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nA P A U S A N I A Sf O
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VOYAGE HISTORIQUE D E
LA GRECE, TRADUIT EN FRANÇOIS. Avec des Remarques. Par M. PAbbé G E D O Y N , Chanoine de la Sainte Chapelle , Abbc de Baugenci , de FAcadémie Erançoife , & de rAcademie Rojtk C ... des Infcriptims & Belles-Lettres. TOME PREMIER. ' dp, l"
A
Chez
PARIS,
D ID O T, Quay des Auguftins , près le Pont Saint Michel, à la Bible d’Or.
M.
AV LC
D C C.
APPROBATION
XXXI.
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ET PRIVILEGE DU ROT.
D
E
L ACADEMIE ROYALE DES
INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES-
VOVS ave\undroit inconteftablefur lOuvrage que j-e donne au Public. Vous-mêmes niavec^fuggeré l'entre-
prife , Cÿ niavez_cncouragé à enfurmonter les difficulté^Je Vous ai lû une bonne partie de cette Traduction, Vous avez Tome I. Û
ij E P I T R E. paru récouter avec plaifir, & Vous y intércjfer ; c'eft donc
à titre de reconnoijfance queje Vous la confacre. Cependant je n'en difconviens pas , il pourroit bien s'y mêler aujfi
un fecret mouvement d'amour propre. En publiant un
Ouvrage de cette efpece , il eft naturel que l'on cherche
de jufles Eftimateurs de j'on travail
où pourrois-je
en trouver plus jurement que dans une Compagnie comme
la Votre , à qui laleélure de lOriginal eft fifamilière , qui en connoît fi parfaitement l'immenfe érudition Çÿ la richejfe j mais qui fiait aujfi de quelles ténèbres il eft
enveloppé , Cÿ combien il eft dijficile a bien rendre en une Langue qui ne fouffre rien d'obfiur ?
Véritablement d'un autre cotéje devrois redouter vos lumières ; des yeux aujfipersans que les vôtres découvrent
bien des manquement t des défauts qui échappent au commun des Lefteurs.Cette grande capacitéque jcVousconnois,
eft juftement ce qui doit me faire craindre de n avoir pas rempli toute votre attente t g/ fur-tout que Vous ne
foyct^ pas pleinement fatisfaits des Remarques dont j'ai
accompagné le Texte. Je fiai que des hommes confommet^ en tout genre de Littérature ne font pas aifiz. à contenter. L'un fiavant Antiquaire , qui n'ignore rien
de ce qui regarde les Monumenspublics, les Infcriptions les Médailles, trouvera que j'ai traitéfuperfietellement
E P I T R E. iij cette partie ; [autre , profond, dans la Chronologie ,
dans f Hifoire , dans la Géographie tant ancienne que moderne , ne verra dans ces Remarques rien qui foitfort digne de lui ; un autre , qui a fait une étude particulière de la Mythologie, maccufera de beaucoup domif-
fions ; un autre , qui pojfede a fond les Langues Orientales , penfera que je devoir chercher dans ces Langues-
là-mémes la clé de plufieurs Fables ; un autre enfin ,
accoutumé à confiilter les Manufcrits,
à recueillir
toutes les variantes , me blamera de n avoir pas porté ce foin aufii loin que je le ponvois ; g) tous auront rai-
fon. fie [avoué, M ES SI EURS , fi Vous-mêmes aviez, mis la main à [œuvre , il n'y manquerait rien -, mais je ne fuis pas univerfel, il s'en faut beaucoup ; je ne Vous préfente mes Remarques que comme un ejfai ,ou fi
Vous voulez. , comme une efiece de cannevas que
vous remplirez, mieux , quand il vous plaira. Faites
concourir à la perfection d'un feul Ouvrage les divers
talens qui font partage^entre plufieurs de Vous, réüniferles enfemble pour nous donner un bon Commentaire fur Paufanias , cet Auteur le mérité : Vous multiplie-
rez. à la vérité les volumes s mais aujfi nous aurons dans un même Livre un corps complet de ce que l'on appelle Anciquitez Grecques ; car Vous fqavez. quelles
iiij E P I T R E. fe trouvent toutes dans ce Voyage hiflorique de la Grece, ou que du moins elles y ont une application naturelle.
Cependant je joilirai toujours de deux avantages -, l'un, de Vous avoir acquitté d une efpece de dette que Vous nviez. contractée ; car dès les premières années de votre établifement ,Vous vous étiez, comme engagera enrichir notre Langue d'une Traduction de Paufanias qui nous
manquoit ; l'autre, de Vous avoir donné un témoignage public de la haute ejlime que j'ai pour votre Compagnie.
Je fuis avec un égal refpeCt x
MES S LEVES*
Votre ttès-humble & trérobiïflânt ïerviteur , G Z O O Y Ht
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PRÉFACEL y a des Ouvrages fi recommandables par eux-mêmes , & qui méritent une eftime fi générale , qu’il fuffit de les annoncer au Public , pour leur attirer fes yeux & fon attention : tel eft celui de Paufanias. Aufli Aide Manuce , quand il imprima le Texte Grec de cet Auteur en 1516, fc contenta de mettre à la tête une courte Préface, où il difoir fimplement qu’il donnoit au Public un tréfor de la plus ancienne & la plus rare érudition. J’ajouterai moi , que ce tréfor, qui jufqu ici n’avoit été ouvert qu’à un petit nombre de Sçavans , je l’ouvre à tout le monde en le faifant paroître en Langue vulgaire , & en une Langue prefque aufli répandue que l’étoit autrefois la Langue Grecque. Je donne à cet Ouvrage le Titre de Voyage Hiftwique de la Grece , parce qu’en effet ce n’eft rien autre choie. Non que je prétende empêcher qu’on ne diiê à l'ordinaire, Paufanias dans fes Attiques, dans fes Corintbiaques, dans fes Eliaques, Ikc. mais comme tous ces Titres ne préièntent à l’efprit rien de clair & de diftinéf , je leur en fubftituë un autre plus conforme à notre génie, & auquel on pourra infcnfiblcmcnr s’accoutumer. Au refte, par cette raiion-là même que l'Ouvrage de Pauiànias> écrit en Grec , & traduit tant bien que mal en à iij.
vj PREFACE. Latin , n’cft connu que des Sçavans , qui à caulè d’une infinité de recherches curieulès & fingulicres dont il cft plein , en ont fait leur Livre favori , je crois ne pouvoir me dilpenfer de tracer ici un legere idée de ce qu’il contient , afin qu a l’aide d'un plan général & de quelques réflexions , on lepuiffe lire avec plus de plaifir & plus de fruit. Premièrement donc, c’cft un Voyage, & l’on cft aujourd’hui dans le goût des Voyages , jufqu'à lire avec avidité ccux-mémes qui font les plus chimériques. Celui-ci bien différent, cft écrit avec une vérité qui ne fçauroit être lùlpedc. L’Auteur y rend compte de ce qu’il a vu dans la Grcce , & à qui en rend-il compte ? aux Romains au milieu de qui il vivoit , dont la plupart avoient été en Grece auffibien que lui , & qui auroient pu le démentir , s’il avoit avance quelque fauffctc. Car alors les honnêtes gens de Rome alloicnt à Athènes , je ne dis pas , comme nous allons aujourd’hui en Italie, ou à Londres , mais comme on vient de Lyon ou de Bordeaux à Paris. Ce n’cft donc pas ici qu’il faut dire : A beau mentir qui tient de loin. Auffî la bonne-foi de Paufanias le fait elle fentir par tout. S’il parle d’une Statue d’or & d’yvoire, haute de foixantc pieds, Statue admirable, faite par Phidias, le plus grand Statuaire qu’il y eût jamais; un moment apres il parlera d’une autre qui étoit, dit-il , de terre cuite, & d’un goût antique & grolfier. Voilà, ce me femble , le langage d’un homme qui dit fimplcmcnt les choies comme elles font , & qui ne prétend ni exagérer, ni débiter du merveilleux. Ln fécond lieu , c’cft un Voyage Hiftorique ; on
P R F. F A C E. vij y remarque tout à la fois un Voyageur curieux, & un Ecrivain profond , parfaitement inllruit de tout ce qui regardoit les divers Peuples dont il parle. Il en poflédoit la Langue, c’étoit la tienne propre, il connoifloit leurs dieux , leur religion, leurs cérémonies , leurs loix , leurs coutumes , leurs mœurs ; il avoit lû leurs Poètes, leurs Hilloricns . leurs Généalogies , leurs Géographes , en un mot leurs Annales & leurs Monumcns les plus anciens ; Annales & Monumcns qui croient alors fubfiftans, qu’il cite à chaque page , & que le temps nous a ravis. De-là cette quantité prodigieufe de faits , d’évenemens , de particularitcz qui ne fe trouvent plus que dans cet Auteur , & qui le rendent précieux à tous ceux qui aiment l'étude des tems & de i’Antiquité. Car non feulement il décrit l’état prêtent des Pays où il avoit vdvagé , mais il recherche l’origine des Peuples qui les habitoient ; il nt>us donne la fuite des Rois qui y ont régné , la Généalogie des grands Perfonnages qui v ont vécu , un détail exaét de tous les Monumcns qui s’v étoient confervés jufqu a fon tems -, & le plus fouvent de génération en génération il remonte jufqu a cette fameufe époque des Grecs r le déluge de Deucalion , au-delà duquel ils ne connoiffoient rien , parce que ce déluge avoit changé toute la face de leur Pays , & en avoit fait comme nnc terre nouvelle -, ainti il embraffe le plus vafte de£ fein qu'un Auteur profane pût fe propofer -, à quoi Ton peur dire qu'il met autant d’art que d’érudition. Car ayant à décrire le Pays le plus orné &: le plus fécond en merveilles qu’il y eût alors dans le monde , s’il avoit toujours parlé d’édifices publics , da
vüj r R E F A C F. Temples, de Portiques, d’Aquc'ducs, de Tombeaux , de Statues, de Trophées , de Stades & de Théâtres, il auroitbicn-tôtcnnuyéfonLcélcur. Une pareille énumération caulc néccllairemcnt de la làticté & du dégoût ; Paufanias en a fend l'inconvénient, & il y remédie enliant avec l’Hiftoirc tout ce qu’il voit dccurieux, & tout ce qu’il raconte Jiailonfi naturelle, que l’un lemblc être la luite de l'autre. En effet , parle-t-il du tombeau d’un Héros , ou d'une ftatuc érigée en fon honneur , il nous dit qui étoit ce Héros , il déduit fa filiation, il n’oublie pas même les dclccndans-, il nous apprend fes exploits, tes vertus , en un mot ce que l’Hiftoirc ou la tradition en publioicnt ; de forte que le trait hiftorique dont il peint le. Héros , juftific le monument érigé à fa gloire ; & que ce monument qui étoit la récompenfe delà vertu,devient une preuve fcnfiblc de la vérité du trait hiftorique. Mais il nous fait connoitre bien plus d’une çhofe en même tems -, car à l’occafion de cette Statue , il nous apprend de quel Ouvrier elle étoit, quel Maître cet Ouvrier avoir eu, & quels Elevés il avoir formez; par là il met fon Lcétcur à portée de juger par lui-même du progrès des Arts dans la Grèce , & de voir , comme d’un coup d’œil , en combien de tems ils s’y étoient perfectionnez. Nous apprenons , par exemple, d’un côté,que Dipœnc & Scyllis, tous deux Difciplcs d’un Dédale,& les plus anciens Statuaires de réputation qu’il y ait eu en Grece , vivoientvers la 51 ou y jc Olympiade ; & de l’autre nous voyons que Phidias qui excella entre tous les autres, RorifToit en la 8 5e ; d'où il eft aile de juger que parmi les Grecs la Sculpture fut portée au plus haut
PREFACE. ix point de pcrfcdion en l’efpace de trente Olympiades, c’eft-à-dirc de no. ans; état où elle le maintint julqu’au règne d’Alexandre, la célébré époque du grand éclat des fciences & des beaux arts, après quoi les uns & les autres commencèrent à . décliner. Voilà comme la relation de Paulanias toujours circonftanciée.nous conduira beaucoup de connoiffanccs curieufes & certaines , (oit en matière de goût , (oit en fait de Chronologie , ou de Géographie , ou d’Hiftoirc , ou de Critique ; car toutes ces parties fe trouvent également traitées dans fon ouvrage. Enfin c’ert le Voyage de la Grcce , non de la Grece d’aujourd’hui, ou telle que Spon & Weller l’ont décrite , pauvre , miférable , dépeuplée , gémiflanre dans une efpece d’efclavage , & qui n offre plus aux yeux du Voyageur que des ruines (uperbes , au milieu defquelles on la cherche fans la trouver , en un mot l’image de la dévaluation la plus affreufe , & l’exemple déplorable des viciflitudes à quoi toutes les chofes d’ici-bas font fujettes. C’ert de la Grece floriflante que Paufanias nous donne la defeription , de la Grece lorfqu’clle étoit le féjour des Mufes , le domicile des Sciences , le centre du bon goût, le théâtre d’une infinité de.merveilles , enfin le pays le plus renommé de l’Univcrs. Car il n’y a plus que des Barbares qui ignorent que les Lettres & les Arts apportez de Phénicie & d’Egypte en Grèce , y trouvèrent, s’il fautainfi-dire, un terroir fi heureux . qu’en peu de tenu ils y firent des progrès qu’on ne pourroit s’imaginer , fi nous n’en avions des preuves fubfiftantcs , foit dans les écrits des Grecs, foit dans les pierres gravées & les méé
x PREFACE. dailles , foit dans ces Antiques qui fervent encore aujourd’hui de modèle au plus grands Maîtres , & qui font le plus bel ornement des Maifons Royales, en meme tems que l’admiration des Connoifieurs. L'Eloquence , la Poëfie , l’Hiftoire , la Mufique , l’Architecture , la Peinture , la Sculpture , la Gravure , tous ces Arts , femblables à ces Plantes qui ne viennent qua regret en de certains climats, & qui fe plaifent en d’autres , fleurirent prefquetoutà coup dans la Grece , & y jettérent un vif éclat, qui le communiquant de proche en proche, embellit bientôt l’Italie, & enfuite les autres parties de l’Europe j car , dut notre vanité en murmurer , il elt certain que nous tenons des Grecs toutes ces belles connoiflanccs , comme les Romains leur en avoient été redevables eux-mêmes. Mais , pour confidérer la Grece dans fon véritable point de vue , quelle foule de Héros, de grands Capitaines , de Sages , de Philofophes, d’hommes extraordinaires en tout genre , cette heureule contrée n’a-t-elle pas produite î D’un côté Hercule , Théfée , Ulyfle, Neftor, Codrus, Miltiade,Cimon, Ariftide , Phocion , Aratus , Ariftomenc , Epaminondas , Philopœmen ; de l’autre Dracon , Solon , Lycurgue , Pythagore , Socrate, Platon , Ariftote , Zenon , Chryfippe ; cent autres non moins eftimables , quoique peut-être moins célébrés-, leurs noms feuls ne réveillent-ils pas encore en nous l’idée , ou de l’héroïfme , ou de la fagelîe ? Ec quels exemples de courage , de grandeur dame , d’amour du bien public , de zele pour la patrie, de modération &de juftice , ces grands hommes ne nous ont-ils point
PREFACE. xj laiflez ? On leur reproche que la vainc gloire étoit lame de leurs belles allions, & fous cc prétexte on obfcurcit leurs vertus,comme s’il n’étoit donné qu’à nous d’en avoir. Je Içaiscc qu’un Chrétien doit penfer de la vertu des Payens , & je crois qu’il eft plus dangereux de l’eftimcr trop, quedencleftimcr pas aflèz. Mais, fans vouloir l’apprécier au jufte, & fans entrer dans une queftion qui n’eftpasdemon fujet; quand les hommes font bien, quelqu’cn puifle être le motif , n’eft-il pas vrai que la fociété y gagne toujours infiniment? Neferoit-il pas à fouhaiter que les femmes, du moins par un noble orgueil , fuflent fages & inacceflibles à la galanterie , & que tout Général d’armée , tout Miniftre , par ce plaifir fccret qu’il y a à bien faire , au défaut d’un motif plus pur, fit toujours tout ce qui dépend de lui pour l’avantage de l’Etat?Un bel efprit du dernier fiécle a dit qu'il étoit aufii honnête d’être glorieux avec foimême , qu’il étoit ridicule de l’être avec les autres. Quel eft le fens de cette maxime , fi ce n’eft que comme il y a une fotte gloire, il y en a une aufii qui eft bonne , qu’il eft utile d’avoir , & qui nous empêche de rien faire qui puifle nous avilir à nos propres yeux ? N’cft ce pas même la différence qu’il y a entre une perfonne bien née & une qui ne l’eft pas ? Me fera-t-il permis de dire cc que je penfè ? Il me femblcque l’on a trop affoibli en nous ce defir de gloire qui nous eft fi naturel. A force de rebattre que la réputation n’cft que l'écho de mille voix confufes, formées au hazard , & que cette efpecc d’immortalité dont on joüit apres la mort, n’eft qu’une chimere , on a prcfque étouffé en nous je ne éij
xij PR E F ACE. fçai quel fentiment d clcvation, qui pour fe foutenir a befoin d’étai , & à 1 amour de la gloire on a fait fucccder la fimple crainte du déshonneur. Tel Officier pour venger un affront fe battra en duel , & s’cxpolcra volontairement à la mort , qui du refte eft un affez mauvais Officier , & qui ne marchera qu’à regret à l’ennemi -, c’eft craindre l’infamie, ce n’cft pas aimer la gloire. Je conviendrai donc , fi l’on veut, que l’amour de la gloire étoic le grand mobile des Grecs ; mais il faut avouer auflî que ce motif leur a fait faire de fi belles chofes , que leurs actions , foit militaires ou civiles , rapportées dans l’Hiftoire,& vûës de fi loin , font encore un objet digne de notre admiration. D’ailleurs , penfe-t-on quelle reffource & quel bonheur c’étoit pour ces petites Républiques, qui partageoient entr’elles quelques trois cent lieues de Pays , de commander à des peuples qui n’etoient fenfibles qu’à la gloire ? Elles n’avoient ni Domaines confide'rablcs , ni Gouvernemens , ni grandes charges , ni dignitez à faire efpérer. C’étoit fait d’elles , fi on les eût fervies avec un efprit mercénaire : heureufement leurs fujets en étoient bien éloignez. L’Etat fans s’appauvrir pouvoir toujours récompenfer le mérite , quelque part qu’il fur. L’Officier, le Soldat , le Magiftrat, l’homme de lettres , le Peintre , le Sculpteur , tout homme qui fe diftinguoitr e'toit fûr de la récompenfe, & de la forte de re'compenfe qui flattoit le plus fon inclination & fon goût. Une Statue de marbre ou de bronze , une lnfcription , un tombeau ordonné par un décret public, & élevé aux dépens de l’Etat, en faifoit tous les frais.
PREFACE. xiij De là cette multitude d’excellens Ouvriers, qui en travaillant à immortalilér les autres, s'immortalifoient eux mêmes par ces chef-d’œuvrcs de leur Art, dont quelques relies échappez au ravage des tems,font encore aujourd’hui u précieux -, & de là en même tems cette noble émulation que ne pouvoir manquer d’exciter la vue de tant de monumens publics érigez au mérite &à la vertu. Tout Statuaire vouloir être un Praxitèle ou un Lyfippe, & tout Général d’Armée ne fe propofoit pas moins que d’être un Miltiade ou un Thémillocle. Seroit il donc impoflible aux Princes de l’Europe d’allumer dans le cœur de leurs fujets le même défir de gloire , & s’ils y réiifliflbient, quel avantage n’en retireroient-ils pas ? Déchargez des récompenses onéreulcs dont eux & leurs peuples (entent le poids , ils n’auroient plus beloin de tant de fubfides , ils feroient aufli-tôt bailler le prix des chofes néceflaires à la vie , on les auroit à bon marché comme autrefois ; on feroit avec peu de bien ce que l’on ne fçauroit faire avec beaucoup , & libres des (oins domeiliqucs, les peuples tourneroient infenfiblcment leurs penfées du côté de l’honneur : nos Pouflins & nos le Bruns , nos Girardons & nos Coëfvaux fe multiplieroient , il fe formeroit un peuple d’illuftres Artifans capables d’animer la toile , le marbre & le bronze , qui dans leur travail trouveroient & leur gloire & leur entretien. Leurs productions ferviroient à décorer la Capitale & les Palais de nos Rois , qui par là deviendroient comme un temple de mémoire confacré au mérite. Cette belle paillon venant à le communiquer de la Cour à la Capitale , & des grands é iij
xiv PREFACE. aux petits , embraierait toutes les profeflions. Dans lepéc , dans l’Eglilc & dans la robbe , ce ferait à qui mériterait l'honneur d'une Statué. Le luxe , la inollefle , la rapine , la fraude , l’ufure , tous ces vices fi honteux à l’humanité, tomberaient dans le décri & dans le mépris , moyen le plus fur pour les bannir de la fociété ; Bourgeois & Payfans , tous feraient Soldats dans le befoin, & bientôt nous aurions une image de la Grece dans un Pays qui me paraît allez fait pour lui refTembler. Car il ne nous manque qu’une étincelle de ce beau feu , pour rendre l’envie de bien faire, plus vive & plus générale quelle n’eft parmi nous. Quand on confiderc qu’une couronne d’olivier remportée aux yeux des Grecs afTcmblez à la barrière d’Olympie , mettoit le Vainqueur au comble de fes vœux , & qu’il n’y avoit point de peines, de fucurs, de fatigues & de dangers, dont il ne le crût bien payé par cette marque d’honneur ; on ne s’étonne plus qu’une nation fi avide de gloire fe foit rendue fi célébré. A quelles gens avons-nous à faire ? difoit Tigranc à Mardonius , ils ne connoijfent ni l or ni [argent , ne cherchent que la gloire (J la 'vertu. Tigrane avoit raifon , ces gens-là dévoient être invincibles , aufli l’étoient-ils. En vain Xerxés couvre leur Pays de fes bataillons & leurs mers de fes vaifTeaux, en vain deux cens mille Gaulois , comme un torrent qui a rompu fes digues, inondent la Grèce ; l’une & l’autre puiflance , les plus formidables qu’il y eût alors dans le monde , échouent tour à tour contre une poignée de Grecs. Philippe de Macédoine , il eft vrai , railla en pièces les Grecs à la fameufé bataille de Chéronée. Aléxan-
PREFACE. xv dre fon fils du fond de l’Afic & des bords de l’Inde les contint par la terreur de ion nom, & par le bruit de fes exploits. Après lui Antipatcr & Caflandcr portèrent à la Grèce des coups mortels ; mais ces Princes commandoicnt des Macédoniens , & les Macédoniens étoient Grecs, d'où je conclus que les Grecs ne pouvoient être vaincus que par leurs pareils , je veux dire , par des Grecs comme eux , ou par les Romains , qui imbus des mêmes maximes penfoient auflî noblement , & avoient la même pallion pour la gloire ; encore lur le chapitre des Romains il y auroit bien des chofes à dire. Ils cédoient aux Grecs la lupérioritédans les Arts & dans les Sciences , & ils fe l’attribuoicnt, eux , dans le grand art de vaincre & de gouverner : c etoit (ans doute avec railon , puifqu’après tout ils avoient fournis la Grece à leur Empire. Mais fi les Grecs avoient agi de concert contre les Romains , comme précédemment contre les Perfes & contre les Gaulois , je doute que Rome fût jamais venue à bout de les foumettre. Deux cens mille Perfes défaits par neuf mille Athéniens à Marathon , & fept cens mille hommes arrêtez tout court aux Tcrmopyles par trois cens Lacédémoniens,qui n’en auroient pas laifle échapper un feul , fi un fi petit nombre avoir pû fuffire à en exterminer un fi grand ; ces deux exploits , pour ne rien dire de beaucoup d’autres , montrent bien que les Grecs étoient une Nation de Héros, dont il n étoit pas aifé de triompher. Auflî Rome employa-t-elle contr’eux , non la force, mais la rufe &c l'artifice : fous prétexte de les concilier & de les pacifier , elle fomenta leurs jaloufies , leurs
XV) PREFACE. défiances , leurs divifîons , & lorfqu'cllc les vie défunis , elle leva le mafque, & eut bon marche de ces mêmes Grecs qui avoicnc humilié le grand Roi, & rendu tous fes efforts inutiles. Quoiqu’il en foit, voilà de quel Pays , de quels hommes , & de quels exemples Paufanias entretient Ion Leéteur. Or dans une matière fi abondante , fi riche & fi variée, l'ordre qu'il obferve eft tel. Premièrement, à la différence de Strabon, de Ptolomée & de Pline , il n’embrafTe dans fa relation qu'une partie de la Grèce , & les villes que fes Colonies occupoient dans l’Afic Mineure ; il divife cette partie en dix Etats qui étoient autrefois indépendans les uns des autres, fçavoirl’Attique,laCorinthie , l Argolidc , la Laconie , la Meflenie , l’Elide , l'Arcadie , la Be'otic, & la Phocide. Quelques autres petits Etats qui après s être maintenus plus ou moins de tems,furent enfin réunis à d’autres plus confidérables, fe trouvent compris dans ceux où ils étoient fondus. En fécond lieu , il divife pareillement fôn Ouvrage en dix livres , de forte que chaque livre eft le voyage & la defeription de chacun de ces dix Etats de la Grèce, à la réferve ducinquié. me &c du fixiéme livre , qui tous deux ne traitent que de l’Elide , comme le fécond lui feul comprend Corinthe & .Argos. A l'égard des autres peuples de la Grèce , comme les Etoliens , les Acarnaniens , les Theflaliens , les Macédoniens, les Locricns , les Epirotes , il n’en parle qu’incidcmmcnt & paroccafion. Mais pour ceux qu'il fe propofe de faire connoître , on peut dire qu'il en traite avec tout le détail d’un Hiftorien exact & profond ; car il va chercher
PREFACE. xvij chercher leur origine dans les tems les plus reculez, il les fuit d’âge en âge depuis leur établifTement dans la Grece jufqu’à (on rems ; il nous inftruit de leur Gouvernement , de leurs Guerres , de leurs Colonies ; il parcourt leurs Villes & leurs Bourgades , il marque leur pofition , leur diftance cntr’elles ; enfin il n’omet rien de cc qu’il y a vu, &: qui lui a paru digne de curiofité. Si dans ladifcuflion de quelque point d’Hiftoire ou d’Antiquité il emb rafle un fentiment plutôt qu’un autre, il cite toujours fes garants ; & fes garants font ordinairement les Hiftoriens & les Poëtes les plus anciens , comme ou témoins des faits qu’il difeute , ou plus proches de ceux qui en avoient été témoins ; mais fur-tout Homere, dont on voit qu’il refpeéfoit infiniment l’autorité. C’eft par cettte raifon que la leéture de Paufanias fait tant de plaifir à ces Sçavans qui ont tous les fiécles préfens à l’efprit, qui ne veulent rien ignorer de ce qu’il eft poflible de fçavoir , & qui fouvent s’autorifent de quelques faits , de quelques circonftances combinées enfemble , pour former un fyftême d’Hiftoire ou de Chronologie. Les autres , je l’avoue , ne feront pas fort touchez des recherches profondes que fait cet Auteur , tantôt fur l’origine des Peuples , tantôt fur les anciennes Généalogies, tantôt auffi fur ces points de Religion que grâces à Dieu , nous traitons de Mythologie, & qui faifoient autrefois le fond de la Théologie Payenne. La plupart des hommes , même Je ceux qui cultivent leur efprit par la leâure , ne fc foucient gueres de fçavoir par qui Athènes a été fondée, ni quels Peuples ont les premiers habite l’Attique,ni de qui ï
xviij PREFACE. defcendoit Thcfcc ou Codrus , ni comment & en quel tems le culte de Cérès ou de Bacchus , ou d'Hcrcule, a été reçu en Grèce -, mais ces particularitcz qui paroiffent fi indifférentes, le fontelles en effet î Toute connoiffancc Hifloriquc n’a-telle donc pas un enchaînement naturel avec les connoiffanccs du meme genre î Et à l’égard de ces Fables , de ces fuperftitions payennes qui nous font pitié dans les Ecrivains Grecs,les premiers Doéfeurs du Chriftianifme , S. Juftin Martir, Taticn , Théophile d’Antioche, Clément dAléxandrie, Jules Africain , Eufebe, ne les ont-ils pas recueillies avec foin, & quel avantage n’en ont-ils pas tiré contre l’idolâtrie , qu’ils combattoicnt avec fes propres armes î Aujourd’hui il ne s’agit pas d’exhorter les Gentils à embraffer laReligion Chrétienne, comme les y exhortoit autrefois Clement d’Aléxandrie, il s’agit de nous y affermir nous-mêmes. Qu’on life avec réfléxion l’Ouvrage de Paufanias , on y trouvera prcfque à chaque page un témoignage non fufpeCt de l’égarement des plus grands-hommes du Paganifme fur le chapitre de la Religion ; d'où l’on peut tirer une confequcnce in faveur du Chriftianifme, par un raifonnement bien fimple & bien naturel. Les Peuples les plus éclairez, de l Univers, ces Grecs fi vantez^ leurs Sages mêmes & leurs Philofophcsont penfe pitoyablement de la Divinité , ont adoré l'ouvrage de leurs mains , ont rendu les honneurs divins à des hommes dont ils avoient fait eux-mêmes l'Apothéofe, & qu'ils avoient vusfujets à toutes les foiblejfes humaines 3 donc l'homme par lui-même eft incapable de penfer comme il faut du Souverain être 3 donc il avait befoin de la révélation s
PREFACE. xix donc U vraye Reliaion eft un don de Dieu ; donc la Religion Chrétienne eft la. feule véritable , puifque c'eft la feule révélée , la feule qui ait des idées nobles g) juftes de la Divinité. Ces réflexions générales font louvcnt plus perfuafives que des preuves fubtilcs & métaphyfiques, qui ne (ont pas à la portée de tout le monde ; c'eft pourquoi les Pores de 1 Eglilê en faifoient un fi grand ulagc contre les Gentils. Voilà donc le fruit que l’on peut tirer de la leélure de Paufanias , toute profane quelle eft , & c’eft celui que j’ai principalement envifagé, lorfque j’ai entrepris de traduire cet Auteur. 11 me relie maintenant à parler de l’Auteur mêmc,& des éclairciflemensque j’ai cru néceflaires pour le faire entendre. Paulànias eft du nombre de ces Ecrivains que l’on ne connoît gueres que par leurs écrits , & dont la perfonne eft ignorée ; à peine fçait-on de quel Pays il étoit. Suidas parle de deux Auteurs de ce nom , dont l’un , dit-il , étoit Lacédémonien , connu par plufïeurs Ouvrages hiftoriques, l’autre Cappadocicn , de la Ville de Céfarée , contemporain d’Ariftide, & que Philoftrate compte parmi quelques Sophiftes ou Rhéteurs de ce temps-là. Le premier de ces deux Paufanias ne fçauroit être le nôtre, dont le langage eft Ionien , non Dorien , & qui paroît étranger à Sparte , comme dans tous les autres endroits de la Grece en Europe. Rcftc donc que ce foit le fécond , je veux dire celui qui étoit de Cappadocc,à quoi il y a aufli peu de vrai-femblancc , comme je le ferai voir dans une de mes remarques fur le Chapitre 13e. de la première Partie des Eliaques, où l’Autcur parlant de Tantale & de Pélops,on ne peutdou * >j
P R E F A C E. ter , dit-il , que l’un & l’autre n’aycnt demeure dans nos Contrées ; car ces mots, dans nos Contrées , que prefque tous les Interprètes ont entendu de la Grece , ne peuvent s’entendre que de la Lydie , le vrai Pays de ces Princes. D’un aurre côté il cft certain que Paufanias étoit Grec d’origine,on fent même qu’il parle des Villes Grecques de l’Afie Mineure avec une complaifancc qu’infpire d’ordinaire l’amour de la patrie; je crois donc qu’il étoit de quclqu une de ces Villes , & de la plus voifine du Mont Sipyle ; c’eft tout ce que l’on en peut dire. Philoftrate ajoute que Paufanias avoir été difciple de cet Herode Atticus , qui en fon temps le rendit fi célébré par fon éloquence , par fes grands biens , & par le bon ufàge qu’il en fit. Mais un fait plus confiant, & que Paufanias nous apprend lui-même , c’eft qu’il vivoit à Rome fous l’Empereur Hadrien & fous les Anronins. Il compte deux cent dix-fept ans depuis le rétabliflément de Corinthe jufqu’au tems où il écrivoit ion Voyage de la Grece ; or nous fçavons parDion Cafllus & par les Médailles , que Corinthe fut repeuplée la derniere année de Jules Céfar,& l’an de Rome fept cent dix ; d’où il s’enfuit que notre Auteur écrivoit l’an de Rome neuf cent vingt fept , qui étoit la feiziéme de l’Empire d’Antonin le Philofophe. C’eft le dernier Empereur dont parle Paufanias , ainfi on a lieu de croire qu’il cft mort fous fon règne. Mais félon toute apparence il avoit fait plus d'un Ouvrage -, car outre que Philoftrate lui attribue des Oraifons , Euftathe , Etienne de Byfance & Suidas le citent à l’occafion de quelques noms de Villes ou de Peuples, & nous donnent à entendre que non-feuXX
PREFACE. xxj Icmcnt il avoit voyagé en Syrie , dans laPalcftinc, & dans toute l’Afic, mais qu’il avoit publié une Relation de ces differens voyages. Quoiqu’il en foit, nous n’avons de lui que le Voyage Hiftorique de la Grèce , Ouvrage qui eft écrit avec un détail, une éxaélitude , un fond d’érudition que l’on ne trouve dans pas un autre Voyageur , &: qui peut à bon titre fervir de modèle. Mais le ftile de cet Auteur eft un peu fingulicr, & fi ferré que Couvent la clarté en fouffre ; ce que j’attribue à deux caufes;l’une, qu’écrivant pour les gens defon tems, qui étoient au fait de ce qu’il racontoit , & qui l’entendoicnt à demi-mot , il ne s’eft pas crû obligé de s'expliquer plus au long ; l’autre, que (on texte , par la négligence ou l’ignorance des Copiftes , eft fi corrompu , fi rempli de fautes , qu’il (croit (ou vent inintelligible, fans le fecours d’un grand nombre de Sçavans qui ont travaillé comme à l’envi , les uns à le corriger , les autres à l’éclaircir. Et ce qui m'en fait juger ainfi, c’eft que l’on y trouve beaucoup d’endroits où l’Autcur ne le cède nia Hérodote , ni à Thucydide. La Guerre Mefleniaque , par exemple, dans (on quatrième Livre, & la Guerre des Gaulois dans fon dernier, font deux aufli beaux morceaux d’Hiftoire qu’on en puifle lire dans quelque Hiftoricn que ce (oit. En général Pauianias a cela de commun avec Homère , & avec les autres grands Ecrivains de l'Antiquité , que (on Ouvrage eft par tour lemé de réfléxions morales & (entées , qui (ont fort utiles pour la conduite de la vie & pour les mœurs. A dire le vrai , il a aufli cela de commun avec eux, qu’il eft mêlé de bien des choies î iij
xxij P R E F A C E. à quoi nous ne prenons plus d’intérêt, & qui meme nous paroiflenc d’une biiarrerie étrange , parce que le tems & le Chriftianifmc ont mis une grande différence entre notre façon de penfer & celle des Anciens.Mais il en cil d’unLe<fteur,ou peu s’en faut,comme d’un Voyageur ; l’un &c l’autre ils doivent fe prêter aux mœurs & aux ufages desPays où il s fe tranfportent. Je n’entrerai point dans le décail des diverfes Editions de Paufanias-, M. Fabricius m’a épargne ce foin, & je ne pourrois faire que le copier. J’obfêrverai feulement que ce fçavant Allemand attribue à Vigenere une Traduction Françoilè de Paufanias, qui n’a jamais été , du moins on ne la connoît point , & qu’il en omet une Italienne , faite par Alfonfe Bonacivoli, & imprimée à Manrouë en 159J. Je crois donc que Paufanias paroît aujourd’hui traduit en notre Langue pour la première fois. On conçoit ailément qu’un Ouvrage qui traite de tems fi éloignez , & qui renferme tout ce que l'Hiftoire Grecque & laMythologie ont déplus profond,demandoit beaucoup de Remarques , lans quoi l’on auroit été arrêté preique à chaque mot. L’embarras étoit de prendre un jufte milieu entre le trop & le trop peu En effet qui voudrait appliquer à chaque endroit du Texte tout ce quelaconnoiflancedes Médaillés , la Fable, la Géographie , l’Hiftoire, la Chronologie, peuvent fuggércr , multiplierait les Volumes preique à l’infini. Je me flatte de l’avoir pris, ce milieu, qui étoit fi néceflàire ; car d’un côté je n’ai rien laifle palier d’obfcur lans l’éclaircir autant qu’il a été poflible , & de l’autre j’ai évité ces longues remarques qui tiennent de la dilfertation, & où le texte le trouve com-
PREFACE. xxiij me noyé'. Quoique dans mes Notes je mefoisaflujettià uneprécifion dont les Sçavans s’accommodcnc rarement,on ofe dire pourtant qu'il y en a pluficurs qui feront de leur goût , parce que je les ai puifées dans de trcs-lçavans Modernes, tels qucCalaubon, Meurfius , Kuhnius,& fur tout Méziriac & PauL mier de Grantemefnil, deux des meilleurs Critiques du dernier fiécle. Je dois auflî beaucoup à quelques Académiciens de l’Académie des Inscriptions & Belles-Lettres , dont les avis & les lumières mont été fort utiles ; je les nommerois avec plaifir , s’ils n etoient déjà connus par une grande érudition ; je fuis même perfuadé que fi l’Ouvrage tout entier avoir paflé par leur examen, il en vaudrait beaucoup mieux, mais je n'ai pû leur en lire qu'une partie. Le Public jugera peut-être qu’un Voyage de la Grece comme celui de Paufanias,demandoit plus de Planches que l'on n’y en a mis , & véritablement la plupart de celles qui font dans les Antiquitez Grecques & Romaines de Dom B. de Montfaucon feraient fort à leur place dans la relation de l’Autrur Grec -, mais on a voulu épargner les frais de la Gr^ure, &: le Recueil du fçavant Benedidin peut fupplécr à ce défaut. Une Carte générale de la Grece & des Pays quelle occupoit dans l’Afic Mineure , a paru plus néccfTaire -, c elt pourquoi on en a fait la dépenfe. Cette Carte , plus exade qu’aucune que l’on ait vûe jufqu’ici , a été dreflee fur les Mémoires du célébré M de Lille, par M. Buachc fon gendre & l’héritier de fes grands talens. On donne aulfi le plan de la Barrière d'Olympie , & l’ordre de quelques Batailles décrites par l’Autcur $ ces divers plans font de
xxiv PREFACE. l’invention de M. le Chevalier de Follard,dont on connoîc le génie & la fagacité en cette matière. Enfin on a pris la peine de faire une Table Alphabétique trc's-ample de tout ce qui eft contenu non-feulement dans le Texte de Paufanias , mais même dans les Remarques , cc qui fera d’une commodité infinie ; car lorqu’on voudra s’inftruire de quelque point de Mythologie ou de l’Hiftoire Grecque , en cherchant à la Table , on trouvera tout aufii-tôt la page où il en eft parlé , avec l’explication qu’en donne ou l’Auteur même ou le Traducteur. Mais comme durant le cours de l’impreflion il s’eft glifle dans l’Ouvrage quelques fautes d’orthografc & quelques méprifes , particulièrement à l’égard des noms propres , on prie le Leéteur de confulcer quelquefois l Errata.
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VOYAGE HISTORIQUE D E
LA GRECEL I y RE Vo y a g e .■/
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-.-i ANS cette partie du continent de la Grece_____ qui regarde [ i ] les Cycladcs , & la MerChafj£d H [ i ] Egcc, s’élève à l’entrée de l’Attique le L
Promontoire [ j ] de Sunium. Au bas eft une 9HH rade, & au haut un Temple dédié à Minerve [1] Les Cjclades. Ce font pluficurs îles de la Mer Egée , ou de l’Archipel ; on les appelle ainfi, parcequ’cllcs forment une cfpccc de cercle autour de 111e de Dclos, du mot grec «ùa», cirtulus, un cercle. [a] La Mer E{/r,oucommconl*ap. pcUe aujourd'hui l’zfrràtfd; c’cft pto. Tome I.
prementun grand golfe delà Mer Mediterranée. [ j] Le Promontoire de Sunium. 11 faut oblcrvcr que Paufanias étoit à Rome quand il écrivoit ceci : il füppofc que pour aller à Athènes,on s’embarque dans quelque port d’Italie, & que l’on va du Midi au Nord > car U l’on pattoit de
x Pa u sa n ia s , Liv r e I. [ i ] Suniade. Quand vous allez par mer à Athènes, & que vous avez pafle ce Promontoire , vous voyez un peu plus loin la montagne de Laurium, où les Athéniens avoient autrefois des mines d’argent. Vous trouvez enfuite l’île Patrocle [x] de peu d’étendue, & qui même aujourd’hui eft deferte -, ainfi dite du nom de Patrocle qui l’avoit entourée de murs, & fortifiée d’un bon rempart. C’ctoit le Commandant d’une flotte Egyptienne , que Ptolémce Philadelphe [ j ] envoya au fècours des Athéniens, lorfqu’Antigonus fils de Démétrius à la tête d’une armée ravageoit leur pays, & tenoit leurs places maritimes bloquées avec fes vaillèaux. Le Piréc {4] qui n’cft pas loin de là , n’étoit anciennemçpt [ 5] qu’une Bourgade ; & l’on ne s’étoit point avifé d’en faire un port, avant que Thémiftocle eût pris le gouvernement d’Athènes. Phalére [ 6 ] qui joint de bien plus près la ville à la mer, fervoit alors de havre ; aufii dit-on que Menefthee partit de là avec fon efeadre pour aller au fiege de Troye , & qu’avant lui Thelee s’étoit embarqué au même lieu pour aller porter à Minos [7] le tribut des Athéniens, en Conftantinoplc, ou du côte du Nord, on ne trou veroit plus le Promontoire de Suniumà l’entrée de l’Attiquc. On appelle à prefent ce Promontoire le Cap Colonne> parccqu’il relie du Temple de Minerve , dix-neuf colonnes qui font encore debout. Voyez. Spon dans fon voyage d'Athènes, page 1J f. [ 1 ] Minerve Snniade. Cette Minerve étoit ainfi nommée à caufe du Promontoire de Sunium où cllcavoit fonTemplc. [1] L'ile Patrocle. Aujourd’hui Cnidronifa, ou l’île des ânes ; elle cil à une lieue & demie du Cap Colonne : Vêler dit qu'il y croît beaucoup d’ébéne ; c’cllpoutquoi on l’appelle auïïi Ebanonijt. (?] S.ue Ptoléme'e Philadelphe, é-f. Le texte grec porte • r» Aay.»,liiez avec Mcurlius Aa>«», le fils de celui qui étoitfils de Lattes .autrement Paulânias démentirait la chronologie & l’hilloire ; car ce n’cft pas fous Ptoléméc Sotcr, qu’eft arrivé lcvéncment dont il parle; mais fous Ptolémce Philadelphe, comme lui-même le dira bicn-tôt.
L'omirtîondece double article eft une faute de copiftc , qui a parte dans le texte, comme une infinité d’autres. [4] Le Pirée, &e. Les Grecs d’aujourd’hui l’appellent Portc-Dracone, 8C les Francs Porto-Lione , à caufe d'un beau lion de marbrequi eft placé dans le fond de la baye, & qui jettoit autrefois de l’eau par fa gueule. [ $ ] N'étoit a nciennement qu’une bout, gade. Je rends ainfi le motff/«r, n’ctanc gucrcs portîblc de le rendre autrement. Par , les Grecs entendoient ces divers cantons de l’Attiquc, qui avoient chacun leurs bourgs ou villages , même leurs Temples , leurs Dieux, leurs Magiftrats 8c leursloix, avant que Thelee les eût engagez à ic réunir pour la plupart dans Athènes ; car c’eft ainfi qu’il accrut & qu’il peupla cette ville, qui devint enfiiitc une des plus floriffântcs villes du monde. [<5] Phalére. On le nomme aujourd'hui tout fimplement Porto. [7] Le tribut des Athénien'. L'auteur s’expliquera lui-même dans la fuite.
VOYACE DE I’At TI^VE. J iâtisfaftion de h more de fon fils Androgec. Quoiqu’il en foie, Thémiftocle durant fon adminiftration , jugea que le Pi~ rce (croie beaucoup plus commode pour les vaifièaux , en ce qu’il pouvoir avoir trois ports, au lieu que Phalére n’en avoic qu’un, Se il les fit conftruirc. Ces trois ports ont fubfifté ju(qu’à mon temps. Près de celui qui cil le plus confidcrablc des trois, on voit encore le tombeau de Thémiftocle ; car on af. fure que les Athéniens fe repentirent de l’avoir banni, & que fes proches profitant de cette difpofition , tranfportércnt fes os de Magnefie [ i ] à Athènes ; du moins eft-il certain que fes enfans y revinrent, & qu’ils confacrérent dans le Parthenon [i] un tableau où eft reprefente leur pere Thémiftocle. Pour revenir au Piréc, voici ce que l’on y remarque de plus curieux. Premièrement, un lieu confacrc à Jupiter & à Minerve , où le dieu & la déeflè font en bronze; Jupiter tient un feeptre & une vidoire. Minerve une pique. Dans ce lieu eft encore un tableau [ j ] d’Arcéfilas,qui reprefente Lcofthéne & lès enfans ; c’cft ce Lcofthéne, qui lorlqu’il commandoit l’armée des Athéniens & d’autres Grecs leurs Alliez, rempor-
ta deux grandes victoires, l’une en Béotic, l’autre au - delà desThermopyles vis-à-vis du mont (Kta, & auprès de la ville de Lamia où il força les ennemis d’entrer, pour les y invertir enfuitc. Secondement, un grand & long portique où l’on tient un marché pour ceux qui habitent le long de la mer : car ceux qui en font éloignez,ont le leur à part. Derrière le portique qui donne fur la mer, on voit une ftatue de Jupiter, & une autre qui repréfente le peuple d’Athénçs, toutes deux faitespar [4] Léocharès. Enfin furie bord de la mer vous voyez [1] De Mignéfie, (fie. Il y a eu plufieurs Villes de ce nom: celle dont il eft ici parle croit en A fie, Je fut donnée en pur don à Thémiftocle par Artaxcrxcs. Ce que Pauûnias ditdeThcmiftode s'accorde parfaitement avec ce qu'en a écrit Cornélius Ncpos après Thucydide. [il ZXmu le Pnrthénon. C’cft-à-ditc dans le temple de la Vierge ou de Minerve; les Athéniens pour dire Minerve , difoicnr Amplement & pat excellence la l'urge. [5] Un uiltit iArcéfiln.ll y a eu
deux anciens Peintres de ce nom, Je un Statuaire ; celui dont il s'agit ici croit de Paros > & vivoit à peu près dans le même temps que Polygnotc vers 1* 5»o' Olympiade ; c’cft au rap;ort de Pline un des plus anciens Peintres qui ayent peint fur la cire & fur l'émail. [4] Per Létchir'ti. Ce Statuaire contemporain & rival de Scopas, vivoit en la 100' Olympiade ; il fut un des quatre cxceflens Sculpteurs qui travaillèrent à ce fupetbe tombeau de Maufole roi de Cane. que l'on a regardé comme une des iept merveilles du monde. Aij
4 P A U S A N I A S , L I V R. E I. un temple de Venus , bâti par Conon [ i ] en mémoire du combat naval, où il défit la Hotte de Lacédémone auprès de Gnide dans la Cherfonnclc [z] de Carie. En effet les Gnidiens honorent particulièrement cette déeflè, & lui ont dédié pluficurs temples ; un qui eft le plus ancien de cous, (bus le nom de Venus [j] Doritidc, un autre fous le nom de Venus [4] Acréene, & un troifiéme appelle communément le temple de Venus Gnidicne, quoique les Gnidiens eux-mêmes difenc [$] Euplœéne. Mais les Athéniens ont encore d’autres ports. Ils en ont un à Munychie avec un temple dédié à Diane Munychiéne, & un autre à Phalére dont j’ai parlé. Auprès de ce dernier eft un temple de Cerès, & dans le voifinage un autre temple de Minerve [6] Scirade, car celui de Jupiter eft un peu plus loin ; ûns compter quelques autels conlâcrez aux dieux [7] incon[ r 1 Bâti pur Conon. Conon Athénien fut un des plus grands Capitaines de fon temps ; il fe rendit extrêmement utile à là patrie durant la guerre du Péloponncfc. Voyez û vie dans Cornélius Nepos. [1] D.<mj h Cherfonnefe de Carie. Cherfonnefe, ou Cherronnefe, mot grec qui lignifie une péninfule. La Carie étoit dans l’Afic mineure; fcs principales villes étoient Milet , Myndes, Halicarnaflc; ce pays fait aujourd'hui partie de la Natolie. [5] Sous le nom de t'émis Doritide, ou de Venus Doris, comme Tatien l'appelle. Cicéron au 5'Livre de la nature des dieux diftingue quatre Venus, fins faire mention de celle-là. [4I De t'ému Acréene. •*?« en grec lignifie un Cap, un Promontoire: àinli t'émis Acréene c'étoir la t'ému du Promontoire. [ $ ] Euplcrén e, fumom formé de deux mots grecs : c’eft comme qui dirait, t'ému d’heureufe navigation. [<»] De Minerve Scinde. Ce temple «voit été bâti par un certain Scirus qui étoit un prophète de Dodonc, & de-là il avoir pris fa dénomination. [7] Quelques autels confacrt-. au x
dieux inconnu!. Dans les aétesdes Apôtres ch. 17, S. Paul parlant aux Athéniens, leur dit qu’il avoir vû chez eux un autel dédié ignoto deo, au dieu inconnu. Lucien, S. Jcan-Chryfôftome, Théophylade & pluficurs autres font auflï mention de ce dieu inconnu, qui étoit honoré à Athènes. Quelques-uns même nous apprennent la raifon pourquoi on lui avoir érigé un autel. Cependant S. Jerome dans fon commentaire fur l’Epîtrc à Titc, ch. 1, prétend que S. Paul n’a pas rapporté plus fidellcmcnt Finscription dont il s'agir, que quelques vers grecs qu’il cite par fois dans les Epîtrcs. Suivant ce Pcre l’infeription dont parle S. Paul étoit conçue en ces termes, Aux dieux de P Europe, de l’AJie & de TAfrique, À tous les dieux inconnus & étrangers. Pour moi par rclpcét pour le témoignage de l’Apôtre, i’aime mieux croire qu’il y avoir à Athènes un autel conlàcrc ignoto deo , au dieu inconnu > ce qui n’cmpcchc pas que les Athéniens n’euffont auflï des Autels dédiez en général aux dieux inconnus, comme Paufanias témoin oculaire, Philoftrare & Suidas nous apprennent qu’ils en avoient. Au refte le fondement de cette dédicace
Vo y a g e d e l ’ A t t r <^u e . j nus, & à plusieurs héros, comme par exemple aux enfans de Théfee & aux enfans de ce Phalerc, dont le lieu a pris fa dénomination. En effet les Athéniens difent que Phalerc fut un de ceux qui s’embarquèrent avec Jalon pour la Colchide. Il y a encre autres l’autel d’Androgée, fans autre infeription que celle-ci: y/«Arrwjmaisceuxquiontétudiélcsantiquitczdupays, gavent bien oue c’eft à Androgée qu’il eft dédié. A quelque vingt ftades plus loin vous trouvez le promontoire de Coliasj c’eft là qu’après la défaite de l’armée navale des Perfes, les débris de leurs vaiiléaux furent pouffez par le flot; ce lieu n'a aujourd’hui rien de remarquable qu’une ftatuc de Venus Coliadc, & quelqucs-autres ftatuës de ces déeflès nommées[i] Génccyllides, que je crois peu differentes de celles que les Phocéens d’Ionie honorent fous le nom de Gennaïdes. Sur le chemin qui conduit de Phalére à Athènes, on voit un temple de Junon qui n’a plus ni toit ni portes j la commune opinion eft que ce temple fut brûlé par Mardonius fils de Gobryas 5 cependant il y eft refté une ftatuc que l’on croit être un ouvrage d’Alcamcne, & qui, li cela eft, n’a pù être [i] expofée a la fureur des barbares. _____ En approchant de la ville, vous découvrez le tombeau de Cha p . l’illuftre Amazone Antiope. Pindare dit qu’elle fut enlevée IL par Théfee 8c par Pirithoüs ; mais Hégias de Trézœne raconte le fait autrement. Il dit qu’Hercule ayant afliégé Thémyfcire [3] fur le Thermodon , & n’ayant pù s’en rendremaîn’etoit autre que la fupcrftirion de ces peuples , qui après avoir reçu toute forte de divinitez étrangères .craignant d’en avoir oublié quelqu’une qui le vengeât de cet oubli, voulurent les comprendre toutes fous ccttc infeription : Aux dieux luctunui. [ 1 ] De ces déeftes nommées Génétyllides. Ces divinitez ptelidoient à la génération .d’autres difent auxaccouchcmens. C.’étoient des génies de la fuite de Venus félon les uns, ou de la fuite de Diane félon les autres , dit Suidas. [a] Et qui, fi (élu eft, &c. fatafic le traducteur latin de Paufanias n’a pas entendu cet endroit > non plus qu’Hartungus & Sylburge. L’auteur, comme Kuhmus l’a remarqué, a feule-
ment voulu dire, que fi les Perfesont brûlé ce temple de Junon , du moins ils n’ont pu toucher a fâ (l^ruc, au cas qu’elle fut d’Alcamcne. La raifon en eft claire. Alcaménc Athénien, difciple de Phidias, & peu inferieur à fon maître, florilfoit en la 8} Olympiade félon Pline; Mardonius gendre de Darius , & fon Lieutenant général ravagea l’Attiquc en la 74 .ainli cette llatuc de Junon n'avoit pu être mifedans le temple de la déclic qu’après la mort de Mardonius, qui fut tue au combat de Platée en la 75'Olympiade. [?] Tbémyfcirt fur le Tbermtden. C'ctoit une ville de ccttc parue de la Cappadocc que l’on croit avoir été le pays des Amazones, A iij
S Pa u sa n ia s , Li v r e !. tre, Antiopc cpriïè d’amour pourThélcc qui accompagnoic Hercule à cette expédition , livra la ville à fon amant : voilà ce que dit Hcgias. Les Athéniens content auflî le fait à leur manière ; ils prétendent que les Amazones venant afliéger Athènes, Antiopc fut percée d’une flèche par Molpadie , & que Thélce pour venger la mort d'Antiope tua Molpadie ; véritablement le tombeau de Molpadie eft auflî, à Athènes. Depuis le Pirée jufqu’à la ville vous marchez, pour ainfi dire, fur les ruines de ces murs, que Conon avoir fait relever apres fon combat de Gnide ; car pour ceux que Thémiftocle fit conftruire après la retraite des Perfes en leur pays, ils furent démolis fous la tyrannie [ i ] des trente. Le chemin eft bordé de tombeaux de perfonnages illuftres,tels que [x] Ménandre fils de Diopithe, & Euripide j mais celui d’Euripide eft uniquement pour conferver fa mémoire, c’eft moins un tombeau qu’un cénotaphe ; car ce Pocte étant allé trouver Archelaüs en Macédoine, il y mourut, & y fut enterré. La manière [j] dont il finit fes jours, eft racontée par plusieurs Auteurs , & je veux bien qu’on les en croye. Je n’ignore pas qu’alors les Poètes avoient l’honneur de vivre familièrement-
avec les Rois : & meme avant Euripide, Anacréon [4] avoir [ 1 ] Sm s /x tyrannie des trente. Les Lacédémoniens aidez du roi de Perle, s’étant rendus maîtres d’Athcnes, forent fur le point de la détruire; cependant ils fc contentèrent d’en changer la forme du gouvernement : ils créèrent trente adminiftratcurs qui devinrent les tyrans de leurs concitoyens, & exercèrent toute forte de cruautcz dans Athènes , jufqu’à ce qu'enfin Thrafybulc par une aétion de courage fins exemple , chaflâ ces trente petits tyrans , & fut le libérateur de û patrie. [x] Tels que Ménandre & Eitriplde. Ménandre Athénien , le plus grand poète comique qu’il y aie eu en Grèce, flonfloi renia 11 $eOlympiadc;il avoir compofé 105 comédies, dont il ne nous relie plus que quelques fragmens. Depuis cette perte nous ne fommes plus en état de juger par nous - memes de l'excellence du théâtre grec ; nous ne pouvons que nous en rapporter aux
Romains, qui le mettoient infiniment au-dclîûs du leur. Euripide poëtc tragique , contemporain de Sophocle, & fon égal, vi voit quelques j j o ans avant l’ére chrétienne; de 91 tragédies qu’il avoir faites il ne nous en telle que 19. [ ; ] La maniéré dent il finit fis jours, c-c. Quelques Auteurs rapportent qu’Euripidc qui croit venu à la cour du roi Archelaiis, fot après b mort du prince déchiré par les chiens d'un de fes officiers qui haiflbit mortellement ce poëtc. D'autres difent qu’Euripidc fot mis en pièces par des femmes qui vouloicnt venger l’honneur de leur foxe, donc il avoir toujours mal parlé. Paufanias fcmble ne pas ajouter grande foi à ces Auteurs. [4] Anacréon avoir vécu avec Tolycrate tvran de Samos. Anacréon de Téos ville d'Ionie, a été le plus agréable poëtc lyrique de toute l'antiquité : on en peut jugerpar fes ouvrages, qui font
Vo y a g e d e i .’ A t t i q jt e . 7 vécu avec Polycrate tyran de Samos} Efchylc [ r ] & Simonidc avoient été bien rcçiis de Hiéron [ 1 ] tyran de Syracufê ; Phyloxéne [ 3 ] a eu en Ion temps les bonnes grâces du jeune Denys ; &. Antagoras [4] de Rhodes, aufli bien qu'Aracus [5] de Soli, fe font vils honorez de la familiarité d’Antigonus roi de Macédoine. A l’égard d’Héfiode ôc d’Homére, ou ils n’ont pas eu le bonheur de fréquenter les grands, ou ils ne s’en font pas /bucié 5 car Hénode qui s’étoic adonné à une vie champêtre [ 6] Sc pareflêufe, n’a pas eu de goût pour les voyages. Quant à Homère qui a beaucoup voyagé , il a préféré une grande réputation [7] & une gloire folide à tous les avantages que l’on tire de l’amitié des grands ; mais lui - meme nous repréfente Démodocus comblé d’honneurs à la table d’Alcinoüs, & nous apprend qu’Agamemnon en quittant la reine fa femme, laifla[8] un Pocte auprès d’elle. Tout contre la porte de la ville eft un grand tombeau, fur lequel eft une ftatuë équeftre en équipage de guerre ; je n’ai pû fçavoir qui eft celui que l’on a voulu repréfenter, mais le caplcins de la /implicite h plus aimable & la plus ingénieufe. [ t ] Efehjle & Simonide, &c. Efchylc elt le plus ancien pocte tragique que nous ayons. Simonidc étoit un pocte élégiaque, dont le caraâére ctoit d'être touchant. [1] DeHiéron tyran deSytacufe.lM anciens donnoient le nom de tyran à quiconque dans un gouvernement populaire avoit ufîirpé la fôuvcrainc autorité; c'cft en ce fens qu'il fout ordinairement prendre le mot de tyran dans les anciens auteurs. [ j] Phjloxéne. Il étoit de Cythére, 8c avoit compofe beaucoup de poelies lyriques,dont il n’cft rien refte; il aima mieux être condamne à tirer des pierres d’une carrière, que d’approuver de mauvais vers que le jeune Dcnys tyran de Syraculc avoit faits. [4] slntagoras de Rhodes. Quelques grammairiens ont écrit qu’il avoit fait une Thébaïde. [ ; ] stratus de Soli, ville de Cilicic, vivoitdu temps de Ptolémcc Philadclphe ; nous avons de lui un ouvrage
d’aftronomic en vers .intitule les Phénomènes, que Cicéron n’avoit pas dédaigne de traduire en vers latins. [<?] Une vie champêtre & parejfeufe, &c. 11 y a ici une négation d’oubliéc dans le texte, il la fout fupplécr, fans quoi l’auteur fe contredirait lui-même. [7] Une grande réputation & une gloire folide, dre. Voilà comment on'a penfè & parlé d’Homére dans tous le» ficelés : on peut bien dire de ce grand pocte ce qu'Horace difoit de lui-mcmc, ufque ego foflerâ crefcam lande re[8] I.aifia un porte auprès d’elle. Homère dit, un mujîcien, »’•«?«<’•»>. Véritablement les poètes alors ctoicn t muficicns, & chantoicnt leurs poelies fur la lyre ; mais ce qui cil bien plus digne de remarque,c'cft qu’alors le pocrcôC lcmuficicn foifoient protedion de porter les hommes à la vertu. Aufli Egiflhc ne corrompit Cly temneftre qu’apres lui avoir ôté fon pocte, qu’il envoya dan» une île délcrtc pour l’y foire périr* comme le raconte Homère dans 1'0dyflcc.Lf.
»
Pa u sa n ia s ;Liv r e Ï.
valîcr & le cheval font [ i ] de Praxitèle. En entrant dans k ville vous voyez un édifice où l’on garde tout ce qui cft néccflairc pour la pompe [i] des Panathénées, tant grandes que petites ; les unes Ce célèbrent tous les ans, & les autres apres un certain intervalle. Prèsdc-là cft un temple deCercsoù il y a trois belles ftatuës, l’une de ladeeflè, l’autre de Proferpine fa fille, & la rroificme de Bachus qui tient un flambeau à la
main ; il cft écrit en caractères Attiqucs fur la muraille, que c’eft [ 5 ] Polyclete qui a fait ces ouvrages. Un peu plus loin vous trouvez un Neptune qui allonge dedeflùs Ion cheval un coup de pique au géant Polybote , celui-là même [4] que ce dieu aflomma d’une grofle roche qu’il avoit détachée de l’ile de Cos, & dont il le couvrit apres l’avoir tué ; ce qui donna lieu à la fable du promontoire & de la tortue, fable fi connue dans cette île ; cependant l’infcription qui fe lit aujourd’hui porte un autre nom que celui de Neptune. Depuis la porte de la Ville jufqu’au [y] Céramique, régnent pluficurs portiques, dont la façade cft ornée de ftatuës de bronze, qui repréfentent autant d’hommes & de femmes illuftres. Un de ces portiques renferme quelques chapelles avec un gym[1] De Praxitèle. Ce Statuaire a été un <ics plus excellons que la Grece ait eu ; il floriffoir en la 104' Olympiade; jamais Sculpteur n’a fi bien fçû manier & animer le marbre. La Venus de Gnidc paffoit pour fon chef-d’œuvre ; mais lui il faifoit plus de cas de fon Cupi<lon, que la courtilâne Phrync trouva le moyen de lui efeamoter. [r] /’■>:<r la pompe des Panathénées, tJrr. Cctoit la fête de Minerve , & de toutes les fêtes celle que les Athéniens célébroient avec le plus de pompe & de magnificence. Il y avoit les grandes & les petites Panathénées ; les petites venoient tous les ans, les grandes tous les cinq ans. Avant que Théfée eût raflcmblé les divers peuples de l’Attiquedans Athènes, on difoit Simplement les /Inathénées. Depuis la réunion , pour marquer l’intciügcncc qui devoir régner parmi ces peuples, on appclla cette fctc les Panathénées. Mcur-
fiusen a fait un traité fort fçavant, que l’on peut confultcr. [î] c rft Peljclete, &c. Polycletc étoit de Sicyonc félon Pline, ou d’Argos félon d’autres ; il eut pour maître Àgcladcs , ainfi il étoit du temps de Scopas & de pluficurs autres grands Statuaires qui parurent vers la 107' Olympiade. Le chef-d’œuvre de ce grand maître fut fon Doryphore, qui repréfentoit un jeune Satellite, fort , nerveux & bien mufolc. [4] Velui-là même que ce dieu ajfomma, érr. Ces mots ne font point dans le texte, je les ai ajoutez pour faire entendre l’auteur qui cft ici fort concis, parccqu'il parle d’une chofc connue de fon temps, mais fort inconnuë aujourd’hui. Apollodore qui raconte cette avanture de Neptune, m’a fcrvi à expliquer le fens de Paufanias. [f ] Céramique. C’étoit un quartier de la ville, dont il fera bien tôt parle.
nafe
VOYAGE DE L'ATTTQTTE. 9 nafc ou lieu d’exercice confacré à Mercure. Polyrion y avoic autrefois fi demeure, & c’cft chez lui, dit-on, que quelques {1] Athéniens des plus qualifiez prophancrcnt autrefois les myftcrcs de Ccrcs d’Elcufis. Ce lieu eft prclentemcnt confacrc à Bachus chantant, ainfi le nomme-t-on par la même ’ raifon que l’on appelle Apollon le chef & le conducteur des Mufes. On y voit des ftatuës de Minerve Pconicne, de Jupiter, de Mncmofyne & des Mufes, une autre d’Apollon faite & confacrée par [1] Eubulidc , une autre enfin d’un de ces Génies qui accompagnoient Bachus, je veux [5] dire, d’Acratus, dont le vilage feulement eft en relief iur la muraille. Un peu au-delà eft encore une chapelle remplie de ftatuës qui ne font que de terre cuitte ; là paroît Amphichyon roi d’Athenes, qui reçoit à fa table tous les dieux 5 Bachus s’y fait fur-tout remarquer. On y a auflî placé Pégafus d’Eleuthcre, qui perfuada aux Athéniens de recevoir le culte & les ceremonies de Bachus, à quoi il fut aidé par un oracle de Delphes, qui rappelloit en mémoire que ce dieu du temps [4] d’Icarius avoir vifité l’Attique. Voici maintenant comment Amphiclyon vint à régner. On dit qu’Actée [5] fur le premier roi du pays que l’on
[ 1 ] .Que quelques Athéniens des plus quelifiez., L’interprèteLatin Amafte n’a pas entendu i’expreflion grecque dont Ce fert ici Pauûnias, & a fon mal rendu cet endroit. Quant à ces perfonnes de condition qui profanèrent les myftetes de Ccrcs, Plutarque nous apprend que ce forent Alcibiade, Théodore & Polyrion, qui les profanèrent en les contrefaiiânt. [1] Pur Zaéw/idr. Ce Statuaire croit d’Athènes, on nefçait pas prccifcment en quel temps il vivoit; Pauûnias eft, je crois, le feul qui en parle ; il eut un fils nomme Euchir, qui fût auflî un habile Sculpteur. (11 veux dire, d'Acrestus. Athénée , L 12, ch. 8 , rapporte que Pifi/lrarc étott reprélcnté à Athènes fous le nom de Bachus, & Calaubon a cru que c’étoit fous la forme de cet Acratus dont il eft ici parle ; au telle le mot Tome I.
Acrutus, félon fon étymologie, lignifie pur, fans me'fange, épithète fort convenable au vin, Sc par confequent à Bachus. [4] Que ce dieu du temps d'/cerius» &c. Icarius vivoit fous Pandion fécond, roi d’Athènes ; il reçut chez lui Bachus, qui pour récompcnfc lui apprit à planter la vigne, & à faire du vin. Amafce a fon mal rendu cet endroit. [5] On dit qu'Aâée fut le premier ni, crc. Paufaniasne parle ici que des rois qui ont régné depuis le déluge d’Ogygès ; car Ogygcs ou Ogygus a été le premier toi de l’Attique. Il y eut de fon temps un déluge qui dépeupla tellement le pays, que durant près de deux cens ans nul prince n'eut envie d’y régner. Enfuttc Aclée ou Acléon s’en empara, d'autres difent Cccrops, qui fût du moins le plus cékbrc, s’il ne fu* le premier.
fo P A U $ a n I a s, Liv r e t . nomme aujourd’hui l’Attique. Aâée mort, Cécrops [ i ] quï avoit époulé la fille, lui fuccéda. Cécrops eut pour filles Erfé, Aglaurc, & Pandrolè, Se pour fils Eryfifthon qui ne régna
point, pareequ’il mourut avant fon porc ; d'où il arriva que Cranaüs qui étoit le plus puillânt Se le plus accrédité de la ville, s’empara du royaume après la mort de Cécrops. Ce Cranaüs eut plulîeurs filles, mais entre autres Atthis qui dans la fuite donna fon nom à tout le pays, en forte que ce qu’on
appel loir l’Adée, fut depuis appellé l’Attique. Amphidyonqui avoit époufé une fille de Cranaüs détrôna fon beau-pere, mais lui-même à fon tour vit une confoiration tramée contre là perfonne, & fut détrôné par Eridnonius, de qui l’on dit que nul mortel ne put fe vanter d’être lepere, & qu’il na_____ quit de la Terre & de Vulcain. Cha p . Le Céramique eft un quartier de la ville, qui tire fon nom ÏII. [iJdeCéramus un des héros de fon temps, Sc fils, à ce que l’on croit, de Bachus & d’Ariadne. Le premier portique à main droite eft le portique [ j ] du roi ; ainfi eft-il appellé pareeque c’eft là que le roi tient fon tribunal, & quoique fon autorité ne dure pas plus d’un an, on ne laiflè pas de la qualifier du nom de régné. Sous la voûte de cet édifice on a rangé quelques ftatuës de terre cuitte j vous y voyez Théfée qui jette Sciron dans la mer, & l’Aurore qui enleve Céphale 5 car la fable nous apprend que l’Aurore ayant pris de l’amour pour Céphale, elle l’enleva, &en eut Pnaëton, à qui dans la fuite [i] Cécropr. Il croit Egyptien & contemporain de Moyfc; quelques auteurs difent qu’il fût lûbmergé avec Pharaon dans la mer rouge ; je voudrais fçavoir fur quel fondement-.quoiqu’il en foit, Cccrops fut lùrnommé AcvA, hfowiii, de double efpece, foit à caufe de fa ftaturc extrêmement haute, foit pareequ’il fçavoit la langue Egyptienne & la langue Afrique,ou plutôt parccqu’il avoit inftitué le mariage parmi un peuple greffier, qui auparavant ne vivoit qu’au grc de fes délits. Il rebâtit Athènes, Sc de fon nom les Athéniens forent appeliez Cécropidcs. F.ufebc Sc S. Tcrfimc lui donnent $o ans de règne. [a] Le Cèumi'iue qui tire Jon nom
de Cérttmus,&t. Il y a bien de l’apparence que ce quartier un des plus confidérablcs de la ville d’Achénes, étoit ainfî appellé, pareeque l’on y avoit fait de la raille ; car x.'^.r en grec lignifie de la titille; c’eft ainfi qu’à Paris le palais & le jardin des Tuillcries portent ce nom, parccqu’en effet c’étoit autrefois une raillerie. Les Grecs par vanité ennobliffôient les moindres chofes en leur donnant une origine illuftre. Paulmier. [f] Eft le portique du ni. Les Athéniens confervoient encore un phantôme de roi, mais ce roi n'avoit guêres d'autre fonction que de ûcrificr fuivant l’ancien rit du pays, & que de
VOYACE DEl ’At TIQUE.' IT Vénus confia la garde [ i ] de fon temple > c’eft ce que racontent les Poètes, & particulièrement Héfiode dans fon Pocine fur les Femmes illuftres. Près de là eft une ftatuc de Conon, une autre de fon fils Timothée, & une autre d’Evagoras roi de Chypre , qui engagea Artaxcrxcs à prêter à Conon fes galères de Phénicie» fervicc qu’Evagoras rendit aux Athéniens comme citoyen d’Athénes & originaire de Salamine > car fi vous examinez fa généalogie, vous trouverez qu'il defeendoit de Teucer & de la fille de Cinyras. Je ne dois pas omettre une ftatuë de Jupiter dit Eleutherius ou le Libérateur, ni une de l’empereur Hadrien qui a répandu fes bienfaits fur toutes les provinces de fon empire , mais principalement fur la ville d’Athènes. Derrière ce portique il y en a un autre, où font peints ce que nous appelions [2] les douze dieux. A l’extrémité dumurThefée eft dans un grand tableau , où le peintre a repréfenté une maniéré de f 3 ] Démocratie & le peuple d’Athènes ; ce tableau eft une preuve que Thefée avoit établi une parfaite .égalité dans l’Etat, bien que l’opinion contraire ait prévalu > car plufieurs s’imaginent qu’il avoit donné la direétion des affaires au peuple, & que cette forme de gouvernement a même fubfifté jufqu’au temps du tyran Pififtrate. Cette faufleté & d’autres pareilles trouvent créance parmi ceux qui n’ont point étudie l’hiftoire , & qui reçoivent pour vrai tout ce qu’ils ont entendu dire , ou ce
maintenir les cérémonies de la religion. Il falloir que û femme fur citoyenne d'Athènes , & qu’elle n’eût poinr eu d’autre mari, ou pour parler comme les Grecs, qu’cllcfùt femme dun premier mari. On croyoit que les prières 8c fes fâcrifices en croient plus agréables aux dieux ; c’eft apparemment ce qu’Horacc a eu en vue, quand il a dit : Pro.ltatjuflii eperalaJivii. [1] Lagarde de fon temple. J'ai rendu cet endroit , non fuivant le texte qui eft corrompu, mais fuivanr la correction dufçavant Méziriac, qui dans fon Commentaire fur les Epîtrcs d’Ovide tome I. p. j 5 3. cite le pallâge d'i léfiodc , tiré non du poème des femmes illufttcs, comme le dit l’auûfomc 1.
nias par un manque de mémoire, mais de la Théogonie, 8c où le poète dit que Vénus changea Phacton en ur.e efpece de génie immortel, 8c le fit fàcriflain de fon temple. [2] Ce que nom appelions les douze dieux. Dii majorum gentium, dii confidentes <w confiicntes, les dieux du coisfeil, car ils étoient ainfi appeliez.Ennius a compris leurs noms dans ces deux vers/
Apollof [5] Une maniéré de De'm cratie, jfç. Par Démocratie l'auteur entend ici non pas un Etat où le peuple gouverne."’ . un Etat dont tous les corps o égale autorité,8c telle fut la fui gouvernement établie pat Tiulcc. * Bij
U Pa u sa n ia s , Liv r e I. qu’ils ont vû aux fpcétaclcs & fur les théâtres. Quelques uns [r] ont même écrit qu’apres la mort de Méncfthcc , Thclée avoir régné à Athènes, & que fa pofterité s’étoit maintenue fur le trône jufqu’à la quatrième génération. Pour moi, fi je voulois faire le gcnealogifte , il me feroit facile de rapporter les noms de ceux qui depuis Melanthus jufqu’à Clodicus fils d’Efymidas ont régné à Athènes, & même des fuccefièurs de celuici ; mais cc n’cft pas de quoi il s’agit. Au même lieu eft un grand tableau qui repréfente cet exploit mémorable des Athéniens , lorlqu’ils vinrent au fecours des Lacédémoniens à Mantinée. Toute la fuite de cette guerre , l’extrémité où [ 2 ] la Cadmée fut réduite, la défaite des Lacédémoniens à Leuétres , l’irruption des Béotiens dans le Péloponnefe , enfin le fecours que Lacédémone tira de l’alliance d’Athènes, tout cela eft fort bien décrit par plufieurs hiftoriens, & fur-tout par Xénophon. Mais le fujet dont le peintre a fait choix , c’eft ce combat de cavalerie où d’un côté Gryllus fils de Xénophon à la tête des Athéniens , de l’autre Epaminondas à la tête des Thebains, fignalérent à l’envi leur valeur ; & ce grand Peintre [ j ] c’eft Euphranor. C’eft lui aulft qui dans un temple voifin a peint l’Apollon furnommé [4] Patroüs. Devant la grande porte de ce dernier temple on voit encore une ftatuë d’Apollon , faite par Léocharès , & une au[1] Quelques-uns ont même cent , &c. Ces auteurs fontlfocrate, Ariftotc, Plutarque 8c plufieurs autres, qui diiènt que Thelee après avoir régné quelque 3, abdiqua l'autorité royale pour ■ un gouvernement démocratique à Athènes. Eufcbc & S. Jerôrr e le font régner 50. ans, apparemment parccque malgré lôn abdication le peuple lui avoir conlcrvé la fouveraine autorité. Paufâniasqui ne fc rend point au lentiment commun,devoir au moins prouver le lien ,& nous donner une lifte des Rois d'Athènes, autre que celle que nous avons. [1] L'extrémité où la Cadmée fut réduite , ccft-à-dire , la citadelle de Thébcs ni Uéotic , ainfi appellée du nom de Cadmus qui l'avoit fait bâtir. [3] Et ce grandPeintre >c'eft Enphra-
nor. Il étoit de l’Ifthme de Corinthe, &vivoit en la 104e. Olympiade, en même tempsque Praxitèle ; il cxcclloir également dans la peinture & dans la fcuipture.Quintilicn lait de lui un grand éloge dans fon inftitution de l’orateur, L. 1 2. ch. 1 o. [+] L.'Afo!lon furnommé Patrons. Cc fiimom appartenoir fur tout à Jupiter ; le Jupiter Patroüs étoit le même que Hcrccüs, & que celui qui eft décrit dans ces vers du L. a. de l'Enéide de Virgile: Æiitui in me&ù , nujiyu
tlheru
ara fuit , il étoit furnommé Hercetis , du mot grec ïf«Kfeptum, parccqu’il Ctoit dans un lieu fermé de tous cotez.
Vo y a g e d e l ’At t t q u 'e . H trc du même dieu faire par [ i ] Calamis fous le titre de libérateur ; ce titre vient, dit-on, de ce que la pelle ayant affligé les Athéniens durant la guerre du Pcloponnclè, il les en délivra par le moyen d’un oracle rendu à Delphes. Suit une chapelle de la rnere des dieux, où il y a une ftatuc de la déefle qui eft un ouvrage de [ i] Phidias. A quelques pas de là eft le Sénat [5] des cinq cens ; c’eft ainfi que l’on appelle ceux qui durant le cours de l’année font chargez des affaires publiques. Ce lieu eft orné de ftatucs; vous y voyez celle de Jupiter furnommé le Confeiller, & celle d’Apollon , l’une &c l’autre de la main de [4] Pifias j une autre qui reprefente le peuple d’Athènes, & que l’on allure être de [ 5 ] Lyfon. On y a mis aufli les portraits de ces grands hommes qui par de (âges loix & d’utiles ordonnances ont policé la république, & ces portraits font de [6] Protogcne, cet excellent Peintre de Caunium. Olbiade [1] Faite par Calamis. Calamis croit graveur & ftatuairc, fes ouvrages ont etc fort eftimez, mais Cicéron le mertoit beaucoup au-deffousde Praxitèle, & même au-deflbus de Myron. [a] .Qui efi un ouvrage de Phidias. Phidias Athénien fils de Charmidès & non de Charminus , comme il fc lit dans Strabon par une faute de copiftc, a été le plus célèbre Statuaire de î’Antiquité; il floriffoit en la 85e Olympiade} il eut pour maître Eladasd’Argos, & pour élevé Alcamenc. Ses ouvrages étoient autant de chef-d’œuvrcs, mais les plus vantez forent la Minerve & fon Jupiter Olympien. Ccttc dernière ftatuc, d’or & d’ivoire, haute de 60 pieds , pafioit pour une des merveilles du monde. On tient que Phidias rcprclcntoit mieux les dieux que les hommes , dit Quintilicn ; jamais ouvrier n’a fi bien travaillé en yvoirc, quand on n’en jugeroit que par fa Mu ■nerve & par fon Jupiter Olympien, dont la beauté fcmbloit avoir ajouté quelque chofc à la religion des peuples, tant la majeftede l’ouvrage égaloit la majefté du dieu. /nft. de l'Or. L.tl.ch.lO. (j] Le Sénat des cinq cens. Ce Sénat
inftituépar Solon ne fut d’abord compofe que de 400 perfonnes, parccqu’alors les Athéniens croient partagez en quatre tribus, dont chacune fourniffoit cent Sénateurs qui s elifoient par voie de fuffrages avec des fèves, dont les unes croient blanches, les autres noires. Dans la fuite le nombre des tribus s’étant accrû jufqu’à dix, on ajouta cent Sénateurs aux 400 créez par Solon, 8c chaque tribu n’en foumiflbit plus que 50 ; depuis ce temps-là ce Sénat fût appelle le Sénat des cinq cens. [4] De la main de Pifias. Ce Statuaire n’cft guércs connu que par les écrits de Paulânias. [f] .Que l'on effare être de Lifon. Pline parle de Lyfon dans fon 54e L. ch. 8, & le met au nombre de ces Statuaires qui rcuflîlfoicnt particulièrement à tcprélcntcr des Athlètes, des Gens armez, & des Sacrificateurs. [6] Et ces portraits font de Protogéne. Prorogénc de Caunium, petite ville de défile de Rhodes, croit contemporain d’Apelle, c’cft-à-dire, qu’il flcurùfoit en la ni Olympiade; il travailloic avec un extrême foin. Le chef-d’œuvre de ce grand Peintre fot fon Jalyfùs, tableau d’une fi grande réputation, que B Îij
«4 Pa ü sa n ia s , Liv r e T. tient fa place parmi ces héros : il croit fils de ce Callippus, qui à la tête d’une troupe d’Athcniens alla gagner le Pas des Thermopyles pour le défendre contre les Gaulois qui avoient fait une irruption én Grèce. Les [ i ] Gaulois dont je parle habitent les extrémitez de l’Europe aux environs d’une grande mer [2] que l’on prétend n’être pas navigable, parceque le flux 8c reflux,les fréquens écueils, 8c des bêtes [3] que l’on ne trouve nulle part ailleurs, la rendent fort dangereufe. Leur pays eft arrofc de [4] l’Eridan, fur les bords duquel on dit que les filles du foleil pleurérenc la chute de leur frere Phacton -, mais ils ne fe font appeliez de ce nom qu’après un long efpace de temps : car ancienne___ nient eux-mêmes fe difoicnt [ 5 ] Celtes.
Cha p . IV.
Ces peuples ayant raflèmblé leurs forces paflérent la mer [6] Ionienne, entrèrent en [7] Illyrie, &fùbjuguérent tout ce qu’il y a de pays jufqu’à la Macédoine, 8c les Macédoniens eux-
Démetrius Poliorcète leva le liège de Rhodes dans la feule crainte qu’en le continuant, les machines de guerre ne miflênt le feu à une maifon où l’on confcrvoit ce précieux ouvrage. ( 1 ] Les Gaulois dont je parle, dre. Pour l’intelligence de cet endroit, je crois qu’il eft bon de rapporter ce qui eft dit des Gaulois dans Juftin, L. 24, ch. 1, voici comme il parle : Les Gaulois voyant que leur propre pays ne pouvoit plus les contenir, envoyèrent trois cens mille des leurs chercher de nouvelles habitations. Une partie alla s'établir en Italie, drdans la fuite afllégea Rome, la prit dr la brûla ; une autre pajja en Illyrie, dr s'établit dans la Pannonie. Le même auteur, liv. 21 , ch. $ , dit que les Gaulois ayant paflè les Alpes vinrent fur les bords du Pô, où ils bâtirent plufïcurs villes, entre autres Milan , Cômc, & Vérone ; ce font eux dont parle ici Paufanias. [2] Que l'on prétend n’étre pas navigable. Voilà une preuve bien fcnfible du peu de progrès que la navigation avoit fait jufqu’alors. Céûr lui-même qui avoit pâlie deux fois l’Occan pour aller châtia les lniülaircs de b Grande-
Bretagne , parle aufli de cette mer comme d’une mer extrêmement dangereuïe. [5] Et des bêtes que l'on ne trouve point ailleurs. C’cft ce qui a fait dire à Horace, Te belhufus qui remotis Obftrepit Oceanns Britannis. Liv. 4. Od. 14.
Paufanias veut lans doute dire, des balcncs, qui font fréquentes dans l’Océan & rares au prodige dans h Mcditer[4] Dontlepayseftarroféde l’Eridan. C’cft le Pô. [f ] Se difoient Celtes. Cclâr dit au commencement de les Commentaires, qui tpforum lingnâ Celte, noflrâ Galli appellantur. Mais il faut remarquer que les Anciens ne donnoient pas le nom de Celtes aux Gaulois feulement, mais aux Germains, aux Cimbres, aux peuples des îles Britanniques, aux Allobroges & à beaucoup d’autres. ftfl La mer Ionienne, ou de Grèce ; c’cft a proprement parler un grand golfe de la mer Mediterranée. [7] En Illyrie. C’cft ce que l'on appelle aujourd’hui l’Efchvcmic.
V o t a c î ni i 'At t io h i . Sj mêmes. Enfuite ayant couru toute la Thcllalie, ils le trouvèrent aux Thermopylcs [ i ] dans un temps'où la Grèce n’étoic nullement en état de leur rclifter. Elle étoit epuifée par les guerres qu’elle avoit euës à lôutcnir contre Alexandre, & avant lui contre Philippe, tout récemment encore contre Antipater & contre Cafîànder, qui lui avoient porté des coups
mortels 5 de forte que les divers Etats dont la Grece eft compofee trouvoient dans leur foibleflê des raifons pour ne point concourir à leur commune defenfe. Les Athéniens furent prefquc les fouis qui penforent autrement ; tout affaiblis qu’ils etoient par la longueur de la guerre de Macédoine, & par plulîeurs combats où ils avoient eu du pire, ils réfolurent d’aller défendre les Thermopyles avec les autres Grecs qui voudroient être de la partie, Sc prirent Calippus pour chef de cette expédition. S’étant donc faifis des défilez ils empêchèrent les barbares de pénétrer en Grèce parce côté-là; mais eux, ayant trouvé le chemin qu’avoient autrefois tenu les Perfos guidez par Ephialte[i]de Trachis, ils forcèrent les Phocéens qui le gardoient, & palîérent le mont (Eta fans être apperqùs des Grecs. Alors les Athéniens fe virent enveloppez de tout côté par les barbares, mais ils en foutinrent la furie avec courage, &. fe montrèrent dignes de leur nom. Cependant ceux des leurs qui etoient fur les vaifleaux, eurent une peine inconcevable à forrir du golfe de Lamia qui eft fort bourbeux aux environs des Thermopyles, à caufo des eaux chaudes qui s’écoulent par là dans la mer, car c’eft la raifon que j’en imagine. Ces vaiilèaux qui recevoicnt fans celle les Grecs avec tout leur attirail à mefure qu’ils échappoient de la mêlée, le trouvèrent en un moment furchargez & faillirent à périr } voilà néanmoins comment la Grece fut fauvée par la valeur des Athéniens. Pour les Gaulois, après avoir parte le défilé de la montagne, fans fe mettre en peine de prendre d’autres portes, ils ne longèrent qu’à aller piller Delphes & les richcfles du temple d’Apollon. Mais les habitans de Delphes ayant été focourus [ 1 ] Aux Thermtpyltf. Ce lieu cft celebre dans l’hiftoirc grecque; c’cft un détroit de la montagne deBunina, autrement Œta , par où l’on parte de Thcflâhc en Achaïc, il n’a que vingt-
cinq pieds de largeur. la] Par Epbu'ltedr Tr<icbit, petite ville de la Phocidc, qui étoit déjà ruinée du temps de Paufanias.
Pa u sa n ia s , Liv
r e!
par les Phocéens qui font aux environs du mont Parnaflê } 8c par les Etoliens, dont le pays étoit alors rempli de la plus brave 8c la plus belliqueufe jeuneflè , ils fe mirent auffitôt en bataille, & marchèrent droit à l’ennemi. Ils ne furent pas plûtôt aux mains, que voilà un orage effroyable durant lequel on vit plusieurs fois la foudre tomber fur l’armée des barbares , 8c de greffes pierres lé détacher du mont Parnaflê pour les écrafer. On vit même paroître tout à coup trois combattansfi] d’une figure terrible, qui les poufloient vigoureufement ; on dit que de ces trois combattans deux venoient du pays de3 Hyperboréens, Ravoir Hyperochus & Hamadocus. Pour le troifiéme, c’étoit Pyrrhus fils d’Achille ; auffi depuis cette afliftance les habicans de Delphes ne manquent pas d’honorer fa mémoire tous les ans, au lieu qu’auparavant ils la négligeoient, pareequ’ils avoient toujours regardé Pyrrhus comme leur ennemi. Après cette déroute les Gaulois pour la plupart ayant regagné leurs vaiflèaux pafférent en Afie, dont ils infeftérent long-temps la partie maritime 5 mais dans la fuite les Pergaméniens les obligèrent à s’éloigner de la côte. Alors ces barbares s’étant rendus maîtres d’Ancyre, vinrent s’établir audelà du fleuve Sangar. Ancyre eft une ville de Phrygie qui a été bâtie par Midas fils de Gordias ; on voit encore dans le temple de Jupiter l’ancre de navire qu’il avoir trouvée en ce lieu-là, & dont la ville a pris [z] fon nom. On voit auffi la fontaine de Midas, ainfi appellée pareeque ce prince prenoit plaifir à y verfer du vin, pour y attirer [3] Silene qui en étoit fort friand. Mais les Gaulois ne prirent pas feulement Ancyre, ils s’emparèrent encore de Peffinunte ville fituée lùr le mont [4] Agdiftis, & célèbre par le tombeau d’Atys. Aurefte l’avantage [1] Troit CombnttAUi d'une figure lernble. Juftin, liv. 14, ch. 8 > raconte autrement ces prétendus miracles, & de fon récit on peut inférer que l’artifice des Prêtres d’Apollon y eut la meilleure part. [1] Et dont Ia ville a prit (in nom. . uneborn , Antre, de là le nom d’Ancyre. [;] Pour y Attirer Silene. C’étoit le pctc nourricier & le compagnon de Bachus. Midas l’ayant apprivotfé avec
du vin, le prit & le rendic à Bachus, qui par rcconnoifiance donna à Midas la vertu de changer en or tout ce qu’il touchcroit. Cette fable eft contée dans le livre onzième des Métamorphofcs d’Ovide. [4] Sur le mont Jgdiflit. Strabon qui décrit ce pays dans fon n» livre, ne parle d’aucune montagne de ce noms il fait mention feulement d’un temple célèbre qui étoit dédié à Cybcle, futnomméc Angidiflis. :*ue
Vo t ACE or. l ’At t îq jt f . T7 que les Pergaincnicns remportèrent fur les Gaulois eft attelle par des dépouilles qu’ils confcrvent encore, & par un ancien tableau qui reprélènte leur combat. Quant au pays qu’ils ha bitent, c’eft le même que l’on appelloit autrefois [ 1 ] la Teuthranie, Se qu’ils difent avoir été confàcré aux dieux [i] Cabires. Pour eux, ils fe vantent d’être defeendus de ces Arcadiens qui pallérent en Afie avec [ j ] Téléphus. Peut-être ontils eu d’autres guerres que la renommée ne nous a point apprilcs ; mais au moins font-ils connus par trois exploits dignes de mémoire; le premier, d’avoir conquis l’empire de la balle Afie-, le fécond, d’avoir chaflc les Gaulois d’un pays où ils s’étoient cantonnez ; 8c le troifiéme, d’avoir olé combattre fous la conduite de Téléphus contre les troupes d’Agamemnon, lorfque les Grecs s’égarèrent en allant à Troye, & que [»renant les terres des Myliens pour pays ennemi ils voulurent es ravager ; mais il eft temps de reprendre le fil de ma narration. ____ _ Auprès du Sénat des cinq cens vous trouvez ce que l’on ap- Ch a r . pelle [4] le Tholus, où les [ 5 ] Prytanes ont coutume de facri- v* fier, 8c vous y voyez quelques ftatuës d’argent qui ne font λas d’une grandeur bien confidérable. Un peu au-delfus font es ftatuës de ces héros, dont les tribus Athénienes ont pris
['] .Que fon apptIIoit autrefois la Téléphus cr Pcleiit , tum p/urper & Teutbranie. C’étoit un pays fituc près du Caïque, & qui avoit pris (ôn nom de frtjicit umpullas & fefjuipedulia Tcuthras roi des Cilicicns 8c des Myveebn. licns.'Strabon, livre 5. [4] Ce </ue l'on appelle le Tholus. [1] Aux dieuxCabires.Smbon ,liv. 10, rapporte pluficurs opinions tou- Le Tholus, autrement la chapelle du chant les Cahircs. On peut auflï con- Prytanée, étoit une cfpccc de rotonde fiiltcr Bochart dans fon Chanaan, & le quidc là figure même avoit été nomqui y tome des mémoires de l’Académie mée le Tholus, du mot grec des Infcriptions & belles Lettres» où fignific une ctpecc.de chapeau. [î J Où les Prytanes ont coutume de l’on trouvera une diflertation fur les dieux Cabircs. Tobic Gutberlathc a fait facriper. Les Prytanes étoient au nomauifi un fçavant traité, qui a pour titre» bre de $0; leur fonction confiftoit à convoquer le Sénat quand ils le juDe mftenu deorum Cabirorum. [;] SJki paffe'rent en AfieavecTe’le- geoient néccflaire, à y prefider, & à pbus. CcTéléphus étoit fils d'Hcrculc faire en forte que tout s’v pafs.it dans & d’Augé fille d’Aléiis ; les malheurs l’ordre. Un de leurs privilèges étoit ont fait le fujet de plulicurs tragédies fur auflï de taire des fâcrifices à Jupiter .dit , leConfcillpr,8c à Minerve 3»vle théâtre des Anciens .comme il paroit , la Ctnfeillere, pour obtenir de par ces vers de la poétique d’Horace, trtgini pluHmuuo doht ftrmont ctsdivinitezqu’Hlcs daignaflent iniptrcr les Sénateurs. Torne I, C
ï8 P A U S A N I A $ , L I V R ï T. leur nom dans la fuite des temps; car Hérodote a eu foin de nous apprendre qui eft celui I i ] qui le premier a fait du changement à ces tribus en les multipliant jufqu'au nombre de dix, au lieu qu’auparavanc il n’y en avoit que quatre, 8c en donnant meme de nouveaux noms aux anciennes. Quant à ces grands hommes [a] de qui enfuite les tribus de nouvelle création empruntèrent leur nom, les voici. Le premier eft Hippothoon qui ctoit fils de Neptune & d’Alopé fille de Ccrcyon ; Antiochus fils d’Hercule & de Medée eft le fccond, & le troificme c’eft Tclamon fils d’Ajax. Parmi les Athéniens on compte [ 5 ] Lcos, qui par le conlêil de l’oracle devoüa fes filles pour le lâlut de l’Etat, Erecthée qui défit les Eleufiniens & tua leur general Immaradus fils d’Eumolpe, Egée qui eft aflèz connu ; (Eneus fils naturel de Pandion, & Acamas un des fils deThcfec. J’ai vu encore au même rang les ftatuës de Cécrops & de Pandion ; mais quel eft le Cécrops & le Pandion à qui ils ont voulu rendre cet honneur, c’eft ce que je ne puis pas dire ; car il y a eu un Cccrops qui a régné à Athènes & qui avoit époufé la fille d’Aclee , & un autre Cécrops [4] fils d’Erecbhée, petit-fils de Pandion & arriéré petit-fils d’Eridhonius , qui conduisît une colonie [y] dans l’Euboée. Il y a eu de meme deux Pandions tous deux rois d’Achénes, l’un fils d’Eridhonius, & l’autre fils du fécond Cécrops, qui chaffe de [ 1] £ui eft celui qui le premier a fat du changement. Hérodote dans (à Tcrpfichorc nous apprend que ce fut Clifthéne. [1] Jouant à ces grands hommes de qt<- , c-r. J’ai cru que pour me faire entendre je devois rendre ainfi le mot grec t les Eponjmes ; c’eft ainfi que l’on appclloit ceux qui avoient donne leur nom aux tribus de nouvelle création. Quand on vouloir faire palier quelque nouvelle loi,on l’affichoit devant les ftatuës des Eponymes , afin que chacun eut la liberté de l’examiner & d’en dire fon fentiment, c’étoit un des rcglcmens de Solon .comme nous l’apprend Démofthénc dans fon Or. contre Leptine. [5] On compte Léos. Le texte dit Leon. Mais c’eft qu’il faut lire
avec Suidas, qui fait ce Léos fils d’Orphée, & qui appelle les filles A elles croient au nombre de trois félon cet auteur, fçavoirPfârithée, Enope, & Eubule. S. Jérôme s’eft trompé quand il a parlé de Chalcizcus comme d’une fille de Léos. [4] Et un autre Cécrops fils <T EreBbée. Eufcbc dans fa chronique fait ce dernier Cécrops frère d’Ereâhéc, & non pas fils, ce qui eft plus vrai-femblablc ; car pourquoi Métion & Omciis lui auroient-ils difputé le royaume,à lui qui eût été l’aîné ; c’eft la remarque du gavant Paulmicr de Grcntcmcfml dans fes oblcrvations fur les Attiqucs de Paufanias. [ç] Dans l'Fuboée. On l’appelle à prêtent l’îlcde Négrepont,c’eft la plus grande des îles de ï'ArclupcL
VOTACB Dï L'At Tî Qü ï . T<> Ton royaume avec fes enfans [ i ] par lesMctionidcs, fc réfugia auprès de Pylas roi [ i] de Mcgare, dont il a voit époufe la fille, & là mourut de maladie-, fon tombeau eft encore au bord de
la mer dans un lieu qui eft de la dépendance de Mcgare, & que l’on appelle communément le rocher de Minerve aux plongeons. Mais fes enfans ayant à leur tour chatte les Metionides revinrent à Athènes, où Egce qui étoit l’aînc de tous fe remit en poflèttion du royaume. Pour le premier Pandion, il fut malheureux en Hiles, & ne laittâ point d’enfans mâles qui puttènt venger les injures faites à leur pere. Ce prince , pour fe faire plus refpecler, avoir fait alliance avec Terce roi de Thrace ; mais on ne ftjauroit éviter fa deftinéc j car Terce qui avoir époufé l’une des filles de Pandion, viola contre toutes les loix Philoméle fœur de fa femme [ 3 ] & lui coupa enfuite la langue ; action barbare qui irrita toutes les femmes du pays & les porta à en tirer vengeance. Outre la ftatuë dont j’ai parlé, Pandion en a encore une fort belle dans la citadelle. Voilà parmi les héros de l'ancien temps, qui font ceux dont les tribus des Athéniens ont pris leur nom. Il y en a d’autres plus modernes, comme Attalus roi de Myfie, Ptolémce roi d’Egypte, & l’empereur Hadrien fous qui j’écris, prince le plus religieux qu’il y eut jamais, & le plus attentif à rendre heureux fes fujets. Durant fon régné il n'a jamais entrepris aucune guerre qu’il n’y ait étc contraint, feulement il a châtie la révolte [4] des Hébreux dont le pays eft au-dettùs [ 5 ] de la Paleftine. Qui voudroit dire combien de temples il a bâtis, combien d’autres il a décorez ou enrichis de les préfëns, les [ 1 ] Par let Métienidei. C’eft-â-dire, par les enfans de Mction qui croit fils d'FreCthêe. [a] jdufrtt de Priai ni de A fégare. Suivant Strabon la ville de Mégare n’étoit pas encore bâtie, & ne le fut qu’apres le retour des Héraclides ; ce que dit l’auteur doit donc s’entendre de la contrée plutôt que de la ville. ( ?] Et /ai enfuite U langue. L’expreifion gtecquc eft plus générale, je l’ai fait quartier avec ce que tous les Mythologues difent de Philoméle, & fiir-tout Ovide dans les Métamorphoses, liv. tf.
[4] La révolte det Hébreux. C’eft cette révolte dont Barcochebas fut le chef, comme S. Juftin Martyr le raconte dans ion apologie. [fl Dont le fnjt eft au-deffm de la Paleftine. Il y a dans le texte J,' r<»r Z/», , let Hébreux qui font au-dejjut det Sjnent ; l’auteur entend donc ici les Syrophcnicicns, qui dans la ûinte Ecriture font les mêmes que les Philiftins ou les peuples de la Paleftine, comme Kuhmus l’a fort bien remarque. C ij
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Ciiap . VI-
*O pAUSANlAS, LlVRI r. bienfaits infinis dont il a comblé les villes Grecques, les grâces même qu’il a accordées aux barbares, auroit certes une ample matière 5 mais vous trouverez tout cela marque à Athènes dans le temple qui eft confacrc à tous les dieux. Pour ce qui regarde Attalus & Ptolémée, ce font des chofes déjà fi éloignées de notre temps qu’elles commencent à
tomber dans l’oubli, outre que [ i ] l’on a fort négligé les Ecrivains qui ont vécu fous ces rois, & qui avoient eu foin de tranfmcttre l'hiftoire de leur régné à la pofterité. C’eft pourquoi je crois que je ne ferai pas mal de recueillir ici leurs principales actions, & de montrer fur-tout comment leurs auteurs fe font rendus maîtres, les uns de l’Egypte, les autres de la Mylïe & des provinces voifines de leur empire. Suivant donc ce qu’en difent les Macédoniens, Ptolemce pafla pour être fils de Lagus, mais en effet [i] il étoit fils de Philippe, lequel Philippe hit fils d’Amyntas ; car on tient que la merequi ctoic grofle du fait de Philippe fut donnée en mariage à Lagus par Philippe même. Quoiqu’il en foit, Ptolémée [j] fit en Afie beaucoup de belles actions. Un jour fur-tout qu’il vit Alexandre dans un danger éminent [4] chez les Oxydraques, on dit qu’il le fecourut avec plus de promptitude & de courage qu’aucun autre de lès courtilàns. Mais après la mort d’Alexandre il s’oppola fortement à ceux qui vouloient déférer la Couronne [ j ] à Aridée fils de Philippe, & fut d'avis que cette vafte [ 1 ] Outre que l'on i fort négligé les Ecrivains, &c. Le Traducteur latin n’a pas entendu cet endroit, qui véritablement eft aflèzobfcurdans le texte,j’ai fuivi l'explication de Kuhnius qui m’a paru plus raifonnable. [i] Mais en effet il étoit fils de Philippe. Philippe roi de Macédoine , Sc pcrc d'Alexandre , fit époufer là maitreflè Arfinoé à Lagus homme obfcur : cette Arfinoé, à ce que l’on prétend, étoit grofle du fait de Philippe ; l’cnfânt quelle mit au monde fut Ptolémçc , qui apres la mort d’Alexandre devint roi d’Egypte, & fut la tige de tous les Ptolémées qui y ont régné. [il Ptolémée fit en Afie, crr. Ce Ptolemce le premier des rois d’Egypte qui ait porté ce nom, étoit un foldat
de fortune qu’Alexandre avoit élevé à caufe de les belles allions, dit Jufti.n » liv. 15, ch. 4. [4] Cher. les Oxydraques. C’étoic une nation des Indes, mais Paufanias fe trompe, en dilânt que Ptolémée fccourut Alexandre dans le danger qu’il courut en combattant contre ces peuples. Car au rapport d’Arricn, Ptolémée lui-même dans une hilloite qu'il avoit faite des conquêtesd ’Alexandre, difôit qu’il ne s’etoit pas trouvé préfent à ce combat, parccqu'Alcxandrc l’avoit envoyé ailleurs. [5] A Aridée. Aridée étoit fils de Philippe roi de Macédoine, par conféquent frère d'Alexandre & fôn héritier, puifqu’iln’avoit point laûlcd'cü» fans.
V O Y A C F D lî V A T T T Q V F.’ iT Monarchie qu’Alcxandrc s’étoit faite parles conquêtes fut partagée entreplufieun. En même temps étant parti pour l'Egypte, & regardant Cléomene qui en ctoit gouverneur, comme un homme attaché à Perdiccas , il le fit mourir. Enfuitc ayant rencontré des Macédoniens qui fuivant leurs ordres portoient le corps d'Alexandre [i] à Eges, il leur perfuada de le lui remettre entre les mains ; aufll-tôt il lui fit faire des obfequcs à la manière de Macédoine , & lui donna fépulture [2] à Memphis. Après quoi ne doutant point que Perdiccas ne lui déclarât la guerre, il fe prépara à la foutenir, & mit l’Egypte en état de faire une bonne défenfe. Cependant Perdiccas fedonnoitaux yeux de l’armée pour le protefteur d’Aridéc & du jeune Alexandre fils d’Alexandre, & de Roxane [3] fille d’Oxyartc ; il feignoit de vouloir leur conferver la couronne; mais il ne fbngeoit en effet qu’à enleverl’Egypte à Ptolémée, afin de la garder pour lui-même. Il en arriva néanmoins tout autrement ; car après avoir perdu une bonne partie de la réputation qu’il s’étoit faite à la guerre , chalïé de l’Egypte & haï des Macédoniens qui ne le pouvoient fouftrir depuis long-temps, il fut tué par les gardes d’Alexandre. Ptolémée devenu plus hardi [ q- ] depuis la mort de Per-
[1 Etienne de Byfàncc fait mention de pltificurs Villes de ce nom inconnues à.St rabon & aux autres Gécgraphcs.&ilcnometunc fort connue qui ctoit en Achaïc. S’il eft vrai, comme il le dit, qu’il y eut une ville d’Eges en Macédoine , c’étoit apparemment là qu’on devoir porter le corps d’Alexandre. [1] atMemfhie. Cétoit la Capitale de l’Egypte; elle avoir été bâtie par Epaphus hls de Jupiter &: d'Io, fi l’on en croitHygin,ou par Menés, fi l’on s’en rapporte à Hérodorc ; on croit que le Caire a été bâti de fes mines. [;] De Roxane. Alexandre peu avant fâ mort avoit époulc Roxane oui fc trouva grollè quand il mourut, elle accouchad’un fils; mais Caflàndcr ôta la vie à la mère & au fils pour s’aflùrcr le royaume de Macédoine. '{n(lin,L. 15. [4] Ptole'mt'c devenu pim hardi deta mort de Perditc m . Pour bien enJtmt 1.
tendre ce que Paufànias va raconter, il faut fçavoir que Perdiccas , Eumenès fon frere, Antipatcr.Caflânder, Ptoléniée , Antigonus , Lyfimaquc , &c. étoient du vivant d’Alexandre autant de Licutcnansgcncramdc fis armées, & que peu après fâ mdr'ils partagèrent entr’eux ccttc vafte&immcnfe Monarchic qu’il s’étoit faite par les conquêtes. Perdiccas fous le nom d’Aridée, frere d’Alexandre, s’empara d'abord de la fouveraine puiflànce.mais il n’en jouit pas long-temps. Ptolémée eut cnlùite pour fon partage l’Egypte , Antipater la Macédoine, Caflândçr la Carie, Lylimaquc la Thrace, Antigonus la l’.unphylie.la Lycie & la grande Phrvgie, Eumenès la Paphlagonie & la Cippadocc , &c. Ces nouveaux Souverains, jaloux les uns des autres , ne forent pas long-temps (ans fc brouiller cnlcmbk-; dc-là lçs guerres que Paufànias raconte ici comme en palunt • Ç iij
as P A u s A N i a s , Liv r e I. diccas s'empare auflîtôt de la Syrie & de la Phénicie , tend les bras à Selcucus fils d’Antiochus , qu'Antigonus avoit vaincu, & prend la réfoiution de le venger d’Antigonus. Pour y réüflir il engage dans fa querelle [ i] Caflander fils d’Antipater, & Lyfimaque roi de Thracc, en leur représentant d’un côté la fuite & le mauvais état de Selcucus , de l’autre la puiflance d’Antigonus , bientôt formidable à Ses ennemis s’ils ne s’oppofent à fès deïTeins. Antigonus de fon côté fe preparoit à la guerre , mais il ne put jamais fe réfoudre à en tenter le hazard , que fur la nouvelle qu’il eut que les Cyrcnéens avoient quitté le parti de Ptolémée, Sc que ce prince marchoit en Libye. Alors tombant tout-à-coup fur la Syrie & fur la Phénicie, il s’en rend maître, s’il faut ainfi dire, fans coup férir , & apres en avoir confié le gouvernement à fon fils Démetrius , prince jeune véritablement , mais de grande efperancc & d’une valeur déjà éprouvée , il s’en retourna vers [2] l’Hellefpont. Comme.il étoit prêt à s'embarquer, il apprit que Ptolcmée avoit battu Démetrius, ce qui lui fit rebroufler chemin ; mais le mal n’étoit pas fi grand que la renommée le faifoit , Démetrius n’avoit abandonné qu’une partie du pays à l’ennemi, & meme il avoit fait donner dans une embufeade quelques compagnies d’Egyptiens.qui furent taillées en pièces. Ainfi Ptolémée ne jugeant pas à propos d’attendre Antigonus, fe retira au fond de l’Egypte. La campagne fuivante Démetrius faifant voiles [ j ] vers Chypre , rencontra la flotte Egyptienne commandée par Ménélas , & eniuite Ptolémée lui - meme avec fes vaifleaux ; il les combattit tous deux & remporta une grande viâoire fur l’un & fur l'autre : Ptolémée n'eut d’autre parti à prendre que de fuir en Egypte , où Antigonus le vint aflîéger par terre,
[l] Calfanderfili J.Antipstter, & I.yfanaejue. La vertion latine d’Amafoc cft ici très-fautive , & ne rend point du tout la penfëc de Fauteur , ni ne s'acœtdcavcc la veritéde l’hiftoirc. ( 2 ] Il t'en retourna vert rUellefpom. C'étoit une contrée de la Myfic dans l'Afic Mineure, elle joignoit un bras de mer appcllé pour lors le détroit de l’Hcllcfpont , & à prefent lei Dardanelles,
[j] Péri Chypre. C’cft une des grandes îles de la mer Mediterranée vers les côtes de la Syrie & de la Natolie ; la bonté de Ion terroir, & la douceur de fon climat, ont donné lieu aux poètes d’imaginer que Venus y faifoit volontiers (on (cjour. Cette île cft fous la domination du Grand Seigneur depuis 157t. que Sclim (ccond là conquit for les Vénitiens.
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tandis que Dcmctrius l’afliégcoit par mer.
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parcs il ne laifla pas de fe maintenir à la faveur d’une bonne garniiôn qu’il avoic mile dans [ i ] Pélufc, &c de lés galères donc
illè fervit fort à propos. Anrigonus perdit bientôt l’elpcrance de réduire l’Egypte ; cependant il envoya Dcmctrius avec une grande armée & bon nombre de vailleaux pour faire le fiége de [ i ] Rhodes, comptant bien que s’il fe rendoit maître de cette ville, ce lui feroit une efpece d’arlënal & de place d’armes contre les Egyptiens. Mais les Rhodiens foutinrent le fiége par leur courage & par leur induftrie, mettant tout en ulage pour lé défendre,[ 3 J outre que Ptolémce leur envoyoit continuellement du fecours. Anrigonus apres avoir cchoüc devant Rhodes & peu auparavant dans fon expédition d’Egypte, eut encore l’audace de combattre [4] en bataille rangée contre toutes les forces de Lyfimaque, de Callànder&de Seleucus jointes enlèmble ; mais il y perdit une bonne partie de fes troupes, & d’ailleurs épuifé par les guerres qu’il avoir déjà eües lùr les bras contre Eumenès, il luccomba à lôn malheur & finir enfin lès jours. Entre tous les rois qui fe déclarèrent contre lui, on peut dire que Caflànder le diftingua par fon ingratitude ; car bien qu’il ne fe fiit maintenu en poflèlfion de la Macédoine que par le lècours d’Antigonus, il 11c lailïâ pas de faire une cruelle-guerre à ce prince, a qui il avoir de trèsgrandes obligations. Après la mort d’Antigonus , Ptolémce ne tarda pas à remettre fous là puiflànce toute la Syrie & l’île de Cypre ; il employa aulïï lès armes à faire rentrer Pyrrhus dans la [1] Dans Pélufe. C’étoit autrefois une ville conlidérablc de l’Egypte, litucc fur une des bouches du Nil, ce n’cft plus à prcfcnt qu’un village que l’on nomme Eelbais-, on croit que Damiette s’eft formée 8c accrue des ruines de Pclufc.
[1] Le pige de Rhodes. Rhodes cil la Ville capitalcd’unc île de ce nom fur la Méditerranée, entre Chypre & Candie ; elle eft aujourd’hu i entre les mains des Turcs-, l’Empcrcur Solyman après un long liège la prit en 1 jn, malgréla belle défenfc des Chevaliers de S.
Jean de Jérufâlcm, qui après avoir perdu ce boulvart de la Religion fc retirèrent à Malthc, dont ils ont pris le nom. [;] Outre que Ptolémee leur envoyoU continuellement du fecours. Par ce lccours il ûuva Rhodes, & les Rhodiens le regardant comme leur Sauveur, lui donnèrent le fiimom de.forer >lùrnom que la pofterirc lui aconfcrvé. [4] De combattre en bataille rangée. Plutarque dans la vie de Pyrrhus, dit que cette bataille fc donna près d’Iplus petite ville de Phrygie.
14Pa v sa n ia s , Li v u T. 11 ] Thcfproric d’Epirc, & par le moyen de Magas fils de Bérénice qu’il avoir alors pour femme, il reprit [1] Cyrcnc qui avoir fccoüé le joug cinq ans auparavant. Que fi, comme on le dit, Ptolémce étoit réellement fils de Philippe qui eut pour père Amyntas, on peut croire qu’il tenoitdelui ion amour déréglé pour les femmes. Car apres avoir epoufé Eurydice & même en avoir eu des enfans, il ne laiflà pas d’époufer encore Bérénice, & il en eut aufii des enfans. Près de mourir il fit choix de Ptolémée, l’un d’eux, pour être fon fuccefleur, & c’eft de ce fécond Pteiéméc qu’une des tribus de l’Attiquc a pris _____ fon nom. Cha f . Celui-ci fe fentant de l’inclination pour Arfinoc là propre vu- fœur, ne fit pas difficulté de l’époufcr, en quoi s’il viola les loix établies en Macédoine, au moins ne blefià-t-il point celles du pays où il regnoit. Mais il fit mourir fon fécond frere Argeüs, acculé, dit-on , d’avoir machiné quelque entreprise contre lui, & il n’épargna pas non plus [5]un autre de fes frères qui étoit fils d’Eurydice 5 car ayant découvert qu’il foilicitoit les Cypriottes à remuer, il le fit périr. Nous avons dit que le corps d’Alexandre repofoit à Memphis, il jugea à propos de le tranfporter [4] ailleurs. Cependant Magas fon frere utérin, fils de Bérénice & d’un certain Philippe homme d’aflèz bafle naiflànce, abufânt de l’autorité qu’il avoit à Cyréne dont la reine fa mère lui avoit procuré le gouvernement , apres avoir perfûadé aux Cyrénéens de fe révolter fe
mit lui-même à la tête des rebelles & marcha en Egypte. Au premier bruit de fa marche Ptolémée fortifia tous les patfàges,&réfolut d’attendre lesCyrénéens de pied ferme. Magas ayant appris en chemin que les Marmarides, peuples de Libye, [ il Dan/ U Tbe/prtrie <fEfhe. On [ »] Et il n'e'firftta pat an plat au appclloit ainfi cette parue de l’Epirc autre le fetfreret. Juftin L. 1 f » ch. a-, «jui s'étcndoit vers la mer depuis les le nomme Eeaattfnu. Le meurtre de ces monts Ccrauniens julquau golfe deux ftcrcs fit donner à Ptolémce le d’Ambracic. fumom de Philadelphe par une cfpccc [1] Il reprit Cyrêae. Cette ville de de derifion ou de contre-vérité. On Libye eut pour fondateur Battus qui voit par U que les empereurs d’Ortcnt lui donna le nom de Calhftc, cnfuitc avoient déjà la cruelle politiquedc faite elle fût appellcc Tbêra, & enfin Cy- mourir leurs ftcrcs pour netre point téne. Cette ville devint fort célèbre ; troublez durant leur règne. Ariftippc, Eratofthcne&k poète Cal(4Î II ffgta J pnptt de le nanfpntei llmiqucqui tirent fon origine de Bat- aittean. Il veut dire à Alexandrie, vint tus, «oient de Cytcne. bâtie par Alexandre. du
Vo y a g e d e l ’At t iq u e . if du nombre de ceux qu’on appelle ( il Nomades, avoient auflî fècoué le joug, quitta fon premier deflein & ne longea plus qu’à regagner Cyréne. Ptolémée alors auroit bien voulu fe mettre à les troufles, mais il en fut empêche par la confidcration que je vais dire. Pour le défendre contre Magas il avoit pris à fa folde quel?ues troupes étrangères, & entre autres quatre mille Gaulois, )r il s’apperçut que ces mcrcénaires vouloient livrer l’Egypte. Lui donc, pour les en punir, il les conduilit par le Nil dans une île délerte, où en effet ils périrent tous, foit de faim, foit en s’entretuant les uns les autres j voilà pourquoi il laiffa échapper Magas. Celui-ci ayant époufé Apamé fille d’Antiochus & petite fille de Séleucus, n’eut pas de peine à perfuader à fon beau-perc de tourner fes armes contre l’Egypte, au mépris du traité que fon pere Séleucus avoit fait avec Pcolcmce; qui de fon cote voyant qu'Antiochus lui alloit tomber fur les bras, ne fçut mieux faire que d’envoyer dans tous les pays de la domination de ce Prince [ i ] des gens de confiance, pour tenter la fidelité des peuples, avec ordre d’inciter [3] les plus foibles à vivre de brigandage, & les plus forts à fe faire craindre en tenant la campagne. Par là il donna tant d’affaires à Antioçhus qu’il lui fit perdre l'envie de le venir attaquer chez lui. C’eft ce meme Ptolémée, qui comme j’ai déjà dit, envoya une flotte au lêcours d’Athènes contre Antigonus & contre les Macédoniens , de laquelle pourtant les Athéniens ne tirèrent pas grand avantage. Il laifTa plufieurs enfans, non de fa fœur, mais d’une autre Arfinoé fille de Lyfimaque ; car pour fa fœur, elle mourut fans enfans, mais c’eft ellc-mcme qui donna fon nom à une province de l’Egypte, que l’on'a depuis appellée l’Arfinoïde. Le fujet que je traite veut que je parle auflî d’Attalus, puif- Cha f . qu’il eft au rang de ceux de qui les tribus de l’Attique ont pris VULleur nom. 11 faut donc fçavoir que Docimus Macédonien & (1] nemtre de ceux que Cen npfille Naundet, c’cft-à-dire, errent & vuftktni. Horace a fait la peinture <lc «s peuples, quand il a dit dans VOdc M'dcfan }• Livre. Cmf/bu meliir Scythe, flferum fUt.fr» lrthnui feum. [a] Dei fem de cenfieitct. Amaicc Tomt 1.
dit cefini, des tnupei, mais il Ce trom. pc ; car il n’eft point fait mention de troupes dans le texte. (5] D'inciter leiptut feiilei è vtvrr de bnfende^e. Au Lieu de »»r“' & de ueMfitt ou‘il y a dans le texte, il fout lire autrement Ü n*y a point de conftnrAion. D
16 P a u s a Ni A s, Liv r e I. l’un dcsGcnéraux d’Antigonus vint fe livrer à Lyfimaqueêc lui apporta de grandes richefles. Il avoit avec lui un eunuque Paphlagonien, nommé Philétaire. Les avanturcs de ce Philetairc , ce qu'il fit après qu’il eut trahi Lyfimaquc, de quelle manière il embrafla le parti de Scleucus, je raconterai tout cela quand j’en ferai à i’hiftoire de Lyfimaque. Prclêntcmcnt il fufht dé dire qu’Attalus ctoit fils d’un autre Attalus frere de Philétaire [i] & d’Eumenès, lequel Eumencs eut un fils de même nom, qui céda fon royaume à Attalus fon coufia germain & celui-là même dont je parle. Durant tout fon rcÎ;ne il ne fit rien de plus mémorable, que de chafler les Gauois des côtes maritimes de l’Afie, Si de les obliger à fe contenter du pays[i]qu’ils occupent encore aujourd'hui. Je reviens à Athènes. Après les ftatuës de ces héros dont les tribus Athcnienes fe font encore honneur de porter le nom, vous en trouvez d’autres de quelques divinitez : je me fouviens fur-tout de celle d’Amphiaraüs, & de celle de la Paix qui porte (y] le petit Platon entre (es bras. Lycurgue [4] fils de Lycophron eft aufli là en bronze, & auprès de lui Callias, qui, fi l’on en croit les Athéniens, leur obtint d’Artaxerxès fils de Xerxès une paix fort avarttageufe. On y voit encore [5] Démofthéne que les Athéniens reléguèrent à Calaurce petite île proche de Trézœne, d’où cnluite ils le rappellérent pour l’éxiler une fécondé fois après la malheureufe journée de Lamia. Ce grand homme ainfî perfecuté retourna à Calaurce, où il prit du poifon
[ 1 ] D'un autre Attalus frere de PbiI étaire. Cet endroit eft fort confus dans le grec, au lieu de liiez «taf» fi <»>*• ■«{». Amalèe s'y eft trompé, fai lüivi Lœfchcrus & le fçavarn Paulmier. [a] Dupaps qu'ils occupent encore,dre. II veut dire cequcronappclloitlaGallogrcce ou la Galatie , pays voifin de la Cappadocc Je de la Paphlagonie. [ y] De la paix qui porte lepetit Platon, dre. Piuton ou Plutus croit k dieu des richelfcs i c’cft donc avec rai Ion que ce ftatuaire avoit mis le petit Piuton encre les bras de la Paix , qui eft la merc du commerce & des arts utiles à la focicté.
[4 jLjeurgue fils de Ltcopbron. Il ne faut pas confondre ce Lycurgue avec le célébré légiftateur de Sparte ; celui dont parle ici Paufanias, étoit un orateur. [ J ] On r voit encore De'mcftbe'ne. C'ctoit le plus grand orateur qu'Athénes eût porté. Après avoir rendu des fcrviccs infinis à fa patrie il for banni deux fois, la première fousle faux prétexte qu’il s’éroit laifl? corrompre par Harpalus créanirc d’Alexandre ; la féconde fur les inftances d'Antipater qui ayant défait les Athéniens auprès de Lamia, ne voulut leur accorder h paix qu’i condition qu’tls lui livrctoicnt Démofthéne.
Vo y a g e
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îc fc fit mourir. De tous ceux qui avoient etc bannis il fut le fèul qu’Archias ne put livrer à Antipater &aux Macédoniens 4 cet Archias [ i ] Thuricn de naiflàncc s’ctoit charge d’une commiflion bien barbare, de remettre entre les mains d’Anripater tous ceux qu’il pourroit prendre, &qui avant [1] ce fatal combat s’etoient montrez bons citoyens d’Athènes. Voilà quelle fut la récompenfede l’amour & du zelcqueDémofthéne avoir toujours eus pour la patrie} on a donc bien railon de dire que quiconque a trop à cœur les interets du public & fë fie aux careflès du peuple, rarement fait une heureufe fin. Auprès de Démofthéne eft un temple dédié à Mars, où il y a deux ftatuës de Venus, une du dieu, qui eft un ouvrage d’Alcamene, une autre de Minerve, faite par Locrus qui étoit un ftatuaire de Pâros, & une de Bcllone, qui eft des enfans de Praxitèle. Devant la porte du temple on voit un Hercule, un Théfée, & un Apollon qui a fes cheveux nouez avec un ruban. Outre ces divinitez il y a quelques hommes illuftres, qui ont auflï là leurs ftatuës. J’y ai vù celle de [3] Calliadès que la ville d’Athcnes regarde comme un de fes Légiflateurs , & celle de [4] Pindare, qui pour avoir loué les Athéniens par une belle Ode, mérita d'eux une ftatuc & d’autres bienfaits. Un peu plus loin font rangez Harmodius & Ariftogiton qui tuèrent Hipparque ; comment ils s’y prirent & ce qui les y engagea, c’eft ce que vous pouvez apprendre de plufieurs autres liiftoriens; Critias [5] a fait quelques-unes de ces ftatuës, [tlCetArcbiasThuriendenaifance, &c. Il étoit capitaine des gardes d’Antipater ; Thurium d’où il étoit s'appelloit anciennement Sibaris ville de la grande Grèce, taineufe par la molleflê de fes habitans, c'eft aujourd’hui Siban Eeaiitata dans la Calabre ciréncure. [1] Et qui avant ce fatal combat. Il entend le combat donné près de Lamia, petite ville de Thcflàlic, qui fâifoit autrefois partie des Etats d'Achille. [ j] De Calliadès. Le texte porte Cafades, lifez Calliadès! eu pour Calades, c’étoit un pcinttedont il eft parlé dans PlineLiv. , ch. 10. Mais Hérodotc dan» fon Uranie nous apprend que Calliadèsétoit Archonte à Athènes
l’annce même que Xerxês fit une irruption dans l'Attique. [4] Et celle de Pindare qui per uae belle Ode, &c. Pindare le prince des poètes lyriques Grecs étoit Thébaini l'Ole dont parle ici Pauûnias ne fubfifte plus, Efquine nous en a confervé deux v«s qui font auflï rapportez pat Muret. Le Pocte difoit d’Athènes qu’elle étoit k fouticn de la Grèce ; les Thcbainspiquez de cet éloge condamnerent Pindare à une amende, mais les Athéniens lui donnèrent le double de la fômmc qu’il devoir payer, [qjCnliasafaitqi'elqiies-wdeca /laines. H y a eu deux célèbres ftatuaites de ce nom » l’un Athénien qui eut Dij
>1 PACSANtAS, Liv k t T. & les plus Anciennes font d'Antcnor. Xerxès enleva les une$& les autres comme autant dedepoüiiles, apres être entre dans Athènes qu'il trouva abandonnée ; mais depuis, Andochusfi J les renvoya aux Athéniens. Si vous allez au théâtre, vous verrez [x] à l’cntrce & dans le lieu deftinc à la Mufique les ftatuës des Rois d’Egypte, qui tous ont porte le nom de Ptolemee, & que l'on a diftinguez par des furnoms ; car on appelle l'un Pnilomctor, l’autre Philadclphe, &: ainfi des autres. Le fils de Lagus fut famomme Soter par les Rhodiens-, pour celui dont j'ai fait mention en parlant des tribus Athcnienes, c'eft Ptolcmée Philadelphe, & auprès de lui eft auflî là fœur _____ Arfinoe. C»a f . Celui que l’on nomme Philomctor{j]eft le huitième defccndant de Ptolcmee fils de Lagus, fie on lui a donne ce furnom par une elpece d’ironie, ou plutôt de contre-vérité ; car jamais prince n'a etc haï de fa mère comme celui-ci l’ctoit de Cleopatre, qui bien qu’il fut l’aine, ne voulut jamais fouftrir qu'on le reconnut pour roi, fie qui meme le fit reléguer dans J'île de Chypre du vivant de fon perc. Entre les railons qu’elle pouvoir avoir , la plus probable eft qu'elle efpcroit qu’Alexandre Ion fécond fils feroit plus fournis a les volontez. Premièrement donc elle fit tout ce qu'elle put pour engager les Egyptiens à le préférer à lôn aine ; enfuite voyant i’oppofidon des peuples, elle prit le parti d'envoyer Alexandre à Chypre
en qualité de Lieutenant general du royaume, mais au fond pour infpircr plus de crainte à Ptolémée. Enfin ayant choifî parmi tous les eunuques ceux qui paroifloient les plus atta, au lieu de Amphion pour clcve, l’autre fiirnom- avec Kuhnius «O’ ri< qui ne s’entend pas. mé Ne/îctis, r/afoUire. Pline L. 54» [ jlCr/ri fatr*n «auriur PMtmettr, ch. 8, dit que Phidias eut pour rivaux Alcamcnc, Critias, bleftodcs & Hy- <J-c. 11 y a eu deux Ptolémées fiimorngias ; je crois avec Jumus qu’il faut lire mez ainfi, le premier & le fécond. Paudans Pline Critut Ntfittei, au lieu de ûmas parle du lëcocsd que l’on fiiroomCritiaj Nefitclit ; c’cft de ce dernier moit auflî Lathyrus ; & quand il dit que c’étoit le huitième descendant de Critias qu’il cft ici parle. [ 1 ] Aantcb»! lt> rtntu. Atrian Ptolémée fils de Lagus, il comprend le L. & 8 , en donne la gloire à Alexan- fils de Lagus dans ce nombre de huit, dre, qui, dit-il, après avoir conquis la c’cft meme allez là manière de compter Perle, ayant trouvé ces ftatuës dans le en pareille occafion. D'ailleurs il a plus palais de Darius, les renvoya aux Athé- d'égard à l’ordre de la fucceflkm qu'aux niens. degrez de gcncrauon. JWuurr. [a ]>’rw vrrm. à fnirrré > &c. Je lis
VoYAGE DK l ’At t ÏQVE.' , 2$ chez à fes interets , clic les fit comparoîtrc devant l’aflemblce du peuple , pour dépofer que Ptolémce ne ccffoit de dreffer des embûches à fa mere & de les maltraiter, eux, à caufc de l'affection qu’ils portoient à la reine , ce qui irrita fi fort le peuple d'Alexandrie , qu’il auroit maffacré Ptolémce , s’il ne fe fut fauvé par mer. Son frere étant arrivé de Chypre fur ces entrefaites , il fut proclamé roi , mais Cléopâtre eut la récompenfe qu’elle méritoit ; car ce même fils qu’elle venoit d’clever fur le trône la fit mourir , puis voyant fon crime découvert il s’enfuit pour fe dérober au fupplice ; de forte que Ptolémée revint à fon tour & Ce remit en poffeffion du royaume. A peine en fut-il paifible poffeffeur qu’il déclara la guerre aux Théoains qui avoient quitté fon parti ; & la troifiéme année depuis leur défection ayant achevé de les fubjuguer, il les châtia de telle façon, que ces peuples qui furpafloient en richeffes les plus puiflântes villes de la Grèce, fans en excepter ni [i] Orchomene, ni Delphes, ne’confervérent pas la moindre marque de leur ancienne fplendeur. Peu de temps après Ptolémée mourut, & les Athéniens pour reconnoître les obligations qu’ils lui avoient; outre plufieurs autres témoignages de gratitude , lui érigérent une ftatuë de bronze, & une à fa fille Bérénice , la feule fille légitime qu'il eût biffée. Après les rois d’Egypte vous trouvez ceux de Macédoine, Philippe & Alexandre fon fils. Tous deux ont fait de fi grandes actions qu’il y auroit de la témérité à en vouloir parler dans un ouvrage qui n’eft pas entrepris à ce deffein. Cependant les Ptolémées ne doivent leurs ftatuës qu’à la reconnoiffauce & à l’amour des Athéniens; au lieu que Philippe & Alexandre font redevables des leurs à la légerete du peuple & à la flatterie. Les Athéniens ont bit aufli le même honneur à Lyfimaque, mais moins par affeétion que pour s’accommoder au temps &j>ar politique. Ce Lyfimaque Macédonien de nation avoir étc [2] un des gardes d’Alexandre ; un jour le roi tranfporté [ t] Sont en excepter ni Orchmuene, »> belphei. Dans la fuite l’Autcur parfera amplement de ces deux villes qui Ctoicnt alors florilTantcs , & qui aujourd'hui font ruinées comme beaucoup d’autres. Orchomcnc n’cft à préfent qu’un petit bourg à cinq licuës de Iiadu ou Iavadia dans l’ancienne Béo• Tome l.
tic, & Delphes eft un village appelle Caftri. [a] Ce Lpfiauupte aveu été m det gardee d Alexandre. Ces paroles dans notre façon de penfer ne donnent pas une grande idée de h naiilâncc de Lyfimaque ; mais voici comme Juftin en parle» Erat bu Lyfinuchte tllujlri atu» D iij
3t> Pa û sa n t a s ; Liv r e T. de colère contre lui le fit [i] jetter dans une forte où il y avoir un lion , Lyfimaque tua le lion , & le roi eut tant d’admiration pourfon courage, que depuis il ne cefl'a de le diftingucr comme un des plus braves Macédoniens qu'il eût dans fes troupes. Après la mort d'Alexandre il s'empara de cette partie de la Thraccqui confine à la Macédoine, & dont Philippe & Alexandre avoient joui eux-mêmes i c’eft un allez petit pays en comparaifon durefte de la Thrace, qui fourmille d’une fi prodigieufe quantité d’hommes , qu'à la réferve du pays des Celtes, il n’y en a point au monde de li peuplé. C’eft la raifoh pourquoi nulle puiflànce avant les Romains, n’étoit venue à bout de les foumettre ; mais aujourd’hui toute la Thrace & le pays des Celtes obéïflent aux Romains , qui pourtant négligent ces contrées que la ftérilitc de la terre ou la rigueur du froid rend incultes, & fe contentent d’exercer leur domination fur celles dont ils peuvent tiret quelque avantage. Lyfimaque fe voyant donc maître du pays dont j’ai parlé; commença par attaquer les plus proches voifins les [2] Odryfiens; enfuire il fit la guerre à Dromichétès & aux [3 j Gères ; mais comme il avoit à faire à des troupes aguerries & fupérieures en nombre, il fut battu , courut un extrême danger de fa perfonne, & n’échappa que par la fuite; fon fils Agathoclcqui faifoit les premières armes fous lui demeura prifonnier. Lyfimaque tenta plufieurs autres fois le fort du combat, & ne fut Îas plus heureux; enfin voulant ravoir fon fils il fit la paix avec Iromichétès, lui promit fa fille en mariage , & lui céda tout ce canton de la Thrace qui eft au-delà de [4] l’Ifter. Quelques-uns difent que ce fut Lyfimaque lui-meme, qui fut fait dem Afacedome loco nattes, fed vb uws experimer.tis omm nobihtate clarn>r,tjKa tant4 in illo fuit, nt antmi magnitudtne, philofophih ipfà , viriumtyue glorii, omnés per ejns Ortens domitus eft, vicerit. [j] Lefiticttcr dans unefoffe ou il y avoit un lion. Le fiijet d» La colcre d'Alexandre fin aufli humiliant pour lui, qu’honorable pour Lyfimaque. Akxan<trc avoir injuftement condamné Callifthéne philolôphc d'un grand mérite, à mourir dans les tourmens. Lyfimaquccut pitié deCallifthénc , profita de fa derniers momens pour recevoir de
lui des leçons de vertu, & lui donna dt* poilônann qu’il put terminer là vie& fes lôuflranccs. De là la colore d'Alcxandre contre Lyfimaque. [2] Le! Oi/rj/iewx. Peuples de 1.1 Thrace dont il cil parlé dans Thucydide L. 2. leur ville capitale droit Odryfe. [t] £taux Getes. Ancienspcuplcsde la Dacc qui itoient vers le Pont-Euxin, dans ce pays que l'on nomme à prélcnr laMoldavic & la Vaiaquie. [4] rtu-delà de l'ifter. C’eft aujourd'hui le Danube , le plus çrand fleuve1 qu'il y ait en Europe apres le àVjlga.
Vo Y A C B DI l’A TT I Qvr. ?I prisonnier, & que fon fils le racheta par le traite dont je viens de parler. Quoiqu'il en foit , Lyfimaque de retour en Thracc maria fon fils Agathocle avec Lyfandra fille [i] de Ptolémce & d'Euridice ; après quoi ayant parte en Afie il dépouilla Antigonus de fes Etats, aggrandit la ville que les Ephéliens habitent encore aujourd'hui fur le bord de la mer, & y transféra les habitans de Lébédos [aj&de Colophon, qu’il avoit détruites. Le poète Phoenix [3] déplora en vers ïambes le malheur de ces deux villes; pour Hermcfianax [4] qui a fait des élégies, je ne crois pas qu’il ait vécu jufqu’à ce temps-là ; car il n’auroit pas manqué de pleurer la ruine de Colophon en quelque endroit de fes ouvrages. Mais Lyfimaque n’en demeura pas là ; il déclara la guerre à Pyrrhus fils d’Eacidas, & prenant le temps que ce prince étoit abfent de fes états, ce qui lui arrivoit fouvent , il ravagea l’Epire prefque d’un bout à l’autre , & pénétra jufqu’à l’endroit où eft la fépulture de fes rois. Jéronime de Cardie [5] ajoûte qu’il ne refpecta pas meme leurs tombeaux, & qu’il joncha la terre de leurs cendres, mais je ne Je puis croire ; il y a bien de l’apparence que c’eft la haine que cet écrivain avoit pour lès rois , qui lui a fait inventer cette calomnie, quoiqu’il donne à Antigonus des louanges qu’il n’avoit pas méritées. En effet, on ne me perfuadera point qu’un Macédonien fe loit porte à violer les tombeaux des rois d’Epirc , comme fi Lyfimaque pouvoir ignorer que ces rois étoient les ancêtres non feulement de Pyrrhus , mais d’Alexandre ; car Alexandre ctoit Epirote & de la race des Eacides par fa mere. La ligue que Pyrrhus fit bien rôt après avec Lyfimaque eft encore une preuve , que durant la guerre il ne s’étoit rien parte qui pût faire de ces deux rois des ennemis irréconci[>] Avec Lyfandrafille de Ptolémée. Ccft Ptolémce Philadelphe qu'il entend. [2] Et y transféra les habitant de Lébtdos.Au lieu de qui eft dans lctcxtc,lilczAfâ.’<>»<.Lébadieétoitunc ville de la Béotie qui n’avoit rien à démclcr avec Lyfimaque ; mais au contraire Lébcdos non plus que Colophon neroit pas loin d’Ephcfe. Panlmier. fl] d-tft'e Phamx déplora en vers iambes ,<Sc .Qk poète étoit de Colo-
T«me I.
phon;nous n’avons rien de lui quequclques vers qui font citez par Athénée, f 4.] Pour Hermcfianax a fait det élégies, (fc. Ce poète étoit suffi d; Cclophon, & il le rendit célèbre par fes élégies dont Athcnée noirs a confcrvc quelques fragmens ; il avoit été amoureux de la tameufè Leontium , & en avqit fait l’objet de fes poefics. [5] féromme deCardie, lie.Cctoit un hiftoricn de ce tcmps-là , dont les écrits font perdus.
*
liables ; fans doute Jéronyme étoit pique contre Lyfimaque pour plus d une raifon, niais fur-tout parce que ce prince avoit razé Cardie [i] & bâti en fa place Lyfimachie dans l’iflhnie de la Cherfonnefe de Thrace. Lyfimaque fut en bonne intelligence avec les Macédoniens durant tout le régné [2] d’Aridéc , & tant que Caflandcr & fes enfans furent maîtres de la Macédoine 5 mais dès que le royaume eut pâlie entre les mains de Démétrius fils d’Antigonus, Lyfimaque ne doutant pas que celui-ci ne l'attaquât, crut le devoir prévenir; il le connoifloit de l'humeur de fon pere, attentif à fes interets & minutant toujours quelque entreprife. Sçachant donc qu’il étoit parti pour la Macédoine , appellé par Alexandre fils de Caflànder, fçaehant auflî que Démétrius avoit fait tuer ce jeune prince, & qu’il s’étoit déjà mis en poffeflion du royaume de Macédoine , il réfolut de le combattre ; & en effet il lui donna bataille auprès [3] d’Amphipolis; mais en voulant difputer la Macédoine , peu s’en fallut qu’il ne perdit luimême la Thrace. Cependant heureufement fecouru par Pyrrhus , il confetva la Thrace’ & y joignit dans la fuite le pays des Neftiens [4] avec la Macédoine. En effet Pyrrhus qui étoit accouru du fond de l’Epire, en Enfant les affaires de Lyfimaque n’avoit pas oublie les fiennes , & s’étoit approprié une bonne partie du royaume d’Alexandre ; il demeura fidèle à Lyfimaque tant que Démétrius qui avoit paffé en Afie pour faire la guerre à Seleucuj, fut en état de fe foutenir ; mais fitôt qu’il vit Démétrius entre les mains de Seleucus, il fe détacha de l’alliance de Lyfimaque, qui de fon côté ne le marchanda pas ; car après quelques préparatifs il tomba fur Anti[l] Avoir raze'Cardie & bâti I.yfimachic. Cardie dans la Cherfonnefe de Thraceavoit pris fon nom du mot grec cor, un caur-, non comme dit Etienne de Byfance , pareeque fon fondateur avoit emporté le cœur d'une viétime ; mais parcequ’ellc avoit h figurc d’un cœur humain, qx'cd infaciem tordis/itafit, d:êta e/l Cardia, dit Pline, L 4. ch. i t.Lcmémc Etienne fotrompc cncorequand il foit de Cardie & de Lyfunachic une meme ville ; Strabon , Ptolémée & Paufanias en font deux vilies , mais dont l’une fût bâtie & peupléc aux dépens de l'autre.
[2] Durant tout le régne étAridée. Tout ce rogne ne fût que de lix ans & quatre mois félon Diodore de Sicile. \ Auprès tfAmphipolis. Cctoitune ville de Macédoine du côté de la Thrace, on lui avoit donné ce nom à caufo du fleuve Strymon dont elle étoit environnée , comme le dit Thucydide L. 4. C’eft aujourd’hui Empoli , petite ville de la Turquie en Europe. [4] Et y joignit dans la fuite le pays des Neftiens. Les Neftiens croient des peuples de l'lUyrie,dont L capitale tappclloit Neftus.
V O Y A G F. D E L’A T T I E. 33 gonus & fur Pyrrhus lui-même, remporta fur eux une grande
vi&oire, conquit toute la Macédoine, & obligea Pyrrhus de s'en retourner en Epire. L’Amour caufc ordinairement aux hommes de grands malheurs. Lyfimaquc déjà avancé en âge, heureux en enfans, & qui même fe voyoit revivre dans ceux d’Agathoclc 8c de Lyfandra, ne laiflà pas de le remarier avec Arfinoc fœur de fa
belle-fille. On prétend que la jeune reine qui craignoit qu’après la mort de Lyfimaque , les enfans ne tombaient en la puiflànce d’Agathocle, longea à fe défaire de lui. D'autres ont écrit qu’elle conçut de l’amour pour Agathoclc, & que pour fe venger de fes mépris, elle refolut de lui ôter la vie : ils ajoutent que Lyfimaque ayant eu connoilTance de cet horrible forfait, il en fut fi touchcfi] qu’il ne goûta aucun plaifir le refte de lés jours. Quoiqu’il en foit, Lylandra apres la mort de fon mari lé réfugia à la Cour de Seleucus avec fes enfans 8c même avec lés [ x j freres, qui pour lors étoient auprès de Lyfimaque. Alexandre un des fils de ce prince, mais d’une autre femme nommée Odryfias, fe joignit à eux. Quand ils furent arrivez à Babylone, ils conjurèrent Seleucus de ne les pas abandonner, 8c de déclarer la guerre à Lyfimaque. Ce nit dans ceue conjoncture que Philétaire qui croit garde du tréfor de ce prince, lé voyant fufpeét à Arlinoé A caulé de l’attachement qu’il avoit eu pour Agathoclc, fe làifit de Pergamc ville fituée fur le [3] Caïque, 8c que de là il traita avec Seleucus, offrant de lui livrer toutes lés richefles. Lyfimaque n’eut pas plutôt appris ces nouvelles qu’il paflà en Afie, 8c vint attaquer Seleucus ; mais fon armée fut taillée en pièces, & lui-même périt dans le combat. Alexandre, ce fils qu’il [i]Z/ en fut Jt teuebé qu'il ne goûta aucun plaifir, &C. Cet endroit du texte eft inintelligible par la faute des copiftes. Un fçavant Critique, Paulmier de Grenremcfnil l'a reftitué avec fa fugacité ordinaire, 8c j’ai fuivi fa reftitution qui m’a paru plus rai fonnable que le fcntunent des autres interprètes. [x]£r même avec (ei frerei qui peur fort, &(. Autre endroit qui n’cft pas moins corrompu que le précédent ; je me fuis attache à l’explication de Kuhtuus comme à la plus naturelle. Les freTome I.
res de Lvfandra ne fe croyoicnt pas apparemment en fureté auprès de Ptolémceleur frere, 8c ils croient venus chercher un azylc auprès de Lyfimaque. [jlSefaifit <*' l’ergatnefur le Caïque. Cette ville d’Afic fut la capitale du royaume d'Attalus 8c de fes fucccflcurs, dont le dernier inftitua le peuple Romain fon héritier i c’ctoit la patrie du célèbre Galien ; ce n'eft plus aujourd'hui qu’une méchante petite ville dans laNatohc. E
U Pjb si su i , tivil I, avoit eu , comme j’ai déjà dit d’Odryfias, ayant obtenu de Lyiandra à force de prières le corps de fon père, le fit porter dans la Cherfonnefe, où il l'inhuma & fignala la pietc par un
fuperbe monument, qui lé voit encore entre le bourg de Cardic & le mont Padyas} telles ont etc les avanturesde Lyfimaque.
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Ciiaf . XL
Pyrrhus a auifi la ftatuc à Athènes. Du côté maternel [t] il fortoit.de la meme tige qu’Alexandre le Grand ; car Pyrrhus eut pour père Eacidas fils d’Aribbas, & Alexandre eut pour mère Olympias fille de Ncoptolcme. Or Ncopcoléme ôc Aribbas croient deux frères, tous deux fils d’Alcétas qui eue pour père Tharypus. Si l’on remonte depuis Tharypus jufqu a Pyrrhus fils d’Achille, on trouvera quinze générations. Ce Pyrrhus fut le premier de fa race, qui apres la prife de Troye, lâns fe mettre en peine de fon propre royaume la Theflàlie, aborda en Epire & y fixa fa demeure, luivant le confeil ou fdutôt l'infpiration [x] d’Hclenus. Comme [ j ] Hermione ne ui avoit point donne d’enfans, il époula Andromaque, donc il eut trois fils, Moloflus, Pielus, & Pergamus le dernier des crois. Andromaque après la mort de Pyrrhus qui fuc tué à [4] Delphes, fe remaria avec Helenus, qui eut d’elle un fils nommé Celtrinusj mais Helenus en mourant [5] ayant difoofe du royaume en faveur de Moloflus fils de Pyrrhus, Celtrinus aidé d’une troupe d’Epirotes de bonne volonté, «s'empara
[1] D«c«rri»rarenic/,d-r.Onnepeut pas douter que ce ne foit là le iens de l'auteur, mais le texte cil tronque, il faut fiippléct ces mots avec Kuhmus, 7.-.« t . «r« ex materne genere, du file' de fia meee. [xjdiuvaar le infini n flatit Fnfmrarin d"Helentn. Helenus étoit un des/ils de Priant, il avoit le don de prédire l’avenir & excelloit en tout genre de divination; c'eftpourquoi Enée lui adrefle ces paroles dans le j‘ Livre de l'Enéide. Tri/a/rM tatnjrei divim. }■> ZÀcréi. {'•u enflai . Civ» laaeu. f»fiif. fnete . Zi velvrnm htfui. frafetn eeeuna [;]C»mmr Hermine ne lui nvmt finit dinnc d'enfant. Hctmione fille de
Mcnélas & d'Helene, quoique promife à Orefte, hit donnée en mariage à Pyrrhus, qui épouû enflure Andromaque û captive & veuve d’Hector. [4] /tfrei le mtrt de Pirrbat yar fat tue a Delpbei. U fût tué au pied de l'autel d’Apollon par les artifices d’Orefte ion rival, qui étoit outré de ce que Pyrrhus lui avoit enlevé Hermione. [f]<yr»rdl/>»/r nraame en finiear de Alelufui. Juflin l'abbréviarcur de Troguc Pompée lav. 17, ch. 5, dit que ce fut Pyrrhus lui-même qui fit cpouiër Andromaque à Helenus, Je qui lui donna le royaume des Chaorucns ; cela fuppoli , il ne faut pas s’étonner li Helenus Laiflâ le Royaume à Moloflus fils de Pyrrhus, au préjudice de Ccftrinus fon propre fils, cependant quelques auteurs font Moloflus fils d’Hclenus, & non de Pyrthus.
v o V A C ï I>1 l ’ÀTT I QUI. îî de h contrée qui eft au-dcfliis du fleuve [ i ] Thyamis. Pergamus alla chercher fortune en Afie ; & s’étant arreté dans la Teuthranie où regnoit Arius, il tua ce prince dans un combat fingulier, fe mit à fa place, fie donna ion nom à une ville [i] où l’on voit encore aujourd’hui le monument héroïque [ 3 ] d’Andromaque, qui l’avoir fuivi en Teuthranie. A l’égard de Piélus, il demeura en Epire , & c’eft à lui plutôt qu’à Moloffus que P yrrhus fils d’Eacidas & lès ancêtres rapportent leur origine. L’Epire avoir toujours été gouvernée par un feul roi jufqu’au temps d’Alcétas & de Tarypus ; mais la divifion s’étant mile entre les enfans d’Alcétas, ils ne purent s’accorder qu’en partageant également le royaume. Quelque temps après Alexandre fils de Néoptoléme étant mort dans la Lucanie, Olympias qui craignoit Antipater fut obligée de venir en Epire, où Eacidas fils d’Aribbas lui rendit toute forte de bons offices, jufqu a l’aider de fes troupes pour faire la guerre à Aridée & aux Macédoniens, en dépit même des Epirotes qui refuférent de marcher fous fes enfeignes. Cependant Olympias remporta la viétoire, mais elle fe montra fi cruelle & fi fanguinaire, non feulement en faifant mourir Aridée, mais en perfécutant à outrance les Macédoniens, qu’il n’eft pas étonnant fi Caflander peu après lui fit payer la peine de fès cruautez. Il eft certain que la haine des Epirotes pour cette princeflè les empêcha de fe foumettre d’abord à Eacidas ; ils ne faifoient même que de s’adoucir en fà faveur, lorfqu’il fut encore traverfé par Caflander ; de forte qu’il fe vit obligé d’en venir aux mains avec Philippe frere de ce prince; le combat fe donna auprès [4] d’QEniade, Eacidas y fut bleffé & mourut de fes bleflures
[ 1 ] jdu-deflus du fleuve Thyamn. Plinc L. 4 > met ce fleuve dans la Thef protie; il fc nomme aujourd'hui Calama. [ a] F.t donnafon nom à une ville. C’eft àdircPcrgamc. Amafécdansfaverfion latine change le fingulier en pluriel conttc la foi du texte ; il fcmble que Pergamus ait donné fon nom à plufieurs villes, &ilne l'a donné qu’à la feule Ville de Pctgamc. Le monument héroïque d'ylndrontque. Il y avoit de la différence entre
rfn*. un monument, un Jimfie tom> 8c un mon:,ment hénique: celui-ci étoit accompagné d’un autel où l'on rendoit des honneurs à la mémoire du héros qui y étoit inhumé. Ce qui peut paroître étrange, c’cft qu’Andromaquc qui étoit une femme, eût un monument héroïque-,mais il y en a d’autres exemples dans Paulânias. [fjaluprèrd'Œiiiade.C croit uneviile de l'Acarnanic fur l’Achcloiis. Stephanus dit qu’elle s’eft aufli appcllée £nfiebf Eij
36 Pa u ja n ia s , Liv r e I. quelques jours après. Alors les Epirorcs reconnurent Alcétli qui croie aufli fils d’Aribbas & frère aîné d’Eacidas, mais d'une humeur fi violente que (on pere ne l’avoir jamais pu fouffrir. Des le commencement de fon règne il exerça tant de cruautez contre fes fujets, qu’enfin pouffez à bout ils invertirent fon palais , & le mallàcrcrcnr lui & fes enfans. Les Epirorcs mirent en fa place Pyrrhus fils d’Eacidas, qui tout jeune encore, (ans expérience &c mal affermi fur le trône eut la guerre à foutenir contre Caffander. Pyrrhus voyant donc que les Macédoniens fe préparoient à venir envahir fes Etats,alla chercher du fecours en Egypte auprès de Ptolémée fils de Lagus. Ce prince lui fit épouièr Antigone fille de Bé-
rénicc, & firur de pluficurs autres enfans que Bérénice avoit eus de Philippe fon premier mari} enfuite il lui donna une flotte & de bonnes troupes pour l'établir dans fes Etats. Pyrrhus s’étant ainfi fortifié de l’alliance de Ptolémée, tomba d’abord fur les Corcyréens ; il voyoit que leur île qui eft fituée vis-à-vis de l’Epirc, pouvoir fervir de place d’armes à les ennemis. Voulant donc leur ôter cette facilité de lui faire la guerre, il aflîégea Corcyre [ i ] & la prit. Les diverlês fortunes qu'il éprouva enfuite, les pertes que lui fit fouffrir Lyfimaque, comment cependant ayant chafle Démétrius de la Macédoine, il s’en empara & la garda, enfin ce qu’il fit de plus digne de mémoire dans ces conjonctures, tout cela a déjà été rapporté dans l’hiftoire de Lyfimaque. Du refte il paflè pour confiant que nul prince de la Grèce avant lui, n’avoit porté la guerre chez les Romains ; car il n'eft pas même vrai que Diomède [x] ni les Argiens qui l’avoient luivi, ayent jamais attaqué Enée. Les Athéniens auroient bien voulu conquérir la Sicile & encore plus l’Italie ; mais ils en furent empêchez par l’échec qu’ils reçurent à [j] Syracufe. Pour Alexandre fils
[i ] // tfljcgen Cercvre, ire. On dit aujourd’hui c’cft la ville capitale d’une île de meme nom, qui n’cft lèparéc de l’Epirc que par un petit canal; 111c & la ville appartiennent préfentement aux Vénitiens. [îj.^ue Dieméde ni les Aryens qui ravaient fuivi. Diomède fils dcTydéc commandoit tes Argiens au fiege de Troyc, comme Homère le témoigne dans le cinquième livre de l'Iliade.
[fJPxr réchec qu'ils reçurent à Sjraeufe. Durant la guerre du Péloponnefe, les Athéniens ayant jupe à propos de lecourir les villes d’Egefte & de Léontium contre les Syracuàins, leur envoyèrent des troupes fous la conduite d’Alcibiade, de N icias & de Lamachus. Quelque temps après Alcibiade abiênt fut acculé de lâcrilege & révoqué; de dépit il k retira à Sparte, A: engagea les Lacédémoniens à foutenir les Syra-
Vo t a s U Dï t'A T T t qv t. 57 de Néoptoléme, & de la même race que Pyrrhus, mais plus ancien que lui, il mouruc dans la[i] Lucanie, avant que de pouvoir mefurcr fes forces avec celles des Romains. _____ Pyrrhus eft donc le premier des Grecs qui ait ofé embar- Cw a p . quer des troupes , 8c paflèr la mer Ioniene pour venir at- XII. taquer les Romains 5 il y avoit été invite par les Tarentins. Ces peuples, après avoir foutenu long-temps la guerre contre Rome, ièntirent que la partie n’étoit pas égale ; 8c comme ils avoient déjà gagné l'amitié de Pyrrhus en lui donnant des troupes 8c des vaiiTeaux pour fon expédition de Corcyre, ils ne balancèrent pas à lui envoyer des ambaflàdeurs pour lui repréfenter que l’Italie étoit un pays incomparablement plus beau que la Grèce, & que d’ailleurs il n’étoit pas de fa juftice d’abandonner fes amis & fes alliez dans leur belbin. Pyrrhus touché de ces remontrances vint encore à fe fouvenir de la prife de Troye, & à fe flatter que defeendant d’Achille il pourroir avoir le meme fuccès [ i ] contre Rome, qui ctoit une colonie de Troyens. Dès qu’il eut pris-fa réfolution, attentif 8c prévoyant de fon naturel, il prépara bon nombre de vaiiTeaux, de barques , de bâtimens de toute eipcce, enfin tout ce qui lui étoit néceflaire pour tranfporter hommes Sc chevaux. Quelques hiftoriens de fon temps nous ont laifle des écrits qui ont pour titre, les mémoires de Pyrrhus', ces hiftoriens ne font pas fort célèbres ; mais quand je les lis, je ne [>uis m’empêcher d’admirer & l’intrépiditc de ce prince dans e combat, 8c la prévoyance pour être toujours prêt à tout événement. En effet, il eut plutôt mis à la voile que les Romains ne fçurent fon deffein ; 8c après fon debarquement ils ne le crurent arrivé, que lorfqu’au milieu du combat, 8c
eufains contre Athènes ; ils envoyèrent donc en Sicile une armée dont le chef fut Gylippc, qui défit entièrement les Athéniens commandez par Dcmofthcne & par Nicias. Le P. Pctau place cet événement 415 ans avant l’Erc chrétienne. [t] Dam le Lucanie. C’étoit un canton de l’Italie, voifin des Bmticns & des Samnites; fa principale ville étoit Pctilia, qui avoit eu Philoclctc pour fondateur. Alexandre fils de Ncoptoleme fût tué dans ce pays devant une
petite place que l’on nommoitPandofîe. [x] Contre Rome, qui étoit «ne colonie de Troyens. Paufanias parle fiiivant le lentimcnt reçu de fôn temps, & le plus agréable aux Romains ; mais au fond il n’cft point du tout certain qu’Enéc foit jamais venu en Italie. Le fçavant Bochart après avoir bien examiné ccttc opinion, ne l’a trouvée nullement fondéc, & en a prcfque démontré la Elut lêtc dans une lettre à M. de Scgtais , qui eft à la fin du premier tome de l’Encïdc traduite en vers françois. Eii)
au fort de la mêlée il vint avec des troupes toutes fraîcher fondre tout à coup fur eux, Çé les mit en [ 1 ] defordre, comme gens qui ne s’y attendoientpoint ; encore avoit-il fait provifion d’éléphans pour les lâcher contre eux, & pour réparer par là l’inégalité qu’il y avoit entre fon infanterie & la leur. Alexandre eft le premier de tous les princes de l’Europe qui ait eu des éléphans ; la défaite de Porus & la conquête des Indes lui en procurèrent aifément. Après fa mort plufieurs autres rois, & fur-tout Antigonus en eurentaufii ; Pyrrhus en prit quelques-uns dans le combat qui fe donna entre Démétrius & lui. Mais la première fois que les Romains en virent, ils furent faills d’épouvente , & ne pouvoient croire que ce fufient des animaux. A la vérité dans tous les temps on a fçu qu’il y avoit des ouvriers qui travailloient en y voire, & que l’y voire n’eft autre chofequedela dent d’éléphant; mais avant que les Macédoniens eufient pafle en Afie, perfonne n’avoit vù d’éléphans, fi ce n’eft les Indiens, les Libyens & les nations de leur voifinage. Nous en avons une preuve dans Homère, qui parlant de la magnificence des rois, dit bien que l’yvoire rcluifoit à leurs lits & dans leurs palais, mais fans jamais faire mention d’éléphans ; s’il en eût vu, ou qu’il en eût entendu parler, je crois pour moi qu’il eût mieux aimé décrire _____ leurs combats, que ceux des grues & des pygmées. Cha r . Malgré ces préparatifs Pyrrhus fe vit obligé de pafièr en Sicile. Les Carthaginois qui y avoient fait une [ 2 ] defeente,
faccageoient toutesles villes [ 5 ] Grecques, & aflïégeoicnt alors Syracufe, la feule qui tînt encore contre eux. Pyrrhus donc informé de l’état de cette île par des députez de Svracuiê mê-
me, s’y rendit en diligence & ne fongea plus à Tarente, ni à toute cette côte d’Italie. Il ne fut pas plutôt arrivé devant Syracufe qu’il en fit lever le fiége ; & enflé de ce fuccès, quoique les Carthaginois fufient de tous les barbares ceux qui entendoient le mieux la marine, comme étant [4] Phéniciens & [1] Et la mit en defordre. L’armée Romaine étoit alors commandée par leConfiil Valcrius Lœvinus. [2] Lei Carthajtnoit qui y avoient fait une defeente. Ils étoient commandez par Magon qui avoit une flotte de 120 navires. [ 5 ] Xaccageàent toutes lei villetCrecq»<>. L Auteur appelle villes Grecques
plufieurs villes de h Sicile , parceque réellement elles avoient été fondées ou peuplées par des Grecs, comme Rhegium , Zancle, Meflïne , & d'autres dont il fera parlé dans la fiiite. [4] Comme étant Pbénitient & originaires de Tyr. Les Phéniciens font les premiers peuples de la terre qui ayent fou naviguer, & qui fo fiaient enrichis
V 0 T A C t B B i 'ATTI^I. ï, & originaires de Tyr, il réfolut de les combattre fur leur propre clément avec les feules forces de l’Epirc. C’ctoit à lui une extrême hardieflê; car long-temps meme apres la priic de Troyc les Epirotes ne connoiflôicnt pas la navigation , & n’avoient pas même l’uiàge du felj Homère nous le témoigne, quand il ait en parlant d’eux
[i] C’cft un peuple fauvage, Il ignore du tel le falucairc ulàge. Et jamais de la mer n’a couru les hazards. Aufli Pyrrhus battu fut-il.trop heureux de regagner Tarente [a] avec le peu de vaiflèaux qui avoient pû échapper à l’ennemi. Revenu en Italie il eut encore la fortune contraire, de forte que prenant confeil de l'état de lès affaires, il ne fongea plus qu’à dérober (à fuite aux Romains, qu’il fçavoit bien n’être pas d'humeur à fe contenter d'une demi vi&oire; voici donc comme il prépara fa retraite. Après avoir combattu malheureusement contre les Romains depuis Son retour de Sicile, il envoya des couriers à tous les princes de l’Afie & à Antigonus, avec des lettres par lefquelles il demandoit aux uns de l’argent, aux autres des troupes, & à Antigonus troupes & argent. Ces couriers revenus, il aflèmble un confeil compofé des plus diftinguez. d’entre les Tarentins & les Epirotes , fe donne bien de garde de leur montrer la réponfe qu'il avoit reçue, mais il les aflùre qu’il doit lui venir au premier jour un renfort confidérable. Aufli-tôt la nouvelle fe répand jufques dans l’armée des Romains qu’il vient à Pyrrhus de puiflans fècours & d’Afie & de la Macédoine, ce qui les empêcha de rien entreprendre j & la nuit fuivante Pyrrhus fit voiles vers ces côtes d’Epire que l’on appelle les monts [ 3 ] Cérauniens. par le commerce des mers. Les Cartha- nom à un golfe, & aux tarantolcs, et ginois çtoient Phéniciens d’origine, pccc d’araignées fort venimeufes en ce puifquc leur ville avoit etc bâtie par pays-là. Didon qui fortoit de Tyr, capitale de [5] /’»» appelle les monts Cérauntens, du mot grec ,fulmen, la Phénicie. [ 1 ] C'r/Î un peuple fauvage, &c. la fii<dre , pareeque leur hauteur les Cette citation eft du livre onzième de expofe à être fouvent frappez de la foul'Odyflïe. dre, ce qui a fait dire à Horace, [1] /lufli Pyrrhus battu fut-il trop heulnfamn ftofulos atmeeraunia. reux de regagner Tarente. Cette ville On les appelle à prefent les montagnes s’cft appcllée Tarai, & Œbalia i c’cft à de la Chimère, elles font entre l’Epirc prefent une ville de la Pouïllc dans le & l'Albanie, royaume de Naples ; elle a donné fon
40 P a u s a n i a s, Liv re ï. Enfuitc s’étant un peu remis des pertes qu'il avoit faites contre les Romains, il déclara le guerre à Antigonus fous prétexte de plulieurs mccontentemens , mais fur-tout pareequ’il avoit manque de le fecourir durant fes guerres d’Italie. Dès le premier combat il tailla en pièces l’armée de ce Prince, & non feulement fes troupes, mais un corps de Gaulois qu’il avoit à fa fôlde, 8c il pourluivit Antigonus jufques dans les places qu’il tenoit le long de la mer. Cette vidoire valut à Pyrrhus la haute Macédoine & toute la Theflalie ; on peut juger combien elle lui fut glorieufe, par les bouçliers des Gaulois que l’on garde encore dans le temple [ i ] de Minerve Itoniene entre Phéres[z]& Lariflè, & qui y furent confacrez avec cette inscription :
Des fuperbes Gaulois Pyrrhus vidorieux, Te confacre, ô Pallas, ces marques de fa gloire; Ce héros à fon char enchaîna la vidoire, Et fit revivre en lui fes illuftres ayeux. Il appendit auflî dans le temple de Jupiter [ j ] à Dodone les (dépouilles des Macédoniens avec cette autre infeription
Le Macédonien fier tyran de l’Afie Déjà donnoit des fers à la Grèce aflërvic, Pyrrhus de cet affront voulut être vengeur, Et ces calques font voir que Pyrrhus fut vainqueur. Peu s’en fallut que ce prince ne conquît toute la Macédoine ; mais quoiqu’il fut plus capable qu’un autre de profiter des occafions, cependant Cléonyme lui en fit manquer une belle, en lui perfuadant de tourner fes armes du côté du Pcloponnefè. Cléonyme étoit de Sparte, ce qui ne l’empêcha pas de conduire une armée jufques dans le fein de fa patrie ; j’en dirai la raifon apres que j’aurai fait connoître fon extraction. Paufanias, [i] Déni le temple de Minerve fto[5] Dans le temple de Jupiter à Deniene. Cette déeflê étoit ainfi fumom- done. Dodone étoit en Epirc dans la mée, pareeque le temple dont il eft par- Thcfprotic; il n’y avoit pas en Grèce lé avoit été bâti par Itonus fils d’Am- un oracle d’une plus grande antiquité phiélyon, comme Paufanias le dira lui- que celui de Dodone ; on tient qu’il même dans fon voyagede la Béotie. fubfiftoit dès le temps des Pélalgcs, les [ z] Entre Phérct & LtrijJe. C’étoient plus anciens peuples qui ayent habité deux villes de la Theflalie, la première la Grèce, & que ce furent eux qui bâavoit été bâtie par Phércs fils de.Cré- tirent le temple de Jupiter Dodonccn, théüs, êcla féconde fur le fleuve Pcnée, Z». «.« dit Hopar Acrifius. mère dans l’Iliade Liv. 16. celui
Vo y a g e d e l ’At t iq u e . 41 celui qui commandoit les Grecs au combat de [ 1 ] Platcc, eut pour fils Pliftoanax, lequel fut père d’un autre Paufanias qui laifl'a un fils nomme Clcombrote, celui-là même qui 1 Lcuâres[ ijfut eue en combattant contreEpaminondas le Général des Thébains. Clcombrote laiflà deux fils, Agéfipolis Cléomene ; le premier étant mort fans enfans, Cléomene fon frere lui fuccéda & eut aufli deux fils , fçavoir Acrotatc qui
étoit l’aîné, & Cléonymele cadet. Acrotatc mourut avant fon pere Cléomene qui ne lui furvccut que fort peu} mais il laiflà un fils nommé Aréüs, & la divifion fe mit entre lui Se Clconyme fon oncle, chacun d’eux voulant régner. C’eft au fujec de cette querelle que Cléonymequi vouloit emporter le royaume fur Ion neveu, attira toutes les forces de Pyrrhus contre fa patrie. Il faut remarquer que jufqu’au combat de Leuélres les Lacédémoniens n’avoient pas encore eu la moindre difgrace à la guerre ; aufli fe vantoient-ils de n’avoir jamais été vaincus, tant qu’ils avoient combattu à pied. Car aux [ 3 ] Thermopyles fous la conduite de Léonidas, ils eurent fi bien la victoire entre les mains, qu’il ne fe feroir pas fauvé un feul Perfe, fi le foldat avoir pû fuffire à tuer une fi prodigieufe quantité d’hommes ; & ce qui s’etoit paflé à l’île de [ 4 ] Sphaflérie, où les Athéniens commandez par Démofthéne avoient eu quelque avantage, étoit plutôt une rufe de guerre & s’il faut ainfi dire, un larcin, qu’une victoire. Ce fût donc à Leuctres qu’ils furent battus pour la première fois. Leur fécondé défaite fut beaucoup plus confidérablc, Antipater & les Macédoniens en eurent toute la gloire. Le troifiéme coup leur fut porté par Démérrius, lorfqu’il entra avec une armée dans leur pays comme ils s’y attendoient le moins. Se voyant donc attaquez pour la quatrième fois par Pyrrhus, ils joignent leurs forces avec
[i] Ah combat de Platée. Platée étoit duite de Léonidai. Cet exploit de guerre une villedelaBcoticfur les confins de eft le plus mémorable & le plus beau rXttiqne. qui (bit rapporté dans toute l’hiftoire [1] A Leuüres. Autre ville delàBéo- des temps paflez ; on en peut voir le ric ; dans la fuite il fera amplement par- détail dans Juftin Liv. 1, ch. i r. le de la journée de Platcc, où les Pcrfcs [4] Axprèi de Pile de Spbafléne. Pecommandez par Mardonius furent bat- tite île vis-à-vis de Py los dans la Meftus , & de celle de Lcuélres qui fut fi fënie. Paufanias dans la fuitcdefa narfatale aux Lacédémoniens. ration reprendra tous ces faits qu’ri tou15 J Aux Tbermefjlei f,m U «g. che ici iculcmcnt en pallânt. Tsmt I.
celles des Mellcniens & des Argiens, Ce marchent i Pennemi ; mais ils ne furent pas plus heureux cette fois-ci que les autres ; Pyrrhus remporta la vidoire, peu s’en fallut meme qu’il n’entrât dans Sparte & ne la prît; heurculèment pour eux il s’amufa à faire le dégât dans la campagne, & à enlever tour ce qu’il put} cela donna le temps aux Lacédémoniens de refpirer, & de mettre la ville en état de foutenir le fiége, outre 3ue dès auparavant â l’occafion de la guerre de Démétrius, s avoient fortifié cette ville par des follêz fort profonds, par de bons remparts & par plufieurs autres fortes d’ouvrages, même par des tours aux endroits qui étoient de plus facile accès. Sur ces entrefaites 8c durant que Pyrrhus étoic occupé contre les Lacédémoniens, Antigonus qui avoit déjà repris la plupart des villes de Macédoinç, vint camper avec fon armée au milieu’du Péloponnefe; il fe doutoit bien que Pyrrhus apres s’être rendu maître de Sparte & d’une partie du pays, au lieu de retourner en Epire, ne manquerait pas de fondre fur la Macédoine , & il vouloir faire diverfion. Mais au momenc qu’Antigonus fortoit d’Argos pour s’approcher de Lacédémone , il vit Pyrrhus qui venoit à lui, de forte qu’ils ne furent pas long-temps fans fe joindre. Il y eut là un grand combat entre ces deux princes ; Pyrrhus eut l’avantage & pourfuivic les fuyars jufques dans Argos ; mais fes troupes s’étant débandées comme il arrive en ces octafîons, pendant que les habitans combattent pour leurs dieux & pour leurs foyers, Pyrrhus abandonné des fiens fut blefle mortellement à la tête ; on dit que ce fut d’une tuile qu’une femme lui avoic jettée du haur de là maifon. Les Argiens allurent que c’étoic Cerès elle-même [ i ] qui avoit pris la figure de cette femme ; voilà comme ils racontent la mort de ce prince, & Leucéas [ i ] qui a écrit l’hiftoire de ces peuples en vers, rapporte la même chofe ; enfuite avertis par l’Oracle ils bâtirent un temple à Cerès dans Argos au même lieu où Pyrrhus avoit été tué, & l’on y voit [ t ] ^ue c'était Cens eUe-méme, &c. Dans tous les temps ces fortes de miracles ont trouvé créance parmi le peuple , les poètes ont beaucoup contribue i les accréditer, & les hiftoriens enlüitc fc font crus obligez d'en faire
mention pour ne fc pas rendre fulpcds d’impiété. [*] Et Leucéus qui 4 écrit ChiflainJe ces peuples. Ce poète étoit d’Argos, il eft cite parplulieurs Ecrivains Grecs* du refte fort peu connu.
VOTACE DE L’At TIQUE. 45 encore fa fcpulturc. Ce qui me parole ftngulicr, c’eft que la mort de la plupart des Eacidcs a etc accompagnée de circonftances mcrveilleulcs ; & que quelque divinité y a toujours eu part. Achille, fi nous en croyons Homere, fut tué par Alexandre [ i ] fils de Priam, & par Apollon ; Pyrrhus fon fils fuc aufli cué à Delphes par ordre de la [1] Pythie ; celui-ci enfin mourut de la main de Cerès au rapport de Leuccas & des ArSiens. Cependant Jeronyme de Cardie raconte fà mort avec es circonftances differentes -, mais comme cet hiftorien avoir etc honoré de la familiarité d’Antigonus, il n'a guère pû fe difoenfer d’ecrire félon les mouvemens de fon cœur & de fon affection. En effet fi l’on pardonne à Philifte[j]d’avoir dillîmulé les crimes de Denys le Tyran, pareequ’il efpcroit obtenir de lui fon retour à Syracufè, à plus forte raifbn doit-on exeufer Jeronyme de Cardie d’avoir été favorable à Antigonus. Voilà donc quel fut le terme de la puiflance des Epirotes. _____ Quand vous ferez à Athènes dans le lieu dont je parfois & Ch a p . Îui eft deftiné à la mufique, vous trouverez plufïeurs chofes XIV« ignés de votre curiofité , mais fur-tout une fort belle ftaruc de Bachus. Près de là cft une fontaine qui donne de l’eau par neuf [4] tuyaux, & qui de là a pris fon nom ; c’eft Pififtrate qui l’a ornee comme elle eft. Il y a par-tout des puits dans la ville, mais de fontaines , il n’y a que celle-là [ 5 ] feule. Plus haut font deux temples; l’un de Cerès, l’autre de Proferpine, où il y a une ftatuc de Triptoléme ; je vais raconter ce que l’on dit de Triptoléme, fans m’arrêter aux [6] fiables que l’on débité
pjZiirmeyarzfZrxaiiAe.Cefilsdc Priant cft plus connu fous le nom de Paris. [1] Par trite de U Pythie. C’cft-àdire, de b prétrefle d’Apollon, & celle qui rendoit les oracles. [tl Si r*n fftdtnne ù Phihfte, &C. Philiftc de Syracufe a vécu fous les deux Denys; il cft mort en b 106e Olympiade. Denys d’Halicamaflè parle de Philiftc comme d'un Hiftorien médiocrc qui a voulu imiter Thucydide, mais qui cft demeuré fon au deflôus de fon original. [4] IZw [naine qui dtnue de Peuu fur neuf tuyaux. C’cft à caufe de ccb qu’elle étoit appdlcc Har-
pocration & pluficurs autres Auteurs nous apprennent qu’on b nommoit auflî b fontaine de Cuhrtbé. [fjMtie de fntfines, il tty a oui cele-li feule. Cependant Platon, Thucydide, Vitruvc,Pline, Martianus Capella, Hefychius, &c. parlent de pluficurs fontaines qui étoient à Athènes; comment accorder leur témoignage avec celui de Paufanias ? rien de fi ail?, II n’y avoit qu’une feule fontaine, c’cftà-dire une feule fource; mais elle étoit fi abondante que par neuf canaux fouterrains elle diftrtbuoit de l'eau dans pluficurs quartiers de b ville. [<S]Saas m'arrêter uuxfuHes que Tun débite fur Dtitfé. Le feoluftc de Sa-
44 Pa v sa Xia s , Livul. fur Dcïopc. Entre les Grecs ceux qui dilputent le plus aux Athéniens la gloire d’être les plus anciens [ i ] & les plus favorifèz fies dieux, ce font les Argiens, comme parmi les barbares les Egyptiens le dilputent aux Phrygiens. On tient donc 3ue Ccrès étant venue à Argos, Pclafgus[ i] eut l’honneur e la recevoir chez lui, & que là Chrylantis lui apprit l’enle.veinent de là fille ; qu’enfuite le grand Prctre Trochilus ayant etc oblige de quitter Argos à caulê de la haine d’Agénor, il fe retira en Attique où il époufa une femme d’Eleufis, dont il est deux fils, Eubuléüs & Triptoléme ; voilà ce que dilène les Argiens. Mais les Athéniens & tous les peuples de l’Attique font perfuadez au contraire que Triptolcme étoit fils de Cé-. leiis, &c qu’il apprit le premier aux hommes l’art de cultiver la terre & de faire venir le blé. Mufée dans fes vers, fi les vers qu’on allégué font de lui, dit que Triptoléme étoit fils[3] de l’Océan & de la Terre; &c Orphée, fi l’on peut croire quç nous ayons quelque chofe d’Orphée, raconte qu'Eubuléüs& Triptolémc étoient fils deDylaulès; que ce furent eux qui donnèrent avis à Cerès de l’enlevement de fa fille, & que Ccrès pour récompenfeleur apprit à femer du blé. Enfin Chœrilus[4] Athc-
phocle dans l’Œdipe Colone fait cette Dcïopé fille de Triptoléme & mere d’Eumolpe l’inftitutcur des myftéres de Ccrès à Elcufis ; à l’égard de la fable que Paufanias ne daigne rapporter, je ne connois aucun mythologue qui en ait fait mention. [l] La gloire d'être les plus anciens, 6-c. Les Athéniens fe vantoient d’être . indigent , aujfi anciens que la terre qu’ils habitoient, &fortisde cette terre meme,ce qu’ils prenoientaupied ’de la lettre. Jufqu’au temps de Thucydidc ils avoient porté dans leurs chcveux de petites cigallcs d’or ou d’argent, comme un fymbole de leur antiquité, dans la penfee que cet infééle étoit engendré de la terre ; c ctoit-là unc de leurs folies, comme de plusieurs autres peuples, fur-tout des Phrygiens, des Egyptiens & des Scythes. Voyez ' JuftinL.i.ch. 11 .J'attribue cette manie adcuxcaufcs, 1*. A l'orgueil naturel à l’homme & qui lui fait toujours méconnaître fôn origine, t*. Al'ignoran-
ce des premières peuplades qui n’ayant encore le fêcours ni des arts, ni des lcttrès, n« purent tailler aucun monument à leur poflérité, ni lui donner à connoître d’où elles croient fôrtics. [1] Pélafgus eut rhonneur de la reccvoir cher. lui. L’auteur entend ici Pelafgus fils de Triopas, & non ce Pclafgusqui fût le premier roi d'Arcadie. [ 3 ] .Que Triptoléme étoit fils de rOcéan & de U Terre. C’cft-à-dire qu 'il étoit fi ancien qu’on ne pouvoir trouver la trace de fôn origine. Il ne faut pas prendre au pied de la lettre ce que difentlcs anciens poètes & les mytholoques. [4] Enfin Cbtrnlus Athénien, cj-f. II y a eu trois poctes de ce nom; l’Athénicndontil s'agit ici eft le plus ancien; c’étoitunpoetctragiqucquiavoitcompofé 1 fo pièces de théâtre, & qui rcmporta trois fois le prix dans ces combati que les Athéniens avoient introduits pour exciter une noble émulation entre les poètes.
Vo y a g e d e l 'At t iq u e . 45 nicn dans la pièce qu’il a intitulée j4lopé conte encore cptte hiftoirc autrement ; il dit que Cercyon &Triptolcnie étoient freres, tous d’eux nez d’une des filles d’Amphictyon, niais que Rharos fut pere dcTriptolcme, 8c Neptune pere de Cercyon. Pour moi je voulois tâcher d’éclaircir ce point, 8c raconter en detail tout ce que l’on voit à Athènes dans le temple de Cercs ; mais un fonge[ i]que j’ai eu, 8c que je regarde comme un avertiilcment des dieux , m’empêche de divulguer ces myftcres ; je paflc donc à des chofes d’une autre nature, 8c donc on puifle donner connoiflànce à tout le monde. Devant la porte du temple, dans un endroit où il y a encore une ftatuë de Triptoléme, vous voyez une vache d’airain dans l’appareil d’une victime que l’on conduit à l’autel. On remarque aufli Epiménide aflis, de qui l’on raconte qu’étant un jour allé fe promener à la campagne, il entra dans un antre où accablé de lommeil il s’endormit, 8c ne fe réveilla qu’au bouc de quarante ans; il s’occupa enfuite à faire des vers, 8c par d’utiles expiations il délivra de la pefte plufieurs villes, mais particuliérement Athènes. Thalétas [z] par le même moyen fit ceflèr la pefte dont les Lacédémoniens croient affligez ; il n’étoit ni parent ni concitoyen d’Epiménidejear Polymnefte[j]de Colophon dans fes vers fur Thalétas [i] Mais KH fange qtte j'ai eu,&c. Sit trabibal, fragilem^ut mteum Cet endroit paraîtra ridicule à tout Selval fafalum, dit Hor. L. 5, Ode i.' Leéteur qui n’examine rien, & qui ne £°. Enfin, que félon toute apparence Lçait pas. f. Qu’il n’y avoit rien de Pau lamas ctoit du nombre des initiez. plus augufte, de plus factc en Grèce Tout cela fuppolc , on ne s’étonnera que les myftères de Ccrès. a». Que les plus que l’auteur fous prétexted’un fonplus grands personnages non feulement ge ou d’un avertiflèment des dieux indelà Grèce, mais de Rome avoient la terrompe tout d’un coup fâ narration, dévotion d’être initiez à ces myftcrcs, qu’il ne pouvoir continuer fans bleflct témoin le Scythe Anacharfis, quand il fa religion & ûns fc deshonorer. eut etc fâitcitoyen d’Athènes, Atticus, [a] Thalétas parle même maten. Le Augulle memc.&c. j°. Que l’objet de cette efpece de confiai rie ctoit de ren- Grec dit Tbalei, mais comme les auT dre meilleurs & plus vertueux ceux qui très auteurs l’appellent Thalétas, j’ai s’y cnrôloicnt. 4". Qu’il étoit défendu mieux aimé les fuivre, de crainte qu’on aux initiez, meme fous peine de mort, ne confondît ce Thaïes avec le célèbre de divulguer les myftères delà déefTe, Thaïes de Milet. [ ; ] Pabmnefte de Colophon , &c, & que ceux qui vioioient cette loi étoient ccnfcz avoir encouru l’ire & Pindare & Plutarque ont tait mention de cc poète; il avoit inventé une nou? l’indignation des dieux ; vclle efpece de vers, que de fon nom -------- fitake jui Carmi fatnua l’on appellent vtn Palp^ne/heni. Vnliarit artana, fut iifdem F ii)
4C P A U $ A N I A 5 , Liv r e ! qu’ij adreflà aux Lacédémoniens dit qu’Epiménide étoit[i] Gnoflicn, & Thalctas Gortvnien. Un peu plus loin vous trouvez le temple[iJd’Euclée, bâti du butin fait fur lesPerfesqui avoient débarquez à Marathon. De toutes les victoires remportées par les Athéniens, je vois qu’il n’y en a point dont ils fe
glorifient tant que de celle-ci} car Efchyle Tentant approcher la fin, ne tira fa gloire ni de lés grands talenspour la j>oëfie, ni même des belles allions'qu’il avoit faites devant Artémifium, & au combat de Salamine ; mais il mit à la tête de fon épitaphe [ j] tout Amplement fon nom & fa patrie, puis il apoftropha Je bois de Marathon & les Perfes comme témoins de fa valeur.
Au delTus du Céramique & de ce portique que l’on nomme le portique du roi, eft un temple de Vulcain, où je ne m’étonne pas que l’on ait mis une ftatuë de Minerve, quand je penfe à ce qui fe dit de la naiflànce [4] d’Eridhonius. Quant à la déefiè, elle a les yeux pers, ce que je crois fondé fer une fable qui a cours parmi les Libyens 5 car ils difent que Minerve étoit fille de Neptune & de Tritonis nymphe d’un marais, & que pour cela on lui donne des yeux pers comme à Neptune. Près de là vous avez le temple de Venusüranie[5]oulaCélefte,que les Aflyriens [6] ont honorée avant tous les autres peuples. [1] Gnofien , Gortpnien. Gnoflc & Cortynium croient deux villes de l’îlc de Crète. trouvez. le temple d'Euclée. Euclée étoit un fumom de Diane, mais félon quelques auteurs il y a eu une Euclée fille d’Hcrcule ; ce mot purement grec lignifie iUufire, renomme'. [ ;] Mais il mit à la tête de (on épitaphe , dre. Amafce l’interprète latin s’cft bien trompé en cet endroit ; cependant rien n’cll plus fimplc que ce quedit Paufanias. Efchylevoulant faire fon épitaphe commence par apprendre à la pofteritc fon nom & là patrie, puis il apoftrophe les Perfes & la plaine de Marathon comme les temoinsde fit valeur. On voit au refte que Paufanias ne doutoit point que cette épitaphe en quatre vers grecs qui eft dans toutes les éditions des œuvres d'Efchylc, ne fût Véritablement de lui. [4] « fui fe *< de h natfanco
tTEridhonius. Apollodore L. 5, rapporte que Vulcain ayant pris de l'amour pour M inerve, lui fit une cfpece de violence , dont naquit Eriâhonius. Voilà ce que Paufanias a voulu dire. ($1 Le temple devenus Uranie on la Ceielle. Venus la Cclcftc n’infpiroit que l’amour du beau & de l’honnctc ; les affalions vicicufes & déréglées vendent de la Venus vulgaire. Platon marque admirablement bien la différence de l’une & de l’autre dans fon banquet; mais je doute que la Venus Uranie de Platon foit celle dont il eft parlé ici. [<f] ^ne les Jjfyriens, dre. Cicéron qui au Liv. 3, de la nature des Dieux diftinguc quatre Venus, dit que la 4' étoit la Syrienne, née à Tyr, qui fe nommoit Aftartc, & à qui l’on donnoir Adonis pour époux. D’autres croyent que les Syriens & les Aflynens fous le nom d’Allai te honoroicnt la Lune.
V O Y A G E D E I? A T T T QU E. 47 C’eft d’eux que les habitans de Paphos dans l’ilede Chypre ont reçu le cuire de cecce décflè, qu’ils communiquèrent a ce? 3les de la Phcniciefi] qui habitent la ville d’Afcalon, lef> enfiiite le portèrent eux-mêmes [i] à ceux de Cythére> mais c’eft Egée qui l’a introduit à Athènes. Comme ilfe voyoit fans encans, car il n’en avoit point encore, il atrribuoit ce malheur à la colère de Venus Uranie, auflî-bien que l’infortune de fes [ j ] fœurs ; fa ftatuë qui le voir de nos jours dans le temple de la dèeflè eft de marbre de Paros, & c’eft un ouvrage de Phidias. Les Athmonèens qui compofènt un des cantons de l’Attique, ont auflî un temple de Venus la Cèlefte, bâti, difent-ils, par Porphy rion, qui fi on les en croit, régnoit dans l’Attique long-temps avant Acftèe } car ces cantons ou bourgades ont leur tradition particulière, & bien différente
des opinions reçues à Athènes. . En allant au Pœcile, c’eft un portique que l’on a ainfi nommé Cha p . [4] â caufe de la variété de fes peintures, vous rencontrez un x v-
Mercure en bronze ; il eft repréfenté fous le ticre d’Agoreüs ou de divinité qui préfide aux marchez. Après eft une porte, ou pour mieux dire une efpece d’arc de triomphe, que les Athéniens on^ibâti pour fervir de trophée à ceux qui enfoncèrent la cavalerie de Caflànder, & le corps de cavalerie étrangère qu’il avoit à fa folde, l’un & l’autre commandez par Plifiarquefon frere. Quand vous êtes dans le Pœcile, le premier
tableau qui fe préfènte à vous, c’eft le combat des Athéniens avec les Lacédémoniens à (Enoé, qui eft un bourg de [ 5 ] l’Argolide. Le deflèin du peintre n’a pas été de faire l’image d’un combat dans le temps qu’il eft le plus échauffé , & que chacun des combattans ramaffe tout ce qu’il a de force & de
[ 1 ] A ces peuples de la Phénicie qui gaire, mais nullement à Venus Uranie, habitent la ville d'Afcalon. Il entend la ou laCélelle. Syrophcnicic & la Paleftinc. Afcalon [5] Aufli-bien que Finfortune de fes étoit une ville de Syrie , proche de h fleurs. Egée avoit deuxfirùrs, l’une dont on ignore le nom cpoufâSciron fils de Judce. [1] A ceux de Cjthére. Si c’êtoit la Pylas ; l’autre étoit Procrys femme de Venus Uranie de Platon que l’on hono- Céphale > fi connue par fa malheureufc roit dans les premiers temps à Paphos avanture. [4] ■S?** ^on “ ■,lnJ' "ommé, &c. Du & à Cythérc, il faut avouer que les poètes ont étrangement abufé de leur bourg de l’Argolide. On privilège ; car ce qu’ils ont dit de ces deux îles convient fort à Venus la vul- appclloir ainfi tout ce qui compoiôif l’Etat d’Argos.
48 P A ü 5 A N I A S , Lj VKET. courage pour remporter la vi&oirc j mais il a pris le moment que deux armées qui font en préfcncc commencent à s’ébranler pour en venir aux mains. Au milieu du mur on voitThcfce qui à la tête des Athéniens combat les Amazones ; ce font les feules femmes que le mauvais fuccès n’ait jamais pù dégoûter de faire la guerre ; car après qu’Hercule eut pris Thérflifcyre, 8c que les troupes qu’elles avoient envoyées contre Athènes curent été défaites, elles ne laifTérent pas d’aller au fecours de Troye, pour combattre encore contre les Athéniens & contre toute l’armée des Grecs. Le tableau fuivant repréfènte les Grecs qui faccagent Troye, 8c leurs chefs qui tiennent confeil fur l’attentat ( i ] d’Ajax contre Caflàndre ; vous y diftinguez Ajax lui-même, fie dans un groupe de captives la malheureufê Caflàndre. Le dernier tableau [1] eft la peinture du combat de Marathon ; vous y voyez d’un côté les Athéniens avec les Platéens, peuples de Béotic 8cles fidèles alliez d’Athénés, de l’autre côté les Perfes -, il femble d’abord que l’avantage foit égal de part fie d’autre ; mais â l’endroit du tableau otï le combat eft déjà plus engagé on voit les barbares lâcher pied, s’enfuir 8c fe culbuter les uns les autres en voulant pafler un marais 5 au bas du tableau font les vaifleaftx Phéniciens que les barbares tâchent de regagner, mais les Grecs qui les pourfuivent en font une horrible boucherie. En ce même endroit eft le portrait de Marathon, ce héros qui avoit donné fon nom au champ de bataille. Le peintre n’y a pas oublié Théfée qu’il repréfente fortant [3] de deflbus terre, ni Mi-
[ 1 ] Sur rattentat iTAjax contre CaJ/andre. Durant le fàc de Troye Ajax fils d’Oïlèe roi des Locriens , viola Caflàndre fille de Priam dans le tempic même de Minerve, ce qui attira le couroux delà deefle fur lui & fur la flotte des Grecs > qui fut di/pcrfèc & long-temps errante , comme tout le monde fçait. C’eft fur cet attentat que les chefs des Grecs tiennent conlcil. [ 1] Le dernier tableau, &c. Pline nous apprend que ces trois tableaux & tout le Pœcile , une des principales beautez d’Athènes, furent peints par les deux plus grands peintres de leur temps, Polygnote de Tijazc, & Micon
Athénien ; ils furent les premiers qui firent ufagede l’ocre jaune &qui employèrent quatre couleurs ; car avant eux on ne fc fervoit que d’une feule , ce qui fàifôit donner aux tableaux de ce temps-là le nom peu avantageux de , ou Polygnote & Micon portèrent tout d’un coup la peinture prefquc de l’cnfàncc à la perfeèlion. [,]The'fe'equ'il repréfimtefortant de delîoui terre. Le peintre avoiten vûS la fable qui dit que Pirithoiis & Thèlêe ètoient defeendus aux enfers pour calever la femme de Pluton. nervej
V o y a c e DE l ’Att iq u e . 49 nervc, ni Hercule aue les Marathoniens ont révéré comme un dieu avant tous les autres Grecs. Parmi les combattans, ceux qui paroiflênt effacer les autres font [ i ] Callimachus, le premier que les Athéniens euflènt honoré de la dignité de Polémarque, Miltiade un des chefs de l’armée Athcniene, & le héros Echetlée[i] dont je parlerai dans la fuite. Outre ces tableaux on voit des boucliers qui font attachez à la muraille avec une infeription qui porte, que c’étoient les boucliers des Scionéens [3 ] & de quelques troupes auxiliaires qu’ils avoient avec eux ; il y en a encore d’autres que l’on a frottez de poix pour les défendre de la rouille & de l’injure du temps} on dit que ceux-ci avec quelques autres dépoüilles ont été pris fur les Lacédémoniens dans l*île de Sphafterie. __
Le devant de ce portique eft orné de ftatucs -, je me fou- Cha p . viens d’y avoir vû celle de Solon [4] qui a donné des loix aux XVI. Athéniens, & un peu plus loin celle de Séleucus, qui fur d’heureux pronoftics put avoir quelque efpérance de fa grandeur future} car un jour qu’il fe difpofoit à partir de Macédoine avec Alexandre, & qu’il facrifioit à Jupiter [ 5 ] dans la ville de Pella, le bois qui étoit fur l’autel parut s’approcher de la ftatuc du dieu & s’allumer de lui-même. Après la mort d’Alexandre , ce même Séleucus appréhendant Anrigonus qui venoit à Babylone avec une armée, fè réfugia pres se Ptoîcmée fils
I
t] Cnttiuucbus le frémi er que les [ 5 J Les boucli ers des Scionéens. Scione émeus enflent honorede U dignitéde étoit une ville de Thrace; Stcphanus Polémurque. Je dis CMmeebuspovaic dit qu’elle fût bâtie par des Grecs qui diftinguer du poète Callimaquc. Ama- revenoient du fiege de Troye. fee l'interprète latin de Paulânias n'a pas f+] Celle de Solon. Solon l'un des entendu le mot ■nos.isufgù,, qui félon fépt figes de la Grèce abrogea les loix Cafâubon ne lignifie pas commander de Dracon & en donna d’autres aux l'armée, mais eue revêtu de la charge de Athéniens; fa naiflànce étoit illullre, Polémarque ; cette charge étoit moins car il defeendoit de Codrus roi d’Athèmilitaire que civile; fes fonctions font nes; il fût contemporain de Thaïes , décrites dans Poilus L. S, ch. S, dedans du Scythe Anacharfis, & de Pififtrate ; Harpocration ; Je Polémarque étoit un ainfi il vivoit environ 600 ans avant des neuf Archontes. Callimachus fût Notre-Scigncur. tué au combat de Marathon, & avoir [$] Dons In ville de Petto. C’étoit cté honoré, le premier de cette dignité. [i]Ze héros Ecbetlée. Le texte porte une ville de Macédoine, c’eft pourquoi Ecbetlus, mais il faut lire Ecbetlée, Juvenal a dit en parlant d’Alexandre le Grand, comme dans le ch. 51 de ce meme livre, où l'auteur parle plus amplement 'l’uni h Une /«vrai nou Jisffuit erbù,. de ce héros. Tome I. G
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JQ Pa u sa n i a s , Liv r e !. de Lagus} mais étant retourne à Babylonc, il tailla en pièces l’armcc d’Antigonus, & Je tua delà propre main. Enfuice il livra bataille à Démétrius fils de ce malheureux prince, &. non feulement le battit, mais le fit prifonnier. Sa fortune n’en demeura pas là ; car apres le delâftre &c la chute de Lyfimaque , il donna l’empire de l’Afie à Ion fils Antiochus, &. reprit le chemin delà Maccdoine avec une armée compofee de Grecs & de Barbares. Ptolcmée arrêta le cours de tant de profperitez. Ce prince frere de Lyfandra avoit été obligé peu de temps auparavant, d’implorer le fecours de Séleucus concrc Lyfimaque ; mais Lyfimaque n’etant plus à craindre t Ptolémée fe détacha de Scleucus, & avec cette incroyable virefle qui lui avoit fait donner le nom de foudre , il arma contre lui. Cependant Séleucus s’approchoit de Lyfimachie avec fon armée} des que Ptolémée en eut des nouvelles certaines, il lui drefia des embûches f i-] où il le fit [ z] périr. Par la mort de ce prince Ptolémée le vit maître de beaucoup dc richcfles qu’il abandonna à [3] ceux qui avoient tendu le piège à Scleucus , & pour lui il fe rélërva la Macedoine donc il ne jouit pas Iong-cemps ; car ayant eu l’audace de combattre en bataille rangée contre les Gaulois , ce que nul autre roi que nous fçaehions n’avoit fait avant lui, il y périt, & aullï-tor Anrigonus fils de Démétrius rentra en poiléiÊon de la Macc«
doine. Pour Séleucus, je crois qu’il furpafla tous les autres rois en juftice fie en pieté ; car cet Apollon de bronze que Xerxès avoit enlevé aux Miléfiens pour le faire tranfporter à [4] Ecbatanc, Séleucus le renvoya a [ y ] Branchide } & après
[ 1 ] Il lai drefa det embûche!. Au lieu de je lis avec Kuhnius, cc qui fait un fens plus conforme à ce que rapporte Juftin L. 17,ch. 1. [zj Où il le fit périr. Telle for la fin de cc Séleucus, qui à caufe de fes viâoites fut furnommé TYicaavrou Nteattri il voit ftirvécu à tous les Generaux d’Alexandre, il les avoit tous vaincus, & fe glorifioit d’être le vainqueur des vainqueurs ; il ne Içavoit pas,ditJuftin, que lui-même devoit être bicn-tôt un grand exemple de la fragilité des chofes humaines; ignaruiprenui naa malta pojffra^tlitatiihumans fe ipfam excmplum futurum.
[y ] A ceux qai aveieat tenda le piégé i Séleacas. J’ai fuivi encore ici la corrccliondeKuhniusquiliti»'C ’»*i'»wr', injtdùntibas, au lieu Cnaîwi, regibat, qui fait un fens ridicule. (4] Aax Adilefienr fur le faire trait. /fartera Etbatane. Milet ctoit une ville cotifidérablc d’Ionie dans l’Afie mineure. Thaïes un des fept Sages de la Grèce, Anaximandrc, Anaximéne, Pictacus, Hccatce, croient de Milet. Xerxès enleva aux Miléfiens une belle ftatue d’Apollon, & la fit tranlporrer à Ecbatanc capitale delà Médic. [ f ] A Erancbtde. C croit une ville dans le territoire des Miléfiens. Apol-
Vo y a g e d e l 'At t iq ^u f , jr avoir bâti Scleucie fur le Tigre, véritablement il la peupla de Babyloniens, mais il ne tope ha ni aux murs de (i) Babylone, ni au temple de Bclus, & meme il permit aux Chaldeens d’habiter les environs de ce temple. _____ Dans la place publique d’Athènes il y a plufïeurs monu- Cha i». mens qui ne font pas connus [zl de tout le monde, comme XV1L l’autel de la Pitié, divinité que les Athéniens fouis honorent d’un culte particulier ; & ce qui autorife leur culte, c’eft qu’en effet [j] cette divinité eft d’un grand fecours dans les viciflitudes & les malheurs à quoi nous fommes tous les jours fi expofez. Si par là ils ont prétendu [4] nous recommander l’humanité , ils ont eu encore plus de foin de faire éclater leur zele envers les Dieux ; car & la Pudeur, & la Renommée, & la Vigilance ont chez eux leurs autels 5 en un mot comme la piété cft ordinairement récompenfée, on peut juger combien les Athéniens font plus religieux que les autres peuples, par la profpcritc prefcnte dont ils jouiflènt. Près de la place il y a un lieu d’exercice ou Gvmnafo, qui porte le nom aePtolcméefon fondateur; on y voit des Hernies ou Mercurcs en marbres, de figure quarrée,qui font d’une grande beauté. Ptolcmée y eft en bronze auflî bien que Juba [ 5] le Libyen, & Chryfippc [6] de Soli. Le temple de Tncfée n’eft pas loin de là; vous v trouverez de fort belles peintures, premièrement le combat des Athéniens contre les Amazones, Ion y rendoit les oracles dans un temple qui par cette raifon devint fon célébré 8c fon riche. Xerxès le pilla, 8c en enleva letrclôrqui lui fot livre par les habitons memes. Voyez Strabon. L. 14. [ 1 ) Ni aux mxn de Bibrlone, ni en temple de Be'htr. Rien sic plus célébré dans 1 antiquité que ces murs 8c ce temple. Vous en pouvez voir la delcnption dans Hérodote 8c dans Quinte-Curie. [a] ire font pu connut de toat le monde. La verfion latine d’Amalce pèche en cet endroit. [ }] Ceft an en effet cette divinité eft fnngrnndficoun. Dans cet endroit du texte je lis <«pour.’ quien noublelefens. [4]Si par li ils ont prétendn, &c. hntitc-c a tendu pitoyablement ces
deux ou trois lignes ; ;c fuis obligé d’en avenir, pareeque pluficurs de ceux mêmes qui ïçavcnt le grec fe contentent de lire la verfion latine, qui les induirait en cneur, fi je n'en tclcvois les principales foutes. [ f ] .-/«//Z bien <fue ffubs le Libyen. Ce Juba étoit fils d'Hiempfal roi de Numidie ; il foivit le parti de Pompée contre Jules Cé6r, qui le vainquit 8r le dépouiilade les Etats. Il laiflà un fils nommé auflî Juba qui fot un des plus Içavans princes qu’il y ait eu. [fi-] Cfin/îéf r de Soli. Soli étoit une ville de CÎIicic bâtie par Solon ; elle s’dl depuis appellée Pompcïopohs du nom de Pompée qui la rebâtit. Chryfippe célébré Philolôphe Stoïcien étoit de cette ville, 8c Aratus aufli. G ij
jt Pa u sa n ia S, Liv r e T. & ce combat eft encore grave fur le bouclier de Minerve, & litr le piedeftal de la ftacuë de Jupiter Olympien ; en fécond lieu la querelle des Centaures avec les Lapithes, où Théfée eft repréïénté tuant de fa main un Centaure, pendant que les autres paroiflent combattre à forces égales. Le troifiéme tableau eft une énigme pour ceux qui ne fça vent pas ce que les Athéniens racontent , outre que le temps en a effacé une farde, & que Micon qui eft le peintre n’a pas achevé route hiftoire qui en fait le fujet. Il faut donc fçavoir que Minos, ayant emmené Théfée en Crète avec ces jeunes enfans [ i ] qu’il avoit éxigez des Athéniens , devint amoureux de Peribée. Théfée ne voulut point fouffrir qu’il fatisfit fa paflîon ; Minos irrité l’outragea de paroles, lui dit qu’il n’étoit point fils de Neptune , que pour marque de cela il jetteroit fa bague dans la Mer, & qu’il étoic bien fur que Théfée ne la lui rapporteroit pas. En même temps il jette fà bague dans la mer ; on dit queThéfée s’y étant jetté après , retrouva Ja bague & la rapporta avec une couronne qu’Amphitrite lui avoit mife fur la tête. Au refte les fèntimcns font fort partagez fur la mort de Théfée ; car pour fa prifon, l’on convientaflèz qu’il y fut détenu par Pluton jufqu’à ce qu’Hercule l’en tira. Ce qui m’a paru de plus vraisemblable fe réduit à ceci ; que Théfce vint dans la Thefprotie avec Pirithoüs [z] à deflein dé lui aider à enlever la femme du roi des Thefproticns ; qu’en effet Pirithoüs défirant paf-
[i ] ces jeunes enfans qu'il tvtit exigez, des Athéniens. Androgéc /ils de Minos ayant été tué à Athènes par ce terrible animal appellé le taureau de Marathon, Minos imputa là mort aux Athéniens , & pour la venger il leur déclara la guerre. Les Athéniens laflèz des maux qu’il leur caufoit , après avoir confulré l’oracle de Delphes, rélblurcnt d’appaifet Minos, en lui accordant tout ce qu’il voudrait éxiger d’eux. Il éxigea par forme de tribut que les Athéniens enveroient tous les ans fept jeunes garçons & fept jeunes filles en Ctétc pour forvir de pâture à ce monftre connu fous le nom de Minotaurc, qui étoit nourri dans le labyrinte de Crète. Théfiic indigné d’une fi cruelle
fervitude réfolut d’en affranchir fa patrie & d’aller combattre le Minotaurc ; il s’embarqua avec ces quatorze victimes que Minos avoit demandées, aborda en Crète, combattit le Minotaurc, le tua, & par cet exploit délivra Athènes d’un tribut fi inhumain. Or parmi les fept jeunes filles fur qui le fort étoic tombé, il y avoit Peribée fille d’Alcathoüs, Si cdlc-là même dont l’auteur dit que Minos devint amoureux. ( 2 ] Avec Pirithoüs. Pirithoüs fils d’Ixion roi des Lapithes avoit fécondé Théféedans le deflein qu’il forma d’enlever Hclcnc, & Thélëc à fon tour voulut lui aider à enlever la femme du roi de laThelprotie; ces deux princes forent toujours fi unis qu'on les a citez
Vo t a c ! d e L'At t i r e H fionément de l’époufer, étoit entré dans le pays avec une armée, nuis qu’ayant perdu une bonne partie de fês troupes, il avoit été pris lui & Thcfce par le roi des Thefprotiens qui les tint prilonniers dans l’île de [i] Cichyros. La Thefprotie, pour le dire en pafTant, a auflï fes merveilles, parmi îcfquelles il faut fur-tout mettre le temple de Jupiter qui eft à Dodone, & ces chcnes [i] qui lui font consacrez. Auprès de Cichyros on voit le marais Achcrufien dont il eft tant parlé, & l’Achéron qui eft un fleuve ; on y trouve auflï le Cocyte dont l’eau eft d’un goût fort défâgréable ; il y a bien de l’ap-
parence qu’Homcre avoit vifité tous ces lieux, &quec’eft[5] ce qui lui a donné l’idée d’en faire l’ufage qu’il a fait dans fa dcfcription des enfers, où il a confervé les noms de ces fleuves. Pendant queThcfée étoit en prifon, les fils de Tyndarê vinrent aflîcger [4] Aphidnc , & l’ayant prife ils rétablirent Mnefthée [y] fur le trône ; Mnefthéefe mit peu en peine des fils de Thcfce, qui auflî-tôt iê retirèrent auprès d’Elèphcnor [6] dans tous les temps comme un modelé de deux parfaits amis. . [ 1 ] Dens File de Cicbynt. C’ctoit une ville dcThcfprotie, qui a etc auflï ap[x;llée Efbprn , il en eft parlé dans Strabon. [1] Et cet chênes fui lui font confierez.. Si l’on en croit la fable, les chênes de la forêt de Dodone confacréc fpécialemcnt à Jupiter rendoient des oracles, & non feulement ces chcnes, mais deux colombes qui venoient percher defliis; c’eft pourquoi Virgile dit dans les Géorgiqucs Liv. 1.
—KemorumfHtJovi fut moximufrndtt JEfcului.xSfuebxliiloGroiiiOTMitlufamiis.
[ l ] Et fue c'eft ce fui lui 4 donne' l'idée, &c. Plutarque dans la vie de Théféeditque le roi des MolofTcs dans la Thcfprotic étoit Pluton, qu’il avoit une femme appelléc Profcrpine, une fille nommée Coté , & un chien qui s’appclloit Cerbère. D’autres ajourent que ce Pluton roi de la Thcfprotic avoit des mines d’où il tiroit de l’or & de l’argent. Le marais Achéru/icn»|’Achc-
ron & le Cocyte croient auflï dans cette contrée, comme le dit Paufanias ; tout cela enfcmble a donné lieu à l’enfer des Poètes, & à la fable qui dit que Thcfce & Pirithoiis croient descendus aux
(4] Les fils de Tinduré vinrent effiéger slpbidne. Par les fils de Tyndare il entend Caftor & Pollux. Aphidnc étoit une -ville de l’Attique.où Thcfce avant que d’aller dans la Thefprotie, avoir conduit fa merc Ethra , & Hclcnc fa mai trèfle ou peut-être fâ femme, dans la penfée qu’elles y (croient en fureté. [$ ] Ils réteblirent Afr.efthée fur le trône. Mncfthcc ou Méncfthce croit fils de Pétciis, petit-fils d’Omciis, ÿr arrière petit-fils d’Ercéthée fixicmc roi d’Athènes ; par confcquent il avoit plus de droit au royaume que Thcfce dont le pere étoit incertain, & que l’on pouvoir tout au plus fiippofer être fils d’Egée , lequel Egée n croit que fils adoptif de Pandion, comme nous l’apprenons d’Apollodore & de Plutarque. (<>] elnprh d"Elepbénor. Eléphénor croit fils de Chalcodon roi d’Eubcrc la G ii£
<4 Pa v sa h ia s , Lrvn t. en Eubœc ; mais prévoyant bien qu’il auroit un dangereux ennemi lur les bras, fi Thélcc pouvoir une fois forcir de la Thcfprotie , il ne fongea qu’â gagner les Athéniens par toute forte de careflès, 8c à obtenir d’eux que Thefée ne fut pas reçu dans Athènes. C'eftpourquoi Thèféc après faprifon prit le parti de fe réfugier en Crète auprès de Deucalion ; mais une tempête le jetta dans l’îlc de [ i ] Scyros} les habitant pleins de refpect pour un homme fi diftingué par fa naiflânee & par la grandeur de fes allions, le reçurent avec tous les égards imaginables, ce qui déplut à Lycoméde roi de cette île, & le porta à faire périr ce grand homme par des voyes cachées. Les Athéniens lui dedicrent un temple peu de temps apres le débarquement des Perlés à Marathon , 8cdans la fuite Cimon fils de Miltiade rafa Scyros pour venger la mort de Thefée, dont il rapporta les cendres à Athènes. Ce qui lèpréfentc enfuite, c’eft le temple des Diofcures [i J qui elt très-ancien ; Caftor 8c Pollux y font deboift, & leurs enfans à cheval ; leurs avantures font peintes par Polygnote, entr’autres l’enlèvement & les noces des filles de Leucippe j pour le tableau des Argonautes, il eft de Micon qui s’eft furtout étudié à bien peindre Acafte&lcs chevaux. Au deflus du temple des Diofcures eft une chapelle dédiéeà[3]Aglaure ; on raconte à ce fujet qu’un jour Minerve lui confia à elle &à lès ïœurs Herfé & Pandrofe, un coffre où elle avoir caché le petit Eritfthonius, & qu’elle leur recommanda bien de ne le pas ouvrir j que Pandrolc avoit obéi, mais que fes fœurs plus cuticules n’avoient pù s’empêcher d’ouvrir le coffre, & que venant à y trouver Eryâhonius , auflî-tôt agitées par les Furies elles s’étoient précipitées du haut de la cicadelle en bas, du côté qu’elle eft le plus efearpee, 8c par où les Perfes l’efcaladcrent dans la fuite 8c firent main-bafle fur ceux qui croyant entendre mieuxqueThemiftoclelcfensde[4] l’Oracle, s’étoient plus grande île de tout l’Atchipel, & que l’on nomme aujourd'hui le Nègrepont; ce fut Eléphénor qui mena les /ils de Thélcc au/iègcdeTroye. f i ] Dan> l’ilt de Scjrti. Cette île l'une des Sporadcs nommée à prêtent A. Geergie di Stin, étoit autrefois célèbre par la nailfancc de Néoptoléme, autrement Pyrrhus, fils d'Achille ; car
Achille étoit parent de Lycoméde, ce roi de Scyros dont parle Paufanias. [a] Des Diefcuret. C’cft-à-dirc des fils de Jupiter, Caftor & Pollux. f j] Une c tutelle dédiée à JgUart. Aglaurc & fes bruts Htrfc & Pandrofe étoient filles de Cccrops premier, toi d'Athènes. [4] Le (inudeTornete. Les Athéniens
Vo y a g e d e l 'At t io o j . H défendus par des machines de bois & par quelques ouvrages dcfortification. Si vous avancez un peu vous trouverez [ i ] le Prytanée, où l'on garde les loix de Solon écrites dans un tableau ; ce lieu eft encore confidérable par quantité de ftatuës, comme celles de la Paix, de Vefta , & de plufieurs hommes célébrés, au rang desquels eft Autolycus , fameux [*.] pancratiafte; car pour celles de Miltiade & de Thémiftocle, on en a ôte l'infeription pour mettre en là place les noms d’un Thrace & d’un Romain. En defeendant vers la ville baflè, le premier monument que vous rencontrez eft le temple de [3] Sérapis, dont Ptolémée apporta le culte à Athènes; car les Egyptiens ont plufieurs temples dédiez à ce dieu -, le plus renommé de touseft à Alexandrie, & le plus ancien à Memphis. Pour celui-ci, il n’eft pas permis aux etrangers d’y entrer, & lès propres prêtres n’ont ce droit qu’après avoir inhumé le bœuf [4] Apis. Un peu plus bas on vous montre le lieu où Pirithoüs & Théfée s’engageront à aller enfemble à Lacédémone , & de-là dans la Theforotie. Près de-là eft le temple de Lucine ; on dit que cette déefle pour fecourir Latone dans fes couches vint des pays Hyperboréens à Délos, d’où fon nom & fon culte fe répandirent en d’autres lieux j il eft certain que les habitans deDelos ïàcrifient à Lucine , & qu’encore aujourd’hui ils chantent en fon honneur une hymne que fit autrefois le Poète (y] Olen. Les Crétois qui menacez d’une irruption de la part de Xerxcs roi de Perfc, envoyèrent à Delphes pour prendre confcil de l’Oraclc ; la Pythie répondit qu’ils eufl'ent à Ce détendre par des murailles de bois. Thémiftocle comprit le fensde ces paroles , & perfuada aux Athéniens de s'embarquer fur la flotte avec tous leurs cflèts; quelques opiniâtres prirent i’Otaclc au pied de la lettre & s’en trouvèrent mal. [i] trmrrrz le Pntnnée. Le Prytancc dans les villes de la Grèce étoit à certains égatds comme nos hôtels de ville. On y entretenoit le tcu lacté, on y falloir les teftins publics, on y traitoit les Ambaflâdcurs étrangers, on y nourrifloit les citoyens pauvres qui avoient bien fervi l’Etat; mais ce n 'étoicnt-Jà que les moindres fondions
des Pry tanes, ils en avoient d’autres que vous trouverez décrites dans l’Archéologie du Içavant Anglois Potterus. [1] fameux p-incrntiafle. Les Grecs par le mot de pancratiafte entendoient un athlcttqui rcuflîflbit égalementbicn à la (impie lutc, & à la lutc compolcc. [ î ]£e temple de Serait. Ce dieu ctoit particuliérement adoré àCanopc, où il avoit un temple & des cérémonies inftituccscn ion honneur. [ 4] ^u'uprcs nvair inhumé le hteuf Afu. Ces liiperftitions Egyptiennes font rapportées dans Hérodote L. a, & dansStrabon Liv. 17. ( $ ] Le pacte Olen. C ctoit un ancien poète dcLyciequi avoit tait des hymnes faerces pour les Grecs ; ces hymnes fc chantoicnt fur-tout dans le temple d’Apollon à Délos.
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habitent la ville de Gnoflè difcnt que cette décile reçut le jour à [ i ] Amnilè, &la font fille dejunon. LesAthéniens font les Jèuls qui voilent fes ftatuës jufqu’au bout des pieds 5 ils en ont trois, dont ils me difoient que deux leur croient venues de Crète, & avoient été confacrces par Phedre; pourlatroificme qui eft la plus ancienne , des femmes d’Athènes m’ont afTuré qu’elle avoit été apportée de Dclos [z] par Eryficlhon. Avant que nous entrions dans le temple de Jupiter Olympien, il eft bon de vous dire que c’eft Hadrien l’empereur des Romains , qui l’a confacré en y plaçant cette belle ftatuë qui attire les yeux de tout le monde ; non par fa [ 5 ] grandeur, car à Rhodes & à Rome on voit auflî de ces ftatuës coloffales ; mais par fa richeflê, car elle eft d’or & d’y voire , par la proportion de toutes fes parties, en quoi l’on remarque fur-tout l’habileté de l’ouvrier. Vous voyez dans ce temple deux ftatuës de l’empereur Hadrien , faites de marbre deThaze , & deux autres de marbre d’Egypte. Sur les colonnes du temple font repréfentées en bronze toutes ces villes que les Athéniens appellent les colonies [4] d’Hadrien. L’enceinte du temple eft pour le moins de [ j] quatre ftades , & dans ce long circuit vous ne trouvez pas un endroit qui foit vuide de [i] yfvfz»ni/ê. C’étoit un port de mer pour le moinsde quatreftxde-. dans Pile de Crète, la deeflê Lucine y C’eft-à-dirc de cinq cens pas géoméavoit un temple au rapport dcStrabon. triques , car le ftade étoit de > 2 f. Ce [iJPar Er}/tiih<»i. Éryfiéthon ctoit temple auflî grand que celui de Salofils du fécond Cccrops ; il fe rendit mon , & plus grand qu 'aucun autre dont maître de Délos, y bâtit un temple à on ait connoiflàncc, excepté le feul temApollon, & voulant retourner à Athè- ple de Bélus à Babylone, pouvoirpai^ nes, il prit la ftatuc de Lucine pour la fer pour une des merveilles du monde. tranfportcr en fa patrie. Il avoit été entrepris & commencé par [5] Non fnrfn grandeur, &c. I! y a Pififtrate, continué pariés enfans Hipici deux ou trois lignes qu’il n’cft pas pias & Hipparque, enfuite par de puifpoflîblc de rendre bien exactement, fans rois, tels que Perlée roi de Macéparccque le texte eft corrompu ; tous doine , Antiochus Epiphane roi de Syles interprètes y ont été aufli embarraf- rie & pluficurs autres ; enfin il fut achefez que moi. vé & confacré par l'empereur Hadrien-, [4] Ltt colonies d'Htdnen. On ap- La conftruétion & la décoration de ce pelloit ainfi un grand nombre de villes temple coûtèrent des femmes qui paque l’empereur Hadrien avoit ou fon- roîtroient incroyables,fi l’on nclçavoit dées , ou rebâties & repeuplées. Nous qu’il ne fut achevé que plus de fept cens avons encore plusieurs médailles, frap- ans après que Pififtrate en eut jette les pées en l'honneur d’Hadrien par ordre fondemens ; vous en pouvez voir la dede ces villes, quife qualifient colonies fcription dans les marbres d'Arondel de d’Hadrien. Pridcaux avec un plus long détail, ftatuës;
VoYAcE DI L’At TIOUI,' ff ftatuës, pareeque chaque ville pour fignaler fon zélé a voulu donner la lionne ; mais les Athéniens fe font particulièrement distinguez par le magnifique Coloflè qu’ils ont érigé à ce prince, & qui eft placé derrière le temple. Cette enceinte renferme auflî plulîeurs antiquitez 5 un Jupiter en bronze , un vieux temple de Saturne & de R.hea , un bois facré qu’ils appellent le bois d’Olympie. Là fe voit une ouverture large [i] d’environ une coudée, par où, difent-ils, les eaux s’écoulèrent après le déluge de Deucalion ; & tous les ans ils jettent dans ce gouffre une elpéce de pâte faite avec de la farine de froment & du miel. Parmi ces antiquitez je mets encore une colonne où eft une ftatuc d’Ifocratc , homme digne de mémoire & qui laiflâ trois grands exemples à la pofterité ; le premier de confiance, en ce qu’à l’âge de quatre-vingt-dix-huit ans, il n’avoit pas encore celle d’enfeigner, ni d’avoir des difciples ; le fécond d’une modeftie rare, qui le tint toujours éloigné des affaires publiques & des foins du gouvernement ; le troifiéme d’un grand amour pour la liberté , qu’il témoigna lui être plus chere que la vie ; car fur la nouvelle de la défaite des Athéniens à Chéronée, il finit [ i] fes jours volontairement. Il faut mettre au même rang cesPerfes en marbre de Phrygie, qui foutiennent un trépied de bronze, & qui font des chef-d’œuvres, tant les Perfes que le trépied. Au refte le temple de Jupiter Olympien eft très [ 3 ] ancien, on prétend que c’etoit Deucalion qui l'avoir bâti, & pour preuve que Deucalion demeuroit à Athènes on montre fon tombeau aflêz près du temple. Mais l’empereur Hadrien a décoré la ville par bien d’autres monumens, il a fait bâtir le temple de Junon, celui de Jupiter [4] Panellénien, & un autre qui eft commun à tous les dieux. Dans ce dernier on admire fur-tour fix-vingt colonnes de marbre de Phrygie , & des portiques [ r] Larp d‘environ une coudée. La vertion latine d’Amafée ne rend pas ici le fens de l’auteur. [1] Il finit fesjoun volontairement. Plutarque dit qu’il s’abftint de manger, & fe laiflâ ainfi mourir; il ajoute qu'Apharée fon fils lui érigea une ftatue devant te temple de Jupiter Olympien ; c’eft donc celle-là même dont il eftainfi parlé. (;] refte ce temple de Jupiter Olpiopien eft rrei-ancien. Deucalion Tome I.
avoit de fon temps fait bâtir un temple en l’honneurde Jupiter Phyxius > comme qui diroit, Jupiter par le moyen do qui il s’étoit fiuvé du déluge; ce temple fobfifta environ 930 ans jufqu a la 50* Olympiade , qu’étant tombé en ruines , Pififtrate entreprit d’en bâtir un autre fous le nom de Jupiter Olympien ; c’eft ce que Paufanias veut dire. [4J De Jupiter PaneBéiucn. C’eft-àdite, de Jupiter le protecteur de tous les peuples de la Grèce.
f» Pa VSANIAS, LlVREL dont les mursfoncde même marbre j on y a pratique des niches qui font ornées de peintures &: dé ftatuiis, 6c dont le platfon brille d’or 6c d’albâtre. Il y a près du temple une bibliothèque, & un lieu d’exercice qui porte le nom d’Hadrien, où. vous voyez, cenc colonnes de beau marbre tire des carrières de Libye. Quand.vous avez pafle le temple de Jupiter Olympien, vous trouvez fur votre chemin une lîarut d’Apollon ( i ] Pythien,
& enfiiice un temple du même dieu, mais fumommé [ i] Delphinien. On raconte que ce temple étant achevé, au comble près à quoi l’on travailloit encore, parut dans la ville un jeûné inconnu avec une robe traînante 8c de beaux cheveux bien frifez, qui flotroient fur fes épaules, c’étoit Thefée ; quand il fut proche du temple, il entendit les "ouvriers qui demandoient en riant où alloit donc cette belle grande tille ainti toute feule ; à cette plailânterie il ne répondit rien, mais ayant dctellé deux bœufs qui étoient près de lâ à un chariot couvert, il prit l’impériale [ 3 ] du chariot & la jetez plus haut que n’étoient les ouvriers qui travailloient à la couverture du temple. A l’égard de ce quartier de la ville que l’on appelle les Jardins, 6< où l’on voit un temple de Venus avec une ftatuë de la dceiTe, de figure quarrée comme font les Hermes , on n’a fçû m’en rien aire de particulier ; l’infcription porte léulcment que c’eft Venus la Célefte, & la plus ancienne de ces Déeflès à qui l’on donne le nom de Parques. Mais pour la ftatuc de la Venus aux Jardins, c’eft un ouvrage d’Alcamene 6c des plus beaux [4] qu’il y air à Athènes -, Hercule a aufli là fon temple dir
[ 1 ] L’or ftutu'e d'Apollan Pythien. Paufanias dans la fuite de fon ouvrage dira lui-même la raifon de ce fumom. [1] SurnomméDelpbitùen. Une colonie de Crétois cherchant de nouvelles terres à habiter, Apollon la conduifit à Cirrhaqui étoit le port de Delphes, & l’y conduifit par le moyen d'un Dauphin qui lui fcrvit de guide ; de là le furnom d'Apollon Delphinicn.fuivant Plutarque, qui réfute la fable que l'on débitoit à ce fujet. [ ;] // prit l'imptruie </« chuhet. Paulmier de Grentemefnil fe donne la torpirc pour expliquer le mot ,
culmen, le fuite, dont fe fort ici Pauûnias; il s'imagine qu'il s'agiâôit d'une charuc, & n’y ayant aucune partie de la charuè que l'on puiffe appellcr •’, il croit qu'il y a foute dans le texte ; mais c’eft d'un chariot qu’il eft parlé, d’un chariot cou vcrtqui avoit par confequent une cfpece d’impcriale, mot néccÂaire ici foute d’un autre. [4] C’eft un »uvMge fAlcuuteue & des plus betnx. Lucien dans ce dialogue qui a pour titre Z« Prrtrsut!, & où il foit la peinture d’une beauté accomplie , emprunte de la Venus d’Alcaincnc la gorge, les bras 8c les mains.
le [ < ] Cyn»f*rge, à caufe d'une chienne blanche, comme le gavent bien ceux qui ont connoiflànce de l’Oracle j dans ce temple vous verrez pluficurs autels, l’un dédie à Hercule, l’autreà Hébé qui étoit,à ce que l’on dit, fille dejupiter & femme d’Hercule, un autre à Alcmene, un autre enfin à Jolas qui fut le compagnon d’Hercule dans la plûpart de fes cravaux. Le Lycée eft un lieu qui a pris Ion nom de Lycus fils de Pandion. L’on a toujours cru & l’on croit encore aujourd’hui qu’autre fois c’etoit un temple d’Apollon, qui dès lors fut furnommé Lycien. On ajoute que les [2] Termiliens changèrent leur nom en celui de Lyciens, pareeque Lycus pour éviter de tomber entre les mains d’Egée, s’etoit retiré chez eux 5 quoiqu’il en foit, derrière le Lycée on voit le tombeau de Nifus roi de Mégare, qui fut tué par Mmos , & dont les Athéniens firent tranlporter le corps à Athènes pour lui donner fépulture en ce lieu-là. Si l’on en croit la fable, Nifus avoir des cheveux [3] couleur de pourpre & ne devoir point mourir tant qu’il les conicrveroit ; or il arriva que les Cretois apres avoir ravage fon petit Etat & pris d’emblée la plupart de fes villes, l’obligèrent à fe renfermer dans Nifce où ils l’affiégérent ; durant le fiége la fille de Nifus prit une forte paffion pour Minos & coupa les cheveux à fon pere, d’où fà perte s’en niivit, voilà le fait comme on le raconte. Les Athéniens ont deux[4] rivières, l’une eft l’Ilifle, & l’autre qui tombe dans celle-ci eft l’Eridan, de même nom que ce [ 1 ] Le Cjnofnrge, ainfi appelle de ces deux mots grecs, «>vî«, <Tune chienne llnnche, pareequ’une chienne blanche avoit emporté une partie de la viiftime pendant le facrifice. [ijOnnjoiae </ue lesTermilienscbenÎercnt leur mm. Le textedit 'iTermiffeen:, mais comme on litdans Hérodote & dans Strabon T, /« Terr^hem , je n’ai pas héfité à fiubftiruer ce nom à la place de l'autre qui ne Je trouve nuHc part. [3] Nifai n-oit dei cheveux ceuleurde fmpre. Pautànus dit va* crtr.es purpurroi, ce qui eft remarquable} car les autres Mythologues ne lur
pendoit. Le traducteur latin dit un cheveu, en quoi il a manque d’exaâitude. [4] Les Athéniens ont deux rivières» &c. Amafiic dit > lesfleuves les plus ConJidérnblesderAttnjue. Ilne s'agit point ici de l'Attique, nuis feulement d'A-~ thencs. Il cft hors de doute que le temps ou plutôt le défaut d'entretien apporte du changement aux rivières. Pour le prêtent, Spon dans fon voyage du Levant p. 70, nous aflùrc que riltifc n’cft pins qu 'un torrent qui eft prefquc toujours i fcc, & que l’Lridan fc le C«phtfe font plutôt des rouleaux que de» riVKTCS.
6o P a u s a n ia s ; Liv k ï I. fleuve qui ârrofe le pays [ i ] des Celtes. C’eft, dit-on, fur let bords de l’Iliflè qu’Orithie s’amufant à jouer fut enlevée par Borée qui l’époulâ, & qui dans la fuite en confidération de cette alliance avec les Athéniens leur rendit le bon office de couler à fond plufieurs galères des Barbares. Les Athéniens croyent l’Iliflè confacrée à quelques divinitez, fur-tout aux mules, qui ont fur fes rives un autel appellé l’autel des Mufes Ililfiades. On vous fera voir auffi fur les bords de cette riviere le lieu où les Péloponnefiens tuèrent Codrus [ i] fils de Mélanthus & roi d’Athènes. Quand vous aurez pafle l’Iliflè, vous trouverez un endroit nommé [ 3 ] Agréa, & un temple de Diane Agrotera, ou, la Chaffierejje, ainfi appellé pareeque Diane arrivant de Délos prit là le divertiflement de la chaflè, & c’eft par cette railon qu’elle eft répréfentée avec un arc. Je finirai cet article par un monument qui ne fait pas autant de plaifir à expliquer, qu’il caufe defurprife&d’admiration quand on le voit, je veux dire ce ftade [4] de marbre blanc, dont je ne puis mieux faire comprendre la grandeur qu’en dilânt qu’il commence [5] à la colline qui eft au-defliis de l’Iliflè, & qu’il
[1 ] j^ai arrofe le pays des Celtes -, & par û mort acquiert la viétoire aux c’eft-à-dirc de ces Gaulois qui fe tranf- Athéniens. [3] Un endroit nomme Agréa. C’eft plantércnt fur les bords du Pô, où ils bâtirent plufieurs villes,comme Milan, ainfi qu’il faut lire dans le texte, comCôme, Vérone, Scc. me il paraît par le Phédrus de Platon ; [1] Tuèrent Codrusfils de Afelanthus. car le lieu champêtre dont parle ici Codrus roi d'Athènes, a toujours été Paufanias eft celui-là même qui a lcrvi cité dans l’Antiquité comme le modèle comme de fcêne à ce beau dialogue que des rois qui ont la noble ambition d'ê- Platon a intitulé Phédrus. tre les petes de leurs peuples. Les Athé[4] ye veux dire ce ftade de marbre niens étant en guerre avec les peuples blanc, &. On a déjà dit que le ftade du Péloponnclc, envoyèrent fuivant étoit une mefute de chemin, & que 115 Pillage de ces temps-là, confiilter l’Ora- pas géométriques fâifoient un ftade; de de Delphes pour fçavoirquel (croit mais on donnoit aufii le nom de ftade le fucccs de cette guerre. La rcponlc fut à un lieu particulier qui ctoit deftiné à que les Athéniens autoient la victoire l’cxctcicc de la courfc à pied, & la raifi leur roi le faifôic tuer pat les enne- fon de cette dénomination étoit que la mis; les Péloponnefiens en étant aver- carrière où l’on courait avoit quelques tis ordonnèrent qu’on épargnât la per- 1H pas de longueur. sonne de Codrus. Mais Codrus étoit [t] A la colline qui eft au-deffus de bien réfolu de fe dévouer pour le fâlut ITlifle. Suivant la defcription que Spon de fes fujets ; il quitte les marques de la & ’Teler nous ont donnée d’Athènes royauté, fe déguilc en bûcheron, cher- & de les environs, pour aller au ftade che querelle avec quelques Lacédémo- on paflbit l’Ililfe fur un pont de pierre niens, fe |>at contre eux, k fait tuer, qui fubfiftc encore ; mais cc ftade eft en
Vo y a g e d e l ’At t iq jt i : tt vient aboutir droit à la rivière en forme de demi lune par un double mur d’un & d’autre côté ; c’eft Herode Atticus [ i J qui a fait conftruire ce magnifique Stade, & il y épuife presque toute une carrière du mont Pentclique. Du Prytanée vous defeendez par la rue des trépieds, ainfi Ch a f . ditepareeque le long de cette rué on trouve plusieurs temples confidérables,danslefquels il y a quantité de trépieds de bronze, où l’on conferve des ouvrages d’un très-grand prix, entr’autres le Satyre dont Praxitèle s’applaudiflbit tant. En effet Phrync dontll étoit amoureux l’ayant prié de lui donner le plus bel ouvrage qui fut forti de fes mains, à la vérité il ne la refufa pas j mais comme il ne vouloit pas lui dire quel étoit celui de fes ouvrages qu’il eftimoit le plus, elle vint à bout de le connoître par une rufe dont elle s’avifa. Un jour que Praxitèle étoit chez elle, un domeftique à qui elle avoit donné le mot, accourant de toute fe force vint dire à Praxitèle que le feu étoit à fa maifon, qu'une bonne partie de fes ouvrages étoit déjà brûlée, & qu’il n’en reftoit que fort peu qui ne fuffent pas endommagez } Praxitèle fortant aufll-tôt s’écria, je fuis perdufi mon Satyre & mon Cupidon font brile^j alors Phryne le raflùra, lui dit qu’aucun malheur n’ètoit arrivé ; qu’elle avoit feulement voulu fçavoir par lui-même quel étoit celui de fes ouvrages dont il faifoit le plus de cas, & fer le propre témoignage de Praxitèle elle fit choix de fon Cupidon. Dans le même quartier il y a un temple de Bachus où l’on voit un petit Satyre qui prèfente un gobelet à ce dieu, un Amour qui eft debout, & un Bachus ; ruines. Il devoir être fon Ipacieux, puilque c’étoit comme le théâtre de la pompe des Panathénées. [ i ] C'eft Herode Atticus qui a fait confirutre, &c. Son nom étoit Tiberius-Claudius-Atticus Herodes, comme Spon l’a prouvé par une inlcription qu'il avoit vue à Athènes. Cet Herode de la bourgade de Marathon a vécu fous les empereurs Nerva, Trajan, Hadrien, Antonin & Marc-Autele. Atticus fon pere ayant trouvé dans fa maifon un riche tréfor en informa l’empereur Ncrva, & lui demanda ce qu’il vouloit qu’il en fit ; l’empereur lui répondit, vous pouvez ufer de te que vont avez trouvé. Atticus lui écrivit encore & lui
manda que ce tréfor étoit très-confidérablc & au-deflus de la condition d’un particulier; Nerva lui récrivit en ces termes, abufez fi vous voulez, du gain inopiné que vont avez fait; car il vous appartient. Atticus laiflà donc de grandes tichcflcsà fon fils Herode, qui en employa une partie A décorer Athàies de foperbes édifices. Cet Herode fût difoiplc du célébré Phavorin, & devint fi éloquent qu'il mérita d’avoir lui-mcme pour difciples Marc-Aurcle & Lucius-Verus ; il avoit fait plufieurs ouvrages dont il eft parlé dans Philoftrate, & qui ne font pas venus jufqu a nous; il mourut âgé de i6 ans, après avoir étc élevé à la dignité de Conful Romain. Hiij
ti Pa u sa n ia s , Liv a e I. tes deux dernières divinitczlbnr.de [i] Thymilus. Près ditthéâtre eft un vieux temple de Bachus, dans l’enceinte du, quel il y a deux chapelles avec deux ftatucs du meme dieu j celle de Bachus [x] dit d’Eleuthere eft d’or & d’y voire v de la façon d’Alcamcne j on trouve aufli là quelques peintures : j’ai fur-tout l’idée d'une où l’on a reprefente Bachus ramenant Vulcain dans le ciel, fur quoi les Grecs débitent cette fable j que Vulcain étant ne, Junon le jetta du haut du ciel en terre} que dans la fuite Vulcain qui n’avoit pas oublié ce mauvais traitement envoya à Junon une chailê d’or où il y avoit deîliens invifibles, queJunon ayant voulu s’v aflèoir fe trouva prife dans ces liens, fie que Vulcain n’avoit plus voulu fe fier àaucun des dieux fi ce n’cft à Bachus, qui l’ayant enyvré le ramena au ciel. Le fécond tableau vous prélènte Lycurgue [ 3 ] & Penthée que Bachus châtie de leur infolence ; dans le troificme c’eft Ariadne qui dort 5 on voit d’un coté Thèfce qui met à la voile pour l’emmener, & de l’autre Bachus qui vient pour la lui enlever. A quelque diftance du temple de Bachus & du théâtre qui y tient prefque, vous verrez un édifice fait fur le modèle du pavillon [4] de Xerxès -, cet édifice eft moderne , car l’ancien fut brûlé par Sylla lorfqu’il prit Athènes, & je vais dire ce qui porta Sylla à aflîéger cette ville. Mithridate tenoïc l'Empire de ces barbares qui habitent aux environs du Pont-Euxin 5 pourquoi il fit la guerre aux Romains, comment ayant envahi toute l’Afie il ctendit fa domination fur une infinité de villes, prenant les unes par force fie faifant alliance avec les autres, c’eft ce qu’il eft aile d’apprendre plus en detail par l’biftoire de ce prince -, car pour moi je ne toucherai que ce qui a rapport au malheur d’Athènes. Mithridate avoit auprès de lui un Athénien nommé Ariftion , dont il fe fervoit pour entretenir correfpondance avec les villes
croit roi des Edons, peuples de la Thracc lùr les bords du îtrymon ; Penchée étoit roi île Thebes. La manière inrô[»]CeBede Keibei dit d’Elntbere. lentc dont ils traitèrent Bachus, & leur €« endroit du trxre fe rrflcnrdcla nc- châtiment l'ont décrm dans Apoii.\k>tt ghçence des copittes -, je L’ai expliqua Liv. 3. par un autre endroit de œ Line on [4] Sur U Modèle du pevtBro dt TAntcur parle plu» au lanç de Bachus Xerxh. Je lis avec Anufcc pour «TEletithere; c’eft ai chap. ;8. »*•»» qui eft dans le texte, & qui M L ’ 1 Z-yrai»* fir Embte. Lycurgue lignifie tien. [ ») DeTbimitut. Iln’va encres que Pauiânias qui latte raention de ce fta-
Vo t a c i »t 1-At t ih .ù f . grecques ; celui-ci ht touc ce qu’il put pour engager fes compatriotes à préférer l'amitié du roi de Pont à celle des Romains , mais il ne perhiada que les plus (èditieux d'entre le peuple 5 tous ceux qui tcnoicnt quelque rang dans la ville fe rangèrent du côté des Romains. Le combat s’étant donné entre les deux armées , les Romains eurent la viâoire, & profitant de leur avantage ils partagèrent leurs croupes en deux corps, dont l’un pouflâ Ariftion & ceux de fon parti jusqu'aux portes de la ville, & l’autre pourfuivit Archélaü's & les barbares jufqu'au Pirée. Cet Archélaüs étoit un des Généraux de Mithridate, qui quelque temps auparavant avoit fait une irruption fur les terres | i ] de ces Magnéfiens qui font voifins du mont Sipvle ; mais il avoit échoué dans Ion entréprifê , & s’étoit retiré avec perte des fiens & dangereufêment blefle. Voilà donc comme Athènes le vit affiégée. Sur ces entrefaites Taxile autre Général de Mithridate ayant appris que les Athéniens étoient réduits à l’extrémité quitta le fiege d’Elathée dans la Phocide & vint camper dans l’Attique. Âu premier bruit de fa marche le Général des Romains laiflè une partie de fon armée dans les lignes, fe met à la tête de l’autre & va au-devant de Taxile qu’il rencontre dans la Béotie. Au bout de trois jours des courriers dépêchez réciproquement du camp des Romains à l’autre rapportèrent, les unsà Svlia que la ville d’Athènes étoit prife, & les autres aux aifiegeans que Taxile venoit d’être défait auprès de Chéronée. Sylla revenu à Athènes renferma dans le Céramique tous ceux qui s’étoient déclarez contre lui, & les fit décimer. Comme fa colere s’aigriflbic de plus en plus contre les Athéniens, quek ques-uns s’échappèrent pour aller confulter l’Oraclc de Delphes , & pour fçavoir fi le dellin d'Athènes ctoit donc qu’elle pérît ; à quoi la Pythie répondit par je ne fijai quelles paroles qui avoient du rapport [ 1] à un outre que l’on jette dans l’eau. [1] De cet Mugnefiens qui font vti- outre. Le (êns de cet Oracle étoit tel, Jtat, ère. C’eft-a-dire des habitans de ou à peu près, Magnéüe. Or il y a eu trois villes de 'Va outre don: U mer eft-il donc fahnergi! ce nom, l’une en Theflalic, & les deux autres dans l’Afic mineure ; la première ce qui foifoit afTez entendre qu’Athéde ces deux étoit fîit le Méandre , la nes fc relevcroit de fes malheurs. Pareil fécondé près du mont Sipyle ; c’eft de oracle avoit été rendu à Thélce, comccttc dcmicte qu’il s’agit. me le dit Plutarque dans la vie de ce [ * ] &iû nvmcnt du nffort ù un grand liomme.
^4 Pa VSANi AS, LlVRE I. Quelque temps apres Sylla fut frappe de la [ i ] même maladie ;
dont j’ai ouï aire que Phèrccidcf i ]de Scyros étoit mort avant lui j il exerça contre les Athéniens mille cruautez indignes, d’un Romain 5 mais il fit une aétion qui méritoit encore plus la colere [ j ] de Jupiter le vengeur, & à laquelle fur-tout j’attribue fon genre de mort; car Ariftion s’étant réfugié dans un temple de Minerve, Sylla commanda qu’on l’en tirât de force & qu’on le fit mourir. La ville d’Athènes après avoir foufièrt ces calamitez durant la guerre des Romains contre Mithridate _____ a repris enfin un nouveau luftre fous l’empereur Hadrien. Nou s voilà arrivez au théâtre ; il eft orné d’un grand XX1, nombre de portraits de Poètes, foit tragiques, foit comiques, mais allez obfcurs pour la plûpart. Car entre les comiques, à la réferve de Ménandre je n’en ai pas vû un feul qui fut célébré. Parmi les tragiques, ceux qui tiennent le premier rang avec raifon font Euripide [4] & Sophocle. A l’occafion du dernier on raconte que lorfqu’il mourut, les Lacédémoniens firent une excurfion dans l’Attique, & que leur [5] Commandant eut un fonge où il crut voir Bachus qui l’avertifloit de rendre à la nouvelle Sirène tous les honneurs qu’on a coutume de rendre aux morts, ce que le Général Lacédémonien entendit de Sophocle & de les tragédies ; en effet on compare encore aujourd’hui au chant des Sirènes non feulement les poèmes, mais tout difeours éloquent & perfoafif. A l’égard du portrait d’Efchyle [6] & du tableau qui le repréfente failant
Ck a p .
[r] Fut frappé de U même maladie, &c. Il entend h maladie pédiculaire qui corrompt toute la maife du fang, au point que la chair ic pourrit & engendre de la vermine. [1] Pbérécyde de Scyros. Scytos étoit une ville de i’Acamanic. Ce philofophe fut dilciplcde Pittacus, &lc maître de Pythagotc, il vivoit vers la ; j» Olympiade. Théopompe dit que c’eft le premier quia écrit de la nature des Dieux. h1 F)e Jupiter le vengeur. 1uel,v, c’eft-à-dirc de Jupiter qui venge l’inhumanité qu’on exerce contre de malheureux fupplians. [4] Euripide & Sophocle. Ces deux ttagiqucsfurcnt contemporains & per-
terent le théâtre Grec a fâ perfection. ü a déjà été parlé d’Euripide. Sophode Athénien naquit en la 71e Olympiade & mourut en la ainfi il véeut environ 90 ans. 11 étoit non feulement grand Pocte, mais grand Capitaine , & commanda l’armée Athénicnc avec Pcridès. De cent-vingt tragédics qu’il avoit faites, il n’en cil refte que fepr. [fJËeur Commandant eut un fonge, érc. Ce Commandant étoit Lviander, qui prit Athènes dans le temps que Sophocle mourut. [tf ] zf l'égard du portrait d'Efchyle. Efchylc étoit auflî Athénien, c’eft le plus ancien Poète tragique dont nous ayons qudquc ouvrage. Scs pièces le des
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Vo y a g e d ï l ’A t t i q jjï . des prodiges de valeur à la journée de Marathon, je les crois faits long-temps après fa mort ; mais une chofe fingulicrc que ce pocte nous a lui - même apprilè, c’eft qu’étant fort jeune il s’endormit dans un champ où il gardoit des raifins, & qu’il vit en fonge Bachus qui lui ordonnoit de faire une tragédie; que pour obéir à ce Dieu, dès qu’il fut jour il mit la main à l’œuvre & qu’il en vint à bout fans beaucoup de peine. Sur cette muraille que l’on nomme auftrale parcequ’elle eft au midi, & qui joint le théâtre à la citadelle, vous verrez une tête de la Gorgone Médufe, qui eft dorée & relevée en bofle furl’Egide. Tout au haut du théâtre il y a dans l’épaiflèur du mur une grotte [ i ] d’où par un efcalier dérobé on defeend au pied de la citadelle ; dans cette grotte vous pourrez voir un trépied où font reprefentez Apollon & Diane qui tuent les enfans de [i] Niobé. Je dirai ici en paflant qu’un jour je montai fur le mont Sipyle, exprès pour voir cette Niobé dont on parle tant. La roche que l’on appelle de ce nom eft fort près de là ; ce qui eft de vrai, c’eft qu’à la regarder de près elle n’a aucune figure de femme , encore moins d’une femme qui pleure ; mais fi vous la voyez de loin, il vous femble en effet que vous voyez une femme en larmes & accablée de douleur. Dans le chemin qui mène du théâtre à la citadelle Tentent de fa rudeflè de fon fiécle & de l’enfance où étoit encore le théâtre d’Athènes; on en comptoir julqu’à 90, mais à peine nous en reftc-t-il lept. Devenu vieux & ne pouvant fou ffrir les grands faccès de Sophocle, il Ce retira en Sicile auprès de Hiéton, & moulut à Géla. Quelques Auteurs ont écrit qu’un aigle failli tomber une tortue far la tête d’Efcliylc, & qu’il mourut de cet accident, fluivant un oracle de Dclphesqui lui avoit prédit qu’il mounoit d’un trait lancé du Ciel. [ 1 ] Il 1 a dans répaijfeur du mur une frotte. Spon dans fon voyage d’Arhcnes parle de cette grotte, & dit qu’elle lui fervit à tcconnoîtrc le lieu où étoit le théâtre décrit par Paufanias. (1] ,P«i tuent les enfant de Niobé. Niobé fille de Tantale & femme d’Amphion, ficrc de le voir quatorze enfans méprifoit Latone , parcequ’elle n’en Tome I.
avoit que deux. Apollon & Diane pour venger leur mere tuèrent à coups de flèches tous les enfans de Niobc, qui ne pouvant forvivre à leur perte flécha de douleur & fut métamorphoféc en rocher. Or c’ctoit une opinion popufaire, que Niobc ainlî pétrifiée Ce falfoit voit encore far le mont Sipyle, ce qui avoit fait dire à Ovide en parlant de cette Niobé, I. f«„.m rafla .fi. iH fixa eaeumia.
Paufanias réfute cette fable en difanr, qu'apres avoir vû de près ce que l'on appelloit fa roche de Niobc, il avoir trouvé qu’il en étoit comme de plufleurs autres objets, qui vûs de loin, préfentent aux yeux une toute autte figure que celle qu’Us ont. à
66 P a u s a n i a s, Liv r e I. on trouve le tombeau de Calus [ i ] qui fut tue par Dédale [i] quoique fon difciple & fils de fa fœur j aufii apres ce meurtre Dédale s’enfuit-il en Crcte, Bc dans la fuite il fe retira en Sicile auprès de Cocalus qui y régnoit. Mais un lieu qui mérite toute votre attention , c’eft le temple d'Efculape, tantâ caufe de plufieurs ftatuës de lui & de les enfans que pour les belles peintures qui s'y voyent.Dans ce temple eft une fontaine près de laquelle on dit que Mars tua Halirrhothius fils de Neptune ; Halirrhothius avoit abufe d’Alcippe fille de Mars, & Mars s’en vengea ainfi , ce qui donna lieu au premier procès criminel que l'on ait vû à Athènes pour caufe de meurtre. Je laifTe plufieurs autres curiofitez pour vous parler de la cuiraflè d'un Sarmate que l’on garde dans ce temple, & qui vous fera convenir que les barbares ne font pas moins adroits que les Grecs, ni moins propres à cultiver les arts. Les Sarmates [3] n’ont point de fer chez eux & l'on ne leur en apporte point d’ailleurs 5 car de tous les peuples qui habitent ces contrées Septentrionales, ce font ceux qui ont le moins de commerce avec les étrangers. La difette de ce métail leur a fait imaginer d’armer leurs piques avec de l'os [4] 2u’ils ont l’art de rendre aufii dur que le fer -, leurs arcs font e bois de cornouillier, leurs flèches du même bois, mais armées d'os. Outre cela ils ont de grandes chaînes d'ofier qu'ils portent à la guerre , & donc ils fe fervent avec une adrefle merveilleufè ; car au combat dès qu’ils peuvent joindre l’ennemi , ils lui jettent ces chaînes fur le corps, l’embarafiènt dedans Scie renverfênt de deflus fon cheval. Pour leurs cuiraflès, voici comme ils les fonr. Ils nourrifTent une grande quantité de [1] De Calus. Dans Didiorede Si- Scythes qui habitoient au-deflus des cile on lit Talus Sc non Calus. Palus Méotides & au midi du Bori[a] Par Dédale. Dédale étoit Athé- fthéne, voyez Strabon. Au refte, une nien & l'un des de/ccndans d’Ereéthée ; bonne partie de ce récit eft tirée d’Héil vivoit en meme temps qu'Œdipc , rodote dans fa Polymnie. que Tliéfce, que Minos. C’eft le plus [4] Avec de Tes qu'ils eut Cart de renancien Statuaire que la Grèce ait eu , dre aufji dur que le fer. Liiez dans le & dont on raconte le plus de merveil- grec *«■»«. offeas, « non pas les. Son hiftoirc eft écrite fort au long vtmineas, qui eft une énorme faute de dans Diodore de Sicile L. 4. Il y a eu copifte i il eft furprenant que les interun autre Dédale qui étoit de Sicyonc. prètes n’ayent pas remarqué une faute [5] Les Sarmates nous point de fer de cette nature, & qui fait un léns fi ritbez. eux. Les Sarmates ou Sauromatcs dicule ; cette correction n’a pas cchapé comme dUoicnt les Grecs, étoient ces au fçavant Paulmicr de Grcntcmcmil.
Vo y a g e d e l ’At t iq _u î . C7 chevaux , car chez eux la terre eft en commun, & n’eft fertile qu'en pâturages & en forêts 5 de forte qu’à proprement parler ce lont des Nomades qui vont errans <jà & là. Outre le Service qu’ils tirent des chevaux pour la guerre, ils en immolent à leurs dieux , Sc en tuent pour leur propre nourriture ; mais ils en ramaflentfoignculemcnt la corne des pieds, la nettoyenc bien & la coupent comme par écailles ; vous diriez d’écailles de [ 1 ] dragons. Si vous n’avez jamais vu d’ccailles de dragons, imaginez-vous une pomme de pin qui eft encore verte ; l’ouvrage que font ces barbares avec la corne du pied des chevaux reflèmble donc à une pomme de pin ; car ils percent tous ces morceaux de corne, les couchent à demi les uns fur les autres , puis les coufent enfêmble avec des nerfs ou de bœuf, ou decheval, & parviennent enfin à en faire des cuiraflès qui font auflï propres, auflï bien travaillées que celles des Grecs, & qui ne réfiftent pas moins 5 de près comme de loin elles font à l’é. preuve du fer 5 il s’en faut beaucoup que les cuiraflès de lin ioient auflï bonnes à la guerre -, un coup de pique ou d’épée bien aflènné les perce} mais elles font excellentes pour la chafle , pareeque les dents des léopards & des lions rebouchent contre. Vous pouvez voir de ces cuiraflès de lin dans plufieurs temples , mais fur-tout dans celui [1] d’Apollon Grynéen, qui pour le dire en paflânt, eft accompagné d’un beau bois iâcré, planté d’arbres fruitiers & d’autres arbres qui ne font que pour l’odorat & pour le plaifir des yeux. _____ Après le temple d’Efculape fur le chemin qui mene à la Ci- Cha f . tadclle vous avez le temple de Thémis, & à l’entrée le tom- XX1L
beau du malheureux Hippolyre dont la mort tragique fut, diton , l’effet des imprécations de lonpere. Il n’y a point d’homme pour peu qu’il foit verfé dans les lettres Grecques , qui n’ait connoillànce & de l’amour de Phèdre, & de la criminelle audace delà nourrice. Mais Hippolyte a encore un tombeau à Trœzéneoù l’on raconte ce qui fuit; que Théfée voulant épouièr Phèdre & craignant que les enfans qui naîtroient de fon mariage nerégnaflèntfurHippolyte,ouqu’Hippolytene régnât
[i]Fom diriez. d'écniOes de dragons. Les Ancicnsfc font fait une fiiulfc idée des dragons, & Paufenias s’y eft, je crois, trompé, comme les autres. Un dragon n eft autre chofc qu’un ferpent de la plus groflè clpcce.
[ z1 D'ylpollan Grynéen. Apollon étoit furnommé Grynéen à auilê d'un temple célébré qu’il *' -----ville ' *~de Grvniuni qui dépendoit titc des Mytiniens, comme le dit StcpluI Ü
68 Pa u sa n ia s , Liv r e T. fur eux , avoir pris la réfolucion d’envoyer ce prince auprès de [ i ] Picthée, tant pour le faire élever à fa cour, qu’ann qu’il put un jour lui fuccéder 5 qu’enfuite Théfée ayant tué Pallas [i]& fes enfans parcequ’ils avoient tramé une confpiration contre lui, il étoit venu à Trœzéne pour fe faire purifier de ce meurtre ; que là Phèdre avoit vû Hippolyte pour la première fois ,& qu’ayant pris une violente paflion pour ce jeune prince, honteufe d’elle-même elle réfolut de fe donner la mort. On montre encore à Trœzéne un myrthe dont les feuilles font toutes criblées, &l’on allure que cemyrthe n’eftpas venuainfi, mais que c’eft Phèdre qui dans fa rêverie en perçoit les feuilles avec fon éguille de cheveux. Théfée ayant enfiiite perfuadé à tous les peuples de l’Attique de fe réiinir dans une feule ville pour ne faire plus déformais qu’un peuple , il introduifit le culte de la déeflè Pitho ou de la perfuafion, & celui de Venus fous un nom [j] qui marquoit que cette dceflê devoir être le lien commun de tous ces peuples. Les ftatuës que j’ai vûes'de ces deux déeflès ne font point antiques ; elles font faites par de bons ftatuaires, mais modernes. Enfin il y a encore là un temple dédié à la terre [4] furnommce la nourricière, & un autre conlàcré àCerès [ 5] verdoyante; leurs prêtres vous apprendront la raifon de ces furnoms, pour peu que vous en foyez curieux. Il n’y a qu’un feul chemin pour entrer dans la citadelle; car de tout autre côté elle eft fermée ou par des rochers fort efcarpez , ou par un bon mur. Les veftibules [6] qui y conduifent
[t] Auprès de Pittbée. Pitthée roi de Trœzcne croit pered’Ethra; Ethra avoit epoufë Egée pcrc de Théfée ; ainfi Pitthéc étoit le bilâycul d’Hippolyte. [ i ] Théfée ajnnt tué PuUus & fes enfin.'. Ce Pallas étoit fils de Pandion fécond du nom, parconlcquent oncle de Thélce; mais il difputoit à Thélce fi naifiàncc & vouloit l'exclure du trône. 11 avoit cinquante fils que l’on nomme les Pallantides, Si qui s'étant partagez en deux troupes comptoicnt de faire périr Thélce dans une embuf cadc; mais averti de lcurdcflcin il tomba fur eux & les extermina tous. 15] Et ctlui de Tenus feus un nom qui, frc. J’ai cru ne pouvoir mieux rendre
que par cette périphrase le mot qui ne lignifie ici ni vulgaire, ni populaire, mais je ne fçai quoi qui caraétérife davantage. {4] A U terre fumommée U nourricière. Mcurfius dans le traité qui a pour titre Grecie feriutu, prétend qu’au lieu de rS nov/orflf*, il faut lire ici rÿ *». , & l’entendre de Cerès, mais il fc trompe, car Suidas nous apprend qu’Eridhonius lâcrifia le premier ly wfTfiff, à lu terre nourrice. [f ] A Cerès verdoyunte. Le texte dit à Cerès Chloé: or lignifie del'berie. Cerès Chloé eft donc comme qui dicok , Cerès U verdoyante, furnomqui convient afTcz à la DcelTc des moiflôns. [<>] Les veftihules qui j conduifent
VôYAGE CF. l ’At TI QJU F. '6$ foht couverts d’un marbre blanc, qui foit pour la grandeur des pierres, foit pour les ornemens, pafle tout ce que j’ai vû ailleurs de plus beau. Je n’ai pu fçavoir qui l’on a voulu reprefenter parles ftatuës equeftres que l’on a placées fur ces veftibules , fi ce font les fils de Xenophon, ou fi elles ont été mifes là feulement pour la décoration. A droite cft une chapelle de la Victoire, mais dont la ftatuë n’cft point [ i ] ailée j cette chapelle donne d’un côté fur la mer, & c’eft de-là dit-on, qu’Egée le précipita. Le vailfeau qui portoit en Crète le tribut des Athéniens étoit parti avec des voiles noires, & Théfée qui plein de courage alloit combattre le Minotaure, avoit promis à fon pere que s’il étoit victorieux , il reviendrait avec des voiles blanches -, mais la joye d’avoir enlevé Ariadne lui fit oublier d’annoncer fa victoire par ce fignal 5 de forte qu’Egée voyant des voiles noires crut que fon fils avoit péri, & de delelpoir il lé jettadans la mer; les Athéniens élevérent enfuite un tombeau à ce héros. A gauche c’eft une falle où il y a des peintures ; on ne connoît rien à plufieurs pareeque le temps les a effacées ; cependant on diftingue encore Diomede qui emporte de Lemnos les flèches de Philoélete, &Ulyffe qui enleve le Palladium de la citadelle de Troye. Dans un autre tableau vous voyez Orefte & Pylade 5 le premier poignarde [1] Egifthe, & le fécond tue les enfans dê’Nauplius qui étoient venus au fecours
d’Egifthe. Dans un autre c’eft Polyxene [ 3 ] que l’on immole fur le tombeau d’Achille, action barbare qu’Homére a jugé ces propylées ou portiques ctoire avec des ailes ; celle-ci n’en avoit faifoient une des grandes beautez de point, pareeque c'ctoit le monument la ville d’Athènes. Cctoit Pcriclès qui de la victoire que Thcfce avoit remles avoit fait bâtir fous la direction de ponce for le Minotaure, & dont la Mnaficlès un des plus célèbres Archi- nouvelle avoit été fi tardive, qu’Egée tectes defon temps. Ils furent achevez crut fon fils mort, & fe jetta de defefen cinq ans fous l’Archonte Pythodo- poir dans la mer. rc, & avoient été commencez la qua[a] Le premier poignarde Egifthe. trième année de la 85 -' Olympiade. Egifthe après avoir débauché ClyPcriclès y dépenlà deux mille douze temneftre tua fon mari Agamcmnon. Orefte fils d’Agamemnon pour venger talens qui reviennent à plus de fix millions de notre monnoyc ; on entroit l’un & l’autre forfait tua Egifthe & fâ dans ccsg magnifiques veftibulcs par cinq grandes portes. Plutarque dans la [iJCe/î Polyxene que l'on immole, vie ae Pendis, Harpocration , Meur- &c. Polyxene fille de Priam fot égorgée Jius, &c. par Pyrrhus fur le tombeau d'AcJullc (1] Mais dont la fiatuë n’eft point fon pere. ailée. On repréfentoit toujours la Vilüj
70 Pa v s a n ia s , Liv r e ! ' plus A propos de palier fousfilence ; de la meme manière qu’après avoir die qu’Achille detruifit Scyros , il s’eft bien garde de dire que ce guerrier avoit palïë quelque temps dans cette île avec des filles, circonftance que les autres poctes n’ont pas oubliée. C’cft Polygnote qui a fait les tableaux dont
je parle, aufli-bien que celui où Ulyflè eft reprefente dans le moment qu’il eft apperçû par Nauficaë , & par fes femmes qui étoient venues laver à la riviere avec cette princefle, comme Homcre le raconte. Il y a encore d’autres peintures dont les principaux lùjets font, Alcibiade avec les mar3ues de la viéloire qu’il remporta à Némée dans une courte e chevaux , & Pertee qui apporte la tête de Mcdufè à Polydeéle roi [ 1 ] de Sériphe j je laiflè l’hiftoire de Mcdute comme étrangère à mon fujet. Entre ces derniers tableaux, outre un enfant qui porte des cruches d’eau & un Athlète peint par Timénetc, j’ai remarqué un portrait de Muféc qui me rappelle de vieilles poëfies, où j’ai lù que Borée lui avoit accordé le don de [i] voler 5 ces poëfies font, comme je crois, [j] d’Onomacrite ; car nous n’avons rien qui foit bien certainement de Mufée , fi ce n’eft une hymne en l’honneur de Cerès, qu’il fie pour les [4] Lycomides. En entrant dans la citadelle on trouve un Mercure & les
trois [5] Grâces , que l’on attribue à Socrate fils de Sophronifque, ce philofophe que l’oracle de Delphes déclara le plus
[i]A Polydefle roi de Sériphe. Séri- de cinq cens ans avant Jc/ûs-Chrift. phe étoit une de ces îles que l’on ap[4] Pour les Lycomides. C’eft ainft pclloit Sporades du mot grec qu’il faut lire dans le texte, comme femtnare , femer > patcequ’clles font Hcfychius nous l’apprend. C’étoit une comme fêmées en grand nombre dans noble & ancienne famille d'Athènes la mer. qui avoit le privilège cxclufif de chan[ 1 ] y«i lù que Borée lui avoit ac- ter en l'honneur de l’Amour, Je des cordé le don de voler. Lœfcherus a cru grandes déefles Cercs & Profcrpinc, que le mot , volare, voler, qui des hymnes composes par d’anciens fe lit ici étoit une faute de copiftc; il Poètes, tclsque Muïce, Orphée, Onos’eft trompé : car que pfut-on deman- macrite, Pamphus & Olen. der à Borée que le don de voler ? l’ex[5] Un Mercure &les trois Grâces. preffion grecque ne lignifie autre choie, On repréfcntc ordinairement les Grafinon que Muféc étoitaullî-bien qu’Achille, c’eft-à-dire ,/in lé- Grntù cumtfympbù, gemim rfitt /érerihu ger à la courfe i nous difons en François, ------------------ducere nui, rberos. vite comme le vent. [ j] D'Onpmacnte. Ce pocte vivoit dit Horace. Socrate avoit habillé celdu temps des enfans de Pififtrate près les-ci.
Vo y a g e d e l ’At t iq u e . 7f Page de tous les hommes. Le Scythe [ i ] Anacnarfis étoit venu autrefois à Delphes pour en remporter le même témoignage, mais la Pythie ne lui fit pas cet honneur. Les Grecs tirent vanité de bien des chofcs, mais fur-tout de
leurs fept fages, au nombre defquels ils mettent le tyran de Lclbos [i] & Pcriandre fils de Cyplélus. Mais il faut avouer que Pififtrate& fon fils Hippiasfurent beaucoup plus humains, même plus entendus dans le gouvernement militaire & civil, en un mot plus louables, particuliérement avant qu’Hippias eût l’efprit aigri par le meurtre d’Hipparque fon frere, &c qu’il fe fut porté à punir fi cruellement tous ceux qui en étoient complices , fur-tout la courtifane Lééna ; car je dirai ici une choie qui pafle pour confiante parmi les Athéniens, quoi-
qu’elle ne loit écrite nulle part ; c’eft qu’après la mort d’Hipparque , Hippias fous prétexte que Lééna avoit été amie d’Ariftogiton, & que félon toutes les apparences elle fçavoit fon fecret, fit fouffrir à cette femme toute forte de cruautez juf. qu’à ce qu’elle expirâc dans les tourmens} c’eft pourquoi lorlque les Athéniens lé virent enfin délivrez de la tyrannie des enfans de Pififtrate , ils érigèrent à cette courtifane une ftatuc fous la figure d’une [3] lionne, & Callias fit mettre auprès une Venus que l’on croit être de Calamis. On voit auflî dans la citadelle Diitréphès en bronze tout percé de flèches. Pour ne rien dire de plufieurs autres belles allions qu’il a faites, ce fut lui qui ramena ces Thraces qu*Athènes avoit foudoyez, & qui ne pûrent s'embarquer avec Démofthéne , pareequ’il ctoit déjà parti pour Syracufe quand ils arrivèrent. Mais Diitrephès étant entré dans le golfe de Chalcis y débarqua fes troupes, puis alla faire le fiége de Mycalefe qui eft bien avant dans les terres de Béotie, & l’ayant prife [4] il fit paflèr tous
[ 1 ] Le Scythe Ânacharfît. Il ctoit Scythe de nation , mais fils d'une Grecque qui lui apprit à parler grec , fc l'engagea à foire le voyage d’Athcncs. où il fe fit une grande réputation de fâgefle-, il fut contemporain de Solon & de Crœfus. [i]Ze tywt de Leibos. Il veut dire Pittacus. [yJJwi le figure d'une tienne. Paufanias devoit ajouter que cette lionne étoit repréfcntcc fans langue,pour mar-
quer que la force des tourmens n’avoit pû arracher une feule parole de la bouche de Lééna, qui même fe coupa la langue dans la crainte de fuccombcr à la douleur. [4] Et rty/tntyrife, &c. La verfion latine d’Amafce tombe ici dans une contradiction ridicule-, car après avoir dit que Mycalefe eft au milieu des terres , il dit que Diitréphès la prit avec fes vaifleaux, ntvilus expngnwit.
Ch a i -. XXU1.
yt Pa u sa n ia s , Liv r e T. les habitans au fil de l’épée fans diftinftion d'âge ni de fexe. Cc qui prouve que cour fut maffacré, c’eft que les villes de Béotieque les Thébains ravagèrent alors, furent repeuplées par ceux mêmes qui avoient échappé à cette défolation, & qu'elles fubfiftent encore aujourd’hui} il en feroit de même de Mycalefe fi elle n’avoit pas été entièrement détruite. Pour revenir à la ftatuë de Diitrephès, je fus furpris de la voir percée de flèches ; car il eft certain qu'en ce temps - là , les Crétois étoient les feuls Grecs qui fe ferviflènt de flèches 5 nous fçavons que les Locriens [ 1 ] d’Opunce, qui au rapport d’Homére étoient venus à Troye avec l'arc & la fronde avoient une forte d’arme très-péfante dans le temps de la guerre des Perfes, & les Malliens eux-mêmes n’ontpas confervc l’ufage des flèches, qu’ils ignoroient, je crois, avant Philoélete. Auprès de cette ftatuë eft celle d’Hygie que l’on dit fille d’Efculape, & une autre de Minerve furnommée [a] Hygiéa , je ne parle point de plufieurs autres moins célèbres ; mais je remarquai en ce lieu un petit banc de pierre, où fi l’on en croit les Athéniens , Silène fè repofà , lorfque Bachus vint pour la première fois dans l'Attique, & ils donnent le nom de Silenes aux Satyres qui font les plus avancez en âge. Comme je leur faifois beaucoup de queftions fur ces Satyres, pour tâcher d’apprendre quelque chofe de plus que ce qui s'en dit communément, un Caricn nommé Euphemus me conta cc qui fuie 5 que s’étant embarqué pour aller en Italie il avoit été jetté par la tempête vers les extrémitez de l’Océan; là il y a, me diloit-il » des îles in» cultes qui ne font habitées que par des fauvages j nos matelots »» n’y vouloient pas aborder parcequ'elles leur étoient déjà con» nuës, mais pouffez par les vents ils furent obligez de prendre » terre à celle qui étoit la plus proche, ils appelloient ces îles «les Satyrides 5 les habitans font roux & ont par derrière une « queue prefque aufli grande que celle des chevaux. Dès que » ces fauvages nous fentirent dans leur île, il accoururent au « vaifleau, & y étant entrez, fans proférer une feule parole ils »» fe jetterent fur les premières femmes qu’ils rencontrèrent j [1] Les Locriens d’Opunce, qui au l’on nommoit Epicncmidiens. rapport, dre. Opuncc en Actinie étok Ji] I7»c autre de Aftnerve fernotto. la ville capitale de ces Locriens que mceHyftéa, c'eft-à-dire, de Minerve l'on fiitnomnioit Opunticns, comme falutatre, ou, qui donne la fatué. Cnéinis ctoit celle des Locriens que
nos
Vo y a g e d e l 'At t iq ü e . 7? Jt nos matelots pour làuver l’honneur de ces femmes, leur aban„ donnèrent une barbare qui étoit dans l'équipage, & aufti-tôt
„ ces
Satyres en aflbuvircnt leur brutalité ^non-feulement en la „ maniéré dont les hommes ufent des femmes, mais par toute „ forte de lafeivetez i voilà ce qui me fut conté par ce Catien. Il y a bien d’autres antiques dans la citadelle d’Athcnes ; je me fouviens particulièrement du petit Lycius qui étoit fils de Myron, il eft en bronze, portant [1] un vafe lacré ; c’eft Myron [2] lui-même qui l’a fait , de même que la ftatuë de Perfée dans l’attitude où vrai-femblablemcnt il étoit , quand il tua Médufe. Mais il ne faut pas oublier une chapelle de Diane Brauronia , dont la ftatuë eft de Praxitèle ; cette décile eft ainli appellée du nom d’une bourgade de l'Attique , où l’on montre une ftatuë fort ancienne que l’on dit être de la Diane [3] Taurique. Je n’oublierai pas non plus un cheval de bronze, lait à la reflëmblance de ce fameux cheval de bois, qui étoit certainement une machine de guerre inventée [4] par Epéus, & propre à renverfer des murs ; ou bien il faut croire que les Troyens étoient des [y] ftupides , des infenfez qui n’avoient pas ombre de raifon. Mais comme c’eft une opinion reçûë , que les plus vaillans de l’armée des Grecs fe cacheront dans le ventre de ce cheval ; la forme du cheval de bronze dont je parle quadre avec tout ce que l’on dit du cheval de Troye > car on
[ 1 ] Portmi un vafefacre'. ■nuilatT.'unecuvette où l’on gardoit l’eau luftralcpotir lerviraux afpcùions, com111c nos bénitiers. [1] Cefl Myron lui-même qui fa fait. Myron étoit d’Elcuthére, & floriflôit en la S 7. Olympiade avec Scopas & Polydétc. Voici le jugement que Cicéron portedeMyron,dans fon traité des Orateurs illuftres. Quu non uttclligit Canachi figna rigidiora effe, quant ut imitentur veritatem, Ca/amidit dura ilia qmdem, fed tamen molhora quant Canachi ; nondùm Myronu fatit ad veritatem adducla , jam tamen qua non dubitei pulchra dAere-, pulchriora emm Polycleti, &jam plane perfecla. [s] De la Diane Taunque.XjAlMlomel.
res faifoient partie des Scythes , la Diane Taurique étoit la Diane qui avoit fon temple & fon culte chez les Taures. [4] Une machine de guerre invente'» par Epéùe. Epéiis fils de l’anopéc étoit ingénieur & ftatiiairc; il fabriqua ce cheval de bois, que l’Enéide de Virgile a rendu fi-célébré ; mais félon Pline, Liv. 7. ch. 56.ee cheval étoit une machine de guerre, & la même que l'on a depuis appclkc ariei, un bélier. f 5 ] 11 faut croire que Ici Troyent étaient det ftupidei. I.a réflexion de Paufanias eft fort fcnlïe. L’idée d’un cheval de bois farci de gens de guerre eft une imagination poétique,qui bien examinée n a pas ombre de raifon. * K
voit Mencfthéc, Tcuccr , & les fils de Thefée qui panchez épient le moment de defcendre. Derrière ce cheval il y a pluficurs ftatuës ; j’enj remarquai une faite par Critias , d’un homme qui du temps que [i] Charinus étoit Archonte, disputa le prix de la courfe tout armé. Oenobius a aufli fa ftatuë pour récompenfe d’une très-belle action ; ce fut lui qui par un decret dont la régularité fut juftifiée, ordonna que Thucydide fils d’Olorus fèroit rappelle d'exil ; mais à quelque temps de là, Thucydide [2] fut tué par une inligne rrahilon : il a fon tombeau près de la porte Mélitidc. Le Pancratiafte [ 3 ] Hcrmolycus & Phormion fils d’Aiùpicus font aufli là en bror.ze : il eft inutile de repéter ce que les autres en ont dit ; j’obferverai feulement que Phormion qui ne cédoit à pas un autre Athénien en vertu , & dont la naiflànce étoit illuftre, le trouvant accablé de dettes prit le parti de l'c retirer dans le Bourg [4] de Péanie ; ce qui ncmpêcha pas les Athéniens de lui donner le commandement de leur armée navale : mais Phormion le rcfufa , difant que tant que tes dettes ne feraient pas payées il n’auroit nulle autorité fur le foldat : les Athéniens qui vouloient abfolument l’avoir pour Général , payèrent les dettes , & Phormion prit le commandement de la ______ flotte. Cwxr. Vous verrez encore là une Minerve qui châtie Te Silcne xxiv. Marfyas pour avoir emporté une flûte qu’elle avoit jettée & qu’elle ne vouloit pas qu’on ramaflar. A tous ces monumens j’ajouterai un tableau qui reprélente le combat de Théfce contre le Minotaure , foit que ce fut un homme ou un mor.ftre, comme on aimera mieux le croire : & à dire le vrai, nous avons vu des femmes enfanter de » monftrcs encore plus extraordinaires. Dans un autre tableau on voit Phryxus fils [ 1 ] Du temps tjHc Ch.irmns étoit Archonte. Amalèc .1 lû Epicharmxs au lieu de Charinus , & a brouillé tout le fens de cette phrafe ; Charinus droit Archonte en la 89. Olympiade. [a] Thucydide fut tué. Thucydide étoit Athénien ; le talent de bien écrire fut fon moindre talent; il étoit grand Capitaine & grand homme d’Etat: rl nous a laiflé une hiftoire de la guerre du Péloponr.cic, qui a été continuée
par Xénophon , & que la poftériré a regardée comme un chef-d'œuvre Sans le genre hiftoriqttc. [ l] Le Pancrats.:jle Hertnolicus. On a déjà diras que les Grecs entendoitnt par le terme de PMcratiajle. [4.] Dans le boxrg de Pcanu. Il y avoit dans l’Attique deux bourgades de ce nom, la haute & la balle ; l'une & l'autre étoient de la tribu de Pandion. Péanic étoit le lieu natal de Dunofthénc.
Vo y a g e d e l ’At t iq u e . 7y «TAthamas , immolant le Bélier qui l’avoir porté [ i ] à Colchos ; on ne fqaic pas bien à qui il l’immole -, mais on peur conjecturer que c’eft à ce dieu que les Orchoméniens appellent [i] Laphyftius. Phryxus qui fuivant l’ufage des Grecs
dans les facrifices vient de couper le ventre de la victime, en regarde une partie rôtir fur les charbons. Je me fouviens en. core d’un Hercule qui étouffe de gros ferpens dans fes mains, comme le dit la fable ; d’une Minerve qui fort de la tête de Jupiter , & enfin d’un taureau qui fut confacré en ce lieu lâ par le Sénat de l’Aréopage ■> la raifon de cette confécration
eft une ample matière de conjectures. Pour moi, je me contente d’avoir déjà dit que les Athéniens font les plus religieux de tous les peuples -, ils font en effet les premiers qui ayenc honoré Minerve fous le nom [5] d’Ergané , & Mercure fous la forme de ces bulles qui n’ont que la tête & le tronc } les premiers aufli qui fe foient avifez de confacrer dans leurs tenu pies une ftatuë au [4] bon Genie. Que fi vous préférez les beautez de l’art à la fimple antiquité , voici ce que vous pourrez voir ; un guerrier inconnu qui a la tête dans un cafque, fes ongles font d’argent , c’eft un ouvrage [ 5] de Clœétas ; une ftatuë de la terre fuppliante [6] qui demande de lapluye à Jupiter, foit que les Athéniens ayent
[ 1 ] <f?ui l'avait porte à Colchos. pas bien lûr que le texte grec lignifie Colchos ctoit la capitale de la Col- cela, mais comme il eft fort obfcur, chide que l’on appelle aujourd’hui la j’en ai tiré le fens qui m’a paru le plus vrai-fcmblable. Mingrelie.
[f ] Ceft un ouvrage de Claétat. Ce [2] Eapbiftius. «»•' t ."u Aaÿwn», feftmare, avoir hâtes c’étoit apparem- Clœétas étoit non-feulement grand ment la même divinité que Jupiter ftatuaire, mais grand architcâe. La Phyxius , ainfi dit «v ÿivyti, .fuir. barriercd’OlympiedontlesGrecs s’apSous cette dénomination Jupiter étoit plaudifloient tant, étoitfonouvrage. regardé comme le dieu tutélaire des [6] De la terrefuppliante qui demanfugitifs. de de l’eau à Jupiter. Selon les Mytho[ j] Sous le nom de Minerve Ergané. logues la terre étoit l’époufe de Jupivv”. opus, ouvrage. De là le furnom ter qui dcfcendoit dans fon foin quand d’Ergané, comme qui diroit,3/nierue il pleuvoir, la protectrice & le confeil des grands Conjngis in gremium lait défendit, artifans. Pauûnias en quelque endroit dit Virgile. Et Tibulle parlant du de fon ouvrage, dit que le coq , fym- débordement du Nil qui fcttililc l’Ebole de la vigilance étoit conlâcré à gypte, dit, Minerve Ergané. Ttpropttr, nulle! ttllsu tuapefluUt uniret. [4] Une ftatuë au bon Genie. Il n’cft atnda ntt plmit fupplieot Mu Jovt.
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Pa u san ia Sj Liv r f . T. autrefois manqué d’eau, ou que toute laGrece air été affligée d’une fcchereflegénérale j uneftatuc [i] deTimothéc fils de Conon , & une de Conon même , une autre de Progné qui médite d’égorger fon fils, & celle d’Itys. Vous verrez encore une Minerve avec l’olivier qu’elle donne aux Athéniens, un Neptune qui fait fbrtir de la terre une fource d’eau en leur faveur, & une ftatuc de Jupiter [2] Poliéüs de la façon de Léocharès ; je vais dire comment les Athéniens facrifient à Jupiter Poliéüs , mais fans rendre raifon de leur culte. Ils mettent [3] fur Ion autel de l’orge mêlé avec du froment & ne laiflentperfonne auprès }le bœuf qui doit fervir de victime mange Un peu de ce grain en s’approchant de l'autel -, le prêtre [4] deftiné à l’immoler l’aflomme d’un coup de hache, puis s’enfuit ,& lesaffiftans comme s'ils n’avoient pas vû cette action appellent la hache en jugement } voilà comment fc paflè la
cérémonie. Il nous faut maintenant confidérer le [5] Parthenon. Sur le fronton [6] de 1a façade vous voyez tout ce qui a rapport à la nailîance de Minerve ; fur le fronton de derrière l’ouvrier a repréfenté le différend qui furvint entre Neptune & Minerve au [ i ] Une flatuê de Timothée fils de Conon. C croient deux grands Capitaines Athéniens dont vous pouvez lire la vie dans Cornélius Ncpos. [2] De Jupiter Poliéüs. »•*«, urbs, 14 ville. Jupiter Poliéüs, c’eft comme qui diroit, Jupiter le protecteur de U ville. [ 5 ] Ils mettent fur fon autel, &c. Pauiânias racontera bien-tôt lui-même l'origine de cette cérémonie. Si l’on en veut fçavoir davantage, on peut conliilter Hefychius, Suidas & Meurfius Liv. 6, ch. 22, defes édairciflcmens fur l’Attique. [4] Le prêtredeftiné 1 rimmoler,&c. De ccttc fonétion-là même le prêtre prenoit fon nom & s'appelait Btuf .'•<>. Anciennement c’étoit un crime capital quede ruer un bœuf, pareeque cet animal étoit regardé comme néceflâire aux hommes pour la culture des termes ; voilà le fondement de cette fentcncc ponte contre une hache, qui pa-
raît d'abord fi ridicule. Voyez Vairon de re rufticâ > Liv. 2, ch. ç. Cj] Le Parthenon. Jai déjà dit que c croit le temple de Minerve, on l’appclloit autrement l'Hécatompedon , ou le templede cent pieds, parccqu'il avoit cent pieds en tout fens. C’étoit un des plus magnifiques édifices qu’il y eut à Athènes ; il avoit été rebâti par Pcriclcs, les Perfes ayant brûlé le premier. On en peut voir la description dans le voyage de Spon qui avoit vû ce temple à Athènes, car il fubfiftc encore » pour la plus grande partie. [6 ] Sur le fronton de la façade. Le texte porte, •’> »«» •••’•» ému, dans ce que fon appelle les aigles. Comme les Anciens n’ont pû nous laitier d'eftampes ni de plans figurez de leurs temples, il n’cft pas aile de dire ce qu'ils entendoient par *"•« . les aigles. On Içait feulement & Vitruve nous l’apprend, que dans les premiers temps le toit des temples étoit une cfpccc de
Vo y a g e ÙE l ’Att iq u e .’ 77 fujet de l’Attique. Laftatuë [ i ] de la déclic eft d’or & d’yvoire; du milieu de l'on cafquc s’élève un Sphinx ; je parlerai des Sphinx quand j’en ferai d la defeription de la Béotie. Les deux côtez du cafque font foutenus par des grifons} Ariftée [i] de Proconncfe parle des grifons dans fespoëfies; il dit qu’ils lont continuellement en guerre avec les [ 5 ] Arimafpes pour de l’or que produit le pays, & qui eft foigneufement gardé par ces grifons ; que les Arimafpes n’ont qu’un œil, & qu’ils habitent au-deflus des [4] Iflcdons ; que pour les grifons, ce font des animaux allez fcmblablesau lion , avec cette différence qu’il s ont le bec & le plumage d’un aigle -, voilà ce qu’il en dit. Je reviens â la ftatuë de Minerve ; elle elt toute droite avec une tunique qui lui defeend jufqu’au bout des pieds ; fur fon eftomac il y a une tête de Médule en y voire , & auprès de la deeflè une vidoire haute d’environ quatre coudées ; Minerve tient line pique dans fa main , fon bouclier eft à fes pieds, près de fa pique en baseft [5] un ferpent, fymbolc d’Ericthonius. Sur le piedeftal il y a un bas relief qui repréfente [6] Pandore & ce plate-forme; qu’enfiiite pour faciliter Fécoulcment des eaux on fit les toits en pente ; & parccque cette forme reffcmblc allez à celle des ailes d’un aigle quand il les déployé & les tient un peu panchécs.on appella cette forte de couverture du nom d’««« & d’«<«i«<. Cependant comme le temps a épargné une bonne partie de ce temple de Minerve , fil i vant la dcfcription que Spon en a fait, je crois qu’ici Paufanias par ki t »/, les aigles, entend les deux frontons , celui de h façade du temple, 8c celui de derrière. [ 1 ] L» flatuè de U déejfe eft d'or & <Pj voire. Cette ftatuë haute de 16 coudées étoit le chef-d’œuvre de Phidias; Cicéron, Pline, Plutarque & pluficurs autres grands écrivains qui i’avoient vue en parlent avec admiration. [ a ] Ariftée de Proconncfe. Proconnefc étoit une petite île de la Propontide, aujourd’hui Marmara. Ariftée vivoit du temps de Crœfus en la fo' Olympiade. Hérodote a débité beaucoup de fables touchant ce poète, & apres Hérodote pluficurs autres écri-
vains , dont Origénc le moque avec raifon. [ ; ] Avec les Arimafpes. Les Arimafpes croient Scythes ; Hérodote 8c Strabon en parlent à peu prés comme Paufanias. Strabon croit que ce que l’on difoit des Arimalpcs > qu’ils n’avoient qu’un œil, a donné lieu à la fable des Cyclopcs d’Homére. AuluGellc Liv. 9, ch. 4, dit que le poeme d’Ariftée fur les Arimafpes exiftoit encore de fon temps. Calaubon en cite un fragment de fix vers dans fes notes far Strabon. [4] Au-deftus des /ffédons. Les Iflcdons ou Ellcdons ctoicnt Scythes de même que les Arimafpes. Quelques géographes modernes les placent dans la grande Tartane. [ç] Près de fa pique en bas eft un ferpent. Plutarque dans fon traité d’ifis & Ofiris, dit que ce fcrpent ou dragon étoit-là pour marquer que la virginité a befoin d’un gardien. [tf] ^ui reprefente Pandore. Pandore félon la fable étoit la femme d’Êpiméthéc frère de Promcthce. Elle foi K iij
78 Pa u sa n ia s , Liv r e I. que l’on die de fa naiflânee j car félon Hcfiode & les aurre» Poètes Pandore a etc la première femme, & avant cllerefpece
ClIAP. XXV.
n’en ctoit pas au monde. Dans ce temple je n’ai vû qu’une feule ftatuë d’homme, c’eft celle de l’empereur Hadrien} mais à l’entrée j’ai vû celle d’Iphicrate, ce Général Athénien qui eft connu par tant de belles a&ions. Hors du temple j'ai remarqué un Apollon en bronze qui pafle pour être de Phidias ; cet Apollon eft furnommé [1] Parnopius , parce que le pays étant infedé de fauterelles ce dieu promit de l’en délivrer, fie l’on dit que réellement il l’en délivra. Pour moi, je fçai que fur le mont Sipylc les lâuterclles ont été exterminées jufqu’à trois fois, mais différemment 5 la première fois ce fut un grand vent qui les en chafla j la fécondé,une chaleurexceflîveayant fuccédé à des pluyes continuelles les fit mourir ; Sc latrofiéme elles périrent par un froid violent qui vint tout à coup ; c’eft ce que j’ai vû arriver de mon temps. On voit encore dans la citadelle d’Athènes une ftatuc de Periclès [i] fils de Xantippe , Sc une de Xantippe môme qui dans un combat naval défit les Perfes auprès de [ 3 ] Mycalé. La ftatuë de Periclès eft ifolée , mais à côté de Xantippe eft Anacréon de Téos , qui le premier après [4] Sapho la Lefbienne fit des poëfies galantes ; il eft repreienté comme un homme qui a un peu de vin dans la tête &c qui chante. Enfuite c’eft Ino fille d’Inachus, & Callifto fille de Lycaon, leurs ftatucs font un ouvrage de [ 5 ] Dinomene, & leurs avantures ont
formée de la terre par Vulcain, & chaque dieu contribua de quelque choie à fa perfaftion de là fon nom de Pandore , de deux mots grecs & iSf-, qui lignifient toute forte de dons. [1] Cet Apollon eft furnommé PumcE' us. ndposnt locufts, des fenterelles> de le furnom de Pornopius. [1] I7nc ftsuuë de Periclès. Periclès fut illuftrc par là naiflance & par fon mérite perfonncl ; il ctoit grand Orateur , grand Capitaine, & grand Politique. On peut lire fa vie dans Plutarque qui compare cet Athénien avec Fabius Maximus un des plus grands hommes que Rome ait portez. [5] Auprès de Mjcale. C’étoit une ville de la Carie dans l’Afic mineure.
[4] Après Saplio U Lesbienne. Saphode Lclbos vivait du temps de Stéfichore & d’Alcée environ fix cens ans avant l’Erc chrétienne. Cette fille fe rendit fi célèbre par fon cfprit & par les poefies quelle mérita d’être appelléc la dixiéme Mule. Socrate, Ariftotc, Strabon , Denis d’Halicarnaflè, Plutarque & Longin l’ont mis au rang des plus grands poètes. Quelques auteurs rapportent qu’ayant pris de l’amour pour le jeune Phaon qui la méprilôit, elle fit le faut de Leucade, c’eft-à-dire qu’elle le précipita du haut de ce promontoire dans la mer. [f] 17» ouvrago de Dinomene. Ce ftatuairc eft connu par plufieurs ouvrages dbnt il eft parlé dans Pline, & par
*
Vo y a g e ni l'AîTiiyiÉ. 79 etc toutes pareilles ; car aimées l'une & l'autre de Jupiter , & odieufes également à Junon elles furent changées , l’une en vache, &. l’autre en ourle. Le mur de la citadelle dù côté du midi eft orné de diverfes peintures dont voici le fujet ; la guerre des Dieux contre les Géans qui habitoient la Thrace & l’ifthme [ 1 ] de Pallene, le combat des Athéniens contre les Amazones , leur victoire fur les Perfes à la journée de Marathon & la défaite des Gaulois en Myfie-, chaque tableau eft d’environ deux coudées , c’eft Attalus qui les a mis & confierez dans le lieu où ils font. Olympiodore a aufii là fa ftatuë & l’a certainement bien méritée, non feulement par fes grandes actions, mais pour avoir relevé le courage des Athéniens, dans un temps où rebutez par des difgraces continuelles ils ne pouvoient ni remédier au prefent, ni bien efpérer de l’avenir ; carie malheur qui leur arriva [2] à Chéronéefiit fatal à tous les Grecs. Ceux qui par politique n’avoient pas voulu prendre part à la caufe commune , & ceux qui trahifiànt leur patrie s’étoient rangez du côté des Macédoniens, tous furent aflèrvis. Philippe s’empara de plufieurs villes , & pendant qu’il endormoit les Athéniens f'ar des propo (irions de paix, il les affoibliflbit de plus en plus, es dépouiiloit de toutes les îles qu’ils pofledoient, Scieur faifoit infenfiblement perdre l’empire de la mer ; de forte que durant tout fon régne celui de fon fils, les Athéniens n’oférent faire aucune entreprife. Mais après la mort d’Alexandre , voyant que la Macédoine avoit déféré la couronne à Aridéc & le gouvernement à Antipater, ils ne jugèrent pas à propos de fouffrir que la Grèce demeurât plus long-temps dans l’oppreflion ; ils armèrent donc les premiers & engagèrent les autres à fuivre leur exemple. Les villes qui firent alliance avec les Athéniens furent premièrement dans le Péloponnefe, Argos, Epidaure , Sicyone, Trœzéne , Elée, Phliafie & Meflene ; en fécond lieu hors de l’ifthme de Corinthe les Locriens, les Phocéens, les Thefiàliens , les Caryfthiens , & les Acarnaniens qui font partie des une epigramme qui fe lit dans l’Antho- Chénnée. Les Athéniens & leurs alliez logie grecque fur une de ces ftatufcs. furent entièrement défaits devant cette [i] DeCifihme de Pallene. Pallene, ville de la Béotic par Philippe roi de autrement Phlégra ctoit une péninfulc Macédoine & par Alexandre fon fils, de forme triangulaire dans la Thrace, qui à l’âge de 19 ans commandoit une dit Etienne de Byfance. aile de l'armée Macédonienne. £ * ] Le malheur qui leur arriva a
So Pa u sa n ia s , Liv r e I. Etolicns. Pour les Béotiens , comme ils avoient rafe Thebes & qu’ils en pofledoient tout le territoire, dans la crainte que les Athéniens ne rétabliflent cette ville pour s’en fervirenfuite
contre eux, non-feulement ils ne fe liguèrent point avec Athènes , mais ils fe déclarèrent pour les Macédoniens & les aflîftèrent de toutes leurs forces. Après que chacune des villes confédérées eut fourni lès troupes & nommé un commandant particulier, toutes enfemble s’accordèrent à donner le commandement général à Léofthéne Athénien , tant pour la prééminence de la ville d’où il étoic , que pour fon mérite perfonnel & (à grande expérience au métier delà guerre ; outre que toute la Grèce lui avoit une obligation finguliére ; car Alexandre ayant condamné les Grecs qui avoient lérvi fous Darius & fous fes Satrapes à relier en Perlé, Léofthéne les fit embarquer à fon infçu & les ramena en Europe. Revenu en la patrie il lui rendit des fervices fignalez & paflà de beaucoup les elpéranccs cjue l’on avoit conçues de là valeur ; mais ces elpérances s’évanouirent bien-tôt par fa mort qui fut pleurée généralement de tous lès citoyens, & qui dans la fuite leur caula bien des malheurs. En effet peu de temps après la garnifon Macédonienne qui étoit dans Athènes s’empara d’abord de Munychie, enfuite du Pirée & de ce que l’on appelle [ i ] les longues murailles. Antipater étant njort fur ces entrefaites, Olympias partit de l’Epire pour venir ôter le royaume & la vie à Aridée ; mais elle ne jouit pas long-temps du fruit de fon crime; Cailânder l’alfiégea dans fa capitale, & s’en étant rendu maître il la livra à la populace; puis s’emparant lui-même du royaume , je laiflé tout ce qui eft étranger à mon fujet , il vint prendre en Afrique le fort [a] Panade , enfuite Salaminc , & obligea les Athéniens dè reconnoître pour roi Démétrius fils de Phénoftrate & l’un des plus fages hommes de fon temps. Un autre Démétrius fils d’Antigonus , prince qui dans une grande jeunefle n’étoit fenfible qu’à la gloire de le faire aimer [>]Ltt bnyttrmuaillf'. ou «i 'a », tracbtn ou rmra. Ces murailles embrafloient tout le Pirée & le joignoientà Athènes; elles ctoient longues <ie 40 Aides qui font cinq mille pas > hautes de 40 coudées, & fi larges que deux chariots y pouvaient partir 4c front ; on n'avoit employé à leur
conftruélion que de greffes pierres de tailles jointes enfemble non avec du ciment, mais avec du fer & du plomb fondu ; ce fut Cimon qui en jetra les fondemens, à ce que dit Plutarque > & Pétides qui les fit achever. [ 11 Lt fort PtrrtMfie. C’ctoit une for. terefle entre l'Attiquc & la Bévue. dei
Vo y a g e d e l 'At t iq u ï . 8r des Grecs, ch.illa bien tôt le nouveau tyran ; mais Caflàndcr qui baiflbic les Athéniens gagna Lacharis & lui perfuada de le faire roi d’Athènes. Ce Lacharis avoit toujours tenu le premier rang parmi le peuple , du refte c’ctoit le plus cruel de tous les hommes, & qui n’epargnoit ni lefacré ni le profane. Le fils d’Antigonus, quoiqu’aJors peu d’accord avec les Athéniens, ne laillapas de détruire la tyrannie de Lacharis , qui voyant déjà fon ennemi aux portes, enleva de la citadelle des boucliers d’or que l’on y conlervoit, & toutes les richelïès qui fe pouvoient tranlportcr , làns même refpeâcr celles qui étoient confacrées a Minerve, & fe réfugia chez les Béotiens ; mais l’opinion qu’ils eurent de fon opulence fut juftement la caufe de fa perte ; car les habitans de Coronce le tuèrent pour avoir lès tréfors. Démétrius ayant ainfi délivré les Athéniens de leurs tyrans ne fe preflà pas pour cela de leur rendre le Pirée ; au contraire dans la fuite il acheva de les fubjuguer , mit garnifon dans la ville , & fortifia le Mulce ; c’eft une colline qui eft dans l’enceinte de l’ancienne ville vis-à-vis de la citadelle ; on dit que le pocte [ i ] Mufèe avoit accoutumé de fe retirer là pour faire des vers, & qu’y étant mort de vieilleflè il y fut inhume ; mais depuis on a élevé un tombeau à un illuftre Syrien dans le meme lieu. Démetrius s’empara donc de ce pofte & jugea à propos de le fortifier. ______ Au bout de quelques années tout ce qu’il y eut de braves Ch a p . Athéniens , excitez par le fouvenir de leurs ancêtres fe ré- XXVI. veillèrent. Confidérant donc combien ils étoient déchûs de leur ancienne gloire ils eurent honte d’eux-mêmes , & fur le champ donnèrent le commandement de leurs troupes à Olympiodore. Auflî-tôt ce Général enrôlefâns diftin&ion d’âge tout ce qu’il y avoit de gens capables de porter les armes, & comptant plus fur la bonne volonté de fes loldats que fur leurs forces, il marche à l’ennemi. En même temps les Macédoniens for[t ] Le perte Mufit. Ce pocte mérite bien que j’en parle; il ne faut pas le confondre avec d’autres de même nom , car on en compte jufqu a fept ; celui-ci le plus ancien de tous vivoit avant Homère, il ctoit Athénien, fils d’Antiphemc ; entre autres ouvrages de poclic il en avoit fait un intitulé •»»<•«■ félon Suidas, ÿc félon Tome J.
Paufanias; c croient des préceptes adret fez à fon fils Eumolpc. Il fot difoiple d'Orphée; les ouvrages qui portoient fon nom paflbient pour être d’Onomacrite dés le temps de Pauûnias. Nous n’avons plus rien de cet ancien pocte; fon petit fils eut auflî nom Mulèc ; Diogène Lacrce le fait inventeur de la fphcrc, & lui attribué une Théogonie,
8i Pa v sa w îa s , Li v r ï T. tant de leurs rctranchcmens ; Olynwiodore les attaque & les inet en déroute, ils regagnent le Mufée, le General Athénien les y pourfuic, les challc de ce porte & s’en rend le maître. Voilà comment Athènes fecoüa enfin le joug des Macédoniens. En cette occafion il n’y eue pas un Athénien qui ne fie parfaitement bien fon devoir , mais Léocrite fils de Protarque fe dirtingua entre tous les autres ; car il fut le premier qui efcalada le mur , & le premier qui l’épée à la main fe jetta dans le Mufce où il périt en combattant ; fes citoyens lui rendirent de grands honneurs , fur-tout en confacrant fon bouclier à Jupiter le libérateur , après avoir fait graver deflùs & fon nom & le récit de ce bel exploit. Pour OÎympiodore,
il donna bien d’autres marques de Ion courage ; car non feulement il reprit Munychie & le Piree , mais voyant que les Macédoniens faifoient des courfes julqu’aux portes d’Eleufis, il fe mit à la tête des habitans, alla chercher les ennemis & les défit. Long-temps auparavant lorique Caflândercommençoit à exercer des hoftilicez dans l’Afrique, OIympiodore s’etoit embarqué pour aller demander du fecours aux Ecoliens , & il en avoit obtenu , ce qui fut le falut d’Athènes à la veille d’une guerre comme celle dont on étoit menacé. C’eft donc avec juftice que les Athéniens ont érigé des monumens à la gloire de ce grand homme foit dans la citadelle, foit au Prytanée, & que les Eleufiniens confervent le fouvenir de fes grandes actions par des tableaux qui les repréfentent. Parmi les Phocéens ceux d’Elatée qu’il vint fecourir fi à propos, lorlqu’ils eurent quitté le parti de Caflânder, l'ont auflï honoré par des marques publiques de leur reconnoiflan • ce , en [lui conlâcrant une ftatuë de bronze dans le temple de Delphes. Auprès de la ftatuë d’Olympiodore, je dis celle qui a donné lieu à ma digrcflîon , eft une-Diane en bronze fous le nom de Diane Leucophryné ; ce font les enfans de Thcmiftocle qui en ont fait la confécration , parce que leur pere par un effet [i] de la libéralité du roi de Perfe avoit régné fur les [t] Par un effet de la libéralité'du ni de Perfe. Artaxcrxè» voulant marquer à Thcmiftocle à qud point il l’eftimoit, & auflidansrclpcrancedcic fêrvir utilement de ce grand homme lui donna
trois villes, Magncfie, Lampfaque & Myuntc , en lui difint que Magncfic fourniroit le painde là table, Lampfaque le vin & Myuntc la bonne chère. Cer. Nepei dam la vie de Tbéuuftetle.
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I.
Magnéficns, qui honorent Diane fous le nom de Léucophrync ; je ne dois pas m’arrêter plus long-temps fur cette particularité , non plus que fur beaucoup d'autres, avec un dellcin aulfi vafte que celui de décrire toute la Grèce. Il y a eu un difciple de Dédale qui fe nommoic Endœus ; il ctoit Athénien & il luivit Dédale en Crete, lor(qu’il fut obligé de fuir pour avoir tué Calus ; la Minerve aliife que l’on voit dans la citadelle d’Athenes eft de cet Endœus jl’infcription porte que c’eft Critias qui l’a confacréc, & Endœus qui l'a faite, le temple d’Eredhée eft encore à voir ; dans le parvis il y a
un autel dédié à Jupiter furnommé le Grand ; cet autel a cela de particulier que l’on n'y lacrific rien d’animé, on fe contente d’y faire des offrandes, & l’on ne lé (crt pas même de vin dans les libations. En entrant vous trouvez trois autels -, le premier eft confacré à Neptune & fuivant un ancien oracle on y facrifie aufii à Eredhee ; le fécond [ i ] à Butés qui eft un de leurs Héros, & le rroifiéme à Vulcain ; fur les murs on a peint à Fraifque l’hiftoire du Héros & toutes les avantures qui ont quelque rapport à lui ou à fa famille. Ce temple [x] eft double , on y voit un puits dont l’eau eft (alée , ce qui n’eft. pas bien merveilleux ; car je connois d’autres endroits fituez au milieu des terres, où il y a des puits (emblables ; les Aphrodifiens dans la Carie en ont un ; mais ce que je trouve de plus remarquable en celui dont je parle , c’eft que par le vent de midi fes eaux deviennent bruyantes, & que fur la pierre qui le couvre eft encore empreinte la figure d’un trident, ce que les Athéniens regardent comme une marque de l’ancienne prétention de Neptune fur l’Attique. Au refte ce n’eft pas feulement la ville qui eft fous la protedion de Minerve , c’eft tout le pays ; car encore que chaque peuple de l’Etat ait tes Dieux particuliers , tous néanmoins honorent la Deefle d’un culte commun. La plus vénérable de toutes fes ftatucs eft [ i ] Lt (ecend à Buter. K y a eu deux cnlêmblc, ils fubfiftcnt encore & nous Butes, cous deux Athéniens ; l’un fils en avons la description dans le voyage de Pandion .aptes la mort de fon pere, de Spon. Cei deux templer,dit-ü,fmt fut revêtu du ûccrdocc de Minerve, eTrrdre Unique etvet dei (eUnner cnl'aune fut du nombre des Argonautes ; neléer, & fut de mettre cemme (élut c'cft apparemment de cc dernier qu'il de Minerve. Le grend a piedr d eft ici parle. demi de /•■/ /ir d dertn de Urge, le [*]O temple eft dmtHe. C’eft-à- petit 19 de leng fier x 1 trtir pncci de dfte qu'il y avoir deux, temples joints lerge. L ij
«4 P a u $ A NI A s, Liv r e I. même celle ,qui long-temps avant aue les Athéniens euflent quitte leurs bourgades pour lé raflcmblcr fie ne faire plus qu'un fcul peuple , fut d’un contentement unanime confacrée dans le quartier où eft aujourd'hui la citadelle, fie qui alors compofoit toute la ville d’Athcnes. La renommée a public que cette ftatuc étoit tombée du ciel, c’eft ce que je ne veux ni nier ni affirmer. La lampe d’or qui brûle devant laDéeflè eft un ouvrage de Callimaque , on l’emplit d’huile au commencement de chaque année lâns qu’il toit befoin d’y toucher
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davantage , quoiqu’elle foit allumée jour fie cuit ; cela vient de ce que la mcche de cette lampe eft faite de lin [ i ] de Carpafie , le feul que le feu ne coniume point. Au deftus eft une grande palme de bronze qui s’élevant jufqu'à la voûte diffipe aifement la fumée f Callimaque qui a fait cet ouvrage n'ctoit pas de la force des grands ouvriers , mais il les paftoit tous en une certaine finefle d’art ; il eft le premier qui ait trouve le fecret de percer le marbre, fie il croit d’un goût fi difficile pour lès propres ouvrages qu’on l’appelloit communément [i] l’ennemi juré de l’art, foit que ce nom luifûtdonné par les autres, ou qu’il l’eût pris lui-même.
Ch
a p. Dans le temple de Minerve [5] Poliade voici les antiquiXXVIL tez que l’on peut voir 5 premièrement une ftatuc de Mercure qui n’eft que de bois , 8c que l’on dit avoir été donnée par Cécrops. Elle eft faite de plufieurs branches de myrte jointes cnfemble [4] avec une adreflê merveilleufè ; fêcondement une efj>ece de fiege pliant fait par Dédale -, enfin plufieurs dépouilles remportées fur les Perfes , entr’autres la cuiraflê de Maciftius qui commandoit la cavallerie des ennemis au combat de Platée , fie un fabre que l’on allure être celui de Mardonius. A l’égard de Maciftius , nous fçavons qu’il périr en combattant contre les Athéniens 5 mais pour Mardonius,
[1] De lin de Cttftjîe. Carpafium ©u Carpafia étoit une ville de llle de Chypre. [iJL’ennemi juré de l'ert, caleciItmmetenr de l'en, , Pline en parle de h meme maniéré. L. 54, ch. 19. [ ; ] De Minerve Pefonde. C’eft-à-dire de Minerve protectrice de la ville. [ij&iitti enfemble nvcc une edrejje
mervetUeufe. Le grec porte ne foit aucun icns raûônnable ; Kuhnius lit •» Am A.. qui ne foujje pes bien v»ir, j’aime mieux lire avec Paulmier de Grantemcfml iwAA»,fon hé, bien tiffu ; car je ne comprens pas qu'on lait sat croître dans un temple une forêt de myrte qui couvrit cette ftatuc, c’eft pourtant la pcnlcc de Kuhnius.
Vo y a g e d e l 'At t i ^ü e ; 8y il combatcoic contre les Lacédémoniens , & fut tué par un foldat de cette nation t Les Lacédémoniens n’auroient pas louftcrt que Ion fabre fût enlevé par des Athéniens. On vous montrera un olivier que l’on regarde encore comme un monument du débat que Minerve eut avec Neptune 5 on prétend que les Perfes ayant mis le feu à la ville d’Athènes, cet olivier fut brûlé , & que le même jour il repouflà jufqu'à la hauteur de deux coudées. Le temple de Pandrolê touche à celui de Minerve } j’ai déjà dit que Minerve lui confia un jour à elle & à fes fœurs un dépôt, & que Pandrofc fut la feule qui demeura fidèle à la DécfTe. Je vais maintenant raconter quelques particularitcz qui ne font pas fçûcs de tout le monde. Auprès du temple de MinervePoliade, eft une maifon habitée par deux Vierges que les Athéniens appellent du nom ( i ] de Canéphores, comme qui diroit, porteufes de corbeilles. Ces Vierges partent un certain temps au fervicc de la Décrtè , & le jour de fa fête arrivant elles vont la huit au temple, où elles reçoivent de la Prêtrerte de Minerve des corbeilles qu’elles mettent fur leur tête , fans que ni elles , ni la Prêtrerte même fçaehent ce qui eft dedans. Il y a dans la ville aflez près de la Venus aux Jardins, une enceinte d’où l’on defeend dans une caverne qui paroît s’etre creufce naturellement j c’eft là que ces deux Vierges dépofent leurs corbeilles, enfuite elles en reprennent d’autres qu’elles portent au temple fur leur tête aufli avec le même myftere ; de ce jour elles ont leur congé , & l’on en prend deux autres pour remplir leur place dans la citadelle. Près du même temple eft une ftatuc haute feulement d’une coudce , & fort légère, qui repréfente [t] une vieille : l’infcription porte que c’étoit la fervante d’une certaine Lyfimaque. Vous verrez aufli deux grandes ftatuës de bronze dans l'attitude de deux hommes qui fc battent } on croit que l’un eft Ercâhéc , l’autre Eumolpc } mais ceux qui ont quelque connoiflance de l’antiquité fçavenc
[t] Du nom de Canéphores. Ce mot fera, porieufe de corbeille . [i]J2«i repréfente une vieille. Le eft confacré pour (igniticr les vierges dont il s’agit ici. Cicéron dans fon 6° texte pourrait bien être altère en cet plaidoyer contre Verrès parle des Ca- endroit. Ladifficulté vient du mot grec que quelques interprètes prennéphorcs de Polyclcte comme de deux ftatuës d'une grande beauté i il y avoit nent pour un nom propre, & qui eft aufli les Cancphores de Scopas, dont fulpeCl aux autres avec raifon. parle Pline Lav. jtf. aftiLüj
56 Pa u fa n ia s , Liv r e ï. bien que le dernier eft plutôt Immaradus fils d’Eumolpc, qui fut tué par Ereéthée. Sur le piédcftal eft repréfenté... ou quiconque [i]fut l'Augur que Tolmidès confulta fur fon entreprise , & Tolmidès y eft lui-même. C’ctoit un Général de l’armée navale des Athéniens , qui après avoir porté la terreur en beaucoup d'endroits , mais particulièrement fur les côtes du Péloponnefe , alla brûler l’arfenal & les vaiflêaux des Lacédémoniens à Gythée , puis tombant fur leurs voifins conquit l’Eubœe & l’île de Cythere , fit une defcente dans le pays des Sicyoniens , battit l’armée qui s’oppofoit à fes courfes , & la pouffa jufques dans les murs de Sicyone ; enfuite étant rentre dans les ports d’Athènes il y embarqua des colonies qu’il mena en Eubcce & à Naxe. Pour dernier exploic il fit une irruption dans la Bcotie , ravagea la campagne, prit Chéronée, & s’étant avancé jufques dans le pays des Haliartiens leur livra bataille ; mais fon armée fut taillée en pièces 6 lui-même périt dans le combat j voilà tout ce que j’ai pu fçavoir touchant Tolmidès. Je ne vous parle point de quelques autres ftatuës fort anciennes de Minerve, qui véritablement font encore entières , mais fort noires & iï endommagées qu’elles ne foutiendroient pas le marteau ; c’eft la flamme qui les a miles en cet état, lorlque Xerxès prit Athènes qu’il trouva prefque abandonnée , pareeque la meilleure partie des habitans avoit monté fur les vaiflêaux. Mais vous verrez une belle chaflè de (ànglier , dont pourtant je n’ai pû rien apprendre de certain ; car on ne fçait fi c’eft le fânglier de Calydon que l’on a voulu repréfenter 5 je ne dois pas oublier Cycnus & Hercule qui combattent l’un contre l’autre ; on dit que ce Cycnus propofoit un prix à quiconque pourroit le vaincre dans un combat fingulier, Sc qu’il avoit tué ainfi nombre d’hommes , entr’autres Lycus de Thrace , mais il fut tué lui-même par Hercule auprès du fleuve Pénée. Les Trœzéniens qui fe plaifent à conter les avantures de Théfée difent qu’Hercule étant venu voir Pithée quitta fa peau de lion pour fê mettre à table ; que plufieurs enfans de [ t]Ou quiconque fut C/lu^ur, &c. Cet endroit du texte eft évidemment corrompu ; le nom de l’Augur y eft omis. Kuhnius a voulu le rétablir en lifânt F.ndaut, mais c’eft une conjecture trop hazardéc. Paufanias a ci-
devant parle d’un Endœus ftatuairc, & non Augur; cet Endœus étoit contemporain de Dédale, par confèquent fort antérieur à Tolmidès qui fe diftingua durant la guerre du Péloponnèse.
VOYAGE t) E L’At TI^V!. «7 la ville , cntr’aucrcs Thefée qui pour lors n’avoir que fepr ans, attirez par la curiofité étoient accourus chez Pithée , niais que tous avoient eu grand’peur de la peau de lion, à la réserve du petit Thefée qui arrachant une hache d’entre les mains d’un efclavc & croyant voir un lion , vint pour l’attaquer; telle eft la première avanture qu’ils racontent de Thélee. Ils ajoutent qu’Egée avant que de quitter Trœzéne , mit fa chaulfure & lôn épcc fous une grofle roche, afin qu’à ces marques on pût reconnoître un jour fon fils ; qu’enniite il partit pour Athènes ; qu’à peine Thefée avoit-il atteint l’age de leize ans qu’il remua cette grofle roche &c prit l’efpcce de dépôt qui étoit deflbus ; ce fécond traie de la vie de ThcIce [ i] eft gravé fur du bronze dans la citadelle d’Athènes. On y conlerve aufli un monument hiftorique d’une autre avanture de ce Héros , laquelle mérite d’être rapportée. Un taureau d’une grandeur énorme infeftoit toute la Crète , & particulièrement ce canton que le fleuve Téthris arrofe ; car on prétend que dans ces premiers temps il y avoit des bêtes beaucoup plus féroces &plus terribles [ z ] qu’il n’y en a prélèntemcnt, témoin le lion de la forêt deNémée, celui du Mont Parnaflè , & ces dragons que l’on a vus en plusieurs endroits de la Grece ; témoin encore le fanglier de Calydon , celui d’Erymanthe & celui de Crommyon aux environs de Corinthe. La terre produifoit ces monftres, quelques-uns d’eux étoient même en quelque façon confierez aux Dieux,qui en fufeitoient de temps en temps pour punir le genre humain. En effet les Crétois eux-mêmes étoient perfuadez que c’étoit Neptune qui dans la colere leur avoit envoyé ce prodigieux [ i ] Eft gravéfur du bronze, &c. M. le Duc d'Orléans a dans fon cabinetunc cornaline antiqued’une grande beauté, où cette aélion de Thélcc cil gravée. On y voit ce jeune héros lever une pierre énorme, fous laquelle on découvre l’cpée & la chaiillùrc qu’Egée y avoit cachées ; cette cornaline vient de feu S. A. R. Madame, qui l’avoit eue du prince Palatin fon perc. On en peut voir la description dans le recueil de Bégcr. [al «y en a préfentement. Il fomble que Paufanias attribue cela à
une caufo extraordinaire, en quoi il Ce trompe. La caufo en eft toute naturelle ; la terre alors n’étoit ni peuplée ni cultivée comme elle l’efl à préfont : de vaftes forets la couvraient de tous côtcz. 11 n’cft pas étonnant que ces immenfos folitudes nourriflcnt des bêtes plus féroces & plus terribles que l’on n'en voit de nos jours. Sans remonter fi haut il paraît par nos légendes que dans les premiers temps du Chriftianifine le pays que nous habitons > la Gaule, produifoit de ces fortes de betesj & c’étoit par la même raifon.
88 Pa u sa n ia s , Liv r e I. animal , pareeque Minos qui renoit l’empire de route cette mer dont la Grece cft environnée, n’honoroit pas le Dieu des mers d’une maniéré plus particulière que les autres Dieux i l’hiftoire dit que ce taureau pafla de la Crcte dans le Péloponnelê, & qu’il donna lieu à l’un des douze travaux d’Hercule. D’autres dilènt qu’après avoir défolé le pays d’Argos ,il pénétra par l’ifthme de Corinthe en Attique, & jufqu’à Marathon où il fit des maux infinis, tua tout ce que le hazard lui fit rencontrer, & nommément Androgée fils de Minos ; que Minos attribuant la mort de fon fils à la méchanceté des Athéniens avoit auflî-tôt équipé une flotte pour venir aflîéger Athènes , & n’avoit celle de faire la guerre aux Athéniens , qu’ils n’euflent confenti à lui envoyer tous les ans fept jeunes garçons & fept jeunes filles pour être livrez au Minotaure qu’il avoit enfermé dans le labyrinthe de Gnoflè. La tradition ajoute qu’enfin Théfée poufla l’énorme taureau juf. ques dans la citadelle d’Athènes , & que là il l’immola à la Déeflê. Il eft certain que le peuple de Marathon a confacré _______ dans ce lieu un beau tableau qui repréfente cet exploit.
C h a p. XXVIII.
Mais par quelle raifon l’on a érigé une ftatuë de bronze Cylon, & fur quel fondement il en a été trouvé digne, c’eft ce que je n’ai pu fçavoir. Car c’eft un foit confiant que Cylon voulut fe faire le [ i ] tyran de fa patrie ; je crois pour moi que c’eft pareequ’il étoit l’homme le mieux fait de fon temps , & qu’il avoit acquis aux jeux Olympiques beaucoup de gloire en remportant le prix du ftade doublé ; outre qu’il avoit époufe la fille de Théagéne tyran de Mégare. Avant que de quitter la citadelle , je parlerai encore de deux anciens monumens qui font le fruit de la dixiéme partie du butin que les Athéniens ont fait fur leurs ennemis. Le premier eft
une Minerve en bronze qui a étc payée du prix des dépouilles remportées fur les Perfes à la journée de Marathon, c’eft un ouvrage de Phidias. Mys [1] excellent graveur a. reprefentc
[ t] l'oulut fe faire le tyran de fa pa- le plus célébré graveur de l’Antiquitc, trie. Thucydide Liv. i, nous apprend & met au fécond rang Acragas, Bocque ce Cylon s’emparade la citadelle thus & Mys. Martial loue ce dernier d’Athènes, & que peu de temps aptes dans plus d’une de fes epigrammes» il fut oblige de l’abandonner. fur-tout dans celle-ci. [a] Myi excédent graveur, t^c.Pline ^mvhCallaictrnhmtnmfametal!», Liv. ; 5, d). i a > vante Mentor comme Gltrin arli s mj » ; nam Mjn <fie lai*r.
VOTACt DI i ’At TKJJTI.' 89 for le bouclier de la Dceflê le combat des Centaures [H ôc des Lapiches , & plufieurs autres hiltoires d'apres les defleins
de Parrhafîus : ' dis d'Evénor. Cette ftatuc eft fi haute que l'aigrette du calque & La pointe de la pique peuvent être apper\uc> ; de Sunium. Le tecond monument cil un char d'airain a quoi l’on a employé le dixième des dépouillés enievees fur les Béotiens & iur les habituas [4] de Chalcis en Eubcre. Je finis par deux ftatuës qui attireront encore plus vos regards, je veux dire celle de Pendes fils de Xanuppe, Sc celle de Minerve Lemmenne qui eft conltamment le chef-d’œuvre de Phidias, 3c qui porte le nom de Lemmenne, parcoque ce font les habitons de Lcmnos qui l’ont coniâcree. Quant a la citadelle, Cimonfils de Miitiade en a bâti une partie, & l’on dit que deux Pclafgiens qui demeuraient au bas l’ont entourée de murs ; on les nomme Agrolas 3c Hyperbius : je n’en ai pu découvrir autre chofo, finon que tous deux originaires de Sicile s'etoient tramplantez en Acarnanie. d’ou ils avoient paflè a Athènes. Quand vous forez delcendu , je ne dis pas juiqu'au bas de la ville, mais feulement au de-là des portiques de la citadelle, vous verrez une fontaine Sc tout auprès un temple d’Apollon 3c du dieu Pan. La eft auiH un antre où ion dre* qu'Apollon eut commerce avec Croule fille d’Erecthee. Pour le dieu Pan, on raconte que dans le temps de l’irruption des Perles en Afrique , [ y] Pnidippidès ayant etc depcché pour en aller por[ • ] Lt tnAu in Crrum <$■ irs L*:tirer. Ce axnbax eft dccr.t dus ApoKoiote L1, dans Hypn table 1 s > & dans ks mctaraocpboiës d’Ovcie L il La Ceocasts & ics Lapttbes étoâent des peuples de h Tbrfàlx. ks pca&xn huent un® appclkz de exx fret s ,iertft, c-i*'^r> ■ Manu, uarraa. parrequ ayant fcu des pcemaen l'an de dotEptrr des chevaux & de les monter, ils s’en kcvotent à combattre des taureaux ûuTares Et pareequ'iis puotftôscnt montez fat des cfaevuat dans un temps ou
fin. Parrr-iics dTphefe fis & .iiÿyie d’Evcna tùr Je aval de Zeans , St l’un des crânes poutres de l'.Vxiqaaté ; nais il en état trop perêudc , ce oui le reDcouiarvaîu. Qdoti&ttpen amia guerre ôa Pckpomeiê en oème temps eue Socrate, quelque 440 us avant l'irechrtuecnr. f s ] frrtxxrérrr ayyerrari éeXunat. C <&à-dtredectz>q iscues. cat Sutuom croit à crue diftance d’Athcnes. [4] DeC'telci, n £»i«. LTubme eù aav'urc hui 13e de Neereporx. (’/'faTyrcscr. C'eft uni qu’à tu»
H vint 71'00 ks tepreftata comme des àxrl.i.ch. irf; ce coureur sappcdmortEres qui caoK» momé hommes iott Phaappsdés r* e— ic mari* chevaux. peroequ d aâott S bsen à pted qu d [1 ] Dim ln iejtm ù Ftrrit- a avott pas bcscc de chevaux. Tnu I. M
JO P A ü S A NI A S, L I VUE I. ter la nouvelle aux Lacédémoniens , il avoir eu d’eux pour toute réponfe qu’ils ne pouvoient envoyer fi-tôt du fecours à Athènes , pareeque leur religion ne permettoit pas qu’ils marchaient [i] avant la pleine Lune ; mais que Pan s’étoit apparu à lui auprès du mont Parthénien & l’avoit charge d’afliirer les Athéniens qu’il étoit leur ami, & qu’il combattrait pour eux à Marathon ; voilà , dit-on, l’origine du culte que les Athéniens rendent à ce Dieu. Plus bas eft le quartier de la ville qu’on nomme [2] F Aréopage, &qui a pris Ion nom de ce que Mars a été le premier cité en jugement dans ce lieulà ; car j’ai déjà dit & qu’il avoit tué Halirrhothius, &la raifon de ce meurtre. On tient qu’Orefte y comparut enfui te fur le meurtre de fa mere, & en effet on voit encore un autel de Minerve [ 3 ] Aréa, confiera , à ce que l’on croit, par Orefte , lorfqu’il fut ablous. Dans la fille de l’audience il y a deux marches [4] d’argent où s’aflèïent l’Acculâteur & l’Aceufé ; on nomme l’une le fiége de l’injure , & l’autre le [ 3] fiége de l’innocence. Près de-là eft le temple de ces déeilès que les Athéniens qualifient de fëveres , & qu’Héfiode dans fa Théogonie appelle du nom d’Erinnys. Efchyle eft le premier qui a Teint qu’elles avoient les cheveux entrelacez, de ferpens , bien que ni elles , ni les autres divinitez infernales qui font là, n’ayent rien d’effrayant, je veux dire , Pluton , [ 1 ] Qu’ils marchaient avant la pleine Lune. Cette fîiperftition étoit fi ancienne parmi les Lacédémoniens que nous la voyons établie dès le temps d’Eurotas le trôifiéme de leurs rois, , les Lunes Lacédémoviennes avoient pafféen Proverbe. [1] .Qu’on nomme l’Aréopage. Ce mot eft compofï d’A^w, Mars, 8c de ordytr, collis, colline, comme qui diroit la colline de Mars. L’Aréopage étoit le plus augufte Tribunal qu'il y eût à Athènes. Le nombre des juges qui le compoloient & la qualité des affaires dont ils connoiflbient ont varié. On y portoit fur-tout les caufcs capitales ou il s’agifloit de meurtre ou de péculat, ou d’impiété & d'innovation en matiere de Religion. Nous voyons que S. Paul y fût accule pour avoir prêché
Jefus-Chrift, 8c la réfurreétion des Morts. Socrate fût jugé & condamné parceTribunal. Si vous en voulez/çavoir davantage, vouspouvezlirc Mcurfius & Pottcrus. [5] De Minerve Aréa,c’eft-à-dire de Minerve qui avoit un autel fur la colline de Mars. [4 J II y a deux marches d'argent, L’cxprcflion grecque eft remarquable, àrr^ivs Ait» , des pierres d’argent ; c’eft ainfi qu’en parlant des fers d’un cheval, nous dirions des fers d'or ou d'argent. [5] Le fiége de l'innocence. Le texte porte, A, Si , /e fiége i'tm. pudence, Junius corrige . de l'innocence, & j’ai fuivi fa corrciftion. Au lieu d’«'vr«û il faut lire avec Mcurfius.
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Mercure, & la déelTe Tellus. Tous ceux qui fontabfous dans l’Arcopage facrificnt à ces divinitez , & les autres ont la même permiffion, étrangers ou citoyens. Dans l’enceinte de l’Aréopage on vous montre le tombeau d’Œdipe. Apres m’être curieulêment informé de ce que l’on en devoir croire , j’ai trouvé que fes os avoient été rapportez deThebes en cet endroit ; car ce que Sophocle [ i ] a imaginé de la mort d’Œdipe pie paroît peu croyable , comparé avec ce que dit Homère, qui témoigne que Mécifthée vint à Thebes pour difputer le prix dans les jeux funèbres qui fe célébroient fur le tombeau d’Œdipe. Les Athéniens ont dans la ville plufieurs autres tribunaux, mais beaucoup moins célébrés. Ils ont en premier lieu le Parabyfte [x] &. le Trigone , qui ont pris leur dénomination, l’un d’un endroit fort obfcur où l’on ne juge que de petites caufes, l’autre de fa figure triangulaire ; lêcondcment [3] la chambre rouge & la chambre verte , qui ont toujours gardé ces noms-là depuis leur inftitution , à caufe des couleurs qui les diftinguoient alors ; troifiémement la chambre du foleil, qui de tous leurs tribunaux eft le plus grand & le plus fréquenté ; on la nomme ainfi parcequ’elle eft expofée au foleil. Les procès criminels pour caufé de meurtre , bien qu’ils fe jugent dans plufieurs autres chambres, font néanmoins particulièrement attribuez à celle qu’ils appellent la chambre du Palladium ; on convient que [4] Dcmophon eft le premier criminel qui y ait été cité , mais on ne fçait pas bien de quel crime il étoit accufé. On dit pourtant que Diomede s’en retournant dans fon pays après la prife deTroye, s’égara par une nuit obfcure , & qu’il aborda à Phalere -, que les Argiens qu’il avoit avec lui croyant être en pays ennemi s’étoient mis
[tJCefi/e Sophocle a imoginé, &c. Scion Sophocle Œdipe eft mon à Colore qui croit un bourg de l’Attique à cinq quarts de lieues d’Athcncs ; PauÊnias traire cela de fable, pareeque fuivant Homère L. x, de l'Iliade, Œdipe eft fi bien mort à Thebes, que Mccifthee frère d’Adraftc s’y rendit pour difputcr le prix des Jeux funèbres que Ton devoit célébrer fur le tombeau de ce Prince. [a]£r PorAbpfte &■ le Tngoxe. , cbfcurum , Utm, fret ebfcur.
Pollux dit qu’il y avoit à Athènes deux Tribunaux de ce nom, & qu’ils croient ainfi appeliezpareeque l’on n’y portoit que de petits procès ; Pauûnùs en donne une autre raifon. [ 5 ]Z.a cbombre rmge & /a tbAmbre verte. J’cmploye le mot de cbombre , pareequil fe prend en notre Langue pour Tnhttul. [+J Détuf bon, &t. ou Dcmophoon. C'ctoit un des enfans de Thcfcc, 3c celui-là même qui lui fuccéda. Mij
91 P a u s A N1 a s, Liv r e I. à piller dans la campagne j que Démophon qui ne les rcconnoiflbit pas non plus , étant accouru pour empêcher ce brigandage , avoit tué plufieurs Argiens , leur avoit enlevé le Palladium, & qu’en revenant chez lui, foncheval avoit malheureufement jette par terre un Athénien qui patfôit, & l’avoir écrafé. Les uns diient que ce furent les parens du mort qui appelèrent Démophon en juftice , & les autres veulent que «j'ait été le peuple d’Argos. Il y a encore la chambre [ i ] Delphinienne, où l’on juge ceux qui s’avouant coupables d'homicide , fe retranchent fur le droit ; c’eft à ce tribunal que Théfée fut abfous , apres avoir tué Pallas & fes fils qui tramoient une confpiration contre l’Etat ; car avant ce jugement tout homme qui en avoit tué un autre ctoit oblige de quitter le pays , ou de fubir la loi du talion. Les Athéniens ont de plus dans le Pryunée une jurifdicrion particulière , établie
pour juger le fer & les autres choies inanimées qui ont occaÎîonne la mort d’un homme ; voici, je crois , quelle en a été l’origine. Sous le régne d’Erecthée un [i] Sacrificateur exerçant fon miniftérc allomma un bœuf devant l’autel de Jupiter Poliéüs j auflî-tôt laiflant là là hache , il s’enfuit & l'ortie de l’Attique : on fit le procès à ta hache & elle fut abfoute. Depuis ce temps-là ils oblèrvent cette cérémonie tous les ans ; &en effet on dit que plufieurs chofes inanimées ont fervi d’elles-mêmes d’inftrument à 1a jufte punition des hommes,
témoin le cimeterre de Cambifes, qui Ibrti de Ion fourreau
[' i ] Li cbnmbreDelpbimenne.'EJle lorfoue dans û chronique Liv. r , il a étoit ainfi nommée pareeque les Ju- dit que Cccrops avoit le premier immoges qui h compofoicnt s'aficmbloient lé un bœuf à Jupiter, bleurfus a fort dans le temple d’Apollon dit Delpbi- bien remarqué que ce qui a donné lieu à la méprife d'Eufebc , c’eft que [ 1 ] Un Prêtre exerçant fon minifie- ne fignifiepas feulement un bœuf, mais auflî une cfpece de gâteau cornu ; Hcre > cre. Ce Prêtre étoit appelle & û fonction ctoit d’aflbmmcr la vi- fvehius îc Julius Pollux y font formel*. étime. Pour entendre ce que raconte ici L'uûge de n’offrir aux Dieux eue cette l'auteur & pour le trouver raifonnable, e/pcce de galette & des fruits de la teril faut Içavoir que du temps de Cc- re dura jusqu’au règne d’Erecthée ; alors crops premier, roi d’Athènes, il étoit on immola pour la première fois un défendu de lâcrifier aux Dieux quoi bœufà Jupiter Poliéüs, ou protecteur que ce fût d’animé ; bien moins un de la ville ; le Prêtre qui alîômma la bœuf, que l’on regardoit alors comme viétime eut lui-mcmc horreur de cette l’animal le plus ncccflâire à la culture action & s’enfuit. des terres. Eulcbc s'eft donc trompé
VOÏACÏ DE i ’ATTIQVI. 9J fîc une [ i ] aftion fi belle & fi glorieufe. Vers la partie maritime du Pirée eft un endroit que l'on nomme [i] Phréattys , où les bannis qui à leur retour fe trouvent acculez de quelque nouveau crime, plaident leur caufe à bord de leur vaifleau de-
vant des Juges qui font fur le rivage, & l’on prétend que Teucer eft le premier qui s'eft ainfi purge du meurtre d’Ajax en préfênce de Télamon. Voilà ce que j’ai cru devoir rapporter des différens tribunaux d’Athènes, [5] en faveur de ceux qui ont la curiofité de les vouloir connoître. ________ Aflêz près de l’Aréopage vous verrez une galere qui eft faite C h a r. pour fervir à la pompe des Panathénées. Cette galere n’a rien XXIX. d’extraordinaire pour la grandeur, & n’approche pas de celle de Délos, la plus grande que je connoifle [4] & qui a neuf rangs de rameurs. Hors de la ville dans les bourgades, & partout fur les grands chemins, vous rencontrez des temples confierez aux dieux & une infinité de monumens érigez en l’honneur de tout ce qu’il y a eu de héros & de grands hommes parmi les Athéniens. Mais au fortir de la ville & près des murs [5] vous trouvez d’abord l’Académie 5 c’étoit autrefois le champ f 1 ] Fit une action /ï belle, é-c. Cette adlion fut de tuer Cambylcs. L’auteur pcrlbnnific le cimeterre de ce Prince ; pour rendre là penfée il m’a fallu aufli le perlônnificr. La mort de Cambilcs eft racontée dans Hérodote Liv. 5. fa] fl>ue l'on nomme Pbréattj , du mot Grec qui lignifie un puits, parccque ce tribunal fe tenoit auprès d’un puits. Au refte fi,l’on délire un plus ample détail de ces divers tribunaux où l’on rendoit la juftice à Athènes , on le trouvera dans l'Archcologie de Porteras. [ 5 ] En faveur de ceux qui,&c. Le texte n’cft pas ici bien corrcét,les interprètes le retabliflent en deux manières, j’ai fuivi celle qui m'a paru la meilleure. [4] La flui grande que je Connoifle , &c. 11 eft furprenant que Paufanias n’ait pas fait ici mention des galères de Dcmétrius Polyorcêtc qui avoient feize rangs de rameurs , ni de ccttc prodigieulc galere de Ptolémée Philopator qui en avoit quarante. Ces rangs de rameurs fi multipliez ont donné là tor-
ture à tout ce qu’il y a eu de critiques modernes ; & en effet il n’eft pas aile de concevoir comment dans une galere il pouvoir y avoir neuf & dix rangs de rameurs les uns fur les autres qui agit font en meme temps ; mais comme il n’cft pas poflïble d’éclaircir cette difficulté dans une fimple note , je renvoyé le lecteur à une diflertation de Paulmicr qui le trouve dans lès oblêrvations fur le fragment de Mcmnon , n’ayant, tien vû de plus lôlidc & de plus Içavant
[f] Fous trouver- d'abord P-Académie. Paufanias lemble diftingucrl’Académie du Céramique ; cependant elle en fâifôit partie. Il faut donc oblcrver qu’il y avoit à Athènes deux Céramiques , l’un dans la ville .dont l’auteur a parlé plus haut, & d’où l’on fortoit par la porte Dipyle, autrement la porte du Céramique ; & l’autre hors de la ville; ce dernier comprcnoit P Académie. Harpocratton, Helÿchius & Suidas diftinguent formellement ces deux Céramiques, M iij
94 P A us A NI AS, Liv r e I. d’un [ i ] particulier, & aujourd’hui c’eft un lieu d’exercice. En entrant on voit une place confacrée à Diane & ornée de ftatuësqui portent cette infcription , à la très-bonne & très-belle DècJJe j je crois que ce font les attributs de Diane : on en peut juger par les poefies de Sapho , & par plufieurs Auteurs qui ont traité cette matière } c’eftpourquoi je n’en parle pas plus au long. Bachus furnommé d’Eleuthére y a aufli fon temple qui n’eft pas fort grand , & où l’on porte la ftatuc du dieu tous les ans à certains jours ; voilà pour les divinitez. Quant aux tombeaux , le premier eft celui de Thrafybule fils de Lycus j. & c’eft avec juftice qu’il tient le premier rang : car de tous les Athéniens qui le font jamais rendus utiles à la République , celui fans contredit qui l’a le mieux lêrvie & qui eft le plus digne de mémoire, c’eft Thrafybule. Cet excellent citoyen voyant fa patrie fous la domination de trente tyrans , partir de Thebes pour venir l’en délivrer 5 il conçut ce deflèin fans autre lècours que celui de foixante perfonnes : il l’éxécuta heureufement, & pacifia enfin la ville d’Athènes que des guerres inteftines déchiroient depuis long-temps ; aufli fon tombeau eft-il le premier. Enfuite font ceux de Périclès, de Chabrias, & de Phormion ; puis les cénotaphes de tous les braves Athéniens qui ont péri dans les combats, foit de terre, foit de mer, à la réferve de ceux qui furent tuez à Marathon ; car on a fait honneur à leur mémoire dans le lieu-même où ils ont fignalé leur courage. Les autres font inhumez le long du chemin qui mene à l’Académie, & fur leurs tombes il y a des colonnes où font marquez le nom & le lieu natal de chacun d’eux. Premièrement ceux qui après avoir poufle leurs conquêtes dans la Thrace jufqu’au (i] Drabifque, fe virent tout-à-coup envelopez par les [ 3 ] Edons qui les taillèrent en pièces, mais qui, à ce que l’on dit, périrent enfuite eux-mêmes par la foudre du ciel. Ces Athéniens avoient plus d’un chef ; Léagre étoit le principal, & après lui Sophanès de Décélée qui tua Eurybate [ 1 ] Cétoit outrefois le champ d'un [ a ] cfufqu’au Drabifque , Le texte particulier. Paufanias ne peut pas tout dit Brabifque,miis c’cft Drabifyuequ'H dire, il omet que ce particulier fe nom- faut lire comme dans Thucydide & moit Académus, d’autres difont Eché- dans Strabon. Le Drabîfque faifoit pardemus. Quoiqu’il en foit, c’eft du nom tie de la Thtace. de ce héros, car il eft ainfi qualifié par [ 5 ] Par les £dotts. C’ctoit des peu. Quelques Auteurs, que toutes les Aca- pics de Tlirace. cmics ont tire leur dénomination.
Vo y a c E d e L'Arrxyn. 9; d’Argos, fameux par la viéhoire qu'il avoir remportée aux cinq jeux Ncméens,& laraifon pourquoi il le tua , c’cft qu’Euryoatc menoic du lècours aux Eginétes. C’étoit pour la troifiéine fois qu’Athénes avoit envoyé une armée hors de la Grece ; il eft vrai que tous les peuples de la Grece enfèmble & d’un commun confèntcment firent la guerre à Priam & aux Troycns;
mais les Athéniens en particulier Sc de leur propre mouvement portèrent leurs armes premièrement en Sardaigne, puis en Ionie, & troifiémement en Thrace. Sur le devant d’un tombeau vous verrez un cippe où font repréfèntez deux cavaliers les armes à la main ; l’un eft Melanôpus, & l'autre Macartus qui combattirent en bataille rangée contre les Lacédémoniens & les Béotiens entre Eleufis [ r ] &Tanagre, & finirent là glorieusement leur deftinée. Enfuite eft un monument érigé en l’honneur de ces braves Theflaliens , qui fuivant les traitez d’alliance faits avec les Athéniens vinrent à leur fècours,dans le temps que les peuples du Peloponnefè fous la conduite d’Archidame voulurent envahir l’Attique. Les archers Cretois que ces Theflaliens avoient amenez avec eux ont le leur à part ; puis fe voit la fépulture de plufïeurs Athéniens & entr’autres de Clifthéne qui partagea tous les peuples de l’Attique en tribus fuivant la forme qui fubfifte encore aujourd’hui. On n’a pas manqué de drefler fur le même chemin un monument à ceux de la cavalerie Athénienne qui partagèrent le danger avec ces Theflaliens dont j’ai parlé. Là font aufli reprefentez les Cléonéens qui vinrent au lècours d’Athènes avec les Argiens ; je dirai dans la fuite ce qui fè paflà de particulier dans cette rencontre. Plus loin font les tombeaux des Athéniens qui immédiatement avant la guerre des Perfes combattirent contre les Eginétes. Il faut rapporter à ce temps-là ce decret du peuple, fi plein de fàgeflè 8c d’équité , par lequel il fut ordonne que l’on communiqueroit aux efclavcs les honneurs [ z ] de la fépulture publique , & que leurs noms (broient gravez fur des colonnes en
f i ] Entre Eleufit & Tenugre. Eleufis étoit une ville de 1 ’Attique entre Mcpre & Athènes; die s'appelle aujourd'hui Lepjîna 8c ce n’cft plus qu’un monceau de ruines. Tanagre croit une ville d’Achaié fur la rivière d’Alope; on la nomme à prefent zfwxrrna.
[1] La bexnnn de U fépulture paHique. A Athènes 8c dans toute l’Attique le nombre des elchves eicédoit fi prodigicufemcnt le nombre des citoyens , que pour un citoyen il y avoit quinze & vingt elchves. Ces délaves ti fupèricurs en nombre fe /croient inlâd-
9^ Pa v sa n i a s , Liv r e T, confédération des bons & généreux fervices qu’ils àVofent rcn-' dus à leurs Maîtres dans le combat. Je ne finirais point fi je voulois faire un détail éxaét de tout ce qu’il y a de monument érigez en l'honneur des Athéniens, qui les uns d’un côté, les îiutres d’un autre font morts en combattant pour leur patrie. Ceux qui périrent à [ i ] Olynthe ne font pas les moins illuftres ni les moins diftinguez. Mais vous remarquerez fur-tout le tombeau de Mélcfander qui remonta le Méandre avec fes vaiffeaux pour palier dans la haute Carie. Là eft encore honorée la mémoire de ceux qui payèrent de leur perfonne dans la guerre contre Caflander , & des Argiens qui fe liguèrent autrefois avec Athènes -, voici quelle fut la raifon de cette ligue. La ville de Sparte ayant été ruinée par un tremblement de terre , tous les [x] Hilotes s’enfuirent & allèrent fe canton-
ner [3] à Ithome 5 cette défection obligea les Lacédémoniens à demander du fecours à divers peuples, & fur-tout aux Athéniens qui leur envoyèrent fur le champ des troupes choifies fous le commandement de Cimon fils de Miltiade -, mais enfuite les Lacédémoniens eurent de la défiance de ces troupes, & les renvoyèrent } quand elles furent revenues , les Athéniens piquez de cet affront firent une ligue avec les Argiens > qui étoient ennemis de Lacédémone. Quelque temps après, les
Athéniens étant fur le point de livrer bataille aux Lacédémoniens 8c aux Béotiens reçurent en effet du fecours d’Argos , & peu s’en fallut qu’ils ne remportaflent la victoire ; mais la nuit qui furvint, empêcha de diftinguer qui des deux partis avoit eu l’avantage, & le lendemain par la trahifondesTheflàliens les Athéniens furent défaits. Je dirai encore un mot des Généraux qui ont leur fépulture dans le lieu où nous femmes. Un des plus confidérables eft liblcment révoltez contre les citoyens, turc, de meme que les citoyens. [ 1 ] A Olynthe. C’étoit une ville fi l’on ne les avoit tenus dans une extrême dépendance ; aufii les traitoit-on confidérable de la Macédoine ; elle eft en quelque façon comme des bêtes. présentement en ruines. [a] Les Hilotes, &c. Par Hilotes Cependant pareeque dans h guerre des Perles ils avoient donne des preuves il faut entendre des gens pris à la guerd'affeftion & d’attachement pour leurs re & qui avoient été faits efdavcs. L’auMaîtres, on jugea à propos de les ré- teur parlera plus amplement de ces Hicompenser , & l’on fit un decret qui lotes dans fon voyage de Sparte. [ 5 J A Itbome. C’étoit une forteportoit que les enclaves qui feroient tuez en combattant pour la Républi- refle dans la Mcflènie. que auroient les honneurs de la lëpul-
Apollodore 5
V OTASt ni L’ATTiayl? 57 Apollodore j il étoit Athénien &commandoit un corps de troupes étrangères, lorfqu’il fut envoyé par [ i ] Arfetcs Satrape de cette partie de la Phrygie qui s’étend vers l’Hellefpont , pour empêcher que la ville [z] dePcrinthe ne fût priCe par Philippe qui s’acheminoit pour en faire le fiége. Eubulus fils de Spinter y eft aufli inhumé avec plufieurs autres , dont la valeur n’a pas etc fécondée de la fortune. Parmi ces derniers les uns avoienc conjuré contre le tyran Lacharès, les autres vouloient chaflcr la garnifon Macédonienne qui étoit dans le Pirée, mais les uns & les autres périrent par la trahifon de leurs confidens. Là font encore ceux qui perdirent la vie devant Corinthe, occafion fatale où Dieu aufli bien qu’au combat de Leuctres, montra que ce que les Grecs appellent valeur, n’cft rien fons le fecours de la fortune. Car les Lacédémoniens qui avoient triomphé des Corinthiens, des Béotiens, des Argiens, & des Athéniens joints enfemblc , furent entièrement défaits par les feuls Béotiens au combat de Lcuctres. Après ceux qui périrent devant Corinthe vous trouvez une colonne avec une infcription en vers clcgiaques , qui porte que ce monument a été érigé en l’honneur d’un grand nombre d’Athéniens qui ont péri en divers combats , les uns en Eubœe , les autres à Chio, quelques-unsaux extremitez de l’Afie , & quelques - autres en Sicile ; tous les Chefs y font nommez à la referve de Nicias, & il y eft fait auflî une mention honorable des Platéens & de leurs milices. A l’égard de Nicias , s’il a été omis , je crois que c’eft pour la raifon qu’en donne Philifte ; cet hiftorien dit que Démofthéne étant forcé de fe rendre à diferétion avoit du moins excepté fà perfonne , & que fe .voyanr enfuite en la puiflànce des ennemis il avoit voulu fo tuer • que Nicias au contraire s’étoit rendu volontairement, & que fon nom ne fe trouvoit point for la colonne dont je parle , pareequ’il n’avoit fait le devoir ni d’un Général, ni d’un homme de cœur. Sur une autre colonne font inferits avec éloge ceux qui combattirent en Thrace & auprès de Mégare ; ceux auflî qui foivirent Alcibiade, lorfqueles Mantinéens en Arcadie fe rangèrent fous fes Enfeigncs, & que les [i] Pur Arfet'ei. Il y a dans le texte jonéhirc dont il eft ici parlé. far sfrifte, mais il faut lire Arfeth [ i ] La ville de Perinthe. C’étoit avec Kuhnius. /tn/le n’cft pas un alors une villcde laThracc ; c’cft à prénom Pcrfân ; en fécond lieu Arfetcs sent ^radéa dans laRomanic, provinétoit Satrape de Phrygie dans la con- ce de la Turquie en Europe. Tome J. N
$8 Pa u sa n ia s , Liv re I. Éléens eurent quitte le parti de Lacédémone ; ceux encore qui avant l'arrivée deDémofthéne en Sicile , curent la victoire lur les Syracufains. Enfuice vous voyez la fépulture de ceux qui fê fignalcrent, foit dans ce combat naval qui fut donné furl'Hcllclpont, foit au combat de Chéronée contre les Macédoniens, foit [i] à Amphipolis fous Conon. Plus avant c’eft un monu-
ment qui vous apprend que ceux-ci ont péri devant Délium près de Tanagre , ceux-là en Thelfalic fous Léofthéne, 6c les autres en Chypre où ils avoienc fait voiles fous la conduite de Cimon. Sur-tout on a diftingué ces vaillans hommes qui au nombre de treize en tout avec Olympiodore à leur tête, délogèrent une garnifon Macédonienne du porte qu’elle occupoit. Les Athéniens fe vantent d’avoir envoyé du fecours aux Romains, dans une guerre où ceux-ci vouloient étendre leur frontière ; ils difent même qu’au combat naval où les Romains vainquirent les Carthaginois , cinq galeres d’Athènes partagèrent la gloire & le danger de l’action ; ceux qui périrent en ces deux occafions ont auflî leurs tombeaux & leur eloge dans le lieu dont je parle. J’ai raconté ci-defliis les diverfes expéditions de Tolmidès 6c de fes foldats ; j’ai dit auflî quelle en fut la cataftrophe : pour peu que vous foyez curieux de voir leurs monumens, vous les trouverez fur le même chemin ,avec ceux de ces braves foldats qui fous le commandement de Cimon remportèrent deux victoires en un même jour, l’une fur les bords [i] de l’Eurymédon , l’autre fur le fleuve même. On vous montrera enfuite la fepulture de Conon & de Timothée, en la perfonne defquels on a vû pour la féconde fois un pere & un fils également illuftres ; car Miltiade 6c Cimonen avoient donné le premier exemple. Suivent les tombeaux de [ 3 ] Zénon fils de Mngfèas, de Chryfippe natif de Soli, de Nicias fils de Nicomede, celui de tous les Peintres de fon temps qui reufliffoit le mieux à peindre les animaux j puis ceux d’Harmodius
!” i ] Soit à jlmpbipolii. C’ctoit une ville de Macédoine, & c’eft aujourd’hui Empoli ville de la Turquie en Europe. [ 1 ] Sur le/ bord! de l'Eunmédon. C’étoit une rivière de l’ancienne Pamphilic , qui avoit fa fource au mont Taurus. Cimon Général de la flotte Athénienne pourfuivit Xcjxès jufqu’à
l’embouchure de cette rivière. [ ; ] De Zenon.de Cbn/tppe, &t. Zénon , dilciplc de Crater 8c le fondateur de la fcéle Stoïcienne florilfoiten la no' Olympiade environ too an* avant J. C. Chryfippe philoiôphe Stoïcien , difciple de Clcanthc qui fut le fucccfleur de Zénon, mourut en la 14 Olympiade félon Diogène de Lacrcc.
VOYICB l>! l'ATTIiyti. 9, & d’Ariftogicon qui tucrcnc Hipparque fils de Pififtrate; enfin ceux de deux fameux Orateurs, l'un eft F.phialte qui travailla plus que tout autre [i] à renverfer les loix & les coutumes dcl’Arcopagc, l'autre eft [ilLycurgue fils deLycophron qui amallàdansletrélôr public plus [ 3J de fix mille cinq cens talcns au de-là de ce qu'en avoit amailc Periclès fils de Xantippe. Ce même Lycurgue rendit les folemnitez de la déclic beaucoup plus lomptucufcs 6c plus magnifiques , enrichit fon temple de plufieurs victoires d’or, fit un fond pour fervir à l'habillement de cent Vierges, fournit l’Arfenal d’une grande quantité d’armes oflenfives & défenfives pour l’ufâge de la guerre, & augmenta les forces maritimes d’Athènes au point que la République avoit quarre cens galeres en état de cenir
la mer. Ce fut encore lui qui fit achever le théâtre que d’autres avoient commencé, 6c durant fon adminiftracion l’on con-
ftruific par fon ordre au Pirée [4] des chambres pour les vaiffeaux, 6c un lieu d’exercice au Lycée. Le tyran Lacharès enleva tous les monumens d’or 6c d’argent que Lycurgue avoir confacrez foit dans le temple de Minerve, foit ailleurs ; mais les édifices fubfiftent.
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A l’entrée de l’Académie eft l’autel de l’Amour [ 5 ] avec une C h a f . infeription qui porte que Charmus fut le premier Athénien qui XXX. confiera un autel à ccttc divinité. Car pour celui qui fe voit dans la ville [ 6] haute 6c que l’on nomme l’autel [7] d’Anthcros,
[ 1 ] zZ renverfer les loix de l"afreopage. Pcriclcs piqué de n’avoir pû obtenir une place dans le Sénat de l’Arcopage, entreprit de l’humilicr. Il fut lecondé par Ephialtc célébré orateur de ce temps-là; tous deux agifTant de concert, ils vinrent about doter aux Juges de l’Aréopage la connoiflàncc de pluficurs affaires qui julqucs-là avoient été de leur compétence. Cet augufte Sénat fut donc avili, & par une fintc allez ordinairc s’étant en même temps relâché de ccttc ancienne lèvétité de mœurs qui hn avoir acquis tant de réputation, il tomba bien-tôt dans le mépris. [a] L'autre eft Lycurgue. U ne faut pas confondre ce Lycurgue avec lccélébrcLégidateur de Lacédémone , fort antérieur à celui-ci. [ 5 J fins dejix mille axf cens tu-
lent. C’cft-à-dire , plus de fix millions d’ccus de notre monnoyc, femme prodigieufe & prcfquc incroyable pour ce temps-là. [f] Des chambres peser les vaiffeaux. L’cxprcllîon grecque eft .A.-, je l’ai rendue littéralement par une expreflion qui me fcmblc autotifèe dans la Marine, [5] Avec une infeription , &c.Cette infeription fe trouve à la fin de l’Anthologie, li néanmoins c’eft la meme ; car danscclle de l’Anthologie il n’cft point dit que Charmus ait le premier élevé un autel à l’Amour. Ce Charmus vivoit du temps de Pififtrate. [6] Dans la ville haute. L’auteur dit fimplement dans la ville, nuis (Hon toute apparence il entend la ville haute ou la citadelle. [ 7 J L'autel {Anthères. CiccTOQ jNij
tco Pa u sa n ia j , Liv r e I. on tient que ce font des etrangers habituez à Athènes qui l’ont autrefois crigc , fie voici quelle en fut la raifon. Mêles [ i ] Athénien étoit aime d’un étranger appelle Timagoras, & ne l'aimoit point. Un jourfclaiflant aller à Ion averfion il lui commanda de fe précipiter du haut de la citadelle ; Timagoras crut lui devoir témoigner fon amour aux dépens de fa vie , & accoutumé qu’il étoit à faire toutes les volontez de ce jeune homme il le précipita ; Mêlés voyant Timagoras mort en fut fi fâché qu’il monta au haut du meme rocher, fe jetta en bas fie périt de la même maniéré. Des étrangers qui étoient à Athènes prirent dc-là occafion d’elever un autel au génie Anthéros qu’ils honorèrent comme le vengeur de Timagoras. Dans l’Académie il y a un autel de Promcthée , depuis lequel [i] un certain jour de l’année ils vont toujours courans julqu’a la ville avec des flambeaux allumez. Pour remporter la victoire il faut conferver fon flambeau allumé ; celui qui court le premier , fi fon flambeau s’éteint, cède fa place au fécond , le fécond au troifiéme , 8c ainfi des autres. Que fi tous les flambeaux s’éteignent , nul ne remporte la victoire fie le prix eft refervé pour une autre fois. On voit enfoite l’autel des Mufes , celui de Mercure, un autre confacrc à Minerve , 8c un autre à Hercule. On vous montrera un olivier que l’on dit être le fécond qui a pris naiflance dans l’Attique. Mais ce qui eft plus digne de curiofitc, c’cft le tombeau de Platon qui n’eft pas loin de PAcadémie. On allure que le mérite fie l’excellence de ce Philofophe furent annoncez par un préfâge qui ne pouvoir venir que du ciel, fie ce prefage le voici. Lorfque Socrate reçut Platon au nombaff de fes difciples, la nuit d’auparavant il eut un fonge où il cnit voir un cygne qui voloic à lui 8c venoit fe repofer fur fon fein 5 or c’eft une opinion établie [5] que le cygne eft un oifeau qui a la voix fort mèlodieufo } aufli dic-on que Cycnus roi des Liguriens dans cette partie de
L. 5, de la nature des Dieux, diftinguc Il eft parlé de toutes ces fêtes des Athéquatre Venus. 11 dit que la étoit fille niens dans le livre de Mcurfius intide Jupiter & de Dionc, & que d’elle tule Gntu ftruu ; j’y renvoyé le Lcéicur pour ne pas groflit cet ouvrage & de Mars naquit Anthcros. [ i j Aftlei Athénien > &c. Eiian par des compilations qui ne coûtent dans les hiftoires divcrfcsdit Mehtni: qu’à mnlcrire. il change aufli les tôlesdes perfonnages ; [ ! ] £•' lr cigne tft » «i/ÔM qû mais l'avanture eft la même au fond. n U vaixfort méltdmfe. Voilà une de [1] Un (crtmnjturdt l'tnnc'c > &c. ccs opinions qui pour être generale-
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la Gaule qui cft au dc-là du Pô étuit grand muficicn , & qu’après fa more Apollon le changea en cygne. Pour moi je n’ai pas de peine à croire qu’il y aie eu un roi des Liguriens fçavanc en mufique , mais qu’il air été change en oilèau , lecroyequi voudra. Du même côré eft la rour de Timon, ce fameux Mifanrropcqui s'étoit perfuadé que pour être heureux, il falloir fuir cour commerce avec les hommes. On vous fera remarquer aufli une éminence que l’on ncffnme [ i ] la colline aux chevaux ; c’cft dans cet endroit qu’Œdipe vint pleurer fes malheurs } du moins ainfi le difent ceux qui ne veulent point s’en rapporter à Homère. Là font deux autels dédiez , l’un à Neptune, l’autre à Minerve, & ces deux divinitez font repréfèntées à cheval. Vous y verrez aufli le monument héroïque [ 1 ] de Pirithoüs, de Thciee , d’Œdipe, êcd’Adrafte. Neptune y avoit autrefois un temple & un bois facrc -, mais Antigonus les brûla , lorfqu’il entra dans l’Attique avec fon armée, & qu’il fit tant d’autres maux aux Athéniens. _______ Il me faut maintenant parcourir en peH de mots les bour- Ch a t . gades de l’Attique, félon qu’elles fe rencontrent -, je raconte- XXXI. rai donc aufli ce qu’elles ont de curieux & de particulier. A Alime [5] on voit un temple confacré à Cerès Thefmophore ou Lcgiflatrice , Sc à Profèrpine. Au Zofter [4] fur le bord de la mer, Minerve, Apollon , Diane , & Latonefont particulièrement honorées, & y ont leurs autels ; on ne croit pas que Latone y ait fait fes couches, mais on dit que fentant fon terme approcher elle y délia fà ceinture, & c’eft de-là que ce lieu a pris fon nom. Les Profpaltiens [ 5 j ont aufli un temple ment reçues n’en font pas plus vrayes ; car en tout pays le cygne a la voix fort déûgréable. Vous pouvez voir for ce foictdans le 4- tome des Mémoires de l’Académie des belles Ixttrcs une diffcrtation de M. Morin qui mérite d'être lue. ['] l'on nomme U Colline mx thevuux.K,un,'t lirai»--, c’cftde-làque cette Tragédie de Sophocle intitulée (Edipe Colone,& qui a été fi bien traduire en françois par feu M. Boivin, a pris fon nom.
[1] De Pintbtüi, de Tbéfe'e, <T(S-
dipe , &c. Voilà un foui monument héroïque pour pluficurs héros ; cela cft remarquable. [5] ylliHit. Alime étoit une bourgade de la tribu Léonridc, près de Plia-, 1ère, & par confoqucnt peu diftantc d'Athènes. [4] Zx Zofter, &t. On ne fcait de quelle tribu ctoit cette bourgade. Zofter,dit M. Spon, étoitun cap proche de Sunium. [f] Lei Pnfpetltitnr. Profpaltc étoit une bourgade de la tribu Acamantide; fes habirans palléient pour fatyrique» N iij
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& mordans. Eupolis .pocte comique de Sunium ; c’eft aujourd’hui le port avoit fait contre eux, une pièce inti- Rafri, où il n’y a aucune habitation. tulée les Profpalsrens. [$] Les Phlyens, ère. Phlya, leur [1] Les Prafiens, &c. Prafic, leur bourgade étoit de la tribu Cécropide. bourgade étoit delà tribu Pandionidc; Harpocration nous apprend qu’Euric’étoit, dit Spon, un lieu maritime du pidc étoit de cette bourgade. côté de l’Eubœc. [6] L'nuire .< Diane Lucifera, &c. [1] z/ Sinope. C’étoit une ville con- C’cft-à-dirc, à Diane porte flambeau. fidérabledu royaume de Pont, en Afic. 11 eft clair que parla ils entendoient la [i]Les Lampréens, ou les habitans Lune. de Lampra ; il y avoit h haute & la [7] Les Nymphes IÇméntdes , ainfi balle ville,l’une & l'autre entre Sumum appelées à caufe du fleuve llménus & Phalérc, de la tribu ErcéUiéïdc. dans la Béotie, fur les rives duquel elles [4] A Posâmes: cette bourgade étoit avoient des autels. de la tribu Léonudc, & peu diftantc [8 J LesMyrrhinuficns, tj-c. Myrrlu-
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IOÎ P A US AN! AS, Ll V RE I. de Cerès & de Proferpine. Les Anagyrafiens en ont un dédié à la mere des dieux. A Ccphalc on honore finguliercmcnc les Diofcures , & même on les met au nombre des grands dieux. Les [ i ] Praficns ont un temple d’Apollon, où l’on dit que les Hyperborécns font foigneux d’envoyer les prémices de leurs fruits ; ces peuples les confient aux Arimafpes, les Arimafpes aux Ifledons de qui les Scythes les reçoivent &. lesenvoyent à [1] Sinope , d’où elles font portées par des Grecs à Prafics , &. enfuite à Délos par des Athéniens. Ces prémices font couvertes de paille de froment, &il n’eft permis a perfonne de les voir. Dans la même bourgade de Prafies on voit le tombeau d’Eryfiéthonqui en revenant de Délos où il avoit tranfporté le culte & la religion de fon pays, mourut dans le cours de la navigation. J’ai déjà dit que Cranaüs roi d’Athènes avoit été challc par Amphyclion fon gendre; les Lampréens [3] aflùrent qu’il fe retira chez eux avec ce qu’il avoit de troupes , qu’il y mourut, & y fut inhumé ; ce qui eft de certain, c’eft que l’on montre fon tombeau à Lamprée. Ion qui étoit fils de Xuthus a le lien à Potamos [4] autre bourgade 5 car Ion s’étoit établi en Attique, & même il commandoit les Athéniens dans la guerre qu’ils eurent contre les Eleufiniens , telle eft la tradition de ces peuples. Les Phlyens [5] ont un temple où l’on voit plufieurs autels dédiez, l’un à Apollon Dionylodotus , l’autre à Diane [6] Lucifera ,un autre à Bachus le Fleuri, un autre aux Nymphes [7] Ifménides, &un autre à la terre qu’ils nomment la grande déeflè. Les Myrrhinufiens [8] en ont un de même , où ils honorent Cerès
VoTACI DE l 'At T1Q_UB. TOJ [ i ] Anéfidore, Jupiter Ctcfius, Minerve Tithroné, Proferpinc [2] l'ancienne, & les Euménides, dcdlèsqu’ils qualifient de fcveres. A Myrrhinuntc on voit la ftatuc de la déclic Colénis, comme [3] à Athmonie on en voit une de Diane Amaryfia 5 voici ce que je penfc de ces deux furnoms. Amarynthuseftune ville de l’Eubœc, là on honore Diane Amaryfia, & même les Athéniens célèbrent là fête avec autant de folemnité que ces peuples de l’Eubœc ; il y a bien de l’apparence que ce nom d’Amaryfia a'pafl'c de-la à Athmonie. Pour celui de Colénis qui eft connu a Myrrhinuntc, je crois qu’il vient [4] de Colénus 5 j’ai déjà dit que dans ces bourgades de l’Attique plufieurs croyent au’il y a eu des rois à Athènes avant Cccrops ; or les Myrrhinufiens veulent que Colènus ait été un de ces rois. A Acharna [5] on rend un culte particulier à Apollon Agyieüs, à Hercule ,& à Minerve Hygcia ou déeflede la fantè ; on y voit une ’ftatuë équeftre de Minerve , & une de Bachus fous le nom de Bachus chantant ; ce dieu y eft aufli apFellé le dieu du lierre, pareeque c’cft le premier canton de Afrique où l’on ait vû du lierre. ________
Les montagnes de l’Attique font [6] le Pentclique célèbre C h a r. par fes carrières de marbre, le Parnès où les chafleurs trouvent XXXII. une grande quantité d’oursSc de fimgliers,&lc mont Hymette nuntc de la tribu Pandionidc près de Marathon , avoit pris fon nom de la grande quantité de myrrhes qui naiffoient dans fon terroir. [ iJCerès Anéfidore, Jupiter Ctéfius, Minerve Tllbroné. Ccrès Anéfidore, du mot «><»«, relaxatio, délaflement, & de , donum, comme qui dirait, Cerèsqm donne lajoye avec les mojfoni. Jupiter Ctéjius ,du mot grec *r{mt,fortunator, qui favorife ïtndujiriedes hommes ; c croit aufli le furnom de Mercure. Minerve 7" throné, du nom de la ville de Tithroniiimdans la Phocidc.d’où le culte ou la ftatuc de cette décile avoit apparemment palfé à Myrrhinuntc. [2] Proferpine l’ancienne. C’étoit la Lune ou Ifis ; & Proferpinc la jeune étoit la fille de Ccrcs. (5]Comme i Atbmome. Athmonon ou Athmonie ctoit de la tribu Cécropide.
[4] cro's qu'il vient de Coléntts. Suidas dit aufli que Colénis étoit un furnom de Diane, & que ce furnom venoit de ce que Colénus lui avoit bâti un temple. [$] A Acharna, &c. Acharna de la tribu Œnéïde croit àtfo ftades d’Athéncs ; fes habitans gagnoient leur vie à vendre du charbon, & pafloient pour être fort gtofliers ; auflî Ariftophane a-t-il fait une comédie intitulée de leur nom, les Achamanes. [ <S ] Le Pentéliqxe. C’eft encore à prêtent le mont Pentéli, ou comme les Grecs modernes prononcent, Pendélit c’étoit aufli une bourgade de la tribu Antiochide. Pour le mont Parnès & le mont Hymette, on ne lçait de quel tribu ils étoient; mais Strabon les met au nombre des bourgades de l'Attire'
104 Pa u sa n ia s , Liv r e I. qui eft le lieu le plus propre qu’il y ait au monde pour la nourriture des abeilles j fi vous en exceptez le pays des [i] Halifons ; car chez ces peuples les abeilles font fi douces & fi familières qu’elles vont aux champs avec les hommes, & qu’il n’eft pas befoin de les renfermer dans des ruches ; elles travaillent çà & là comme il leur plaît, & leur ouvrage eft fi bien lie & d’un tiflù fi fort que l’on a de la peine à féparer le miel d’avec la cire. Dans ces montagnes de l’Attique vous trouvez plufieurs ftatucs des dieux ; au Pentelique il y en a une de Minerve , & au mont Hymette une de Jupiter Hymettien, avec deux autels confacrcz , l’un à Jupiter pluvieux , l’autre à Apollon le prévoyant. Au mont Parncs on voit un Jupiter Parnétien en bronze , un autel de Jupiter Scitiélcen , un autre autel où les habitans facrifient tantôt à Jupiter pluvieux , tantôt à Jupiter [i] bienfailànt. L’Anchefme [3] eft encore une montagne , mais peu confidérable : Jupiter y a une ftatuë fous le nom de Jupiter Anchefmien. Avant que de parler des îles qui appartiennent aux Athéniens , je veux finir tout ce qui regarde les divers peuples de l’Attique. Marathon [4] eft à une égale diftance d’Athènes & de Caryfthée ville de l’Eubcce. C’eft à Marathon que les Perles débarquèrent, & qu’après un grand combat où ils furent défaits, ils perdirent encore plufieurs vaiflêaux en fe retirant. Là fe voit la fépulture de ces braves Athéniens qui périrent dans le combat ; fur leur tombeau l’on a élevé des colonnes où font gravez les noms , les tribus , & les exploits de ces illuftres morts. Les Platéens peuples de Béotie ont auflî-là leur monument, Sc les efclaves le leur ■> car en cette occafion les efclaves furent enrôlez pour la première fois. Miltiade fils [ 1 ] Z>« Haïtfont. Homère parle de ces peuples à la fin du fécond livre de l'Iliade ; il les foit venir des extremitez du Pont-Euxin. Etienne de Byfancc les placc entre la Myfie , la Lidyc & la Carie. Selon Pline L. f > ch. ; 1, ils fe nommoient les Halifons, pareeque la mer foifôit une clpcce de ceinture autour de leur pays. [i]z/y«g/rrr i/ni/ài/ânr.L’cxprcflîon grecque eft «rv/uo, qui fignific proprement incjPtble de nuire. 15 ] L'sln(he[ine > &c. Mcurfius met
auflî l’Anchcfmc parmi les bourgades de l’Attique, fur la feule autorité de Paufanias. Spon dit que ce n’eft qu'un rocher inhabité & où il n’y a pas même de place pour bâtir. 11 fe nomme à préfent yfgiw Geerjiw » le mm Suint Grerye. [4] Afanubtn, &c. Cette bourgade fi célébré par la défoitedes Petfes étoit de la tribu Ajantide, comme Spon l’a prouvé par un ancien marbre qui contient les noms des tribus Athéniennes.
VOYACE Dï l ’At TI^UI. IOJ de Cimon a (à fépulturc à part j ce grand homme ayant échoüé au fiége de Pâros fut exilé par le peuple d’Athènes & mourut peu de temps après. Dans la campagne de Marathon l’on entend toutes les nuits des henniflémens de chevaux & un bruit de combattans ; tous ceux que la curiofitc y attire & qui prêtent l’oreille à defléin, s’en retournent fort maltraitez ; mais ceux qui palTant leur chemin voyent ou entendent quelque choie , n’offénlènt point les Mânes, & il ne leur arrive rien de mal. Les habitans du lieu regardent comme autant de héros ceux qui furent tuez en combattant contre les Perlés ; ils refpeélent leur mémoire, & encore plus celle de Marathon qui donna fon nom à cette bourgade. Mais ils honorent Hercule d’un culte tout particulier, & ils pallènt même pour être les premiers des Grecs qui lui ayent confacré des autels. Au relie fi l’on veut les en croire , il y eut en cette fameufe journée un événement fort fingulier. Un inconnu qui avoit l’air & l’habit d’un payfan vint lé mettre du côté des Athéniens durant la mélee, tua un grand nombre de Barbares avec le manche de fa charuc, & difparut auflî-tôt après. Les Athéniens ayant confulté l’Oracle pour fçavoir qui étoit cet inconnu , n’eurent d’autre réponlc , linon qu’ils honoraflént le héros [ i ] Echetlce. Après le combat ils érigérent dans le lieu même un trophée de marbre blanc. Les Athéniens fe font honneur d’avoir donné la fépulture à tous les Perlés qui périrent dans le combat ; & en effet ils ont toujours regardé comme une action de piété d’enterrer les morts -, cependant je n’ai vu dans toute la plaine de Marathon ni tombeau , ni éminence, rien enfin qui ait l’air d’un monument } ce qui me fait croire que l’on jetta leurs corps dans quelque folié à mefure qu’on en rencontra. On voit à Marathon une fontaine qui porte le nom de Macarieparla raifon que je vais dire. Hercule étant obligé de quitter Tirynthe pour le dérober à la perfccution [i] d’Euryftnce , 1e retira auprès de Céïx roi [j] des Trachiniens &
[ i ] Le béret Eebetle'e, du mot <’%•**» Junon fut fournis aux volontés d’Eurvfthécl'efpace de douze ans,& obligé flivu > le menthe d'une tbnrrue. [1] Peur fe déreber n lu perfecutien de Elire tout ce qu’il plaifoit à ce prince ïEuryflbée. Euryfthcc étoit fils de de lui commander; de-là les douze traSthénélus roi de Tirynthe, & petit- vaux d'Hctcule fi célébrés dans h fable. [;] Rei dei Trntbiniem. C’ctoicnt fils de Pcrfec ; il étoit aufli petit-fils de Pélops par (à merc Nicippé qui étoit dés peuples de la Thcflalie. fille de Pélops. Hercule par l’artifice de O Tome I. •
io6 Pa u sa n ia s , Liv re I. on ami. Apres la mort-d’Hcrculc, Euryfthce voulut avoir en •à puifl'ance les enfans de ce héros 5 Ccïx qui n’étoit pas en état de foutenir la guerre contre lui ne fijut mieux faire que
d’envoyer ces enfans àThèlcc , afin qu’il les prît fous là protection. Ils vinrent donc à Athènes ; aufii-tôt les Péloponnefiensfur le refus quefitThéfée de livrer ces enfans à Euryfthèc déclarèrent la guerre aux Athéniens. Ceux-ci ayant conlulté l’Oracle , il leur fut répondu qu’il falloir que l’un de ces enfans fe dévoüât volontairement , & que les Athéniens ne pouvoient être victorieux qu’à ce prix. Alors Macarie fille d’Hercule & de Déjanirc, informée de la réponfe de l'Oracle fe donna la mort: les Athéniens remportèrent la victoire5 & pour conlêrver lelouvenir d’une action fi généreufe, ils don-
[1] Brauron. L'on ignore de quelle tribu clic étoit ; c'eft aujourd’hui Ura«a > & ce n’eft plus qu’un petit hameau. Si on , fagt 154[tJZ.4 DiancTauriyue,&c.AmiCéc
s'eft trompé en cct endroit ; ri nï« fignific ici la Dianr Taunqur• il ne s'agit pas de fçavoir quels étoicnt. les barbares qui l’avoient en leur pof. feflion.
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étroite ; mais quand vous êtes dedans, vous trouvez deschambres, des baignoires, une étable appellée communément l’éta_______ _ blc de Pan, & des pierres taillées en figures de chèvres. C h a p. Brauron [ 1 ] n’eft pas fort loin de Marathon ; ce lieu eft reXXXIII. nommé pour avoir reçu Iphigénie fille d’Agamemnon, lorfqu’elle le fauva avec la ftatuë de Diane Taurique. On dit qu’ayant laifle cette ftatuë à Brauron, elle alla enluite à Athènes , & d’Athènes à Argos. Pour dire le vrai, la ftatuë de Diane que l’on montre à Brauron eft fort ancienne 5 mais je crois que [1] la Diane Taurique eft ailleurs, & je hazarderai mes conjc&ures là-delTus dans un autre endroit de cet ouvrage. A Soixante ftades de Marathon en allant le long du rivage vers
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nèrent le nom de Macarie à la fontaine de Marathon. .Dans la plaine il y a un lac fort bourbeux ; on dit que les Pcrfes par meprife & pour ne pas fçavoir les chemins lé jettérent tout au travers, & qu’il en périt là un grand nombre. Au-delïiis du lac fubfiftcnt encore les écuries d’Artaphernès, bâties de pierres, & l’endroit où il attachoit fon pavillon fe fait remarquer. Ce lac forme une riviere, dont l’eau vers fa fource eft fort bonne pour les beftiaux , mais vers fon embouchure elle eft falce & pleine de poiflons de mer. Un peu plus loin que la plaine de Maraùion il y a une caverne digne d’être vue, l’entrée en eft
VOT Ad DE L'At TIOVI. Tttf Oropc , vous trouvez [ i ] Rhamnus ; les habitai» ont leurs mailons fur le bord de la mer , & Néméfis a fon temple fur unecminence. C’eft de toutes les divinitez celle qui s’irrite le plus de l’infolence des hommes ; on dit que fa colère fe fit furtout lêntiraux Perfes oui débarquèrent à Marathon. Ces Barbares fiers de leur puiilàncc mcprifbient les forces d’Athcnes, & croyant marcher àunevictoire certaine, [ï ]ilsavoient déjà fait venir du marbre de Paras pour ériger un trophée fur le champ de bataille ; mais ce marbre fervit à un ulage bien diffèrent : Phidias [3] l’employa à une ftatuë de Neméfis qui fe voit encore à Rhamnus. La déeflè a fur la tête une couron-
ne furmontee de cerfs & de petites victoires ; elle tient de fa main gauche une branche [4] de pommier, üc de la droite une coupe où font repréfentez des Ethiopiens, je n’en fçaurois deviner la raifon, mais je ne me rends point à celle que les autres en donnent. Ils prétendent que ces Ethiopiens font là pour lignifier le fleuve Océan, qui lelon eux cft le pere de Néméfis ; mais l’Océan n’cft point un fleuve, c’eft une mer & une mer dangereufê autour de laquelle habitent les Ibériens [5] & les Celtes 5 l’ileBritannique eft aufli fur cette mer. Du coté de la mer rouge au-deffus de Siene les peuples les plus reculez font [6] les lctyophages; & tout ce golfe aux environs duquel ils s’étendent, fe nomme le golfe Iclyophage. La ville de Meroé & les plaines Ethiopiqucs, ainfi les appelle-t-on , [i] f'ous trouver- Rbamnus. Cette bourgade étoit de h tribu Ajantide ; les Grecs modernes l'appellent TauroCaftro. Le rhéteur Antiphon étoit de Rhamnus. [1] //lavoimr déjà fait venir du martre de Parti. Le texte grec qui eft ici fort défectueux a été hcurcufcmcnt rétabli par Kuhnius. [j] Phidias remploya a une ftatuë de ATémc'/i . Pline Liv. $<7,ch. f, dit que cette ftatuë étoit d’Agoracritc difciple de Phidias, & dilciple infiniment cher à fon maître. Quoiqu’il enfoit, Varron mettoit cette ftatuë au-dcflus de toutes celles qu’il avoit vues. [4] Une brandie de pommier. Et non pas de frêne comme le porte la vetfion latine d’Amafcc. Suidas en dit la rai-
fon -, c’eft que cette ftatuë avoit d’abord été confacréc à Venus. ErcCkhéc la dédia enfuite à Némélis dont il lé diloit le fils-, ce qu’il faut pourtant entendre d’une première ftatuë di fferente de celle dont parle Paufanias. Aiijfi la ftatuë de Phidias prit la place d’une beaucoup plus ancienne qui étoit déjà dans ce licu-là. [ t ] Les Ibériens & les Celtes. Les Ibériens font aujourd'hui les Efpagnols ; j’ai déjà dit ce que les Anciens entendoient par le mot de Celtes. [tfl Les Iilyopbages, &C. Ces peuples font ainfi nommez parccqu’ils ne fe nourriffoient que de poiffon. Ctft un nom compoféde deux mots grecs qui lignifiait cela.
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lot P A ü s a N i a s, Liv r e I. font habitées par les peuples de la terre les plus juftes j c’eft chez eux , dit-on , que [ i J le folcil tient fa table ; mais ils n’ont dans leur pays aucune mer, ni même d'autre fleuve que le Nil. Il y a d’autres Ethiopiens qui font voifins des Maures , & qui touchent prefque aux Nazamons 5 Hérodote a crû que les Nazamons étoient les memes que les Atlantes ; mais ceux qui ont filus étudié la Géographie prétendent que les Nazamons font es Loxites qui habitent vers le mont Atlas à l’extrémité de la Libye, peuples fauvages qui ne fèment rien de ce qui eft ncceflairc à la vie , & qui ont pour nourriture ce mauvais raifin que produit la vigne quand elle n’eft pas cultivée. Quoiqu’il en foit, ni ces derniers Ethiopiens, ni les Nazamons n’ont aucun fleuve chez eux ; car encore que la fource d’eau qui fort du mont Atlas femble fe partager en trois canaux, aucun de ces canaux ne forme néanmoins un fleuve , pareeque le fable boit toute l’eau à mefure qu’elle coule. Il s’enfuit [z] de là que ni les uns ni les autres Ethiopiens ne font auprès d’aucune mer, ni d’aucun fleuve qui porte le nom d’Océan. L’eau qui tombe du mont Atlas , pour ne laiflèr rien à dire fur cet article, eft fort limoneufc ; &fur les bords de ces canaux dont j’ai parlé , il s’engendre des crocodiles hauts [ 5 ] d’une coudée, qui fe jettent dans l’eau au moindre bruit qu’ils entendent. Comme on en voir aufli en Egypte, quelques-uns ont foupçonné que le Nil prenoit fa fource de ces mêmes eaux, qui apres être rentrées fous terre en fortoient avec impétuofité pour former ce grand fleuve. Quant au mont Atlas, il eft fi haut que fon lommet femble toucher au ciel 5 les arbres qui le couvrent & les torrens d’eau dont il eft comme inondé le rendent inacceflible ; de forte qu’il n’eft bien connu que du côté qui regarde les Nazamons i car du côté de la mer aucun vaiflèau jufqu’à préfent n’a pu en approcher.
[i]CeJf ebez. eux que le foleil tient p table. LcsancicnsGtecsrc figuroient les Ethiopiens comme un peuple heureux qui paflbit la vie dans l’abondance & dans les délices; de là cette opinion que le foleil avoit fa table chez eux. D’ailleurs comme les Ethiopiens font brûlez du folcil, on a pû croire qu’il faifoit chez eux un plus long féjout qu’en nul autre endroit, ce qui a encote donné lieu àccttc fable. Quoiqu’il en foit, Homère au premier livre de
l’Iliade nous représente Jupiter allant à un grand feftin chez les Ethiopiens, [ zj 11 t'enfuit de là > &e. Je crois devoir avertir qu’Amalccle traducteur latin s’cll trompe ici lourdement, en fâifant dire à Paufanias tout le contraire de ce qu’il dit. [jl /)et Crocodiles hauts d~une coudie, le texte dit il ûutpeutêtre lire , de deux coudées, comme au ch. 18 du voyage de Cotiatlie.
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Vo y a g e d e i .’A t t i q jj e . 109 Pour revenir à mon fujet, ni laftatuë dont je parle, ni aucune autre ancienne ftatuë de Ncméfis n’eft aîlee } mais à Smyrne j'en ai vû quelques-unes qui (ont en grande vénération & qui ont des aîles. Comme on donne des ailes à Cupidon, de même en a-t-on donné à Néméfis, parcequ’elle exerce principalement fon empire fur les amans, du moins c’eft
la raifon que j’en imagine. Je veux aufii vous parler des bas reliefs qui font fur le picdeftal de la ftatuë ; mais pour les biens entendre il faut fçavoir que dans l’opinion des Grecs, Néméfis [ 1 ] écoit la mere d’Hélene , Sc Léda fa nourrice ; car pour fon pere, on convient que c’étoit Jupiter & non pas Tyndare. Phidias qui n’ignoroic pas ce point d’hiftoire a repréfènté Léda fous la figure d’une nourrice qui mene Hélene à Néméfis : voilà pour le premier bas relief. Sur le fécond vous vo^ez Tyndare & fes enfans, avec un homme à cheval qui n’a point d’autre nom que , le Cavalier. Sur le troifiéme vous reconnoiflez Agamemnon , Ménélas ,& Pyrrhus fils d’Achille, qui eft là comme ayant été le premier mari d’Hermione filled’Hélene ; il n’eft point queftion d’Orefte à cauiè de l’horrible cruauté qu’il exerça contre la mere , quoique pourtant Hermione ne l’ait point abandonné, & que même elle ait eu de lui un fils. Le quatrième basrelief reprefente Epochus avec un autre jeune homme, je n’ai pû rien apprendre, de l’un ni de l’autre, finon qu’ils étoient freres d’GEnoé , [i] de laquelle une bourgade de l’Attique a pris fon nom. La plaine d’Orope qui eft entre l’Attique & Tanagre appar- Ch a t . tenoit autrefois aux Béotiens, mais aujourd’hui les Athéniens XXXIV. en font les maîtres'; car apres avoir fait la guerre long-tems & inutilement pour s’en emparer, ils l’obtinrent enfin de Philipf»e, lorfqu’ileut pris Thebes. Pour la ville d’Orope, elleeft fur e bord de la mer , & du refte n’a rien qui mérité qu’on en parle. A quelque douze ftades de la ville il y a le temple d’Amphiaraüs, dans le lieu même où l’on dit que ce devin, comme il s'enfuyoic de Thebes, fut englouti avec fon char , la terre s’étant ouverte fous fes pieds; â’autres difent que cela arriva (1 ] Néméjîi était mere <THèlent. Voilà un point de mythologie fort remarquable , comme fort ignoré ; car dans l’opinion commune Hélène ctoit fille d’Alcmcnc.
[1] D’Œnoé, de laquelle une bourfide^ &c. Il y avoit deux bourgades de cc nom, l’une près d'Eleuthcrcdela tr,ibu Hippothooncidc, l’autre près de Marathon de la tribu Ajantide. O iij
iio Pa u sa n ia s , L i v i e I. fur le chemin de Thebes à Chalcis, dans un endroit qui s’appelle encore i preienc hanu, c’eft-à-dire le char. Mais on convient que les Oropiens font les premiers qui ont mis Amphiaraüs au nombre des Dieux , en quoi ils ont etc fuivis de tous les Grecs. Ce n’eft pas le feul mortel dont les Grecs ayentfait l'apotheofe ; j’en pourrois citer plufieurs autres qui ont eu les honneurs divins après leur mort, & a qui meme l'on a conlacrc des villes, témoin Eleüfe ville fitueef i jdans une pcninfulede la Troade, & Lebadie en Beode -, car la première eft conû. creeà Protelîlas , & lalêconde aTrophonius. C’eft ainfi que chez les Oropiens Amphiaraüs a un temple avec une ftatuc de marbre blanc. Son autel eft divile en cinq parties, dont la première eft dcdice à Hercule, a Jupiter, éc a Apollon Peomen j ia/econde à divers héros & a leurs femmes j la troifiertte à Vefta, a Mercure, à Amphiaraüslui-même , ôc [i] a Amphiloquel'un de fes enfans} car pour Alcméon qui ctoic l’autre » il ne partage cet honneur ni avec Amphiaraüs , ni avec Amphiloque ; ; a causé du meurtre d'Ehphviequi 1 avoit rendu odieux j la quatrième à Venus, à Panacee, a Jalon, à Hvgeia, Sc à Minerve Peonienne 5 la cinquième enfin aux Nymphes, à Pan, & à deux fleuves , leCephilèëc FAcheloüs. Amphiioque a aufii un autel à Athènes : mais il rend fes oracles a Mallus ville de Cilicie ; à: de tous les oracles qui 1e font confervez jut qu’a mon temps, il n’v en a point [4] qui ioient moins trompeurs que les fiens. Auprèsdu temple d’Amphiaraüs on voit une fontaine qui porte aulïi fon nom ; l’eau de cette fontaine ne lèrt ni aux facrifices, ni aux luftrations. pas meme a laver les mains ; ceux qui font guéris de quelque maladie par le fecours du dieu font feulement obligez de jetter quelque [ y] piece d'or ou d'ar-
[ l ] Dus nu fènmfiile de U Truie. Cela fera expliqué pat l'auteur même J'ai ajouté ers mots de U Truie , 8c dans un astre endroit. je ne crois pas avoir nen harardé. «niW H nr en e funt ya> feunt tutu que Scrabon dit bien nettement que, trmfenrs, <yc. Es ccoient donc tromEJcunre ou Eicufê comme il l'appelle, peurs -, mais s’ils étoient trompeurs , ctoit une ville de la Troade , & que pourquoi s’y !kvt-oc.» Cet aveu eft Proté filas y avoit ù icpulrure. diçne de remarque dans la bouche d’un [a] Fi-ÎAmfb'Iuneude/êseufus. fï] De jettes fnelfne frète féru La verfion latine d'Ama£e eft Kl tréstautis-e, attribuant aux errfins d'Ans- ferrent, crr. L avarice ou h cupidité phiJoque ce que Paaûnus dit des cn- des prêtres a été dans tous les temps fm d'Amphuraûs. une jôurce de «çerfhuons & d'abcs. [i] A euft dn nrnrrrt fEàfbyle.
Vo y a g e de l ’At t iq jje . ni gcnt dans la fontaine , & la railbn que l’on en donne , c’eft qu’Atnphiaraüs déjà devenu un dieu forcit par là de deflous terre. Jophon [ i ] de Gnofle un de ceux qui m'cxpliquoicnc les antiquités du pays me dit qu'il y avoit pluficurs prophéties d'Amphiaraüs écrites en vers hexamètres, &centr’autres une réponlê qu’il avoit rendue aux Argiens , lorfqu'ils allèrent alhcgcr Thcbcs. Pour moi je n’y ai pas de foi} tout ccq- ; plaît au peuple ôc qui aquelqu’air de merveilleux, trouve aifcmcnc creance , Se l’on ne s’en defabufe qu’avec peine -, mais a l’exception des oracles d’Apollon qui font atteliez par toute l'Anciquicc je ne crois pas qu’il y en ait eu aucun. Tous ceux qui fe font mêlez de prédire l’avenir étoient des interprètes de fonges , ou des gens qui avoient quelque connoiflance du vol des oilèaux ou des entrailles des vicîimes. Il yadonc bien plus d’apparence qu’Amphiaraüs cxcelloir dans l’interprétation des fonges ce qui me le perfuade , c’eft qu’encore à prefent qu’il eft honoré comme un dieu , il ne rend fes réponfes que fur des longes j ceux qui viennent le confulrer commencent par fe purifier, enfuite ils facrificnt non feulement à Amphiaraüs, mais
aux autres divinicez fous le nom defquelles fon autel eft confacré j apres quoi ils lui immolent à lui nommément un bélier } la ccjémonie achevée , ils étendent la peau du bélier fur le plancher, fe couchent deffus & s’endorment dans l’efpérance d’avoir quelque fonge qui foit fuivi d’une explication favorable. Les îles qui appartiennent aux Athéniens dans l’Attique ne c h a p . font pas éloignées du Continent. L’ile Patrocle en eft une, XXXV j’en ai déjà dit tout ce qu’il y avoit à dire. Il y en a une autre au-defliis de Sunium,& que l’on trouve fur la gauche quand on va par mer à Athènes } c’eft [i] l’ile d’Hélene , ainfi appellèc parcequ’Hélene y aborda après la prife de Troye. Salamine [ 3 ] eft fituée vis-à-vis d'Eleufis & s’étend jufqu’au ter[ 1 ] fjorbon de Gnofle, dre. Voici un des endroits les plus obfcurs & les plus dcfcôucux de Paulânus. Non feulement l'Oraclc rendu en vers par Amphiaraus manque dans le texte, mais on ne Içait à quoi rapporter ces mots, •*' û r»«t «a mw . J’ai fijivi la conjecture de Kuhniusqui quadre allez avec ce que l'auteur dit enfuite.
[1J Z'i’Ze d’Helene dre. Strabon Liv. p, autorité du témoignage d’Homcrc, dit que cette île s'appclloit anciennement Craïua, & qu'elle ftit nommée l’ile d’Helene, pareeque Paris avoir jouï là de fes amours pour la première fois. (j] SaJomine, dre. Cette ville s'appelle àprefent Conlonri, ôt c'cft plutôt
ut P a u s a n i a s, Livr e I. ritoirc de Mcgarc. On dit que [i] Cychréüs donna â cette île le nom de Salamis fa mere qui étoit fille d’Afopus ; que Telamon y mena une colonie d’Eginetes, qu’enfuitc elle fut donnée aux Athéniens par Phylée fils d’Euryface & petit-fils d'Ajax ; lequel Phylce avoit été fait citoyen d’Athcnes 3 que longtemps après les Athéniens détruifirent Salamine, pareequ’eï-
1c n’avoit pas fait fon devoir durant la guerre qu’ils eurent avec Caflànder, & qu’elle avoit ouvert fes portes aux Macédoniens plutôt volontairement que par force 5 on ajoute qu’Af cetadès qui commandoit dans la ville fut condamné à perdre la vie , & que les Athéniens jurèrent folemnellement de n’oublier jamais la trahifon des habitans. On voit encore à Salamine les ruines d’une place publique , & un temple d’Ajax avec une ftatuc d’ébene. Quant aux honneurs que les Athéniens décernèrent à Ajax Sc albn fils Euryface , il en refte encore des marques aujourd’hui ; car Eurylàce a fon autel dans Athènes. On montre à Salamine auprès du port une pierre, où l’on dit que Tèlamon s’affit pour fuivre des yeux les fils qui venoient de s’embarquer, & qui alloient joindre la flotte des Grecs en Aulide. Les habitans racontent[xjqu’aprèslamortd’Ajax on vit naître dans le pays pour la première fois une fleur blanche & rougeâtre , allez femblable au lys quant à la figure ^mais beaucoup plus petite, & marquée [3] des mêmes lettres que nos jacinthes. A l’égard des armes d’Achille qui furent adjugées à Ulyflè au préjudice d’Ajax, j’ai oui dire à ces Eoliens dont les ancêtres s’établirent dans la Troade après la prife de Troye, que la même tempête qui caufa le naufrage d’Ulyflè , porta les armes d’Achille jufqu’au tombeau d’Ajax. Un Myfien m’a conté que l’ouverture de ce tombeau eft aflez grande du
un village qu’une ville. L’îlc entière ment cette tradition qui a donné lieu qui étoit autrefois le royaume d’Ajax, à Ovide de dire qu’Ajax fut métamorpeut avoit quinze lieues de circuit au phofé en cette fleur que nous appelions. rapport de Spon dans fon voyage de la jacinthe, Grèce page 1 $4. Temfur lliud erit qno ft fortigèmus hm [1 ] On dit que Cjcbréüs, &C. Kuh- AiJat an houe frrrm . />/>»(*« Zr/nrar ••dm. Met. L. io. niusa fon bien remarqué qu’il y avoit [3] Et marquées des mêmes lettres ici deux mots d’oublicz dans le texte, T-a-aja» ra. Ku^ia. Amafce faute de s’en que nos jacinthes. Ces lettres font ai > ai s ce qui fait dire à Ovide: être apperçû a fort mal rendu cet cnItf, fu„ lemitm foiii, inferibit, & ai. a. [x] Les habitans racontent qu'après Ttoi habet inferiptum , fssneflaqi" bltera la mort tTyljax, &C. C’cft apparem-
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côte de la mer, pareequ’il eft continuellement battu des vagues, & que l’eau l’a mine > il afliiroit l’avoir vu , & pour faire juger de la grandeur d’Ajax, il me dilbic que la rotule de fes genoux étoit [ i ] comme ces palets dont fe fervent les jeunes athlètes aux jeux Olympiques. Pour moi i’ai vû [a]ccs Celtes qui font voifins de ces contrées qu'un froid cxceflif rend dclcrtes, & quelque chofe que l’on ailé de leur ftature Je n’ai pas trouve qu’elle eût rien de fort furprenant, ni qui paflat la grandeur de quelques momies que l’on voit en Egypte. . Mais voici ce qui m’a paru de plus extraordinaire en ce genre. Chez les Magnefiens qui font lur les bords du fleuve Lethcc, il y a eu un certain Protophanès qui en un même jour remporta le prix du pancrace & celui de la lutte à Olympie. Des voleurs attirez par l’elpcrance du gain fouillèrent dans Ion fcpulcre, & plufieurs gens y entrèrent enfuite par pure curiofitè 5 ils virent que les côtes de ce fameux athlète n’ètoicnt pas diftinguées comme celles des autres hommes ,& qu’au lieu de côtes il avoit un feul os qui régnoit depuis l’epatlle jufqu’à ces petites côtes que les médecins appellent bâtardes. Vis-à-vis de Milet il y a l’ile Ladé qui fe fèpare en deux autres petites îles, dont l’une porte le nom d’Aftérius, parcequ’Aftcrius y a fon tombeau ; il croit fils d’Anax que l’on dit avoir été fils de la terre : le corps d’Aftérius n’a pas moins de dix coudées de long } mais ce qui m’a encore plus étonné, c’eft ce que j’ai vit dans une petite île delà haute Lydie, qui n’a point d’autre nom que les portes de Témênus. Là un tombeau s’étant entr’ouvert par l’injure des temps, on apperçut des os d’une fi prodigieufe grandeur, que s’ils n’avoient eu la figure d’os de corps humain, on ne les auroit jamais crus tels. Aufli-tôt le bruit courut dans le pays que l’on avoit trouvé le corps [3] de Géryon fils de tes filets dont fefervent dont fe lcrvoicnt les jeunes athlètes. les jeunes ntbletes. Cet endroit a été vn tes Celtes, dr<- Pau làlulpect à Caiâubon, & je crois, avec nias les nomme, «iwlocù julîice, quoique Bulengcrus ait pru à ces Celtes que F on appelle Corsens : tâche de le défendre. Ces palets, au- mais ce nom eft manuellement cortrement appeliez dilqucs étoicnt ou de rompu. Amaftc & Kuhnius ont voulu pietTC, ou d'airain, ou de fer ; la forme lùbflitucr un autre nom ; je ne trouve en étoit plate, & approchante de celle pas leur corrcdion aflez heureufe pour d’une lentille; c’cftpourquoi Dioicori- 1 adopter. dc appelle une lentille . difens ,nn [ ; 1 De Genou, c“C-11 étoit roi des difyne. Le poids & la ma fie de ces dit îles Baléares que l'on appelle aujourques étoicnt énormes, meme de ceux d'hui Majorque & Minorque. Selon Tome I.
ïi4 Pa u sa n ia s , Liv r e I. Chryfaor 5 & fur une montagne voifincon montrait une greffe roche que l’on afluroit lui avoir fervi de trône j les habitans du lieu donnoientle nom d’Océan à un torrent qui roule feseaux près de là , & les gens de la campagne difoient qu’ils avoient fouvent trouvé des cornes en labourant la terre, afin que tout quadrât avec l'hiftoire de Géryon , qui dit qu’en effet il nourriffoit des bœufs d’une excellente beauté. Pour moi je combattois leur opinion en foutenant que Géryon habitoit [ 1 ] à Gades, que ion tombeau ne fe trouvoit nulle part, & que l’on voyoit feulement dans le lieu où il avoit demeure un arbre qui prenoit plufïeurs formes. Quelques Lydiens plus fçavans dans les antiquitez de leur pays me dirent que ce prodigieux corps étoit le corps d’Hyllus , & que cet Hyllus étoit un fils de la terre qui avoit donné fon nom au fleuve de cette contrée ; ils ajouraient qu’Hercule, en mémoire du féjour qu’il avoit fait chez Omphale, n’avoit pas voulu que[r]fon fils portât un au______ tre nom que celui du fleuve. C h a p. Pour revenir à mon fujet ,on voit à Salamine un temple de XXXVI. Dianej &un trophée qui a été drefle pour confèrver le fou-
venir de la célébré victoire que Thémiftocle fils de Néoclcs [j] fit remporter aux Grecs. On y voit aufli un temple bâti en l’honneur de Cychréüs à la même occafion 5 car on tient que durant le combat qui fut donné près de Salamine il"parut un dragon au milieu de la flotte des Athéniens, & que ceuxci ayant confulté l'Oraclc fur un prodige fi extraordinaire , il leur fut répondu que ce dragon étoit le héros Cychréüs. Devant Salamine eft l’île Pfytalie -, on dit que les Perfes y débarquèrent quatre cens hommes, & qu’après le combat naval où leur flotte fut défaite , les Grecs paflerent dans cette île & firent main baffe fur ces quatre cens hommes, en forte qu’il ne
la fable ce Géryon avoit trois corps, [t],^ue fon fili, dre. C’cft-à-dire, &■ pcut-ctrc que cette fable cft fondée le fils qu’il avoir eu d’Omphale reine fut ce qu’il avoit deux frères avec qui de Lydie. il vivoitdansunefi parfaite concorde, [w.QneTbémifttelefit remporter .tnx qu’il fcmbloit que ce fût une même Créa. C’eft ce que Cornélius Nepos amc qui animoit trois corps. explique par ces paroles : / Mn> ery> eft [ 1 ] A Gndei, dre. C’eft aujourd'hui mngit conjUioTbeniifioelu yiùw eteui Cadis ville d'Efpagne, qui cft fituée Grxcui Xcrxès fut donc vaincu moins entre l’embouchure du Guadalquivir par les armes de la Grèce que par lc« &■ le détroit de Gibraltar, près de la confcil* de Thcmiftodc. côte d'Andaloufic.
s'en fauva ftatuc* qui qucs-unes le chemin
VO Y A C T. D E L’ATTIQ.UE. Il J pas un fcul. Dans toute l’île il n’y a pas une feule foit travaillée avec art 5 on en voit feulement quel confacrées A Pan, mais qui font fort groffiercs. Sur qui conduit d’Athènes à Elcufis & que l’on nomme
la voye fâcrée , on trouve le tombeau d’Antncmocrite 5 les Mégaréens par une horrible impiété maflàcrcrent cet Anthcmocritelor (qu’enqualité de héraut il fut envoyé vers eux, pour leur faire dérenfe de labourer la terre de ce canton, parcequ’cl1c étoit confàcrée à Cerès & à Proferpine ; & ils éprouvent encore aujourd’hui la colere de ces divinitez, étant les feuls de tous les Grecs à qui les bienfaits de l’empereur Hadrien fêmblent avoir été inutiles. Après le tombeau d’Anthémocritc eft celui de Moloflîis, à qui les Athéniens donnèrent le commandement de leurs troupes, lorlqu’ils voulurent faire une defeente en Eubœepour fècourir [ i ] Plutarque. Vous arrivez enfuitc au bourg Sciros, ainfi appcllé pour la raifon que je vais dire. Pendant que les Eleufinicns avoient la guerre avec Ereâhèe, il leur vint de Dodone un prophète qui avoit nom Sciros 5 ce fut lui qui confacra ce vieux temple de Minerve Scirade que l’on voit à Phalere 5 enfuitc ayant été tué dans le combat il fut inhumé fur le bord d’un ruiflèau , & depuis ce temps-là le ruiflêau & le bourg ont porté le nom du héros. A quelques pas de-là on rencontre le tombeau de Céphifidore , qui durant qu’il étoit Archonte, réfifta courageufement à Philippe fils de Démétrius, & concerta une ligue avec les Athéniens, Atralus roi de Myfie, Ptolémée roi d’Egypte, les Etoliens nation libre, les Rhodiens & les Cretois qui font des infuiaires ; mais comme les fecours n’arrivoient que tard de Myfie, d’E-
gypte & de Crète, & que les Rhodiens quin’avoient qu’une armée navale ne pouvoient fc défendre contre l’infanterie Macédonienne, Céphifidore fit voile en Italie avec quelques Athéniens, & obtint de Rome un puiffant fecours. En effet les Romains envoyèrent une armée fous la conduite [z] d’un bon [ 1 ] Pour ftcouvr Plutarque. Ce Plutarque croit d’Eréthrie ville d’Euboce > & defendoit fon £ay s contre Philippe toi de Maccdoilip, qui vouloir s’en rendre maître. 11 appella à fon fecours les Athéniens qui d’abord y envoyèrent Phocion avec des troupes ; ce Général conduifit fon entreptifo avec la
fagefle & le bonheur qui l’accompagnoient par tout. Enfoite Moloflus lui focceda ; mais comme il n’avoit pas la capacité de Phocion, il D*cut pas non plus le même foccès ; car il tomba entre les mains des ennemis. [z IJo k i la conduite d'un bon Général. Ce Général étoit Enulius Paulus li céPi)
i>6 Pa u sa n ia s ,Lt v r e I. ücncral , & remportèrent tant d’avantages fur les Macédoniens, que peu de temps apres Perlée fils de Philippe fut nonïéulemcnt dépouille de lôn royaume, mais mené captif à Rome. Le Philippe dont je parle étoit fils de Démétrius ; car le premier de cette race quia eu l’empire de Macédoine, [ i ] ç’a été un Démétrius, lequel ôta la vie à Alexandre fils de Cafiàndcr, ainfi que je l’ai.raconté. Après le tombeau de Céphifidore , on voit celui d’Héliodore qui étoit natif [i] d’Halé, Sc dont on voitaufii le portrait dans le grand temple de Minerve. Thémiftocle a fa fépulture au même lieu } cc Thémiftocle étoit fils de Poliarque, & petitfils du grand Thémiftocle , qui défit la flotte de Xerxès dans un combat naval ; je laifie fes autres defeendans pour ne vous parler que d’Aceftio qui fut fille de Xenoclès fils de Sophocle & petit fils de Léon ; cette illuftre perfonne fut afléz heureuïé pour voir tousfés proches revêtus de la dignité de [3] porteflambeau depuis Léon fon bifayeul jufqu’à la quatrième génération ; après la mort de fes peres elle vit Sophocle fon frere, Thémiftoclefon mari,& Théophrafte fon fils joüirde lamême prérogative } tel fut fon bonheur. Plus loin vous trouvez un
Dois confacré à Lacius, & la bourgade des [4] Lacides, ainfi appellée du nom de ce héros -, là eft le tombeau de Nicoclès Tarentin, le plus célébré joüeur d’inftrument qu’il y ait eu. On voit aufii dans ce lieu un autel dédié au Zéphir, & un temple de Cerès & de Proférpine, où Minerve & Neptune font ho-
lébrc dans l’hiftoire Romaine pat la défaire *dc Pcrfée qu’il fie prifonnier, & par la conquête de toute la Maccdoinc qui en fut la fuite. [1] C’a été un Démétrius, &c. La verfion latine de cet endroit du texte eft toute propre à induire en erreur, Le Içavant Paulmier a fort bien rcmarqué que l'auteur parle ici non d’un feul Démctrius , mais de deux, dont l’un ctoit Dcmctrius furnommé Etolicus qui fut fils d'Antigonus& pere de Philippe, l'autre étoit Démétrius Poliorcetc porc d'Antigonus, lequel Démctrius Poliorcète eut le premier de fa race l’empire de Macédoine. (1] Natif d’Halé. Le texte dit Alis, qui eft félon toute apparence un mot
corrompu. Amalce alti A *■«»'» (TAie, qui ctoit une bourgade de la tribu Cécropide. [ 3 j De porte-flambeau. Ce portcflambeau ctoit appelle par excellence c’étoit une fonction lâcrce & la plus confidcrablc dans les myftères de Cerès après celle de grand Prêtre, Le ou porte-flambeau pouvoit le marier, comme on le voit par ce paflàgc même de Pauûnias , à la différence du prêtre de Cerès appellé , qui faiibit vœu de chaftcté perpétuelle. [4] £' la bourgade des Lacides, de la tribu (Enéide. Miltiadc & lôn fils Cimon, ces deux grands Capitaines, croient de ccttc bourgade.
Vo y a g e d e i .’At t iq u e . n? notez conjointement ; les habitans du lieu dilent que Cerès les ayant autrefois vifirez, Phytalus la reçut chez lui, & que la dcefl’e par rcconnoiflance lui fit prefent de l’arbre qui porte des figues -, ce fait eft attefte par une épitaphe en vers qui fe lit encore fur le tombeau de Phytalus.
I.a divine Cerès fatisfaite du zele Que Phytalus un jour fçut témoigner pour elle , Fit préfent au héros d’un fruit délicieux Que l'on ne connoifloit qu’à la table des Dieux ; Ce fruit des autres fruits obfcurciflant la gloire Du héros dont il vient fait bénir la mémoire. Avant que de pafTer le Ccphife vous pourrez voir le tom- Ch a t . beau de Théodore, qui fut le plus grand atfteur [i] de fon XXXVIL temps dans le tragique. Sur le bord du fleuve il y a deux ftatucs, l’une de Mnéfymaque, l’autre de fon fils, dans l’attitude d’un jeune homme qui coupe fes cheveux [a] pour les confacrer au fleuve ; car on fçait que c’étoit la coutume des Grecs de voüer ainfi leur chevelure à des fleuves , & cela fe voit fur-tout par les poefies d’Homére, où il eft dit que Pélée voüa au Sperchius la chevelure d’Achille , s’il revenoit heureufement dans fa patrie après le fiége de Troye. Au de-là du fleuve eft un ancien autel de Jupiter Mclichius , ou le débonnaire ; ce fut à cet autel que Théfée fe fit purifier par les defeendans de Phytalus , après qu’il eut fbüillé fes mains dans le fang de tant de brigands, & entr’autres de Sinis fon propre parent, qui defeendoit comme lui de Pithée. Là font encore les tombeaux de Théode&e natif de [3] Phafélis, & de Mnéfithée i on dit que ce Mnéfithée étoit un célébré médecin qui confiera plufieurs ftatucs à des divinitez , & particulièrement une à Bachus. Sur le chemin vous trouvez un temple qui n’eft pas fort grand, & que l’on nomme le temple du Cyamite ; je n’ai pû fçavoir fi l’on a prétendu honorer celui qui a appris le premier aux hom[ 1 ] Lt pim grand afleur, &c. La Verfion laune, dit, le plus grand pocte tragique ; ce n’eft pas le fens de l’auteur. [ a ] Pour 1er confacrer au fleuve. Le texte eft un peu altère en cet endroit ; 11 faut avoir plus d’égard au fens qu’aux paroles. [ 5 ] Natif de Pbafa'lir. C’étoit une
ville de Pamphylie. Ce Théodcélc fils d’Ariftandre & contemporain d’Ariftotc étoit un des plus beaux hommes de fon temps ; mais la beauté de l’cfprit paiToit en lui celle du corps : il étoit grand pocte & grand orateur; il avoit fait cinquante tragédies Si plusieurs oraifons qui toutes ont péri. P iij
118 Pa v sa n ia s , Liv r b Ï. mes à fèmer des fèves,comme le mot [ r ] de Cy.truitefemble le faire entendre, ou fi c’eft le nom de quelque héros en l’honneur de qui l’on ait bâti ce temple $ car il eft certain que l’invention des fèves ne fijauroit être attribuée à Ccrcs ; ceux qui ontafliftéaux myftéresdeCcrès àEleufis, ou qui ont feulement lû ce que l’on appelle, les myftcres d’Orphèe, conviendront aifément de ce que je dis. Mais vous remarquerez fur-tout deux
tombeaux qui furpalfent tous les autres en grandeur & en beauté ; le premier eft celui d’un Rhodien qui ctoit venu s’établir à Athènes ; & l’autre a été clevé par Harpalus Macédonien, celui-là même qui craignant la colere d’Alexandre en Afie fe fauva en Europe & vint fè retirer à Athènes. Dans la fuite les Athéniens l’arrêtèrent & le mirent fous bonne garde ; mais lui par fes pratiques & par fon argent ayant corrompu quelques citoyens, fur-tout de ceux qui étoient afïèdionnez à Alexandre, il échappa encore au danger. Or ayant fa détention il avoir epoufé Pythionice , dont ni la famille ni le pays ne me font connus ; tour ce que j’en fçai, c’eft qu’elle avoit fait le métier de courtifànne à Athènes & à Corinthe. Cependant Harpalus l’aima fi éperdjâment, que cette femme étant venue à mourir, il lui fit clever le plus luperbe monument qui foit dans toute la Grèce. Vous verrez aufli là un temple ou il y a des ftatucs de Cerès, de Proferpine, de Minerve & d’Apollon ; ce temple dans fon origine n’étoit confacré qu’à Apollon ; car on raconte que Céphalus fe voyant obligé de quitter Athènes à caufe du meurtre de Procrys fa femme, fè retira à Thebes, & qu’enfuite ayant fécondé Amphytrion dans fon expédition contre ces infulaires qui habitoient[i]Teleboa,ilfixaia demeure dans cette île, qui de fon nom fut appellce Céphalénie. On ajoute qu’après dix générations Cnalcinus & Détus fes defeendans, s’étoient embarquez pour aller à Delphes, que là ils avoient confulté l’Oracle pour fçavoir quand donc il leur feroit permis de retourner en leur patrie, & que l’Oracle avoit répondu que dès qu’ils feroient entrez dans l’Attique, ils eut fènt à facrifier à Apollon au même endroit où ils trouveroient [i]Commele mot de Cjamite, &c. d’où vient le mot de Qxmire lignifie des fèves. [1 ] habitent Teleboa. Selon Strabon Liv. 10, les Tclcboins 8c les
Taphiens étoient un même peuple. TaÎhos & Taphioufe étoit une des îles cleboïdcs. Pline Liv. 4, les place entre la Leucadic & l’Achaïc.
VOYAGE DE t’ATTlQVl. »»9 [ i] une galère à crois rangs qui iroic fore vire fur terre ; qu’écant arrivez au mont Pécilus ils avoient apperçu un ferpent
qui fuyoit dans les brolTaillcs, qu'aufli-tôt ils avoient fàcrifié à Apollon dans cet endroit-là meme, & qu’incontinent après les Athéniens leur avoient accordé droit de bourgeoise à Athènes j telle cft l'origine de ce temple. Un peu au de-là il y en a un de Venus au-devant duquel eft un mur fait [a] de
pierres blanches d’une grande beauté.
Il me faut aufli parler de ces canaux que l’on prendroit pour c h a r. des fleuves, fi l’on en jugeoit feulement par leur cours} car du XXXVIIL refte leurs eaux font falées, ce qui donne lieu de croire qu’ils viennent du détroit de Chalcis & qu’ils vont tomber dans la mer qui eft plus baffe que les terres qu’ils arrofent. Les habitans d’alentour difent que ces canaux font confacrcz à Cercs & à Profcrpinc , & qu’il n’y a que les prêtres de ces divinitez qui ayent droit d’y pêcher j ce font-là les anciennes limites des Athéniens & des Eleufiniens. On croit que Crocon pofledoit autrefois les terres qui font au de-là de ces canaux, & ce lieu s’appelle encore aujourd’hui le palais de Crocon. Les Athéniens prétendent que ce Crocon époufafj] Séfara fille de Celeüs, c’eft du moins l’opinion des [4] Scambonides} pour moi j’ai eu beau chercher en ce lieu le tombeau de Crocon, je ne l’ai pas trouve ; mais j’y ai vû celui d’Eumolpe qui eft également reconnu des Athéniens & des Eleufiniens. Les uns & les autres [ 1] Une galere à treii rang/. Le mot grec qui lignifie cclaeft Comme les Oracles s'expliquoient toujours d’une manière ambiguë , celui-ci entendoit par tv * une efpcce de ferpent ou de Iczart, qui par les fix panes rangées d'un & d’autre côté pouvoit figurer une galcre à trois rangs.* [1] De fiertei blanebei d'une grande beauté. L’cxpteflîon grecque cft n-x> a /Im , Le mot«>v«joint avec a fort embaraflï le fçavant Méziriac, qui dans fon commentaire fut la lettre d’Hermionc à Orefte, propofc fes doutes, & fe détermine à croire que *<’*•< cft une piérre non taillée ni telle ou mife en ante, ou bien qu'au iicu d’«'.«v»'< il faut lire une fient antique. Mau dans l'endroit
dont il s’agit ici, le fentiment de Méziriac ne peut avoir d'application-, car un mur fait de vieilles pierres ou de pierres brutes & non taillées ne fçauroit avoir de beauté ; or celui dont parle Paufanias étoit comme il le dit d’une beauté remarquable > c’cft ce qui m’a déterminé à rendre l’cxpreflion de l'auteur par ces mots , un mur fait de fierret blanebei d'une grande beauté. [5] Séfara. Meurfîus Kfoit Référât mais c’cft Séfara qu'il faut lire félon le témoignage d’Hcfychius. [4] Dei Scambemdes. C’étoit encore une bourgade de l’Attique, delà tribu Léontide', & le lieu de la naifllnce d'Alcibiade.
no Pa u sa n ia s , Liv r e T. conviennent que cet Eumolpc étoit de Thrace, fils de Neptune Sc de Chionc, qui naquit de Borcc & d’Orythie } il n’eft fait aucune mention des parons d'Eumolpc dans Homère, qui lé contente de parler de lui comme d'un homme de grand courage. On dit que dans un combat qui fe donna entre Jes Athéniens & les Eleufiniens le roi Erccthéc& Immaradus fils d’Eumolpc furent tuez chacun À la tête de fes troupes, & que la paix fe fit cAfuitc aux conditions fuivantes ; que les Eleufiniens à l’avenir feroient fournis aux Athéniens ; que cependant ils demeureraient en pofTeflion des myftércs de la décile , & que le facerdoce de Cerès & de Proferpine ferait confervé à Eumolpc & aux filles de Celcüs -, Pamphus [ i ] & Homère nomment ces filles Diogenée,Pamméropé,ScSélâra. Le plus jeune des fils d’Eumolpc fut le feul qui furvccut à fen pere , il fe nommoit Ccryx ; cependant les Céryces[i] ou hérauts Grecs qui en font defeendus le difent fils, non d’Eumolpc , mais de Mercure Sc d’Aglaure fille de Cccrops.
Vous verrez au même endroit le monument héroïque d’Hippothoon, qui donna auflï fon nom à une bourgade Athénienne, Sc auprès le tombeau de Zarex qui, dit-on, apprit la mufique d’Apollon même ; je crois pour moi que Zarex etoit étranger, Lacédémonien de naiflance, & que Zarex ville maritime dans la Laconie a pris de lui fon nom -, s’il y a eu un Zarex Athénien, je ne le connois pas. Le Cephife eft plus rapide aux environs d’Eleufis que par tout ailleurs ; fur fa rive eft un endroit que l’on nomme le fiÿùer fauvage, par où l’on dit que Pluton defeendit fous terre après avoir enlevé Profêrpine. Ce fut auflï près de laque Thélée tua le fameux bandit Polypémon furnommé [ 5 ] Procrufte. Les Eleufiniens ont plufieurs temples qui font dédiez , l’un à Triptoléme, l’autre â Diane [4] Propyléa, Sc l’autre à Neptune le pere. On voit f 1 ] Pamphus, dre. Ce poète étoit Athénien : on le croit plus ancien qu’Homére fil avoit fait un poeme Air les Grâces, le plufieurs hymnes ; on trouve quelques-uns de les vers citez dans les anciens auteurs Grecs. [i]Cependant les Cèneest» hérauts Grecs, dre. en grec fignific un héraut, pareeque les hérauts grecs ou
Céryces fe difoient defeendus de cet ancien Ccryx dont il eft ici parlé. [éjSumamméPracrujie,du mot pulfo, cum impetu invaJo, pareeque ce bandit attaquoit les paflàns. [4] Diane Prcppléa, du mot *’■••> t eftihulum , veftihule > comme qui dirait, Diane qui veille à la garit de la ville. chez
Vo t a g e d e l ’At t i ^v e . II! chez eux un puits qu’ils nomment [ i ] le Callichore, autour duquel les femmes d’Eleufis ont inftituc des darifes & des chœurs de mufique en l’honneur de la deeflè ; ils aflurent que ce fut dans les plaines de Rharos que l’on fema & que l’on cueillit du bled pour la première fois. C’eft pour conlcrver la mémoire d’un fi grand bienfait, que cette efpecc de gâteau dont ils fc fervent dans leurs (acrifices le fait encore aujourd’hui avec de l’orge cueillie dans cette terre; ils montrenc meme une aire qu'ils appellent l’aire de Triptoleme, avec un autel qui lui eft confacrc. Quant aux autres choies qu’ils gardent dans l’intérieur du temple , outre que l’averriflemenc dont j’ai parle m’empêche de les rcvcler, on feait d’ailleurs que ceux qui ne font pas initiez [1] à ces myfteres, ne doivent pas en prendre connoiflânce , ni n’ont la liberté de s’en informer curieulèment. Au refte la ville d’Eleufis a pris Ion nom du héros Eleufis, que quelques-uns croyent avoir été fils de Mercure & de Daïre fille de l’Océan ; d’autres dilènt hardiment qu’il étoit fils [ 3 ] d’Ogygus. Car ces anciens peuples qui ne peuvent rapporter leur origine à aucune époque certaine, débitent bien des fables fur plufieurs points, mais particulièrement fur la filiation de leurs héros. Au lortir d’Eleufis vous trouvez deux chemins, dont l’un mene à Platée, qui de ce côté-là fépare l’Attique de la Béotie} autrefois c’étoit la ville d’Eleuthere qui feparoit ces deux Etats , mais depuis qu’elle s’eft foumife aux Athéniens, l’Attique n’eft plus bornée de ce côté-là que par le mont Cychéron. Les Eleuthériens le font rangez lous les loix de la répu[i]Le Callichore, l’auteur explique lui-même le mot callich re, en dilânt que l’on danfoit autour de ce puits. [z] A ce- mjjlére:. Nous avons un «raitê de Meuriius fur les myfteres de Cercs d’Eleufis-, ce Içavanr homme y a ramafle tout ce que l’Antiquité nous en paît apprendre. J’y renvoyé donc le Lcétcur. Je me contente de dire en général que les plus grands hommes, foit Grecs ou Romains avoient l’ambition d’être initiez à ces myfteres, qu’il ne s’ypaffoit rien contre les bonnes mœurs , 8c que ceux qui s’enrôlaient dans ccttc efpecc de confrairic, Tome I.
contraéloient l’obligation de vivre d’une maniéré plus pure 8c plus vertueufc que les autres ; c’eft bien allez qu’ils cuilènt le malheur d’être idolâtres, fans qu’on leur impute d’autres crimes. Selon quelques auteurs cet Ogygus plus ancien que Deucalion a été le premier roi d’Athènes; de fon temps il y eut dans l’Attique un déluge que le P. Petau place 1010 ans avant la prcmicteOlympiade.Les Grecs appciloient O’yfia tout ce qui étoit d’une ton grande antiquité , ou qui paflôit les bornes ordinaires. Hcfjchim, Sk u Ui , 8cc.
ixz Pa u sa n ia s , Liv re I. bliquc d’Athènes, non par force, mais de leur propre mouvement , pareeque la forme du gouvernement établie à Athènes leur plaifoit, & qu’ils haifloient mortellement les Thébains. Ils ont un temple dédié à Bachus, dont l’on a autrefois tranfporté la ftatuc à Athènes, car celle qui fe voit aujourd’hui à Elcuthere, n’eft qu’une copie de l’autre. Un peu au de-là du temple il y a une caverne qui n’eft pas grande, èc auprès une fontaine d’eau froide ; on dit qu’Antiope expofa Jans cette caverne les deux gemeaux qu’elle avoir mis au monde , & qu’un berger les ayant trouvez les démaillota & les lava dans la fontaine. Par les ruines qui fubfiftent encore à Eleuthere, foit de murs, foit de maiions, il eft aifé de juger que _______ la ville dominoit fur la plaine qui regarde le mont Cithéron. C h a p. L’autre chemin va d’Eleufis à Mégare ; fur ce chemin vous XXXIX. trouvez un puits nommé le puits fleuri. Pamphus y a mis une infeription en vers, par laquelle on apprend que Cerès après l’enlevement de Proferpine fe repofa auprès de ce puits fous la figure d’une vieille ; que les filles de Céléiis Payant prife pour une femme d’Argos la menèrent à Méganire leur mere, qui la fit gouvernante [ i ] de fon fils. Près de ce puits on voit une chapelle de Méganire , & les tombeaux de ceux qui périrent devant Thebes ; car pendant que Créon commandoit à Thebes fous le nom de Laodamas fon pupille & fils d’Etéocle, comme il ne vouloir point permettre aux Argiens d’enterrer leurs morts, Adrafte implora le fecours de Théfée qui ne lui manqua pas au befoin. Il y eut un grand combat entre les Athéniens & les Thebains, Théfée remporta la victoire, &; maître du champ de bataille , il fit porter les morts dans les plaines d’Eleufis où ils eurent fcpulture. Mais les Thebains ne conviennent d’aucun de ces faits 5 fi l’on veut les en croire, ils ne refuférent point la fëpulcure aux morts, & il n’y eut jamais de combat entre les Athéniens & eux fur ce fujet. Après le tombeau des Argiens vous trouvez celui d’Alopé fille de Ccrcyon, laquelle fut tuée par fon propre pere dans ce lieu même, après qu’elle fe fut délivrée d’Hippothoon dont elle ctoit groflê du fait de Neptune. On dit que Ccrcyon étoit fort cruel envers les étrangers, fur-tout envers ceux qui
[ t] Gouvernanteîle fiinfil:. Paufanias a dit plus haut que Triptolcme étoit fils de Célciis; c’eft donc à Triptolcme
que Méganire donna Ccrcs pourgouvenante.
Vo t à c i DI l 'At t io ji i . 11J rcfufoient de fe battre avec lui à la lutte. Je vis un endroit qui n’eft pas loin du tombeau d’Alopé, que l’on appelle encore l’dcrime de Cercyon, pareeque ce fut là, dit-on, que furent impitoyablement égorgez par ce barbare tous ceux qui s’étoient battus contre lui, à l’exception de Théfée qui le vainquit par fon adreflè ; car on attribue l’invention de la lutte à Théfée. Ce fut lui du moins qui la réduifit en art, de forte que depuis il y eut des maîtres qui en donnèrent des leçons , au lieu qu’auparavant c’étoit uniquement la grandeur & la force du corps qui décidoient de la victoire. Voilà ce qui m’a paru de plus curieux dans l’Attique, foit pour l’hiftoire, foit pour les monumens ; car dès le commencement de mon ouvrage j’ai omis bien des chofes que je n’ai pas cru dignes d’être rapportées. Le territoire d’Eleufis eft borné par celui de Mégare , ville 3ui dès les premiers temps fut elle-même de la dépendance ’Atbénes, Pylas [ i ] roi de Mégare l’ayant laiflee à Pandion. Une preuve de ce que je dis, c’eft qu’on voit encore à Mégare le fcpulchre de Pandion, & qu’Egée l’aîné de fes enfans régnoità Athènes, tandis que Nifus fon cadet étoit feulement roi de Mégare & du pays qui s’étend depuis cette ville jufqu’à Corinthe. On voit à Mégare un port qui du nom de Nifus s’appelle encore aujourd’hui le Nifée', mais fous le reghe[i] de Codrus les peuples du Péloponnefe ayant déclaré la guerre aux Athéniens, comme ils virent que c’étoit fans foccès, ils s’en retournèrent chez eux, & chemin faifant ils prirent la ville de Mégare qu’ils peuplèrent de Corinthiens & d’autres étrangers qui fervoient dans leur armée, & qui voulurent bien s’établir là ; de forte que les Mégaréens pre-
[i] P]Us roi de Mégare, &c. Sui- ner l’interprète Latin qui croyant n«A« vant Apollodore Liv. j, Pylas roi de au génitif, dit tout le contraire de ce Mégare ayant tué Bias fon oncle pa- que Pauûnias veut dire. ternel, prit la fuite & fe ûuva dans le [z] Sous le régne de Codrus. Codrus Péloponnefe, il laiflà fon royaume à fut le dernier roi d’Athcnes & le dixPandion fon gendre, qui charte d’Athè- feptiéme après Cécrops. Les Athéniens nes s’étoit réfugie auprès de lui. Pan- furent enfuite gouvernez par des Ardion devenu roi de Mégare eut quatre chontes ou Préteurs perpétuels, dont le fis, Egée , Palias , Nifus & Lycus. premier fût Médon ; il y en eut treize Egée comme l’aîné régna à Athènes, de fuite. A ceux-ci foccédétent des Ar& Nifus fon cadet régna à Mégare. chontes décennaux ; on en compte fcpt. Strabon raconte à peu près la même Apres eux il n’y eut plus que des Archofc, c’eft ce qui m’a fait abandon- chontes annuels. Qij
Tî4 Pa u sa n ia s , Liv k e I. nant les moeurs & le langage de ces étrangers, devinrent infenliblement Dorions. Les naturels du pays diièntqucla ville prit le nom de Mégare fous le règne[i J de Car fils de Phoronée, Ce qu’ils ne commencèrent que vers ce temps-là à avoir des temples de Cerès, appeliez mé^apa. Mais les Béotiens prétendent que Mégaréüs fils de Neptune demeurait à Onchefte, que là il fe mit à la tête d’une armée de Béotiens, fie qu’il vint au fecours de Nifus afliégé par Minos dans fa capitale ; que Mégaréüs ayant été tue dans un combat qui fe donna fous les murs de la ville, il fut inhumé dans le lieu même, fie que du nom de ce prince Nifa fut appellé Mé. gare. Les Mégaréens ajoutent que douze [a] générations après Car fils de Phoronée, Lélex étoit venu d'Ègypte dans leur pays fie y avoit régné ; que de fon temps ils prirent le nom de Léléges, que ce Lélex fut perc de Cléfon qui eue pour fils Pylas, dont naquit Scyron, lequel Scyron épouia une fille de Pandion ; ils dilènt que Scyron diïputa enfuite le royaume de Mégare à Nifus qui ctoit fils de Pandion, fie que l’un fie l’autre prirent pour juge de leur différend Eacus, qui ajugea le royaume à Nifus fie à fes defeendans, mais à condition que Scyron auroit le commandement des troupes ; félon eux Mégaréüs fils de Neptune époufa Iphinoé fille de Nifus, fie fucceda à fon beau-pere; mais pour la guerre de Crète fie la prife de leur ville fous le régné de Nifus, ils font ______ femblant de n’en rien fçavoir. Cha p . On voit à Mégare un magnifique aqueduc, bâti par ThéaX1" gene, de qui j'ai fait mention lorfquc j’ai dit que fa fille avoit été donnée en mariage à Cylon Athénien. Ce Théagene durant fa tyrannie fit faire cet aqueduc, qui eft un ouvrage à voir tant pour fa grandeur , que pour la beauté fie pour le nombre de fes colonnes. Les habitans n’appellent point autrement l’eau de cette belle fontaine, que l’eau des nymphes Sithnides qu’ils croyent originaires du pays comme euxmêmes. Ils racontent qu’une de ces nymphes eut une fille dont Jupiter devint amoureux, Se que de ce commerce na-
[l] Sons le régné de Carfils de Pbciwée. Phoronée régnoit dans le Pcloponnefe du temps qu’Ogygès régnoit dans l'Attique, mille vingt ans avant la première Olympiade> fie près de dix-
huit cens ans avant l'Ere chrétienne» félon le P. Pctau. (r) V»«z.egénérMions après Car, C-c. Par une génération Paulanias entend pour l'ordinaire l’cfpace de a; ans.
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quit Mégarus, qui fe fauva du déluge de Dcucalion en g.i gnant le lommec du mont Geranien qui alors avoit un autre nom ; car félon eux , Mégarus guide par le cri d’une bande de gruës qui voloient de ce côte-là, nagea julqu’au haut de cette montagne qui depuis cet événement Vclt appcllcc le mont [i] Geranien. Auprès de ce bel aqueduc eft un vieux temple où j'ai vû quelques portraits d'empereurs Romains avec une ftatuc de bronze de Diane protectrice, ainfi la nomment-ils pour la raifon que je vais aire. Les Perfes que Mardonius avoit amenez, après avoir ravage tous les environs de Mégarc, voulurent rejoindre leur chef qui ctoit à Thebes -, mais par le pouvoir de Diane ces barbares fc trouvèrent tout-à-coup enveloppez de fi épairtès ténèbres , que ne connoiflant plus les chemins ils s’égarèrent & tournèrent du côté des montagnes. Là croyant avoir l’armée ennemie à leurs troufles, ils tirèrent une infinité de flèches ; les rochers d'alentour frappez de ces flèches fembloient rendre une cfpcce de gemiflement, de forte que les Perfes croyoient bief, fer autaht d’ennemis qu’ils tiroient de flèches ; bicn-tôt leurs carquois furent épuifez ; alors le jour vint, les Mégarcens fondirent fur les Perfes, & les ayant trouvez fans réfiftance ils en tuèrent un grand nombre j c’cft ainfi qu’ils racontent cette avanture, & ce fur pour en perpétuer la mémoire qu'ils confacrerent une ftatuc à Diane protectrice. Vous verrez dans le même temple les ftatuës des douze dieux,elles partentpopr être de Praxitèle -, à l'egard de celle de Diane, c’eft [ x] Strangylion qui l'a faite. Un peu plus loin eft le bois facré de Jupiter Olympien avec un temple qui mérite d’être vû -, la ftatuc du dieu n’cft pas achevée à caulé
des guerres du Péloponnefe qui interrompirent cet ouvrage ; car durant ces guerres les Athéniens foit par mer, foit par terre, caufoient tous les ans des maux infinis aux habitansde Mégare, de forte que bien-tôt l’Etat & les particuliers furent réduits à la dernicre milère. Le vilâge de Jupiter eft d’or & d’y voire, mais le corps n’eft que de plâtre & de terre cuite;
[ i] Lt mont Gtumn. du mot grec qui lignifie une grttè. ( x ] SnMgfün. Pline qui parle de ce lùtuaire ne nous apprend point d'où il étoit, ni en quel temps il vi-
L
voit J fon chef-d'œuvre étoit une Amazone, que l’on appellent par excellence, r Eutbnrnun, comme quidltoit* h femme tnx bellei nu/rr. Q^iij
116 P A U S A N I A S, L I V R r I. ils difent que c’eft [ i jThcocofme un de leurs citoyens qui 3 fait cette ftatué en l’état où elle eft, & que Phidias y a mis aufli la main. Sur la tête du dieu font les heures &. les Parques, pour lignifier ce que tout le monde fçait, que les deftinces [1] obeillèift à Jupiter, fe que les faifons & les temps dépendent de là volonté fuprême. Derrière le temple il y a plufieurs pièces de bois oui ne font qu’à demi travaillées, & que Théocofme devoir dorer & enrichir d’yvoire pour achever la ftatuc du dieu. Là ils gardent aufli un éperon de galère qui eft d’airain ; fi on les en croit, c’eft d’une galere qu’ils prirent fur les Athéniens dans un combat naval qui fut donné au fujet de Salaminc que les uns Scies autres fe difputoient. Les Athéniens ne nient pas que Salaminc ne les ait abandonnez pour fe donner aux Mégaréens, mais ils prétendent que Solon ayant fait des vers élégiaques qui marquoient que Salamine leur appartenoit, ils la revendiquèrent d’abord comme leur bien, & que fur le déni de jufticc ils s’en mirent en poflèfllon par la voye des armes. Les Mégaréens de leur côté content le fait autrement, & difent que des bannis nommez les Doryclées s’etoient allé joindre à [ 3 ] une colonie nouvellement tranfplantée à Salaminc, & que de concert avec ces étrangers, ils avoient livré la ville aux Athéniens. Du bois làcré de Jupiter vous montez à une citadelle que l’on nomme encore aujourd’hui la Carie du nom de Car fils de Phoronée. Sur le chemin vous voyez un temple de Bachus[4] Nyélélius, un autre de Venus [ t] Epiftrophia, une chapelle dédiée à la nuit où l’on dit qu’elle rend fes oracles, un temple fans cou-
[ 1 ] Tbeocofmt. Il eft parlé de ce fta- meme qui fçavent le grec, fe contentuaire dans quelques endroits de Pau- tent de lire la verfion latine qui pourrait les induire en erreur, s'ils la rcûnias, mais Pline n’en dit tien. gardoient comme éxaâc. [1] ^nr le: de/lméei obéiflent 4 Ju[4] De Becbut Nj3éUui>c'dt-i-dite, piter. La Théologie payenne du temps de Paufanias n croit pas la meme que de Kecbui le nottume, ou qui aime à du temps d'Homère; car dans Homère veiller, du mot grec ••'i, *•»•», u on voit qne Jupiter eft toujours aflujetti au deftin. [f] De l'enut Efiflropbij, ou Ape[)] A une colonie nouvellement trenf ftropbte, c’eft-à-dire, de lu finm fai plentée, &e. Amaïce s'eft trompé en détourne lei homme: de cci omeuri ««acet endroit, comme en une infinité Jincufei yai font centre In netnre > du inietlpn, nveiu, cond'autres; je fuis obligé d'en avenir quel- grec quefois , pareeque plufieurs de ceux verti-
Vo y a g e d e l 'A t t r q jj f .. t x? vérturc dédie à Jupiter [i ) le poudreux j enfin deux ftatuës, l’une d’Efculape, l’autre d’Hygéia, toutes deux faites [1] par Briaxis. Près de là eft un temple de Cercs qu’ils nomment le Mi^aron ; fuivant la tradition du pays c’eft Car fils de Phoxonce qui l'a bâti durant fon régne. _____ En delcendant de la citadelle du côté qui regarde le Sep- Cha p . tentrion, auprès du temple de Jupiter Olympien on rencon- XLÏ. tre le tombeau d’Alcmcnc ; car on dit qu'étant partie d'Argos pour aller à Thebes elle mounit en chemin près de Mégarc; 3u’après là mort il y eut un grand débat entre les enfans 'Hercule, les uns voulant qu’elle fut inhumée à Mcgare, les autres qu’elle fût portée à Thebes} ceux-ci alléguoient que tous les enfans qu’Hercule avoit eus de Mégara , & meme ceux d’Amphytrion avoient leur lépulturc à Thebes. Les uns & les autres ayant confulté l’oracle d'Apollon , ils eurent pour réponfe qu’ils feroient mieux d'enterrer Alcmene à Mcgare. Un fçavant du pays me mena enfuire dans un endroit qu'ils nomment le terrent, à caufc, me dit-il, que ce lieu étoit autrefois inondé par un torrent qui tomboit des montagnes voifincs ; il m’ajouta que le tyran Théagene fit prendre un autre chemin à ce torrent, & qu’il confacra un autel au fleuve Achcloiis dans le lieu même d’où il avoir détourné les eaux. Près de là eft le tombeau d’Hyllus fils d’Hercule qui fe battit contre Echémus Arcadien fils d’Acropus, ie dirai dans une autre partie de cet ouvrage de quelle famille étoit cet Echémus qui tuaHyllus; mais on peut toujours regarder cet événement comme une fuite de la première expédition des Héraclides contrôle Péloponnelcf j] fous le régne d’Oreftc. Un peu au de-là eft le temple d’Ifis, & tout auprès un temple f i ] A Jupiter le ptuilrrux. Ce Jupiter étoit dit le poudreux, apparemment pareeque fon temple n’ayant plus de toit, la ftatuë du dieu devoir être tort poudreufe. [a] Per Priexii. Ce ftatuaire fut un des quatre qui travaillèrent au fuperbe tombeau de Maufole, & il n’étoit pas inferieur aux autres; il vtvoir donc en la loi' Olympiade avec Scopas, Timothée & Léocharès. [,] Seru le régne iCOreflr. Paufanias le trompe ici en mettant fous le régne
d’Oreftc la première expédition des Heraclides contre le Pcloponnefc. Méziriac dans un endroitde fes commentaires que fai déjà cité prouve par l'ait torité de Diodore de Sicile & de pluficurs autres graves hiftoriens, que la première expédition d’Hyllus je des Héraclides fe fit fous le régne d'Atrée long-temps avant la naiflance d’Oreftc. Auflï Paufanias retraéfera-t-il dans fes Arcadiques ce qu’il vient d’avancer ici, comme on le verra en fôn lieu.
ix8 Pa v sa n ia s , Livr e T. d'Apollon 8c de Diane 5 les Mcgarécns difent que cc dernier fut confacré par Alcathoüs après qu’il eut tué cc lion du moht Cythéron qui faifoit tant de ravage dans le pays, 8c qui déchira entre autres le jeune Evippus fils du roi Mcgaréüs -, car ils afliirent que ce roi avoit deux fils, dont l'aîné qui fe nom.
moit Timalque étant ailé au fiégefi] d’Aphidna avec Caftor & Pollux avoit été tué par Théfée; de forte que Mégaréüs ayant perdu fes fils promit fon royaume Bc fa fille à quiconque délivreroit le pays du terrible animal dont j’ai parlé. Aulfitôt Alcathoüs fils de Pélops fe préfenta, combattit le lion, le tua, devint poflèflèur de la princeflê 8c du royaume, 8c en action de grâces bâtit un temple [ 1 ] à Diane Agrotcra 8c â Apollon Agrœüs ; c’eft ainfi qu’ils racontent cette hiftoire. Pour moi , quoique je n’aime pas à m’éloigner de la tradition de ces peuples , je ne puis concilier tous ces faits ; je crois fans peine qu*Alcathoüs tua le lion du mont Cithéron ; mais quel hiftorien [ 3 ] a jamais dit que Timalque fils de Mégaréüs fut venu au fiége d’Aphidna avec Caftor 8c Pollux ? Quand il y feroit venu, comment auroit-il pû être tué par Théfce ? car le poëte [4] Alcman dit expreflement dans fon ode fur les Diofcures, qu’après la prife d’Aphidna ils emmenèrent la mere de Thélce captive, mais que pour Théfée il étoit abfenr. Pindare s’accorde avec Alcman lorfqu’il nous dit que Théfée prit [5] alliance avec les Diofcures, immédiatement avant que d’aller dans la Thefprotie avec Pirithoüs, pour lui procurer le mariage auquel il afpiroit. Quiconque [6]a étudié les anciennes généalogies voit clairement combien les Mégaréens fe trompent, puifque Théfée
[1] Aujîége d'Aphidna. Lctcxtedit, ou Jiége dtAthènes, c’eft une faute de copiftc ; liiez A$iJ>« au lieu d’Af«nu. [ 1] A Diane Agrafera, & à Apollon Agraiis, ces futnoms lignifient U Cbaffirejfe Sc le Chaleur. [î] Quel hiftorien a jamais dit, &C. Timalque fils de Mégaréüs étoit concempotain d’Alcathoüs & plus ancien que les Diofcures de deux générations. Jamais hiftorien n’a donc dû les foire de même temps. [ 4 ] Le porte Alcman. C’étoit un poëte lytique qui vivoit cent ans avant
Icgrand Cyrus vcrsla 14* Olympiade, Son langage étoit Doricnauflî bien que fon nom ; nous n’avons de lui que quelques petits fragmens que les Anciens ont citez. [j] frit alliance avec les Ditfcarer. En c;x>ufant Hélène leur fœur, dont il eut Iphigénie fuivant quelques autcurs. a étudié tes antiennn généalogies, &c. Amafée n’a pas pris ici le fens de l’auteur, & Kuhnius qui a voulu le corriger s’eft trompé luimeme. étoit
Vo y a g e d e l ’At t iq jje . T19 un des defeendans de Pélops, [ 1 ] non fon fils, ni fon petit-fils. Mais ces peuples n’ignorent pas tant la vérité, qu’ils tachent de l’obfcurcir ; car ils ne veulent pas convenir que leur ville fut prife fous le régne de Nifus, &c pour couvrir cec événement ils fè font une fuite de rois comme il leur plaît, en fuppolànt que Mégarcüs fut gendre de Nifus, & Alcathoüs gendre de Mégarcüs. En effet il eft certain qu’Alcathoüs ne vint d’Elide qu;après la mort de Nifus &, après la prifède Mégare. Cf qui le prouve incontcftablcmcnt, c’eft qu’il fit rebâtir les murs de la ville dont les Crétois avoient démoli l’ancienne enceinte ; mais c’eft allez parler d’Alcathoüs, & du lion qu’il tua, foit celui de Cithéron, foit un autre, & du temple qu’il dédia à Apollon &à Diane. Ce temple eft fur une hauteur; quand vous defeendez vous trouvez devant vous le monument héroïque de Pandion; j’ai déjà dit que Pandion avoit la fépulture dans un lieu proche d’Athènes, appellé vulgairement le rocher de Minerve aux plongeons, mais cela n’emJlèche pas qu’il ne foit aufli honoré à Mégare. Près de là eft e tombeau d’Hippolyte, & voici ce que les Mégaréens racontent de cette illuftre perfonne. Ils difent que les Amazones ayant fait la guerre aux Athéniens pour ravoir Antiope, elles furent vaincues par Théfée ; que plufieurs d’elles périrent dans le combat; que pour Hippolyte quiétoitfœurd’Antiope#qui commandoit l’armée, elle fe fâuva à Mégare avec quelques Amazones ; que là cette reine infortunée voyant le mauvais état de fes affaires, & defefpérant de retourner à Themifcyre là patrie, mourut d’ennui Sc fut inhumée dans le lieu où ils montrent fon tombeau, qui en effet a la figure [z] d’un bouclier d’Amazone. Auprès eft celui deTerée qui avoit époufé Progné fille de Pandion. Terée, fi l’on en croit ces peuples, régna vers ces l'ources que l’on appelle Mégarides ; mais félon [t] Non fim filf, ni fon petit-fili. Théfée ctoit arrière petit-filsde Pélops. Le terme dont Paufanias fc fert cil •’»•'que les interprètes n’ont point entendu. L’auteur veut dire que Théfce n’étant qu’arriére petit-fils de Pélops, il n’avoit pu être dcmcmctcmpsqu’Alcathoüs fils de Pélops, ou que Timalque fils de Mégarcüs & contemporain d’Alcathoüs. Tomt I.
L
[1] La figure <Tun bouclier <fAm,izone. Cette cipéce de bouclier étoit ce que l’on appclloit geltu. Les boucliers des Amazones plus petits & plus légers que les autres, avoient la forme d’une fouille de chêne félon Xcnophon, & d’une demi lune félon Isidore de Séville. Pouertu dont fon Jr~ cbcologte. K.
rjo Pa u sa n ia s , Liv r e I. moi, & à en juger par quelques rcftcs de monumcns qui fubfi. ftenr encore, il régna plutôt à [ 11 Daulis au-dcflùs de Chéronce ; car alors les barbares tenoient pluficurs cantons de la Grèce, & Tcréc s’etant rendu odieux par la violence qu'il avoit faite ;i Philomele, & par le meurtre d’Ithvs dont il fut caufe, il ne put jamais réduire ces barbares. Quelque temps après tournant fes mains contre lui-même, il fe donna la mort à Mcgarc -, les habitans lui élevèrent un tombeau fur lequel ils font encore des facrifices tous les ans, & au lieu d’orgejls prefentent de petits cailloux ; c’eft en ce lieu, dilcnt-ils, qu’a paru pour la première fois cet oilêauque l’on appelle une huppe. Quant à ces malheureufes femmes, Progné Je Philomele, elles fe retirèrent à Athènes où fans celle occupées de leurs malheurs elles fe confuinérent d’ennui & de trifteflè ; & ce qui donna lieu de dire que l’une avoit été changée en hirondelle, l’autre en roffignol, c’cft que le chant de ces oifeaux a en effet ___ je ne fijai quoi de trifte & de plaintif.
Ch
a p. Il y a encore à Mégare une autre citadelle qui ale nom XLIL d’Alcathoiis. Quand vous y montez , vous trouvez à votre droite le tombeau de Mégareüs qui durant la guerre des Cretois vint [a] d’Onchefte pour fccourir Nifus. On vous montrera le foyer fàcré de ces dieux appeliez [3] Prodomces, à 3ui l’on dit que Mégareüs facrifia avant que de jetter les foncmens des nouvelles murailles dont il entoura la ville. Près de ce lieu cft une groflë pierre où l’on afliire qu’Apollon fe débaraffa de fa lyre , lorfqu’il voulut mettre la main à l’œuvre avec Alcathoiis, &lui aider à bâtir ces murailles. Du refte un fait confiant,c’eft qu’autrefois lesMégarcens faifoient partie des peuples de l’Attique ; la preuve en eft qu’Alcathoiis envoya fa fille Péribéc avec Thcfee, comme une portion du tribut que les Athéniens dévoient paver tous les ans aux Cretois. Les Mégarécns difent donc qu’Alcathoüs fut aidé par Apollon même dans la conftru&ion de leurs murailles; ils en prennent à témoin la pierre dont j’ai parle , Je qui en effet fi vous la touchez avec un petit caillou, rend un Ion tout fem-
( 1 ] A D-tnlu. C’étoit une ville de la Pnocide; l’auteur en parlera plus particulièrement dans fon dixiéme Livre. [1] D'OncbeJte. C’étoit une ville de ü Bcotic.
[ t] De ces dinx epfellet. Predeméei. C’cft-à-dire, de ces dieux que l’on invoquoit avant que de jettet les fondemens d’un édifice.
VOTACE DE L’ATTIQUE. IJ! blablc à celui que rendent les cordes d’un infiniment quand on les pince ; j’en ai etc furpris moi-meme. Mais j’ai encore plus admire le Coloil’e qui le voit àThcbcs en Egypte au de-là du Nil&près d’un lieu nomme Syringes; c’cft une ftatuë énorme qui rçprcfcnte un homme couche , plufieurs l’appellent [ i ] le monument de Memnon 5 car on dit que Mcmnon vint d’Ethiopie en Egypte, & qu’il pénétra meme jufqu'à Sufe j les Thebains veulent que ce foit la ftatuc de Phaménophès originaire du pays, & j’ai ouï dire à d’autres que [i] c’étoit celle de Séfollris. Quoiqu’il en foit,Cambyfe fit briiér cette ftatuc, & aujourd’hui toute la partie fuperieure depuis la tète jufqu'au milieu du corps eft par terre j le relie fublifte comme il étoit, & tous les jours au lever du Soleil [ 3 ] il en fort un fon tel que celui des cordes d’un infiniment de mulîque, lorfqu’ellcs viennent à fe cafter. Les Mégarécns ont un Sénat,près duquel fi l’on s’en rapporte à eux, étoit autrefois le tombeau de ccTimalque donc j’ai parlé, & qu’ils croyent fauftement avoir été tué par Théfce. Au haut de la citadelle il y a un temple de Minerve , &
dans ce temple une ftatuë de la déclic qui eft toute dorée à la réferve du vifage,dcs mains, & des pieds qui font d’yvoire. Là le voit encore un temple de la même déeuè fous le nom de Minerve Victoire, & une ftatuë fous le nom de la Minerve d’Ajax ; les gens du lieu n’ont f«;u me dire d’où vient cette dénomination : voici ce que pour moi j’en conjecture. Tclamon fils d’Eacus é pou fa Pcribée fille d’Alcathoüs, il en eut Ajax qui fucccda à Alcathoüs, & qui en prenant pofteflîon du royaume dédia félon toutes les apparences cecte ftatuë à Minerve. Près de là il y avoit autrefois un vieux temple d’Apollon, bâti de briques ; comme il tomboit de vétullé l’empereur Hadrien l’a fait rebâtir de marbre blanc 3 on y voit
[1] Le monument de Afemnon. Le texte eft altéré en cet endroit i au lieu dc H*«<« , il fuit lire apparcmment comme dans Strabon, «•#•••<••, le monument de Afemnon. [1] Sefofint , roi d'Egypte & un grand conquérant, dont on peut voir Fhiftoire dans Hérodote. (5] Il en fort un fon, &c. Strabon
Liv. 1-, rapporte ce fait de même que Pauûnias; il en avoit été témoin comme lui, mais il n'étoit pas tout-à-fiut fi crédule; car il dit que le fon qu'il entendit & que la ftatuc fombloit rendre, pouvoit fort bien venir de quelqu’un des afliftans ; il aime mieux en attribuer la caufo à la fiiperchctie des gens du pays qu'à la ftatuë. Rij
iji Pa u sa n ia s , Livir. ï. deux ftatuës, l'une d’Apollon [i] Pythius, l'autre d'Apollon [i] Décatéphore,toutes deux lémblablcs à ces ftatuës Egyptiennes qui font en bois ; pour l’Apollon dit ( j] Archigétcs,il eft tout d’cbeneSc dans le goût des ouvrages[4] de l’ccole d’Eginc. UnCypricn verfe dans la connoiflâncedes plantes m’aflii* ra que l’ebene [5] ne portoit ni feuilles ni fruit j que fa tige vcnoit i l’ombre, qu'elle poullbit des racines allez avant dans la terre, que les Ethiopiens arrachoient ces racines pour en faire ufàge , & qu'ils avoient des gens qui fijavoient les trouver. Après le temple d’Apollon eft celui de [6] Cercs Thefmophore. En descendant vous voyez le tombeau de Callipolis fils d'Alcathoiis , il avoit un aîné qui fe nommoit Echépolis,& que fon perc envoya en Etolie pour combattre avec Mclcagre contre le lânglier tic Calydon. Le jeune prince ayant été tué par ce terrible animal, fon frere Callipolis qui en fçut le pre-
mier la nouvelle courut aufli-tôt à la citadelle pour l'annoncer à fon pere 5 il le trouva qu'il alloit làcrifier à Apollon , & en voulant approcher de l'autel il renverfa le bois que l’on avoit préparé pour le facrifice ; Alcathoüs qui ne fçavoit pas encore la mort de fon fils aîné, & qui regardoit l’aétion du cadet comme une impiété, tranlporté de colère lui jetta une bûche à la tête & l'aflomma ; voilà comment ce malheureux pere perdit lès deux fils tout-à-la-fois. Dans la rue qui mene au Prytanée je vis le tombeau d’Ino 5 une baluftrade de pierres & une grande quantité d’oliviers le dérobent preïque à la vûë. Les Mégaréens ont au fujet d’Ino une tradition qui leur eft particulière-, car ils difent que fon corps ayant été jettè fur leurs côtes, Cléfo & Tauropolis toutes deux filles de Clefon fils de Lélex lui donnèrent lépulture, & ils fe vantent d’avoir
[ 1 ] L'une <f /Ipoilon Pjtbiui. Apollon croit fumomme Pjtbiui, pareeque la ville de Delphes où il rendoit fes oracles & où il avoit un temple célèbre s’étoit appelléc Pjtbo. [1] D'ytpoBon Décetépbore. C’eftà-dire, une ftatuc d’Apollon faite de la dixiéme partie de quelques dépouilles remportées fur les ennemis. (;] Arcbigttèt, comme qui diroit, Teurauteur, leur coiidulteur. [4] De retoie d' Egine. Cotte école
étoit très-ancienne & très-célébré; Paufanias lui-meme la fera connoitre dans la fuite. [ j] Spe réfréné ne portoir ni feuillet nifmt. Le bot^ufte de Paufanias étoit fort ignorant ; nous connoiflons mieux l’ébcnc aujourd’hui, & nous Içavons que c’eft un grand arbre des Indes, qui porte & des fouilles & du fruit. [tf] De Cerèi Thrfmofbore, c'cft-à* dire, légijlutnee.
Vo» »c i »l i'4t <mvl 11 ) «donné les premiers à cette Ino le nom de Lcucothoé ; c’eft dans cette perfuafion qu’ils lui font tous les ans des Sacri-
fices. Ils prétendent avoir auflî chez eux le tombeau d’Iphigé- Cha >. nie, qu’ils aflurent être morte à Mégare. Pour moi j’en ai ouï XL111. parler aux Arcadiens d’une manière bien differente » je n’ignore pas non plus qu'Héfiode dans fon catalogue des femmes illustres dit qu’Iphigcnie ne fut point facrifice, mais que par la protection de Diane [ i ] elle devint Hécate à quoi fe rapporte allez ce qu’en a écrit Hérodote, que les peuples de la Taurique en Scythie immolent à une vierge les etrangers qui ont fait naufrage dans leur mer, Se qu’ils appellent cette vierge Iphigénie fille d’Agamemhon. Adrafte a aufli fon tombeau à Mégare ; on dit qu’en revenant chez lui après l’expédition de Thebes il finit fes jours dans cette ville où il mourut de vieilleflè Se du déplaifir de la mort de fon fils Egialée. Ces peuples ont encore un temple de Diane, bâti, comme ils croycnt,par Agamemnon, lorfqu’il vint à Mégare pour voir Calchas, & pour l’engager à le fuivre au Siège dcTroye ; ils aflurent que Ménippc fils de Mégareüs, ScEchcpolis fils d'Alcathoüs font inhumez dans leur Prytanée. Près delà ils montrent une pierre où, fi on les en croit, mais qui pourroit les en croire , Cercs après avoir long-temps cherché fa fille fe repofâ , Sc à force de l’appeller, la retrouva $ c’eft pourquoi ils nomment cette {lierre Anaditra ; les femmes du pays pratiquent encore tous es ans autour de cette pierre je ne fijai quelles cérémonies qui ont rapport à cette tradition. Vous voyez dans la ville plufieurs tombeaux , & entre autres un qu’ils ont élevé en l’honneur de ceux qui périrent en combattant contre les Perfes : mais le monument d’Efymnus eft fur-tout remarquable , & voici ce qu’ils racontent de ce héros. Hypérion fils d’Agamemnon & dernier roi de Mégare fut tué par Sandion à caulê de fon arrogance & de fon avarice. Après (a mort les Mégaréens n’etant pas d’humeur à le foumertre davantage à l'autorité d’un leul homme, réfolurent de créer tous les ans des magiftrats en qui réfideroit le pou-
[ i ] Elle devint Hétâté. Antonius lâbcralis fable 17,dit qu'Iphigcnie fût changée en une efpéce de Génie immottcl, & qu'elle epouû Achille dans
l'ile Leucc. Quand Paufanias dit qulphigcnic devint Hécate, il veut dire qu'on lui rendit les mêmes honneurs qu'à Diane, que l'on nomnioit Hécate. R iij
'14 fiVIAMU!, llTU 1. voir fouverain j cc fut en ce temps-là qu’Efymnus le plus con. fidcrablc de tous les concitoyens alla à Delphes, pour fçavoir de l’oracle par quel moyen là patrie pourrait profpérer. Le dieu répondit entre autres choies que les Mégaréens feroient heureux tant qu’ils feroient gouvernez par plufieurs. Eux, croyant que cet oracle regardoit autant les morts que les vivans, firent conftruire un Sénat qui renfermoit la fépulture de leurs héros. Le tombeau d’Alcathoüs que l’on trouve après celui d’Efymnus étoit auflï le lieu où les Mégaréens tenoient leurs archives dans le temps que j’étois à Mégare. Enfuite c’eft le monument de Pyrgo qui fut la première femme d’Alcathoüs avant qu’il eut époufé Eveenmé fille de Mcgareüs ; on voit auflï celui de fa fille Iphinot qui mourut vierge; c’eftpourquoi les filles du pays avant que de fe marier honorent Ion tombeau par des libations, & lui confacrent leur première chevelure,comme les filles de Délos confacroient autrefois la leur [ i ] à Hécaergé & à Opis. Avant que d’entrer dans le temple de Bachus, on rencontre le tombeau d’Aftycratéc & de Manto filles de Polydus , lequel étoit fils de Cœranus, petit-fils d’Abas, & arriéré petitfils de Mélampus. On die que Polydus vint à Mégare pour purifier Alcathoüs du meurtre de fon fils Callipolis, & que ce fut lui qui après avoir bâti le temple de Bachus confacra à ce dieu une ftatuë qui fubfifte encore, mais dont je n’ai pu voir que le vifage, parecqu’on tient le refte caché ; elle eft accom- ' pagnéc d’un fatyrc de marbre de Paras qui eft un ouvrage de
Praxitèle 5 l’un Sc l’autre font honorez fous le nom deBachus, avec cette différence, que l’uneft furnommé Patroüs, l’autre Dafyllus, 8c l’on prétend que c’eft Euchénor fils de Cœranus 8c petit-fils de Polydus qui a fait la confecration de cette derniere ftatuë. Après le temple de Bachus eft celui de [1] Venus Praxis ; fa ftatuë eft d’yvoire, 8c c’eft le plus ancien monument que j’aye vu dans ce temple. On y voit auflï la déclic Pitho ou de la perfuafion, 8c la deeflè Parégore ou de [ 11 >4 Htcuergi & i Ofis. Pour «w» à Diane, dit aulTî qu’Opis & Hccaerqui lelit dans le texte, liiez «W, i cc gé font des épithètes d’Apollon & de font des noms fymboliques du folcil Diane. & de h lune, félon Clément d'Alexan( a ] De l'enus Praxis. Cc fumons drie au Livte 5 de fes Sttomatcs. Le qui vient du grec «fama.pcm, n> fcoliallc de Callimaquc fur une hymne pas befoin d’explication.
VOYACE DE l ’At TIQJJE. IJJ la confolation, qtfi font des ouvrages de Praxitèle. L’Amour, le Delir, & la Pafiîon ont aufii là leurs ftatucs faites par [i] Scopas 5 cet excellent ouvrier les a repréfentez aufii divcrlémcnt que leurs proprietez & leurs noms font différens. Enfuite vous trouvez le temple de la Fortune; la ftatuë de la deeflè eft encore de Praxitèle. Plus loin, c’eft un ancien temple où l’on voit les Mules & un Jupiter en bronze ; ces ftatuës font de [ i] L y lippe. Le tombeau de [j] Corœbus eft une des curiofitez de Mégare ; je rapporterai ici ce que les poëtes ont dit de ce héros, quoiqu’il ne foit pas moins célébré parmi les Argiens. Sous le régne de Crotopus roi d’Argos,Pfâmathé fa fille accoucha d’un fils qu’elle avoit eu d’Apollon ; & pour cacher fa faute à fon pere qu’elle craignoit, elle expofa cet enfant. Le malheur voulut que les chiens des troupeaux du roi ayant trouvé cet enfant le dévoraflênr. Apollon irrité fufeita contre les Argiens le monftre [4] Pœné, monftre vengeur qui arrachoit les enfans du fein de leurs meres & les dévoroit. On dit que Corœbus touché du malheur des Argiens tua ce monftre ; mais la colère du dieu n’ayant fait qu’augmenter, & une pefte cruelle dcfolant la ville d’Argos, Corœbus fe tranfporta à Delphes pour expier le crime qu’il avoit commis en tuant le monftre. La Pythie lui défendit de retourner à Argos, & lui dit de prendre dans le temple un trépied, Sc qu’à l’endroit où ce trépied lui cchapperoit des mains il eût à bâtir un temple à Apollon, & à y fixer lui-même fa demeure. Corœbus s’étant mis en chemin , quand il fut au mont Géranien, il fèntit tomber fon trépied, & là il bâtit un temple à Apollon avec un village qui de cette particularité fe nomme le Tripodifque. Son tombeau eft dans la place publique de Mégare ; une inscription en vers élégiaques contient l’avanture de Pfamathé 8c celle de Corœbus : pour lui, il eft repréfenté tuant le déjà parlé de ce fameux ftatuaire, &du temps où il vivoit. [ 5 ] Le tombeau de Corabur, c*c.Il ne faut pas confondre cc Corœbus d’Argos avec un autre Corœbus Eléen, dont la victoire aux jeux Olympiques a fervi d’époque à la première Olympiade. [4] Le mon/lre Pane'. Selon Iîéljrf î] Ce>ftniueifontdeLyfîppe. Il a été chrus Pœné étoit une des furies.
[ 1 ] Par Scopai. Horace voulant vanter ce que l’Antiquité avoit de plus teau en fait de fculpture Sc de peinture, dit: --------- Divin mt frilitet urtitan. uni Pirrhafim frttuiit. aul Stffi. C’eft dans l’Odc 8' du 4 Livre.
ïj 6 Pa u san ia s , Liv r e I. monftre ; & de toutes les ftatuës de pierre que j'ai vûës en Grèce, je crois que celles de ce tombeau font les plus in-
cicnnes. C» a ?. Auprès du monument de Corœbus eft celui de cet [i J, XLlv'. Orfippus, qui pour combattre aux jeux Olympiques s’étant prefente avec une ceinture fuivant l’ancien ufage des athlètes, parut enfuite tout nud dans la carrière, & ne laiflà pas d’etre couronné. On dit qu’il ne fit pas moins bien le devoir de Général d’armée, & qu’il étendit les frontières des Mégaréens. Je crois pour moi qu’il laiflà tomber fa ceinture exprès , pareequ’il avoit éprouvé que l’on court bien mieux quand on n’a rien qui embaraflè. En fortant de la place, Il vous defeendez dans une rue qui va tout droit, & que vous, preniez enfuite fur la droite, vous trouverez le temple d’Apollon [2] dit Proftatcrius ; là vous verrez un Apollon, une Diane, une Latone, & d’autres ftatuës qui font toutes forts belles & de la façon de Praxitèle; Latone eft repréfèntée avec fes enfans. Vers la porte Nymphade il y a un lieu d’exercice fort ancien, au milieu une pyramide de hauteur médiocre qu’il leur a plu de nommer [3] Apollon Carnéüs. On voit enfuite un temple de Lucine} voilà à peu près toutes les curiofitez de la ville de Mégare. Du côté du havre qu’ils appellent encore à prefent le Nifèe, il y a un temple de Cerès [4] Mélophore, furnom dont on apporte plufieurs raifons, & que l’on croit avoir été donné à la déeflê par ceux qui lest premiers ont eu des troupeaux de moutons dans le pays -, ce temple eft fi vieux qu’il tombe en ruines & n’a plus dé toit.
•
[1] De cet Orjîppus, &c. Quelquesuns rapportent cet événement à la 14e Olympiade,&d’autrcsàla 51e.Onn’cft pas plus d’acord fur le fait ; carun feoliaftc d’Homérc & l’auteur du grand étymologique, difent qu’Orfippus fut vaincu pour avoir laiiré.tombcrfoccinturc, cfpéce de tablier qui couvrait la nudité des athlètes. Mais je crois le témoignage de Paufanias d’une plus grande autorité, d’autant plus qu’il cft confirmé par une épitaphe en vers que rapporte le feoliafte de Thucydide, & OÙ le foit cft conté de même que dans Paufouias. Au tefte la corrcéhon de
Paulmier qui lit ici mrfwpûw pour ne me paroît pas néceG foire. [1] D'Jpollon dit Pro/}4terius >c'c(ï. 1-dite, prêt 4 feceurir. [3] Apollon Cemeiis. Le texte dit Oriiuu, maiscc furnom cft inconnu, au lieu que celui de C4meus & Carneïus étoient fon en ufage chez les Do< riens qui honoraient Apollon fous ce titre. Cannas cft donc une foute de copiftc. [4] De Cnit Afelepbtre. Ceft-àdire, de Cerès qui dntne des treupeaux-, rf*", »v m , pecus, une heiss. Du
Vo y a g e de l ’At t iq jje . 137 Du même côte s’élève une autre citadelle qui s’appelle aufli le Nifée ; en descendant vous trouvez le tombeau de Lclex prcfque fur le bord de la mer. Les Mégaréens font perfuadez que ce Lclex ctoit venu d’Egypte & qu’il régna à Mégare ; iis le font fils de Neptune & de Libye fille d’Epaphus. Cette citadelle touche prelque à une petite île où l’on dit que Minos débarqua fes troupes quand il vint faire la guerre à Nifus. Le territoire de Mégare du côté des montagnes confine à la Béotie ; de ce côté-là on trouve deux villes dont l’une eft Peges, & l’autre [ i ] Egofthene. En allant à Peges fi l’on fe détourne un peu du grand chemin, on verra une grorte roche qui eft toute criblée de flèches 5 on allure que c’eft depuis la terreur panique des Perles, qui croyant être pourfuivis par les Mégaréens, tirèrent une infinité de flèches durant la nuit. A Peges il y a une fort belle ftatuc de Diane Prote&rice ; elle eft de bronze & ne diffère en rien de celle qui eft à Mé-' gare, foit pour la grandeur, foit pour la forme. Vous y verrez auffi le tombeau d’Egialée fils d’Adraftc; la tradition du pays eft que les Argiens étant venus pour la féconde fois devant Thebes, il y eut un grand combat entre les deux armées • qu’Egialée fut tué dès le commencement [ z ] auprès de G1 illas , & que fes proches portèrent fon corps à Peges où il fut inhumé 5 ce qui eft de certain c’eft qu’ils n’appellent point autrement ce tombeau, que Egalée. Egofthene eft célèbre par le temple de Mélampus fils d’Amythaon. Dans ce temple on voit lur une colonne une ftatuc Jui reprélènte un homme de taille médiocre. Les habitans u lieu font des facrifices à Mélampus, & célèbrent fa fête tous les ans ; du refte ils ne lui attribuent point la vertu de prédire l’avenir,ni par le moyen des fonges.ni d’aucune autre maniéré. En partant par Erénée qui eft un bourg de la dépendance de Mégare, j’appris qu’Autonoé fille de Cadmus,[5] inconfolable de la mort d’Atftéon, & des malheurs qui accablé[1] Egofthene. Le texte porte Egi[5] Inconfolnble de In mort d'/lttéon. fthene, mais Suivant Ptoloméc, Pline, Autonoé étoit fœur d’Aeavé & mere fc Etienne de Byfancc c’eft Egofthene d’Aftéon, que Diane métamorphoô en cerf, pour punir la témérité qu’if avoit qu’il faut lire. [ 1]\Auprh de Gli/fa. C’ctoit un bourg eue de la voir dans le bain, comme ou village fitué fut le mont Hypatus Ovide le raconte dans fes Métamorprès de Thebes; Etienne de Bylance le pholcs. Liv. 5. qualifie de ville & fc trompe. s Tome I.
ijS Pa u sa n ia s , Liv r ï !. rent fa propre famille, fe retira de Thcbcs en ce lieu-là, Sc qu’elle y mourut d'aftlidion ; du moins y montre-t-on fa fcpul. turc. Sur le chemin qui va de Mcgarc à Corinthe je vis plufieurs tombeaux, & entre autres celui dcTclcphanedeSamos qui ctoit un excellent joueur de flûte ; on dit que ce tombeau fut élevé par les foins de Cléopâtre fille de ce Philippe qui eut Amyntas pour pcrc. On me fit aufli remarquer la îcpulture de Car fils de Phoronée ; ce n'étoit d’abord qu’un petit tertre,.mais dans la fuite par le confeil de l’oracle on l’a orné d’un fuperbe monument, fait de ces belles pierres qui font communes dans ce canton, & que l’on ne trouve point dans le refte de la Grèce ; aufli la plupart des édifices de la ville de Mcgarc en font-ils bâtis. Cette pierre a cela de fingulier qu’elle eft d’une blancheur admirable, qu’elle fe taille plus aifément qu’aucune autre, & qu’en dedans elle eft toute pleine de coquilles de poiflons de mer, d’où elle a pris le nom [ i ] de pierre Echinite. Le chemin de Sciron eft ainfi appelle, pareeque Sciron, dans le temps qu’il commandoit les troupes de Mégare, le fit applanir pour la commodité des gens de pied ; enfuite par les ordres de l’empereur Hadrien il a été élargi, de forte qu’à préfent il y peut pafler deux chariots de front. A l’endroit où il forme une efpece de gorge ou de défilé , il eft bordé de groflès roches, dont l’une qu’ils nomment Moluris eft fur-tout fameufe ; car on dit que ce fut fur cette roche qu'Ino monta pour fe précipiter dans la mer avec Mélicerte le plus jeune de fes fils, après que le pere eut tué Léarque qui étoit l’aîné. Quelques-uns croyent [z] en effet qu’Athamas devenu furieux tourna fa fureur contre la femme [i] Dt pierre Echinite. Il n’eft pas étonnant qu’il y eut de ces pierres échinites à Mcgarc qui croit près de la mer -, mais il s’en trouve en des lieux qui font fort avant dans les terres, & j’en ai vû au château de Brcuillepont à deux lieues ricPacy fur la rivière d'Eure, & à plus de if lieues de la mer. Il faut que les coquilles dont ces pierres font formées ayent été portées là durant le déluge univerfel, ou qu’il y ait eu des déluges particuliers dont on n'a pas connoiffânee, ou qu’enfin la mer ait couvert de certains paysdout elle eft aujourd'hui fon loin.
[z] guelt/nes-ntu freteut qu'Athtwus, &c. Athamas roi des Orchoméniens peuples de la Biotie, avoit eu de Néphclé fa première femme deux cnfons, Phrixus 8c Hellé. Enfuite il epoufa Ino.dont il eut deux fils, Lcarque 8c Méliccrtc. Ino pcrlccuta impitoyablement les enfans du premier lit, jufqu a fulcitcr une famine aux Orchomcnicns, 8c à foire accroire à fon mari que l'oracle de Delphes demandoit le fang de Phrixus. Athamas fut fur le point de factifier fon fils; mais bien-têt il reconnut la méchanceté d'Ino, 8c
Vo y a g e d e l 'At t iq j )!. 159 & contre fes enfans. D'autres dilent que voyant d’un côtç les Orchoméniens défolcz par la famine, Scde l’autre Phrixus mort, il avoir imputé ces deux accidens non à l’ire de Junon,maisà la méchanceté d’Ino,&quetranfporté de colère il s’étoit mis à perfccuter cette marâtre qui s’enfuit, & dcfèfpcrée fe précipita de la roche Moluris dans la mer avec fon fils. Ils ajoutent qu’un Dauphin reçut Mclicerte fur fon
dos, & le porta dans l’ifthme de Corinthe ; que les Corinthiens fignalant leur zélé envers lui changèrent fon nom de Mclicerte en celui de Palémon, & inftitucrent les jeux Ifthmiques en fon honneur. Quoiqu’il en foit, au moins eft-il certain que la roche Moluris eft confâcree à Leucothée & à Palémon. Les roches des environs ne font pas moins odieufes, on les regarde encore comme fouillées, pareeque Sciron qui habitoit là exerçoit fa cruauté envers les paflàns & les jettoit dans la mer, où l’on dit qu’une tortue venoit les manger. Les tortues de mer, pour le dire par occafion, font quant à la figure, toutes femblables à celles de terre, & ne différent que par la groflêur & par Ier pieds, car elles ont les pieds comme les veaux’marins. Au reftc,ce Sciroh fouffrit dans la fuite le même gpnre de fupplice qta’il faifoit fcuffrir aux autres , il fut lui-même précipité dans la mer par Théfée. Sur le fommet de là montagne qui commande le chemin il y a un temple de Jupiter furnommé [1] Aphefius ; la raifon que l’on donne de ce furnom eft que durant une fécherefle extraordinaire Eacus après avoir facrifié à Jupiter Panellenien dans Egine [1] fit portet une partie de la viâimè au haut de cette montagne, & la jetta datas la mer pour appai/êr la colère du dieu. Au même endroit oir voit une ftatuë de Venus , une d’Apollon, & une de Pan. Plus’ loin on trouve [3] le tombeau d’Euryfthée ; car on prétend que cet implacable ennemi
[a] Fit porter une victime, &c. Amajuftement irrite contre clic, il Cc porta à un tel excès de vengeance, qu'Ino au féc n’a point entendu cet endroit, & ne dcfefpoir fe précipita dans la mer avec rend aucune raifon du furnom attribué fon fils Mclicerte. /Ipollod. Liv. 1. J’ai à Jupiter. cru cette note néccflâirc pour éclaircir [;] Le tombeau d’Eurtfthée. Eurycet endroit de Paufanias , qui eft allez fthcc étoit roi d’Argos ; Atréc qui étoit obfcur par lui-même, & encore plus, fon neveu fut fon fucceflcur. La mon je crois, par la faute des copiftcs. d’Euryfthée arriva environ vingt-cinq [1] De Jupiterfurnommé stpbejîui. ou trente ans avant la guerre de Troyc. 'Afhiif, dii mot «’fiïiai, inftcerc, jitter en bas. S ij
*40 Pa u sa n ia s , Liv r e I. Vo y a g e d e l ’At t iq u e . d’Hcrcule, vaincu enfin par les enfans de ce héros, Se obligé de forcir de l’Attique fut tue par 11 ] Iolas dans le lieu même où eft fa fcpulture. En defeendant de la montagne on voit le temple d’Apollon furnommé Latoüs. Là finit le territoire de Mégare , 8c commence celui de Corinthe ; c’eft, dit-on, fur cette frontière que l’Arcadien Echemus tua Hyllus fils d’Hcrcule dans un combat fingulicr.
f i ] Pxr Iolm. Apollodorc L. x, dit & je fuis d’autant plus porté à le croire, qu'Euryfthéc fut tué par Hyllus. Ainfi que Thucydide L. i. dit auflî qu'Eu» Joints eft peut-être une faute de copifte; ryfthée fut tué par les Hctadidcs.
fin du livre premier.
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P A U S A N I AS, LIVRE
SECOND
VOYAGE DE CORINTHE. 'ETAT de Corinthe limitrophe de celui d’Ar- Cha p . gos a pris fon nom de Corinthus qui pafle dans le L pays pour avoir été fils de Jupiter, je dis dans le pays j car apres avoir cherche avec foin l’auteur de cette filiation, je n’en ai point trouvé d’autre que les Corinthiens eux-mêmes ; mais [ i ] Eumélus qui étoic fils d’Amphilyte & de la famille [x] des Bacchiades, n’eft pas de ce fentiment. Cet Eumélus à qui l’on attribué des poefics a écrit dans fon hiftoire de Corinthe , fi néanmoins cet ouvrage eft de lui, qu’Ephyra fille de l’Océan s’etoie dès le commencement établie en cette contrée, & lui avoic donné fon nom -, qu’enluite Marathon fils d’Epopee & petitfils d’Aloeiis qui avoit le Soleil pour perc, craignant la colère & les mauvais traitemens d’Epopee, s’étoit tranfplanté dans la partie maritime de l’Attique ; qu’apres la mort de fon perc il ctoit revenu dans le Peloponnefc_i qu’il avoit partagé le royaume entre fes enfans; qu’enfuitc il étoit retourné [i] C’étoitun poëtc deCorinthc; on trouve quelques-uns de les vers citez dans Athénée & dans panfania^-
À
[x] 7>e< farcl>'4<ie<. C’étoit une famille de Corinthe, & une fâmillo illuflrc dont d fera parlé dans la fuite. $ jjj
14»
P AUS A N I A S , L I V R E II.
en Afrique, & que fes deux fils Sicyon & Corinthus avoient donne leur nom au pays qui leur croit échu en partage ; de force que la contrée qui jufques-là s’étoit appclléc Afopie prit le nom de Sicyone, Sc que ce que l’on appelloit F.phyrée
le nomma Corinthe. Pour le préfent il n’y a plus à Corinche de naturels du pays, cette ville ayant été détruite par les Romains,&enfuitc repeuplée par une colonie qu’ils y envoyèrent. L’Aflêmblée des Etats Généraux d’Achaïe qui fut tenue à Corinthe, & où les Corinthiens eux-mêmes avoient fcance> fut la caufe de ce châtiment -, car la guerre [ i ] contre les Romains y fut refoluë, &l’on y élut pourGénéral Critolaiis.qui fouleva contre Rome non-feulement toute l’Achaïe,mais plufieurs peuples qui font hors du Peloponnefe. Les Romains dortiptercht tous cêS peuples , & pour les empêcher de remuer davantage , ils defarmérent la Grèce , & démantelèrent toutes les villes qui étoient fortifiées 5 ce fut en ce temps-
là que le conful [2] Mummius prit Corinthe. Cette ville fut depuis rétablie [5] par Céfar îe premier empereur qui intro-
duite! dans Rome la forme du gouvernement qui y fubfilte encore aujourd’hui, & l’on dit que ce fut aufli lui qui repeupla Carthage. Aux environs de Corinthe il y a un village appellé Cromion du nom de Cromus fils de Neptune,où l’on tient que fur
& Plébéienne. Lucius Mummius Conful l’an dcRomctfo-,termina laguerre d’Achaïe par la prife de Corinthe, & acquit le glorieux fumom d’Achaïque. Il pouvoir être bon Capitaine & bon foldat ; mais du relie il ctoit fi ignorant & fi borne, qu’ayant'charge un vailfeau des plus belles flatuès qu’il y eut à Corinthe, il dit aux pilotes, que s'ils ne les amenoient à bon port, il leur en feroit rendre d’autres , fi rus perdtdijjent, noves ees reddituns. C’eft ce que rapporte Velleias Pntcrculus dans fon hilloire Romaine Liv. i. [ 5 ] Rétublte fur Céfitr. Ccfiir envoy» à Corinthe & à Carthage des colonies compolces d’affranchis & de foldats M- * Itelui Mnflheus, Jtniu i jus nunine vétérans, comme Snabon & Plutarque Mrmmi. nous l'apptcnncnt. Les M ummius étoient de race nouvelle
[1] Gfr b guerre centre les Remaim y fut refilu'e. Paufanias pouvoir ajouter que ces Etats maltraitèrent au moins de paroles les députez des Romains, te que l’on fit main baffe fur les Lacédémoniens qui,fe trouvèrent à Corinthe , & qui étoient fous la protection de Rome. Voilà pourquoi Corinthe fut rafee. [2] Afummiui. Le texte grccdit tantôt A/cmm ut, & tantôt Afutnmius > mais les auteurs Latins difent toujours A/lintiniui en parlant du Confiil. Il y '«voit à Rome des Afummiui Sc des Atetnm’us. Ces derniers, dit Virgile, dcfccndoicnt de Mnefthée.
Vo y a c e DJ Co r in t h e . 143 nourri cc fameux bandit furnommé [ij Pityocamptès qui donna lieu à un des travaux de TUicfcc. Un pin que l’on découvre de loin fur le rivage eft un monument qui rappelle encore le fouvenir de cet exploit de Thcféc. Là étoit auflï l'autel de Mclicerte j car on dit qu’un dauphin l’apporta en cet endroit s que Sifyphe l’ayant trouvé expofé fur le rivage
le fit enterrer dans l’ifthme, & qu’il inftitua [ 2.] les jeux Ifthmiques en fon honneur. Vers la pointe de l’ifthme on voit le lieu où Sinis ce fameux fcélérat furnommé, comme j’ai dit, Pityocamptès, courboit des branches de pin jufqu’à terre, & y attachoit par les bras &par les jambes ceux qui tomboient entre fes mains, de forte que ces branches d’arbres venant à fe relever, & à le rejoindre à leur tronc, les milérables qui y étoient attachez avoient les membres tout difioquez $ mais Théfée le fit périr lui-même de la même manière. Cc héros nettoya tout le chemin qui conduit de Trcczcne à Athènes,
& procura la fureté publique en délivrant le pays de tous les feelérats que j’ai nommez, fans compter Periphete à qui il fit éprouver la force de fon bras à Epidaure, quoique cet audacieux paflat pour le fils de Vulcain , & qu’il fe battît avec une mafluë d’airain. L’ifthme de Corinthe [3] baigné de la mer d'un & d’autre .côté eft terminé à droite & à gauche par deux promontoires, dont l’un s’appelle Cenchrée, l’autre Lefché ; ainfi cette langue de terre tient au continent ; car celui [4] qui avoit entrepris de faire une île du Peloponnefe fe contenta de percer l’ifthme en un endroit, & l’on en voit encore des marques ; mais il n’eflaya feulement pas de le percer du côté qu’il eft le plus pierreux ,& toute cette partie eft demeurée relie qu’elle étoit. C’eft ainfi, dit-on, qu’Alexandrc le Grand entreprit de percer le mont Mimas, &cc fut la feule chofe à quoi il ne put réuflir. Les Gnidiens ayant fait la même tentative pour
[1] Pitjccumptèi, mot compote de «<■’»<, nu f:n, fi de f.eéh.je fine, je o rte. PauCmias va dire luimême la raitôn de ce fittnom. [a] Leijtux /ftbmtqxe.'. Ces jeux fe celcbroient tous les cinq ans, d’autres ddent, to*K les trois ans, dans l’ifthme de Corinthe, d'où ils prirent leur nom. Les vainqueurs étoient couronnez de
feuilles de pin, comme aux jeux Olympiques, de feuilles d’olivier. [;] f utenedelu mer d'un & inutrt ccie. C’eft ce qui a fait dire à Horace, bimurifve Curiutbi manm. [4 J Celui y«i avait exrrrpr', c"e. Dùnàrius , Julc Celât & Néron tentèrent cette cntrepruc, mais fans fuccés.
>44 Pa u sa n ia s , Liv r e II. leur ifthme, la Pithyie [i] leur défendit de continuer, tant il cft impoflible aux hommes d* réuflir à quoi que ce foit contre la volonté des dieux. Les Corinthiens au refte difent des merveilles de leur pays à l’exemple des autres peuples } car les Athéniens pour donner plus de réputation à l’Attique ont
répandu [ a ] que même aes dieux fe l'étoicnt difputéC; &lcs Corinthiens à leur imitation difent que le Soleil & Neptune curent une pareille difpute au fujet de leur pays ; qu’ils prirent pour juge de leur différend [3] Briarée qui ajugea l’ifthmc à Neptune, & le promontoire qui commande la ville au Soleil, & que depuis ce temps-là Neptune étoit demeuré en poflcflîon de l’ifthmc. Une des beautez de Corinthe c’eft le théâtre &C un ftade de marbre blanc. Le chemin par où l’on va au temple de Neptune eft bordé d’un coté de ftatuës d’athlétcs qui ont remporté le prix aux jeux Ifthmiques, & de l’autre de pins plantez au cordeau. Dans le temple qui n’eft pas fort grand on voit pluficurs [4] Tritons de bronze, & dans le parvis deux ftatuës de Neptune, une troifiemef j] d’Amphitritc,êc une grande mer d’airain. L’intérieur du temple cft orne de diverfes offrandes qu’Hérode Atticus y a conlacrécs de nos
[ 1 ]Zm Pjtbie leur défendit, &c. Hérodote Liv. 1, chap. 174, raconte que les Gnidicns n'ayant pu venir à bout de percer leur ifthme, ils envoyèrent à Delphes pour confulter l’oracle d’Apollon, & que la Pythie leur répondit par deux vers hexamètres, dont le fêns ctoit, qu’ils euflent à tailler leur ifthme comme il étok, & que l! Jupiter avoit voulu que ce fût une île, luimême il leur en aurait épargné la peine. [a] même des dieux fe retment difutée. Apollodore L. 3, raconte que fous le régne de Cécrops, chacun des dieux voulant choifir une ville & un pays où il fût particuliérement honoré, Neptune vintlcpremier dans l’Attique, & qu'en frappant la terre de fon trident il en fit fortir une mer. Minerve y arriva enfuite & enprefenccde Cccrops elle planta un olivier, qui, dit Apollodore, fe voyoit encore dans le temple de Pandrofe. Ces deux divinité» i raifon de leurs bienfaits fe dilputoicnt
l’Attique. Jupiter voulant les mettre d'accord, leur donna pour juges, non Cccrops, ni Cranaiis, ni Eredhée» mais les douze dieux qui ajugérent Athènes & toute l’Attique à Minerve. [5J Bnnrée. Les Mythologues font mention detroisBriarées ; l'un qui s'appelloit auflî Egée, ou Egcon, ou Gyges, croit un gcantqui avoir cent bras, (enttmtnus Gîtes, dit Horace', l'autre étoit Briarce Hercule, plus ancien que l'HerculedeTvr; le troifiéme étoit un des Cydopcs, fi c’cft ce dernier que Neptune &: le Soleil prirent pour artntre de leur différend , fi l'on en veut croire Dion & quelques autres. [ 4 ] Plujîeurs Tnteni. C’étoit une efpcce de demi-dieux marins qui accompagnoicnt Neptune ; on les repréfentc moitié hommes, moitié poufons avec une conque à la main , comme pour leur lcrvit de trompette. [ f] d’jdmpbitnte, l'cpoufc de Nep-
jours 3
Vo y a g e d e Co ri n t h e . 14J jours j vous voyez entre autres quatre chevaux qui font tout dorez à la rel'erve de la corne des pieds qu’ils ont d’y voire, ÔC auprès de ces chevaux deux Tritons qui font aufli dorez julqu'à la moitié du corps, car le refte eft d’y voire $ Amphitritc & Neptune font debout iur un char , le jeune enfant [ i ] Palemou eft aufli debout fur un dauphin , l'enfant & le dauphin font d’or fie d’yvoirc. La baie qui foutient le char d’Amphitritc eft ornée de quatre bas reliefs. Sur le premier l'ouvrier a repréfenté la mer & la jeune Venus qui s’élève au-dcflus'dcs flots,accompagnée d’une troupe de Néréides, divinitez qui Ont des bois facrez & des autels en plufieurs endroits de la Grèce,mais [i] particuliérement fur les rivages de la mer, où l’on rend aufli des honneurs à Achille ; témoin la Néréide Doto [j] qui a un temple célèbre à Gabala,où l’on conlèrve le beau voile qu’Eriphyle reçut pour [4] engager fon fils Alcméon à prendre le commandement de l’armée qui dévoie aflieger Thebes. Sur le fécond bas relief on voit [5] les enfans de Tyndare, qui tiennent là leur rang comme des divinitez favorables aux vaiflèaux & aux gens de mer. Le troifiéme eft une image de la mer quand elle eft calme ; un monftre marin moitié cheval, moitié balene,fend fuperbement les flots : enfin le quatrième reprefente Ino, & Bellèrophon avec le cheval Pcgaîê. [il Le jeune enfant PAle'men. C’cft le meme que Méliccne fils d*Allumas & d’Ino. Les Corinthiens lui donnèrent le nom de Palémon, comme à Ino û œcre celui de Leucothéc. [1] AfAitfanicalurementfurlei rivage de Ia mer. Le texte eft ici tellement corrompu qu’il en fout deviner le fens. J’ai pris Kuhnius pour guide dans mes conjectures, & j’ai adopte la correction de Cantcrus. [}] ^«1 a un tentfle eélébre i Gobaia. Il y avoir une ville de Gabala dans la Phénicie félon Etienne de Bylânce , ou dans la Syrie près de Laodicéc lelon Strabon. Mais on ne voit pas comment le voile d’Eriphyle y a pu palier. Peut-être que le mot Cubain eft corrompu, peut-être aufli qu'il y avoit dans la Thcflâlic quelque Lieu Tome I.
nommé Gabala , qui a échappé aux Géographes, fc qui étoit celui-là même que Paufanias fcmblc indiquer. Quoiqu’il en foit, cet endroit du texte eft du nombre de beaucoup d’autres, que l’on ne peut bien entendre, qu’à l'aide d’un bon manulcrit. [4] Ptu r engagerftn fili adlcméen, &e. Amalce n’a pas développé la penlce de l'auteur, la verfion eft plus obfcurc que le texte. [<] Ler fi/rdeTjrndare. C'cft-à-diie, Cailor& Pollux, ÿumon final Ma our» ft.ll. r.f.lfit . Défiait fa*il aptatui bantr : Ceneidaut vtnn . fagiaatqaa aabttl Et mina* , fit du vtluere, fait unda ntambil. dit Hor L. l, Ode U» T
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11.
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146 Pa u sa n ia s , Liv r e II. Dans l'cnccintc de ce temple à main gauche eft une cha. pelle dédice à Palcmon } j'y ai vu trois ftarucs, l'une de Neptune, l’autre de Leucothée, 8c la troifiéme de Palcmon meme. On y trouve aufli une clpécc de chapelle bafle où l'on defeend par un cfcalier dérobe 5 on dit que Palcmon eft là caché, 8c quiconque oie faire un faux ferment dans ce lieu, foit citoyen ou etranger, eft aufli-tôt puni de fon parjure. Je remarquai aufli un vieux autel dédie aux Çydopcs,8coù l’on a coutume de leur faire des làcrifices. Quant aux tombeaux [ i ] de Sifyphe 8c de Nelce on ne les trouve nulle part, quelque ctude que l’on ait faite des poches d’Eumelus ; je fçai que quelques auteurs ont écrit que Nelce étant venu à Corinthe y etoit mort, & qu'il avoit été enterré vers l’ifthmej mais malgré cela les gens du pays difent que Sifyphe lui-même ne put jamais montrer le tombeau de Nelce à Neftor, 3c qu'il eft à propos que le lieu de fa fcpulture demeure ignoré. A l'egard de Sifyphe on prétend qu'il fut inhumé dans l'ifthme, mais que fon tombeau n’a jamais été connu que d'un petit nombre de fes contemporains. Pour ce qui eft des jeux Ifthmiques, ils n’ont pas celle, meme apres que la ville a été détruite par Mummius. Les Sicyoniens eurent ordre de les y célébrer malgré le deuil 3c la dcfolation publique : mais depuis le rétablillêmcnt de Corinthe, fes nouveaux habitans en ont pris foin. Les Corinthiens ont deux ports aufquelsCenchrias 8c Léchés ont donne leur nom} la tradition du pays eft 3u’ils étoient tous deux fils de Neptune 3c de Pirene fille 'Achcloùs : cependant fi l'on s'en rapporte à ce poeme fa] qui a pour titre, les Femmes iUstlires , Pirene fut fille d'fftbalus. Au Léchée il y a un temple de Neptune où le dieu eft en [ i ] ^nxar aax tombeeux le Sfrfhe & ue Ntl-e, crc. Sifyphe fut roi de Corinthe , Nelce croit le perc de Neftor ; leur filiation, leurs defeendans, & leurs avanturcs, tout cela fera expliqué dans la fii ne de cet ouvrage. [i] A et fttmi qui 4 peur titre, les Femmes lUxftrei, le titre grec eft «•<■< Amatëc le rend tantôt par Etre M4;ax > tantôt par me^ne metutine, ce qui prouve qu’il ne connoiflôtt pas cet puvrage. C’ctoit un poeme fut les Femmes illuftres, communément at-
tribué à Hcfiode, que Paufanias pourtant ne croyoit pas être de lui. La raifon qui fit appcHer ce poeme /ai'yaxM, eft apparemment pareequ'il croit plein de comparailôns & de fimilitudcs qui commcrçoient toujours par •"». ou •<« au pluriel, qaelis, y* a/rz. Ce fût donc par corruption que l’on appella ce poème H" • • car il aurait fallu dite « •««. Nous n'avons plus que quelques fragmens decet ouvrage, où il eft allé de remarquer la fréquente répétition de ces mots •<*, A,, quelu, fuies.
Vo y a g e d e Co r in t h e , 147 bronze, & fur le chemin qui mené de l’ifthmc au Cenchree on voir un temple de Diane, & dans ce temple une ftatuc de bois qui paroît tort ancienne. Quand vous êtes arrive au Cenchree vous trouvez un temple de Venus avec une belle ftatuë de marbre. A l’extrémité de la jettée [ 1 ] qui avance dans la mer on a place un Neptune en bronze^ à l'autre pointe visà-vis eft un temple d’Efculape & d'Ifis. Les bains d'Hclcne font encore à voir au Cenchree j c’eft une fource abondante qui tombe du haut d’une roche dans la mer , & dont l’eau eft lâlcc & naturellement auilî chaude que de l’eau qu’on auroit fait chauffer lur le feu. En montant vers la ville on trouve plufieurs tombeaux, & auprès de la porte on voit fur-tout le lieu où fut inhume Diogène [1] de Sinope , celui que les
Grecs ont furnommé le Chien. Dans le fauxbourg de Corinthe il y a un bois de cyprès nomme le Cranée; une partie de ce bois eft confacree a Bellérophon ; dans l’autre il y a un temple dédié à Venus [5] Mclanis. Là eft aufli le tombeau de la fameufe Lais, où l’on voit une lionne qui rient un belier dans fes pattes de devant ; on montre [4] aufli fon tombeau en Theflalie, où elle avoit fuivi fon amant Hippoftratc j on dit qu’elle étoit d’Hiccari ville de Sicile } que là toute jeune elle fut prife par des Athéniens de l’armcc de Nicias 5 que celui à qui elle fut vendue la mena à Corinthe;que devenue grande elle lurpafla en beauté toutes les courtilànnes de Ion temps, & cauïa tant d’admiration aux Corinthiens, qu’cncore [i]dfextrémité de h jettée, dre. Je lis avccKuhnius <»u«r, au lieu de ôw r» />»/>«>, qui ne fait point de Cens. [i] Diegene de Sinope ville d'Afie, aujourd’hui dans la Natolie ; c’eft Diogène le Cynique, qui eftfi connu. Diogène Laercc dit qu’il avoit fon tombeau à Corinthe, avec un cippc contre lequel étoit adoflè un chien de marbre de Pâros. Paufanias ne dit pas qu’il ait vû ce tombeau , pareequ’en effet il eut le fon de plufieurs autres qui forent détruits durant le foc de cette ville. [ y] A Ventu AléUnu, c’clU-dire, iV enus U brune.
[4] On montre an/Ji [en tombeau en The/alie. Ce que les anciens auteurs racontent de Laïs ne peut convenir à une feule perfonne. Il fout néceflâirement diftinguer deux courtifonnes de ce nom ; l’une plus ancienne oui fot amenée toute jeune de Sicile fous l’archontat de Chabrias la féconde année delà 91 Olympiade; l’autre poftérieure qui donna occafon au bon mot de Démofthcnc que tout le monde fçait. Cette dernière étoit fille de Damufandra ramicd’Alcibiadefuivant Athénée Liv. 1;. Paufanias a cor fondu ces deux Laïs que les deux tombeaux dont il parle auraient du lui foire diftinguer. Poklnuer. T'ï
148 P a u s a N i A s, Liv r e II. aujourd'hui ils ne veulent pas ccdcr à d'autres la gloire de lui avoir donne la naillànce. Corinthe eft ornée d'une grande quantité de beaux monumens, dont les uns font antiques , refte précieux d’un plus grand nombre qui s'y voyoit avant le lac de la ville, & les autres ont été faits depuis ion retablifl'ement lorfqu'cllc a com-
mencé à refleurir. Ainfi dans la place publique où il y a plufieurs temples vous pourrez voir la Diane d’Ephéfe comme on l'appelle, & deux ftatuës de Bachus en bois, toutes deux dorées excepté le vifage [ 1 ] qui eft peint de vermillon ; on nomme l’une le Lyfius, l’autre le Bacchcïus, & voici à quelle occafion elles ont été conlâcrécs. Qn dit que Pcnthcc le déchaîna infolemment contre Bachus, ficqu’après plufieurs marques de mépris il voulut fçavoir cc qui le pafloit dans les myftércs que ies Bacchantes celcbroient en l'honneur du dieu ; que pour cela il monta fur un arbre du mont Cithéron, & qu'il découvrit tout j mais les Bacchantes l'ayant apperçû s'en vengèrent & le mirent en pièces. On ajoute que l'oracle avertit les Corinthiens de cncrcher l’arbre où Pcnthée avoit monté, & quand ils l’auroient trouvé, de l’honorer comme le dieu meme 5 ce fut alors qu’ils confacrérent à Bachus les deux ftatucs dont je parle, faites du bois de cet arbre-là-même. Vous verrez auflï un temple de la Fortune avec fa ftatuë qui eft toute droite & de marbre de Pàros 5 ce temple touche prefque à un autre qui eft confacré à tous les dieux. Auprès de ce dernier on a bâti une belle fontaine, au haut de laquelle eft un fîeptunc en bronze : il a fous les pieds un dauphin qui jette de l’eau ; cette fontaine eft ornée de plufieurs autres ftatuës : vous y voyez un Apollon furnommé [1] Clarius qui eft de bronze, une Venus faite par [3] Hermogcne de Cythere} deux Mcrcures, dont l'un eft dans une nicne,mais
[t]C7n jlfilltn ftnMuné CUrinit [1] Excelle’ le vifege qui e/l peint de vermillon. Pline Liv. 1 ;, chap. 7, nous du nom de 111e de Claros où ce dieu apprend que l'on avoit coutume de rc- étoit fingulièrement honore. Claros, prefentet Jupiter avec un viûge peint aujourd'hui CnUmu , étoit une île de de vermillon; ce qui convient encore l'Archipel. mieux à Bachus qui eft le Dieu du vin f ; ] Par Hermeçene de Crthete. &dcs buVcurs. Virgile dans (i dixiéme Cctolt, je crois, un llatuaire de peu tcloguc dit en parlant du dieu Pan, de réputation, car Paufanias cil le tcui Qiem iffi qui en ait parlé. tmtmiuii bueeu. uumofue rnhm. m.
Vo y a g e d e .Co r in t h e . 149 de bronze l’un & l’autre & tout droits; enfin trois ftatucs de Jupiter, ex pofées à l’air toutes les trois, & confàcrécs à ce dieu, l’une fans autre titre, la fécondé fous le nom de Jupiter
le terreftre , & la troifiéme fous le nom de Jupiter le trèshaut. Une Minerve en bronze eft au milieu de la place fur un Ch a picdeftal, dont les bas reliefs reprefentent les Mufcs. Un peu IIL plus loin on trouve le temple d’Octavie fœur de l’empereur Augufte fuccefleur de Ccfar qui rebâtit Corinthe. Au fortir de la place en tirant vers le Lcchce vous voyez une efpece de portique for lequel il y a deux chars dorez, l’un conduit par Phacton fils du Soleil, l’autre par le Soleil même. Au de-là à main droite eft un Hercule de bronze ; enfuite vous trouvez une rue qui vous mene à la fontaine de Pirene. On dit-que Pirene inconfolable de la mort de Cenchrius fon fils qui avoit été tué malheureufement par Diane, verfa tant de larmes , qu’elle fat changée en cette fontaine qui depuis a porté fon nom ; aufii a-t-on pris grand foin de l’embellir } elle eft bâtie de marbre blanc, & l’on a pratiqué des enfoncemens en manière de grottes d’où l’eau fe répand dans un grand baflîn ; cette eau eft fort bonne à boire. Plufieurs croyent que tes Corinthiens plongent dans ce baflîn leur cuivre au fortir de la fournaifè pour lui donner une meilleure trempe, mais c’eft une erreur; car les Corinthiens n’ont pas meme de cuivre chez eux. Près de cette fontaine on a placé un Apollon qui eft.entouré d’un petit mur à hauteur d’appui,où l’on a peint le combat d’Ulyfie contre les amans de Pénélope. En rentrant dans la ruë qui va droit au Léchée vous verrez un Mercure aflis qui eft de bronze, & un bélier à côté de lui, pour marquer que les troupeaux font particuliérement fous la pcoteâion de ce dieu, comme le témoigne Homère lorfqu’cn parlant de Phorbas,il dît que c’étoit un riche Troyen,
Qui chcri de Mercure Voyoit depuis long-temps profpcrer fes troupeaux. Je f<;ai ce que l’on dit de Mercure &du bélier par rapport ( 1 ] aux myftères de la mere des dieux, mais il n’cft pas A
[ 1 ] Per rapport aux miflérei de le cc bélier par rapport aux myftères do de' dieux. Voyez Clément d’Ale- Ccrcs & à ceux de Cybclc. On doit xandric dans fon protrcptricon ou ex- lçavoir eré à Paufanias de n’en avoir hortation aux Gentils, où il parle de pas dit davantage.
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150 Pa u sa n ia s , Liv k e II. propos de le divulguer. AprèS ccttc ftatuc de Mercure on en trouve une de Neptune,une autre de Lcücothéc, &c une troifiéme de Palémon porté fur un dauphin. Il y a des bains publics en plufieurs endroits ; les uns ont etc conftruits par la Ville, & les autres par l’empereur Hadrien j mais les plus
renommez de tous,ce (ont ceux que l’on nomme les bains de Neptune : ils ont été faits par Euryclès de Sparte qui y a employé plufieurs fortes de pierres, fur-tout de celles que l’on tire des carrières de Crocée près de Sparte même. A l’entrée de ces bains vous verrez à main gauche un Neptune, & auprès une Diane en- habit de chaflcrcflc. On a diftribué des fontaines dans tous les quartiers de la ville, car le pays abonde en fources -, mais la plus confidcrable eft celle qui vient de Srymphale en Arcadie par le moyen d’un aqueduc qui eft un ouvrage de l’empereur Hadrien. Quand vous aurez confidéré la Diane dont je viens de parler, vous pourrez voir dans le même lieu quelque chofe encore de plus digne de votre curiofité, c’eft la ftatuc de Bcllérophon , & une fource d’eau qui fort de delfous un pied du Pégafe. Si en fortant de la place vous prenez le chemin qui regarde Sicyone, vous trouverez premièrement un temple d’Apollon avec une ftatuc du dieu qui eft de bronze, & un peu plus loin la fontaine de Glaucc ainfi appellee , pareeque [ 1 ] Glaucé fe jetta dedans,cfpérant que l’eau de cette fontaine pourroit lui forvir de prciërvatif contre les enchantcmens de Medee. Plus haut eft un lieu deftiné à la Mufique* & auprès le tombeau des fils de Medee ; on les nomme dans le pays Phérès & Mermérus, & l’on dit [1] qu’ils furent lapidez par les Corinthiens à caufe des prefens empoifonnez qu’ils avoient apportez à Glaucé delà parc deMédée. Mais parcequ’ils furent mis à nwrt injuftcmcnr, les Corinthiens fe virent bien-tôt punis dans la perfonne de leurs propres enfans qui mouroient tous au berceau, jufqu’à ce qu’avertis par l’oracle
&t. Paulmicr croit que ccttc Glaucé ctoit fille de Créon, qui félon lui, étoit le même que Glaucus, Cequi eft appelle Créon par Euripide, non que ce fit fon vrai nom , mais pareequ’il regnoit à Corinthe, & qu’à raifon de fa dignité 11 étoit , imteuni, rtp.tuii.
[ 1] .Qu'ils furent UpUet. ftrlet Ctrinihtens. De vieilles fcolics nous apprennent qu’Euripidc reçut «les Co ri-thiens cinq talcns, c’elt-à dire, environ cinq milleécus, pour imputer.! Médée la mort de fes enfans, dont le» Corinthiens étoient réellement coupables.
Vo y a o e j >e Co
r in t h e
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ils inftitucrcnt des làcrifices en l'honneur des fils de Médce, & leur conlàcrdrent une ftatuë qui reprelèntc la Peur ; cette ftatuë fûbfifte encore aujourd'hui j c’cft une femme faifie M’épouvante. Depuis que les Romains ont détruit Corinthe; 8c que tous les naturels du pays ont péri avec la ville, les nouveaux habitans qui n’avoient pas eu de part au crime des anciens, le font crus dilpénfèz de continuer ces facrifices, de forte qu'à préfcnt leurs enfans ne font plus vêtus de noir, ni ne fe crqyent dans l’obligation de couper leurs cheveux. A l’égard de Médéc, on dit qu’elle vint à Athènes, que là elle époulâ Egée, qu’enfuite convaincue d’avoir voulu faire périr Théfée,elle prit la fuite 8Cfe réfugia dans cette partie de l’Afie qui fe nommoit alors Aria, 8c dont les habitans furent depuis appeliez Modes du nom de cette Princefle. On croit que le fils qu’elle emmena avec elle 8cqu’elle avoit eu d’Egée, s’appelloit Médus ; cependant [ i ] Hellanicus le nomme Polyxene , & lui donne Jalon pour pere. Les Grecs ont de vieilles poëfies qu’ils appellent [ z ] Naupaétienes, où il eft dit que Jafon après la mort de Pélias quitta [ 3 ] Iolchos pour aller s’établir à Corcyre, 8c que là il perdit Mermérus fon fils aîné, qui fut déchiré par une lionne en prenant le divertifTement de la chaflê, dans cette partie du continent qui eft vis-à-vis de la ville -, mais elles ne nous apprennent rien de Phcrcs. Un Lacédémonien nommé Cinétnon qui a écrit d’anciennes généalogies en vers, rapporte que Jafon eut de Médce un fils appellé Médus, & une fille qui eut nom Etiopis: c’eft tout ce 311’il dit de ces enfans. Eumélus raconte auflî l’hiftoire de Méée -, il dit que le Soleil donna d Aloéüs la contrée d’Afopie, 8c à Eétès celle d’Ephyrée ; qu’Ectcs en s’embarquant pour Colchos laifla le gouvernement de fon royaume à Bunus fils de Mercure 8c d’Alcidamce; que ce Bunus étant mort,Epopée fils d’Aloéüs obtint pour lui l’Ephyrce j qu’eçfuite Corinthus fils de Marathon [4] n’ayant point faille d’enfans, les [1] HeUnnicu! ,&(■ C’étoit nn hiftorien Grec un peu plus ancien qu’Hctodotc, mais fort inférieur en mérite. [1] De vieille, po ji-s qu'ils n; f client A'x ipritlerief. Paufanias les cite allez fouvent; il dit lui-même queCatctnus de Naupaéle en étoit l'auteur. [3] /niches, ville de Tlicfiâlic près
du port Pégafo,où Jafon s'embarqua (ûr le navire Atgopourallcrfâirelaconquète de la Toifon d'ot dans la Cdchide. [4] Cennthu Jih de Aljuthen n'xrxnr peint Uifle d'enfan-. Apollodore dit que Corinthus laiflà une fille nommée Syléa, qui fût femme de Polypémon, & mctc de Sinnis.
iji Pa u sa n ia s , Liv r e II. Corinthiens firent venir d’Iolchos Médée pour lui donner le royaume ; que par ce moyen Jalon régna fur eux -, que Médée eut de lui pluficurs enfans, mais qu'elle les cachoit dans le temple de junon , cfpérant leur procurer par-là l'immortalité j qu’enhn déchue de cette cfpcrance, & voyant que Jafon irrité contre elle s'en étoit retourné à Iolchos, elle prit le parti de quitter Corinthe, après avoir déclaré [ i ] Sifyphe fon iuccefièur, 8c lui avoir remis le royaume j voilà ce que j’ai lù _______ dans Eumélus. Ch ap . Le tombeau des fils de Médée n’cft pas éloigné éu temple IV. Je Minerve [ x] Chalinitis, furnom, difcnt-ils, qui a été donne à cette deefTe, parccqu’clle fut plus fecourable à Bèllèrophon que toutes les autres divinitez, Se qu'elle lui fit préfent entre autres chofes du cheval Pegafè,apres avoir pris lapeine de le dompter elle-même 8c de lui mettre un frein. La ftatuc de la dééfle eft de bois à la réferve du vifàgc,des mains & du bout des pieds qui font de marbre blanc. Au refte je n’ai nulle peine à croire que Bellérophon n’a jamais régné à Corinthe, Se qu’il étoit lui-même fujet de Prœtus roi des Argiens-, on en fera perfuadé pour peu qu’on lilè Homère avec réflexion^ car il eft certain que lorfque Bellérophon alla s’établir en Lycie, les Corinthiens étoient fournis au gouvernement d’Argos ou de Mycencs ; une preuve de ce que je dis, c’eft que les troupes qu'ils envoyèrent à Troyc n'étoient point commandées par, un Chef de leur pays, Se qu’elles marchèrent fimplement fous les enfeignes d’Agamemnon comme Tes autres fujets. Mais Sifyphe ne fut pas feulement pere de Glaucus dont naquit Bellérophon -, il eut encore d’autres enfans , fçavoir [j]Qrnytion,Therfandre,8c Almus. Ornytion laiflà un fils nomme Phocus que d’autres ont cru fils de Neptune ; ce Phocus mena une colonie [4] à Tithorce dans le pays que
[1] Apres Avoir dr'cltré fifjphe fon [2] De Minerve Chohruris. x-*"»» fctteffenr. Paultnier obfervequelc poè- frenum > un frein, de là ce furnom de te Eumelus cité par Paufanias fc trom- Minerve, Ôc l’auteur en dit la raifôn. [5] SfAioir, Ornytion. Le feoliafte poit en faifant Sifyphe contemporain de Jafon. Sifyphe qui a régné à Co- d'Euripide dans la tragédie d’Orefte dit rinthe, dit-il , étoit fils d’Eolc, & frère Ormthm. [4] zf 7irb»rrr, le texte dit, A 77rrr> de Ctéthétis l’aycul de Jafon, par conféquent plus ancien que Jafon. Et par c’cft une faute de copifte ; il faut lire la Médée d’Euripide il eft vtfible que Titboree, comme la fuite le fait conSifyphe n’étoit plus au monde, lorfque noître, car Tithorée étoit une ville de Jalon vint à Corinthe > puifquc Créon la Phocidc. l’on y régnoit.
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l'on appelle aujourd'hui laPhocidc ; Thoasfon frerepuîné demeura à Corinthe, 8c fut perc de Demophon qui eut pour fils Propidas,dont naquirent DoridasëcHyanthidas. Ce fut durant leur régne que les Dorions firent la guerre aux Corinthiens, fous la conduite d’Alétès qui ctoit fils d'Hippotas , petit-fils de Phylas, & arrière petit-fils de cet Antiochus qui eut Hercule pour pere. Doridas & Hyanthidas abandonnèrent le royaume à Alétès,contens de mener une vie privée à Corinthe ; mais les habitans n’ayant pas voulu fe foumettreà ce prince, ils furent vaincus 8c chaflez de leur ville, de forte qu’Alétès demeura paifible poflèflcurdu royaume. Lui 8cfes defeendans le tinrent durant l'efpace de cinq générations jufqu’à Bacchis fils de Prumnis. Les Bacchiades régnèrent le meme efpace de temps jufqu'à Téleftès qui ctoit fils d’Ariftodemc; ce Téleftès s’étant rendu odieux à fes fujets,périt enfin dans une confpiration que Pérontas 8c Arièüs avoient tramée contre lui, 8c ce fut aufli la fin du royaume de Corinthe} car enfuite il n’y eut plus que des Prytanes qui fe prenoient dans la famille des Bacchiades, 8c dont l’autorité ne duroic qu’un
an. Cependant Cypfélus chafla les Bacchiades, 8c s’empara du gouvernement; il étoit fils d’Ection, 8c petit-fils de Mêlas, qui eut pour pere Antafus. Ce Mêlas originaire de Gonufê petite ville au-deflus de Sicyone [ i ], s’étoit joint aux Doriens pour venir aflîéger Corinthe. Alétès qui pour lors commandoit les Doriens, fous ombre d’un certain oracle l’envoya dans une autre partie de la Grèce ; mais quelque temps après fans fe mettre en peine de l’oracle il-changea de deflèin, 8c fit de Mêlas fon compagnon de fortune 8c fon ami. Voilà quelle a été la deftinée des Rois 8c du royaume de Corinthe, autant que j’en puis juger par les recherches que j’ai faites. Le temple de Minerve Chalinitis touche prcfque au théâtre. Vous verrez près de là un Hercule qui eft reprefenté tout nud ; c’eft une ftatuë de bois faite par Dédale. Les ouvrages de Dédale n’ont rien de gracieux à la vue , mais en récompenfc ils ont beaucoup de force, 8c expriment bien la majefté des dieux. Au-deflus du théâtre eft un temple de lupiter Coryphée,ainfi les Grecs le nomment-ils, les Romains diraient, Je Jupiter Capitolin. A une afléz grande diftancc de ce temple on trouve un ancien gymnafe ou lieu d’exercice , 8c auprès [i] 5"étoit juut 4ux Dmttu. Amafîc a fon mal rendu cet endroit du texte. T'omet. V
une fontaine qu’ils nomment Lcrna } cette fontaine eft fer. méc par une colonnade, autour de laquelle il y a des lièges pour la commodité de ceux qui y viennent prendre le frais durant l’ctc. Le lieu d’exercice aboutit â deux temples,dont l'un eft dcdic à Jupiter, l'autre à Efculapc : dans le premier vous verrez un Jupiter en bronze 5 dans le fécond un Efculape & une Hygciaquilont l'un & l'autre de marbre blanc. La citadelle eft au haut d’une montagne qui commande la ville -, les Corinthiens difent que Briarée ajugea cette montagne au Soleil, & que le Soleil la donna enfuite à Vénus. Sur le chemin qui y mene il y a deux chapelles d’Ifis, l’une fouslenom [i] d’IfislaPélagienne, l'autre fous le nom [x] d’Ifis l’Egypticnne ; deux autres chapelles de Sérapis, l’une làns aucun furnom , l'autre fous le titre de Sérapis de Canope ; plufieurs autels dédiez au Soleil, & un temple confacré à la Néceflîté & à la Force , où l’on dit qu’il n’eft pas permis d’entrer. Au-deflus eft le temple de la mere des dieux, où l’on voit une colonne & un trône de marbre blanc. Dans un autre temple confacré aux Parques, à Cercs & à Profêrpine, il y a des ftatuës que l’on tient toujours cachées. Je ne dois pas oublier le temple de Junon Bunéa ; c’eft Bunus fils de Mercure qui l'a bâti, & la deefle a pris dc-là fon furnom. En entrant dans la citadelle vous trouvez le temple de Venus, fa ftatuc la repréfente armée 5 on y voit aufli une ftatuc du Soleil, & une de 1*Amour qui tient
un arc. Derrière ce temple il y a une fontaine dont les Corinthiens difent qu’Afope fit préfênt à Sifyphe, pour fçavoir de lui ce qu’croit devenue fa fille Eginc, que Jupiter avoit enlevée ; Sifyphe qui en avoit connoiflance promit à Afope de l’en inftruire, à condition qu’il donneroit de l’eau a la citadelle 5 Afope le fit, & Sifyphe lui révéla fon fecret $ mais s'il eft permis de les croire, il en eft encore puni dans les enfers. J'ai
[ 1 ] D'IJîs U PéU'ieime, du mot nure , Ia mer, pareeque fon culte ou fa ftatuc avoit été apportée d'Egypte par mer. Peut-être au lit par lfis la Pélagienne faut-il entendre cette lo fille d’inaclius, qui s’étant attiré le couroux de Junon parta par mer en Libye, puis en Egypte, & à qui les Egyptiens rendirent des honneurs di-
vins après la mort fous le nom d’Ifis. [ 1] Z)7/ir ffitr^'enne. Plutarque dans fon traité d’Ifis & d’Oliris dit que par Ifis les Egyptiens entendoient la terre, ou plutôt la nature même, ce qui ell allez conforme à ce que dit Hérodote , que l'Ilts des Egyptiens ctoit la . ou la Cctès des Grecs, de même qu’Ofiris et
ouï dire à d'autres que c’étoit la fontaine de Pirénc dont il lui avoir fait préfent, & que celle qui coule dans la ville vient de la même fource. En effet le .fleuve Afopc a fa fource dans le pays des Phliafiens , d’où prenant fon cours par les terres des Sicyoniens il va fè jetter dans la mer auprès de Corinthe. Les Phliafiens difènt qu’il avoit trois filles, Corcyrc,Egine,& Thebe ; que les deux premières donnèrent leur nom à deux îles, dont l’une s'appclloit auparavant Schéria, l’autre (Enone, & que la troifième donna Ion nom à la ville de Thebes [ i ] qui eft bâtie au bas de la Cadmèe : mais les Béotiens ne conviennent pas de cela 5 ils prétendent que cette Thebe étoit fille d’Afopc le Béotien, non le Phliaficn. Du refte les Phliafiens & les Sicyoniens demeurent d’accord que l’Afope eft un fleuve étranger qui a fa fource dans un autre pays que le leur ; car ils tiennent que le Méandre qui paflè a [1] Celéncs, après avoir traverse la Phrygie & la Carie, va tomber dans la mer auprès de Milet, d’où reprenant fon cours il vient arrofèr le Peloponnefè, & là prend le nom d’Afope. Je me fouviens d'avoir ouï dire aux habitans de Dclos quelque chofe de femblable d’une fontaine nommée l’Inopc qu’ils ont chez
eux , & qu’ils croyent venir du Nil : mais le Nil lui-même, félon quelques-uns,eft l’Euphrate,qui après s’être pour ainfi dire, perdu dans un marais, renaît au-defTus des Ethiopiens, Sc redevient un fleuve qui a le nom de Nil. C’eft tout ce que j’ai pu apprendre du fleuve Afope. En fortant de la citadelle du côté de la montagne on
trouve la porte Tenée ,& auprès un temple de Lucine. A quelques foixante ftades au de-là eft la petite ville deTenée, dont les habitans fe difènt Troyens } ils prétendent que les Grecs les firent prifonniers de guerre à Ténédos, & qu’Agamemnon lui-même leur donna le lieu qu’ils occupent aujourd’hui 5 ils honorent fingulièrement Apollon. Mais fi au fortir de la ville vous prenez le chemin qui conduit à Sicyone, je dis le long du rivage & non à travers les terres, vous rencontrerez d’abord à votre gauche un temple qui a été brûlé, apparemment durant les guerres aufquelles tout ce pays a été fi eft bâtie nu bns de laCndmée. C’cu-à-dirc, au bas de h citadelle qui du nom de Cadmus fon fondateur s’ap» pclloit/x (,'admcf.Ainfi àTlicbcscom-
me à Athènes il y avoit deux villes, la haute & la balle. [ 1 ] A Ce'lénes. C’étoit une petite ville delàTroadc.
îj 6 Pa u sa n ia s , Liv r e IL long-temps expofé ; car il eft à croire que les temples & les mailôns qui étoient hors de l’enceinte de la ville furent alors conlùmez par le feu. Quoiqu’il en foit, ils croyent que ce temple ctoit confacré à Apollon ,& qu'il fut brûlé par Pyrrhus fils d’Achille ; j’ai ouï dire à d’autres que c’étoic un temple que les Corinthiens avoient élevé à Jupiter Olympien , & que le feu y avoit pris làns qu’on lçache par quel accident. Pour les Sicyoniens qui de ce côté-là font fort voifins des Corinthiens , voici ce qu’ils racontent eux-mêmes de leur origine. Ils difênt qu’Egialée originaire de leur pays [i] en fut le premier roi ; que fous fon régne cette partie du Peloponnele qui s’appelle encore aujourd’hui l’Egiale prit fa dénomination ; que dans cette contrée il bâtit en rafe campagne la ville d’Egialée, avec une citadelle qui occupoit tout le terrain où ils ont à préfent un temple de Minerve ; qu’Egialée fut pere d’Europs dont naquit Telchis qui eut pour fils[a] Apis. Cet Apis devint fi puiflant avant l’arrivée de Pélops à Olympie,que tout le pays qui eft renferme dans l’ifthme prit le nom d’Apia. Les defeendans d’Apis furent Thalxion fon fils, Egyre fils de Thalxion , Thurimaque fils d’Egyre, & Lcucippe fils de Thurimaque. Leucippe n’eut qu’une fille qui s’appelloit Chalcinie , & qui eut un fils de Neptune ; Leucippe prit foin de ce fils, & lui laifla fon royaume en mourant. Ce fils fe nommoit Pérate, & fut pere de Plemnée, de qui l’on raconte des chofes tout-à-faic incroyables; car on dit qu’il ne pouvoic élever aucun enfant ; que ceux qu’il avoit mouraient prefque en naiffant ; que Cerès touchée de fon malheur vint elle-même à Egialée, & fe prélenta à Plemnée comme une étrangère qui demandoit à nourrir le petit Orthopolis qui venoit de naître; qu’en effet elle l’éleva fi bien,qu’Orthopolis eut une filletiomméeChryforte, qui aimée d’Apollon eut de lui Coronus, lequel fut pere de --------- Corax & enfuite de Lamédon. Ch a t . Corax étant mort fans enfans, Epopée qui étoit venu de
[i] Fn f"1 le premier roi. Scion le P. Pctau l’empire des Sicyoniens commença douze ans après celui des Aflyriens, titans avant l’Erc Chrétienne > & cet empire dura près de mille ans.
[1] Qui eut pour fils Jpis. Efchyle dans fes Suppliantes fait Apis Etolicn. Paufanias le fait Sicyonicn ; il n’cft pas étonnant qu’il y eut diverfes traditions fur des faits d’une fi grande antiquité.
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Thcflàlie peu de temps auparavant,s’empara du royaume, & ce fut, dit-on, fous fon régne qu'une armée ennemie entra pour la première fois dans ce pays, qui jufques-là n’avoit jamais etc troublé par aucune guerre ; voici quel fut le fiijct de celle-ci. Antiope fille de Nyétèe ctoit alors célèbre dans toute la Grèce pour fâ rare beauté ( même on la difoit fille non de Ny&ée , mais du fleuve Albpe qui arrofe les terres des Platéens & desThebains. Soit qu’Epopée ( i ] l’eût demandée en mariage, ou qu'amoureux oc cette Princcflc il voulût fâtisfaire fa paflion à quelque prix que ce fût, le fait [i] eft qu’il l’enleva. Les Thebains bien refolus de venger cet affront, marchèrent aulli-tôt contre lui ; le combat fut fanglant, Ny&cc y reçut une bleflûre mortelle : Epopée remporta la victoire, mais il fut blefle aufli. Nyélée s’étant fait reporter à Thebes, & fentant fa fin approcher laifla l’adminiftration du royaume à fon frere Lycus ; car le royaume appartenoit à Labdacus fon pupille, fils de Polydorc&petit-fils de Cadmusj il donna aufli la tutéle du jeune Prince à Lycus, mais en le conjurant de venger fa mort, de combattre Epopée avec de plus grandes forces, ôc^de punir Antiope fi elle tomboit entre lès mains. Cependant Epopée ne fongeoit qu’à rendre des «étions de grâces aux dieux pour le fuccès de fes armes, & à bâtir un temple à Minerve. Quand le temple fut achevé, il pria la deefle de lui faire connoïtre par quelque figne fi la
confécration lui en avoit été agréable , & l’on dit qu’incontinent après fa prière on vit naître un olivier devant la porte du temple ( mais peu de jours enfuitc Epopée ne laifla pas de mourir de fa bleflûre qu’il avoit négligée. Sa mort mit fin à la guerre ; car Lamcdon qui lui fucccda remit Antiope entre les mains de Lycus 5 on la ramena à Thebes, & ce fut en y allant & proche d’Eleuthcre qu’elle fè délivra de deux enfans [1] Soit qn'Epopée, &c. Laverfion latine d’Amafèc n’cft pas fidèle en cct endroit non plus qu’en une infinitè d’autres. f 1 j Le fût efl qu’il renleva. Suivant le fcoliaftc d’Apollonius, Epopée n’enIcva point Antiope', mais il la'retira chez lui pour la mettre à couvert des mauvais uaitcmcns de NiChic, qui
eut tanr de dèplaifir de voir iâ tille grofTcqu’il en mourut. Il recommanda a Lycus fon frere de le venger. Lycus fit la guerre à Epopée, & l’ayant vaincu il lui ôta la vie. Voilà ce que dit ce fcoliaftc, en quoi il s'accorde aflez avec Homère, qui fait Ampluon & Zèthus enfans de Jupiter.
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IJ» Pa ü sa n i a s , Liv re II. dont clic ctoit grofle, fur quoi Afius [ i ] fils d’AmphipcoIéme fit les vers fuirons. La charmante Antiope eut pour pere Afopus, Pour amant Epopée, fle Jupiter lui-même ; Pour enfans deux héros, Amphion & Zetus. Mais Homère donne à ces deux jumeaux une naiflanccf i]cncore plus illuftrc[j]avec la gloire d’avoir etc les premiers fondateurs de la ville deThcbcs,diftinguant,comme je crois,la ville baffe de ce que nous appelions la C.tdmée. Quoiqu’il en foit , Lamédon n’eut pas plutôt pris pofleflion du royaume, qu’il fongea à fe marier; il époufa Phéno Athénienne fille de Clytius. Dans la fuite fe voyant attaque par deux puiilans ennemis Archander & Architelc [4] tous deux fils d’Achéiis, il fit venir Sicyon de l’Attique pour lui aider à foutenir la guerre contre eux ; &afîn de le l’attacher davantage, il lui fit epoufer fa fille Zeuxippe. Par ce mariage Sicyon acquit luimême le royaume, & ce fut fous fon rogne que tout le pays changeant de nom fut appelle la Sicyonie, &que la ville qui s’appelloit auparavant Égialée fe nomma [ 5 ] Sicyone. Au
refte les Sicyoniens prétendent que lçur roi Sicyon étoit né non de Marathon fils d’Epopée, m.'ys de Métion fils d’Ereûhée , & Afius eft aufli de cette opinion ; mais Hcfiodc fait Sicyon fils d’Ereéthée , & [6} Ibycus le fait fils de Pclops. [ 1 ] AJîus fils d' Amphiftole'sne. Le bien remarqué qu’il fout lire t .,'« texte dity/ji/. C’cft une énorme foute A%««v, fuivant ce que Paufanias dit decopifte.lifcz donc A/«> au lieu de lui-même dans fes Achaïques, non A'y«r. Lepoete Afius étoit de Samos, il eft Couvent cité par PaufaniasJe par ( 5 ] Se nomma Stctone. C’eft aujourAthénée. Je ne comprend pas com- d’hui Bajilica à trois lieues de Corinment cette faute n’a pas etc remarquée the. Cette ville alors célébré Je remplie de ftatuës Je d’autres monumcns parles interprètes. [1] Une nwjfiince encore fins iSufire. ineftimables, eft à prefent un monceau En ce qu’Homére les foit tous deux de ruines. On n’y compte que trois £Js de Jupiter & d’Antiope, ne don- familles de Turcs, Je autant de Grecs. nant ni l’un ni l’autre à Epopée. Sfon f. 179. [tf] llycus. Ce pocte étoit de Rhc[)]Ave< U glotte, &c. Ce témoignage d’Homére eft tiré du Livre 1 rdc giutn & vivoit du temps de Créfus enrOdyflcc. Le traducteur latin n’a pris viron tfoo ans avant l’Erc Chrétienne. ni le Cens du pocte, ni celui de Paufanias. 11 fût aflâflïné par des voleurs, & il leur [4]Tous deux fils dAcbeus. Le texte prédit que des grues qui palîôicnt par porte, tout deux Acbêensi mais c’cft hazard , vengeraient <â mort, ce qui une foute de copiftci Sylburge a fort arriva > car l’un d'eux quelque temps
Vo y a c e d e Co r in t h e . 159 On convient qu’il laiflà une fille appelléc Chehonophyle, qui aimée de Mercure en eut un fils nommé Polybe j enfuite elle époufa Phi yas fils de Bachus,^lont naquit Andromas. Polybe régnai fon tour, & maria fa fille Lyfianafle àTalaüs fils de Bias Se roi des Argiens. Environ ce temps-là Adrafte chafle d’Argos fe réfugia à Sicyonc auprès de Polybe, & y régna meme apres lui. Mais ce Prince ayant été rappelle dans fa patrie, Janifeus petit-fils de ce Cl y tius qui avoit donné fa fille en mariage à Lamédon, vint de l’Attique, Se occupa le trône de Sicyonc. Il eut pour fucceflèur Pheftus qui pafloit pour fils d’Hcrculc. Pheftus s’étant tranfplanté en Crète par le confeil de l’oracle,çn dit queZeuxippe fils d’Apollon & de la nymphe Syllis lui foccéaa s celui-ci régna jufqu’à fà mort. Après lui Hippolyte fils de Rhopale Se petit-fils de Pheftus obtint le royaume. Agamemnon lui déclara la guerre, & marchoit déjà pour venir attaquer Sicyone,lorfqu’Hippolyte craignant un fi puiflant ennemi prit le parti de fe foumettre. Son fils Laceftadès fut fon fucceflèur. Ce fut fous fon régne que Phalcès fils de Téménus à la tète d’une troupq
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de Doriens fe rendit maître de la ville de Sicyone par for* prife durant la nuit } cependant comme le roi defeendoit d’Hercule, non-feulement Phalcès ne lui fit aucun mauvais traitement, mais il partagea même le royaume avec lui. De. puis ce temps-là les Sicyoniens font devenus Doriens , & ont commencé à faire partie des Etats d’Argos. _ La ville d’Egialée étoit, comme j’ai déjà dit,fituée dans C une plaine. Démétrius fils d’Antigonus la rafa , Se en bâtit une autre [ i"] qu’il joignit à l’ancienne citadelle, &c’eft celle qui fûbfifte aujourd’hui. Les Sicyoniens font à préfent miferâbles, Se fort différens de ce qu’ils étoient autrefois. D’en vouloir rechercher la caufê, c’eft peut-être ce qui ne nous eft pas [ i ] permis ; il vaut donc mieux fe contenter de celle
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après voyant une bande de grues > dit nium , fln^raffe miwre puerorum Xbeen plein marche à fon camarade, ven- giHHin Ibjcum apparet ex fcnpns. [i] Fr bitit une nuire, &c. Pauûta cei vengerejjei d'Ibpcui' Sur ce mot qui fut rapporté au Magiftrat, on les nias pouvoir ajouter que Démetrius apmit en prifon où ils confcflèrent leur pclla cette ville de fon nom Demetnnde. crime, & en payèrent la peine. Les Plutarque le dit dans la viedq ce prince. poefics d’ibyeus étoient auflî liccn[ i] Cerjui ne nmejlpniperim-. Amariculcs que fes mtrurs, témoin ces pa- (?e dit, il neft pai nifé tTen deviner h role* de Cicéron ; maxime vtrb om- nm/ë,mai* ce n’cft ixw le fins de l’auteur.
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i6o Pa u sa n ia s , Liv r e II. qu’Homére donne de la décadence de tant d'autres villes.
Du puiflant Jupiter la volonté fuprême. Ils croient déjà réduits à cet état de foiblcflê, lorfque poqr furcroît de malheur ils furent affligez d’un tremblement de terre qui fit de leur ville une folitude, & renverfa beaucoup de monumens & d'édifices publics qui étoient d’une grande beauté. Le meme accident a ruine plufieurs villes de la Carie & de la Lycie , & l’ilc de Rhodes fur-tout en a été fi fort ébranlée, que la prédiction de la Sybille ne s’eft trouvée que trop accomplie. Sur le chemin de [ i ] Corinthe à Sicyone vous voyez le tombeau [ i] d’un pentathle Meflenien nommé Lycus, quelque puifle avoir été ce Lycus , car je ne trouve aucun Meflenien de ce nom-là qui ait eu l’honneur du pentathle , ni meme qui ait remporté aucun prix aux jeux Olympiques v fon tombeau n’eft qu’un petit tertre. Et à cette occafion je dirai que les Sicyoniens enterrent leurs morts d’une maniéré aflèz convenable. Ils jettent le corps dans une fofle, & le couvrent de terre , ils conftruifent un petit mur qui régne tout à l’entour ; puis ils élevent quatre colonnes qui ’foutiennent un toit fait en forme d’ailes éployées & pan-
chées comme la couverture de nos temples : ils ne mettent aucune infeription fur la fépulture ; mais en rendant les derniers devoirs au mort ils l’appellent Amplement par fon nom fans y ajouter celui de fon pere, enfuite ils lui difent le dernier adieu. Après le tombeau de Lycus au de-là du fleuve Afope vous avez à main droite la ville d’OIympion} à gauche , mais un peu plus avant dans les terres eft le tombeau [ 5 ] d’Eupolis pocte Athénien qui a fait des comédies. En
[i] De Ctnxtbe, &(. C’eft aujourd’hui Ctnutti, ville de la Sacanic ou petite Romaine dans la Morée; c’ctoit autrefois une ville considérable par fon antiquité, fa fituation, fanchcfTesêc fa citadelle que les Grecs appclloient f sicmeenxibe. S. Paul y prêcha l’Evangile , & écrivit deux lettres à l'Eglife qu’il y avoit fondée. Cette ville eft i prefent entre les mains des Vénitiens. [il D’*a fenuthle Afeféx ex. Le mot de - extxtble eft omis dans le texte, il faut k fupplcer, car le fais l'exige.
on appclloit penrxtHe un athlète qui avoit remporté le prix aux cinq fortes d’exercices ou de combats qui compofoient les jeux Olympiques. [;1 Le tomber fExpxlir. II a déjà été parlé de ce poete, l'un des plus confidérablcs de l’ancienne Comédie grecque ; c’eftpourquoi Horace le met en la compagnie de Cratinus & d'Anftophane. Eflti xifxt Cruuuu . Ar.Jfhw'fxx •‘O pm*
fnfix. vm-
avançant
V o v a c f d ê Co r i n t h r.. r6i avançant vers la ville vous trouvez fur le grand chemin le tombeau de Xénodice morte en couche 5 ce tombeau n’eft pas fait comme les autres , car on a voulu qu’il fut orne de peintures , & celles que j’j ai vues font auflï belles qu’il y en ait ailleurs. Plus loin eft le monument cjue les Sicyoniens ont élevé en l’honneur de ceux qui ont péri à Pellene , à Dyme ville d’Achaie , à Mégalopolis, & auprès de Sélafie ; dans la fuite je ferai le détail de toutes ces occafions. Près de la porte on voit un antre où il y a une fontaine i l’eau ne vient point de deffous terre , mais elle coule du haut de la caverne ; auflï l’appellent-ils l'eau [ 1 ] pendante. Dans la Citadelle , je parle de celle de mon temps, il y a un temple de la Fortune, furnommée [2] Acréa , & auprès un autre temple des Diofcures 5 les ftatuës de ces divinitez font de bois dans l’un & dans l’autre. Le théâtre eft au bas de la Citadelle ; fur le devant je vis une ftatuë d’homme qui tient un bouclier , on m’aflura que c’étoit Aratus fils de Clinias. Derrière le théâtre eft un temple dédié à Bacchus , la ftatuë du dieu eft d’or & d’yvoire ; il eft accompagné de Bacchantes faites de marbre blanc : on prétend que c’étoit des femmes confacrées à Bacchus & infpirées par ce dieu. Les Sicyoniens ont plufieurs autres ftatuës qu’ils renferment dans une efpcce de facriftie; mais chaque année durant une certaine nuit ils les tirent de ce lieu pour les porter dans le temple 5 ils allument des flambeaux afin d’éclairer la cérémonie , & chantent des hymnes compofées en vieux langage ; la ftatuc qu’ils nomment le Bacchciis tient le premier rang à cette proceflïon : c’eft une ftatuc qu’ils croyent avoir été confacrée par Androdamas fils de Phlias ; enfuite paroît le Lyfius, autre ftatuë que Phanès, difent-ils , tranfporta de Thebes à Sicyone par ordre de la Pythie; il eft certain que Phanès vint à Sicyone en meme temps qu’Ariftomaque [5] fils de Cléodée ; mais pour avoir négligé d'accomplir un certain oracle, il ne put rentrer dans le Peloponnefe auln-tôt qu’il fe l’étoit propofé.
[1]L'eaupendMire. L’cxptcflïongrecque eft râ^avra • »->a. [1] De U Fortunefurnommée jteréa, parce quelle avoit fon temple au haut de la Citadelle , du mot ««(•> haute , éxaucée. Ttmi 1.
[; ] De Cléodée. Le texte porte, de Cléodamu!-, mais c'eft une faute, il faut lire Cléodée, comme on le verra dans letroifiëmc Livre de Paulânias, chap. 1 J.
* X
x<Î2 P a u s a « i a s , Liv re II. En dcfccndant du temple de Bacchus dans la place on trouve à main droite le temple de Diane, furnommée [i] Limnéa i ce temple eft fi vieux, qu’il n’a plus de toit ; la ftatuc de la décile y manque aufli , & l’on ne put me dire , fi elle avoit etc ttanlportée ailleurs , ou fi elle avoit péri par quelque accident. Dans la place il y a un temple dédié a la Perfüafion, & voici la raifon qu’ils en apportent. Ils difent qu’Apollon & Diane ayant tué le ferpent Python, vinrent à Egialée pour fe faire purifier, mais qu’on leur y fit une fi grande frayeur, qu’ils furent obligez de palier en Crète , & d’avoir recours à Cramanor. En effet on voit à Sicyone un endroit qu'on appelle encore aujourd’hui la Peur. Ils ajoutent qu’auflî-tot la ville d’Egialée fut frappée de la pefte , & que les devins confultez répondirent que ce fléau ne cefl’eroit point , qu’Apollon & Diane n’eufl'ent été appaifez ; qu’en conféquencc de cet oracle on envoya fept jeunes garçons & autant de jeunes filles en habits de fupplians fur le bord du fleuve [2] Sythas; que le dieu & la deefle fe laifTérent fléchir à leurs prières , & qu’ils voulurent bien revenir dans la Citadelle de Sicyone. C’eft la raifon qu’ils donnent pourquoi l’on a confacré ce temple à la Perfuanon dans le lieu meme , difent-ils , où Apollon & Diane s’étoient arrêtez en rentrant dans leur ville. Et encore à prefent ils pratiquent tous les ans la même cérémonie ; car le jour de la fête du dieu ils envoyent de jeunes enfans fur le bord du fleuve , & tirent du temple d'Apollon les ftatuës des deux divinitez pour les porter dans le temple de la Perfuafion, d’où enfuite ils les reportent où elles étoient. Ce temple eft , comme j’ai dit, dans la place, & l’on dit qu’anciennement Proctus l’avoit fait bâtir dans ce lieu , parce que fes filles y avoient été guéries de leur phrénéfie. Ils tiennent pour certain que Méléagre y fufpendit la lance dont il avoit percé le lânglier de Calydon, & qué la flûte de Marfyas y fut aufli contactée 5 car ils prétendent qu’après [j] le malheur qui arriva à ce Silene , fa
[l]De Diane furr.omme'e Limne'a, du nom d’un bourg ou village de la Laconie , appelle Lamne, où Diane étoit particuliérement honorée. [ 2 J Du fleuve Sjihae, C’cft le meme que Ptolémce appelle le Sp. (iJ Quafrèi le malheur <]m arriva
à Marfyae. Le Gtvrc Marfyas fier de (on habileté à joiier de la flûte , ofà défier Apollon, qui l'ayant vaincu , l'écorcha tout vif. Après quoi il fût changé en un fleuve, qui depuis a porte (ôn nom, loyee. OvuL Liv. 6. defer Me'tamorphoja,
Vo y a g e d e Co r in t h e . 165 flûte tomba dans le fleuve Marfyas, que de-là clic pallà dans le Méandre, & du Méandre dans l’Afope qui la jetta lur le rivage, où un berger l’ayant ramafl'ée la confiera enfuite à Apollon j mais toutes ces offrandes ont etc brûlées avec l'ancien temple j celui que j’ai vû & la ftatuc qui y eft, font modernes,& c’eft Pytoclcs qui en a fait la confécration. Auprès du temple de la déefle Pitho ou de la Pcrfuafion il Ch a r. y a un palais deftiné aux Empereurs Romains > c’étoit autre- VIII. fois la maifôn de Cléon le tyran -, car du temps que la ville bafle fublîftoit , Clifthenc fils d’Ariftonymc üc petit-fils [ i ] de Myron s’empara du gouvernement, & Clcon en fit autant dans la ville neuve. Devant fa maifon l’on voit le monument héroïque d’Aratus , de tous les Grecs de fon temps celui qui a fait de plus grandes adions ; en voici quelques-unes. Après la mort de Clcon les principaux de la ville curent une fi furieufe paflîon de dominer, que l’on y vit deux tyrans tout à la fois, feavoir [x] Timoclidas & Euthydeme. Le peuple les ayant enaflez donna le gouvernement à Clinias perc d’Aratus ; mais quelques années enfuite Clinias étant mort, Abantidas ufurpa la fouveraine autorité. Sous fon régne Aratus foit de grc ou de force quitta fa patrie & s’éloigna. Abantidas fut tue par les propres citoyens ; auflî-tôt Pafcas fon perc fe mit à fa place, mais Nitoclès le fit périr, & s’empara lui-même du gouvernement. Ce fut alors qu’Aratus conçut le deflein d’être le libérateur de fa patrie ; pour cela il ramafle tout ce qu’il peut d’illuftres exilez comme lui, il levé quelques milices à Argos, & s’etant approché de Sicyone durant la nuit il furprend une partie de la garnifon, force l’autre, & entre dans la ville. Le jour venu il fe met à la tête des peuples, court au palais de Nicoclès, &s’cn rend le maître fins beaucoup de peine. Cependant le tyran lui échappe & fe fauve > dès qu’Aratus le voit en fuite, il remet le gouvernement entre les mains du peuple , fait rendre aux
[i] lit frtit-fih de A'jntt. Le texte dit de Pirrhtni mais c’eft Mywtt qu’il faut lire d’après Hérodote dans fon Erato, fc d’après Paulântas meme au Liv. a des Eliaqucs.
[x] Siavoir Timctlidm c~ F.xthideme. Plutarque dans la vie d’Aratus, dit que le peuple fit choix de Timoclidas & de Clinias pour leur donner le gouvernement de l'Etat. Xij
It>+ Pa u sa n ia s , Liv r e II. exilez tout leur bien , maiions & terres, en paye [ i ] le prix . ceux qui les avoient achetez, lâcisfait tout le monde, & pacifie la ville qui un moment auparavant ctoit pleine de difeor-
dcs. Les Macédoniens croient alors formidables à toute la Grèce fotfs l'autorité d'Antigonus tuteur du jeune Philippe fils de Demetrius. Aratus engage fes compatriotes tout Doriens qu'ils croient à s'unir avec les Achcens, & à envoyer des députez aux Etats d’Achaïe. A ces Etats il eft déclaré Gcncralillîme, & aulfi-tôt il marche contre [1] les Locricns d’Amphiilê, entre dans le pays des Etoliens, & y exerce toute forte d'hoftilitez. Corintne avoit etc obligée de recevoir garnifon Macédonienne, Aratus entreprend de l’en délivrer ; il attaque les Macédoniens fans leur donner le temps de fe reconnoître, les défait & tue Perfée leur Commandant qui avoit été difciple du philolophe Zenon fils de Mnafee. Corinthe ayant ainfi fecoüc le joug, les Epidauriens, lesTrcezéniens qui habitent le long des cotes d’Argos, les Mégaréens 3ui font au de-là de l’ifthme , tous ces peuples entrèrent ans la ligue d’Achaïe, ce qui détermina Ptolcmce à y entrer lui-même. Sur ces entrefaites les Laccdemoniens fous la conduite de leur roi Agis fils d’Eudamidas, prennent Pellene d'emblce ; Aratus y accourt, livre bataille aux Lacédémoniens , les met en fuite, les pourfuit, traite enfin avec eux, & les oblige à abandonner leur nouvelle conquête, & à s’en retourner dans leur pays. Ce grand homme après avoir réglé les affaires du Pcloponncfe avec tant de fuccès, ne crut pas devoir fbuflrir que les Macédoniens fullènt plus long-temps les maîtres du Pirée,de Munychie, de Salainine, & de Sunium ; car ils avoient des garniions dans toutes ces places. Comme il n’étoit gucres polîible de les en dcloger par la force , Aratus gagna Diogene qui commandoit dans ces portes, & l'engagea à les rendre moyennant [5] cent cinquante talons, dont Aratus lui-même donna la fixicme par-
[t] En fnye le frix, &e. Cicéron au fécond livre de lés offices, dit que PtolcmcePhiladclphcaidoit Aratus& lui foumiifoit de grofles tommes pour I. mettre en éut d exécuter les defléins. [ 1] Centre 1er Lee tient (f.lmfMe. Cctoicnt les Locricns Choies ; leur ville capitale s’appclloit AmphùTc a
caufe qu'elle croit toute entourée de montagnes. Stepbjnnr de xrbibxr. [5] Mifennent (tnt ànrfannte ulent. U n’cft pas aile de déterminer au jufte la valeur du talent, parcequ’il y avoit le grand & le petit talent. Le fo*vantBudc examine cette queftion dans fon traité de nfe. On évalue ocdinai-
k
Vo y a g e DE Co r in t h e . itfÿ tic aux Athéniens. Ilperfuada aulfi à Ariftomaque qui s’étok fait tyran d’Argos, de rendre aux Argiens leur liberté. Mais l'homme ne réùflit jamais dans toutes fes entreprîtes,Antus en eft un exemple ; car dans la fuite il fut lui-même force de faire alliance avec les Macédoniens ,& voici comme cela arriva. Ck’oménc fils de Léonidas & petit-fils de Clconyme ne fe vit ______ pas plutôt le maître à Sparte qu'il voulut imiter Paufanias , te faire c h comme lui le tyran de fon pays & le mettre au-deflus des loix. <xPlus entreprenant que Paufanias & moins craintifil fe lailla emporte t à fon audace naturelle,& ne tarda gucres à exécuter tous fes deffeins; car ayant gagné les [i] Ephorcs, il empoifonna par leur moyen Eurydamidas encore enfant, mais qui [2] régnoit conjointement avec lui. Après ce crime il tranfporta la couronne à Euclidas [j] fon propre frère; enfuite il dépouilla les Sénateurs de leur autorité, en créa d’autres [4.] fous un autre nom, & leur lailla feulement un vain titre. Bicn-tôt après, fon ambition le portant à de plus grandes chofcs, & meme a fubjugucr toute la Grèce, il déclara la guerre aux Achéens, foir qu’il crût qu’après les avoir fournis il les feroit alternent entrer dans tes vues, ou qu’il voulût feulement les empêcher de s’oppofer à fes defleins. Les ayant donc attaquez auprès de Dyme [y] ville au-deflbus de Patras, il les battit, & remporta une grÿule viftoirc fur eux. Les Achéens avoient pour Général Aratus, qui dans cette conjonélure voyant que tout étoit à craindre pour la caufe commune , &en particulier pour Sicyone fa patrie, ne balança pas à implorer le fecours d’Antigonus. Cléomcne venoit d’irriter cc prince en violant ourement le calent Afrique à mille écus de notre monnoyc, quoiqu’il fût un peu att-dcflôus. Ainfi cent cinquante ralcns faifoient environ cent cinquante mille «.eus. [ 1 ] Let Efhtret. Les Ephorcs à Sparrc étoicnt les Allefleurs & le Conlcil du roi. Ils furent inflitucz par Théopomoc , leur nombre n'étoit que de cinq. L’auteur en parlera lui-même dans fon voyage de Sparte. [il Man <7*1 regntit conjointement ctveclm.W y avoit toujours deux rois à Sparte, & par conléquent deux familles régnantes ; il «1 fera parlé fort Ttme l.
au long, dans le troiliéme Livre. f ; ] Endid.ii fon proprefrtre. Le texte dit Ftnclidai ; mais Polvbc & Pltarque dilent toujours Eaclidat. [4] En crin ttantree font un antre r.cm. Sous le nom de «t ( •>•/<•>, tuteur1 dit Lmx dn fajt. [ 5] de Patrat. Atnalêc s’elt trompe encore ici, en prenant la ville de Fatras pour l'heritagt paterneld'Aratus. L'auteur- ne pane pas dn champ d'Aratus, mais de la ville de Patras ,qui étoit une ville conlidérablcde l’Achatc , & qui aujourd'hui a le fort de toutes les autres villes de la Grèce. • X iij
166 P A U S A N I A 8 , L I V R F. I T. vertement le Traite de paix qu’il avoit fait avec lui , & furtout en chaflant les Mégalopolitains de leur ville i c’cft pourquoi les Achéens n’eurent pas de peine à l’attirer dans leur parti. Des qu’ils le virent entré dans le Péloponnefc , ils fe joignirent à lui , & marchèrent contre Cléomene qu’ils défirent entièrement ; enfuite profitant de leur victoire ils faccagèrent Sélalie , & prirent même Lacédémone. Après cette expédition Anrigonus [i] & les Achéens rétablirent à Sparte le gouvernement républicain. Quant aux enfans de Léonidas . tel fut leur fort. Euclidas périt dans le combat ; pour Cléomene , il le retira en Egypte auprès de Ptolémée , dont il fut bien reçu ; mais peu de temps après ayant voulu foulever les Egyptiens contre leur roi, il tut arreté & mis en prifon , d’où pourtant il fe i'auva & s’enfuit à Aléxandric. Là ayant excite de nouveaux troubles , comme il fe vit fur le point d’être pris , il fe poiguarda lui-même , & finit ainfi fes jours. Les Lacé^pmoniens [ 2 ] ne furent pas fâchez de là mort qui les délivroit de la fervitude > [ 3 J ils ceflerent d’être gouvernez par des rois , & à cela près ils confervérenr la même forme de gouvernement qui fubfifte encore aujourd’hui. A l’égard d’Aratus , Antigonus l’honora toujours de fon amitié , & lui témoigna toute £cftime & la reconnoiflance que méritoient les grandes aftions & fes fervices ; mais Philippe étant venu à régner, il ne trouva pas bon qu’Aratus fe mêlât de blâmer la maniéré impérieufe dont il gouvernoit .les fujets , ni qu’il s’oppolàt à bien des chofes qu’il fàifoit fort inconfidérément ; de forte que lafle de fes remontrances il fit empoifonner ce grand homme , qui ne lé défioit pas d’une pareille lâcheté. Aratus mourut [4] à Egion, & fon corps fut porté à Sicyone , où l’on lui érigea un monument héroïque, qui fubfifte encore. Philippe en ulà de même à l'égard d'Euryclidc & de Micon, deux orateurs d'Athènes qui avoient [t’J^M^wu/^/ejAcbeeM.AmiCéc ni pas pris garde qu’au lieu de *x««r«» il faut lire Àx»<>/, yfchrvt , ce qui l’a jette dans un conrrc-lcns. [1] Let Lacêdeh-Mieut ae fureur put fuebez de /a nierr. Polybe Liv. 4. dit au conrrairc que Cléomene étoit fon aimé des Lacédémoniens, ce qui pour,unt ne s’accordej’ucres avec ia peinture
que Paufanias fait de ce prince. [ 1 J lit ceffereiH d'être gnveruez pur der rtu. Polvbc plus digne de fui qde Paulîknias , en qualité d'hiftoricn , compte encore deux rois de Sparte aptvs cet événement, fçavoir Agefipolis & Lycurgue i c’cft dans fon 4. Livre, (4] ri £/»•». C’étoit une ville <lc l'Àclu'.c proprement dite.
Vo y a g e d e Co r in t h e . 167 beaucoup de crédit fur l'cfpric du peuple ; il le dcfic d'eux par le poilon. 11 ne fçavoit pas [ 1 ] qu'unchagrin mortel devoir un jour lui lcrvir À lui-même de poifon ; ce fut neanmoins ce qui arriva , car de deux fils qu'il avoir, Perlée [ 1 j le cadet empoilônna Ion frère Démétrius,& Philippe en fut fi touche qu'il mourut de chagrin , ce que j'ai voulu rapporter pour montrer combien eft véritable cette lentencc d’Hefiode. que quiconque trame une méchanceté contre autrui, s'expoie à la voir retomber lur lui-même. Après le tombeau d’Aratus on trouve un autel dédie à Neptune Ifthmien. On voit aufli deux ftatuës, l’une de Jupiter [3] Melichius, l'autre de Diane Patroa , toutes les deux fort groflîcres & fans art ; la première eft faite en forme de pyramide,& l'autreeft taillée comme une colonne. Au même endroit il y a un Sénat & un portique qui porte encore le nom de Clifthene fon auteur; car c’eft Clifthcne qui l'a fait bâtir, & il l'a enrichi des dépouilles qu'il avoit remportées fur les ennemis dans la guerre qu'il fit conjointement avec [4] les Amphictyons contre [ 5 ] les Cirrhéens. Au milieu de la place publique il y a unlupiter en bronze fait par Lyfippc, & auprès une ftatuc de Diane qui eft toute dorée. Aux environs on voit un temple d'Apollon Lycéüs ; ce temple tombe en ruines, & n'a rien qui ioit digne de curiofité. Quant au furnom du dieu, voici la railon que l'on en donne. On dit que les loups devenus plus furieux qu'ils ne font d'ordinaire, fe jettoient fur les troupeaux & les devoroient fans qu'on pût les en empêcher} qu'Apollon indiqua aux Sicyoniens une cfpece de toute la nationGrccque; ils s'aflêmbloient deux fois l'an, tantôt auxTermopylcs , tantôt à Delphes, pour y régler les affaires publiques. Pauûnias en parle ailleurs fon au long. Voyez les me moires de l'Académie des belles Lettres tome j' vous y trouverez une duTettation de M. de Valois fiir les Amphiéhrons. [ j j Contre 1er Cirrbt'em. Le texte dit f;] De Jupiter Afelichim. C'eft-à- *i« a (antre Saron. C'eft une dire, le ben, le debonnnire, du verbe méprifeducopiftc,il fuit lire contre Cjrrbtt, qui étoit une ville de h [4] Avec 1er Ampbi/lron'. Les Am- Phocidc. phlâyons étoient les Juges fouvetaixu [1] /Ineffevoftperinuneh^rinmortel, crc. Amaféc n'a pas entendu 1 ex-
preflion de Paufanias qui eft fort belle s il fait mourir Philippe de poifon contre la vérité de lliiftoire. [1] Perféele endet. Tire-Live L. »9, raconte au long cette hiftoire, le dit que Perlée étoit l'aîné des deux frètes; auquel cas il faudrait lire ptnr
P a u s a n i a s , Liv r e II. de bois fcc, dont l’ccorcc mêlcc avec de la viande faifoit mourir les loups, qu’ils pratiquèrent cc remede, & que les loups moururent tous} ils conservent encore de ce bois dans le temple, mais aucun d’eux,meme de ceux qui font les plus verfez dans l’hiftoirc de leur pays ne fçait de quel arbre eft cc bois. Près de-là vous voyez plufieurs ftatuës de bronze
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Cha t . X.
rangées de fuite, ils croyent que cc font les filles de Prcctus} cependant fi l'on en juge par l’infcription , cc font d’autres femmes. J'ai vû là aufii un Hercule en bronze de la façon de Lyfippc excellent ftatuaire de Sicyonc , & un Mercure Agoréüs. Dans le lieu d'exercice qui eft près du marché il y a un Hercule en marbre, c’eft un ouvrage de Scopas ; le temple du dieu eft ailleurs. Toute l’enceinte de cette efpece d’Academie eft deftinée aux exercices qu’apprennent les jeunes gens, aufii ne l’appcllcnt-ils point autrement que legymnafc. Au milieu eft le temple d’Hcrculcj on y voit une ftatuc de bois d’un goût antique, & c’eft [ i] Laphacs de Phliafjc-qui l’a faire ; Hercule y eft honoré d’uç culte tout particulier. On raconte à ce fujet que Phcftus étant venu à Sicyonc , il remarqua que les Sicyoniens honoraient Hercule fimplcmcnt comme un héros, & fe contentoicnt de faire fon anniverfairc; il le trouva mauvais, &il ordonna qu’à l’avenir ils lui facrifieroient dans les formes. Depuis cc temps-là ils égorgent un agneau,& en font rôtir le ventre fur l’autel ; ils mangent une partie de la victime fuivant l’ufage des facrifices, & offrent l’autre à Hercule comme à un héros ; de forte qu’il eft révéré aujourd’hui comme un dieu & comme un héros. Ils ont inftitué en fon honneur deux jours de fête, dont ils appellent le premier l’Onomate, & le fécond l’Héraclée. Du temple d’Herculc on va à celui d’Efculapc * dans le parvis de celui-ci on trouve à main gauche deux chapelles qui fe joignent, dans l’une eft la figure du Sommeil , mais il n’en refte plus que la tête -, l’autre eft confacrée à Apollon , Sc il n’y a que les prêtres du dieu qui ayent pcrmifiîon d’y entrer. Sous le portique qui eft devant le temple on conferve un os de baléne d’une grandeur prodigieufc. Derrière eft la figure du Songe , & tout auprès celle du Sommeil qui endort [ i ] Ltpbt -t de Phlujit. Cet ancien ftatuaire n’cft connu que par les écrits de Pauûnias.
un
Vo y a g ï Di Co r in t h e . 169 un lion, ils donnent à celle-ci [ 1 ] le furnom d’Epidotfej. A l’entrée du temple vous voyez d’un côté une ftatuë de Pan affis, de l’autre une Diane qui eft debout. Dans le temple ce qui s’oft're d’abord à vos yeux, c’cft un Efculape, mais lans barbe ; cette ftatuë eft d’or & d’yvoire, & c’eft un ouvrage de [1] Calamis ; le dieu tient d’une main un Iceptrc, de l’autre une pomme de pin. Les Sicyoniens difent que ce dieu leur eft venu d’Epidaure fous la forme d’un dragon, dans un char attelé de deux mulets, & conduit par Niccgore Sicyonienne, merc d’Agaficlès & fcmm.e d’Echetimus. Pluficurs autres ftatucs de grandeur médiocre font fufpcnduës à la voûte ; il y en a une entre autres qui eft affile fur un dragon, & qui fi l’on les en croit, repréfente Ariftodama la merc d’Aratus, qui félon eux eut pour pere Efculape; c’cft tout ce que ce temple contient de remarquable. Celai de Venus n’en eft pas loin; la première ftatuë que l’on y trouve eft celle d’Antiope ; car ils prétendent que les enfans d’Antiope étoient originaires de Sicyone, que pour cela leur mere vint s’y établir, & fe regarda toujours comme liée de confanguinité avec les Sicyoniens ; perfonneau refte n’entre dans le temple de Venus,excepté une femme qui en qualité de facriftine s’oblige à n’avoir point de commerce avec fon mari, & une jeune vierge qui en eft la prêtreflè , & dont le facerdoce ne dure qu’un an-, fa fonftion eft d’apporter les cuvettes & les vafes néceflàires au facrifice , d’où elle prend [5 ] fon nom. Les autres peuvent voir & adorer la décile du feuil de Ja porte, mais fans entrer plus avant. La déeflè eft affife 5 c’cft [4] Canachus de Sicyone qui a fait cette ftatuë ,1e meme qui a fait l’Apollon Didymccn pour la ville de Milet, & l’Apollon Ifménien pour celle de Thcbes. La Venus dont je
(1] Le furnom dT.pidotif. Comme «jm dirait, qui tfdoiicfr , ou bien, qui augmente, qutgroffit, du mot mMu/a, ; ainfi ce furnom convient fort âu (ommcil, qui a l'une & l’autre propriété. fa] Fr c'efl un ouvruge de Cohtmti. Calamis étoit ftaruaire & graveur ; il réu/TifToit particulièrement aux chevaux. Cicéron dans fon traite des Orateurs iilufttes dit en parlant de ce ftatuairc, Cnhmidti dum lût quidem, fed Tome. J.
t/tmen moüioru qusm Cnmtchi. Il ctoit
au-dcflùs de Canachus, & au-deflbus de Myron. [}] D'où elle prend fon nom. Ce nom en grec cil comme qui dirait porte-cuvette. (4] Ceft Cnnocbus de Sicjont, dyt. Selon Pline Liv. ;6,chap. ;, ce ftatuairc floriflôit en la 95" Olympiade; il ctoit frere d’Ariftoclcs qui ne lui eedoit guércs en habileté. Les ouvrages de Canachus étoient fort cflitncz. Y
t7« Pa u sa n ia s , Liv re II. parle eft d'or & d’yvoire ; elle a fur la tête une cfpecc de couronne terminée en pointe qui rcprcfcntc le Pôle : elle tient d’une main un pavot, Se de l’autre une pomme. Ils lui offrent en fâcrificc les cuiflcs de toute forte de vidâmes, à la referve du porc qui ne lui cft pas agréable j les autres parties de la vidime fe brûlent avec du bois de genièvre ; mais pour les cuirtès, on les fait rôtir avec des feuilles [ i ] de péderos. C’eft une plante qui croît à l’air aux environs du temple, & nulle part ailleurs, ni même dans aucun autre lieu de la Sicyonie. Scs feuilles font plus petites que celles du hêtre, plus grandes que celles de l’ycufc , de la même figure que les feuilles de chêne, noirâtres d’un côte , blanches de l’autre , en un mot pour la couleur artêz fcmblables aux feuilles du peuplier blanc. De-là on parte dans un lieu d'exercice, Se en y allant on trouve fur la gauche le temple de Diane Phéréenne ; la ftatuë de la décile eft de bois : on dit qu’elle a été apportée de P hères, d’où elle a pris fon nom. Pour le lieu d’exercice, c’eft Clinias qui l’a fait bâtir, & les jeunes gens y font inftruits.encore aujourd’hui; on y voit une ftatuë de marbre blanc dont le haut eft un bufte de Diane, SC le refte repréfente un Hercule de figure quarréc, comme ces Hermès ou Mercurcs qui font fi communs. ;HAP Si vous prenez votre chemin du côté de la porte qu’ils XI. appellent lacrée, vous verrez auprès de cette porte un temple de Minerve qui fut autrefois confacrcpar Epopée,&qui foit pour la grandeur, foit pour la magnificence l’emportoit de beaucoup fur tous les édifices de ce fiécle-lâ ; mais le temps n’a épargné que fa réputation , car ce temple a été brûle par le feu du ciel , Se je n’y ai vù qu’un feul autel que la foudre n’ait pas endommagé , Se qui fûbfifte dans le même ctat qu’il croit du temps d’Epopée. Devant cet autel eft la fépulture du héros ; auprès de fon tombeau l’on a rangé les ftatucs de ces dieux que l’on nomme [i] Prefcrvateurs, aufquels les Sicyoniens font des facrifices avec les mêmes cérémonies que les Grecs ont accoutumé de pratiquer pour détourner d’eux les maux qu’ils appréhendent. On trouve enfuite deux temples, l’un bâti, à ce qu’ils difent, par Epopée
[ i ] Avec deifeuillet de fédém. Pline Liv. il,ch. )4>dit que le pe'de'm eft une elpccc de branche urfinc, en latin Tfcuxtbui.
[x] gue Fou nomme Préfenuteun. 8uf, jfvemuci.
Vo y a g e d e Co r in t h e . 171 en l’honneur de Diane & d’Apollon , l’autre bâti & Confacré à Junon.par Adrafte s il ne relie aucune ftatuc ni dans l’un ni dans l’autre $ mais au fond du temple de Junon le meme Adrafte a clevé deux autels, dont l’un eft dédie à Pan , & l’autre au Soleil. En defeendant du côte de la campagne on rencontre le temple de Cerès j ils aflurent que c’eft Plemnét qui l’a confacré en aâion de grâces de ce que la déeflê avoit bien voulu nourrir & élever Ion fils. Du temple de Junon bâti par Adrafte il n’y a pas loin à celui d'Apollon Carnéen, dont il ne relie prclque rien autre chofe que quelques colonnes ; les murs & le toit ont été détruits par le temps , & il en eft de meme du temple de Junon Prodomie que Phalcès fils de Témcnus confacra autrefois pour avoir la dcellê favorable dans Ion cntrçprife contre la ville dé Sicyone. Quand on va de Sicyone à Phliunte, fi l’on fc détourne d’environ dixftades,on trouvera fiir la gauche le bois de Pyrce, c’eft ainfi qu’ils le nomment, &c dans ce bois un temple , l’un & l’autre confacré à Cerès [ 1 ] Proftafie & à Prolcrpine. Pour célébrer la fête de ces divinitez les hommes ont un lieu fcparé, & les femmes un autre -, on a accordé à cellesci une chapelle dédiée aux Nymphes pour y faire leurs fâcrifices j cette chapelle eft ornée de plufieurs ftatuës dont on ne voit que le vifage, on fijait pourtant qu’elles rcprcfentenc Bachus, Cerès, & Proferpine. Le chemin qui mené à Titane eft de quelques foixanteftades ; il eft fort étroit, & à caufe de cela peu commode pour les voitures. Si je m’en fouviens bien, quand vous avez fait vingt ftades, & que vous avez pafle l’Afope qui eft à gauche, vous trouvez un bois fàcré fort épais où il y a un temple dédie à ces déefles que les Athéniens appellent du nom de Sévères, & les Sicyoniens du nom d’Eumcnides. Ils obfervent tous les ans un jour de fête en leur honneur j ils prennent pour victimes des brebis pleines & les immolent} ils ufent d’hydromel dans leurs libations, & au lieu de couronnes ils employent des fleurs détachées 5 ils honorent à-peu-près de même les Parques qui ont leurs autels à découvert dans ce bois. Si vous repaflez l’Afope, & que vous repreniez le grand chemin, vous ferez bien-tôt au haut d’une montagne où les . gens du pays difent que Titan faifoit autrefois l'a demeure, [1] Ctrèi Pnfttfîe, ou prltc à fecturir.
Yij
ljl P A US A N I A S, L I V R E 11. ils croyent qu'il étoit frere du foleil, fie que de fon nom cc lieu a etc appellé Titane. Pour pioi je m'imagine que ce Titan ctoit un homme appliqué à étudier leslailôns, pour fçavoir en quel temps il falloir femer fie planter, quel degrc de chaleur ou quel afpcct du foleil eft néceflaire pour l’accroillcmcnt fie pour la maturité de chaque fruit ; c’clt apparemment ce qui a donné lieu de dire qu'il étoit frere du’loleil. Quoiqu’il en foit, quelque temps apres lui Aléxanor fils de Machaon & petit-fils d’Efculape vint en Sicyonie, fie bâtit à Titane un temple en l’honneur d’Efculape. Ôn a planté à
l'entour un bois de cyprès qui eft prefentement fort vieux j les environs du temple font habitez par plufieurs perfonnes, fie fur-tout par les miniltres du dieu. Quant à la ftaruc qu’on y voit, nul ne fijauroit dire de quelle matière elle eft, ni qui l’a faite, fi cc n’eft Aléxanor lui-même ; elle eft couverte d’une tunique de laine blanche fit d’un manteau par-deflus , de forte qu’il n’y a que le vifage, les mains fit le bout des pieds qui paroiflent. IL en eft de même delà ftatuc d’Hygeïa qui eft auprès, car on ne la voie pas facilement, tant elle eft cachée foit par la quantité de cheveux dont quelques femmes dévotes lui ont fait un facrifice, foit par les morceaux d’etoffe de foye dont on l’a parée. Quiconque entre dans ce temple pour y faire fa priere eft obligé d’adreflèr enfuite Lès vœux à la déefle Hygeïa. Aléxanor fie Evémérion ont aufii là leurs ftatuës ; tous les jours apres le coucher du foleil on honore la mémoire du premier, comme d’un héros, fie l’on rend des honneurs divins à l’autre. Cet Evémérion, fi je ne me trompe dans ma conjecture, eft le meme que les Pergaméniens autorifez par un certain oracle nomment [ i] Tclelphore, fie les Epidauriens Acéfius. Je ne dois pas omettre une ftatuë de la décile [ i ] Coronis : elle n’cft pas expofee aux yeux du public j mais apres qu’ils ont facrifie au dieu avec les victimes ordinaires , qui font le taureau, l’agneau fie le porc , ils tirenc cectc ftatuë du lieu où l’on la garde, ils la portent dans le temple de Minerve, fie là ils lui rendent leurs hommages. Du relie ils ne fe contentent pas de couper les cuilTes des victimes , comme dans les autres facrifices, mais ils font rôtir à
[ i ] Ttlefphore. Nous avons des me- le revers, & il y en a fur-tout une au dailles d’Hadrien frappées à Petgamc, cabinet du toi. où le dieu Tclcfphorc cil reprefente fur [ a ] Z.x dctJit Cirnii. Il en fera parlé ailleurs.
T
V Oy a G e
DE Co r in t h e .
173
terre les viàimes toutes entières, à la referve des oifeaux qu'ils brûlent fur l’autel. Au haut du temple fur le fronton
vous voyez un Hercule, & dans les angles, des ftatuës de la Victoire. Le portail elt aufTi orne de plufieurs ftatuës : vous y voyez. Bachus, Hécaté, Venus, Cerès & la Fortune -, toutes ces ftatuës font de bois, mais le dieu en a une de marbre fous le nom d’Efculape [ 1 j Gortynien. Les dragons facrez que l’on nourrit dans le temple font d’abord quelque frayeur 1 ceux qui y entrent j mais, en leur jettant à manger on les appaife, & l’on n’a plus rien à en appréhender. Au-dehors & dans le parvis du temple j’ai vû une ftatuc de bronze d’un certain Granianus de Sicyone, qui aux jeux Olympiques remporta deux fois le prix du pcntathle, une fois celui de la courte, deux fois encore celui du double ftade 5 la première en courant tout nud, & la lèconde en courant avec Ion bouclier. Il y a aufli à Titane un temple de Minerve, où comme j’ai dit, on porte tous les ans4û ftatuc de Coronis; celle de Minerve eft de bois & fort ancienne : on die que cette derniere a été frappée de la foudre. ______ En defeendant du haut de la montagne, car le temple dont Cha t . j’ai parlé eft tout en haut, on trouve un autel confacré aux XII. vents, à qui une certaine nuit de chaque année un prêtre fait des fâcrifices ; il pratique aufli autour de quatre fofles je ne fçai quelles cérémonies fecrettes, propres à appaifer la fureur des vents, & il chante en même temps quelques vers magiques , dont l’on dit que Médée fc fervoit dans tes enchantemens. Si vous prenez le chemin qui mene de Titane à Sicyone le long du rivage, vous verrez à gauche un temple de Junon qui n’a plus ni toit ni ftatuc s on croit que ce temple fut autrefois confacré par Prœtus fils d’Abas. Plus loin en tirant vers le port des Sicyoniens, fi vous vous décournez un peu pour voir Its Arijionautes, c’eft ainfi que l’on nomme l’arfenai de Pellene, vous trouverez à gauche & prefque fur votre chemin un temple de Neptune. Mais fi vous prenez le grand chemin entre les terres, vous ne ferez pas long-temps îans côtoyer l’Eliflbn & enfuitc le Scytas, deux fleuves qui vont tomber dans la mer. Le pays des Sicyoniens eft borné de ce côté-là par la Phliafic, dont la capitale Phliunte eft .1
quarante ftades de Titane. [ jj fy EfcuUfe Gtrtjmn. Ainfi appclld du nom de 1a ville de Gorty nc dans l’ilç
174 Pa u sa h ia s , Liv re II. De Sicyone à Phliunte le chemin eft tout droit. Les Phliafiens ne font point Arcadiens de nation, cela eft évident par un endroit d’Homcre où ce poète fait le dénombrement des Arcadiens fans y comprendre les Phliafiens. Aufli du com-
mencement étoient-ils Argiens, & ils devinrent Doriens apres le retour des Héraclides dans le Peloponncfê, comme on le verra par la fuite même de cette biftoire. Or comme je n'ignore pas que les opinions font fort partagées fur l’origine de ces peuples, je ne rapporterai ici que les chofes qui paflêne pour les plus confiantes. On allure donc qu’il y eut autrefois dans cette contrée un certain Aras originaire du pays, qui bâtit une ville fur une hauteur appellée encore aujourd’hui le mont Arantius, & qui n’eft pas éloignée d'une autre colline où les Phliafiens ont encore une citadelle & un temple conlâcré à Hebé. Il choifit ce lieu pour y bâtir une ville, & de fon nom la ville & le pays étoient anciennement appeliez Arantia. Ce fut fous fon régne qti’Afop'e qui, à ce que l’on dit, étoic fils de Neptune & de Céglufë, découvrit la fource de ce fleuve [ i ] qui de fon nom a été appellé l’Afope. Le tombeau d’Aras fe voit encore à prefent à[i] Célée , où l’on montre auflî la fépulture de Dyfaulès d’Eleufis. Aras eut pour fils Aoris, & pour fille Aréthyrée. Les Phliafiens difent qu’ils furent l’un & l’autre grands guerriers & grands chaflêurs-, Aréthyrée étant morte, fon frere Aoris pour faire honneur à la mémoire de fâ fœur voulut que tout le pays portât le nom d’Arétyrée , & Homère a parlé de ce pays fous ce nom-là, en faifant le dénombrement des peuples qui fuivoient les enfèignes d’Agamemnon,
Tous foldats aguerris de la fertile Ornée, Ou du pays voifin l’heureufe Aréthyrée.
[i] De et fleuve qui de fon nom u été uppeUé rAfope. Voilà deux Afopes,
l’un fleuve, l’autre un homme qui donne fon nom au fleuve. Il en étoit de même du fleuve Inachus, du fleuve Marfyas, & de beaucoup d’autres. Quand donc on lit dans les mythologues, même dans les hiftoriens, qu'Egine & Theb.-, par exemple, croient filles de i’Afope,il fuit entendre qu'elles croient
filles de cet Afope qui donna fon nom à un fleuve c’eft ainfi que dans les fables les plus extravagantes il y a toujours une vérité cachée, &quc l'hiftoire fâbulciilê a quelque fondement pour qui fcait le chercher. (a J A Célée. Le texte dit Célenei l mois c’eft Celée qu’il faut lire; la foite le prouve allez comme on verra.
Vo y a g e d e Co r in t h e . 177 Je crois même qu'il ne faut pas chercher la fépulturc des en-. rans d’Aras ailleurs qu’au mont Arantin 5 car dans le temple de Cerès qui eft fur une hauteur il y a encore des colonnes fort remarquables & fort belles, vers lefquclles lesPhliafiens, avant que de célébrer les myftéres de la déclic, ont coutume de fe tourner en mêlant le nom d’Aras dans leurs chants, &: en appellant lès enfans comme pour les inviter à aflîftcr à leurs libations ; d’où l’on peut railbnnablcment conjecturer que c’eft-là le lieu de leur fépulture. Phlias fut le rroificme qui dans la fuite donna fon nom à cette contrée ; je ne puis croire au’il ait eu pour perc [ 1 ] Céfus fils de Tcménus comme le dit l’hiftoire des Argiens ; car je fçai qu’il palfoit pour fils de Bachus, & qu’il fut un de ceux qui s’embarquèrent fur le navire Argo ; le pocte [1] de Rhodes en rend témoignage par ces vers,
Phlias l’illuflre fils du puilTant Dieu Bachus Plein d'ardeur accourut des rives d’Afopus. Je fuis perfuadé aufli que fa merc fut Aréthyrée , & non Chthonophyle, qui étoit plutôt fa femme, & dont il eut un fils nommé Ândrodamas.
Après le retour des Héraclidcs tous les peuples du Pelo- Ch a ». {lonnefe fe trouvèrent dans le trouble & la confufion, excepté XUL es Arcadiens 5 tous les autres furent obligez de recevoir garnifon Dorienne dans leurs villes, ou fe virent chaflez par de nouveaux habitansqui prirent leur place. Dans cette révolution prcfquc générale voici ce qui le pafla à Phliunte. Rhcgnidas Dorien, fils de Phalcès & petit-fils dcTéménus, après avoir traverfé l’Argolide & la Sicyonie vint camper devant Phliunte. Avant que de faire aucune hoftilité il propofâ aux habitans de lui déférer le royaume, & d’aflîgner aux Doriens qui étoient venus avec lui des terres pour leur fubfiftance ; qu’à cette condition il laiflèroit la ville en paix & en liberté. La plus grande partie du peuple écoutoit ces propofitions , mais Hîppafus s’y oppofa avec ceux de fa faction, difant qu’il
[ 1 ] CéÇm fih de Téménus. Il eft ainfi meurct à Rhodes, ce qui lui fit donner nommé dans la fuite pat l'auteur me- le nom d'Apollonius de Rhodes. Il fut me ; lifcz donc , & non pas k «’«v . bibliothécaire de la fâmculc bibl iothe[11 Le ftétt deRhode-.. Ce poète clWBquc d'Alexandrie après Eratoflhene; Apollonius-,il étoit d'Alexandre, mais nousavonsde lui un poeme fut les Art'y étant fait des ennemis, il alla de- gonautes.
x-j6 PAUSANIAS, LlVUl II. étoit honteux d'abandonner fans coup férir de riches hérita.' ges à ces etrangers} cependant ie peuple fuivit un parti tout contraire. Cet Hippafus fut un des ancêtres de ce grand homme que l'étude de la fageflê a rendu fi célébré, [ i ] PvthagorC; car ce philofophc naquit de Mnéfarque qui étoit fils d’Euphron & petit-fils d'Hippafus. Voilà ce que les Phliafiens ra.
content eux-mêmes des antiquités de leur pays, &les Sicyoniens conviennent d’une bonne partie; jepaflè maintenant à cq qu’il peut y avoir de remarquable ou de fingulier chez eux. On voit dans la citadelle un bois de cyprès, & dans ce bois un temple qui a etc en grande vénération de tout temps, la deeflê a laquelle il eft confacrc étoit appellec par les Anciens [i] Ganymede , ceux qui font venus depuis l’ont nommée riche. Homère au troifiéme livre de l’Iliade où il décrit le combat de Paris & de Mcnélas, parle de cette deeflê & lui donne la qualité d’échanfon des dieux ; dans un autre endroit il la fait femme d’Hercule, c’eft dans l’onzième de l’Odyflce où il raconte la descente d’Ulyflè aux enfers. Le pocte Otlen dans une hymne en l’honneur de Junon , dit que Junon fut nourrie par les heures, & qu’elle eut deux enfans. Mars & Hcbé. Quoiqu’il en foit, les Phliafiens rendent de grands honneurs! cette dèeflë, fur-touten ce que fôn temple cft un afyle inviolable pour les malheureux qui s’y réfugient ; car ils y trouvent une entière furetc, & après en être fortis, ils ne manquent pas d’appendre leurs chaînes à ces arbres dont le temple eft environné. Les Phliafiens célèbrent la fête de la
deeflê tous les ans durant pluficurs jours qu’ils appellent les jours au litre, apparemment [j] pareequ’ils coupent du liere pour en faire des feftons & en orner le temple d’Hébé. Ils ne confervcnt aucune ftatuë de cette divinité ni au-dedans, ni au-dehors, & ils en apportent je ne fçai quelle raifon prife de
( i ] Pphsgore. Pythagorc de Samos, un des plus célèbres philosophes de IAntiquité floriflôit en la 60' Olympiade. Après avoir long-temps voyagé il vint s'établir àCrotonc ville d Italie ®ù il eut un nombre infini de diiciplcs. Ce philofophc, auteur du fameux dogme de la métcmpfycofc mourut la quatrième année de la 70' Olympiade âgé de plu* dé 80 ans félon £ufobc. l'tjv.
Diortnt Lttrte & ÿtnMqtit. [1] Eteu ofpeUce ftr les Ÿfrtcîeui G*nymede. La railbn de cette dénomina-
tion eft qu’elle faifoit l’office d cchanfon de meme que Ganymede.
( } ] jiffjremtHcur perce^a'ib (M-
ftnt, crr. J 'ai voulu exprimer le mot Jtict .■«r.T.fMw, &. cela demandotr no ccflàucinctu une cuconlocuuoo.
leuf
V O Y A CI DE C O R I N T HH.' leur religion même. En fortanc de la grande place on trouve à gauche un temple où l’on voit une ftatuë de marbre de Pàros. Mais dans la citadelle il y aune autre enceinte confâcrée à Cerès avec un temple, où vous voyez des ftatuës de Ccrès & de Proferpine ; je me fouviens d’y avoir vû une Diane en bronze, qui m’a paru fort ancienne. Quand on defccnd de la citadelle on trouve fur la droite un temple d’Elculape, où le dieu eft rcprélcntc fans barbe. Au bas eft le théâtre qui touche prefque à un autre temple de Cerès , où il y a plufieurs ftatuës ailifes, Sc d’une grande antiquité. Ils ont place au milieu du marché une chevre d’airain qui eft dorée pour la plus grande partie, & le culte qu’ils lui rendent eft fonde fur ce que la conftellation à laquelle on donne le nom de chevre, a coutume de nuire aux vignes quand elle fe levé -, pour avoir donc cette conftellation favorable ils ont élevé dans le marché une chevre qu’ils ont foin d’embellir en la failànt redorer de temps en temps, outre le culte qu’ils lui rendent d’ailleurs. Vous verrez dans le meme lieu le tombeau [ i ] d’Ariftias fils de Pratinas ; le pere & le fils ont fait de ces pièces de théâtre aufquelles on donne le nom de farces ou làtyres, & dans ce genre ils ne le cèdent qu’à Efchyle. Derrière le marché eft: une maifon qu’ils regardent comme facrce, Sc où ils s’imaginent que l’on prend l’efprit prophétique, parcequ’Amphiaraüs y ayant pafle une nuit, à fon réveil fi on les en croit, il fe trouva infpiré Sc fijavant dans la connoiiTance des choies
à venir ; depuis ce tcmps-là ils ont toujours tenu cette maifon fermée. Près de là eft un endroit qu’ils difènt être [i] le milieu ou le centre du Peloponnefo , & qui l’eft en effet, fi leur eftimation eft jufte. Plus loin on vous montre un vieux temple de Bachus, un autre confacré à Apollon Sc un autre à
[ i ] Le tombeau d"j1rtftuisjili de Pu- ponnefe. C’étoit la folie de quelques timii. Pratinas poète tragique vivoit en peuples delà Grèce, de s’imaginer que même temps qu’Efchyle & que Chœrilusi il difputa le prix de la tragédie avec ces deux poètes en la 70e Olympiade ou environ. Il avoit fait un prodigieux nombre de pièces de théâtre & trente-deux farces ou fatyres où il remporta le prix fur fes concuttcns. Ariftias fon fils eft moins connu. [a] Le milieu ou le (entre du PtloTome I.
leur ville étoit le centre, le milieu, & comme ils dilôicnt, le nombril de la Grèce , & même de toute la terre. Les Phliafiens entr’autres , & les habitans de Delphes avoient cette vanité. Le mot dont fe fort ici Paufanias eft fut**", umbiltcui, nombiil ; mais cc terme n’eft pas convenable en notre langue. Z
17* Pa u sa n ia s , Liv r e IL 1 fis ; les ftatuës de Bachus & d’Apollon font expofées aux veux de tout le monde , mais pour celles d’Ifis, il n’y a que
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Ch a p. XIV.
les prêtres de la déclic qui puillcnt les voir. Ces peuples ont une vieille tradition, qu’Herculc à fon retour de Libye, 8c après avoir enlevé [i] les pommes des Helpcrides, vint à Phliuntc pour quelque affaire particulière $ que durant le fcjour qu’il y fit [a] (Enéüs fon oeau-pere accourut de l’Etolie pour le voir , & qu’un jour qu’ils mangeoient enfemble , le jeune [3] Cyatbus dont la fonction étoit de verfer à boire i (Enéüs, ayant déplu à Hercule, il en reçut une chiquenaude à la tète, dont il mourut fur le champ. Les Phliaficns pour conferver le fouvenir de cet événement ont pratiqué dans le temple d’Apollon une niche où l’on voit deux ftatuës de marbre, l’une d’Hercule , l’autre du jeune Cvathus qui lui prefente un gobelet.
De Phliunte à Célée il n’y a tout au plus que cinq ftades. Célée eft une petite ville que les myftéres de Cerès ont mile en réputation 5 ils ne s’y célèbrent que tous les quatre ans, & le pretre qui en a la direction n’eft pas perpétuel} chaque fois que l’on célébré ces myftéres on élit un nouveau prêtre qui ne garde le célibat qu'autant qu’il veut, car il lui eft libre de fe marier, & c’eft en quoi ces myfteres différent des Eleufiniens 5 du refte ils font les mêmes pour le fond, 8c les Phliafiens conviennent qu’ils ne font qu’imiter ceux d’Eleufis. Ils prétendent que Dyfaulès frere de Céléus fe réfugia chez eux, 8c qu’il leur apprit à célébrer ces myftéres ; ils ajoutent que Dyfaulès avoit été chalfé d’Eleufis par Ion fils deXuthus, lequel Ion commandoit les Athéniens dans laguerre qu’ils eurent contre les Eleufiniens. Mais je ne leur paflerai point qu’alors aucun habitant d’Eleufis ait été chaffé de la ville ; car cette guerre fut terminée non par le fort des armes, mais par un
[ 1 ] I.et femmes des Hefpéndes. Ce fut un des'travaux d’Hercule. Euryfthic lui ordonna d’aller enlever ces pommes d’or gardées par un dragon qui avoit toujours les yeux ouverts ; Hercule en vint à bout. Les Hcfpérides étoient filles d’Hefpcrus ou d’Atlas. Il y a dans le 5e tome des mémoires de l’Académie des belles Lettres une fçavante diflertation, fur ce fujet, faite par M. l’Abbé Maflky.
[l]<EneiH fin hejti-pere, &c. Hercule avoir époufe Déjanirc qui croît fille d’Œncüs. [5] Le jeune Cynthns, c-e. Apollodorc Liv. 1, l’appelle Eunomus & le fait fils d’Architele ; cet Eunomus ctoit peut-être fumommé Cyathus à caufe de là fonction, car Mn en grec lignifie pecnlum,nngebelet.
k
Vo y a g e d e Co r in t h e . 179 traite, dont une des conditions fut qu'Eumolpc ne fortiroir point d’Eleufis, & qu’il demeureroit en poflcffion du lâcerdocc de Cerès. Il faut donc que Dylâulès foit venu à Phliunte pour un autre lujct j i’ai peine a croire aufii qu’il fut parent de Cclcus, ou d’une grande conlîdcration parmi les Eleuliniens ; car Homcre ne l’auroit pas pâlie lous lilenccf 1 ] dans Ion hymne a Cerès, où il parle avec honneur de tous ceux que la deeflè avoit inftruits de fes myftères ; on en peut juger [1] par fes vers que voici :
Cerès voulant apprendre aux timides mortels A lui rendre un honneur digne de lès autels, Choiiit parmi les Grecs d’illuftres perfonnagés Par qui du peuple entier les vœux & les hommages Incellâmment offerts Aillent d’elle écoutez. Eleufis a porté ces hommes fi vantez, Le vaillant Diodes, le fage Triptoleme, Eumolpe & Célétls dignes du diademe ; * Cc furent les héros dont les foins glorieux Tranfmirent le frint culte à nos premiers Ayeux.
Cependant, fi l’on en croit les Phliafiens, Dyfaulès apprit les myftères de Cerès aux habitans de Celée, & voulut que du nom de Ion frere elle fut ainfi appellce. On y voit, comme j’ai dit, Ion tombeau, qui pourtant n’eft pas fi ancien que celui d’Aras ; & en effet félon les Phliafiens eux-mêmes , ce ne fut pas fous le règne d’Aras, mais long-temps après , que Dyfaulès vint en leur pays. Pour Aras, [j] ils le font contemporain de Prométhée filsde Japhct, & par conlequent de trois générations plus ancien que Pelafgus fils d’Arcas, & que ces hommes [4]! qui les Athéniens donnent le nom d’enfansdela
terre. Dans la ville il y a un temple qu’ils appellent VAnaftorc, où l’on voit un char lufpcndu au plancher, & la tradition porte
f 1 ] Dam /wr hintxe î Cerèi. Cette de Dcucalion, vivoit félon le calcul du hymne d Homère ne fe trouve plus par- P. Pc tau environ quinze ccnscinquarv mi celles que nous avons de cc grand te ans avant l’Etc chrétienne , & de meme temps que Moïfe. [ 1 ] Petrfei vert lue vont. La tradu[4] .1 fai lei .Itbenent datant le ction que j’en donne eft moins une tra- nom d'enfant de U terre. Voilà fuivant duction qu'une paraphraic libre, qui Paufanias l’époque fixe de ces hommes pourtant ne s'éloigne point du fens que les Athéniens appelaient enfans d’Homcrc. de la terre. Us naquirent trois géné[ ,} lit le font certemptrunde Pnmé- rations après Proinéthcc, & environ tbée. Promcthcc fils de Japhct & pere 14JO ans avant Jcfiis-Chrilh ilsn’é-
VOYAGE
D' A R G O S.
En allant de Corinthe à Argos on trouve Cléone, petite ville qui a pris fon nom de Cleoncs fils de Pclops ; d’autres dilènt de Cléone l’une des filles de l’Afope qui paflè au milieu de Sicyone ; du moins cft-il certain que c’en de l’un ou de l’autre. Dans ce lieu il y a un temple de Minerve où vous verrez une ftatuc qui a etc faite [ i ] par Scyllis & par Dipœne, tous deux, à ce que l’on croit, difciples de Dédale, ou meme fes propres enfans nez de la fille de Gortys que Dcdale avoir époufée. Outre ce temple on peut voir la fcpulture d’Eury te 8c de Ctéate, qui étant venu d’Elis pour aflïfter aux jeux Ifthmiques, furent tous deux tuez par Hercule, à caule que dans la guerre qu’il fit à Augée, ils avoient pris parti contre lui. On peut aller de Cléone à Argos par deux chemins, dont l’un eft plus commode pour les gens de pied ; car celui qui pafle à Tréte, quoiqu’étroit & ferré par des montagnes, eft neanmoins le plus facile pour les voitures. C’eft dans ces montagnes que l’on montre encore la caverne du lion de Némée, 8c de-là à la ville de Némce il n’y a pas plus de quinze ftadcs. Dans cette ville eft le temple de Jupiter Néméen, temple d’une grande beauté, quoique la voûte en foit tombée, 8< qu’il n’y loit pas refté une feule ftatuc. Il eft entouré d’un bois de cyprès, où l’on dit que la nourrice d’Ophelte l’ayant laide quelque temps fur l’herbe, le trouva mort de la piquûre d’un ferpent. Les Argicns font des facrifices à Jupiter Néméen
dans la ville même de Némée, 8c c’eft à eux qu’appartient le droit d’elire un prêtre. Ils y ont aufli inftitué des Jeux, où l’on difpute le prix de la courfe tout armé ; 8c ces jeux [ï]fe célèbrent vers le folftice d’hyver. On voit à Ncmée le tom-
travailler en marbre ; il les place vers la 50e Olympiade; c’eft à eux que la Grèce a cté redevable de ce grand nombre d'cxccllens fculpteurs quelle a eu. [a] Pt cei yeux fe célèbrent yen le de la terre. [i ] Par Scyllit & par Dipane. Pline folfttce d'byver. Les jeux Némécns fc céL. jtf, ch. 5 , en parle comme des deux lébraient tous les trois ans en l'honneur plqs anciens ftatuaircs qui ayent fçu d’Ophelte, autrement appellé Arche-,
toient donc pis aufli anciens que la terre qu’ils habitoient, comme ics Athéniens le croyoient > car c’cll en ce fens qu’ils fcvantoicntd'ctre
Vo y a g e
de
i R:
Co r in t h e .
beau d’Ophelte, il eft ferme par un mur qui régne tout à l’entour, & dans cette enceinte il y a quelques autels. Près de-là
il y a une petite éminence que l’on dit être [ i ] la fépulture de Lycurgue perc d’Ophelte. Aux environs on trouve la fontaine Adraftée, ainfi dite, ou pareeque c’eft Adrafte qui l’a découverte, ou pour quelque autre raifon qui m’eft inconnue. Quant au canton de Némée, on tient qu’il a pris Ion nom d’une fille de l’Afope, qui s’appelloit ainfi. Quoiqu’il en foit, la ville de Némée eft aflîfe au bas du mont Apéfas, fur lequel on die que Perfée fut le premier qui facrifia à Jupiter Apéfanrius. En revenant du coté de Tréte pour regagner le chemin d’Argos, on apperçoit les ruines de Mycenes. Les Grecs conviennent que ce fut Perfce qui bacit autrefois cette ville ; pourquoi il la bâtit, & pourquoi les Argiens l’ont détruite, c’eft ce que je vais raconter comme une des choies les plus anciennes dont les Argiens ayent quelque mémoire. Ils dilènt donc [ijqu’Inachus roi du pays donna Ion nom à un fleuve qu’il coniacra à Junon. Ce fleuve eut [5] un fils nommé Phoronce, qui avec trois autres fleuves, Céphilê, Aftérion, Si. Inachus fon propre perc fut arbitre entre Neptune & Junon , qui difputoient à qui auroit cette contrée lous fon empire. Le différend fur juge en faveur de Junon ; Neptune en eut du reflentiment, & pour le venger [4] il mit tous ces fleuves à fcc, d’où il arriva que ni le fleuve Inachus, ni les
more. D’autres difent en l'honneor de Jupiter, car il y a deux opinions làdeflûs. Ces jeux de même que les autres confiftoient en cinq fortes d'exercices -, les vainqueurs croient couronnez d'achc. [ 1 ] Lu fiépulture de Lycurgue pere d’Ophelte. Ii ne four pas confondre ce Lycurgue ni avec l’orateur Athénien, ni avec le Légirtatcur de Lacédémone. Celui dont il s’agit ici étoit rot de Thrace, & en particulier de Némée. [ 1 ] ^n’fnmhus roi du pup , &t. Inachus, dit Apollodorc Liv. 1, étoit fils de l’Océan & de Thétys; cela veut dire qu’il étoit venu par mer en Grece. Il fonda l'empire d’Argos trois cens vinpt-fept ans avant que les IlraÜlices fortifient d'Egypte, iuivant le P. Pétau,
qui ne s'éloigne pas beaucoup du (intiment d’Eulcbc.
[}] Ce fleuve eut nu fils nomme' Pbtrouee, &c. Ouï dans l'idée des deicen-
dans de ce Phoronce , qui par vanité s’imaginèrent & voulurent foire croire qu’ils tiroient leur origine du fleuve Inachus. Car dans tous les temps l’orgueil a porté les hommes à fe méconnoitre & à le foire une généalogie linon fobulcufe, du moins foufle 5c illufoire. Mais au fond Phoronéc étoit fils d*Inachus roi d’Argos. [4] II mit tous cesfleuves èfee. C'cftà-dirc, qu’il y eut quelque tremblement de terre qui fit ou tarir ou dilparoître ces fleuves. C’eftpourquoi Neptune eft appellé . <jui ehanlc U terre. PÀulmier.
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t 81 P a u s a N i a s, Liv r e II. autres ne purent donner d’eau, que tout au plus dans la faifon où les pluyes font abondantes. En effet durant la fcchereflè de l’été il n’y a dans cette contrée que le marais de Lerna qui ne manque point d'eau. Phoronce fils du fleuve Inachus apprit aux habitans du pays à vivre en focietc,au lieu qu'auparavant ils étoient épars & fauvages ; il bâtit une ville pour leur ______ fervir d’habitation, & cette ville fut nommée Phoronique. Ch a p . Tout le pays ne changea de nom que fous le régne d’Argus XVI- [ i ] petit-fils de Phoronée & fon fucceflcur. Argus eut deux fils, PirafeSc PhorbaSj du dernier naquitTriopas qui fut pere d’Iafus & d’Agénor. lafus[i]eut une fille nommée Io qui parti en Egypte, foit delà manière qu’Hérodote l’a laiflé par écrit, foit comme les autres hiltoriens grecs le racontent. Agcnor fut pere de Crotopus qui fuccéda à fon oncle Iafus, & eut Sr fils [} ] Sthénclas. Quelque temps après [4] Danaüs ayant voile d’Egypte à Argos, vint difputer le royaume à Gclanor fils de Sthénclas, & l’emporta fur lui à i'exclulîon des defeendans d’Agénor. L’hiftoire de Danaüs & l’horrible entreprife de fês hiles contre leurs maris & leurs coufins germains font connues de tout le monde. On fçait aufli qu’après la mort de Danaüs [ 5] Lyncée fe rendit maître du royaume} mais fes petits-fils qui croient fils d’Abas le partagèrent entre eux, de forte qu’Acrifius fut roi d’Argos, & que Prcctus eut pour fon partage Mydée, Tirynthe & toute la cote maritime de l’Argolide ; on voit même encore à Tirynthe des marques du fejour qu’il y a fait. Quelques années s’étant écoulées Acri-
[1] Petit-filt île Phonne'e, l’Auteur dit, fils <Tunefille de Phenne'e. [1] Infiu eut une fille nemme'e h. Apollodore foit Io fille d’inachus, en quoi il a etc fuivi de tous les mythologues. Paufanias au contraire la foit fille d’Iafïis, & par confcqucnt pofténeure de quelques générations. Le P. Pétau a mieux aimé filivre l'opinion de Paufanias , comme plus focile â s'accorder avec la filiation de Danaüs, 3c avec le temps où il a vécu. [}] Et eut peur filt Stbénélnt, ou, Sth-nelUi, comme d'autres l'appellent. [4] Dunnùt uyuntfuit vetled"Egypte à -drge!, &t. Egyptus & Danaüs étoient fils de Bclus. Le premier qui étoit l'aîné
régna en Egypte après fon perc, & il eut cinquante enfons mâles. Danaüs eut auili cinquante filles qu’il maria à fes neveux. Enfuite ayant appris de 1’0taclc qu’un de fes petits-fils lui ôteroit la vie, il s'embarqua &: vint à Argos où il régna après Sthénélas. Le P. Pétau place cet événement trois ans après la mon de lofué, 1471 ans avant JcfiisChrift. [$] Lyntte, &c. Tous les fils d’Egyptus furent égorgez en une nuit par leurs propres femmes, à la réferve du fcul Lvncéc qui averti par fa femme Hvpermneftre de l’ordre barbare que Danaüs avoit donné à fês filles,fe ùuva & tut cnluitc ion fuccel&ur.
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Vo t a g e b e Co r in t h e . î 8j fius apprit que I’crlcc n’etoit pas loin d’Argos, & fçaehant la réputation qu'il s'etoit faite par beaucoup de belles aâions,il ne put relifter à l'envie de voir ce héros} c'eftpourquoi il fe rendit à Larifle fur le fleuve Pence. Perlée de fon côte plein d'impatience de voir lôn aycul maternel , Se de gagner (on amitié foit par des paroles obligeantes, foit par des effets, ne manqua pas de venir à LarilTc. Là cc héros qui ctoit à la fleur de fon âge, & qui le fçavoit bon grc d'avoir invente le jeu du palet, voulut faire preuve de fon adrefle devant toute la vil le 4 mais le malheur voulut qu’ayant jetté fon palet de toute la force il en atteignit Acrifius que là dcftincc avoit conduit là, & qui frappé de cc coup mourut aufli-tot. Ainfi fe trouva accomplie la prédiâion qui lui avoit été faite, fans que [ 1 ] la cruauté qu’il avoit imaginée contre là fille & contre fon petit-fils l'en pût garantir. Perfee s’étant rendu à Argos, & le reprochant un parricide qu’il n'avoit pourtant commis que par mcgardc, il engagea Megapente fils de Prœrus à changer de royaume avec lui. Ce fut après avoir pris poflèflîon de Ion nouvel empire qu’il bâtit une ville dans le lieu meme où le pommeau de fon épée étoit tombé, ce qu’il prit pour un figne de la volonté des dieux qui lui ordonnoient d’établir là fà demeure. Et pareeque le pommeau d’une épée s'appelle en grec ■mycés, il donna le nom de Mycene à cette ville J’ai ouï dire à d’autres que c’étoit pareequ’ayant cueilli un champignon, il trouva deflous une fource d’eau dont il étancha fa loif, car un champignon s’appelle auflï mycis en grec. Homère dans un vers de rOdyflcc fait mention d’une femme qui avoit nom Mycene.
Alcmene avec Tyro, pais h belle Mycene,
Et dans le poëme des Femmes illuftres, il eft dit que Mycene étoit fille d’Inachus & femme d’Areftor-, quelques-uns veulent que ce foit elle qui ait donné fon nom à la ville de Mycene.
[ 1] Swqttlt trtMtt, &t. Acrifius averti par l'Orade qu’il périrait un jour de la main d'un enfant qui naîtrait de fa fille, crut éviter ce malheur en renfermant û fille Danaé dam une chambre fous-terrainc qui ctoit comme une cage de fer. Danaé ne laifla pas de fe trouver grade, les uns dlient du fait de IVœtus, les autres du fiait de Jupiter.
Quoiqu'il en foit, elle accoucha de Perlée. Acrifius mit la mère 8c le fils dans un coffre, fe fetta le coffre dans la mer. Malgré routes ces précautions il ne put edupper à fa dcftincc. Perfee porté dans111c Scriphe y fut élevé, fe dans la fuite il tua par mégantc Acrifius comme le raconte ici Paufanias.
184 PAUSANIAS, LlVRE II. Mais pour le conte que d’autres font d'un certain Mycenécfils de Sparton, lequel Sparton croît fils de Phoronée, je ne le crois pas tonde ; caries Lacédémoniens dont il fèmble flatter la vanité le rejettent eux-mêmes. Quoiqu’ils confervent à Amycles le portrait d’une femme qui s’appelloit Sparté, quand on leur E>arle d’un Sparton fils de Phoronée, ils écoutent de toutes eurs oreilles comme on écoute une nouveauté ; c’eft tout ce que j’avois à dire fur ce point. . Les Argiens dans la fuite détruifirent My cènes, & ce fut fe. Ion toute apparence un mouvement de jaloufie qui les y pouffa, pareeque tandis qu’ils regardoient de fang froid l’irruption des Perlés, & qu’ils demeuroient dans l’inaction, la ville de Mycenes envoya aux Thermopyles quatre-vingt de lés citoyens qui partagèrent avec les Lacédémoniens la gloire d’une des plus belles aétions qui fe foit jamais faite. Les Argiens piquez de cet affront réfolurent de rafer la ville ; de forte que l’on n’y voit plus que des ruines où l’on diftingue encore quelques relies de Ion enceinte, & entr’autres une porte fur laquelle il y a deux lions que l’on croit avoir été faits [ 1 ] par les Cyclopes, aulli-bien que les murs de Tirynthe du temps de Proctus. On vous montre encore la fontaine de Perfée, &. des chambres fouterraines où l’on dit qu’Atrée & fes enfans cachoient leurs tréfors. Près de là eft le tombeau d’Atrée, & de tous ceux qu’Agamemnon ramena avec lui après la prife de Troye, & qu’Egifte fit périr dans le repas qu’il leur donna; j’en excepte Caflàndre, car les Lacédémoniens qui habitent Amycles prétendent avoir fon tombeau chez eux, & c’étoit un fujet de dilpute entr’eux 8c les habitans de Mycenes. Là le voit encore le tombeau d’Agamemnon 8c celui d’Eurymédon fon écuyer ; mais Télédame 8c Pélops n’ont qu’une même fépulture ; on dit que c’étoicnt deux jumeaux que CalTandre
[ 1J Que fon cnit avoir étéfaits par les Cyclopes. Selon Pline L. 7, ch. , les uns attribuoient l’invention de la Scmiric aux Chalybes, les autres aux Cyclopes ; mais félon le même auteur les Anciens attribuoient aux Cyclopes tous les ouvrages qui caufolbnt de l'admiration ou parleur grandeur, ou par leur perfection. De là ces vers de Virgile dans 1'Encïdc Liv. 6.
Mxnia eonÇpicie trijur advcr/oforniceperIM. fur quoi Setvius dit, Cyclopum cducla cainniis, hoc cft, magna. Au refte ils croient appeliez Crclopesi parccqu’ils
n’avoient qu’un œil au milieu du front, œil tout rond, difent les poètes, jtr&lici cl.pà nul PMh !ar>.p»Jir infiar.
car c’eft ce que lignifie le mot de Cycltpe, mot forme du grec.
avoit
Vo y a g e d e Co r in t h e .’ iSy avoir mis ail monde, fie qu'Egifthe égorgea lâns pitié pour leur enfance, après avoir trempe les mains dans le lâng [ i j de leurs pères. Je vis aufli le tombeau d’Eledre ; Orefte l'avoit mariée à Pylade, fie félon le témoignage d’Hcllanicus, elle en eut deux enfans, fçavoir Strophiusfie Médon. A l’égard de Clytcmncftre fie d’Egifthe, ils ont leur fépulture hors des murs} aitlli | 2] n’ctoicnt-ils pas dignes de l’avoir au même lieu qu’Agamemnon, fie que ceux qui furent tuez avec lui. ——— A quinze ftades de Mycenes fur la gauche on trouve un C r. temple de Junon ; le chemin qui y mène eft arrolé de l’eau XVII. de la fontaine Eleuthéric 5 c’eft de cctrc eau que les prêtrefles de Junon lé fervent dans leurs purifications, fie dans les fondions fccrettcs de leur miniftere. Le temple eft bâti au pied du mont Eubée,ainfi appelle du nom d’une des filles du fleuve Aftérion ; car les gens du pays difent. que ce fleuve eut trois filles, Eubée, Profymne, fie Acrce, fie que toutes les trois furent nourrices de Junon $ ils ont donné le nom d’Acrée à une montagne qui eft vis-à-vis de celle où eft le temple, le nom d’Eubée à celle-ci, fie le nom de Profymne à une grande place qui eft devant le temple. L’Aftérion coule au bas, enfuite il fc précipite dans un gouffre, Se ne paroi t plus ; fur ces rives croît une herbe qu’ils appellent de 1‘aftérion, ils en parent l’autel de la décile, fie lui en font des couronnes ; ils allèrent que l’architede de ce temple a été un Argien nommé Eupoleme , l’édifice eft foutenu par des colonnes fur lelquelles on a reprefenté divers traits de là fable fie de l’hiftoire,comme la naiflànce de Jupiter, le combat des djeux contre les Géans, la guerre de Troye, la prife fie le fac d’Ilion. Devant la porte du temple il y a plufieurs ftatucs, foit de femmes qui ont été honorées du lâcerdocc de Junon , foit de héros parmi lcfquels on vous fait fur-tout remarquer Orefte 5 car
non avoit fait poignarder fon mari. Ce qui la porta à ccttc extrémité, fut en premier lieu la haine qu’elle avoit conçue pour Agamcmnon depuis qu'il avoit faenfié fi fille Iphigénie , en fécond lieu la jaloufic quelle ait de Caflàndre qu’Agamcmnon avoit fait rlufli neioient-ils pas dignes fa captive & l’a concubine, mais plus hc avoit débauché Clytcmncftre» que tout cela encore, le mauvais comnicrccqucllc entretenoir avec Egifthc. & Clytcmncftre fcnuuc d'Agamciu-
[ r] Dans le fang de leursperes. C'cftà-dirc, dans le fing d’Agamcmnon & de Caflandrc fille de Priain. Amaicc a pris autrement que moi le mot •»<•*je crois qu’il sert trompé» & j’ai mieux aimé fuivre l’intctprération de Kuhnius.
a
Torne I.
Aa
iso Pa u sa n ia s , Liv r e II. ils prétendent que la ftatuc qui porte aujourd'hui le nom d'Augufte,eft Orefte. Dans le veftibule vous voyez à gauche les Grâces qui font des ftatuës d’un goût antique ; à droite le lit de Junon, & le bouclier que Menclas arracha à Euphorbe du temps de la guerre de Troye; ce bouclier eft un des préfens que l'on a confierez à la deefle. En encrant dans le temple on voit fur un trône la ftatuc de Junon,d’une grandeur extraordinaire, toute d’or & d’y voire , c’eft un ouvrage de Polyclete. La deefle a fur la tête une couronne au-deflus de laquelle font les heures & les grâces, que l’ouvrier a repréfencées admirablement bien ; Junon tient d'une main une grenade, de l’autre un fceptre : pourquoi une grenade , c’eft un myftére que je pafle fous filence. Quant au coucou qui eft au haut de fon fceptre, on tient que c’eft pareeque Jupiter, étant amoureux de la jeune déeflè,prit la figure de cet oifèau, afin qu’elle courût après lui, & qu’elle s’en amufàt : je n’ai sarde d’ajouter foi à ce conte, ni à d’autres femblables que l’on fait des dieux, mais je ne laifle pas de les rapporter. Auprès de Junon l’on a placé la jeune Hcbc, dont la ftatuc eft auflî d’or & d’yvoire ; on dit que c’eft un ouvrage [ i ] de Naucydès. Tout contre eft une colonne fur laquelle il y a une autre ftatuë de Junon qui eft fort ancienne -, mais la plus ancienne de toutes c’en eft une qui eft faite de bois de poirier fauvage; Pirafus fils d’Argus l’avoit tranfportée à Tvrinthe, mais les Argiens après avoir détruit cette ville, ont eu foira de faire reporter la ftatuc dans le temple de Junon ; je l’ai vûë, elle eft d’une grandeur médiocre, & la deefle eft repréfentée aflîfe. Ce temple renferme plufieurs belles chofes qui méritent bien que j’en parle ; en premier lieu un autel d’argent fur lequel les noces d’Hcrcule & d’Hcbc font gravées en bas relief ; féconderaient un paon qui eft d’or & enrichi de pierres prccieufes, c’eft l’empereur Hadrien qui l’a donné, pareeque cet oifcau eft confacré à Junon ; troiiiémement une couronne d’or, & un voile de pourpre, l’un & l’autre donnez par Néron. Sur la cime de la montagne où ce temple eft bàd vous remarquez les fondemens d’un autre temple plus ancien , fie quelques reftes que le feu a épargnez } celui-là fut
nvr^fe dt NtHCydi'. N.111- queWine place en la quatre-vingt-qnincvdcs d’Argos fils de Morhon Sc t’rerc ziémc Olympiade avec Diomède, Cadc Pcryclctc étoit un célébré Iculptcur nachus & Patrode.
Vo ta g i d e Co r in t h e . 187 brûle par la faute de Chryfis prêtreflè deJunon qui s’étant endormie, ne s'apperçut pas que le feu d’une lampe avoit pris à des couronnes fort lèches qui en étoient crop prés > cette prêtreflè s’enfuit auflitôt à Tégée pour fe réfugier A l'autel de Minerve Aléa 5 mais les Argiens, quelque grand que fut ce malheur, bien loin de vouloir punir Chryfis,Taillèrent fa ftatuë où elle étoit, & on la voit encore devant la porte du temple qui a été brûlé. Dans le chemin de Mycenes à Argos vous trouverez fur C votre gauche le monument héroïque de Perfée-, car Perfée J eft honoré aufli de ces peuples, quoiqu’il le foit encore plus dans l’île de Sériphe, &à Athènes où il a même un temple, dans lequel eft un autel conlàcré [ 1 ] à Diclys & à Clymene qui font regardez comme les lâuvcurs de ce héros. Mais pour ne point fortir du pays dont il s’agit, apres le monument de Perfée, fi vous avancez un peu, vous verrez à droite celui de Thyefte fur lequel eft un bélier de marbre pour lignifier ce mouton à la toifon d’or que Thyefte déroba à fon frere par l’enrremilè [a]de fa femme qu’il avoir débauchée. La railon vouloir qu’Atrée fe contentât de lui rendre la pareille; mais il porta fa colère jufqu’à égorger les enfans de Thyefte, & à lui en fervir les membres avec des mets empoifonnez. Pour ce qui eft d’Egifthe & d’Agamemnon , je ne fijai pas bien qui des deux fe porta le premier à offènfer l’autre, fi cc fut Egifthe, ou s’il ne fit que fe venger [ 3 ] du meurtre de Tantale fils de Thyefte, lequel [4] Tantale avoir époufé Clytcmncftre fille deTyndare. Pour moi je ne puis croire
[ 1J A Dûtyi ir à Çhmene. Dittys frere de Polydette & Clymene femme de Dittys avoient fervi de pere & de mere à Perfée, & l’avoicnt élevé commc leur propre fils dans l’île Scriphe où l’on a dit que les flots l’avoicnt porté. [i]P<rr rentremise de /i femme qu'il tvoii dehnuthee. La femme d’Attéc étoit Acropc fille de Catrciis, car c’eft Cntréus qu ’il fout lire dans Apollodore, comme Méziriac l’a remarqué. ( 3 ] J^ue fe venger du meurtre de Tnntule, fils de Tbpefie. Agamcmnon avoir tué Tantale que quelques auteurs
font fils de Thyefte, & par confcqucnt frere d’Egifthe. [4] Lequel Tnntnle evoit épeufé Clptemneftre, Euripide dans fon Iphigénie en Aulide, introduit Clytemneftre qui reproche à Agamcmnon d’avoir foit mourirTantalcfonptemier mari. Eufthatc fur l'onzième de l'Odyflïc traite de conte cc premier manage, & fe fonde fur l’autorité d’Homere, qui appelle Agamcmnon c’cft-a-dirc , yai 4 epeufe une
jeune fille, f'ejez. A/eunne que 4 muet cette qneflien dens fes temmentsutes jnr les hernies d'Ovide. Aa ij
188 P a u s a n i a s , Liv re II. qu’ils fuflent nez l'un 8c l’autre allez méchans pour commettre de làng froid tant de cruautez. D'un autre côté s’ils ont payé la peine [ i ] du crime de Pélops, 8c que les Mânes vengeurs de Myrtil les air pourfùivis julqu'à ce point, il faut avouer que rien ne montre tant la vérité de ce que la Pythie dit un jour[i] à Glaucus le Spartiate fils d'Epicidas qui la confultoit fur un faux ferment ; Que quiconque feparjure, attire la colère du ciel fur fes enfans &fur leurs defeendans. Après les béliers, ainfi appellent-ils le tombeau de Thycfte, en avançant un peu vous découvrez fur la gauche un petit canton auquel ils ont donné le nom de Myfie , 8c où il y a un temple dédié à Cercs Myfiene ; le lieu 8c le temple ont été ainfi nommez pour conlerver la mémoire d’un certain Myfus que les Argiens difent avoir eu l'honneur de recevoir Cercs chez lui. Le temple de la déeflê n’a plus de toit, mais dans ce temple on en a bâti un autre de brique, où l’on voit des ftatuës de Pluton, de Proièrpine 8c de Cerès, qui toutes font de bois. Ce chemin vous conduit fur le bord du fleuve Inachus ; quand vous l’avez pafle vous trouvez l’autel du Ibleil, 8c enfuite une grande porte qu’ils appellent la porte Lucine caufc d’un temple de la déeflè qui eft tout auprès. De tous les peuples de la Grèce je ne connois que les Argiens, dont le pays ait etc divife en trois royaumes, 8c voici à quelle occafion. Du temps qu’Anaxagorefj] Argien,filsdeMégapenthe, étoit roi d’Argos, les femmes du pays furent attaquées d’une telle manie , que ne pouvant plus demeurer dans leurs maifons, elles couraient les champs ; heureufement il fe trouva
[i] La peine du crime de Pe'lopr. Le crime de Pélops étoit d'avoir fait périr MyrtiH'éciiycrd’Œnomaüsaprèsavoir remporté la victoire par fon moyen, & lui avoir juré qu’il le laiflcroir jouir d'Hippodanuc pendant une nuit. [i] A Glaucus le Spartiate fils d"Fpicidas fjui la canlultmt Le fçavant critique Paulmicr de Grcntemcfnil a fort bien remarqué qu'il y a ici une faute groflicre dans le mot feirtiwrr. & qu'il faut I ire tfwai ►«•»•<, & ï»»n«'r.v au lieu de ïvofridetu. Autrement Paufanias diroit qu'il y a eu un Glaucus roi de Sparte ; or il n'y en eut jamais, &
Paufanias ne ponroit l'ignorer, lui qui donne dans la fuite la lifte de tous lés rois de Sparte. [î] .Qu'Anaxagore Argier. Le texte eft ici un peu équivoque, & portc.4 croircqu’Anaxagore étoit filsd’Argéiis, & petit-fils de Mégapenthe. Amalee s'y eft trompé. r«v J»i> lignifie Argieu. Mégapenthe félon Diodorc de Sicile, étoit fils d’Anaxagore, & non petitfils; c’eft une remarque de Paulmier. Ainfi Méziriac qui fur cet endroit de Paufanias, fait Mégapenthe fils d’Argéüs > s’eft trompé comme Amalee.
Vo y a g e d e Co r in t h e . 189 Mélampus fils d'Amychaon qui les fit revenir à leur bon 1èns, Cc les guérit. Anaxagorc pour rcconnoître un fi ^rand fcrvice, partagea fon royaume en trois parties égales .dont il donna l’une à Mélampus, l'autre à ion frere Bias , Cc fe rclerva la troificme. Bias eut cinq fucccflcurs qui régnèrent après lui l'cfpacc [1] de quatre générations, jtrfqu’à Cyaxippe fils d’Egialée,Cc [1] qui du côte maternel dclccndoicnt tous de Nélec; Mélampus en eut fix durant fix générations jufqu’à Amphiloquc fils d’Amphiaraüs. Mais la famille royale originaire du pays, je veux dire la poftérité d’Anaxagore régna beaucoup plus long-temps -, car Iphis fils d’Alecfor Sc petit-fils d’Anaxagore lailla le royaume à Sthcnélus fils de Capancc [ 3 ] fon frere utérin} Sc lorfqu'après la prilè de Troye Amphiloquc alla fe tranfplanter [4] chez ces peuples qui depuis le font appeliez de fon nom , Sc que [5] Cyanippe fut mort fans enfans, Cylarabis fils de Sthénclus réunit enfin les trois royaumes en fa perfonne. Cependant [6] Orefte fils d’Agamemnon s’empara d’Argos 5 'car dépouille des états de fon pere il fe tenoit au moins à portée d’y rentrer -y d’ailleurs il avoit mis bon nombre d’Arcadiens dans Ion parti, il fe voyoit même roi de Sparte, Sc il pouvoir compter fur un prompt fecours de la part des Phocéens. En effet les Lacédémoniens s’etoient volontiers fournis à lui, aimant beaucoup mieux obéir au petit-fils de Tyndare, qu’à Nicoftrate Sc à Mégapcnthc que Ménélas avoit eus d’une efclave. Après la mort d’Orefte, Tifamene fon fils, né d’Hermione fille de
f 1 ] L'efface de quatre générations. C’cft-à-dirc > l'cfpacc de cent ou fix vingts ans. [1] Et qui du cité maternel defeendtient tous de Bia>. CarBias avoit époufc en premières noces Péro fille de Nélee, comme l’auteur le dit ailleurs. [5] X Stbenelus pis de Cafanée fon frété uténn. Le mot defrere utérin n'ell pas dans le texte; je l'ai fupplcé comme neccfljirc, pareequ’en effet Capanéc étoit fils d'Hippanoiis, & ne pouvoir être que frété uténn d’Iphis qui étoit filsd'AIcClor. C'cllunc remarque du gavant Paulmicr. fsJCiex. ces fenfles qui depstisfeftnt
afpellet. de fon nom. Il veut dire la ville
d'Amphiloque dans l'Acamanic. On difoit les Ampbiloques & les Ampbilocienit dit moins Goltzius rapporte une médaille frappée par les Aniplulociens, R] Et que Cramppefut mort fans enfans. Ovide dans fes imprécations contre Ibis, nous apprend que ce Cyanippe fut dévoté par des ferpens.
A A voua Eurpals qui irflnun cefu ai Ulo,
[d] Cependant Orefte, 0-c. Je n'ai fuivi ici aucun des interprétés, parceque tous m'ont paru s'éloigner du lêns de l'auteur. Aaiij
’9Ç P a V s a N I a s , Liv re IL Mcnclas, fucccda au royaume d’Argos & de Sparte ; car pour Penthilc , c’ctoit un bâtard qu’il avoit eu d’Erigonc fille d’Egifthe, comme Cincthon le rapporte dans fes poefies. Ce fut fous le régne de Tifamcne que les defeendans d’Hercule revinrent dans le Peloponncfe, IçavoirTémcnus & Crefphon. te, tous deux fils d’Arillomaque.ôc enfuite les enfans d’Ariftodeme leur troifiéme frere qui ctoit deja mort. Pour dire ce que je jsenfe ,ils difputoient le royaume d’Argos â jufte titre-, carTilamene defcendoit[i]de Pélops, &les Héraclides defcendoient [ i ] de Perfce, outre que ceux-ci n’ignoroient pas que Tyndare avoit étc chafle par Hippocoon , & qu’Hercule ayant tué Hippocoon & fes enfans avoit conquis le royaume, & l’avoit mis comme en dépôt entre les mains des enfans de Tyndare. Ils n’avoient pas moins de droit fur le royaume de Meflêne^ car Hercule, apres la prife & la deftru&ion dePylos, donna le pays en garde à Neftor. Voilà pourquoi ils chaflcrent d’Argos & de Lacédémone Tifamene, & enfuite ils châtrèrent aufli de Meflêne les defeendans de Neftor, je veux dire, Alcméon fils de Sillus & petit-fils de Thrafymede, Pififtrate fils de Pififtrate, les enfans de Péon fils d’Antiloque, & avec euxMclanthus fils d’Andropompe, lequel étoit fils de Borus, petit-fils de Penthile , & arrière petit-fils de Periclymene. Tiiâmcne contraint de céder, fortit lui & fes enfans avec ce qu’il avoit de troupes, & vint s’établir dans cette partie delà Grèce qui a aujourd’hui le nom d’Achaïe. Les Nèleïdes,à la referve de Pififtrate, car je ne fçai ce que celui-là[5] devint , fe retirèrent à Athènes 5 & comme ils étoient déjà divifez en plufieurs branches, pour les diftinguer on nomma les uns Péonides, & les autres Alcméonides. Pour Mélan». thus,il pofleda le royaume de l’Attique, après l’avoir enlevé à Thymoctcs fils d’Oxynthas &le dernier des defeen-
[1] Cnr Tifamene deftendoit de Pilaf. Amaféc le (crt ici du mot nefas,
fit d’Alcmene, Amphitryon étoit fils d’Alcée, lequel Alcée étoit fils de Permot équivoque qui peut ietter en er- lée. Ainfi les Héraclides,c’cft-à-dite, reur; il devoir dire unus e pafteris, un les defeendans d’Hercule tiroient leur des defeendans de Pe'lafs. Tifamcne <$cf- origine de Perlée. ccndottdc Pélopscn droite ligne, puif[t] Carjene ffai ce que celui-là dequ’il étoit fils d’Orcftc, petit-fils d’A- vint. On ne voit pas pourquoi Paufâgamemnon, fie arrière petit-fils d’Atréc nias excepte celui-là ; car Hérodote qui avoit Pélops pour pere. L. f, rapporte à ce Pififtrate l’origine [ Et les Hcraclides dépendaient de de la famille de ce nom qui régna à Perfee. Hercule étoit fils d’Amphitry on Athènes.
Vo y a g e d e Co r in t h e . 191 dans de Thefee qui ait régne à Athènes. Quant à Crefphontc & aux enfans d’Ariftodeme, ce n’cft pas icile lieu d’en parler, je viens donc à Témcnus. Lorfqu’il fut fur le trône d’Argos,il donna toute fa con- Ch a h . fiance à Déïphon fils d’Antimaque , lequel Antimaque étoit XIX. fils de Thralyanor, petit-fils de Ctcfippc, & arriéré petit-fils d’Hercule. Il en fit fon Général d’armée, fon conleil , fon miniftre, au préjudice de fes propres fils ; & comme il lui avoit déjà fait époufer fa fille Hyrnétho , & qu’il paroifloic aimer plus cette fille que tous fes autres enfans, ceux-ci appréhendèrent qu’il ne leur ôtât la couronne pour la faire tomber à fon gendre, ce qui les porta à attenter à la vie de leur pere & à le faire mourir. Cifus l'aîné de tous occupa le trône après lui ; mais les Argiens toujours jaloux de leurs privilèges & de leur liberté, reftraignirent l’autorité royale â tel point qu’ils ne biffèrent que le nom de roi à Cifus & à fes defeendans. Il arriva meme dans la fuite que Meltas fils
de Lacidas &.pctit-fils de Médon fut condamné par le peuple â perdre le royaume & la vie. Le temple le plus célébré qu’il y ait à Argos, c’eft le temple d’Apollon Lycius. La ftatuë du dieu, je dis celle qui s’y voit aujourd’hui, eft un ouvrage [ 11 d’Attalus Athénien, car l’ancienne qui ctoit de bois fut confacrée avec le temple par Danaüs, & à dire le vrai, je crois que dans ces temps fi anciens toutes les ftatucs [ x ] croient de bois , particulièrement celles que faifoient les Egyptiens. Je vais maintenant raconter pourquoi Danaüs déàia ce temple à Apollon Lycius. J’ai déjà dit que Danaüs étant venu à Argos, il difputa le royaume à Gélanor fils de Sthénélas. En effet il plaida fâ caufe devant le peuple, & allégua toutes les raifons dont il appuyoit fon droit ; mais comme Gélanor n’en alléguoit pas moins pour lui, le jugement fut remis au lendemain. Ce jour venu, il arriva que le matin un loup fê jetta fur un troupeau de vaches qui paiffoient fous les murs de la ville, & qu’il atta-
[ t] 17» ouvrée d’Atteint Athénien, Paufanias cil le fcul qui ait parle de ce ftatuairc. [1] Tintei lei ftntuëi étoient de hit. La raifon en cft bien naturelle -, c’cft que l’on n’avoit pas encore trouve l’art
de tailler le marbre, ni de fondre l’airain , quoique lïilagc de l’airain foit plus ancien que celui du fer, comme le dit Lucrèce. Et frur tri» trtt^niuftrrinpita» nfnt. ÿntfncili» nufi» »ft nntnrn. t>
1)1 Pa u sa n ia s , Liv r e II. qua même le taureau que ces vaches fuivoient. Les Argiens prirent cet accident pour un augure, & s’aviférent de comparer Gelanor au taureau, & Danaüs au loup, pareeque comme le loup eft un animal fort làuvage, aufli Danaüs jufqucslà n’avoit eu aucun commerce avec eux. Comme donc le loup, avoit eu l’avantage fur le taureau, fur ce fondement & fans autre difcuflîon ils ajugérent le royaume à Danaüs. Ce prince croyant qu’Apollon s’etoit déclare en fa faveur, & que c’étoit lui qui avoit envoyé un loup fi, à propos, voulut que ce dieu fut révéré fous le nom d’Apollon Lycius, & lui confacra auflî-tôt un temple fous ce titre. Dans ce temple on voit encore aujourd’hui le trône de Danaüs, & une ftatuc de Biton portant un taureau fur ion dos,ce qui fe trouve éclairci [ i ] par Leucéas qui dit dans fes poefies, qu’un jour que les Argiens, alloicnt en cérémonie à Némée pour lacrifier félon la coutume à Jupiter, Biton fit admirer fa force en portant un taureau fur les épaules. Us allument du feu auprès de cette ftatuc, & ils difent que c’eft le feu de Phoronée ; car ils ne font
{■as de l’opinion de ceux qui croyent que Prométhée a donné, e feu aux hommes ; au contraire ils tiennent pour certain que c’eft Phoronée qui en a étc l'inventeur. Outre la ftatu© de Biton il y en a plufieurs de bois, entre autres une de Mercure faite par [ a] Epéüs, & une de Venus confacrée.par Hypermneftre; car Danaüs cita Hypermneftre en Juftice, lui faifant un crime de ce qu’elle étoit la feule de toutes lès filles qui n’eût pas éxécuté lès ordres. En effet outre qu’il failoiE dépendre la fureté de la mort de Lyncée, il lui lèrabloic que la defobéiflânee d’Hypermneftre aggravoit le crime .de fes fœurs & le lien propre } cependant elle fut abfoute par les Ar-‘ giens, & en mémoire de ce jugement elle confacra à Venus une ftatuc lous le nom de Venus Nitiphore, ou qui donne la viîtoire. On voit auflî une ftatuc de Ladas, l’homme de fon temps le plus léger à la courfe, & une autre encore de Mercure j il eft reprélènté tenant dans fes mains une tortue donc
peuples, & fur-tout celle de Ion pays. [i] ftùte.pur Epe'üi. C’eft ce meme ne connoît aucun poète de ce nom. Epcüs fils de Panopcequi fit ce fameux Ainfi c’cft fans doute Z.rM'Zu qu’il faut cheval de bois, par le moyen duquel lire. Lcuccas ctoit un poète d’Argos qui Virgile a feint que les Grecs prirent la avoit fait en vers l’iuftoirc de pluficurs ville de Troyc.
[ i] Pur Leutétu qui dit duns fetpaëfiet, &c. Le texte dit Lfctui, mais on
Vo y a g e d e Co r in t h e . 195 il vouloic faire une lyre. Devant le temple il y a une efpccc [ 1J d’efeabeau ou de marchepied , où l’on a dépeint le combat d'un loup & d’un taureau * vous y voyez aufli une jeune fille qui jette une pierre au taureau 5 ils diient que cette jeune vierge cil Diane ; c’eft encore un monument de Danaüs , aufli-bicn que deux colonnes de bois que l'on voit auprès, & [1] qui font taillées en façon de ftatucs pour figurer Jupiter ôc Diane. On voit dans le même lieu deux tombeaux, l’un de Linus fils d’Apollon, l’autre de Pfâmathé fille de Croto-
pus. On prétend que ce Linus eft celui qui a fait des vers, mais je me réferve à dire ce que j’en penfe, dans un autre endroit de cet ouvrage 5 pour Pfàmathc, je l’ai déjà fait connoîtrc dans la defeription de MegarC. LÀ fe voit encore une ftatuc d’Apollon furnomme [j]Agyiéüs, & un autel conlàcré à Jupiter le pluvieux, devant lequel ces braves chefs qui vouloient remettre Polynice fur le trône desThebains, firent ferment de périr tous,ou de prendre la ville de Thebes. Quant au tombeau de Promethce qu’ils montrent en ce lieu, je crois qu’ils fe trompent, & que les [4] Opuntiens en parlent d’une manière plus conforme à la vérité.
Je ne m’arrêterai [5] point à une ftatuc de l’athléte Cren- Cha ». gas ; mais je ne dois pas paflèr fous filence un trophée que les XX. Argiens ont érigé en figne d’une victoire qu’ils ont remportée fur les Corinthiens, ni une ftatuc de Jupiter Milichius ou le Débonnaire, qui eft de marbre blanc & de la façon de Polyclete ; je dirai même à quelle occafion cette ftatuc fut confacréc. Les Lacédémoniens ayant déclaré la guerre aux Argiens les pourlùivircnt à outrance & fans relâche , jufqu’à ce que Philippe fils d’Amyntas fe mêlant de la querelle eût
[1] Une efpece (Tefiabêtit. Le texte dit Amafec rend ce mot par celui de bjfii, btfe ; mais dans ce tempslà il n'y avoit point encore de ftatucs proprement dites > ni par confdqucnt de baies. Paufanias entend feulement une efpccc d’efeabeau. [ 1 ] Qui (ont rtillées en ftfen deftttuei. Ces colonnes qui figurent grolficrement Jupiter A' Diane, marquent bien le peu de progrès quclafeulpturc avoit fait jufqu’alors. [ JJ D'slpoUon fumomméalgjiéüi, du Tomc I,
mot grec viens, une rue, parccqu’ Apollon ctoit honoré dans les rues & dans les carrefours des villes. [4] Opuntien., &e. Il y avoit plufieurs villesdu nom d'Opunte, l’une dans le pays des Locricns, l’autre en Achaïe, l’autre en Elùic. On verra dans la fiiitc laquelle Paufanias entend. [ 5 ] (]e ne m'arrêterai point, c-c. Le texte eft ici tellement corrompu que l'on n’en peut tirer aucun fens. Kuhnius l'a rétabli le mieux qu'il a pù, & je m'en fuis tenu à fa conjcélure. Bb
194 Pa u san ia s , Liv r e II. enfin oblige les premiers à lé renfermer dans leurs anciennes limites ; car il y avoit long-temps que les Lacédémoniens, fans fe foncier de cc qui le pafl'oit au dehors du Péloponnefe, ne lbngeoicnt qu’à s’agrandir aux dépens des Argiens,qui de leur côté quand il l'urvenoit à ceux-ci quelque guerre écrans gère, ne manquoient pas de profiter de l’occafion 8c d’entrer dans leur pays. Ces peuples devenant tous les jours plus irréconciliables, les Argiens réfolurent d’encretenir pour leur défenfe mille hommes bien choifis,dont ils donnèrent le commandement à Brias leur compatriote : mais Brias abufant de fon autorité maltraita le peuple, commit toute forte d’infolences} 8c un jour qu’une jeune perfonne que l’on venoit de marier étoit conduite par fes parens chez fon mari, il eut la hardiclTe de l’arracher de leurs mains, 8c de la violer. Elle, réloluc de le venger ou de mourir, trouva le moyen d’entrer la nuit fuivante chez Brias, 8c lui creva les yeux durant qu’il dormoit : on la prit aufli-tôt 5 mais le jour venant à paraître, elle eut le bonheur de fe fauver, 8c alla implorer la miféricordc du peuple, qui en effet la prit fous fa protcâion, 8c ne la voulut point abandonner, quelque inftance que fiffent les Mille pour la ravoir. Les efprits s’aigriflant de plus en plus, on en vint aux mains de part 8c d’autre, le peuple demeura victorieux , 8c pourfuivit les Mille avec tant d’acharnement, qu’ils furent tous mallàcrez, fans qu’il s’en pût làuver[i] un feu!. Quelque temps après on fongea à expier les crimes de cette guerre civile, 8c entre autres chofes on s’avila de confacrer à Jupiter le Débonnaire la ftatuë dont il s’agit. Vous verrez auprès Cléobis 8< Biton en marbre, qui traînent euxmêmes leur mere dans un chariot, pour la mener au temple deJunon. Vis-à-vis de cc temple eft celui de Jupiccr Néméen } le dieu y eft debout 8c en bronze, c’eft un ouvrage de Lylîppe: fi vous avancez un peu plus loin , vous trouverez fur votre droite le temple de Phoronée 5 on remarquera en paflanc qu’encore à prefent ils font l’anniverfairc de ce héros. Au
[t] Un feul. Au lieu d’>WA, il faut celui de Plutarque ; ces deux hiftoricns lire ; ccctc faute de copillc a rapportent qu’il ne fe fauva pas un lêul trompé l'intcrprctc Latin. Kuhnius ap- homme de la troupe que Brias compuyé fa correction par le témoignage mandoit. d’Hclladius cité dans Photius, par
dcflùs du temple de Jupiter il y a celui de la Fortune, qui eft très-ancien j on y conférvc des dez que [ 11 Palamcde y a autrefois confierez, & dont il avoit etc l’inventeur. Prés de là vous verrez le tombeau de la Mcnade Chorias; c’ctoit une de ces femmes qui fuivoient Bachus, & qui fervoient dans fes troupes, lorfqu’il vint aflieger Argos ; on dit que Perfée remporta la victoire, & que plufieurs de ces femmes ayant été tuées dans le combat, elles eurent une commune fepulture ; mais comme celle-ci ctoit la plus diftinguée, elle eut fon tombeau à part. Un peu plus loin on vous fera voir un temple qui eft dédié [i] aux heures. En revenant vous trouverez fur votre chemin les ftatucs que l’on a érigées a Polynice fils d’Œdipe, & à ces autres chefs qui périrent avec lui en combattant fous les murs de Thebes. Efchyle n’en compte que fept,quoiqu’ils fuffent en bien plus grand nombre, car les plus confidérables des Argiens, des Meflcniens, & des Arcadiens voulurent partager la gloire de l’entreprife ; cependant les Argiens eux-mêmes ont fuivi l’opinion d’Efchyle. Près de là font les ftatuës de ceux qui prirent Thebes, Egialee fils d’Adrafte, Promachus fils de Parthenopée, Sc petit-fils de Talaiis, Polydore fils d’Hippomédon, Therfanare , enfuite Alcméon & Amphiloque , tous deux fils d’Amphyaraüs, Diomède, Sthénélus, Euryalus fils de Mécifthée, & enfin les enfans de Polynice, Adrafte & Timéas. Apres ces ftatucs on vous fera voir le tombeau de Danaüs, & le cénotaphe de ces braves Argiens qui périrent devant Troye ou en revenant. Prés de là eft le temple de Jupiter Sauveur, d’où vous paflèz dans une efpece de chapelle où les femmes d’Argos s’aflèmblent [ j ] pour pleurer Adonis. En y allant on laillè fur
Pelemede y i eutrefoii (enflerez. 11 pafle pour confiant que Pala-
mede fils de Nauplius roi d’Eubœe a etc l'inventeur des dez, &qu'il inventa durant le liège de Troye cette efpece de jeu pour fervir de dclaflcmcnt à l'armée des Grecs, qui eut tout le temps de s'ennuyer durant un fiége de dix ans. Voyez le traite de Daniel Soutcr intitulé , Peliruedei de eleettnbui. [1] .Qui eft dedie eux heure-. C’eflà-dire, aux fiufons. Car dans Homère •r» ne figrufic tien autre chofc, & du-
rant long-temps ce mot n’a pas eu d’autre acception. [5] S’efemblent piur pleurer etdmii. Adonis étoic fils de Cinyras roi de Biblos dans la Phénicie. Son culte paflà bicn-tôt dans l'Aflyric, & même dans la Judée, comme on le voit par un pat fage du Prophète Ezcchicl que la vulgatc tend ainfi ; Et eae fedebeut ibi ■»lierei pleu/rentei Ademdem. Ce meme culte paflâ en Afic & en Egypte, d’où il n’eft pas étonnant qu'il ait etc porté en Grèce, & nommément à Argos où
içt» Pa u sa n ia s , Liv r e II. la droite un temple qui eft dédie au fleuve Ccphiflc, qu’il» difent avoir etc anéanti plus d'une fois par Neptune, quoi, qu'ils fçaehent fort bien que ce fleuve coule pardeflbus le temple. Je vis là, ce me femble, une tête de Médufè faite en marbre, laquelle ils prétendent être encore un ouvrage des Cyclopes. Derrière le temple il y a un endroit qu'ils appellent encore à prêtent la faite d’Audience pareeque c’eft-là qu’Hypermneftrc fut jugée , apres qu’elle eut été acculée par Danaüs fon pere. Le théâtre n’cft pas loin de là ; on y peut voir pluficurs chofes fort curieufcs, mais entre autres deux ftatuës de deux hommes qui fe battent, Se dont l'un eft tué par l’autre 5 celui qui eft tué, c’eft [ i ] Othryadas de Sparte, & celui qui tue c’eft Périlas Argien, fils d’Alcénor, Se qui avant cê combat s'étoit déjà rendu illuftre par le prix de la lutte qu’il avoit remporté aux jeux Néméens. Plus haut eft le temple de Venus, & devant la porte une colonne contre laquelle eft adoflee une ftatuë de cette Téléfillc qui eft fi connue par lès cantiques ; elle a des volumes de poëfies à fes pieds, Se dansfes mains un cafquc qu’elle paroît vouloir mettre fur fa tête. Cette femme [i] s’eft fait un grand nom Separ fes vers & par un trait de courage que je vais rapporter. Dans le temps que Cléomene fils d’Anaxandridas & roi de Sparte porta la guerre [3] en Argos, les Argiens furent mal menez au de-là de ce que l’on fijauroit dire. La plûpart fe firent tailler en pièces dans le combat, les autres fe réfugièrent dans un bois fâcré qui étoit auprès de la ville, & là firent des propofirions de paix que les Lacédémoniens acceptèrent en apparence, mais feulement pour mieux tromper les Argiens, qui fe voyant invertis dans le bois, prirent le parti d’y mettre le feu, & de fe brûler eux-mêmes plutôt que de tomber entre les mains des ennemis. Cléomene ayant ainfi fait périr tout
Danaüs qui venoit d’Egypte avoit régne. Le culte d'Adonis confiftoit à pleurer fa mon durant pluficurs jours ; à ce deuil fuccédoit la joye que l’on témoignoit aufli par des démonftrations publiques. Cette matière eft fort bien traitée par M. l’Abbé Bannier dans les mémoires de l'Académic des Inlcriphons 6c belles Lettres wmc j, pag. ?8-
[1] Ceft Otbrudni. Le texte dit, Otbmila' ; tous les interprétés conviennent qu’il faut lire Othryu ür. [l] Cette femme l'ell fvt un ’raiii nom, à-r. L’hiftoiredcTéléfille cft auflî
racontée dans Hérodote & dans Plutarque. [5] Pertit In guerre en /for»'. Je dis en Àrfoi pareeque fentens tout le pays» autrement il faudrait dire à
Vo y a g e d e Co r in t h e . 197 ce qu’il y avoit dans le pays d’hommes capables de porter les armes, mena l’on armée vidorieufè droit aux portes d'Argos. Ce fut alors que Téléfille entreprit de défendre la ville, elle en fit fortir les efclavcs Se toutes les bouches inutiles, prie dans les temples & dans les maifons particulières tout ce qui y étoit refté d’armes, les diftribua à toutes les femmes qui lui Îiarurent allez fortes pour s'en lcrvir , fe mit à leur tête, 8c es mena elle-même à l’endroit par où elle fijavoit qu’il étoit le plus ailé d’entrer dans la ville. Ces femmes encouragées par un fi bel exemple ne s’étonnèrent ni de l’approche ni des cris de l’ennemi ; elles foutinrent même l’aflàut avec tant de valeur, que les Lacédémoniens faifant réfléxion , que s'ils remportoient la victoire, ce feroit une victoire odieufe, & que s’ils étoient repouflez, leur honte lcroit éternelle, ils levèrent le fiége & fe débitèrent de leur entreprife. La Pythie avoit prédit cet événement long-temps auparavant, 8c foit qu’Hérodote ait bien pris le lens de l’Oracle, ou qu’il l’ait mal entendu , voici comme il le rapporte :
Dans le temps malheureux qu'une brave guerrière De Sparte repouflânt la fureur meurtrière, Effacera l’honneur des plus vaillans héros, Que de fang, que de pleurs couleront dans Argos ! En defeendant du temple de Venus vers la place, vous verrez c H A p< la fépulture de Cerdo femme de Phoronée. Il y a auflî deux XXL temples de ce côté là, l’un d’Efculape, l’autre de Diane Pitho, ou dcl.i Pcrfuafion ; ce dernier fut confacré par Hypermneftre, lorfqu’clle gagna fon procès contre fon pere qui lui failbit un crime de n’avoir pas tué Lyncée. On trouve une ftatuc de bronze d’Enée auprès d’un certain quartier qu’il leur a plu d’appcllcrf 1 ] le Delta ; comme je ne goûte pas la raifon qu’ils me donnèrent de cette dénomination, je ne la rapporte pas. Devant la place il y a un autel dédié à Jupiter Phyxius, cet autel n’cft pas loin du tombeau [ 1 ] d’Hypermneftre mere d’Amphia-
[ 1 ] ^u'il leur a ftu iTuppeUer le Delta. Il feroit naturel de croire que ce
quartier étoit ainfi appelle à eau le de la rcllcmblanccqu’il avoit avec un delta la quatrième lente de l’alphabet grec, mais l'auteur dit que les Argicns en donnoicnr une autre taifon. [a] D'Hjpmineftre mere eCAniphia-
raiii. Hygin ch. ifo, dit que la mere d'Amphiaraüs étoit fille de Theftius, & c’eft par là qu'Amphiaraüs & les fil* de Tyndarc étoient coufins germain*. Mais le même Hygin appelle cette fille de Theftius Cl}te>nneftre, Je non Hj-
permuellre. l‘aulni.er.
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Pa u san ia s , Liv re
II.
rails, ni de celui de l’autre Hypcrinneftre fille de Danaüs, où Ion mari Lyncéc a aufli fa lepulcurc. Vis-à-vis on voit le tombeau de Talaüs fils de Bias : j’ai déjà parle de Bias & de fa porte-
rite. Près de là vous verrez le temple de Minerve Trompette, que l’on croit avoir etc bâti fous ce titre par Hcgclaus fils de T yrrhene, lequel étoit fils d’Hercule [ 1 ] Scd’une Lydienne. Ce Tyrrhcne fut l’inventeur de la trompette ; onditqu’Hégelaüs fon fils apprit à jouer de cet inftrument à ces Doriens qui fui.
virent la fortune de Téménus, & qu’étant venu avec lui à Argos, il voulut que Minerve fiât honorée fous ce nom. Devant le temple de la deeflè on vous fera remarquer le tombeau d’Epimcnide -, car félon eux les Laccdcmoniens dans le temps qu’ils faifoient la guerre aux Gnoflîens , prirent Epimenide , & l’ayant tué pareequ’il ne leur prédiloit que des malheurs, ils lui donnèrent fépulture en ce lieu-là. Au milieu de la place s’eleve un grand édifice de marbre blanc, que les Argiens regardent comme un trophée érigé par leurs ancêtres à l’occafion de la mort de Pyrrhus roi des Epirotes ; car à l’endroit où fon corps fut brûlé, ils lui éleverent un tombeau, fur lequel on voit gravées plufieurs machines de guerre dont il fe fervoit dans les combats, & particulièrement des éléphans. Ce monument fut bâti fur fon bûcher, mais fes cendres repofent dans le temple de Cercs, le hazard ayant voulu qu’il fut rué dans un lieu qui en eft fort firès, comme je l’ai raconté dans mon premier Livre en parant de tout ce qui avoit rapport aux Athéniens. Quand on entre dans le temple de Cerès, on voit encore fur la grande porte le bouclier de ce prince, qui y eft attaché. Allez près de ce trophée qui eft dans la place, on vous fera obfêrver une petite cminence où l’on dit que la tête de la Gorgone Médufê a été enterrée. Sans m’arrêter [1] aux fables qu’on débité fur Médule, voici ce que l’hiftoireen peut apprendre. Quelquesuns difent qu’elle étoit fille de Phorcus -, qu’après la mort de fon pere elle gouverna ces peuples qui habitent aux environs du marais Tritonis} qu’elle s’exerçoit à la chaflê & qu’elle
f 1 ] Tynhene, lequel éteit fih d"Hara/<■ c~ tune Lydienne. C’eft-à-dire, d’Omphale comme le rapporte Denis d’Habcamaflè dans lés Antiqaitez Ronuines Liv. 1. [ a] Aux fxilei qn'n débite [ne Mé-
dnCe. La fable des Gorgones eft admirablement bien traitée dans le t' tome des mémoires de l’Académie des belles Lettres pag. f r,— parc-n réu M.riu-i l’Abbé MalFieu, qui croît______ un des, principaux ... ornemens de cette Académie.
VOYAGE DE CoRINTHt I99 alloit meme à la guerre avec les Libyens qui croient fournis à Ion empire ; que Perlée à la tête de cette Belle jeuneflè qu’il «voit tirce du Peloponnefe s’étant approche, Module fe prélènta à lui en bataille rangée ; que ce héros la nuit fuivantc lui drellà une embuleade où elle périt ; que le lendemain ayant trouve fon corps fur la place, il fut furpris de la beauté de cette femme, lui coupa la tête Cela porta en Grèce pour y fervir de fpeétacle, & comme un monument de là vi&oire. Mais [ 1 ] Proclès de Carthage fils d’Eucratès en parle d’une maniéré qui me paroît plus vrailémblable. Il dit que dans les delèrts de la Libye on voit allez communément des bêtes d’une forme & d’une grandeur extraordinaire ; que les hommes & les femmes y font fauvages, & tiennent du prodige comme les bêtes ; enfin que de fon temps on amena à Rome un Libyen qui parut fi différent des autres hommes que tout le monde en fut furpris. Sur ce fondement il croit que Mcdufe étoit une de ces lâuvages, qui en conduifant Ion trou, peau s’écarta jufqu’aux environs du marais Tritonis, où ficre de la force de corps dont elle étoit, elle voulut maltraiter les peuples d’alentour, qui furent enfin délivrez de ce monftre par Perfée. Et ce qui a donné lieu de croire, ajoute-t-il, que Pcrfée avoit été aidé par Minerve, c’eft: que tout ce canton eft confacré à cette déefle,&quc les peuples qui l’habitent font fous la protection. Auprès du tombeau de la Gorgone vous verrez celui de Gorgophoné fille de Perfee 5 fon nom feul fait allez comprendre [ 1] la raifon pourquoi il lui fut donné. Cette princelfe après la mort de Pcricrès fils d’Eole lôn premier mari, époufa (Ebalus, & c’eft, difent-ils , la première femme d’Argos [ 3 ] qui ait été mariée en fécondes noces ; car auparavant c’étoit une coutume inviolable que toute femme qui perdoit fon mari, pafQt le refte de fes jours dans le veuvage. Tout devant ce tombeau il y a un trophée de pierres, qu’ils ont élevé à l’occafion d’un Argien nomme Laphaès qui s’étoit empare du gouvernement, & que le peuple d’Arge chaflâ. de la ville ; je raconte ce que je leur ai ouï dire. Ce
[ilA/411 Fndti dt Cârtbtgt, &(. qu'elle naquit peu après l’exploit de Proclcs ou Proclus hiftoticn quia écrit Perlée contre la Gorgone, des mots en grec; on nelçait pas prccUemcntcn • •f»* Je *•’••» mtrrjiot. [3] £>ki fit ittnunrt tn feccxdembquel temps il vivoit. (1) La mi /om pourquoi il luifutiUnni. tfi. Voilà un exemple de vertu bien teElle fût appcllcc Gorgophonc, parcc- nurquablc dans des femmes payennes.
ioo Pa u sa n ia s , Liv r e II. homme fe retira chez les Lacédémoniens, oui voulurent le rétablir dans la tyrannie; ils livrèrent bataille aux Argiens,
mais ceux-ci remportèrent la viâoirc, tuèrent un grand nom* bre de Lacédémoniens ëc Laphaès même. De cc trophée il n'y a qu’un pas au temple de Latonc, la ftatuë de la deefiè eft un ouvrage de Praxitèle. On voit auprès une jeune vierge à laquelle ils donnent le nom de Chloris} ils prétendent que c’étoit une fille de Niobe, & que fon premier nom fut Mélibée ; qu’Apollon & Diane immolèrent à leur reflcntimenc tous les enfans d’Amphion >la referve de cette jeune fille & de là fœur Amycle, qui feules avoient bien voulu implorer la bonté de Latonc 5 que Melibee effrayée de la colère de ces divinitez n’avoit pû s’empêcher de marquer fa crainte par là pâleur, & que cette pâleur lui étant toujours reftee depuis, on avoit changé fon nom de Melibee [ i | en celui de Chloris. Si l’on en croit les Argiens, ce furent ces deux filles qui firent bâtir ce temple en l’honneur de Latonc ; mais pour moi qui m’attache à Homère plus fcrupulcufcment que les aucrcs, je ne puis croire qu'il foit refte aucun des enfans do Niobe ; le pocte s’en explique [i] allez nettement, Pas un ne fe fauva de leur jatte courroux. On peut juger par cc vers fi Homère n’étoit pas perfuade que ___ toute la race d’Amphion avoit été éteinte. Ch a p. Apres le temple de Latonc vous trouvez à droite celui de XXU. Junon furnommée Anthée. Devant la porte on voit le tombeau de ces femmes qui vinrent avec Bachus des îles de la mer Egée, & qui périrent en combattant contre les Argiens, 3ui étoient alors commandez par Perfée ; aufii n’appcllents point autrement ce tombeau que /.z fépultare det marines. Vis-à-vis eft le temple de Cercs-I’élafgis, ainfi dit, pareeque c’eft Pclafgus fils de Triopas qui l’a conlàcrc, & fon tombeau eft tout auprès. Un peu plus loin vous remarquerez un cippe de bronze d’une grandeur médiocre, qui foutient des ftatucs fort anciennes de Diane, de Jupiter & de Minerve. Le pocte [3]Leucéas dit que le Jupiter qu’on a voulu repréfenter là
[i] Sen Htm de Méltbée en celui de [dZz Pfete Lncéet, cr<- B y * Cblern. c’eft que lignifie pnlh- dans le texte Z.h ms ■ fai déjà averti de dm, pile. ccm faute de copillc dans un autre cn[ a] S’en ex»lique uflet. nettement, au droit. «4e Livre de filiadc vas 609. eft
Vo y a g e d f . Co r in t h e . tor eft Jupiter [ i] Mcchanciis, & que c’eft devant fa ftatuc que les Argiens, avant que d’aller au fiege de Troye, s’engagèrent tous par ferment à périrpliitot que d’abandonner leur entreprife. D’autres aflùrenc que ce cippc renferme les os de Tantale, ils entendent [i] celui qui epoufa Clytcmncftre avant qu’elle fut femme d’Agamemnon, & qui ctoit fils de Thyefte ou de [3] Broncée $ car on n’cft pas d’accord fur ce point. Je veux bien que Tantale ait etc enterre là, mais j’ofe du moins aflîirer que ce n’eft point celui qui ctoit fils de Jupiter [4] & de Pluto ; car pour celui-là j’ai vù lôn tombeau à Sipyle, & c’eft même un tombeau très-remarquable. D’ailleurs aucune force étrangère ne l’obligea à quitter Sipyle, & il n’en fut pas de lui [5] comme de Pélops qui fut chaire de fon pays par
[6] Ilus le Phrygien ; mais il fuflît de cette critique en paffànt. Près de là il y a une foflê autour de laquelle les habitans d’Argos font je ne fçai quelles cérémonies inftituées, difencils, par un homme de la ville, qui s’appelloit Nicoftrate ; ils jettent tous les ans à certain jour dans cette fofle des torches ardentes en l’honneur de Proferpine. A quelques pas de là vous verrez le temple de Neptune Profclyftius, furnom dont voici la raifon. Ils difent que Neptune inonda une grande partie de leurs terres, lorfque le Heuvc Inaclius & les autres
[’lywpirrr MéchnAf , du verbe de la Phrygie. Sur la fin de fon régne m«/i«r, ftruo, je médite, je il eut une guerre à foutenir contreTros machine, comme qui dirait, le Jupi- roi de Phrygie, les uns difent au fujet terqui bénit les entreprifes dei hommes. de leurs limites, les autres à l’occafion [1] Ils entendent celui qui époufi de Ganymede que Tantale félon eux Clpemne/lre. Le premier Tantale ctoit avoit enlevé. Quoiqu il en foit, Tanfils de Jupiter, le fécond qui eft celui dont parle l’auteur ctoit l'arriére petitfils du premier. [3] Ou de Brontée. Il fout lire Brotée comme Méziriac le prouve par divers paffages. Ce Brotée ctoit frere de Pélops , & fils du premier Tantale. [4] Et de Pluto. Cette Pluto félon Héfiodc dans fa Théogonie étoit une des filles de l’Océan. [f ] Il n'en fut pat de lui comme de Pélops. Pour entendre ceci il fout fçavoirquc Tantale Lydien de nation félon les uns, & Paphlagonicn félon les autres, régnoit à Sypilc ville voifinc Tome I.
tale finit fa vie dans fes Etats. Mais Pélops fon fils fuccomba bien-rôt dans la guerre que lui fit Ilus fils de Tros; il fut charte de l’Alic, & ayant parte en Europe il vint s’établir dans ccttc partie de la Grèce qui s’appelloit Apia, & qui depuis fût appclléc de fon nom le Pcloponncfe : c’eft aujourd'hui la Moréc. [<5 ] Pur Ilus le Phngieu. I.c texte dit, r»i,riv , il faut lire l'a». Anufée a rendu ces mots par ceux-ci : /lus Phrygitfilms, au lieu de dire, Ilus Phrj gius, /lus roi de Phrygie.
Ce
ioi Pa u sa n ia s , Liv re IL arbitres prononcèrent que ce pays devoir appartenir à Junon & non à Neptune. Junon pria enfuite Neptune de faire ccflèr l’inondation, le dieu lui accorda cette grâce, & à l’endroit par où les eaux de la mer fè retirèrent, les Argiens pour conîèrver la mémoire de cet événement bâtirent un temple à Nep-
tune qu’ils furnommèrent [i] Profclyftius. Prefque au forcir de ce temple on trouve le tombeau d’Argus, qu’ils croyent avoir été fils de Jupiter & de cette Niobé qui étoit fille de Phoronée ; enfuite le temple de Caftor & de Pollüx, où l’on voit des ftatuës non-feulement de ces dieux, mais de leurs femmes Hilaire & Phébé, & de leurs enfans Anaxis & Mnafinoüs 5 ces ftatuës font de bois d’ébéne de la faconde Dipœnus & de Scyllis ; leurs chevaux [i] font auflî d’ébéne à la réferve d’une petite partie qui eft d’y voire. Auprès de ce temr>le il y en a un autre dédié à Lucine, & confacré par Héene lorlqu’elle fut conduite à Lacédémone, après le départ de Pirithoüs & de Théfée pour la Thefprotie, Sc après que Caftor & Pollux eurent pris la ville d’Aphidnc 5 car ils prétendent qu’alors elle étoit grofle du fait deThéfée, & qu’ayant accouché à Argos, elle ht bâtir ce temple en l’honneur [ 3 ] de Lucine ; ils ajoutent qu’elle accoucha d’une fille, dont l’éducation fut confiée à Clvtemneftre, qui étoit déjà femme d’Agamemnon, Sc qu’enfuite Helene fut mariée à Ménélas. En effet [4] Stéfichore d’Himéra & après lui [ 5 ] Euphorion de Chalcis, & [6] Aléxandre de Plcuron font là-delfus d’ac-
[1] .^a’r/r/îireammerwrr Prochftius, ^JSiefîchore d'Himera,ville de Sicile dum<Kgtec*t«nxi^th,effluere,s'écouler. vivoit en la 41e Olympiade <»io ans [-] Leurs chevaux font nu/fî d’ébéne. avant J. C. Cctoit un poëtc Lyrique
Je crois que c ctoit les plus anciennes ftatucs equeftres qu’il y eût en Grèce. L’ufagc de monter à cheval ctoit alors tout récent dans ce pays. [5] En l'honneur de Lucine. Cette deefle fille de Jupiter 8c de Junon préfidoit aux accouchcmens, fon nom eft tire du mot lux, lucis, l.i lumière, pareeque les enfans par fon l'ccours venoient au monde & voyoient la lumicrc. Les Grecs par la même raifon l’appclloient flithie. D’autres la confondent avec Diane, & de là ce vers de Virgile,
dont toute l’Antiquité a fait grand cas , Stefîchoriquegraves cnmaiu, dit Hor. [ ç ] Euphorion de Chalcis , ville d’Eubœe, floriflbit en la 1 Olvmpiade, dans le temps que Pyrrhus roi des Epirotes failoit la guerre aux Romains ; cctoit un poëtc élcgiaque que Virgile paroît avoir eftime. f6] /lléx.tndre de Fleuron, ville d’Etolic, étoit poète & Grammairien, il avoit fait des tragédies, des élégies, des mimes, &c. mais il ne nous refte de tout cela que quelques fragmens qui font citez par Strabon, par Athé(.«ftafavt lueinn, tuus j»m rejnot spolie, née, par Aulugclle & par Macrobc.
Vo y a g e
de
Co r in t h e .
io j
cord avec les Argiens, & ont tous trois attefte par leurs vers qu'Hclcnc avoit eu de Thefee une tille qui eut nom Iphigénie. Au de-là du temple de Lucine on rencontre celui [ i ] d’Hecate ; la ftatuë de fa deeflê cil de marbre, c’cft un ouvrage de Scopas} vis-à-vis on voit deux ftatuës de la meme deefl’e, qui font de bronze 5 l’une eft de Polyclete, l’autre [ 1 ] de Naucydès fils de Mothon, Sc frère [3 ] de Pericletc. De là le chemin vous mené tout droit au Cylarabus ; c’eft un lieu d’exercice ainfi nommé à caufc de Cylarabus fils de Sthenélus, qui l’a fait bâtir ( en y allant vous paflèz auprès du tombeau de Licymnius fils d’Eleclryon ; Homère dit que ce Licymnius fut tue par Tleptoleme fils d’Hercule, & que par cette raifon Tleptoleme fut banni d’Argos. Un peu au de-là de ce lieu d’exercice & de la porte qui eft amsrès, vous appercevrez le tombeau de Sacadas célébré Mulicien, qui inventa & joua le premier à Delphes un air de flûte que l’on nomma la Pythique, & qui plut tant à Apollon, qu’il le réconcilia avec les joueurs de flûte ; car ce dieu les avoit pris en haine depuis l’infolcnce du Silene Marfyas, qui avoit ofc fe comparer à lui & le defier. Dans le Cylarabus vous pourrez voir une ftatuc de Minerve furnommee Pania ; le tombeau de Sthenclus y eft aufli, & celui de Cylarabus même. Plus loin vous verrez un monument que l’on a elevé à ces Argiens, qui s’embarquèrent fur la flotte d’Athenes pour aller faire la conquête de Syraculc & de toute la Sicile. Si vous prenez votre chemin par la rue [4; qu’ils appellent Cha t . Calé, vous trouverez à main droite un temple de Bachus, & XXlll. une ftatuë du dieu que l’on dit être venue d’Eubœe ; voici à quelle occafion. Les Grecs après la prile de Troye s’erant embarquez pour repafler la mer, allèrent fe brifer contre les
[i]Cr/*i d'H:\ate. La déefle Hécate ctoit Diane confidcrée comme la lune. Le nom d’Hécate vient du mot grec < ’•«« ■ ttmtriu, dt trin, parccqu’clle darde de loin fes rayons. On en apporte encore d’aunes raiforts, mais celle-là me paroît la plus probable. fi] L'autrt dt Naucydti. Il en a déjà été parlé dans les notes précédentes. Ce ftatuaire, dit Pline, vivoit en la 5J* Olympiade, il eut pour difciplcs
Alype de Sicyonc & Pol ycletc d ’Argos. [;] Et frai dt Pénilttt. Ce Pericletc, dit ailleurs Pauûnias, avoit été dilciplc de Polyclete, & eut pour éleve Antiphane. [4] Qu'ils apftllat Calt. Le nom de la rue manque dans le texte, nuis il cft ailé de le fupplcer, & la fuite fait voir que cette me s’appclloit lait, apparemment pareequ e» alloit en deitendant, > ut ut, ■ rr»
Ce ij
104 Pa u sa n ia s , Liv r e II. écueils du promontoire [ i ] de Capharccs quelques Argienj fe fauverent à la nage, niais quand ils curent gagne la cote, un autre danger penlà les faire périr, le froid & la faim ; dans cette extrémité ils adreflerent leurs vœux au ciel, & implorèrent le fecours de quelque divinité* favorable. Après avoir marché quelques pas ils apperçurent un antre où ils trouvèrent une ftatuc de Bachus, & un grand nombre de chèvres làuvages, qui s'écoient réfugiées là pour fe mettre à couvert du froid 5 iis tuèrent ces bêtes, en aflbuvirent Jgur faim, fe
couvrirent de leurs peaux, & quand l’hyver fut pafle, ayant radoubé leurs vaifl’eaux , ils regagnèrent leur patrie, emportant avec eux la ftatuc du dieu; c’eft celle dont je parle, &c ils l’ont toujours eue depuis en fingulierc vénération. Près de ce tenwle on vous montrera la maifon d’Adrafte, & un peu plus loin Te temple d’Amphiaraüs, avec le tombeau d'Eriphylequi n’eft qu’à deux pas de là ; enfuite une enceinte confacréc à Elculape, &la chapelle de Bâton ; ce Bâton étoic de meme làng qu’Amphiaraüs, & d’elcendoit comme lui de
MélampuS} il lui fcrvoit d'écuyer dans les combats, & après la déroute des Argicns devant Thebes, la terre s’etant ouverte fotls les pieds d’Amphiaraüs, le maître, le char Sc l’écuyer difparurent tout à la fois. En revenant du quartier appelle Calé, vous rencontrez un tombeau qu’ils difent être celui d’Hyrnétho ; s’ils entendent Amplement un cénotaphe , je le veux bien 5 mais s’ils prétendent que cette femme foit enterrée là, je ne les en crois pas; il faudroit pour les croire n’être gucres verfé dans l’hiftoiredcs Epidauriens. La ftatuc [i] d’Eiculapc la plus renommée qui foit à Argos, c’cft une ftatuc de marbre blanc qui reprélênte le dieu aflîs ; il eft accompagné de la deefle Hygéia, & des grands ouvriers qui ont fait l’un & l’autre, [3] Xcnophile &Straton 5 le temple du dieu eft fort ancien êc a été bâti par Sphyrus fils de Machaon , & frere de cet Alcxanor qui eft honore chez les
( 1 ] De Cepberée. Etienne de Bvfancc fait de Capharéc un port ; mais fiitvant tous les Géographes c’ctoit un promontoire de l'Eubœc du côté de l'Hcllcfpont, & ce lieu étoit fort dangereux à caulê des écueils où les navires alloient fe on fit. [1] Le fietue f£fialepe. Amaféc
parle ici de temple où il ne s’agit que d’une ftatuë. [ ; ] Xénophilc & Straton. Ces deux ftatuairci avoient apparemment fait peu d’ouvrages ; car ils ne font connus que par ce que Paufanias nous en
V O T A Cl DR C OR T N T TT F. 20f Sieyoniens à Titane. Les Argiens ont une Diane Phéréenne autli-bicn crue les Sicyoniens & les Athéniens , & ils prétendent que la ftatuë de cette dédie leur a été apportée de Pherès ville de Theflalie. Quant à l’opinion où ils font touchant le tombeau de Dejanire fille d’Oeneus , celui d'Hélénus fils de Priant, & la ftatuë de Minerve qu’ils difent leur être venue après la prife de Troye , j'entends le Palladium , cette ftatuë fatale dont dépendoit toute la fortune de Troye , je fuis perfuadé qu’ils fe trompent ; car premièrement pour le Palladium , il eft [i] certain qu’Enée l'apporta en Italie ; à l'egard de Dejanire, on fçait qu’elle mourut à Trachis , & que fon tombeau eft auprès d'Heraelée fous le mont Oeta. Quant à Hélénus fils de Priant, j’ai déjà dit qu’il ctoit venu en Epirc avec Pyrrhus fils d’Achille , qu’après la mort de Pyrrhus il avoit époufé Andromaque , & pris fous fa tutéle fes enfans , dont un nommé Ceftrinus régna fur une partie de l’Epire , qui de fon nom fut appellée la Ceftrine. Les f^avans de la nation n'ignorent pas que leurs vieilles traditions s’accordent mal avec la vérité de l’hiftoire , mais ils ne laillènt Cas de les débiter comme les autres , pour s’accommoder à ; Multitude , qui ne revient pas aifément de fes préjugez. Il y a à Argos plufieurs autres choies dignes de curiofirc, comme par exemple un palais fouterrain , où étoit [ a ] cette efpece de cage ou de chambre d’airain , qu’Acriiius, dit-on, avoit fait taire pour y garder fa fille, & qui a été détruite par Le tyran Périlas. Je mets au même rang le tombeau de Crotopus , & le temple de Bacchus furnommé Crélius ; car la haine de Bacchus contre Perfée ayant pris fin avec la guerre qu’ils s’étoient faite , les Argiens difent que leurs ancêtres décernèrent à ce dieu de grands honneurs & lui bâtirent ce temple, qui eut depuis le furnom de Créfius , ou le Cretois, parce que Bacchus choifit ce lieu pour la fépulture d’Ariadne. En effet Leuceas raconte que lorique ce temple fut réparé, on y trouva une urne de terre, qui renfermoit les cendres d’Ariadne, & il dit que lui & pluücurs Argiens virent cette
[l] Ileftcertaint]H Ente Iapperta en [:J Ceft me efpece Je cage tu de Italie. Le fçavant Samuel Bodiart chambre d'airain. Horace dit, tterril croyoit avoir démontré le contraire, ahenea, rtbxfta^ne ferfi, Bc le fenriment de l’aulànias eft tout «U pim probable, Tfme I. • Cc iij
aotf P a u s a n i a s / Liv r e II. «me. Auprès du temple de Bacchus vous verrez celui de Venus la Cclcfte , & de-là vous irez à la Citadelle qu'ils appellent Larille du nom de Larilla fille de Pélalgus i cette fille donna pareillement fon nom à deux villes de Theflàlie , dont l'une eft fur le bord de la mer , & l'autre fur le bord du fleuve Pence. En montant à la Citadelle on trouve le temple de Junon Acréa , & celui d’Apollon ; on tient que ce dernier a etc bâti [i] pat Pythacüs , qui venoit de Delphes, & que c’eft le premier temple qu'ait eu ce Dieu. La ftatuc que l’on y voit aujourd'hui eft de bronze, le dieu eft reprefente tout droit , &• ne s’appelle point autrement que l'Apollon Diradiotès, pareeque tout ce lieu eft [2] nommé Diras ; il s’y rend encore à prêtent des oracles, & voici de quelle maniéré. La prêtrefle qui prélide à ces oracles eft obligée de garder la chafteté; elle facrifie tous les mois une brebis durant la nuit , & aufiîtôt qu’elle a goûté du tang de la victime , elle eft remplie de l’efprit prophétique. Ce temple d’Apollon tient prelque à celui de Minerve aux bons yeux , bâti par Diomede , & ainfi nommé en mémoire de ce que devant Troye au milieu du combat, Minerve detlilla les yeux à Diomede , & diftîpa les épaift'es ténèbres dont il étoit environné. Vous trouverez eniuite un ftade , où l’on célébré des Jeux en l’honneur de
Jupiter Néméen & de Junon. Sur le chemin qui mene à la Citadelle, on vous fera remarquer aufiî le tombeau des fils d'Egyptus 5 c’eft-là en effet que leurs têtes furent apportées & miles en terre > car leurs corps font demeurez à Lerna, où ils avoient été égorgez ; les femmes de ces jeunes hommes après avoir tué leurs maris leur coupèrent la tête , & la portèrent à Danaüs leur pere , pour lui prouver rout-.i-la-fois leur obéiflànce & leur hardiefle. Au bout de la Citadelle on trouve encore un temple qui eft dédié à Jupiter Lariflcüs ; ce temple n’a plus de toit, ia ftatuè du dieu elt de bois & ne tient plus fur fon piédeftal. Mais le temple de Minerve qui eft auprès mérite toute votre curiofité ; vous y verrez plufieurs ftatuës, & entr’autres un Jupiter en bois qui a deux
[ 1 ] P.ir Pjthnèni. Ce Pythacüs étoit , une colline, une eminence. Ain lî fils d’Apollon, comme il fc verra dans l’Apollon Dn-ndiotès, c'cft comme qui la fuite. diroit Vylpollon de In Colline. [1] Eft nomme Dirai, A«f A lignifie
Vo y a g e d e Co r in t h e . 107 yeux comme la nature les a placez aux hommes, & un troiliéme au milieu du front ; ils difènt que c’eft le Jupiter Patrons , qui étoit dans le palais de Priam fils de Laomédon en un lieu découvert, & que cc fut à fôn autel que cet infortuné roi fe réfugia apres la prife d’Ilion 5 ils aflùrcnt que dans le partage du butin cette ftatuë échut à Sthénclus fils de Capanéc, qui enfuite la dépofa dans cc temple. On peut raifonnablement conjecturer que Jupiter a été reprélcnté avec trois yeux, pour lignifier qu’il régne premièrement dans le ciel comme tout le monde en convient, fecondement dans les enfers ; car le dieu, qui fuivanc la fable, tient fon empire dans ces lieux fbuterrains, eft auffi appelle Jupiter par Homère, fuivant ce vers: [t] Jupiter infernal & fa terrible epoufe. troifiémement enfin furies mers, comme le témoigne Elchyle fils d’Euphorion. Quiconque a donc fait cette ftatuc, je crois qu’il lui a donné trois yeux pour faire entendre qu’un feul & meme dieu gouverne les trois parties du monde, que les autres diiênt être tombées en partage à trois dieux differens. Au fortir d’Argos vous trouvez plufieurs chemins qui mènent en divers endroits du Péloponnefe, & un fur-tout qui mene à Tegée ville d’Arcadie. Si vous prenez ce chemin, vous verrez fur votre droite le mont Lyconé , qui eft couvert d’une infinité d’arbres dont la plupart font des cyprès ; au haut de la montagne il y a un temple de Diane Orthia, & dans ce temple trois ftatuës, l’une d’Apollon, l’autre de Latone, &la troifiéme de Diane, toutes trois de marbre blanc & attribuées à Polycléte ; en defeendant la montagne on trouve à gauche du grand chemin un autre temple de Diane, puis à droite le mont Chaon, dont le bas eft planté d’arbres fruitiers. C’cft-là que l’on voir fortir de terre les eaux du fleuve Erafinus, lcfquelles ont pourtant leurs fources plus loin; carelles viennentdu fleuve Stymphale en Arcadie, de la même maniéré que ces canaux dont j'ai parlé dans la defeription de l’Attique, &qui formez par les eaux du golfe de Chalcis paflent auprès d’Elcufis & vont fe décharger dans la mer qui baigne ce canton-là. A cette chûte d’eau qui forme l’Erafinus
on honore Bachus & le dieu Pan par des fâcrifices, & même
[»] de l’Iliade.
r»
crr. C’eft le vers 4f du 9- Livre
T
108 Pa u sa n ia s , Liv r f .IL on célébré en l’honneur de Bachus une fcte qu'ils nomment [ijTyrbé. En reprenant le chemin de Tegée, à la gauche d’un village appelle Trochos, vous trouverez le fort de Cenchrée ; pourquoi il porte ce nom , c’eft ce que je n'ai pu fçavoir, je croirois que c’eft à caufe de Cenchréus qui ctoit fils de Pirene, & dont j’ai parlé. Là fe voit [ a ] la fépulture commune de ces Argiens qui défirent l’armee de Lacédémone auprès d’Hyfies, & je trouve que ce combat fut donne du temps que Pififtrate ctoit Archonte à Athènes, la quatrième année de l’Olympiade en laquelle Eurybote Athénien remporta le prix du ftade. Si vous defeendez. dans la plaine vous
appercevrez les ruines d’Hyfies, qui étoit autrefois une ville de l’Etat d’Argos, & c’eft-là, difent-ils, que les Lacédémo______ niens furent battus.
Ch a t .
Le chemin d’Argos à Mantince eft un peu différent de XXV. Cehii qui conduit à Tegée ; car il commence à cette porte de
la ville qui eft auprès du quartier qu'ils appellent Diras. Sur ce chemin on rencontre un temple qui eft double & qui a deux entrées, l’une à l’orient, l’autre à l’occident. Mars & Venus partagent ce temple, & font repréfèntez en bois l’un d’un coté, & l’autre de l’autre. On dit; que leurs ftatuës ont été confacrées par Polynicc & par les Argiens qui ayant époufé fa querelle combattirent fous fes étendars contre fon
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frere Etéocle. Plus avant eft un torrent qu’ils nomment le Charadrus ; quand vous l’aurez paflé vous arriverez bien-tôt au bourg d’GEnoé, ainfi appelle félon eux du nom d’Œnéus ; car ils difent qu’GEnéus lè voyant chaflc de fon royaume d’Etolie par les enfans d’Agrius, vint à Argos demander du fecours à Diomede -, que celui-ci mena auflitôt une armée en Calydonie, & vengea l’injure faite à ce prince -, mais après ce fervice il lui déclara qu’il ne pouvoir refter en Etolic, & l’exhorta à revenir avec lui à Argos ; (Enéus l’ayant crû, Diomede lui rendit tous les honneurs poflïbles comme à fon
ayeul paternel, & pour conferver fil mémoire il voulut que le lieu où ce prince finit ces jours fut appelle (Enoé. Au-defliis de ce bourg s’élève le mont Artémifium, fur le fommet duquel
[ 1 ] Tyrbé. T&* ■ mrb.r, tourbe. Il y dans fon Livre intitulé> GrxcitifcriatJa apparence que ccttc fcte ctoit ainfi [ 1 ] Lu fépulture commune > &c. appclléc à caufe de la foule qui s’y trou, qui eft l’expreflîon de lauvoit. Mcurfius ne nous en apprend rien tcur, lignifie un cimetière commun.
il
!
Vo y a g e d e Co r in th e . 109 iFy a un temple de Diane. C’eft dans cette montagne que le fleuve Inachus prend fa fource, on n’en peut douter, quoique fes eaux le perdent bien-tot après ; ce lieu ne fournit aucune autre curiofité. A la porte qui eft du côte de Diras on trouve un autre chemin qui mène à Lyrcée 5 c’cft une ville où l’on die que Lyncce fe retira , lorfque de cinquante frères qu’ils étoient, lui feul eut évite le danger dont ils étoient tous menacez ; & de-là il donna un fignal à Hypcrinneftre avec un flambeau allumé$ car il étoit convenu avec elle qu’aufli-tôt qu’il fe croiroit en fureté contre les embûches de Danaüs, il l’en avertirait par ce fignal, comme elle de Ion côté devoir allumer auflî un flambeau & donner ce fignal du haut de la citadelle de Lariflè, au moment qu’il n’y auroit plus rien à craindre pour elle} & en mémoire de cet événement les Argiens célèbrent tous les ans un jour de fête qu’ils appellent la fête aux flambeaux 5 cette ville fut même alors nommée Lyncée, mais Lyrceus fils naturel d’Abas s’y étant établi depuis, elle prit fon nom & s’appella Lyrcce ; au milieu de fes ruines on voit encore une colonne contre laquelle eft adoflee une ftatuc de Lyrcus , tout le refte ne mérite pas grande attention. D’Argos à Lyrcée il y a tout au plus foixante ftades, & autant d’Argos à Ornée. Homère n’a fait aucune mention de Lyrcée dans le dénombrement des Grecs qui vinrent au fiege de Troye, ce qui me fait croire qu’alors elle étoit déjà déferre -, mais comme Ornée fubfiftoit encore, & que d’ailleurs c’eft la p^miere ville que l’on rencontre fur les confins de l’Argolide, aufli fe trouve-t-elle nommée la première dans ce grand poëte & avant Phliunte & Sicyone. Au refte la ville d’Ornée a pris fon nom d’Ornéus fils d’Eredhée^ cet Ornéus fut pere de Pétéus dont naquit Mnefthée, celui-là même qui avec les Athéniens fut d’un fi grand fecours à Agamemnon, & qui contribua tant à la prilé de Troye ; dans la fuite les Orncates furent chaflcz de leur ville par les Argiens, & incorporez dans Argos ; on voit pourtant encore deux temples à Ornée, l’un de Diane avec une ftatuc de bois de la déeflê , l’autre confacré à tous les dieux ; au de-là de cette ville font les limites des Phliafiensêc des Sicyoniens. Sur le chemin qui mené d’Argos à Epidaure on trouve à droite un édifice qui s’élève en forme de pyramide. & où l'on Tome I. Dd
no Pa u sa n ia s , Liv r e IL garde des boucliers qui font faits à la manière [ i ] de ceux des Argiens; on dit qu'il lé donna autrefois un combat en ce lieulà entre Prœtus & Acrifius, & que ni l'un ni l'autre n'ayant remporte la victoire, on négocia la paix entre eux, parccqu'il ctoit de leur commun interet de demeurer toujours unis cnlcmblc; on ajoute que c’cft la première bataille où les Argiens ayent porte des boucliers ; & comme l'affaire s'etoit pafféc entre parons & concitoyens, ceux qui périrent de partêc d’autre curent une même fépulture dans ce lieu. Plus loin en avançant fur la droite vous découvrirez les ruines de Tirynthe} car les Argiens ont auflî détruit cette yille pour en tranL porter les habitans à Argos, qui avoit befoin d’être repeuplée; on dit que Tiryns étoit un héros fils d'Argus & petit-fils de Jupiter, fe qu'il donna fon nom à cette ville ; il n'en relie aujourd'hui que les murs, qui paffent pour avoir été faits par les Cyclopes ; ils font bâtis de pierres feches qui font fi groflès qu’il faudrait deux mulets pour traîner la plus petite ; parmi ces greffes pierres [ 1] il y en avoit autrefois de petites entremêlées, qui quadroient fi jufte avec les autres qu’il ne paroiL foit aucun vuide. En defeendant vers la mer on peut voir encore les appartemens des filles de Preetus; mais fi vous reprenez le grand chemin, il vous mènera à Midée qui cil fur la gauche; c’étoit une ville où l'on dit qu’Eleétryon pere d’Alcmcnc régna autrefois ; préfentement elle eft détruite au point que l'on n’en voit plus que la place. De-là vous allez droit à Epidaure, mais fur le chemin vous trouvez le bourg de Lefla, ou il y a un temple de Minerve & une ftatuë d elbois de la déefle, qui ne diftere en rien de celle qui eft dans Ta citadelle de Larifle. Au-deiïus de Lefla vous voyez le mont Arachnee, il s'appelait autrefois Sapyfclaton, & c’eft fous le régne d'Inachus qu'il a change de nom ; Jupiter & Junon y ont leurs autels, ______ où les gens du pays font des làcrificcs pour obtenir de la pluye. Ch a t . C’cft au bourg de Lefla que fe termine l’Etat d’Argos, & XXVI. que commence le territoire d’Epidaurc. Avant que d’entrer
fi] Alu nueverede ceux det Aryen .
Arge.'iti rljfei tut Pbarbe» lmfud.1 influe.
Les boucliers des Argiens étoient les Enid. L. j. plus eflimez parmi les Grecs; ils fur[1] fl 1 en tv'rt uxtrefni dt retirer paflôient les autres en grandeur, ils enire-mclét!. Le texte me garnît ici fi'tt étoient auflî plus ronds. C’cft;xnir- dcfeclucux , j'ai fuivi la vertioa latine quoi Virgile compare l’œil de Poly- d'Amalcc. plicmc à un bouclier Argicn,
Vo y a g e d k Co r in th e . m dans la ville vous vifiterez le temple d’Efculape. Je ne puis dire qui tcnoit ce pays avant qu’Epidaurus y fût venu, ni meme quels ont etc fes dcfccndatft, car les Epidauriens euxmêmes n’ont fçù m’en inftruire. Tout cc que j’ai pu apprendre d’eux, c’eft qu’ancicnncmcnt & avant l’arrivée des Dorions dans le Peloponnefe, Pityreus petit-fils de Jupiter & arriéré petit-fils de Xuthus regt^fc a Epidaure ; que fans en venir aux mains il abandonna c«te contrée à Deïphonte Sc aux Argiens qui l’avoient fuivi, qu’enfuitc il alla établir fon domicile à Athènes avec fès citoyens ; ainfi Dcïphonte occupa le pavs avec les Argiens, qui après la mort deTéménus s’etoient attachez à lui ; car ni lui ni fa femme Hyrnetho ne pouvoient fouffrir les enfans de Temënus, Sc une partie des Argiens aima mieux fuivre Dcïphonte que de fe foumettre à Ciius & à fesfreres. Quant à Epidaurus qui a donne fon nom à tout le pays, fi l’on en croit les Eléens, il étoic fils de Peiops ; mais félon les Argiens Sc l’auteur du poème des Femmes illuftres, il eut pour pere Argus fils de Jupiter : enfin fi l’on s’en rapporte aux Epidauriens, il etoit fils d’Apollon. Pourquoi maintenant le pays eft conlàcrc à Efculape , voici la raifon qu’ils en donnent ; ils difènt que Phlégyas vint au Peloponnefe en apparence par le feul defir de voyager, mais en effet pour examiner le pays par lui-même, Sc pour voir fi les habitans croient en grand nombre Sc belliqueux ; car ce Phlégyas étoit le plus grand guerrier de fon temps, Sc de quelque côté qu’il fe jettat, il ravageoit la campagne Sc remportent toujours beaucoup de butin. Lorfqu’il fut entre dans le Peloponnefe, là fille qui l’avoit fuivi ne voulut pas lui dire qu’elle avoit eu commerce avec Apollon, Sc fe cachant de fon pere elle alla du côté d’Epidaure, où elle accoucha d’un fils, qu’elle expofa fur une montagne qui s’appelle encore aujourd’hui [ i ] le mont Tittbin, au lieu qu’avant cette avanture on l’appelloit Myrtion ; Sc la raifon de ce changement eft que cet enfant ayant été ainfi abandonne , fvir allaité par une des chèvres qui paifffient dans un bois voifin, Sc le chien du troupeau gardoit auflï l’enfant; or il arriva qu’Arefthanas, c ctoit le nom du Chevrier, venant à paffer en revue fon trou[i] Le mnit Tutbim, ainfi dit de md iu , n^. imelli.U Ce nommoit auparavant 4/ynwn > apparent-
ment à eaufe des myrtes qui y croif(oient. D d ij
peau s’appcrçutqu'il lui manquoit une chèvre arec fon chien; s’étant donc mis à les chercher dans le bois, il trouva l’enfant Se voulut l’emporter* mais au moment qu’il s’approchoit pour le prendre, il le vit tout refplendiflànt de lumière, ce qui lui fit croire qu’il y avoit là quelque choie de divin, en quoi il ne fe trompoit pas ; de forte que foit crainte ou rcfpecb il s’en retourna. Ajifli-tôt la renommée publia par tout qu’il étoit né un cnmt miraculeux qui guériflbit les malades, Se reflùfcitoit meme les morts ; voilà ce qu’ils racontent. D’autres difent que Coronis déjà grofle d’Efeulape fe laifla débaucher par Ifchys fils d’Elatus , que pour cela elle fut tuée par Diane, qui regardant fa conduite comme une injure faite à Apollon, voulut l'en venger, Se que dans le temps que Coronis étoit fur le bûcher, Mercure arracha du milieu des flammes l’enfant qu’elle portoit. Enfin il y a une troifiéme opinion fur la#naiflance d’Efculape, mais je la crois la plus fauflè de toutes, Se c’eft celle qui fait Efculape fils d’Arfinoé, laquelle étoit fille de Leucippe; car on prétend qu’Apollophane Arcadien étant allé à Delphes, pour fçavoirdu dieu fi Efculape étoit fils d’Arfinoé, & Meflénicn de naiflance, remporta cette réponlè.
L’aimable Coronis eut Phlegyas pour pere, Moi-même pour Amant, qui bientôt la fis mere. Efculape, le fruit de nos tendres amours , Des malheureux mortels l’efpoir & le fecours, C’eft moi qui vous le dis, eft né dans Epidaure.
On voit par cet oracle qu’Efculapc n’étoit point ne d’Arfinoé ; c’eft donc un conte qui a été imaginé en faveur des Mcflcniens ou par Hcfiode ; ou par quelqu’un de ceux qui ont pris la liberté d’ajouter des vers à ceux de ce pocte. Mais
qu’Efculapc foit né à Epidaure, & que fon culte fe foit répandu de là dans tous les lieux où il eft établi, j’en ai plus d'une preuve. Car premièrement je vois que là fête fe célébré avec plus de pompe & de magnificence à Epidaure que par tout ailleurs 5 en fécond lieu les Athéniens conviennent que cette fête leur eft venue d’Epidaure, aufli l’appellent-ils du nom [ t] d’Epidaurie, de même que l’anniverfaire du jour au-
[ i ] Dk nom d'Epiifaurie. On ne Meurlius n’en fait aucune mention trouve aucun veftigc de ces fêtes «lans dans fbn traite intitulé Griuù ftrutt. les anciens Auteurs ; c’cftpourquoi
Vo y a g e d e Co r in t h e . 11 J quel les Epidauriens ont commence à honorer Efculape comme un dieu 5 troisièmement ce fut à Epidaurc qu’Archias fils d’Ariftcchmus qui s’étoit blcffé en chaflânt aux environs du mont Pindafc fut guéri, ce qui lui fit prendre la refolution de porter le culte du dieu à Pergamc, doù cc culte a parte à Smyrne ; témoin le temple que l'on y bâtit à Efculape fur le bord de la mer, &qui le voit encore aujourd'hui. L’Elculape médecin que l'on honore à Balanagre chez les Cyrénéens cil encore pris d’Epidaure, & le temple de ce dieu qui eft à Lébene ville de Crète a été bâti fur le modèle de celui 3ui eft à Balanagre. Les cérémonies qui fe pratiquent en ces ifferens lieux ont feulement cette différence, qu’à Balanagre on immole des chèvres à cc dieu, ce que ne font point les Epidauriens. Au refte qu’Efculape ait été reconnu pour un dieu des le commencement, fans qu’il ait eu befoin d’une tradition fortifiée par le temps, j’en trouve plufieurs preuves, mais entre autres un endroit d’Homére, ou le pocte met dans la bouche d’Agamcmnon des paroles qui font connoître que Machaon [ i ] étoit fils d’un dieu. Le bois conlâcré à Efculape eft de tous cotez entouré de Ch a r. [ijgroflès bornes, & dans cette enceinte on ne lairté ni mou- XXVIL rir aucun malade, ni accoucher aucune femme, non plus que dans l’ile de Délos. Tout ce que l’on fâcrifie au dieu, doit fe confommer dans cette enceinte ; les Epidâuricns comme les étrangers font fujets à cette loi, & je içai que cela s’oblèrve aufii à Titane. La ftatuë du dieu eft d’or & d’y voire, mais plus petite de moitié que la ftatuë de Jupiter Olympien à Athènes ; l’infeription fait foi que c’eft un ouvrage de Thrafymede, fils d’Arignote & natif de Pâros ; le dieu eft repréfente fur un trône, tenant d’une main un bâton, & appuyant l’autre fur la tête d’un ferpent 5 fur ce trône font gravez les decin. Il n’y a pas là un mot qui favorite l'opinion de Paulânias. Peut-être avoit-il un manuterit d’Homére, différent des nôtres. [a] Entouré de greffes bornes. Amafée a lu fins ncccflîté •>' pour if qui cil dans le texte, montes, des meutegnes, pour termiui, det bornes. Le mot de ulltt. premptement chercher Mrscbton bornes fait un fort bon tens.
[il QueMtcbeon était fils d'un dieu. Pauûnias fe trompe. Les paroles d’Agamcmnon ne font point du tout entendre que Machaon fût fils d'un dieu. Il n'y a qu’à lire cc partage d’Homére dans le 4 L. de l’Iliade. Agamcmnon voyant Ménélas bielle appelle le héraut Talthybiusêc lui dit, Taltlijbius,
lefilsd'Efculupe, <et inconipnreble mé-
D d iij
ii4 Pa u sa n ia s , Liv k e II. exploits de quelques héros Argiens, comme de[i] Belléro. phon qui abbat la Chimère à lès pieds, & de Pcrfce qui coupe la tète à Médufe. Au de-là du temple on a bâti quelques maiksns pour la commodité des perfonnes qui viennent taire leurs prières à Efculape^ plus près il y a fur-tout une rotonde de marbre blanc qui mérite votre curiofitc ; on y voit des peintures [i]de Paulias, d’un cote un Cupidon qui a jette fon arc & lès floches, & qui tient une lyre ; de l’autre cote tyvrognerie, qui boit dans une bouteille de verre -, vous voyez un vilage de femme à travers la bouteille. Il y avoit autrefois dans cette même enceinte un grand nombre de colonnes, mais il n’en cil refte que fix, fur lefquclles font écrits les noms de ceux que le dieu a guéris, la maladie que chacun d’eux avoit & la manière dont il a etc guéri ; le tout eft écrit en langue Dorique. On voit une ancienne colonne qui n’eft point dans le rang des autres ; il eft écrit dclîus qu’Hippolyte [jjconfacra un cheval de bronze à Efculape, & leshabitans d’Aricie ont une tradition qui fe rapporte fort à cela ; car
ils difent qu’Hippolyte étant mort à caulê des imprécations de Ion perc, [4] il fut reflulcitc par Efculape j que depuis il ne put jamais pardonner à Théfee fa cruauté ; que fans avoir égard à fes prières il vint à Aricie ville d’Italie, qu’il y régna & y bâtit un temple à Diane ; on pratique encore aujourd’hui en ce lieu-là un ufâgc fort bifarre, c’eft de propofer un prix pour celui qui fort victorieux d’un combat fingulier ; & ce prix eft le facerdoce de la déclic, qui pour dire le vrai, n’eft difputé que par quelques efclaves fugitifs. Dans le temple meme d’Eiculape les Epidauriens ont un
[1] Comme de Bellérofheu, &c. 11 faut fc fbuvenir que l’auteur a déjà dit que Bdlcrophon quoique Corinthien «toit fiiictdej rois d’Argos. [11 De> ftivt. rti de P-ffiei, peintre célébré de Sicyone, contemporain d’Apellc , & comme lui difciple de Pamphilc.PlincL.n,ch. 11,en parle amplcment. Horace marque afli-z combien les ouvrages de ce peintre croient eftimez, quand il dit L. 1, fat. 7, vel <um rtijhtij t.-roei mle-.e rafic/Za. [Hiffidne ren'e u «a tbeva/ de htKze > crr. Le texte dit twyr
(bevMx, mais Paulmicr croit le teste
cortompu en cet endroit, & le rétablit ainfi, € /» <■•••«. ce qui lignifie qu’Hippolyte contacta à Efculape un cheval ou de marbre ou de bronze i ce fens eft fi naturel que je n’ai pas héfitc de l'adopter. Car on ne comprend pas comment Hippolyte aurait pii com'acrcr vingt chevaux. [4] // /i.r refw/cirf par EftaUft. Alors Hippolyte fut appelle lirhti, comme qui dirait, bu tir, de»* ftk bemme.
Vo t a c e d e Co r in t h e . »lf théâtre qui eft i mon avis d’une beauté fingulicrc, car véritablement les théâtres des Romains furpaücnt tous les autres en magnificence & en ornemens, meme en grandeur, ûns en excepter celui qui eft a Mcgalopolis chez les Arcadiens ; mais pour l’elegancc & la fymmetrie cjui pourroit le difputer à Polycletc ? Or c’eft Polyclete lui-meme qui a été l’architecte du théâtre que l’on voit à Epidaurc, aufli bien que delà rotonde dont j'ai parle. Dans le bois iàcrc on Trouve un temple de Diane , une ftatuc [ i ] d’Epionc , & deux chapelles, l’une confacréc à Venus, l’autre à Thémis. On y trouve aufli un ftade qui n’cft fait que de terre rapportée, [ i] comme en pluficurs autres endroits de la Grèce ; mais il y a fur-tout une fontaine qui eft à voir pour la beauté delà voûte & pour les autres ornemens dont elle eft décorée. Voici maintenant les ouvrages dont Antonin [ 5 ] Sénateur illuftre a depuis peu enrichi ce lieu-là. Premièrement des bains qui font appeliez les bains d’Efculape, en fécond lieu un temple dcdic à ces dieux que l’on nomme [4] Epidotes, troificmement un autre temple confacré à la deefle de la Santé, à Efculape & à Apollon furnomme l’Egypticn. Outre cela il a fait rétablir le portique de Cotys, dont le toit étoit tombe , & qui pour avoir etc bâti de briques mal cuites, mcnai^oit ruine. De plus, comme les perfonnes qui habitent dans l’enceinte du bois d’Efculape fouffroient beaucoup, de ce que l’on ne permettoit ni à aucune femme d'y accoucher, ni à aucun malade d’y mourir, Antonin a encore remédie à ccrre incommodité en taiiant bâtir une maiion pour fervir de retraite aux uns & aux autres -, de forte qu’à prêtent les malades[y]ont la liberté de mourir en ce lieu, & les femmes celle d’y accoucher. Le bois d’Efculape eft fermé par deux [i] D'Efiené. Cette Epioné avoit été la femme d’Efculape. Amafée n’y a pas fait réflexion, & a cherché du myflére où il o'y en a point. [1] Cimtne tu ; lnjte»n tuttrer ndr*t> de lt Crète. Xylandre & Sylburee ont fenti que le tente étoit ici un peu «‘.éfcéhicux ; mais lis n’ont pu le rétablir. Paulmirr a mieux réufli : liiez avec lui , au lieu de qui ne figni6c rien. [ ; ] Atuuua Stuatttr tllnfire. Auto-
ninus Pius dort l’auteur parle ici fut enfoite adopté par Hadrien, &■ il lui fûccéda l’an de Jefus-Chnft 11S. On peut donc conjecturer que Paufinu» écrivoit vers l'an 1 }o de N. S. [4] ^aeTtK et urne Eftiete:, pateequ’ilsdonnent l'accroàflcmcnt, du mot ■ » JP .*•> /L ^ered.t,Mj(<e,; ’<•* fmente. [fJOai U Mertt,ef. Amafée n’a point entend • le mot fe* qui en cet endroit fîcnific f-uicmcnc, il efi fafiHt, il tjifewtu.
n6 Pa u sa n ia s , Liv re 11. montagnes, dont l’une fe nomme le mont Titthion, l’autre le mont Cynortion,au haut duquel il y a un temple d'Apollon Malcate ; c’eft le fcul ancien édifice qui s’y foit conlervc 5 car & la fontaine que l’on voit, & la citerne [i] même où tombent les eaux du ciel, ce font des ouvrages modernes ________ qu’Antonin a fait conftruire. C h a p. Quoique les lêrpens en général foient confierez âEfculape, XXV1I1. cette prorogative appartient pourtant fur-tout a une efpcce particulière dont la couleur tire fur le jaune -, ceux-là ne font point de mal aux hommes, & l’Epidaurie eft le feul pays où il s’en trouve. Il en eft de meme de certains pays à l’egard de quelques autres animaux -, car il n’y a que l'Afrique où l’on voye des crocodiles de terre hauts de deux coudées, comme on ne trouve qu’aux Indes des perroquets & quelques autres animaux. Quant à ces ferpens que l’on appelle Mcgalauncs, qui ont plus de trente coudces de long,&: qui fc trouvent en Afrique £c dans les Indes, les Epidauriens croyent que c’eft une cfpece à part. Avant que d’arriver fur la cime de la montagne dont je parle , on trouve un arbre qu’ils nomment l’arbre tors -, c’eft un olivier qui, fi on les en croit, a etc tourné de la forte par Hercule, & qui depuis a toujours conlêrvé cette figure ; je ne puis pas dire fi Hercule a prétendu que cet arbre fervît de borne à ces Afineens qui habitoient un certain canton de l’Argolide ; car aujourd’hui ce canton eft tellement détruit & changé, qu’il n’eft pas pof. fible d’en connoîtrc les limites. Sur le lommet de cette montagne il y a un temple dédie à Diane Coryphée, dont Téléfille a fait mention dans un de fes cantiques. En delcendant du cote qui regarde la ville on voit un champ tout entouré d’oliviers làuvagcs, & qu’ils appellent le champ d’Hyrnetho ; car ils racontent de cette princcfl'e beaucoup de particularités, dont je vais rapporter ce qui m’a paru de plus vraifcmblablc. Cifus & les autres fils de Témcnus lèntirent qu’ils caufcroient un mortel déplaifir à Déïphontc, s’ils pouvoient par quelque moyen que ce fut engager fa femme à le quitter. Ceryncs & Phalcès vinrent donc à Epidaure dans ce deflèin j car Agréus leur frere cadet n’étoit pas du complot. Auflïtôt qu’ils furent arrivez, ils demeurèrent dans leur char
[ c] Et /a atrrnt. L‘interprète Latin n’a pas entendu le mot lire au fieu d’
, qu'il faut fouS
Vo y a g e d e Co r in th e . 117 fous les murs de la ville, Se envoyèrent un héraut à leur fœur pour lui dire qu'ils fouhaitoient d’avoir un entretien avec elle. Hyrnétho étant venue ils commencèrent par déclamer contre Ion mari, enfuite ils la prièrent de fouffrir qu'ils la ramenaffent â Argos, lui promirent tous les avantages imaginables • fur-tout de lui faire èpoulèr un prince qui vaudroic incomparablement mieux que Déïphonte, qui régneroit fur un plus grand nombre de fujets, & dans une meilleure contrée. Elle indignée de ce difeours, leur répondit qu’elle côtoie très-contente de fon mari, que Tcménus leur pere en la mariant à Déïphonte, s’étoit donné un gendre qui n’étoit pas indigne de lui ; que pour eux, ils dévoient plutôt être regardez comme les aflalfins de Tèmènus que comme fes enfans $ les deux freres voyant qu’ils ne pouvoient rien gagner fur leur fœur, la firent monter de force dans leur char & l’emmenèrent. Un moment après Déïphonte fut averti que Cerynès Sc Phalcès emmenoient fa femme malgré elle ; aufli tôt il court après eux, & les Epidauriens ayant appris l’avanture volent en même temps à ion fècours. Déïphonte n’eut pas plutôt joint fes beaux-freres qu’il tua Cerynès d’un coup de flèche } pour Phalcès, comme il le tenoit colle à fa fœur, Déïphonte n’ofâ pas le tirer de loin, de crainte de bleflèr fa femme ; il aima mieux le combattre de près, & faifbit touc ce qu’il pouvoit pour lui faire lâcher prife ; mais plus Phalcès étoit en danger , plus il embraffoit étroitement fa fœur qui malheureufement ctoit grofle, de forte qu’elle fut étouffée dans fes bras. Dès que Phalcès eut connoiflànce de fon malheur & de fon crime, il pouffa fes chevaux à toute bride & fe fauva avant que les Epidauriens puflênt tomber fur lui. Hyrnétho laiflà trois fils, Antimene, Xantippe & Argéus, & une fille nommée Orfobie qui fut mariée *à Pamphyle fils d’Egimius. Déïphonte & fes enfans firent tranfporter le corps de cette Princeflè, & l’inhumèrent dans un champ qui depuis fut appellé le champ d’Hyrnétho j ils lui élevèrent un monument héroïque, & pour faire honneur à fa mémoire il fut ordonné entre autres chofes, que des oliviers & des autres arbres que produifoit cette terre, rien n’en feroit emporté , ni hc pourroit fervir à des ufages prophanes, parceque le champ étant confacrc à Hyrnétho, tout ce qu’il produifoir y devoir demeurer. Auprès de la ville on voit le tomTomt I. Ee
118 P a u $ a x I a s , Liv r e II. beau de Méliflè femme de Périander, qui croie fils de Cvpfélus, & le tombeau [i] de Proclès qui fut pere de Meliflè
& qui régna à Epidaure, comme Periander fon gendre rc___ gna a Corinthe. Voici maintenant ce que la ville d’Epidaure contient de XXIX. plus remarquable; premièrement un temple d’Efculapc, où l’on voit deux belles ftatuës de marbre de Pâros, l'une du dieu, l’autre d’Epioné qu’ils difènt avoir été fa femme ; ces ftatuës font dans un lieu découvert. Plus avant dans la ville il y a un temple de Bachus, 8c un bois confacré à Diane, où la décile eft reprélèntée [a] en chaflerefle. On trouve auflï un temple de Venus ; car pour celui qui eft du côte du port & fur le haut d’itn promontoire qui regarde la mer, on dit que c’eft à Junon qu’il eft confacré. Dans la citadelle il y a une trcs-bcllc ftatuë de Minerve en bois, c’eft ce qu’ils appellent la Minerve [j] Ciflca. Vis-à-vis d’Epidaure vous verrez une île qui eft habitée par les Eginetes ; ces peuples difènt que leur île fut long-temps deferte, & que Jupiter y tranfporta Egine fille d’Afopus, d’où cette île prit ion nom au lieu de celui d’Œnonc qu’elle portoit auparavant ; ils ajoutent qu’Eacus parvenu à l’âge de raifon pria Jupiter de vouloir bien peupler le lieu de la naiflàncc, 8c qu’en effet Jupiter lui envoya de terre ferme des hommes qui cultivèrent cette île & s’y établirent -, mais ils ne peuvent nommer qu’Eacus qui v ait régné ; car nous fçavons certainement qu’aucun de les fils ne rèfta dans l’ile d’Egine ; Pelée & Télamon furent
Cua p .
obligez de quitter le pays à caufe du meurtre de Phocus, &: les enfans de Phocus vinrent habiter cette contrée qui eft vers le Parnafle & que l’on appelle aujourd’hui la Phocide ; je crois néanmoins que la Phocide porta ce nom une génération plutôt, 8c qu’elle le prit de Phocus fils d’Ornytion qui s'étoit établi dans le pays. Il y a bien de l’apparence que fous le régne de ce premier Phocus il n'y eut que le pays le plus voifin de Tithorée & du Parnafle qui prit le nom de Phocide, Sc qu’enfuitc l’autre Phocus fils d’Eacus venant à
burge fn/wltry, vfltxtriô, cbj.fferrjfe. [î] Zx d/îxrnc Cï/rx , du mot hederj, lient, apparemment pareequ’il y avoit un lierre auprès de Paulmier l’a remarque. [ i] En chiJJereJTe. Je lis avec Syl- cette ftatuë.
[ i ] Pntlh. Il y a dans le texte Pxtriclti , nuis Hérodote & Diogène Lacrcc difènt toujours Pntlei, comme
Vo y a g e d e Co r in t h e . 119 régner, il donna le meme nom à tous les lieux circonvoifins 5 c’eft ainfi que l’on appelle du nom de Minyens non-lèulemenc les peuples qui confinent aux Orchomcnicns, mais encore ceux qui s’étendent du côte de Scarphée ville des Locriens. Pclcc fut la [1] tige des rois d’Epirc. Quant à la poftéritc de Télamon, comme [1] Ajax mena toujours une vie privée, fes defeendans ne furent pas fort illuftres, li vous en exceptez Miltüde fous la conduite duquel les Athéniens remportèrent la fameufe victoire de Marathon, & Cimon fon fils, car ces deux perfonnages acquirent beaucoup de gloire ; mais la poftéritc de Tcucer lé maintint fur le trône des Cyfriens jufqu’à Evagoras. A l’egard de Phocus, le pocte Afiûs ui donne deux fils, Panopée & Crifus ; de Panopêe naquic Epéus qui fit ce-cheval de bois dont les Grecs ic fèrvirent {four prendre Troye, comme Homère le raconte j Crifus fut e grand pere de Pylade qui naquit de Strophius & d'Anaxibic fœur d’Agamcmnon ; telles furent les trois branches des Eacides, qui lorries toutes de la même tige allèrent s’établir en differens lieux. Dans la fuite ces Argiens qui avoient fuivi la fortune de Deïphontc à Epidaurc, paflerent dans l’île d’Egine, & par le commerce qu’ils curent avec ces infulaires, ils leur firent inlcnfiblement recevoir les mœurs & la langue des Doriens ; même avec le temps les Eginetes fe rendirent fi considérables qu’ils furpaflerent les Athéniens en forces maritimes, & cc furent eux qui dans la guerre des Perles armèrent le plus grand nombre de vaillèaux après les Athéniens ; mais cette Îjrande puiilànce ne fut pas de longue durée ; car chaflêz de eur île par les Athéniens, ils furent obligez de fe tranfplanter à Thyrée ville fituée fur les confins du royaume d’Argos, que les Lacédémoniens leur offrirent pour retraite ; il eft vrai qu’enfuite, lorfque l’armée navale d’Athenes eut etc défaite fur l’Hellefpont ils reprirent leur île ; mais ils n’ont pu re-
[ 1 ] Peléefut U titre det ni> Efire. Pcribcre fille d’Alcathoüs, avoit acFêlée fut pere d’Achille, Achille fut quis le royaume de Mcgare qu’il tranf pere de Pyrrhus, & Pyrrhus régna dans mit à Ajax fon fils. Comment donc Paulânias peut-il dire ici qu'Aiax avoit l'Epire. [1] Une vie privée. Nous avons vû toujours mené une vie privée î C’eft dans les Attiques chap. 41, que Téla- un manque de mémoire que Paulmicr mon fils dTacus par fon mariage avec lui reproche avec taifon. Ee ij
no Pa u sa n ia s , Liv ie II. monter au dcgrc de gloire & de puiflânec dont ils étoient tombez. Au relie de toutes les villes Grecques il n’y en a point qui foit d’un accès fi difficile que celle-là 5 car elle elt toute environnée de grofles roches & d’écueils qui font cachez fous l’eau ; & l’on dit que ce fut Eacus qui infefta exprès de ces roches tous les environs, afin d’aflurer fon île contre les courfes des pirates, & contre les entreprîtes des ennemis. Vers le port le plus fréquenté il y a un temple de Venus, & dans le quartier le plus apparent de la ville on trouve ce qu’ils appellent l’Eacée ; c’eft une grande place quarrée autour de laquelle régne une efpéce de baluftrade
de marbre blanc ; en y entrant on voit les ftatuës de ces députez qui vinrent à Eacus de la part de tous les peuples de la Grèce. Je vais dire le fujet de cette députation comme les Eginetes & comme tous les Grecs le racontent. La Grèce étant affligée d’une horrible féchereflê, & non-feulement cette partie de la Grèce qui eft hors de l’Ifthme, mais tout le Peloponnefe ayant long-temps fouffert faute d'eau, on envoya enfin à Delphes pour apprendre de l’oracle la caufe d’un fi grand mal & le remede ; la Pythie répondit qu’il falloir appaifer la colcre de Jupiter & employer auprès du dieu l’interceffion d’Eacus, s’il vouloir bien l’accorder ; fuivant cette réponfe toutes les villes députèrent à Eacus pour le fupplier d’être leur interceflèur 5 il fe rendit à leurs prières, fit des facrifices & des vœux à Jupiter Pannellénien , & obtint de la pluye abondamment pour toute la Grèce. Les Eginctes voulant conferver la mémoire de cet événement repréfentérent ces députez par autant de ftatuës. L’enceinte du temple eft plantée de vieux oliviers ; au milieu eft un autel fort peu élevé, qui cache, à ce que l’on
croit, la fépulture d’Eacus, mais on en fait un myftere. Auprès de l’Eacée on voit le tombeau de Phocus ; c’eft une petite éminence environnée d’une baluftrade, & couverte d’une grande pierre toute brute -, on dit que Pélée & Telamon ayant invité Phocus à difputcr le prix du pentathle, ils fe fervirent de cette pierre comme d’un palet, & que Pélée venant à la jetter à ion tour, il en afibmma fon frere Phocus^ ce qu’il fit, dit-on, à l’inftigation de fa mere; car fi l’ons’en tient à l’opinion reçut* en Grèce, Telamon & Pclce étoient
Vo y a g e d e Co mn t h e . m nez d’une fille [ i ] de Chiron, & Phocus leur frère avoit pour mère une fœur de Thétis, c'eftpourquoi quand Pylade féconda Orefte dans le deflein de tuer Pyrrhus, je crois qu’il ne le fit pas feulement par amitié pour Orefte, mais auflî par [ i] le defir de venger fon bifaycul. Après le meurtre de Phocus , fes frères nez d’Endéïs montèrent lur un bâtiment & s’enfuirent5 lorfqu’ils furent un peu éloignez, Télamon envoya un héraut à fon perc pour l’aflurcr que s’il avoit tue Phocus, c’étoit par un pur malheur, & nullement de deflein prémédité 5 mais Eacus lui fit dire qu’il n’eût jamais à remettre les pieds dans fon île, & que s’il vouloir fe juftifier, il pouvoir plaider fa caufe de deflus fon vaiflèau, ou bien fur une éminence au bord de la mer } en effet Télamon entra de nuit dans le port qu’ils appellent fecret, & là ayant avec de la terre feulement fait une efpécc de tertre qui fubfiftc encore aujourd’hui, il voulut fe juftifier du meurtre de fon frere -, mais il perdit fa caufe & fe voyant condamné il fit voile vers Salamine. A quelque diftance de ce port on trouve un théâtre qui ioit pour la grandeur, foit pour la beauté n’eft pas fort inférieur à celui d’Epidaure. Derrière eft un ftade fi bien pratiqué , qu’il foutient le théâtre par un de fes cotez, & en eft foutenu pareillement. Dans la ville il y a trois temples fort près les uns des au- Cha p . très, le temple d’Apollon, celui de Diane & celui de Bachus. XXX. Dans le premier Apollon eft nud, c’eft une ftatuc de bois, qui a été faite par un fculpteur de l’école d’Egine. Diane & Bachus font vêtus, & Bachus eft reprélenté avec de la barbe. Le temple d’Efculapc eft dans un autre quartier; le dieu eft en marbre & aflîs ; mais les Eginctes honorent particulièrement Hécate, & ils célèbrent fa fête tous les ans j ils difent que c’eft Orphée le Thrace qui a inftitué fon culte & fes myftcres ; le temple de la deefle eft dans une place fermée de murs ; fa ftatuc eft de bois, c’eft un ouvrage de Myron qui a représenté Hécate avec un fcul viiàge & un feul corps ; car
[i] D'une fille de Chirtn. Le texte grec dit de Scynn, nuis il faut lire Cbiren avec Paulmier :car Apollodote, l'auteur des petites Scolies fur Homère , Je le fcoliafte de Pindarc nous apprennent qu'Endéïs mere de Pelée & de Tclamon croit fille de Chiron.
[i] Pur le dejîrde venger fin bifjieul. Pylade ctoit fils de Strophius, petitfils de Crifiis , & arrière petit-fils de Phocus. Pyrrhus ctoit fils d’Achille & petit-fils de Pelée qui avoit tué Phocus; ainfi Pylade avoit une haine héréditaire contre Pyrrhus. Ec iij
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il! Pa u sa n ia s , Liv r e II. autant que j’en puis juger , c’eft Alcamene qui s’eft avifé ltf premier de faire une triple ftatuc à trois corps 8c à trois vifa. rages pour repréfenter la déeflè Hccate, & c’eft cette ftatuC que les Athéniens nomment [i] ÏEpipyrÿdie, & qu’ils ont placée à Athènes auprès du temple de la Victoire lans ailes. Dans la même île en allant au mont de Jupiter Panncllénien on trouve un temple confacré à la déelfe Aphéa, en l’honneur de laquelle Pindare a fait une Ode pour les Eginétes. Les Crétois ont une ancienne tradition touchant cette deeflè j ils prétendent que Carmanor, celui-là même qui purifia Apol- . Ion encore tout fouillé du fang de Python eut un fils nommé Eubulus ; que de Jupiter & de Carmé fille d’Eubulus naquit Britomartis ; que cette Britomartis n’ayant de paflion que pour la courfe & pour la chaiTe fut extrêmement chérie de Diane j mais qu’en voulant éviter les pourfuites de Minos qui l’aimoit éperduement, elle fe jetta dans la mer, & tomba dans des filets que l’on avoit tendus pour prendre du poiflon, ils diïênt qu’après cette avanture elle fut mile par Diane au nombre • des Dieux. Quoiqu’il en foit, elle eft honorée non-feulement des Crétois, mais aufli des Eginétes qui tiennent qu’elle s’eft montrée dans leur île -, & c’eft la même divinité qui eft appellée[i]Diclynna par les Crétois, & Aphéa parles Eginétes. Le mont Panellénien n’a rien de curieux que le temple de Jupiter, que l’on croit avoir été conlàcré par Eacus. Quant à deux autres divinitez, [ 3 ] Auxefia & Lamia, Hérodote a fi bien traité tout ce qui les regarde, que je puis me difpenfer d’en parler après lui. Vous verrez dans cet hiftorien comment les Epidauriens après avoir long-temps fbuffèrt d’une
grande fécherelîe reçurent des Athéniens par le confeil de l’oracle un olivier dont ils firent deux ftatucs en l’honneur de ces déeflès, comment enfuite ils ne voulurent pas tenir les conventions qu’ils avoient faites avec les Athéniens fous pré. texte que ces deux ftatucs leur avoient été enlevées par les
[1] L’Epipjrgidie > du mot m'/ve, turris, une tour, parccquc cette triple ftatuc étoit haute comme une tour. fa] Diihnna parles Crétois & /Ipbe'a par, &C. J/ , rete, un filet ; , jatere, jet ter; de-là le double nom de ccttc divinité fabuleufc. A l’égard de Britomartis, en Cretois fignifioic
doux, dit Héfychius, & lelon Solin, Britomartis eft comme qui dirait, une jeune fille d’un efprit doux. [5] Àuxejia 6“ tamia. Hérodote dans fa Thcrpfychorc dit Damia, 8c non pas tamia. Ainfi je crois que c’eft Damia qu'il faut lire.
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Eginétcs, comment enfin les Athéniens qui fircnc une defeente dan* l’ile d'Egincpour ravoir cesftatuës y périrent tous.Je dirai donc feulement que j’ai vû ces deux fameufes ftatucs & que j’aifacrifié aux deux deefles, ce qui fe pratique avec les marnes cérémoniesque l’onoblérvedanslcs myftércs de Cerès àEleufis.
C’eft allez parle d’Eacus, d’Eginc & des curiofitezde cette île. Sur les confin? du pays d’Epidaure vous trouvez les Trœzéniens , qui font tout ce qu’ils peuvent pour donner d’eux une grande idée ; car ils aifent que leur premier roi s'ap-
pelait Orus, & qu’il étoit originaire du pays ; je crois pour moi que le nom d’Orus eft plutôt Egyptien que Grec ; quoiqu’il en foit, ils allùrent qu’Orus a régné fur eux, & que de fon nom le pays fut appellé l’Orée ; qu’enfuite Althépus fils de Neptune & de Léis qui ctoit fille d’Orus ayant luccedé à fon ayeui, toute la contrée prit le nom d’Althépie. Ce fut fous Ion régne, difent-ils, que Bachus & Minerve disputèrent entre eux, à qui auroit le pays fous fa protection & que Jupiter les mit d’accord en partageant cet honneur entre l’un & l’autre 5 c’eft pour cela qu’ils honorent Minerve Poliade, & Minerve Sthéniade, donnant deux noms differens à la meme divinité, & qu’ils révèrent Neptune fous le titre de roi 5 meme [ 1 ] l’ancienne monnoye de ce peuple avoit d’un côté un trident, & de l’autre une tête de Minerve. A Althépus fuccéda Saron -, celui-ci fuivant ce qu’ils racontent bâtit un temple à Diane Saronide dans un lieu où les eaux de la mer forment un marécage, auffi l’appellent-ils le marais Phœbéen ; ce prince aimoit pallîonément la chaflê : Un jour qu’il chaflbit un cerf, il le pourfuivit jufqu’au bord de la mer, le cerf s’etant jetté à la nage, il fe jetta après lui, & fe taillant emporter à fon ardeur, il fe trouva infenfiblement en haute mer, où épuifé de forces 8c laflè de lutter contre les flots il fe noya. Son corps fut rapporté dans le bois facrc de Diane auprès de ce marais, & inhumé dans le parvis du temple ; cette avanture a été caufè que le marais a changé de nom , & s’eft appellé le marais Saronique. Depuis Saron ils ignorent
[1] L'nncienne monntje. Nous en avons la preuve dans une médaille frappée à Trœzénc, 8c rapportée par Goltzius.oùl'onvoitd’uncôtéuntndent, comme le dit Pauûnias. Le me-
me Goltzius fait mention d’une autre médaille des Trœzénicns avec ce mot nO AlA X. c’eft-à-dire, Afinert-4 nrl.ina > A/merve preieflnce de In ville.
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& d’autre} mais il cft temps de venir à la defeription de leurs temples Sc des autres curiofitcz de leur pays. ______ Dans la place deTrœzénc on voit un temple & une ftatuë Cha r . de Diane confervatrice ; les Trœzcniens afl’urent que ce tem- XXXI.
pic fut confàcré par Théfée , & que l’on donna ce furnom à la décire, lorfquc ce héros fe fauva fi heureufement de Crcte
après avoir tue Aftérion [ i ] fils de Minos ; & véritablement de tous les exploits de Théfée, celui-là eft à mon avis le plus mémorable , non-fèulemcnt parcequ’Aftérion furpafloit en force & en courage tous ceux que jufques-là Théfee avoit vaincus, mais pareeque Théfée après une aûion fi hardie, trouva le moyen de fortir du labyrinte fans être vû de perfonne, malgré les détours qui en rendoient le chemin fi difficile ; ce qui fait bien voir que la divine Providence prenoit un foin tout particulier de lui & de fes compagnons. Dans ce temple il y a des autels confacrez aux dieux infernaux -, ces autels cachent, dit-on, deux ouvertures -, par l’une Bachus retira Sémélé des enfers, & par l’autre Hercule emmena avec lui le Cerbere ; pour moi j’eftime que Sémélé comme femme de Jupiter eut le privilège de ne pas mourir. A l’égard du Cerbère, je dirai ailleurs ce que j’en penfê. Derrière le temple cft le tombeau de Pitthce, fur lequel il y a trois fiéges de marbre blanc, où l’on dit qu’il renaoit la juftice avec deux hommes de mérite qui étoient comme fes aflèflèurs. Près de là on voit une chapelle confacrée aux Mufes ; c’eft un ouvrage d'Ardalus fils de Vulcain, que les Trœzéniens difent avoir inventé la flûte, & de fon nom les Mufes s’appellent Ardalidcs s ils aflurent que Pitthée enfeignoit dans ce lieu l’art de bien parler 5 j’ai meme lu un livre compofé par cet ancien roi, & rendu public par un homme d’Epidaure. Au de-là de cette chapelle il y a un autel fort ancien, qui fi on les en croit, a été aufli confacrépar Ardalus, &où ils facrifient aux Mufes & au fommeil ; carde tous les dieux c’eft le fommeil, difent ils, qui cft le plus ami des Mufes. Auprès du théâtre on voit un [tl elflenen fils de Afmoi. Apollodorc L. ; , dit que Pafiphaê accoucha du minotaure qui fût appcilé Aftérion; ainfi félon ce mythologue le minotaure te Aftcrion feraient la même chofc. Paufanias femblc au contraire faire Tome I.
d’Aftérion fils de M inos un princed’unc force de corps & d’un courage extraordinaire» ce qui eft bien plus naturel que de feindre un monftrc tel qu’on dépeint le minotaure. Ff
116 P A V S A N I A S , L I V A E II. temple de Diane Lycca, bâti par Hippolyte 5 d’où vient ce furnom, c’eft ce qu’aucun de leurs fjavans n’a pù me dire ; je croirais pour moi qu'il vient ou de ce qu’Hippolytc avoit purgé le pays des loups dont il étoit infcftc, ou de cc que par la mère il dclccndoit des Amazones, qui avoient dans leur pays un temple de Diane fous le meme nom. Si c’eft par une autre raifon, elle ne m’eft pas connut. Devant la porte du temple il y a une greffe pierre qu'ils appellent la pierre facrée, &fur laquelle ils prétendent qu'Orefte fut purifie du meurtre de fa mere par d’illuftres perfonnages de Trœzcne au nombre de neuf. Affez près de là on trouve plufieurs autels peu éloignez les uns des autres , l’un confacré à Bachus Sauveur en conlcquencc d'un certain oracle, l'autre à Thémis, & celui-ci par Pitthce lui-même, à ce qu'ils difènt j mais il y en a un troificme qu’ils érigèrent à bon droit au Soleil le Libérateur, lorfqu’ils fe virent délivrez de la jufte crainte qu’ils avoient de tomber fous l’efclavage de Xerxcs & des Perfes. Vous trouverez auflï un temple d’Apollon [ i JThéorius, qui félon eux a été rétabli & décoré par Pitthee} c’eft de tous les temples que je connoilfe le plus ancien ; car quoique le temple de Minerve qui eft chez ces Phocéens d’Ionie, & qui a etc brûlé par le Mode Harpagus, & celui d’Apollon Pychiusqui eft à Samos, foient l'un Sc l’autre d’une grande antiquité, ils ont neanmoins été bâtis long-temps après celui de Trœzene. La ftatuë qui s’y voit aujourd’hui eft un prelènt d’Aulifcus, & un ouvrage du ftatuaire [ i ] Hermon natif du pays. Vous y verrez auflï deux ftatuës de bois des Diofcures, qui font de la même main. Dans la même place il y a un portique orné de plufieurs ftatuës de femmes & d’enfans, toutes de marbre, ce font ces femmes que les Athéniens confièrent avec leurs enfans aux habitans de Trœzene, lorfqu’ils Erirent la réfolution d’abandonner Athènes, dans l'impoflîiliré où ils étoicnt de la défendre contre les Perfes avec le peu de forces qu’ils avoient fur terre ; on n’érigea pas des fta-
[i] D'Jpilln Tbéftiur. Cc furnom vient de $<=■«•■ ■ vùlee, je veèf, & convient fôn à Apollon regardé comme le foleil. Le texte dit *>•», liiez comme dans Hcfychius. [1] Du flutlierre Hermeu. L’auteur dit ailleurs que cet Hermon étoit fils
d'un Pyrrhus qui étoit auflï ftaruaire. Ce fin un Hermon qui inventa le premier l'uftge du mafque chez les Grecs, qui par cette raifon apoelloicnt un malquc 1 mais il n’v a pas d’apparence que cet Hermon foit le même que cc ftatuaire.
VoYAct d e Co r in t h e . 117 tues à toutes, car il n’y en a qu'un petit nombre, mais feulement aux plus confiderables d’entre elles. Devant le temple d’Apollon l’on vous fera remarquer un vieux édifice qu’ils appellent encore le logement d’Orefte, & où il demeura comme fcparé des autres hommes, jufqu’à ce qu’il fût lavé de la tache qu’il avoit contractée en trempant fes mains dans le fang de fa mere -, car ils dilent que julques-là aucun Trœzénicn n’avoit voulu le recevoir chez lui, de forte qu’il fut obligé de palier quelque temps dans cette folitude, & cependant on prenoit foin de le nourrir & de le purifier jufqu’à ce que fon crime fût entièrement expié 5 & même encore à préfent les defeendans de ceux qui furent commis à fa purification mangent encore tous les ans à certains jours en ce lieu s ils dilent qu’auprès de cette maifon à l’endroit où l’on enterra les choies qui avoient fervi à cette purification, il pouffa un laurier qui s’eft toujours conlêrvé depuis 5 & entre les différentes choies que l’on employa à purifier Orefte, ils citent particulièrement l’eau de la fontaine Hippocrene ; car ils ont auflî une fontaine Hippocrene, au fujet de laquelle ils ont une tradition differente de celle des Béotiens ; cas ils difent bien comme eux que Pegafe ayant frappé du pied contre terre, il en fortit une fontaine $ mais ils ajoutent que Bellérophon vint à Trœzene pour demander à Pitthée là fille Ethra en mariage , & qu’avant que de la pouvoir epoufer, il fut banni de [1] Corinthe. On voit aufli au même lieu une ftatuc de Mercure Polygius , devant laquelle ils afliirent qu’Hcrcule confiera fa maffuc faite de bois d’olivier. Quant à ce qu’ils ajoutent que cette mafliic prit racine & pouffa des branches, c’eft une merveille qut le Ieâeur aura peine à croire ; quoi-
qu’il en foit, ils montrent encore aujourd’hui cet arbre miraculeux^ à l’égard de la maffuc d’Hercule, ils tiennent que c’étoit un tronc d’olivier qu’Hercule avoit trouvé auprès du marais Saronique. Vous verrez encore à Trœzene un temple de Jupiter Sauveur, bâti, dit-on, par Actius, lorfqu’il prit pofleffion du Royaume après la mort de fon pere Antha. Ils vous parleront auflî de leur fleuve [îjChryforrohcs, ainfi le nonjmcnt-ils, qui durant une lcchereffè de neuf années qu’il
[1] fl fut bunnideConnihr.Pmir avoir [1] Cbryfimb'rt. C’cft-à-dirc > qui tué un homme appclléBeller.cequilui nuit de Ctruvtcfti tuux. fit donner le nom de Bellérophon. Ffij
118 P A US AN I A S , L I V K E If. ne tomba pas une goutte de pluye, & que toutes les autres fourccs tarirent, tut le feul qui conlcrva toujours tes eaux ,6c qui coula à l’ordinaire. C ii A p> Ils ont[i] un fort beau bois confâcré à Hippolyte fils de XXXII. Théfée avec un temple où l’on voit une ftatuë d’un goût trèsancien ; ils croycnt que c’eft Diomède qui a bâti cc temple, & qui le premier a rendu des honneurs divins â Hippolyte. Les Treezéniens honorent donc Hippolyte comme un dieu j le prêtre qui a foin de fon culte eft perpétuel, 6c la fête du dieu fè célébré tous les ans ; entre autres cérémonies qu’ils pratiquent en fon honneur, les jeunes filles avant que de fe marier coupent leur chevelure 6c la lui confièrent dans ton temple.. Au refte ils ne conviennent point qu’Hippolytc foie mort, comme on le dit, emporté 6c traîné par fes chevaux, & ils fè donnent bien de garde de montrer fon tombeau, mais ils veulent perfuader que les dieux l’ont mis dans le ciel au nombre des conftellations, 6c que c’eft celle que l’on nomme le conduâeur du chariot. Dans le même bois il y a un temple d’Apollon [ z ] Epibatérius, qu’ils tiennent avoir été dédié fous cc nom par Diomede, après qu’il fe fut fauve de la tempête qui accueillit les Grecs lorfqu’ils revenoient du fiége de Troye ; ils difent même que Diomede inftitua le premier les jeux Pythiqucs en l'honneur d’Apollon. Ils rendent un culte à Auxéfia 6c à Lamia aufii bien que les Epidauriens & les Eginétcs, mais ils racontent différemment l’hiftoire de ces deux divinitez ; félon eux c’étoient deux jeunes filles qui vinrent de Crète à Trœzene, dans le temps que cette ville étoit divifée par des partis contraires; elles furent les viâimesde la fédition , 6c le peuple qui ne rcfpcdoit rien les afïbmma à coups de pierres ; c’eftpourquoi ils célèbrent tous les ans à leur honneur un jour de fête qu’ils appellent la lapidation. De l’autre côte c’eft [5] un ftade que l’on nomme le ftade d’Hippolyte, 6c au-deflus un temple de Venus furnomméela
[1] Un fort beau bmi. Le mot grec ne fignific pas proprement un bois, mais un canton ifolé & confâcré à quelque divinité. Faute d’un terme propre & Ipécial, j’en employé un qui cil générique. [il D'Jlpollon Epibatrriui, du mot ttnfitndo, jt monte. Ils vou-
loicntdire qu’Apollon avoit monté fur leurs vaifTcaux pour les tirer lui-mcme du danger où ils étoient de périr. [5] Dr l'autre cité. Le texte cil un peu brouillé en cet endroit. Kuhnius l’a rétabli, cc me femblc, a fiez heureufement, & j'ai fuivi fon explication.
Vo y a c e d e Co r in th e . 119 regardante, pareeque c’eft de-là que Phèdre eprife d'amour pour Hippolyte le regardoit, toutes les fois qu'il venoit s’exercer dans la carrière; c’eft aufli là que l’on voit ce myrte donc j’ai parle, qui a les feuilles toutes criblées ; car la malheureufe Phèdre pofledcc de fa paflion, & ne trouvant aucun foulagement trompoit fon ennui en s’amufant à percer les feuilles de ce myrte avec fon éguille de cheveux. Là fe voit la fcpulture de Phèdre, & un peu plus loin celle d’Hippolyte, mais le tombeau de Phèdre eft plus près du myrte. J’ai remarqué encore là une ftatuc d’Elculape, faite par Timothée, & l’on croit à Trcczene que c’eft la ftatuc d’Hippolyte ; pour la maifon où il demeuroit, je l’ai vùc; il y a devant la porte une fontaine, dite la fontaine d’Hercule, pareeque fi vous les en croyez, c’eft Hercule qui l’a découverte. Dans la citadelle vous trouverez un temple de Minerve Sthcniade, ainfi la nomment-ils. La déefle eft reprefentée en bois, c’eft un ouvrage de Callonf 1 ] ftatuaire de l’ile d’Egine ; ce Callon avoit été difciplc de Tectéus & d’Angclion , qui firent une ftatuc d’Apollon pour les Déliens, & qui avoient appris leur art fous Dipocne & fous Scyllis. En defeendant de la citadelle on rencontre une chapelle dédiee à Pan le libérateur, en mémoire du bienfait que les Trcezéniens reçurent de lui , lorfque par des longes favorables il montra aux magiftrats de Trcczene le moyen de remédier à la famine qui affligeoit le pays 1k encore plus l’Attique. Si vous allez dans la plaine, vous verrez fur votre chemin un temf'ie d’Ifis, & au-deflus un autre temple de Venus Acréa ; e premier a été bâti par les habitans d’Halicarnafle, qui ont voulu rendre cet honneur à la ville de Trcczene [1] comme à leur mere; pour la ftatuc d’Ifis, c’eft le peuple de Trcczene qui l’a fait faire. Dans les montagnes du côté d’Hcrmione on rencontre premièrement la fource du fleuve Hylycus, qui s’eft appellé autrefois Taurius; en fécond lieu cette roche qui a pris le nom de Théfée, depuis que ce héros tout jeune encore la remua pour prendre la chauffure & l’épée de [>] De Celle» ftemaire de die
Z lire. 11 y en a eu un autre qui étoit Eléen. Celui dont il s’açit ici étoit plus ancien Sc plus renommé. [1] J le ville de Tmane cemme k
lenri.... ■ mere. L’auteur a dit ci-deflùs que
Ttœzcnc" avoit —....... envoyé _z____________ une colonie à Haiicamaflc. Ainfi les habitansde cette ' '----ville ------------'--------------- *les “ dernière le regardoientcomme enfans de l’autre. Ffiij
130 Pa u sa n ia s , Liv r e II. fon pcrc [ i ] qui les avoit cachez défions ; car auparavant elle fe nommoit l'autel de Jupiter Sthcnius. Près dc-îà on vous fera
voir la chapcllede Venus furnommée Nymphé, bâtie par Thcfcc, lorsqu'il cpoufa Helene. Hors des murs de la ville il y a un temple de Neptune Phytalmius} furnom dont la raifon eft 3ue ce dieu dans là colere inonda tout le pays des eaux lalees e la mer, fit périr tous les fruits de la terre, Sc ne cefla d’affliger de ce fléau les Trœzcnicns, jufqu’à ce qu’ils l’euflcnt appailc par des vœux & des facrifices. Au deflus eft le temple de Cerès légillatrice, confacré, à ce qu’ils difent, par Althippus. Si vous allez au port qui eft dans un bourg nommé Cclenderis, vous verrez un lieu qu’ils appellent le berceau de Théfee, parceque c’eft-là que Thelee naquit. Vis-à-vis on a bâti un temple au dieu Mars dans le lieu même où Théfée défit les Amazones jc’étoit apparemment un refte de celles qui avoient déjà combattu dans l’Attique contre les Athéniens commandez par ce héros. En avançant vers la mer [ x ] Pfcphée vous trouverez un olivier fauvage qu’ils nomment le rhacbos [ j ] tortu 5 car ils donnent le nom de rhachos à tous les oliviers qui ne portent point de fruit $ & ils appellent celui-ci tortu, parceque ce fut autour de cet arbre que les rênes des chevaux d’Hippolyte s’embaraflcrent, ce qui fit renverfer fon char. Un peu plus loin vous avez le temple de Diane Saronia, dont j’ai déjà dit tout ce qu’il y avoit à dire 5 j’ajouterai feulement qu’ils célèbrent tftus les ans à l’honneur de la dccflè une fcte qu’ils nomment aufli Saronia. Je viens maintenant aux îles qui font fous la domination de Trœaene ; il y en a une qui eft fi près du continent que l’on y peut paflèr à pied ; c’ctoit autrefois l’île Spherie, aujourd’hui c’eft l’île fàcrce pour la raifon que je vais dire. [;]Le rbucbei tenu. L’auteur veut [1] .$«i lu n-ût cttbn. deffeut, afin qu’à ces marques Théfée pût un duc que lesTtœiéniens confondoicnt fous le nom de tbuebr. toutes les cfpvccs jour fc faire reconnoître pour fon fils. [x] FuUfeufaut ver:.'merPfepbe'e. d’oliviers qui ne portent point de fruit, Voila une mer dont il n’cft parlé dans au heu que d’autres les distinguent par aucun Géographe, ce qui rend le mot plufieurs mots. En effet Héfychius en de Pfepbte fort fofpeâ. Au cas qu’il y rapporte trois, ««'rnw. eût une mer atnfi appeUce, on peut Le premier eft un olivier fiuvage, le croire qu’elle trtoit fon nom des petits fécond fignifie h même chofe, le troicailloux quelle jettoit for fou rivage. fiéme eft l'olivier mâle qui ne porte '!••?«> lupiHut, une petite pierre. point de fruit.
Vo y a g e d e Co r in t h e . ijr _t crus qui félon eux ctoit l’écuyer de Pclops y cft inhumé} Ethrajijfut avertie en fonge par Minerve d’aller rendre à Spherus les devoirs que l’on rend aux morts : étant venuiJ dans l’îlc à ce dcflèin, il arriva qu'elle eut commerce avec Neptune; Etlira apres cette avanturc confacra un temple à Minerve furnommée[x] Apaturie, ou la trompeufe, & voulut que cette île qui s’appclloit l’îlc Spherie s’appcllat à l’avenir l’îlc fàcréc} elle inftitua auflî cet ufage, que toutes les filles du pays en fe mariant confacreroient leur ceinture à Minerve Apaturie. Pour Calaurée, ils prétendent que du comment cernent cette île fut confâcrée à Apollon, c’eft-â-dire dans le temps que Neptune pofledoit Delphes; mais que dans la fuite ces dieux firent un échange, de forte que Neptune eut l’îlc de Calaurée, & Apollon la ville de Delphes ; ils citent même à ce fujet un [3] oracle, qui dit que Calaurée , Dclos, Pytho & Ténare dévoient être toujours le fejour de quelque divinité. Quoiqu’il en foit, vous pourrez voir à Calaurée un temple de Neptune qui eft très-eelebre, & dont la prêtreflê eft une vierge qui ne quitte fon miniftere que quand elle veut fe marier. Dans le parvis de ce temple on vous montrera le tombeau de Démofthene. Le fort a fait voir en la perfonne de ce grand homme & long-temps auparavant en celle d’Homére, combien il eft injufte envers le mérite & la vertu ; car non-feulement il priva Homère de la vue ; mais pour ajouter à un fi grand malheur un nouveau mal, il le reduifit à une telle pauvreté, que ce grand pocte fut obligé d’errer de ville en ville pour chercher fà fubfiftance. Quant à Dcmofthene, le fort le perfécuta fur le penchant de fon âge à un tel point, qu’après lui avoir fait endurer la peine de l'exil, il le mit encore dans la ncceffité d’abréger fes jours. Son innocence a été fuffifamment prouvée par lui-même & par le témoignage des autres ; on fçait qu’il ne fe laiflà point corrompre par l’or & l’argent qu'Harpalus avoit apporté d’Afîe ; mais il ne fera pourtant pas hors de propos de dire ici quelle fut la fuite de cette affaire. Harpalus s’étant fauve d’Athènes paffa en Crète, où peu de temps après fon arrivée il fut tue
[1] Film. Elleûoit fillcdePitthéc; [3] l’n trnete. Cet oracle cft auflî elleépouûEgée,ScfûtmcredcThclèe. rapporté par Strabon Liv. 8, & tué [ xJ A Minerve(umommee Apttune, d’Ephorus. Mais je ne vois pas trop ce du mot , dtatn,jt trompe. qu’il peut lignifier.
iji Pa u sa n ia s , Liv r e II. par fes propres domeftiques$ d’autres difent que Paufanias Macédonien de nation lui dreffa des embûches où il périt 5 ce qui eft de certain, c’eft que [ i ] Philoxcne autre Macédonien qui vouloir obliger les Athéniens à lui livrer Harpalus, prit du moins fon Intendant, comme il s’cnfuyoità Rhodes i quand il l’eut en fa puiffance, il le fit appliquer à la queftion pour fçavoir de lui tous ceux qui avoient pris de l’argent d’Harpalus ; après quoi il écrivit aux Athéniens une lettre qui contenoit les noms de tous ces traîtres, &la fomme que chacun d’eux avoit touchée 5 dans cette lettre il n’étoit fait aucune mention de Démofthene, quoiqu’Aléxandre le hait mortellement, & que Philoxcne fut fon ennemi particulier. C’eft donc avec juftice que dans plufieurs autres endroits de la Grèce, & fur-tout à Calaurce on a depuis rendu de grands _______ honneurs à cet iliuftre malheureux.
C h a p. Une bonne partie du pays de Trœzene eft à proprement XXXIV. parler un ifthme qui avance confidcrablement dans la mer. Méthane[i] petite ville eft bâtie fur cette langue de terre j vous y trouvez un temple d’Ifis, & dans le marche deux ftatucs ; l’une de Mercure, l’autre d’Hercule. A quelques trente ftades au de-là il y a des bains d’eaux chaudes. Les gens du lieu difent que cette fontaine fe forma du temps qu’Antigonus fils de Démétrius régnoit en Macédoine -, des feux louterrains s’étoient fait fêntir auparavant & avoient entr’ouvert la terre -, puis quand ils fe furent éteints, parut une fburce d’eau chaude qui s’eft confèrvée jufqu’à nos jours j mais ces eaux font extrêmement filées, & ceux qui s’y baignent ne peuvent ni la tempérer d’eau froide, pareequ’il n’y en a pas dans le voifinage, ni même fè baigner enfuite dans la mer, pareeque de ce côté-là la mer eft pleine de monftres & fur-tout de chiens marins qui font très-dangereux. Je rapporterai ici une fingularité que j’ai vue à Méthane & qui m’a fort furpris. Quand la vigne commence à pouffer, fi le vent d’Afrique qui vient du golfe Saronique fe fait fentir, il brûle tous les bourgeons & détruit 1‘efpcrance de l’année ; lors donc que ce vent fouffle, deux hommes prennent un coq de plu-
[ i ] Pbiloxe it autre Maeédcmen. Ce aufli Afe'tbane ; mais il avertit que flans Philoxcne commanfloit la flotte d’Ale- plufieurs exemplaires de Thucydide on xanflre. UfoitAfélbtne. [i] Métbant. Strabon Liv. 8, dit mage
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Vo t a o f . d e Co r in t h e . ijj mage blanc , & le tirant chacun par une aile le déchirent en deux , enfuite ils courent tout au tour des vignes avec cette moitié de coq à la main, puis le rendant enlemble au même lieu d'où ils lont partis ils enterrent cc coq, Sc croyent[i] par là garantir leurs vignes. Outre les îles dont j’ai parlé il y en a neuf autres qui font fort peu éloignées du Continent & qu’ils nomment les îles de Pclops -, ils difènt que de ces neuf iics il y en a une où il ne pleut jamais, lors meme que les autres font inondées des eaux du ciel ; je ne fçai pas ce qui en eft, mais ceux de Méthane me l’ont afluré ; pour moi j’ai vii des gens qui par le moyen de certains enchantemens [z] détournoient la grêle de dcfliis leurs terres. Méthane eft un ifthme du Peloponnefe; pour l’ifthme de Trœzene, il s’étend jufqu’à Hermione, ville fort ancienne, qui fi l’on en croit les habitans, a eu pour fondateur Hermion fils d’Europs ; à l’égard d’Europs,on le croit fils de Phoronée ; mais Hérophancs de Trcczene dit nettement, qu’au cas qu’Europs fût fils de Phoronée, il étoit bâtard ; Sc la raifon qu’il en donne, c'eft que l’empire d’Argos n’eut pas pafle à Argus petit-fils de Phoronée par fa fille Niobé, fi Phoronée avoir laifle un fils légitime. Cependant je fçai pour moi qu’Europs étoit légitime 8c qu’il mourut avant fon pere ; d’ailleurs quand il lui auroit furvécu, je crois qu’il n’auroit jamais égalé Argus en puifTance ; car cet Argus paflbit pour être fils de Jupiter 8c de Niobé. Dans la fuite des temps ces Doriensqui croient fortis d’Argos s’établirent à Hermioné non par la force, mais par la bonne volonté des habitans ; car fi ç’eut cté par la voyc des armes, l’hiftoire [ j ] d’Argos en diroit quelque chofe. [i ] Et crojent parla garantir les vignes. Les payons croyoicnt que la grê-
le & les tempères étoicnt l'effet de la colère de quelque Génie malfâiûnt, Sc. ils tâchoicnt de l'appaifet par des facrificcs ou pat des enchantemens. Nous voyons dans Pline L. 17, ch. 18, que Caton le Ccnfcur, ce Romain fi fage 8c fi judicieux, ne laifloit pas d’être infatué de certains termes magiques, par la vertu dcfquels il croyoït que l'on pouvoir remettre des membres disloquez. Pline n'a pas daigné rapporter ces mots myftcricux; mais on les trouTomc Z.
vera au ch. 160 du Livre de Varronrfe re ruftica, & le P. Hardouin ne les a pas oubliez dans fon commentaire fur Pline. [a] J'ai vis des gens qui de'teurnoient. C’eft quelque cnofe de bizarre que l'incrédulité de Paufanias d’un côté , & fa crédulité de l'autre; car en même temps qu'il nioit l'immortalité de l'amc, il étoit fiipetftittcux à l'excès. [j] L'bifttne d’Argos en dsroitquelque (bofe. La verfion d’Amafëedit tout le contraire. Sylburgc a mieux rendu le texte. Gg
>) + P AVS A NIAI, L 1 V AB H. Le chemin qui conduit de Trœzene à Hcrmioné pafle auprès de cette roche qui s’appclloit autrefois l’autel de Jupiter Sthénius, & que i’on nomme la roche de Théféc, depuis que ce hcros y trouva les marques aufquellcs il fe fit reconnoître pour le fils d’Egée. Quand vous êtes à cette roche, fi vous prenez le chemin de la montagne, vous arriverez bien-tôt au temple d’Apollon[i]Plataniftius. Près de-làeft le bourg d’Ilée où il y a deux chapelles dédiées, l’une àCerès, l’autre à Proferpinc. Du côté delà mer, où fe termine le territoire d’Hermioné vous trouvez le temple de Cerès[i]furnommce Therméfia. Sur la même ligne à la diftance de quatre-vingt ftades au plus on rencontre le promontoire de Scylla , ainfi appelle du nom de la fille de Nilus -, car après que cette princeflè eut par fa perfidie facilité à Minos la prife de Nilce & de Mégare, non-feulement Minos ne l’époufa point, mais il la fit jetter dans la mer par les Crétois ; le flot emporta fon corps au pied de ce promontoire, où il demeura expofé & fut la proye des oifèaux de la mer, aufli ne peut-on montrer nulle part fa fcpulture. En allant par mer du promontoire de Scylla vers la ville, on découvre encore un cap qu’ils nomment le cap Bucéphale, êcenfuite quelques îles. La première qui eft Halioulè a un port très-commode pour l’abord des vaifleaux 5 la fécondé eft Pityoufe, on nomme la troifiéme Ariftere. Quand vous avez pafle ces îles, vous trouvez un autre promontoire qui joint le Continent, & que l’on n’apFelle point autrement qu’Acra ; bien-tôt après vous voyez île Tricrane , enfuite une montagne du Peloponnefè qui donne fur la mer, & qui a nom Buporthmos : fur fon fommet on a bâti deux temples, l’un à Cerès & à Proferpine, l’autre à Minerve furnommee Promachorme. Vis-à-vis cette montagne eft l’île Apéropia, & une autre allez voifine nommée Hydréa. Après cette dernier^|e rivage forme uneefpece de demi lune dont le terrein aboutit à un temple de Neptune, & la côte qui en commençant regarde l’orient fe tourne fur la fin vers l’occident j dans Ion étendue [ j ] elle renferme un port ;
[i] D'Apollon ritUHi/liui, ainfifurnommé félon toute apparence à caufc des platanes qui étoient aux environs de fon temple. [i] De Cerei Thcrméjù, c'eft-à-dirc
de la Cetès qui étoit honorée à Thermefle ou à Thermifle Jle voifine de la Sicile, dont parleStrabon.
[;] Déni fin étendue elle tenfetnu un firt. Le grec du , de> ferts,
là longueur c tout au plus, mioné , dont de Neptune mer. Sur la h plus loin les fans de Tyr trouvez enct dont le toit confacré aux dont l’enceir pierres : on myftércs de d’Hermioné jours n’eft cl eft le temp! Pronos elle route entoui d’entrer dan dédie à Vét marbre blan< vrage méritt que Vénus que les habi filles qui fe s’engager, ; Therméfia ; fins des Trc toient avan meme.
Auprès d'
je lis pour moi changement r U correction] Grantcmefnü la côtedont p. ferme quatre vtaifcmblaNc que Ton n’y v l'eut «teavoi
leme
V o r a c f . o e Co r in t h e . 2jf fa longueur eft d'environ fept ftades , & fa largeur de trois tout au plus. C’eft dans cet efpace qu’étoit l'ancienne Hcrmioné , dont il refte encore quelques temples , comme celui de Neptune qui eft à l'extrémité de la côte au bord de la mer. Sur la hauteur on voit un temple de Minerve , & un peu plus loin les fondemens d’un ftade , où l’on dit que les enfans de Tyndare avoient accoutume de s'exercer. Vous y trouvez encore une petite chapelle dcdice à Minerve , mais dont le toit eft tombé : de plus un temple du Soleil , un boi9 confâcré aux Grâces ; enfin un temple d’ifis & de Sérapis, dont l’enceinte eft fermée par un mur de belles & grandes pierres : on célébré encore aujourd’hui dans ce temple les myftères de Cerès les plus fecrets. Voilà ce que les habitans d’Hermioné pofledent lur la côte. La ville qui fublifte de nosjours n’cft éloignée que de quatre ftades du promontoire où eft le temple de Neptune 5 bâtie fur le penchant du mont Pronos elle s’élève infenfiblement avec ce coteau ; elle eft toute entourée de murs, & renferme plufieurs chofes dignes d'entrer dans cette hiftoire, mais particulièrement un temple dédié à Vénus [r] Pontia & Liménia, où il y a une ftatuë de marbre blanc , qui pour fa grandeur & pour la beauté de l’ouvrage mérite d être vûë , cc n’eft pas même le feul temple que Vénus ait à Hermioné ; mais entre les divers honneurs que les habitans lui rendent, c’eft une coutume que toutes les hiles qui fe marient , & meme les veuves qui veulent encore s'engager, aillent fecrifier à la déefle avant leurs noces. Cerès Therméfia a aulfi deux temples dans le pays , l’un fur les confins des Troezéniens , dans une de ces bourgades qu’ils habitoient avant la fondation d’Hermioné, & l’autre dans la ville même. de ce dernier il y en a un autre dédié à Neptune [2! c h * r. r L J XXXV.
je 1« pour moi «n/wr, ce léger changement me paroit plus (Impie que la corrcébon propofee par Paulmict de Grantcmefnil,d'où il s’enfuivroit que la côte dont parle Paufanias auroit renferme auatre ports; ce qui n’cft pas vraifcmnUblc. 11 y a plus d'apparence que l'on n’y voyoir qu'un feul port qui peut être avoit été le port d Hermioné. TP»r 1.
1
[1] A l’tutu PntiA & Limt'uij. Ccft-à-dire, a Fav qui prtjùltit à Ia
u-.tr (£ au x perti.
[2] A>pr«»c3/<Z«ej«/.Comniequi diroit , Arptuut À U >uire £g>dr. Ce fumom convient fon au dieu de la mer qui exciteà Ion gré les tempetes.
* G gij
Pa u sa n ia s , L i vu» II. Mélanégis , le dieu y eft repréfenté en bronze, appuyant un ds fes pieds fur un dauphin ; tous les ans on célébré en fon honneur des jeux publics 5 muficiens , nageurs & rameurs difputent le prix entr’eux. Diane Iphigénie , c’eft le furnom qu’ils lui donnent , a auflî là fon temple ; celui de Vefta qui n’en eft pas loin n'a aucune ftatuë , on y voit un (impie autel où l’on fait des facrificcs à la déefle. Pour Apollon , il a trois temples dans la ville , & autant de ftatucs. Le premier eft Amplement dédié à Apollon, le fécond à Apollon Pythaëus, & le troifiéme à Apollon Horius : ces peuples ont pris des Argiens le furnom de Pythaëus ; car Téléfille témoigne que les Argiens furent les premiers de tous les Grecs que Pythaëus fils d’Apollon honora de fa prelênee. Quant au furnom d’Horius je ne fçai d’où ils l’ont tiré ; je croirois volontiers qu'ils eurent autrefois quelque différend fur leurs limites avec leurs voifins , & que ce différend ayant été heureufement terminé foit par la voye des armes , foit en juftice réglée, ils bâtirent un temple à Apollon comme à la divinité tutélaire de leurs limites. Ils ont aufli un temple de la Fortune, qu’ils difent être le moins ancien de tous leurs temples , & où la déefle eft repréfentée par une ftatuë coloflalc de marbre de Paros. J'ai vû dans leur ville deux fontaines ; l’une eft à ce qu’ils difent d’une grande antiquité , l'eau y vient par des chemins inconnus ; & ne tarit point, quoique les habitans y puifent fans ceife ; pour l'autre, ils l'ont faite de nos jours, & l’eau coule d’un lieu voifin qu’ils nommdht le Pré. Au haut du mont Pronos on voit un temple de Cercs qui mérite qu’on en parle ; ils aflurent que ce temple a été bâti par Clymcnus fils de Phoronce & par fa fœur Chthonia. Les Argiens racontent ce fait d’une autre maniéré , & difent que Cercs étant venuë dans leur pays, Athcras & Myfius eurent l'honneur de la loger , tandis que Colontas ne daigna feulement pas lui offrir 1a maifon, ni lui rendre les moindres foins , ce qui déplut fort à Chthonia fa fille. Colontas pour fa peine fut brûlé, lui & fa maifon ; mais Cercs prit foin de fa fille, & la mena avec elle à Hermioné , où depuis par reconnoiflànce Chthonia bâtit un temple à la déefle , qui y eft honorée fous le nom de Chthonia, & tous les ans en Eté on y célèbre un jour de fête fous ce meme nom. La cérémonie fe fait en cette maniéré. Les prêtres des deux décile;. & les magiftrats qui font en année d'excrcjcc, car chw
Vo y a g e d e Co mn t h ï . 157 ces peuples la magiftraturc ne dure qu’un an, conduisent la proceflion & font à la tête 5 enfuite marchent les femmes & les hommes, puis les enfans qui ont aufli grande part à cette pompe ; ils font tous en habit blanc 8c ont des couronnes de fleurs fur la tête : ces couronnes font faites de fleurs de comofandalc, qui rcflèmblc fort à nos jacinthes foit pour la figure, foit pour la couleur, avec les marques de deuil, je veux aire les memes lettres que l'on voit fur les jacinthes. A la queue de la proceflion viennent les vi&imes en grande pompe j ce font quatre geniflès que des hommes mènent avec des cordes, & qu’ils ont allez de peine à retenir ; quand elles font près du temple on l’ouvre, on en fait entrer une, & l’on ferme aufli-tôt la porte 5 en même temps quatre matrones qui font en dedans aflomment la viftime& l’égorgent, elles rouvrent enfuite la porte pour laifler entrer la féconde viélime, & de même pour la troifiéme & pour la quatrième qui font ainfi égorgées les unes après les autres par ces matrones. Si on les en croit, les trois dernières viétimes tombent toujours du même côté que la première, & cela fe dit comme un prodige. Devant la porte du temple on voit quelques ftatucs de femmes qui ont été honorées du facerdocc de Cerès, & dans le temple meme des efpcccs de trône où ces quatre matrones s’aflèicnt en attendant que les viélimes approchent. On y voit aufli une ftatuc de Cerès,& une autre de Minerve, qui toutes deux ne font pas fort anciennes ; mais il y a dans ce temple quelque autre chofe qu’ils révèrent encore plus, & dont qui que ce foit n’a connoiflànce, ni étranger, ni citoyen à la referve de ces quatre matrones dont j’ai parlé. Vis-à-vis du temple de Chthonia il y en a un autre fort enrichi de ftatucs , c’eft celui de Clymcnus à qui ils font aufli des fâcrifices. Pour moi je ne connois point d’Argicn du nom de Clyménus, qui foit venu à Hermioné ; je croirois plutôt que c’eft quelque furnom du dieu des enfers. Dans ce même endroit vous trouvez un temple dédié à Mars avec une ftatuc du dieu. A la droite du temple de Chthonia il y a un portique nommé le portique de l’écho, qui eft conftruit de manière que l’écho y rend les fons jufqu’à trois & quatre fois. Derrière le même temple vous verrez trois grandes places fermées par des baluilradcs de pierres j ils appellent l’une la place de Clymcnus, l’autre la place de Piuton, & la troiGg iij
xjS Pa u sa n ia s , Liv re II. fie me le marais de l’Âchéron; dans la première ils montrent [ i ] une ouverture par où ils difent qu’Hercule amena avec lui le chien du dieu des enfers. Vers la porte de la ville qui eft du côte de Masès, on trouve en deçà des murs un temple confacrc à Lucine; la déefle y eft honorée chaque jour en
bien des maniérés, mais fur-tout par des facrificcs, par des parfums que l’on brûle fur fôn autel, & par quantité d’offrandes ; cependant il n’y a que ces pretreflès qui ayent la _______ permiflîon de voir fa ftatuë. C h a r. Lorfque vous ferez dans le chemin qui mene droit à Masès, XXXVI. qUe vous aurcz avancé environ fept ftades, en détournant à gauche, vous verrez une autre route qui conduit à Halicé ; ce lieu aujourd’hui dêfert a été autrefois une ville, car fur une de ces colonnes que l’on voit dans le bois facré d’Epidaure, & où l’on a marqué les remedes qu’Efculape donnoit aux malades, on trouve [ i ] le nom & le témoignage d’un habitant d’Halicé ; mais du refte je ne connois aucun écrit digne de foi où il foit fait mention de cette ville ni de fes habitans ; cependant il y a un chemin qui y mene, & ce
chemin eft entre deux collines dont la derniere appellée autrefois Thornax porte à prefent le nom de Coccygie, pareeque Jupiter, dit-on, s’y métamorphofa en coucou. On voit encore au haut de ces collines deux temples, le premier dédié à Jupiter fur le mont Coccygie, le fécond a Junon fur l’autre colline ; au bas du mont Coccygie il y a un vieux temple fans toit, ni porte, ni ftatuës, que l’on croit un temple d’Apollon. Pour aller de là à Mascs il y a un chemin de traverlc. Masès étoit anciennement une ville, Homcre ne l’a pas oubliée dans le dénombrement qu’il a fait des villes appartenantes aux Argiens j mais à prefent c’eft le havre & l’arfenal des Hcrmionéens. Quand vous avez pafle Masès, vous trouvez fur la droite un chemin qui vous mene au promontoire de Struthunt. De-là après avoir marché l’efpace de deux cent cinquante ftades fur la croupe des montagnes; vous arrivez à Philanorion & à Bolée ; ce dernier lieu cft tout rem-
[i]Une ouverture. Strabon Liv. 8, nnulut, cette pièce de monnove que dit que les Hcrmionéens tegatdoicnt l’on devoir payer à Caron. cette ouverture comme un foupirail [ x] On trouve le nom d'fo te'moides enfers, fc que par cette raifon ils gnuge. Amafce n’a pas entendu ceci, n’enterroient point leurs morts avec le comme Kuhnius l’a fort bien obiervé.
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λli de groflcs pierres, choifies pour quelque deffein & cntafëes les unes fur les autres. Vingt ftades plus loin vous trouvez un bourg nomme les Gémeaux, où il y a trois chapelles dédiées à Apollon, à Neptune & à Cerès, avec des (hituês de marbre blanc qui repréientent ces divinitez. La ville d’Afiné aujourd’hui de la dépendance d’Argos avoir été bâtie dans ce canton-là ; mais ce n’eft plus qu’un monceau de pierres que l’on voit fur le bord de la mer, & voici ce qui en a caufe la deftruétion. Les Lacédémoniens fous la conduite de leur roi Nicandre fils deCarillus, petit-fils de Polydeâc, arrière f'etit - fils d’Eunomus, & par tous ces degrez iflù en droite igné de Prytanis fils d’Eurypon; les Lacédémoniens, dis-je, fous la conduite de Nicandre entrèrent à main armée dans les Etats d’Argos -, les Afinèens profitant de l’occafion fe joignirent à eux , & tous enfemble ravagèrent les terres des Argiens. Après cette expédition les Lacédémoniens s'en retournèrent chez eux ; mais les Argiens eurent leur tour ; car fe mettant auflî-tôt en campagne fous le commandement d’Eratus leur roi, ils vinrent aflieger Afine ; les habitans fe défendirent quelque temps, tuèrent même de defliis leurs murailles bon nombre d’Argiens, & entre autres Lyfiftrate l’un des plus diftinguez par fa valeur; mais enfin voyanc l’ennemi maître des murs, ils s’embarquèrent iècrettement avec leurs femmes & leurs enfans, & abandonnèrent leur ville & leurs terres au vainqueur. Les Argiens raferent la ville, & réunirent les terres au domaine d’Argos. Seulement ils épargnèrent le temple d’Apollon Pythaeüs, car il fubfifte encore, & près de ce temple ils enterrèrent Lyfiftrate. Cette partie de la mer qui eft vers le marais de Lerna n’eft éloignée d’Argos que de quarante ftades ; en allant à ce marais on defeena toujours, & fur le chemin on trouve le fleuve Erafinusqui tombe dans le Phrixus, lequel tombe lui-même dans ce bras de mer qui eft entre Témènion & Lerna. Si vous quittez l’Erafinus, en prenant à gauche, vous n’aurez pas fait huit ftades ou environ que vous trouverez un temple des Diofcures, leurs ftatucs font de bois & de la même figure que celles qui fe voyent à Argos. Si enfuitc vous reprenez le droit chemin , vous paflerez l’Erafinus, & vous arriverez à un torrent près duquel il y a un endroit fermé de tous cotez par un mur ; c’eft par là, difcnt-ils, que Pluton après avoir enlevé
14c Pa v sa n ia s , Liv r e II. Profcrpine, defcendit dans ccs lieux foutcrrains où les hommes ont placé fon empire. Lerna eft, commej’ai dit, tout auprès de la mer 5 on y cclcbre les myftéres de Cerès, & on les appelle du nom de ce lieu les myftéres Lcrnéens. La déeflê a là un bois qui lui eft confacré & qui commence au mont
Pontinus ; cette montagne a cela de particulier qu’elle boic toute l’eau du ciel fie n’en laiflè rien écouler -, mais du fommet
tombe un fleuve qui a nom auflï Pontinus -, il y avoit autrefois fur cette montagne un temple de Minerve [ i ] Saïtis, dont’ il ne refte plus que les ruines ; on y voit auflï les fondemens de la maifon d’Hippomédon qui amena du fecours à Polynice _______ fils d’Œdipe durant la guerre deThébes. C h a p. Le bois de Ccrès eft un bois de Platanes qui s’étend depuis XXXVII. montagne jufqu’à la mer, il eft terminé d’un côté par le fleuve Pontinus, Sc de l’autre par l’Amymone, riviere qui a pris fon nom d’une fille de Danaüs. Dans ce bois il y a deux ftatuës, l’une de Ccrès Profymna, l’autre de Bachus, mais celle de Cerès eft plus petite , & repréfente la déeflê aflïfe, toutes les deux font de marbre. Vous y voyez auflï un temple confacré à Neptune Sauveur, où le dieu eft en bois & aflîs. Proche de la mer on trouve une Venus de marbre ; la tradition du pays eft que cette ftatuë a été confacrée par les filles de Danaüs, & que Danaüs lui-même fit bâtir un temple à Minerve fur le mont Pontinus. Quant aux myftéres de Lerna, on croit dans le pays que c’eft Philammon qui en eft l’auteur. A l’égard des hymnes & des prières dont ils accompagnent le facrifice, il eft évident qu’elles ne font pas à beaucoup près d’une auflï grande antiquité, non plus que ce que j’ai oui dire qui éfoit écrit fur un cœur de laiton : de nos jours [ i] Arriphon a fait voir que rien de tout cela ne pouvoit s’attribuer à Philammon } cet Arriphon étoit un fçavant homme, originaire de Triconion ville d’Etolie, & fort eftimé des Lyciensfj] parmi lefquels il vivoit ; critique judicieux , il
[ i ] De Ali«me Sntt'u. C’eft-à-dire, de Minerve l’Egypticnnc, ou qui ctoit honorée à Sais ville d’Egypte. {1] De nti jour> jlnipbtn * fait voir, &(. Les deux interprètes Latins Sylburge & Amafcc ont fait faute fur faute en rendant tout cet endroit de Paufanias. Je m’en tiens à l’explication de
Kuhnius qui eft toute fimplc. [j] Dei Lycient. On peut mettre cet endroit au nombre des plus oblcurs qu’il y ait dans Paufanias. Il me paroîr que Kuhnius l a fort bien éclairci, & qu’au contraire Amafce & Sylburgc ne l’ont nullement entendu. découvroic
VOTAGÏ DE COKINTHE. 14' découvrait bien dcS*chofcs à quoi les autres n’avoient pas penfé ; c’cft lui qui a remarque le premier que tout ce qui
concerne ces myftéres de Lerna, vers, proie, ou mélange de l’un & de l’autre, ctoit écrit en langue Dorique. Or avant l’arrivée des Héraclides dans le Pcloponnefe les Argiens partaient la même langue que les Athéniens, & du temps de Philammon le nom de Dorien, autant que j’en puis juger, Ctoit encore inconnu à la plupart des Grecs ; telle eft la découverte dont nous femmes redevables à Arriphon.
A la feurce de l’Amimone il y a un platane fous lequel on dit que s’engendra l’hydre de Lerna. Je crois fans peine que cemonftre étoit d’une grollèur extraordinaire 8c fi venimeux, que fon fiel put bien empoifonner les flèches d’Hercule ; mais je ne puis croire qu’il eût plus d’une tête ; cependant Pifandre [ i ] de Camire pour faire cet hydre encore plus terrible 8c pour donner plus de merveilleux à fa poefic, nous le reprélênte avec plufieurs têtes. J’ai vû encore dans le même canton ce qu’ils appellent la fontaine d’Amphiaraüs, 8c le marais d’Alcyone, par où les Argiens difent que Bachus defccndit aux enfers pour en retirer Sémélé, 8c ce chemin lui fut, dit-on, enleigné par [ a ] Polymnus ; ce qui eft de vrai, c’eft que ce marais eft d’une profondeur exceflîve, 8c que qui que ce foit jufqu’à prefent n’en a pû trouver le fond , de quelque machine qu’il fe foit fervi pour cela ; car Néron même fit lier des cables bout À bout de la longueur de plufieurs ftades, 8c par le moyen d’un plomb que l’on y attacha, il fit fonder le tond de ce marais fans qu’il fût poflible de le trouver ; on en raconte encore une autre particularité, c’cft que l’eau de ce marais qui paraît toujours comme dormante, tournoyé néanmoins tellement, que quiconque oferoit y nager ne manquerait pas de fe perdre. Au refte le circuit de ce marais n’<
gucres plus d’un tiers de ftade , 8c les bords en font pleins d’herbes 8c de joncs. Quant aux làcrifices noéturnes qui s’y font tous les ans à Bachus, il ne m’eft pas permis de les divulguer.
[ 1 ] rifendre de Cnmire. Camire étoit une petite ville de 111c de Rhodes. Macrobc dit que Pifandre avoit écrit en vers une hittoircfàbuleufcqui comptenoit tout ce qui s ctoit palK depuis Tome I.
les noces de Jupiter & de Junon julqu'à fon temps, & en particulier Unitaire de lapnlc de Troye. (1 j Po /th oh u . Clément d'Aie xan< dric l’appelle Profjmnni. Hh
. *4* Pa u sa n ia s , Li v i i II. a ?. Entre Lerna &Tcménion le Phryxtft le décharge dans la XXXVUI. mer. Teménion eft une fortereflê liir les confins des Etats
Ch
d’Argos, laquelle a pris fon nom de Téménus fils d’Ariftomaquej car Téménus s’étant rendu maître de ce lieu, il le fortifia ; & enfuite ayant avec les Doriens entrepris la guerre contre Tilamene & les Achéens, il faifoit de-li des courfes dans le pays ennemi. Neptune & Venus ont chacun un tcm. pic à Temenion, & l’on y voit auflî le tombeau de Temenus, qui eft meme encore honore par les Doriens, fournis à la domination d’Argos. De Temenion à Nauplia on compte cinquante ftades, fi je ne me trompe} cette ville eft aujourd’hui aéferte, & fut autrefois bâtie par Nauplius qui ctoit fils, à ce que l’on croit, de Neptune & d’Amimone -, les murs en font tombez, mais on y peut voir encore un temple dédié à Neptune , un port & une fontaine appcllée Canathos, où l'on dit ?|ue Junon recouvroitfa virginité en s’y baignant tous les ans; able qui tire Ion origine des myftéres fecrets que l’on célébré en l’honneur de cette déefle. Je ne daigne pas rapporter un autre conte que l’on fait d’un anc qui eft gravé là fur une pierre ; cet animal, difent-ils, ayant brouté un cep de vigne, on remarqua que l’année fuivante ce cep porta beaucoup plus de raifin qu’à l’ordinaire, ce qui donna lieu de tailler la vigne que l’on ne tailloir point auparavant. Au fortir de Lerna on trouve un autre chemin qui va le long de la mer & qui mène au bourg Généfius ; là fur le rivage on voit un temple de grandeur médiocre confacré à Neptune [i] Généfius. Ce bourg tient prefque à un autre nommé [ i] l’Apobathme, pareeque c’eft le premier endroit des terres d’Argos où Danaüs débarqua avec fes enfans. De-là vous allez gagner le défilé d’Anigrée, dont le chemin eft fort étroit & fort difficile ; mais quand vous l’avez pafle, vous avez fur votre gauche une étendue de terre qui va jufqu’à la mer, & qui eft toute plantée d’arbres fruitiers , fur-tout d’oliviers. Si enfuite vous quittez le rivage & que vous regagniez le Continent , vous trouverez la plaine de Thyrée, fameufe pour avoir fervi de champ de bataille à trois cent Argiens choifis contre [i] A Neptune Gtntfou. C’eft-àdite, à Neptune Auteur de U générer-
a «h : ce furnom convcnoit fort au dieu
des eaux.
[i]AW rAptinthme. Du mot grec defieni . pareeque c’étoit-là que Danaiis croît ddeendu de fonvaulcau.
Vo y a g e
de
Co r in th e .
14$
trois cent Lacédémoniens, au fujet de la querelle des deux nations nui fe difputoicnt cc licu-là-mêmc ; dans cc combac les Lacédémoniens s’étant tous fait tuer à la referve d'un feul, & les Argiens à la refervede deux, on donna à ces braves gens une fepulturc commune. Dans la fuite il y eut un combac général entre ces deux peuples, & les Lacédémoniens ayant remporté la victoire, ils fe mirent en poflêflion de ce lieu fatal , qu’ils donnèrent cnluite aux Eginetes, lorfqu’ils furent chaïrez de leur île par les Athéniens. Cependant aujourd'hui les Argiens jouiflènt de cc canton , & difent l'avoir recouvre par Les voix de la Jufticc. Après le tombeau des Argiens & des Lacédémoniens, fi vous avancez dans les terres , vous trouverez le village d'Athènes qui a été autrefois habité par les Eginetes, enfuite celui de Néris, & enfin celui d'Ena qui eft le plus grand des trois ; il y a dans ce dernier un temple confacré à Polémocrate fils de Machaon & frere d'Aléxanor; ce dieu guérit auflî les malades, c’eftpourquoi les habitans du lieu l'honorcnt d’un culte particulier. Au-dcflùs de ces villages s’élève le mont [ 1 ] Parnon, qui fépare les Lacédémoniens des Argiens & des Tcgéatcs} les limites de chacun de ces peuples font marquez par des Hernies de pierre, d’où ce lieu a pris fa dénomination. Au bas eft le fleuve Tanus ; c’eft le feul qui forti du mont Parnon, après avoir pafle par les terres de» Argiens, aille tomber dans le golfe de Thyrée.
[1] Le mont Parnon. Le texte porte avec Sylburge "«?«•> > le mont Parnon.
qui ne lignifie tien. Il faut lire
Fin d» fécond Livre.
Hhij
PAUSANIAS, LIVRE TROISIEMEVOYAGE DE LA
LACONIE.
cïïT” Fa
P R-E S les Hermes vous avez la Laconie au coucliant » le» Lacédémoniens aflûrent eux-mêMgMâbl mes que Lclex [ 11 enfant de la terre eft le preFA N\jl m*er qui ait régné dans le pays & que de Ion nom
llaèSSk.
J |es peuples furent nommez Léléges. Ce prince
eut deux fils Mylès & Polycaon ; je dirai dans un autre endroit ce que devint Polycaon, & pourquoi il alla s’établir ailleurs. Mylès étant mort, fon fils Eurotas lui fuccéda. Celui-ci voyant que fon pays étoit inondé & que les eaux fejournoient fur la terre, fit ouvrir un canal par où une partie des eaux s’écoula dans la mer $ l’autre partie forma un fleuve qu’il appella de fon nom Eurotas. Comme il n’avoit point d’enfans mâles, quand il fut près de fa fin, il laifla le royaume à La-
cédémon ; ce Lacédémon avoit pour mere[i]Taygcte qui donna fon nom à une montagne ,& pour pere fuivant la commune opinion Jupiter même ; il avoir époufe Sparté fille d’Eurotas, & dès qu’il eut pris pofleflîon du royaume, il voulut
[iJZéïrx enfant de Zx terre. Le ter- qu’il habitoit. me "rcc eft indigent , & [i]./lv»it pour mere Tnigéte. Cette par ce mot ils entendoient un hom- Taygctc ctoit fille d’Atlas, me foru & engendré delà terre même
Vo y a g e de l a Lac on ie . 145 que tout le pays & les habitans s’appellafl'cnc de fon nom ; enfuite il bâtit une ville qu’il appclla Sparte du nom de fa femme, nom que cecte ville a toujours gardé. Son fils Amyclas voulant aufli laifler quelque monument après lui, bâtit à l’exemple de ion pere une ville qu’il nomma Amycle. Il fut pere de plufieurs enfans, mais il eut le dcplaifirde perdre le plus jeune de tous, qui avoit nom Hyacinthe. Cet enfant 3ui etoit d’une rare beauté lui fut ravi [ 1 ] par un cruel accient, & fon tombeau fe voit encore à Amycle ibus une ftatuc d’Apollon. Apres la mort d’Amyclas la couronne pafla à Argalus l’ainé de lès enfans, & d’Argalus à fon frere Cynortas, qui eut pour fils Œbalus -, celui-ci époufa Gorgophone Argienne & hile de Perfée, de laquelle il eut Tyndare qui devoir naturellement fuccéder à fon pere ; mais Hippocoon [z] lui difputa l’empire, & fut préféré à caufe de ion âge. Enfuite foutenu d’Icarius & de fes troupes , il fe trouva fort fuperieur à Tyndare ; les Lacédémoniens prétendent que celui-ci voyant la partie inégale, fut obligé de fe retirer à Pellane, pour mettre fa vie en fureté. Mais les Mefleniens difent qu’il le réfugia chez eux auprès d’Aphareüs, qui étoit fon frere utérin & fils de Périéres ; ils ajoutent qu’il établit fon domicile à Thalames ville de la MelTénie, que là il fe maria, eut des enfans, & au bout de quelque temps fut rétabli finie trône par Hercule. A Tyndare fucccdércnt fes enfans, qui eurent pour fucceflêurs premièrement Ménélas fils d’Atrée, & gendre de Tyndare, puis Orefte qui avoit époufé Hermionc fille de Ménélas. Les Héraclides rentrèrent dans le Pcloponnclê fous le régne de Tifamenc fils d’Orefte; ce fut alors que les Argiens & les Mefleniens fe partageant entre les deux rrcres, eurent pour roi [3] les uns Témenus, les autres Crefphonte. D’un autre côté Ariftodeme [4] avoit laifle deux fils jumeaux. De-là ces deux familles qui régnèrent à Sparte en meme temps, ce que la Pythie, dit-on, ne defaprouva pas. Pour Ariftodeme,
f r] Pur un cruel occident. Cet accident fcraracontc ailleurs. Ovide L. lo, de les Métamorphofcs, fait Hyacinthe fils d'CSbalus & non d’Amyclas. [1] ^doh Hiffocoen luidifputo Temfire. Hippocoon Je Icarus étoient 6ctes de Tyndare.
[}] Let ui Téménui, let outra
Ctefpbonte. Témenus & Crefphonte étoient fils d'Anftomaquc. [4] D'un outre cité Anjtedeue. Cet Ariftodeme étoit aufli fils d'Ariftomaque, &• frète cadet de Téménus & de Crefphonte. H h iij
1^.6 Pa u sa n ia s , Liv r e IIT. il croit mort à Delphes, avant que les Doriens fuflent revenus dans le Peloponnelè, & les Laccdcmoniens qui tournent tout à leur avantage, difent qu’Apollon l’avoir percé de fes flèches, pareequ’il étoit venu à Delphes non pour confulter l’Oracle, mais pour prendre avec Hercule qui s’y étoit rencontre , des mefurcs fur le retour des Doriens dans le Pcloponnefe -, cependant il eft plus vraifemblable qu’Ariftodeme fut tué par les fils de Pylade & d’Ele&re, qui étoient coufins germains de Tifamene fils d’Orefte. Quant aux deux jumeaux qu’il laiflà , ils fe nommoient [ i ] Procïès & Euryfthene ; mais pour être net jumeaux, ils ne s’en accordoient pas mieux enîèmble. Cependant leur antipathie ne les empêcha pas d’aflîfter de toutes leurs forces Théras frere d’Argia leur mere, fils [i] d’Autéfion, & d’ailleurs leur tuteur, qui vouloir mener une colonie dans cette île que l’on appelloit alors Callifte -, l’eC pérance de Théras étoit que les defeendans de Membliarus qui régnoient dans cette île lui en céderoient l’empire, & ils le firent par la raifon que Théras rapportoit fon origine à Cadmus, au lieu qu’eux ils defeendoient de Membliarius [3] homme de baflè naiflance, à qui Cadmus avoit donné quelque autorité fur la peuplade qui s’étoit nouvellement tranfplantée dans cette île. Théras fe voyant maître de l'île changea le nom qu’elle avoit eu jufqu’alors, & lui donna le fien qu’elle a confervé depuis, & encore à prefent les Théréens lui rendent tous les ans des honneurs fur fon tombeau, comme à l’auteur de la colonie par qui leur pays a été peuplé. A l’égard de Proclès & d’Euryfthene ils agifloient toujours de concert quand il falloit obéir à leur oncle, en tout le refte leur divifion & leur incompatibilité étoient extrêmes. Mais quand ils auroient été plus unis, je ne pourrois pas pour cela comprendre dans un même récit leur hiftoireêc celle de leurs defeendans ; car les familles venant à fe multiplier avec les
[ij/rw/o. Strabon dit tantôt Pr»tlti, & tantôt Patroclès , Plutarque Pttntlir. Mais Apollodorc, Hérodote & Cicéron l'appellent l'rodei. Cette
variation vient des copiftes qui ccrivoient quelquefois ce nom en abrégé. ( 1] Fih <f /futéjmi. Il y a dans le grec, fil> d'Imi . C’cft une faute de copiftc ignorant & inappliqué; car l’auteur a
déjà dit plufïeurs fois que Thctas étoit fils d’Autéfîon. Lifcz donc dans le texte Amn'«K, Aucun des interprètes latins n’a remarqué cette faute; mais Paulmict l’a bien fentie. [;] Homme de bslje naifitnce. Paufâmas s’éloigne d’Hérodote qui fait ce Membliarius parent de Cadmus. L. 4 > ch. 147.
VOYACE DELA LACONIE. 147 années, il n’eft pas poflible que les oncles, les neveux, les cou lins germains & les enfans des uns & des autres n’entraînent [1] des différences de temps, d’âge, de durée qui demandent des narrations differentes. Je ferai donc mieux de m’attacher d’abord à une branche pour venir enfuite à l’autre. ___ La tradition du pays eft qu’Euryfthenc fils aîné d’Arifto- Cha f . deme eut un fils nommé Agis ; dc-là vient que tous les defccndans d’Euryfthene furent nommez [ 1 ] Agides. Sous le régne d'Agis , Patréus fils de Preugenes voulant peupler une ville qu’il avoit bâtie en Achaïe, & qui de fon nom s’appelle encore aujourd’hui Patra , les Lacédémoniens le lècondérenc dans cedeffein j ils entrèrent auflï dans les vûës de Gras [3] fils d’Echélatus, petit-fils de Penthilc, & arriéré pctic-fils d’Oreftc, lequel Gras vouloit s’embarquer & mener une peuplade en quelque lieu où il put faire un nouvel ctabliflement. Il choisit ce pays qui eft entre l’Ionie & la Myfie, appelle aujourd’hui l’Eolie j & ce qui le détermina à ce choix, ce fut que Penthile fon ayeul s’étoit déjà emparé de Lelbos, île voifine de ce Continent. Après Agis, fon fils Echeftrate régna à Sparte ; de fon temps les Lacédémoniens chaflerent de Cynure tour ce qu’il y avoit d’habitans en âge de porteries armes $ le prétexte de ce traitement fut que les Cynuréens au mépris de la confanguinité qui étoit entre eux & les Argiens, non-feulement fouffroient que des bandits de leur territoire ravageaffent les terres des Argiens, mais qu’euX-mêmes faifoient tout ouvertement des courfes jufqu'aux portes d’Argos} en effet on dit que les Cynuréens defeendent des Argiens, &qu’ils ne font originairement qu’une colonie d’Argiens, qui fut menée là par Cynure fils de Perfée. Quelques années après Labotas fils d’Echeftrate lui fuccéda 5 Hérodote dans l’hiftoire de Crœfus, dit que Lycurgue [4] qui a donné des loix aux Lacédémoniens avoit été tuteur de ce jeune prince,
[1] Des différences de temps. Pauûnias eflun peu obfcurcn cet endroit, Amafce n’a pas compris fa penfée. fa] stades , ou Âgiudei. Car les hifloriens difènt l’un Sc l’autre. [3] DeGMj.llyadans le texte Grtis. MaisPaulmier déterminé par l’autorité de Cafaubon dans fon commentaire fur Athcncc, 8c par celle d'Ifaac Tzczzès
dans fes notes fur Lycophron, lit Gmt. [4] Dit que Lycurgue qui t donne des loix aux Lacédémoniens avoir été tuteur de ce jeune prince. Mcurfîus dans fes antiquité! de Lacédémone, prouve qu’Hérodote s’eft trompé en hufànt Lycurgue tuteur de Labotas. Lycurgue n'étoit pas né alors, il fut tuteur de Chanllus 8c non de Labotas. Charil-
148 Pa u sa n ia s , Liv r e III. qu’il nomme Léobotas, & non Labotas} durant fon régne les Lacédémoniens déclarèrent la guerre aux Argiens pour la première fois. Le fujet de cette guerre ctoit que les Lacédémoniens ayant conquis Cynure & les terres qui en dépendoient, les Argiens ne ccffbient d'en ufurper quelque coin, & de Iblliciter les peuples voifins & amis de Sparte à quitter fon alliance ; cependant cette guerre n’eut pas de fuite, & il ne s’y paflà rien de remarquable. Ceux de la même famille qui régnèrent enfuite, fçavoir Doryflus fils de Labotas, Agéfilas fils de Doryflus [ 1 ] vécurent fort peu ; ce fut pourtant fous Agéfilas que Lycurgue [1] publia fes loix } les uns difent qu’il les avoit reçues de la Pythie, les autres qu’il les avoit apportées de Crète ; pour les Cretois, ils afliirent euxmêmes qu’ils font redevables des leurs à Minos, & qu’il ne les leur donna qu’après avoir confulté Jupiter ; c’eft auflî ce qu’Homére femble avoir voulu nous déclarer par ces vers:
Et GnofTe la fuperbe, où de neuf en neuf ans, [5] Le fage roi Minos dégagé de fes fens, Au fein de Jupiter épuroit fes idées. Et recevoir des Loix par lui-même di&ées. mais je parlerai de Lycurgue ailleurs. Agéfilas eut pour fucccflcur fon fils Archélaüs ; pendant fon régne les Lacédémoniens afliégérent Egys, ville voifine de leur frontière, & l’ayant prife, ils la détruifirent entièrement, de crainte qu’elle
lus étoit fils de Polydeélc & neveu de Lycurgue. Cette méprit d’Hérodote eft évidente. Si Lycurgue avoit été tuteur de Labotas comme l'auteur le dit après Hérodote, comment auroitil pu fleurir fous Agéfilas qui étoit petit-fils de Labotas. D’ailleurs Labotas régnoit en meme temps que Prytanis de l’autre branche royale. Prytanis étoit le quatrième depuis Proclès, 8c le neuvième depuis Hercule. Or fuivant Sttabon > Lycurgue a été le fixiéme depuis Proclcs, 8c le onzième depuis Hercule, [ 1 ] Deryffus fils de Labotas, & Age'-
régna 44. Eulêbc 8c S. Jérôme citez par Meurfius le dilënt formellement. • [ a] Ce fut pourtantfeus Agéfilas que Ljeurgue publia (et loix. Pauûnias fe trompe encore ici, 8c c’eft une fuite de l’erreur precedente. Lycurgue donna fes loix en la 50' année du régned’Archélaüs. Foyez. Afeurjtus Z.. 2, ch. 1, de fes ant. Lacéd. [ i ] Ou de neufen neufans. C’eft ainfi
qu’il fautrendrcle mot Amafee s’y eft trompe aufli-bien que la plupart des interprètes qui ont eu à traduire ces vers de l'Odyflèe Liv. 19, comme par exemple, Marcil Ficin 8c fitas fils de Doryflus veeurent fort peu. Scrranus dans Platon, 8c meme l'inAutre erreur de Pauûnias. Doryflus terprète d’Homére. régna a 9 ans, 8c Agéfilas fon fils en ne
Vo y a g e d e l a La c o n ie . 249 ne le liguât avec les Arcadicns. Archélaüs fut féconde dans cette entreprife par Charilas qui ctoit aufli roi de Sparte, mais de l’autre famille j je raconterai ce qui fc pafla fous fes ordres, lorfque j’en ferai à l’hiltoirc des Rois de la fécondé branche, qui furent nommez[ 1 ]Eurypontides. A Archclaüs (ùcceda Ion fils Télédus, fous lequel les Lacédémoniens prirent fur les confins de la Laconie trois villes dont les Achéens ctoicnt en pofleflion, Amycle , Pharis, Sc Gcranthre ; les habitans de Pharis & de Géranthrc ayant pris l’allarme de l’arrivée des Dorions croient déjà fortis du Pcloponnefc fous de certaines conditions ; mais pour ceux d’Amycle non-fëulement ils n’eurent jjoint de peur des Dorions, mais ils firent une vigoureufe détente & donnèrent de grandes preuves de valeur ; c’eft ce que les Dorions témoignèrent eux-memes par le trophée qu’ils érigèrent lorfqu’ils furent enfin maîtres de la place ; car c’étoit déclarer qu’ils regardoient cette conquête comme fort glorieufe. Quelque temps apres Telcclus fut tué par les Mellcniens dans un temple de Diane qui eft fur la frontière de la Laconie & de la Meflcnie au bourg de Limné. Téléclus étant mort fon fils Alcamene lui fucceda ; ce fut fous fon régne que les Lacédémoniens envoyèrent en Crète Charmidas fils d’Euthys & l’un des plus considérables de Sparte, pour appaifer des féditions qui s’etoient élevées parmi lesCrétois, & pour engager ces peuples à abandonner les places de la côte les plus expofées ou qui étoient fans défenie, & à fe contenter de garder celles qui avoient de bons ports, en quoi il avoit ordre de les aider. Pendant ce tempslà ils prirent & raférent Hclos ville maritime dont les Achcens s’étoient rendus maîtres, & défirent en bataille rangée les Argiens qui alloient fecourir les Hilotes [2]. ______ Après Alcamene, fon fils Polydore monta fur le trône j Chap . durant le régne de ce prince les Lacédémoniens envoyèrent I1L deux colonies, l’une à Crotone ville d’Italie, l'autre à Locres près du cap Zephirius -, ce fut auflî en ce temps-là que la guerre de Mcflcnc fc ralluma ; les parties intéreUées ne conviennent pas des raifons qui la leur firent entreprendre, ce
[ 1 ] F.urppentidei. Quelques auteurs dilcnt F.urptimdei, d'autres Furplitntide<, te d'autres Euryphtmidti. [ 1 ] L ti Htletti, c'cft-i-duc les cfclaTome I.
ves des Lacédémoniens. On les appelloitHilotesparccqu'ilsavoientéténits prifonniers de guerre à la prile d’Hélos. L'auteur en parlera plus d'une fois. I*
ijo Pa u sa n ia s , Lit r e III. qu'ils en difent les uns & les autres, & quelle fut l’ifluif de cctrc guerre, c’eft ce que je raconterai dans la fuite. Quant à prêtent il me fuffit de dire que la première guerre Meffeniaque fe fit pour la plus grande partie fous la conduite de Théopompe fils de Nicandre, & l’aîné de l’autre famille ro» ale. Cette guerre opiniâtre étant enfin terminée, & les Mefleniens ayant fuccombé, Polydore dont le régne prof, péroit à Sparte, & qui étoit adore des Lacédémoniens, furtout du peuple, pareequ’il ne s’étoit jamais porté à aucune violence, ni n’avoit jamais rien dit d'offensant à qui que ce fut, qu’au contraire la juftice & l’humanité préfidoient à tous fes jugemens& â toutes fes a&ions j Polydore, dis-je, donc le nom étoit déjà célébré par toute la Grece, fur ces entrefaites eft tué par Polémarchus Spartiate d’une naiflânee allez illuftre, mais d’une audace encore plus grande, comme cet événement tragique ne le fit que trop voir. Les Lacédémoniens rendirent à la mémoire de ce prince des honneurs extraordinaires, & l’on voit auflî à Sparte le tombeau de ce Polémarchus , foit qu’avant ce parricide il eut été en réputation d’homme de bien , foit que fes proches Payent fait enterrer fecrettement. Sous Eurycrate fils de Polydore les Mefleniens demeurèrent fournis, & le peuple d’Argos ne remua pas non plus ; mais fous Anaxandre fils d’Eurycrate les Mefleniens furent enfin chaflèz du Peloponnefe par leurs deftinées ; car s’étant révoltez contre les Lacédémoniens ils foutinrent la guerre durant quelque temps, mais contrains de céder à la force, ils mirent les armes bas & s'obligèrent par un traité à quitter le Peloponnefe ; tout ce qui en refta Fut fait efclave, a la referve de ceux qui tenoient encore dans les places maritimes. Ce qui fe pafla dans cette guerre depuis la révolte des Mefleniens a fi peu de liaifon avec le morceau d’hiftoire que je traite préfentement, qu’il n’y peut pas être inféré j je me referve donc à en parler dans un autre endroit. Anaxandre eut pour fils Eurycrate fécond du nom, & cet Eurycrate fut pere de Léon. Sous leurs régnes les Lacédémoniens curent du pire & fouffiircht de grandes pertes dans la guerre qu’ils firent contre IcsTcgéatCS ; mais fous Anaxandridc fils de Léon la fortune changea les Tégéatcs furent battus à leur tour j voici comment cela arriva. Lichas Lacé-
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démonicn étoit venu à Tégée; car alors les deux peuples vivoient en paix fur la foi des traicez 5 ce Lichas chercnoit les
os d’Orefte, & il les cherchoit par ordre des Spartiates conformément à un certain oracle [ i ] de Delphes 5 or il crut les avoir trouvez dans la boutique d’un ferrurier , car il faifoit l’application des paroles de la Pythie à tous les inftrumens dont fe ferc un ferrurier. Les vents dont il étoit parlé dans l'oracle pouvoient, félon lui, s’entendre des foufflets de la forge, qui en eftvt reçoivent l’air & le renvoyent avec impétuofité, les^coups redoublez c’ctoit le marteau & l'enclume 5 & la deftru&ion des hommes étoic fignifiée par le fer, dont on fe fervoit déjà dans les combats ; car fi Apollon avoit rendu cet oracle dans les temps héroïques, il auroit employé le mot d’airain au lieu du mot [1] de fer. Cette reponfe de l’oracle aux Lacédémoniens au lujet des os d’Orefte eft toute femblable à une autre qui fut rendue depuis aux Athéniens, par laquelle il leur étoit ordonné de tranfporter de Scyros à Athènes les os deThéfée, qu’autrement ils ne pourraient jamais prendre Scyros j Cimon fils de Miltiade fut allez habile pour trouver les os de Thefée, il les envoya à Athènes, & peu de temps après il fe rendit maître de l’ile. Quant à ce que j’ai dit que dans les temps héroïques toutes les armes étoient d’airain, Homère nous le témoigne parla defeription qu’il fait de la hache de Pifandre & de la flèche de Merion ; la pique d’Achille que l’on confervc dans le temple de Minerve à Phafélis en eft encore une preuve, aufli bien que l’cpéc de Memnog que l’on voit dans le temple d’Efculape à Nicomédic, Si qui eft toute d’airain. Car pour la pique d’Achille il n’y a que la pointe & la hampe qui en loient ; voilà ce que nous fçavons bien certainement. Anaxandridc filsde Léon par un abus dontil n’y avoit point encore d’exemple à Sparte, eut deux femmes [3] à la fois , & contre fon
[1] A un tertùn orucle de Delphes. Cet oracle eft rapporte tout entier dans Hérodote L. 1 > & dans Etienne de Byfancc au mot Teget. Si l’on prend la peine de les conlültcr, on entendra fans peine cet endroit de PauAmas.
l'airain & non le fer, dont lu Age n’eft venu que depuis. Tofleriht frrri vb eft orifyite repnto . Sedpnùi trb irsl.^uimftnicfaitus h Tm.
Lucret. L. $. [t] Eut deux femmes 4 U fois. Ce que PauAnias raconte d’Anaxandridc [z]//u«n>ir employé le molrTsirsin. eft tiré d’Hérodote dans A TherplîC’cll qu'en ces temps-lion conooi/lôit cboce. liij
1J1 Pa v ja n i a s , Liv r e III. attente [ i ] laifl'a une double poflcrité ; car apres avoir longtemps réfifté aux Ephores qui lui ordonnoienc de répudier là première femme, princeflè à la vérité fort vertueufe, mais qui ne lui donnoit point d’enfans, enfin pour leur obéir il en prit une féconde, & eut d’elle un fils nommé Cléomene; mais la première qui jufques-là avoit paru ftérile le trouva groflé & accoucha peu de temps apres de Dorieüs, enfuite de Léonidas, & enfin de Cléombrote. Après la mort d’Anaxandride, quoique Dorieüs eût beaucoup plus de réputation dans le conleil & à la guerre, les Lacédémoniens contre leur inclination ne laiflerent pas de lui préférer Cléomene, en quoi pourtant ils ne firent que fuivre les loix du royaume qui donnoient la couronne à l’aîné -, Dorieüs ne put fe rcfoudre à voir fon frereau-deflus de lui, il aima mieux quitter le pays, & fe mettant à la tête d’une colonie il alla cher_____ cher fortune ailleurs. Cha p . Cléomene ne fut pas plutôt fur le trône, qu’il leva une Iv- groflé armée compofee de Lacédémoniens & de leurs alliez, & entra dans l’Argolide ; les Argiens de leur côté marchèrent à lui en ordre de bataille, mais ils furent défaits ; cinq mille d’entre eux fe réfugièrent dans un bois voifîn confacré à Argus fils de Niobé ; Cléomene, qui fouvent devenoit furieux &nefe poflèdoit plus, commanda aux Hilotes d’y mettre le feu, de forte que ce bois facré fut brûlé avec ces miférables qui imploroient en vain la clemence du vainqueur -, de là il mena ion armée triomphante à Athènes, délivra les Athéniens de la domination tyrannique des enfans de Pififtrate, & par de fi beaux commencemens rendit fon nom & celui des Lacédémoniens cclcbre dans toute la Grèce. Mais quelque temps après par complaifance pour un certain Athénien nommé Ifagoras, il fe mit en tête de le faire roi d’Athcnes ; les Athéniens indignez d’un pareil deflein prirent les armes pour défendre leur liberté, & Cléomene déchu de fon efpérance ne put faire autre chofe que de fe venger en ravageant l’Attique, particulièrement un canton nommé l’Orgade, & confacré aux divinitez que l’on honore à Eleufis. Enfuite il paflà en l’île d’Egine, dont il fit emprifonner les principaux habitans pareequ’ils favorifoient les Perfes, & qu’ils avoient perfuadé à leurs concitoyens de reconnoître Darius
[i] Et contre fon attente. Ces mots ne font pas dans le texte, mais la fuite les amène.
Vo y a g e
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La c o n ié .
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fils d’Hydafpc pour leur fouverain, en lui accordant la terre & l’eau [ i ]. Pendant qu’il ctoit à Egine , Demarat roi de Sparte, niais de l’autre famille, le noircifloit dans l’efprit du peuple ; Cléomene picjué de cette infidélité ne fut pas plutôt de retour, qu’il prit des mcfurcs pour dépouiller Demarat de la
royauté ; premièrement il gagna la Pythie par des liberalitcz, Se l’engagea à ne rien répondre aux Lacédémoniens que ce qu’il lui dideroit lui-même, puis ayant pratiqué Lcotychidc parent de Démarat Se du lang royal comme lui, il le Îtouflâ à lui difputer la couronne. Léotychide fçut fe prévaoir d’une parole qu’Arifton pere de Démarat avoit laifle échapper, lorfqu’au fujet de la naiflànce de fon fils il dit tout haut Se fort étourdiment que cet enfant ne pouvoir pas être de lui. Sur ce fondement Léotychide prétendoit que Démarat étoit bâtard. Cette affaire par ordre des Lacédémoniens fut portée à Delphes comme toutes les autres, la Pythie répondit tout ce que Cléomene voulut, & Démarat facrifié à la vengeance de fon collègue perdit injuftement la couronne. Peu de temps après Cléomene mourut, ayant tourné fes propres mains contre lui ; car dans un de ces accès de fureuraufquels il étoit fujet, il prit fon épée &fe la pafla au travers du corps. Les Argiens regardèrent ce genre de mort, comme une jufte punition de la cruauté qu’il avoir excrcee contre ces malheureux fupplians qui s’etoient réfugiez dans le bois facré d’Argus ; les Athéniens comme le châtiment de l’impieté qui lui avoit fait prophaner l’Orgade, Sc ceux de Delphes comme un effet de la colere d’Apollon qui vouloir le punir d’avoir corrompu fa prètreflè pour ôter la couronne à Demarat. En effet ce n’eft pas le premier exemple de la vengeance que les héros & les dieux ont tirée des nommes. Protéfilas qui eft honoré à Elcunte & qui en fon temps n’étoit pas un héros moins célèbre qu’Argus, punit lui-même le Pcrfe [a] Artaydès, & depuis que les Megaréens
[ i ] F» lui teetrduut U terre & retu. C ctoit la formule dont fc fetvoit le toi de Perfe ou le grand roi, quand il demandoit qu'on le reconnût pour fouverain*, & en effet les peuples qui fe foumcttoicnt à fa domination lui
apportoient de la terre & de l’eau. [1] Le perfe slrujiïes. C’eft ainfi qu’il eft nomme dans Hérodote, & non Artaba&ès comme il fc lit dans la vcrlion d’Amalcc. Hérodote raconte cette hiftoirc dans là Calliopc dit la fin. li iij
M4 Pa v sa n ia s , Liv r e III. ont ofé s'approprier & cultiver des terres confacrées aux divinitez d’Eleufis, ils n’ont jamais pii appaifer leur colere. A l'égard de l’oracle de Delphes, nous fçavons qu’avant Clcomene nul autre [ i ] n’avoit eu la hardicHe de le corrompre.
Ce prince n’ayant point laill’é d’enfans mâles, le royaume pafla à Léonidas fils d’AnaxandrideSc propre frere de Dorieüs. Vers cc temps-là Xerxès avec une multitude innombrable d’hommes fit une irruption en Grèce, Sc Lconidas avec trois cent Lacédémoniens alla l’attendre au pas des Thcrmopyles. On fçait que les Grecs ont eu plufieurs guerres avec les barbares, Sc que les barbares en ont eu encore plus entre eux ; mais il eft aife de compter celles dont la gloire & le fuccès ne font dus qu’à la valeur d’un feul homme, comme la guerre de Troye heureufement terminée par le courage d’Achille, & la fameufe journée de Marathon qui rendit le nom de Miltiade célèbre à jamais. Après tout je ne fçai pour moi fi dans les fiécles paflez il y a eu rien de comparable au merveilleux exploit de Léonidas; car Xerxès fut le plus puiflanr & le plus ambitieux roi que les Médes Sc les Perfes ayenc jamais eu, il couvrait la terre de fes bataillons ; Sc Lconidas avec ce peu d’hommes qu’il menoit l’arrêta tout court, de maniéré que Xerxès bien loin, de brûler Athènes comme il fit, n‘aurait pas feulement vu la Grèce, fans un malheureux Trachynicn qui conduifitHydarnès[i]parunfentier du mont (Eta -, ainfi Léonidas à la fin fe vit enveloppé de tous cotez, Sc ce ne fut qu’après l’avoir tué lui Sc tous les fiens, que les barbares pénétrèrent en Grèce. Après lui, Paufanias fils de Cléombrotc ne régna pas à la vérité ; mais en qualité de tuteur du jeune Pliftarque fils de Léonidas, il commanda les Lacédémoniens au combat de Platée, Sc enfuite les embarqua pour les mener fur l’Hellefpont. Une de fes plus belles a&ions Sc qui mérite le plus de louanges à mon grc eft celle que je vais dire. Pharandate fils de Téapis [3] avoit enlevé une belle perfonne de l’ilc de Cos, fille d’Hégctoridas hom-
[ 1 ] AM uutre n'uvût tu U btrdiefje. Paufanias devoir dire, nuluutte Spurtute i car nous fçavons qu'avant Cléomené les Alcméonides avoientcorrompu la Pythie en lui donnant de l’argent. [1] Hjdtmti. C’étoit un des Ùcu-
tenans généraux de Xerxès . & celui qui commando» ces dix mille hommes d'élite que les Perfes appelaient lei Jmmarteli. [<] fih de Te'tpu. Hérodote dit Teufpis.
Vo y a g e de l a La c o n ie . ryy me de qualité, & petite fille d’Antagoras, &. ce Perfe la tenoit malgré elle au nombre de lès concubines: Mardonius & les barbares qu’il commandoit ayant cté taillez en pièces à Platce, Paufanias trouva cette belle perfonne dans la tente de Pharandatc, Sc la renvoya à (es parens avec tous les pre(ens que le Perlé lui avoit faits, & généralement tout ce qui lui appartenoit. Il ne voulut pas non plus que l’on fit aucun ouerage au corps de Mardonius, contre le léntiment de Lampon qui étoit un Officier de l’îlc d’Egine. _____ Pliftarque fils de Léonidas fut à peine fur le trône, qu’il Cha f . mourut. Pliftoanax lui fuccéda, il ctoit fils de ce Paufanias vdont je viens de parler, Sc qui acquit tant d’honneur au combat de Platée. Pliftoanax eut un fils qui eut nom auffi Paufanias , & ce fut lui qui mena une armée dans l’Attique, fous prétexte de (è joindre à Thrafybule & aux Athéniens, mais en effet pour affermir la domination des trente tyrans que Lyfàndcr avoit établis à Athènes 5 cependant après s’être rendu maître du Pirée, il ramena fes troupes à Sparte, n’ayant pas jugé à propos d’imprimer au nom Lacédémonien une tache auffi honteufe que celle de confirmer la tyrannie de trente fcélératsqui renverfoient toutes les loix. Il revint donc fans avoir rien fait de ce qu’on attendoit de lui ; mais auffitôt fes ennemis le citèrent en juftice & l’obligèrent à rendre compte de fa conduite. Or voici comment chez les Lacédémoniens on procède à faire le procès à un roi ; les vingthuit Sénateurs avec les Ephores & le roi de l’autre famille compofcntun tribunal; ce roi pour lors étoit Agis. Paufanias comparut donc devant ce tribunal ; quatorze Sénateurs avec Agis le déclarèrent coupable, tous les autres furent pour lui & le renvoyèrent abfous. A quelque temps de là les Lacédémoniens réfolurent de faire la guerre aux Thebains, j’en dirai la raifon lorfque j’en ferai à l’hiftoire d’Agéfilas. La guerre écant rcfohië ils ne fongerenr qu’à lever des troupes; Lyfander qui devoir avoir le commandement de l’armée alla dans la Phocide, enrolla tout ce qu’il put trouver de gens de bonne volonté, puis fans perdre de temps entra dans la Bcotie, & vint mettre le fiege devant Haliarte qui vouloir demeurer fidèle aux Thebains. La garnifon venoit d’être renforcée par quelques détachemens d’Athénicns & de Thebains que l’on avoic fait filer
Ij6 P A U S A N I A S , Ll V R E I II. lecrcttemeiu dans la ville $ fe voyant donc allez nombreulc, elle fit une vigoureufe fortie fie fe rangea en bataille fous les murs de la ville. Lyfander la vint attaquer, mais il fut entièrement défait & relia fur la place avec un grand nombre des liens. Sur ces entrefaites arrive Paufanias qui de fon côté étoit allé faire des levées chez les Tégéates fie en Arcadie. Il ne fut pas plutôt en Béotic qu’il apprit le défaftre de Lylànder 8c de Ion armée, ce qui pourtant ne l’empêcha pas de marcher droit à Thebes dans le deflein de l’alliéger ; mais Sjuand il vit que les Thebains étoient bien rélblus à le déendre, que d’ailleurs Thrafybule étoit fur le point d’arriver avec un fecours d’Athéniens, fie que ce Général n’attendoit que le moment du combat pour venir prendre les Lacédémoniens en queue ; alors craignant d’être enveloppé fie d’avoir tout à la fois deux armées fur les bras, il changea d’avis, empêcha les troupes de donner, fie fe contenta de faire avec les Thebains un traité par lequel il lui étoit permis de donner la fcpulture aux Lacédémoniens qui avoient péri fous les murs d’Haliarte. Sa conduite fut encore défapprouvée à Sparte, mais pour moi je ne puis la blâmer 5 car Paufanias qui feavoit que les Lacédémoniens avoient fuccombé toutes les fois qu’ils s’étoient trouvez entre deux armées ennemies, comme aux Thermopyles fie dans l’île Spha&érie, craignit avec raifon de donner lieu à une trpiliéme défaite. Cependant comme fes citoyens ne penfoient pas de même, fie qu’ils lui faifoient fur-tout un crime [ i ] d’être arrivé trop tard en Béotie, il ne crut pas devoir s’expofèr à fubir un lecond jugement, il chercha donc un azile chez les Tégéates dans le temple de Minerve dite Aléa. Ce temple a été de tout temps en grande vénération dans tout le Péloponnefe, fie ceux qui s’y réfugient y trouvent une entière fureté -, c’eft ce que les Lacédémoniens éprouvèrent en la perfonne de Paulanias, Se ce qu’ils avoient éprouvé auparavant en celle de Léotychide, comme les Argiens en la perfonne de Chrylîs, car ces trois illuftres criminels s’étant fauvez dans ce temple, ne furent pas même redemandez par leurs fupérieurs. Durant l’éxil de Paufanias, lès enfans Agéfipolis fieCléom-
[ i] crime. Le texte n’eft pas in- rendu clair par un leget changement tclligiblc en cet endroit, pareeque les qui eft tres-heureux. copiftes l'ont altéré > mais Kuluùus l’a brotc,
V O Y AC, E n E L A LACO NT E. 1 f7 brotc, tous deux en bas âge, furent fous la tutelle d’Ariflodcnic leur plus proche parent. Les Lacédémoniens fous la conduite de ce tuteur combattirent hcurculement près de Corinthe. Dès qu’Agclipolis put gouverner par lui-même, les Argiens furent de tous les peuples du Peloponncfc les premiers a qui il déclara la guerre. Déjà même il marchoit au travers du pays desTegeates pour entrer dans celui d’Argos, lorfque les Argiens lui envoyèrent un héraut pour le prier [ i j d'accorder une fufpenfîon d’armes en vertu [i] d’un ancien ufage que tous les Doriens obfervoient réciproquement entre eux 5 mais bien loin d’accorder au héraut ce qu’il demandoit, il permit à fes foldats de fc débander & de faire le dégât dans la campagne. Un .tremblement de terre fe fit fentir dans ce temps, là fans qu’il en changeât de rçfblution, ni qu’il eût envie de rcbroulfer chemin , quoique jufqucs-là dans ces occa-
fions les Lacédémoniens & les Athéniens fuflent plus fufeeptibles de peur, que tous les autres Grecs. 11 campoit déjà devant les murs d’Argos, que le tremblement de terre continuoit toujours ; même quelques-uns de fes foldats furent frappez de la foudre, & le bruit épouvantable du tonnerre dans cette circonftancc [ J ] en effraya fi fort quelques autres, qu’ils étoient comme hors d’eux-memes. Il fut donc obligé de décamper malgré lui, & tourna fes armes contre les Olvnthicnsf dans cette expédition il eut la fortune allez favorable, car il "
prit plufieurs villes de la Chalcide, & il efperoit fe rendre maître [4] d’Olynthe, lorfqu’ctant tombé malade il finit fes
jours. ___ Agéfipolis étant mort fans enfans, Cléombrote lui fuccéda. Ch am Ce fut fous lui que les Lacédémoniens combattirent contre VL les Béotiens à Lcu&rcs, combat malheureux où Cléombrote fut tué des premiers en faifant tout à la fois le devoir de Général & de foldat. On remarque que dans les grandes défaites le démon de la guerre commence pour l’ordinaire par
[ 1 ] D'Accorder une fufpenjîon firme:. La verfion latine d’Amaice eft ici uèsfautivc, & ne rend point du tout le fera de l'auteur. [ 1 ] Un Ancien ufae. Cet ancien ulâgc confifloit en ce que durant un certain mois de l'année, les Doriens ne faifoicnt point la guerre entre eux. T«me I.
Voilà ce qu’Amaice a ignoré, & cette ignorance a caufc fa méptilê. [ ? ] Le t nul e'ptuvnnuble
tinnerre.
Ces circonftanccs font urées de Xéno-
fs) OliHthe. Grande ville de la Macédoine , à prêtent ruinée , & dite Olintbt.
Kk
ij8 Pa u sa n ia s , Liv r e III. faire périr le Général, comme l’ont éprouvé par deux fois les Athéniens, qui perdirent Hippocrate hls d’Ariphon a Dclium dès le commencement delà mêlée, & enfuite Léofthéne dans laTheffalie. Cléombrotc laifl'a deux enfans, dont l’aîné Agéfipolis ne fit rien de remarquable. Après lui fon cadet Cleo, mene prit poffeflion du Royaume. Ce prince eut deux fils, Acrotate 8c Cléonymc ; mais Acrotate mourut jeune, 8c fon pere étant venu à mourir après lui, la couronne fut dilputée entre Cléonymc fils de Cleomene, & Aréus fils d'Acrotate. Le Sénat fe fit juge de leur différend, & confervant à Arcus fon droit d’aînelle le reconnut pour roi légitime. Cléonymc fut fi piqué de cette préférence, que les Ephores ne purent jamais l’appaifer par quelque dédommagement que ce fütj ras même en lui donnant le commandement des armées, ni empêcher de faire éclater fon reflêntiment contre fa patrie. Il en rechercha toujours les occafions, mais fur-tout en attirant Pyrrhus fils d’Eacidas dans le royaume. Sous le régne d’Aréus fils d’Acrotate, Antigonus fils de Démétrius afliegea Athènes par terre & par mer. Patrocle parti d’Egypte vint au fecours des Athéniens avec une flotte, 8c les Lacédémo. niens y volèrent aufli ayant Aréus à leur tête. Mais Antigonus avoit tellement bloqué la ville, que nul fecours n’y pou^oit entrer. Patrocle qui avoit remarqué d’abord cette difpofition dépêcha auflî-tôt un courrier à Aréus & aux Lacédémoniens pour leur dire de livrer combat à Antigonus, & que dès que le combat fêroit engagé, il ne manqueroit pas de prendre en queuë les Macédoniens -, qu’autrement il ne s’expoferoit pas à combattre contre l’infanterie Macédonienne avec fes troupes qui étoient des Egyptiens, & gens de mer pour la plupart. Les Lacédémoniens brûlant du defir de fe fignaler 8c pleins auflî de bonne volonté pour les Athéniens, fouhaittoient paflionnément d’en venir aux mains ; mais Arcus voyant que les munitions & les vivres commenijoient à lui manquer s’en retourna, & ne jugea pas à propos de faire un coup de defefperé dans une occafion t>ù il s’agifloit non de fauver l'Etat, mais de fecourir fes alliez. Quant aux Athéniens, ils firent une fi belle défenfe qu’Antigonus fut oblige de traiter avec eux s il fe contenta de mettre garnifon dans le Mufée, encore la retira-t-il de lui-même quelque temps
apres.
Vo y a g e »e l a Lac on ie . îy* Aréus lailTà un fils qui eut nom Acrotate, & qui fut pere d’Aréus fécond -, celui-ci mouruede maladie âgé de huit ans, de forte qu’il ne reftoit de la pofterité mafculinc d’Euryfthene que Léonidas fils de Cléonymc, qui même ctoit déjà dans un âge fort avancé ; mais les Lacédémoniens ne Initièrent pas de lui déférer la couronne. Léonidas eut un ennemi mortel en la perfonne de Lyfander, [i ] petit-fils de ce Lyfàndcr qui eut pour perc Ariftocrite ; ce dangereux ennemi gagna Cléombrote qui avoit époufé la fille de Léonidas, & s'étant lié d’amitié avec lui, il l'engagea à accufcr fon beau-pere de plufieurs crimes, mais entres autres d’avoir juré dès fa jeunejlè à Cléonyme fon pere, que s’il venoit jamais à régner, il perdroit l’Etat. Léonidas ayant fuccombé â cette accufation fut contraint d’abdiquèr, & Cléombrote occupa le trône en fa place. Il faut avoüer que fi ce(prince s’etoit laiflé emporter à fon reflèntiment, & qu’à l’exemple de Démarat fils d'Arifton il fe fut retire en Macédoine ou en Egypte, les Lacédémoniens venant à fe repentir de leur legerete, n’auroient pii rien faire en fa faveur ; mais châtie du trône & de fes Etats par fes propres citoyens, il alla pafler le temps de fon éxil en Arcadie, & fa bonne conduite fut caufe que fes mêmes citoyens non-feulement le rappcllércnt en là patrie, mais lui remirent la couronne fur la tête. Son fils & fon lucceflcur fut Cléomene ; ce que l’audace & le courage lui infpirérenr, & comment le royaume de Sparte prit fin en lui, c’eft Ce que j’ai ci-devant raconté en parlant d’Aratus de Sicyone; j’ai même dit de quel genre de mort il avoit fini fes jours en Egypte. En un mot Cléomene fils de Léonidas [i] fut le dernier de la branche royale d’Euryfthene, & le dernier aufli de ces rois que l’on nommoit Agides.
[i] Petit-filsde(t Lifonder. Laverfion latine d’Amaféç, dit filins, fils, c’cft un manque d'attention-, cat Paufanias dit, petit-fils. [1] Fut le dernier de U branche repaie fF.nriflhene. Paufanias fe trompe encore ici, du moins fi nous en croyons Dio<iorc de Sicile & Polybe, deux auteurs d’un grand poids. Le premier Liv. ao, ch. 11-. dit qu’à Cléomene fuccéda fon fils Arctas qui régna qua-
rante-quatre ans. Et Polybe L. 4, dit que les Lacédémoniens, quand ils eurent nouvelle certaine de la mon de Cléomene , fongérent à fe faire d'autres rois, & qu'ils élurent Agéfipolis petit-fils de Cléombrote, & Lycurgue. Mais ce qui peut autorifer Paufanias, c’eft que fur ce point Polybe & D10dore de Sicile ne font pas eux-mêmes d’accord enfemble. Kk ij
160 Pa u sa n ia s , Liv r e III. C|IAP A l’égard des rois de l’autre branche, voici àp VU, ' l’on en lirait. Proclcs filsd’Ariftodcme eut un fil Soüs,'fic qui fut pcrcd’Eurypon. Cet Eurypon fe rendit fi illustre, que les rois de cette maifon qui auparavant s'appelaient Proclidcs furent appeliez enfuitc de Ion nom Eurypontides. Prytanis fut fils & fuccefleur d’Eurypon ; fous fon régne les
Lacédémoniens le brouillèrent avec les Argiens, fie avant même que d’avoir aucun grief contre eux, ils avoient déjà fait la guerre aux Cynurecns fituez fur les confins des Etats d’Argos. Sous les régnes fuivans, je veux dire fous celui d’Eunomus fils de Prytanis, fie fous celui de Polydecle fils d’Eunomus Sparte fut toujours en paix ; mais Charillus fils de Polydecle entra fur les terres des Argiens, y mit tout à feu fie à fang, &c quelques années après fous la conduite du même prince les Lacédémoniens tournèrent leurs armes contre les Tègcatcs, perfuadezpar un [ 1 ] oracle allez captieux qu’ils fo renaroient maîtres de leur pays & qu’ils l’enleveroient aux Arcadiens. Charillus étant mort, Nicandre fori fils lui fuccéda; cefurde-fon temps queTcléclus roi de l’autre branchefut tué par les Mefleniens dans le temple de Minerve dite [x] Limnade. Ce même Nicandre ravagea aufli les terres des Argiens & leur caufa des maux infinis. Les Afinéens qui avoient eu part à cette expédition payèrent dans la fuite aux Argiens la peine de leur infidélité par l’entiere deftruction de leur ville , fie par l’abandon qu’ils en firent. Thcopompe fils de Nicandre fut fon fuccefleur j j’aurai occafion de parler de lui plus d’une fois, lorfque le fil de ma narration m’aura conduit a l’hiftoire des Mefleniens. Il y eut fous fon régne un combat entre les Lacédémoniens fie les Argiens au fujet des limites du canton de Thyrèe. Thèopompc accablé de vieillefle fie de chagrin ne fe trouva pas à ce combat, il venoit de perdre fon fils Archidame qui heureufement en laifloit un, nommé Zcuxidame, lequel fut pere d’Anaxidame. Sous le régne de ce dernier les Mefleniens vaincus encore une fois par les Lacédémoniens furent enfin obligez d’abandonner le Peloponnclê.
[ 1 ] Un trntlt nffa. CAptitnx. Cet oracle eft rapporte par Hérodote, & par Etienne de Bylancc au mot Ttgen. Le texte d’Hérodote peut lcrvir à corriger celui de Pauûnias où il y a un
mot pour un autre, comme Kuhnhu l’a obfervc. [1] De Minent Limnndt, ou Zi«nete. Elle étoit ainli appellce du nom d'un canton de la Laconie où elle avoir un temple.
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D’Anaxidamc naquit Archidame, 8c d’Archidame Agcficlès j ils furent allez heureux l’un & l’autre pour maintenir leurs peuples en paix , 8c ne voir leurs rognes troublez par aucune guerre. Arifton fils 8c fuccefleur d’Agéficlès époufa la plus belle perfonne que l'on eut vûc à Sparte depuis Hcicne , mais auflî la plus débauchée 8c la plus meprifable ;
cette pi inccfl’e accoucha d’un fils à fept mois ; un efclavc étant venu en apporter la nouvelle au roi comme il étoit au Confeii avec les Ephorcs, il dit que cet enfant ne pouvoir être de lui 5 fans doute il ne fe fouvenoit pas des vers de l’Iliade d’Homére [i]au fujet de la naillancc d’Euryfthée, ou peut-être ne les avoit-il jamais fijùs» Quoiqu’il en foit, cette parole lui coûta cher dans la fuite ; car Démarat qui étoit cet enfant en perdit la couronne; il ne lui fèrvit de rien de s’être fait une grande réputation à Sparte, ni meme d’avoir de concert avec Cléomcne affranchi les Athéniens de la domination des enfans de Pifirtrate-, s’etant brouillé depuis avec Cléomene, le difcoursdu pere fut relevé, Dcmaratpaflà pour bâtard 8c fe vit obligé de quitter le trône. Il pafla de dépit à la Cour de Darius, 8c l’on dit que fa pofterité s’eft maintenue longtemps chez les Perfes. Léotychide qui régna après lui fe joignit à Xantippe fils d’Ariphron 8c Général des Athéniens pour le féconder dans fon entreprifè fur Mycalé ; enfuite il marcha en Theflalie contre les Aléuades, 8c comme il n’avoit jamais combattu fans remporter lavi&oire, il lui eût été aifé de conquérir toute la Theflalie -, mais les Aléuades le gagnèrent par des préfens, 8c quand il fut de retour à Sparte on lui fit ion procès, de forte que ne s’y croyant pas en fureté il alla chercher un azile à Tcgce dans le temple de Minerve Aléa. Ce ne fut pas le feul malheur qui lui arriva , car il perdit fon fils Zeuxidame qu’une maladie emporta à la fleur de fon âge ; ainfi Archidame fils de celui-ci fe vit appelle à la couronne du vivant même de fon ayeul, 8c pendant qu’il ctoit réfugié chez lcsTégéates. Le régne d’Arcnidamefut fatal aux Athéniens , car tous les ans ce prince faifoit des courfes dans l’Afrique 8c ravageoit tout le plat-pays; il afliégea même Platée
[ I ] Det vert de l'/li<tde. Ces vers du rc, il aurait compris qu’une femme L. i ; de l’Iliade, difent qu’Eurifthce peut accoucher à fept mois de groflêfle, vint au monde à fept mois. Si Arifton Ac que fon enfant peut vivre, s’étoit fouvenu de ce palfagc d’HoméKk iij
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Ch a k VIII.
i6i Pa v sa n ia s , Liv r e III. & la prit, pour punir les habitans de leur attachement à la République d’Athènes -, mais cc ne fut point lui qui alluma la guerre du Péloponnefe contre les Athéniens, au contraire il s’y oppofa toujours. Ce fut Stcnclaïdas homme puilTant à Sparte tic l'un des Ephoresqui confcilla cette guerre, guerre malheureufe qui ébranla toute la Grèce dans le temps q.i elle ctoit encore ferme fur fes fondemens $ d’où il arriva que Philippe fils d’Amyntas la trouvant divilee tic affaiblie, n’eut pas de peine à lui porter des coups mortels. Archidame laiffa deux fils, Agis tic Agéfilas, dont le premjer en qualité d’ainé lui fucccda, il laiffa enfuite une fille nommée Cynifca, qui fut célèbre par le courage qu’elle eut de difputer le prix [ i ] aux jeux Olympiques i c’eff la première perfonne de Ion fexe , que l’on ait vue curieufe de nourrir des chevaux, tic la première qui ait été couronnée à Olympic -, plufieurs femmes depuis, & entre autres quelques Macédoniennes ont eu aufii cet honneur, mais Cynifca les a de beaucoup furpaflees. Quant à la poefie tic aux loüanges qu'elle fçait donner, il me femble qu’il n’y a point de peuples au
monde qui s’en foient moins fouciez que les Spartiates ; car lans une épigramme que l’on s’avilà de faire fur l’illuffre fille d’Archidame,& quelques vers que Simonides fit fur un trépied confâcre dans le temple de Delphes par Paufanias , jamais roi de Lacédémone n’eût été célébré par aucun Pocte. Sous le régné d’Agis les Lacédémoniens eurent à fe plaindre des Elcens en beaucoup de chofes, mais fur-tout de cc qu’ils leur avoient interdit les jeux Olympiques, tic même l’cntrec du temple de Jupiter à Olympic. Ils envoyèrent donc aux Elcens un héraut pour leur dire qu'ils eufiènt à fe départir de l’empire qu’ils avoient ufurpe fur les Leprcatcs & fur d'autres peuples leurs voifins, tic qu’à l’avenir ils les laitfaffent vivre félon leurs loix. Les Elcens répondirent qu'aufiitot que Sparte auroit rendu la liberté à fes propres voifins, ils en uferoient de meme à l’égard des leurs. Les Lacédémoniens oflvnlcz dececte rcponle entrèrent en Elidefousla conduite du roi Agis ; ils s’etoient déjà avancez vers Olympie tic jufqucs fur les bords du fleuve Alphée, lorfqu’un tremblement de terre les obligea de retourner fur leurs pas j mais
[ i ] Lt fnx txx jtax Olpapujuet. U II en fera fait une ample mention dans entend le prix de la courte des chevaux, la tinte de cet ouvrage.
l'année luivante Agis à la tête d’une armée rentra dans le Eays & y fit un butin conlidérable. En cc temps-là même un léen nommé Xénias fort attaché aux Lacédémoniens par les liens de l’hofpitalité 6c en particulier à Agis, d’ailleurs ennemi déclaré du peuple excita une fédition dans la ville, & il fut appuyé de quelques riches habitans qu’il avoit mis dans fon parti ; mais avant qu’Agis pût s’approcher avec fes troupes, Thralydée [t] que les Elécns avoient élu pour chef fit main balle fur les féditieux, en tua un bon nombre & challà les autres de la ville. Agis ayant manqué fon coup s’en retourna à Sparte, après avoir laiffé un détachement à Lyfyllrate un de fes Lieutenans generaux, qui avec ces mauvais citoyens que l’onavoit chaflèz deleur patrie,& avec le focours des Lépreates continua à ravager l’Elide 6c à y exercer toutes fortes d'hoftilitez. Enfin la troifiéme année de cette guerre
les Elécns voyant qu’Agis 6c les Lacédémoniens venoient les attaquer avec de plus grandes forces qu’auparavant, & n’étant nullement en état de réfifter, ils prirent le parti de fe foumettre 6c obtinrent la paix aux conditions fuivantes ; Que leur ville feroit démantelée } qu’ils fe défifteroient de l’em£ire qu’ils avoient ufurpé fur leurs voifins; qu’à l’avenir les acédémoniens auroient une libre entrée dans le temple de Jupiter à Olympie ; qu’ils y pourroient même facrifier, & qu’ils feroient reçus non-feulement à aflîftcr aux jeux Olympiques, mais à y difputcr le prix comme les autres. La paix faite, Agis tourna aufli tôt les armes contre l’Attique , & commença par bâtir un fort à [ x] Décelée pour tenir en bride les Athéniens, puis il défit leur Hotte auprès [j ] d’Egefpotame ; enfuite lui & Lyfonder fils d’Arilbocrite au mépris du traité que Sparte avoit fait avec Athènes, de leur propre mouvement 6c de concert avec leurs-Alliez, réfolurent de détruire Athènes jusqu'aux fondemens. Voilà quels furent les exploits militaires du roi Agis. Il
[ ■ ] Thrtfidee, le texte dit Tftm/idrui ; c’eft une faute de copifte ; on lit Thrufidt'e dans Xénophon, dans Plu, tarque, & dans Photius. fx] A Dételée. C’étoit une bourgade de l’Attique. [î] Auprét d‘E?efpot<ime. C’étoit une ville de lTlcllcfpont. M. d’Ablan-
court dit Aigue /wxmc, d’autres Eg»t potumoi. Je ctoi qu’Egcfpotamc eft plus dans le génie de notre langue, & qu’en même temps l’étymologie du mot eft mieux confervéc. Car cette ville étoit bâtie fur le bprd d’un fleuve appelle1 Egefptumes, comme qui di-* toit, le fleuve de U Cbévre.
164 P au s a n i as , Liv r e III. eut un fils nomme Léotychide, au fujet duquel il fitla même faute qu’Arifton avoit faite avant lui au lujet de Démarat; car poutre de je ne liçai quelle manie il fut allez étourdi pour dire aufli en préfence des Ephores, qu’il ne croyoit pas être le pere de Lcotychide, étourderie dont il eft certain qu’il fe repentit enfuite; car étant tombé malade en Arcadie, malgré l’envie qu’il avoit de regagner Sparte il fut obligé de s’arrêter à Hérée, où en préfence de beaucoup de gens il protefta qu’il ne doutoit nullement qu’il ne fût le pere de Léotychide,& conjura les afliftans de rendre ce témoignage aux Lacédémoniens ; mais lui mort, Agéfilas ne laifla pas de difputer le trône à Léotychide & de l’emporter fur lui, en faifant fouvenir le peuple des propres paroles d’Agis, quoique Léotychide dit de ion côté pluficurs Arcadiens venus a’Hérée, qui atteftoient le ferment qu’Agis avoit fait en mourant. Un oracle de Delphes fembloit autorifer l’un & l’autre prétendant, & rendoit le public encore plus attentif à leur querelle; cet oracle dilbit qu’à quelque degré de gloire que Sparte fût parvenue, elle fe donnât bien de garde de fe laiflèr gouverner par un roi boiteux, fi elle ne vouloit tomber dans Tes derniers malheurs ; fur quoi Léotychide s’écrioit qu’Apollon luimême donnoit l’qxclufion à Agéfilas, puifqu’il ctoit boiteux ; & Agéfilas répondoit que c’étoit clocher bien davantage,que [ i ] d’être bâtard. Les Lacédémoniens qui pouvoient renvoyer cette difpute à l’oracle de Delphes ne le firent pas, & je crois qu’ils en furent détournez par Lyfander fils d’Ariftocrite, qui vouloit faire tomber la couronne à Agéfilas. Agéfilas fils d’Agéfilas régna donc à Sparte. De fon temps il plut aux Lacédémoniens de porter la guerre en Afie & d’aller attaquer Artaxerxcs fils de Darius, lur ce qu’ils apprirent par ceux qui étoient à la tête des affaires & fur-tout par Lyfander,que c’étoit Cy rus & non pasArtaxerxès,qui leur a voit envoyé des fecours d’argent dans la guerre qu’ils avoient eue contre les Athéniens. Ils donnèrent ordre à Agéfilas d’équiper une flotte & le déclarèrent Généralillime des troupes de terre. Auflî-tôt Agéfilas dépêche à tous les peuples du Peloponnefe, excepte aux Argiens &à ceux qui étoient hors de
[ i ].Qnt d'être bitard. Plutarque dit eu un commerce de galanterie avec que Lcotychide paflôit pour être fils Timcala femme d’Agis. Dm U ne d'Alcibiade, qui exilé à Sparte avoit d'jllcibinde. l'ifthme,
l’ifthme, pour les inviter à entrer dans cette guerre & à marcher fous lés enlcignes. Les Corinthiens auraient bien voulu prendre part à cette expédition, mais iis en furent empêchez par un débordement [ i ] de la mer qui venoit de ruiner leur temple de Jupiter Olympien ; car ayant regardé cet accident comme un mauvais augure, ils le tinrent en repos malgré eux. Quant aux Athéniens ils répondirent que leur ville étoit tellement épuifée par la guerre du Péloponnefc & par la pefte, qu’elle avoit befoin de temps pour fe remettre tic fes pertes, & n’étoit pas en état de rien entreprendre, c’eft le prétexte qu’ils prirent; mais la vraye raifon qui les empêcha de fe liguer avec les Lacédémoniens, c’eft qu’ils étoient bien informez que Conon fils de Timothée étoit allé offrir fes lèrvices [i] au roi de Perle. Ariftoménidas ayeul maternel d’Agéfilas avoit été député vers les Thebains comme un homme qui devoir leur être agréable, & l’un de ceux qui [3] à la prife de Platée avoient opiné à paffer tous les habitans au fil de l’épée ; cependant les Thebains en uférent comme les Athéniens, & dirent qu’ils ne pouvoient contribuer d’aucun fecours. Mais Agéfilas ne laiflà pas de lever une nombreufe armée.
Dès qu’il eut raffemblé fes troupes, Lacédémoniens & Alliez, 8c qu’il vit fa flotte prête, il fe rendit en Aulide pour y fàcrifier à Diane, comme avoit fait Agamemnon avant que de partir pour Troye ; car il fentoit fort bien qu’il regnoit dans un Etat plus floriflant que n’avoit été celui d’Agamemnon, 8c ne croyoit pas moins que lui commander à toute la Grèce; d’ailleurs clpérant de vaincre Artaxerxès & de s’emparer des richeflcs immenfesdes Perfes, il comptoir bien de
faire un exploit tout autrement glorieux, que celui d’avoir conquis le royaume de Priam. Comme il facrifioit à laDécffe
par les Lacédémoniens imagina d’attirer à ceux-ci un ennemi redoutable. Il alla trouver Artaxerxès & l'engagea à faire la guctre aux Lacédémoniens. Il fit plus, il commanda lui-même la flotte du Roi dePctfe, défit entièrefer un incendie. ment celle de Lacédémone, 8c par là [1] Etoit «lie'offrir fei/ervicei nu Roi lâuva à patrie. de Perfe. Conon Athénien, l’un des [5] A le prife de Pletée. Kuhnius a plus grands Capitaines de fon temps, relevé ici fort à propos une bévûê de voyant fa patrie réduite à l'extrémité l'intcrpretc latin. Tome I. L1
[1] Paru» débordement de U mer. La mer ne Ce déborde point comme une rivière. C’eftpourquoi Camcrarius lifoit ici > pour «t « qui eft dans le texte ; & peut-être a-t-il raifon, auquel cas il faudrait traduire,
166 Pa u sa n ia s , Liv r e III. voilà des Thebains qui entrent dans le temple les armes à li main, qui troublent le fàcrifice, qui jettent les entrailles de la viftime déjà fumantes fur l’autel, Sc qui font fortir Agé. lilas ; ce lui fut un fenfible déplaifir de n’avoir pù achever ion fàcrifice, mais il ne laiflà pas de monter fur la flotte, & de faire voile en Alie j le premier endroit où il débarqua fut Sardes.
Alors la Lydie faifoit [ r ] une grande partie de la baffe Afie, & la capitale de la Lydie ctoit Sardes, ville opulente & abondamment pourvue de tout. Le fatrape qui commandoit pour le roi fur toute la côte maritime avoit à Sardes un palais qui ne le cédoit en rien à celui meme que le roi avoit à Suze. Ce fatrape ctoit Tiffapherne, Agéfilas lui livra bataille fur les confins d’Ionie dans la plaine d’Hermus, & non-feulement il enfonça fa cavalerie, mais il défit entièrement fon infanterie , qui étoit fi nombreufe, qu’il ne s’etoit peut-être jamais trouvé tant de troupes enfemble, depuis la prodigieufe[i] armée que Xerxès mena contre les Athéniens, & celle que Darius avoit mené auparavant contre les Scytes. Un fuccès fi rapide fut admiré à Sparte, & l’on fut fi content d’Agcfilas qu’on le fit aufli Général de l’armée navale ; cependant comme l’armée de terre l’occupoit tout entier, il donna le commandement de la flotte à Pifandre dont il avoit époufé la fœur. Mais je ne fçai quel démon jaloux de fà gloire l’arrcta au milieu de fa courfe, & lui fit manquer fon entreprife ; car le roi de Perfe ayant appris qu’Agéfilas après avoir remporté des avantages fi confidcrables meprifolt ce qu’il cenoit, pour ainfi dire, dans fes mains, & marchoit toujours en avant, condamna premièrement Tiffapherne à perdre la vie malgré les faveurs dont il l’avoit comblé jufqu’alors -, puis il mit à fa place Tithrauftcs homme de tête & de reffource , d’ailleurs ennemi juré des Lacédémoniens. Ce nouveau fatrape ne fut J»as plutôt à Sardes, qu’il imagina des moyens pour obliger es Lacédémoniens à rappeller d’Afie leur Général. Il envoya
[a] Depnit lu prodigieufe trmée que Xerxes menu centre lei ^tbéniem. Cetque mal ; il veut dire que la Lydie ne te armée ctoit compoféc de lept cent faifoit point alors un Eut particulier mille Perlés , & de trois cent mille dans la balle Alie, comme du temps de hommes de troupes auxiliaires. Crœfus.
[ i ] Jlon U Lydie fuifeit une grnnde fume de U 1-uJJe AJte. L’auteur s’expli-
d’abord en Grèce un Ikhodien nomme Timocratc avec de groilcs fommes d'argent, pour gagner cous ceux qui avoicnc du crédit dans leurs villes, & les engager à loulcverle pays contre les Spartiates. Ceux qui touchèrent l’argent des Perlés font connus ; on nomme parmi les Argiens Cylon & Sodamas-, parmi lesThebains Androclidès, IlméniasSc Amphithémis ; à Athènes il y eut Céphalus &c Epicrate j à Corinthe tous ceux qui étoient dans les interets des Argiens , entre autres Polyanthc & Timolas, mais les Locriens d’Amphillê furent ceux qui levèrent l’éccndart ; car comme ils étoient en différend depuis long-temps avec les Phocéens au fujet de leurs limites, à l’inltigation des Thebains de la faâion d’Ifménias, ils allèrent couper les bleds fur les terres des Phocéens avam la moiilôn, &. les emportèrent chez eux ; les Phocéens pour ufer de repréfailles entrèrent à leur tour dans le pays des Locriens Sc y firent de grands défordres. Alors les Locriens appuyez des Thebains, le vengèrent non plus par de fimples excurfions, mais en portant le fer & le feu dans la Phocide. Auffi-tot les Phocéens envoyèrent des députez à Sparte, pour y porter leurs plaintes contre les Thebains, & pour reprélenterles hoftilitez & les infultes qu’ils en elfuyoient toits les jours. Les Lacédémoniens touchez de ces plaintes réfolurent de déclarer la guerre aux Thebains ; ils publièrent un manifefte où ils allcguoient plufieurs griefs, fur-tout l’injure que les Thebains avoient faite à Agétilas en troublant fon facrifice & en le chaflànt du temple. D’un autre côte les Athéniens fçaehant ce qui avoit été réfolu à Sparte, nommèrent auflî-tôt des ambaflàdeurs qui eurent ordre d’aller prier les Spartiates de vouloir bien terminer leur guerre avec les The-
bains plutôt par la voye de la juftice que par la voye des armes ; mais ces ambaflàdeurs, bien loin de rien gagner, furent renvoyez avec des marques de mépris & de colere ; ce qui s’en enfuivit , quelles furent les entreprilès des Lacédémoniens, & comment Lvfander périt dans une de leurs expéditions, c’eft ce que j’ai déjà raconte en parlant de Paulanias, Cette guerre que l’on nomme la guerre de Corinthe, & donc les fuites furent fi funeftes, n’eut point d’autre origine que l’irruption des Lacédémoniens en Bèotie. Ce fut aufli ce qui obligea enfin Agéfilas à quitter l'Aliepour venir au fecours de
168 Pa u sa n ia s , Liv re III. les propres citoyens. Lorlqu’il eut parte d’Abydc [i] à Selle avec la flotte, comme il fe préparoit à prendre Ion chemin par la Thrace pour gagner la Theflâlie, les Thcflàlicns qui ne vouloient pas manquer l’occafion de faire plaifir aux Thebains , & qui depuis long-temps étoient liez d’amitic avec les Athéniens, firent tout ce qu’ils purent pour lui fermer les partages} mais il fçut fe les ouvrir en taillant en pièces la cavalerie Theflalicnne. Enfuite ayant encore défait les Thebains & leurs Alliez auprès de Chcronce , il marcha fans obftacle à travers la Bcotie. Après cette déroute plufieurs Béotiens fe fauvérent dans le temple de Minerve Ithonia, & Agéfilas qui avoit été blefle dans le combat ne laifla pas de refpecler cet afyle.
Peu de temps après, ceux des Corinthiens qui avoient été chaflez de la ville comme partifans des Lacédémoniens célébrèrent les jeux Ifthmiques ; à l’égard des autres, ils fe tinrent renfermez dans leurs murs à caufe de la crainte qu’ils avoient d’Agéfilas; mais dès qu’ils le virent éloigné, ils célébrèrent les mêmes jeux avec les Argiens. Incontinent après, Agéfilas revint avec fon armée ; cependant comme la fête Hyacinthia approchoit, il renvoya les Amyclcens chez eux, afin qu’ils puflent folemnifer à la maniéré de leur pays cette fête qui eft inftituée en l’honneur d’Apollon & d’Hyacinthe ; mais ils n’allèrent pas jufqu’à Amycle, car ayant etc malheureufement rencontrez par Iphicrate qui commandoit l’armée Athénienne, ils furent taillez en pièces. Après cet échec Agéfilas marcha au fecours des Etoliens, qui etoient extrêmement prertèz par les Acarnaniens. A fon arrivée tout changea de face 5 les Acarnaniens furent obligez de mettre les armes bas, lorfqu’ils croient à la veille de prendre Calydon & plufieurs autres villes d’Etolie. Enfuite il fit voile en Egypte pour fecourir les Egyptiens contre le roi de Perfe dont ils avoient quitté l’alliance. Là il fit plufieurs grandes & mémorables aâions ; mais comme il étoit fort vieux il y finit fes jours. Son corps fut rapporté à Sparte, & les Laccdcmoniens lui firent des funérailles beaucoup plus magnifiques qu’ils n’avoient encore fait à aucun de leurs Rois.
[i] D'ylliydt à Stfte. Abydos ou Abydc ctoit une ville de la petite Afic, litucc dans l'endroit le plus reflerre de l’Hcilelpont > c’eft aujourd'hui un de
ces deux châteaux que l'on nomme les Dardanelles. Pour Sotte,c’étoit ancicnminent une ville de Thrace. lituée fut l'Hcllclpont, vis-à-vis d’Abydc.
Son fils Archidame lui fuccéda ; fous ion régne les Phocéens fe rendirent maîtres du temple d'Apollon à Delphes ;
ils y trouvèrent des richeflès immenfes qui les mirent en ctat de ioudoyer des troupes étrangères, & de faire [ i ] la guerre aux Thebains avec leurs propres forces. Les Lacédémoniens &les Athéniens nelaifferent pas de leur donner de puiflàns fecours ; ceux-ci par reconnoiflànce des fer vices qu’ils avoient autrefois reçus de ces peuples ; & ceux-là pour la haine qu’ils portoient aux Thebains, haine qu’ils coloraient du prétexte de leur ancienne alliance avec les Phocéens. Cependant Théopompe fils de Damafiftrate a écrit que véritablement Archidame fè portoit de lui-même à cette guerre, mais qu’il y avoit etc encore excité par Dinicha fa femme, que les Phocéens avoient gagnée à force d’argent & de préîêns. Que ce prince ait eu fà part d’un argent facré, & qu’il fe foit faitic défenfeur de gens qui avoient détruit & pillé le plus célébré temple de l’Univers, c’eft ce que pour moi je n’approuve point j mais du moins Archidame eft-il loüable en une choie} c’eft que les Phocéens voulant paflèr au fil de l’épée tout ce qu’il y avoit de jeunes hommes à Delphes, faire efclaves tous les autres, femmes & enfans, & rafer entièrement la ville, il s’oppofa à ce cruel deflèinêc en empêcha l’exécution. A quel-
que temps de là il paflà en Italie au fecours des Tarentins, qui faifoient la guerre à [i] des barbares dont le voifinage leur étoit fort incommode. Il combattit ces barbares & fut tué dans le combat, fon corps demeura même fans fépulture par un effet de la colere d’Apollon, qui ne lui avoit pas pardonné la prophanation de fon temple. Archidame laina deux fils} l’aîné qui ctoit Agis lui fuccéda & fut tué en combattant contre Antipater roi de Macédoine. Le cadet nommé Eudamidas régna paifiblement après lui, & fut pere [5] d’un autre Agis [1] Et défaire ta guerre aux Thebains.
Cet endroit de Paufànias, quoiqu'af fez clair,eft fort mal rendu dans la verfion d’Amafcc. [a] Des barbares dont le voifinage. Plutarque dans la vie d’Agis nous apprend que ces barbares étoient les Meffapiens, ôc qu’Archidame fut tue devant Mandonium ville d'Italie. Mais c’eft Afandure qu’il faut lire comme dans Titc-Livc & dans Pline.
[ î ] Et fut pere d'un autre Agis. Scion Polybe auteur plus digne de foi en matière d’hiftoire, cet Eudamidas fut pere d’Archidame quatrième du nom, qui au rapport de Plutarque eut pour fils un autre Eudamidas , dont naquit Agis troificme du nom. A Agis trois fuccèda Eurydamidas que Clcomcnc fit empoifonnet comme Paufanias l’a rapporté ci-defTus. La féconde branche des Hcraclides rois de Sparte
*70 Pa ü sa n ia s , Liv b .e III. qui eut pour fils Eurydamidas. J’ai raconté les avanturcs de l’un & de l’autre en traitant l’hiftoirc des Sicyoniens ( i ]. Quand on cft dcfcendu de ce lieu dont j’ai parlé, & que l'on nomme les Hernies, on trouve un bois planté de chênes qu’ils appellent le [ z] Scatitas, non à caufe de ion obfcurite comme on le pourroit[5]croire, mais pareeque dans ce petit canton Jupiter eft honore fous le nom de Jupiter [4] Scotitas , & qu’il a Ion temple fur la gauche à dix ftades du grand che-
min. En reprenant ce grand chemin & en avançant un peu, on trouve encore fur la gauche une ftatuë d’Hercule £c un trophée ; la tradicion eft qu’Hcrcule érigea lui-même ce trophée après qu’il eut tué Hippocoon & fes enfans. Au troifiéme détour à main droite vous verrez un fentier qui mené à Caryes & à un temple de Diane ; car tout ce lieu-là eft conïâcré à Diane & aux Nymphes. On y voit meme une ftatuë de Diane [5] Caryatis, qui eft expolce à l’air, & autour de laquelle toutes les filles de Sparte viennent danfer à certain jour de l’annce, car ces danles font pour elles un a<fte de religion. De là rentrant dans le grand chemin vous n'aurez pas fait quelques pas, que vous appercevrez les ruines de Sclafie$ cette ville, comme j’ai déjà dit, fut détruite par Aratus après la victoire qu'il remporta fur les Lacédémoniens & fur leur roi
finit donc en la perfonne d’Eurydamidas, comme la première prit fin en la perfonne de Cléomene troiftéme du nom. Paufanias a tronqué la fuccelTion des uns & des autres en omettant quelques-uns de ces rois. Je l’ai rétablie d'après Mcurlius fuivant ce que Polybe , Diodorc de Sicile & plutarque en ont écrit. Ces rois au relie tinrent l'empire de Sparte durant l’cfpacc de 8af ans, j’entens les Héraclidcs , à commencer depuis Euryfthenc & Proclcs. Car avant eux il y en a eu d’autres, dont le régne n’cft pas compris dans cet [1] /.'lisfloire des Sicyoniens. 11 cft ailé de s’apercevoir qu'il y a ici une Lacune qui 11c peut ctrefuppléc que par le fecours d’un bon manufcrit. 11] /.r Scoiitai. Scotitas cft le terme dont l'auteur lé fort. Etienne de By-
fance qui a copié cet endroit, dit Scotinas. C’eft une faute, il faut lire Scotitas. Polybe ne dit point autrement
quand il parle de cc bois à la fin de ton feiziéme Livre. [j] Non à caufe de fon obfcurite, comme on le fournit croire > çar nim lignifie des ténèbres. [4] Sous le régne de Jupiter Scotitas. On avoit donné à Jupiter le fiimom de Scotitas ou leTénebreux, apparemment pour lignifier que l'homme ne fçauroit pénétrer dans les profondeurs de l’Eue lüprcme. [f] De Diane Caryatis. nue es, des noix. Cette deeffe étoit ainfi nommée félon les apparences , parcequ’il y avoit beaucoup de noyers auprès de fon temple, ou auprès de h ville de Caryes qui peut-être avoit pris de là fa dénomination.
17» P a u s a n ia s , Liv r e III. d’entre eux qui préfide aux autres, 8c dont le nom fert k marquer l’année, delà meme manière qu'à Athènes les neuf; car ainfi les appelle-t-on, élifent un d’eux qui a le nom d’Ar. chonte par excellence.
Le plus bel édifice qu’il y ait dans la Place, c’eft le portique des Perfes, ainfi nommé pareequ’il a etc bâti des dépouilles remportées fur les Perfes ; dans la fuite on l’a beaucoup aggrandi 8c orné, pour le faire de la magnificence dont il eft aujourd’hui. Tous les chefs de l'armée des barbares & entre autres Mardonius fils de Gobryas ont là chacun leur ftatuc de marbre blanc, 8c ces ftatuës font fur autant de colonnes. On y voit auflï la ftatuc d’Artémife fille de Lvgdamis & reine d’Halicarnaflè $ on dit que cette reine de fon propre mouvement joignit fes forces à celles de Xerxès pour faire la guerre aux Grecs, 8c que dans le combat naval qui fut donne auprès de Salamine elle fit des prodiges de valeur. Après le portique des Perfes, ce qu’il y a de plus beau à voir dans cette Place, ce font deux temples, dont l’un eft confacré à Ccfar qui le premier voulut régner fur les Romains 8c changea la forme de leur gouvernement, l’autre à Augufte fon fils [i] 3ui affermit la.monarchie8cacquit encore plus de gloire 8c 'autorité que fon pere. Ce prince fut furnommé Augufte, terme qui répond parfaitement au Sebaftos des Grecs. On vous fera remarquer fur fon autel une figure d'Agias gravée fur du cuivre ; c'eft cet Agias qui prédit à Lyfander qu’il fe rendrait maître de toute la flotte d’Athènes à Egefpotame, à la réferve de dix galeres, qui en effet fe fâuvérent en Chypre; toutes les autres furent prifes par les Lacédémoniens avec les foldats 8c les matelots qui étoicnt deflus. Agias étoit fils d’Agéloque 8c petit-fils deTilamene. Pour[ zJTifâmene , il étoit d'Elis de la famille [j] des Jamides ; un oracle prononcé en fa faveur [4] lui promit qu’il ïbrtiroit vidorieux de cinq combats célébrés ; il crut que ces
paroles dévoient s’entendre du Pentathle ; mais après avoir
[ 11A Augnjle fon fih. Il veut dire fon [5] Dei f/tmiiet. Il en fera parle fils adoptif, car Auguften ctoit que le dans la fuite. neveu de Céûr, ou le fils de £1 Icrur. [4] Un erncle frenonce' en /a fa(a] PMrTtftmntil ttM fb fElu, veur. Tout ce récit eft urc delà Cal(Sri. 11 ne faut donc pas Je confondre avec liope d'Hérodote. •et autrcTiûmcocquiétoit filsd'Orefte. remporte
Vo y a g e d e l a La c o n ie . 175 remporte le prix de la courfe & du faut fur Hiéronyme d’Àndros aux jeux Olympiques, il fuccomba à la lutte. Ce fut alors qu’il comprit le fèns de l’Oracle & qu’il commença à elperer que la victoire le déclareroit pour lui jufqu’à cinq fois à la guerre. Les Lacédémoniens qui avoient connoiflàncc de cet Oracle perfuadérent à Tifamene de quitter Elis, & de venir chez eux pour les aflîfter de fes confcils & de fes prédictions ; Tifamene fit ce qu’ils fouhaittoient, & les Lacédémoniens crurent lui avoir obligation de cinq grandes victoires, dont ils remportèrent la première à Platcc fur les Perlés, la fécondé à Tegce lorfqu’ils combattirent contre deux peuples confcdcrez, les Argiens & les Tégéarcs} la troifiéme à Dipée dans cette guerre où ils curent fur les bras tous les Arcadiens, excepté ceux de Mantinee ; Dipée eft une ville de la Mclanic, & de la dépendance de Tegée; la quatrième fur ceux des Hilotes [ 1 ] qui apres le tremblement de terre arrivé à Sparte croient allez avec [1] lesEthéensfe cantonner à [3] Ithomc ; car tous les Hilotes ne lé révoltèrent pas, mais feulement les Meifcniens de nation, qui dès le commencement s’étoient féparez des autres Hilotes; c’cft un point d’hiftoire que j'expliquerai dans la fuite 5 quant à prefent il fuffit de dire que les Lacédémoniens par refpect pour un oracle de Delphes & pour les avis de Tifamene donnèrent la vie à ces fugitifs fous de certaines conditions} la cinquième enfin lorfque les Lacédémoniens combattirent avec les Argiens & les Athéniens à Tanagre ; voilà ce que l’on raconte de Tifamene. Dans la place de Sparte on voit encore trois ftatuës 5 l’une d’Apollon Pythaeüs, l’autre de Diane, Sc la troifieme de Latone. L’endroit où font ces ftatuës eft une enceinte qu’ils appellent du nom de Chœur, pareeque dans ces lieux publics aufquels les jeunes gens s’exercent & qui fe célèbrent avec beaucoup de folennité, toute la jeuncfTe de Sparte va là & [i]J«rrr*x des Hileter, crc. Par Hilare, il Suit entendre ici les efelaves des Spartiates, io»r<«, ctpti fternit, les pnfmien de fterrei on don-
na ce nom d'abord à ceux que les Doriens prirent au fiége d’Hélos petite ville de h Laconie , & enfuitc à tous les prifonnicts de guerre dont les Spartiates foiloicnt des efelaves. Tome I.
[ 1 ] Âvec les Etbéens. Au lieu de il IztM». ex ifibns», qui fait un /eus abfeitde, il fout lire avec Paulmier, •{ 'Aiÿii*, conformément à ce que rapporte Thucydide Liv. i, car il dit que les Etbéens fe joignirent aux Hilotes. [)] hberte. C’étoit une place forte dclaMdTénie. Mm
174 Pa u sa n ia s , Liv a e III. forme des chœurs de mufique en l'honneur d'Apollon. Près de là font plufieurs temples, l'un conlàcré à la Terre, l'autre à Jupiter Agoréus, un autre à Minerve Agoréa, fie un quatrième à Neptune furnommé [ i ] Afphalius. Apollon fie Junon ont aufli chacun le leur. Vous verrez encore une grande ftatuë qui repréfente le peuple de Sparte, fie un peu plus bas le temple des Parques. Tout joignant ce temple eft le tombeau d’Orefte •, car fes os en confequence d’un Oracle furent rapportez de Tegee à Sparte, fie dépotez en ce lieu-là. Auprès de fa fcpulture on vous fera remarquer le portrait du roi Polydorc fils d’Alcamene. Les Lacédémoniens ont tellement diftingué ce roi entre tous les autres, qu'encore à prefent les actes publics font fcellez de fon fccau. Au même lieu il y a un Mercure qui porte un petit Bachus, 5c ce Mercure eft furnommé Agoréiis. Là font aufli rangées d’anciennes ftatucs qui repréfentent les Ephores de ces temps-la. Parmi ces ftatuës fe voit le tombeau d’Epiménide fie celui d’Aphareüs fils de Pcricrès. Quant à Epiménide, je crois que les Lacédémoniens en parlent avec plus de vérité que les Argiens. Du côté où font les Parques[i] vous verrez les falles où tes Lacédémoniens prennent ces repas publics qu’ils appellent Phtditiay [j]8c là eft aufli Jupiter hofpitalier fie Minerve hofpi_____ taliere. Cha p . Si en fortant de la Place vous prenez par la rue des BarX11. rjeres, vOUS trouverez une maifon qu'ils appellent encore au-
jourd’hui [4] le Boonète. Mais avant que de dire ce que c’eft, il eft bon d’expliquer d'où la rue meme a pris fon nom. Ils difent donc qu’Icarius pere de Pénélope voulant marier fà fille, la propofà pour prix à quiconque lurpaflèroit tes autres à la courfe. Il eft certain qu’Ulyffe fut victorieux fie qu’il eut
[1] Surnomme' ylfphaliut, c’cft-àdire, le dieu d>nt U fuiffance eft inébranlable. Plutarque a la fin de la vie de Thé fcc parle de ce furnom donné à Nepnine dans cette acception. [ 1 ] Du côté où font lei Parquet. Amafée devoir avertir ici le lecteur que le texte eft défcftueux. On s’apperçoit aifément d’une omillîon confidcrable. Kuhnius a tâché de fuppléet les mots qui manquent, & fa fubftitution in'a paru fi raifonnablc & fi bien
appuyée, que je n’ai pas hefité à l’adopter. [jJPAidifM. Ces repas croient ainfi nommez ou du mot parto, à c.aulc de la frugalité qui y régnoit, ou du mot ?>*/»>« qui vient de . anucitia, parcequ’ils entretenoient l’union & la concorde. [4] Le Koonete. C'eft-à-dire la maifon qui a été échangée pour des bœufs, & l’auteur en dit la raifon.
VOYAGE DE LA LACONIE. 17J Pcnclope. La lice où l’on courut étoit cette rué, & parccqu’ellc étoit fermée de deux barrières, le nom lui en eft refté. Après tout Icarius ne fit en cela que ce que Danatis avoir fait avant lui $ car Danaüs ne pouvant marier fes filles à caufe de l’horrible crime [ 1 ] qu’elles avoient commis, il fit publier qu'il ne demandoit aucuns préfèns de [2] noces & qu’il permettoit à fes filles d'époufer les hommes qui leur agreroicnt le plus. Malgré ces facilitez il fe trouva peu de pretendans, mais à ce peu il leur propofa de difputer la plus belle de fes filles â la courte ; par ce moyen il en maria quelques-unes , & les autres attendirent qu’il fe préfentât des amans qui voulu lient d’elles aux mêmes conditions. A l’égard du Boonéte, c’ctoic la maifon du roi Polydore. Après fa mort la reine fa femme vendit cette maifon un certain prix qui fut payé en bœufs ; car alors on ne connoifloit ni l’or, ni l’argent monnoyé 5 le commerce confiftoit en un échange réciproque de chofes néceflàires à la vie, & ce que l’on avoit acheté, on le payoit en bœufs, en efclaves, en un morceau d’or ou d’argent tout brute & nullement affiné. Et encore aujourd’hui ceux qui vont aux Indes, y portent des marchandifesde Grèce pour en rapporter de celles des Indes, où l’on ne fe fort point d’efpeces monnoyées, quoiquede pays abonde en mines d’or & de cuivre. Au-deflus du fénat des Bidiéens, il y a un temple de Minerve où l’on dit qu’UlyfTe confacra une ftatuc a la déefle fous le nom de Minerve [5] Cèleuthea, comme un monument de la victoire qu’il avoit remportée fur les amans de Pénélope, & il fit bâtir fous le même nom trois temples en trois endroits différons. Au bout de la rue des Barrières on trouve une fépulturedc héros, entre autres celle d’Iopsquc je crois avoir vécu environ le temps de Lélex &de Mylès, celle encore d’Amphiaraüs fils d’Oïclès 5 on dit que ce font les en-
[1] A ttuft de l'hernlle trime. On fçait que les cinquante filles de Danaüs tulrent leurs maris la première nuit de leurs noces , à la rclcrvc d’Hypcrmneftre qui fauva la vie à Lyncéc. [al '<'«■»/ ne deirnnd.it eutHni fréfen . En ces temps-lA non-feulement le fiance faifoit des préfens à la fiancée,
mais il étoit encore obligé d’en faire à fon beau-pere. Paufanias nous en a déjà fourni plus d’une preuve, & nous en avons plufieurs dans Homère. [;] De AdinervtCtleuthen. vin , viens, une rue. Minerve Celeutben, pareeque Minerve lui avoit pro-
mis la victoire dans la rue des Barrières. Mm ij
i-j( Pa u sa n ia s , Liv r e III. fans de Tyndarc qui lui ont élevé ce tombeau [ i ] comme à leur coufin germain -, celle enfin de Lélex meme. Allez près de là eft le temple de Neptune furnommé [xJTenarius, auffi n’appellent-ils point ce temple autrementquc leTcnare. Près de là vous verrez une ftatuë de Minerve, qui fut conlacrée, difent-ils, par les Lacédémoniens qui allèrent fe tranlplantcr en Italie & fur-tout à Tarcnte. Du meme cote il y a la place Hellcnie, ainfi nommée pareeque dans le temps que Xerxcs pafla en Europe, toutes les villes Grecques qui prirent les armes contra lui envoyèrent leurs députez à Sparte,8c que ces députez s’abouchèrent là pour avilêr aux moyens de réfifterà une puifiance fi formidable. D’autres dilént que cette dénomination eft encore plus ancienne, & qu’elle vient de ce que tous les princes de la Grèce ayant pour l’amour de Menélas entrepris le fiége de Troye, ils s’aflémblérenten ce lieu pour délibérer fur cette expédition &c fur les moyens de tirer ven-
geance de Paris qui avoit enleve Hclene. Près de cette Place on vous montre le tombeau [3] de Talthybius; mais ceux d’Egion en Achaïe ont aufii dans le marché de leur ville un tombeau qu’ils aflurent être celui de Talthybius. Quoiqu’il en foit, ce Talthybius fit éprouver fa colere aux Lacédémoniens 8c aux Athéniens , pour avoir violé le droit des gens en la perfonne de ces hérauts qui étoient venus demander aux Grecs terre & eau de la part du roi Darius; le châtiment des Lacédémoniens fut général, 8c parmi les Athéniens Miltiade fils de Cimon eut la maifon ralée, pareequ’il avoit conlëillé à fes citoyens de faire périr ces héraucs, lorfqu’ils vinrent à Athcflcs. Dans le même quartier vous verrez un autel dédié à Apollon [4] Acritas, un temple de la Terre, lequel ils nom.
[ 1 ] Comme à leur coufin germnin. Amphiaraüs ctoit filsd’Oïclès&d’Hypermncftrc fille dcThcftius. LesTyndarides étoient nez de Leda qui étoit aufii fille de Theftius. Ainfi Amphiaraüs & les Tyndandcs ctoient enfans des deux fizuts > & pat conlèqucnt coufins germains, Poulmier. [1] Surnomme Tennnui, à caufc du promontoire de Ténarc dans la Laconie , où Neptune avoit un temple, dont
il eft parlé dans les Achemt. d’Atiftophanc. [t] Toltbjbiui. Cctoit un héraut qu'Agamcmnon avoit mené avec lui au fiége de Troye. Hérodote dit qu’il avoit un temple ou une chapelle à Sparte; cette chapelle étoit apparemment ou fur Ion tombeau, ou auprès. [4] A Apollon Acrit4!,<i\i mot une bouteur, pareeque cet autel étoit bâti fur une haïucur.
Vo y a g e d e la La co n ie . 177 ment Ga/èpton, & un peu au-dcflîis un autre temple d’Apol Ion furnomrtié [ 1 ] Maléatès. Quand vous aurez pafl'c la ruf des Barrières, tout contre les murs de la ville vous trouverez une chapelle dédiée àDi&ynna , & enfuitc les tombeaux de ces rois qui ont été appeliez Eurypontides. Auprès de la place Helléniene il y a le temple d’Arfinoé, qui étoit fille de Lcucippc, & belle fœur de Caftor fie de Pollux. Du côté des remparts on voit un temple de Diane , Se un peu plus loin la lepulture de ces devins qui vinrent d’ElisSe que l’on appclloit Jamides. Maron & Alphcc ont aurti là leurs temples ; c’étoit deux grands Capitaines qui apres Léonidas fignalcrent le plus leur courage au combat des Thermopyles. A quelques pas de là vous voyez le temple de Jupiter [x] Tropcüs, qui fut bâti par les Doriens, après qu’ils eurent fubjugué les Achéens qui étoient alors en pofleflion de la Laconie, & nommément les Amycléens. Mais de tous les temples qui font à Sparte le plus révéré eft celui de la mere des Dieux. Derrière ce temple on vous fera voir le monument héroïque d’Hippolyte fils de Théfée, & celui d’Aulon Arcadicn fils de Tléfimene. Quelques-uns font Tléfimenc frere de Parthénopée qui étoit fils de[3] Mélanion, & d’autres le font fon prftpre fils. La grande place de Sparte a encore une autre ifliië, S< de ce côté-là on trouve un édifice où les habitans viennent prendre le frais, aufli l’appellent-ils du nom de Sxias ; & c’eft le lieu où l’on aflemble le peuple encore aujourd’hui. Ils difent que ce bâtiment eft un ouvrage de Théodore de Samos, qui le premier trouva l’art de fondre le fer, & d’en faire des ftatucs. C’eft à la voûte de cet édifice que les Lacédémoniens fufpendirent la lyre de Timothée de Milet, après l’avoir puni de ce qu’aux fept cordes de l’ancienne lyre il en avoit ajouté quatre autres. Près de là eft une rotonde oît il y a deux ftatucs, l’une de Jupiter Olympien, l’autre de Venus Olympienne; félon eux»c’eft Epiménide qui l’a fait bâtir, du refte ils ne con[t] Surnomme Adale'a'ès. Apparem[1] De Jupiter Tropeùi, du mot ment à caufe qu'il ctoit honoré au cap verto, je change, comme qui de Maiéa. Car la plupart de ces fur dirait, de Jupiter qui change, uni rennom» font topiques, c’eft-à-dirc.quc verse lei Etait comme il lui plaît. ce font de» noms de lieux où l'on ho[)]Alelamon. Je lis ainli avecCa norait d'un culte particulier ces divi- metarius, quoiqu'il y ait dans le texte A/e'nalion.
M m iij
178 Pa u sa n ia s , Liv r e III. viennent point de cc que les Argiens racontent de lui, & nient même [ 1 ] que les Argiens ayent jamais fait la guerre aux Gnolfiens. Vous trouvez enfuite le tombeau de Cynortas fils d’Amy. clas, 8c un peu plus loin celui de Caftor avec fon temple qui eft tout auprès. Car ils prétendent que Caftor 8c Pollux, tous deux fils de Tyndare , ne furent mis au nombre des Dieux, que quarante ans après le combat où. ils fe fignalérent contre Lyncée 8c Ida ; on montre auflï le tombeau de ces deux fils d’Apharcus auprès de l’édifice dont j'ai parlé, 8c que l’on nomme Sxias 5 cependant il y a plus d’apparence que leur fépulture eft chez les Meflcniens. Mais les aéfordres de la guerre Sc le long-temps que ces peuples ont paflé hors du Peloponnefe, font caufe qu’après leur retour ils n’ont prefque pas reconnu leur propre pays, ni retrouvé plufieurs monumens de ['Antiquité qu’ils y avoient laiflez ; comme donc ils ne peuvent plus nous en inftruirc, on a toute liberté de les tenir pour fufpc&s. Auprès de la chapelle de Venus Olympienne on voit un temple de Proferpine confervatrice, bâti à ce qu’ils difènt par Orphée de Thrace, 8c félon d’autres par cet Abarisfi] qui étoit venu des pays Hyperboréens. Quant à Carnéus furnommé le Domejliqtie, il croît honoré à Sparte avant meme le retour des Heraclides dans le Peloponnelè, 8c il eut d’abord un oratoire dans la maifon du devin Crius, qui étoit fils de Théories ; ce Crius étoit fi bien antérieur au retour des Doriens, que leurs coureurs avant rencontré fa fille qui portoit de l’eau, ils lièrent converlàtion avec elle Sc la finvirent julqu’au logis de fon pere, où ils apprirent de lui comment ils dévoient faire pour le rendre maîtres de Sparte. A l’égard du culte d’Apollon Carnéus qui a été embrafle de tous les Doriens, il tire fon origine d'un certain Camus qui ctoit d’Acarnanie, 8c qui avoit reçu d’Apollon même l’art de deviner ; et Camus ayant été tue par Hippotès fils de Phylas, Apollon frappa de la pefte tout le camp des Doriens}
[1] Et ment même que lei Ar^ient. La pnralc de Paufanias eft fi ambiguë que l’on ne paît démêler 6 cc qu'il dit fe rapporte aux Argiens, ou aux Lacédémoniens. J'ai fuivi la verfion de Sylburpe. [ 1] Par cet Muit > &C. Abaris croit
fils de Seuthus 8c Scyte de nation. Hérodote 8c quelques autres en parient comme d'une ci'pccc de magicien qui fâifôit des choies lûrprenantes. Jan>bliquc dit qu'Abans avoit etc difciple de Pythagote.
VoTACE DE LA LACONIE. 179 Hippotèsfut banni pour ce meurtre, Scies Doriens appaife-
renc les nuncs du devin d'Acarnaniç par des expiations inftituées à ce dcflcin. Mais le Carneus que les Lacédémoniens ont furnomme le Domejitque cil different, puilqu'il avoit déjà fon culte à Sparte dans la mailon de Crius, lorfquc les Achéens étoient encore maîtres de la ville. Praxilla [i] die dans fes poclies que Carneus [1] étoit fils de Jupiter Se d’Europe, & qu* Apollon & Latone prirent foin de ion éducation. Cependant d’autres difent que les Grecs pour conftruirc ce cheval de bois qui fut fi fatal aux Troyens, coupèrent une grande quantité de cornouillers fur le mont Ida dans un bois confacré à Apollon , & que par là ayant attire fur eux la colère du dieu, ils inftituérent un culte en fon honneur, & du nom [ 3 ] de l'arbre qui faifoit le fujet de leur difgracc donnèrent a Appollon le furnom de Carncüs, en tranfpofant une lettre à la maniéré des Anciens. Auprès de ce temple d’Apollon vous verrez la ftatuc [4] d'Aphétcüs, c’eft le nom que porte l'infcription 3 comme s'ils avoient voulu faire une divinité qui prefidàt aux barrières, le jour que les amans de Pénélope dévoient entrer en lice 8c fe la difputer à la courfe. Du meme côté, mais un peu audeflus vous trouvez des portiques de figure quarree, où l’on vendoie anciennement toute forte de mercerie. A quelques pas de là fonc trois autels dédiez à Jupiccr [5] Ambulius , à Minerve Ambulia, 8c aux Diofcurcs qui ont auflî le furnom d’Ambulii. Vis-à-vis eft une éminence appellèe Coloria, où il y a un temple de Bachus Colonate 3 ce temple tient prcfque à un bois qu’ils ont confacré à ce héros qui eut l’honneur de conduire Bachus à Sparte. Même ces femmes qu’ils appel-
[1] ProxilU , crc. Elle étoit de Sicyonc, & vivoitcnla 18e Olympiade félon Eufcbc. Suidas & Athcncc la citent quelquefois. Cette Praxilla s'etoit rendue îlluftre par fes poclies, & on la met au nombre des poètes Lytiques. [x ] f-'ih <f Europe. Mcurlius Liv. 4, ch. 1 (, de fes Mifc. Luc. a fort bien remarque que le nom du pere de Carneus avoit échappé aux copiées. 11 le fupplcc en lifant •< w B'vpUw, fil» de Jupiter cr d'Europe, & je l’ai fupplcc auifi dans nu traduction.
[3] Et du nom de furbre. cornui, un remouiller, en tranfpofint
l'r on avoit fait Came».*. [4] Lu fiitue d'Apbêtiùs. <"«•«/, tnnerei, let barrières. Apbétbéiis étoit donc le dieu qui prcfidoit aux barrié[f] zl Jupiter Ambulius. Ce mot ne peut guère venir que du mot grec qui lignifie mou , protraftonatio. Jupitct Ambulius, comme qui dirait Jupiter qui pr»l,n^e U vte de> brmmei.
180 Pa u sa n ia s , Liv r e III. lent Dionyfiades & Leucippides facrificnt à ce héros avant que de facrifier au dieu. Outre ces prêtreflès, il y a onze autres femmes qui fe nomment aufli Dionyfiades, & qui tous les ans difputent le prix de la courfê entre elles fuivant une coutume qui leur a été fuggerée par l’oracle de Delphes. Du temple de Bachus à celui de Jupiter [i] Evanemus il n’y a pas loin ; & de ce dernier on voit le monument héroïque de Pleuron, dont les enfans de Tyndare delcendoient par leur mere ; car félon le pocte [a] Afius, Theftius pere de Léda étoit fils d’Agénor & petit-fils de Pleuron. Près de là eft une colline où Junon Argiva a un temple, qui a été confervé , dit-on, par Eurydice fille de Lacédémon & femme d’Acrifius qui ctoit fils d’Abas ; car pour le temple de Junon [3] Hyperchiria il fut bâti par le confeil de l’Oracle, dans le temps que le fleuve Eurotas inondoit toute la campagne. On voit dans ce temple une ftatuc de bois d’un goût fort ancien, & qui repréfente à ce qu’ils difent [4] Venus Junon; toutes les femmes qui ont des filles à marier font des lacrifices à cette Déefle. Sur le chemin qui mene à la colline on trouve à droite une ftatuc d’un certain Héfymoclès fils d’Hippofthene; ce Lacédémonien fut couronné onze fois pour avoir remporté le prix de la lutte aux jeux Olympiques, & fon pere l’emporta encore fur lui, ayant été couronné douze fois. Auforrtir de la Place, fi.vous allez au couchant vous verrez [5] le cénotaphe de Brafidas fils de Tellis, & enfuite le théâtre ; il eft bâti de marbre blanc & c’eft un trcs-bel édifice. Vis-à-vis du theatre eft le tombeau du roi Paufanias, qui commandoit les Lacédémoniens au combat de Platée ; la lepulture de Léonidas eft tout auprès. Tous les ans on fait
[x] De Jupiter Evanemus, c’cft-à- confident tomme la déefle qui préfideit dirc, de Jupiter qui donne un vent fa- aux mariages. vorable. [f] Le cénotaphe de Brafidas. Caria [ 1] Selon le porte Afins. Le texte dit, lëpulturc ctoit à Amphipolis, comme félon le poète Arcus. C’cft une faute le dit Thucydide L. 5 > ç’avoit etc un manifefte du copiftc. Il faut lire félon des grands Capitaines de fon temps; il vivoit en la 85' Olympiade quelque le poète Afias. [ 5] De Junon Hpperchina, d’»»«>, quatre cent vingt-cinq ans avant J. C. fub, & de X"t• manus, comme qui Après pluficurs victoires remportées diroir, qui fournit le fleuve Enrô- fur les Athéniens & furies autres enlai a fes ordres. nemis de Sparte fa patrie, il fut tué dans [4] Eemis Junon. C’étoit ce que les un combat fous les mursd’Amphipolis, Laùnsappclloicnt Juno ptonuba,Junon où on lui éleva un fuperbe tombeau.
Vo y a g e d e l a La c o n ie . 181 les Oraifons funèbres de ces grands Capitaines fur leurstoin. beaux , Ce ces Orailons font iuivics de jeux funéraires où il n’y a que les Lacédémoniens qui (oient reçus à disputer le prix. Léonidas eft véritablement inhume en ce lieu-là , car les os furent rapportez des Thermopyles par Paufanias quarante ans après la mort. Là fe voit aufli une colonne fur la-
quelle font gravez les noms de ces braves hommes qui foutinrent l’effort des PerfesauxThermopyles,Se non-feulement
leurs noms, mais ceux de leurs peres. 11 y a un quartier de la ville , qu’on nomme le Thcomclide , où font les tombeaux des rois dits Agides. le Lefehi [11 eft tout contre, c’eft le lieu où lesCrotanes s’aflèmblcnt, & les Crotanes ne font autre chofeque la cohorte desPitanates. Vous trouvez enfuite le temple d’Efculape , qu’ils nomment ordinairement [i] l'Enapadon , & un peu plus loin le tombeau de Ténarus, d’où un promontoire fort connu qui avance dans la mer, a pris fa dénomination. Dans le même quartier vous verrez le temple de Neptune [ j] Hippocurius, & celui de Diane Eginca j en retournant vers le Lefchc vous trouverez fur votre chemin le temple de Diane [4] Ifloria , autrement dite Limnéa $ ce n’eft pas même de Diane à proprement parler, mais de la Britomartis des Crétois,dont j’ai déjà fait mention dans l’hiftoirc des Eginétes. Près de
[1] Le Lefché. 11 y avoir à Sparte deux endroits qui portoient ce nom , l’un dit le Lefchc des Crotanes ; l’autre le Lefché Paciledu mot vanu1 > à eau le de la variété de fes peintures comme le facile d’Athènes. C’étoit apparemment deux portiques où l’on venoit fe promener & converfer. Le premier ctoit particuliérement affeété aux Crotanes. Ces Crotanes compofoient une des cinq ou fix cohortes de l’infanterie Lacédémonienne. Chaque cohorte étoit appclléc x.'x»>, ou ou , nom que les Latins ont adopté , & elle étoit composée de cinq ou fix cent hommes. Paufanias dit ici que la cohorte des Crotanes étoit h meme que celle des Pitanatcs ; mais il fe trompe. Mcurfius au chap. i<5, du premier Livre de fes Tome I.
sltt. Leil.a fort bien prouvé par le té-
moignage de Thucydide & par celui d’Héfychius qu’il n’y avoit jamais eu à Sparte de cohorte dite des Pitanatcs, j’y renvoyé le lcâcur. [a] L'Etupnden ,comme qui dirait,
le lieu cù l'en reftit du foula^ement i fes »uux ; ce qui convcnoit fon à Efcu-
lape. [5] Neptune Hippecunus & Dune Eginéu. C’eft-à-dirc Nepnine qui aime les chevaux, & Diane d’Eginc ; par Dune il faut entendre ici Britomartis. [4] De Dune /fferu. Le texte dit //ira , mais Etienne de Bylance dit Ifloru , du nom d'une montagne appclléc JJIenen. Liuine'ct , d'un endroit de la Mcflcnic, appellé Limné. Nn
x«i P a ü J a mi a s , Liv r e III. ces tombeaux des Agides vous verrez une colonne furlaquei. le on a grave les victoires qu’un Lacédémonien nomme An. chionis a remportées au nombre de fept, tant à Olympie qu’ailleurs, fçavoir quatre à la fimplc courfe , & trois autres à la courfe doublée; carcen'étoit pas encore la coutume définir les jeux en courant avec le bouclier -, on dit que cet Anchionis fe joignit à Battus de Théra , & qu’il s'embarqua avec lui pour palier en Afrique, où il lui aida à bâtir Cyrene , & à donner la chalTe aux Libyens, dont le voifinage lesincommodoit. Quant au temple deThctis qui eft auflî 3ans cequarticr-là , voici à quelle occafion il a été bâti. Lorfque les Lacédémoniens voulurent punir les Mefleniens de leur détection, Anaxandre roi de Sparte fit une courfe dans le pays ennemi, & prit un grand nombre de captives qu’il amena avec lui ; Cleo prêtreflê deThétis fut de ce nombre; Léandrisfemme d’Anaxandre pria fon mari de lui donner cette captive , & l’ayant obtenue , elle remarqua que Cléo avoit une ftatuë de la déefle ; cette découverte jointe à une inlpiration qu’elle eut en longe la porta à bâtir àThctis un temple qui fut confacré par la prêtreflê même ; & depuis ils ont garde fi précieufement cette ancienne ftatuc, que qui que ce foit n’a permiflîon de la voir. Pour leur culte de Cerès [i] Cthonia , comme ils l’appellent, ils prétendent l'avoir reçu d’Orphee ; mais je crois qu’ils l’ont pris plutôt des habitans d’Hermionc chez qui cette déefle eft honorée fous le même nom. On voit auflî à Sparte un temple de Sérapis, & un temple de Jupiter Olympien ; le premier eft des plus récens. Je ne dois pas oublier un endroit de la ville qu’ils appellent [x] Dromosyoù encore de nos jours ils exercent leurs jeunes gens à la courfe. Si vous y entrez du côté qui regarde la l'cpulture des Agides , vous verrez à main gauche le tombeau d’Eumcdés , qui étoit un des fils d’Hippocoon , & à Quelques pas dc-là une vieille ftatuë d’Herculc. C’eft à ce
ieu & en ce lieu-là que facrifient les jeunes gens qui fortent de I’adolefccncc, pour entrer dans la claflêfj] des hom-
teur ajoute qu’afors ils étoient appelle» , l'tbâter. Car les Lacédémoniens avotent des noms pour tous les les jeunes gens s’exerçoient à la.courfe, âges de la vie de l’homme. Hciychius & qui étoit accompagné de bâtimens. nous a confetvc ces noms. [ j] Dahi Ia tUÿt dtt htmmei. L'au-
[ tl CerisCtbmu, ou h Terreftre. [i] Jîlails Apptlient Drmu. Citon Ions doute une el'pécc de Ihdc , où
Vo y a g e d e l a La c o n ie . 183 mes. Le Thomos a deux gymnafcs ou lieux d'exercices, dont l'un a été confacré à cet ulâgc par Euryclide de Sparte. Au-dehors & près de la ftatuë d’Hercule on vous montrera une maifon qui appartient aujourd’hui à un particulier , & qui étoit autrefois la maifon de Ménélas. Plus loin vous trouverez les temples des Diofcures , des Grâces, de Lucine , d’Apollon Carnéüs,& de Diane [i] Hégémaque. A droite du Dromos vous avez le temple [ i} d'Agnitas , c’eft un furnom qui a été donné à Efculape à caule du bois dont fa ftatuë eft faite. Quand on a parte le temple d’Efculape on voit un trophée que Pollux, à cc que l’on dit , érigea lui-même apres la victoire qu’il remporta fur Lyncée 5 & c’eft ce qui femble confirmer l’opinion de ceux qui croyent que les enfans d’ApharéUs n’ont point leur fépulture à Sparte. Les Diofcures ont leurs ftatuës à l’entrée du Thomas, comme des divinitez qui préfident [3] à la barrière. En avançant plus loin vous verrez le monument héroïque d’Alcon } cet Alcon félon eux étoit un fils d’Hippocoon. A quelques pas dc-là c’eft le temple de Neptune furnommé [4] Domatitcs. Plus loin c’eft un endroit qu’ils nomment le PLitanifte i caufe de la quantité des grands platanes dont il eft rempli. Les jeunes Spartiates font leurs combats dans cette plaine, qui eft toute entourée de l’Euripe , vous diriez d’une île au milieu de la mer j on y parte fur deux ponts -, à l’entrée de l’un il y a une ftatuë d’Hercule , & à l’entrée de l’autre un portrait de Lycurgue ; car Lycurgue a fait des loix non-feulemcnt pour la républiqueen général, maisaufli pour les exer-
cices & les combats des jeunes gens j ainfi la jeuneflê Lacedémonienne a fes ufages particuliers. En effet dans le college où les jeunes gens font élevez , ils facrifient avant que d’aller au combat. Ce college eft hors de la ville & près du [ 1 ] De Diane Hégémeque, c’eft-1dire, gui mené eu co'mlet. [1] Le temple d'Apnta! mot •V" vitex ; efpece d'ofer, & cet arbre étoit appelle1 félon Diolcoride , pareeque fes feuilles tefroidilTcnt au point qu'elles font un remede contre l’incontinence. AulfidanslesThcfmophones ou fêtes de Cerès, les femmes fe
couchoient-elles fur des filailies d’oficr pour garder plus furcmcnt la chaftcté. [5] Ifni pre/ident è leieniere.C'cftpourquoi ilsctoient fumommez /lpbeteru, du mot , emi/lio. [4] De Neptune furnommé Demeri e<, du mot tone,petonpte, pareeque Neptune comme dieu «le la mer dompte les vents & les tempêtes. N nij
184 Pa u san ia s , Liv r e III. quartier appelle Thérapné. Les deux troupes de combattant immolent le petit d’une chienne au dieu Mars , ne croyant pas pouvoir offrir au plus courageux des dieux une viclime plus agréable , que l’animal le plus courageux qu’il y ait entre les animaux domeftiques. Je ne fçais au relie fi les Lacédémoniens ne font point les feuls de tous les Grecs, qui immolent le petit d’une chienne à quelque divinité ; il faut pourtant en excepter les Colophonicns qui ont coutume de îâcrifier un petit chien noir à leur déeflê [ i ] Enodia ; ce fa-
crifice tant à Colophon qu’à Sparte fe fait la nuit. Mais à Sparte les jeunes gens après leur facrifice prennent deux fanglicrs apprivoifez , 8c les mènent avec eux pour les faire battre l’un contre l’autre 5 chaque troupe s’interefle pour le lien 5 il arrive meme d’ordinaire que la troupe dont le fanglier a été viâorieux dans le Platanifte, eft celle-là même qui remporte le lendemain la viéloire. Voilà ce qu’ils pratiquent entr’eux dans leur college. Le lendemain fur le midi ils paflènt dans la plaine dont j'ai parlé , après avoir tiré au fort la nuic de devant, pour lçavoir par quel côté chaque troupe prendra le chemin du rendez-vous ;car comme j’ai dit il y a deux ponts , l’un d’un côté, l’autre de l’autre. Le fignal donné iis fe [ 1] battent à coups de poings ,à coups de pieds, ils fe mordent de toute leur force & s’entr’arrachent les yeux , vous les voyez fe battre à outrance tantôt un contre un , tantôt par pelotons , & tantôt tous enfemble, chaque troupe faifant tous fes efforts pour faire reculer l’autre & pour la pouffer dans l’eau qui eft derrière. Vers ce bois de platanes vous verrez auflï le monument héroïque de Cynifca fille du roi Archidame, la première perfonne de fon fexe qui ait pris plaifir à nourrir des chevaux, Sc la première qui fur un char attelé de quatre chevaux ait
[ 1 ] A leurde'effe Enodia. C’eft la déclic qui prélîdc aux chemins , &aux carrefours. Le texte porte Enodion , mais Hélychius dit Enodia , & jeerois que c’eft mieux dit. La déclic Enodia n ctoit antre qu’Hccatc , ou Diane. Dc-11 cc vers de Virgile,
Cela nous paroît extraordinaire & avec raifon. Mais il fout lçavoir qu’à Sparte on ne foifoit cas que de la force du corps, de la tempérance & de la patience. On y accoutumoit les enfons à le laitier déchirer & à fouffrir des maux horribles. C'eft cc qui a foitdire Noliimùfant Hetate triniii uln/ata fer à Horace dans une de fes odes , me nrku.
net tam patient Lacedamon , nec tant
[a] Ils fe battent à coups de poings. LanJJa percnjft campus opina.
Vo y a g e
de
l a
Lac on ie .
x 8j
remporte le prix de la courfe aux jeux Olympiques. Derrière un portique qui eft là vous trouverez encore d’autres monumens héroïques, comme ceux [i] d’Alcime & d’Enaréphore, un peu plus loin celui de Dorcce,&au-delTus celui de Sébrus } c’ctoicnt, à ce qu’ils difent, deux fils d’Hippocoon. Dorcce a donne fon nom à une fontaine qui eft dans le voifinage, & Sébrus le ficn à une rue de ce quartier-là. A droite du monument de Sébrus vous remarquerez le tombeau [i] d’Alcman qui a fait de fi beaux cantiques, quoiqu’écrics dans la langue [3] du pays, c’cft-à-dirc en une langue dont les mots n’ont aucune douceur. Là fe trouvent auifi le temple d’Hélenc,& le temple d’Hercule, le premier plus près delà fcpulturc d’Alcman , le fécond tout contre les murs de la ville ; dans ce dernier il y a une ftatuc d’Hercule armé } on dit qu’Hercule eft représenté ainfi à caufe de fon combac avec Hippocoon & avec fes enfans. Et la raifon que l’on donne de la haine d’Hercule contre cette famille, c’eft que ce héros étant venu à Sparte pour fe faire purifier du meurtre d'Iphitus, Hippocoon & fesenfanss’y oppoferent, ne le trouvant pas digne de cette grâce 5 mais voici ce qui leur mit les armes à là main , du moins félon qu’on le raconte à
Sparte. Œonus étoit fils de Lycimnius frere d’Alcmene ,& par conféquent il étoit aufli coufin germain d’Hercule ; étant venu avec lui à Sparte dans fa première jeuneflè , un jour qu'il fe promenoir par la ville, comme il pafloit devant la porte d’Hippocoon, un chien qui gardoit la maifon fauta fur lui, Œonus lui jetta une pierre, auflî-tôt les fils d’Hippocoon accoururent & aflommérent ce jeune homme à coups de bâtons ; Hercule au défcfpoir de cet accident vint fondre fur eux ,
[1] D'sllcime. Ces noms ytlàmi, fon tombeau ctoit à Sparte , on peut Dante & Sébrus font un peu différens conclure qu’Alcman croît Lacédémo-
de ceux qui fc lifent dans Apollo- nien. Il ne relie de ce poète que queldorc. Les voici, freine, Daryilcs & ques petits fragmens qui font citez par Athcnce. Tébrus. [ <] D.tns U langue du pars. La lan[1] Le tombe,tu d'^lcnun. Alcman ctoit un poète lyrique & des plus an- gue des Lacédémoniens étoit rude comciens ; car on croit qu’il vivoit envi- me leurs mœurs ; fi l'on y prend garron le temps des derniers rois de Ly- de > on trouvera qu'il y a toujours du die, près de cent ans avant Cyrus le rapport entre la langue d’un peuple & Grand. De ce que dit ici Paufanias que le caraflcrc ou le génie de ce peuple. N n iij
i8<> Pa u sa n ia s , Liv r e III. mais ayant cté blcflc dans la mêlée il fe retira. Quelque temps après il revint avec main-forte , martacra Hippocoon & fes enfans, & vengea ainfi la mort de fon coufin} c’eftpourquoi l’on voit le tombeau d’Œonus auprès du temple d’Hercule. Si en fortant du Dromos vous allez du côté de l’Orient, vous trouverez un temple dédié à Minerve yfxioptrnasoü Vcngereflé ; on prétend que ce fut Hercule qui le fit bâtir après la terrible vengeance qu’il tira d’Hippocoon & de fes fils ; & ce furnom vient de ce qu’autrefois les châtimens des hommes étoient appeliez du nom [ i ] de pâmé. Minerve a encore dans cette rue un temple , que l’on trouve à gauche au fortir du Dromos ; on aflure que celui-ci a été confacré par Théras fils d’Autéfion , petit-fils de Tifamene & arriéré petit-fils de Therfandre, lorfqu’il mena une colonie dans Pile Callifte , qui depuis a pris le nom de Théra. Enfuite vous verrez le temple d’Hippofthene, homme célébré pour avoir été plufieurs fois vainqueur à la lutte ; ils lui rendent des honneurs divins fuivant un certain oracle, & en l’honorant ils croyent honorer Neptune même. Vis-à-vis de ce temple il y aune ftatuc fort ancienne qui repréfente Mars enchaîné, fur le même fondement que l’on voit à Athènes une Viétoire fans aîles ; car les Lacédémoniens fe font imaginé que Mars étant enchaîné demeureroit toujours avec eux , comme les Athéniens ont crû que la Victoire n’ayant point d’aîles, elle ne pourroit s’envoler ailleurs , ni les quitter ; c’eft la raifon [x] qui a porté ces deux peuples à repréfenter ainfi ces divinitez. Vous avez encore à Sparte un autre [3]Lefché qu’ils nomment le Pœcile, & auprès vous pourrez voir les monumens héroïques de Cadmus fils d’Agénor , d’Œolycus fils de
[ i 1 Du ti’m de pané, ••ni, d’où vient le mot Latinpanu. 11 fembleque du temps de Paufanias le mot Grec n'ètoit plus en ufage dans cette acception. Autrement pourquoi diroit-il qu'autrefois on fefervoit du mot pane pour lignifier un châtiment î [1] C’eft lu ratfon qui » porté ces deux peu les , &<. Paufanias femble fe contredire ici, puifquedans fon premier livre il a dit que la Vidoire ctoit reprèfcntèc fans ailes à Athènes, àcau-
fc de la nouvelle trop tardive de la victoire deThcfce fur lcMinotaure. [3] Un uutre Lefcbé. Pat la lecture d'Homère on voit que dans toutes les bonnes villes de la Grèce il y avoit de ces Lefcbez., c'cft-à-dirc des lieux où les gens oififs venoient jafer , comme aujourd’hui nos caftez. A Sparte les deux Lefehez croient deftinez à autre chofe, pareeque l'oifivetè n'y étoit pas fouffêrtc comme parmi nous.
Vo y a g e d e l a La c o n ie . 187 Thcras , & d’Egée fils d'(H,olycus. On dit que ce font Mefis, Léas, & Europas fils d’Hyrce& petit-fils d’Egee oui ont fait élever ces monumens. Ils y ont même ajoute celui d’Amphiloque , pareeque Tifamene leur ancêtre étoit ne de Démonaflè fœur d'Amphiloque. Les Lacédémoniens font les feuls Grecs qui révèrent Junon fous le nom de la déefle [ 11 Eyrphaïf, & qui lui immolent une chèvre ; ils prétendent qu’Herculc lui bâtit un temple, parceauc dans fon combat contre Hippocoon & contre lés enfans elle ne l’avoit point traverfe, comme ils’attcndoit qu’elle feroit , & comme elle avoit fait dans coûtes fes autres entreprifes ; & faute d’une autre victime, il lui lâcrifia une chcvre , coutume qui s’eft perpétuée depuis ce temps-lâ. Si vous reprenez le chemin du théâtre, vous verrez un temple de Neptune [1] Généthlius , & deux monumens héroïques, l’un de Clcodéc fils d’Hyllus, l’autre d’GEbalus. Efculape a plufieurs temples dans Sparte , mais le plus célébré de tous c’eft celui qui cft auprès duBoonéte, &à la gauche duquel on voie le monument héroïque de Telcclus , dont je parlerai quand j'en ferai à l’hiftoire des Meflèniens. Plus avant vous découvrirez une petite colline , au haut de laquelle il y a un vieux temple de Venus , & dans ce temple une ftatuë qui reprefente [ J ] la déefle armée 5 c’eft un temple fingulier & le feul que j’aye vù bâti de cette maniéré ; car à proprement parler ce font deux temples l’un fur l’autre 5 celui de defliis eft dédié à Morpho, mais Morpho [4] n’eft qu’un furnom de Venus ; la déefle y eft voilée , & elle a des chaînes aux pieds ; ils difent que c’eft Tyndare qui lui a mis ces chaînes pour donner à entendre combien la fidelité des fem-
mes envers leurs maris doit être inviolable; d’autresdifent, pour fe venger de Venus à qui il imputoit l’incontinence & les adultères de fes propres filles ; mais je ne le puis croire,
[’1 F-gephnge tc’c^-iditcqui men- ions que je ne puis rapporter, ûns donge de le char de chèvre. Les Lacédé- ner^ mes notes une longueur exccflimoniens appelloient ainli Junon , par[4] Merebe ici qu'un furnom de cequîls lui facrifioicnt des chèvres. [1] De NeptniuCène'lbliui.yùdc- Venus. rtfn lignifie ferme , le figure. Par Venus Morpho iis entendoient la ja dit la raifon de ce fumom. [}] /.a déefle «rm.-r. Laétance Liv. déefle de la beauté. 1, chai’. 10 • cn donne pluficurs ni-
1S8 Pa u sa n ia s , Liv r e III. car il foudroie être infenfé pour s’imaginer que l’on fe venge d’une déclic , en la repréfentant par une ftatuë de bois de
cèdre avec des chaînes aux pieds. ----------Le temple le plus proche qui fe préfente enfuite, c’cft ce. CXVIP *u* ^ Hilaire & de Phœbé. L’auteur des poefies Cypriennes a écrit qu’elles croient filles d’Apollon j elles ont pour precreflès des vierges qui lé nomment Lcucippidcs, comme les déciles elles-mêmes , qui ont chacune leur ftatuë. On raconte qu’un jour l’une de ces vierges voulant parer la ftatuc de la déclic lui changea entièrement le vilâge en la repréfentant comme les*femmes fe mettent aujourd’hui j & que contente de fon ouvrage elle fe difpofoit à en faire autant à l’autre , mais qu’elle eut un fonge qui l’en détourna. Un œuf envelopc de bandelettes [ i] eft fufpendu à la voûte du temple,
& le peuple croit que c’eft l’œuf dont accoucha Lcda. Des femmes de Sparte filent tous les ans une tunique pour la ftatuc d’Apollon qui eft à Amyclc , & le lieu oùelles filent s’appelle par excellence la Tunique. Auprès eft une mailon qu’habitoient autrefois les fils de Tyndare, & qu’acheta depuis un particulier de Sparte nomme Phormion. Un jour, à ce que l’on dit , les Diofcures arrivèrent chez lui , fe difant des étrangers qui venoient de Cyrene -, ils lui demandèrent l’hofpitalite & le prièrent de leur donner une certaine chambre dans fa maiiôn , c’étoit celle où ils s’étoient plû davantage,
lorfqu’ils étoient parmi les hommes ; Phormion leur dit que toute fa maifon étoit à leur lèrvice , à la réferve [ i ] pourtant de cette chambre qui étoit occupée par une jeune fille qu’il avoit j les Diofcures prirent l’appartement qu’on leur donna ; mais le lendemain la jeune perfonne & les femmes qui la fervoient, tout difparut, Sc l’on ne trouva dans fà chambre que deux ftatucs des Diofcures, une table , & fur cette table [j] du benjoin -, voilà ce qu’ils racontent.
[1] Un or.'.f envelopé de hindelette/, Il y a bien de l’apparence que c’étoit un œuf d’autruche , & le peuple étoit allez fot pour croire que c’étoit l’œuf dont Caftor S: Pollux étoient fortis. Cette lotte crédulité du vulgaire eft de tous les pays St de tous les temps. (1] A la réfervede cette chtmbie qui étoit occupée. Il y a ici une faute de co-
pifte des plus lourdes. Amafcc l’a fende, Se ne l’a pas fait palier dans là verlion. Un léger changementremédie au ridicule que produirait la faute du copifte, Se certc correction n’a pas échappé à la critique de Sylburgc Se de Kuh-
[t] Du benjoin. Le terme Grec eft En
Voy a c e d e la La c o n ie . 189 En allant vers la porte de la ville vous trouverez fur votre chemin le monument héroïque de Chilon, qui fut autrefois en grande réputation de lâgcfle , & celui d’un héros Athénien qui ctoit l'un des principaux de cette colonie que Dorieüs fils d’Anaxandridc débarqua en Sicile. La raifon qui fit que l’on envoya cette colonie , ctoit que le pays d'Erycie appartenoit aux defeendans d’Hercule & non aux Barbares qui l’occupoient ; car Hercule en combattant contre Eryx à la lutte avoit mis pour condition que s’il le terrafloit, il feroit maître du pays , & que s’il en ctoit vaincu , il lui donneroit les bœufs de Géryon. En effet il [ 1 ] touchoir ces bœufs devant lui en allant en Sicile , & quand ils eurent pafle le détroit à la nage, il alla enfuiteles raflcmbler lui-même au Promontoire de Scylla. Mais les dieux ne furent pas auflï favorables à Dorieüs qu’ils l’avoient été à Hercule} car ce héros tua Eryx , & Dorieüs fut taille en pièces avec fon armée par les [ 1 ] Egeftéens. Les Lacédémoniens ont auflï bâti un temple à Lycurgue leur légiflateur comme à un dieu 5 derrière ion temple on voit le tombeau de fon fils Eucofmus, auprès d’un autel qui eft dédie à Lathria &à Anaxandra, c’etoicnt' deux fœurs jumelles qu’époulcrent les deux fils d’Ariftodeme qui étoicnt auflï jumeaux ; elles avoient pour pere Thcrlàndre fils d’Agamedidas ,quirégnoit fur lesClconéens [j] ,& qui étoit le quatrième des defeendans deCtcfippe fils d'Hercule. Vis-à-vis du temple de Lycurgue eft la fcpulturc de Théopompe fils deNicandre , &c celle de cet Eurybiade qui commandoit la flotte des Lacédémoniens au combat d’Artémiiîum & à celui de Salamine concre les Perles. Enfuite vous trouvez le monument héroïque d’Aftrabacus. De-là vous paflez dans une ruë qu’ils nomment Limnée, où il y a un temple dédié à Diane Orthia 5 ils prétendent que la ftatuc de la déelTe eft celle-là meme qu’Orefte & Iphigénie enlevèrent de la Taurique , & difènt qu’elle leur futap[1] Il tesubtit ces banfs Jeventlui. Amaféc à mal rendu cet endroit, & comme d'ailleurs les copiftes l'ont tort gâté, il n’eft pas aile de l'entendre. J’ai fuivi la conjcûure de Sylburge qui s’accorde allez avec la Géographie. [a] Perles Ffefte'ens. Égefta étoit une ville de Sicile. Terne J.
[}] Cléonéens. Le texte dit Cle'eflbenéens, mais comme ces peuples ne font connus d'aucun geographe , & que d'ailleurs les Héraclides ont été maîtres de Cléone ville fituée entre Corinthe & Argos il eft hors de doute qu'il faut lire , Cléeniew.
Oo
190 Pa u sa n ia s , Liv r e III. portée par Orefte , qui en effet a cté roi de Sparte 5 tradition qui me paroît beaucoup plus vrai - femblablc que celle des Athéniens au fujet de la même ftatuë ; car pourquoi Iphigénie auroit-elle faille la ftatuë de Diane à Brauron ? Et pourquoi les Athéniens ne l'auroient-ils pas mile fur leurs vaiflêaux, lorfqu’ils prirent la réfolution d’abandonner leur
ville ? Cette ftatuc eft encore aujourd’hui fi célébré que les Cappadocicns & ces peuples qui habitent auprès du PontEuxin fe la difputent entr’eux, fans compter les Lydiens qui croyent aufli l’avoir dans leur temple de Diane [ij Anaïtis; & les Athéniens peuples fi religieux auroient foufiert qu'un monument fi confidcrablc devînt la proye des Perlés? je n’y vois nulle apparence ; mais de plus on fixait que la Diane qui étoit à Brauron fut portée à Sufe , & qu’enfuite par la bonté de Séleucus elle pafla aux habitans de Laodicce en Syrie, qui la gardent encore. Enfin , que la ftatuë de Diane Orthia qui eft à Sparte , foit la meme que celle qui a été cnlevee aux Barbares de la Taurique , en voici des preuves qui ne manquent pas de probabilité. Premièrement Aftrabacus & Alopécus tous deux fils d’Irbus, petits-fils d’Amphifthene, & arrière petit-fils d’Amphiclès qui eut pour perc Agis , n’eurent pas plutôt trouvé cette ftatuc qu’ils furent frappez de manie & perdirent le fens. En fécond lieu les Limnates, peuples de la Laconie, les Cynofuréens , ceux de Mifoa & de Pitane étant venus à Sparte pour facrifier à Diane Orthia , l’efprit de difeorde s’empara tellement d’eux , qu’ils prirent querelle enfemble & fe battirent les uns contre les autres ; plufieurs furent tuez au pied de l’autel, & une maladie fubite emporta lej autres. L’oracle confultc fur cet accident prononça que cet autel vouloir être teint du lâng humain ; c’eftpourquoi durant un temps on y immola un homme pour viélime , & le fort en décidoit. Lycurgue abolit cette barbare coutume , & fubftitua à fa place la flagellation des jeunes gens , qui fe pratique encore à préfent , de forte qu’il eft encore vrai de dire que cet autel eft teint du fang des hommes.
[t] Dt Dune/fn/ira. Strabon, L. efclaves, mais leurs filles , & les filles 11, dit que les Arméniens honoraient les plus qualifiées. Ces filles fcprollicette déefle d’un culte particulier ; ils tuotent dans le temple de la déefle » & lui confacroicnt non-feulement leurs enfuite on tenoit à honneur de lesepoa» fer.
VOYAGÎ Dî LA La CONII, lt/ï La prêtreflè préfidc à cette flagellation , & pendant que l’on fouette de jeunes enfans jufqu’au lang , elle tient entre fes mains la ftatuë de la déeflè, qui eft fort petite & fort légère. Mais fi l’exécuteur épargne quelqu'un de ces enfans ,loit pour là naiflancc ou pour la beauté , aufii-toc la prêtreflè s'écrie que la ftatuc s’appéfantit & que l’on ne peut plus la foutenir j elle s’en prend au prévaricateur , & lui impute la peine qu’elle fouffre; tant il eft comme naturel [ i ] à cette ftatuc d'aimer le fang humain, & tanc l’habitude qu’elle en a contradéechex les Barbares s’eft enracinée en elle ; au refte elle n’a pas pour un furnom, car on l’appelle aufii [i] Zyfodefmaj , parcequ’elle eft venue empaquetée avec des bnns de larment ; & comme elle étoit fi bien liee qu’elle ne pouvoir pancher d’un côté ni d’autre , de la vient qu’ils l’ont
aufii nommée [ 5 ] Orthia. Du temple de Diane il n’y a pas loin à celui de Lucine ;----------ils difent que c’eft l’oracle de Delphes qui leur a conseillé (LHVA,.P’ de bâtir celui-ci , & d’honorer Lucine comme une déeflè. Les Lacédémoniens n’ont point de citadelle bâtie fur une hauteur , comme la CadméeàThebes,ou Lariflà à Argos; mais ils ont plufieurs collines dans l’enceinte de leur ville , & la plus haute de ces collines leur tient lieu de citadelle. Minerve y a ion temple fous les noms de Minerve [4] Poliuchos & Chaktacos. T y ndare commença cet édifice } après lui lès enfans entreprirent de l’achever ,& d’y employer le prix des dépouilles qu'ils avoient remportées fur les Aphidnéens-, mais l’entreprife étant encore reliée imparfaite , les Laccdemoniens long temps apres conftruifirentun nouveau temple quicft[$) tout d’airain , comme la ftatuë de la déeflè. L’ouvrier dont ils fe fervirent fut Gitiadas, originaire & natif du pays } il a fait aufli plufieurs cantiques , & entr’autres «ne hymne pour Minerve lur des airs Doriens. Au-dedans du temple la plù-
[ 1] 7ji w il eft tomme neturel e cette feint d’eimer le feng bnmein. Voilà
[ 5J Ortbte , •>$« > retint ,
droit.
eft
une réflexion bien ridicule. Il faut [4] De MinervePoliucbot,comme avouer que la fuperftition gâte étrange- qui dirait , de Minerve le gerdienne ■lent l’efprit des hommes. de le ville. [ a ] Lrgcdeftr.et ôni -ri» a.’r», à [ 5 ) .(?«< r/ rwrt Amtiii. Ce fut vittee, de louer 8c iv/ùe, vinculum, alors que cctcmpic fût appelle letcmM lun. pic de Minerve Cbelàacet. %»*•» > de l'eiretn > & ■,«t> > d.-miir, metfttn. Oo ij
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Pa
u sa n ia s
, Liv r e
III.
part des travaux d’Hercule font gravez for l'airain , tant les avanturcs que l’on connoît fous ce nom , que plufieurs autres que ce héros a courues volontairement, 8c dont il eft gloricufcmcnt fort!. Là font aufli gravez les exploits des Tyndarides , 6c fur-tout l’enlcvcment des filles de Leucippe. Enfuite vous voyez d’un côté Vulcain qui dégage là mere de fes chaînes , fuivant que je l’ai explique dans mon premier livre; d’un autre côté Perfee prêt à partir pour aller combattre Module en Lybie ; des nymphes lui mettent un cafquc fur la tête & des talonnieres aux pieds, afin qu’il puiflè voler en cas de befoin. On n’a pas oublié tout ce qui a rapport à la naiflànce de Minerve ; mais ce qui eflàce tout le refte à mon
gré, c’eft un Neptune 8c une Amphitritc qui font d’une beauté merveillcufe. Vous trouvez enfuite une chapelle de Minerve Ergané. Aux environs du temple il y a-deux portiques-, l’un au Midi , l’autre au Couchant. Vers le premier , eft une chapelle de Jupiter fornommé [ i ] Cofmetcs , & devant cette chapelle, le tombeau de Tyndare. Sur le fécond portique on voit deux aigles éployées qui portent chacun une victoire ; c’eft un prélent de Lyfander & en même temps un monument des deux victoires qu’il avoit remportées , l’une, près d’Ephefe fur Antiochus le Lieutenant d’Alcibiade, qui com. mandoit les galères d’Athènes , l’autre encore fur la flotte Athéniene qu’il défit entièrement à Egefpotame. A l’aile gauche du temple d’airain il y a une chapelle qui eft confacrce aux Mufes , parceque les Lacédémoniens marchent à l’ennemi non au fon de la trompette , mais [i] au fon des flûtes , 8c de la lyre. Derrière le temple eft la chapelle de Venus [3] Aréa , où l’jn voit des ftatucs de bois aufli anciennes qu'il y en ait dans toute la Grèce. A l'aile droite on voit un Jupiter en bronze, qui eft de toutes les ftatucs de bronze la plus ancienne. Ce n’eft point un ouvrage d’une feule 8c même fabrique; il a étc fait focccflivement 8c par pièces, enfuitc ces pièces ont etc fi bien cnchaflces ; fi bien jointes cnfemblc avec des
[1] Dt ÿtipiter/iaiwmmc Ctfméth, dit que les rois de Sparte ûcrifioient c’cïl-a-dirc de Jupiter legrtnd Ordert- aux Mules , avant que de combattre, narrur. [ ;] Dt l'cuui Art* , ou de /'r»«r U [il A/an 411 /éw du flitei & dt U Minuit. lire. Plutarque dans la vie de Lycurgue
VOYACE DE LA LACOlfïE. ï «)J doux, qu’elles font un tout fort folide. A l’égard de cette ftatuc de Jupiter,ils difent que c’cft Léarque [i] de Rhégium qui l’a faire ; félon quelques-uns c’étoit un éleve de Dipœne & de Scyllis , & félon d’autres de Dédale même. De ce côté-là eft un endroit appellé Scènoma^ où vous trouvez le portrait d’une femme ; les Lacédémoniens difent que c’eft Euryléonis ,qui fe rendit célébré pour avoir conduit un char à deux chevaux dans la carrière,& remporté leprix aux jeux Olympiques. A l’autel même du temple de Minerve il y a deux ftatuës de ce Paufanias qui commandoit l’armée de Lacédémone au combat de Platée ; je m’abftiens de raconter fesavantures, parcequ’elles font allez connues, & que ceux qui ne les fçavent pas peuvent confulter plufieurs hiftoriens qui en ont fait un récit fort exact. Mais j’ai fçu d’un homme de Byfance que Paufanias fe voyant atteint & convaincu de trahifon, avoir été le feul qui fé fut réfugié à l’autel de Minerve Chalciœcos , & qui n’y eut pas trouvé fa fureté -, la raifon qu’il en apportoit, c’cft que Paufanias ayant quelque temps devant commis un meurtre , il n’avoit jamais pû s’en faire furificr. En effet ce prince dans le temps qu’il commandoit armée navale des Lacédémoniens & de leurs Alliez fur l’Hellefpont, devint amoureux d’une jeune Byfantine} ceux qui avoient ordre de l’introduire dans fa chambre , y étant entrez fur le commencement de la nuit , le trouvèrent déjà endormi. Cléonice , c’étoit le nom de la jeune perfonne, en approchant de fon lit renverfa par mégarde une lampe qui étoit allumée ; à ce bruit Paufanias fe réveille en furfaut, Sc comme il étoit en des agitations continuelles , à caufe du dellèin qu’il avoit formé de trahir fil patrie , fê croyant dé,’ couvert , il fe lève, prend fon cimeterre, en frappe là maîtreflè & la jette morte à fes pieds ; c’eft-là ce meurtre dont il ne put jamais être purifié, quelques fupplications , quelque expédient qu’il pût employer ; en vain s’adrefla-t-il à Jupiter Phyxius, en vain alla-t-il à Phigalée en Arcadie pour implorer le fecours de ces [tjgensqui fçavent évoquer les âmes des morts , tout cela lui fut inutile ; c’cftpourquoi il paya
[i] Lénrque de Rhénium. Cet an[a] gui fçevent évoquer 1er umci. cicnftatuairc n’cft connu que par ce que Amalcc n’a pas entendu i’expreilîon Paufanias nous en apprenti. L’édition grecque. Plutarque dit la meme choft d’Aldc Manucc dit H-zô«>, E^inm. de ce Paufanias roi de Lacédémone. O oiij
194
I*a us a n i
a s,
Liv r e III.
enfin à Dieu & à Clconice la peine de fon crime. Le? Lacédémoniens par ordre exprès de l’oracle de Delphes ont depuis érigé deux ftatuës de bronze à ce prince, & encore aujourd'hui ils rendent une efpéce de culte au génie [ i ] Epidote , dans la penféc ciue ce génie appaife la aéeflè, qui autrement pourrait fe reflèntir de l’injure qu’ils lui ont faite en la perfbnne de Paufanias, lorfqu’il étoit fuppliant aux pieds de fes autels. —--------Après ces ftatuës on en voit une de Venus fumommée ^CVIUP Ambologéra ; celle-ci a etc aufli érigée par l’avis de l’o-
racle , enfuite celles du Sommeil &dela Mort, qui font frères au rapport d’Homére dans l’Iliade. Si de-là vous paffez dans la rue Alpia, vous trouverez le temple de Minerve dite [3] Ophthalmitis -, on dit que c’eft Lycurgue meme qui a confacré ce temple fous ce titre à Minerve , en mémoire de ce que dans une émeute , ayant eu un œil crevé par Alcandre à qui fès loix ne plaifoient pas, il fut fauvéen ce lieu-là par le peuple, fans le fecours duquel il aurait peut-être perdu l’autre œil, & la vie même. Plus loin vous trouverez le temple d’Ammon , car il paraît qu’anciennement les Lacédémoniens étoient de tous les Grecs ceux qui recouraient le ?>lus volontiers à l’oracle de la Libye. On dit même que Lyànder aflîégeant la ville (4] d’Aphytis près de Pallene eut durant la nuit une apparition du dieu Ammon, qui lui confeilla comme une choie également avantageuse à lui & à Lacédémone de laiflèr les affiégez en paix ,confèil auquel il déféra fi bien , qu’il leva le fiége,& qu’il porta enfuite les Lacédémonicnsà honorer Ammon encore plus qu’ils ne faifoient ; ce qui eft de certain, c’eft que les Aphytéens rêvèrent ce dieu comme les Libyens mêmes. Quant au temple de Diane
[ I ] Au génie Epidote. F.pidotèi , qui adoucit, quiappaife. Ces dieux ou
génie étoient appeliez par les Latins, du Avertunci. Cet endroit a été entendu autrement par Sylburge, mais il eft iuiceptiblc aufli du iens que je lui donne & qu’Amaféc lui a donné dans £1 verfion Latine. [r] Fenui Amiotogéra, c’cft-i-dirc Venue qui éloigne la viciUefle. Plutarque au Liv. 5, queft. 6, de les propos de
table rapporte cette pticre tirée d’une hymne a V enus : Felle l euui éloigne dt nom la trifie vieil!tj]e. [ 5 ] Minerve dite Opbtbalmitii , comme qui ditoit, Minerve qui nous
confcrve les yeux, du mot •»>«>/<•«>
otnlut, r<etl. [4] La ville d'Apbitu- Aphvtis ou
Aphyte étoit une ville de Thrace près de Pallene. Elle étoit célébré par lcn temple de Jupiter Ammon.
Voy a c F. d f . l a La c o n ie . içf Cn^gi.i, ainfi la nomment-ils, voici ce qu’ils en racontent. Cnagéüs étoic félon eux un homme originaire du pays , qui accompagna Caftor & Pollux au liège d’Aphidna ; ayant ccd fait prifonnier dans un combat il fut vendu & envoyé en Crcte ; après avoir été cfclave quelque temps dans une ville, où les Cretois avoient un temple de Diane , il s'enfuit avec la prêtreflê qui emporta avec elle la ftatuc de Diane. Tous les deux étant venus à Sparte , leur avanture donna lieu & au temple & au furnom de la déefle. Mais pour moi je ne puis croire que ce Cnagcüs ait pafle en Crète à l’occafion que difent les Lacédémoniens, car premièrement il n’y eut point decombat à Aphidna ,Thelèeétoitpourlors chez les Thefprotiens -, d’ailleurs les Athéniens étoient partagèz, 8c même la plupart panchoicnt plus pour Mnefthèe que pour lui ; comment auroient-ils combattu en faveur du dernier ? Mais quand il y auroit eu un combat, je ne vois point d’apparence qu’aucun du parti des vi&orieux pût être prifonnier de guerre, les Lacédémoniens ayant tellement eu l’avantage qu’ils prirent même Aphidna ; cette petite difeuflion doit fuftire en partant. Quand on va de Sparte à Amycle on trouve la Tiafe , rivière qu'ils croient avoir pris fon nom d’une fille d’Eurotas. Le premier temple que vous rencontrez fur votre chemin eft celui des deux Grâces, Phaënna & Cléta que le poète Alcman a célébrées dans fes vers. On dit que c’eft Lacédémon qui a bâti ce temple à ces Grâces , & qui leur a même impofé leurs noms. Parmi les monumensque l’on voit à Amycle, un des plus beaux eft la ftatuc d’un certain Enétus de Sparte, qui fe diftingua en fon temps par le talent de réuffir également dans les cinq fortes de combats, & qui ayant été déclaré vainqueur à Olympie fut couronné & mourut le moment d’après ; ileftreprefenté fur le haut d’une colonne , & l’on voit à l’entour plufieurs trépieds de bronze ; il y en a fur-tout dix qui partent pour être plus anciens que la guerre de Sparte contre les Mertcniens. Venus eft gravée en relief furie premier , Diane fur le fécond ; ces deux trépieds & les bas reliefs font de Gitiadas. Le troifiéme repréfente Proferpine, c’eft un ouvrage de Callon qui étoit del’ile d’Egine. Ariftandre de Pâros & Polyclete d’Argos en ont fait auflî chacun un ; fur celuid’Ariftandre vous voyez une femme qui tient une
196 PAÜS AN1 A S, L I v R B TU. lyre, c’eft Sparte elle-même ; fur celui de Polyclcte c’cftj^enus qu’Amyclée invite à venir chez lui ; ces deux derniers furpallcnc de beaucoup les autres en grandeur, ils furent confacrez après la vi&oire que les Lacédémoniens remportèrent à Egcfpotame. Mais une antiquité très-curieufe, c’eft le trône d’Amyclée , fait par un ouvrier dcMagnéficqui ij: nom-
moit Bathyclès, & non-feulement le tronc eft de lui , mais tout l’ouvrage, & lesaccompagnemens,les Grâces, la ftatuë de Diane [ 1 ] Leucophryné , tout eft de la façon de cet ouvrier 5 fous quel maître il avoit appris fon art , & en quel temps il florifloit, je n’en dirai rien. Quant à l’ouvrage , je l’ai vû , ainfi j’en puis rendre compte. Les Grâces & les Heures , au nombre de deux les unes & les autres, foutiennent ce trône par devant & par derrière. Sur la gauche Bathyclès a reprefenté Echidne [1] avec Typhon ,&fur la droite,des Tritons. Je ne prétens pas faire un détail éxacl de tout ce que l’on voit gravé fur ce fiége , le récit en deviendroit ennuyeux ; pour abréger dyne , voici ce qui m’a paru de plus remarquable. Dans un endroit Jupiter & Neptune enlevent Taïgete fille d'Atlas , & Alcyone la fœur -, Atlas y tient aufli fa place. Dans un autre vous voyez le combat d’Hercule avec Cycnus , & le combat des Centaures [5] chez Pholus;ici c’eft Thefée qui combat le Minotaure , mais pourquoi il traîne le Minotaure enchaîné & encore vivant, c’cft ce que je ne fçai pas j là c’cft une danfe de Phéaciens & de Dcmodocus qui chante. Ces bas reliefs vous prélentent une infinité d’objets tout à la fois -, Perfée coupe la tête [4] à Mcdulè, Hercule [>] De Diane Leucophryné. L’auteur a déjà dit que Diane ctoit honorée fous ce nom par les Magnéficns, & que les enfans de Thcmiftoclc avoient apporte fon culte en Grèce. [1] Echidne avec Typhon. Typhon étoit un monllre horrible que la terre & l’enfer vomirent contre Jupiter;on en peut voit la dclcription dans Apollodore, Liv. 1. Echidne ctoit la femme de Typhon. On trouvera cette fable expliquée dans le ;< tome des Mémoires de 1*Académie des Inforiptions & belles Lettres , p. 1 itf. ( t ] Chez Pho'.u:. Le Centaure Pho-
lus reçut Hercule chez lui & la bonne réception qu'il fit à fon hôte lui attira une querelle de la part des Centaures, dont quelques-uns furent tuez par Hercule. Voyez Apollodote, Liv. 1. [4] Perfée coupe la tète a Méduft, Hercule, &c. La plupart de ccsavanturcs fibuleufes font décrites dans Apollodore ; il en eft aufli parlé plufieurs fois dans cet ouvrage avec des circonftanccs qui fervent à leséclaircir. J’y renvoyé donc leleâeurqui trouvera aifément à s’inftruirc par le moyen de la table, où tout eft rangé fuivant l’ordre alphabétique. terrafle
VoYACE DF LA L A C 0 H I F. 297 terraffe le géant Thurius , Tyndare combat contre Eurytus, Cartot & l’ollux enlèvent les filles de Leucippe, Bacchus tout jeune eft porté au Ciel par Mercure , Minerve introduit Hercule dans l'aflcmblée des dieux , il y eft reçu , & prend pofleflion du féjour des bienheureux 5 Pelée met fon fils Achille entre les mains de Chiron , qui en effet l'cleva & fut , diton , fon précepteur ; Céphalc eft enlevé par l’Aurore à caufc de fa beauté, les dieux honorent de leur prefcnce & de leurs bienfaits les noces d’Harmonic. Achille combat contre Memnon, Hercule châtie Diomede roi de Thrace , & tue de fâ main Nefliis auprès du fleuve Enénus , Mercure amène les trois déciles pour être jugées par le fils de Priam ; Adraftc & Tydée terminent la querelle d’Amphiaraüs avec Lycurgue fils de Pronax, Junon arrête fes regards fur Io, fille d’Inachus déjà métamorphofée en vache •> Minerve échappe à Vulcain qui la pourfuit ; Hercule combat l’hydre de la manière dont on le raconte , & dans un autre endroit il traîne âpre» lui le chien du dieu des enfers. Anaxias & Mnafinoüs parodient montez fur de fuperbes courtiers, Mégapenthe & Nicoftrate tous deux fils de Ménélas font fur le même cheval , Bellérophon abat à fes pieds le monftre [ 1 ] de Lycie 5 Hercule chafle devant lui les bœufs de Géryon. Sur le rebord d’en haut on voit les fils de Tyndare à cheval , l’un d’un côté, l’autre de l’autre > au-deflous ce font des Sphinx , & au-deflus des bêtes féroces ; un léopard vient attaquer Caftor , & une lionne veut fe jetter fur Pollux. Tout au haut Bathyclcs a repréfenté une troupe de Magnéfiens qui danfent & fè réjoüiffent ; ce font ceux qui lui avoient aidé à faire ce fuperbe trône. Le dedans n’eft pas moins travaillé , ni diverfifié 5 du côté droit où font les Tritons , le fanglier de Calydon eft pourfuivi par des chafleurs , Hercule tue les fils d’Aftor , Calais & Zétès défendent Phinée contre les Haroyes, Apollon & Diane percent Tityus de leurs flèches , Théfee & Pirithoüs enlèvent Helenc 5 Hercule étrangle un lion; le même Hercule mefure fes forces contre le Centaure Oréüs, Thelee combat le Minotaure. Au côté gauche c’eft encore Hercule qui lutte avec l’Achéloüs ; là vous voyez auflï ce que la fable nous apprend de Junon , qu’elle fut enchaînée par Vulcain ; plus [ 1 ] /> mon/lrc de Ljcu, autrement dit, U Chimère, qu’il combattit monté fur le cheval Pcgafc. lime k * Pp
2J>S PAVSANTAS, LtVRE III. loin c’eft Acaftc qui célébré des jeux funèbres en l’honneur de fon pere j enfuite vous trouvez tout ce qu'Homcre dans 1’0dyflce raconte de Ménélas & de Protée i'Egyptien. Dans un autre endroit Admette attelé à fon char un langlier & un lion, dans un autre enfin ce font les Troyens qui font des funérailles à Heâor. Le milieu du trône eft la place du dieu; à droite &à gauche il y a plufieurs fiéges un peu diftants les uns des autres, mais celui du milieu eft le plus fpacicux de tous ; c’cft-là qu'eft potée la ftatuè du dieu : je ne connois perfonne qui en ait encore marqué la hauteur ; autant que jen ai pu juger, elle eft au moins de trente coudées 5 ce n’cft point Bathyclès qui l’a faite , car c’eft une ftatuc d’un goût fort ancien & fans art , qui à la réferve du vifage , des mains & du bout des pieds eft toute feinblable à une colonne d'airain : elle a la tête dans un cafque , & tient dans fes mains une lance & un arc. La bafe de cetre ftatuë eft faite en forme d’autel, Sc la tradition du pays porte qu'Hyacinrhe y eft inhumé j de-là vient que durant les folennitez de la fcte Hyacinthia , avant que de facrifier à Apollon , l'on ouvre une petite porte d'airain qui eft au côté gauche de l'autel , & que l'on fait Tanniverfaire d'Hyacinthe avec les cérémonies accoutumées. Sur cette bafe eft repréfenté en relief d’un côté Neptune avec Amphitrite ; de l'autre la [ 1 ] Néréide Béris. Dans un autre endroit Jupiter & Mercure s'entretiennent enfemble : près d’eux eft Bacchus avec Sémclé qu’Ino accompagne » dans un autre vous voyez Cerès , Profcrpine & Pluton, & à leur fuite les Parques & les Heures. Venus , Minerve & Diane viennent enfuite, ces deefles portent au Ciel Hyacinthe & là feeur Polybœe qui mourut vierge, à ce que l’on dit ; au refte la ftatuë d'Hyacinthe le repréfente comme ayant déjà de la barbe au menton, qu’il en eut ou non : Nicias de Nicomédie dans un endroit, où il fait entendre qu’Apollon étoit amoureux d'Hyacinthe , parle de celui-ci comme d’un jeune homme d'une grande beauté. Sur le devant de l'autel vous [1] Z4» Neréide Btnt. Il y a dans le Néréide que Neptune difputa à Baerexte Birù ; comme ce nom eft incon- chus & qu'il époulà > ayant eu la prénu, on le croit mal copié. Kuhnius aime fcrcncc. mieux lire Béris ou Béroé; c'étoit uuc
VOTAOÏ DE LA LACOKII, voyez Hercule qui eft conduit» au Ciel par Minerve & par les autres dieux ; l’ouvrier a ménagé aufli une place pour les filles de Theftius, & n’a pas oublie les Mules , ni les Heures. Quant au Zéphir , & à la maniéré dont Apollon tua fi malheureufement Hyacinthe , & à la fleur en laquelle il le changa , peut-être cc que l’on en dit eft-il fort different de la vérité , mais on en peut croire ce que l’on voudra. Amyclc a été détruite par les Doriens , & ce n’cft plus aujourd'hui qu’un village. Un des plus beaux monumens qui y /oient reftez eft le temple d’Alexandra & fa ftatuë s les Amycjécns difent que cette Alexandra étoit la même perfonne que Caflandre fille de Priant ; on voit aufli dans cc temple le portrait de Clytcmncftrc & la ftatuë d’Agamemnon ,& l’on croit que ce prince avoit là fa fépulture. Les habitans du lieu honorent particuliérement Apollon furnommé Amycléüs , & Bachus à qui ils donnent le furnom de Pfilas, par uneraifon allez ingénieufe 5 car /y/.» en langage Dorien lignifie la pointe de l’aile d'un oifeau, or il femble que l’homme foie emporté & foutenu par une pointe de vin, comme unoifeati dans l’air par les ailes. Voila à peu près ce qu’il y a de plus curieux à Amycle. En fortant de la ville on trouve un chemin qui mene à Thcrapné j fur ce chemin vous verrez une ftatuë de Minerve Aléa , & avant que de paflêr l’Eurotas , vous découvrirez le temple de Jupiter furnommé le Riche, qui eft à quelque diftance du rivage. Quand vous aurez paffe la riviere , le premier temple que vous verrez eft celui d’Efculapc Cotyléüs 5 c’eft Hercule qui a bâti cc temple & qui l'a ainfi nommé , à caufe d’une bleffure à la cuifle dont il fut guéri, & qu’il avoit reçuë dans fon premier combat contre Hippocoon & fes enfans j car cetylé en Grccfignifie lacuiilè. Mais le plus ancien monument que l’on trouve fur cette route , c’eft un temple de Mars : on dit que la ftatuë du dieu qui eft fur la gauche a été apportée de Colchos par Caftor & Pollux , on la nomme Théritas du nom de Théro qui, fi on les en croit , fut la nourrice de Mars ; peut-être que Théri-
tas eft un mot du pays d’où l’on a apporté la ftatuë du dieu -, car les Grecs ne connoiflcnt point de Théro qui ait été nourrice de Mars. Pour moi je croirais que le furnom de Théritas a été donné à Mars , pour faire entendre qu'un guerr pij
JOO Pa u sa n ia s , Livr e III. ricr doit avoir l'air terrible [ i ] dans les combats ; c’cftpourquoi Homère a dit en parlant d’Achille,
Un lion en colere a les yeux moins terribles.' Thcrapné a pris fon nom d’une fille de Lelex. Ménclas y a un temple, & les habitans difent que lui & Hélène y font inhumez ; mais les Rhodiens ont une tradition bien différente ; car ils prétendent qu’Hclene après la mort de Mcnclas & durant l'abfcnce d’Orefte qui étoit encore errant , chaffce par Mégapenthe 8c par Nicoftrate alla chercher une retraite à Rhodes auprès de fon amie Polyxo ; que cette Polyxo ctoit d’une famille d’Argos, & qu’après avoir vécu plufieurs années avec fon mari Tlépolemc , elle l’avoit fuivi à Rhodes dans fon exil ; qu’alors elle régnoit fur les Rhodiens fous le nom de fon jeune fils dont elle étoit tutrice ; ils ajoutent que Polyxo voyant Hélene en fa puiffance avoit réfolude fe venger fur elle [z] de la mort de Tlépoleme, & que dans ce deflein un jour que la princeflè étoit allé laver à la riviere , elle y envoya lès femmes déguifées en Furies qui prirent Hélene , l’attachèrent à un arbre & l’étranglèrent ; & ce fait, dit-on , eft fi vrai , que pour expier le crime de Polyxo les Rhodiens bâtirent dans la fuite un rem. pie à cette princcffe fous le nom d’Hélene [3 ] Dendritis. Mais il faut auflî que [4] je rapporte un conte que font les Crotoniates fur Hélene, & le témoignage des Himéréens à ce fujet 5 car j’ai une connoiflànce particulière de l’un & de l’autre. Il y a fur le pont Euxin vers l’embouchure de l’Ifter une île conlacrée à [5] Achille , & qui a nom Leucé 5 cette ile
[ 1 ] L’air terrible dans les combat!. Ainli félon Pauûnias le furnom Théritas vient de , venatso, la t'iafle. [1] Defe vengerfur elle de la mort defon mari. Hélène avoit etc caufe de
fic là un conte, une fable, comme en effet ce qu’il rapporte cnfuitceftteL [f] Une île confacree a Achille erqi-i a nom Lence. Antonius Liberalis fur l'autorité de Nicander qu'il allègue , la guerre de Troye, & Polyxolui im- dit que Diane ayant fuppoic un veau putoit avec raifon la mort de fon ma- en la place d’Iphigénie .iorfqu’on croit ri , qui avoit péri devant Troye. fur le point de là facrifier en Aulide> (si Htien» Dendritis, c’eft Hélene elle la ttanfportadans la Tautiquc, & attachée à un arbre , du mot de-là en une île du pont Euxin nometrbor, arbre. mée Leucé , où elle lui accorda le don [4] Mais ilfaut auffi 11 eft de l’immortalité ; enfuite elle la maria bon de faire attention ici aux termes avec Achille, 8c lui donna le nom d’Ode l'auteur, afrora, a,yw{igni- rilochia. Tous les Géographes , coin-
VOTACE DELA LACONIE. JOt a quelques vingt ftades de circuit j elle eft toute couverte de forêts qui abondent en bêtes fauves & de toute cfpccc. Achille y a un temple & une ftatuif. On dit que Léonyme de Crotone eft le premier qui ait aborde en ce lieu. En effet la guerre s’etant allumée entre les Crotoniates & les Locricns d’Italie, ceux-ci à caufc de leur ancienne affinité avec les Opontiens invoquèrent Ajax fils d’Oïléc. Léonyme qui commandoit les Crotoniates attaqua les ennemis & donna d’abord fur un gros que l'on fiippofoit être commandé [ rj par Ajax ; mais il reçut une grande blcflure dans l’cftomac, ce qui l’obligea à fc retirer du combat. Dans la fuite comme fa playe lui faifoic beaucoup de douleur, il alla conlulter l’oracle de Delphes 5 la Pythie lui ordonna d’aller dans l’ilc Leucé, que là il trouveroit Ajax qui le guérirait ; il y alla en effet Se fut guéri. Les Crotoniates difent qu’à fon retour il affura qu’il avoit vû dans cetteîlc Achille , & non-feulement Ajax fils d’Oïléc, mais aufli Ajax fils de Tclamon, & avec eux Patrocle Se Antiloque t qu’Hclene ctoit mariée à Achille , êc que cette princcfle lui avoir recommande , qu’auflitôt qu’il feroit arrivé à Himera , il avertît Stcfichorc qu’il n’avoit perdu la vue que par un effet de fa colere & de fa vengeance j avis dontlepoëteprofitafibienque peu de temps apres il chanta la Palinodie. _____ Je vis à Thérapné la célébré fontaine Mafleïs ; cependant Ch a quelques Lacédémoniens prétendent que ce n’cft pas elle, •xx-
Se que la fontaine qu’ils appellent aujourd’hui Polydeuceceft la meme que celle qu’ils appelloientautrefois Mafleïs.Quoiqu’il en foit, la fontaine [ i ] Polydocéc eft à droite fur lo chemin qui conduit à Therapne , & il y a tout auprès un temple de Pollux. Un peu plus loin vous trouvez uneclpcce
me Strabon, Pline, Mêla &" autres ont fait mention de cette île Leucé , autrement dite yfchiüe'j. [ i ] Jfyu r»n fuppcfoit lire ctnimnndt par sljax. Cet endroit de Paufanias a etc nul entendu par Amafic & par Vigcnerc qui le cite dans fon commentaire fur Philoftratc .comme Mézitiac l'a remarque. Pour Icntcndrc il en faut tirer l'explication de Conon cité dans Phouus, 8c rapporte par Mézitiac en
ces termes, In Leenem, à tt«fe q«.A]«x tint de leur HAtion ,t9«tei lit fne tfu'ilr (emi/Ulfiem en lata-Me ranger, lia UiJ/iitKi «ne place dam InihaiaitItn, temnie «‘il j m été en perfwr.e. Le telle eft conté dans Photius, à peu près cpmmc dans Paufanias , il n’y ■ que quelques noms de changez. [z] Lafniame PahdKcr.oùla fontaine de Pollux appelle en Grec «•**■ Ppiij
joî Pa u sa n ia s , Liv r e III. de college pour la jeuncflc & un temple desDiofcurcs , où les jeunes gens font des fâcrifices au dieu Mars. Neptune a aufli un temple aux environs fous un nom [i ] qui donne à entendre que cc dieu eft le maître de la Terre. Si vous avancez enfuite du côté de Taïgete , vous rencontrerez un village nommé [i] .Alifies., pareeque c'eft làj dit-on, que My. les fils de Lélcx trouva le premier une meule , Sc qu'il cnieigna aux hommes la maniéré de s’en fervir pour moudre les fruits de la terre , propres à leur nourriture. Là vous verrez un monument héroïque érigé en l’honneur de Lacé. démon , fils de Taïgete. Quand on a pâlie la rivière de Phellia, on voit fur le chemin d’Amycle les ruines de Pliaris qui étoit autrefois une ville de la Laconie. Enfuite vous trouvez à droite un chemin qui vous mène à la montagne de Taïgete. Dans la plaine qui eft au bas , il y a un temple de Jupiter Meil'apce , ainfi dit, à cc que l’on prétend, du nom d’up de lès prêtres. En delccndanc de la montagne on voit un endroit où étoit anciennement la ville [ J ] de Bryfce -, un temple dcdic à Bachus eft tout ce qui en refte avec quelques ftatuës qui font expofées à l’air $ il n’y a que les femmes qui puiilènt voir l’intérieur du temple , elles feules ont le droit d’y facrifier , & elles gardenc un grand fecrctfur les cérémonies qu’elles y pratiquent. Au-deflus de Bryfée s’élève dur le fommet de la montagne un édifice nomme le Talet, & qui eft confacré au Soleil $ ces peuples facrifient à cette divinité plus d’une forte de viûimes , mais particuliérement des chevaux, ce qui eft auflï en ufage chez les Perfes. Près de là cible bois d’Enoras, où l’on trouve toute forte de bêtes fauves , fur-tout beaucoup de chcvres fauvages -, & en général le mont Taïgete fournit aux chaflêurs une quantité prodigieufe de chcvres, d’ours, de fanglicrs , de cerfs & de biches ; auflï tout cetcfpacequi eft entre le Talct&le bois d’Enoras efl-il ftomnirë par excellence T'Aéré, comme qui diroit, les chafies. Cette côte n’eft pas éloignée du temple de Ccrès
[ î ] Rnfee , c’eft peut-être Urnjler • [ i ] Sont un nam qui donne A emertdre , <j-r. Neptune étoit fiirnommé qu’il finit lire. Car Brafies étoit une vilr*’**a,«, Gaanchus, mot compose le des Elcvtliérolacons. Etienne de Byde >«/«, terre, lu Terre > & de , 6<- fance la cite nufli comme une villede , poflldeo , je follede. la Laconie, & nullement Brylêe. " fï } AtéfirS, dttmot«A/« > molo , je moud/.
Vo y a g e d e l a La c o n ie . 50$ Eleufinienne ; c’eft le furnom qu'ils lui donnent ; ils difent qu’Hcrculc demeura caché en ce lieu, pendant qu’Efculapc le guérifloit de (à blelTure. On y voit une ftatuë d’Orphée, & ils croycnt que c’cft un ouvrage des Pélafgiens ; du rcfte je fçai que les myftcres de Cerès ne fe célèbrent pas là de la meme maniéré qu’aillcurs. Du côté de la mer il y avoit autrefois une petite ville nommée Hclos , dont Homère fait mention dans le dénombrement des vaifleaux, lorfqu’il dit,
Les uns venus d’Amycle , & les autres d’Hélos.
Cette ville prit fon nom d’Hélius le plus jeune des enfans de Perfce qui étoit venu s’y établir. Quelque temps après les Doriens l’aflîégérent, s’en rendirent maîtres & firent cfclaves tous les habitans ; c’eft l'origine des [ 1 ] premiers efclaves appartenans à l’Etat, qu’il y ait eu à Lacédémone, & la raiion pourquoi ils fe font appeliez Hilotcs, comme ils l’étoient en effet. Dans la fuite tous les efclaves que firent les Doriens & que chacun s’appropria portèrent aufli le nom d’Hilotes, quoiqu’ils fuflcor pour la plupart MefTcniens , de la même maniéré que l’on appella Hcllcnts tous les Grecs , du nom d’Hcllas qui étoit alors une contrée de la Theflàlie. Il y a dans le bourg d’Hclos une ftatuë de Profêrpiue que l’on porte tous les ans à de certains jours dans le temple de Cerès Eleufinienne } ce temple n’cft qu’à quinze ftades deLapichéon, lieu ainfi appelle du nom d’un certain Lapithas , qui ctoit originaire du pays ; ce lieu fait partie du mont Taïgetc & n’eft pas loin de Dcrrhion , où l’on voit une ftatuë de Diane Derrhiatis , qui eft expofée à l’air. La fontaine Anonus eft forf proche. Après Dcrrhion vous trouvez un endroit que l’op appelle Harpie , & qui s’étend jufqu’à la plaine. Mais fi en fortant de Sparte vous prenez le chemin de l’Arcadie , vous rencontrerez d’abord en pleine campagne une ftatuë de Minerve Paréa } enfuite un temple d’Achille qu’il
n’eft pas permis de tenir ouvert j cependant tous les jeunes
[ 1 ] Cefl l'origine des premiers efclaves , dre. Voilà l'origine des Hilotcs bien marquée. Cet endroit répand beaucoup de clarté fur un point d’hiftoirc rapporté par l'auteur au ch. i1, de ce Livre-ci. Ces Hilotes étoient ain/î appeliez , patccqu’originairc-
ment ils étoient de la v illc d’Hclos ; ainfi on avtoir dû dire Hélotes » & non pas Hilotes > mais parccqu'ils étoient , priftnniers de guerre, ils turent nommez Hilotes, tant à cauie du nom d’Hclos , qu’à cause de leur état.
jo4 Pa u sa n ia s , Liv a e III. gens qui vont s’exercer au combat dans ce bois de platanes dont fai parle, ne manquent pas de taire auparavant leur facrificc à Achille, les Lacédémoniens difent que ce temple a etc bâti par Prax, arriéré petit-fils de Pergamus qui ctoit fils de Ncoptolemc. Plus loin vous verrez ce qu'ils appellent la fèpulture du cheval 5 c’eft un endroit ou l'on dit que Tvndarc ayant aftèmblc tous ceux qui recherchoient fa fille Hclenc en mariage , il immola un cheval en leur préfencc , & leur fit prêter ferment [ 1 ] fur la victime meme
déjà mife en pièces. Le ferment portoit que tous vengeroient Hclene & quiconque auroit l'avantage de l’epoufer,s’il arrivoit jamais que l’un ou l'autre fût outragé ; apres leur avoir impolc ccttc obligation il enterra les membres de la victime dans le lieu même. A deux pas de ce monument il y a fept colonnes qui ont été érigées, autant que j'en puis juger fuivant la religion de l'ancien temps, & qui à ce que l’on dit, repréfentent les fêpt planètes. Le long du chemin on voit un bois confacré à Cranius [1] Stcmmatius 5 au de-là c’eft le temple de Diane Myfiennc, & à trente ftades de la ville vous trouvez une ftatuë dç la Pudeur , qui a été pofee là par Icarius pour la raifon que je vais dire. Icarius ayant marié fa fille à JJlyflè voulut engager fon gendre à fixer fon domicile à Sparte, mais inutilement ; fruftré donc de cette efpérance il tourna fes efforts du coté de fâ fille ,1a conjura de ne le point abandonner, & au moment qu’il la vit partir pour Ithaque il redoubla fes inftances & fe mit à fuivre fon char. Ulyflc lafle enfin de ces importunitez dit à fa femme qu’elle fiouvoir opter entre fon pere & fon mari, & qu’il la la flôit a maîtrcflè ou de venir avec lui en Ithaque , ou de retourner à Sparte avec fon pere. On dit qu’alors Pénélope rougit & qu’elle ne répondit qu’en mettant un voile fur fon vifage. Icarius entendit ce que cela vouloir dire , & la laillà aller
avec ton mari ; mais touché de l'embarras où il avoit vù fa fille , fl confacra une ftatuë à la Pudeur dans l'endroit même où Pénélope avoit mis un voile fur fâ tête.
[il Surlt vi/lime mtmfcürc. Amafée self trompe ici en donnant au mot Grec une lignification qu'il n'a pas. { a ] Un hit tnfuré t Crniui. Paul-
mier croit qu'il faut lire Car»/»!, je crois qu'il a raifon, car on a vû plus haut que les Doriens honoroient fingulictcmcnt Apollon Carnéüs. A quelques
VûYACÏ DE
JOf
LA LACONIE.
A quelques vingt ftadesdc-là vous trouverez l’Eurotasqui ----------Î>aflè preique au bord du chemin i en y arrivant vous verrez * pe tombeau de Ladas qui fut l’homme le plus agile de Ion temps ; il mérita d’être couronne aux jeux Olympiques pour avoir double le ftade ; je crois qu’il tomba malade incontinent apres fa vidoire, Sc qu’il le ht porter en ce lieu, où étant mort il fut inhume fur le grand chemin. L’hiftoirc des Elccns dans le catalogue de ceux qui ont été couronnez à Olympie fait mention d’un autre Ladas , natif d’Egionen Achaïc , qui remporta aufli le prix aux jeux Olympiques , non de la longue courfc , mais Amplement «lu ftade. En avançant du côté de Pellane vous rencontrerez unepetitc place nommée Characomc , d’où il n’y a plus qu’un pas à Pellane } c’étoit autrefois une ville où l’on dit que Tyndare fe retira , lorfqu’il fortit de Sparte, charte par Hippocoon & par fes enfans. Ce que j’y ai vu de plus remarquable c’eft un temple d’Efculapc , une fontaine qui n’a point d’autre nom que la fontaine de Pellane ; on dit qu’une jeune fille s’y lairtâ tomber en puifant de l’eau, & que fon voile fut trouvé dans une autre fontaine qu’on nomme Lancée. Cent ftades plus loin eft un canton appellé [i] Belcmine $ c’eft un petit pays fort aquatique , il eft arrofé par l’Eurotas &par quantité defources. En defeendant à Gythion fur le bord de la mer on trouve un village appellé Crocée ,& dans ce village des carrières où le forment non des pierres détaillé , mais des cailloux tout femblables à ceux que l’on voit fur la grevé auprès des rivièresj ces cailloux font fort difficiles à tailler , mais s’ils étoient mis en œuvre, on pourroit s’en (èrvir à orner les niches des temples, & ils feraient aufli un fort bel effet dans des rclèrvoirs & dans des aquéducs. A l’entrée du village il y a une ftatuc de pierre qui repréfente Jupiter Crocéate, & auprès des carrières les Diofcures font en bronze. Au fortir de Crocée , en quittant le chemin de Gythion & en prenant à main droite on arrive à une bourgade qui a nom Egies ; on croit que c’eft la même qui dans Homère eft appellce Augée. Là il y a un étang dit l’étang de Neptune, & lur fa rive un temple du dieu & une ftatuë ; on n’ofe pêcher cet étang , parccque,dit-on, fionlepcchoit,onfcroit[i] métamorphofé
• [i] Beleiume ou Belemma. Ptolc- [1] On/mit M*Min*>ptyZL’autcur le mec dit Blemmine. nomme «><■•«, le fiebekt. Plutarque Tome I.
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jo6 P a us a n ia s, Liv r e III. en un certain poiflon. Gythée eft à quelques trente ftades d’Egies j c’eft une ville fur le bord de la. mer Sc qui eft habitée par ces [ i ] Elcuthérolacons que l’empereur Auguftc affranchît de la domination de Sparte. Tout le Peloponnefe eft baigne de la mer, à l’exception du feul côté où fe trouve l’ifthme de Corinthe ; mais les côtes maritimes de la Laconie ont le privilège de porter des coquillages qui font excellons pour teindre les étoffes en pourpre, Sc qui ne le cèdent qu’aux coquillages delà mer rouge. Les villes que les Elcuthérolacons occupent aujourd’hui font au nombre de dix-huit Japrenfiere eft Gythée que vous rencontrez en defeendant d’Egies vers la mer ; vous avez enfuite Teuthrone , Las & Pyrrique ; d’un autre côté vous trouvez prèsduTénareCénépolis,(Etilos, Leudres, Thalames, Alagonic , & Gérénie j fur le bord de la mer au de-là de Gythée vous avez Afope, Acries, Boée, Zarax, Epidaure, autrement nommée Limera, Brafics, Geronthre & Marios ; c’eft tout ce qui relie aux Elcuthérolacons , car autrefois ils avoient vingt-quatre villes. Quant à celles dont je vais parler , j’avertis que [i] bien-loin d’être fujettes à la domination de Sparte & de faire partie de l’Etat , comme d’autres dont j’ai parlé plus haut, elles font indépendantes , & fe gouvernent par leurs propres loix. Les Gythéates ne reconnoiflènt aucun mortel pour auteur de leur origine; ils difent qu’Hercule& Apollon fe difputcrent long-temps un trépied , & qu’ayant enfin terminé leur querelle ils bâtirent Gythée de concert & à frais communs ; c’eftpourquoi ces dieux ont leurs ftatucs au milieu du marché ; Bachus a aufli la fienne auprès d’eux, & dans un autre endroit on voit un Apollon Carnéiis. Les principaux temples de la ville font celui d’Ammon , & celui d’Efculape ; ce dernier n’a point de plat-fond 5 le dieu y eft
en parle dans fon traite de l’adrelTc des animaux. Au relie Kuhnius donne à cet endroit de Paufanias un fens force que je ne puis approuver. [t] Pur ces Eleuthérolecans. L’auteur parlera bicn-tôt de ces peuples ; leur nom feul marque qu’ils n’ctoicnt point fournis, comme les autres , à la domination de Sparte ; faivf •« , liber , libre.
[1] .Que bim-loin d'être ftjettes, &c. Il s’clt glilic ici dans le texte de
Paufanias une faute , d’où naît une abfurditc & une contradiction fi évidente > qu’il cil étonnant qu’aucun interprète ne l’ait encore remarquée. Cette faute cil dans le mot , lifez «v le fens devient clair> & Pauûnias ne tombe plus en contradiction.
Vo y a g e d e l a La co n ie . 307 repréfcnté en bronze. Auprès clt une fontaine dite la fontaine d’Efculape ; un peu plus loin vous trouvez un temple de Cercs, qui eft chez eux en grande vénération ; là Neptune a fa ftatuc, Sc l'infcription porte que c’eft Neptune le maître de la Terre. Les Gythéates révèrent encore une ancienne divinité dont ils parlent comme d’un vieillard , & qui a, difènt-ils , fon palais dans la mer ; je m’imagine que c’eft Nérée qu’ils veulent dire, & je le conjecture de ces paroles de Thctis aux nymphes dans Homère }
Pour vous, nymphes, rentrez dans vos grottes profondes ; Un vieillard fortuné vous attend fous les ondes, Allez revoir Nérée & briller à fa cour. Le temple de Cerès n’eft pas éloigné des portes de la ville , ils appellent ces portes Caftorides du nom des Diofcures. La citadelle n’a rien de confidcrable qu’un temple de Minerve & une ftatuë de la déeflè. A trois ftades de Gythée on voit une grofle pierre [1] toute brute ; on ditqu’Orefte s’y étant allis recouvra fon bon fens ,&à caufe de cela on a nommé cette roche en langue Dorique Jupiter [a] Cappautas. Vis-à-vis de Gythée eft File Cranac , où Homère ait que Paris apres avoir enlevé Hélène joüît de la conquête pour la première fois 5 c’eftpourquoi à l’oppofite del’île il y a fur le rivage un temple devenus [5] Migonitis, & tout le canton s’appelle Migonium. Si on les en croit, c’eft Paris lui-même qui a fait bâtir ce temple , 8c huit ans après la ruine de Troye Ménélas heureufement de
[ 1 ] Une greffe pierre toute brute > l’auteur dit àf/nxlïtt , & ce mot qui a plufieurs acceptions à fort embaraifé le célébré Méziriac , jufques-là que ce grand critique étoit tenté de lire > une pierre fort ancienne. Maisce changement n’eft pas néccifairc > 8c Méziriac a bien dit > en difant une pierre non polie, ni mtfe
> la pierre cTalle'genient & de repos.
Mais cette correction qui paroît d’abord fi heureufe eft inutile. Il fautfeulcmcnt lire ; du verbe X«w-~V. pour *<’T*™* , (effare fado > je fais ceffer. Cette pierre ctoit appcllée Jupiter Cappautas , parccqu’Orcftc s’y étant aflis, Jupiter le délivra de là phrénefie. [5] fenus Adigonitis ,ou quipréffde [i] Jupiter Cappautas. Ce furnom à la copulation. Ce furnom & le mot a donne la torture à tous les interprè- de Adigonium qui fuit , viennent de •mifeeo. tes , même à Méziriac. Sylburge au lieu de î<»« lifoit À«r nivrwQjl'j
308 Pa u san ia s , Liv r e III. retour chez lui, confacra près du temple de Venus deux ftatucs , l’une à Thétis, l’autre à la [i] décflè Praxidica. La plaine de Migonium eft dominée par une hauteur que l’on nomme le mont Laryfius , &c qui elt confacrée à Bachus , en l’honneur de qui chaque année on célébré une fête au commencement du printemps } on raconte plufieurs merveilles de cette fête , mais entr’autres celle-ci, que l’on y voie toujours une grape de raifin mûr. A la gauche de Gythée en avançant quelques trente ftades dans les terres vous trouverez les murs de Trinafe ; je crois que c’étoit autrefois non une ville, mais un château qui avoit pris fon nom de trois petites îles qui font de ce côtc-là près du rivage. Environ quatre-vingt ftades plus loin vous voyez les ruines de la ville d’Hélos , fie trente ftades au de là c’eft Acries ville fituée fur le bord de la mer 5 on y voit un. fort beau temple de la mere des Dieux , & une ftatuc de marbre qui de tous les monu. mens confierez à cette décile eft vanté comme le plus ancien qui foit dans tout le Peloponnefè ; car les Magnéfiens qui font au Nord du mont Sipyle ont chez eux fur la roche Coddine une ftatuc de la même déeflè , qui eft conftamment la plus ancienne de toutes ; aufli dit-on que c’eft Brotée fils de Tantale qui l’a faite. Les habitans d’Acries font gloire encore aujourd’hui d’avoir eu un de leurs citoyens nommé Nicoclès qui [ i ] remporta deux fois le prix du fimple ftade aux jeux Olympiques, & cinq fois le prix du ftade doublé. Ils lui ont érigé un monument entre le lieu d’exercice & le
port. Géronthre eft à fix-vingt ftades de la mer au-deflùs d’Acries ; c’étoit une ville fort peuplée avant l’arrivée des Héraclides dans le Peloponnefè; elle fut détruite par les Doriens qui s’étoient rendus maîtres de Lacédémone ; ces peuples chaflcrent de Géronthre les anciens habitans , & y envoyèrent une colonie pour la repeupler ; aujourd’hui elle obéit aux Eleuthérelacons. Sur le chemin qui mène d’Acries à Géronthre on trouve un lieu,nommé le vieux village. Quant à Gé-
[i]// /a déeffe Pntxidica. Dansxm qui confomme Pauvre. autre endroit l’auteur parlera des [1] Pk i remporta deux foi'. Le déclics appcllccs Pnxidicei. Ce mot texte paroît ici un peu altère. Kuhvicntdc */«•»» prie. La déclic Pm - nius le corrige,& je m’y fuis conformé. xtdtca eft comme qui diroit, la de'effe
Vo y a g e Dr. l a Lac on ie . J09 ronthre on y voit un temple de Mars, accompagne d’un bois facré j tous les ans on y facrifie au dieu , mais il n’eft pas permis aux femmes d’alliftcr i ces facrificcs. La grande place eft environnée de fontaines d’eau douce ; dans la citadelle il y a un temple d’Apollon 5 le dieu y avoit fa ftatuë, mais il n’en refte plus que la tête qui eft d’yvoire , les autres parties ayant étc brulccs avec l’ancien temple. Marios autre ville des Eleurhérolacons eft éloignée de Géronthre d’environ cent ftades ; ce 3uej’y ai vu de plus remarquable , c’eft un vieux temple dcié à tous les dieux, & auprès un bois où l’eau ferpente de tous cotez. On trouve des fontaines jufqucs dans le temple de Diane, Sc je ne connois guère d’endroit où l’eau vienne en aufli grande abondance que dans cctrc petite ville. Au-deflùs de Marios on rencontre au milieu des terres un village que l’on appelle Glyppia. De Géronthre à un autre village appellé Sélinunte il peut y avoir quelques vingt ftades. Du cote de la terre ferme en montant au-deflus d’Acries on trouve les villages que j’ai dit ; mais fl l’on côtoyé le [ 1 ] rivage , i fdïxante ftades d’Acries on trouvera la ville d’Afope ; vous y verrez un temple dédié aux Empereurs de Rome , & douze ftades au dc-là de la ville un temple d’EfcuIape ; les habitans appellent ce dieu [a] Philolaüs ; dans le lieu d’exercice on vous montrera des oflèmens de corps humain , qui font d’une grandeur prodigieufe. Au haut de la citadelle il y a un temple de Minerve dire Cypariflîa, & au bas on voit les ruines d'une ville qui fe nommoit la ville des Achécns ParacyparifTiens. A cinquante ftades d’Afope on voit encore un temple d’EfcuIape dans un petit canton nommé l’Hypertéléate , & à deux,, cent ftades de la même ville eft un promontoire qui avance beaucoup dans la>mer, & que l’on appelle [3] L* mâchoire d'.me. Minerve y a un temple , mais qui n’a plus ni toit, ni ftatuë ; on croit que c’cft Agamcmnon qui l’a bâti. On y voit aufli le tombeau de Cinadus qui étoit le maître Pilote du vaiflèau de Ménélas.
Sous ce promontoire eft la baye de Boée , & â l’une des pointes de cette baye la ville même de Boée ; on dit qu’elle
[1] fi l'on côtoyé le nvn^e , bomniei , Efculape ne pouvoir avoir &<■ La vcrfion Latine d’Amalcc rend un furnom plus glorieux. fon mal cet endroit. [5] Lo iiuchoire iTine , apparcm[*] Pbildniit, bon & folntnire eux ment à caufe de fa figure. Q;|iij
3T0 P A US ANI AS, Ll V R. E III. a été bâtie par Bocus, l’un des fils d’Hcrcule, peuplée par une colonie qu'il y envoya , Se qu’il avoit tirée d’Etie , d’Aphrodific, & de Sida, trois anciennes villes, dont les deux premières ont eu pour fondateur Enée, que la tempête obliSea de relâchera cette baye , lorfqu’il vouloir aborder en Itae5 il donna mêmeà l’une de ces villes le nom de fa fille Etia;
Cl|AP XXIII.
pour la troifiéme , elle fut appellée Sida du nom d’une des filles de Danaüs. Les habitans qui étoient fortis de ces villes, & que l’on envoyoit chercher fortune ailleurs confultércnt l’oracle pour fçavoir où ils s’établiroient ; ils eurent pour rcponfe que Diane le leur montreroit. En effet lorfqu’ils eurent pris terre ils apperçurent un lièvre,ils le fuivirent des yeux, & ayant remarqué qu’il fc blottiflbit fous un myrrhe, ils bâtirent une ville au même lieu. Depuis ce temps-là le myrthe eft pour eux un arbre facré, & ils honorent Diane comme leur divinité tutélaire. Dans le marché de Boée il y a un temf»le d’Apollon, & dans un autre quartier un temple d’Efcuape. A fept ou huit ftades de la ville on voit les ruines d’un temple de Scrapis Sc d’Ifis } fur le chemin à gauche on trouve une ftatuc de marbre qui repréfente Mercure , & parmi des mafures on découvre un temple d’Efculape & de la deeffe Hygéia. Vis-à-vis de Boée eft la ville de Cythere ; c’eft une île de ce côté-là eft fort proche du Continent, & à la hauteur d’un promontoire appellé le Platanifte, qui par mer n’eft éloigné que de quarante ftades du promontoire dont j’ai parlé & qu’ils nomment mâchoire d’âne. La rade de Cythere fe nomme Scandée & de cette rade à la ville il n’y a guère que dix ftades. On voie à Cythere un temple deVenus Uranie
qui pafle pour le plus ancien & le plus célébré de tous les temples que Venus ait dans la Greçe; la ftatuc de la deefle la repréfente armée. Si vous allez par mer de Boée au capMalée vous verrez fur la côte l’étang de Nymbée, ainfi le nomme-t-on ; auprès eft un Neptune tout droit fur fes pieds, & au bord de la mer on vous fera remarquer un anrrfoùil y a une fontaine d’eau douce ; ce lieu eft très-fréquenté. Cent ftades au-deflus de Malée vous trouvez fur les confins des Bocates un lieu qui eft confacré à Apollon & qu’ils nomment Epidelium} ce nom vient de ce que la ftatuc qui s’y voie eft la même que celle qui ctoit autrefois à Délos 5 voici par quelle
5T0 P A US A NI AS, Lï V R E III. a etc bâtie par Bœus, l'un des fils d’Hercule , fie peuplée par une colonie qu'il y envoya , fie qu’il avoit tirée d’Etic , d’Aphrodific, 8c de Sida, trois anciennes villes , dont les deux premières ont eu pour fondateur Encc, que la tempête obligea de relâcher A cette baye , lorfqu’il vouloir aborder en Italie j il donna mêmeà l'une de ces villes le nom de fa fille Etia; pour la troifiéme , elle fut appellée Sida du nom d'une des filles de Danaüs. Les habitans qui étoient fortis de ces villes, 8c que l'on envoyoit chercher fortune ailleurs confultércnt l’oracle pour fçavoir où ils s’établiroienr ; ils curent pour rcponfe que Diane le leur montrerait. En effet lorfqu’ils eurent pris terre ils apperçurent un lièvre, ils le fui virent des yeux, & ayant remarqué qu'il fe blottiflbit fous un myrrhe, ils bâtirent une ville au même lieu. Depuis ce temps-là le myrrhe eft pour eux un arbre facré , 8c ils honorent Diane comme leur divinité tutélaire. Dans le marché de Boce il y a un temF'ie d’Apollon,fie dans un autre quartier un temple d’Efcuape. A lept ou huit ftades de la ville on voit les ruines d’un temple de Scrapis fie d’Ifis-, fur le chemin à gauche on trouve une ftatuë de marbre qui repréfente Mercure , 8c parmi des mafures on découvre un temple d’Efculape fie de la déeflè Hygéia. Cha" Vis-à-vis de Boce eft la ville de Cythere ; c’eft une île XXIII. ce côté-là eft fort proche du Continent, fie à la hauteur d'un promontoire appellé le Platanifte, qui par mer n’eft éloigné que de quarante ftades du promontoire dont j’ai parlé fie qu’ils nomment mâchoire d’âne. La rade de Cythere fè nomme Scandée fie de cette rade à la ville il n’y a guère que dix ftades. On voit à Cythere un temple deVenus Uranie qui pafle pour le plus ancien fie le plus célébré de tous les temples que Venus ait dans la Grèce ; la ftatuë de la déeflè la rcprélènte armée. Si vous allez par mer de Boce au cap Malée vous verrez fur la côte l’étang de Nymbée, ainfi le nomme-t-on 5 auprès eft un Neptune tout droit fur fes pieds , 8c au bord de la mer on vous fera remarquer un antre où il y a une fontaine d’eau douce ; ce lieu eft crcs-frcquentc. Cent ftades au-deflus de Malce vous trouvez fur les confins des Borates un lieu qui eft confacré à Apollon fie qu’ils nomment Epidclium ; cc nom vient de cc que la ftatuë qui s’y voit eft la même que celle qui ctoit autrefois à Délos } voici par quelle
Vo y a g e d e l a La c o n ie . 3it avanturc. Dans le temps que Délos étoit la ville la plus marchande déroute la Grece 8c que le culte d’Apollon lembloit la mettre À couvert de tout infulte , Menophane un des Généraux de Mithridatc, foit de (on propre mouvement, foit par ordre de fon maître , car tout homme qui cft poflêdé de l’amour des richcflcs compte la religion pour rien ; Ménophane, dis-je, s’avifa de venir invertir Délos avec là flotte , & l’ayant trouvée fans fortifications, ni murailles, & les habitans fans armes il n’eut pas de peine à s’en rendre maître ; il paflâ au fil de l’épée tout ce qu’il y avoit d’hommes capables de réfifter, étrangers & citoyens, s’empara de leurs effets, pilla le temple , rafa la ville & fit vendre les femmes & les enfans comme autant d’efclaves. Durant le fac de la ville un barbare eut l’impieté d’enlever la ftatuc du dieu , & la jetta dans la mer ; le flot l’ayant portée jufques vers les confins des Boéates , les gens du pays la prirent, fe l’approprièrent , & en mémoire de cet événement le lieu où ils la dépoférent fut nommé Epidélium. Mais ni Menophane , ni Mithridatc lui-même ne purent échapper à la vengeance du dieu } car
apres cette expédition Ménophanc étant déjà en pleine mer, des négocians qui s’étoient lauvez du maflàcre trouvèrent le moyen de joindre fon vaifleau , d’entrer fur fon bord & de le tuer. Pour Mithridatc , la colcre d’Apollon le pourfuivit jufqu’à l’obliger détourner les mains contre lui-même, après avoir perdu les Etats 8c s’être vû chafle de ville en ville par les Romains. D’autres difent qu’il demanda en grâce à un de ces foldats mercenaires qu’il avoit dans fes troupes de lui palier Ion épée au travers du corps ; quoiqu’il en foit, l’impieté de l’un & de l’autre ne demeura pas impunie. Sur la frontière des Boéates à quelques deux cent ftades d’Epidélium on trouve la ville d’Epidaure, autrement appellée Liméra. Les habitans fe difent une colonie non de Lacédémoniens , mais de ces Epidauriens du pays d’Argos, & ils racontent que des Députez envoyez par ces peuples vers Efculape dans l’île de Cos, ayant aborde en cette contrée de la Laconie avoient été avertis en fonge de s’y établir ; que même un ferpent qu’ils menoient avec eux fortit du vaifleau &
alla fe cacher dans une caverne fur le bord de la mer ; prodige qui joint aux apparitions qu’ils avoient eues en fonge
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3ît P AU $ A N I A S , L I V R E III. les détermina à bâtir là une ville à laquelle ils donnèrent auflï le nom d’Epidaure ; & à l’endroit où le ferpent fe cacha, ils élevèrent à Efculape deux autels, qui font aujourd'hui couverts d’oliviers fauvages que la terre a produits a l’entour. Deux ftades plus loin fur la droite vous verrez cc qu’ils appellent le marais d’ino ; c’eft un marais de peu d’ctenduc , mais fort profond. Tous les ans à la fête d’ino ils jettent dans ce marais des morceaux de pâte ; fi cette pâte va au fond, ils en tirent un bon augure, & un mauvais (i elle revient fur l’eau. On dit que les bouches du mont Etna donnent lieu à de femblables pronoftiques. Les gens des environs y jettent
de petites figures d'or Sc d’argent, quelques-uns meme route forte de victimes; fi le tourbillon de flammes les engloutit, c’eft pour eux un heureux prefage ; au contraire s’il les rejette , ilsfecroyent menacez de quelque malheur. Sur le chemin 3ui conduit de Boce à Epidaure Sc dans le territoire même es Epidauricns , vous trouvez un temple de Diane furnomméc Limnatis ; la ville d’Epidaure eft bâtie fur une hauteur & fort peu éloignée de la mer. Tout ce que j’y ai vu de beau c’eft un temple deVcnus, un temple d’Efculape où le dieu eft en marbre & debout, & dans la citadelle un temple de Minerve. Vers le port il y a un temple de Jupiter Sauveur, & au bas de la ville un promontoire qui avance dans la mer & qu’ils nomment Minoa. Le baflin auquel il fert d’abri n’a rien de particulier & n’eft pas different des autres qui fe voyent le long des côtes de la Laconie ; j’ai feulement remarqué que le rivage de cette rade ctoit plein de petits cailloux d’une beauté finguliere foit pour la figure , foie pour les couleurs. D’Epidaure à Zarax on compte environ cent ftades -, cette ville a un port très-commode ; mais de toutes les villes des Eleuthérolacons c’eft celle qui a été expofee aux plus grands malheurs , car elle fut autrefois détruite par Cléonyme fils de Clcomene & petit-fils d’Agcfipolis ; j’ai parlé ailleurs de Cléonyme. Il n’y a rien de remarquable à Zarax , on voit feulement à l’extrémité du port un temple d’Apollon,où le dieu eft reprefenté tenant une lyre. Si vous côtoyez le rivage l’efpace de fix ftades Sc qu’enfuite vous remontiez vers la terre ferme, vous n’aurez pas fait dix ftades , que vous ap-
perccvrcz
Vo y a g e d e la La c o n ie . 515 percevrez les ruines du port de Cyphante, & parmi ces-ruincs un temple [ 1 ] d’Efculape , où le dieu eft en marbre. Là fe voit aufli une fource d'eau froide qui fort d'un rocher ; on dit qu’Atalante revenant de la chaflê & le trouvant fort altérée frappa ce rocher de ion javelot 8c en fit jaillir cette fource. Brafies eft la dernière ville des Elcuthérolacons fur ccttc côte; de Cyphante à Brafies il peut y avoir quelques deux cent ftades par mer. Les habitans de cette ville ont une tradition qui eft contredite par tous les autres Grecs ; ils difent que Sémclé ayant eu Bachus de Jupiter, & que Cadmus s’en étant apper^u , elle fut enfermée dans un coffre elle & fon fruit , qu'enluite ce (offre fut abandonné à la merci des flots qui le portèrent jufques chez les Bradâtes ; que ces peuples ayant 'trouvé Sémelé morte lui firent de magnifiques funérailles & prirent foin de l’éducation de fon fils j que pour cette raifon leur ville qui jufques-là s’étoit appellée Oréate, changea fon nom en celui de Brafies, à caufe de l’avànturc du coffre , & parceque pour dire qu’une chofe a été apportée par le flot, on fe fervoit d’un mot Grec [1] qui a quelque rapport au nom de Brafies ; 8c pour dire le vrai ce mot Grec eft encore en ufâge aujourd’hui dans cette lignification. Mais les Bradâtes ne s’en tiennent pas là ; ils aflurent qu’Ino qui ctoit errante vint chez eux & qu’elle voulut être la nourrice de Bachus, ils montrent encore un antre où ils prétendent qu'elle l'allaitoit, & ils nomment la plaine d’alentour le jardin de Bachus. On voit à Brafies deux temples , l’un confacré à Achille , l’autre à Efculape , & tous les ans ils célèbrent une fête en l’honneur d’Achille. Au bas de la ville eft un promontoire qui s’étend jufqu’à la mer par une pente fort douce ; fur ce promontoire vous trouvez de petites figures de bronze , de la hauteur d’un pied, & qui ont une efpcce de chapeau fur la tête ; je ne fçai pas bien fi ce font les Diofcures ou les Corybantes que l’on a voulu reprefenter ; fhais ces ftatucs font au nombre de trois, êc il y en a une quatrième qui eft Minerve. Sur la droite du chemin qui mène à Gythion vous verrez [i]Uu temple ÏEfcKUpe. Le texte «lit un temple nommé Stetrum. Il y a bien de l'apparence que ce mot eft cotrompu. Torne I.
[1 ] D'un mit Grec. Ce mot eft tjeütri , être peufle pur lesflots de h mer.
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u sa n ia s
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i v a e III.
la ville de Las à dix Itadcs de la mer, & à quarante de Gythion même. Cette ville cft aujourd’hui fitucc entre trois montagnes, le mont Ilion, le mont [i] Afia , 8c le mont Knacadius. Anciennement elle ctoit bâtie fur le fommet du mont Alla -, on voit encore à prefent les ruines de l’ancienne ville , & devant les murs une ftatuë d’Herculc avec un trophée érigé à l'occafion de la défaite des Macédoniens j c’étoit une partie des troupes de Philippe , lorfqu’il fit une irruption dans la Laconie -, ces Macédoniens s’étanc détachez du gros de l'armée ravageoient toute la côte maritime,mais ils furent enveloppez & taillez en pièces. Au milieu des ruines de l’ancienne ville on voit un temple de .Minerve furnommée Afia ; ils difent que ce furent Caftor & Pollux qui le bâtirent en action de grâces de ce qu’ils étoient heurcufement revenus de leur expédition de la Colchide, Sc ifc ajoutent qu’il y avoit à Colchos même un temple de Minerve Afia. Pour moi je fçai fort bien que les fils de Tyndare s’embarquèrent avec Jalon pour Colchos} mais que Minerve Afia fut honorée dans la Colchidc , j’ai peine à le croire & je ne le rapporte que fur la foi des Lacédémoniens. Auprès de la ville neuve il y a une fontaine qu’ils appellent [i] la fontaine Knaco à caufe de la couleur de fon eau $ à deux pas de-là eft un lieu d’exercice où l’on voit une ftatuë de Mercure fort ancienne. Sur le mont Ilion vous trouverez un temple de Bachus , & tout au haut un temple d'Efculape j & fur le mont Knacadius un temple dédié à Apollon Carnéüs. A trente ftades de-là ou environ l’on rencontre un bourg de la dépendance de Sparte, nommé Hypfos ; on y voit deux temples, l’un d'Efculape, l’autre de Diane Daphnéa; ducôté de la mer fur un promontoire fort élevé il y a un temple de Diane [3] furnommée Dictynnaen l’honneur de laquelle il fe célébré un jour de fête tous les ans. A gauche de ce promontoire le fleuve Sménus va tomber dans la mer, & je
[ 1 } Le ment Afin. Le texte dit le Jîcolor, cette fontaine ctoit ainfi apment Anu > mais la fuite donne à con- police, à caufe de la couleur de fon eau. noître qu’il faut lire, ///ù , avec Paul- Sylburgc lifoitauflî Kiucc. Hiict. [5] 1 )e Dune Dùhnnn. Il en a dc[ 1 ] Le fenuine KnecoAl y a dans jacté parle .voyez lcchap. jodcsCo-
le texte Je lis avec Caméra- rinthiaques. nus Ktuce ,dumot*»«..r>fmu ,vet-
Vo y a c î d e l a La c o n ie . 3iy ne connois point de Hcuvc dont les eauxfoient plus douces, ni meilleures à boire } il a fafourcc dans la montagne deTaïgctc , & pâlie à cinq Rades de la ville. Au bourg d’Arainc on vous montrera la fcpulture de Las, il eft reprefente fur Ion tombeau ; les habitans du lieu difent que ce fut lui qui bâtit la ville qui porte ce nom , Ce qu’enfuite il fut tue par Achille j car fi on les en croie , Achille étoit venu dans ce pays pour demander Hclene en mariage. Mais à dire le vrai, je crois que ce fut plutôt Patroclc qui tua Las } car Patrocle ctoit un de ceux qui rccherchoient Hclene en mariage. Quant à Achille il ne fut jamais de ce nombre -, le catalogue des femmes illuftres n’en fait aucune mention, & fi l’on n’cft pas content de cette forte de preuve , du moins faut-il fè rendre à l’autorité d’Homére qui dit au commencement de l’Iliade qu’Achille étoit venu au fiége de Troye [i] par pure confédération pour les Atrides, & fans être engage par aucun ferment envers Tyndare. Le meme pocte au livre vingttroifiéme de l'Iliade fait direà Antiloque qu’Ulyflê ctoitplus vieux que lui d’une [i] génération , & Ulyflè lui-même racontant à Alcinoiis ce qu’il a vû aux enfers , dit qu’il avoir etc fur-tout curieux d’y voir Pirithoüs & Thefee qui croient d’un âge fuperieur au ficn. D’ailleurs nousfçavons que Thefee enleva Hclene -, il n’cft donc [3] pas poffible qu’Achille ait recherche cette princefle en mariage , les temps nequadrent pas. Un peu plus loin que ce monument vous verrez une rivière Ch a p . qui fe décharge dans la mer ; cette rivière qui autrefois n’aXXV. voit point de nom fut appelle Scyras, depuis que Pyrrhus fils d’Achille y aborda avec fes vaiifeaux après s’être em-
[ i] Par pure Confidératian pour les 'Arides. Voilà une particularité à la-
quelle on ne fait pas allez d'attention, & qui exeufe beaucoup cette opiniâtre colore d'Achille , fi fatale aux Grecs. On regarde ordinairement Achille comme un prince de fobéiflânt & rebelle à Aganicmnon, & fur ce fondement on condamne Homère de lui avoic donné ce caraftére. Mais puifqu’AchtUe n'étoit pas obligé de combattre fous les enfeignes d’Agamemnon , celui-ci devoit au moins le ménager
& ne fe pas brouiller avec lui. [a] D’une génération. C’eft-à-dire de 15 à 50 ans. [ i ] il nefi doue pas poffible , L’auteur eft un peu obfcur en cet endroit , pareequ’il eft trop ferré. Il veut dire qu’étant certain que Thefèe avoit enlevé Hélène , on peut conclure de-là qu’Hélene étoit beaucoup pkis vieille qu’Achille , ÿc que par conféquent Achille n’a pu être de ceux qui la rechcrchoicnt en mariage.
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P A U S A N I A S , L I V R. E III.
barque à Scyros pour venir époulèr Hermione. Au dc-là de cette rivière eft un vieux temple 8c à quelque diftance du temple un autel de Jupiter. En remontant vers la terre ferme à quarante ftades de l’embouchure de Scyras on trouve la ville de Pyrrhique , qui a pris fon nom ou de Pyrrhus fils d'Achille, ou de Pyrrhichus l’un des Curetés. D’autres difent que Silène quitta Malée pour venir demeurer en cette ville; à la vérité Pindare témoigne [i] dans une de fes odes que Silene avoit été élevé à Malée ; mais qu’il fe foit jamais appellé Pyrrhichus , c’eft ce que l’on ne trouvera point dans Pindare , il n’y a que les habitans de Malée qui Payent rêvé. Quoiqu’il en foit , dans le marché de Pyrrhique il y a un puits dont les habitans croyent être redevables au Silene ; fi ce puits venoit à tarir, ils manqueraient entièrement d’eau. Les Pyrrhiquiens ont chez eux un temple de Diane Aftratée , nom qui a été donné à la déeflê , pareeque fuivant la tradition du pays l’armée des Amazones demeura en deçà de ce lieu & n’avança pas plus loin ; Apollon a auflï un temple fous le nom d’Amafonius & par la même raifon ■ les ftatuës de ces deux divinitez font de bois , & l’on croit qu’elles furent confacrées par ces femmes qui étoient venues des rives du Thermodon. Si vous defeendez de Pyrrhique vers la mer, vous trouverez fur votre chemin Teuthrone , ville qui a été bâtie , à ce que difènt les habitans , parTeuthras Athénien 5ces peuples honorent particuliérement Diane Ifloria -, la fontaine Naïa eft tout cc que j’ai vû de curiepxdans leur ville. A cent cinquante ftades de Teuthrone vous avez le promontoire de Ténare qui avance confidérablement dans la mer, Sc fous lequel il y a deux ports , l’un nommé Achillée, l’autre Pfamathus ; fur ce promontoire eft un temple de Neptune en forme de grotte , Sc à l’entrée une ftatuc du dieu. Quelques poctes Grecs ont imaginé que c’étoit par là qu’Hercule avoit emmené le chien de Pluton ; mais outre que dans
[ i ] Pindare lémoitne dans une defes tdesi&c. Paufanias cite le paflâge de ccttc ode & en voici le fens. Silene ce danfeur incomparable qu'un citoyen de Malée, heureux e'poux de la belle Nais a eu le bonheur de nourrir , &c. Mais
dans ce pa/lâgc cité par Paufanias il s’eft glilR une fuite de copiftc, au mot Ma. il faut lire ettoieu de Malée. C’eft à Camcratius que l'on doit ccttc corrciftion.
VoYACE DE LA LACONIE. JI7 cette grotte il n'y a aucun foutcrrain ,il n’eft pasvrai-fcmblablc qu'un dieu tienne fon empire fous terre , ni que nos âmes [ i ] s'attroupent là après notre mort. Hécatéc de Milet a eu une idee allez raisonnable , quand il a dit que cet endroit du Ténarc fervoit de repaire à un ferpent effroyable , que l'on appelait le chien des enfers, pareeque quiconque en ctoit piJiué mouroit auflî-tot , & il prétend qu’Hercule amena ce erpent à Euryfthéc. Homcre qui le premier a parle du chien des enfers qu'Hercule traîna après lui , ne le diftingue par aucun nom propre , ni ne le dépeint, bien qu’il dépeigne f a ] la Chimère ; mais ceux qui font venus après lui ont appellé ce chien Cerbere : ils lui ont donné trois têtes , & en ont fait un gros dogue , quoiqu’Homére par le chien des enfers ait auflî-bien pu entendre un dragon , qu’un animal domeftique. Pour revenir à mon fujet on voit au promontoire de Ténare plufieurs monumens antiques, entr’autres Arion joüant de la lyre & aflïs fur un dauphin. Hérodote dans fon hiftoirc des Lydiens a rapporte ce qu’il avoic appris d’Arion & de ce dauphin ; pour moi je parlerai ici comme témoin oculaire ; j’ai vù à Porofelene [j] un dauphin qui avoit été bielle par des pêcheurs, Si dont un jeune enfant avoic pris foin t ce dauphin pour prix de fa guérifon obeifloit à cet enfant, venoit à lui quand il l’appelloit & le portoit for fon dos par-tout où il vouloir. Vous verrez aufli au Ténare une fontaine qui véritablement n’a rien de furprenant aujourd’hui, mais dont on racontoit autrefois des merveilles ; car fi l’on en croit les gens du lieu , ceux qui regardoient dedans , y voyoient des ports & des vaiflêaux ; ils difent qu’elle a celle de préfenter ces objets, depuis qu’une femme y a lavé des habits qui étoient fouillez. Du promontoire de Ténare à Cénépolis il y a environ quarante ftadés de navigation ; anciennement cette ville s’appelloit Ténare ; on y trouve un temple de Cerès, & fur le bord de la mer un temple de Venus où la deeflè eft debout & en marbre. Trente ftades plus loin c’eft un lieu appellé [4]
[1] iVi que nei nmei j’arwupenr. J’ai conlcrvé h force de l'cxprcllion grecque ,«< 4vx«r. [x] Bien qui! dépeigne lt ebimere. Amaféc Ait entendre tout le contraire, fa verfion eft donc Autivc ici comme en une infinité d’autres endroits. La chimère eft dépeinte pu Homère au livre de l'Iliade.
fj] A Ptnfelene. Cctoit une ville prèsdcLclbos. Elle s’appelloit proprement Perdcfelene, mais comme ce mot renferme une grolficrcté , quelques auteurs ont mieux aime dire Penfelenei c’eft ce que nous apprenons de Strabon & d’Etienne de Byûnce. [4] Afpelle Tbindèi, de Wpjtuuu, R r iij
31S Pa u san ia s , Liv r e III. Thyridès, & qui eft tout au haut de la côte ; près de-là font les ruines de la ville Hippola, au milieu defqucllcs fubfifte encore une chapelle de Minerve Hippolaitis. A une très, petite diftancc on trouve la ville 8c le port de Mcflâjduport a la ville d’Œtileje compte cent cinquante ftades; le héros qui a donné Ion nom à cette ville étoit Argicn denaiflance, nls d’Amphianax & petit-fils d’Antimaque ; cc que j’ai vû dans cette ville de plus digne de curiofitc , c’eft un temple de Sérapis, 8c une ftatuc d'Apollon Carnéüsdans la place. ~ 7 D’Œtyle à Thalama il y a quelques quatre-vingt ftades$ XXVI. ^ur Ie chemin on voit un temple d’Ino célébré par les oracles qui s’y rendent ; car ceux qui s’endorment dans ce temple reçoivent des lumières fur les choies qui leur doivent arriver , 8c la déclic par le moyen des fonges leur apprend ce 3u’ils ont envie de fçavoir. Devant le portail je remarquai euxftatucs de bronze,l’une de Pafiphaé [ i], l’autre du Soleil. Il y en a une troifiéme dans le temple meme , mais elle eft fi chargée de couronnes 8c d’ornemens , qu’on ne la feauroit bien diftingucr ; on la dit de bronze ; une fontaine donne à ce lieu de très-bonne eau en abondance, cette fontaine eft confacrée à la lune 8c en porte même le nom. Pafiphac eft à l’egard des habitans un génie étranger. Vingt ftades au de-là de Thalama vous trouvez Péphnos qui eft une ville maritime , fort peu diftante d’une île qui n’eft pas plus grande qu’un gros rocher, 8c qu’ils nomment aufli Péphnos. Les Thalamatcs difent que Caftor 8c Pollux ont pris naiflànce dans cette île , 8c je fçai que le pocte Alcman a dit la même chofê dans une de fes odes -, mais félon eux les Diofcures furent portez à Pellane par Mercure 8c n’ont point été devez à Péphnos -, dans cette petite île ces jumeaux font repreoflium > porte ouf nette, pareeque <ic ce lieu on découvrait fort loin. Le texte porte, «*«r«T, ucttmen Taxtri, /r f mmet du Te'uure ; mais pat la defcriftion de Paufanias il paraît que le Ténare eft déjà loin. C’eftpourquoi Paulmicrau heu de lifoitT>»i-
<•», du mont Tnfgete. [ 1] nt de PÙfiphné. Le texte porte , Pnphie , mais Camérarius, Sylburge & Mcurfius lifent l'njîpbne, au lieu de Pufbit, 8c ce qui me fait croire
qu’ils ont raifon, c’eft que 1 auteur traite ici Paphia non de divinité , mais de génie étranger Aufli par Pn/iphne'ces critiques entendent-ils Caflandre h fille de Priam, qui fût appellée de cc nom après 6 mort. Plutarque dans la vie d’Agis dit que cette Pafiphaé étoit une des Atlanudcs ou bienCaflandrefille de Priam, qui croit morte en cc lieu, & que l’on avoir appellée Pnjiphué, pareequ elle nuiufcltoit les oracles à tout le monde.
Vo y a g e d e l a La c o n ie . 319 fentez en bronze par deux ftatucs qui n’ont pas plus d’un pied de haut , & qui font expofées à l’air ; & quoique la baie loir continuellement battue des flots de la mer, elle demeure immobile, ce qu’ils regardent comme un miraclejunc autre merveille , c’eft que les fourmis de cette île font blanches, 8c non pas noires comme les nôtres. Les Meflcniens prétendent que ce petit canton faifoit autrefois partie de leur pays , & par cette raifon ils fe vantent d’appartenir aux Diofcures de plus près que les Lacédémoniens. De Péphnos à Leudres il n’y a pas plus de vingt ftades ; j’ignore d’où cette ville a pris ion nom, mais fi c’eft de Leucippe fils de Périérès, comme le veulent les Meflcniens , jene m’étonne pas que fes habitans rêvèrent Efculape plus que tous les autres dieux , car ils le croyent né d'Arfinoé qui ctoit fille de Leucippe. On y voit deux ftatucs de marbre , l’une d’Efculape , l’autre d’Ino, placées en des lieux difterens, un temple & une ftatuc de Caffandre fille de Priam , que les gens du pays appellent Alexandra , & quelques ftatucs de bois d’Apollon Carnéüs qui eft honoré à Leudres de la même façon qu’à Sparte. Dans la citadelle il y a un temple & une ftatuc de Minerve ; j’oubliois dans la ville un temple de Cupidon, accompagné d’un bois facré qui eft toujours inondé durant l’hyvcr; une chofe finguliere, c’eft qu’au printemps les feüilies qui tombent des arbres ne font point emportées hors du bois par les eaux. Je rapporterai ici ce qui arriva de mon temps dans une plaine de Leudres qui avoifine la mer. Le feu par un grand vent s’étant communiqué à une forêt, il y eut beaucoup d’arbres de brûlez -, à l’endroit du bois qui avoit été le plus dépouillé on trouva une ftatuc de Jupiter Ithomate en pied ; d’où les Meflcniens concluoient que Leudres leur avoit autrefois appartenu ; mais il fe peut fort bien faire que dans le temps que Leudres étoit aux Lacédémoniens, Jupiter Ithomate fut aufli en honneur chez eux. Cardamyle eft à foixante ftades de la mer & à foixante de Leudres} Homère en fait mention [ 1 ] & c’eft une des fept villes dont Agamcmnon promet de faire prefent à Achille ; cette ville obéit préfentement à Sparte,depuis c^u’Augufte l’a démembrée de la Mcflcnic. On y voit près du rivage un temple qui eft confacré aux filles de Nercc , car on dit que ces nymphes fortirent de la mer 8c fe placèrent là pour voir Pyr[ 1 ] Honitrt tu fût mention, dans l’Iliade, L. J.
j io Pa u sa n ia s , Liv. III. Vo y a g e d e l a La c o n ie . rhus qui alloit à Sparte dans le deflein d’epoufer Hermione. Dans la ville meme il y a un temple de Minerve ,8c une ftatuë d’Apollon Carnéüs,dont le culte eft commun à tous les Dorions. La ville qu’Homérc appelle F.nopc étoit aufli autrefois aux Mefleniens ; mais aujourd’hui elle eft de la dépendance des Eleuthérolacons 8c fc nomme Gérénie. Quelquesuns dilênt que Ncftor y fut élevé, 8c d’autres qu’il s’y retira feulement, apres que l’ylos eut etc prife par Hercule. Vous verrez à Gérénie le tombeau de Machaon hlsd’EfcuIape avec un temple fort célébré qui lui eft dédié ; car les habitans croycnt que Machaon a aufli la vertu de guérir les maladies ; ils lui ont confacré un petit canton qu’ils appellent [ i ] Rhodon, le dieu y eft repréfenté en bronze debout fur fes pieds} il a fur la tctc une couronne que les Mefleniens en leur langue naturelle nomment Ciphos. L’auteur de la petite Iliade rapporte que Machaon fut tué par Eurypile fils deTéléphe; 8c de-là vient ce qui fe pratique de ma connoiflance dans un temple d’Efculapc qui eft à Pergame : on y chante des hymnes en l’honneur de Teléphe , mais fans y rien mêler qui foit à la loüange d’Eurypile , 8c il [a] n’eft pas même permis de prononcer fon nom dans ce temple , pareequ’il eft regardé comme le meurtrier de Machaon. Au refte les habitans de Gérénie difent que les os de Machaon furent recueillis par Neftor j 8c à l’égard de Podalire, ils tiennent qu’au retour de Troye ayant été jetté par la tempête avec les autres Grecs à Syros [5] ville de Carie, il y fixa fa demeure. Dans le pays des Géréniens il y a la montagne deCalathion ,8c fur cette montagne un temple dédié à [4] Calathée; auprèseft unegrotte dont l’entrée eft extrêmement étroite, mais le dedans eft fort orné 8c mérite d’être vû. Si de Gérénie vous remontez vers les terres, vous n’aurez pas fait trente ftades que vous trouverez la petite ville d’Alagonie qui appartient aufli aux Eleuthérolacons : il n’v a rien à v voir qu’un temple de Bachus 8c un temple de Diane.
[1] appellent RbtdoK, fans doute , parceque ce lieu portoit beaucoup de tôliers, car lignifie une ro/e. [ il Il n’eftpa< meme permit. C’eft ainfi qu’àTéncdosdans Je temple deTenès fondateur de ccttc ville,on n’ofoit prononcer le nom d’Achille, patcequ’Adiillc avoit tue Tcnés, Dim . L. f.
[;] ASiresville de Carie. Etienne de Byfâncc dit Sjma ou Sinon , au lieu de Sitôt, & titc fon nom de Syrna femme de Podalire. f 4] A Calai liée. Le texte dit C/ôr,mais Kuhnius lit Calathea. On comprend . aifement que Calatbea écrit en abrégé a fait aux yeux du copiftc Cira.
Lin du troifiimt Livre.
PAUSANIAS,
r
PAUSANIAS, LIVRE QUATRIEME-
VOYAGE DE LAMESSENIE. ES MeïTéniens.iîiivantqu ’ilapluà Auguftedeles ------borner du côté de la Laconie, confinent aujourj*pd’hui avec les Géréniens par un bois limitrophe qui fe nomme le bois Chœrius. On dit que la Mefiénie qui ctoit autrefois [i] inculte & inhabitée commença à fe peupler de la maniéré que je vais raconter. Lélex qui régnoit dans cette partie de la Grece que l’on appelle aujourd’hui la Laconie , & qui du nom de Ion fou-
vcrain s’appelloit alors la Lélégie, étant mort, Mylès fon fils aîné lui fucccda. Polycaon le cadet mena une vie privée juf. qu’à ce qu’il eût époufé Meflcne native d’Argos , fille de Triopas & petite-fille de Phorbas. Cette princcflè, fiere de la grandeur de fon pere , qui en puiffancc & en autorité l’emportoit fur tous les Grecs , ne put fouffrir de le voir déchue de Ton rang & mariée à un fimple particulier -, elle perfuade à fon mari de fe faire roi à quelque prix que ce foit ; il lève des troupes à Argos & à Lacédémone, entre à main armée dans la contrée dont je parle, s’en empare, &enconfidcrationde
[ I ] Autrefois inculte & inbMtée. frimu iucely vicjtim MituJJe pndiAmalcc rend cela par ces mots > in hnc tum eft > ce n’cft pas le fe™ «u texte. Tome I.
5 1
3n Pa u sa n ia s , Liv r e IV, f.t femme donne le nom de Meflenie à tout le pays. Aulïi-tôt il bâtit plufieurs villes & entr’autres Andanie dont il fait la capitale de fon royaume j car avant que lesThebains euflent défait les Lacédémoniens à Lcu&res, & qu’enfuitc ils euflent bâti fous Ithomc la ville de Meflcne qui fubfifte encore à préfent, je ne crois pas qu'il y eut aucune ville de ce nom. C’eft une conjecture que je tire particuliérement des poëmes d’Homére } car dans l'Iliade cc poëte faifant le dénombrement des troupes qui étoient venues au fiége de Troye , nomme les villes qui avoient envoyé du fecours, Pylos , Arene, plufieurs autres , & ne fait nulle part mention de Meflcne; dans l’Odyflce il donne à entendre que les Meflcniens compofoienc alors non une ville , mais une nation,quand il dit qu'Ulyfle alla en Meflenie redemander trois cent moutons que les Meflcniens avoient enlevez dans Ithaque. Mais il s’explique encore plus nettement, lorfqu’en parlant de l'arc dont Iphitus avoit faif prêtent à Ulyfle chez Orfiloque , il dit que ces deux héros s’étoient rencontrez dans la Meflenie. En effet Orfiloque demeurait à Phéres ville de la Meflenie , & le poëte nous l’apprend lui-même en racontant le voyage de Pififtrate & de Tclémaque à la cour de Mcnélas.
A Phéres arrivez ils vont chez Dioclès, Digne fils d'Orfiloque. Les premiers donc qui ayent régné dans cette contrée, ce fonc Polycaon fils de Lélcx, & Meflene femme de Polycaon ; ce fut même à cette princeflê que Caucon venant d’Eleufis apporta le culte & les cérémonies des [ i ] grandes déeflès. Caucon étoit [z] fils de Célénus & petit-fils de Phlyus. Quanta Phlyus , les Athéniens le difènt fils de la terre -, ce qui s’accorde avec l’hymne que Mufée a faite pour les Lycomédes [5] en l’honneur de Cercs. Plufieurs années après Caucon,
[1] Des ^undei de'ejïei. C'eft ainfi que les Grecs appelaient Cercs & Profcrpinc. [ 1 ] F1I1 de Ce'lénm. Amalîe fait Caucon,file de Clinue, nuis c'eft lür un fondement trop léger. On en va juger. Dans une infcriprionen vers que rapporte Paufanias , il y a au 4' vers Anulcc fan de •*»<,«•
Clinus un nom propre ; cependant ce n’eft qu'une cpithetc qui fignific rn-
(lyti , illu/ht ; en forte que fudi»
veulent feulement dire fiWx/tre
file de Pbljiu. fs] Pour lei Licemedei. L'auteur
en parle dans un autre endroit. On n'a qu'à chercher cc mot à la table, on en trouvera l'explication.
Vo y a g e
de
l a
Me sse
n ie .
jij
Lycus fils de Pandion rendit le culte des grandes décflês beaucoup plus augufte 5 encore aujourd’hui les Meflcniens
ont un bois qu’ils nomment le bois de Lycus ,&où l’on prétend qu’il [ i ] purifia tous ceux qui étoient initiez à ces myfté-
res. Que ce bois fubfiftc encore dans la Meflcnic , Rhianus de Crète nous le témoigne par ce vers, Auprès de l’âpre Elée eft le bois de Lycus.
Et que ce Lycus fût fils de Pandion , nous le voyons attelle par des vers qui font au bas de la ftatuë de Méthapus ; car Méthapus arrangea tout ce qui concernoit les cérémonies du culte de Cerès ; il étoit Athénien de naiflance, & s’entendoit parfaitement bien aux chofes qui regardent la réligion. Ce fut lui qui inftitua la réligion & les myftéres des Cabires chez les Thcbains, & qui confacra là propre ftatuë [i] dans un lieu affecté à la demeure des Lycomedes avec [ j ] une infeription qui renferme bien des particularitez , Si qui eft fort propre à éclaircir le point que je traite. Cette infeription porte en premier lieu que Méthapus qui probablement rapportoit Ion origine à Mercure , avoit répandu chez les Grecs le culte de Ta fille aînée de Cerès, c’elt-à-dire, de Proferpine ; lêcon-
dement que Meflcne avoit inftitué des fêtes en l’honneur des grandes déefles fuivant le rit & les cérémonies qu’elle tenoit de Caucon, petit-fils de Phlyus ; troifiémement que Méthapus étant venu à Andanie avoit été furpris de voir que Lycus fils du vieux Pandion eût tranfporté ces myftéres d’Athénes en cette ville de la Meflcnie 5 d’où il réfulte que Caucon petit-fils de Phlyus étoit venu voir Meflene, que Lycus vint enfuite à Andanie, & que cette ville fut dans ce pays le premier fiége des myftéres de Cerès & de Proferpine. En effet il me paroît bien raifonnable que Polycaon & Meflene,qui
[ 1 ] Tout ceux quïétoient initiez. Le texte dit , Amafce rend ces mots, par untiflites mjftencnni. Mais ils n’ont d’autre fens que celui que je leur donne, &qucKuhnius aufli leur a donné. [1] lUmunlieu tffeffe'À h demeure, L’auteur ne dit point où ctoit ce lieu, & ccttc omiflion rend tout cet endroit fort obfcur. Je fois perfoa-
dê que le texte eft défeéhieux. [j] Avec une infcnptiou. Paufanias rapporte cette infeription, qui confiftc en fix vers hexamètres. Mais au jugement meme de Paulmier ces vers font fioblcurs &fi mal copiez,qu’il n’eft pas poflïble de les entendre fans le fccours d’un bon manuferit. le me fuis contente d’en tirer ce que j’ai pu, & je l'ai lié avec la narration. Sfij
J1+ Pa u sa n ia s ,Liv r e IV. avoient choifi cette ville pour la capitale de leur royaume ; en fiilcnt aufli le centre de la religion du pays. 2HAP. J’ai fait ce que j’ai pu pour découvrir quelle a été lapoftéII. ritcdcPolycaon fie de Meffencj j’ai feuilleté le poëme des femmes illuftrcs, les poëfies de Naupade [i] fie tout ce que Cinéthon fie Afius ont écrit en vers fur les généalogies des Anciens , je n’y ai rien trouvé qui eût rapport à ce lujet ; car le poëme des femmes illuftres parle feulement d’un Polycaon fils de Butes qui époufa Evecnmé fille d’Hyllus fie petite-fille d’Hcrcule ; mais il n’y eft fait aucune mention de Meflene, ni de fon mari. Si l’on s’en rapporte aux Meflcniens, lapoftérité de Polycaon ne dura pas plus de cinq générations ; enfuite ils déférèrent la couronne à Périérèsfils d’Eole [i] fie l’invitèrent à en venir prendre poflèflion. Durant fon régne Mélanéüsvint à fa cour ; il tiroir fi bien de l'arc qu’à caulè de fon adrefle on le difoit fils d’Apollon. Péricrès en fit tant de cas qu’il lui donna ce petit canton qui fenommeaujourd’huiCarnafion,& que l’on appclloit alors l’Œchalie du nom de la femme de Mélancüs. Comme l’hiftoire Grecque a fes points concertez, les Thcflalicns& les Eubœens ne s’accordent pas fur celui dont il s’agit ; car les premiers prétendent qu’Eurytium, qui eft préfentement un mauvais village étoit autrefois la ville [ 3 ] d’Œchalie. Créophile'dans fon Héraclée s’accorde avec les Eubœens. D’un autre côté Hécatée de Milet dans fon hiftoi-
[i] Lis ftrjif» de ATanpaélr. Paufanias cite toujours ainfi cet ouvrage fans en nommer l'auteur qui fans doute lui paroifloit incertain. Le feoliafle d’Apollonius au Livre i > des Argon, dit que ces poëfies croient l’ouvrage de Néoptoleme. [a] A PénMifiltfEtle. Voilà un endroit qui prouve bien que les Grecs fc faifoicnt une antiquité fâbuleufc fie chimérique ; car fi Périércs fils d’Eole eût été poftéricur à Lélcxdcfix générations , il s’enfuivroit que ce Lélcx roi de la Laconie étoit plus ancien que Japet, ce qui cftabfurde. En eflet ces fix générations remontent jufqu’à Japet , comme on le va voir par la feule énumération des petfonnes. Péricrés
fils d’Eole, Eolc filsd’Hcllen, Hellcn fils de Deucalion , Dcucalion fils de Prométhée, Prométhée fils de Japet. Voilà fix defccndanccs ou fix perfonnes. Or de Fédérés à Polycaon il y avoit fix générations félon Paufanias. Lélex pere de Polycaon étoit donc le feptiéine en remontant parconféquent il devoir être plus ancien que Japet, ce Ptulmier.
[5] £4 ville d'(E<hAie. Paulmier a bien fenti qu’il y avoit ici un vuidc, une lacune. Il ne faut que lireattentivement le texte Grec pour voir que Paufanias rapportoit le fentiment des Eubaxns , qui ne fc trouve plus.
Vo y a g e d ï l a Me sse n iï . 31 j re de Scio dit qu'(Echalie failbit portion du territoire d’Eré-, trie. Mais le fentiment des Mefleniens me paroît plus probable pour plufieurs raifons, St fur-tout â caufe d’une particularité que je raconterai dans la fuite touchant les cendres d'Eurytus. Périérès époufa Gorgophonc fille de Perfce , de laquelle il eut deux fils, Apharcüs &. Leucippe , qui après la mort de leur pere régnèrent l’un & l’autre en Mcflcnic ; mais Apharéüs fe rendit le plus puiflant : durant fon régne il bâtit la ville d’Arene qu’il appclla ainfi du nom de la fille d’Œbalus qu’il avoit époufée Sc qui étoit fa fœur utérine ; car fa mere Gorgophone s’étoit remariée à (Ebalus -, j’ai déjà parlé deux fois de cette princeflè dans l’hiftoire d’Argos & dans celle de la Laconie. Apharcüs bâtit donc comme j’ai dit la ville d’Arene, & reçut chez lui Nelée foncoufin-germain,filsdeCréthéüs & perit-fils d’Eole que l’on furnommoit Neptune. Nelee chaflc d’Iolcos [1 ] par Pclias s’étoit réfugié auprès d’Apharéüs , qui non-lçulement lui donna une retraite dans fes états , mais lui en abandonna toute la côte maritime, où il y avoit plufieurs villes & entr’autres Pylos , que Nelée choifit pour le lieu de fa réfidence. Lycus fils de Pandion chafle d’Athénes par fon frere Egée vint auffi à Arcne , Ôc il apprit à Apharéüs, à fa femme, & à fes enfans les cérémonies des grandes deeflès, comme Caucon avoit autrefois initié MelTéne aux mêmes myftércs dans la même ville d’Andanie. Apharéüs eut deux fils, Idas & Lyncée ; Idas l’aîné fut renommé f>our fon courage ; Lyncée, fi l’on en croit Pindare [x] avoit es yeux fi perçans que de fort loin il voyoit jufques dans le tronc d’un arbre. Je n’ai pu fçavoir s’il avoit laifie quelque poftérité. Pour idas, il eut de Marpefla une fille nommée Cléopâtre,qui fut femme de Méléagre. L’auteur [3] des poefies
[ 1 ] Chufft d’/olchoi. Cctoit une ville de laThefTaliccn Grèce ,onnomme à préfent ce lieu /aro > & ce n'cll plus qu'un village, fitué fur le golfe de Vollo, près de la ville de Démétriadc. [1] Si l'on en croit Pindare. Ce poète dans l’ode i o, de fes Ncmcencs dit que du mont Taïgctc Lyncée apperçut CaRor dans le tronc d'un arbre. [j] L'auteur dei poejier Cjpricnnei.
On croit ces poefies plus anciennes que cellesd’Homérc; l'auteur eneft ignoré. Tzcrzès le fcoliaRc de Lycophron le nomme Stclinus. L. Gr. Gyraldus dit que c'étoit Eucclus, ildcvoit dire Eudus d'après Paufanias dans fes Phoc. ch. 14. Mais Paufanias lui - même qui avoit beaucoup lu cet ouvrage Scqui le cite fouvent en ignoroit l'auteur. S f iij
jifi Pa u sa n i a s , Li V AB IV. Cypricnncs dit que Protefilasqui lorfquc la Aorte des Grec» aborda à laTroade ,cut le courage de lauter le premier a terre, avoit époule Polydora fille de Mcleagrc 8c pcdte-fille d'Œncüs ; li cela eft, [ i ] trois princefies défaite, & de même ûng, la grand’mcre, la mere, & la fille eurent cela de commun 8c de lingulicr tout à la fois, qu'ayant toutes trois perdu leurs maris , elles ne purent fe refoudre â leur farvivre 8c aimèrent mieux les accompagner au tombeau.
Ch a p . III.
Dans la faite les fils d'Apharcüs combattirent contre les Diofcures leurs coufins germains [r] pour un troupeau de bœufs ; Lynceefat tue par Pollux ; 8c Idas frappe de la foudre [ 3 ] mourut bien-tot après ; de forte que la famille d’Apharcüs fe trouva éteinte faute de mâle. Alors l'empire des Meffeniens paflà à Neftor fils de Nelce , qui réunit en là perfonne le royaume d’Idas 8c tout ce qui en avoit été démembré , à la referve de cette partie qui rcconnoiflbit la domination des enfans d’Efculape ; car ces peuples tiennent que les fils d’Efculape vinrent de la MelTenie au fiege de Troye , 8c qu’Efculapcleur pere étoit fils, non deCoronis, maisd’Arfinoé fille de Leucippe ; ils atteftent, comme le lieu de fa naiflance un village de la Meflcnie qui fe nomme encore [4] Tricca, quoiqu’aujourd’huidefert,&il$ citent des vers d’Homére par lefquels Neftor confole Machaon dangereufement blelTc d’un coup de fléché j car diient-ils, ceauiattendrifloit ainfi Neftor , c‘eft que le roi Machaon étoit Ion voifin 8c de même contrée que lui. On voit à Gerénie le tombeau de Machaon , 8c à Phérès un temple qui lui eft dédié , ce qui femble confirmer l’opinion de ces peuples. Quoiqu’il en foit, apres la guerre de Troye Neftor de retour a Pylos étant venu à mourir , les Héraclides foutenus des Doriens chaflcrcnt
[1] Strlief. Amafcerend fon mal «et endroit, qui n'a pourtant aucune Fa] m truffé* dr hnf. Nous avons une Idylle de Thcocntc où le pocte «lit que la caufc de cc combat fut que les Diofcures avoient enlevé les tilles de Leucippe , Sc non un troupeau de bœufs. Mais Pindare raconte le fa» de la meme maniéré que Pauû-
[t] Fr /Zaj frtift de U ftadrt, &c. C’eft ce que raconte encore Pindare dans la même ode. [4] fe wme nerre Tr.ci. Strabon dans £1 céoçraphie, L 8, du que dans ce villaèeon voyott encore un trmpkd’EfculapeTrscrœus, ce quia fait croire à Caûubon qu'il y avoir quelques mots J oints dans le texte de Pau û mas après le mot Tricca ,& fc fois fort de fon fenumetu.
V O Y A G ï DE 1 A M E S SENIE 317 de h Mefiénie les defeendans de Nelée, qui ne fe maintinrent
fur le trône que l’efpacc de deux générations. Il faut le fouvenir ici de ce que j’ai déjà raconté de Tilàmene j j'ajouterai feulement que les Doriens ayant donné le royaume d'Argos à Téménus , Chrefphonte leur demandoit pour lui la Mefiénie , alléguant qu’il étoit l’aîné , & qu’il devoit par conséquent être préféré aux enfansd’Ariftodeme, car Ariltodemc étoit déjà mort. Mais d’un autre côté Thcras fils d’Autéfion s’oppofoit fortement à la prétention de Chrefphonte } il étoit originairement Thébain & par cinq degrez de génération rcmontoitjufqu’à Polynice fils d’Œdipe. Théras agifloit comme tuteur des enfans d’Ariftodeme , & comme étant leur oncle j car Ariftodcme avoit epoufé Argia fille d’Autéfion. Cependant Chrefphonte oui fouhaitoit paflîonncment [ i ] la Mefiénie , apres s’être alluré de la bonne volonté de Teménus, fit fèmblant de conlêntir que le fort en décidât. Téménus prend une bouteille, l’emplit d’eau , y jette deux petites boules, l’une pour Chrefphonte, l'autre pour les enfans d’Ariftodeme, & déclare que celui dont la boule viendra la première, optera entre la Meflenie & le royaume de Lacédémone j mais Téménus avoit fait une fupercherie, car la boule des enfans d’Ariftodeme n’étoit que d’argile féchée au foleil, & celle de Chrefphonte étoit de terre cuite , de forte que l’une le délaya incontinent dans l’eau , & que l’autre qui avoit plus de poids & de confiftcnce fortit la première ; c’eft ainfi que la Mefiénie échut en partage à Chrefphonte. Au refte les anciens habitans du pays ne furent point chaflcz par les Doriens, parcequ’ils fe fournirent de bonne grâce à Chrefphonte , & qu’ils partagèrent leurs terres avec les Doriens ; ce qu’ils firent d’autant plus volontiers qu'ils regardoient leurs derniers rois comme des avanturiers venus
d’Iolcos , & qui étoient même originaires [x] de Minyes. Chrefphonte époufa Mcropc fille de Cypfclus roy d’Ar-
[i] LtMelléme.Le texte dit unefartie delà Afeljénie, mais le texte a été chan-
gé mal à propos par Xtlander. C’cft de toute la MclTénic qu'il s’agit & non d'une partie, comme Kulinius l'a judicicufcmcnt remarqué. [x] Ongiiiùrci dt Adinyti. Au lieu de
O>rx/«r qui cft un mot mal copié liiez avccKuhnius Afmyt-. Car Ne» lée ctoit originairement de Minyes. Strabon, L. 4 , dit que les Orchorrémens Minyadcs ou de Minyes «voient envoyé une colonie à Iolcos ville de Thcliàlie.
}18 P A VS AN I AS , L IV R. E IV. cadic ; il en eut plufieurs enfans , dont Epytus fut le dernier de tous. Les anciens rois de Meflenie & Périérès lui-même avoient fait leur réfidence à Andanie ; enfuite ApharéUs bâtit Arène où il fe tint avec fes enfans ; Neftor préféra Pylos, il y établit fa cour , & fes defeendans fuivirent fon exemple. Quant à Chrefphontc il bâtit un palais à Stényclere pour lui & pour les liens. Mais il ne joüit pas long-temps de fa fortune ; les grands du royaume le prirent en averfion , parcequ’il favonfoit trop le peuple, & le tuèrent lui & fes enfans j le jeune Epytus qui étoit élevé chez Cypfclus fon ayeul maternel fut le fcul qui échapa à leurrage. Lorfqu’il fut en âge de régner , les Arcadicns le mèneront en Meflenie , où fécondé par les autres rois des Doriens, je veux dire , par les fils d’Ariftodemc, & par Cifus [i] fils deTéménus il remonta fur le trône. Il ne fe vit pas plutôt le maître que pour venger la mort de fon pere & de fes freres il en punit les auteurs, & tous ceux qui y avoient eu quelque part. Enfuite careflànt les grands, libéral envers le peuple , affable atout le monde, il s’acquit l’amour & l’eftime univerfêlle de fes fujets , & fe rendit fi illuftre que fes defeendans firent gloire de quitter le nom d’Héraclides pour prendre celui d’Epytides. Son fils Glaucuslui fuccéda ; imitateur des vertus de fon pere envers le public &les particuliers il le furpaflàde beaucoup en pieté. Polycaon & Meflène [i] avoient déjà reçu le culte & les cérémonies des grandes déeflèsà Andanie ; Glaucus établit encore le culte de Jupiter Ithomate parmi les Doriens , après avoir fait bâtir un temple à ce dieu fur le mont Ithome. Il donna auflï le premier l’exemple de facrifier à Machaon fils d’Elculape dans Gérénie,&fitrendreà Meflcne fille de Triopas des honneurs tels qu’on en rend aux héros après leur mort par des offrandes faites fur leurs tombeaux. Son fils Ifthmius marcha fur les traces de fon pere, & bâtità Phéres un temple en l’honneur de Gorgafus & de Nicomaque. Il eut pour filsDotadas, qui aux autres ports de la Meflenie en ajouta un, qu’il fit conltruire à Mothone. Son fils Sybotas lui i'uc[i] F.t pur Ci Cu'. C’eft ainfi qu’il n’a point entendu cet endroit du texte, faut lire dans le texte, & non pas qui àdirc le vraieft fottoblcur&corSimii .commea lû Aniafcc dont laver- rompu félon touteapparcnce. J'ai fuivi fion eft ici très-fautive. l'explication de Kuhnius qui m’a para [a] PoljCAon à- Afrjfént. Amafcc la plus naturelle. céda
Vo y a g e d e l a Me ssen ie . 329 ccda j celui-ci ordonna qu’à l’avenir les rois de Meflcnie feraient cous les ans des facrificcs au fleuve Pamifus,&qu'immediatement avant la célébration des myfteres de Cercs & de Proferpine, dont la ville d’Andanie ctoit le fiege encore alors , on ferait à (Echalie l’anniverlàirc d’Eurytus fils de Mclanée. Sous le régne de Phintas fils & fucceflèur de Sybotas les c H A p Mefleniens envoyèrent pour la première fois des victimes à 1 y. ' Delos avec une troupe d’hommes choifis qui avoient ordre de facrifier à Apollon. Eumclus compofa l’hymne qu’ils dévoient chanter en l’honneur du dieu, & ce font les leuls vers que l’on puifle juftement attribuer à Eumclus. Ce fut du temps de Phintas qu’arriva la première broüillerie encre les Mefleniens & les Lacédémoniens ,pour un fait qui n’a jamais été bien éclairci, & que je vais rapporter , comme il le dit de part & d’autre. Sur les confins de la Meflcnie il y avoit un temple de Diane Limnatis, où les Lacédémoniens & les Mefleniens croient les fculs des Doricns qui euflent droit de faire des facrifices } les Lacédémoniens prétendent que de jeunes filles de leur pays étant venues félon la coutume pour aflîfter à la fête de Diane , elles furent violées par les Mefleniens ; que Téléclus roi de Sparte, filsd’Archelaüs, petitfils d’Agcfilas & qui defeendoit d’Agis en droite ligne , voulant empêcher ce défordre,fut tué dans la mêlée, & que ces vierges aimèrent mieux mourir que de furvivre à leur honte. Voilà ce que difent les Lacédémoniens. Mais les Mefleniens aflurenc que les plus confiderables d’entr’eux s’étant rendus au temple , Téléclus avoit voulûtes furprendre , afin de s’emparer enfuite de la Meflcnie, qui pour la bonté de fon terroir étoit depuis long-tempsenviee des Lacédémoniens } quepour cet effet il avoit déguife de jeunes garçons en filles, & leur avoit fait cacher des poignards fous leurs habits j que cette troupe avoit attaque les Mefleniens, lorfqu’ils s’en defioienc le moins ; que ceux-ci fecourus de leurs compatriotes avoient repoufle la fofee par la force , & faic main baflè fur les aggrefleurs & fur le roi même ; ils ajoutent que cette entreprise de Téléclus avoit été concertée à Sparte , & que les Lacédémoniens fentoient fi bien leur tort, qu’ils n’avoient pas même demandé raifon de la mort de leur roi. C’eft ainfi que le fait eft conté d’une façon par les uns, & d’une autre façon Tome I. Tt
3 JO P A U S A N I A S, L I V R E IV. par les autres} permis au leékeur de croire ce qu’il voudra, félon qu’il panchera pour l’une ou pour l’autre nation. Au bout de trente ans , Alcamene filsdeTélédus étant roi de Sparte conjointement avec Théopompe fils de Nicandre & de l’autre maifon royale , lequel Théopompe étoit le fèp. tiéme [ i ] defeendant d’Eurypon , & dans la Mcfl'énie fous le régne d’Antiochus & d’Androclès tous deux fils de Phintas , la naine de l*un& de l’autre peuple éclata enfin par une guerre ouverte. Le fujet étoit non-feulement fuffifant, mais encore fpécieux pour des gens qui ne cherchoient qu’une occafion de lever le mafque 5 mais d’autres d’un cfprit plus pacifique auroient aifément terminé un pareil différend par les voyes delà juftice. Quoiqu’il en foit, voici ce qui alluma cette guerre. Polycharès étoit un Meflénien diftingué par plus d’une forte de mérite , mais fur-tout pour avoir été couronné aux jeux
Olympiques j car en la quatrième Olympiade chez les Eléens où il n’y avoit que le fèul prix du ftade à efpérer,il fut déclaré vainqueur. Cet homme avoit une fi grande quantité de vaches, que ne pouvant les nourrir fur fon propre fond , il les envoya dans la prairie d’un Spartiate nommé Enéphnus , qui y confentit à condition qu’il en partageroit le profit ; cet Enéphnus étoit de ces gens à qui le gain & l’intérêt font beaucoup plus en recommandation que la bonne foi , d’ailleurs homme infinuant & adroit. Des marchands étant venus commercer dans la Laconie, il leur vendit & les vaches & les pâtres qui en avoient foin ; enfuite il alla chez Polycharès & lui dit que des Corfaires avoient enlevé fès troupeaux avec ceux qui les gardoient. Comme il déploroit fon malheur de la maniéré la plus perfuafive , arrive tout-à-propos un pâtre qui s’étoit fauvé , & qui trouvant Enéphnus chez fon maître le convainquit de faufleté. Celui-ci voyant la friponnerie découverte ne fçut faire autre chofê que d’implorer la clémence de Polycharès & celle de fon fils, s’exeufant fur l’avidité du gain, fi naturelle à la plupart des hommes ; qu’au refte il n’avoit pas d’argent fur lui, mais que fi Polycharès vouloit permettre que ion fils vînt avec lui , il lui donneroit le prix de fes vaches. Polycharès ordonne à fon fils de fuivre Ené-
[ i ] F. toit le [iptieme defeendant. A mafcc qui n’a pas entendu ici le fens de l’autcut brouille la généalogie dcThéo-
pompe de façon que l’on n’v connoît rien. Ce n’eft pas la faute de Paulanias qui s’explique clairement.
rs
Vo y a g e d e l a Me ssen ie . j j t tihmis, qui fe mctauflî-tôt en chemin. Quand ils furent fur es terres de Lacédémone , Encphnus ajoutant à l’infidclitc un crime encore plus atroce, met le poignard fous la gorge au fils de Polycharès & le tue. Polycharès informe de la mort de fon fils le rend à Sparte en diligence, porte fes plaintes aux deux rois & aux Ephorcs , leur reprclcnte les larmes aux yeux l’hofpitalité violée , le meurtre de Ion fils,enfin tous les torts qu’il a fouffèrts} on l’écoute ,mais on ne lui rend point juftice, il réitéré fes plaintes & toujours inutilement. Après s’être adreffé à tous les tribunaux fans en trouver un feul de favorable, cet homme au défefpoir prend enfin la rélôlution de s’en retourner, mais ne fe pofledant plus il fe venge contre les premiers qu’il peut rencontrer, il tue les uns , maltraite les autres & gagne la Meflcnie. Telle fut l’occafion de la guerre entre les deux peuples. Les Lacédémoniens fe plaignoienc de ce qu’on ne leur livroit pas Polycharès, ils rappelloicnc auflî le meurtre de leur roi Téléclus, & même la fraude commilcpar Téménus en faveur de Chrefphontcôc au préjudice des fils d’Ariftodeme. Mais les Mefleniens fe défendoient en difant fur le fait de Téléclus ce que j’ai déjà rapporté. Quant à Chrcfphonte, on Ch u . V. fçait, difoient-ils, que fon fils Epytus fut remis fur le trône par les propres enfans d’Ariftodeme , ce qui ne lèroit pas arrivé , s’ils avoient eu quelque démêlé avec Ion pere. A l’égard de Polycharès, pourquoi le livrerions-nous aux Lacédémoniens, puifqu’eux ils retufent de nous livrer Encphnus. Au refte ils pretendoient qu’il ne tenoit pas à eux que ce différend ne fût décidé par les voyes de la Juftice -, loit au Confeil d’Argos, ville que les liens du fang attachoient egalement à l’une & à l’autre partie, foit devant les Ampbictyons,foie â Athènes dans l’Aréopage, tribunal accoutumé depuis longtemps à juger des caufes de meurtre. Ils foutenoient que cette broüillerie ne fervoit que de prétexte aux Lacédémoniens, & qu’au fond c’ctoit l’envie qu’ils avoient d’etendre leur domination , qui les portoit à leur déclarer la guerre & à faire tous les jours de nouvelles entreprilès. Us citoient l’exemple des Arcadiens & des Argiens, fur lefqucls Sparte necefloit d’ufurper tantôt une ville , tantôt une autre. Que les Lacédémoniens étoient les premiers des Grecs qui ebloiïis par l’or de Crœfus avoient fait alliance avec des Barbares, candis que Ttij
J5 1 P AU S AN ! A S , Ll V R E I V. ce roi des Lydiens aflujettiflôit a Ion empire , & les Grecs Afiatiques, & tous les Doriens qui habitoient la haute Carie} ils ajoutoient que le temple de Delphes pille par les Généraux des Phocéens fut unfacrilegedontles Lacédémoniens avoient partagé le fruit & l’impiété , non-feulement les deux rois de Sparte & les plus considérables de la ville, mais les Ephorcs meme & tout l’Etat. Enfin, difoient-ils, une preuve inconteftable de l’avarice des Lacédémoniens, c’eft qu’on les a vus fe liguer lâchement avec Apollodore tyran [ i ] de Caflandrie pour ne manquer aucune occafion de s’enrichir. Ce n’cft pas ici le lieu d’examiner pourquoi les Mefleniens faifoient un fi grand crime aux Lacédémoniens de s’être liguez avec Apollodore ; je remarquerai feulement en partant que la guerre de Cartandrie & la guerre Mcrteniaque ne différèrent qu’en ce 3ue celle-ci fut beaucoup plus longue & plus opiniâtre ; car u refte & les habitans de Cartandrie, & les Mefleniens éprouvèrent prelque les mêmes calamitez. Voilà de part & d’autre les raifons que ces deux peuples donnent de la guerre qui dura fi long-temps entr’eux. Les Lacédémoniens envoyèrent des Ambafladeurs aux Mefleniens pour demander qu’on leur livrât Polycharès -, lesrois de Meflenic répondirent qu’ils en delibereroient avec le peuple , & qu’ils feroient fçavoir à Sparte ce qui auroit été refolu. Les Ambafladeurs ayant pris congé, on convoqua l’aflèmblee du peuple , on propofa l’affaire & on alla aux opinions qui fe trouvèrent fort partagées -, car Androclèsvouloit qu’on livrât Polycharès comme coupable des plus grandes fureurs, & Antiochus ctoit d’un avis contraire; il dilbit que c’étoit le comble du malheur pour Polycharès, que de fubir le dernier fupplice à la vûë d’Enéphnus, il faifoit la peinture des tourmens qui lui étoient préparez , & par là tâchoit d’exciter la compaflîon du peuple. Chacun prenant parti pour l’un ou pour l’autre roi, l’aflèmblee fut divifee en deux fadions , qui s’échauffèrent au point qu’elles en vinrent aux mains ; mais la querelle fut bien-tot finie, car le parti d’Antiochus s’étant trouve beaucoup fupéricur en nombre, Androclès& les principaux de fa faction périrent dans le combat ; de forte qu’Antiochus relia lèul fur le trône. Aufli-tôt il écrit aux [ i ] Cj^ndiie. Cctoit une ville «le Macédoine qui avoit été bâtie pat ■Caflandct filsd’Antipatcr.
VoTAcr. DE r. A M E S S E N T F. JJJ Spartiates & leur mande qu’il fouhaite que l'affaire foit renvoyée aux juges dont il a etc parlé ; à quoi l'on dit que les Spartiates ne répondirent rien. Quelques mois après , Antiocnus mourut, & fon fils Euphaès lui fucceda. Les Lacédémoniens ne déclarèrent point la guerre dans les formes , ni
ne renoncèrent ouvertement à l'alliance des Mefféniens ; mais ils firent lourdement des préparatifs , & quand ils curent pris toutes leurs précautions , ils jurèrent tous de ne le rebuter jamais , ni de la longueur de la guerre, ni des difgraces qui leur pourraient arriver ; & de ne point quitter les armes, qu’ils n'euflcnt ajouté toutt la Meflcnie à leur empire. Après s'être liez par ce ferment, une belle nuit ils mettent leurs troupes en campagne , & marchent droit à Amphée fous le commandement d'Alcamene fils de Téléclus. Amphée étoit une place frontière de la Meflcnie du côté de la Laconie , aflèz petite , mais fituée fur le haut d’un rocher, & qui avoit de l’eau abondamment. Les Lacédémoniens jugèrent à propos de s'emparer de ce porte , afin d’en faire une efpece d’arfenal durant la guerre. Comme les habitans ne fe défioient de rien , il n’y avoit ni fentinelles aux portes , ni garnifon dans la ville : i'enneini fut plutôt entré qu’il ne fut apperçu > les Mefleniens furent partez au fil de l’épée, les uns dans leur lit, les autres dans les temples au pied des autels , fort peu échappèrent au malheur commun. Ce fut par cette hoftilité que les Lacédémoniens donnèrent le fignal de la guerre , la fécondé année de la neuvième Olympiade , en laquelle Xénodoçus MefTénien remporta le prix du ftade. Il n’y avoit point encore alors d’Archontes annuels à Athènes > car les defeendans i ] de Mélanthus , que l’on appella les Médontides , aufli-tot après la mort de Codrus , furent dépoüillez de la fouvcrainc autorité par le peuple d’Athènes , qui leur f>ermit feulement de gouverner l’Etat félon les loix , & dans a fuite le temps de leur adminiftration fut limité à dix ans. [ i ] Car le/ defeendan/ de Melantlme. l’ai un peu étendu cet endroit afin de le rendre plus clair. Car il n'y eft fait aucune mention de Codrus, dont il filloir pourtant parler. Codrus fils de Mélanthus Sc pere de Médon fût le dernier Tonte I.
roi d’Athènes. Après lui lui les Athéniens défd'pcrant d’avoir jamais un aufli bon roi, n'en voulurent plus fouflrir. P»Jl Cadran nena Athenit rernatni, -yxoJ e/a/ memeru tribninm ejt, dit Juftin. Liv. 2. » Ttiij
3H Pa u sa n ia s , Liv r e IV. Ainfi Amphée fut prifé la cinquième année de l’atchontat d'Efimidas Athénien, fils d’Efchyle. Mais avant que d’aller plus loin & que d’entrer [x] dans le détail de tout ce que le démon de la difeorde fit faire & fouffrir aux uns & aux autres, je veux faire quelques recherches touchant un illuftre Meflënicn , qui a joué un rôle confidérable dans ces temps-là, & tâcher de lçavoir au jufte & le temps où il a vécu , & la part qu’il a eue à la guerre Mefl’éniaque ; car cette guerre des Lacédémoniens & de leurs Alliez contre les Meflcniens & contre ceux qui fuivirent leur fortune, s’eft ainfi appellce, non du nom des peuples qui l’entreprirent les premiers , comme la guerre des Perfes & la guerre du Péloponnefe > maisàcaufe des malheurs qui ont accable enfin les vaincus , comme l’ufage a voulu que l’on dît la guerre de Troye par la meme raifon. Rhianus de Bene [2] & Myron [?] de Priene nous ont donné une hiftoire de la guerre Mcfféniaque, le premier en vers, le fécond en profe 5 mais ni l’un ni l’autre ne fe font attachez à la fuite des évenemens, ni n’ont prétendu faire une hiftoire comporte ; chacun d’eux a feulement choifi le morceau qui lui plaifoit davantage. Ainfi Myron a commencé fon hiftoire à la prife d’Amphée, & y a compris tout ce qui s’eft paflé depuis cette fatale époque, jufqu’à la mort d’Ariftodeme. Rhianus au contraire ne dit pas un mot de la première guerre, & ne rapporte même qu’une partie de ce qui eft arrivé depuis que les Meflcniens eurent quitté l’alliance de Sparte ; mais [4] il nous apprend les fuites du combat qui fut donné auprès de la grande foflè. Quant à ce grand homme , Ariftomene , pour l’amour de qui j’ai fait cette digreflion , parce que c’eft le premier qui a illuftre le nom Meflcnien , Myron en parle feulement comme en paffant dans fon ouvrage, pendant que Rhianus le célébré dans fon poeme comme Homère fait Achille dans le lien. Ces deux écri-
[11 Et que <fentrer dans te dà.vl, (3c. 11 n’v a pas un mot de cela dans la veriion latine d’Amafce. [1] Rhianus de Bene , (3c. Benne ou Bene étoit une ville de Thracc, dit Etienne de Byfance. Le feoliafle d’Apollonius cite quelques vers de ce Rhianus de Bene. [ -J ] De Prient. C’étoit une ville
[4] Mats il nous apprend , Ce. Le texte eft ici non-lculemcnt oblcur, mais ckfcéhicux j pour l'entendre i! faut cnidier la penfée de l’auteur dans le détail qu'il nous fiit de la guerre Mcflèniaque, où de temps en temps il parle de Rhianus, & de ce que comprenne le morceau d'hiftoirc qu'il avoit écrit en vers.
Vo y a g e d e l a Me ssf . n ie . 33$ vains conviennent donc fi peu enfemble que je fuis oblige non de les abandonner tous deux , mais de rejetter l’autorité de l’un ou de l’autre. Or il me paroît que Rhianus a du moins mieux connu le temps auquel Ariftomene a vécu. Car pour Myron, il ne s’eft pas toujours mis en peine de dire des choies vrai-lcmblables , ni de s’accorder avec lui - même , comme on en peut juger par fes autres écrits, mais fur-tout par fon liiftoire de la guerre de Meflcne. Témoin ce qu’il dit de Théopompe roi de Sparte qu’il fut tué par Ariftomene, peu de temps avant qu’Ariftodeme mourut. Cependant il eft certain que Théopompe ne fut point tué dans un combat , & qu’il ne mourut même qu’après la guerre de Meflcne, puifque ce fut lui qui y mit fin ; nous en avons une preuve dans ces vers de Tyrtée,
TcJ futThéopompus, héros chcri des Dieux, Dont l'heureuie valeur triompha de Meflcne. Autant donc que j’en puisjuger , Ariftomene vivoit au temps de la derniere guerre Melleniaque ; je raconterai fes grandes aâions lorfque la fuite de l’hiftoire m’aura conduit là. Dès que les Mefl’éniens fçurent la prife d’Amphée de la bouche même de ceux qui avoient échappé à la cruauté de l’ennemi , aufli-tôt ils accoururent de toutes parts au Stényclere où le peuple ayant été convoqué , les principaux de la nation parlèrent tour à tour fur la conjonàure préfente ; enfuite le roi prit la parole & raflura les efprits en difant qu’il ne fal-
loir pas juger des fuites de la guerre par ce malheureux com-
mencement , que les préparatifs des Lacédémoniens n’avoient rien qui l’étonnaflênt , qu’à la vérité ces peuples étoient plus aguerris que les Mefleniens, mais que les Mefleniens fetrouvoient dans la néceflîté indifpenfable de payer de leurs perfonnes, & de faire preuve de leur courage, qu’enfin leursarmes feroient plus favorifées des dieux, puisqu’ils n’étoient point les aggrefleurs , qu’ils ne faifoient que fe défendre , & qu’on ne pouvoir leur reprocher ni violence , ni injuftice. Euphacsaprès avoir parlé de la forte congédia l’aflèmblée, & fans perdre temps fit prendre les armes à tous les Mefléniens -, il exerçoit continuellement les nouvelles milices, tenoit les vieux foldats en haleine, & leur faifoit oblêrverune difeipline beaucoup plus exaéle que de coutume. Cependant
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Pa u sa n ia s .Liv r i IV.
les Lacédémoniens ne ccfibicnt de faire des courfes dans la
Meflcnie ; mais regardant déjà cc pays comme leur, ils l’épargnoient,n’abbattoient ni arbres ,ni mailôns, &fecontcntoicnt défaire quelque butin fi l’occafion s’en prclcntoit, ils coupoicnt les bleds , ils enlevoient les fruits, en un mot ils tâchoient de fublifter aux dépens de leurs ennemis. Ils allégèrent quelques places , mais ils n’en prirent aucune, parcequ’elles étoient bien fortifiées ,&abondamment pourvues de toute forte de munitions : fi bien qu’ils fe retirèrent avec perte, & qu’ils réfolurent de ne faire à l’avenir aucun fiége. Les Mefieniens de leur côté ravageoient toutes les côtes maritimes de la Laconie , & même les terres qui font aux environs du mont Taïgete. Quatre ans [i]depuis la prife d’Am1>hée s’étoient ainfi partez en hoftilitez de part & d’autre , orfqu’Euphaès croyant avoir fufiilàmment exercé fes troupes, & voulant profiter de la bonne difpofition des Mefieniens qui paroilloient s’animer tous les jours de plus en plus contre les Lacédémoniens , déclara enfin qu’il vouloir tenir la campagne & marcher en corps d’armée. En même temps il ordonne que les efclaves luivent , & qu’ils ayent à le munir d’outils propres à remuer la terre, 8c de tout ce qui étoit nécefiàire pour faire de bons retranchemens. Les Lacédémoniens avertis par la garnifon d’Amphée fe mettent en marche aulfi-tôt. Il y avoit fur les confins de la Meflenie une grande plaine fort propre à donner bataille , à cela près qu’elle étoit coupée par un torrent fort profond. Ce fut là néanmoins qu’Euphaès rangea ion armée en bataille ;ilnomma pour fon Lieutenant Général Cléonnis & donna le commandement de la cavalerie , tant pelante que légère à Pytharate & à Antander ; cette cavalerie ne faifoit pas en tout plus de cinq cens hommes. Quand les deux armées furent en prélênee,elles marchèrent l’une contre l’autre de bonnegrace & avec cette haine invétérée qui les animoit. Mais le torrent qui coupoit la plaine les empêcha de le joindre & d’en venir aux mains. Il n’y eut que la cavalerie de part & d’autre qui combattit par-defliis la ravine ; comme le nombre & le courage n’étoient pas différons de part&d’autre,l’avantage futaflèz égal. Durant ce combat Euphaès commanda aux efclaves
['] d'inadvcrtcnce.
Amafce dit quatre mois >quartus jam menjù. C’eft une faute qu’il
ttittttttttiittitttttttttttttitttt
OBSERVATIONS DE M. LE
CHEVALIER FOLLART,
Sur la Bataille de Meflenie, Liv. IV. page 337.
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N n’accufera pas Paufanias d’imiter les Voyageurs qui nous arrêtent quelquefois par le récit de leurs diverles avantures, & ne manquent pas auflï de nous apprendre où ils couchent , où ils dînent & où ils féjournent. Notre Voyageur ne nous apprend rien de tout cela ; mais en récompenfe il nous découvre une infinité de chofes qu’on chercheroit en vain dans les Auteurs de l’antiquité, qui ont échappé à la barbarie des temps. C’eft un excellent Ouvrage , il faut l'avouer. Et ceux qui s’appliquent à l’étude & à la recherche des monumens antiques de pierre > de bronze , des médailles , & des coutumes des peuples des temps les plus reculez, auront de quoi fe fatisfaire, & débrouilleront bien des chofes par l’étude de fon Livre. Je ne vois rien de plus curieux ni de mieux écrit. Paufanias n’en demeure pas-là , & ne fe borne pas à fon feul fujet : il s’en détache quelquefois, & ft nous le perdons de vue , on n’a pas la force de s’en plaindre lorfqu'il y revient. Il nous découvre une infinité de faits hiftoriques, dont nous ne fçavions. prefque rien, & d’autres que nous ignorions absolument. Il rapporte toute la guerre des Lacédémoniens contre les Mefleniens. d'un bout à l’autre, auflï bien que les motifs qui engagèrent les premiers à fe foumettre les autres. Ils n’étoient pas trop bien fondez , au jugement de notre Auteur ; mais quoi ! les, Lacédémoniens étoient tous guerriers , leur politique & leurs loix ctoient toutes militaires ; nul autre art que celui de la guerre : il ne leur étoit pas même permis d’en exercer aucun qui n’y eut rapport. Les richcfl’cs , d’où naiflent le luxe, la bonne chere, & tous les vices imaginables , étoient inconnus à Sparte, & tout ce qui fqrtit de la bocte dç Pandore n’y entra jamais. Ils ne connoifloicnt & ne pratiquoient que les vertûs militaires , c’eft-à-dire qi/ils étoicnt tous gens de bien $ & 7fmc 1. a 4
comme ils ne faifoient d’autre métier que celui de la guerre, il faloit bien qu’ils le fiflent, de peur que l’oifiveté ne vint à corrompre leurs mœurs. Sur ce pied-là toute guerre ctoit jufte lorfqu’elle étoit ncceflairc. Elle ne pouvoit l’ctre davantage : trop reflerrez dans leur pays, le plus mauvais & le plus ingrat du Péloponnefe, ils longèrent à fe mettre un peu plus au large, & trouvant la Mefienic à leur bicn-féance, ils fongerent à s’en rendre les maîtres. Cette guerre leur coûta bon , & bien des difgraces ; mais comme ils étoient patiens ( verra toujours compagne des peuples guerriers) ils furmonterent enfin leurs ennemis, après plufieurs batailles perdues , qui ne fervirent qu’à les animer davantage ; ce qui n’arrive qu’aux vrais courages, aux hommes de
grand cœur : les autres en font abbartus & fe rebutent. L’Auteur Grec décrit admirablement les allions qui fe paflërent dans cette guerre 5 j’en juge par la traduélion de M. l’Abbé Gedoyn, dont le ftile eft très-agréable. La defeription de cette première bataille eft fon étendue. Je n’ai fçû quel nom lui donner, car il ne dit pas l’endroit où s’eft paflëe l’aclion qu’il expofe. Quand je dirai que la feene eft dans la Meflënie, je ne me tromperai pas. Cette bataille fut fi long-temps & fi opiniâtrement conteftée, & on fe battit avec un tel acharnement, que l’on tombe en admiration enlifant cela. Les deux corps de bataille, dit l’Auteur, combattirent avec un égalfucces ; l'un fous la conduite de Cleonis , Foutre fous Euryleon. La nuit Jepara les combattons ; mais à dire vrai , il n'y eut dans l'une & dans Fautre armée que l infanterie qui foutint Feffort du combat. La cavalerie ctoit feu nombreufe , & ne fit rien qui mérité au on en parle ; car les peuples du Peloponnefe nefiavoient point encore Fart de bien manier un cheval. On n’eft pas étonné que la cavalerie ne fit rien, il y en avoit fort peu en ce temps-là, comme après ; onia diminuoit toujours chez les Grecs & chez les Romains, parce qu’on augmentoit tous les jours en connoiflanccs à l'égard de la force de l’infanterie. D'ailleurs il étoit très-rare que la cavalerie décidât du gain d’une bataille : elle pouvoit s’en aller fans qu’on s’en mît trop en peine. Cela fe remarque en mille endroits dans les Hiftoriens de l’antiquitc, aufli-bien que dans nos Ecrivains modernes. Elle eft innombrable aujourd’hui 5 décide-t-elle pour ctre plus nombreufe ? Cela ne fe voit que fort rarement ; elle n’a augmenté qu’aVec la barbarie, & elle diminuera à inclure que notre infanterie fe perfectionnera dans la dilciplinc militaire , qui nous fera connoîtrc fa force.
Je ne comprens guéres ce que veut dire Paufanias dans ce qui fuir : Car quant à la cavalerie legere des Aîeffeniem, dit-il aux archers Cretois des Lacedemomens , ils ne furent que fpeclateurs, parce que fuivant l’u/age d'alors t ilsfaiftient partie du corps de referve, qui ne aonna point. Il vient de dire plus haut qu’elle ne fit rien qui mérité quon en parle : cela voudroit dire qu’elle ne fc diftinguapas trop, & qu’elle ne donna que quelque figne de vie. Il devoit s’en tenir à ce qu’il avoit dit d’abord, ou à ce qu’il dit après , qui marque nettement qu’elle ne remua pas de fa place ; car on croiroit par ce qu’il avance ici , qu’il y avoit de la cavalerie par tout ; ce qu’on ne remarque point. . Il paroît de tout cela, qu’en ces temps éloignez la cavalerie n'étoit guéres à la mode, ni d’une grande utilité , linon pour être lâchée fur les fuyards : après la victoire faire des courles & des incurfions dans le pays ennemi. On voit aflez par ce que nous apprend l’Auteur de cette guerre, qu’il n’y avoit pas fort long-temps que les Grecs introduifirent cette arme dans leurs armées. Elle commença bien tard d’y paroître , quoique cette nation fût toute guerriere > au lieu qu’en Afie plus de cent ans avant Cyrus, la cavalerie combattoit en ligne, partagée fur les ailes de l’infanterie. Hérodote prétend que Cambife fut le premier qui fe fervit de cavalerie ; c’eft pourtant encore bien tard. Cette arme eût dû, ce me femble, venir plutôt & plus naturellement à l’efprit que les chariots, qui commencèrent plus de mille ans avant la cavalerie. Il y avoit un fi grand nombre de ces chariots à un, deux ou quatre chevaux, que cela eft à peine concevable. J’ai de la peine à me le perfuader. L’Ecriture en fait mention. Il y en avoit quelquefois jufqu’à trente mille dans une armée de foixante mille hommes fur tout le front d’une armée ; il fàlloit donc qu’ils fuffent rangez fur trois ou quatre lignes. Je pourrois faire voir que cela eft impoffible. Les Grecs qui avoient peu de cavalerie pour être trop pauvres , la mettoient en réferve pour s’en lèrvir félon les occafions pendant le cours du combat5 & cependant ils manquoient aux occafions , & les laifloient échaper plus d’une fois, tant ils connoilfoienr peu l’ufage de cette arme , comme nous , celui de nos dragons. Dans cette bataille de Meffénie , elle eût pû faire pancher la balance en faveur de l’un des partis , fi elle
eût donné. Il falloit qu’elle fût bien miferable , & valût bien peu, puifqu’elle ne fut que fpectatriçe de part & d’autre d’un
iV combat trcs-long & très-fanglant , & qui dura toute la journée. J’admire le flegme des gens de cheval : ce n’eft finement pas la faute des chevaux. Comme l’ordre en phalange eft très-capable de foutenir long-temps l’effort d’un autre, je ne fuis pas fort furpris fi cette bataille fut fi long-temps , & fi longuement opiniâtrée. Je voudrais bien fçavoir l’origine de cette phalange , & qui en fut l’inventeur. Cette ordonnance eft rrès-fimple & beaucoup plus parfaite , à quelques defauts près, très-aifés à corriger, qu'aucun autre ancien & moderne. 11 eft forti de fAfie comme tout le genre humain , les arts & les fciences , & les vices aufli comme les vertus. Les Grecs fe fervirent de la phalange ; cela convenoit parfaitement à une Nation , dont toute la force confiftoit dans l’infanterie : & l’on peut voir dans cette bataille ce qu’elle valoit. Les deux armées A. C. combattirent chacune fur une feule ligne , fans aucun intervalle entre les corps, les rangs & les files ferrées & fuppreffées ; la cavalerie B. D. en réferve. Cette bataille ne fut ni gagnée ni perdue , comme celle de Senef 5 chacun des Generaux de celle-ci uférent de politique , & s’attribuèrent la viéloire. Les Grecs n’en uférent pas ainfi, ils ne drefférent aucun trophée de part ni d’autre, chacun convint de bonne foi qu’il n’y avoit pas de quoi fe féliciter, ni de quoi remercier fes dieux. Paufanias ne manque pas de nous l’apprendre. Le lendemain , dit-il , »/ les uns ni les autres n'tunnl envie de Je battre , ni ne s'aviferent d'ériger un trophée ; au contraire ils envoyeren! des Hérauts réciproquement dune armce à l autre pour demander une fufpenjio» d'armes , avec liberté d'enterrer les morts. Les Alliez contre la France laiflerent-là les leurs : ils fe fuflent avouez vaincus en cela 5 car le Prince de Condé refta fur le champ de bataille. Je laiflé à penfer qui des
deux étoit vi&oricux.
VOYACEDE L A M E S S E N I E. -337 qu'il avoit amenez à fa fuite, de fortifier les derrières & les flancs , ce qu’ils firent en diligence. Cependant la nuit vint, qui mit fin au combat de la cavalerie , fcc qui donna le temps à Euphaès de fe retrancher auflî par-devant. Le lendemain matin les Lacédémoniens voyant Ion camp fortifié, jugèrent bien qu’il n’y avoit pas moyen de combattre des gens qui fe tenoient renfermez dans leurs rctranchcmens ; d’ailleurs ils n’étoient pas en état de les y forcer , n’ayant rien apporte de ce qui ctoit néceflâirc pour cela ; de forte qu’ils prirent le parti de s’en retourner chez eux. L'année fuivante les vieillards de Sparte ne cefl'ant de reprocher à la jeunefTe & fa làchctcSc le peu de religion qu’elle avoit pour fon iérment , on entreprit une fécondé expédition contre les MefTeniens, non plus a la dérobée , mais ouvertement & de bonne guerre. Les deux rois fe mirent à la tête de l’armée , Thcopompcfils de Nicandre, & Polydore fils d’Alcamenc , car Alcamenen’ctoitplus au monde. Les Mefleniens fortirent en même temps de leurs quartiers , & fe voyant comme défiez au combat , ils marchèrent courageufement à l’ennemi. Polydore commandoit l’aile gauche des Lacédémoniens , Thcopompe l’aile droite , & Euryléon le corps de bataille. Cet Eurvleon ne à Sparte ctoit originairement Thebain & defeendoit de Cadmus } car il étoit fils d’Egée, petit-fils d’Œolycus , & arriéré petit - fils de Théras qui avoir pour pere Autcfion. Quant à l’armée des Mefleniens, la difpofition en ctoit telle. Euphaès êc Antander menoient l’aîle gauche directement oppofee à l’aîle droite de Théopompe , Pytharate menoit la droite qui répondoit à l’aîle gauche de Polydore, fcc Cléonnis ctoit au centre. Un moment avant que l’on fonnât la charge , chaque Général s’etant avance au milieu de fes troupes exhorta officiers & foldats à bien faire leur devoir ; Thcopompe en peu de mots à la maniéré de fon pays dit aux Lacédémoniens qu’ils fe fouvinflènt de leur ferment ; que leurs ancêtres avoient acquis beaucoup de gloire en afliijettiflant leurs voifins , combien donc eux en acquereroient-ils davantage s’ils faifoient la conquête d’un aufli beau pays que la Mefiénie ? Euphaès harangua les Mefleniens un peu plus longuement , pas plus néanmoins que la circonftancc du temps ne le permettoit. Qu’il ne s’agifloit pas feulement de confèrvcr leurs terres & leurs fortunes, qu’ils ne Tome I.
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338 Pa u sa n ia s , Liv re IV. pouvoient ignorer quel (croie leur fort, s’ils fc laiflbient vain,
crc ; leurs femmes &. leurs enfans réduits à la condition d'ef. claves, tous les autres trop heureux s’ils en étoient quittes pour mourir parle tranchant de l’épée, leurs temples pillez, leurs villes & leurs mailons brûlées, tout leur pays en proye
Cll AP.
VIII.
au vainqueur & à un vainqueur cruel ; qu’il ne parloir pas par conjecture , & qu’ils avoient dans Amphée un exemple de ce qui les attendoit , qu’il valoir donc bien mieux provenir des maux fi funeftes par une mort honorable 5 qu’aprés tout il leur étoit aifé de vaincre , à préfent qu’ils avoient encore toutes leurs forces & tout leur courage , au lieu qu’il feroit bien tard, lorque découragez par leurs pertes ils voudraient rétablir leurs affaires & reparer les malheurs de la guerre j c’eft ce que leur reprélènta Euphaès. Dès que le lignai fut donné, les Mefleniens non-feulement
marchèrent, mais coururent au combat comme des gens qui comptoient la mort pour rien , & qui tous cherchoient à vaincre ou à périr. Les Lacédémoniens s’y portèrent avec la meme ardeur, mais ils étoient plus attentifs à bien garder leurs rangs & à ne fe point laiflèr rompre. Quand ils furent les uns & les autres à portée de fe mêler, ils commenceront par fe menacer du gefte & des yeux , même de paroles ; à entendre les uns, les Mefleniens alloient être leurs efclaves 8cne faire plus qu’un corps avec ces miférables Hilotes ; les autres reprochoient aux Lacédémoniens leur inlatiable envie de s’accroître, qui les armoit contre leurs freres non-feulement malgré les liens du làng, mais au mépris de leurs dieux paternels, & du grand Hercule dont le culte leur étoit commun. Des paroles ils en vinrent auflï-tôt aux mains; alors vous eufliez vû & Lacédémoniens, & Mefleniens charger avec une égale furie, les premiers néanmoins avec plus d'avantage; chacun combattoit de pied ferme & s’acharnoit à l’ennemi qu’il avoit devant lui ; mais les Lacédémoniens l’emfiortoient par leur expérience à la guerre, par la difeiplinede ours troupes & même par le nombre ; car déjà maîtres de la plupart de leurs voifins ils les avoient engagez dans leur querelle -, d’ailleurs les Afinéens & les Dryopes chailèz de leurs villes depuis environ trente ans par les Argiens croient venus implorer l’aflîftance de Sparte , & Sparte avoit habilement profité de la conjoncture pour les enrôler fous les en-
Vo y a g e d e l a Mes se n ie . 359 feignes •, enfin à la cavalerie légère des Mefieniens ils oppofoient des archers Cretois qu’ils avoient exprès foudoyez. Les Mefieniens au contraire n’avoient pour eux que le mépris de’ la mort & que leur défêfpoir -, ils s’étoient bien perfuadez que la mort ctoit moins dure que glorieufe à des gens
3ui combattoient pour leur patrie , & que plus ils auraient e courage, plus ils donneraient de peine aux Lacédémoniens. Aufii en voyoit-on plufieurs fortir de leurs rangs & affronter le péril pour fe fignaler à quelque prix que ce frit 5 couverts de bleflîires & prêts à expirer ils avoient encore un air menaçant, & cette fierté qui vient d’une volonté déterminée à mourir ; on n’entendoit qu’exhortations mutuelles qu’ils fe faifoient les uns aux autres. Ceux que le fort avoit épargnez encourageoient les blefiez à faire encore quelque nouvel exploit avant que de toucher à leur derniere heure , afin de quitter la vie du moins avec quelque fatisfaction, & les mourans conjuraient à leur tour leurs camarades de les imiter , & de ne pas fouffrir que leur valeur , que leur mort meme fut inutile à la patrie. Pour les Lacédémoniens, ils ne s’excitoient pas de meme les uns les autres, ni ne faifoient paraître autant d’ardeur que les Mefieniens ; mais en gens plus entendus au métier de la guerre , & à qui les armes étoient familières dès leur enfance, ils tenoient leur phalange ferrée, fe montraient fermes, & efpéroient que les Mefieniens ne foutiendroient pas longtemps le choc du combat, ni les coups mortels qu’ils leur portoient fans cefiè. Voilà ce que chacune des deux armées [ 1 ] avoit de particulier & pour la façon de penfer, & pour la maniéré de fe battre -, mais ce qui étoit commun à tous, c’eft qu’aucun ne demandoit quartier à fôn ennemi , ni ne prétendoit fe racheter à prix d’argent, apparemment pareeque la haine étoit fi grande entr’eux qu’elle ne leur permettoit pas cette efpérance , mais encore plus pareequ’ils ne croyoient pas devoir rien faire qui pût ternir là gloire de leurs belles aélions. Ceux qui avoient tué un ennemi ne s’en glorifioient point infolemment, ni n’infultoient à fon malheur; pareeque les uns & les autres étoient encore incertains de rifiuëdu combat. Mais la mort qui leur faifoit le plus d’honr 1 ] l'oil't ce que cbitotne , &c. La vetfion Latine d’Amafte poche enco-
rcici, & ne dit point cc que fauteur veut dire. Vvij
54° P a us an ia s , Liv r e IV. neur, c’étoit celle à laquelle ils s'expofoient pour remporter les dépouilles des mourans ou des blelfez -, cncfictil falloit
courir un très-grand rilquc ; car pour avoir ces dcpoüillcs Couvent ils cefloient de lé couvrir de leurs boucliers , fie alors ou de loin on leur droit un coup de flèche , .ou de prés on leur portoit un coup d’épée , lorfqu’occupez de toute autre choie ils n’étoient pas en état de le parer ; quelquefois me-
nte un mourant ou un blcfl'é faifant un dernier effort étoit la vie à celui qui trop avide de gloire le prefloitdc lui enlever les armes. Enfin les rois memes d’un & d’autre cote voulurent en venir aux mains l’un contre l’autre. Théopompe n'écoutant plus que fon courage s’avance le premier pour combattre Euphaès , qui le voyant venir ne put s’empêcher de dire à Antander, » ne vous femblc-t-il pas [ i ] que Théo» pompe imite bienPolynice dont ildefccnd ? car Polynicea » la tête des Argiens fit la guerre à fa patrie,& de fa propre » main blcfla mortellement Ion frere dont il fut tué à fon tour, »& celui-ci par un pareil attentat contre la poftérité d’Her>» cule veut fe deshonorer comme a fait la malneureulè race de » Laïus & d’Œdipe j mais je fuis bien trompé s’il fort du com» bat auflï gayement qu’il s’y préfente; «en même temps ij marche à lui. A cc fpeciacle une nouvelle ardeur s’empare des troupes, quoiqu’épuifées il fcmble que ce foit des troupes toutes fraîches qui ayent fuccedé aux premières ; le combat s’échauffe plus que jamais, le carnage redouble, chacun s’ou.
blie pour ne penfér qu’à défendre fon roi. Le gros qui environnoic Euphaès étoit compote de gens d’élite & de tout ce qu’il y avoit de plus braves Mefleniens ; furieux ils chargent la troupe que commandoit Théopompe, obligent ce prince lui-même à reculer , & enfoncent les Lacédémoniens qui couvraient la perfonne. Mais pendant ce temps-là l’aile droite des Mefleniens étoit fort maltraitée , Pytharate qui la conduifoit avoit été tué , & fes foldats n’ayant plus de
chef avoient perdu courage & s'étoient laifle rompre. Ce-
pendant ni Polydore qui avoit remporte cet avantage ne voulut pourfuivre les Meflènicns dans leur fuite, ni Euphaès qui avoit fait plier les Lacédémoniens ne jugea à propos de
[ i ] Ne vont femble-t-il pat. Ces Paufanias étoit plein de h lecture do paroles d’Euphaès fonr tout-à-fait dans cc grand poctc , & qu’il le Içavoit par le goût d'Homcrc. Auflï paroît-il que cœur.
Vo y a g e d e l a Me sse n ie . 341 les pouffer davantage ; car pour Euphaès de l’avis de fes Licutenans, il aima mieux quitter prife pour venir au fecours des liens , qu’il fe contenta de rallier 8c de foutenir , fans engager un nouveau combat avec Polydore , pareequ’il ctoit déjà nuit, 8c celui-ci craignit de fe mettre à la pourfuite des fuyards dans un pays 8c par des routes qu’il ne connoiflôit point ; outre que les Lacédémoniens obfcrvcnt inviolablenient cette coutume , de ne jamais pourfuivre trop chaudement l’ennemi qui fuit devant eux , faifant plus de cas de
marcher en bon ordre 8c de bien garder leurs rangs que de tuer quelques hommes de plus. Les deux corps de bataille combattirent avec un égal fuccès , l’un fous la conduite de Cléonnis, l’autre fous Euryléon. La nuit fépara les combat-
tans ; mais à vrai dire il n’y eut dans l’une 8c dans l’autre armée que l’infanterie qui foutint l’effort du combat. La cavalerie ctoit peu nombreufè 8c ne fit rien qui mérite qu’on en parle ; car les peuples du Peloponnefe ne fijavoient point encore l’art de bien manier un cheval. Quant à la cavalerie legere des Meflcniens , 8c aux archers Crétois des Lacédémoniens , ils ne furent que fpeclateurs , pareeque fuivanc l’ufage d’alors ils faifoient partie du corps de réferve qui ne donna point. Le lendemain ni les uns , ni les autres n’eurent envie de fe battre , ni ne s’aviférent d’ériger un trophée ; au contraire ils envoyèrent des hérauts réciproquement d’une armée à l’autre pour demander une fulpenfion d’armes avec la liberté d’enterrer les morts. Depuis ce combat les affaires des Meflcniens commencé- c H rent à fe découdre. Les garnifons qu’ils avoient été obligez ix. de mettre dans leurs places leur avoient infiniment coûté , de forte qu’ils n’étoient plus en état d’entretenir une armée fur pied. En fécond lieu tous leurs efclaves avoient déferté pour fe donner aux Lacédémoniens ; enfin pour comble de malheur une maladie populaire , une efpéce de pefte affligeoit leur pays, 8c quoiqu’elle n’eût pas gagné toute la Mefl'énie, elle ne laifloit pas de leur enlever beaucoup de monde. Apres avoir mûrement délibéré fur l’état de leurs affaires , ils réfolurent d’abandonner la plupart des villes qu’ils avoient en terre ferme , 8c de fe retirer fur le mont Ithome dans la ville meme qui porte ce nom , 8c dont ils prétendent qu’HoV v iij
341 PAUSANIAS, LlVRE IV. mere a voulu parler , lorfqu’il a dit dans le dénombrement des vaiflêaux ,
Idiome l’cfcarpée & la riche Occhalie. Us en agrandirent l’enceinte afin qu’elle put fervir d’afyle à la quantité de nouveaux habitans qu’elle devoir contenir 5 cctoit une place très-forte d’afliette, étant fituée fur une montagne aufli haute qu’il y en eût dans l’ifthmc du Peloponnefe , ainfi les approches en étoient fort difficiles. LorC qu’ils s’y furent réfugiez ils jugèrent à propos d’envoyer confultcr l’oracle de Delphes 5 ils donnèrent cette commifïion à Tifis fils d’Alcis, homme diftingué parmi fes concitoyens & fur-tout habile en l’art de la divination. Tifis alla à Delphes ; mais en revenant il fut attaque par des Lacédémoniens de la garnifôn d’Amphée, qui s’étoient embufquezfur fon pafîâge s comme il fe defendoit avec beaucoup de réfolution ils ne ccflcrcnt de tirer fur lui, jufqu’à ce qu’ils entendirent une voix qui venoit on ne fçait d’ou, & quidifoit, laifJeij>aJ[er le meffd&er de l'oracle. Tifis à la faveur de ce fêcours d’en haut ayant gagné Ithomc rapporta l'oracle au roi, & peu de jours apres mourut de fes bleflùres. Euphacs convoqua le peuple auffi-tôt pour lui faire part de l’oracle, dont le fefis ctoit à peu près tel,
Du pur [1] fangd’Epytus une vierge éplorée, Dans un noir facrifice à l’autel égorgée , Appaifant de Pluton l'implacable courroux , Pourra fauver Ithomc & vous garantir tous. Ces paroles n’eurent pas plutôt été entendues que l’on fit tirer au fort tout ce qu’il y avoit de filles de l’illuftre maifon des Epytides. Le fort tomba fur la fille de Lycifcus, mais
le devin Epcbolus s’oppofa à < qu’clle fût facrifiée , difant que Lycifcus n’en étoit pas le 1 jere , & que fa femme qui ctoit fterile avoit fuppofé cette fil! e à fon mari } pendant qu’il
[ il D« fur feugd’Epynu. Cet oracle eft diâé en cinq vers héxametres. Les deux derniers ne font pas allez à entendre. Amaféc qui les tend en Latin a etc trompé par 1 édition d’Aldc M.t-
nuce , dont le manuscrit n'étoit pas plus exempt de fautes que les aunes. Pour moi je me fuis contente de rendre la fubftance de l’oracle. Eufcbc dans û prép. Evang. le rapporte en deux vers.
Vo y a g e d e l a Me sse ni e . 345 débite ce conte dans le public, Lycifcus prend fa fille avec lui 8c s'enfuit à Sparte. Son évafion confterna fort les Méfie, niens ; Ariftodeme les raflùra } il ctoit aufli de la race des Epytides & beaucoup plus illuftre que Lycifcus en tout genre , mais fur-tout à la guerre ; il offrit volontairement fa fille. Le deftin obfcurcit tout-à-coup la vertu des hommes, comme un fleuve ternit de fon limon l’cclat de ces belles coquilles qui font fur lés rives. Ariftodemeprêt à dévouer fa fille pour le lalut de fa patrie tomba dans le malheur que je vais dire. Un Meflenicn,dont on ne dit pas le nom étoit amoureux de cette jeune perfbnne & prétendoit l’époufer ; voyant le péril qui la menaçoit , il foutint à Ariftodeme que fa fille étoit fiancée, qu'il n’avoit plus de droit fur elle , que lui à qui elle étoit accordée en étoit plus le maître que fon pere , 8c que l’on n’en pouvoir difpofer fans fon conlènrement. Comme on ne l’ecoutoit point, il poufla l’effronterie jufqu’à dire qu’il avoit abulé de cette fille £c qu’elle étoit groffe. Ariftodeme ne fe pofledant plus de voir une telle méchanceté , & tranfportç de colere enfonce un poignard dans le fein de fa fille, la jette morte à fes pieds , lui ouvre le ventre , & convainc l’aflèmblce qu’elle n’étoit point groffe. Auflî-tôt le devin Epébolus s’écria qu’il falloir chercher un autre Epytide qui voulut bien livrer fa fille ; qu’Ariftodeme en tuanc la fienne n’avoit rien fait qui pût fervir aux Mefleniens, qu’il l’avoit (acrifiée à fa fureur , 8c non aux dieux dont parloir la Pythie. Le peuple ayant entendu ce difeours , peu s’en fallut qu’il ne mît en pièces l’impofteur, qui avoit fait commettre un parricide à Ariftodeme , 8c rendu l’efpcrance publique fi douteufe. Mais heureufement cet homme étoic fort aimé du roi. Euphaès prit donc la parole & dit aux Mefleniens qu’il ne devoitleur relier aucun fcrupule , 8c que l’oracle ctoit fuffifamment accompli , puifqu’après tout le fang d’une vierge avoit été répandu. Tous les Epytides applaudirent à ce lentiment, & il n’y en eut aucun qui ne fût charme de n’avoir plus rien à craindre pour fes filles. Le peuple s’étant laifle perfuader au difeours du roi, on congédia l’aflemblée ; après quoi l’on fit des facrificcs 8c l’on célébra un jour de fête en l’honneur des dieux. Les Lacédémoniens ayant appris l’oracle qui avoit étéren- —-----duaux Mefleniens parurent fort allarmez , & les deux rois Cl^Ar'
34+ Pa u sa n ia s , Liv r e IV. eux-mêmes ne fuient plus fi preflez de recommencer la guerre. Enfin la fixiéme [ i ] annee depuis la fuite de Lycilcus, les Lacédémoniens après avoir dûment facrifiè aux dieux, fe mirent en campagne &c marchèrent droit à Ithome. Leurs archers Cretois n’a voient pas encore joint, & les Mefleniens n’avoient pas non plus reçu les fecours qu’ils attendoient de leurs Alliez. Caries Spartiates commençoient [1] à donner de l’ombrage aux autres peuples du Peloponnefe, fur-tout aux Arcadiens & aux Argiens. Ceux-ci comme à la dérobée 8c fans aucune réfolution publique dévoient aider les Mefleniens 5 pour les Arcadiens , iis ne s’en cachoient point & armoient tout ouvertement ; mais ni les uns, ni les autres n’étoient arrivez. Les Mefleniens pleins de confiance en leur oracle crurent pouvoir fe pafl'er de tout fecours étranger ; ils tentèrent donc encore une fois le fort des armes. A plufieurs égards ce fécond combat ne fut pas fort différent du premier ; la nuit y mit fin de la même maniéré, aucune des deux ailes, aucun bataillon même ne fut enfoncé , ni rompu 5 car ni les uns , ni les autres ne gardèrent leurs rangs. Les plus déterminez qûittant leur pofte formèrent un corps de part & d’autre, & combattirent avec furie. Euphaès fe laiflant emporter à fon courage plus qu’il ne convenoit à un roi, chargea brufquement la troupe où étoit Théopompe ; mais il reçut plufieurs bleflures & bleflures mortelles. Ce fut alors que le combat devint fanglant ; car les Lacédémoniens voyant Euphaès tombé & prêt à expirer , firent les derniers efïorrs pour fe rendre maîtres de fa perfonne ; & les Mefleniens encouragez par l’amour qu’ils avoient pour leur roi fe battirent en dcfefperez autour de lui, fans compter que l’honneur les y engageoit, auflî penfoient-ils qu’il étoit pius beau de mourir pour leur roi que de lui furvivre en l’abandonnant. Ainfi le malheur d’Euphaès opiniâtre, le combat , & donna aux uns & aux autres occafion de faire des prodiges de valeur. Enfin ce prince fut rapporté au camp , oîi il eut la confolation de fentir que fes troupes avoient fait leur devoir , & n’avoient point été battues. Au bout de quelques jours il mou-
[ i] L»Jtxiéme année. Ama/ee dit brage. Amalcc dit tout le contraire & lu huitième > amie oltavo , cependant le trompe afliircment. Il n’cft pas plus le texte dit U fixiéme. heureux dans la phrafe fuivantc. [1] CemmfHfoient à donner de fom-
rut
Vo y a g e d e l a Me sse n ie . , 345 rut après avoir régne treize ans, durant lefquels il fut toujours en guerre avec les Lacédémoniens. Euphaès mourant fans enfans laiflà au peuple la liberté de le choifir un maître. Cléonnis &Damis fe trouvèrent en concurrence avec Ariftodeme & précendoient l’emporter , comme s’étant beaucoup plus diftinguez , & à la guerre, & en temps de paix ; car pour Anrander il avoit été tué dans le combat en défendant fon roi. Les deux devins Epébolds & Ophionce étoient contraires à Ariftodeme ; ils difoient hautement qu’un parricide & un impie qui avoit trempé fes mains dans le fang de fa fille , n’étoit pas fait pour occuper le trône d’Epytus & de fes defeendans. Mais malgré leur oppofition Ariftodeme eut les fuffrages du peuple & prit les rênes de l’Etat. Cet Ophionée dont je viens de parler étoit aveugle de naiflance , & voici comme il exerçoit l’art de deviner ; il demandoit à ceux qui venoientle confulter de quelle maniéré ils s’étoient gouvernez foit en public , foit en particulier , & fuivant leurs réponfes il prédifoit ceJqui leur devoir arriver. A l’égard d’Ariftodeme , il fut toujours agréable au peuple , & ne fçut pas moins gagner les Grands, entre lefquels il confidéra particuliérement Cléonnis & Damis 4 plein d’attention pour fes Alliez , il envoya des Députez en Arcadie , à Argos & à Sicyone avec des préfens pour ceux qui croient à la tête des affaires parmi ces peuples. Durant prefque tout fon régne les Lacédémoniens & les Mefleniens également las de la guerre ne la firent que par quelques coups de main & quelques hoftilitez de part & d’autre, fur-tout au temps de la moiflbn j les Arcadiens fe joignoient quelquefois aux Mefleniens pour faire le dégât dans la Laconie ; mais les Argiens plus circonfpeAs n’ofoient fe déclarer contreSparre, bien refolus pourtant à fe mettre du côté des Mefleniens, fi l’on en venoit à une action décifive. Enfin la cinquième année du régne d’Ariftodeme, les uns — ■ & les autres ne pouvant plus foutenir la longueur de la guerre, C£ j p‘
ni les.dépenfes qu’elle entraînoit , ils voulurent la terminer Sar un combat , & les Alliez des deux nations envoyèrent jour marqué le fecours dont ils étoient convenus. De tous les peuples du Peloponnefe il n’y eut que les fouis Corinthiens qui n’abandonnèrent point Sparte,au contraire les Arcadiens
Tome 1.
Xx
34<; PlOSOîAl, L.vn IV. marchèrent en corps d'armée au fecours des Mefieniens, Argos & Sicyonc fournirent à la vérité moins de troupes, mais c’étoient tous gens choifis. L’ordre de bataille des Lacédémoniens fut tel -, ils mirent au milieu les Corinthiens , les Hilotes & toutes les troupes qu’ils avoient tirées des pays nouvellement fournis â leur domination s chaque roi commandoit une allé, & leur phalange plus nombreufeque jamais étoit bien ferrée & bien garnie. Pour Ariftodemc , voici comme il rangea fon armée. Il choifit parmi les Mefieniens & les Arcadiens les plus beaux hommes & les plus braves, il les arma le plus avantageufement qu’il put, Ce les mêla avec les Argiens & les Sicyoniens pour les foucenir durant le combat il donna à fa phalange le plus d’étendué qu’il lui fut
poflible , afin qu’elle ne put être enveloppée , Sc eut la précaution de s’ajufter fi bien au terrein que fon armée eût toujours le mont Ithome derrière elle. Cléonnis eut le commandement de la phalange , Ariltodcme & Damis fe mirent à la tête des detfx ailes, & prirent avec eux quelque peu d’archers & de frondeurs. Les autres troupes à caufe de leur agilité furent deftinées à fe porter tantôt d’un côté , tantôt de l’autre , & à inquiéter l’ennemi par leurs mouvemens ; car ellesavoicnt toutes ou un bouclier, ou une cuirafiè ; ceux qui manquoient
de cette armure fe couvroicnt de peaux de chèvres , ou de brebis, ou même de bêtes fauvages 5 les Arcadiens fur-tout, qui étoient des Montagnards pour la plupart, marchoient vêtus de la dépotiille d’un ours ou d’un loup 5 chaque foldat avoit plufieurs javelots , & quelques-uns même des lances. Cette infanterie legere demeura comme embufquée dans un endroit de la montagne, où il n'etoit pas aifé de l’appercevoir. La phalange d’Ariftodeme compofée de Mefieniens & de leurs Alliez foutint la première décharge des Lacédémoniens,les
chargea enfuite à fon tour & fe montra plus expérimentée , plus aguerrie qu’ils n’avoient cru. Véritablementelle étoit inférieure en nombre , mais toute formée de troupes d’elite , elle combattoit contre un corps qui ctoit mêlé de bonnes & de mauvailès ; aufli remporta-t-elle & en valeur & du côte de l’art militaire. D’ailleurs cette cavalerie légère qui s’étoit cachée , venant à fortir au premier lignai, harccloit encore beaucoup les ennemis $ car les prenant en flanc elle tiroit
OBSERVATIONS DE
M. LE CHEVALIER FOLLART,
Sur la bataille du Mont Ithome,Liv. IV. pag. 346.
B
I e n que Paufanias fût perfuadé de l'excellence des chofes qu’il avoit à nous apprendre, il fentit bien en écrivant fort voyage que la variété étoit très-néceflâirc dans le lien, comme dans tous les ouvrages d’cfprit, & que fans cet artifice de Rhétorique il ennuicroit à coup fur fes Le&eurs fatiguez de n’entendre jamais parler d'autre chofe que de temples , & de ftatuës en foule confacrées à fes Dieux & aux Héros de fon pays,
qu'il rencontrait par tout & à chaque pas qu'il faifoit , fans compter un nombre infini de fables impertinentes , qui, bien que nécellàires pour rapporter l’origine des chofes , ne laifi'ent pas que de fatiguer, & de faire croire que cet Auteur étoit d'une créance fort fuperftitieufe. Il les abandonne quelquefois, & fe jette dans des digreflîons & des tranfitions qu >l a inférées dans fon Ouvrage avec beaucoup d’adrefl'e & de goût. Je doute que qui que ce foit de fes Lecteurs le plaigne de ces écarts ; car l’cn doit convenir qu’ils font admirables & fi à propos^ qu’il eft impofïible qu’ils ne plaifênt infiniment, puisque tout ce qu’il nous apprend des faits qu’il rapporte par manière de digrcfllon, eft fort rare & très-peu connu ; & meme certains évenemens qui n’étoient pas venus jufqu’à nous. La guerre de Meflcne lui fournit le fujet d'une longue digreiîion ; elle eft curicufe; &bien que nous ne l'ignorions pas ,
il y a bien des chofes qu’on ne trouve pas ailleurs. Cette guerre eft trcs-anciennc, puifqu'elle arriva près de trois cens ans avant celle d’Alexandre le Grand contre les Perles. Les guerres des Grecs dans ces temps reculez, n'étoient pas fort ruinéufes, & ne coûtoicnt guéres plus aux peuples qui fe la faifoient, qu'aux Romains au commencement de leur Monarchie. Paufanias rapporre quelques fieges, des defenfes & des furprifes de villes, & celle d'Ithomc , femblablc à celle de Crémone en 1702. des combats & des batailles très-bien dctaiHées. De femblablcs dïgiclïions font autant agréables quelles font utiles. a iij
vj La bataille du Mont Ithonie eft fort remarquable, je ne fçais fi la phalange n’étoit pas plu9 parfaite en ce temps-là que celle de Philippe Roi de Macédoine ; dans le fien il ne fit autre chofe que de l’armer d'une autre façon ; mais il n’en fut pas l’inventeur, car du temps de cette guerre de Meflene , & deux ou trois liécles peut-ctre avant, les Grecs combattoient en phalange armez de lances , d’épées & de dards : mais l’on ne feait pas fi ces différentes fortes d’armes étoient diftribuées avec art. J ’ai lieu d'en douter, & je crois que chacun s’armoit à fa fântaifie. Cela fe remarque dans cette bataille & dans toutes celles des anciens temps , feulement à l’cgard des Grecs , 6c avant que Philippe pere d’Alexandre eût armé & difeipliné à fa façon ce corps célébré d’infanterie , qu’il divifa en plufieurs regimens fous le nom de Phalange Macédonienne, qui faifoit un corps de feize mille hommes tous piquiers, ou quatre phalanges de quatre mille piquiers : Mais l’on fe trompe fi l’on attribue à Philippe l’invention de fe ranger & de combattre fur une feule ligne fupprefTée, les rangs & les files ferrées fans aucuns intervalles entre les corps. La phalange fe trouve toute entière dans Homere, & long-temps avant que ce grand Poète chantât le fiege de Troye. 11 eft même vifible que les Grecs ont pris des peuples de l’Afie leur maniéré de combattre, de s’armer & de fe ranger ; car pour les piques, je crois que les Egyptiens s'en font fervis avant les Perles. Tout ce qu’on peut attribuer à Philippe, eft d'y avoir beaucoup changé, perfeétionné la guerre, & la difeipliné militaire , & compofé une armée de foldats qu’il prit à fa folde en temps de paix comme en temps de guerre , au contraire des autres peuples de la Grèce , qui. n'étoient pas en état d’entretenir un corps de troupes réglées. Leurs armées étant compofées de foldats levez à la hâte, qui ne laiflbient pas d’être tres-aguerris & difeiplinez à la maniéré de leur pays. Tout ce que fit Philippe, comme je l’ai dit plus haut, fut de dilcipliner fesfoldats, de les drefler à des évolutions nouvelles , & de les armer uniformément, fans prendre -garde que c’étoit un très-grand défaut que cette uniformité d’armes de longueur, comme il y parut, au malheur & à la hontedes Grecs, lorfqu’ils eurent à combattre contre les Romains, au lieu qu’on çût dû y en mêler des courtes, afin que chacune fe foutîntréciproquement. Tite-Live s’eft donc trompé de dire que Philippe fut i’ig-
vcntcur de la phalanges ic c’cft fur la foi de cet Auteur que M. Tourreil, & tant d’autres Modernes après lui, l’ont prétendu. On voit pourtant la phalange, aux piques près , à la bataille du Mont Ithome, entre ceux de Lacédémone & les Mefleniens. Dans ces temps reculez les Grecs ignoroient l’ufage de la cavalerie, ou s’en fervoient allez mal par le peu de connoiffance qu’ils en avoient 5 outre qu’ils n’etoient pas aflez riches pour s’en fervir dans leurs armées, toutes leurs forces confiftoient en infanterie, qui avoit la Réputation d’être la meilleure du monde. Les Mefleniens voyant l’importance de cette guerre , où il ne s’agifloit de rien moins que de leur liberté contre des ennemis plus puiflàns qu’eux par la valeur de leur infanterie, & leur réputation à la guerre, s’ils nel’étoienten or & en argent, dont l’ufage étoit défendu : les Mefleniens, disje , levèrent un corps de cavalerie legere , qui ne contribua pas peu au luccès de cette bataille , quoiqu’elle ne fut propre qu’à harceler l’ennemi. Il paroît, pareeque dit l’Auteur , que les Généraux de Lacédémone ignorèrent long-temps que leurs ennemis en euflent dans leur armée ; car s’ils en euflènt été aflurez, ils fe fuflent précautionnez contre le piege qu’on leur tendoit par quelque réferve, & n’euflent pas manqué d’avertir leurs foldats de ne point s’étonner de ces vaines attaques dans ce qui pourroit arriver d’imprévû , & que la réferve ne manqueroit de marcher à leurs fecours. Avant que de donner la difpofition des deux armées il eft important de faire remarquer une faute confidérable dans le texte , qu’on ne peut attribuer qu’à l’ignorance des Copiftes. Paufanias, qui eft d’une éxaftitude admirable dans la defcription de cette journée célébré , & dans la diftribution des troupes des deux armées , dit que les Généraux de Meflcne placèrent leur infanterie légère à la tête de chacune de leurs ailes. Il eft formel là-deflus , puifeju il aflüre qu’Ariftodeme & Damis fe mirent à la tête des deux ailes , c~ prirent avec eux quelque peu d'archers Frondeurs. Les usures troupes, dit-il. à caufe de leur agilité, furent deftimes à fe porter tantôt dun cité, tantôt d'un autre, Cr i inquiéter îennemi par leurs mouvement. 11 entend parler de la cavalerie légère, qui fut embufquée dans quelques endroits couverts de la Montagne ; cela fc voit vifiblement dans le commencement du combat , dans fes fuites comme dans la fin, puifqu’il dit dans le récit qu’il en fait , que etailleurs cette cavalerie légère qui s'ctoit cachée venant àfortir aupremier lignai, harceloit
viij encore beaucoup les ennemis; mais ce qui ne laiflc aucune forte de doute fur la faute des Copiftes , c’eft que l’Autcur Grec nous dit, que dès que la cavalerie légère des Meffcntens vit les Lace démontent en de route , elle Je mit à leurs trouves , leur tua beaucoup de monde. Voici i’ordre de bataille des deux armées. Les Mefleniens A. fe rangèrent fur une feule ligne , ayant le Mont Ithome à dos , & fur tout le front de leur ligne. Leurs légèrement armez B. furent mis aux ailes , & comme on ne voit point que les Lacédémoniens fe ferviflent ordinairement de cette forte de milice, qu’ils ne tiraient pas de chez eux, il ne paraît pas qu’ils s’en foient fervis dans cette bataille. Les Généraux de Meflcne ayant remarqué dans la Montagne E. quelque. endroits favorables, qui étoient fur l’aile , & très-propre à la rufe qu’ils avoient concertée enfemble , ils y cachèrent leur cavalerie légère C. avec ordre à celui qui la commando», de lever l’embufcade au premier lignai , & de fondre fur l’aîle F. au moment que les deux armées A. D. en feraient aux mains, & de prendre l’ennemi à dos , en flanc & de toutes parts; ce qui fut très-bien éxecuté. Voilà l’ordre fur lequel les Mefleniens combattirent ,& l’artifice dont ils fe fervirent pour s’aflurer la viétoire, & comme les ftratagêmes les plus communs & les plus ufez (ont toujours nouveaux aux Généraux médiocres & peu prévoyait', ceux des Lacédémoniens D. qui ne combattirent auflî que fur une feule ligne en phalange, dûrent avouer, s’ils fe rendirent bonne jufti.ee , que ceux de Meflcne étoient plus habiles ôc
plus rufez qu’eux.
F I N,
VOÏACI Dl LA MlSSEHlB. J+7 continuellement tur eux, quelques-uns meme avoient la hardicilé de joindre l’ennemi, Se de combattre de pied ferme , de forte que les Lacédémoniens attaquez de tous cotez perdoient prefque l’cfpérancc de vaincre 5 cependant ils fe tenoient toujours ferrez Ce en bon ordre j de temps en temps ils tournoienr leurs efforts contre ces avanturicrs & tâchoicnt de les rcpouil'er } mais ccttc troupe plus agile & moins chargée avoit bien-rot regagné ion porte, fi bien qu'il ne reftoit aux Lacédémoniens que la rage de ne la pouvoir atteindre , & l'embarras qui nait de l’impuiflàncc -, car les hommes font ainfi faits, que quand ils ont une fois entrepris quelque chofc, tous les obftacles imprévus les défêf'perent. Ceux donc qui avoienc été blcflèz [ i ] ou qui fe trouvoient les plus expoféz à ces frequentes efcarmouches, quittant leurs rangs & tranfportez de colere, pourfuivoient fort loin ce dangereux ennemi , qui tournant par les derrières venoit faire la même manœuvre contre le gros de la phalange, ou tomboit fur ccux-mème qui l’avoient pourfuivi j ainfi on combattoit en plufieurs endroits comme par pelotons. Cependant la phalange des MefTéniens & de leurs Alliez preifoit vivement celle des Lacédémoniens, qui cédant enfin à l’opiniâtreté du combat & au nouveau genre d’ennemi qu’elle avoir fur les bras, fut enfoncée & rompue. Des que la cavalerie légère des Mefleniens vit les Lacédémoniens en déroute, elle fe mit à leurs troufles & leur tua encore beaucoup de monde. On ne fijaic pas au jufte combien d’hommes ils perdirent > pour moi je crois que le nombre en fut confidcrable. Les Spartiates qui n’avoient point de pays ennemi à traverfer s’en retournèrent fans peincchcz eux 5 mais larctraite des Corinthiens fut difficile , parecqu’il leur falloir paflèr fur les terres d’Argos & fur celles de Sicyone.
La perte de cette bataille & de tant de braves gens qui y Cha f . périrent, non-feulement abattit le courage des Lacédcmo- XU. niens , mais leur ôta tout efpoir de terminer heureufément ccttc guerre. Dans la perpléxité où ils étoient, ils envoyèrent
je ne fuis pas affûte de rentendreparfaitement. Il me femble du moins que obltur fou pat l.i faute de l’auteur , ce que je dis cil à l'eu près ce que Paufifait pat 1e vit e .les inartufcrirs. Je vois nias a voulu dite. bien «ju'Amafée l'a mal rendu ; mais
[il Ceux donc gui uveitnt été'HefftL. Tout cet endroit du texte cil fort
Xxij
348
Pa
u sa n ia s ,
Liv r e
IV.
à Delphes pour confulter l’oracle , Sc voici la reponfe qu’ils
en [i] curent :
Ce pays defiré , cette fertile terre , Le fujet éternel d'une cruelle guerre, fut autrefois le prix d’un ftratageme [i] heureux ; La rufe peut encor favorifer vos vaux. Sur la foi de cet oracle les deux rois de Sparte & les Ephores tournèrent toutes leurs penfèes du côte de la rufe&de l’artifice } mais il ne leur vint rien autre chofe dans l'efprit que de faire ce qu’avoir fait autrefois ülyfie durant le fiége de Troye. Ils choifirent donc une centaine d’hommes qu’ils envoyèrent à Ithomc avec ordre de fe donner pour’dclerteurs, & cependant de bien obfcrvcr les deflèins& les démarches des ennemis ; meme afin que leur défertion ne parût pas douteulé, on leur fit leur procès à Sparte. Ces gens exécutèrent leurs ordres ; mais Ariftodeme n’y fut pas trompé , il renvoya fur le champ ces traîtres, en dilànt que les finefles des Lacédémoniens étoient auffi ufées que leur injuftice ctoit récente. Cette tentative n’ayant pas réuffi, ils entreprirent de débaucher les Alliez des Mefleniens, projet où ils neréuflirenrpas mieux ; car les Arcadiens à qui ils s’étoient d’abord adreflez, ne voulurent feulement pas écouter leurs propositions , ce qui dégoûta les Lacédémoniens d’envoyer à Argos de crainte d'un pareil refus. Ariftodeme ayant eu connoiflânce de toutes ces menées envoya à fon tour confulter le dieu de Delphes ; & la Pythie répondit ce qui fuit :
Un laurier immortel va couronner ton front, Le Ciel l'ordonne ainfi ; mais d'un fecret affront Tâche de te défendre , & crain que l’artifice Ne creufe fous tes pas un affreux précipice. Quand deux yeux s’ouvriront à la clarté du jour Et fe refermeront par un trifte retour, [1] D'unfirutugenie heureux. 11 faut [r] Et voici Ureponfequ’ils eurent. Cette reponfe eft en trois vers hexamè- fe fouvenir de ce qui acte dit plus haut, tres ; mais ces vers font nul copiez dans que Chrefphonte avoit eu la Mcflcnic le texte. Eufcbc dans fa préparation en partage par une fupcrchcric de TéEvangélique, liv. 5, ch. 17 , les rap- menus, qui vouloir le favorifer. porte un peu autrement.
Vo y a g e d e la Mes se n t e . Alors c’eft fait d’Ithome, & fon heure fatale L'abandonne aux fureurs de fa fiere rivale.
545
Ariftodemc & tous les interprètes d'oracles ne purent comprendre celui-ci, mais dans la fuite il devint plus clair & fut vérifié par l’événement. Sur ces entrefaites il arriva que la fille de ce Lycifcus qui s’étoit enfui à Sparte vint à mourir , & que le pere qui alioit fouvent pleurer fur le tombeau de fa fille fut enlevé par des cavaliers Arcadiens , qui s’ccoicnt misenembufeade fur fon chemin. Conduit à Ithome il comparut devant l*aflèmblée du peuple , où accufé de trahilon & de félonie , il plaida fa caufe. Il dit pour fa défenfe qu’il n’avoit point trahi fa patrie, mais qu’intimidé par l’affurance du devin Epébolus qui foutenoit que fa fille n’étoit pas légitime , il avoit crû devoir s’éloigner pour ne pas s’expolèr au danger de verfer inutilement un fang innocent. Ce difeours ne faifoit pas grande impreflîon ; mais dans le temps qu’il parloir, arrive dans l’aflemblée [ 1 ]laprêtreflè de Junon, qui
protefle qu’elle étoit la mere de cette jeune perfonne que l’on croyoit fille de Lycifcus , & qu’elle même l’avoit donnée à la femme pour la lùppofer à fon mari 5 c’eft un myftere, ajouta-t-elle , que je ne puis me difpenlèr de révéler aujourd’hui, & j’abdique en même temps le facerdoce dont on m’a honorée. C’eft que par une coutume établie chez les Meflèniens, toute prêtreflè ou tout prêtre qui perdoit un de lès enfans étoit transféré d’un facerdoce à un autre. Le peuple s’etant rendu au témoignage de cette femme, on mit une autre prêtreflè en fa place , & l'on renvoya Lycifcus abfous. Il y avoit déjà vingt ans que la guerre durait j on voulut fçavoir quelle en ferait l’iflùc, & pour cela on envoya encore à Delphes confulter l’oracle, qui répondit par ces [z] vers,
De cent trépieds offerts au puiifant dieu d’Ithome [t] /irrive duni l'ujfemblée , dre. Le texte dit , arrive fur le théâtre , mais comme il s'agit d’une aflcmbléc du peuple, j’ai cru devoir foppnmcr le mot de théâtre qui auroit paru extraordinaire au lecteur. [1] Qui répondit pur cei vers. Cet oracle eft conçu en fïx vers Grecs hexamètres. L'intcrpretc Latin ne les a pas traduits littéralement, ni moi non plus.
Je me fuis moins attaché à la lettre qu’au fens. Ces vers font corrompus par la faute des copiftes , ce qui en rend la traduction encore plus difficile. On voit par cet oracle que les Lacédémoniens étoient déjà menacez du revêts de fortune qui leur arriva à h bataille de Leu&res ; car c’eft ce que veut dire le dernier vers. Xxiij
3jo
Pa u sa n ia s , Liv r
e
IV.
Dépend, n’en doutez point , le falut du royaume.
Celui qui le premier encenfant fon autel
Y pourra confacrer ce prefent immortel, Vainqueur comble de gloire aura l’heureufe terre
Qui depuis fi long-temps caufe entre vous la guerre. Le deftin à fon gré difpenfe fes faveurs, Et chacun tour à tour éprouve fes rigueurs. Les Meflcniens ne doutèrent pas un moment que la victoire ne leur fût promife par cet oracle , & ils fe fondoient fur ce que Jupiter Ithomate ayant fon temple renfermé dans leurs murs, il n’étoit pas poflîble que les Lacédémoniens fuflent les premier-* à lui confacrer les cent trépieds. Comme ils n’étoient pas allez riches pour en avoir de bronze , ils en firent faire de bois le plus diligemment qu’ils purent. Cependant un homme de Delphes porta la nouvelle de l’oracle à Sparte. Aufli-tôt on tint confeil , on chercha des expédiens pour pouvoir prévenir les Mefleniens & l’on n’en trouva point. Un Spartiate nommé (Ebalus, homme allez obfcur , mais de bon entendement, comme on le va voir, s’avifa de faire luimême cent trépieds de terre } il les mit dans un fac, prit un filet fur fon épaule & habillé en chaflèur s’en alla à Ithome. Fort peu connu dans fon propre pays il ne couroit pas rifque de l'être dans un pays étranger. Arrivé aux portes il fe mêle parmi des payfans qui alloient tous les matins à la ville , entre avec eux , ne le montre point, & le foir fur la brune s’en va au temple de Jupiter , pofe les trépieds fur fon autel, & s’en retourne à Sparte. Le lendemain que l’on eut connoiflànce de ce qui s’étoit pafle , les Meflcniens fe voyant trompez & prévenus , furent fort allarmez -, Ariftodeme harangue la multitude , la confole du mieux qu’il peut , & pour raflùrer les cfprits fait appendre à l’autel de Jupiter les cent trépieds de bois que l’on avoit commandez & qui pour lors fe trouvèrent achevez. Dans le même temps il arriva qu’Ophionée, ce devin qui étoit aveugle de naiflance, recouvra la vûë d’une maniéré fort extraordinaire ; car il fe plaignit durant quelques jours de violens maux de tête, & au moment qu’il en fut délivré , il vit clair. Cha Les dieux ne ccfloient d’avertir les Meflcniens de leur ruixm ' ne prochaine par des prodiges qui n'étoient pas équivoques.
Vo y a g e d e la Me sse n ie . 351 Minerve ctoit repréfcntée en bronze â Ithome avec fes armes ; Ion bouclier tomba tout-â-coup. Un jour qu’Ariftodeme vouloit facrifier à Jupiter Ithomare , des béliers qui dévoient fervir de viâimcs allèrent d’eux-mêmes heurter contre l’autel d’une (i grande force , qu’ils moururent fur le champ. Des chiens s’attroupoient durant la nuit , faifoient des hurlemens épouvantables, & enfuite on les voyoit paflerpar bandes au camp des Lacédémoniens. Tous ces prodiges troubloient fort Ariftodeme, mais il eut un fonge qui fembloit lui annoncer fon malheur encore plus diftindement. Il rêva qu’il étoit fur le point de donner bataille , déjà il avoit facrific aux dieux, & les entrailles des vi&imes étoient fur la table ; en ce moment fa fille s’apparoît à lui, vêtue de deuil, le fein& le ventre ouverts, & ruiflèlans de fang, effet lamentable de [1] la fureur du pere 5 elle jette les entrailles des viâimes, renverfe la table , arrache à fon pere les armes qu’il avoit prifes, lui met en la place une couronne d’or fur la tête , & le revêt d’un habit blanc ; tel fut fon fonge. Cette funefte vifion fembloit lui prédire fa fin , d’autant plus que fiarmi les Mefleniens c’eft la coutume , avant que d’enterrer es perfonnesilluftres, de les expofer vêtues de blanc avec une couronne fur la tête. Il étoit tout occupé de ces triftes idées, lorfqu’on vint lui annoncer qu’Ophionée étoit redevenu aveugle comme auparavant. Ce fut pour lors qu’il comprit l’oracle & le fens de ces vers,
Quand deux yeux s’ouvriront à la clarté du jour, Et fe Refermeront par un trille retour , Alors c’eft fait d’Ithome , &c. Venant donc à repafTer dans fon efprit le malheur qu’il avoir eu d’égorger fa propre fille ,fans que fa mort fut d’aucune utilité à l’Etat , & voyant d’ailleurs qu’il n’y avoit plus rien à efpérer pour fa patrie , il fe paflà fon épée au travers du corps & expira fur le tombeau de fa fille. Ce grand homme avoit fait tout ce qui fe pouvoit faire humainement pour le falut des Mefleniens, mais il ne put vaincre la rigueur du deftin, ni la malignité de la fortune, qui ne féconda jamais fes entreprifes. Il avoit régné fix ans & quelques mois.
[ 1 ] Dt U fureur du pere, parccqu’Ariftodcmc avoit lui-même égorgé la fille , comme il a été dit ci-dcflus.
55* Pa u san ia s , Liv h IV. Après cette cataftrophc les Mefleniens perdirent courage 't au point qu’ils furent tentez d’envoyer à Sparte pour implorer la clémence des Lacédémoniens, tant ils croient concernez de la mort d’Ariftodcme $ mais leur reflèntiment encore plus fort que l’amour de la vie ne leur permit pas de te dé-
mentir julques-là. S’étant donc aflcmblcz ils. créèrent non un Roi .mais un Général à qui ils donnèrent une pleine autorité, & ce Général fut Damis. Il s’aflocia deux collègues, Cléonnis & Phyléüs- enfuite s’arrangeant félon l’état prêtent des affaires il difpofa tout pour le combat -, car les Meflcniens depuis long temps afliégez danslthomefe voyoienttous les jours reflêrrez de plus en plus , outre que les vivres commençant à leur manquer ils avoient la famine à craindre ; il faut avoüer que jamais le péril ne les étonna, & qu’ils furent toujours prêts à payer de leurs perfonnes } auflï perdirent-ils tous leurs Chefs avec une infinité de braves gens , & malgré l’extrémité où ils étoient réduits ilsfoutinrent le fiége encore cinq mois ; mais enfin ils furent contraints d’abandonner Ithome après avoir fait la guerre durant vingt ans , fuivant ce témoignage de Tyrtée,
Apres vingt ans de guerre Ithome abandonnée , Recevant fon vainqueur cède à fa deftinée. Cette guerre finit la première année de la quatorzième [r] Olympiade ,en laquelle Damon Corinthien remporta le prix du ftade. L’adminiftration des Médontides , Archontes décennaux à Athènes duroit encore , & Hippomene étoit dans la quatrième année de fon Archontat. Ceux des Mefleniens qui avoient droit d’hofpitalitc, foit en Arcadie, foit à Argos, ou à Sicyone, te retirèrent dans ces villes ; d’autres qui étoient de la race des miniftres deCerès, & qui exerçoient les fondions du fâcerdoce des grandes Dceflès
[i] Delà quatorzième Olympiade. Amafcc de fa propre autorité met la 14 Olympiade , au lieu de la 14 , il n’eft pas ailé d‘en deviner la ratfon ; car Eufcbc dans fa chronique fixe le commencement de la guerre Meflèniaque à la fcpticnie année du régne de Romulus, qui étoit b troifiémcde b
huitième Olympbde. Ajoutez les 10 ans que dura ccttc première guerre fuivant le témoignage de Tyrtêe, vous trouverez qu'elle finit l’an 17 du régne de Romulus , le ttoificinc de la 15» Olympbde. C'eft à peu prés le compte de Paufanias. à Andanie
VO Y A C E
DE
LAMESSENIE.
JJJ
à Andanic allèrent chercher une retraite à Eleufis. La multitude fc difperta de côte Se d’autre dans les villes & les bourgades de la Meflenie, chacun tâchant de regagner fon an-
cienne habitation. Quant aux Lacédémoniens, ils commencèrent par détruire Ithome jufqu’aux fondemens , enfuiteils le rendirent maîtres de toutes les villes du pays. Des dcpoüilles qu’ils avoient remportées fur les ennemis , ils contactèrent à Apollon Amvclécn trois trépieds de bronze. Venus étoit reprefentée fur le premier , Diane fur le fécond , Ccrcs & Prolèrpine fur le troifiéme. Ils donnèrent aux Afincens, peuples que les Argiens avoient chaflez de leur ville, toute cette côte maritime qu’ils occupent encore aujourd’hui, & aux defeendans d’Androclès cette province que l’on nomme Hyamie ; car il reftoit encore d’Androclès une fille , & cette fille avoit des enfans qui après la mort de leur ayeul avoient quitté la Meflenie pour aller s’établira Sparte. Voici maintenant comment ils traitèrent les Mefleniens ; premièrement ils leur firent prêter ferment de fidelité, en forte qu’ils s’obligeoient tous à ne jamais fe révolter contre les Lacédémoniens & à n’exciter aucun trouble ; en fécond lieu tans leur impofer [ i ] aucun tribut fixe, ils les condamnèrent à apporter tous les ans à Sparte la moitié des fruits qu’ils recueilleroient fur leurs terres, troifiémement ils exigèrent d’eux qu’à l’avenir & à perpétuité les maris & les femmes aflîfteroient en habits de deiiil aux funérailles des rois de Sparte , & à celles des Ephores. Et par cette ordonnance il y avoit des peines portées contre les délinquans. Nous avons un monument de ces peines infamantes dans Tyrtée, qui parle ainfi des Mefleniens.
Pareils aux animaux qu’un maître impitoyable Fait ployer fous le faix d’un poids qui les accable, On les voit gémiflâns apporter fur leur dos Jufqu’aux pieds du vainqueur le fruit de leurs travaux. Voici d’autres vers du même poëte qui marquent l’obligation
[i] tnbat fixt. Amaiùc dit tnnm flifnubt aiW, il fc trompe. C’é-
toit bien un tribut annuel, mais ce tribut n’ctoit pas fixe, puisqu'il cocüiftoit Ttmc I.
en la moitié de leur récolte , qui étoit tantôt plus abondante , & tantôt moins.
Yy
>14 P AU! A N I A!, Ll VA B IV. où ces malheureux ctoient d'aflifter en dctiil à la pompe funèbre des rois de Lacédémone :
Et forcez de bai fer la main qui les châtie ; A la mort de nos rois, en longs habits de deiiil, Ils vont fcrvilement pleurer fur leur cercueil. Les Mefleniens fe voyant réduits à cet excès de miferc, dans
la dure néceflité de donner tous les ans la moitié de ce qu’à la lueur de leurs corps ils pouvoienc tirer du loin de la terre, & fans efpérance d'un avenir plus lupportable } le réfolurent enfin à fccoücr le joug , aimant mieux mourir les armes a la main, que de lqnguir plus long-temps dans un fi cruel efclavage, ou que d’être chaflezdu Peloponnefe. Les auteurs d’un fi genereux deflein étoient de jeunes gens qui n’avoient point encore vù la guerre , mais qui avoient tant de courage, que la liberté achetée au prix de leur fang leur paroiflbit préférable à la fervitude, même la plus douce. Car depuis laprife d’Ithomeil s’étoit élevé dans tous les endroits delaMeflenie une floriflante jeunefle ; particuliérement à Andanie où elle étoit encore plus belle fie plus nombreufe qu’ailleurs. Parmi cette jeunefle brilloit fur-tout Ariftomcne , quelesMeflcniens honorent encore aujourd’hui comme un héros, 8c dont ils croyent que la naiflance eut quelque choie de merveilleux. En effet ils difent qu’un génie ou un dieu fous la forme d’un dragon eut commerce avec fa mere Nicotelce,fic que de ce commerce naquit Ariftomcne. Je fçai que les Macédoniens en ont dit autant d’Olympias, fie les Sicyoniens autant d’Ariftodama^ il y a feulement cette différence, que les Mefleniens ne croyent pas qu’Ariftomene fût fils de Jupiter ou d’Hcrcule, comme les Macédoniens fe font imaginé qu’Alexandre étoit fils d’Ammon , fie les Sicyoniens qu'Aratus avoit Efculape pour pere ; car la plupart des Grecs tiennent Ariftomcne fils de Pyrrhus, 8c les Mefleniens en lui faifanc des libations ne le qualifient point autrement que l'illuftrc fils de Nicomedc -, c’eft un fait dont je fuis certain. Quoiqu’il en foit , Ariftomcne jeune & plein de courage , 8c tout ce qu’il y avoit de jeunes gens diftinguez dans la Mcflcnic cxcitoicnt [ i ] (ans ccflc leurs compatriotes à prendre les armes.
[ i ] Excinint fau ceffr Itan l'auteur, aufli Sylburge l’a-t-d repris.
Anufce s’écarte ici du fens Je
Vo y a g e d e l a Me sse n ie . 35f D’abord l’affaire fut conduite avec beaucoup de fecret 5 ils envoyèrent à la dérobée des gens de confiance aux Arcadiens Seaux Argiens, pour Içavoir fi en cas qu’ils levaflentle mafque, ilsrecevroicnt d’eux des fecours auflî prompts & auflî puiflans que leurs peres en avoient reçu durant la première guerre. Ils trouvèrent leurs Alliez mieux difpofez qu’ils n’avoient cTT7. ofé l’cfpérer, car les Arcadiens & les Argiens avoient déjà XV. fait éclater leur animofité contre Sparte. Contcns donc de leurs préparatifs ils foulcvent toute la Meflcnie trente-neuf
ans apres la prife & le lac d’Ithome , la quatrième année de la vingt-troifiéme Olympiade qui fut célèbre par la victoire que remporta Icare d’Hypérefie à la courte du ftade. La république d’Athcnes n’étoit pas encore gouvernée [ i ] par des Archontes annuels , &Tléfias [i] étoit en charge. Il n’eft pas auflî aifé de dire qui pour lors regnoit à Lacédémone,
car Tyrtée ne nous l’apprend pas. Rhianus dans fon hiftoire en vers dit que c’étoit Léotychide; mais c’eft une foible autorité. Si Tyrtée ne s’eft pas expliqué bien nettement fur ce point , on peut du moins tirer quelque conjecture de ces versci qui doivent s’entendre de la première guerre :
Apres vingt ans de fiége Ithome encore debout Avoit prefque pouflc nos ennemis à bout. • Ses braves défenfeurs les peres de nos peres Ne nous feront-ils point rougit de nos miferes ? Par ces mots les peres de nos peres , le poète marque allez que ce fut à la troifiéme génération depuis la première guerre, 3ue les Mefleniens reprirent les armes. Or la fuite des rois e Sparte nous apprend qu’en ce temps-là régnoit Anaxandre fils d’Eurycrate & petit-fils de Polydore , & de l’autre
[ 1 ] N’étoit pa i encore gouvernée par des Archontes annuels. Le texte dit au
contraire qu’elle étoit gouvernée par des Archontes annuels ; mais c’eft par une erreur de copifte qui a omis la particule Ccttc faute cflcnticllc a été heureufement corrigée par Mcurfius dans fon traité des Archontes Athéniens , liv. t, chap. 8. [a] Tlé/ut étoit en charge. Sigo-
mus fait Tlefias le deuxieme des Archontes annuels, mais il fc trompe grof fièrement. Le deuxième Archonte annuel , fuivantles marbrcsd’Arondcl fut Lyfias. TJéfias fut le dernier Archonte décennal, il fuccéda à Ervxias qui n’avoit pas rempli lôn temps, & ce fut fous l'Archontat de Tlefias que Cléoptoleme fut vainqueur au ftade en la vingtquatrième Olympiade. Yyij
J0 Pa u sa n ia s , Liv r e IV. branche Anaxidamc fils de Zcuxidamc , petit-fils d'Archidanie fie arrière petit-fils de Théopompe ; je delcens jufqu’au quatrième degré , parccqu’Archidame étant mort avant fon pere , la couronne pafla à Zcuxidamc petit-fils de Theopompc. Pour Léotychide, on feait allez qu'il ne régna qu’apres Demaratc fils d’Arifton , fequel Arifton étoit le fcpticme
dclcendant de Thcopompe. Ce fut donc fous ces règnes que les Mefieniens un an apres leur révolte livrèrent bataille aux Lacédémoniens à Derès qui eft un village de la Meflcnie. Ni les uns , ni les autres ne furent fecourusde leurs Alliez , & l'on ne fijait pas bien de quel côté fut l’avantage. Mais on dit qu’Ariftomene en cette occafion fit plus qu’on ne pouvoir attendre d’un homme ; c’eftpourquoi apres le combat les Mefieniens l’élurent pour roi ; car il etoit du fang des Epytidcs ; mais ayant retulé cet honneur il fut déclare General avec une autorité abfoluë. Ariftomene avoit pour maxime que tout homme de guerre, en meme temps [i] qu’il fait de grandes choies, doit fçavoir lôuffrir fie ne s’étonner ni des revers, ni de la mort meme ; fie pour lui il crut devoir commencer par un coup d’cclat qui le rendît pour toujours formidable aux Lacédémoniens. Dans cette réfolution il s’achemine vers Sparte , y entre de nuit, fie trouve le moyen d’appendre fon bouclier dans le temple de Minerve Chalciœcos 5 l’infcription portoit que ce bouclier avoit été confacré à la déefle par Ariftomene , des dépoüilles remportées fur Lacédémone. Environ ce temps-là les Lacédémoniens, ayant confulté l’oracle de Delphes , eurent pour réponfe qu’ils euflènt à fe conduire par les coniêils d’un Athénien. Aufiî-tôt ils envoyèrent à Athènes pour informer la république de la reponfe de l’oracle , fie lui demander un dc-iès citoyens qui pût les aider de fes confêils. Les Athéniens qui ne vouloient ni fouffrir qu’une puiflance voifinc conquîc fi aifément la plus riche contrée du Peloponnefe , telle qu’eft la Meflenie, ni aullï manquer de refpcél pour l’oracle , furent allez embaraflèz j voici donc l’expédient dont ils s’aviférent. Il y avoir à Athè-
nes un maître d’école nommé Tyrtèe, boiteux d’un pied , fie qui ne paflbit pas pour un grand efprit j ce fut là l’homme
[ i ] £n mfmr tempi qu'ilfuit dt fr<indn iliefei. Kuhnius a remarqué avant
moi qu’Anulcc s ctoit trompe ici Jourdement.
Vo y a g e d e l a Mess en if . 3y 7 gu'ils donnèrent aux Lacédémoniens. Arrivé à Sparte il amuloit tantôt les Grands, tantôt le peuple & ceux qui s’attroupoient autour de lui , en leur récitant des vers anapeftes 8c des élégies. Un an ou environ apres la bataille de Dérès les Mefleniens & les Lacédémoniens ayant reçu le renfort qu’ils attendoient de la part de leurs Alliez le trouvèrent en préfence , & tout prêts à en venir à un fécond combat dans un lieu qu'ils appellent le monument du fattlier. Il étoit venu aux Mclfeniens de puiflâns fecours d'Elce, d’Arcadie , d’Argos 8c de Sicyone. Tous ceux qui avoient quitté leur pays après la priiè d'Ithomc , étoient revenus joindre leur compatriotes, particuliérement ces familles qui s’étoient retirées à Elcufis, 8c qui étoient en poflèflïon du facerdoce des grandes Déciles ; les defeendans d’Androclès étoient aulfi de la partie , 8c n’avoient pas peu contribué au foulevcment général de la Meflènie. Les Alliez de Sparte étoient les Corinthiens & les Lépréatcs ; ceux-ci néanmoins étoient venus en petit nombre, plutôt par haine pour les Elécns que par inclination pour Sparte ; les Afinéens s’etoient obligez par ferment à demeurer [ 1 j neutres. Le champ de bataille etoit un lieu de la Meflcnic fitué dans la plaine du Scényclere & appelle le monument du fan^lier , parcequ’Hercule & les enfans de Nelée immolèrent là autrefois un fanglier & firent enfuite un traité qu’ils promirent d’obferver en jurant furies entrailles [1] de la victime. Les deux armées étant en prélên. ce, les devins facrifiérent aux dieux de part 8c d’autre} ces devins ctoicnt du côté des Lacédémoniens Hécatus petit-fils & de même nom que cet Hécatus qui étoit revenu à Sparte avec les enfans d’Ariftodeme j 8c du cote des Mefleniens Théoclus fils d’Eumantis, lequel Eumantis ctoit Eleen de la race des
Jamides, 8c avoit été amené par Chrefphonte en Meflènie. Chaque devin ayant exhorte ceux de lôn parti, tous marquoient beaucoup d’allégreflc, 8c fe portoient au combat avec Ch ap . toute l’ardeur dont leur âge 8c leur force les rendoit capables. XVI. Mais fur-tout Anaxandie roi des Lacédémoniens 8c ceux qui
f 1 ] A demeurer neutre:. Il paroît par la fuite quec eft là le fens des paroles de Paufanias, & non celui qu' Amaféc leur donne. Caron verra que les Meflcniens après leur rctabliflêment fçutent bon gré aux Afinéens de n'avoir pas pris parti contr'eux.
[1] Sur les entrailles de In vidinee. Amafce rend toujours le mot grec par celui de teftes, mats il ne figntfie autre choie qu'rxM > les emuilles de ln victime.
Yyiij
Pa u sa n ia s , Liv r e IV. croient autour de fa pcrfonne bniloicnt d’impatience d’en venir aux mains. Du côte des Mefleniens Androclcs & Phintas petit-fils du premier Androclès, & tous ceux qui obéifloient à leurs ordres ne cherchoientaufli qu’à'fediftingucr. NiTyrtée,ni les prêtres des grandes Déeflês n'eurent aucune fonâion militaire , ils étoient à la queüe où ils encourageoient les derniers bataillons A bien faire. Pour Ariftomene , il ctoit accompagné de quatre-vingt jeunes Mefleniens , qui tenoienc tous à grand honneur d'avoir été jugez dignes de combattre fous fes yeux -, leur petit nombre faifoit qu'ils étoient plus attentifs A le fecourir les uns les autres, Sc qu’il leur ctoit plus aife d’obferver le moindre ligne de leur Général. Ce fut à la tête de cette troupe d’élite qu’il chargea la troupe d’Anaxandrecompoféede tout ce qtf’il y avoit de plus braves Lacédémoniens. Le petit peloton du Général Meffénien, après avoir efliiyé une infinité de coups avec un courage intrépide, commençoit àdéfefpérer de la viâoire ; cependant plus acharné à mefure qu’il diminuoit, à force de temps & de perfevérance il fit plier le bataillon d’Anaxandre ; en même temps Ariftomene commande à de nouvelles troupes de l’enfoncer, ce qui fut fait ; pour lui il tombe fur un autre corps qui faifoit encore ferme , le pouflè, le culbute , tombe enfuite fur un autre avec le même fuccès , & encore fur un autre , jufqu’à ce que s’étant porté de tous cotez & ayant combattu par tout où il y avoit des ennemis, il eut mis toute l’armée des Lacédémoniens en déroute. Alors les voyant prendre honteufement la fuite fans fe donner même le temps de fe rallier, il les pourluit l’épée dans les reins & leur imprime tant de crainte que jamais homme ne s'eft rendu G formidable à fes ennemis. Quand il les eut pouflez jufqu’à un poirier fauvage qui étoit au milieu d’un champ , Théoclus lui défendit de paflèr outre ,difant que les Diofcures s’étoient autrefois repofez fous cet arbre & qu’il falloir le refpeéter ; mais Ariftomenefelaiflantemporter à fon ardeur &ne croyant pas devoir déférer fi fcrupuleufcment à fon devin méprifa l’avis ; aufli lui arriva-t-il en cet endroit fatal de perdre fon bouclier 5 pendant qu’il le cherche les Lacédémoniens qui fuyoient toujours lui échapérent. Mais cette défaite les découragea fi fort qu’ils vouloient abfolument faire la paix. Tyrtée les en difluada en leur récitant des élégies propres à leur relever le
VovAcr. d il a Mb ssiw ib . h » courage,St il remplaça les foldats qui avoient pcri dans le combat par un égal nombre d’Hilotcs qu’il incorpora dans chaque troupe. Ariftomene de retour à Andanie fut reçu avec les acclamations qu'il méritoit ; les femmes jettoient des guirlandes & des rieurs fur fon partage en chantant [i] cc diftique qui fe chante encore aujourd’hui :
L’heureux Ariftomene a par vaux & par tnonc^ De nos fiers ennemis pouffe les bataillons. Quelque temps après il recouvra fon bouclier ; car étant allé à Delphes la Pythie lui dit qu’il le trouverait à Lébadée dans la chapelle fouterraine de Trophonius } il l’y retrouva en effet , & à un fécond voyage il le confacra au dieu dans cette meme chapelle , moi-meme je l’y ai vû j il eft remarquable par la figure d’une aigle éployée qui de fes ailes en
embrafle les deux extremitez. Ariftomene étant revenu de Béotie avec ton bouclier qu’il avoit, comme j'ai dit, recouvré dans l’antre de Trophonius , ne fongea qu’à exécuter de nouveaux projets. Ayant donc raflèmblé quelques troupes, & prenant encore avec lui cette brave jeuneffe dont il s’etoit fi bien trouvé, il marche & arrive fur la nuit aux portes d’une ville de la Laconie qu’Homére dans fon dénombrement appelle Phare , & que les Spartiates & les peuples d’alentour nomment aujourd’hui Phares, il tue la fentinelle , fait main baffe fur ceux qui refiftent, pille la ville , 8c reprend le chemin de Mcffene avec un butin confidérable. Anaxandre accompagné d’un gros de Lacédémoniens l’attendoit au partage , Ariftomene Te charge , le met en fuite & ne celle de le pourfuivre que parecqu’il fe lent percé d’un Javelot au bas des reins , ce qui l’obligea à revenir fur lés pas , mais fans avoir rien perdu de la proyc. Il ne prit que le temps qu’il lui falloir pour fe guérir , & fon deffèin étoit d’aller affîéger Sparte j mais Hclenc 8c les Diofcures s’étant apparu à lui en fonge l’en détournèrent. En pariant par Caryes il trouva toutes les filles du pays affèmblées, qui danfoient 8c chan-
[ i] En ch^ntnnt ce difiigue. C'ctoit une cfpéce de vaudeville , or on fçait que les vaudevilles ne demandent pas des vers bien merveilleux. Pat cette rarfon les deux qui fe lifcnt ici peuvent
paflet. Je ne fonge qu’à donner un peu de variété à l’ouvrage , & non à faire de beaux vers, je le tenterais peut-être, inutilement.
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Pa
u sa n ia s
, Liv r
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IV.
toient pour célébré une fête de Diane -, il les prit toutes & retenant feulement celles qui appartenoient à des gens riches ou puiflans , il les conduisit jufqu’à un village de la Meflenie. Après les avoir mifes fous la garde de quelques Mefleniens de fa troupe il alla fe repofer ; durant qu’il dormoit des foldats à demi yvres, comme je crois, voulurent violer ces Caryatides ,Sc Ariftomenequi en fut averti, eut bien de la peine à les en empêcher ; il eut beau leur repréfenter qu’une a&ion fi brutale n’étoit pas permife à des Grecs, de forte qu’il fut obligé de faire un exemple de févérité cnpuniflant de mort quelques-uns des plus coupables ; enfuit * moyennant une groflè rançon il rendit ces filles à leurs parens , fans avoir iouffêrt qu’aucune fut deshonorée. Il y a dans la Laconie un lieu nommé Egila , qui eft fort fréquenté à caufe d’un temple de Cerès qui eft en gran-
de vénération. Ariftomene & la troupe fçurent que les femmes des environs étoient aflêmblécs en ce lieu à l’occafion d’une fête j auflî-tôt [ i ] ils réfolurent de les enlever. Mais ces femmes infpirées & protégées apparemment par la déeflè fe défendirent courageufement , les unes avec des couteaux , les autres avec des broches , d’autres avec des torches ardentes j toutes armes qu’elles trouvèrent dans l’appareil même du lâcrifice ; de forte que non-feulement bon nombre de Mefleniens furent bleflez , mais qu’Ariftomene reçut plufieurs coups & fut fait prifonnier. Cependant la nuit Suivante il fe fauva & gagna la Meflenie. On crut que la prêtrefle de Cerès qui fe nommoit Archidamée avoit elle-même favorifé fon évafion , non qu’elle fe fut laiflee corrompre par fes préfens , mais pareeque dès long-temps auparavant clic avoit pris de l’amour pour lui. Quoiqu’il en foit,elle en fut quitte pour dire qu’il avoit rompu fes chaînes & qu'il s’étoit enfui. La troifiême [i] année de la guerre il y eut un combat entre les deux armées auprès d’un lieu qu’ils appellent la grande foflè. Toutes les villes d’Arcadie avoient envoyé du [i] Auflî-tôt ils réfolurent de les enlever. Ces mots font omis dans le texte Grec. Mais le fons porte natutcllcmcnt à les fiipplécr.
[i] La tnilîéme année. Amafoe dit la même année , eodem auno , contre la foi du texte ; je ne lçai pas pourquoi.
fecours
VOYAGE Dï LA M F S $ £ N T E.
)6r
Secours aux Meflèniens -, Ariftocratc fils d’Hicctus, natif [ r]
de Trapczuntc Ce roi des Arcadiens conduilbit lui-même ces troupes auxiliaires. Les Lacédémoniens s’aviférent de le fcduire à force d’argent ; car de cous les peuples connus ils font les premiers qui ayent donné ce pernicieux exemple, de tenter Ion ennemi par des prefens Ce de rendre la victoire vénale , pour ainfi dire. Avant cette lâche trahilon fi défendue! par toutes les loix de la guerre, tout le fuccès des combats dependoit de la valeur , fie de la fortune que dieu rendoit ftropice ou contraire félon fa volonté. Il eft certain que dans a luite , lorfqu'ils fe battirent à Egcfpotamc , ils corrompirent par des largefles plufieurs officiers de la flotte Athénienne & particuliérement Adimante. Mais enfin la perfidie des Lacédémoniens retomba fur eux-mêmes ; la peine de Néoptolcme, comme on dit, les attendoit jcar Néoptoleme fils d’Achille tua Priam fans égard pour fon âge , ni pour l’autel de Jupiter Hcrcéiis qu'il tenoit embrafle , & lui-même à Ion tour fut tué au pied de l'autel d’Apollon à Delphes j dc-Ià vient que l’on appelle par manière de proverbe l.i peine de Nèopteleme , toute peine que foufFre un homme , après en avoir fait fouffrir une pareille à quelqu’un. En cflfct dans le temps que les Lacédémoniens prospéraient le plus , que les Athéniens battus leur avoient cédé l’empire de la mer , qu’Agéfilas avoit déjà conquis une bonne partie de l’Afie, ils manquèrent [i] l’occafionde fubjuguerla Perfe, pareequ’Artaxerxès tournant contr’eux leurs propres artifices iêma l’or & l’argent dans toutes les villes de la Grece, à Corinthe , à Argos , à Athènes, à Thebes , fie alluma tout-à-coup par ce moyen cette guerre que l’on appella depuis la guerre de Corinthe , qui obligea Agefilas à abandonner fes conquêtes fie à repaflèr en Grece au plus vite. C’eft ainfi que les dieux avec le temps dévoient punir Sparte de la trahifon qu’elle avoit tramée contre les Mefleniens. Cependant Ariftocrate ayant touché l’argent de Lacédémone ne découvrit pas d’abord fon deflein aux Arcadiens }
r> ] N*tif de Trepétnnte. Il y a eu apparemment de celle-ci que parle plufieurs villes de ce nom. L’une près Paufanias. [t] /h r*ceejt»i. C’eft du pontEuxin qu'on a depuis appelle Ttcbuondc. L'autre en Arcadie j c'cll le lens de l'auteur > nuis Amafcc ne l’a pas entendu. Zz Tome I.
161 Pa u san ia s , Liv r e IV. mais lorfqu'il vit les deux armées en préfenec , il intimidl les Gens , leur die qu’ils alloient combattre dans un lieu fort défavantageux , qu’en cas de malheur la retraite /croit difficile , & qu’après tout les entrailles des victimes ne lui pro. mettoient rien de bon j enfin il ordonna qu’au premier fignal qu’il leur donneroit, ils euflênt à le fuivre. Dès que le combat fut engage, pendant que les Mefleniens ne fôngeoicnt qu’à bien recevoir l’ennemi , voilà Ariftocrate qui le retire avec fes Arcadiens, & qui par fa défection laifle l’aile gauche & le centre de l’armée des Mefleniens tout dégarnis ; car les Arcadiens occupoient l’un & l’autre polie , parceque ni les Eléens , ni les Argiens , ni les Sicyoniens n’etoient au combat. Meme pour découvrir encore plus les Mefleniens, Ariftocrate paflê tout à travers leurs bataillons. Les Mefleniens qui ne s’attendoicnt à rien moins furent fi confternez, fi troublez, que peu s’en fallut [i] qu’ih n’oubliaflentqu’ils avoientl’ennemi fur les bras -, & en effet au lieu de longer a lui réfiller ils couroient après les Arcadiens, tantôt les conjurant de demeurer , tantôt les chargeant d’injures & les appellant traîtres & perfides 5 mais tout cela fut inutile , de forte qu’abandonnez , bien-tôt ils fe virent invertis de toutes parts , & que les Lacédémoniens remportèrent une pleine victoire qui ne leur coûta pas la moindre peine. Ariftomene fit ferme avec fa compagnie & foutint durant quelque temps l'effort des ennemis -, mais que pouvoir faire un fi petit nombre contre toute une armée ? Les Mefleniens perdirent tant de monde dans cette occafion , que ces peuples qui naguère efpéroient devenir bien tôt les maîtres de Sparte, ne conlèrverent pas la moindre efpérance de pouvoir éviter leur entière deftruétion. Plufieurs de leurs principaux officiers périrent aufli , entr’autres Androclès , Phintas , 8c. Phanas qui s’étoit fort diftingué dans le combat ,& qui dès auparavant étoit célébré pour avoir doublé la carrière aux jeux Olympiques. Ariftomene recueillit ce qu’il put du débris defonarmée, raffèmbla quelques troupes,8c perfuada aux Mefleniens d’abandonner Andanie avec toutes les villes de terre ferme, pour fe retirer fur le mont Ira , où en effet ils allèrent fe camper.
[11 P™ f*11"1 ?“’•/» *'♦*bh^j,ent. Cet endroit du texte Grec n’a
P» =té mieux tendu par Aniaicc que le precedent.
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Me sse n ie .
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Auflî-tôt ils y furent afliegez par les Lacédémoniens qui
croyoienc emporter ce polie d’emblée ; cependant depuis le malheureux combat de la grande folié les Mefleniens tinrent onze ans entiers dans cette place , comme Rhianus nous l’apprend par ces vers :
Des Etez , des Hyvers la diverfe inclémence Onze fois des deux camps éprouva la patience. Ce pocte compte les années par les faifons j mais toujours nous dit-il clairement que ce fiege dura onze ans. Tant que les Mefleniens occupèrent le mont Ira , com- -----------me ils étoient exclus de tout autre lieu ,à la réferve de ce Ch a p .
que les Pyliens& les Mothonéens leur avoient confervé fur les côtes de la mer , ils faifoient fouvent des courfes fur les terres des Lacédémoniens & fur les leurs propres, ne mettant plus de différence entre les unes & les autres. Partagez donc en plufieurs bandes ils fè jettoient de côté & d’autres , & ravageoient tout le plat-pays. Ariftomene avoit formé un corps de trois cens hommes bien choifis 5 avec cette troupe il le rendoit formidable , & faifoit tous les jours quelque prife, enlevant bled , vin , bétail , meubles & efclaves} mais les meubles & les efclaves il les rendoit à leurs maîtres pour une fomme d’argent fuivant l’eftimation. Ce pillage continuel obligea les Lacédémoniens à faire une ordonnance par laquelle il étoit dit que les terres limitrophes de la Laconie, & de la Meflcnie étant trop expofées aux courfes des ennemis , on eût à ne les plus enfemencer tant que la guerre dureroit ; mais le remede fut pire que le mal •> cette ordonnance caufa une difette de grains, & la difette caufa une fédition , les gens qui étoient riches en terres ne pouvant fouffrir qu’elles ne leur rapportaflent rien. Tyrtée appaifa cette émeute & calma les leditieux par fes vers. Sur ces entrefaites Ariftomene accompagné de fa troupe favorite partit le foir du mont Ira, marcha toute la nuit avec une diligence incroyable, & fe trouvant aux portes d’Amycles à la pointe du jour prit la ville , la pilla & eut plutôt rejoint les liens que Sparte n’eût eu nouvelles de ce qui s’étoit pafl'é.
Revenu au camp il recommença fès courfes ordinaires, juL 3u’à ce qu’ayant été furpris par un détachement des ennemis e moitié plus nombreux que le lien & commandé par les
364 Pa u sa n ia s , Liv re IV. deux rois , apres s’erre défendu comme un lion , il reçue plufieurs blellurcs, êc frappe d’un coup de pierre à la tête, il perdit connoifiàncc &c tomba comme s'il eut été mort. Aulfi-tot les Lacédémoniens accourans en foule le prirent & avec lui cinquante hommes de fa troupe ; tous furent jettez dans un gouffre qu'ils nomment Céada ; c’eft un lieu où ils ont coutume de précipiter les criminels qui font condamnez à perdre la vie. Ainfi périrent les cinquante Mefieniens de la troupe d’Ariftomene j pour lui le même dieu qui I’avoic fauve tant de fois, le fauva encore celle-ci. Ceux qui veulent donner un air de merveilleux à fèsavantures difent qu’au moment qu’il fut jette dans ce précipice, un aigle vola à fon fecours & avec fes ailes éployées le foutint, de forte qu’en tombant ou pour mieux dire en defeendant, car cet aigle le portoit, il ne fut ni eftropié , ni même blefle ; ce qui eft de certain , c’eft qu’il ne pouvoir fe tirer de cet abyfme fans une efpéce de miracle. Il ypafià deux jours, étendu par terre , le vifâge couvert de fon habit , comme un homme qui fe tenoit fur de mourir & qui attendoit fà fin. Au troifiéme jour il entendit du bruit, & découvrant fon vifage il entrevit un renard qui mangeoit un cadavre , car aux épaifiès ténèbres du lieu fe mêloit tant foit peu de jour. Il comprit donc qu’il y avoit quelque foupirail, Quelque trou par où ce renard étoit entré ; la difficulté étoit e le trouver. Il réfolut d’attendre que l’animal fut plus près de lui ; dès qu’il le vit à fa portée , il le prit d’une main, & de l'autre toutes les fois que le renard fe tournoit de fon côté, il lui préfentoit fon habit que cet animal ne manquoit pas de prendre & de tirer avec fes dents. Alors fuivant l’animal & fê laifiant conduire à lui il faifoit quelques pas à travers les pierres & les immondices, jufqu’à ce qu’enfin il apperçut une ouverture qui donnoit un peu de lumière & par où l’animal avoit pafle ; pour lors il lâcha le renard qu’il vit auffi-tôt grimper & fè fauver par ce trou. Ariftomene profitant de l’exemple élargit ce trou avec les mains non fans peine , mais enfin il l’clargit , fe fauva & alla rejoindre les fions. Il faut avoiier que la fortune en le faifant tomber entre les mains de fes ennemis le traita bien indignement -, car du courage & de la réfolution dont il étoit, il n’y avoit perfonne au monde qui pût efpdrer de le prendre vif ; mais il faut
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avoüerauflï que le bonheur avec lequel il le tira <lu précipice où on l’avoir jctrc fut une avanture très-fingulierc, & trèspropre à prouver que quelque divinité veilloit à fa conlèr-
varion. Ariftomene ne fut pas plutôt rentré dans Ira , que des C|| x p transfuges en allèrent porter la nouvelle aux Lacédémoniens, x IX. qui ne le taillèrent pas plus pcrliiader , que li on leur avoit dit qu’un mort étoit reflulcité ; mais lui-même leur apprit bien tôt cc qui en croit ; car ayant feu par fes coureurs que
les Corinthiens venoient au fecours clés Afficgeans, & que ces troupes n’oblcrvant aucune difeipline dans leur marche campoient fans pofer ni corps de garde , ni lêntincllcs , il
alla fe mettre en embufeade fur leur chemin , les attaqua brulqucment durant la nuit , lorfque le lôldac ctoit endormi , en fit un grand carnage , tua quatre de leurs principaux Officiers , Hypermcnide , Achladce , Lyfiftratc ëc Idadc , pilla la tente du Général , Sc s’en retourna charge de butin. Pour lors les Lacédémoniens connurent que c’étoit Ariftomenc qui avoit fait cette expédition & non un autre. A fon retour il fit un facrificeà Jupiter Ithomate, non unlàcrifice à l’ordinaire , mais ce qu’ils appellent une [ i j Hccatomphonie , c’eft une forte de lâcrifice qui a été en ulàgc de tout temps chez les Mefleniens, & qui n’a lieu que lorlqu’un Général a eu le bonheur de tuer de fa main cent ennemis dans un combat. Ariftomene facrifia ainfi trois fois en là vie, la Jjremiere après la bataille qui fe donna dans le lieu appellé e monument du fdnçlier -, la fécondé après l’expédition dont je viens de parler , & la troifiemc pour un pareil fuccès dans quelqu’une de lès excurfions. Cependant la fête Hyacinthia approchoit ; les Lacédémoniens qui vouloient aller la célébrer chez eux firent une trêve dequarantejours avec les Mefleniens. Pendant ce temps-là des archers Crétois qu’ils avoient fait venir de Lyde & de quelques autres villes de Crête ne ccflbient de ravager les environs du mont Ira. Ariftomene
qui fur la foi d’une trêve jurée de part & d’autre croyoit n’avoir rien à craindre , s’étoit malheureufement écarté ; lèpt Crétois lui dreflerent une embufeade où il donna ; de forte qu’ils le prirent , & comme il ctoit déjà nuit, tout cc qu’ils purent faire ce fut de lui lier les pieds & les mains avec
[>] CTMr Heutompbmie >c’clLà-dirc,unfacnficcdcccntbœuf». Zziij
les couroyes dont ils iè fêrvoicnt à attacher leurs carquois, Aulli-tot deux de la bande s’en vont à Sparte pour annoncer l'agrcablc nouvelle de la prilè d’Ariftomcne , fie les cinq au» très conduilent leur prisonnier jufqu'à un village de la Mellenie, que l’on nomme Agilus. Là demeurait une jeune fille avec la mere qui étoit veuve ; la nuit precedente cette fille avoit eu un longe fort extraordinaire j elle avoit rêvé que des loups trainoient dans un champ un lion enchaîne auquel on avoit arrache les ongles ; que pleine de compafiion pour ce lion elle avoit eu le courage de l'approcher fie de lui [ i ] redonner des ongles , fie qu'un moment après les loups avoient été mis en pièces par cet animal. Voyant donc ceprifonnicr ainfi lie , elle ne douta pas que ce ne fut l’accompliflèmenc de Ion rêve ; mais quand elle fiçut de là mere que c’étoit Ariftomene , elle le confirma encore plus dans cette penfee, & obfervant attentivement les yeux du prilbnnier elle comprit lans peine ce qu'il lôuhaitoit qu’elle fît. Aulli-tot elle va tirer du vin , & fait tant boire les Cretois, qu'ils s'enivrent, peu de temps après ils s'endorment. Alors cette genereufe hile prend le poignard de celui qui dormoit le plus profondément, fie en coupe les couroyes dont ils avoient lie Ariflomene [i] , qui avec le meme poignard egorge les cinq Cretois. Enfuite pour marquer fa reconnoillance à fa libératrice, illuifitcpouferfonfilsGorgusquin’avoit pas encore dix-huit ans. Il y avoit onze ans que le fiége durait , fie le terme fatal étoit arrive. Ira fut donc contrainte de ceder à fon deftin , fie les Mefleniens fe virent encore une fois châtiez de leur ville. L’evenement vérifia ce qui avoit été prédit à Ariltomene & à Théoclus -, car après la déroute de la grande toile ils allèrent à Delphes pour confulter l'oracle fur les moyens de rétablir leurs affaires, fie la Pythie leur répondit par ces vers :
Quand un bouc altéré boira l'eau du Nedcs , C’eft à vous d’y veiller , c’en eft fait de Melfene , Jupiter l'abandonne , & la perte eft certaine. [•1 Et ir lu redtnntr dti n^ltt. te gênéreufe fille qui egorge les CréAmaféc rend cet endroit d'une manière tois ; mais l’interprete le trompe. Le ridicule. texte dit qu'Ariftomcnc prit le poi[ »] P«i avec le même Se- gnard & qu’il cr> tua les cinq Crétois km Anuftc l'interprète latin, c’cft cet- qui étoient endormis.
Vû Y ACE DE L A Me SSENIE. 3 <*7 Le Nedès après s’être forme d'une fource qui fort du mont Lycce, prend fon cours par l’Arcadie, puis fe repliant pour ainfi dire fur lui-même,il vient arrofor fa Meflenie , 8c fort de barrière du côté de la mer entre les Mefleniens & les Eléens. Les Mefleniens trompez par l’ambiguitc de l’oracle crurent que tout ce qu’ils avoient à craindre, c’étoit que les boucs ne buflent de l’eau du fleuve Nedès } mais le dieu entendoit toute autre choie. Il faut donc fçavoir que le même [ i ] mot Grec qui fignifie un bouc , lignifie aufli chez les Mefleniens un figuier fauvage. Or il y avoit un figuier fauvage qui étoit venu fur le bord du Nedès,& qui au lieu de croitre en hauteur , s’étoit comme plié & renverfé du coté du fleuve , en forte que l’extrémité de lès branches touchoit à l’eau. Le devin Théoclus ayant remarqué ce figuier fauvage, comprit que ce que l’on entendoit d’un bouc, la Pythie pouvoir fort bien l’entendre de cet arbre ; d’où il jugea que c’étoit fait des Mefleniens, 8c que leur perte étoit inévitable. Cependant il tint fa conjecture fecrette, Sc ne s’en ouvrit qu’au foui Ariftomene ; il le mena au pied du figuier, lui dévelopa le fons de l’oracle , 8c l’aflura qu’il n’y avoit plus rien à elpérer. Ariftomene n’eut pas de peine à le croire , 8c perluade qu’il n’y avoit point de temps à perdre il prit des mefures conformes à la néceflîté préfonte. Dans le tréfor de l’Etat on gardoit [ 2 ] un monument qui étoit comme un gage làcré de la durée de l’empire , en forte que fi les Mefleniens le laifloicnt perdre ils dévoient périr lâns reflource, 8c qu’au contraire s’ils le confervoient, ils dévoient le relever un jour 8c refleurir plus que jamais -, c’eft ce que Lycus fils de Pandion leur avoit prédit. C’étoit un focret d’Etat que peu de gens fçavoient ; Ariftomene qui en avoit connoiflance , dès que la nuit fut venue prit ce précieux mo-
[ 1] Le même met Grec quijtgmfie un bouc, ère. Ce mot Grec eft rf y.< quj fignifie htrcui, un bouc, 6c qui clxn les
Mefleniens fignirioit aufli la même
chofcquc .*«>«•», ou <>>•«, cnpnficut, fientjilyejim. Voilicc qui faifoit l'am-
biguité «fe l’oracle. Les Mefleniens pat entendoient un bouc, Sc la Py-
thie entendoit {finit, un figuier fuu-
[2] C7n monument, ère. Ce monument confiftoit en des lames d« plomb où l’on avoit grave tout ce qui conccrnoit le eu Ire & les cérémonies des grandes Dceflès, c’cft-à-dirc de Cctès & de Proferpinc.
368 Pa u sa n ia s , Liv r f IV, numcnt, le porta dans l’endroit le plus defert & le plus écarté du mont Ithome, le cacha fous terre , puis s’adrefl'ant i Jupiter Ithomace 8c à tous les dieux tutélaires de l’empire, les pria de ne pas permettre quece facré dépôt, l'unique ciperance [i] des Mefleniens, tombât jamais entre les mains de leurs ennemis. Enfin il étoit arrêté que les Mefleniens, comme autrefois les Troyens, périraient par un adultère. Ilsoccupoicnt non-feulement la ville d’Ira, mais auflî [i] tous les environs depuis la hauteur où étoit la citadelle jufqu’au fleuve Nedes} quelques-uns même habitoient hors des portes de la ville. Aucun transfuge n’étoit encore venu à eux du camp des Lacédémoniens , à la réferve d’un cfclavc qui gardoit les vaches d’Empéramus, homme diftingué parmi les Spartiates ; cctefclave s’étant enfui de chez fon maître , avoit pafl’é avec fes vaches du côté de ces Mefleniens qui avoient leur habitation hors des portes, & il menoit paître tous les jours fon trou-
peau dans les prairies qui font au bas de la montagne vers le Nedès. Le hazard fit qu’il rencontra une Meflenienc qui alloit chercher de l’eau, 8c qu’il en devint amoureux , d’abord il lui tint quelques propos , enfuite il lui fit de petits préfens, enfin il gagna fes bonnes grâces 8c lia un commerce avec elle. Pour la voir il prenoit justement le temps que fon mari étoit en faâion } car les Mefleniens montoient la garde tour à tour 8c par détachemens à la citadelle , de crainte que l’ennemi n’entrât dans la ville par cet endroit qui étoit mal fortifié. Le mari n’étoit donc pas plutôt fortrde fa maifbn, que le pâtre venoit rendre vifite à fa femme. Or une nuit que le Mcflenien étoit de guet, il phi tant que ni lui, ni fes camarades ne jugèrent pas â propos de coucher au bivouac ; car comme on avoit fait feulement quelques fortifications à la hâte , il n’y avoit ni tours , ni guérites, où l’on pût fe mettre à couvert des injures du temps. Les fentinelles quittèrent donc leurs
portes 8c avec d’autant plus de confiance, qu’il n’y avoit pas d’apparence que les Lacédémoniens puflènt rien entreprendre par une nuit fi noire 8c fi pluvieufe. D’ailleurs le foldat
[i] L'untqnt tfpérJKCi dti Mtfitutn>. K la lettre, l'unique efpérancc du retour des Mefleniens ; car au lieu de il faut lire uAUn, avec Kuhnius.
[i] MtmKfTiltitm-imuià ’t. 11 y a ici quelques mots de corrompus dans le texte, j’ai fuivib note & la rcftituuon de Kuhnius au dciâat d'un nunufctit plus concâ. n’avoit
VOYACEDE La MESSENIE. 369 n'avoic rien à craindre de ion General ; peu de jours auparavant Euryalus Spartiate à la tête d’une troupe de Lacédémoniens & de quelques archers de la ville [ 1 ] d’Apterc avoient enlevé un marchand dcCéphallie qui amenoit des provisions aux Mefleniens -, Ariftomene voulut reprendre le prilônnier qui croit fon hôte & (on ami 5 il le reprit en effet avec tout ce qui lui appartenoit, mais en lui rendant ce fervice il avoit etc blcfl'é dans le combat -, ainfi il n’étoit pas en état de faire fa ronde à l’ordinaire. Par toutes ces railbns les foldats qui croient en faftion dans la citadelle crurent pouvoir s’en retourner chez eux fans aucun rifque ; de ce nombre ctoit le Meflcnien dont je parle. Des que là femme l’entend frapper , elle cache ion amant du mieux qu’elle peut , court au devant de fon mari , le reçoit avec de grandes démonftrations de joye & lui demande par quelle bonne fortune il rcvenoit fi-tôt. Lui qui ne fe déficit de rien , raconte à fa femme tout ce qui en ctoit , qu’il n’avoit fait que fuivre l’exemple de lès camarades , & que le mauvais temps les avoit tous obligez à s’en aller. Le Pâtre qui entendoit tout cela, apprenant que la citadelle n’étoit pas gardée, fe dérobe aufli-tot & va trouver les Lacédémoniens. Ni l’un, ni l’autre roi n’étoit au camp , c’étoit Empéramus qui en leur ablènce commandoit les troupes du fiége. On mene l’efclave à fon maître , il fe jette .à les pieds , lui demande pardon de s’être enfui, lui dit enfuite qué le moment de prendre Ira étoit venu , qu’il n’y avoit point de temps à perdre , & lui apprend tout ce qu’il avoit fçu de la propre bouche du Meflcnien.
On ne trouva rien que de fort probable à ce que difoit Cha ». l’efclave. Empéramus & les Lacédémoniens le prenant donc XXI. pour guide marchent droit à la citadelle. Le chemin étoic prefque impraticable à caufe de la pluye continuelle & des cpaiires ténèbres de la nuit 5 cependant le courage leur fit furmonter toutes les difficultez. Arrivez au pied du mur , les uns y appliquent des échelles , les autres grimpent ou s’élancent , li oien qu’ils fe logent enfin fur les remparts. Depuis quelque temps tout annonçoit aux Mefleniens leur défaftre j les chiens meme par de longs aboyemens ou plutôt par des hurlemens affreux fembloient les en avertir. Quand ils virent [1] D'-dptere. C’étoit une ville de Crète. Etienne de By lance rend raifon pourquoi clic fut ainfi nommée. Torne Z. A aa
570 Pa u san ia s , Liv r e IV. l’ennemi dans la citadelle & par conséquent leur perte aflurce , ils rcfolurent de combattre jufqu’à l’extrémité , non plus tous enfemble & en bataille rangée, mais en fe Servant de toutes les armes que le hazard leur préfenteroit, afin de défendre jufqu’à la fin ce peu de terrein qui leur reftoit , & auquel ils puflent donner le doux nom de patrie. Les pre-
miers qui s’apperçurent que l’ennemi étoit au dedans, & les premiers aufli qui fe mirent en devoir de le repoufler , furent Gorgus fils d’Ariftomene & Ariftomene lui-même , le devin Théoclus , Manticlus fon fils , & le brave Evergctidas, homme infiniment confidéré des Mefieniens par luimême , & d’ailleurs illuftré par le mariage qu’il avoit fait avec Hagnagora fœur d’Ariftomene. Quelques-uns d’eux quoique pris comme dans un filet&envelopez de touces parts n’avoient pas encore perdu tout elpoir. Mais Ariftomene & Théoclus qui avoient l’oracle d’Apollon prêtent à l’efprit & qui n’étoient pas trompez par l’ambiguité des termes, fijavoient bien qu’il n’y avoit plus de remede. Cependant pour ne pas allarmer les autres , ils leur en firent un fecrct. Courans tous deux pat la ville , à mefure qu’ils trouvoient des Mefieniens, ils les exhortoient à faire leur devoir en braves gens, & par leurs cris ils tâchoient de réveiller ceux qui étoient renfermez dans les maifons. La nuitfe pafla ainfi fans qu’il fe fît rien de confidérable de part ^ni d’autre } car les Lacédémoniens qui ne connoiflbient point les lieux &: qui craignoient Ariftomene n’oférent rien tenter ; & les Mefieniens n’avoient pu demander , ni prendre le mot, outre que s’ils allumoient un flambeau ou quelque brandon , le vent & lapluye l’éteignoient auflï-tôt. Lorfque le jour parut & que l’on put fe reconnoître , Ariftomene & Théoclus n’oubliérent rien pour irriter le dcfefpoir des Mefieniens , mais furtout ils les animèrent par l’exemple des [i] Smyrnéens , peuples d’Ionie, qui bien que Gygès fils de Dafcylus &les Lydiens fufient déjà maîtres de leur ville, ne laiflerent pas de les en chaflerpar leur courage & leur rélblution. Un fi puiflant exemple eut tout l’effet que ce Général en attendoit. Les Mefieniens fe jettent en défefpcrez au travers des ennemis, réfblus de fe faire jour ou de vendre chèrement leur vie. Les femmes de leur côté ne ceflbicnt de lancer des pierres, des
[ i] A l'exemple des Smjméens. Voyez Hérodote , Liv. i.
Vû Y A C E D E LA MES SENIE. 371 tuiles, & tout ce qu’elles trouvoient fous leur main, bien fâchées de ce que l’orage,qui continuoit toujours,les empcchoit de monter fur les toits pour les renverfer fur les Lacédémoniens, comme elles en avoient envie ; enfin elles eurent le courage de prendre les armes & de fondre aufli fur l’ennemi , nouvel éguillon pour les Mefleniens de voir que leurs femmes aimoient mieux s’enfevelir fous les ruines de leur patrie , que d’être menées captives à Lacédémone. Une telle difpofition dans ce malheureux peuple devoir le fouftraire à la rigueur de fon deftin 5 mais la violence de la pluye, le bruit épouvantable du tonnerre, & les éclairs dont ils croient continuellement éblouis, furent un obftacle qu’ils ne purent vain-
cre ; pendant que les Lacédémoniens au contraire tiroienc un bon augure de ces menaces du ciel, & croyoient que Jupiter fe déclaroit pour eux ; en effet il édairoic à leur droite , & leur devin Hécatus les afluroit que c’étoit un heureux prefage. Lui-même s’avifa d’un expédient qui leur réuflît. Les Lacédémoniens étoient fort fupérieurs en nombre , mais comme ils ne pouvoient s’étendre , ni donner tous enfemble, & qu’ils etoient obligez de combattre en plufieurs quartiers de la ville , il arrivoit que ceux qui croient aux derniers rangs devenoient inutiles. Hécatus en renvoya une partie au camp , afin qu’ellepûtfe repofer & repaître, mais avec ordre de venir relever l’autre fur la fin du jour. De cette maniéré fe fuccédant les uns aux autres, ils foutenoient aifement la fatigue du combat 5 au lieu que touc contribuoit à accabler les Mefleniens. Il y avoit trois jours & trois nuits qu’ils combattoient ou qu’ils étoient fous les armes ; outre l’ennemi ; il leur falloit encore vaincre le fommeil , le froid , la pluve, la faim & la foif. Leurs femmes épuifees de fatigue & nullement accoutumées au dur métier de la guerre , étoient auflî aux abois. » Théoclus voyant les choies en cet état, à quoi » bon prendre inutilement tant de peine , dit-il , à Arifto» mene. Il faut qu’ira fuccombe , le deftin l'a ainfi ordonné. » Il y a long-temps que la Pythie nous a annoncé le malheur »> que nous voyons arrivé , & ce fatal figuier nous l’a aufli »> préfagé ; fauvez vos citoyens, fauvez-vous , vous-même. n Pour moi je ne puis furvivre à ma patrie, les dieux veulent « qu’elle & moi nous Déridions enfemble. Après ces paroles il le jette au milieu des ennemis en leur criant qu’ils ne feAaa ij
ChaP XXII.
37* Pa u sa n ia s , Liv r e IV. roient pas toujours vi&orieux , ni les Mefleniens leurs efclaves ; furieux comme un lion il abbar, il tue cour cc qui lui réfifte , il fe faoule de lang & de carnage , mais enfin mor. tellement bleflc il tombe & rend le dernier lôupir. Ariftomene fit fonner la retraite Sc raflèmbla tous fes Mefleniens à l’exception de quelques-uns qui n’écoutant que leur courage firent ferme encore quelques temps. Il ordonna aux autres de mettre leurs femmes Sc leurs enfans au centre de leurs bataillons , & de le fuivre par le chemin qu’il alloit leur frayer ; il donna la conduite de l’arriere-garde à Gorgus 8c à Manticlus j pour lui fe mettant à l’avant-garde, la pique à la main, par un figne de tête Sc par fa mine il fit comprendre qu’il vouloit fe faire un partage au travers des ennemis. Empéramus Sc fes Spartiates ne jugeant pas à propos d’irriter davantage des forcenez dont le défefpoir étoit à craindre, s’ouvrirent d’eux-mêmes Sc les laiflerent paffèr , en quoi ils ne firent que fuivre l’avis de leur devin Hécacus. Les Arcadiens ne furent pas plutôt informez de la prife d’Ira, qu’ils déclarérentà leur roi Ariftocrate qu’ils vouloient marcher au fecours des Mefleniens, réfolus de les fauver ou de périr avec eux. Mais Ariftocrate qui étoit gagné par les préfens des Lacédémoniens, refula aux Arcadiens de les mener, difant qu’il n’y avoit plus au monde de Mefleniens qui euflent befoin de leur fecours. Cependant eux qui fçavoient qu’à la vérité les Mefleniens avoient été obligez d’abandonner Ira, mais que du moins ils avoient pour la plupart échapé à l’ennemi , ils allèrent à leur rencontre jufqu’au mont Lycée , portant avec eux hardes , vivres , habits & tout ce qui pouvoir être ncceflaire à ces pauvres fugitifs ; même ils envoyèrent plus loin les principaux de chaque ville pour fervir de guides à leurs Alliez & pour les confoler dans leur malheur. Lorfque les Mefleniens furent arrivez au mont Lycée , il n’y eut forte de bonstraitemens que les Arcadiens ne leurfifl'ent, jufqu’à vouloir Scies retenir dans leurs villes Sc partager leurs terres avec eux. Mais Ariftomene avoit bien un autre deflèin ; inconfolable du faccagement de fa ville Sc enragé contre les Lacédémoniens, voici ce qu’il imagina. Parmi fes Mefleniens il fit choix de cinq cens hommes, tous gens déterminez Sc qui comptoient leur vie pour rien ; enfuite en prcfence des Arcadiens Sc d’Ariftocrate, car il ne le
VôTACB DE LA MlSSlXIl I7J connoifloit pas encore pour un traître, & il l’excufoit de s’être enfui du combat en imputant cette action à une terreur pannique plutôt qu’à méchanceté , en préfence, dis-je , d’Ariftocrate il demande à fes braves , s’ils lèroient contens de mourir avec lui en vengeant leur patrie. Tous l’en ayant alluré , il leur déclare que >» dès le foir même il les mene à »» Sparte, & j’efpere, ajouta-t-il , que nous en aurons bon » marché, pendant que la plupart de lès habitans font occu»> pez à piller les richcflcs que nous avons laiffces à Ira. Si » nous réuflîllbns & que nous prenions Sparte , ils nous ren» dront notre bien , & nous leur céderons le leur ; que fi ’> nous mourons à la peine , du moins aurons-nous l’honneur » d’avoir conçu un beau dellèin , & nous laiderons un grand » exemple à la pofterité. « Après qu’il eut dit ce peu de mots, trois cens Arcadiens s’offrirent encore & voulurent partager la gloire de l’entreprife. Mais les uns & les autres furent obligez d’en différer l’exécution , pareequ’en facrifiant ils n’avoient pas trouvé les entrailles des victimes telles qu’ils les fbuhaicoient. Le lendemain venu, ils découvrent que les Lacédémoniens font informez de tout, & que c’eft encore Ariftocrate qui les a trahis. Dans le temps qu’Ariftomene s’étoit ouvert de fon deflèin, Ariftocrate avoit écrit fur des tablettes tout ce qu’il lui avoit entendu dire, & le moment d’après il avoit dépêché à Sparte un elclave de confiance, & lui avoit donné fes tablettes pour les rendre à Anaxandre. Quelques Arcadiens qui avoient eu des demêlez avec le roi & qui le tenoient pour fulpect dans l’affaire préfente furprirent cet efclave, comme il revenoit de Sparte, & l’amenerent dans l’afièmblée du peuple. Là en préfence d’un grand monde fut lue la lettre qu’il rapportoit. Anaxandre mandoic au roi d’Arcadie que les Lacédémoniens n'avoient pas laiffe [i] fans récompenfe le fervice qu’il leur avoit rendu en abandonnant lès Alliez au combat de la grande foflè , & qu’ils ne reconnoîtroient pas moins le bon office qu’il venoit encore de leur rendre par l’avis qu’il leur donnoit. La trahifon ainfi découverte , les Arcadiens prirent des pierres & en affommérent Ariftocrate, exhortant les Melfëniens à en faire autant. Mais ceux-ci oblèrvoient la contenance d’Ariftomene, qui les yeux
[i] N'avtitm fus laijje faut réetmpenfe. Amaïee rend cela autrement,mah il fc trompe. Aaaiij
J74 Pa u san ia s , Liv r e IV. fixes &. baiffez contre terre verfoit de greffes larmes. Apres qu’Ariftocrate eut etc lapide , les Arcadiens laiflerent fon corps fans fépulture & le firent jetter hors de leur pays 5 enfuite [ 1 ] ils élevèrent une colonne devant la porte du temple d’Apollon Lycien avec cette infeription :
Ici reçut le prix de fes honteux forfaits Un perfide tyran, l’horreur de fes fujets , Nos Alliez trompez par fon lâche artifice Ont été les témoins de fon jufte fupplice. Veuillent toujours les dieux punir les fcélérats , Et de la trahifon préferver nos Etats. c'HAP Tout ce qui refta de Mefleniens à Ira, & ceux qui fe difperXX11I. ^rent en différons endroits de la Meflenie, furent mis parles Lacédémoniens au nombre de ces Serfs publics, aufquels ils donnent le nom d’Hilotes. Les Pyliens , les Mothonéens & tous les autres de la même nation qui habitoient le long des côtes voyant Ira prife , s’embarquèrent & paflerent à Cyllene qui eft un port des Elcens ; d’où ils vinrent bien tôt joindre leurs compatriotes en Arcadie , afin d’aller chercher de nouvelles terres de concert avec eux & par une même expédition. Tous fouhaitoient qu’Ariftomene voulût être le Chef de la colonie ; mais il les aflîira que tant qu’il vivroit, il combattroit contre les Lacédémoniens , & qu’il efpéroit faire encore bien de la peine à Sparte 5 il leur donna donc pour conducteurs Gorgus & Manticlus. Cependant Evergétidas avec fa troupe avoit aufli gagné le mont Lycée } quand il eut appris que l’cntreprife d’Ariftomene avoit échoüé par la perfidie d’Ariftocrate , il prit avec lui cinquante Mefféniens de ceux qui avoient la meilleure volonté, s’en retourna à Ira , & donnant brufquement fur les Lacédémoniens qui ne fongeoient qu’â piller la ville -, il en fit un grand carnage Sc changea leur triomphe en funérailles -, enfuite content de fa vengeance il accomplit fa deftince & mourut glorieufement les armes à la main. Ariftomene,après avoir donné des Chefs à fes citoyens, commanda que ceux des Mcffé-
[ 1 ] Enfuite 1I1 e'ievrrent une colonne, aux Arcadiens. Le récit deP.iuûniaseft d-c. Polybc, Liv. 4 > attribue ce mo- plus vrai-fcmblable. nument aux Mefleniens memes & non
Vo y a g e d e l a Mes se n ie . 373 nicns qui voudraient aller chercher fortune ailleurs s’aflêmblaflènt à Cyllene pour s’y embarquer -, tous s’y trouvèrent à la referve de quelques vieillards & de quelques miferables qui n’avoient pas le moyen de faire les frais du voyage. Ainfi finit la fécondé guerre des Mefleniens avec les Lacédémoniens. Authofthcne étoit pour lors Archonte à Athènes , & c’étoit la première année de la vingt-huiticme Olympiade , en laquelle année Chionis Lacédémonien remporta la vicloireaux jeux Olympiques. Les Mefleniens qui s’étoient rendus à Cyllene, voyant que l’hiver approchoit , réfolurent d’attendre le printemps , SC cependant les Eléens ne les laiflerent manquer ni de vivres, ni d’argent. Aux approches de la belle ïâilbn il fut queftion de fçavoir où. ils iraient. Gorgus étoit d'avis qu'ils allaflènt occuper Zacynthe qui eft une île au deflus de Ccphallenie , parceque de-là , difoit-il, devenus infulaires d’habitans de terre ferme que nous étions, nous pourrons par nos vaifl’eaux inquiéter toute la côte maritime de la Laconie, Manticlus au contraire foutenoit qu’il falloir oublier Mcflène & tous les maux que les Lacédémoniens leur avoient faits ; allons droit en Sardaigne , difoit-il, c’eft une belle & grande île qui nous fournira abondamment routes les chofes néceflàires à la vie. Sur ces entrefaites Anaxilas envoya prier les Mefleniens de venir en Italie ; Anaxilas régnoir à Rhcgium, Sc il etoit arriéré petit-fils d’Alcidamas , qui apres la mort d’Ariftodeme & la prife d’Ithome avoit quitté la Meflenie pour aller s’établir à Rhcgium. Anaxilas invita donc les Mefleniens avenir chez lui. Quand ils furent arrivez , il leur dit qu'il étoit continuellement en guerre avec les Zandéens ; que ces peuples pofledoient un fort bon pays avec une ville fituce dans un des meilleurs cantons de la Sicile 5 que s’ils vouloient le joindre à lui & lui aider à conquérir ce pays , il leur en ferait préfent. Les Mefleniens acceptèrent la propofition , & auflî-tôt Anaxilas les mena en Sicile. Zancle [r] n’étoit du commencement qu’une retraite de Corfaires, qui [1] entourèrent d’un mur un lieu defert, mais proche d’une bonne rade , & ils y bâtirent un fort d’où ils pouvoient courir les mers [i] Zencle, aujourd’huiMclTinccn de , Liv. 6 , dit de Cuine,, & le texte Sicile. de Thucydide étant plus correct que [1] Crete'menit de &»«.*. Thucydi- celui de Pauûnias, il tout le fuivre.
37<>
Pa u sa n ia s , Liv r e
IV.
& exercer impunément leur piraterie. Leurs premiers Chefs furent Cratémenès [i] de Samos , Sc Periercs de Chalcis, qui dans la fuite attirèrent dans leur ville d’autres Grecs pour la peupler. Enfin les Zancléens battus fur mer par Anaxilas , défaits fur terre par les Mefieniens, enfuite afiiegez
d’un & d’autre côte dans Zanclc , & voyant déjà une partie de leurs murs abattue , n’eurent d’autre reflource que de fe réfugier aux pieds des autels dans leurs temples. Anaxilas vouloir que fans refpecler le lieu on les paflat au fil de l’épée & que l’on vendît les autres à l’encan avec leurs femmes & leurs enfans. Mais les Généraux Mefieniens demandèrent grâce pour ces malheureux , & prièrent Anaxilas de ne pas les obliger à traiter des Grecs , comme les Lacédémoniens les avoient traitez eux-mêmes par une cruauté infigne & au mépris des liens du fang. Ainfi l’azyle fut refpeété j les Zancléens fortis de leurs temples partagèrent leurs domiciles & leur empire aux vainqueurs ; enfuite les deux peuples fe jurèrent fidélité réciproquement les uns aux autres, & Zancle changea feulement fon nom en celui de Meflène. Ce fut en [2] la trentième Olympiade que cela arriva , & la même année que Chionis Lacédémonien remporta le prix pour la troifiéme fois , Miltiade étant pour lors Archonte à Athènes. Manticlus bâtit un temple à Hercule pour la nouvelle colonie , & ce temple fubfifte encore à préfent [5] hors des murs de la ville , & on le nomme le temple d’Hercule Manticlus , comme on dit le temple de Jupiter Ammon & le temple de Jupiter Bélus , le premier du nom d’un berger quiconfacra ce temple à Jupiter en Afrique , & le fécond du nom de Bélus Egyptien , qui en avoit confacré un au même dieu dansBabylone. Voilà comment les Mefieniens chaflèz de leur pays trouvèrent enfin un établiflèment & ceflerent d’être vagabonds.
[1] entourèrent d'un mur. Ces paroles du texte n’ont pas etc rendues fidèlement par Amafce. [x] Cefut en /a jo' Olympiade. Le textediten la 29-" Olympiade ; mais c’eft une môprifc du copifte qui a écrit un nombre pour un autre ; car Pauiânias dans fes Arcadiques, chap. 5 9, dit bien nettement que Miltiade fur Ar-
chonte à Athènes la 2e année de la ;oe Olympiade en laquelle Chionis fut vainqueur au ftade pour la 5' fois.
Meurjins. [t] Hors des murs. AmalîJcs’efttrompé endifant mtrà mures, dans U mile.
Les temples d’Hercule étoientordinairement hors des villes pour marquer qu"Hercule veilloit à leur fureté.
Ariftomene
Vo y a g e d e la Me ssen t e . 577 Ariftomeneayant refiifé, comme j’ai dit, d’être chef de la ~ p colonie, maria la fœur Hagnagora en fécondes noces à Tharyx xxiV. de Phigalée ; il avoit deux filles qu’il établit auflî , mariant l’aînée à Damofthœdas de la ville de Leprcc , &. la cadette à Thcopompe d’Herée , enfuite il alla à Delphes pour consulter le dieu, mais on ne dit point quelle rcponle il en eut. Damagete Rhodien qui étoit roi [ 1 ] de Jaiylè fe trouva à Delphes en même temps qu’Ariftomene, & confulta auflî l’oracle de fon côté pour Ravoir quelle femme il époulèroit. La Pythie lui confeilla de choifir une fille dont le pere fut le
plus honnête homme & le plus diftingué de tous les Grecs. Ariftomene avoic encore une fille à marier -, Damagete l’époufa étant perfuadé qu’il n’y avoit point alors d’homme dans toute la Grece, qui fut comparable à fon beau-pere. Ariftomene conduifit lui-même fa fille.à Rhodes , d’où enfuite il paflâ à Sardes pour s’aboucher [2] avec Ardys fils de Gygès & roi des Lydiens. Son deflèin étoit d’aller enfuite à Ecbatane & de négocier quelque entreprife avec Phaorte roi des Medes 5 mais il tomba malade à Sardes & y finit fes jours. Car il étoit arrêté que les Lacédémoniens ne feroient plus tourmentez par Ariftomene. Damagete & les Rhodiens lui érigèrent un fuperbe monument;, & commencèrent [3] dès lors à lui rendre de grands honneurs. Il y auroit bien des choies à raconter des Diagorides , ainfi les appelle-t-on i Rhodes, & ce font [4] les defeendans de Diagoras, lequel étoit fils de Damagete fécond, petit-fils de Dorieüs, & arriéré petit-fils de ce Damagete qui avoic époufe une fille d’A-
[ x ] De JA/fe , ville de l’ile de Crète. [2] Avec Aidji fils de Grgis. Ce fait eft remarquable, parccqu’il peut fervir à fixer le temps au quel Gygès a vécu. Ariftomene vivoit en la 28= Olympiade. Gygès roi de Lydie a régné du temps d’Atiftomcnc ; Gygcs regnoit donc à peu près dans la 28 Olympiade. Car il faut joindre ce fait avec ce que l'auteur a raconté c>-dcffus , qu’Ariftomene encouragoit les Mefleniens par l’exemple des Smyrnéens, qui bien que Gygès fut déjà maître de leur ville > ne Lüflèrcnt pas Tome J.
de l’cn charter. Ptulmier. [5] Dès lors. Amafée n’a pas bien rendu cet endroit, ni celui qui luit, où il cft parlé des Diagorides > dont il brouille la Généalogie. [4] £r cefont les dtfiendsuts de Duforos. L’auteur dit >•■•*«<> «nunder; j’ai donné à ce mot une lignification plus étendue, pareeque félon la remarque du fçavant Paulmicr il y avoit quelque 240. ans entre Damagete gendre d’Ariftomene, 5c ces Diagorides que les jeux Olympiques ont tcn. dus fi célébrés. B b b
J7S Pa u sa n ia s , Liv re IV. riltomene ; mais je pafle toutes ces choies fous Clence pour ne pas m’ccarter de mon fujet. Les Lacédémoniens fe voyant maîtres de la Meflenie, partagèrent les terres entr’eux , â la referve de ce qui appartcnoit aux Afincens, & ils donnèrent Mothone aux Naupliens qui peu de temps auparavant avoient été chaflcs de Nauples par les Argiens. Cependant les Mefleniens qui croient répandus dans la campagne, Se que les Lacédémoniens avoient mis au nombre des ces lèrfs publics qui ont le nom d’Hilotes, fecouérent le joug encore une fois vers la foixante & dix - neuvième [ i ] Olympiade, que Xenophon de Corinthe fut couronné aux jeux Olympiques ,& [2] qu’Archidemidas étoit Archonte à Athènes ; Se voici quelle fut l’occafion de leur révolté. Quelques [ 5 ] Lacédémoniens ayant été condamnez à mort pour je ne fçai quel crime, fe réfugièrent dans le temple de Nep-
tune au Tenare; mais par ordre des Ephores ils furent arrachez de l’autel, & fur le champ exécutez. Neptune irrité de cette profanation commife dans Ion temple, punit les Spartiates par une inondation, qui fubmergea prefque toute leur ville. Ce fut durant cette calamité que tout ce qu’il y avoit de Mefleniens parmi les Hilotes, déferrèrent & allèrent fe cantonner fur le mont Ichôme. Pour les réduire, les Lacédémoniens demandèrent auflî-tôt du fecours à leurs Alliez, & particulièrement aux Athéniens, qui leur envoyèrent des troupes commandées par Cimon fils de Miltiade, lequel Cimon tenoit aux Spartiates par les liens de l’hofpitalitc. Cependant peu de temps après ils prirent de l’ombrage de ces troupes, & appréhendant quelque entreprise de leur part, ils les contremanderent. Les Athéniens piquez de cet affront, fe liguèrent avec les Argiens ; & voyant les Mefleniens obligez de
[ i ] FeriU 79' Oljmpiadc. Le texte porte, vers 1a 29eOlympiade; mais c’eft une ftute de copilfe.Pauûnias luimême au fécond livre des Eliaques dit que Xenophon de Corinthe fut couronné en la 79- Olympiade. Panlmicr qui a relevé cette faute s’appuye de l’autorité de Diodore de Sicile, d'Eufebe, & du Scoliafte de Pindarc ; mais il n’en finit pas d’autre que celle de Paufanias même. [2] Et qa'Arcbidémida.'. C’eft ainfi
qu’il finit lire, & non qa'Artbrmede , comme il fe lit dans le texte. Il n’y a point eu d’Archimède Archonte i Athènes. [;] ,^*rlq»esLactdéamitns aurt
été ctndamnr. j tnert. Thucydide dit que c ctoit des Hilotes ; or quoique ces Hilotes fuflènt habitai» de Sparte, on ne leur donnoit point le nom de Lacédémoniens. L’autorité de Thucydide eft préférable à celle de Pauûnus en fait dluftoire.
VOT AC! DE LA Me SSENTE. J7? Capituler & d'abandonner le mont Ichomc, ils leur donneront Naupade, dont ils avoient dépouille ces Locriens qui font voifins de l’Etolic, Sc que l'on nomme Ozoles. Les Meffeniens durent leur falut en cette occalîon, & à l'afliette du lieu qui cil naturellement fortifie,& à ce que la Pythie avoit dit aux Laccdcmoniens, qu'ils commettaient une faute irremilfible s'ils ufbicnt de rigueur envers des gens qui croient fous la protedion de Jupiter Ithomate j c’ellpourquoi on les
reçut à compofition, & ils en furent quittes pour évacuer le Peloponnefe. Mais après qu’ils eurent pris poflcflîon de Naupade & des terres adjacentes, ils voulurent faire quelque exploit qui leur fut egalement utile & glorieux. Sçachant donc que les (ffiniades peuples d'Acamanie habitoient un beau pays, & qu’ils étoient les ennemis déclarez des Athéniens, ils rcfolurentde leur faire la guerre. Egaux en nombre, mais fort fupèricurs en courage, ils les défont en rafe compagne, & enfuite ils les alliegent dans leur ville : rien de cc qui peut fervir dans un fiege ne fut oublie dans celui-ci} la fappe, l’efcalade, les machines de guerre de toute cfpccc, autant que la bricvetc du temps le put permettre, tout fut employé avec fuccès j fi bien que les ailîegez fe voyant battre en brèche, & craignant que s’ils fe laifloient forcer, ils ne fuflènt tous paflèz au fil de l’epce, & leurs femmes & leurs enfans vendus à l’encan, ils aimèrent mieux capiculer & céder leur ville au vainqueur. Les Mefleniens y entrèrent aufli-tôt, s’emparèrent de toutes les terres voifines, & en jouirent paifiblcment l’cfpacc d’un an. Alors les Acarnaniens après avoir tiré toutes leurs troupes des garnifbns pour n'en faire qu’un corps, voulurent aflieger Naupade , mais faifant reflexion qu’il leur falloir paffer par le pays des Etoliens qui ne manqueroient pas de leur tomber fur les bras, ils changèrent de refolution D’ailleurs
ils fe douroient que les Naupadiens avoienc une annee navale , comme en effet cela ctoit, & eux n’en ayant point, ils •crurent que la partie ne feroit pas égale ; c’eftpourquoi ils tournèrent leurs armes contre les Mefleniens qui s’ctoienc emparez d’Œniade. Us fc préparèrent donc à les aflîèger dans leur ville, ne s’imaginant pas que des peuples qui etoient en fi petit nombre fuflènt aflez dcfcfpcrez pour vouloir combattre contre toutes les forces de l'Acarnanic. A la vérité, les MetB b b ij
j8o Pa u sa n ia s , Liv r e IV. tenions pourvus fuffifammcnt de vivres & de munitions, pou. voient cfpérer de foutenir long-temps le fiege : cependant avant que de fe renfermer dans leurs murs, ils rciolurent de tenter lchazard d'un combat. Il lcurtembloit qu'apres avoir éprouve leur courage contre les Lacédémoniens, & n'avoir manque que de bonheur, ils pouvoient bien méprifèr un ennemi tel que les Acarnanicns. Ils fc remettoient aufli en mémoire que dix mille Athéniens avoient taillé en pièces trois cent mille Perlés à Marathon. Ce fut dans cette confiance qu’ils livrèrent bataille à leurs ennemis ; & voici comme on dit que l’affaire fe pafla. Les Acarnaniens qui croient fort fupdricurs en nombre, s'étendirent beaucoup plus que les Mefleniens, en forte qu'ils les tenoient comme enfermez de tous cotez, excepté par les derrières, qui communiquoienc avec la ville, &d‘où ils auroient pu être incommodez par les habitans. Prenant donc les ennemis de front & en flanc tout à la fois, ils faifoient pleuvoir une grêle de traits fur eux. Les Mefleniens toujours ferrez lé portoient tantôt d’un côte, tantôt de l’autre, enfonçant tout ce qu’ils trouvoient devant eux, & tuant ou blcflânt beaucoup de monde. Mais ils ne purent jamais rompre ni mettre en fuite les Acarnaniens, parcequ’à mefure qu'ils éclairciflbient leurs rangs, ceux - ci les garniflbient de nouvelles troupes qui étoient toutes prêtes i fuccédcr aux premières, de forte que les Mefleniens ne gagnoient que fort peu de terrein ; encore le perdoient - ils le moment d’après, étant repouflèz à leur tour. Les deux armées combattirent ainfi jufqu’au foir avec un égal avantage. La nuit fuivante il arriva aux Acarnaniens de nouveaux fècours, ce qui obligea les Mefleniens à rentrer dans leur ville, où ils fe virent bien-tot aflîegez. Ce qu’ils craignoient, ce n’etoit ni que le foldat quittât fon pofle, ni que l’ennemi montât à l'aflâut, ou les forçât dans leurs retranchemens, mais c’étoit la famine ; & en effet en moins de huit mois tous leurs vivres furent confumez. Cependant ils inlùltoienc aux afliegeans de - defliis les murs , & leur difbient qu'ils avoient des provifions pour plus de dix ans ; mais malgré ces rodomantades ils fbrtirent tous par les portes de la ville durant le filcnce de la nuit, non pourtant fans être apperçus des ennemis; ainfi ils furent obligez de foutenir encore un combat, où ils perdirent quelque trois cens hommes , mais
VoŸAGEDE LAMESSENtE.
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ils en tuèrent un plus grand nombre j & s’étant fait jour d travers les Acarnanicns, ils prirent le chemin d’Etolie, pays qui ne leur ctoit point fiilped, &c ils fe retirèrent à Naupade. Depuis ce temps - là ils ne ccflcrcnt de s’abandonner à la ---------haine qu’ils avoient contre les Lacédémoniens, & cette ani- xx VI mofitc parut fur-tout pendant la guerre que les Athéniens eurent avec les peuples du Péloponnelè. Car Athènes fit de Naupade une elpece de boullevart & d’arfenal qui lui étoit fort commode ; & quand les Lacédémoniens fe laiflerent furprendre dans l’ile Sphadéric, ce furent des frondeurs Mcfleniens de Naupade qui les aflômmérent. Auffi lorfque les Athéniens eurent été défaits à Egclpotame, le premier foin des Lacedcmoniens fut de chaflcr les Mefleniens de Naupade après les avoir vaincus dans un combat naval. De forte que n’ayant plus de retraite, ils paflerent les uns en Sicile, les autres à Rhegium chez leurs compatriots, & d'autres en plus grand nombre chez les Evefpérites, peuples de Libye, qui fe voyant continuellement harceliez par les barbares de leur voifinage, invitoient volontiers les Grecs à venir s'établir dans leurs pays. Ceux qui prirent le parti d’aller en Libye, eurent pour chef Comon, celui-là meme qui avoit eû la principale part à l’expédition de l’ile Sphadérie. Quelque
temps apres cette dilperfion & environ un an avant la victoire que les Thebains remportèrent à Leudres, les Mefleniens eurent divers préfages de leur retour dans le Péloponnefe j car on dit que dans la nouvelle Meflîne qui eft fur le
détroit & dont j’ai parlé, un prêtre d’Hercule vicia nuit en fonge Jupiter, qui invitoit Hercule [ i ] Manticlusà venir prerv dre un hofpice au mont Ithome. Et chez les Evefpérites Comon eut aufiî un longe fort extraordinaire ; il lui lembla qu’il étoit couché avec fa merc, qui pourtant n’étoit plus au monde, & qu’en fe levant il l’avoit laiflcc pleine de vie ; d’où il
augura que lui & lès Meflcniens pourroient revenir à Naupade par le fecours des Athéniens qui alors étoient fort puifians fur mer j en un mot, plufieurs fonges lèmbloient an[i] Hercule Afunticlw. Amafcedans la narration de Pauftnias même au<â verfion latine fait d’Hercule Man- roit dû lui faire éviter. Car il a etc ucius deux perfonnes , au lieu que ce déjà parlé d’Hercule Mantidus, & n’en eft qu'une. C’cft uncbcvcuc que de la raifon de ce furnom.
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noncer le rétabliflêmcnt de Mcflènc. Et en effet, peu d’années après,les Lacédémoniens ne purent éviter à Lcu&res le malheur dont ils étoient menacez depuis long-temps j car l’oracle qui fut rendu à Ariftodeme finifloit par ces deux ▼ers,
La fortune à fon gré difpenfe fes faveurs, Tantôt l'uft, tantôt l’autre éprouve fes rigueurs. La Pythie vouloir dire qu’Ariftodeme & les Mefleniens feraient vaincus, mais que les Lacédémoniens le feroient aufli d leur tour. Les Thébains ayant donc remporté une grande & mémorable victoire fur les Lacédémoniens à Leuclres,ils députèrent aufli - tôt en Italie, en Sicile, chez les Evefpéri-
tes, & par-tout où il y avoic des Mefleniens, pour les inviter à revenir dans le Péloponnefe. Il n’eft pas croyable avec quel empreflement ces fugitifs accoururent tous, egalement eranfportez d’amour pour leur patrie , & de haine contre Laccdcmone. Cependant Epaminondas étoit aflèz embarafle ; car d’un côté il n’étoit pas aifé de leur bâtir une ville qui les mit à
couvert des entreprifes de Sparte, & de l’autre dans toute la Meflenie il n’y en avoit pas une où ils puflent être en fureté 5 outre qu’ils ne fe portoient pas volontiers à rebâtir Andanie, ni (Echalie , parceque tous leurs malheurs étoient arrivez durant qu’ils habitoient ces villes. Comme le Général des Thebains étoit dans cette perpléxité , il eut la nuit une vifion. Un vqpérable vieillard en habits facerdotaux s’apparut à lui en fonge, & lui tint ce difcours :»» Tant que vous » vivrez, Épaminondas, vos armes feront viftorieufes ; & quand «vous quitterez ce monde, je rendrai votre nom immortel, »& votre gloire ne fera point effacée par le temps ; tout ce n que je vous demande, c’eft de ramener les Mefleniens chez «eux, & de les remettre en poflèflion de leur patrie; la conlere des Diofcures les a jufqu’ici perfecutez; mais elle eft «enfin ceflee, & ces dieux font fatisfairs.« Epitelès fils d’Efehine, qui commandoit les Argiens, & qui avoit ordre de rétablir Mcflènc, eut une pareille vifion en meme temps. Il fut averti en fonge de fe tranfporter au mont Ithome, de s’arrêter à l’endroit où il verroit un licre & un myrthe, & de crcufer la terre entre ces deux arbrifleaux ; que là il trouverait une vieille enfermée dans une prifon d’airain, & plu»
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VoTAGE DE LAMESSENIE. 385 d’à demi - morte, à laquelle il rendrait la vie. Epitelès de» le point du jour alla chercher l’endroit qui lui avoit etc indiqué , & fouillant dans la terre, il y trouva une urne de bronze qu’il porta aufli - tôt à Epaminondas. Il lui raconta Ton fonge, & le pria de découvrir lui-même cette urnc,& de voir cc qu’elle conrcnoit. Epaminondas après avoir fait des facrifices & des prières au dieu qui étoit l’auteur de l’un &
de l’autre fonge , ouvrit l’urne, & y trouva des lames de plomb fort minces qui formoient une efpece de rouleau, & fur lelquelles étoit écrit tout ce qui concernoit le culte & les cérémonies des grandes déeflès. C’étoit Ariftomene qui avant que d’abandonner Ithome, avoit caché cette urne dans la terre ; & l’on croit que celui qui apparut en fonge à Epaminondas &c à Epitelès étoit Comon , qui vint autrefois d’Athenes à Andanie, & qui apporta le culte des grandes déeffes à Meflene fille de Triopas. Quant au reflèntiment des Diofcures, il avoit commencé dès ~--------avant le combat qui fut donné dans la plaine du Stenydere, XXVII & voici, je crois, quelle en fut la caufe. Il y avoic à Andanie deux jeunes hommes, beaux & bien faits, nommez Panorme & Gonippus. Liez d’une étroite amitié ils alloient fouvent enfemble à la petite guerre dans la Laconie, d’où ils rapportoient toujours quelque butin. Un jour entre autres 3ue les Lacédémoniens célébraient la fête des Diofcures ans leur camp, & qu’après le repas du facrifice ils étoient tous en joye, les deux jeunes Mefieniens, vêtus de blanc avec le manteau de pourpre fur l’cpaule , montez fuperbement, un bonnet fur la tête & une pique à la main, fe montrèrent tout-à-coup en cet équipage devant le camp des Lacédémoniens } eux les voyant ainfi paraître à l’improvifte ne doutèrent pas que ce ne fufient les Diofcures eux-mêmes qui venoient prendre part aux rcjoîiiflànces que l’on faifbit en leur honneur : dans cette penfee ils vont au-devant, & fe profternant leur adreflènt leurs vœux & leurs prières. Nos deux Mefieniens fes ayant laiflc approcher , firent aufli-tôt main-
baflè fur eux, en tuèrent un bon nombre, & après avoir ainfi infulré à la religion de ces peuples, s’en retournèrent à Andanie. De-là, autant que j'en puis juger, la colère des Diofcurcs, qui fut fi fatale aux Mefieniens. Quoiqu’il en foit, Epaminondas préfuma de fon rêve que ces dieux ne s’oppofoient
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Vo t a o î Dï l a Me sjï n ie ; j 8y Argiens ou Béotiens > & ce fut particulièrement alors que les airs de Pronomus & deSacadas l’emportèrent fur tous les autres. Ils donnèrent le nom de Mefleneà la nouvelle ville, Se dans la fuite ils rebâtirent les autres villes de la Mcflcnic. Les Naupliens ne furent point chaflèz de Mothone, êc on laifla les Afincens jouir paisiblement du pays qu’ils occupoienc. Les Mefleniens traitèrent favorablement ceux-ci, pareeque follicitez de prendre parti contr’eux, ils ne l’avoient pas voulu faire; pour les Naupliens, ils croient venus au -devant d’eux avec despréfens, implorant leur clémence, & ils avoient toujours fait des vœux pour leur retour. Ce fut ainfi que les Mefleniens revinrent dans le Péloponnelè, & qu’ils rentrèrent dans leur patrie deux cent quatrevingt dix-ièpt ans [ i ] apres la prife d’Ira. Dyfcinete étoit alors Archonte à Athènes, & c’ctoit la troifiéme année de la cent deuxième Olympiade, en laquelle Damon de Thurium fut déclaré vainqueur pour la féconde fois. Les Platéens ont demeuré auflî un temps confidérable hors de leur pays, de même que les Déliens, qui chaflèz de leur ville par les Athéniens, allèrent s'établir [i] à Adramytium. Peu après la bataille de Leuclres, les Minyens Orchoméniens, pareillement chaflèz d’Orchomene par les Thebains, furent errans jufqu’à ce que Philippe fils d’Amyntas les ramena, eux & les Platéens,dans laBcotie. Enfin les Thébains eux-mêmes virent leur ville de Thebes détruite par Alexandre 5 mais Caffander fils d'Antipater la rétablit quelques années après. De tous ces peuples, ceux dont l’exil dura le plus long-temps, furent les Platéens, encore ne paflà-t-il pas l’efpace de deux générations. A l’cgard des Mefleniens, ils furent près de trois cent ans hors de leur patrie, pendant lequel temps ils conlèrverent toujours non-feulement leurs coutumes,mais auflî leur langage iàns y rien mêler d’étranger, & encore aujourd’hui ils parlent la langue Doricnne mieux qu’aucun autre peuple.
[ l ] 197. ans après la prife d’Ira. te texte porte 187. ans ; mais c’eft une faute ou de copiftc, ou de mémoire dans l'auteur meme. Car la prife d’Ira tombe en la première année de la 18' Olympiade, comme il l’a dit lui-mcme, & le retour des Mefleniens fût en Ja y année de la 10 a'Olympiadc. 11 y T ome I.
a donc 29tf.ins de l’un à l’autre, à quoi il faut encore ajouter les deux premières années de la 101' Olympiade ; par confequent il faut lire dans le texte avec Meurfius & Paulmicr tm»wt»T«,au lieu de «yJo-OT«. [a] A Adramjtium > ville de Myfic furie Caïquc. Ce c
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c'h Apres leur retour ils jou irent quelque temps d’une allez granXXVIII de tranquillité. Les Lacédémoniens croient contenus par la crainte desThébains, & voyant d’un côté Meflêne bâtie & bien peuplée, de l’autre les Arcadiens raflêmblcz en corps dans une ville,ils n'ofoient branler. Mais fitôt que la guerre de la Phocide, autrement dite la guerre Sacrce, eut attire les Thébains hors du Peloponncfe, Sparte reprit fon ancienne audace & ne put s’empêcher de faire la guerre aux Mefleniens. Ceux-ci foutenus des Arcadiens & des Argiens firent bonne contenance , & cependant ils envoyèrent demander du fecours à Athènes. Les Athéniens repondirent qu’ils ne porteroient point les premiers la guerre dans la Laconie, mais qu’au moment que les Lacédémoniens cntreroienc furies terres des Mefleniens, ils fe déclareroient contr’eux. Enfin les Mefleniens firent alliance avec Philippe fils d’Amyntas, & avec les Macédoniens ; ce fut meme la rai fon pourquoi de tous les peuples de la Grèce ils furent les feuls qui ne le trouvèrent point à la bataille de Chéronée ; mais du moins je dois dire à leur honneur que jamais ils ne portèrent les armes contre les intérêts communs des Grecs. Et lorfqu’aprcs la mort d’Alexandre les Grecs firent une fécondé fois la guerre aux Macédoniens , les Mefleniens furent de la partie & payèrent fort bien de leurs perfonnes, comme je l’ai raconté dans mon premier livre en parlant des affaires d’Athcnes. Mais ils ne combattirent pas avec les autres Grecs [ 1 ] contre les Gaulois, pareeque Cleonyme &les Spartiates qui leur étoient fufpeâs, ne voulurent pas leur donner le temps de refpirer, ni de faire leurs conditions avant que d'entrer
dans la ligue. Quelques années après les Mefleniens joignant la mfe à la force, fe rendirent maîtres d’Elis. Les Elèens durant longtemps avoient furpaffé tous les peuples du Pcloponnefe en juftice& en modération. Mais outre les autres maux que Philippe fils d’Amyntasrcaufa au refte de la Grèce, & dont j’ai déjà parlé, il corrompit auflî les Elcens en femant l’or & l’argent parmi eux ; ce qui fit naître pour la première fois des divifions entre leurs principaux citoyens. De forte que
[1] Miiiili ne d>mhtinrent peu ton- terpretes n'ont pas été plus heureux. ire lei Gm Imi . Artiafce ne rend point Kuhnius eft le feul qui ait fend qu'au ici Je Cens de l’auteur, & les autres in- lieu de raadxi, il falloir lire r
V O Y AGI DE IA MESSENII. 387 prenant les armes, & la fatftion des Lacédémoniens voulant avoir le deflûs, ils en vinrent les uns &c les autres à une guerre civile. Sparte informée de cc qui fe paflbit à Elis, refolut aufli-tot d’v envoyer des troupes pour fortifier fon parti ; mais tandis qu’elle perd du temps à choifir ces troupes & à les
ranger dans un certain ordre, mille Mefleniens, tous hommes d’élite, prennent les devants & arrivent à Elis, couverts de boucliers marquez [ 1 ] à la marque de Lacédémone. Les partilans des Lacédémoniens trompez par ces boucliers crurent que c’étoit des troupes auxiliaires qui leur arrivoient; ils leur ouvrirent les portes & les reçurent. Mais dès que les Mefleniens furent entrez, ils commencèrent par châtier tous ceux qui etoient de la faction de Sparte, & rendirent enfuite les autres maîtres de la ville. Ainfi ils fe fervirent fort à propos d’une rufe de guerre qu’Homere n’a pas oubliée ; car il raconte dans l’Iliade que Patrocle prit l’armure d’Achille pour aller au combat, & que les Troyens croyant que c’étoir Achille qui combattoit en perfonne, lâchèrent le pied & regagnèrent leurs remparts. Ce poëte peut fournir plufieurs autres ftratagémes; comme quand il dit que les Grecs envoyèrent la nuit deux efpions au lieu d’un dans le camp des Troyens} & qu’un foldat de l’armée des Grecs entra dans Troye comme déferteur, mais en effet pour obferver les def. feins des ennemis, & en avertir Agamemnon. Dans un autre endroit il dit qu’Hector voulant [1] paticr la nuit fous les armes avec toute l’armce hors de la ville, il donna ordre que l’on garnît les tours & les remparts de tout ce qu’il y avoit de gens incapables de fervir , pour être ou trop jeunes ou trop vieux. Et dans un autre nous voyons que plufieurs Généraux Grecs que leurs bleflùres avoient mis hors de combat, s’occupent à faire donner les meilleurs armes à des loupes d’élite que l’on vouloit employer à quelque grande cntreprffe. C’eft ainfi que ce grand poëte mêle par tout des inftru&ions, dont on peut faire fon profit dans l’occafion. Quelques années après l'expédition dont je viens de par- ■ ■■1er, Demétrius roi de Macédoine, fils de Philippe & petit- XXDC
[1] Marquer. à la marque de La- armer. Amalce n’a point entendu le "dément. Cette marque ctoit un a , mot Grec qui lignifie cela, auflï l’a-t-ü h lettre initiale du nom de la nation. fort mal tendu. La] Foulant paÿcr la mur foui 1er
C cc ij
388 P A U $ A N I A $ , L I V K E IV. fils du premier Dcmctrius prit Meflène. Dans le chapitre où j’ai traité l'hilloire de Sicyone, je n’ai pas oublie les attentats de Perfée contre Dcmctrius & contre Philippe. II faut maintenant que je raconte comment la ville de Meflène tomba en la puillancc de ce prince. Philippe manquoit d’argent,
& c’étoit une choie dont il ne Icavoit pas fe paflèr -, pour en avoir il imagina d'envoyer fon fils Dcmctrius avec quelques vaifleaux dans le Pcloponnefe. Dcmctrius aborda *à un port du pays d’Argos qui étoit fort peu frequente: là il débarqué lès troupes & marche droit en Meflenie. Enfuite il fe met à la tctc de ce qu’il avoit de troupes armées à la légère ; & comme il fçavoit fort bien les chemins , il arriva de nuit à
Ithome, & avant qu’il fut jour il eut efcaladé le mur qui elt entre la ville & la citadelle. Le jour venant à paroître, les MelTéniens commencèrent à s’appercevoir que l’ennemi étoit au-dedans, & d’abord ils crurent que c’étoit les Lacédémoniens qui les avoient encore furpris. Dans cette penfée ranimant leur ancienne haine contre Sparte, ils le préparaient à combattre jufqu’à la derniere extrémité 5 mais lorfqu’ils eurent connu aux armes & au langage des ennemis, que c’étoit des Macédoniens & Démétrius lui-même, ils eurent encore plus de peur ; car ils fongeoient qu’ils avoient à faire à une nation fort belliqueufe, & à des troupes qui étoient accoutumées à vaincre. Cependant la grandeur du péril prêtent échauffa leur courage, & leur fit tenter pour ainfi dire l’impoflible ; outre qu’ils ne croyoient pas devoir délèfpérer du luccès, quand ils confidéroient qu’après un fi long éxil ils n’avoient pû rentrer dans leur patrie fans une afliftance particulière au ciel. Pleins de cette noble audace ils fondirent tout-à-coup fur l’ennemi, tant ceux qui étoient dans la ville, queceux qui gardoient la citadelle, & ceux-ci étoient bien plus redoutables à caufc de l’avantage [ 1 ] du terrein. Les Macédoniens foutinrent quelque temps cette furie par leur valeur & en gens qui n’étoicnc pas novices au métier de la guerre; mais comme ils étoient fatigue.’, par une longue marche, & qu’ils fe voyoient attaquez non-feulement par tout ce qu’il y avoit de Mefleniens dans la ville , mais encore par les
[1] J ctufe de l'.ivuntu^e du terrein. Ceux qui étoient dans la citadellç combattoient d’un lieu élevé,
ce qui eft un grand avantage. Am> Æc s’y eft trompe.
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femmes, qui faiioient pleuvoir les pierres & les tuiles fur leurs têtes, ils ne longèrent plus qu’A le- lâuver, fie fuirent à vauderoute. La plûpart périrent dans les roches fie les précipices du mont Ithome, car il eft fort efearpé de ce cote-JA, fie quelque-uns échapcrent en jettant leurs armes. Au relie les Mefieniens ne prirent aucune part au congrès 2ui fe tint en Achaïc, fie voici je crois quelle en fut la rai>n. Quelque temps auparavant ils croient envoyé du lêcours aux Lacédémoniens qui étoient en guerre avec Pyrrhus fils d'Eacidas, fie parce fervice ils avoient adouci l’elpritdeces peuples. Il y a donc bien de l’apparence qu’ils ne voulurent pas réveiller leur ancienne animofité , ni chercher querelle en s’unifiant avec les Achéens qui étoient ennemis déclarez de Sparte. Et ils ne couroient aucun rifque par cette conduite; car ils pouvoient bien penfer ce que je penlc moi-même, 3u’indépendamment d’eux les Achéens feroient aux Lacéémoniens tout le mal qu’ils pourroient: en effet les Argiens 6c les Arcadiens avoient la meilleure «part aux affaires qui le traitoient dans cc congrès. Mais dans la fuite les Mefieniens lé joignirent eux-mêmes aux Achéens. Quelque temps après, Cléomene fils de Lconidas fit petit-fils dcCléony me pritMégalopolis en Arca’die durant JtJ une trêve dont on étoit convenu départ fie d’autre. Une partie des habitans fut pafl'cc au fil de l’epée, les autres qui faifoient à peu près les deux tiers de la ville s’étant fauvez avec Philopœmen fils de Craugis, furent reçus à bras ouverts par les Mefieniens, qui fe louvenoient des fervices que les Arcadiens leur avoient rendus dès le temps d’Ariftomene, fie du fecours qu’ils avoient reçu d’eux tout récemment encore à l'occafion du rétablifièment de Meflène -, c’eftpourquoi ils fe portèrent de grand cœur à leur donner toutes les marques poflîbles de reconnoifiànce. Les chofes humaines par leur condition font fujettes à une viciflîtude continuelle. Les Mefieniens furent donc à leur tour le refuge fie les lâuvcurs des Arcadiens ; fie ce qui eft encore plus étonnant, c’eft que la fortune [i] les
[ t ) Durant une treve. Amafce dit per fpeciem faderii, faut (ouleur d'un traité: Plutarque dans la vie d'Agis,
dans celles de Clcomcne & de Philopœmcn dit nettement, durant une tre•
ve. Kuhnius a donc eu raifon de re-
prendre Amafce. [a] La fortune lesfit triompher, &c. Amaféc Cc trompe encore ici en appliquant aux Arcadiens ce que l'auteur dit des Mefieniens uniquement. C c c iij
390 Pa u sa n ia s , Liv r e IV. fit triompher des Spartiates } car apres avoir combattu contre Cléomene auprès de •Sclafic, ils marchèrent fous les enfeignes d*Aratus qui commandoit l’armée des Achéens & fe rendirent maîtres de Sparte. Pour les Lacédémoniens, à peine furent ils délivrez de Cléomene, qu’ils tombèrent fous la tyrannie de Machanidas, & enfuite fous celle de Nabis, homme avide , qui pillant indifféremment le focré comme le profane , amafla en peu de temps de grandes richcflcs, dont il fe fervit à lever des troupes, & à affermir fon autorité. Ce Nabis s’empara de Meflene 5 mais la nuit même qui fuivit cette expédition, Philopœmcn & les Mcgalopolitains étant accourus, obligé-" rent ce tyran à fortir de la ville fous de certaines conditions. Dans la fuite les Achéens fous prétexte de quelques mecontefïtemens, armèrent de toute leur force contre les Mefleniens, & ravagèrent une partie de leur pays ; voyant même le temps de la moiflbn approcher, ils fe preparoient à foire une irruption dans la Meflenie. Mais Dimocrate qui gouvernoit alors la république, & à qui le peuple avoit donné le commandement des troupes, ayant occupé les défilez par où il falloir déboucher dans la Meflenie , arrêta tout court Lycortas Général des Achéens, & rendit lès projets inutiles $ enfuite marchant à l’ennemi avec fes Mefleniens, & ce qu’il avoit pu tirer de fecours des villes voifines , il le repouflâ fans peine. Même il arriva que Philopœmen qui n’avoit rien fçû de la malheureufe tentative de Lycortas, & qui venoit par un autre chemin avec quelque cavalerie , ayant été obligé de combattre dans un lieu defavantageux, fut défait, & tomba vif entre les mains des Mefleniens. Comment il fut pris, & quelle fut la fin de ce grand homme, c’eft ce que je raconterai dans la partie de cet ouvrage qui eft deftince à l’hiftoire des Arcadiens. Quanta prefent, il me fuffit de dire que ceux des Mefleniens qui confeillérent de le faire mourir , payèrent la peine qu’ils méritaient. Enfin apres ces divers évenemens Meflene foumife encore une fois, fit partie de l’etat des Achéens. Jufqu’ici j’ai raconté les principales avanrures des Mefleniens, & comment la fortune après les avoir éprouvez par toute forte de difgraces ’*’c avoir chaffez du Péloponnefè, Sc tenus errants un fort temps dans des terres éloignées, les ramena enfin dans 1 de lcurpae
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trie. Maintenant il eft temps de palier à la defeription de leurs
villes & de leur pays. Il fubfifte encore de nos jours dans la Meflènie une ville —-------nommée Abia , fur le bord de la mer , à vingt ftades du XXX* bois de Chérius. On dit qu'elle s'appelloit autrefois Iré, & que c’ctoit une des fept villes qu’Agamcmnon promettoit de donner à Achille, comme Homcre le rapporte. La tradition ajoute qu’après [i] qu’Hyllus & les Doriens eurent etc de*, faits par les Achéens, Abia la nourrice d'Hyllus vint en cette ville, qu'elle y établie la demeure, & y bâtit un temple à Hercule ; qu’enfuite Crefphonte entre autres honneurs qu'il rendit à la mémoire de cette femme, voulut que la ville d’Iré changeât fon nom en celui d’Abia. Ce qui eft de certain, c’eft que l'on y voit encore deux beaux temples, l'un d’Hercule, l’autre d’Elculape. D’Abia on peut aller à Phares, qui en eft éloignée de foixante & dix ftades, & fur le chemin on trouve une fource d’eau qui eft faléc comme l'eau de mer. Les Mefleniens qui habitent Phares, font aujourd’hui fournis à la domination de Sparte, & c’eft Augufte qui a fait ce démembrement. On tient que le fondateur de cette ville a été Pharis fils de Mercure, & de Philodaméc l’une des filles de Danaüs. Pharis n’eut point d’enfans mâles, il ne laiflà qu’une fille qui fut nommée Télégonc. Homcre qui a fait la généalogie de cette famille dans l’Iliade, dit que Dioclèseut deux fils jumeaux, Crethon & Orfiloquc} & que pour Dioclès il étoit fils aufli d’un Orfiloquc, qui eut pour pere Alphée. Quant à Tclégone il n’en parle point ; mais fi nous en croyons les Mefleniens, cetteTélégonc fut femmed’Alphée, & merc du premier Orfiloquc. J'ai ouï dire étant à Phares que Dioclès outre ces deux jumeaux avoit eu une fille nommée Anticlée,qui époufa Machaon fils d’Efculape , dont elle eut deux fils, fçavoir Nicomaque & Gorgafus, lefqucls demeurèrent tous deux à Phares & y régnèrent après leur pere. Ils font regardez encore à prefent comme deux divinitez bicnfaifantes qui guériflènt les malades & les cftropicz ; aufli cft-
[i] Aprèi qu'Hjllus dr Itt Dtrietu. Le texte dit, après que Clenui & I)oncui. C’cft une énorme faute de copiftc, qui a parte dans la verlion latine d'Amaféc. Lifcadonc, Hjllut dr l"
Doricm. Hy lins étoit fils d'Hcrctilc,
comme Paufanias l'a dit plus d’une fois» il fut défait par les Achécns auprès de l’Ifthme de Corinthe, & tue
39ï Pa u sa n ia s , Liv r e IV. on foignetix de leur faire des offrandes, & d’envoyer des vi-
ctimes pour être immolées dans leur remple. Les habitans de Phares ont encore un temple confacré à la Fortune, où il y a une ftatuë fort ancienne de cette divinité. Homcre eft le premier pacte que je fçachc qui ait parle de Tuchc ; il en fait mention dans une hymne en l’honneur de Cerès, où il la met au nombre de pluficurs autres filles de l’Occan, qui jouoïent avec Prolèrpine dans de belles prairies. Tuché, Melobofis, & la belle laiithc. Or Tuché, comme on fixait, eft le mot dont fe fervent les Grecs pour fignifier la fortune. Homere n’en dit rien davantage , bien loin d’en faire une deeflè route-puiflànte qui exerce fon empire fur toutes les chofes humaines, & qui les fait réuffir à fon gré. Cependant le même poëte dans l’Iliade dit que Pallas & Enyo préfident aux combats, Vénus aux mariages
& aux noces, Diane aux accouchemens. Pour la Fortune, il ne lui donne aucune autorité , aucune fonction. Mais Bupalus , grand architecte & grand fculpteur, ayant fait le premier une ftatuë de la Fortune pour la ville de Smyrne, il s’avifa de la repréfenter avec l’étoile polaire fur la tête, êc tenant de la main [ i ] gauche ce que les Grecs appellent la corne d’Amalthée. Par là il vouloit donner à entendre le pouvoir de la déefle. Enfuite vint Pindare qui célébra cette divinité dans fes vers, & lui donna le nom de Phercpolis, comme qui diroit, la protêt!riee des villes. —--------Près de Phares il y a un bois facré d’Apollon Carneus, XXXJP & dans ce bois une fontaine. Phares n’eft qu’à fix ftades de la mer : fi de là vous remontez vers la terre ferme, vous trouverez à quelque quatre-vingt ftades la ville des Thuriates $ on croit que c’eft celle qu’Homere nomme Anthée. Augufte l’a foumiie au gouvernement de Lacédémone 5 car dans la guerre qu’il eut contre Marc Antoine, les Mefleniens & les autres Grecs fuivirent le parti de celui-ci, par haine pour les Lacédémoniens, qui fui voient le parti d’Augufte. C’eftpourquoi Augufte après avoir remporté la victoire , châtia les Mefleniens & ceux qui s’etoient déclarez contre lui j & ce fut
[’] Tenant de U nuin gauche. ftu, </e fxarrr ; quoiqu’il ne foit C’eft ce que fignific in>«. Anvftc s’y parlé que d’une foule main, oft trompé en diÛEt, alseri vni un-
alors
VOTAG E DE LA MtSSINII. J? J alors que les Thuriatcs turent aflujcttis à la domination de Sparte. Ces peuples habitoient autrefois la ville qui eft fur la hauteur, prclentement ils habitent la ville bafle , (ans pourtant avoir tout à fait abandonne l'autre, où l’on voit encore quelques reftes de murs, & un temple dcdic à la deeffe [ i ] de Syrie} le fleuve Aris pafle au milieu de la ville baflè.
Pour peu que vous avanciez dans les terres, vous verrez un village qu’ils nomment Calamc: enfuite on trouve le bourg de Limnc, où il y a un temple de Diane furnommee Limnatis, & c’eft là, dit on, que Télédus roi de Sparte fut tue. En quittant Thurium, fi vous allez du côté de l’Arcadie, vous trouverez fur votre chemin la fource du fleuve Pamife, donc on croit l’eau fouveraine pour les maladies des enfans. La ville dlthomc eft fur la gauche à quarante ftades de cette fource, ou environ. Cctre [ijvillercntérmcdans fon enceinte non-(ëulemcnr le mont Ithome, mais encore un efpace qui s’étend vers le fleuve Pamife jufques fous le mont Evan, ainfi nommé du mot Evoc, qui eft comme le cri des Bacchantes, pareeque, difent-ils, Bachus & les femmes de là fuites’ccriereht ainfi,lorfqu’ils vinrent pour la première fois dans ce pays. Toute la ville eft fermée par un bon mur de pierres de taille, & défendue par des tours & des redoutes que l’on a bâties d’cfpace en efpace. Je n’ai jamais vû les murs de Babylone , ni ce que l’on appelle les murs de Mcmnon à Sufes en Perfe, je n’ai pu même en rien fçavoir de gens qui les ayent vûs. Les villes les mieux fortifiées dont j’aye connoiflaHce par moi-meme, font [5] Amphryfe dans la Phocide,Byfance,& Rhodes, mais leurs fortifications ne valent pas celles d’Ithome. Dans la place publique de cette ville on voit une ftatuc de Jupiter furnomme le Sauveur, & la fontaine d’Arfinoé, ainfi appellce du nom d’une fille de Leucippe , l’eau y vient d’une autre fontaine qu’ils nomment
J 1 ] A Zx de'ejfe de Syrie. C’étoit /ftnrte, dont j’ai déjà parlé. [a] Crtrr ville renferme. Il y a ici quelques mots oubliez, dont l'onuffion rend cet endroit du texte fort obfeur. Les interprètes l'expliquent mal, Je je ne fçai li j’ai mieux devine le lens de l'auteur; mais il ne peut guère être Tome I.
different, ce me fcmblc, de celui que je lui donne. f s ] Amibnfe. Le texte dit Ambryfc, conformément à Strabon, 1.9. mais Etienne de BvTance remarque que l’on difoit indifféremment Ambryfe, tcAmfbryfe.
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354
PAO! AH 1 AS,’ Ll VAE IV.
Clepfydra. On y voit aufli deux temples, l’un de Neptune, & l’autre de Vénus. Enfin la mere des dieux y a une fort belle ftatuc de fnarbre de Pàros; c’eft un ouvrage de Damophon, qui a laifle aufli des marques de fon habileté 1 Olympie, en raccommodant parfaitement bien la ftatuc de Jupiter qui eft d’y voire, & dont les parties ne joignoient plus ; c’eftpourquoi les Eléens lui ont rendu de grands honneurs avec juftice. Les Mefleniens ont une Diane Laphria, qui eft encore un ouvrage deDamophon : je vais dire en partant d’où leur eft venu le culte de cette déeflê. Les Calydoniens.peuples d’Etolie, honorent particulièrement Diane, & ils f’honorent fous le nom de Laphria. Les Mefleniens s’étant établis à Naupade [ i ] par la conccflion des Athéniens, le trouvèrent voifins de l’Etolie, & le voifinage fit qu’ils reçurent le culte & les cérémonies de la déeflê. Quant à la Diane d’Ephelê, toutes les villes Grecques en ont embrafle le culte, Sc fur-tout les hommes; cc queq’attribuc premièrement à la réputation des Amafones, qui ont bâti, à ce que l’on croit, le temple de la déeflê & confacré fa ftatuë ; fêcondemcnt à l’antiquité de ce monument. Pour ce qui eft du’temple même , trois chofes concourent à le rendre célébré ; fa grandeur, car c’eft en ce genre le plus grand & le plus fuperbe édifice que les hommes ayent jamais élevé ; la fplendeur de la ville d’Ephefc, & enfin la divinité même que l’on fênt [i] plus prefente en ce lieu qu’en aucun autre. La déeflê Lucine a auflï fon temple chez les Mefleniens avec une ftatuë de marbre; auprès eft le temple des Curetes, où l’on facrifie toute forte d’animaux : car après le beuf & la chèvre on vient aux oifeaux que l’on jette dans les flammes. Cerès eft aufli honorée de ces peuples avec beaucoup de religion : vous vovez dans fon temple les Diolcures qui enlèvent les filles de Leucippe. J’ai déjà dit que les Mefléniens difputent ces fils de Tyndare aux Lacédémoniens, prérendans que c’eft dans la Meflenie qu’ils ont pris naiflànce. Mais le temple le plus rempli de belles ftatuës, c’eft celuid’Efculape. Vous y voyez d’un côté le dieu & fes enfans.de
[>] Msuftflt. C’étoit lacapita[a] gue r<m fent plus fré/entele de la Livadie ; elle eft à fept lieues Amaféc n’a pas entendu le mot grec de Patr.is , & fe nomme aujourd'hui qui lignifie cela, t « imfwù -rft Ôu'»j
Ltpunte.
iiHmtn pruftHimt.
Vo y a g e d e l a Mes se n t e . 395 l'autre les Mules, Apollon & Hercule ; dans un autre cudrvic la ville de Thebes, Epaminondas fils de Polymnis, la Fortune & Diane [ 1 ] porœ-lumicre. Parmi ces ftatuës celles qui lont de marbre ont etc faites par Damophon Méflenien, & le feul habile- fculpteur que le pays ait produit. La ftatuë d’Epaminondas eft de fer, & l’on voit bien que cet ouvrage n’eft pas de Damophon. C’eft encore un temple à voir à Ithomc, que celui de Mellene fille de Triopas. Sa ftatuc eft moitié or, moitié marbre de Pâros. Sur la façade du derrière vous voyez les portraits d’Aphareüs & de fes enfans qui ont régné en Meflcnie avant l’arrivée des Doriens dans le Péloponnefe; enfuite celui de Crefphonte, qui régna après le retour des Heraclides,& qui étoit chef des Doriens. Parmi les rois de Pylos on voit Neftor & lès deux fils Thrafymede & Antiloque, qui tiennent le premier rang comme les aînez, & pareequ’ils ont eu l’honneur de combattre devant Troye. Après ces héros fuivent Leucippe frere d’Apharcüs, Hilaire, Phœbé, Arfinoé, enfin Efculape 8c lès deux fils Machaon & Podalire, qui fe font rendus célébrés durant la guerre de Troye. Pour Efculape, ils le croyent fils d’Arfinoé. Tous ces poçjfaits font de la main d’Omphalion élève de Nicias-, le fils de Nicomede. On dit même qu’il avoic été fon efclave, & qu’il en étoit paflionnément aimé. Ils ont encore un temple où l’on garde les vidimes deftinées aux facrifices. Ce lieu eft orné de toutes les ftatuës des Ch af . XXXII. dieux dont le culte eft reçu en Grece. Epaminondas y eft aufli en bronze, & j’y ai vu des trépieds d’une grande antiquité, qui n’ont jamais été fur le feu. Dans le lieu d’exercice il y a quelques ftatuës faites par des ouvriers Egyptiens, entre autres un Mercure, un Hercule & un Théfce, divinicez
qui non-lèulement chez les Grecs, mais même chez plufieurs nations barbares préfident aux exercices, & font particulièrement honorées dans les [1] Paleftres. Parmi ces ftatucs j’en ai remarqué une d’un certain Ethidas,qui vivoit prefque de notre temps, & que les Mefleniens révèrent comme un
[1] Diane porte-lumière,en latin lucifera. Il eft aifé de juger que c ctoit
cicc , on les appclloit ainfi du mot itâMi, Incia > la luit > ou de celui de yvnxItH’. qui vient de . hn Jiis , la Lune. [ 1] Dans les Paleftres. Les paleftres nud > pareeque l'on fe mettoit prefque ou gymnalcs croient des lieux dexer- nud pour mieux faire fes exercices. D d d ij
jçC Pa u sa n ia s , Liv r e IV. héros, parccqu'il avoic amaflc des richcflcs iminenfes. Cependant j’ai oüi dire à quelques-uns que ce n’cft pas cet Ethi. das que l’on a voulu repréfenter fur un cippc, mais un autre plus ancien, qui lorfquc Démétrius fils de Philippe furprit Meflene Se y entra de nuit avec fes troupes, fe mit à la tête de ce qu’il put raflembler d’habitans, & chaflâ les ennemis. Dans le même lieu d’exercice on voit le tombeau d’Ariftomene ; ils prétendent que c’eft un vrai tombeau, non un cénotaphe : je leur demandai comment çela fe pouvoir faire,
& ils me répondirent que par le commandement de l'oracle de Delphes le corps de ce héros avoit été rapporté de Rhodes à Meflene. Enfuite ils me contèrent quelques particularisez du facrifice qu’ils font fur fon tombeau II y a auprès une colonne à laquelle ils attachent le taureau qui doit fervir de victime: cet animal aufli-tôt qu’il fe fent lie , tâche de s’échapper. Si à force de fe tourmenter il déplace la colonne, c’eft une marque que la vidime eft agrcable, & ils en tirent un bon augure ; mais fi au contraire l’animal moins fougueux laifle la colonne en l’étac où elle eft, ils fe croyent menacez de quelque malheur. Au refte ils font perfuadez
qu’Ariftomene bien qu’il ne fut plus au monde , ne laiflj, pas de fe trouver à la bataille dç Leudres , & que s’étant mis du parti des Thébains, il fut caufe de la vidoire qu’ils remportèrent fur les Lacédémoniens. Je fçai que les Chaldéens & les Mages dans les Indes ont dit les premiers que l’ame de l’homme eft immortelle; plufieurs Philofophes grecs ont depuis embrafle cette opinion, & entre autres Platon fils d’Arifton. Si tout le monde en veut convenir, je ne vois plus de difficulté à croire qu’Ariftomene ait pû même après fa mort confêrver la haine implacable qu’il avoir contre les Lacédémoniens. Et ce que j’ai appris à Thebes, quoiqu’un peu différent de ce que difent les Mefleniens , ne laifle pas de
le rendre allez probable'; car des Thébains m’ont dit qu’avant la bataille de Leudres leurs Généraux envoyèrent confulter plufieurs oracles, à Delphes, à [ i ] Abes, au mont Ptoüs, à Ilmene, & fur-tout celui deTrophonius à Lébadce;
[i] z/ Abci , au ment Ptoüs, a Ifment. Abes étoit une ville de la PJiocique. Ifmcnc étoit un bourg de- la Béotic, où il y avoit aufli une tivierc
de ce nom. Ptoüs ctoit une montagne de Béotic, célébré pat un oracle d’Apollon ; de là les liimoms d’Apollon Ifmtnint, & d’Apollon Pteüi.
VOYAGE DE LA MESSENIE. J97 que tous avoient répondu, Si. que la réponlc de Trophonius nommément étoit, qu'avant que d'en venir aux mains, ils crigeaflènt un trophée, Sé y étalaflent le bouclier d’Arifto-
mene, s'ils vouloicnt que le dieu combattît pour eux 5 qu'en conféquencc de cet oracle Epaminondas avoir engage Xcnocrate à aller prendre le bouclier d’Ariftomene, dans l’antre de Trophonius, & qu’il en avoir orné l’on trophée qui ctoit place fur une éminence, d’où les Lacédémoniens pouvoient ailcment le voir. En effet les Lacédémoniens n’ignqroient pas que le bouclier d’Ariftomene ctoit à Lebadéc, plulicurs d’eux l’avoicnt vû, & tous le fçavoient du moins par oiii-dirc. Les Thebains apres leur vidoire ne manquèrent pas de reporter cc précieux monument dans le lieu où il avoit été conlâcrc. Voilà cc que j’ai appris à Thebes. Ariftomene eft encore en bronze à Ithome dans le ftade. Le théâtre n’a rien de particulier, il n’eft pas loin d’un temple qui eft conlâcré à Serapis & à Ifis. La citadelle eft fur le fommet de la montagne : en y al- c lant on trouve cette fontaine qu'ils nomment Clepfydra. Il XXXUI. ne lêroic pas aifé, quand on le voudroit, de dire combien il y a de peuples qui prétendent que Jupiter eft né & a étc nourri chez eux ; mais les Mefieniens s’attribuent aufli cet honneur. Ils nomment fes nourrices, dont l’une a donné fon nom au fleuve Nedcs, & l’autre le ficn au mont Ithome. Si on les en croie, les Curetés ayant dérobé le petit Jupiter à la barbarie de Saturne, ils le confièrent à ces Nymphes, qui prirent foin de fon enfance, & le lavoient dans la fontaine, dont le nom [ 1 ] fait encore fouvenir de ce larcin. C’eft en mémoire de cet événement que l’on porte tous les jours de l'eau de cette fontaine dans le temple de Jupiter Ithomate. La ftatuë du dieu eft un ouvrage [ 1]. d’Agéladcs} elle fut faite dans le temps que les Mefieniens occupoicnt Naupacle: un prêtre dont le facerdoce ne dure qu’un an la garde chez lui. Ils célèbrent tous les ans une fête en l'honneur de |u-
[1] Dont le nom fait encore fouvenir de te lortm. Le mot de Clepfydra vient dc«*i'«7», occulte, je coche, &: . oquo, de l'eou. [1] F/t un ouvrttge d'^fe'lodèi. Cc
1.54. ch. 8. le place en la 87e Olyin* piade ; mais filon Paufanias il flotiffoit en la 66 ou peu apres, puisqu'il repri(enta Cleofthene fut un char de bronze, & que cc Cleofthene fut vain«libre ftatuaire ctoit d'Argos. Pline queur en la 66* Olympiade. de
D d d iij
398 Pa u sa n ia s , Liv r e IV. pitcr, c’cft cc qu'ils appellent les Ithomecs. Meme autrefois on y propoloit un prix de mufique, & parmi les muficicns. c’ctoit à qui remporteroit ce prix. J’en pourrois donner plusieurs prêuvcs, mais je me contente de citer deux vers d’Eumclus, qui font tirez d’une hymne qu’il envoyoità Délos. De nos chanfons la fage liberté
Au dieu d’itliome eut toujours l’heur de plaire.
Je crois que ces vers font encore d’Eumélus, & je fuis perfuade aufli que ces combats de mufique ont dure un temps chez les Mefleniens. Sur la porte par où l’on fort pour aller à Mcgalopolis, ville d’Arcadie, on voit une ftatuë de Mercure, qui eft dans le goût Attique ; car les Athéniens ont fait les Hermes de figure quarrée, Se à leur imitation les autres peuples de la Grece ont donne cette forme à toutes les ftatucs de Mercure. A trente ftades de cette porte ou environ vous trouvez une riviere appellée Balyra , pareeque, dit on, Thamyris étant devenu aveugle, y laiflâ tomber fa lyre. On tient que Thamyris étoit fils de Philammon & d’Argiopc, qui habitoit le mont Parnafle. Cette nymphe fe fentant grofle , & voyant que Philammon ne vouloir pas l’époulér, le retira à Odryfes où elle accoucha ; c’eftpourquoi Thamyris paflé pour avoir été Odryfien ou Thrace. Deux autres rivières fe jettent dans celle de Balyra, l’une eft Leucafie, l’autre Amphife. Quand vous les avez paflées, vous entrez dans la plaine de Stenyclere, ainfi dite du nom d’un de leurs héros. Vis-à-vis étoit autrefois (Echalie: prélêntcment c’cft un bois de cyprès, qu’ils nomment le bois Carnafius , & qui eft fort épais. L’on y voit trois ftatucs, l’une d’Apollon Carnéus, l’autre de Mercure qui porte un bélier; la troifiéme qu’ils appellent la chafie fille, n’eft autre que Cerès. Près de cette dernière eft une fource, dont l’eau eft jailliflante. Dans ce bois ils font de temps en temps des lacrifices aux grandes Déeflès. Je ne rapporterai point les cérémonies qu’ils y obfervent, pareeque cela ne m’eft pas permis. Je dirai feulement qu’il n’y a que les myftcres d’Eleufis qui foient plus auguftes & plus vénérables que ceux-là. Mais rien ne m’empêche de dire que dans l’urne de bronze qui fut trouvée par le Commandant des Argiens, on gardoit aufli les os d’Euryte fils de Melanée. Auprès du même bois
VOYACE DK LAMESSEHIE. î ?» parte un torrent} & huit Rades plus loin lur la gauche on voit les ruines d'Andanie, que l’on convient avoir etc ainfi appclléc du nom d’une femme ; mais je n’ai pû fçavoir ni de • qui cette femme ctoit fille, ni qui elle avoit époufé. En allant d’Andanie vers Cyparirtic, on trouve une petite ville nommée Ele&re,au travers de laquelle partent deux fleuves, l'un de même nom que la ville, l’autre qu’ils nomment le Cœus. Ces noms peuvent fe rapporter à Eleélre fille d’Atlas, & à Cœus le pere de Latone, h l’on n’aime mieux dire que c’ctoicnt les noms de quelques héros du pays. Au de-là d’Eledrc eft la fontaine Achéa, 8c l’on apperçoit quelques relies de l’ancienne ville de Dorium, où Homere nous apprend que Thamyris perdit la vue pour s’être glorifié de chanter mieux que les Mules. Mais Prodicus le Phocéen dans les vers qu’il a faits contre la Myniade, fi ces vers font de lui, die que Thamyris eft’puni de fon orgueil dans les enfers. Pour moi je crois que Thamyris devint aveugle par maladie, comme il arriva depuis à Homere , avec cette différence qu’Homere ne fuccomba point à fon malheur,& qu’il acheva l’ouvrage qu’il avoit commencé, au lieu que Thamyris après avoir perdu la vûë ne fit plus de vers. 11 y a environ quatre-vingt ftades depuis Meflcne jufqu’à c „ A p l’embouchure du Pamife,qui coule à travers les terres, con- xXXIV. lcrvant toujours fes eaux claires & pures,& à dix ftades de la mer il porte des vaifleaux. Les poiflons de la mer fe plailènt à remonter ce fleuve particulièrement au printemps. Il en cft de même du Rhin, du Méandre , & encore plus de l’Acheloüs, qui eft plein de poiflons de mer à la hauteur des îles [ i ] Echinades où cft fon embouchure. Mais comme les eaux du Pamife font toujours claires 8c nettes, les poiflons qu’il reçoit fonftout différons de ceux qui partent dans les autres fleuves dont j’ai parlé ; car [x] le Mulet, par exemple, qui aime la bourbe, cherche les eaux où il y a le plus de limon. Il eft certain que les fleuves de la Grèce ne pro-
[ i ] // la hauteur des îles Echinades. Ces îles fituées vers l'Etolie ont été ainfi appellecsdu nom d'Echintis,célébré devin, qui fervit utilement Amphytrion ; ou pareequ’on y trouve beaucoup d’hériflbns de mer, & que ce poi/Ton eft nommé en grec
[x] Car le mulet. mugit, en françois le mulet, du moins le P. Hardoiiin le nomme ainfi dans le dictionnaire du P. Tacharr ; il eft appelle muget, 8c dans le Languedoc on l’appelle cabot : ce poiflbn a la tctc fojf gro®.
400 Pa u sa n ia s , Liv r e IV. duifent point de bêtes dangercufcs comme l'Inde , le Nil * le Rhin , le Danube , l’Euphrate & [ « ] le Phafc ; car dans tous ces fleuves il s’engendre des animaux qui dévorent les hommes, &, qui font encore plus terribles que ces Silures , qui infeftent les bords [ i ] de l’Hermus & du Méandre: l’Inde Sc le Nil nourriflent des Crocodiles; & dans le Nil il naît encore une cfpece de cheval aquatique, qui eft bien aufli méchant que le Crocodile. Nous ne connoiflons aucune de ces bêtes en Grece. S’il y a des chiens marins dans le fleuve [3] Aoüs, qui va fe rendre à la mer par la Thefprotie, ils viennent de la mer même, & ne font point engendrez dans ce fleuve. Vers l’embouchure du Pamife eft Coronc, ville maritime, fituée au bas du mont Témathia: en y allant on rencontre un village que l’on dit être con&cré à Ino, pareeque ce fut là que fortie de la mer elle commença à être regardée comme une divinité , & à s’apSeller Leucothea. Un peu plus loin c’eft l’embouchure du cuve Bias, que l’on croit avoir pris fon nom de Bias fils d’Amythaon. A vingt ftades du chemin on voit la fontaine du Platane, ainfi nommée pareequ’en effet elle fort d’un platane allez touffu, d’une groflèur médiocre, & creux en dedans comme fi c’étoit une caverne ; l’eau en eft fort bonne à boire, & coule jufqu’à la ville de Coroné. Cette ville s’appelloit autrefoisEpea ; mais lorfque les Thebains eurent fait rentrer les Mefleniens dans le Péloponnelè, Epimelide ayant eu ordre
de repeupler Epea, il lui donna le nom de Coronée, par amour pour Coronée ville de Béotie d’où il étoit. LesMef. ïeniens difoient toujours Coronc, & le temps a enfin autorifé cette maniéré de prononcer. D’autres difènt qu’en creulânt la terre pour faire les fondations des murs, on trouva une corneille de bronze, d’où la ville a pris fon nom. Quoiqu’il en foit, cette ville a plufieurs temples, l’un confacré à
[1] Le Phafe > aujourd’hui le FaffoS [5] Lefleuve /loü.'.'Lc texte dit *••». c’eft une grande rivière de la Géorgie Amafèc a mieux aimé lire yichelco. en Afie. car le texte eft corrompu ; mais Ama[ 1 ] De l'Hermut. On l’appelle à féc fe trompe, l’Achclous ne pallc ni préfent le Sa rabat .c’eft une rivière de dans l’Etolie, ni dans l'Acamame; il la Natolic, qui fe décharge dans le faut donc lire A<~. Paulmier. Golfe de Smyrne. Diane
V O Y A G E D F. L A M F. S S E N 1 E. 40I Diane furnommee [i] la Nourrice, l’autre à Bâchas, & un autre à Efculape: ces divinitez ont chacune une ftatuc de marbre. Jupiter Sauveur eft en bronze dans la place publique, Sc Minerve dans la citadelle , tenant une corneille à la main. J’y ai vû aufli le tombeau d’Epimélide. Le port eft appellé le porc des Achéens, je n’en Içai pas la railon. Quatre vingt ftades au de-là de Coroné, en tirant vers la mer, vous trouverez fur la côte un temple d’Apollon. Ce temple cil fort célébré, & pafle pour le plus ancien du pays: les malades y viennent en foule, & s’en retournent guéris : le dieu y cil honoré fous les noms d'Apollon Corinthus, & d’Apollon Argoüs. Sous le premier [i] il a une ftatuë de bois, fous le fecond une ftatuë de bronze, qui a été confacréç, dit-on, par ces héros que portoit la navire Argo. Le territoire de Coroné s’étend jufqu’à celui de Colonis, autre ville fituée fur une hauteur fort près de la mer. Les habitans fc difent originaires de l’Attiqi Attique, & prétendent qu’ils furent amenez dans la Mcflcnic par Colenus , qui obciflànt à un oracle, & guidé par le vol d’un oifeau, vint s’établir dans le lieu où ils font : qu'er qu’enfuitc ils prirent infenfiblemcnt les mœurs Si le langage des Doriens. Pour les Afi- . ncens, ils ctoicnt anciennement voifins des Lycorites, Si habitoicnc aux environs du Parnaflè $ alors on les appclloic Dryopcs, nom qu’ils ont gardé quelque temps depuis leur retour dans le Peloponnefe, & qui ctoit celui de leur chef, lorfqu'ils furent tranfplantcz hors de leur pays. Après trois générations, fous le règne de Phylas, vaincus dans un combat par Hercule, ils furent menez captifs à Delphes ôc prefentez à Apollon ; mais enfuite Hercule, par ordre du dieu meme, les conduilît dans le Peloponnefe, où ils occtwérenc Aline près d'Hermioné. Quelque temps après, chaflcz par les Argiens, ils habitercnc dans la Mcflcnic un canton qui leur fut donne par les Lacédémoniens. Enfin les Mefleniens revenus au Péloponnefe, les y lailférent fans les inquiéter
[ : ] A Dmne fumommée U Nourrice. fens que Diane croit appdléc la NourDiane proprement étoit la lune; ot rice. c’eft une vieille opinion que la lune [1] Soui le premier. Cet endroit a influe fur les groflefles des femmes & etc mal copié , & n’eft pas exempt de fur leur accouchement. C’eft en ce fautes. Je m'attache à la Leçon de Sylburgc. Tome Z. Ecc
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4oi Pa u sa n ia s , Liv re IV. en nulle façon. Les Afinéens conviennent qu’ils furent défait» par Hercule, & que leur ancienne ville du mont Parnartè fut prife ; mais ils nient qu’ils ayent été traînez captifs aux pieds d’Apollon. Ilsfoûtiennentau contraire que voyant Hercule maître de leurs remparts, ils fe retirèrent au haut du Parnaflc, èc qu’enfuite ayant parte par mer au Péloponnelè, ils s’étoient jettez entre les bras d’Euryfthée, qui par haine pour Hercule les reçut avec bonté, & leur donna Afine dans les états d’Argos. Ce font les feuls des Dryopes qui aujourd’hui lé fartent honneur de leur originê, en cela bien dift'érens des habitans de Styre dans l’Eubée : car ceux - ci, quoique Dryopes & du nombre de ceux qui, parcequ’ils avoienc leurs habitations hors des murs, ne combattirent point, ne veulent pas qu’on les appelle de ce nom. C’eft ainfi que ceux de Delphes rougiflent de pafler pour Phocéens. Les Afinéens au contraire le louviennent avec plaifir qu’ils font Dryopes ; & ce qui en eft une preuve bien convaincante, c’eft que leurs temples les plus faints font faits comme ceux qu’ils avoient autrefois au Parnartè ; entre autres deux, dont l’un eft dédié à Apollon, l’autre à Dryops, avec une ftatut fort ancienne. Tous les ans ils font la fête de Dryops, & croyent qu’il étoit fils d’Apollon. La ville qu’ils haoitent aujourd’hui eft fur le bord de la mer, comme étoit autrefois Afine en Argos, & n’eft qu’à quarante ftades de Colonis. D’Afine en Meflénie jufqu’à Acrite il y a une pareille diftance. Acrite eft une efpece de promontoire qui avance dans la mer, vis-à-vis du quel eft une île défèrte que l’on nomme [i] Théganuflè: auprès de ce promontoire les Afinéens ont le port Phœnique & [2] les îles (Enuflès, qui n’en font pas loin.
C h a p. XXXV.
Mothone avant la guerre de Troye, & même durant cette guerre, fe nommoit Pédalos. Les Mothonéens difent qu'en-
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fuite elle prit le nom d’une fille d’GEnéus ; cartEnéus fils de Porthaon ayant parte au Péloponnefc avec Diomede après la prife de Troye, il eut d’une concubine une fille nommée Mothone. Pour moi, je crois que cette ville a tiré fon nom d’une groflè roche que les gens du pays appellent Mothon, & qui forme là une efpece de rade fort étroite : car cette rô-
ti] Thrgdnuffc. Ptolémce dit Tbigànmift, Pline Tegtnufe. [a] Ltt iltt Œnuffei. Le texte porte,
»wO, l'ile, au fingulier. Mais Pauk mier obfcrvc que Pline 1. 4. ch. 11. dit la ilis, au pluriel.
Vo y a g e d e la Me sse n ie . 40J che avançant dans la mer, rompt la furie des vagues, ôc fort comme d’abri aux vaiflêaux. J’ai déjà dit que les N au f'liens fous Domicratidas roi d’Argos, ayant etc chaflêz de eur ville, à caufe de leur attachement pour Sparte, les La» cédémoniens leur avoient donne Mothone. J'ai dit aufli que les Mefleniens étant rentrez dans le Pcloponnefe, 8c les y ayant trouvez , ne leur avoient fait aucun mauvais traitement-, or autant que j’en puis juger, les Naupliens font originairement Egyptiens, de ceux qjji vinrent avec Danaüs à Argos. Trois générations enfuite Nauplius fils d’Amvmonc fe initia tête d’une colonie de ces Egyptiens, il s’établit fur le nord de la mer, 8c lui bâtit une ville qu’il nomma de fon nom, Nauplie. L’empereur Trajan affranchit ces Naupliens de la domination de Meflene, 8c leur permit de fe gouverner par leurs propres loix. Mais long-remps auparavant il leur étoit arrivé un malheur qui mérite d’étre raconte, 8c qui leur fut particulier; car les autres Mefleniens de la côte n’ont jamais rien éprouvé de femblable. L’anarchie avoit ruiné les affaires de la Theforotie d’Epire: Déidamie [1] fille de Pyrrhus étoit morte fans enfans, 8c en mourant avoit laifle le gouvernement entre les mains du peuple. Pyrrhus pere de cette princefle étoit fils [t] de Ptolemée, petit-fils d’Alexandre, 8c arriéré petit-fils du grand Pyrrhus. Celui-ci étoit, comme on fçait, fils d’Eacidas ; j’en ai fait une ample mention dans mon premier livre, en parlant de l’Attique. Proclès de Carthage dit que ce prince n’eut ni la fortune d’Alexandre fils de Philippe, ni le brillant 8c l’éclat qui mit Alexandre au-deflùs de tous les conquerans ; mais gue [3] pour ranger une armée en bataille, cavalerie ou infanterie, 8c pour les rufes de guerre 8c les ftratagémes, il lui étoit fort fuperieur. Les Epirotes n’etant plus gouvernez par des rois, le peuple devenoit tous les
[1] Dormir. Juftin.1.18. la nomme Z.4«f4-nie ; c’eft apparemment une faute. Dcïdamie eft un nom connu dans la tamillc des Eacides. Pjulmter. ( 1 ] Etait fih dt Ptalemée. Scion Trogus & Juftin fon abbreviateur 1. 18. Pyrrhus pere de Dcïdamie ctoit fils d’Alexandre & non de Ptolcmce.
L'autoritc de Trogus vaut bien celle de Paufànias quant à ce point. [f] A/aii que faar ranger une »rmee en btttjtiUe. Le jugement que Proclcs falloir de Pyrrhus, eft tout femblablc au jugement qu'Annibal Immense porte de ce prince dans TiteLivc.i. jf.ch.14. E e e ij
4°+ Pa u sa n ia s , L i t s i IV. jours plus infolent, & mcprifoit l’autoritc des magiftrats. Les 111 yriensqui habitent les bords de la mer Ionienne au-deffus de l’Epirc profitant de la conjoncture, firent une irruption dans le pays fie le fubjugucrent-, car jufqu’ici nous ne connoiilons que les Athéniens à qui la Démocratie ait réufli. Pour eux, ils fe font rendus fort puiilàns par l’excellence de leur gouvernement fie par une grande fbumiflîon [i] aux loix de Solon. Les Illyriens ayant une fois goûte la douceur
de commander aux autrçs, ne fongérent plus qu’a étendre leur domination. Ils firent provifion de bàtimcns propres à courir les mers; & après avoir écumé tout ce quj* trouvoità leur portée, ils allèrent mouiller au port de Mothone. D’abord, fous ombre d'amitié , ils envoyèrent dire aux ha. birans qu’ils venoient pour acheter leurs vins. Quelques gens de la ville fe preflerent de leur en porter , en reçurent le prix qu’ils demandoient, & achetèrent à leur tour quelques marchandifes des Illyriens. Le lendemain les habitans vinrent en plus grand nombre pour taire le meme trafic , & ils trouvèrent toute la facilite poflible de la part de leurs hôtes. Les Mothonéens prirent tellement goût à ce commerce qu’ils accoururent en foule, hommes fie femmes, les uns pour vendre, les autres pour acheter. Alors les Illyriens voyant la proyc dans leurs filets , enlevèrent toute cette multitude, particulièrement les femmes ; fie faifant voile en Illyrie, changèrent la ville en un defert. A Mothone il y a un temple de Minerve [i] Ancmotis, avec une ftatuc de la déeflê. On dit que la ftatuë a été pofée fous ce nom par Diomede, fie que c’étoit un vœu qu’il accom. pliflbit ; car le pays étoit expofé à de fort-grands vents, fie prcfquc continuels, qui faifoient beaucoup ue ravage; Se depuis le vœu de Diomede ces vents ne le font pas fait fentir. On y voit aulfi un temple de Diane, Se dans ce temple un puits dont l’eau naturellement mêlée d’une cfpece de rèfîne
[ i ] Et Hr une grande ftnmiffini. Cela doit s’entendre des anciens Athéniens , non pas de ceux du temps de Pauûnias, ni meme du temps de Platon ; car Platon dans la Rep. 1. 8. dit qu'il avoir vû des gens condamnez à
l’-xil, même à la mort. demeurer impunément chez eux , & le promener publiquement dans la ville, au grand mépris des loix & des magiftrats. fil De Minerve Jnemetu, du mot
>></■■» ventui, le vent.
Vo y a g e d e l a Me ssen ie . 405 reflcmble allez [ 1 ] pour la couleur & pour l’odeur au baume de Cyiique. L’eau la plus bleue que j’ai vùe eft celle des Thermopyles; mais elle ne paroit bien bleüe que dans des baignoires, qui font des [1] vafes à l’ulàge des femmes. S’il y a des eaux bleues, il y en a aufli qui font rouges comme du fang} on en voit de cette couleur dans le pays des Hébreux auprès de Joppé vers la mer. Les gens du lieu difent que Perfee s’etant enfanglanté en tuant le monftre .marin auquel on avoit expofe la fille [3] de Cephée, il fe lava dans cette fontaine, & que c’eft ce qui a rougi fes eaux, J’en ai vu aufli de noires à Aftyra 5 ce font des bains d’eaux chaudes vis-àvis de Lesbos, près d’un bourg que l’on nomme Atarné, & qui fut donné par le roi de Perle aux habitans de Chio pour récompenfe de ce qu’ils lui avoient livré un Lydien nomme Pacïyas, qui s’étoit réfugie chez eux. Enfin les Romains [4] ont des eaux blanches alTez près de Rome, & un peu au de-là du fleuve Anion. Quand on s’y baigne, on eft d’abord lâifi de froid jufqu’à trembler, & au bout de quelque temps [5] on lent autant de chaleur que li l’on ctoit dans de l’eau qui eut été fur le feu. J’ai vu toutes ces merveilles de la nature j toutes ces differentes eaux, qui pourtant font egalement falutaires ; car je ne parle point de beaucoup d’autres moins liirprenantes : en effet qu’il y ait des fontaines dont l’eau eft falée, & d’autres dont l’eau eft acre , on ne s’en étonne point, pareeque cela n’eft pas rare. Mais je ne dois pas en omettre deux qui (pnt d’efpéces toutes contraires , Sc dans des lieux tres-differens 5 l’une eft celle que
[1] Reffemble ejfez. pour lu couleur. Svlburgc & Kuhnius ont crû cet endroit du texte un peu altère ; ils ont raifon. Mais on peut Ce pa/Ter des changemens qu'ils y font : il ne fout que retrancher les deux mots qui finiflent la phrafe, w ■<«»'■• Us n’ont etc ajoutez que comme une efpece de glofc. [1J figni font det vifes a rufae des femme! ', x»’rw»». Hérodote liv. 8. dit que ces vafes étoient ainfi appeliez. Mais je me fuis exprimé d'une maniéré plus générale , pareequ’un mot grec
ne lied pas .tins une traduction f'rançoife. [jjZa fille de Cépbéeî ilveutdire, Andromède. [ 4 ] Les Romans oit des etux bhinebes. C’étoit ce qu’ils appelloient ulbulus uquei. Strabon & Pline leur
donnent les mêmes proprictcz que Paufanias. [$] Et eu bout de quelque temps.
Le texte eft corrompu en cet endroit. Kuhnius l'a rétabli, & j'ai fiuvi fa reIhtunon mot pour mot. Ece iij
Ch a XXXVI
4oS Pa u sa n ia s , L i v .r e IV. l’on trouve dans [ i ] une plaine de la Carie, nommée la plaine blanche, près de Dalcylium, & dont l’eau eft chaude & plus douce que du lait: l’autre eft une fontaine qui fe jette dans le Hcuve Hypanis, & dont parle Hérodote ; lès eaux font ameres, ce qui n’eft pas plus difficile à croire que ce que nous voyons à Pouzolle auprès de la mer Thyrrenienne ; car il y a là des bains dont l’eau eft fi chaude, qu’en peu d’années les tuyaux de plomb par où elle palfoit, fe font fondus. De Mothone au promontoireCoryphafium on compte en*v*ron ccnc ftades. Sur ce promontoire même eft la ville de [i] Pylos, que [a] Pylas fils de Cléfon bâtit autrefois, & qu’il peupla de Léléges, qu’il avoit amenez de Mégare. Mais il ne joüit pas long-temps de cette fouveraineté ; car il en fut charte par Nelée & par des Pélafges venus d’Iolchos. Contraint de céder la ville à ces étrangers, il ne s’éloigna que le moins qu’il put, & alla occuper une autre Pylos en Elidé. La première devint fi florilTante fous le régné de Nelée, qu’Homére l’appelle par excellence la ville de Nelée. On voit à Pylos un temple de Minerve, furnommée Corvphafia. Une autre curiofité c’eft la maifon de Neftor, où l’on voit encore fon portrait. Le tombeau de ce prince eft dans la ville ; car celui qui eft hors des murs, on prétend que c’eft le tombeau de Thrafymede. On vous montrera âuffi dans la ville un lieu fouterrain que l’on dit avoir été l’étable à beufs de Neftor,&avant lui de Nelée. Ces beufs, à ce que l’on prétend, étoient deTheflâlie, & du troupeau d’Iphiclus, pere de Protéfilas. Nelée exigea ce prefent de ceux qui recherchoient fa fille en mariage : Or Mélampus qui vouloit faire plaifir à fon frere Bias, étant venu en Theflalie à dclfein d’enlever ces beufs , fut pris lui-même par les pâtres d’Iphiclus, & jetté dans une prifon ; mais comme c’étoit un devin, par les réponfes qu’il rendit à Iphiclus fur les chofes à venir, il mérita d’avoir ces excellens beufs pour récompcnfc ; enfuite il les donna à Bias, & Bias à Nelée. La
[i] Une pleine de /x Carie. Le texte dit, de Cardie, 6c Amafiie l’a finvi. C’cft neanmoins une foute de copiftc. Il fout lire de la Cane , Eftiennc de Byfancc, au mot Dafcjlium>con-
firme cette obfcrvation de Paulmier. [i] Py/xr. C’eft ainfi qu’il fout lire, & non Prlui. Ce héros eft connu par la ledurc d’Apollodorc & par celle de Pauûnias meme.
Vo y a g e d e l a Me sse n ie . 407 grande richcllc alors confiftoit à avoir une grande quantité de beufs & de chevaux. Aufli voyons-nous non-feulement que Nclee voulut avoir les beufs d’Iphicius, mais qu’Euryfthee ayant fçu que Gervon avoit en Efpagne un troupeau de beufs d’une beauté fingulicrc, ircommanda à Hercule de les lui amener. Ce meme troupeau [ 1 ] venant d’Erythée, fit tant d’envie à Eryx qui regnoie en Sicile, qu’il voulut difputer le prix de la lutte avec Hercule, & que le prix fût d’un côte le royaume d’Eryx, & de l’autre ce troupeau de beufs. Homère nous apprend aufli dans l’Iliade qu’Iphidamas fils d’Antenor donna entr’autres choies cent beufs à fon beau-pere en époufant fa fille -, tant il eft vrai que dans ces premiers temps, des troupeaux nombreux étoient ce que l’on eftimoit le plus. Mais ceux de Nelée, félon toutes les apparences, ne paiflbient pas dans fes états, car cette contrée, fablonneuie comme elle eft, ne pouvoir pas produire beaucoup de pâturages ; c’eft ce qu’Homére témoigné en parlant de Neftor, il le qualifie toujours roi de Pylos, qui eft, dit-il, un pays fort lablonneux., Vis-à-vis du port de Pylos eft l’île Sphaélérie, comme visà-vis du porc de Delos eft l’île Rhenèe. Il eft aflèz ordinaire que des lieux obfcurs & inconnus par eux-mêmes, deviennent tout-à-coup célébrés , pour avoir iérvj de théâtre aux
jeux de la fortune , ou à quelque événement confidérable. C’eft ainfi que le naufrage d’Agamemnon & des Grecs qui venoient avec lui après la prife de Troye,a rendu fameux le promontoire de Capharee en Euboée ; c’eft encore ainfi que Pfyttalie , petite île à l'oppofite de Salamine, eft aujourd’hui connue par le maflacre de ces quatre cent Perfes qui y avoient fait une defcentc. Il en eft de même de Sphaclérie ; la défaite des Lacédémoniens a tiré cette île de l’obfcuricé où elle étoit, & l’on y voit encore dans la citadelle une ftatuc de la Vi<ftoire,que les Arhcniens y ont laiflee pour monument de l’avantage qu’ils remportèrent alors fur Lacédémone. En allant de Pylos à Cypariflie on trouve au fortir de la ville & près de la mer une fontaine, que Bachus, dit-on, fit fortir en frappant de fon Thyrfc contre terre 5 c’eftpour-
[1] P'tnunt SErjtbtt. C ctoit l’île dcGcryon dans l’Occan; clic fut ainfi appcllcc du nom d’une fille de Gcryon.
4©8 Pav san ias , Liv . IV. Vo t a c e d e la Messe n ie . quoi cette fontaine eft appcllce la fontaine de Bachus. A Gy. panifie il y a deux temples, l’un dédie à Apollon , l'autre à
■ Minerve Cypariflia. De là on va à Aulon, où l’on voit un temple & une ftatuc d’Efculape furnomme Aulonius. Enfuite on trouve le fleuve Neacs,qui borne la Meflènic de ce côtelà, fie la fepare de l’Elide.
PAUSANIAS
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409
PAUSANIAS, LIVRE CINQUIEMEVOYAGE Pr
DE L'EL IDE.
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EUX qui divifcnt le Peloponnefe en cinq par- Ch A p# cies feulement, font obligez de reconnoîtrc que L l’une de ces parcies eft commune aux Arcadiens & aux Eléens ; que la fécondé eft pofledee par les Achéens, & que les Doriens occupent les trôis autres. Or parmi les differens peuples du Peloponnefe , il n’y a que les Arcadiens & les Achéens qui en (oient originaires. Ceux-ci chaflèz de leur première demeure par les Doriens , ne quittèrent pas pour cela le Peloponnefe ; mais ayant chaflé À leur tour les Ioniens, ils habitèrent ce canton que l’on nonvnoit autrefois l'Egiale, & qui depuis a etc nommé l’Achaïe, du nom de (ès nouveaux habitans. Pour les Arcadiens, ils ont toujours confervc leur première habitation. Tous les autres font étrangers: car premièrement les Corinthiens fout tout nouveaux venus dans le Peloponnefe.
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Pa u sa n ia s , Liv r e V. Ils ne comptent pas plus [ i ] de deux cent dix-fept ans d'an- ’ tiquité j puifquc ce fut Ccfar qui envoya une colonie à Corinthe pour la repeupler. En fécond lieu on fçaic aufli que les Dryopes font venus du mont Parnafle où ils habitoient, & les Doriens du mont [z] (Eta. Enfin les Elcens,dont j’écris préfentement l’hiftoire, font fortis de Calydon & des autres endroits de l’Etolic, pour venir s’établir dans le Pcloponnefe. Je vais rapporter ce que j’ai pù apprendre de leur origine & de leur ancienneté. On tient qu’Aëthlius eft le premier qui ait régné fur ces peuples ; il étoit fils de Jupiter & de Protogénie fille de Deucalion, & fut pere d’Endymion. La fable dit qu’Endymion fut aimé de la Lune, & qu’il en eut cinquante filles. Mais 4«o
une opinion plus probable,c’eft qu’il époulaAftérodie, d’autres difent Chromie fille d’Itonus, & petite-fille d’Amphirftyon, d’autres Hypéripné fille d’Arcas, & qu’il eut trois fils, Péon, Epéus, 8c Etolus, & une fille nomméeEurycyde. Endymion propofa dans Olympie un prix de la courle aux trois princes fes enfans ; ce prix étoit le royaume : Epéus remporta la victoire, régna après fon pere, 8c les fujets furent appeliez Epéens. On dit que fon frere Etolus demeura avec lui dans le pays ; mais que Péon, inconfolable d’avoir été vaincu dans une occafion de telle importance, alla chercher fortune loin de là patrie, & que s’étant arreté fur les bords du fleuve Axius, il donna Ion nom à cette contrée qui depuis s’eft appellée la Pconie. Les Eléens & les Heracléotes [3] ne s’ac-
[ t ] Ht ne comptent put plut de 117. ans. Xylander fc fort de cette date pour conftatct le temps où Paufanias écrivoit, & en effet on ne peut y être trompe. Dion nous apprend que Jules Céfar repeupla Corinthe h dernière année de la vie, qui étoit l’an de Rome 71 o. Ajoutez y les 117. ans d’antiquité que Paufanias donne à Corinthe dans le temps qu’il écrivoit, vous aurez 917. ans depns la fondât ion de Rome. Or l’aanéc 917. de Rome étoit la fcizicmc de l’empire d’Antonin le Philosophe ; & par confisquent Paufanias écrivoit en cette année-là , qui fût aufli celle où Antonin
triompha avec Commode. [z] Et le. Doriens du mont (Eta. Corrigez avec Sylburgc & Kuhnius •’* rw O'rw û ma-.?r*'n»n>, du mont (tra dans le Peloponnefe , ce qui s’accorde parfaitement avec le témoignage d’Hérodote, lib. 1. [ y] Ne s'accordent pas. Pour les accorder, Paulmier dit avec beaucoup de vraifçmblance qu’il y a eu deux Endymions, Km roi d’Éhdc ; l'autre qui étoit ce berger fi célébré du mont Latmus. Cet Endynuon, dit la fable, pouvoir mourir ou ne pas mourir Ion choix.
A
r cordent pas fur la mort d’Endymion ; car les Elcens montrent ion tombeau dans la ville d’Olympie, & les Hcraclèotes qui font voifins de Milet , dilent qu’Eqdymion fc retira fur le mont Latmus. En effet il y a un endroit de cette montagne que l’on nomme encore aujourd'hui la qrotte d’Endymion. Epéus epoufa Anaxiroé fille de Coronus : il en eut une fille qui eut nom Hyrmine, & il ne laifla point d’enfans mâles. Ce fut de fon temps que Pélops [ i ] Lydien, venu d’Alie, tua Œnomaüs roi de Pilé, que la fable & les poctes font fils de Mars, & que je crois plutôt, fils d’Alxion. Pélops s’etant emparé du royaume de Pife , y joignit Olympie ville voifinc, qu’il avoit conquifefur Epcus. Les Eléens dilent que Pélops fut le premier qui bâtit un temple à Mercure dans le Pcloponnelê, & qui y facrifia pour appailèr ce dieu qu’il avoir irrité par le meurtre de Myrtil. Epcus étant mort, fon frere Etolus lui fucccda ; mais peu de temps après fe voyant pourfuivi en jufticc par les enf d’Apis, il fut obligé de quitter le Peloponnefe. Apis fils de Jafon ctoit né à Pallantium ville d’Arcadie. Un jour que l’on celébroit des jeux funèbres fur le tombeau d’Azan, Etolus ayant trop pouffe fes chevaux, Apis qui fe trouva malheureufement lur fon chemin, fut jetté par terre & blefle fi dangereufement qu’il en mourut ; cet accident fut caufe qu'Etolus s’en fuit, & qu’il alla s’établir dans ce continent que le fleuve Acheloüs arrofe ; d’où il arriva que les habitans du pays furent appeliez Etoliens, du nom de ce fils d’Endymion. Eleus prit auflitôt fa place & fut roi des Epéens. On dit qu’il étoit fils de Neptune, & d’Eurycyde fille d’Endymion. Quoiqu’il en foit, Eléus donna fon nom«aux Epcens, qui depuis n’ont pas été nommez autrement qu’Elccns. On croit qu’il fut pere d’Augèe ; cependant ceux qui veulent Taire honneur à Augee, abufant du nom le difent fils, non d’Eléus, mais d’Elius, c’cft-à-dire, du foleil. Cet Augee avoit une fi prodigieufe quantité de bœufs & de chèvres que toutes les terres du pays croient couvertes du fumier de lès troupeaux, & qu’elles en devenoient incultes : il engagea Hercule à nettoyer le pays, & lui promit une partie de l’Elide, ou telle autre rccompenfe qu’il lui plairoit, s’il en venoit à bout. Hercule trouva f i ] Pelopi Lyiiitn. Pindare le fait aufli Lydien, d'autres le font Paphlagoruen, & quelques-uns Adiccn. Fffij
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V.
le moyen de faire palier le Minyée [ i ] par l’Elidc ; & ce fleuve venant à fe déborder, emporta tous les fumiers qui infectaient lü campagne. Mais Augée, après un fi grand fervice , manqua de parole à Hercule , fous prétexte que l’art &. l'induftrie y avoient eu plus de part que le travail Ce la peine ; il chaflâ même Phyliÿs fon fils aîné , parccqu’il blâmoit l'on ingratitude. Enfuite appréhendant le reflentiment d’Hercule , il fe précautionna contre lui au cas qu’il voulût entrer en Elide avec une armée $ il fit alliance avec les fils d’AAor & avec Amaryncée, homme fort entendu au métier de la guerre. Amaryncée étoit fils de Pyttius,& Theflàlien de nation. Augée l’ayant attiré en Elide, partagea foii autorité avec lui ; il aflocia aufli au gouvernement Aclor &fès fils qui étoient originaires du pays $ car Ador étoit fils de Phorbas & d’Hyrminé fille d’Epeus, & petit-fils de Lapithas : il avoit même bâti en Elide la ville d’Hyrminé, ainfi appellée du nom de fa mere. ClI AP Hercule ayant déclaré la guerre à Augée, ne put exécu'jj ' ter aucune entreprifê confidérable, pareeque les fils d’Actor 3ui étoient à la fleur de leur âge & pleins de courage, renoient tous fes deflèins inutiles. Environ ce temps-là les Corinthiens indiquèrent leurs jeux Ifthmiques avec promeflè de fureté pour tous ceux qui voudroient y aflîfter ; les fils d’Aélor fe mirent en chemin pour s’y rendre : Hercule qui en fut averti, alla les attendre auprès de Clcone, Scieur dreflà une embufeade où ils périrent. Leur mort fut bien-tôt fçuë, mais l’auteur en étoit ignoré ; Molione leur mere fit tant qu’elle le découvrit. Aufli-tôt les Eléens envoyèrent prier les Argiens d’en faire juftice, ils stedrefloient aux Argiens, parcequ’Herculedemeuroit alors à Tirynthe. Ceux-ci ayant laiflé le crime impuni, lesTléens fupplicrent les Corinthiens d’interdire les jeux Ifthmiques à tous les Argiens, pour les punir de ce qu’ils protégeoient un criminel qui en avoit violé les franc hifes & les privilèges. Mais les Corinthiens n’ayant pas eu plus d’egard a leurs prières , on dit que Molione frappa
[ i ] Lt Afmytt. Strabon dit que c’étoit le Pence ; mais peut-être ce fieuvc avoit-il deux noms. Il pouvoit être appcllc Minyéc '•»?<>«'>> à caufc du le jour que fes eaux firent fur les ter-
res des Elécns.C’cfl du moins lctymologic que Strabon donne du mot 4/c nyte. je ne Içai fi elle en paroîtra mcilIcure; car pour moi > je la trouve bien forcée.
VOYACE DE L'ELiDE. 4» J de fa malédiction cous ceux de fc^citoyens qui à l’avenir oferoienc aflifter aux jeux Ifthmiques , & la crainte d’encourir cette malédiction eut tanc d’empire fur l’efprit des Elcens j qu’encorc à prefent ceux d’entr’eux qui s’exercent pour difputer le prix aux jeux de la Grece, s’abftiennent des jeux Ifthmiques. Cependant on attribue cette efpece d’interdit à deux autres caufes ; car félon quelques auteurs , Cyplëlus tyran de Corinthe ayant dcdic une ftatuc d’or à Jupiter dans la ville d’Olympie , & étant mort avant que d’y mettre Ion nom, les Corinthiens prièrent les Elécns de trouver bon que la dédicace fè fit au nom de la ville de Corinthe ; les Eléens ne le voulurent pas fouffrir,&les Corinthiens leur en fçurent fi mauvais gré, que pour fe venger ils les exclurent à perpétuité des jeux Ifthmiques ; mais il ne paroit pas vrai-ièmblable que les Corinthiens euflènt été admis aux jeux Olympiques, s’ils avoient les premiers interdit les jeux Ifthmiques aux Eléens. C’eftpourquoi d’autres auteurs content le fait autrement. Ils difène que Prolaüs étoit un Eléen très-diftingué, qui avoit eu de fa femme Lyfîppe deux fils, Philantus 8c Lampus ; que ces jeunes enfans étant allez aux jeux Ifthmiques pour difputer [ i ] le prix du pancrace & de la lutte avec d’autres enfans de leur âge, ils avoient été étranglez ou tuez d’une autre façon par leurs antagoniftesavant que de combattre, &que Lyfîppe leur mere en avoit eu un tel déplaifîr que fur le champ elle avoit donné fâ malédiélion aux Eléens, fi jamais il leur arrivoit d’aflïfter à ces jeux. Mais nous avons une preuve de la fauilèté de cette opinion ; car l’on voir à Olympie la ftatuc d’un Eléen nomme Timon, qui avoit remporte le prix du Pcntathle prefque à tous les jeux de la Grece. Au-deflous de cette ftatuc eft une infeription en vers élegiaques, qui marque les victoires de ce fameux athlete, & qui dit que les jeux Ifthmiques étoient les fèuls où il n’avoit pas été couronné, pareeque [x] les Mânes vengeurs des Molionides, ne permettoient pas aux Eléens de prendre part à ces fpcâacles. Voilà un point de critique fuffifàmment difenté j revenons à Hercule. [ i ] Pour difputer le prix du putt- det Aftlienidet. Le vers pec dit, Purceerece ér de U lutte. C’eft le fens que qne U querelle excitée entre les CmnKuhnius donne à cet endroit du texte, tbiens à" les Eléens aufit}et de U mort qui eft certainement altéré. des Mchomdei, &c. ce qui revient au [x] Purceque les Aïunet vengeurs meme. Fffiij
C
414 Pa u san ia s , Liv a e V. 11 leva une armcc nomjjreufè , compofée d’Argiens, de UI. ' Thébains & d’Arcadiens, vint aflïégcr Elis, la prie te la faccagea. Les Eleens avoient pour Alliez ceux de Pife & ceux de Pylos en Elide. Hercule châtia ces derniers, & fe preparoit à faire le meme traitement à ceux de Pile j mais il en fut détourne par un oracle qui l’avertifloit que Jupiter protégeoit Pilé, ainfi qu’Apoilon protégeoit Delphes. Pife fut redevable de fon falut à cet oracle. Hercule après avoir conquis toute l’Elide, la donna à Phyleüs , moins pourtant par amitié que par honneur : il lui rendit aufli tous lesprifonniers qu’il avoit faits, & voulut bien lui facrifier fon reflentiment en pardonnant à Augée. Les femmes des Eléens voyant tout leur pays dépeuplé d’hommes, firent un vœu à Minerve pour obtenir de la déefle qu’elles puflènt concevoir dès la première fois qu’elles auroient commerce avec leurs maris. Elles furent
exaucées, & bâtirent un temple qui fut dédié par cette raifon à Minerve mere des hommes. Enfuite les hommes & les femmes, pour conferver la mémoire d’un événement fi heureux, donnèrent le nom de l)<idu, non-feulement au lieu où ils s’étoient rencontrez , mais encore au fleuve qui parte auprès ; car [ i ] b.idu eft un mot de leur pays qui marque le plaifir qu’ils avoient eu de fè trouver enfemble. Phyleüs après avoir mis ordre aux affaires de l’état, alla S’établir à [ zJ Dulichium ; & Augée étant mort de vieilleflè, Agafthene, fon fécond fils, prit poflêflion du royaume conjointement avec Amphimaque & Thalpius : car les deux fils d’Aftor ayant époufe les deux filles de Dexamene roi [3] d’Olene, l’un avoit eu Amphimaque de fa femme Théronice, & l’autre de Therapné avoit eu Thalphius. Mais ni Amaryncée ni fon fils Diorès ne menoient pas pour tela une vie privée. Homere le témoigne aflêz dans le dénombrement des Eléens, quand il dit que toute leur flotte étoit de quarante navires, dont vingt étoient commandez par Amphimaque & par Thalphius j dix par Diorès fils d’Amaryncée, & les dix
fi] Car bedu. pour «W à 1a de la mer de Grèce, dans le Golfe de manière des Doriens, ou il*, fuivant Patra, au Levant de Pile de Ccphalola dialecte commune. dulce , ju- nic. tunduni, doux , egre'uble. [;] Roi d’Olene. Oléne étoit une l] /f Dulichium , aujourd’hui Do- ville d’Achaïe entre Patra & Dymc. it , ou Tbioki. C’cft une peute île
i
Vo Y A G E D E l ’El ID E. 41 J autres par Polyxenus fils d’Agafthene. Polyxenus «à fon retour de Troye eut un fils qu’il nomma aufli Amphimaque, à caufe, comme je crois, de la liaiibn qu’il avoit eue avec un Amphimaque fils de Ctéatus, qui avoit péri devant Troye. Amphimaque .fils de Polyxenus fut pere d’Elcus. Ce fut fous le régné d’Eléus que les Doriens avec les fils d’Ariflomaque
ayant équipé une flotte, tentèrent de revenir au Péloponnefe. Les Commandans de la flotte furent avertis par un oracle de prendre trois yeux pour guides de leur expédition. Comme ils chcrchoicnt le fens de ces paroles, il vint à paf. fer par hazard un homme monté fur un mulet qui étoit borgne. Chrefphonte félon fa prudence comprit que ce pouvoient «tre là les trois yeux défignez par l’oracle j c’cftpourquoi ils aflbcierent cet homme à leur entreprifè. Celui-ci leur confeilla de paflèr par mer au Péloponnefé, & les détourna de marcher par l’Ifthme de Corinthe. Il s’embarqua même avec eux, &c les mena de [i] Naupaéleau Cap Molycrie.Enfuite ayant demandé l’Elide pour recompenfe de fes fervices,les Doriens convinrent de la lui céder. Cet homme fe nom. moit Oxylus il étoit fils d’Hémon, & petit-fils de Thoas, qui avoit eu l’honneur d’accompagner les fils d’Atrce au fiégc de Troye, & qui defeendoit d’Etolus fils d’Endymion par fix degrez de génération. Mais les Héraclidcs & les rois d’Etolie étoient encore parens d’une autre manière ; car la mere de Thoas fils d’Andrémon, & la mere d’Hyllus fils d’Hercule étoient fccurs. Oxylus avoit été obligé de quitter l’Etolie, pareequ’en jouant au palet, il avoit malheurcufement tué un homme : les uns dilênt que celui qu’il tua étoic Thermius fon propy frère 5 & les autres, que c’étoit Alcidocus fils de Scopius. Quelques-uns ont dit qu’Oxylus appréhenda que les fils -- -------- -
[i] Àu Ctv Mtlycnt. C’eft te que Thucydide lit». X. appelle rii ’P/o i r< Molycrie eft une petite ville de la Livadic en Grèce, fur le Golfe de Patra. A une liciie de cette ville eft le Cap Molycrie,ou l’Antirrhium des Anciens, qui avec le Cap île Rhion forme l'cntrce du Golfe de Lépante. Un oracle d’Apollon rapporté par Eufebe au L. 5. de fa préparation Evan-
gélique, confcilloit aux Héradides de «enter par mer leur retour dans le Péloponnefc. Cet oracle ctoit conçu en termes ambigus -, mais Oxylus en devina le fens, & c’cftpourquoi il propoû aux Hcrachdcs de s’embarquer avec lui pour aller gagner le CapMolyctie, & enfuite le Cap Rluon fur les côtes d'Achaïe.
IV.
4i6 Pa u sa n ia s -, Liv r e V. d’Ariftomaquc, s’ils voyoicnt une fois l’Elide qui eft un beau & bon pays, ne voulurent la garder, Sc que par ccttc ration il mena les Doriens au Peloponnefe, non par l’Elide, mais par l’Arcadie. Quoiqu’il en foit, lorfqu’il crut s’en rendre maître fans combat, il fe trompa ; car Dius , qui en ctoit le pollcileur , ne jugea pas à propos de la lui abandonner. Cependant au lieu d’expofèr toutes leurs forces aux rifques d'une bataille, ils convinrent de choifir un Etolien Sc un Elcen, qui par un combat fingulier terminaflent la querelle des deux princes. Leur réfolution ayant eteapprouvée, Degmenus archer fut choili de la part des Eléens , Sc Pyrechmes frondeur de la part des Etoliens. Pyrechmes remporta la victoire, Sc auflî-tôt Oxylus fut reconnu pour roi. Il épargna les anciens Epécns qui en furent quittes pour recevoir les Etoliens, Sc pour partager leurs terres avec eux. Enfuite il rendit à Jupiter le culte preferit par les loix,même à tous les héros du pays, de qui la mémoire étoit en vénération , & particuliè-
rement à Augée, en l’honneur de qui il inftitua des ceremonies qui fe pratiquent encore aujourd’hui. On dit qu’ayant attiré dans fa capitale une grande quantité d’hommes qui demeuroient dans les villages circonvoifîns, il aggrandit Elis à proportion ,8c en fit une ville tres-floriflante Sc tres-pcuplee. Un jour qu’il confultoit l’oracle de Delphes, le dieu lui ordonna de choifir ui^defcendant de Pclops, Sc de l’afTocier à l’empire. Oxylus après y avoir bien penlé, jetta les yeux fur Agorius fils de Damofius, petit-fils de Penthile , Sc arriéré petit-fils d’Orefte : il le fit venir d’Helice , ville d’Achaïe, avec un petit nombre d’Achéens choilîs, Sc lui donna parc aux affaires du gouvernement. La femnje d’Oxylus fe nommoit, dit-on, Piéria; c’eft tout ce que l’on en fixait. Il en eut deux fils, Etolus Sc Laïas : Etolus mourut jeune, S< fut inhumé fous la porte de la ville par où l’on fort pour aller au temple de Jupiter à Olympie; on lui éleva un tombeau en cet endroit, à caufe d’un oracle qui avoit ordonné qu’on ne l’enterrât ni au-dedans ni au dehors de la ville. On fait encore tous les ans fon anniverfâire dans le lieu d’exercice, Sc c’eft [i] le préfet du lieu qui en a foin. Oxylus étant mort, la couronne paflà à fon fils Laïas. Pour celui-ci je ne vois pas
[i] Lt préftt du lieu. Le texte dit, It CjuuiuJurque• nuis on n'cntcndtoit pas cc mot en notre langue. que
Vo y a g e d e l ’Eli d e . 417 que fes enfans lui ayent fuccédé ; ainfi je les parte fous filcncc, parceque cet endroit de ma narration ne regarde pas encore les perfonnes privées. Dans la fuite Iphitus, un des defeendans d’Oxylus, & contemporain de Lycurgue qui a donné des loix aux Lacédémoniens, rétablit les jeux Olympiques, & indiqua des jours dfefl'cmblce avec une cfpece de foire franche pour la célébration de ces jeux 5 car tout cela avoit été interrompu : j’en dirai la raifon lorfque j’en ferai au détail de ce qui concerne Olympic. La Grèce gémiflbit alors déchirée par des guerres inteftines, & défolée en même temps par la perte. Iphitus alla à Delphes pour confulter l’oracle lur des maux fi preffans. Il lui fut répondu par la Pythie que le renouvellement des jeux Olympiques feroit le lâlut de la Grece, qu’il y travaillât donc lui & les Eléens. Auflî-tôt Iphitus ordonna un facrifice à Hercule, pour appaifer ce dieu que les Eléens croyoient leur être contraire. Si l’on s’en rapporte à une infeription qui eft à Olympie, Iphitus étoit fils d’Hémon ; mais la plupart des Grecs l’ont cru fils de Proxonidas, à la relèrve des Eléens, qui par d’anciens monumens prétendent prouver que Ion pere portoit mêmafBom que lui. Quant aux Eléens, ils allèrent à la guerre de Troye , & contribuèrent enfuite à charter les Perles qui avoient fait une invafion dans la Grece. Je ne rapporte point ici toutes les guerres qu’ils eurent avec les Arcadiens & avec Pile, au fujet des jeux Olympiques, dont ils vouloient toujours avoir [1] la dire&ion. Je dirai feulement qu’obligez de luivre le parti des Lacédémoniens, ils firent avec eux une irruption dans l’Attique ; mais peu de temps après s’étant liguez avec les Athéniens, les Argiens & ceux de Mantinée, ils le déclarèrent contre Sparte ; & Agis étant entré avec une armée dans l’Elide par la trahifon de Xénias, ils remportèrent fur lui une grande victoire auprès d’Olympie, dirtîpérent fon armée , & chaflcrent de l’enceinte du temple bon nombre de Lacédémoniens qui s’y étoient réfugiez ; enfuite ils firent la paix aux conditions que j’ai dites lorfque j’ai traité des affaires de Lacédémone. Durant les troubles que Philippe ne
[1 ] Lt direHion. AmaÆc confond les temps en difant, dum Lhdoi Oly»:ficci injhturant. 11 ne s'agit plus du réTomei.
tabliflement, mais de la célébration & du droit de prefidet. Ggg
4i? Pa u sa n ia s , Liv r î V. ccfla de caufer à la Grèce, les Elccns qui pour lors croient fort affaiblis par leur propre divifion, ne purent s’empêcher de fe joindre aux Macédoniens } cependant ils ne voulurent jamais combattre contre les Grecs à la bataille de Chcronce, ils agirent feulement de concert avec Philippe lorfqu’il attaqua les Lacédémoniens, en quoi ils ne firent que fuivre la haine invétérée qu’ils avoient contre Sparte ; mais après la mort d’Alexandre [ i ] ils fe réunirent avec les Grecs contre Antipater & contre les Macédoniens. Quelques années enfuite, Ariftotime fils de Damaret & petit-fils d’Etymon, foutenu d’Antigonus fils de Démétrius roi de Macédoine, lé fit le tyran de l’Elide. A peine avoit-il joüi fix mois de fa domination que Chilon, Hellanicus, Lampis & Cylon foulevérent le peuple contre lui : il fe réfugia à l’autel de Jupiter Sauveur ; mais Cylon lins refpecl du lieu l’y poignarda. Voilà une légère mention des principaux exploits de ces peuples. 11 me faut maintenant parler de quelques fingularitez du pays. La plus confidérable eft [z] cette filante qui porte de la foye 5 car elle ne croit point dans tout e refte de la Grece. Une autre merveille, c’eft que les jumens qui font couvertes par des ânes ||n engendrent point en Elide, quoiqu’elles engendrent dansies pays voifins, ce que l’on attribue à l’horreur que les Eléens ont pour ce mélange de deux efpéçes. Quant à leur foye, elle n’eft pas moins fine que celle des Hébreux, mais elle eft moins jaune. Sur les confins de l’Elide vers la mer, on trouve Samicon, &un peu au-defliis à droite eft la province [3] de Triphylie, où l’on peut voir entr’autres la ville de Lépreos. Les Lepreates fe difent aujourd’hui Arcadiens -, mais il eft certain qu’autrefois ils faifoient partie de l’Elide: tous ceux d’entr’eux qui remportaient la viÂoire aux jeux Olympiques, étoient proclamez par le héraut, & qualifiez Elcens natifs de Lepreos. Ariftophane témoigne auflî que Lépreos était une petite ville d’Elide. On va de Samicon à Lépreos, en laiflànt le fleuve Anigrus à gauche : un autre chemin mené à Olympie, un au-
[1] Pb fe réunirent etvec 1er Greci. t «> «'*»■ au
Sylburge lieu de fautüre.
c’eft ainfi qu’il
[1] Cette pUnte qui parte de 1* frie. lien lcra parle dans un autre endroit, [;1 Tnpbplie. Polybc lib. 4. dit Tryphaliedu nom de Trypbulv fils d’Àrcas.
Vo y a g e d e l 'Eli d ï . 419 trc à Elis ; & le plus long n’eft que d’une journée. On die que cette ville a pris fon nom d’un certain Léprcos, par qui elle a etc bâtie 5 il ctoit fils de Pyrgée. On conte de lui qu’un jour il voulut parier contre Hercule qu’il mangerait autant que lui ; & que l’un & l’autre ayant tue un beuf en même temps, ils fe mirent à le manger. Lcprcos après s’être montré aufli grand mangeur qu’Hercule, eut la hardiefle de le defier au combat 5 mais il fut vaincu & tué par Hercule. On prétend que fon tombeau eft à Pyrgalie, ccpendant’les Pyrgaliens ne le figuraient montrer. D’autres difent que c’eft de Léprea fille de Pyrgée que les Lépreates tirent leur origine, & d’autres veulent que ce nom leur foit venu de ce qu’autrefois ils étoient fort iujets à la Lèpre. Si l’on en croit les habicans, ils avoient anciennement un temple de Jupiter Leuceus, le tombeau de Lycurgue fils d’Alcus, &plufieurs autres fepultures, entr’autres celle de Caucon, où l’on voyoit une figure d’homme qui tenoit une lyre; mais aujourd’hui l’on ne voit à Lcpreos aucun monument confidérable, ni même aucun temple, excepté celui de Cérès ; encore eft-il d’une brique qui n’a point etc au four, & l’on n’y voit aucune ftatuë. La fontaine Aréné n’eft pas loin de la ville : on dit que cette fontaine a étc ainfi appellée du nom d’une princelTe qui ctoit femme d’Aphareüs. Si vous revenez tout droit à Samicon, vous trouverez bientôt l’embouchure du fleuve Anigrus : fon cours eftfbuvent retarde par la violence des vents} outre qu’à l’endroit où il fe jette dans la mer , il s’amafle du fable, qui arrête fes eaux ; & ce fable continuellement humeété d’un côte par l’eau de la mer ,& de l’autre par l’eau du fleuve, devient un fable mouvant qui eft très-dangereux non-fêulement pour les chevaux, mais même [ 1 ] pour les gens de pied. Ce fleuve fort du mont Lapithas en Arcadie, & dès fa fource l’eau en eft fort puante : aufli n’y voit on point de poiflbn, jufqu’à ce que la rivière Alcidas ait mêle fes eaux avec celles du fleuve ; Sc meme le poiflbn que cette riviere y apporte, de bon qu’il étoit, devient mauvais. J’ai oüi dire à un homme d’Ephefe que l’Acidas fe nommoit anciennement le Jardan 5 mais je n’en ai pu trouver aucune preuve. Pour la mauvaife odeur de l’Ani-
[ 1 ] J/xn même pour leigeni de pied. La vcrlion latine d’Anufce cfl fautive ici» coinnjc Kuhnius l’a remarqué. Gggij
410 Pa u sa n i AS, Liv r e V. grus, je crois qu'elle vient de la qualité de la terre où ce fleuve prend fàlource, comme par la même raifon au-deflus de l'Ionie il y a des eaux fi infectes, que leur exhalaifon eft mortelle. Cependant les Grecs difènt que Chiron, ou Polénor, ayant etc blefle par les flèches d’Hcrcule, l'un ou l’autre Centaure lava la playe dans l’eau du fleuve Anigrus, & que le venin de l’Hydre dont ces fléchés étoicnt empoifonnces, corrompit tellement l’eau, qu’elle en contracta la mauvaife odeur qui la rend encore fi defagrcable. D’autres croyent 3ue Mélampus fils d’Amithaon , après avoir guéri les filles e Prétus du violent tranfport qui les agitoit, jetta dans l’Anigrus l’efpece de charme dont il s’étoit fervi,8cque c’eft ce qui a rendu l’eau de ce fleuve fi infecte. A Samicon près du fleuve, on voit un antre que les gens du pays nomment l’antre des Nymphes Aniffides ; ceux qui ont des dartres viennent faire leurs prières à ces Nymphes, leur promettent un facrifice, 8c s’imaginent enfuite qu’ils n’ont qu’à fe frotter 8c à pafler le fleuve à la nage, pour être non-lêulement lâins de corps, mais nets de toute tache. Au de-là du fleuve, fur le chemin d’Olympie, on trouve à droite une hauteur qui fe nomme le mont Samique. Sur fon fommet eft la ville de Samia, qu’on dit avoir autrefois fervi de fortereflè à I’Etolien Polyfperchon, pour défendre l’entrée du pays aux Arcadiens. Mais aucun Éleen ni Meflenien n’a feu me dire où étoit Arène. Il y a plufiewrs conjectures touchant la fituation de cette ville : ceux qui difènt que dès avant les temps héroïques le mont Samique s’appelloit Arène, me paroiflènt les mieux fondez. Aufli allèguent-ils le témoignage
d’Homere [ i ] qui dit que le fleuve Minyéüs fe jettoit dans la mer auprès d’Arénc. En effet on voit encore des ruines qui font fort près du fleuve Anigrus ; 8c les Arcadiens croyent que l’Anigrus étoit le Minyéüs des anciens, quoiqu’ils ne conviennent pas que le mont Samique fut Arène. Du refte il eft aife de voir qu’au temps que les Héraclides revinrent dans le Pèloponnelê, le fleuve Nedcs vers fon embouchure fêrvoit de limites aux Elcens 8c aux Mefleniens. Quand on a côtoyé quelque temps l’Anigrus, 8c que l’on a paffé des fables, où l’on ne trouve que quelques pins fiiuvages, on voit fur la gauche les ruines de Scillunte. C’étoit
[>] Le icmoigntge d'Hemett, dans l'Iliade lib. 11.
VOYAGÏ DE L'El IDI. 4X1 une ville de la Triphylic que les Eléens détruifirent, pareeque durant les guerres qu’ils eurent contre les Pilcens, elle s’etoit déclarée ouvertement pour ceux-ci & les avoit aidé de toutes les forces. Enfuite les Lacédémoniens la prirent fur les Eléens, & la donnèrent à Xénophon fils de Gryllus, qui alors étoit banni d’Athènes pour avoir fervi fous Cyrus ennemi juré des Athéniens, contre le roi de Perlé qui étoit leur Allie : car Cyrus étant à Sardes avoit donné de l’argent à Lyfander fils d’Ariftocrite, pour équipper une flotte contre les Athéniens. Par cette raifon ceux-ci exilèrent Xénophon, qui durant fon féjour à Scilluntc confacra un temple [i] & une portion de terres à Diane l’Ephéfienne. Les environs de Scillunte lont fort propres pour la chaflé ; on y trouve des fangliers & des cerfs en quantité. Le pays eft arrofe par le fleuve Sélinus. Les Eléens les plus verfez dans leur hiftoire m’aflurcrent que Scillunte avoit été reprilé , & que l’on avoit fait un crime à Xénophon de l’avoir acceptée des Lacédémoniens } mais qu’ayant été abfous dans le Sénat d’Olympie, il eut la permiflion de fe tenir à Scillunte tant qu’il voudroit. En eftéc près du temple de Diane on voit un tombeau , & fur ce tombeau une ftatuë de très-beau marbre, &lesgens du pays difent que c’cft la fépulture de Xénophon. En allant de cette ville à Olympie, avant que d’arriver au fleuve Alphee, on trouve un rocher fort efearpe & fort haut qu’ils appellent le mont Typée. Les Eléens ont une loi par laquelle il eft ordonné de précipiter du haut de ce rocher toute femme qui feroit furprife aflîfter aux jeux Olympiques, ou qui même auroit pafle l’Alphée les jours défendus ; ce qui n’eft jamais arrivé, difent-ils, qu’à une feule femme que les uns nomment Callipatire, & les autres Phérenice. Cette femme étant devenue veuve s’habillaàla façon des maîtres d’exercice, & conduifit elle-même fon fils Pifidore à Olympie. Il arriva que le jeune homme fut déclaré vainqueur:auflî-tôtfa mere tranfportée de joye jette fon habit d’homme & faute par-defl’us la barrière qui la tenoit renfermée avec les autres maîtres. Elle fut connue pour ce qu’elle étoit} mais on ne
[i] Cen/âcnt en temple. Il ne faut que Xénophonlui-mcmc rapporte de pas s'arrêter ici aux mots du texte qui Scillunte. c " - Il ” ne faut r que lire 'la retraicft un peu altéré : le fens que j’en ai te des dix nulle, fur la An. t te, cft parfaitement conforme à ce G gg iij
4X1 P A U S A N t A S , L I V R E V. lailla pas de l’ablôudrc en con fuie ration de fon pere, de fes frères,& de ion fils, qui tous avoient cté couronnez aux jeux Olympiques. Depuis cette avanture il fut défendu aux maîtres d’exercice de paraître autrement que nuds à ces fpcdaclcs. A Olympic l’Alphée paraît dans toute fa largeur & dans toute là beauté, comme ayant été grorti de plulicurs autres fleuves conlidcrables j car & l'Hclilion qui parte par la ville de Mégalopolis, &c le Branthcate qui travcrlè les terres des Mégalopolitains, & le Gortynius qui coule auprès de Gortync, où il y a un temple d’Efculape , & le [i ] Bupliagus, qui après avoir pafle par Mélence prend fon cours à travers le territoire de Mégalopolis & celui d’Herée, & le Ladon qui vient de chez les Clitoriens, & l’Erymanthe, qui fort d’une montagne de même nom, tous ces fleuves partent par l’Arcadie, & viennent tomber dans l’Alphée. Il reçoit aufli le Cladéc qui coule dans l’Elide, quoiqu'il ait fa fource en Arcadie, non en Elidc. Si nous en croyons la fable, Alphce ctoit un grand chaflèur, paflîonnémcnt amoureux d'Arcthufe, qui n'ayant elle, de paflion que pour la charte , & ne voulant pas epoufer Alphce, pour fe dérober à fes pourfuites, paflà dans l’île Ortygie près de Syracufe, où elle fut changée en fontaine ; & Alphce, à caufe de l'excès de fon amour, fut métamorpholc en fleuve. Voilà ce que dit la fable. Mais que ce fleuve après avoir parte la mer aille tomber dans la fontaine d’Arétnufe, je n’ai pas de peine [1] à le croire, fçachant fur-tout que cette opinion a cté confirmée par l’oracle de Delphes; car le dieu en ordonnant au Corinthien Archias de conduire une colonie à Syracufe, Vous trouverez , lui ditil , au-deflùs de la Sicile une ile au milieu de la mer : cette île fe nomme Ortygie ; & c’eft là que l’Alphée s'unit à la belle Aréthufe. Je crois meme que c’eft cc mélange des eaux du fleuve avec celles de la fontaine qui a donne lieu à la fable de l’amour d'Alphée pour Arcthufc. En effet tout cc qu'il y
[ i ] Lt Bufbtgu/. C’eft ainfi qu’il f.iut lire, Sc non Puphagus, comme Xilandcr lifoit. Nous en avons une preuve dans le chap. 17. des Arcadiqucs.où il eft dit que cc fleuve étoit ainfi appellé du nom du héros Buphagu».
[a]ye de peine ile cnire.Stnbon plus éclairé que Paufanias fur cette matière, n’cft pas li crédule. 11 prouve même dans fon 6; Livre, que cc que la fable dit du fleuve Achdoüs , ne peut pas être.
VOYAGE DE LLLIDE. 41$ a <lc Grecs & d’Egyptiens qui ont voyagé en Ethiopie du côté de Sicnc ou de Meroé , difent que le Nil parte a travers un Lac, comme il partèroit à travers des terres , ficqu’enfuite il continué ion cours par la balle Ethiopie, puis par l’Egypte j & qu'il va tomber dans la mer auprès [ 1 ] de Eue du Phare. Et moi-même dans le pays des Hébreux [x] j’ai vû le fleuve du Jourdain qui entre dans le lac Tibériade , & qui enfuite va le perdre dans une cfpecc de lac qu’ils nomment la Mtr morte. Les eaux de cette mer lônt d'une nature toute différente de celle des autres $ car dans la mer morte tout ce qui eft anime fumage, ce qui eft mort va au fond : auflî n’y voiton point de poillôns, pareeque le poiflbn qui fuit toujours le danger, & qui par cette railon ne veut pas fe montrer, cherche des eaux qui lui foient plus convenables. En Ionie il y a un fleuve qui eft connu par la même Angularité que l’AlphéC; car lorti'du mont Mycalc il fe précipité dans la mer qui n’en eft pas loin, puis reparoit à Branchides vers le port Panorme. Quant aux jeux Olympiques, voici ce que j’en ai appris de quelques Eléens qui m'ont paru fort profonds dans l’étude de l’antiquité. Selon eux Saturne eft le premier qui ait régné dans le Ciel ,& dès Page d’or il avoit déjà un temple à Olympia. Jupiter étant venu au monde, Rhéa fa mere en confia l’éducation aux Dactyles du mont Ida, autrement appeliez Curetés. Ces Daâyles vinrent enfuite de Creteen Elide, car le mont Ida eft en Crète. Ils étoient cinq freres, fçavoir [3] Hercule, Péoneüs, Epimedc, Iaflus, & Ida. Hercule comme l’aîné propofa à fes freres de s’exercer à la courfe, & de voir à qui en remporteroit le prix qui étoit une couronne d’olivier ; car l’olivier ctoit déjà fi commun qu’ils en pre-
[1] Stupres de l'ile du Phare. Stra- Eftiennc de Byfance lui attribue une bon L. 1. p. <8. dit que Pharus croit relation de ce voyage , & en cite mêautrefois une île , & que de fon temps me quelques endroits i malheurcuicce n croit plus qu'une pcninfulc.Quand nicnt le temps nous l’a ravie. on parle de cette île ou pcninfolc, on f t ] d’pvoir Hercule. Clément d’Adit 111c du Phare ; mais quand on par- lexandrie & EufcbcdansfaPrép.Evang. le du Phare qui croit bâti dans 111c, I.. 1. les nomment autrement. Scion 011 dit le Phare. Eufcbc les DadylesTclmis & Damna[1] Dans le fun des Hébreux/'ai rciis inventèrent lutage du fer. Délai, vû. &c. Cet endroit cil remarquable autre Daftylc, trouva le fccrct d’allier puisqu'il nous apprend que Paufanias le cuivre avec les autres métaux. avoir aufli voyage dans la Palcliine.
4*4 Pa u sa n ia s ', Liv r e V. noient les feuilles pour en joncher la terre, &c pour dormir defliis. Hercule apporta le premier cette plante enGrcccfi] de chez les Hyperboréens. Le poète Olen de Lycie, dans une hymne qu'il a faite pour les Achcens nous apprend que les Hyperborcens étoient une nation qui habitoit fous le Nort, & qu’Hercule étoit venu de là à Délos & en Achaïe. Après Olen, Mclanopus de Cumefa fait un cantique en l’honneur d’Opis & d’Hecaergé , où il dit que ces déefles étoient aufli venues du pays des Hyperboréens en Achaïe & à Délos. Pour Ariftias le Proconnéfien, il s’eft contenté de faire une legerc mention des Hyperboréens, quoiqu’il eût pu nous en
apprendre plus de particularitez qu’un autre, ayant voyagé chez les Iflcdons, comme il le dit lui-même dans les vers. C’eft donc Hercule Idéen qui a eu la gloire d’inventer ces jeux, &*qui lésa nommez Olympiques. Etparcequ’ils étoient cinq frères , il voulut que ces jeux fuflent célébrez tous les cinq ans. Quelques-uns dilent que Jupiter & Saturne combattirent enlèmble à la lutte dans Olympie, & que l’empire du monde fut le prix de la vi&oire: d’autres prétendent que Jupiter ayant triomphé des Titans, inftitua lui-même ces jeux, où Apollon entre autres fignala ion adreflè en remportant le prix de la courfe fur Mercure, & celui [i] du Pugilat fur Mars. C’eft pour cela, difent-ils , que ceux qui fc diftinguent au Pentathle , danfent au fon des flûtes qui jouent des airs Pythicns ; parceque ces airs font confacrez à Apollon, & que ce Dieu a été couronné le premier aux jeux Olympiques.
[i] De chez, les Hyferberéens. Par Hyf erbcréera les Grecs entendoient des
peuples qui étoient tellement fous le pôle qu’ils ne pouvoient fontir le vent de Nort; & ils racontoient des merveilles de ces peuples qu’ils fe figuraient les plus heureux de la terre. Voyez Pline 1.4. ch. 16. Hérodote fut le premier qui defabufa fon fieele de cette erreur. Srrabon encore plus fçavant en Géographie ne reconnoiffoit d'autres Hyperboréens que les peuples les plus feptentrionaux, & fc moquoit de la crédulité des anciens Grecs. Herod. lib. 4. Strtbon.lib. 1. Au refte, c’eft à Hercule fils d’Amphitryon que Pindarc donne la gloire d’avoir apporte
du pays des Hyperboréens l’olivier à Olympie. Mais Pindarc parle en poète, & Paufanias parle en hiftoricn. Cependant on necomprcnd pas comment l’olivier qui ne croît que dans des climats chauds, a pu être apporté des pays hyperboréens. Cela fcul nous fait voir que les Grecs ne s’entendoient pas euxmêmes quand ils partaient de peuples hyperboréens. [a] Celui du Pugiltt. Le pugilat, wi/u . croit un combat à coups de poing. Si ccttc manière de combattre n’cft pas la plus noble, c’eft du moins la plus ancienne, & la première que la nature nous ait apprife. Cinquante
Vo y a g e d e l ’El id e . 4M Cinquante ans après le déluge de Deucalion , Clymcnus fils de Cardis & l’un des defeendans d’Hercule Idéen étant venu de Crete, célébra ces jeux à Olympie ; enfuite il confiera un autel aux Curetés, &c nommément à Hercule , fous le titre d’Hercule proteéteur. Endymion fils d’Acthlius chafla Clymenus de l’Elide, s’empara du royaume, Scie propolâ à fes propres enfans pour prix de la courlê. Mais Pélops qui vint quelque trente ans après Endymion, fit reprélènrcr ces mêmes jeux en l’honneur de Jupiter avec plus de pompe Sc d'appareil qu’aucun de fes prédéceflèurs. Ses fils n’ayant pu fe maintenir en Elide, & s’étant répandus en divers lieux du Pcloponnefe, Amythaon fils de Crethéüs èc coufin-germain d’Endymion, car on dit qu’Acthlius étoit fils de cet[i] Eole qui eut le furnom de Jupiter, Amythaon, dis-je, donna ces jeux au peuple. Après lui Pélias & Nelée les donnèrent à frais communs. Augée les fit aufli célébrer , & enfuite Hercule fils d'Ampnytrion, lorfqu’il eut pris l’Elide. Le premier qu’il couronna fut Iolas , qui pour remporter le prix de la courlè du char, avoit emprunté les propres cava. les d’Hercule: car en ces temps-là on empruntoit fans façon les chevaux qui croient en réputation de viteflè. Nous voyons dans Homcre qu’aux jeux funèbres de Patrocle, Ménélas avoit attelé avec un de lès chevaux [i] une cavale d’Agamemnon. D’ailleurs Iolas étoit l’écuyer d’Hercule. Il remporta donc le prix de la courlè du char , & Iafius Arcadien remporta celui de la courlè des chevaux de lèlle. Les fils de Tyndare furent aufli viélorieux ; Caltor à la courfe, & Pollux au combat [3] du Celte. On prétend même qu'Hercule eut le prix de la lutte & du [4] pancrace.
[1] Etait filt de cet Eole. Paulmier croit que Paufanias confond ici Eole furnommé Jupiter, avec Eole fiirnommc Neptune, quoique le premier tut plus ancien que le fécond, de deux ou trois générations. Voyez fa remarque dans fes observations fur lcsElcaqucs. [1] Une cavale d'/lf^amemnon. Le texte dit la cavale Etha , ce que je ifai pas cru fort digne d’etre exprimé. [ , ] z /k combat du Cefle. Le celle étoit une efpccc de gantelet fait de cuir de beuf. Dans les premiers temps T ome I.
le cuir de ces gantelets étoit plus doux, plus mollet ; par cette raifon ils étoient appeliez Dans la fuite ils forcnfd'un cuir plus dur. Les combattans s’en couvraient les mains & les bras julqu’au coude par le moyen de plufieurs courroycs ; & avec ces gantelets ils le portoient des coups terribles. [ 4 ] Et du Pancrace. Le Pancrace étoit un exercice comport de la lutte limplc, & de la lutte comporte. Hhh
4^ Pa u sa n ia s , Liv r e V. Mais depuis Oxylus qui ne négligea pas non plus ces fpccracles, les jeux Olympiques furent interrompusjufqu’a Iphitus qui les rétablit. On en avoir même prcfque perdu le Souvenir ; peu à peu on fe les rappella, & à mcfurc que l’on le fouvenoir de quelqu’un de ces jeux , on l’ajoutoit à ceux que l’on avoir déjà retrouvez. Cela paro'ït manifeftement par la fuite des Olympiades dont on a eu foin de confcrvcr la mé-
moire ; car [ i ] des la première Olympiade on propofa un prix de la courfc, & cc fut Corccbus F-lcen qui le remporta. Il n’a pourtant point de ftatuë à Olympie, mais on voit fon tombeau fur les confins de l’Elide. En la quatorzième Olympiade à cette première forte de combat on ajouta la courfc du ftade doublé. Hypenus de Pifc vainqueur eut une couronne d’olivier, & l’Olympiade fuivante [2] Acanrhus Lacédémonien fut couronné. En la dixhuitiémç Olympiade on fe reflouvint du combat de la lutte , même du [3] Pentathle: ils furent renouveliez ; Lampis & Eurybate, tous deux Lacédémoniens eurent l’honneur de la victoire. Le combat du Cefte fut remis en ufage en la vingt-troificme Olympiade, Onomaftus de Smyrne en remporta le prix -, Smvrne ctoit déjà ccnfcc ville d’Ionie. La vingt-cinquième Olympiade fut
[ 1 ] Cee dèi lu première Oljmp'ude. Non la première absolument parlant, mais la première qui le trouvoit marquée dans les regiftres des Elécns , 8c par laquelle on commença à compter les Olympiades. Car après Iphitus la célébration des jeux Olympiques fut encore négligée durant l’clpace de 28 Olympiades ; &: Corœbus ne (c dilhngua qu’a la 2 8 . Cette première Olympiade dans l’ordre chronologique, fiiivant le calcul du P. Pctau commença l’an de la période Julicne 5958 , l'an du monde 5208, -t S ans avant l’Ere chrétienne. Les jeux Olympiques fe célcbroicnt vers le lôlfticcd’Eté, 8c duroient cinq jours, i commencer depuis le onze de la lune jusqu’au quinze. [2] zfranr/nrr Ljcedémonten. Paulânias ne dit point de quel pays cet Acanthus étoit. Mais c’eft uncomilTiondu •opifte , comme l'a remarqué Mcur-
lius ht. 4. de fer Adifiel. Lie. & la fuite du texte fait aflcz entendre qu'il étoit Lacédémonien. h ] £r même du Pemethle. Le Pentatlilc étoit compofé des cinq jeux ou exercices qui lônt compris dans ce vers de Simonidc, a >^., , «a », Le faut, U ctarfe, le peler, le fevelee & U Une.
Si l'on veut avoir une connoilTance exaéle de ces |eux ou combats fi célébrés dans l’antiquité , il faut lire le» fçavanres diflerrations que M. Burette a faites fur la Gymnafttquc des Anciens, 8c qui font imprimées dans le Volume des .Mémoires de l’Academie royale des Inlcriprions 8t belles Lettres. J'y renvoyé donc le lecteur.
Vo y a g e
de
l
’El id e .
417
remarquable par le rétabliflemcnt de la courfe du char attclé de deux chevaux d’un bon âge, & ce fut Pagondas Thébain qui eut la victoire. La vingt-huitième vit renouveller le combat du Pancrace 8c la couric avec des chevaux de folle. La cavale de Crauxidas natif de Cranon palfa toutes les autres j 8c Lygdamis de Syracufc rerrafla tous ceux qui combattirent contre lui. Son tombeau eft à Syracufe auprès des carrières: je ne fi^ai pas ii réellement il cgaloit Hercule en forcç du corps, mais du moins les Syraculâins le difent ainfi. Enfuite les Elcens s’aviferent d’inllituer des combats pour les enfans, quoiqu'il n’y en eût aucun exemple dans l'antiquité. Ainfi cnlatrentc-ieptiéme Olympiade il y eut des prix propofez aux enfans pour la courfe 8c pour la lutte. Hippolthenc Lacédémonien fut déclaré vainqueur à la lutte, 8c Polynice Eléen à la courlc. En la quarante & unième les enfans furent admis au combat du celte, & Philctas Sybarite furpalla tous les autres. La foixante 8c cinquième Olympiade introduit encore une nouveauté: des gens de pied tout armez difputérent le prix de la courfe ; ils parurent dans la carrière avec leurs boucliers, fie Démarat d’Hérée remporta la victoire. Cet exercice fut jugé très-convenable à des peuple^ belliqueux. En la quatre-vingt-treizième Olympiade on courut avec deux chevaux de main dans la carrière ; Evagoras, Elccn fut vainqueur. En la quatre-vingt-dix-neuvième on attela deux jeunes poulains à un char, 8c ce nouveau Ipeclacle valut une couronne à Sybariade Lacédémonien. Quelque temps après on s’avifa d’une courfe de deux poulains menezen main 5 8c d’une courfe de poulain, monté comme un cheval de lèlle. A la première, Bclilliche, femme née fur les côtes de Macédoine, remporta le prix ; à la féconde Tlépolcme Lycicn fut couronné ; celui-ci en la cent trente & unième Olympiade, Bclilliche en la cent vingt-huitième. Enfin en la cent quarante-cinquième lesenfans furent auflî admis au combat du Pancrace, 8c Phédime Eolien d’une ville dclaTroadedemeura viélorieux. Comme les Elécns [ 1 ] introduifoient de nouveaux com- C[iAp bars, aufli les abolillbient-ils, lorfqu’ils ne rcuflîfloient pat à ix.
[ 1 ] Commt let Elins. Amaféc n’a pas entendu cet endroit, aufli l'a-t-il niai rendu. _ .......... ; H h h ij
418 Pa u sa n ia s , Liv r e V. leur gré. Ainfi apres avoir permis le Pentathle aux enfans en la trente-huitième Olympiade, qu’Entelidas Laccdemonien eut une couronne d'olivier, ils jugèrent à propos de le leur interdire à l’avenir. Et apres avoir imaginé la courte de \'Apènè en la foixante & dixiéme Olympiade, & la courte du Calpi l'Olyinpiade firivantc, quelques cinquante ans apres en la quatre-vingt-quatriéme Olympiade il.s proterivirent l'une & l’autre. Therfius de Thcflàlie avoit été couronné à la première, & Patècus Achèen de la ville de Dyme à la fécondé. La courte du Calpé [ i ] fe faifoit avec deux jumens : fur la fin de la courte on le jettoit à terre, on prenoit les jumens par le mors, & l’on achevoit ainfi la carrière -, ce que pratiquent encore de nos jours ces écuyers [ i ] à qui l’on donne le nom A'Anabates. Toute le différence qu'il y avoit entre ceux qui faifoient la courte du Calpé & les Anabates, c’eft que ceux-ci ont une marque particulière qui les diftingué, & qu’ils montent des chevaux & non des jumens. Pour ï’Apéné, c’étoit un char attelé de deux mules ; invention moderne, & qui ne produifoit pas un fort bel effet -, outre que les mules & les mulets font en horreur aux Eléens, qui par cette raifon n’en élevent point chez eux. Quant à l’ordre & à la police des jeux Olympiques , voici ce qui s’obferve aujourd’hui. On fait d’abord un lâcrifice à Jupiter j enfuite on ouvre par le Pentathle. La courte [j] à
[i] Lu courfe du Cnlpé fe fuifeit euiec deux jument. Amafce n'a rien
compris à tout ce que l'auteur dit du Cnlpé Si de lApénf. C’eft l'interprétation de Sylbutqc, qu’il fout Cuivre comme plus conforme au texte. Héfychius définit le Cnipe' hrnu faS un chevtil qui mnrihe, qui pinffe. Paufânias entend tout autre chofc par le Cnlpé. Au refte félon Budc nos mors àcGnlop, Si de ftloper viennent du mot grec (nlpé > Si voici comment. De ou •/*■«, les Grecs oot foit «aura» Si f de «a»* Si «•>’«*les Latins ont fait calpare Si coupure i Si de ceux-ci nous avons foit fnloprr Scgnlop. Auflî Saumaife.Vofïus , Bourdclot Si Ménage ont-ils adopte cette étymologie,
[1] Cet écujers à qui ren donne le nom iAnabates. confcenforet > autrement , agirai, car tous ces noms fignifioient la même chofe : c’eft le fentiment de Sylburge dans fon Commentaire fut Denys d’Halicamaflè. Par jlnuhtei il fout entendre des écuyers qui montoient ou fur les chevaux ou fur le char meme auprès de leurs maîtres. [j] L* cotnfe i pied vient uprii, pu'u In courfe de ciev.M<x.C'eft-idire en différent jours. Le premier jour étoit deftinc aux iâcrificcs , le fécond au pentathle & à la courfe à pied, le troiliémc au combat du pancrace & de la lutte > les autres aux courtes de chevaux & aux courfes de chars.
Vo y a g e d e l ’El id e . 419 pied vient après, puis la courte de chevaux: cela fut ainfi réglé en la loixante & dix-feptiémc Olympiade, auparavant les nommes & les chevaux combattoient le même jour -, d’où il arrivoit que le rang du Pancrace ne venoit que fur le foir, pareeque tout le jour fe paflôit à voir les courtes de chevaux, & fur-tout le Pentathle. En cette Olympiade Callias Athénien eut le prix du Pancrace. Mais depuis on changea l’ordre de ces jeux, & l’on en rejetta une partie à un autre jour, afin d’empêcher que les uns ne nuififlenc aux autres. La direâion du fpectacle [1] & le nombre des [1] juges ont aufli varié : car Iphitus qui fut le reftaurateur des jeux Olympiques, y prétida feul. Oxylus & fes fuccefleurs confervérent le même privilège. Mais en la cinquantième Olympiade tous les Eléens tirèrent au fort, & l’adminiftration de ces jeux échut à deux particuliers qui en prirent foin dans la fuite. Il n’y eut que deux directeurs durant long-temps, [3] & jufqu’à la cent cinquième Olympiade, que l’on créa neuf juges, dont trois dévoient connoître de la courfe des chevaux , trois du Pentathle ,& les trois autres des autres fortes de combats. Deux Olympiades après on ajouta un dixiéme juge. En la cent troifiéme Olympiade les Eléens furent diftribuez en douze tribus, & chaque tribu nomma un juge. Mais enfuite la nation ayant eu du deflous dans la guerre contre les Arcadiens , & plufieurs tribus étant tombées en la puiflànce des ennemis, de douze il n’en refta plus que huit $ & par là en la cent troifiéme Olympiade les dire&eurs ou juges des jeux Olympiques furent réduits à pareil nombre de huit. Enfin en la cent huitième Olympiade le nombre de dix fut rétabli, & c’eft celui qui fubfifte à prêtent. La Grece eft certainement pleine de merveilles, qui eau- —— fent de l’admiration à ceux qui les voyent ou qui en enten11 ] Lu direüion du JfeSacle. La phralc du texte qui lignifie cela eft un peu dérangée par la faute des copiftes. Il faut lui vrc la leçon de Kuhnius. [1] Lt nombre des Juges. Ces Juges étoient appeliez dgonotbe'ies ou Hellanodices. On pouvoir appeller de leur jugement au Sénat d’Olympic. [ 5 J £t jufqu’à la cens cinquième. Le texte dit , jufqu’à la vingt-cinquième. C’eft une faute manifefte du
copifte : car s’il n’y avoit que deux Hellanodices en la 50' Olympiade, qui eft le temps où l’on commença à en inftituer, comme Paulânias vient de le dire, il ne pouvoir pas y en avoir neuf en la 15e. 11 faut donc lire, en la 105e, avec Meurfius, qui cite pour garant un auteur anonyme qui a écrit en Grece d’apres Paulânias qu’il copie fidèlement. H h h iij
A
4jo Pa u san ia s , Liv r e V. dent parler ; niais il n'y en a point que la religion aie conhcrcus avec tant de pompe que les myfteres de Ccrés a Elcufis, 8c que les jeux qui le célèbrent en l’honneur de Jupiter à Olympie. Lebois facrc du dieu eft appelle j4ltis, ancien mot [ i ] dont Pindare s’eft fervi dans cette lignification en loiiant un de Tes héros qui avoit etc vainqueur aux jeux Olympiques. Le temple Scia ftatuc de Jupiter font le fruit des dépouilles que les Elcens remportèrent lur les Pilans 8c leurs Alliez:car ils vainquirent ces peuples, & faccagerent Pilé. La
ftatuc du dieu eft un ouvrage de Phidias, comme en fait foi l’inlcripcion que l’on voit aux pieds de Jupiter & qui eft telle, Phidias fils de Charmidas .Athénien m'a fait. Le temple eft d’une architecture Dorique : il eft tout environné de colonnes par dehors, en forte que la place où il eft bâti forme un beau periftyle. On a employé à cet édifice des pierres du pays, mais qui [i] font d’une nature & d’une beauté finguliere. La hauteur du temple depuis le rez de chauffée jufqu’à la couverture eft de loixante 8c huit pieds ; la largeur eft de quatre-vingt-quinze , & fa longueur de deux cent trente. Libon originaire & natif du pays en a été l’architecte. Ce temple eft couvert non de tuiles, mais d’un beau marbre tiré des carrières du mont Pentélique, & taillé en forme de tuiles. On en attribue l’invention à Byscs de Naxi, dont on dit qu’il y a plufieurs ftatuës dans cette ile, avec une infeription [ j] qui porte que ces ftatucs ont été faites par Bysès natif du pays, qui le premier a trouvé l’art de tailler le marbre en façon de tuile. On prétend que ce Byscs floriffoit dans le temps qu’Halyatte [4]étoit roi de Lydie, & qu’Aftyage [5] fils de
[1] jdneien met dent Pindare s’eft fervi. Ce poète employé le mot •'»"<
pour ixr.r, qui eft le terme ordinaire. [1] D'une nature ù" d'une beauté' finyuliere. Le texte dit fw w'«v Thcophralte te Pline qui parlent d’après lui,nous apprennent que cettepierre appellée/’erw, rcflcmbloit au marbre de Pâros pour la couleur & pour la dureté , mais qu'elle avoit moins de poids. C'étoit apparemment une pierre poreufe , ce qui lui avoit fait donner le nomde»ifO. [5] Avet une infcriptien. Paufanias
rapporte cette infeription , mais elle a etc fi défigurée par les copiftcs, & elle quadre il peu avec le texte de l'auteur, que je n'ai pu faire mieux 2)uc d'en rendre h lübltance. [4] dgn'Halyatte étest ni de Lydie. Halyatte fils de Sadvatte regnoit en Lydie quelque 650 ans avant l'Ere chrétienne. [ç] Et qn'Afttaye fils de Cravare. Cet Aftyage fut perede Mandane qu'il maria à Cambyfê roi de Pcrfc, d'où naquit Cyrus.
V O Y A G E D E l ’El IDE. 4U Cyaxare regnoit fur les Modes. Deux chaudières dorées font fulpendiies à la voûte, l’une à un bout, l’autre à l’autre. Du milieu de la voûte pend une ViAoire de bronze dore , & audeflbus de la ViAoire un bouclier d'or , fur lequel eft une tête de la Gorgone Medufe. L’infcription du bouclier porte que ce font [ i ] les Tanagréens alliez de Sparte qui ont fait ces riches préfens à Jupiter, en lui confacrant la dixme des dépouilles qu’ils avoient remportées fur les Athéniens, les Argiens, & les Ioniens auprès de Tanagre. J’ai fait mention de ce combat dans mon premier livre, en parcourant les tombeaux qui fe voyent à Athènes. Par dehors au-deflus des colonnes il règne un cordon toutautour du temple. A ce cordon font attachez vingt & un boucliers dorez qui furent autrefois confierez à Jupiter par Mummius Général des Romains, après qu’il eut défait l'armée des Achéens, pris Corinthe, & chaflc tous les habitans qui avoient embrafle le parti des Doriens. Sur le fronton [a.] de devant on a reprefenté le combat de Pélops & d’tffinomaüs. 11 femble que ces deux héros foient tout prêts à entrer dans la lice pour fe difputcr l’honneur de cette fameufe courfe de chevaux. Jupiter occupe le milieu du fronton ; à la droite du dieu eft (Enoinaüs, qui a la tête dans un calque ; auprès de lui eft fa femme Stérope, une des filles d’Atlas. Au-devant du char & à la tête des chevaux qui font au nombre de quatre, on voit Myrtil l’écuyer d’Œnomaüs; derrière lui font deux autres hommes dont on ne fçait point le nom, mais qui paroifTent être là pour avoir foin des chevaux. Dans le coin vous voyez le fleuve Cladée, qui après l’Alphée eft celui que les Eléens honorent le plus. A la gauche de Jupiter, Pélops & Hippodamie* tiennent le premier rang. L’écuyer de Pélops eft auprès de fes chevaux, accompagné de deux palfreniers. En cet endroit le fronton fe rétrécit, & c’eft là que l’on a placé le fleuve Alphée. L’écuyer de Pélops, fi l’on en croit
[1]
(t f‘”" 1“ Ttmgreeni.
Amafée dans fi verfion latine dit les Athéniens. C’eft un contrefens inexcusable, comme Kuhnius l'a remarque. Plutarque dans la vie de Peticlcs ëc dans celle de Cimon dit que les Athéniens furent vaincus auprès de Tanagrc en Béotic.
[a] Sht lefreattn de devint. C’eft ainfi qu’il faut rendre Amaféc s'y eft trompé en dilânt, m ifjis eemfli LMsaursbus j & il a fait la même faute deux lignes plus bas, ttaduifântcncocelemotatm par celui de ZwruMr.
les Trœzcnicns, s’appclloit Sphcrus ; mais à Olympie mon antiquaire le nommoic Cilla. Toutes ces figures [ i ] font l’ouvrage d’un Péonicn, originaire de Mende ville deThracc. Le fronton de derrière a été fculpté par Alcamene [i] contemporain de Phidias, & le meilleur ftatuaire qu’il y eût après lui. Ce fronton nous préféntc le combat des Centaures & des Lapithes à l’occafion des noces de Pirithoüs. Ce prince occupe tout l’elpace du milieu. Près de lui eft Eurytion, qui enleve la nouvelle époufe malgré Céneus qui fait fes efforts pour l’en empêcher. De l’autre côté c’eft Thefée qui fait un horrible carnage des Centaures avec fa hache. Parmi les Centaures qui ont échappé à fes coups l’un veut ravir une jeune vierge, l’autre un beau garçon qu’il trouve à fon gré. Je crois qu'Âlcamcne a choifi ce fujet, pareequ’il avoit appris par les poefies d’Homere que Pirithoüs étoit fils de Jupiter : il fçavoit aufli que Thefée defeendoit [ j ] de Pélops par quatre degrez de génération. Au-dedans du temple on a repréfènté une bonne partie des travaux d’Hercule. Sur les portes on voit la chaflè au fanglier d’Erymanthe, & les exploits d’Hercule, foit contre Diomede roi deThrace, foit contre Geryon dans l’ile Erythée. Dans un autre endroit ce héros s’apprête à foulager Atlas de fon fardeau ; dans un autre il nettoye les étables d’Augée & les champs des Eléens. Sur les portes de derrière Hercule combat une Amazone & lui arrache fon bouclier. Tout ce que l’on raconte de la biche & du taureau de Gnoflë, de l’hydre de Lerna, des oifeaux du fleuve Stymphale, & du lion de la forêt de Nemée, eft là gravé fur l’airain ; car les portes du temple font d’airain. Én entrant vous voyez à droite une colonne contre laquelle Iphitus eft adofle avec fà femme Ecéchiria qui lui met une couronne fur la tête : les noms de l’un & de l’autre font marquez dans une infeription en vers élégiaques.
[ i ] Toutes cesfigures font rouvrage. Amafée a tendu pitoyablement tout cet endroit. [a] Contemporain de Phidias, "urd car c’cft ainfi qu’il fout lire avec Kuhnius, & non pas , comme il y a dans le texte, dont l'intcrprctc latin n’a pas fenti le vice. [11 Thefée defeendoit de Pé-
lops. Pittheiis fils de Pélops avoit marié fa fille Ethra avec Egée perc de Tlicfèe -, ainfi Théfcc étoit arrière potit-fils de Pélops. Kuhnius s’eft donc trompé dans une de fes notes fur le chap. 41 ' des Attiqucs, où il traite les Mcgarécns d’ignotans , parccqu’ils croyoicnt que Tbélce étoit dclcendu de Pélops.
Dans
Vo -y a g e d e l ’El id e . 45 5 Dans le temple il y a deux rangs de colonnes qui fouciennenc des Galeries fort exaucées, fous lcfquclles on parte pour aller au crone de Jupiter. Ona aufli pratique un efcalicr en coquille, par où l’on peut monter julqu’au toit. _____ Le dieu elt repréfenté aflis lur un trône: il elt d’or & d’y- c h a voire, & il a fur la tête une couronne qui imite la feuille d’oli- XI. vier. De la main droite il tient une Victoire, qui elt clle-mcme d’or & d’y voire, ornée de bandelettes & couronnée , de la gauche un fceptre d’une extrême délicateflc, & où reluirent toutes fortes de métaux. L’oifeau qui repolé fur le bout de fon fceptre elt une aigle. La chauflùre & le manteau du dieu font auflî d’or : fur le manteau font gravez toute forte d’animaux, toute forte de fleurs, & particulièrement des lys. Le trône du dieu elt tout brillant d’or & de pierres précieufes : l’yvoirc & l’ebéne y font par leur mélange une agréable variété ; la peinture y a mêlé auflî divers animaux, & d’autres ornemens. Aux quatre coins il y a quatre Victoires qui femblent fe donner la main pour danfer, & deux autres aux pieds de Jupiter. Les pieds du trône par-devant font ornez de Sphinx, qui arrachent de tendres enfans du fcin des Thébaines ; & au-dcflôus des Sphinx c’eft Apollon &c Diane qui tuent à coups de flèches les enfans de Niobé. Entre les pieds du trône il y a quatre traverfesqui vont d’un bout à l’autre. La première & celle que l’on voit en entrant, eft chargée de lept figures : il y en avoit une huitième, mais on ne fcait ce qu’elle eft devenue. Ces figures font un monument des anciens jeux Olympiques, avant que les jeunes gens y fuflènt admis; mais du temps [i] de Phidias on les y admettoir. Ç’eftpourquoi vous verrez auflî la figure d’un jeune homme qui a la tête ceinte d’un ruban , & qui à la beauté paroît être Pantarccs, jeuneEléen que Phidiasaimoit. CePantarcesen la quatre-vingt-fixiéme Olympiade remporta le prix de la lutte dans la clafle des jeunes gens. Sur les autres traverses vous voyez Hercule avec là troupe,prêt à combattre [i] Mais du terni» de Phidias w> les y admettait. Le textedit tout le contraire ; d’où il faut conclure que le texte cil corrompu. Car du temps de Phidias les enfans croient reçus à disputer le prix des jeux Olympiques ; Tome 1.
8i l’auteur dit lui-même qu’en la Stf' Olympiade Pantarccs remporta le prix de la lune dans la dalle des enfans. Ce. vice du texte n’a été remarqué par aucun interprète.
4!+ r AVS AMI A S, L r V R t V. contre les Amazones. Le nombre des combattans de part & d’autre eft de vingt-neuf, & Théfce fe fait remarquer parmi les compagnons d’Hercule. Ce ne font pas feulement les pieds du trône qui le fôutienncnt, on y a ajouté dediftancc en diftancc des colonnes de pareille hauteur , Sc le trône porte aufli deflus. Si j’avois pu approcher de plus près & voir le deffous du trône, comme on voit celui du trône d’Apollon à Amycles, j’en rendrais compte de même: mais le tronc de Jupiter à Olympie eft entouré de baluftres en maniéré de petits murs qui en défendent l’entrée. Le baluftre de devant vis-à-vis de la porte eft feulement peint en couleur de bleu célefte,- pour les autres, ils font enrichis d’excellentes peintures faites par Pancnus. On voit fur le premier Atlas, qui fôuticnt le ciel & la terre, fie auprès de lui Hercule qui va, ce femblc, porter le même fardeau ; enfuite c’eft Thcfce avec Pirithoüs. Dans un autre endroit le peintre a repréfènté la Grece, & en particulier la ville de Salamine, qui d’une main tient [ i ] un de ces ornemens que l’on met à la pouppe des vaiflèaux. Le fécond baluftre nous préfente le combac d’Hercule contre le lion deNeméc, l’attentat d’Ajax fur Caffandre; enfuite Hippodamie avec fa mere ; en dernier lieu
Promethée enchaîné , & Hercule qui le regarde ; caron dit que la délivrance de Promethée attaché au mont Caucafe, & fans ccflè dévoré par une aigle, fut aufli l’un des travaux d’Hercule. Dans le premier tableau du dernier baluftre c’eft Penthefïlée mourante , & Achille qui la foutient: dans le fécond ce font deux [1] Hefpérides qui apportent les pommes d’or confiées à leurs foins. Panénusqui a fait ces belles peintures , étoit frere de Phidias : c’eft lui qui a peint aufli le combat de Marathon que l’on voit dans le Pœcile d’Athenes. A l’endroit le plus élevé du tronc au-deflùs de la tête du dieu, Phidias a placé d'un côté les Grâces, & de l’autre les Heures, les unes & les autres au nombre de trois. La poefîe faitaufli les Heures filles de Jupiter: mais Homeredans l’Iliade nous les repréfente comme les gardiennes «lu ciel, qui rexf. Cet endroit eft traduit de fanrailîe dans h verfion btined'Anulêe, &non fuivant le fens de l’auteur. [a] Ctfont dtux Hefpiridn. Voyez la
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en ouvrent & qui en ferment les portes ainfi que d'un palais..
Sur la baie qui cft au-deflôus des pieds de Jupiter vous voyez des lions dorez, Se le combat de Théfée contre les Amazones, cette expédition célébré où les Athéniens fignalércnt pour la première fois leur courage contre des troupes étrangères. Le piedcftal ou fcabelon [ i J qui foutient toute cette malle cil enrichi de divers ornemens qui donnent encore de l’éclat à la ftatuë. Phidias y a grave lur or d'un côte le foleil conduilant Ion char, de l'autre Jupiter & Junon ; à côté de Jupiter eft une des Grâces} après elle c’cft Mercure, & Veita enfuite. Venus paroit fortir du fein de la mer, elle eft reçue par l’Amour, & couronnée [i] par la déefle Pitho. Apollon & Diane n’ont pas été oubliez fur ce bas relief, non plus que Minerve & Hercule. Au bas du picdcftal dans un coin on voit Amphitritc & Neptune: dans un autre la Lune paroit galoper à cheval} les Eléens dilêne, fur un mulet, à caufe de je ne fçai quelle fable d’un mulet, qui a cours parmi le peuple. Je Içai que pluficurs ont donné les dimenfions de la ftatuë de Jupiter 5 mais il ne faut pas s’en rapporter à eux, car on trouve la hauteuaft la largeur bien au-deflu$ de leur eftimation, quand on en juge par fes propres yeux. Pour moi, je dirai feulement que l’habileté de l’ouvrier eut Jupiter même pour approbateur ; car Phidias après avoir mis la dcrnicre main à là ftatuë, pria le dieu de marquer par quelque ligne fi cet ouvrage lui étoit agréable; & l’on ait qu’aufli-tot le pavé du temple fut frappé de la foudre, à l’endroit où l’on voit encore une urne de bronze avec fon couvercle. Devanc la ftatuë le temple cft pavé de marbre noir avec un rebord de marbre de Pàros , qui fait un cercle tout alentour. Ce rebord fort à contenir l’huile dont on arrolc continuellement le pavé du temple auprès de la ftatuc, pour défendre l’yvoire contre l’humidité de la terre ; car & l’Altis & le temple de Jupiter à Olympie font dans un lieu fort marécageux. Au contraire dans la citadelle d’Athenes la ftatuë de Minerve,
[i] /«tint tnte tttte truffe. Le texte grec eft ici unI pci! p. altérépar h faute des copiftes. Sylburge rlbtirgc &' & .. Kuh— nius ont tâché de le rétablir, mais je doute qu'ils y ayent rétifti. [a] Et laurtnné pJ' /< dteffe Pitbt.
Pour lignifier que Venus joignoità la beauté le charme de la pcrfûafion, 8c qu’une belle perfonne ne plaie pas long-temps fi elle ne joint les grâces de l'elprit Se du difeouts à fes autres perfêâions. Iii ij
ou de 1.1 Vierge, comme on l’appelle, fe conferve par l’can dont on a foin d'arrofer le pave du temple. C’eft que ce lieu étant fort fcc à caufe de fon élévation, la ftatuc de la déeflé qui eft d’yvoire a befoirt d’humidité pour fe défendre contre la féchereflè. Je me fouviens qu’étant à Epidaure, je demendai aux facriftains du temple d’Efculape, pourquoi ils n’arrofoient ni d’huile ni d’eau le pavé du temple; ils me répondirent qu’il y avoit un puits fous le trône Ce la ftatuë du dieu. A propos de l’yvoire , fi quelqu’un s’imagine que ce que l’on voit dans la bouche de l’éléphant & qui fort en dehors, fuient des dents & non des cornes, il fe trompe ; je le prie d’en juger [ i ] par cette efpece d’animal qui eft commun chez les Celtes, & par les [i] beufs d’Ethiopie. En effet l’efpece d'animal dont je parle a fj] des cornes au-deflus des fourcils. Je dis le mâle, car les femelles n’ont point de cornes; &aux beufs d’Ethiopie,il en vient fur le nez. Eft-ce donc une grande merveille qu’il y ait un animal avec des cornes qui lui forcent par la bouche? Mais voici fur quoi j’appuye mon fonriment. Les cornes viennent aux animaux au bout d’un certain temps, elles tombent aufli réglement, & il en revient d’autres à la place; c’eft cc qui arrive aux ceflfs, aux daims, & aux eléphans. En fécond lieu, nous ne voyons point que quand les dents tombent à un animal qui a atteint un certain âge de perfection, il en renaiflé d’autres. Si donc l’yvoire ctoit une dent & non une corne, par quel privilège particulierrepouffcroit-il des dents aux éléphans ? D’ailleurs on fçait que les dents réfiftent au feu, & que l’art ne fçauroitles mettre en
[i] Par cette effere d'enimel. J’ai déjà dit que les anciens donnoicnc le nom de Celtes , non-feulement aux Gaulois, mais aux peuples de la Germime, du Dannemark , de la Suède, de la Norvège, des îles Britanniques & à plufieurs autres. Or l'animal dont parle Paufanias, k qu’il nomme luiméme en grec •'*«•<, étoit commun dans les forêts de laGetmame. [al ht pur Ici beuft e llthicpie. 11 entend les rhinocéros. [;) de> Carnet. Si par Paufamas entend ce que ks Romain» en-
tcndoient par zfhrr .comme il y a bien de l'apparence, il faut que lui ouCciâr fe trompe ; car Cefar dans fa Commentaircs Liv. f. ch. if. dit que l’Alce n’avoir point de cocr.es. Suai item ufpelljutur dit et • fraraw eft <m -
jiaulu ceprtu figuu , & ueneui pcihum , ftd me^nitudtne feule eateceduut, muttlcqut faut cerntkns. Mais
Cefar eft plus croyable. Pline Liv. S. ch. 16. parle de l'Alcc comme d’un animal aflci fcmblablc à une lumcnr. Scaligcr a cru que /'z»7.r croit l'2;7a««. Albert le Grand les difliugue.
oeuvre -, au contraire la corne [ i ] foit de beuf, foit d éléphant, amollie par le feu, obéît à l’ouvrier, qui la tourne comme il lui plait. Il eft vrai que les defenfes des fanglicrs 8c les dents des [ i ] hippopotames forcent de leur [ 3 ] mâchoire d’en bas, 8c nous [4] ne voyons point que les cornes d’aucun animal naiflent de la mâchoire. Mais aufli je ne prêtons pas que les cornes des elephans pouflent de leur mâchoire ; elles prennent naiflânee de plus haut, defeendent le long des temples, 8c fortant par la mâchoire fe jettent en dehors. Ce que j’en rapporte n’eft pas fondé fur un oüi-dire, mais fur l’infpe&ion d’un crâne d’éléphant que j’ai vû dans la Campanie en un temple de Diane qui n’eft qu’à trente ftades de Capoüe, capitale de cette firovince. Les cornes ne pouflènt donc point à l’éléphant de a même manière qu’aux autres animaux : cet animal eft fingulier par là comme par la maflè énorme de fon corps 8c par fa figure. Au refte rien à mon avis ne marque mieux la pictc des Grecs 8c leur profufion, où il s’agit de décorer les temples, que la prodigiculè [5] quantité d’y voire qu’ils ont tirce
[ 1 ] £4 corne foit de beuf, foit d'éle'fhjnt. Paufanias fc trompe. L'yvoirc
fc durcit au feu .bien-loin de s'amollir. Du relie Paufanias n'elt pas le feui qui ait cru que l'yvoirc ctoit une corne d’éléphant & non une dent. Juta, Oppicn, & parmi les modernes , Gérard Voflius, ont cru la meme choie. Mais Homère, Hérodote, 8c Pline en ont jugé autrement. Paulmicr qui a mieux aimé les fuivre , réfute allez bien les raifons alléguées par Paufanias. Le fentiment commun eft que l'yvoirc cil une dent d'éléphant ; c’eft ce qui a fait dire à Ovide, Et totum Numid*
finlptile dentit oput. [a] Des hippopotames. L’hippopo-
tame étoit un animal aflez fcmblablc à un cheval, 8c qui s’engendroit dans le Nil. Pline liv. 8. ch. 19 8c 40.cn donne la defeription , & dit que c’eft de cet animal que les médecins ont appris l'an de faigner ; pareeque luimême le tire du fiing des veines quand il eft malade, ou qu'il fc lent trop replet. Sur une médaille de Philippe SC
d’Otacilia on voit la figure d'un hippopotame, telle que Pline & d'autres le repréfentent ;d’où le perc Hardoiim conclud que l'hippopotame n’eft point un animal chimérique, comme Aldrovandus le prétend. [j] Ve leur mueboire d"eu bus. Les principales défenfesdu fanglicrfont à ja mâchoire fupéricure, & non d'en bas , comme le dit Paulânias. [4] Et nous ne voponi point. J'ai fuivi Kuhnius qui Jir, aueflo/un, 8c c’eft ainfi qu'il faut lire. [ 5 ] Lu prodigielife quantitéd'jvoire qu’lit tiroient dei Indes. L'yvoirc aujourd'hui fi commune étoit pour lors trcs-préciculc & trcs-rarc. Il eft en effet furprenant que les Grecs en ayent pu tirer des Indes une fi prodigiculè quantité, ce qu'ils ne pouvoicnt taire qu'avec des frais immenfes. Mais Horace nous apprend leur fccrct, qui lut auflî celui des anciens Romains, Pr.vtlus illit cenfus erut brevù, Commune ttu&num.
4)S Fa iisa h ia ., Liv r e V. des Indes & de l’Ethiopie pour faire les ftatucs de leurs dieux. Le voile de laine que l’on voit dans le temple de Jupiter à Olympic, eft teint en pourpre de Phénicie, Sc magnifiquement brode à la mode des Aflÿriens: c’eft un prefent du roi Antiochus, qui a aufli donné l’égide d’or qui fe voit au-deflùs du théâtre à Athènes, & où il y a une tête de Gorgone. Mais les Eléens au lieu de relever le voile jufqu’à la voûte comme dans le temple de Diane d’Ephelè , le tiennent toujours abaifle jufqu’à terre. A l’égard des autres préfens que l’on conferve dans le veftibule, ou dans le temple, vous verrez en premier lieu le trône d’Arimnus roi [i] des Etrufces, qui le premier entre les étrangers s’eft diftingué par cette offrande à Jupiter Olympien ; enfuite des chevaux de bronze confacrez par Cynifca, comme un monument de la vidoire qu’elle remporta aux jeux Olympiques. Ces chevaux plus petits que nature, font placez a l’entrée du temple à main droite. Là eft aufli un trépied de bronze, fur lequel on mettoit les couronnes deftinées aux vainqueurs, avant que l’on eut fait faire une table exprès pour cela. Vous verrez encore plufieurs ftatucs de marbre de Pâros, dont les unes ont été érigées à l’empereur Hadrien par ces villes qui compofoient l’Etat d’Achaïe, Sc les autres à Trajan par toute la nation Grecque. Cet empereur fournit à fon obéiffance les Gétes qui habitent au-def fus de la Thrace, & fit la guerre contre Ofroès petit-fils d’Arface Sc roi de Parthes. La ville d’Olympie lui eft redevable de plufieurs ouvrages, dont les principaux font des bains qui portent fon nom ; un amphithéâtre d’un fort grand circuit $ un lieu pour les courfes de chevaux, qui a bien deux [2] ftades de long, Sc un Sénat pour les Magiftrats Romains, lequel entre autres ornemens eft tout plafonné de bronze. On y voit deux ftatucs pofées fur des piedeftaux fort délicats, l’une d’ambre, de l’empereur Augufte, l’autre d’y voire , de Nicomede roi de Bithynie, qui a donné fon nom à lapîus grande
ville de ce royaume; car Nicomédic s’appelloit auparavant Aftaque. On croit que fon premier fondateur a été Zypœtès-,
près de quelle longueur étoient les hippodromes ; c’eft un point que nous ignorons > pareeque ni Paufanias, Cet endroit eft remarquable , en ce ni aucun autre auteur ne qu'il fert à nous faire connoîtrc à peu ftjuit de cette particularité.
[i] De> Etrufces , autrement dits Tyrrbéniens > peuple d’Italie. [i] gui a bien deuxJlades de long.
r y O Y A ci DI l ’Eli d f . 419 Thrace de nation aucant que l’on en peut juger par fon nom. L'ambre [ i ] fe trouve parmi le fable que roule Ijifidaii ; mais il eft très-rare, & à caulc de cela fore eftime : fRemble au refte que l’ambre [i] n’cft autre chofc qu’un mélange de l’or & de l’argent. On vous montrera encore dans le temple de Jupiter plufieurs couronnes qui ont cté données par Néron: >1 y a fur-tout la troificmc & la quatrième qui imitent parfaitement, l’une la feuille d’olivier, l’autre la feuille de chêne. Au même endroit vous verrez vingt-cinq boucliers d’airain pour ceux qui courent tout armez dans la carrière. Je ne parle point d’un grand nombre de colonnes qui font dans ce temf'ie ; mais il y en a fur-tout une où eft gravé le ferment par equel lesEléens confirmèrent le traité d’alliance qu’ilsavoient fait avec les Athéniens, les Argiens, 8c ceux de Mantinée pour cent ans. Dans l’Altis il y a auflî un temple & un efpace de terre con- ---------facré à Pclops ; car les Eléens mettent autant Pélops au-def *’ fus des autres héros, qu’ils mettent Jupiter au-deflus des autres dieux. Ce temple eft au Nord à droite du temple de Jupiter , & de la porte par où l’on y entre. Il en eft allez éloigne pour que l'efpace d’entre deux puifle contenir plufieurs ftatuës , & divers monumens de la pieté des peuples ; car il s’étend depuis le milieu du grand temple jufqu’à la porte de derrière. Un mur de pierres feches defend tout ce terrein, qui eft planté d’arbres & orné de ftatucs ; l’entrée eft au couchant. On dit que c’eft Hercule fils d’Amphytrion qui a confacré cette portion de terres à Pclops,ce qui eft d’autant plus probable qu’Hercule defeendoit de Pélops par quatre dégrez de génération. L’on dit auflî qu’il facrifia à Pclops fur le bord d’une fofle, où tous les ans les Archontes encore à prefent ne manquent pas de faire un facrifice avant que d’entrer en charge. Ils immolent un bélier noir, & leur facrifice a cela de particulier, que l’on ne fait aucune part de la viétime au devin:
[i] L'amtre fe trenve. C’étoit l’opinion des anciens, mais opinion fabuleufc. On ne tïouvc point l'ambre dans l'Eridan, aujourd'hui dit le Pô. [i] N"ejl autre <b<fe qu'un mélange. Autre erreur. LaPhyfique des anciens étoit fon courte ; aujourd'hui •’on eft plus éclaire fur les effets de la
nature. Les Naturalises modernes difent que l’ambre eft une efpecede poix foffile, ou de bitume, qu'on trouve fur les bords de la mer de Pruffc, d'autres difent qu'en Suède comme en PnilTc on en trouve Jans des endroits fort éloignez de la mer.
44° Pa u sa n ia s , Liv r e V. on fê contente fuivant l’ancien ufage d’en donner le col à celui qui fo^it le bois ; car parmi les miniftres du temple de Jupiter il y en a un qui a foin de faire provifion de bois, 8c d’en fournir pour un certain prix, foit aux villes, foit aux particuliers qui viennent faire des facrifices, 8c ce bois eft du peuplier blanc. Que fi quelqu’un foit Eléen ou étranger mangeoit des chairs de la victime immolée à Pélops, l’entrée du temple de Jupiter lui feroit interdite. La meme chofe fe pratique à Pergame fur le Caïque : ceux qui facrifientà Téléphus & qui [ i ] tranfgrellènt les loix du facrifice, font obligez de fe purifier avant que d’entrer dans le temple d’Efculape. Quant à Pélops, voici ce que l’on en raconte. La guerre de Troye traînant en longueur^, les devins avertirent les Grecs qu’ils ne prendroient point la ville, qu’auparavant ils n'euffent envoyé chercher les flèches d’Hercule & l’un des os de Pélops. Auflî-tot on donna cette commiflîon à Philoclete, qui étant allé à Pife, en rapporta l’omoplate de Pélops ; mais le vaiflêau en revenant joindre les Grecs, fit naufrage à la hauteur de l’île Eubée, de forte que l’os de Pélops fut perdu dans la mer. Plufieurs années apres la prife de Troye , un pêcheur nommé Démarmen(?de la ville d’Erétrie ayant jetté fon filet dans cette mer, en retira un os. Surpris de la groffeur prodigieufe dont il étoit, il le cacha fous le fable 8c remarqua bien l’endroit. Enfuite il alla à Delphes pour fçavoir de l’oracle ce que c’étoit que cet os, & quel ufage il en feroit. Par un coup de la providence il fe rencontra que des Eléens confultoient en même temps l’oracle fur les moyens de faire cefler la pefte qui défoloit leur pays. La Pythie répondit à ceux-ci qu’ils tâchaflënt de recouvrer les os de Pélops ; & à Démarmene, qu’il reftituât aux Eléens ce qu’il avoit trouvé 8c qui leur appartenoit. Le pêcheur rendit aux Eléens cet os, 8c en reçut la récompenfe. Il eut fur-tout le privilège pour lui 8c pour fes defeendans de garder à l’avenir cette relique, qui pourtant ne fubfifte plus; c’étoit l’omoplate de Pélops. Il y a bien de l’apparence que cet os qui avoit été enfoncé dans le fable de la mer, fut carié par l’humidité, ou du moins par le temps qui détruit roue. Que Tantale 8c Pc-
[ i ] Et gui tynf’rcffent les loix du pk'er, & que le fens de Fauteur y porta facrifice. Ces mots ne font pas dans le naturellement, texte, mais je crois qu'il faut les fup-
Vo ta g ed el El ide . 4+1 lops [ i ] aycnc demeure parmi nous, il y en a des preuves en. core lubliftanccs aujourd’hui, celles que lont[i] leporcTan raie, fie le tombeau de ee héros qui eft allez connu. On voit le tronc de Pélops au haut du mont Sipyle, immédiatement au-dell'us de la chapelle [j] dédiée à la mere des dieux. A Temnos [4] au de-là du fleuve Hermus on montre une ftatuc de Venus, laite du bois d’un myrrhe femelle. La tradition eft que Pclops confacra cette ftatuc par une dévotion particulière pour la déeflè, & afin qu’elle lui fût favorable dans le deflein qu’il avoit d’epoufer Hippodamic. L’autel de Jupiter Olympien eft placé à une égale diftance du temple de Pclops& de celui de Junon, en face de l’un fc de l’autre. Les uns difent qu’il a étc élève par Hercule Idécn, les autres par des héros du p ays, environ deux générations apres Hercule. Quoiqu’il en k>it, cet autel eft fait de la cen-
[1] £ne Tantale à- Pélops tient demeuré parmi ntm. Cet endroit de
Paufanias eft prcfquc une énigme; »w i.uîr «h i lu mar./uei de letirféjour en nuire puis, car que veutil dire i Si pat ces mots cher, tiens, en nette pap, il entend la Grèce, il ne prouve nullement la propofition, comme on le vetra dans la remarque fuivante. S'il entend que la Phrygic, ou la Lydie tut le pays de Tantale , il s'enfuivra que Paufanias lui - même étoit de cc pays-là ; 8c à dire le vtai , on ignore de quel pays il étoit. [1] Le pert Tantale. Paufaniascft le feul qui parle de cc port ; il devoir du moins dire où il étoit. Le trône de Pclops qu’il place au mont Sipyle, ne fç.uiroit prouver que cc héros fut venu en Grèce; car le mont Sipyleétoit en Phrygic. Voici le dénouement de cette difficulté : Tantale & Pélops étoient Lydiens, 3c rcgnoiciit dans un canton voilin de la Phrygic ; cc qui occaftonna une guerre entre Tantale & Uus toi de Troye, au fujet de leurs limites; d'autres difent, au fujet de l'cnlcvoincnt de Ganymcdc. A l'egard de Paufanias , il étoit ou Cappadocicn, comme le dit Philoftratc, ou plutôt, de Terne I.
quclquc ville Grecque de l’Afie mineure .voifine du mont Sipyle. Or l'Ionie & la Lydie fe touchoicnt. On pouvoir les regarder conunc un même pays. Ainfi Paulânias Ionien d'une ville de l’Afie mineure a fort bien pu dire que Tantale 3c Pélops qui avoient régné en Lydie, étoient ne* 8c établis dans fon pays. Les preuves qu'il apporte ne font concluantes que dans cette fuppofition. C'cft cc que les interprètes n'ont nullement entendu, à la referve de Paulmier qui a entrevu la difficulté , 8c de Méziriac qui l'a levée. [}) Dédiée à la mere des dieux. I.c texte dit rfr firp< . ,< la mere Plaflene. Comme aucun mythologue ne parle de cette divinité, il y a lieu de croire que Plaflene eft là un furnoiu de la mere des dieux. Jcciois même qu'il faut lire au lieu de wA.rAx , 8c que Paufanias entend cette ftatuc que l'on voyoït fur la roche Coddinc , 8c qui eft décrite dans les Laconiques cliap. i t. de **««• ai Temnet. Cctoir une ville d'Eolie, 8c la patrie du rhéteur Hctniagoras,
Kkk
Pa u mn ia j , Liv r e V. dre des victimes offertes à Jupiter. Il y en a un de meme à Pergame, un autre à Samos, crige à Junon, & qui n’eft gueres plus propre que ces foyers hem faits à la hâte que l'on voit dans l’Attique. L’enceinte oû l’on préfente les vidimes, cft fermée par une baluftrade qui a pour le moins cent vingtcinq pieds de circuit. Depuis cette oaluftrade jufqu’à l'autel il y a trente-deux marches : l’autel a vingt-deux pieds de hauteur. On amene les vidimes jufqu’à la baluftrade : là on les égorge. On en prend les cuifl'es, & on les porte en haut pour les faire rôtir fur l’autel. On arrive à cette baluftrade par des marches de pierres qui font aux deux cotez. De la juL qu’au haut de l’autel ce font des marches faites avec la cendre des vidimes. Les femmes & les filles peuvent approcher jufqu’à la baluftrade, aux jours qu’il leur cft permis d’étre à Olympie -, mais il n’y a que les hommes qui puiflênt monter julqu’à l’autel. Les etrangers font reçus tous les joars à faire des facrifices, fans qu’il foit befoin d’attendre des jours plus folenncls, comme les temps de foires. Pour les Elcens, Une fe paflë point de jour qu’ils ne ïâcrificnt à Jupiter Olympien. Chaque année le dix-neuf de Mars [i] les devins apfortent de la cendre du Prytanee} ils la délayent dans de eau du fleuve Alphcc, & en font une cfpece de mortier dont ils enduifent l'autel : ce mortier ne fe peut faire [ i] avec d’autre eau. C’eftpourquoi l’Aiphcc paile pour être de tous les fleuves le plus agréable à Jupiter. A Didymes, ville du reffort de Milet, il y a un autel crige, dit-on, par Hercule de Thcbes, & confirme avec du mortier délaye dans le fâng des vidimes; mais cet autel étant devenu moins célébré, les facrifices ont diminué, te l’autel en eft moins bien entretenu.
44î
[i] Le dix-neuf de Mm. Amalêe dam û verfion latine dit le a9* Femtr-, il fe trompe. Le mois dit Elefbm étoit Je neuvième après Je Solftice d'Etc, de par confeqiient c’étoit notre mois de Mars, ou rtlxfbtiehn des Athéniens. Scaiigrr dans fon traite de b ré fimvnor des temps dit qu'il ne corrxât que Pauûr.us qui ait appelle du nom Z £/a>foa; le neuvième mois des EJéens. [1] A7/é fenl feue etet Feutre
Vo y a g e de l ’El id e . 444 Une autre merveille que l’on raconte de l’autel de Jupiter à Olympic, c’eft que les Milans qui de tous les oilcaux de proye font les plus carnaciers, refpeclent le temps du fâcrifice. Si par hazard un milan fe jettoit fur les entrailles ou fur la chair des viftimes, on en tirerait un mauvais augure. On raconte aufli qu’Hercule fils d’Alcmene facrifiant un jour à Jupiter dans Olympie, fut fi incommode des mouches, que lur le champ foit de fon propre mouvement, foit par le confeil de quelqu’un des afliftans, il immola une victime à Jupiter [ i ] Apomyius 5 & le fàcrifice ne fur pas plutôt achevé que l’on vit toutes les mouches s’envoler au de-là de l’Alphée. Depuis ce temps-là les Eléens ont coutume de faire tous les ans un fàcrifice pour être délivrez de l’importunité des mouches durant les jours de fêtes qui font confierez à Jupiter. Et dans tous les facrifices qu’ils font à ce dieu, ils obfervent inviolablement de ne brûler que du peuplier blanc. Je crois que la railôn de cette préférence, eft qu’Hercule a le premier apporté cet arbre de la Thefprotie en Grece, & qu’il ne (c fervoit pas d’un autre boispour faire rôtir les cuifles des viélimes. Il trouva cet arbre fur les bords de l’Achcron, fie l’on croit que c’eft pour cela qu’Homere [i] en parlant du peuplier blanc, le nomme le chêne de l’Achéroncar de tout temps les rivières & les fleuves ont produit différentes fortes d’herbes 8c de plantes. La Bruyère le plait fur les rives du Méandre, l’Afope, fleuve de Béotie, poulie des joncs d’une hauteur extraordinaire, 8c l’arbre de Perlée ne vient que fur les bords du Nil. Il n’y a donc pas à s’étonner fi le peuplier blanc a crû d’abord fur les rives de l’Achéron, comme l’olivier fur les bords de l’Alphée, 8c le peuplier noir chez les Celtes dans les lieux qui lônt arrofez de l’Eridan. Après avoir parlé du grand autel, il eft bon de parcourir auflî les autres luivant l’ordre que les Eléens eux-mêmes obfervent dans leurs facrifices. Car ils ont premièrement fix autels erigez en l’honneur des douze dieux dans le temple mê-
[1] A Jupiter Apomyius , c’cft-àdire, a Jupiter qui (baffe les mouches, du mot grec »«•"<«, mufea , mouche. Le mot Heeb.eliub > qui ctoit le nom d’une idole chez les Juifs , lignifie le muitre Ùr feiffneur des mouchet.
[1] C'eff pour edi qu Homcre. Dans riliadcl.i i. où leScoîiaftcdit<]u'Hercule eut unecouronne de peuplier pour avoir dompte1 le Cerbère. C’cft ce qui a fait dire à Virgile Ec.y. Populu> jft(ide gntij/hui.■■■■■■
Kkkij
444 Pa ü sa n i as , Liv r e V. me de Jupiter, en forte que l’on facrifie à deux divinitez tout à la fois fur le meme autel. A Jupiter [i ] & à Neptune fur le premier ; à Junon 8c à Minerve lur le lécond ; à Mercure 8c à Apollon fur le troifiéme ; aux Grâces & à Bachus lur le quatrième j à Saturne 8c à Rhca fur le cinquième ; à Venus 8c à Minerve Erganè fur le fixiéme. Les defeendans de Phidias font chargez du foin de nettoyer la ftatuë de Jupiter, 8c de la tenir toujours dans une grande propreté. Avant que de lé mettre à l’ouvrage, ils font un facrifice à Minerve Erganè. Minerve a encore un autre autel auprès du temple: celui qui luit, eft l’autel de Diane 5 quarrè par en bas il le rétrécit infenfiblement à mefure qu’il s’eleve, 8c il fc termine en pointe. Après ces autels vous en trouvez un qui eft commun à Diane 8c à Alphee. Pindare en donne la raifon dans une de fes Odes} & je la donnerai moi-même dans un endroit de cet ouvrage, oii il fera parlé de la ville de Letrines. ün peu plus loin AlJihée a un autel qui lui eft confacré uniquement: Vulcain a e fien auprès. Quelques Elcens difent pourtant que c’eft l’autel de Jupiter [x] Aréus: car ils prétendent qu’Œnomaüs avoit coutume de lacrifier fur cet autel à Jupiter Aréus, toutes les fois qu’il entreprenoit un combat contre ceux qui recherchoicnt fa fille Hippodamie en mariage. Enfuite vous voyez cet autel donc j’ai parlé , qui eft dédié à Hercule [j] Paraftatès, 8c quatre autres dédiez à les frere», Epimede, Ida, Péoneus, 8c Iafi»6j cependant l’autel d’Ida eft nommé par quelques-uns l’autel d’Acéfidas. Dans la place où étoit le palais d’Œnomaüs, il y a deux autels qui ont été élevez à Jupiter ; l’un fous le titre de Jupiter Hercéus par (Enomaiis même félon toutcapparencei l’autre fous le titre de Jupiter [4] Ccraunius, après la mort de
[1] A Jupiter tir i fe/tu. Les trois ou quatre lignes du texte qui contcnoient rénumération des fïx autels & des douze divinitez auxquelles on y facrifioit, font fi corrompues que l’on n’y entend rien ; & Kulinius qui a consulté les manufcrits de la bibliothèque du roi, avoue qu’il n’en a pu tirer aucun fecours. Ainfi cette énumération que j’ai fuppléc eft une pute conjciftuic ipndéc fur quelques mots de ces
trois ou quatre lignes , & fur ce que dit le Scoliaftc de Pindare. [1] De Jupiter Aréui, comme qui dirait, Jupiter Jïarlirf/. [}] A Hercule Puruftutèi, c’eft-àdirc, j Hercule propice, toujoun prêt i noui féconder.
[4] Jupiter Ceruuniui. K<fuinie,fulmrn. Jupiter Ccraunius, c’eft Jupiter foudroyant.
Vo y a c e d e l ’El id e . 44J ce prince, lorfque fa maifon eut etc frappée de la foudre. J’ai fuffilàmmcnt parle du grand autel de Jupiter, autrement dit l’autel de Jupiter Olympien : tout auprès c’cft l’autel des dieux inconnus. On trouve enfûitc l’autel de Jupiter [i] Catharfius, 8c celui de la Vitftoirc : l’autel de Jupiter furnommé Cthonius ou le terreftre : un autre confacré à tous les dieux : un autre en l’honneur de Junon Olympienne, fait de la cendre des vidimes, & élève par Clymcnus à ce que l’on croit. Suit l’autel d’Apollon & de Mercure : il eft commun à l’un 8c à l’autre, pareeque les Grecs regardent Mercure comme l’inventeur de la Lyre, 8c Apollon comme l’inventeur de la Cytharc. L’autel de la Concorde vient apres, puis celui de Minerve 8c celui de la mere des dieux. Auprès du ftade on voit deux autels, l’un dédié à Mercure [z] Enagonius, l’autre au dieu de ^Opportunité. Je connois une hymne du poetc Ion, où il fait le dieu de iOpportunité fils de Saturne 8c le dernier de fes fils. Près du tréfor des Sicyoniens on voit l’autel d’Hcrcule, foit que cet Hercule fut un des Curetes, comme veulent quelques-uns, ou que ce fût le fils d’Alcmene, comme d’autres prétendent. Dans la partie qui eft confacrceà la Terre, il y a fon autel qui eft aufli fait de la cendre des victimes. Les Elécns difent que de tout temps la déeflè a rendu là fes oracles. Sur le Stomium , c’cft un endroit [ 5 ] qu’ils appellent ainfi, Themisà fon autel. Près de là eft aufli celui de Jupiter furnommé [4] Catebatcs; il eft environné d’un mur, 8c fort peu diftant ( 5 ] du grand autel. Au refte en parcourant tous ces autels, j’avertis le leâeur que j’ai fuivi l’ordre, non de leur fituation, mais des facrifices que les Elécns ont accoutumé d’y faire. A côté du temple de Pélops on voit encore un autel confacré à Bachus 8c aux Grâces. Entre deux c’eft l’autel des Mufes, 8c celui des Nymphes enfuite. r 1] 7>e pupirerCutlmr/îui, comme qui dirait, de Jupiter Exploiteur , du verbe expia , j'expie. [1] /I Mercure Enuroniui, c’cft-àdirc, 4 Mercure conjîderé comme le dieu dei ^thletet. [5] ^u’ilmppellnt uin/i, du mot > bouche, ouverture.
(4] Cutebutii. Jupiter Cutefatér, c’eft Jupiter qui defeend du ciel au milieu des éclairs & du tonnerre. [ I ] Et fort peu diftunt. C’cft, je crois, ce que 1 auteur a voulu dite ;car le texte eft certainement altéré en cet endroit, quoique les interprétés n’en difent rien. Kkkiij
4+6 Pa u sa n ia s , Liv r e V. Au de-là <lc l’Altis eit un édifice que l'on nomme Pattelier de Phidias ; c’eft dans cette maifon qu'il a fait la ftatuë de Jupiter : vous y trouvez un autel dédie à tous les dieux. En revenant au bois fâcré on a devant foi le palais Léonidas. C’eft un édifice hors de l’enceinte du temple : il a été confâcré à Jupiter par Lconidas Eléen, 8c il donne fur le chemin que l’on tient pour aller au temple les jours de cérémonie. Aujourd’hui il fort à loger les magiftracs Romains qui ont leurs départemens en Grece. Cette maifon n’eft féparce du chemin que par une efpece de cul-de-fac. Si vous prenez enfuite à gauche dans l’Altis, vous verrez l’autel de Venus, puis celui des Heures. Sur le derrière du grand temple il y a un olivier que l’on nomme par excellence l’olivier aux belles couronnes -, pareequ’en effet on fc ferc de fes rameaux pour couronner les vainqueurs. Auprès eft un autel dédié auxNymf>hes, 8c ces Nymphes s’appellent aufli les Nymphes aux beles couronnes. Dans l’Altis ou bois fâcré, à droite du palais Léonidas, vous avez l’autel de Diane Agorca, puis l’autel de cette divinité que les Grecs ne nomment point autrement que [ i ] la Maïrreffi. Je dirai ce que c’eft quand j’en ferai à la defeription de l'Arcadie. Vous trouvez enfuite l'autel de Jufiter Agoreiis ; & devant le lieu où s’affemblent les Sénateurs, autel d’Apollon Pythius. Plus loin c’eft un autel de Bachus que l’on dit avoir été érige il n’y a pas long-temps par des particuliers. Sur le chemin qui meneaux barrières, on voit un autel avec cette infeription, conducteur des Parques. On ne peut pas douter que ce ne foit [x] un furnom de Jupiter; car lui feul commande aux Parques, 8c fixait ce que le deftin réferve aux hommes. L’autel des Parques eft prefque attenant, & s’étend en long : celui de Mercure fuie de près. Enfuite on en voit deux autres, dediez à Jupiter le très-haut. Dans cet efpace que l’on nomme les barrières, vers le milieu, Neptune & Junon repréfentez à cheval, ont chacun un autel tout découvert. Près de-là il y a une colonne, contre laquelle eft adofic l’autel des Diofcures} 8c à l’entrée
[i] Le Meitreje. Le mot grec eft vîr— fuivant le dialecte Dorien, mot en langage Dorien. compolè de «V>, duce , je conduits, & de Me.)*, Perce > fetiim > le Parque, le
[*] te ne [oit un (um,m de ejupuer. Ce furnom en grec étoit
Vô y a ce d e l ’El id e . 447 de la lice, pas loin de cc qu’ils appellent [ijl’Eperon, Mars & Minerve, tous deux à cneval hors de la barrière, ont aufli leur autel, l’un d’un côté,l’autre de l'autre. Au-dedans près de l'epcron c’eft l’autel de la bonne Fortune ; enfuite celui de Pan & celui de Venus. Plus loin c’eft l’autel de ces Nymphes qu’ils nomment invincibles. En revenant du portique d’Agaptus, ainfi appelle du nom de fon architecte, vous avez à votre droite l’autel de Diane ; &en rentrant dans le bois fâcrc par le chemin que l’on tient aux jours folennels, vous voyez derrière le remple de Junon deux autels, dédiez l’un au fleuve Cladée, l’autre à Diane. Un peu au de-là il y en a trois autres, dont le premier eft conlâcré à Apollon , le fécond à Diane furnommée Coccoca, & le troiiicme à Apollon die Thcrmius, furnom que l’on entend aifement, la lignification étant la meme chez les Elécns que chez les Athéniens. Pour celui de Coccôca qu’ils donnent à Diane, je n’en ai pu fçavoir la raifon. Devant [i] le Théécoléon, comme ils l’appellent, il y a un édifice, & dans un coin de cet édifice un autel de Pan : le Prytance eft dans le bois facré de Jupiter auprès du Gymnafc, où l’on s’exerce à la courte & à la lutte. Devant la porte du Prytanée on voit un autel de Diane chaf tereflè; & dans le Prytanée meme , près du lieu où eft le foyer facré, il y a encore un autel dédié à Pan. Ce foyer facré eft fait de cendres, & l’on y entretient foigneutement du feu jour & nuit toute l’année. On en prend la cendre, qui tert plus que toute autre à faire cette cfpece de mortier dont on répare, ou l’on entretient l’autel de Jupiter, ainfi que je l'ai raconté. Chaque mois les Elcens facrifient fur tous les autels dont j’ai fait mention. Ils couvrent l’autel defeiiilles d’olivier, brulent de l’encens & de la farine de froment pétrie avec du miel, & ufent de vin dans leurs libations, excepté lorfqu’ils facrifient aux Nymphes, ou à cette divinité qu’ils nomment Az [i] /oui de ce qnili ipfclient frgrrwi. Le terme grec eft'>■£>••• Paufinias dans fon fixiéme livre décrit la barrière d’Olympie , & dit qu'elle avoir la figure d'un navire qui autoit la prouë tournée vers la lice. En parlant dccetteproue il dilhngue une partie qu'il appelle l'epcron, 11
faut donc entendre l’endroit dont i! S’agit ici, par celui où il s’explique plus clairement dans fon 6' livre. [a] Le Tbééctlénn. C’eft à peu près comme qui dirait, le preiljtere, à la lettre, le Ingu eà demeurent lu mtntjttes du dieu.
44» Pa u sa n ia s , Li t i i V. Maïtrejje , ou à tous les dieux en général, car alors iis ne fe fervent point de vin. Le foin de ces facrificcs cil confié au prêtre qui eft en tour de préfider, car chacun a ion mois d’exercice. Il eft affilié des devins, de ceux à qui il appartient d'apporter les libations, des interprétés , d’un joueur de flûte , & de celui qui fournit le bois. Quant aux paroles qu’ils prononcent en faifant les libations dans le Prytanée, & aux hymnes qu’ils chantent, je me crois difpenfé de les rapÎiortcr dans ces mémoires. Non-feulement les Eléens font des ibations aux dieux de la Grece, mais ils en font encore a Jupiter [ i ] Ammon, à Junon Ammonia, & à Parammon : Parammon eft un furnom de Mercure. On voit que de tout temps ils ont eu recours à l’oracle de Libye: des autels confacrez par les Eléens dans le temple de Jupiter Ammon en font foi ; l’infcription marque & la nature des choies fur quoi ils confultoient l’oracle, & la réponfe de l’oracle & les noms de ceux qu’ils avoient envoyé le confulter. Ils font auffi des libations en l’honneur de leurs héros & des femmes de ces héros. Dans ce nombre ils comprennent les héros d’Etolie comme ceux d’Elide. Tout ce qui fe chante dans le Prytanée, cil écrit en langue Dorique ; mais ils ne gavent pas eux-mêmes qui eft l’auteur de ces cantiques. Enfin ils ont dans le Prytanée une laie [ 1] pour lesfeftins publics vis-à-vis de l’endroit où ils gardent le feu facré ; & c’eft là que font traitez ceux qui remportent la victoire aux jeux Olympiques. Il me faut maintenant parler du temple de Junon & de ce 2u’il contient de plus remarquable. Les Eléens difent que ce >nt les Scilluntiens , peuples de Triphylie, qui ont bâti ce temple la huitième année du régné d’Oxy lus. L’archiceclure en eft Dorique, une colonnade régné tout alentour, & des deux tolonnes qui foutiennent la partie de derrière, il y en a une qui eft de bois de chcnc. Ce temple a foixanteSc trois pieds de longueur : on ne fçait point qui en a été l'Architede. Seize matrones font commîtes pour broder un voile que l’on confacre à Junon tous les cinq -ans ; & ce font elles auffi qui font célébrer des jeux en l’honneur de la dccllè. Ces jeux
fi] ffufittr jlmmon. Je lis avec [a] Une fait ftui letfrfiint. AmaKuhmusrÿ ■' > qui lignifie/'«ni- lie n’a exprimé ici qu’une partie de ce tir de Lybtt, ou l'nAtlt d'Jinmcr., au que dit fauteur, beu de qui eft une faute de copillc.
confiftent
Vo y a g e d e l ’El i d e . 449 . confident â voir les filles difputer le prix de la courfe entrecllcs. Pour cela on les diftribue toutes en trois elafles : la première cft compofèe des plus jeunes, la fécondé de celles d’un âge au dcfliis, la troificme des plus âgées 5 8c il y a un prix pour chaque claflè. Quand elles courent, elles ont les cheveux flottans, la tunique abbaiflee jufqu’au-deflous du l’épaule droite toute nue 8c débarraflec jufqu ’au loin. fein. genou, l'épaule Elles font aufli preuve de leur légèreté dans le ftade d’Olympie ; feulement on abrégé la carrière de la fixicme partie pour l’amour d’elles. Les viftorieufes remportent une couron• ne d’olivier, & reçoivent une portion de la geniflè qui a été immolée à Junon ; même il eft permis d’appendre leurs portraits pouréternifer leur nom Scieur gloire. Les feize matrones préfidentàces jeux avec un pareil nombre d’aflociées, qui jugent avec elles. Les Eléens prétendent que cette infticution eft fort ancienne $ ils l’attribuent à Hippodamie, qui voulant remercier Junon du bonheur qu’elle avoit eu d’epoufer Pélops, choifit lèize de fes compagnes, 8c de concert avec elles inftitua ces jeux en l’honneur de la déefle. Ils difent queChloris fut la première qui remporta la vidoire,8cque cette Chloris fille d’Amphion étoit renée feule d’un grand nombre d’cnfansavec un de lesfreres. J’ai rapporté dans mon voyage d’Argos tout ce que je fçavois de cette malheureufe race de Niobé. Quant aux lèize matrones qui jugent du prix de la courfe, on en raconte encore une autre origine. On dit que Démophon, tyran de Pife, fit des maux infinis aux Elcens, & qu’apres là mort, comme les Pifcens n’avoient point été complices de fa méchanceté, les Eléens voulurent bien s’en rapporter à eux du dédommagement qu’ils demandoient. Il y avoit alors feize villes dans toute l’Elide. Les deux peuples pour terminer leur diftèrend à l’amiable, convinrent de choifir dans chaque ville une femme rcfpedable par fon âge,par fa nail(ânee 8c par fa vertu. On nomma donc feize graves Matrones,qui par leur prudence réglèrent les prétentions des Elcens, 8c rétablirent la bonne intelligence entre les deux peuples. Dans la fuite on leur confia la direction des jeux qui fe célèbrent en l’honneur de Junon, 8c le foin de faire le voile de la déefle. Elles font auflî chargées de l’entretien de deux chœurs de mufique, donc l’un eft nomme le chœur de Phyfcoa, l’auTvme I. LU
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4p Pa ü sa n îa », Livnr V. tre le chœur d’Hippodamie. Phyfcoa, fuivant ce qu’ils en dilent, étoit une fille de la baffe Elidé, & de la tribu d'Orthia : elle fut aimée de Bachus, dont elle eut un fils qui eut nom Narcée. Ce fils devenu grand , fit la guerre à fes voifins, fe rendit fort puiflânt & bâtit un temple à Minerve fous le nom de Minerve Narcéa. Il inftitua le premier des ûcrifices à Bachus ; 6c en l’honneur de Phyfcoa il inftirua ce chœur de mufique qui porte encore fon nom ; pour ne rien dire de beau, coup d’autres honneurs qu’il lui fit rendre. Les Eléens confervent toujours le même nombre de matrones 5 mais ce n’eft plus à caulè de leur lèize villes, c’eft qu’étant aujourd’hui partagez en huit tribus, ils élilènt deux femmes de chaque tribu. Ces lêize matrones, ainfi que les directeurs des jeux Olympiques au nombre de dix, n’entrent point en fonâion 3u’clles ne fe foient purifiées par le facrificed'un porc & avec e l’eau de la fontaine Piera, qui eft dans la plaine par où l’on va d’Olympie à Elis. Toutes ces chofes me font connues telles que je les rapporte. —--------Dans le temple de Junon la déefle eft affîfe fur un trône, XVl/ JuP’cer cff auprès : il eft reprefentc de Isout la tête dans un calque, avec de la barbe au menton. Le trône & les ftatuës font d’un goût fort ancien, pour ne pas dire, greffier : les Heures fontaufli aflifes fur des troncs,& leur mereThémis auprès. C’eft Emilus d’Egine qui a fait les Heures. Pour la ftatuc de Thémis, c’eft un ouvrage de Doryclidas Lacedcmonien, dilciple de Dipœne 6c de Scyllis. Les cinq Hefpcrides que l’on voitenfuite, font de Thcoclès aufli Lacédémonien fils d’Hegylus, & eleve des mêmes maîtres. La Minerve qui fuit armée d’un calque, d’une picque 6c d'un bouclier, pafle pour être de Médon autre Lacédémonien, qui étoit, dit-on, frere de Doryclidas, & forti de la meme école. Cerès & Proferpine font couchées vis-à-vis l’une de l’autre. Apollon & Diane font aufli l’un d’un côté , l’autre de l’autre, mais debout. On voit enfuite uneLatone, une Fortune, un Bachus, & une Vidoirc avec des ailes. On ne fçait point de qui font ces ftatuës 5 elles m’ont paru fort anciennes. Toutes celles dont j’ai parlé jufqu’ici, font d’or & d’y voire. Mais il y en a plufieurs d’un goût plus moderne, entr'autres un Mercure de marbre, qui porte le petit Bachus entre fes bras ; une Fortune de Praxitèle, une Venus de bronze faite par Clcon Sicyc.
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nicn difciplc d’Antiphane, qui avoit eu pour maître Péricktc, clcve de Praxitèle d’Argos. Aux pieds de la Venus eft aflis un enfant nud ; c’eft une petite ftatuc de bronze dore, que l’on atrribue[i]à Boëthus de Carthage. Pour lesftatucs [i] d’Olympias Sc d’Eurydice que l’on voit enfuite, 6c qui (ont d'or Ce d’yvoire, elles ont etc transférées de la Rotonde de Philippe dans le temple de Junon. Mais une des raretez les plus confidérablcs du temple, c’eft un grand coffre de bois de cedre, dont le dcfl'us eft orné de figures d’animaux, les unes d’or, les autres d’yvoire, & les autres gravées fur le cedre même. On dit que la mere de Cypfélus ayant accouché de lui, ôc fcachant que [j] les Bachiades chcrchoient cet enfant pour le faire périr, s’avifâ de le cacher dans ce coffre. C’eft le même Cypfélus qui depuis fut le tyran de Corinthe. Les Cypfélides fes defeendans confacrérent ce coffre à Junon Olympienne, en action de grâces de ce que l’auteur de leur nom avoit été fi heureulèment fauvé. Le nom meme de Cypfélus vient d’un mot grec [4] dont les Corinthiens fc fervoient pour lignifier un coffre. Quoiqu’il en foit, il y a fur ce coffre plufieurs inferiptions en caraâeres fore anciens ; les unes font compofées de lignes qui vont toujours de gauche adroite, félon l’ordre naturel & communément fuivi ; les autres de lignes qui vont en rétrogradant comme par filions, à la maniéré [5] dont les beufs labourent la terre, ou dont nous voyons que le ftade fe double â la courfe : quelques-unes même font écrites en lettres dont les traits font fi brouillez & fi confus qu’il n’eft pas portable de les déchiffrer. Si vous confiderez ce coffre depuis le bas jufqu’cn haut, vous ferez furpris de la quantité de figures que l’on a gravées deflus. Premièrement en bas fur le devant vous voyez (Enomaüs qui pourfuit Pélops fuyant avec
[ 1 ] A Boïtbui de Carthage. Pline en parle comme d’un excellent graveur, fur-tout en argent ; mais par cet endroit de Paufanias il paroît que c’étoit aufli un habile ftaniairc. [ 1] Pont let Jfatu'èt d’Olympia! & d’A’Hrynirr.Olympias ctoit femme de Philippe, & Eurydice étoit fa mere. ( î J Que let Bachiadet. Il en a été parlé dans la voyage de Corinthe.
4 la Table. [4] D'un mot grec dont 1er Corinthien! fe fervoient. Ce mot grec eft , area > un coffre. [iJAIa maniéré dont let beufi. C’eft
ce que les Grecs appclloient0*r»>r**1 & c’étoit la manière d’écrire des Hébreux : les loix de Solon étoient écrites , c’eft-à-dirc en rétrogradant & comme par Sillons.
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451 Pa u san ia s , Liv r e V. Hippodamic. Ils ont chacun un char attclc de deux chevaux j mais les chevaux de Pélops ont des [ i ] ailes. Enfuite vous voyez le palais d’Amphiaraüs, & une vieille qui porte dans fes bras le jeune Amphiloque. Devant la porte du palais vous diftinguez Eryphile [ a] avec fon collier, elle eft debout ayant à côté d’elle lès filles Eurydice & Démonaffe avec le petic Alcméon, qui eft repréfenté nud. On a oublié Alcmène, s’il eft vrai comme le pocte Afius ledit, qu’elle fut fille d’Am{■hiaraüs & d’Eryphile. Bâton l’écuyer d’Amphiaraüs tient es rênes de fes chevaux d’une main, &une lance de l’autre. Amphiaraüs a déjà un pied fur fon char : il tient fon épée nue, & tourné vers fa femme, on voit qu’il s’emporte [5] contr’elle, & que peu s’en faut qu’il ne la perce. Derrière le palais d’Amphiaraüs on célébré des jeux funèbres en l’honneur de Pélias. Il y a une foule de fpe&ateurs, au milieu defSjucls eft Hercule aflîs fur un trône. Derrière lui eft une [4] emme qui joüe de la Hùte Phrygienne , & l’infeription la fait connoître. Pifus [5] fils de Perforés,& Aftérion fils deCométas montez chacun fur un char, pouffent leurs chevaux dans la carrière : on dit qu’Aftcrion fut du nombre des Argonautes. Pollux, Admete & Eupheme difputent le même prix. Si l’on en croit les poctes, cet Eupheme ctoit fils de Neptune, & il accompagna Jafon à l’expedition de la Colchide. Quoiqu’il en foit, on voit que c’eft lui qui remporte la viâoire. D’un autre côté Admete & Mopfus fils d’Ampyx font aux prifes & foutiennent le combat du Celle. Au milieu d’eux eft un homme qui joüe de la flûte comme il fe pratique encore de notre temps, pour animer les Pentathles au combat du faut. Le combat de la lutte fe paffe entre Jafon & Pelée ; ils paroiflènt de force égale. Eurybote eft dans la pofture d’un
[1 ] Mm les cheveux de Pe'lops eut des mies. Pour marquer que Pélops
tent l’avoit engagée à prendre parti contre fon mari. courait plus vire. [4] Derrière lui eft une femme. Le [1] F.rypbsle evec fon cellier. Il en texte temblc dire derrière lui eft fit femme , comme l’a rendu Amalce ; mais fera parle amplement dans la fuite. Sylburgc aime mieux prendre vvwpour [ ?]0» voit qu’il s'emporte contr’elle. nir femme enge'ne'ral, Sc je l’ai fuivr. Ampiiiaraüs étoit irrite contre fa fem[ f ] Pifus fils de Penérès. Apollome Eryphile, pareeque malgré û dc- dorc & le Scoiiaftc de Thcocritc font fenfe elle avoit reçu de Polynicc un Pifus petit-fils de Pericrcs & filsd’Acollict de grand prix , que ce prê- pharcüs. Pnulmscr.
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homme qui jette Ion palet. Cet Eurybotc, quelqu’ilïbit, s’eft rendu célèbre dans ccttc cfpecc de combat. Mclanion, Neothée, Phalarce, Argius Sc Iphiclus font les cinq qui paroiffent avoir difputé le prix de la courfc à pied : Iphiclus remÎorte le prix, Sc Acaftc lui met une couronne fur la tête. Cet phiclus ctoit le pere de Protéfilas qui alla au liège dcTrove. On voit dans le même tableau plufieurs trépieds pour les vainqueurs. Les filles de Pèlias alliftent à ces jeux ; l’une d'elles eft nommée dans l’infeription, c'eft Alcefte. Iolas le compagnon volontaire des travaux d’Herculc remporte le prix de la courlê du char à quatre chevaux, Sc c’eft par là que finiflènt les jeux funèbres de Pclias. On voit encore Hercule qui tuë à coups de flèches l’hydre [i] de la fontaine d’Amynione, & Minerve auprès de lui : aucune infeription n’indique ni le héros , ni l’entreprilê ; pareeque l’on ne peut s’y mé« prendre. La dernière peinture de ce tableau repréfente Phinée roi de Thrace Sc les fils de Borce qui chaflent les HarpyæsLa face du côté gauche n’eft pas moins remplie ni moins ~--------diverfifiée. Vous y voyez une femme qui tient deux enfans xvîu dans fes deux bras, l’un d’un côté, l’autre de l'autre; l’un blanc, l’autre noir; l’un qui dort, l’autre qui femble dormir, tous les deux ont les pieds contrefaits. Une infeription les fait connoître.- mais indépendamment de toute infeription, qui peut douter que l’un de ces enfans ne foit le Ibmmeil, l'autre la mort, 6c que la femme qui les tient ne foit la nuit, Sjui eft comme la nourrice de l’un 6c de l'autre? Une autre emme de figure gracieufe en tient une laide par le col ,6c de la main droite leve le bâton fur elle : c’eft la juftice qui reprime 6c châtie l’Injuftice. Deux autres femmes pilent quelque chofe dans des mortiers, apparemment qu’elles étoient verfees dans la pharmacie ; c'eft tout ce que l’on en peut dire faute d’infeription. Mais on ne fçauroit être trompé à la fifjure qui fuit. Le graveur a eu loin de marquer que c’eft a belle Marpeflé qu’Apollon avoit ravie à Idas , & qui d'elle-même vient retrouver fon mari. Vous voyez eru
[i] T>t /x fontaine f/lmmexe. Strabonliv.S. dit que c’étoit une fontainc près de Lerna. Peut-être cette fontaine foimoit-cUc un gros ruifleau
que Paufanias appelle’t-’w-'r. J’airvmarqué que dans cet auteur le mot ■•••■•< lignifie quelquefois un limpl* ruifleau. LIliij
4(4 Pa u sa h ia s , Li t i i V. fuite un homme vêtu d’une tunique qui tient une coope d'une main, St un collier de l'autre : il les présente à Alcmene qui les reçoit; ce qui a peut-être du rapport à ce que difent les poètes Grecs, que Jupiter prit la reflcmblance d’Amphytrion pour tromper Alcmene. Plus loin c’elt Mcnélas en cuiraflé, qui l’épée à la main pouriuit Hclene, comme on dit qu’il fit apres la prife de Troye. Mcdce eft aflife fur un trône, ayant Jafon à fa droite, & Venus à fa gauche. Un vers hexametre écrit au-dellous, fait connoitre les perfonnages:
Medée eft à Jafon, Venus ainfi l’ordonne. On voit auflî les Mules qui fe difpofent à chanter, & Apollon qui leur donne le ton ; l’infcription le marque par ce vers,
Au concert des neuf Cœurs Apollon préludant. Dans le tableau fuivant c’eft Atlas qui porte le ciel & la terre fur fes épaules comme le dit la fable. Il tient en fes mains les pommes d’or des Hefpérides. L’infcription ne dit point qui eft celui qui s’approche d’Atlas avec une epee à la main 5 mais on conjecture aîfément que c’eft Hercule. Après Atlas
vous voyez Mars armé, qui emmene Venus : l’infcription marque feulement le nom du dieu. Enfuite c’eft la jeune Thétis : Pelce veut l’cmbraflèr, mais Thétis un ferpent à la main menace Pelce. Ce tableau finit par les fœurs de Mcdufc, qui Eourfuivent Perfce dans les airs; car elles ont des ailes aufliien que lui ; il n’eft parle que de Perfce dans l’infcription. Le derrière du coffre vous préfente une image de guerre. Vous voyez deux gros d’infanterie avec quelques chefs qui font fur des chars. Une partie de ces troupes femble vouloir en venir aux mains, & vous diriez que les autres lesrcconnoiflent & font prêts à les embrafler. Les interprétés ne font pas d’accord fur le fujet de ce tableau. Les uns difent qu’il repréfente les Etolicns fous la conduite d’Oxylus, & rangez en bataille contre les anciens Elécns: que ces peuples fefouvenans qu’ils étoient tous lortis de la meme origine, mettent bas les armes, & d’ennemis qu’ils étoient deviennent amis. Les autres veulent que cefoient les Py liens & les Arcadiens qui vont fe livrer bataille auprès de Phigalce fur le Jardan. Mais je n’approuve pas le fentiment de quelques autres, qui prétendent que l’aycul maternel de Cypfclus qui ctoit Corinthien, & qui pofledoit ce riche coffre , eut fes raifons pour ne pas
Vo y a g e d e l ’El id e . 455 choifir un fujet tire de l’hiftoirc de Corinthe, & qu’il aima mieux faire graver quelque événement étranger qui d’ailleurs n’eût rien de fort mémorable. Pour moi, je bazarderai aufli ma conjecture. Cypfélus en remontant [ i ] jufqu’à la fixiéme génération, fê trouvoit originaire de Gonufe petite ville audelliis de Sicyone.Dans mes Mémoires fur Corinthe j’ai dit que Mêlas fils d’Antafus ctoit venu avec quelques troupes pour s’établirà Corinthe, mais qu’Aletès à caule de je ne fçai quel oracle, ne l’avoir pas voulu recevoir: dans la fuite Mêlas fit fi bien fa cour à Aletès qu’après beaucoup d'importunitez il fut enfin reçu dans la ville, lui & fes troupes. C’eft, je crois, cet événement que l'on a voulu reprélênter. ______ Il me refte à décrire l’autre côte du coffre, c’eft - à-dire Ch a r. le quatrième en prenant par la gauche. Vous voyez premié- XIX. rement Borée qui enleve Orithyie : il a des queues de lèrpcns en guife de pieds. Hercule combat contre Geryon, & l’on voit comme trois Geryons dans un meme corps. Théfée qui luit, femblc jouer de la lyre ; Ariadne eft à côté de lui Sc tient une couronne. Vous avez enfuite le combat d’Achille Sc de Memnon j ces deux héros ont leurs propres incres pour témoins de leur valeur. Celui qui fuit c’eft Mélanion: près de lui eft Atalante qui tient un faon. Hector Sc Ajax apres s’être défiez en viennent aux mains, laDifcordelêfait voir au milieu d’eux, & la figure en eft hideufe. C’eft cette Difcorde que Calyphon de Samos a copiée lorfque dans le temple de Diane à Ephclè il a voulu peindre le combat des Grecs auprès de leurs vaiffeaux. Enfuite font repréfentez les Diofcures : l’un de ces frères n’a point encore de barbe , Helcne eft au milieu d’eux , Sc à fes pieds Ethra fille de Pitthcüs en habit de deiiil. L’infeription eft telle:
Hélène avec Ethra d’Athènes ramenée. Iphidamas fils d’Antcnor eft couché par terre , Sc Coon pour le venger fe bat contre Agamcmnon. La Terreur eft figurée
fi] Cypféluen rtmtnunt. Cet endroit du texte a paru liifpeél aux interprètes, & avec raifon ; car il eft certainement corrompu. Paulmier l'a rétabli , & j’ai fuivi la conjeAure. La généalogie de Cyplcluscft rapportée
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dans les Corirtthiaques cliap. 4. Il y eft dit que Mêlas , un des ancêtres de Cyplïlus, étoit de GonufTc petite ville dont Homère parle dans le dénombrement des troupes qui compolôicnt 1 armée d’Agamcmnon.
Pa u sa n ia s , Liv r e V. par une côte de lion fur le bouclier de ce prince. On lit deux inlcri prions dont l’une eft ainfi conçuë : Coon venge la mort du brave Iphidamas. Et l’autre fur le bouclier d’Agamemnon eft en ces termes:
Le ferme appui des Grecs & l'effroi des Mortels.
A droite on voit Mercure qui préfente les trois déeflès à Paris fils de Priam pour être jugées fur leur beauté , &c c’eft ce que dit l’infcription. Diane vient après, tenant un léopard d’une main, &c un lion de l’autre; elle a des ailes aux épaules , & je n’en devine pas la raifon. La peinture fuivante repréfente Caflandre embraflant la ftatuë ae Minerve, &Ajax qui l’en arrache ; voici l’infcription.
Caflandre implore en vain le fecours de Minerve. Vous diftinguez enfuite les malheureux fils d’GEdipe: on voir Polynice tombé fur fes genoux, & fon frere Etéocle qui lui met le pied fur la gorge. Derrière Polynice eft une femme qui à lès dents aiguifées, & à fes ongles crochus paroît un monftre cruel. L’infcription dit que c’eft la Mort, cette Parque imKablc, pour faire entendre que Polynice cède à la force >n deftin, & qu’Etéocle eft juftement puni. Enfin vous voyez Bachus couché tout de fon long dans une grotte : il a de la barbe au’menton ; il tient une coupe d’or à la main, & une longue tunique lui defeend jufqu’aux talons : des ceps de vigne, des pommiers & des grenadiers tapiflènt l’encrée de la grotte. Le aeflus du coffre eft fans aucune inlcription ; il faut deviner le deflein de l’ouvrier par la nature des fujets qu’il a traitez. Le premier qui fe préfentc c’eft un homme & une femme couchez enfemble fur un lie dans un antre ; on comprend aifçment que c’eft ülyfle & Circé 5 le nombre des femmes qui attendent leur maîtrefle à la porte,& l’ouvrage qu’elles font, n’en laiflènt pas douter ; car elles font quatre, & leur occupation eft telle qu’Homere la décrit. On voit enfuite un Centaure avec des pieds d’homme par-devant, & des pieds de cheval par derrière. Près de lui font des chars attelez, & des femmes dedans. Les chevaux font ailez, & leurs ailes font dorées. Une de ces femmes reçoit une armure de la main d’un homme. 11 y a toute apparence que çela regarde la mort de Patroclc»
Vo y a g e d e l ’El id e . 447 Patrocle ; car je croirais que ces femmes font des Néréides, dont l’une qui cft Thétis reçoit de Vulcain les armes qu’il avoit fabriquées pour Achille. En effet celui qui préfente ces armes paraît n’être pas bien ferme fur les pieds, & celui qui le fuit a tout l’air d’un forgeron ; il tient même des tenailles. On peut aufli croire que le Centaure n’eft autre que Chiron, qui déjà pafl'é d’une vie à l’autre & mis au nombre des dieux, vient donner quelque confolation à Achille. Pour les deux filles qui fuivent, portées fur une efpece de char par des mulets , & dont l’une tient les rênes, l’autre a un voile fur la tête, on croit que c’cft Nauficaé fille d’Alcinoüs, qui va au lavoir avec une de fes femmes. Quant à celui qui décoché des flèches contre des Centaures, 6c qui en tue un grand nombre , on ne peut douter que ce ne foit Hercule, & l’un de fes travaux que l’on a voulu repréfenter. Au refte je n’ai jamais pu fçavoir ni meme deviner qui a fait ce coffre. Pour les inferiptions, je puis me tromper; mais je les crois d’Bamélus de Corinthe: j’en juge par plufieurs autres de fes ouvrages, & fur-tout par une hymne qu’il a faite pour le dieu de Delos. Dans le temple de Junon il y a bien d’autres offrandes faites à la déelfe, & dignes de curiofité. On voit entre autres un petit lit garni d’y voire, le palet d’Iphitus, & une table fur laquelle on met les couronnes réfervées aux vainqueurs. On prétend que le lit étoit un bijoux d’Hippodamie. A l’égard du palet d’Iphitus, les Eléens s’en fervent pour indiquer les jeux Olympiques avec le temps de trêve & les franchifes dont ils font toujours accompagnez. Ces loix font écrites fur le palet, non en lignes droites comme il fe pratique ordinairement, mais tout alentour & en rond. La table eft d’or &d’yvoire: c’eft ain ouvrage [ 1 ] de Colotès, qui ctoit, dit-on, un defeendant d'Hercule. Cependant ceux qui ont recherché l’origine des fameux ouvriers font celui-ci natif de Paras, & difciple [1] de Palîtele. On voit auflî pluficurs ftatuës de divinité/. ; un Jupiter, une Junon, une mere des dieux, un Apol-
[ 1 ] Dt Calttif.U yaeu deux fameux ftatuaires de ce nom, l'un difciple de Phidias, \ dont il cft parlé dans Pline liv. ; {.ch.8. l'autre dont Pauûnias fait ici mention. [a] De PjJîtele. Pauûnias drfoit Tome I.
auflî de qui Pafitdc avoit été difciple ; nuis il y a quelques mots d’oublicz pat le copiftc , & qui nous ont fait perdre le nom du maître de ce prand ftatuairc donc Pline fut une honorable mention 1. $ f. ch. 1 a. & L jtf. ch.40. Mmm
xx.
Pa u sa n ia s , Liv r e V. Ion & une Diane. Dans la partie la plus reculée du temple il y a une delcription des jeux Olympiques. A l’un des cotez vous trouvez un Elculape 6c une Hvgéia, une ftatuc de Mars avec la repréfentation d’un combat : de l’autre côte vous voyez Pluton , Proferpinc, Bachus & deux Nymphes, dont l’une tient une boule , l’autre une clé ; car la clé eft le fymbole du dieu des enfers, & lui-inême ferme fi bien la porte de ces lieux lôuterrains que nul de ceux qui y font une fois entrez n’en peut fortir. Je ne dois pas omettre ici ce qu’Ariftarque [ i ] mon antiquaire me conta comme une choie arrivée de Ion temps & dont il avoit été témoin. Lorfque les Eléens firent réparer le temple de Junon, dont la voûte menaçoit ruine, on trouva entre la voûte & la couverture le cadavre d’un homme armé en guerre 8c mort de fes bleflures : c’étoit apparemment un de ces Eléens qui foutinrent le fiége contre les Lacédémoniens dans l’Altis -, car ils fe retirèrent difhs les temples pour combattre l’ennemi de plus haut & avec avantage ; cet homme percé de coups s’étoic traîne là, 6c y avoit rendu l’ame. Quoiqu’il en foit, depuis tant d’années fon corps s’étoit confervé entier, par la raifon, comme je crois, que dans cette cache n’étant expofé ni au chaud ni au froid, il avoit peu fouffert de l’impreflion de l’air. Ariftarque me dit que ce corps avoit été tranlporté hors de l’Altis & inhumé avec lès armes. En allant du grand autel au temple de Jupiter, on trouve une colonne de bois, que les Eléens appellent la colonne d’Œnomaus ; c’eft à gauche. Quatre autre colonnes foutiennent le platfond de ce côté-là, & lèrvent aufli d’appui à la colonne de bois, tellement cariée de vetufté , qu’on a été obligé de la revêtir de cercles de fer. On dit que c’étoit autrefois une colonne du palais d’CEnomaüs, 6cque ce fut tout ce qui en refta lorfque ce palais fut brûlé par le feu du ciel $ des vers gravez fur une lame de cuivre attellent cette particularité :
Seule d'un grand palais à la flamme échapée, Pour un plus faint emploi je fus ici portée. Les fers luccéderent à mon premier malheur, Mais je fais de ces fers ma gloire & mon bonheur, [ 1 ] ^u’ylriflurque mon tntiquùrt. fanias ; c’étoit un Elécn quimonrtoit Amafcc fc trompe ici en prenant pour à Paufanias les curiolitez du pays 6c un auteur l'Ariftarque, dont parle Pau- les lui expliquoit.
Vo y a g e ni l ’El id e . 459 Dans le temps que j’etois à Olympic, un Sénateur Romain ayant remporté le prix aux jeux Olympiques, voulut placer la ftatuë avec une infeription, pour lailicr un monument de là victoire. En creufant la terre auprès de la colonric d’Œnomaiis, on trouva des débris de chars, de mors, de boucliers & d’armes de toute forte, que j’eus tout le temps de confiderer. Je ne dois pas oublier un grand temple dont l'architecture elt Dorique. Les Elccns dilent que c’cft un temple de la mere des dieux , quoique l’on n’y voye aucune ftatuë de cette deeffè : car pour moi, je n'y ai vù que des ftatucs d’Empereurs Romains. Le temple eft dans l’Altis tout auprès d’une chapelle que l'on nomme la Rotonde de Philippe, pareequ'en effet elle eft bâtie en rotonde. Un gros pavot de bronze fort de lien & de clé à la voûte. Cette chapelle eft à l’extrémité de l’Altis, Sc à gauche du Pry tance : elle elt de briques, & foutenuc de tous cotez par des colonnes. Philippe la fit bâtir après cette grande victoire qu’il remporta fur les Grecs à Chcronée. On y voit de magnifiques ftatucs d'or & d’yvoire faites par Léocharès{ ce lbnt les ftatucs de Philippe, d’Aléxandre, Se d’Amyntas pere de Philippe : Olympias ôc Eurydice y avoient aufli les leurs. Il me faut maintenant parler deplufieurs autres monumcns qui font confierez dans l’Altis ; quoique le nombre en foit grand, je tâcherai d'éviter la confufion : car il n’en eft pas comme de la citadelle d*Athènes, où tout ce que l’on voit eft également confacré aux dieux. Dans l’Altis parmi les divers monumcns dont il eft rempli, les uns font faits en vûé d'honorcr les dieux, les autres fè rapportent aux hommes, à qui l’honneur d’une ftatuc tient lieu de récompenfê. Je parlerai des uns Sc des autres} mais il faut commencer par ce qui regarde les dieux. En allant du temple de la mere des dieux au ftade, quand on eft au pied de la montagne de Saturne, on trouve fur la Sjauchc une baluftrade de pierre, d’où le terrein s’élève incnfiblcmcnt jufqu’à la montagne par des marches faites de main d’homme. Là font placées fix ftatucs de Jupiter , qui toutes fix font de bronze, & qui ont été faites du produit des amendes aufquellcs ont etc condamnez des Athlètes qui avoient ufc de fraude fie de fupcrchcrie pour remporter le prix aux jeux Olympiques. Ces llatuës font nommées en lanM m m ij
460 Pa u sa n ia s , Liv re V. gage du pays les fix Zanès : elles furent pofees en la quatrevingt-dix huitième Olympiade; car ce fut en ce temps-là qu’EupOlusThcflaliencorrompit ceux qui fe prefentoient avec lui pour le combat du celle, fçavoir Agétor d'Arcadie, Pryranis de Cyfique,& Phormion d’Halicarnaflc, qui l’Olympiade précédente avoit été couronné. Ce font les premiers, à ce que l'on dit, qui ont introduit la fraude dans les jeux Olympiques ; & les premiers aufli que les Elccns ont condamnez à l'amende : Eupôlus pour avoir donne de l’argent, Se les trois autres pour en avoir reçu. De ces fix ftatucs, Cléon de Sicyone en a fait deux, l<fs quatre autres, je ne fçai de qui elles font. La troificme fie la quatrième n’ont point d’infeription; aux autres il y a des vers élegiaques. Ceux de la première avertiflèntquc le prix des jeux Olympiques s’acquiert non par argent, mais par la lcgeretc des pieds & par la force du corps. Ceux de la féconde difent que la ftatuë a etc crigce à Jupiter par un motif de religion , & pour faire craindre aux Athlètes la vengeance du dieu,s’ils ofènt violer les loix qui leur font preferites. L’infcription de la cinquième eft un éloge des Elccns, fur-tout pour avoir noté d’infamie ceux qui avoient voulu tromper au combat du celle. Les vers qui font au bas de la fixiéme, difent que la confécration de ces ftatucs avertit les Grecs que ce n’eft pas par des largcflès qu’il faut chercher à vaincre dans les combats inftituez en l’honneur de Jupiter Olympien. Depuis la condamnation d’Eupolus on dit que Callippe Athénien acheta de fes antagoniftes Je prix du pcntathle : cela arriva en la cent dcuxiéme’Olympiade. Les Elccns ayant mis à l’amende Callippe & fes complices, Hypèride député des Athéniens, vint demander grâce pour les coupables. Sur le refus des Eléens, les Athéniens défendirent à Callippe de payer
cette amende, &. furent exclus des jeux Olympiques, jufqu’à ce qu’ayant envoyé confulter l’oracle de Delphes, il leur fut déclaré que le dieu n’avoit aucune reponfè à leur rendre qu’au préalable ils n’euflent donné fatisfaâion aux Elcens. Alors ils fe fournirent à l’amende,dont on eut fix autres ftatuës de Jupiter, avec des inferiptions en vers qui n’étoient pas moins léveres que les précédentes. La première portoit que ces fix ftatuës avoient été érigées à Jupiter en conséquence d’un oracle de Delphes, qui confirmoit l’arrêt rendu par les Elcens
Vo y a g é De l ’El id e . 461 Contre la fraude 8c la mauvaife foi des Pentathles. La féconde 8c la tsoifiéme contcnoicnt un éloge de la févérité des Elcens. La quatrième diloit que c’étoit par le mérite & non par les richcfl'es qu’il falloir difputcr le prix des jeux Olympiques. La cinquième expofoit à quelle occafion les fix ftatuës avoient été placées, Sc la fixiéme renfermoit l’oracle de Delphes tel qu’il avoit été rendu aux Athéniens. Outre ces fix ftatuës il y en a encore deux, où il eft fait mention d’une amende impolée pour caufe de prévarication dans le combat du palet : ni mes antiquaires ni moi n’avons pu fçavoir le nom des prévaricateurs, quoique ces deux ftatuës ayent aufli des inîcriptions. Par la première, on voit que les Rhodiens ont été taxez à une fomme d’argent pour expier le crime d’un de leurs citoyens,quiavoit voulu gagner le prix du palet, en corrompant fes adverfaires 5 Sc par la fécondé, que la ftatuë avoit été faite aux dépens de ceux qui ne pouvant vaincre au palet par la force Ôc par l’adreflè, avoient eu la témérité de tenter de mauvailês voyes. Les autres ftatuës, à ce que me dirent mes antiquaires, ont été confacrées en la cent foixante 8c dixhuitieme Olympiade, àl’occafion d’Eudelus, qui avoit reçu de l’argent de Philoftrate pour lui laifler remporter le prix du pancrace 8c de la lutte ; 8c félon eux ce Philoftrate étoit de Rhodes. Mais [ 1 ] cela ne s’accorde pas avec les regiftres publics , où les Elécns ont foin de marquer les noms de tous ceux qui ont été vainqueurs aux jeux Olympiques: car fuivant ces regiftres que j’ai vus, ce fut Straton d’Alexandrie qui en cette Olympiade eut le prix du pancrace 8c de la lutte dans un même jour. Alexandrie eft une ville bâtie par Alexandre fils de Philippe auprès de cette bouche du Nil qui eft près de Canope ; mais avant Aléxandre les Egyptiens avoient dans le même lieu une petite ville qu’ils appclloient Rhacotis. Avant [x] Straton trois Athlètes avoient été viétorieux au
[ 1 ] Mais cela ne s accorde fas. Paulmicr remarque fon bien que cela peut s’accorder avec les regiftres des Elcens, & que c’eft Paufanias qui fe trompe ; car Philoftrate ayant voulu corrompre fes antagoniftes, dur être exclus du prix, par confequent fon nom ne devoit pas Ce trouver dans les regiftres publics , mais celui de Straton qui avoit remporte le prix, 8c il s'y trou-
voit en effet. [a] Avant Straton.Tout cet endroit du texte eft plein de fautes 8c inintelligible par le vice des manuferits. Il ne Ce peut rien de plus heureux que la manicrc dont Paulmicr l’a rétabli : je l'ai fuivi mot pour mot, 8c j’avoiie que je fuis infiniment redevable à là critique, car ni Amalcem Sylburge n’y ont rien entendu. , , ' ... M mm nj
4^i Pa u sa n ia s , Liv r e V. combat du pancrace & de la lucre , & trois autres le furent après lui. Le premier fut Caprus Elccn, le fécond Ariftomcne de Rhodes, ou de cette partie de la Grece qui eft au de-là de la mer Egcc; le troifiéme Protophane de Magnefic, le quatrième fut Straton lui-même. Enfuite il y eut Marion d’Aléxandric, AriftcedcStratonice, villeautrcfois nommée Chryfaoris, 8c enfin [i] Nicoftrate de la côte de Cilicie, lequel pourtant n'avoit de Cilicien que le langage : car ce Nicoftrate d'une naillancc allez diftinguce avoit été amené tout jeune de Prymneflè ville de Phrygie, par des corlâires qui le vendirent à un homme [i] d’Egées. Cet homme quelque temps après eut un longe où il lui lêmbloit voir un jeune Lionceau couché fous le lit du petit Nicoftrate, préfage de ce qui devoir arriver un jour à cet enfant: car devenu grand, il fut un fameux athlète qui remporta plufieurs fois le prix du pancrace 8c de la lutte aux jeux Olympiques. En la deux cent foixante & dix-nuitiéme Olympiade les Eléens mirent à l’amende plufieurs athlètes, &: entr'autres un qui vouloir difputer'le prix du pugilat. C’étoit Apollonius d’Alexandrie furnommé Ranthi, car les Aléxandrins prennent volontiers des furnoms. Il fut le premier Egyptien que les Eléens condamnèrent, non pour avoir donné ou reçu de l’argent, mais pour ne s’être pas rendu à Olympie dans le temps porté par la loi : il eut beau dire qu’il avoit été retenu aux Cyclades par les vents contraires. Héraclide fon compatriote fit voir la faufleté de cette exculè, & qu’Apollonius n’étoit arrivé trop tard que pour s’être voulu trouver aux jeux publics d’Ionie & y gagner de l’argent ; c’cftpourquoi les Eléens l’exclurent des jeux Olympiques, lui 8c tous ceux qui étoient dans le même cas, &: ils décernèrent à Heraclide une couronne qui ne lui coûta aucune peine. Dans le temps qu’il la mettoit fur là tête, Apollonius piqué de cet affront, tout armé qu’il étoit pour le combat au pugilat, courut lur lui & le pourfuivit jufques dans les fieges des juges, attentat dont il fut bien puni dans la fuite. Il y a encore deux ftatuës qui ont été miles de nos jours ;
[i] dunbtmme <T£^éef.Egccs ctoit [i] Nictjliutr. Quintilicn le donne comme le modèle<1 un athlète universel une petite ville de Cilicie qui avoit un quircuflifloit admirablement bien pref- port. Sirtliiit, f. 676. que dans tous les genres d’exercice.
Vo y a g e de l ’El id e . 463 car en la deux cent vingt-fixiéme Olympiade on furprit deux athlètes quis'entendoient enfcmble pour le prix delà lutte: on les condamna à une groflc amende , & de cette amende on fit faire deux ftatuës de Jupiter, dont l’une eft à gauche, l’autre à droite fur le chemin qui mené au ftade. L’un des athlètes avoit nom Didas, & l’autre qui avoit donné l’argent s’appelloit Garapammon ; ils croient tous deux Egyptiens, du gouvernement de l’Arfinoïde. On peut trouver furprenant que des étrangers refpe&aflent allez peu la majefté fupréme de Jupiter Olympien pour ofer ainfi violer les loix des jeux Olympiques; mais il eft encore plus étrange que des Eléens les vîolailent eux-mêmes : c’eft néanmoins ce qui arriva en la cent quatre-vingt-douzième Olympiade. Le jeune Polyâor fils de Damonique Eléen, & le jeune Séfandre fils de Séfândre de Smyrne dévoient lutter l’un contre l’autre. Damonique fouhâitant paflîonnément que fon fils pût être couronné, gagna le jeune Séfandre par des préfens , & l’engagea à fe laiîièr vaincre. Les juges informez de cet indigne trafic , punirent non les enfans, mais les peres comme coupables de cette fupercherie ; & l’amende qu’ils payèrent fervit à avoir les deux ftatuës dont je parle. L’une eft placée dans le lieu d’exercice des Eléens, l’autre dans l’Altis devant un portique qu’ils nomment encore le Pécile, à caufc des peintures qui y croient autrefois ; d’autres l’appellent le portique de l’écho, pareequ’il y a un écho qui rend les paroles jufqu’à fept fois. Enfin en la deux cent unième Olympiade un Pancratiafte d’Alexandrie nommé Sérapion eut fi grande peur de fes antagoniftes que la veille du combat il s’enfuit. C’eft le fcul que les Elécns. ayent été obligez de punir pour un pareil fujet. Au refte toutes les ftatucs dont j’ai parle jufqu’ici ont été érigées pour les caufes que j’ai dites. Mais on voit plufieurs autres ftatuës de Jupiter qui ont été faites tant aux dépens des villes que des particuliers. Dans l’Altis près du chemin par où l’on va au ftade, eft un autel qui ne fert jamais aux fàcrificcs : il eft fait pour les joueurs de flûte 8c pour les hérauts, qui fc placent là & difputent entr’eux le prix de leur art. Auprès de cet autel il y a un Jupiter haut de fix coudées fur un fcabclon de bronze. Le dieu tient de fes deux mains un foudre. Cette ftatuë a été donnée
464 Pa u sa n ia s , Livr e V. par les D ] Cynéthéens : celle qui fuit eft un Jupiter, que l’on a rcpréfenté dans la première jeunefle avec un collier Sc fans barbe : c’eft un préfent de Cléolas de Phliafie. Près de la chapelle d’Hippodamie on voit un très-beau piedeftal de marbre en forme de demi cercle : au milieu du piedeftal eft un Jupiter entre l’Aurorc ScThétis, qui implorent l’aflîftance du dieu pour leurs enfans. Sur les cotez de la bafe quatre Grecs & quatre Barbares en pofture de combattans (ont tournez les uns vers les autres, feavoir Helenus & Ulyflc. comme les deux plus fages de l’une Sc de l’autre armée ; Pâlis Sc Ménélas à caufe de leur ancienne haine, Enée Sc Diomede, Ajax fils de Tclamon, Sc Deïphobe; ces ftatuës font de Eycius fils de Myron. Une infeription qui eft aux pieds du Jupiter apprend qu’elles ont été confacrées par les nabitans d’Apollonie, ville bâtie par Apollon fur le bord de la mer Ionienne, Sc que ces peuples y ont employé la dixiéme partie des dépouilles qu’ils avoient remportées fùr les Abantes Sc fur la ville de Thronium. Par la ville de Thronium & par les Abantes dont il eft parlé, on entend [i] une ville Sc des peuples de la Thcfprotic d’Epirc vers les monts Cérauniens : car la flotte des Grecs en revenant deTroye ayant été difperfée par la tempête, lesLocriens deThronium fur le fleuve Boagrius, & les Abantes de l’île Eubée avec leurs huit vaiflèaux échouèrent à la côte des monts Cérauniens. Là ils bâtirent une ville qu’ils appelèrent aufli Thronium , Sc ils donnèrent le nom d’Abantide au pays qu’ils occupèrent. Dans la fuite ils furent chaflez par les Apolloniates leurs voifins. Apollonie félon d’autres eft une colonie de Corcyréens, Sc félon quelques - uns c’eft [5] une colonie de Corinthiens, qui ayant chaflc les anciens habitans, profitèrent de leurs dépouilles. Un peu plus loin on trouve un autre Jupiter tourné vers le foleil levant : il a une couronne [4] de lys fur la têe , Sc tient
[1] Par les Cyne'tlie'eils. C’étoicnt des peuples de l’Arcadie > ainfi appeliez du nom de Cynéthus un des fils de Lycaon. [a] On entend une ville & des feules. Paulânias diftinguc.ici deux vil:s de Thronium Sc deux fortes d'Abanres; les uns originaires de l’île Eubcc, dite aujourd’hui le Négrepont,
J
les autres qui s’établirent dans la Thefprotic, Sc y bâtirent une nouvelle ville a laquelle ils donnèrent le nom de Thronium. [5] C'Jl une colonie de Corinthiens. C’eft le fentiment de Thucydide 1. r. [4] Une couronne de lys. je lis avec Paulmier t « pour itn<l dont la lignification eft trop vague.
une
VOYAGE DF. L’El IDE. 4^5 une aigle d’une main, & un foudre de l’autre. C’eft une offrande ( 1 ] des Metapontins. L’ouvrage cft de la façon d’Ariftonoüs de l’île d’Egine: je ne fçai ni qui a etc le maître de ce ftatuairc, ni même en quel temps il a vécu. Les Phliafiens ont auflî confacré pluficurs ftatuës qui repréfentent Jupiter, les filles d’Afopus Se Afbpus lui-même. Voici l'ordre dans lequel ces ftatuës font rangées. La première cft Nemée, l’aînée des filles d’Afopus} enfuite Egine, & auprès d’elle Jupiter qui la carcffe, fuit Harpinc qui, fi l’on en croit les Elcens & les Phliafiens, fur aimée du dieu Mars Se eut de lui (Enomaüs 3ui régna à Pife. Apres Harpine c’eft Corcyrc qui cft fuivie e Thebé ; & en dernier lieu Afopus. On dit que Neptune devint amoureux de Corcyre, & Pindarc nous fait entendre que Thebé ne fut pas indifferente à Jupiter. Des Léontins ont aufli érigé une ftatuë à Jupiter Olympien , non au nom de leur ville, mais au leur propre. Jupiter haut de fept coudées tient une aigle de la main gauche, Se un javelot de la droite fuivant les idées des poètes, ces Léontins furent Hippagoras, Phrynon, Se Enéfideme ; mais je croi que cet Enéfideme eft différent de celui qui devint le tyran de Léontium. Quand on a paffé le chemin qui meneau Sénat, on trouve “ un Jupiter qui eft fans aucune infeription. Si vous tournez en- xxilf. fuite du côté du Septentrion, vous verrez encore un Jupiter qui regarde le folcil levant. Cette ftatuë fut dédiée par tous les peuples de la Grece, qui avoient combattu à Platée contre Mardonius Général de l’armée des Perfes. Les noms de ces peuples & de toutes les villes qui eurent part à cette glorieufe journée, font gravez fur la face du piedeftal qui cft à main droite. Les Lacédémoniens font les premiers, enfuite les Athéniens, puis les Corinthiens Se les Sicyoniens, en cinquième lieu les Eginétes. Après les Eginétes viennent les Mégaréens & les Epidauriens. Parmi les peuples d’Arcadie on nom. me les Tégéates & les Orchoménicns,enfuite les Phliafiens, ceux de Troefene Si ceux d’Hermioné. Des confins d’Argos il n’y a que les Tirynthiens de nommez, comme de tous les peuples de la Béotie, il n’y a que ceux de Platée. Parmi les Argiens, ceux de Mycenes font auflî les fculs. Entre les Infulai-
[1] Une offrande dei Méwontim. appellée Mi'tapontc du nom de MetaMetaponte ctoit une ville d’Italie, qui pus fils de Silyphe. d’abord eut nom Sini, fie lut enfuite Tome 1.
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466 Pa u san ia s , Liv r e V. res on nomme ceux de Chio 8c ceux de Milct. Les Ambraciotcs croient venus de la Thefprotie d’Epire : on nomme aufli ceux dcTénos; les Lépréates font les feuls de la Triphylic. Mais des peuples qui habitent les environs [ i ] de la mer Egée 8c les Cyclades, ceux deTénosne font pas les feuls;
car on nomme encore ceux de Naxi, 8c ceux de Cythnos. IL elt meme fait mention des Styréens, peuples de l’Eubce. Enfuite on vient aux Elcens,àceux de Potidce, aux Anacloricns} ceux de Chalcis fur l’Euripc font les derniers. Da nombre des villes qui ont place dans cette infeription, plufieurs font aujourd’hui détruites: car les Argiens raférent Myccnes 8c Tirynthe, incontinent après que les Perfes eurent etc chaflèz de Grèce. Les Ambraciotes 8c les Ana&oriens qui étoient des colonies de Corinthiens, furent transferez à Nicopolis for le promontoire d’A&ium par Augufte. Pour ceux de Potidée, après avoir été chaflèz deux rois de leur ville, la première par les Athéniens, la féconde par Philippe fils d’Amyntas, ils furent rétablis par Caflânder ; mais la ville changea de nom 8c s’appella Caflàndrie du nom de fon reftauratcur. Cette ftatuë fut donc faite 8c pofee dans le bois facré de Jupiter à Olympie, aux dépens 8c au nom de tous ces peuples. C’eft un ouvrage d’Anaxagore d’Egine, dont pourtant ceux qui ont écrit l'hiftoire de Platée ne font aucune mention. Devant la ftatuc de Jupiter il y a une colonne de bronze, fur laquelle eft grave un traité d’alliance entre les Athéniens 8c les Lacédémoniens pour l’cfpace de trente ans. Les Athéniens firent ce traité après avoir conquis pour la fécondé fois toute l’Eubce, la [i] troifiéme année de l’Olympiade, où Crifon d’Himéra remporta le prix du ftade. Le traité porte que la ville d’Argos n’eft point comprifè dans les conditions , mais que cependant les Athéniens 8c les Argiens auront la liberté de faire alliance entr’eux , s’ils le jugent à propos. Près du char de Cléofthene dont il fera parle dans la fuite on voit
[i] habitent les environs de la nombre de l’Olympiade a ccliapc au mer F.gee. Le texte dit, • «#•' A'tyfw , copiftc. Crifon d’Himéra dont parle ex Agio, d'Egiitm. Mais c’cft une ici Paufanias, avoit remporté le prix du
faute de copifte qu’aucun interprète ftade trois Olympiades conlïcutivcs, n’a remarquée. Il faut lire ■'« Ji' A,».»», fuivant le témoignage de Diodorc de des environs de la mer Egée. Sicile: ainfi l’Olympiade dePaufamas [i] La y année del'dbmpiade.&c. n’eft pas allez charadcrilce. Caincrarius croit avec raifon que le
Vo v a o i t>t l'tnei 467 encore une ftatuë de Jupiter, qui a été donnée par les Mégarcens, & foite par deux frétés , Thylacus & Oncthus, &. par leurs enfons. Je n'ai pu Ravoir en quel temps ils vivoicnr, ni de quel pays ils croient, m fous quel maitre ils avoient appris leur art. Auprès du char de Gélon il y a un Jupiter debout qui tient un iceptre. Cette ftatuc cil d'un goût fort ancien: on dit que c’eft un préfènt des Hybléens. Pour moi, je connois deux villes d’Hybla en Sicile, l’une [1] furnommee Galéotis, l’autre la Grande, pareequ’en effet c’étoit la plus grande. «Toutes deux conlèrvent encore leur nom ; mais l'une bâtie aux environs de Catane,eft aujourd'hui entièrement defêrte, & l'autre qui n’en étoit pas loin, n’eft plus qu'un village, où néanmoins il s’eft conlervé un temple célébré dans la Sicile, dédie à la. deeffe Hybléa : je croirois que ce font les habitans de cette derniere, qui ont autrefois tranfporcc à Olympie la ftatuc dont je parle 5 Si ce qui me le foit croire, c’eft que Phiiifte fils d’Archoménide nous reprclènte ces peuples comme verfez dans l’interprétation des longes & des prodiges, & comme beaucoup plus religieux que les autres barbares de la Sicile. Après ce monument de la pieté des Hybléens, vous trouvez un prodigieux fcabelon de bronze, fur lequel eft une ftatuc coloffale de Jupiter, haute, à ce qu'il m’a paru, de dix-huit pieds. Une infeription en versélcgiaqucs dit que les Clitoriens ayant pris plufieurs villes, confacrcrent à Jupiter la dixième partie de leurs dépouilles, en lui offrant cette ftatuë faite par Télétas & par Arifton qui étoient fre res. Je crois que [ i] ces deux ftatuaires, Spartiates de nation, n’etoient pas fort célébrés en Grèce ; car les Eléens m’en auroient parlé, & encore plus les Lacédémoniens qui ne fe fcroient pas tùs fur le mérite de leurs compatriotes. On trouve enfuite un autel confacré à Jupiter & à Neptune, c H A p l’un 8c l’autre furnommez [3] Plébécns ou amis du peuple. XXIV. Près de cet autel eft un Jupirer de bronze fur un piedcftal de môme matière ; c’eft une offrande du peuple de Corinthe,
[1] Surnommée Gdféetii. Le texte dit Gereurii : mais c’eft une faute de copiftc, comme Bochart l'a remarque dans fon Phaleg. Cette ville étoit ainfi dite du nom tics poètes ou devins Siciliens qucil’on nommoic Guléotei. [zj yr crois que les deux Spurtiutts.
La verfion latine d’Amafee eft ici trèsfiuitivc : c’eft celle de Sylburgc qu’il faut fuivtc. [5] L'un & iMireÇumommtz. Piebe’ens. Le lutnom grec eft Audru,plt. bai, publicok > unis du peuple. N n n ij
<C8 Pa u sa x ia s , Liv r e V. & un ouvrage de Muftis : ce Muftis ne m’eft pas autrement
connu. Si du Sénat vous allez au grand temple, vous verrez fur votre gauche un autre Jupiter qui tient un foudre de fa main droite. Il a fur la tête une couronne qui imite fort bien les fleurs : cette ftatuë eft d’Afcarus de Thebes élevé d'un[ i] célèbre Sicyonien. On dit que les Thcflàliens firent cc prêtent à Jupiter apres la guerre qu’ils eurent contre les Phocéens, & que cc fut une portion des dépouilles remportées fur l'ennemi. Cette guerre arriva avant que Xerxès vint en Grece j ainfi cc n’eft pas de la guerre facrée, comme on l’a nommée, que je prétens parler. A quelques pas de là autre ftatuc de Jupiter, donnée par les Pfophidicns apres l’heureux fuccès d’un combat, comme on l’apprend par l’infcription. Près du grand temple à droite vous voyez un Jupiter qui eft tourné vers l’Orient : il a douze pieds de haut. Cette ftatuc fut confacrée par les Lacédémoniens, lorfque les Mefleniens qu'ils avoient domptez fecouérent le joug pour la teconde fois: ces deux vers qui fervent d’infeription en font foi.
Puilïânt fils de Saturne accepte cet hommage, Sois favorable à Sparte & foutien fon courage. Nul Romain que je fçache, ni patricien, niplébeïen n’avoit encore fait d’offrandes dans aucun temple des Grecs avant Mummius. Ce fut Mummius qui le premier, des dépouilles remportées fur les Achéens, confacra une ftatuë de bronze à Jupiter dans Olympie. Cette ftatuë eft à gauche de celle des Lacédémoniens tout contre la première colonne du temple. Mais de toutes les ftatucs de bronze qui font dans l’Altis, la plus grande eft un colofle de Jupiter de vingt-fept pieds de hauteur, pofé par les Elcens apres la guerre qu’ils curent contre les Arcadiens. Près du temple de Pélops on voit une colonne de hauteur médiocre. Sur cette colonne eft une petite ftatuc de Jupiter avec une main avancée. Vis-à-vis on a placé de fuite plufieurs ftatuës, parmi lefquelles vous en voyez une de Jupiter & une de Ganynicde. Homere dit dans l’Iliade que Ganymede fut enlevé par les dieux pour fervir à boire à Jupiter, & qu’en récompcnfe Jupiter donna de tort beaux chevaux à Tros pere du jeune cchanfon. C’eft un Theflàlicn
[i] jF/rvr <f»« célétre Sicwuer.. le texte, mais le nom aéchapc lu ct> Cc maître fi célèbre étoit nommé dans pifte.