DOSSIER ÉNERGIE
Tribune T Serge Eric Menye Fon ndateur de Greenfields Ventures n
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Des gisements verts D la argement sous-exploités a
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invasion de l’Ukraine par la Russie bouscule tout. Sommée, tout récemment encore, de renoncer aux ressources fossiles afin de sauver la planète suffocante, l’Afrique est désormais pressée d’ouvrir davantage son sol aux forages. Une volte-face qui présente un leurre commercial et cache une énième erreur tactique pour l’Afrique : les matières premières énergétiques ont eu peu d’incidence sur le développement, avec un environnement ravagé, et retourner vers l’archaïsme dévastateur, alors qu’il existe un potentiel révolutionnaire confirmé, est totalement insensé. L’Afrique possède 40 % du potentiel solaire mondial, la part d’ensoleillement la plus élevée du monde. Et pourtant, plus de la moitié de ses habitants n’a toujours pas accès à l’électricité et sa population est celle qui souffre le plus au monde de la pollution des énergies nocives. Son immense gisement photovoltaïque représente pourtant un atout majeur pour les besoins en électricité et les objectifs climatiques. En ce sens, plusieurs pays ont franchi le pas. L’Afrique du Sud, la première à s’être lancée, représente le parc le plus important en activité. Le Maroc a inauguré en 2016 sa centrale Noor Ouarzazate, et un parc a vu le jour en Égypte en 2019. Le Kenya, le Ghana, le Togo, le Sénégal, le Burkina Faso, la
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JEUNE AFRIQUE – N° 3113 – JUIN 2022
Zambie et la Namibie ont installé des parcs solaires kilométriques au cours des dernières années. L’Afrique de l’Est et l’Afrique de l’Ouest connaissent en plus, une percée de l’énergie solaire off-grid, avec les kits solaires. L’Afrique a aussi la capacité de devenir la superpuissance de la production hydrogène, une ressource énergétique décarbonée qui apporte des carburants propres. Nombreux sont les pays sur le continent qui disposent des conditions naturelles et des avantages compétitifs appropriés. La Namibie a lancé un projet dont la production commencera en 2026. Quant à l’Égypte, elle a
Le photovoltaïque africain est un atout majeur pour les objectifs climatiques. signé cette année deux accords, avec la Norvège et l’entreprise allemande Siemens, afin de développer la production d’hydrogène. Parmi les autres énergies propres, l’Afrique bénéficie aussi d’un environnement naturel très avantageux pour l’énergie hydroélectrique, éolienne et issue de la biomasse. L’engouement pour les énergies renouvelables n’a jamais été
aussi convaincant. La position géographiquement stratégique de l’Afrique, proche de toutes les grandes voies de navigation mondiales, lui offre un accès aux marchés du globe pour exporter l’hydrogène.
Efforts colossaux La proximité de l’Afrique du Nord avec l’Europe permettra bientôt au Maroc d’envoyer son énergie solaire au Royaume-Uni par le plus long câble sous-marin du monde. La mauvaise nouvelle, c’est que le continent africain demeure sollicité pour ses énergies fossiles. Les financements continuent d’affluer, alimentant les freins au développement durable. Et si le déploiement du solaire est enfin une réalité, les chiffres restent dérisoires. Concentrant la majorité de la ressource solaire de la planète, l’Afrique pourrait jouer un rôle mondial de premier plan dans la production d’hydrogène vert. Elle ne dispose pourtant que de 1 % des panneaux solaires existant dans le monde et représente moins de 1 % de la production mondiale. Des efforts colossaux méritent d’être immédiatement consentis. L’Afrique doit se montrer à la hauteur des enjeux – qui lui sont évidemment favorables –, exploiter massivement ses ressources énergétiques vertes, tout en résistant à la tentation de la facilité destructrice des combustibles fossiles.