais d’obsèques et le rapatriement vers le pays d’origine du défunt.

D’après Les Échos Etudes, le chiffre d’affaires potentiel du takāful en France est évalué à 3,5 milliards d’euros, soit 1,70 % du marché total de l’assurance Sur cette base, la France pourrait devenir le cinquième marché mondial du takāful. Ce n’est sans doute pas pour rien que la Banque Centrale Européenne indiquait dans son rapport sur la finance islamique, paru en juin 2013, que la finance islamique semblait avoir un bon potentiel à développer en France. Un élément clé indispensable pour permettre à une industrie de révéler tout son potentiel est de favoriser l’apparition d’un grand acteur régional ou mondial auquel tous les autres acteurs cherchent ensuite à prendre des parts de marché Avec le lancement de Sakina Funérailles, c’est là notre ambition !

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Les progrès enregistrés ces dernières années suite aux efforts consentis par les gouvernements et l’ensemble des partenaires au développement, avec pour but ultime l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD), sont à présent fortement compromis Pour cause, le taux mondial d’extrême pauvreté, en baisse depuis plus d’une vingtaine d’années, a enregistré une augmentation en 2020 (entre 88 et 115 millions de personnes supplémentaires ont basculé dans la pauvreté selon la Banque Mondiale) et l’on note une certaine incertitude qui frise les perspectives d’avenir et l’atteinte des objectifs mondiaux. Cette réalité est attribuable aux effets négatifs de la conjonction de trois facteurs principaux, à savoir : la pandémie de la COVID-19, les conflits armés récurrents et le changement climatique. Le constat est que ce contexte difficile vient aggraver une situation où le gap annuel de financement à l’adoption des ODD en 2015 était déjà de 2500 milliards de dollars américains.

Pour pallier cette situation, de nouvelles sources de financement devraient être recherchées et mobilisées afin de pouvoir réorienter l’économie mondiale dans la bonne direction par le financement des projets ODD Dans ce cadre, certains produits de la finance islamique (les Sukuk, la Mourabaha immobilière, ) sont déjà mobilisés à cet effet. Cependant, son potentiel reste peu exploité dans la mesure où la finance sociale islamique, dont les principes et objectifs cadrent bien avec de nombreux ODD, reste peu développée dans de nombreux pays. Or,

il est évident que la finance sociale islamique à travers la Zakat pourrait être l’une des nouvelles sources alternatives à explorer En effet, selon la Banque Mondiale (2016), le potentiel de la Zakat pourrait atteindre dans les années à venir les 1000 milliards de dollars américains Il est donc certain qu’une telle source de financement ne peut être ignorée dans la mesure où, d’une part, elle constitue d’énormes ressources financières immédiatement disponibles et, d’autre part, la Zakat est en parfaite cohérence avec les objectifs poursuivis à travers les ODD. Dans ce contexte, des partenariats entre les institutions internationales œuvrant dans le domaine du développement et les instituions en charge des fonds Zakat sont à encourager et à renforcer pour les débloquer et les mettre au service des ODD

Zakat est un mot arabe qu’on pourrait traduire en français par « aumône légale » C’est le troisième pilier de l’Islam Elle constitue de ce fait une obligation prescrite à tout musulman dont l’épargne constituée au cours d’une année atteint un certain montant, à donner une partie de celle-ci (une proportion de 2,5 %) aux démunis de sa communauté Cette action de générosité et de solidarité est sensée assurer la purification du

Quels partenariats entre les institutions de développement et les fonds Zakat pour l’atteinte des objectifs de développement durable ?
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patrimoine du donateur. Vue sous cet angle, la Zakat a un double avantage D’une part, elle permet de purifier les richesses du donateur et favoriser leur croissance sans compromettre leur foi religieuse D’autre part, les ressources distribuées permettent aux bénéficiaires de disposer d’un minimum pour subvenir à leurs besoins essentiels.

En somme, si la gouvernance de la Zakat est bien coordonnée, elle pourrait être très bénéfique pour la société dans son ensemble Historiquement, la Zakat est considérée comme le premier impôt de solidarité payé par les musulmans Les pauvres sont exclus de cette obligation puisqu’ils sont, avec les nécessiteux, les voyageurs, le personnel des institutions zakat ( ), les bénéficiaires Jadis, il n’existait aucune autorité ou institution légale chargée de sa collecte ou du contrôle de l’effectivité du don Le principe étant de faire confiance à l’intégrité de ceux qui sont éligibles Or de nos jours, il est courant de constater une certaine organisation au niveau de la gouvernance de la Zakat par la communauté musulmane où parfois, les Etats sont fortement impliqués

religion musulmane

En s’acquittant de la Zakat, d’importantes ressources financières (et non financières) sont immédiatement injectées dans l’économie par les donateurs Cela favorise la disponibilité de la liquidité et sa circulation

S’ACQUITER DE LA ZAKAT EST UN ACTE DE GÉNÉROSITÉET DE SOLIDARITÉQUI PERMET D’ASSURER LA PURIFICATION DU PATRIMOINE DU DONATEUR ET FAVORISER SA CROISSANCE SANS COMPROMETTRE SA FOI RELIGIEUSE

D’un point de vue historique ou contemporain, la Zakat a continuellement joué un rôle social et économique très important dans la communauté musulmane.

Au plan social, l’action de la Zakat est primordiale dans le maintien de la cohésion au sein de la société à travers ses résultats concrets sur l’individu et la société toute entière. En effet, par sa politique de redistribution des richesses, les nantis étant amenés à transférer une proportion de leur patrimoine aux couches défavorisées, la zakat permet de réduire et d’apaiser les incidences de la pauvreté

Ce transfert de ressources permet aux bénéficiaires de pouvoir satisfaire les besoins essentiels légitimant ainsi leur existence. La Zakat permet ainsi d’instaurer un système de solidarité sociale et de partage au sein des communautés favorisant le maintien d’un certain équilibre social et un idéal de vie acceptable

Au plan économique, le rôle de la zakat est tout aussi crucial Dans un premier temps, la Zakat est un excellent moyen de lutte contre la thésaurisation, qui, d’ailleurs, est proscrite selon la

Ensuite, la zakat a un effet multiplicateur et accélérateur du revenu global dans une économie, contrairement aux impôts de l’Etat, connus pour leur choc négatif sur le revenu des agents économiques, selon la théorie économique sur les équilibres macroéconomiques Pour preuve, la zakat se transforme systématiquement, pour les bénéficiaires, en dépenses utiles au plan socio-économique. Toutefois, les avantages peuvent aussi se percevoir sur l’économie dans son ensemble par un effet d’entrainement Enfin, la zakat peut permettre de juguler le chômage et de stimuler l’emploi selon l’utilisation que l’on fait des fonds collectés En effet, les fonds peuvent servir directement à la consommation ou indirectement par la création de nouvelles opportunités en les investissant dans des projets sociaux profitant prioritairement aux pauvres Dans ce dernier cas de figure, les ressources de la zakat permettraient la création d’emplois durables et réduiraient le chômage dans le rang des bénéficiaires de la Zakat

L’utilisation efficiente et efficace des fonds Zakat dans un type de partenariat stratégique est susceptible de contribuer à l’atteinte des ODD

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Les ODD ont été adoptés en septembre 2015 par 193 pays au siège de l’Organisation des Nations Unies (ONU) dans le cadre du Programme de Développement Durable à l’Horizon 2030, qui définit un plan sur quinze (15) ans visant à réaliser ces objectifs

Ils font suite aux huit (8) Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et constituent les dix-sept (17) priorités de l’humanité pour parvenir à un développement économique et social qui intègre le respect de la planète. L’adoption des ODD est intervenue dans un contexte où les effets du changement climatique, étant d’ailleurs la résultante des activités de production abusive des hommes sur la planète, sont de plus en plus perceptibles en termes de récurrence des catastrophes (inondations, sécheresses, famine, baisses de productivité, augmentation des températures etc ) Les ODD sont donc sensés prendre en compte les acquis des OMD, qui étaient destinés exclusivement qu’aux pays en développement, en intégrant les autres aspects du développement non pris en compte et ce de manière transversale Dans ce contexte, ils constituent un appel universel à l’action pour éliminer la pauvreté et la faim, lutter contre les inégalités de tout genre en favorisant un accès à l’éducation pour tous, aux soins de

santé appropriés Les ODD encouragent également la poursuite d’une croissance économique respectueuse de la planète pour permettre aux générations futures de pouvoir disposer des ressources adéquates La réalisation des objectifs nécessite l’instauration d’un cadre de coopération transnationale entre les Etats

Les missions assignées à la Zakat sont en cohérence avec les cibles de nombreux ODD De ce fait, il serait envisageable que ces fonds puissent être efficacement orientés vers leur réalisation.

De prime abord, la mission de la zakat consistant à lutter contre la pauvreté en permettant aux démunis de disposer du minimum de ressources pour assurer leur survie cadre bien avec les ODD 1 : « Eliminer l’extrême pauvreté et la pauvreté » et ODD 2 : « Faim zéro ». L’ODD 1 vise à éliminer complètement, d’ici 2030, l’extrême pauvreté, à réduire de moitié la proportion d’hommes, de femmes et d’enfants qui vivent dans la pauvreté sous tous ses aspects et à renforcer la résilience des pauvres et des personnes vulnérables. Quant à l’ODD 2, il vise à éliminer la faim en faisant en sorte que les pauvres et les personnes vulnérables aient accès tout au long de l’année à une alimentation saine, nutritive et suffisante.

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Ensuite, en favorisant la redistribution des richesses des donateurs vers les bénéficiaires, la Zakat peut permettre d’atteindre l’ODD 10 dont la cible principale consiste à faire augmenter rapidement et durablement le revenu de 40% des populations les plus pauvres en œuvrant à leur autonomisation Ceci a pour objectif la réduction des inégalités au sein des pays et d’un pays à l’autre. Enfin, la collaboration entre les donateurs et les fonds zakat pour arriver à mieux organiser la collecte et la distribution des fonds aux bénéficiaires, entre dans le cadre des objectifs de l’ODD 17 qui préconise la conclusion de divers partenariats pour la réalisation des ODD Comme on peut le constater, les missions assignées à la zakat et celles des ODD convergent. Il serait souhaitable que ses fonds soient mis à leur service. Plusieurs formes de coopération sont donc susceptibles de se mettre en place entre les institutions partenaires au développement et les fondations Zakat pour une distribution efficace des fonds pour la réalisation des ODD.

de par la mission assignée à la Zakat (entre autres instruments) Plusieurs institutions dont la Banque Mondiale, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés ont reconnu le rôle que la Zakat peut jouer pour atteindre les ODD Dans ce cadre, le PNUD s’est déjà engagé à exploiter les ressources de la Zakat pour financer des projets liés aux ODD, en signant des partenariats avec des institutions en charge de la Zakat Le HCR, quant à lui, a créé un fonds Zakat pour les réfugiés

La finance sociale islamique occupe une place importante dans le système économique islamique,

Reconnaissant son potentiel pour le financement des projets, le PNUD a conclu un accord de partenariat avec le World Zakat Forum (WZF) Le WZF est une organisation multilatérale qui rassemble les principales agences de zakat du monde entier. Travaillant en étroite collaboration avec diverses organisations musulmanes au plan mondial telles que l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) et la BID, il s'engage à développer la pratique mondiale de la zakat et à contribuer à l'humanité dans le cadre de la solidarité universelle Pour concrétiser le partenariat, le PNUD a commencé à apporter son aide à BAZNAS (Badan Amil Zakat Nasional), l’agence indonésienne chargée de la collecte de la Zakat, à utiliser les fonds de la

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Les institutions islamiques entendent s’impliquer davantage dans le financement de l’action humanitaire du HCR. Un accord de partenariat a été signé dans ce sens entre le HCR et le Fonds de Solidarité Islamique pour le Développement (FSID) qui est la filiale de la Banque Islamique de Développement (BID) chargée de la lutte contre la pauvreté. La mise à disposition de ce fonds permettra d’intensifier l’assistance du HCR aux réfugiés et déplacés internes.

Zakat pour financer les plans locaux des ODD Fort de son expérience comme partenaire au développement, de sa connaissance du terrain et de sa maîtrise des projets à fort impact social, le PNUD se charge d’identifier les projets à financer et BAZNAS procède au décaissement des fonds provenant exclusivement des ressources Zakat collectées. Le projet initial de ce partenariat a été lancé en 2017. Il consistait à financer des projets d’énergie renouvelable au profit des communautés défavorisées Au total, plus de 803 ménages incluant près de 5000 bénéficiaires de quatre villages de la province de Jambi (située sur la côte Est de l'île de Sumatra), ont pu avoir accès à l’électricité Cela a permis d’accroitre les capacités de création de revenu des populations bénéficiaires de la localité, améliorant substantiellement leurs conditions de vie. Dans le cadre de ce même partenariat, en 2018, une initiative du PNUD a été financée par BAZNAS pour aider les populations sinistrées des localités de Lombok et Palu suite à la double catastrophe - séisme, tsunami - qui a frappé ces deux îles Tout récemment en 2020, un partenariat similaire a été conclu en Afrique entre le gouvernement de la Mauritanie et le PNUD. Il s’inscrivait dans le cadre de la rédaction du plan national de développement dénommé Stratégie de Croissance Accélérée et Prospérité Partagée (SCAPP 2016-2030) Le gouvernement a eu recours à l’assistance technique du PNUD pour mettre en place une infrastructure réglementaire formalisant et structurant la collecte et la distribution de la Zakat,

qui était jusqu’alors non réglementée et atomisée A terme, le gouvernement mauritanien entend profiter du potentiel de la Zakat pour financer les projets de développement

Conscient de la solidité des ressources et leur immédiate disponibilité, le HCR a innové en lançant en 2019 une initiative dénommée « Refugees Zakat Fund », un fonds Zakat pour les réfugiés. Une manière pour le HCR de mobiliser les ressources zakat pour atteindre certaines de leurs missions à savoir offrir aux réfugiés, déplacés et apatrides la protection adéquate et les nécessités de base dont ils ont besoin Pour mener à bien cette mission, le HCR a introduit une demande pour solliciter les avis juridiques (fatwas) des institutions islamiques Plusieurs d’entre elles (l’académie internationale du Fiqh islamique basée en Arabie Saoudite, le Conseil de la fatwa de Tarim, le conseil des savants du Maroc, etc.) ont émis un avis favorable, autorisant le HCR à collecter et à distribuer la Zakat L’utilisation de la technologie numérique est au centre de la réussite de l’initiative En effet, le HCR a développé et mis en ligne sur son site internet une application interactive accessible partout et à tout moment, facilitant ainsi pour les donateurs le paiement secret et sécurisé de la zakat.

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Une version pour mobile, dénommée « Refugees Zakat Fund App », est maintenant disponible et téléchargeable sur App Store, Google Play et Huawei App Gallery En redistribuant 100% des ressources collectées à travers son mécanisme dans les endroits où l’aide est la plus nécessaire, le HCR se distingue comme un partenaire international digne de confiance et efficace dont l’action est conforme aux valeurs et principes de la zakat Pour rendre transparent le processus, chaque année, non seulement le HCR publie un rapport annuel sur l’état de la philanthropie islamique mais aussi, autorise la visite d’un observateur indépendant sur le terrain pour procéder à des vérifications et le cas échéant, il émet des recommandations. Les rapports du HCR (disponibles via ce lien (https://zakat.unhcr.org/fr/rapports) reprennent dans leurs grandes lignes les informations sur le total des ressources collectées et précisent l’utilisation qui en a été faite Selon le dernier rapport annuel sur la philanthropie islamique, publié le 25 mars 2022, le HCR a indiqué la collecte d’une cagnotte de 35,4 millions USD de fonds zakat pour les réfugiés au cours de l’année 2021 Ce fonds, constitué de 66,6 % de Zakat, 33,13% de Sadaqah (dons volontaires) et de 0,27 % de Zakat Al Fitr (zakat payée à la fin du mois de Ramadan), a permis d’assister au moins 690 familles, soit plus de 1,2 millions de bénéficiaires constitués de réfugiés et de déplacés internes

SELON LE DERNIER RAPPORT ANNUEL SUR LA PHILANTHROPIE ISLAMIQUE, PUBLIÉ LE 25 MARS 2022, LE HCR A INDIQUÉ LA COLLECTE D’UNE CAGNOTTE DE 35,4 MILLIONS USD DE FONDS ZAKAT POUR LES RÉFUGIÉS AU COURS DE L’ANNÉE 2021. CE FONDS, CONSTITUÉ DE 66,6 % DE ZAKAT, 33,13% DE SADAQAH (DONS VOLONTAIRES) ET DE 0,27 % DE ZAKAT AL FITR (ZAKAT PAYÉE À LA FIN DU MOIS DE RAMADAN), A PERMIS D’ASSISTER AU MOINS 690 FAMILLES SOIT PLUS DE 1,2 MILLIONS DE BÉNÉFICIAIRES CONSTITUÉS DE RÉFUGIÉS ET DE DÉPLACÉS INTERNES.

Les institutions islamiques entendent s’impliquer davantage dans le financement de l’action humanitaire du HCR Un accord de partenariat a été signé dans ce sens entre le HCR et le Fonds de Solidarité Islamique pour le Développement (FSID) qui est la filiale de la Banque Islamique de Développement (BID) chargée de la lutte contre la pauvreté. La mise à disposition de ce fonds permettra d’intensifier l’assistance du HCR aux réfugiés et déplacés internes

missions humanitaires en faveur des enfants à travers le monde Cette collecte de fonds permettrait de diversifier et renforcer les actions de l’ONG sur le terrain

Des liens étroits existent entre les missions assignées à la Zakat et la réalisation des ODD Certains partenaires au développement ont d’ores et déjà commencé à exploiter les ressources Zakat pour financer les projets sociaux à fort impact profitant majoritairement aux pauvres et aux nécessiteux Estimées entre 200 et 1000 milliards USD par la Banque Mondiale, chaque année, c’est d’énormes ressources financières qui sont mobilisées dans le monde à travers la Zakat Il convient donc de renforcer et de multiplier les partenariats entre les institutions Zakat et celles qui sont en charge de conduire les projets de développement dans le cadre des ODD Bien ficelés, de tels partenariats pourraient permettre de mieux organiser et moderniser la collecte de la Zakat et son utilisation pour l’atteinte des objectifs de développement durable

L’ONG Save The Children a reçu le 22 février 2022 à Londres, un certificat de la fondation Utruji de Shaykh Haytham Tamin, l’autorisant à collecter et à distribuer les fonds de la zakat dans le cadre de ses

Conscient de la solidité des ressources et leur immédiate disponibilité, le HCR a innové en lançant en 2019 une initiative dénommée « Refugees Zakat Fund », un fonds Zakat pour les réfugiés.
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thèque Biblio

ISLAMIC FINANCE IN AFRICA: THE PROSPECTS FOR SUSTAINABLE DEVELOPMENT

Islamic Finance in Africa discusses the progress, issues, and innovations in African Islamic financial markets. It provides a comprehensive overview of Islamic finance in Africa by exploring legal, regulatory and governance challenges while balancing the issues and innovations found in both Islamic commercial and social finance.

The chapters in the book can be broadly classified into three parts. The first part covers legal, regulatory and governance developments and issues of Islamic finance in Africa, the second part deals with issues and innovations in Islamic commercial finance, and the third explores issues and innovations in Islamic social finance. The editors use a case study format to present the topic in discussion effectively and provide insight into actual or potential areas of growth.

Scholars and Islamic finance stakeholders, including research and education institutes, will find this book invaluable in understanding this important topic and region. In depth case studies allow the reader to zoom into selected markets to understand issues/innovation in detail. This book also will be useful to policymakers and regional standard setting bodies, including multilateral and humanitarian agencies, in understanding the potential of Islamic finance in financial inclusion and resolving humanitarian crises.

A propos des Auteurs: Édité par M Kabir Hassan, professeur de finance, Département d'économie et de finance, University of New Orleans, États-Unis; Aishath Muneeza, professeur associé, Ecole d'études supérieures et professionnelles, INCEIF University, Malaisie; et Karamo N M Sonko, Président et Fondateur, WellBoring, Royaume-Uni

A propos de l’Auteur: Ezzedine Ghlamallah est diplômé de l’Université de Droit et de Sciences politiques de Strasbourg, où il a obtenu un Executive MBA en finance islamique et titulaire d’un Master en finance, comptabilité, fiscalité et gestion de patrimoine de l’Université d’Aix-Marseille Il est également diplômé de l’Ecole Nationale d’Assurance de Paris, en banque, finance et assurance Depuis 2014, il enseigne la finance islamique et les sciences de gestion dans de nombreuses écoles et universités

FINANCIAL INSTRUMENTS AND CASH WAQF: BRIDGING ISLAMIC FINANCE WITH SUSTAINABLE DEVELOPMENT GOALS

ISLAM ET ETHIQUE DES AFFAIRES ECONOMIQUES ET FINANCIERES

Cet ouvrage a pour objectif d’apporter au lecteur une compréhension globale du système économique et financier islamique qui représente également un nouveau champ de recherche académique. La première partie est consacrée aux fondements ainsi qu’aux enjeux et perspectives de développement du système financier islamique. La seconde partie est dédiée à l’identification des thématiques de recherches dominantes en économie et finance islamiques.

L'ouvrage, organisé en trois parties, propose un guide pour construire des instruments financiers basés sur le waqf monétaire en alignement avec les Objectifs de développement durable. La première partie traite de l'alignement entre les objectifs économiques de la charia et les ODD, du concept de finance sociale islamique, de ses instruments et institutions et de l'intersection entre la finance islamique et la finance sociale islamique. La deuxième partie présente une structure de produit basée sur le Cash Waqf et ciblant spécifiquement les ODD. Certaines de ces structures de produits impliquent la collecte de la Zakat. La troisième partie du livre présente la méthodologie permettant de rassembler toutes ces structures de produits dans un écosystème national de Cash Waqf ciblant les ODD. L'objectif de cet écosystème est d'accroître l'impact des différentes initiatives et instruments. En outre, la troisième partie du livre présente le concept de centres offshore Waqf et la méthodologie pour les concevoir et les mettre en œuvre. L'objectif de ces centres offshore Waqf est de mettre en relation les écosystèmes Waqf monétaires nationaux et les individus avec des opportunités d'investissement ayant un impact plus important. Ce livre intéressera les universitaires, les chercheurs et les praticiens de la finance islamique, mais aussi de la finance durable.

A propos de l’Auteur: Dr Ahmed Tahiri Jouti est directeur associé et fondateur de Green for South Il est ancien Managing Partner et CEO d'Al Maali Group (Dubaï et Casablanca) Le Dr Ahmed est rédacteur en chef adjoint de l'ISRA International Journal of Islamic Finance Il est également membre des groupes de travail de l'AAOIFI chargés d'élaborer de nouvelles normes de gouvernance pour l'industrie de la finance islamique

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https://www.cantonfair.net/event/3934-oichalal-expo

Evènements Royale
AOÛT 16-17 AOÛT
Calendrier 2022
ChulanHotel,KualaLumpur(Malaisie) Organisateur:CERTEVENTS Contact:https://www.mifc.com/o/mifctheme/images/main-bg.png
NOVEMBRE 24-27 NOVEMBRE 28-30 KualaLumpur,Malaysia Hybrid Organisateur:EmnesEvents SEPTEMBRE 21-23 Abidjan,Côted’Ivoire Organisateur:DexterityEvents&Training/Africa IslamicFintechHub Meet great people Expand your Knowledge Impact your Business NEWS-MAGAZINE-TV-PODCAST-FORUM
Istanbul,Turquie, Organisateur:IstanbulCommerceUniversityand IstanbulSabahattinZaimUniversity Contact:

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