Bruxelles Culture janvier 2022

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BRUXELLES CULTURE 5 janvier 2022 Brussels Diffusion asbl Contact et abonnement gratuit : pressculture4@gmail.com

RENCONTRE : ME’ASA WEYO


RENCONTRE : ME’ASA WEYO Me’Asa Weyo vient de créer un groupe privé Facebook qui s'adresse à toutes celles et à tous ceux qui souhaitent être tenus informés en priorité de son actualité (concerts publics, émissions radio, sortie d'album ou de single, préécoute de nouveaux titres, etc.), voire à être tenus informés ou à participer à des événements plus privilégiés (concerts privés, figuration lors du tournage d'un clip vidéo ou d'une live session et, parmi quelques autres, invitation en coulisses ou lors de sessions d'enregistrement studio). A l’occasion de la sortie de son nouvel album, elle s’est prêtée au jeu de l’interview. Rencontre. Qui êtes-vous, Me’Asa Weyo ? Une auteure-compositrice-interprète belge engagée. Pourquoi le titre Movements of life ? Movements of Life parce que mon second album suit les aléas de la vie et de ses leçons. Celles qu’on a comprises et celles sur lesquelles on se questionne encore et toujours. Movements of Life, ce sont aussi les coups que donne un bébé dans le ventre de la personne qui le porte pour dire qu’il est là. Movements of Life, c’est enfin le rappel simple et essentiel que sans mouvements il n’y a pas de vie, que les mouvements soient “agréables” ou non. Quelle est la genèse de cet album ? La genèse de mon deuxième album remonte en fait peu de temps après la sortie de mon premier CD. Pour le concert de présentation de « Way of Indigo » au Botanique, j’ai ressenti l’envie et le besoin d’amener une nouvelle composition sur scène. Et cela a été Better People. A l’époque, je revenais du Sud de la France, où j’avais vécu durant trois ans et où j’avais découvert un mode de vie beaucoup plus en harmonie avec la nature : l’alimentation bio locale et équitable, les loisirs naturels (baignage dans l’eau d’une cascade, balades dans la garrigue, fruits et légumes de son propre potager ou celui d’un ami), la méditation et le retour à l’essentiel. On y vit de presque rien et pourtant on y est tellement heureux. J’ai eu la sensation, comme dans l’allégorie de la caverne de Platon qui est ma principale inspiration pour ce titre, de passer de l’endormissement à l’éveil, de l’ombre à la lumière. Où se situe votre moteur de création ? Mon moteur de création, ce sont les questionnements et les leçons de vie qui s’offrent à moi. Je suis une personne en perpétuelle réflexion sur le monde et sur elle-même. J’ai une grande soif d’apprendre, de découvrir de nouvelles choses, de relever de nouveaux challenges et de tenter de nouvelles expériences. Lorsque je suis en mode création, tout - absolument tout - devient source d’inspiration. Cela peut être un fait divers dans les médias, une expérience personnelle, un mot ou une phrase dont la signification me plaît, un graffiti dans la rue, un film, une image inspirante découverte sur internet, etc. Tout ! Bien que francophone, vous écrivez et chantez toujours en anglais. Comment expliquez-vous ce choix ? Je ne suis pas certaine de pouvoir dire qu’il s’agit là d’un choix. Je me suis souvent demandé pourquoi j’écris mes compositions uniquement en anglais. D’autant plus que je suis une grande amoureuse de la langue française. Au début, je me suis dit que c’était par pudeur, car chanter dans une autre langue que


la mienne, me semblait-il, me permettait de garder une distance entre le public et l’intimité que j’exposais à travers mes textes. Mais ensuite, passée cette pudeur, j’ai continué à écrire en anglais. Rédiger en français, j’y parviens lorsqu’il s’agit d’une commande et qu’elle ne m’est pas directement destinée. C’est le cas pour le dernier titre « Sad Song », qui se trouve sur mon premier disque. A la base, il s’agissait d’une commande pour une comédie musicale et que j’ai ajoutée à « Way of Indigo » en dernière minute, sous forme de maquette, disons en guise de bonus. Mais, lorsque j’écris pour moi, la langue qui me vient naturellement, sans réfléchir et sans forcer, c’est celle de Shakespeare. Je pense qu’elle me correspond davantage du point de vue des sonorités et des rythmiques. S’agit-il d’un album pop ou d’autre chose ? Le seul terme qui pourrait définir mon style musical, c’est fusion. Au moment de composer une chanson, je me laisse porter. Ce n’est pas moi qui décide. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé. Je débute souvent par un texte ou une rythmique. Ensuite, la mélodie vient pas à pas. La couleur musicale qui habille chaque titre, je la découvre en même temps que je construis le morceau. Parfois blues, parfois funk, parfois pop, parfois afro, parfois soul, ... Je me laisse guider par ce que j’entends. J’ai toujours été convaincue que la musique n’a absolument aucune frontière, qu’il n’y a rien de plus universel. Du coup, je me sens terriblement libre, sans barrières intérieures qui m’entravent, avec des notes et des mélodies qui voyagent au gré de l’inspiration. Que vous apporte l’instant de jouer ? J’ai besoin de sentir ce que je crée. Ainsi, je préfère que le son d’un album soit moins lisse que ce que l’on peut entendre à l’heure actuelle, mais qu’on sente la personne derrière l’instrument. Sur scène, c’est pareil. J’adore être entourée de mes musiciens. Les répétitions, c’est d’ailleurs un des aspects que je préfère de mon métier. On fait des fautes et on en rit. Ensuite, on recommence et on se trompe ailleurs ou, au contraire, une idée inattendue et merveilleuse naît soudain d’une improvisation. Sur scène, ce que je retrouve à chaque fois, c'est la magie de l’interaction entre plusieurs personnes (musiciens et public) qui interagissent et dialoguent au travers de notes de musique. Y-a-t-il des choses qui ont bougé depuis la sortie de votre premier album « Way of indigo » ? Oh ! La question devrait plutôt être : « Y a-t-il des choses qui n’ont pas bougé ? » Pour ce qui est de ma vie personnelle, j’ai eu deux enfants, je me suis mariée et je vis actuellement entre la Belgique et l’Irlande (pays dont est originaire ma femme). Pour ce qui est de ma vie professionnelle, j’ai fait tourner mon album en Belgique et en France. J’ai maintenant une équipe de musiciens, une équipe de management, un ingénieur du son et une équipe de tournage. La musique est devenue un projet professionnel, mon métier à part entière. Dans un monde de plus en plus connecté, de quelle manière un artiste s’y prend-il pour asseoir sa promotion ? Alors là, je dirais que, avant de s’exposer, la première étape est de vraiment bien apprendre à se connaître d’un point de vue artistique, de manière à savoir à qui s’adresser, de quelle façon, et quels objectifs se donner à court et à long termes. Je pense que l’essentiel est d’être juste avec ce que l’on est artistiquement (et même personnellement) et de faire un bout de chemin par soi-même avant de se vendre, de manière à découvrir tous les aspects du métier. Ensuite, d’intégrer au projet des professionnels qui savent comment faire ressortir sur les réseaux ce que vous êtes vraiment et comment parler de vous aux gens du milieu. En général, on veut aller trop vite et on oublie de s’observer en détails. L’exercice n’a rien de facile. Mais, selon mon expérience, cette étape souvent omise est


essentielle si l’on veut être crédible vis-à-vis du public et des professionnels du métier et, surtout, si l’on veut éviter de se perdre en cours de route. Où ce disque a-t-il été enregistré ? Movements of Life a été enregistré au Noise Factory, studio de musique situé à Wierde, près de Namur. Qui sont les artistes qui vous accompagnent ? Marcello Coleman est un chanteur que je ne connaissais pas avant le featuring. Je recherchais un interprète reggae avec un type de voix bien particulier. J’ai reçu plusieurs candidatures. C’est Marcello que j’ai choisi pour chanter avec moi sur « Seeds of Truth ». March est un chanteur avec lequel j’ai chanté pendant environ une année. On faisait partie de la même chorale. Lorsque j’ai imaginé un featuring sur « In The Life », c’est tout de suite à lui que j’ai pensé. J’aime beaucoup son timbre de voix. On se ressemble beaucoup d’un point de vue artistique : le côté vintage, organique, sensible et vrai. Il est un peu mon équivalent masculin en musique, surtout au niveau de l’écriture. Muriel Kouyaté est une percussionniste que j’admire beaucoup. Je l’ai entendue jouer plusieurs fois en live et, lorsqu’il a été question de mettre du djembé sur « Soul Connected », c’est directement à elle que j’ai songé. Elle a le charisme, la force et la douceur que je recherchais. Sonia Gotikian est une pianiste avec laquelle je travaille depuis plusieurs années. On était collègues à une époque. Elle est vite devenue une très bonne amie. Elle était la seule à pouvoir techniquement et émotionnellement jouer la partie piano de « What The Silence Holds », qui est un titre extrêmement personnel. Je suis incroyablement reconnaissante qu’elle ait accepté. Irene Kirwan est mon épouse. Elle possède une voix magnifique. Elle avait déjà chanté des harmonies sur mon premier disque. En fait, je ne me vois pas enregistrer un album sans qu’elle m’y accompagne vocalement à un moment ou un autre. C’est mon petit bonheur personnel à chaque fois que j’écoute l’un de mes albums. De plus, il était évident que, s’il y avait un morceau sur lequel je tenais à ce qu’elle m’accompagne aussi bien qu’elle le fait dans la vie, ce devait être « What The Silence Holds », la chanson qui s’adresse à notre fils. Enfin, en ce qui concerne R.O. et Konoba, il s’agit de deux artistes belges que j’admire beaucoup. Leur manager Boris Engels est un ami commun. J’ai participé à un crowdfunding qu’ils avaient lancé en 2018. La contrepartie était le remix d’un de mes morceaux. Ils ont été fantastiques pendant tout le processus de création. Je suis enchantée du résultat ! Enfin, il y a Karen McHugh, une chanteuse professionnelle et une amie de mon épouse Irene. J'adore sa voix chaleureuse et son esprit de liberté. « Natural Voices » est notre premier duo, mais ne sera certainement pas le dernier. Qui est Arnaud Sirtaine, votre manager ? Arnaud et moi, nous nous sommes rencontrés à l’Asbl Percutattoo. On y a appris le djembé pendant des années. Je l’appréciais beaucoup déjà à l’époque. On s’est ensuite perdus de vue, mais on s’est retrouvés peu après la naissance de mon fils et le lien a été tellement fort qu’on a décidé pratiquement instantanément de travailler ensemble. On planche sur plusieurs projets simultanés, dont un projet de comédie musicale qui devrait sortir (si les conditions le permettent) en 2022. Il s’agit d’un disque qui parle de spiritualité et d’universalité. Etes-vous un peu/beaucoup connectée avec ce qui vous entoure ? En tout cas, j’essaie de l’être et d’être à l’écoute. Selon vous, quelle est la clé pour entrer en communion avec le cosmos ? Personnellement, je le nomme l’Univers, mais on pourrait l’appeler Dieu, Mohammed, Jéhovah, … Selon ma propre expérience, entrer en communion avec l’Univers, ou peu importe le nom qu’on lui donne, c’est être à l’écoute pour ne pas se laisser endormir par les illusions créées et revendiquées par la société. Quel message souhaitez-vous faire passer ? Lots of Light !


De quelle manière peut-on se procurer votre dernier album ? Mon travail est disponible à la fois en format Cd ou vinyle, mais également en digital via le site www.measaweyo.com ou la boutique en ligne https://www.thecrazycircle.com/shop Pour ce qui est de la version streaming, elle est disponible via le lien suivant : https://distrokid.com/hyperfollow/measaweyo/movements-of-life Propos recueillis par Daniel Bastié

EXPOSITION : DINOSAURIA Les dinosaures ont décidemment la cote. Après une exposition qui a eu lieu à Brussels Expo, ils prennent leurs quartiers sous le chapiteau d’Alexandre Bouglione. Un événement totalement inédit de créatures du Jurassique grandeur nature et robotisées, toutes articulées dans des décors uniques permettant de s’immerger dans un passé très lointain, à une époque où les animaux dominaient la terre. Un univers fascinant à découvrir en solo ou en famille. À travers un parcours intérieur, les visiteurs partent pour un safari en terre inconnue, à la rencontre d’un monde où régnaient les monstres les plus gigantesques que notre planète n’aie jamais connue. Cela s’est passé il y a plus de soixante-cinq millions d’années chez nous comme sur d’autres continents. Laissez-vous impressionner par la taille et les rugissements du tricératops, du brachiosaure ou du célèbre tyrannosaure. Évaluez l’envergure fantastique du ptéranodon et comparez vos empreintes à celle d’un jeune diplodocus. Une visite ludique et récréative à la fois, faite pour enthousiasmer et faire frémir, sans jamais renoncer à son aspect didactique, avec des panneaux informatifs explicatifs dans diverses langues. Le clou de la visite reste sans aucun doute un Tyrannosaure mesurant plus de quinze mètres de longueur. Une exposition à découvrir en solo ou en famille de 10 à 18 heures 30 du lundi au dimanche et jusqu’au 9 janvier 2022 sous le chapiteau Alexandre Bouglione. Plus de détails sur le site www.bouglione.be Atomium - Rond-point Jean Offenberg à 1020 Bruxelles


EXPOSITION : HOW WILL IT END ? C’est la question que pose cette exposition qui se tient à la Villa Empain jusqu’au 6 février 2022. Comment la tragédie finira-t-elle au Liban ? Comment les artistes en sortiront-ils après avoir subi durant plus de quarante ans une histoire dévastée, meurtrie, éclatée ? Le 4 août 2020, on s’en souvient, des centaines de tonnes de nitrate d’ammonium stockées sans précaution dans le port de Beyrouth causaient, à la suite d’une double explosion, l’une des pires déflagrations de l’histoire mondiale. Le souffle meurtrier a emporté 217 morts, causé plus de 6 500 blessés et délogé 300 000 personnes, laissant une partie de la ville entièrement dévastée. Des quartiers détruits, où se trouvaient hôpitaux, écoles, universités, domiciles, magasins, restaurants, bars. Tout est parti en fumée et en débris suite à une étincelle mortelle. Des artistes témoignent Plus de quarante artistes exposant leurs œuvres, ou ce qui en reste, en sont les porte-parole. Ce n’est pas d’eux qu’ils veulent parler en fait mais de toute une population frappée de plein fouet par la guerre qui dure depuis plus de quarante ans au pays du Cèdre. Ils parlent de la dévastation collective qui s’est abattue sur leur petit pays partagé entre l’Occident et l’Orient, où plus de cinq mille ans d’histoire se sont déroulés. Ils parlent du sort funeste qui les a écartelés entre Israël et la Syrie, les mettant à la merci des convoitises sournoises et des destructions massives, comme celle du port de Beyrouth où l’on suppose l’agissement du Hezbollah. Ce port était l’un des plus grands et des plus actifs de la Méditerranée. Situé à la croisée de trois continents, l’Europe, l’Asie et l’Afrique, il était un important centre commercial reliant les pays arabes au reste du monde. Il n’en reste plus rien. Initiée en 1975 et terminée, du moins sur le papier, en 1989, la guerre civile a marqué le destin désastreux du Liban dans l’histoire récente. L’horreur se poursuit aujourd’hui avec un peuple à l’agonie, une hyperinflation galopante (l’argent a perdu 80 % de sa valeur), des attentats meurtriers à répétition, la corruption et l’incurie politiques, la présence des milices armées sur un territoire fragmenté et l’explosion finale du port de Beyrouth. Ces événements ont constitué un traumatisme profond pour les Libanais, et singulièrement chez les artistes qui en témoignent dans leurs œuvres. « Comment rester ces artistes ? Comment produire encore des œuvres aujourd’hui ? » sont les questions qu’ils se posent et nous posent. La mort nous a traversés, témoigne Joana Hadjithomas, survivante de la déflagration, après avoir sorti avec Khalil Joreige deux tonnes de verre en petits morceaux de son studio où toutes ses œuvres furent anéanties. Tout en morceaux Cette explosion nous plonge dans le souffle dévastateur au cœur de l’exposition. Dans l’abîme qui a suivi l’explosion. Les artistes ont choisi le silence pour en parler, la métaphore pour le figurer, l’absence pour le quantifier. Arsenal de Cynthia Zaven nous accueille en montrant les morceaux d’un


piano démonté. L’instrument, privé de sa fonction première et de sa sourdine, représente l’atomisation du mécanisme, la dissection de l’instrument en de multiples fractions : les joints de connexion sont arrachés, la table d’harmonie disloquée. Chaque pièce devient indépendante, à l’image d’un pays morcelé. Ce morcellement, vous le verrez plus loin, en montant à l’étage de la Fondation Boghossian. Vous le verrez avec ce tapis découpé en lanières, qui rappelle la fondation de Carthage par la reine Sidon mais aussi le spectre du Liban actuel, déchiqueté par ses vautours. Ailleurs encore, vous verrez la déflagration sous la forme d’une aquarelle expressionniste d’Ayman Baalbaki qui exorcise la destruction du port dans un grand rempart montant à l’assaut du ciel sur un paysage ravagé par une bombe atomique. « Nous attendions l’apocalypse et enfin l’apocalypse est venue », écrira Gregory Buchakjian qui a longtemps travaillé sur les habitats abandonnés de Beyrouth. Son Hercule et Omphale en morceaux, d’après Artemisia Gentileschi (2021), est tout ce qui reste du musée Sursock entièrement détruit par la catastrophe. Objets égratignés, mutilés mais aussi souvenirs meurtris sont autant de sources d’inspiration pour les collages de Maria Kassab, qui convoque souvenirs, mauvais rêves et fantômes. La vue floue d’un rocher qui émerge de la mer par Ziad Antar fait chavirer la vision du spectateur. Vous pourrez voir ces œuvres à la Villa Empain jusqu’au 6 février 2022. Exposées au premier étage, elles ont été rassemblées par les commissaires Alicia Knock et Louma Salamé, respectivement conservatrice du Centre Pompidou à Paris et directrice de la Fondation Boghossian à Bruxelles, qui les ont sélectionnées pour en faire l’œuvre de l’exposition. Voyez davantage d’information sur le site officiel www.boghossianfoundation.be. Avenue Franklin Roosevelt, 67 à 1050 Bruxelles Michel Lequeux


EXPOSITION : DAVID HOCKEY Cette double exposition d’envergure marque le retour de David Hockney (1937) au Palais des Beaux-Arts après trente ans d’absence. Le premier volet, « Œuvres de la collection de la Tate, 1954-2017 », vous propose une rétrospective de l’ensemble de sa carrière, au fil de ses représentations iconiques du Swinging London des années 1960 et de la Californie du Sud, de ses célèbres doubles portraits et de ses paysages monumentaux. Le second volet de l’exposition témoigne de la soif d’expérimentation de l’artiste et fait découvrir au visiteur les tableaux extrêmement colorés réalisés par l’artiste sur son iPad lors du premier confinement. Aujourd’hui toujours, ses travaux continuent à parler aux jeunes et aux moins jeunes, tant ils demeurent intemporels. Ses dernières créations montrent à quel point l’artiste, aujourd’hui âgé de quatre-vingt-trois ans, parvient une nouvelle fois à se réinventer. Un créateur né en Angleterre et qui vit actuellement en France. Un nom sur lequel l’histoire de l’Art doit miser. Cette exposition est à découvrir à Bozar jusqu’au 14 janvier 2022. Plus de détails sur www.bozar.be Rue Ravenstein, 23 à 1000 Bruxelles

EXPOSITION : LOUIS DE FUNÈS Cette exposition montre et décrypte les sources d’inspiration et les ressorts comiques de Louis de Funès, notamment à travers son génie burlesque de l’observation qui l’a conduit au sommet du box-office à cinquante ans. Cette expo est une invitation à découvrir l’acteur sous toutes ses facettes à travers la réunion de près de cent cinquante œuvres. Parmi celles-ci, on retrouve la voiture du Corniaud, le costume de Rabbi Jacob ou celui, reconnaissable entre tous, de La Soupe aux choux. Mais aussi des photographies, des documents d’époque, des sculptures, des dessins, des peintures… et, bien évidemment, des extraits de films qui donnent envie de (re-)voir tous ces grands classiques ! En cette période toujours troublée par la crise du Covid, retrouver Louis de Funès fait office de baume, lui qui a tellement su donner le sourire aux spectateurs ou les faire rire aux éclats. Un acteur qui a fait de l’humour sa grammaire et qui, mieux que beaucoup, est parvenu à le porter à un summum de ses possibilités. Pourtant, l’homme n’avait rien du jeune premier, doté d’un physique ingrat, et a dû ramer avant de connaître le succès. Un parcours qui l’a doté d’une pugnacité et d’un sens des réalités bien rares dans la sphère du cinéma. On l’a oublié, mais le comédien était fan de jazz et jouait du piano avec dextérité. Un sens du rythme qui est intervenu dans son jeu passionné, même si pendant la guerre il a péniblement gagné sa vie comme pianiste de bar. Devenu acteur, le jazzman a proposé des variations sur le même thème et a amélioré sa partition de film en film. Son point d’orgue est demeuré un point d’exclamation. Combien de fois explose-t-il en hurlant : « Foutez-moi l’camp ! », « Paf ! », « C’est pas possible ?! », « Ma biche ! », « C’est fini, oui ?! ». Produite par la Cinémathèque française de Paris, où elle a connu un grand succès public et critique, cette exposition se déroule au Palace jusqu’au 16 janvier 2022. Plus de renseignements sur le site www.cinema-palace.be Boulevard Anspach, 85 à 1000 Bruxelles


EXPOSITION : JERRY DELFOSSE Aux commandes d’Espace Art Gallery depuis une quinzaine d’années, Jerry Delfosse est également un dessinateur qui a mis son côté créatif en léthargie pour s’occuper des autres. Un choix depuis qu’il se confronte à la gestion d’un lieu artistique dont il s’occupe avec passion. Pour démarrer l’année 2022, il a choisi de présenter ses créations : des encres de Chine de toute beauté. Quelle est votre formation ? Je suis sorti en juin 1987 de l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles, à un jet d’ici. J’y ai suivi des humanités artistiques, ainsi que quatre années de spécialisation en section gravure sous la direction de Roger Dewint, Igor Swingedau et Francis Brichet. Des souvenirs heureux d’une époque de légèreté, où je refaisais le monde avec une poignée d’amis et durant laquelle on parlait de succès futurs et de tout ce qu’on allait apporter à l’art. Une certaine insouciance, de fait ! Quelle technique utilisez-vous ? Graveur de formation, j’adore que le dessin soit précis, millimétré. Tout doit être impeccable et je ne compte jamais le temps que j’emploie à élaborer une composition. J’utilise la mine de crayon et l’encre de Chine. Je ne suis pas friand de peinture ni de techniques digitales. D’où vient l’inspiration ? D’ici et d’ailleurs ! La vie est un magnifique miroir pour les artistes. Comme mes dessins ne revendiquent rien, j’explore les paysages et représenter des animaux me plaît énormément. Je ne travaille jamais sur le motif. Je reproduis des œuvres existantes, que je modifie, ou je saisis des photographies que je retravaille ensuite. Je ne suis pas un cérébral, plutôt un artisan scrupuleux qui restitue ce qu’il découvre. Naturellement, j’y place mes émotions, en remplaçant l’un ou l’autre détail qui nuit à la mise en page, en décalant une pose ou en ajoutant un ou deux éléments. Quand une œuvre est-elle finie ? Avec le temps parcouru et le travail accompli, je sens instinctivement lorsque tout est mis en place. Il s’agit de justesse. Il faut que la composition soit à la fois équilibrée et harmonieuse. Les masses doivent dialoguer entre elles, les traits doivent me convenir et le résultat doit susciter chez moi une impression positive. Quels liens entretenez-vous avec Bruxelles ? Je suis originaire d’Etterbeek, ensuite je suis allé dans le Brabant flamand avec mes parents. Une villa que j’ai quittée pour m’installer dans la capitale et me rapprocher de la vie artistique. Un choix à vingt ans que je n’ai jamais regretté. Bruxelles vit et respire à toute vitesse. Il n’y a pas une journée où elle somnole. Puis, il y a une proximité avec tout. Les transports en commun sont plutôt performants et ne nous isolent jamais.


Quels sont vos projets ? Pour l’instant, avec le Covid qui freine les ardeurs, je suis perplexe. Je ne sais pas de quoi demain sera fait et, comme tous ceux qui évoluent dans le domaine artistique, j’espère que les médecins et les politiciens prendront les meilleures solutions possibles en vue d’éradiquer cette pandémie. Bien sûr, je n’entends pas me mettre à l’arrêt. Ce serait offrir un mauvais signal. L’art reste le dernier rempart d’expression lorsqu’une crise endigue la société. Les artistes sont la voix de ceux qui souffrent, qui se taisent ou qu’on musèle. Les œuvres de Jerry Delfosse sont à découvrir à Espace Art Gallery jusqu’au 31 janvier 2022. Plus de détails sur www.espaceartgallery.eu Rue de Laeken, 83 à 1000 Bruxelles Propos recueillis par Daniel Bastié

EXPOSITION : FOLON Cet automne, Wallonie-Bruxelles International met à l’honneur les sculptures de Jean-Michel Folon, vues au travers du regard de son ami Thierry Renauld. C’est un jour de 1995 que le photographe découvre par hasard la première exposition de sculptures que Jean-Michel Folon installe à Bruxelles, au Petit Sablon. Bouleversé, il offre à l’artiste quelques semaines plus tard un petit recueil contenant des photos des sculptures en dialogue avec un texte sensible écrit par un de ses amis, Jean-Claude Georges. Folon s’enthousiasme vivement de ce regard porté sur ses créations et propose à Thierry Renauld de photographier dorénavant ses principales expositions de sculptures. Cette exposition inédite rassemble à l’Espace Wallonie une cinquantaine de clichés du photographe bruxellois pris entre 1995 et 2020. Un événement à découvrir jusqu’au samedi 15 janvier 2022. Plus de détails sur le site www.wbi.be Rue du Marché aux herbes, 25-27 à 1000 Bruxelles


EXPOSITION : BEFORE TIME BEGAN L’univers aborigène émerveille et intrigue. Aux yeux des non-initiés, il est chargé de mystère. Les premiers habitants d’Australie sont les héritiers depuis 65.000 ans de la plus ancienne culture ininterrompue au monde. Leur culture est vaste et riche sans pour autant s’exprimer par des ouvrages d’architecture, des textes écrits ou des œuvres d’art mobiles. Aujourd’hui comme jadis, le savoir ancestral se transmet oralement et passe de génération en génération au cours de rituels et de cérémonies. Le concept de « Rêve » y tient un rôle essentiel. Le Rêve est une époque mythique au cours de laquelle des êtres ancestraux comme les Tingari, les Sept Sœurs, le Serpent Arc-en-ciel et de nombreux autres ont créé la terre, la faune et la flore, les êtres humains, l’eau, les étoiles... Le mot « Rêves » s’applique à ces esprits mais aussi à leurs voyages et à leurs créations. Ce Temps du Rêve des Aborigènes n’a cependant rien en commun avec la conception du temps des Occidentaux. C’est un temps hors du temps, un temps universel. La Création est à la fois passé, présent et futur. Cette exposition explore le Rêve et la Création, mais aussi la naissance de l’art contemporain. L’exposition est construite autour de plusieurs moments de production artistique : quelques peintures traditionnelles sur écorce des années 1950 (et au-delà) faisant usage de pigments naturels et en provenance de la Terre d’Arnhem ; des travaux des régions désertiques des années 1970 et du mouvement artistique naissant du désert occidental, où les artistes s’essaient à la couleur industrielle sur toile et sur panneau ; mais aussi les productions les plus récentes, parfois monumentales, de divers artistes contemporains, individuelles ou collectives. Deux court-métrages mettent en scène un groupe de femmes et un autre d’hommes, tous artistes et créant des œuvres collaboratives. Tandis qu’ils s’activent, ils racontent des histoires, chantent, rient et dansent. Si ce qui est réservé aux initiés ne se divulgue pas, les œuvres d’art illustrent des récits mythiques ancestraux et témoignent d’une connexion avec, et d’un profond respect pour la terre et la nature. L’exposition présente en point de mire l’installation Kulata Tjuta (Beaucoup de lances), créée par un groupe d’artistes de tous âges issus de certains des centres artistiques des Terres APY (Anangu Pitjantjatjara Yankunytjatjara). Mille cinq cents lances sont agencées pour évoquer un kupi kupi, un tourbillon de poussière en forme d’entonnoir comme ceux qui surviennent dans les régions désertiques. Une lance vise sa cible tandis que la direction prise par un tourbillon est aléatoire. Un kupi kupi parcourt le temps (du passé ancestral à aujourd’hui en passant par la colonisation) et entraîne quantité de débris sur ce chemin tumultueux. C’est une manifestation de l’âme d’un défunt, mais aussi une métaphore de la société actuelle dont l’avenir est incertain. La dernière section de l’exposition présente le travail du photographe et artiste contemporain Michael Cook. Cook s’intéresse à l’idée de « civilisation ». Il expose sa série Civilised, composée de photographies d’Aborigènes d’Australie vêtus de costumes historiques des puissances européennes qui visitèrent l’Australie au début de la colonisation. Un événement à découvrir au Musée Art et Histoire jusqu’au 29 mai 2022. Plus de détails sur le site www.kmkg-mrah.be Parc du Cinquantenaire à 1000 Bruxelles


EXPOSITION : GENEVIÈVE ASSE – UNE FENÊTRE SUR LE LIVRE Artiste majeure de l’abstraction contemporaine, Geneviève Asse a collaboré, tout au long de sa carrière de peintre, avec des auteurs, éditeurs et des relieurs. Ces rencontres et amitiés ont notamment abouti à la création de livres de dialogues parmi lesquels Silvia Baron Supervielle, Samuel Beckett, André du Bouchet, Pierre Lecuire, ou encore Francis Ponge. En effet, chaque ouvrage est l’occasion d’un échange entre les mots et l’art de Geneviève Asse. Plus que des expériences anecdotiques, ils constituent des étapes décisives de son parcours. Geneviève Asse dit avoir été initiée au livre, enfant, par la lecture mais c’est visiblement l’amour de l’objet qui a nourri sa force créatrice. Comme gage de cet amour, il y a ses carnets peints, gravés, mis en page, mais aussi, ses reliures d’art, sobres, dépouillées, parfaitement exécutées des mains de Monique Mathieu. Ces livres de peintre donnent à voir entre les pages la lumière et les couleurs que l’artiste couche aussi sur des toiles grands formats. La transparence des objets, la lumière de la Bretagne, les couleurs, bleu, rouge, blanc, les lignes des gravures et une liberté farouche, du format, du choix des collaborateurs. C’est par les livres, et leurs multiples dimensions, que la Wittockiana propose d’explorer l’œuvre gravé de Geneviève Asse. Concrètement, l’exposition est organisée en quatre sous-espaces sémantiques et thématiques : Natures, Libertés, Couleurs et Lignes. Loin d’être une rétrospective exhaustive, les commissaires ont choisi de montrer des aspects plus méconnus et sans doute plus intimes de la démarche de l’artiste. Ainsi, l’Hommage à Morandi, ce peintre qui l’a tant influencée et qu’elle honore à travers une collaboration avec le poète belge Pierre Lecuire. Ainsi, ses recherches autour de ce que l’on nomme aujourd’hui le « bleu Asse », passant d’une nuance intense dans Haeres avec André Frénaud à une clarté teintée de vert dans Ici en deux en collaboration avec André du Bouchet. Suivront aussi le rouge dans Les Conjurés de Borges traduit par Silvia Baron Supervielle ou encore Abandonné pour lequel elle propose de magnifiques gravures à l’eau-forte sur un texte inédit de Samuel Beckett. Réciproquement, ce sont les burins de l’artiste qui constituent la fenêtre par laquelle on peut (re)découvrir certaines créations littéraires, typographiques ou reliées dont certaines sont issues des collections de la bibliothèque Wittockiana. « La fenêtre », une référence explicite à certaines œuvres sur toile de Geneviève Asse, évoquant le bleu si spécial qui les caractérise, mais aussi, au titre éponyme d’un recueil poétique réalisé avec Silvia Baron Supervielle. Livres, toiles, carnets de dessins et d’essais de peinture, autant d’ouvertures sur le parcours d’une artiste libre, entre ciel et mer. Un événement à découvrir jusqu’au 30 janvier 2022 à la Bibliothèque Wittockiana. Plus de détails sur le site www.wittockiana.org Rue du Bemel, 23 à 1150 Bruxelles


EXPOSITION : VOIES DE LA MODERNITÉ Un parcours artistique et historique autour du thème du train, à travers des œuvres d’artistes majeurs des XIXe et XXe siècles - tels que Monet, Caillebotte, Spilliaert, Boccioni, Severini, Léger, De Chirico, Mondrian, Servranckx, Caviglioni, Delvaux ou Magritte, voilà à quoi nous convie cette exposition ! A ses débuts, le train est le symbole ultime de la modernité. C’est un outil majeur de la révolution industrielle. Il porte les espoirs de développement et d’enrichissement les plus fous, mais cristallise aussi les angoisses et le rejet du changement. Dès les années 1820, apparaissent les premières lignes de chemin de fer en Grande-Bretagne, nées des besoins de l’exploitation minière. La Belgique est la première à emboîter le pas et en 1835, Léopold Ier inaugure une ligne ferroviaire reliant Bruxelles à Malines. Le train modifie la société en profondeur. Il bouleverse le rapport au temps et à l’espace. Partout il tisse sa toile : au sein des villes, où les gares, ponts de métal ou voies ferrées mordent toujours plus sur le tissu urbain ; mais aussi dans les campagnes où le train fait intrusion, déchirant le paysage. Il devient aussi un outil du tourisme naissant, promu à grand renfort d’affiches et décliné en trois classes, que des dessinateurs, tel Daumier, se régalent à observer. A la fin du XIXe, les impressionnistes s’emparent de sujets modernes, dont celui du chemin de fer. Nuages de vapeur, mouvement des trains, lumières changeantes de la gare et de ses alentours sont autant d’aspects que Monet, Caillebotte, De Nittis ou Ottmann s’efforcent de restituer. A la même époque, les frères Lumière réalisent L’arrivée d’un train en gare de la Ciotat. Cinéma et photographie feront eux aussi la part belle à l’univers ferroviaire. C’est également la société moderne - sa vitesse, sa violence et les sensations qu’elle génère - qui intéresse les futuristes comme Severini, Carrà, Russolo, Baldessari ou Sant’Elia. Boccioni sera quant à lui l’un des premiers à s’intéresser aux aspects psychologiques du voyage. Les surréalistes adoptent le point de vue du voyageur : les aspects psychologiques prennent le pas sur l’attrait de la modernité. Freud et ses recherches sur le train et ses effets sur les passagers nourrissent leur travail. Max Ernst s’intéresse au microcosme du compartiment, Blaise Cendrars associe voyage et processus introspectif. De Chirico, Delvaux ou Magritte génèrent des images de réalités alternatives, peuplées de mouvements immobiles, de trains hors du temps, habitant un monde étrange, voire inquiétant. L’intérêt porté au train par les artistes diminue à partir des années ‘50, mais il revient sur le devant de la scène à une époque qui doit remettre modernité et environnement en adéquation. L’artiste Fiona Tan présentera une installation sur cette thématique. Une exposition à découvrir jusqu’au 13 février 2022 aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. Plus de détails sur le site www.finearts-museum.be Rue de la Régence, 3 à 1000 Bruxelles


EXPOSITION : R. H. QUAYTMAN Dans le cadre de ses recherches sur l'histoire artistique de Bruxelles, l'artiste angloaméricaine R. H. Quaytman a croisé le Musée Wiertz. Qui était Antoine Wiertz (1806-1865) et pourquoi a-t-il transformé son atelier en musée? Pourquoi a-t-il choisi de peindre à échelle monumentale des scènes remarquablement émancipatrices de femmes en détresse ou d’autres représentations affreuses de pauvreté, de guerre et de suicide ? R.H. Quaytman réinvente la production des images picturales à l’ère du numérique et du spectacle, en les inscrivant dans l’histoire de l’art, en affirmant leur matérialité et leur portée spirituelle, en déstabilisant les récits dominants selon une perspective féministe et intersectionnelle. Ses stratégies sont tant picturales que photographiques et conceptuelles pour développer une œuvre ouvrant de multiples perspectives. En construisant chacune de ses expositions comme des chapitres, Quaytman construit ses ensembles telle une structure narrative déterminant à la fois le principe organisationnel global et le mode d'exécution des œuvres individuelles. Le choix des sujets (tirés du travail de Antoine Wiertz) suggère une orientation idéologique révolutionnaire soutenant l'émancipation des femmes et des pauvres, et rejetant la faute sur les militaires, l'État et les riches-bien que ses œuvres sur ces sujets soient exposées aux côtés de tentatives gargantuesques d'atteindre La Gloire. Une exposition à voir au Wiles jusqu’au 9 janvier 2022. Plus de détails sur le site www.wiels.org Avenue Van Volxem, 354 à 1190 Bruxelles

EXPOSITION : BRUSSELS TOUCH Bruxelles, une capitale de la mode ! Mais peut-on vraiment parler de mode bruxelloise comme on parle de mode belge ? Natifs, installés provisoirement pour leurs études ou ayant pignon sur rue, les créateurs s’imprègnent de notre ville singulière pour ouvrir de nouveaux horizons. Cette exposition inédite vous invite à découvrir l’empreinte de Bruxelles sur la mode contemporaine, depuis les années 1980 jusqu’à aujourd’hui. Elle interroge les caractéristiques de s tendances bruxelloise ou plutôt de cet « esprit de Bruxelles » à travers le talent de trente-trois créateurs et créatrices. Un événement à découvrir au Musée de la Mode et Dentelle jusqu’au 15 mai 2022. Découvrez tous les détails pratiques sur le site www.fashionandlacemuseum.brussels Rue de la Violette, 12 à 1000 Bruxelles


EXPOSITION : WORKS ON PAPER « Works on Paper » propose une incursion dans l’univers foisonnant de Galila Hollander Barzilaï, collectionneuse belge née à Tel Aviv. Depuis quinze ans, cette personnalité hors du commun assemble les œuvres d’art contemporain dans une collection qui fait le récit de sa propre histoire : en filigrane des œuvres réunies, se manifeste un désir impérieux de réinvention de soi. L’exposition propose une coupe claire dans cet univers pléthorique, en présentant une sélection choisie d’œuvres sur papier. Les visite urs y découvrent comment des artistes internationaux (Jonathan Callan, Jae Ko, Anish Kapoor, William Klein, Angela Glajcar, Andrea Wolfensberger, Brian Dettmer, Haegue Yang e.a) réinventent ce matériau quotidien, usuel, pour en faire des objets d’art d’une puissance inattendue. Collages, sculptures, inscriptions, installations ou bijoux se côtoient, rappelant la personnalité ex centrique de la collectionneuse, mais proposant aussi une réflexion sur l’art de la diversion. Le travail sur papier s’assimile ici à un royaume du détournement, où chaque œuvre se joue de notre perception autant que de nos jugements. A découvrir au Musée juif de Belgique jusqu’au 13 février 2022. Plus de détails sur le site www.mjb-jmb.org Rue des Minimes, 21 à 1000 Bruxelles

EXPOSITION : REST’81 Reset’81 est né à Bruxelles au pied de l’IRIS. Passionné de bédé autant que par l’univers des graffitis depuis la fin des années 80, il en est devenu acteur, le spray à la main, depuis la moitié des années 90. À travers ses œuvres, il se joue des superpositions, à grand renfort de couleurs et de perspectives, pour stimuler la création et entrouvrir la porte de son imaginaire. Des toiles, des plans de métro et d’autres supports sont travaillés à l’aérosol, à l’acrylique et à l’encre... Ambiances urbaines, lettrages et symboles se mêlent aux réinterprétations de figures emblématiques de la bédé belge et du comic’art US sur des plans de New York, la Mecque du graffiti, ou de la STIB. L’artiste présente sa deuxième exposition personnelle : avec des trains, des métros, des murs, des plans... des surfaces chères à l’expression du Street Art qui inspirent l’artiste. Elles quittent la rue pour se réinterpréter aux cimaises de Home Frit’ Home jusqu’au 1er janvier 2022. Plus de détails sur le site Rue des Alliés, 242 à 1190 Bruxelles


EXPOSITION : JARDINS INTÉRIEURS L’intérêt pour les plantes et leur étude sont sans doute aussi anciens que l’humanité. Au début des Temps Modernes sont constitués, en Europe, les premiers jardins botaniques universitaires et privés, véritables prolongements, dans certains cas, des fameux cabinets de curiosités où s’entassaient, dans un ordre méticuleux, les productions les plus étonnantes. Fruits d’un nouveau rapport aux choses, des voyages de découverte ou commerciaux qui scandèrent le développement des empires européens et de leurs réseaux diplomatiques. C’est dans ce même berceau des 16e et 17e siècles que commence à se développer un commerce de plantes exotiques, dont une des expressions les plus folles demeure la spéculation autour des bulbes de tulipes, cause de nombreuses ruines aux Pays-Bas (17e). La possession de plantes rares et chères accroît le prestige des élites sociales et, plus, généralement, d’une bourgeoisie qui se fait sa place au soleil. A Bruxelles, en 1822 se constitue la Société de Flore de Bruxelles dont les principaux animateurs sont, précisément, des aristocrates ou de riches bourgeois, cependant que les horticulteurs locaux n’y bénéficient que d’un statut secondaire. De nombreuses sociétés commerciales accompagnent la naissance de ce type d’associations, où se côtoient, souvent, producteurs et amateurs de plantes. La Société Royale Linnéenne (fondée en 1835) plus démocratique, dans son esprit, en est un bon exemple, comme la Société d’Horticulture et d’Agriculture de Schaerbeek (1878), ou tant d’autres qui rythmeront la vie sociale bruxelloise de leurs expositions et concours, tout au long du 19 e et durant une partie du suivant. Notons qu’alors les élites investissent les alentours de la capitale (les fameux « faubourgs » que resteront longtemps des communes comme Schaerbeek ou Evere, parmi d’autres) pour y fuir le bruit, les odeurs et la saleté de la ville, et y établir des « campagnes », le plus souvent dotées de serres, ne serait-ce que pour cultiver des fruits et des légumes. Dans une situation où, durant quelques décennies l’horticulture devra sa prospérité à une clientèle avide de raretés directement importées des Tropiques, la question du chauffage pèsera lourd. Il faudra charger le poêle durant de longs hivers. A cette dernière, s’ajoute encore la phalange des jardiniers, profession qui, bientôt, se forme dans des écoles d’Etat (1849), véritables symptômes des tocades d’une époque. Les jardins d’hiver deviennent également extrêmement courants dans la seconde moitié du 19e siècle. A y bien réfléchir, jardins et autres structures de fer (ou de bois) et de verre, témoignent d’une forme de bipolarité bourgeoise : positiviste, elle aspire à contrôler, intellectuellement et pratiquement, la nature, mais ne peut s’empêcher de se laisser aller à l’évocation romantique de sa sauvagerie, notamment à travers les récits de voyages. Le 19e siècle est aussi, corrélativement, le temps de l’explosion de l’industrie horticole belge, la belle époque des naturalistes-collecteurs payés par cette dernière, un temps où l’on se dote de manuels d’instruction destinés à guider les observations et la collecte. L’introduction permanente des plantes dans les demeures est révélatrice du rapport que la société industrielle tisse avec la nature. Entretenir des plantes est une activité édifiante et pacificatrice : on cultive chez soi au lieu d’aller au cabaret… Souvent négligée par l’histoire de l’art, elle est pourtant incontournable pour comprendre l’évolution esthétique des intérieurs de cette période. Une exposition à découvrir jusqu’au 6 mars 2022 à la Maison Autrique et ce du mercredi au dimanche de 12 à 18 heures. Plus de détails sur le site www.autrique.be Chaussée de Haecht, 266 à 1030 Bruxelles


EXPOSITION : BLAKE ET MORTIMER - LE SECRET DES ESPADONS En un temps où l’Amérique régnait en maître sur la bande dessinée réaliste avec Flash Gordon, Dick Tracy, Mandrake, le Fantôme, Jungle Jim, Tarzan ou Prince Vaillant, Edgar P. Jacobs a été le premier auteur belge à rivaliser avec la perfection esthétique et la narration des comics. En 1943, l’artiste avait près de quarante ans quand il a créé Le Rayon « U » dans le magazine Bravo !, première bande dessinée de sciencefiction made in Belgium. Impressionné par son talent, Hergé l’a engagé comme collaborateur et a convaincu l’éditeur bruxellois Raymond Leblanc de l’intégrer à la rédaction du futur journal Tintin. Pour le premier numéro, Edgar P. Jacobs a imaginé le scénario d’une histoire contemporaine sur le thème de la Troisième Guerre mondiale : « Le Secret de l’Espadon ». Le succès a été immédiat et fulgurant. La publication de ce récit fondateur des aventures de Blake et Mortimer a tenu les lecteurs en haleine du 26 septembre 1946 au 8 septembre 1949. En soi, « Le Secret de l’Espadon » rompait avec la tradition francobelge des jeunes héros naïfs tournés vers l’action débridée et l’intrigue en 144 planches qui préfigurait le roman graphique moderne. Plus que tout autre, Edgar P. Jacobs travaillait la psychologie des personnages, apportait un soin maniaque à la crédibilité des décors comme à la dramaturgie des couleurs. Publié en deux volumes en 1950 et 1953, « Le Secret de l’Espadon » a été réédité en 1964. Septantecinq ans après sa création, cette exposition-anniversaire plonge dans les coulisses de ce chef-d’œuvre du neuvième Art et dans l’intimité de son créateur visionnaire. Planches, croquis, objets et accessoires personnels d’Edgar P. Jacobs vous attendent. Accompagnés de vos smartphones, suivez les cases en réalité augmentée, donnez vie aux héros, partagez leurs émotions et surtout découvrez un monde extraordinaire qui a fait rêver plusieurs générations. Enfin, cette exposition l’ambition de transmettre au public les clés de compréhension permettant de replacer cette œuvre fondatrice dans son temps, tout en mettant en évidence son étonnante actualité. Un événement à découvrir au Centre belge de la Bédé jusqu’au 16 avril 2022. Plus de détails sur le site www.cbbd.be Rue des sables, 20 à 1000 Bruxelles EXPOSITION : RAOUL SERVAIS Plongez dans l’univers du pionnier belge de l’animation Raoul Servais grâce à ses dessins, des éléments de décor et même des instruments avec lesquels il a créé ses films. Cette exposition met en lumière la personnalité de Raoul Servais, ses procédés artistiques, sa quête de techniques novatrices et aussi, son amour pour les arts, le surréalisme, Paul Delvaux… Vous pourrez également admirer en avant-première les esquisses de son tout nouvel opus réalisé en collaboration avec Rudy Pinceel : Der lange Kerl. Ägé de plus de 90 ans, le bonhomme est considéré comme l’un des précurseurs dans le genre chez nous, un artiste qui a toujours aimé les univers étranges et qui a souvent côtoyé les mondes fantastiques si chers à Thomas Owen et Jean Ray. Né à Ostende en 1928, il n’a suivi aucune école et fait partie de ceux qu’on appelle des autodidactes, soucieux d’apprendre sur le terrain en se fiant à son flair et à ses goûts. On se souvient encore de son court-métrage « Harpya » qui a obtenu une palme à Cannes en 1979, un chefd’œuvre de surréalisme et une récompense méritée ! Un film unique par sa technique, puisque le réalisateur y a employé une technique mixte combinant le papier découpé, la projection frontale et le multiplan. Un procédé guère reproduit, car extrêmement exigeant et laborieux. Une exposition en forme d'hommage à voir absolument et à voir au Musée BelVue jusqu’au 6 mars 2022. Plus de détails sur le site officiel www.belvue.be Place des Palais, 7 à 1000 Bruxelles


EXPOSITION : THE ABC PORN CINEMA Les plus de cinquante ans connaissaient cette enseigne flanquée à une encablure de la place Rogier, sise boulevard Adolphe Max. Un cinéma dit porno qui faisait partie du paysage urbain. Ouvert à Bruxelles au début des seventies, en plein boum du X, période parfois surnommée la parenthèse enchantée, le Cinéma ABC a dû fermer ses portes quarante ans plus tard face à la concurrence d’Internet. Ancré au cœur de la capitale, il était l'un des derniers cinémas pornos au monde à projeter des longs métrages sur pellicule argentique 35 millimètres. À travers l'histoire de ce cinéma, cette exposition interdite aux moins de 18 ans dresse le portrait d'un monde underground. Au fil de son existence, le lieu était devenu une caverne d’Ali Baba, remplie de bobines, de piles d'affiches et de photos débordant de cartons empilés sur des étagères ou dans des armoires. Du folklore ou le témoignage d’une certaine période ? Un peu des deux ! Aujourd’hui, le Mima lève un coin du voile de ce patrimoine en dévoilant une partie de ces trésors cachés et un peu inavouables. Proposé sur deux étages, cette exposition n’entend pas poser la question de la morale, mais décliner un voyage au sein de la sphère du cinéma pornographique tel qu’il était proposé au cours du dernier quart du XXe siècle, avec ses codes et ses vedettes. L’occasion de découvrir que de très grands réalisateurs s’y sont adonnés sous pseudonyme (Claude-Bernard Aubert, Serge Korber) pour continuer de travailler et que toute une série de tâcherons de seconde classe s’en sont fait les spécialistes (Jean Rollin, Jess Franco, José Bénazéraf). Temps fort de la visite : la reconstitution du balcon du susdit cinéma. A découvrir au Mima, par nostalgie ou par curiosité, jusqu’au 9 janvier 2022. Plus de détail sur le site www.mimamuseum.eu Quai du Hainaut, 39-41 à 1080 Bruxelles Paul Huet

EXPOSITION : HAHAHA Une bouteille de vin, une pelle à neige, une phrase, un urinoir... Rien de tout ça ne semble particulier. Qui aurait cru que ces objets seraient à l'origine d'une révolution artistique qui changerait complètement notre regard sur l'art ? Et surtout, que ce changement a commencé au beau milieu de la Première Guerre mondiale ? Cette révolution artistique a commencé en 1917 et a trouvé sa source dans un urinoir renversé. Cette pièce de plomberie ordinaire a été baptisée « Fontaine » par Marcel Duchamp et est ainsi devenue une œuvre d'art à part entière. Bien qu'il s'agisse d'une plaisanterie, elle n’a pas été sans conséquence. L'humour s'est vu attribuer un rôle définitif dans le royaume de la beauté, entraînant un bouleversement propice à la création et annonçant la transition entre l'art moderne et l'art contemporain. Un siècle plus tard, cet événement est toujours considéré comme une avancée majeure dans l'histoire de l'art. Que serait devenu l'art du XXe siècle sans cette plaisanterie libératrice, qui a insufflé un vent de légèreté dans un monde qui se prenait trop au sérieux ? L’exposition Hahaha. L'Humour de l'Art, organisée en collaboration avec KANAL et le Centre Pompidou s'articule autour de plusieurs thèmes : les caricatures, le jeu de mots, les œuvres-jouets, le canular, la parodie, la dérision et les artistes-bouffons. Au cours de cette exposition, vous découvrirez comment les artistes ont intégré l'humour dans leurs œuvres et rompu avec la tradition pour proposer de nouvelles formes. Une rétrospective de l’humour dans l’art à découvrir jusqu’au 16 janvier 2022 à l’ING Art Center. Plus de détails sur le site www.ing.be/art Place Royale, 6 à 1000 Bruxelles


EXPOSITION : ORIENT-EXPRESS Mythique, luxueux et belge, voilà l’Orient-Express ! Il a été raconté que lors d'un voyage de plusieurs mois aux Etats-Unis en 1867, l'ingénieur liégeois Georges Nagelmackers a découvert les sleeping-cars ou wagons-lits conçus par l'industriel américain George Pullman. Si ces trains étaient bien plus avancés technologiquement que ceux d’Europe (plutôt inconfortables à l'opposé du luxe américain). Dès lors, il lui est venu l’idée de créer des trains de nuit à destination d'une clientèle aisée et qui s’accommoderait d’un bien-être ostensible. En 1882, il a donc lancé une ligne ferroviaire Paris-Vienne qui a récolté un énorme succès. Pourquoi ne pas poursuivre dans cette voie, puisque l’achat de billets s’envolait ? Relier Constantinople, voilà le pari suivant ! Depuis, ce train est entré dans la légende grâce aux médias, à certains écrivains qui en ont fait le cadre d’action de divers romans et par le truchement du cinéma. Qui a oublié Hercule Poirot à bord du susdit train pour l’une de ses enquêtes les plus célèbres ? Train World accueille une exposition exceptionnelle consacrée à l’épopée de l’Orient-Express ainsi qu’à son créateur. A cette occasion, des wagons sont présentés au public. Cet événement-phare fait également la part belle à des œuvres d’art décoratif et à des documents uniques retraçant cette aventure inscrite dans les annales et la mémoire collective. A cela, le parcours évoque enfin les rêves qu’il a engendrés à travers le regard de plusieurs artistes, des plus connus comme Agatha Christie aux plus ténus, tout en rendant hommage aux artisans d’art qui ont contribué à bâtir sa réputation. Une exposition à découvrir jusqu’au 17 avril 2022 à Train World. Voyez tous les détails pratiques sur le site www.trainworld.be Place Princesse Elisabeth, 5 à 1030 Bruxelles Paul Huet

EXPOSITION : BRUSSELS TOUCH Qu’est-ce que la Brussels Touch ? Un mythe ? Une formule inventée par l’un ou l’autre journaliste avide de formules ? Un titre lâché en haut d’une affiche ? Une réalité ? Voilà une exposition destinée à montrer ce qui se fait en matière de mode dans la capitale, vectrice d’inspiration et carrefour des talents. Natifs, installés provisoirement pour leurs études ou ayant pignon sur rue, les créateurs représentés dans le cadre de cette manifestation s’imprègnent de notre ville singulière et cosmopolite pour ouvrir de nouveaux horizons. Cet événement inédit invite à découvrir l’empreinte de nos quartiers sur la mode contemporaine, depuis les années 1980 jusqu’à nos jours. Il interroge les caractéristiques des collections qui sortent de nos ateliers et cherche à circonscrire cet « esprit de Bruxelles » à travers le talent de trentetrois signatures à découvrir sous forme de parcours libre. En l’occurrence : Annemie Verbeke, Anthony Vaccarello, Beauduin-Masson, Cathy Pill, Cédric Charlier, Chevalier Masson, Christophe Coppens, David Szeto, Delvaux, Elvis Pompilio, Emmanuel Laurent, Éric Beauduin, Ester Manas, Éts Callataÿ, Gioia Seghers, Girls from Omsk, Jean Paul Knott, Jean-Paul Lespagnard, José Enrique Ona Selfa,Julien Dossena, Lætitia Crahay, Léa Peckre, Marine Serre, Mosært, Olivia Hainaut, Olivier Theyskens, Own, Union pour le Vêtement, Sami Tillouche, Sandrina Fasoli, Sofie D’Hoore, Tony Delcampe et Sandrine Rombaux, Xavier Delcour. Cette exposition se déroule au Musée de la Mode et de la Dentelle jusqu’au 15 mai 2022. Plus de détails sur le site www.fashionandlacemuseum.brussels Rue de la Violette, 12 à 1000 Bruxelles Amélie Collard


EXPOSITION : FABRICE SAMYN Empreint d’une éblouissante force poétique, l’art de Fabrice Samyn interroge le réel et bouscule nos repères. Ses œuvres nous invitent à questionner notre rapport au temps, au sacré, au langage et nous entraînent dans une expérience sensorielle intime et spirituelle. Invité par les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Fabrice Samyn crée un dialogue subtil avec de nombreux chefs-d’œuvre du Musée Old Masters et du Musée Magritte. Son œuvre s’infiltre dans les collections, tel un cheval de Troie, et déclenche des résonances et interférences qui viennent bouleverser notre perception. Artiste insaisissable, il maîtrise aussi bien les techniques ancestrales que les plus modernes. À travers ses peintures, sculptures, dessins, photographies, écritures ou performances, l’artiste s’applique à « mettre le visible à l’épreuve ». Un événement à découvrir jusqu’au 13 février 2022 aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. Plus de détails sur le site www.fine-arts-museum.be Rue de la Régence, 3 à 1000 Bruxelles

EXPOSITION : RACHEL LABASTIE Rachel Labastie présente cet automne un corpus, tantôt inédit, tantôt rétrospectif, d’une trentaine d’œuvres emblématiques de son travail. Son œuvre entière est dualité et nous fait voir au-delà de l’apparence des choses ; concept qu’elle approfondira dans la réalisation d’une pièce créée « en résidence » au sein des Musées royaux, en dialogue avec un tableau de la collection permanente. L’œuvre est imaginée comme le « hors-champ » de « La mort de Marat », Jacques-Louis Davis (1793) et sera dévoilée à l’ouverture de l’exposition. Son art s’exprime dans une grande diversité de matériaux (marbre, bois noble, caisses de transport, osier, terre, argile, porcelaine et grès), et son travail de création est performatif : elle travaille la matière « au corps », en alliant force et détermination au savoir-faire et à une infinie méticulosité. Manipulant les effets de paradoxes et jouant sur l’ambiguïté des formes, la sculptrice contemporaine Rachel Labastie pose un regard critique sur les modes d’aliénation physique et mentale produits par une société toujours plus encline à contrôler nos corps et nos esprits. La matière, chargée de mémoires personnelles et collectives, occupe une place centrale dans son travail, et participe à la sensualité de son œuvre. Elle interroge les symptômes développés au sein de nos sociétés. Très concrètement, et au-delà de la démarche artistique, elle crée un véritable espace de conscience et questionnent les remèdes possibles, autour de l’œil central du Patio, articulé sur deux étages du Musée. Des créations à découvrir au Musées Royaux des Beaux -Arts de Belgique jusqu’au 13 février 2022. Plus de détails sur le site www.fine-arts-museum.be Rue de la Régence, 3 à 1000 Bruxelles


EXPOSITION : WITCHES Les Sorcières sont de retour ! proclamaient les slogans féministes des années 70. A l’aune du mouvement « Metoo » et des guérilleras « Femen » en ce début de XXIe siècle, cette affirmation a pris de l’ampleur et s’est inscrite dans bien des déclinaisons de nos enjeux sociaux contemporains : inclusion, égalité des genres, réappropriation du corps et de la liberté sexuelle, retour à la nature et aux pratiques médicinales naturelles… Loin des femmes persécutées qui les inspirent, les « Sorcières » 2.0 ont singularisé le combat égalitariste des féministes des années 70’ et 80’, et les déclinaisons plutôt joviales et sympathiques des personnages créés par la Pop Culture. Elles s’imposent aujourd’hui dans l’espace public, par leur colère, leurs rébellions, leur refus de l’ordre social et leur militantisme, et réinterprètent cette figure familière de sorcière parfois effrayante, souvent fantasmée au cours de l’Histoire, et véhiculée de façon conviviale depuis quelques décennies dans les séries TV, les films, la BD, les jeux, les animations, ou la littérature. Ce retournement du stéréotype et cette réappropriation interpellent aussi nos sociétés contemporaines et offrent une opportunité d’étudier ces mouvements de femmes, et de retracer l’histoire de la sorcellerie. De Circé l’enchanteresse aux persécutions contre les sorcières démoniaques dès la fin du Moyen Âge, les personnages de sorcières abondent à travers les siècles. Leurs figures complexes et ambivalentes interrogent le passé, nos représentations, et le lien entre rationnel et irrationnel. Elles posent également la question de la sexualité féminine, du rapport à la nature, et de l’histoire de la médecine. L'exposition Witches plonge aux racines de l'histoire de la sorcellerie : des procès en sorcellerie à la littérature merveilleuse, de la figure démoniaque à la gentille sorcière de la pop culture. Objets ethnographiques, manuscrits, peintures, photographies, œuvres du cinéma, performances artistiques… L’occasion aussi de croiser les histoires réelles des prétendues sorcières et leurs représentations à travers les âges et les arts jusqu'à leur réhabilitation contemporaine, notamment par les mouvements queer et féministes qui les ont pris comme emblème de leur révolte. Un événement à découvrir jusqu’au 16 janvier 2022 à l’Espace établissements Vanderborght. Voyez tous les détails pratiques sur le site www.brussels.be Rue de l'Ecuyer, 50 à 1000 Bruxelles

EXPOSITION : REGARDS SUR L’IMAGERIE CARICATURALE DES JUIFS DANS L’HISTOIRE À travers un aperçu de l’extraordinaire collection rassemblée par Arthur Langer-man, Belge d’origine anversoise né en pleine guerre, il donne à voir un aperçu de la folie collective que représente l’antisémitisme visuel, phénomène qui est suivi ici sur différents continents et plusieurs siècles. De l’antijudaïsme païen et religieux à l’antisémitisme social et politique, ce projet didactique présente un regard aussi inédit que saisissant sur la représentation des Juifs, du Moyen Age à nos jours, ainsi que sur les stéréotypes qui leurs sont attachés. La présentation des fac-similés imprimés sur multiplex se décline en tableaux, gravures, statuettes en bois, photographies, archives, posters, cartes postales, ainsi que des objets insolites comme des chopes à bière, cagnottes, plaques émaillées, cendriers ou boîtes d’allumettes. Tout en proposant des images de toutes origines, les concepteurs ont choisi de mettre un focus particulier sur les illustrations « belges : de la prétendue profanation des hosties de Bruxelles (1370) jusqu’aux vignettes textiles confectionnées par certains acteurs du Carnaval d’Alost, la Belgique n’est en effet pas en reste. Les panneaux sont accompagnés d’objets et pièces d’archives issus des collections du Musée Juif de Belgique. Un module vidéographique, dédié au collectionneur Arthur Langerman, propose, enfin, de découvrir son histoire personnelle, procurant un éclairage sur son parcours atypique et sur sa motivation, animée par le devoir de mémoire. Une exposition à voir au Musée Juif de Belgique jusqu’au 31 mars 2022. Plus de détails sur le site www.mjb-jmb.org Rue des Minimes, 21 à 1000 Bruxelles


DÉCÈS DE JEAN-PAUL DIDIERLAURENT C’est avec une immense tristesse que nous vous annonçons le décès de Jean-Paul Didierlaurent emporté par un cancer à 59 ans le dimanche 5 décembre dernier. Nouvelliste exceptionnel, il a été lauréat de nombreux concours de nouvelles, dont le Prix Hemingway, qu’il a remporté deux fois à Nîmes en 2010 et 2012. À lui qui est salarié d’Orange, ce succès historique l'autorise à se consacrer à l’écriture de son premier roman dans la résidence des Avocats du Diable à Vauvert. Ce sera « Le Liseur du 6h27 », une déclaration d’amour éternelle à la littérature qui enchantera les lecteurs du monde entier, connaissant un succès immense à l’international d’abord, vendu dans trente-huit pays avant parution, puis au Diable vauvert et enfin chez Folio (360.000 ex vendus à ce jour en France), recevra les prix du Roman d’Entreprise et du Travail, Michel Tournier, du Festival du Premier Roman de Chambéry, du CEZAM Inter CE, du Livre Pourpre, Complètement livres, ainsi que de nombreux prix de lecteurs en médiathèques. Il est aujourd'hui en cours d’adaptation au cinéma. Il publie ensuite « Macadam », un premier recueil de ses nouvelles, puis « Le Reste de leur vie », « La Fissure » et enfin « Malamute », son dernier roman, situé dans les Vosges qu’il aimait tant et lauréat du prix Erckmann-Chatrian en octobre 2021. Avec Jean-Paul Didierlaurent, les éditions Au Diable Vauvert ont vécu à la fois une aventure éditoriale extraordinaire, de celles qui changent la vie et l’histoire d’une maison indépendante, mais aussi une aventure humaine hors du commun. Pendant dix ans, Jean-Paul a illuminé l’équipe par sa gentillesse, son humilité et son talent unique et profond d’écrivain populaire. Fidèle à ses principes occasions, il n’a pas laissé le succès le détourner des valeurs qui lui étaient chères. Plus qu’un auteur, il était un modèle d’humanité. Il nous laisse pour toujours le cadeau de ses livres, lumineux contes modernes qui touchent à l’essentiel des lieux communs à tous.


LES TRIBULATIONS DE LA FAMILLE ZOEGEMEEL À BRUSSELLES 1.9 — Maneer va spreike, je suis dans l'ambrass juchqu'au cou, fieu.D'un côté je sais pas quoi acheter pour la nouvel an de ma Treene, et de l'autre côté je dois me payer des nouvelles slaches pour le travail car on va avoir une inspection la semaine prochaine. Mennant ils veulent qu'on met des écrase-gendarmes avec du fer au bout pour que tu casses pas tes orteils quand tu lâches un gros bois dessus. Et les zoles elles ont une plaque aussi en fer pour quand tu marches sur un clou, que ça traverse pas ton pied. Qu'estce qu'ils vont pas inventer, dis ? Tout de suite on va aller sur les charpentes habillés comme les postures de la Porte de Hal. Avec rien que du fer sur ton corps, tu vas comme ça peser une tonne ! — Oué. Ça est comme ça cordélien comme histoire. Mais normalement c'est le boes qui fournit ça, non ? — Tu vois le Staaf payer une étrenne à ma Treene, toi ? Zo-ot ! — Non, non, les godasses. C'est le patron qui paie ça. — Ocherme, fieu ! Il a déjà dur à payer sa tournée chez le Kûulkapper le vendredi ! Quand il a fini de payer ses ouvriers, c'est le baron Plattezak ! Juchés sur la charpente d'une maison en réfection, les deux hommes jouissent d'une vue plongeante sur le boulevard du Midi. Pour un début de janvier, le temps plus clément leur a permis de reprendre l'ouvrage pour quelques jours. Jeuf Zoegemeel a un regard nostalgique vers la droite : — Tu te souviens de quand on allait aux Arts et Métiers, nous deux ? Ça c'était quand même tof, hein ? Il avait jucht le peï avec un zuresmoel qui était jamais content de ce qu'on faisait. Castognel, qu'il s'appelait. Philibert Castognel, il donnait ébénisterie. — « Comment nomme-t-on cet outil, jeune homme ? — Un rabot, Msieur. » Et mot rond a koek : « Non, monsieur ! Une varlope ! » Un maft, ce peï ! — Avec un nom à coucher dehors avec un billet de logement dans sa poche. — Moi j'aimais pas l'ébénisterie, t'sais. Fabriquer des meubels et des bazaars comme ça, ça n'est pas mon verre de gueuze, ça moi je te dis. On est quand même mieux sur un toit, à l'air, assis bien tranquille sur un kepper à boire un drache entre deux copains. — Mais c'est moins gai quand il drache, juchtement. — Eh ben je pense que je vais acheter une sakoch pour ma Treene. Pas une de chez Delvaux, t'sais, da kan maaine broeine ni trekke. Et pour les slaches, je vais d'abord demander au Staaf. Le prinsipoltsjte c'est que ma femme est contente. Le boes je m'en fous. — Awel, awel, qu'est-ce que tu blatter sur mon dos, Jeuf ? Vous êtes tous les deux là, assis, à vider une pinte, et avec ça le travail n'avance pas. Il faut que tout est fini pour tantôt, car demain le couvreur arrive, et il faut encore mettre la sous-toiture et les lattes à panne ! Potverdekke, je vous paie pas pour rien faire, hein ! — On en prenait jucht cinq, boes. Moi et Jeuf on se disait qu'à quatre on irait plus vite. Tu sais pas envoyer un équipe en plus ? — Je vais faire venir dix mille Chinois si ça continue ! Zievert ni ! C'est pas Jeuf en Dore, qu'il faut vous appeler, c'est l'équipe oep za gemakske ! Alleï ! Je donne un coup de main pour la sous-toiture et puis vous terminez ça, hein ! Et toi, Jeuf, tu passes au bureau après car j'ai un œuf à peler avec toi. — Oué mais je disais ça pour du rire, hein, boes. J'en m'en fous pas de toi, ça tu sais quamême, Staaf ? C'est jucht que je veux payer une sakoch à ma Treene pour sa nouvel an. Je vais pas lui acheter une loque à poussière, dis ? Ou un straaikaaizer. On fait pas ça. — Moi, quand c'était l'anniversaire de ma femme, je me suis acheté un nouvelle scie, une belle, avec guide laser et tout. Elle était très contente. — La scie était très contente ? — Non, monsieur le knotsyphon, ma femme ! Tu commences à me courir sur la patate, hein, Isidore ! Si tu veux tenir le zot avec quelqu'un, ça sera pas avec moi, t'sais ! — Alleï, Dore, on s'y remet. On va pas faire une istaure avec ça. Avec le Staaf, ça va aller vite, et du travail ieste klas.


— Dis, boes, si on a fini aujourd'hui, on peut avoir une prime ? C'est jucht pour la nouvel an de Treene, je saurais peut-être aller voir chez Delvaux avec ça. — Finis ton blick et travaille, on verra. — J'aurai ossi une prime, Staaf ? Moi ça m'arrangerait car je dois m'acheter une PS25Bis et ça coûte drôlement cher. — Wadesda veui eet ? — C'est pour quand tu veux tuer le plus possible de monstres. Toi tu es Commandant Isidore avec des fusils et des canons et tu dois sauver le monde, net comme Brute Gillis quand les mauvais attaquent. C'est d'un tof ! Y a même le bruit quand le monstre reçoit une giclée de ton rayon de la mort. Schleurk ! Schleurk ! Schleurk ! — Awel, awel ! C'est pas avec toi qu'on aurait gagné la guerre 14-18. Tire sur la bâche et pense un peu moins, ça va nous donner du couraach. — Demain c'est un autre jour, comme disait Jan Vloeming dans James Bond. Georges Roland

LEXIQUE maneer va spreike : d'une certaine manière ambrass juchqu'au cou :dans l'embarras slaches : souliers, grolles zoles : semelles boes : patron Ocherme, fieu : mon pauvre ami baron Plattezak : baron de la bourse vide tof : chic jucht : juste zuresmoel : la gueule jusque par terre mot rond a koek : une gifle cinglante maft : dingue kepper : madrier sakoch : sac à main da kan maaine broeine ni trekke : c'est au-delà de mes moyens prinsipoltsjte : principal Awel : eh bien blatter : déblatère Potverdekke : juron bruxellois Zievert ni !: un peu de sérieux oep za gemakske : à son aise œuf à peler : une grief loque à poussière : chiffon pour épousseter straaikaaizer : fer à repasser knotsyphon : idiot tenir le zot : se moquer istaure : histoire ieste klas : première classe blick : cannette Wadesda veui eet : qu'est-ce Awel : eh bien couraach : courage


AU GUI L’AN NEUF POUR 2022 ! Il est de tradition le 1er janvier – du moins, ce l’était, car les traditions se perdent dans nos grandes villes – d’offrir un rameau de gui en disant « Au gui l’an neuf ! ». Les amoureux qui s’embrassent sous une branche de gui le 31 décembre à minuit scellent, dit-on, un amour qui durera toujours... Mais d’où vient cette coutume qui associe le gui porte-bonheur aux fêtes du Nouvel An ? C’est une longue histoire, aussi vieille que cette plante parasite qui pousse en hiver sur certains arbres comme le pin, le sapin ou, plus rarement, le chêne. Ses feuilles toujours vertes et charnues abritent de petites baies blanchâtres dont se nourrissent les oiseaux au cœur de l’hiver. C’est d’ailleurs en se nettoyant le bec sur les branches, qu’ils transportent les graines d’un arbre à l’autre. La verdure éternelle du gui, associée au chêne, a toujours été un symbole d’immortalité. Les Gaulois, qui croyaient en l’immortalité des âmes, le cueillaient en hiver, à l’époque de la floraison, « lorsque la plante est le plus visible et que ses longs rameaux verts, ses feuilles et les touffes jaunes de ses fleurs, enlacés à l’arbre dépouillé, présentent l’image de la vie au milieu d’une nature morte et stérile », comme l’écrit si joliment Michelet dans son Histoire de France. La cueillette de cette plante magique ne pouvait se faire qu’au moyen d’une faucille en or, le plus noble des métaux et selon un rituel que rapporte Pline l’Ancien, écrivain latin du 1er siècle de notre ère. Chaque année, le sixième jour de la nouvelle lune succédant au solstice de l’hiver (c’est-à-dire fin décembre), les druides, qui étaient les prêtres des Gaulois, se rendaient en cortège dans la forêt auprès d’un grand chêne. Vêtu d’une longue robe blanche, l’un d’eux montait dans l’arbre sacré et coupait le gui avec une serpe d’or pour reprendre « l’eau du chêne » : la vitalité et la force de l’arbre dérobées par la plante parasite. César, dans La Guerre des Gaules, le confirme : « Un prêtre en robe blanche monte sur l’arbre et coupe avec une serpette d’or le gui. Les druides croient que l’eau où l’on a fait tremper le gui rend féconds tous les animaux qui en boivent et qu’elle est un remède efficace contre toute espèce de poisons. La cérémonie pour cueillir le gui est la plus solennelle de toutes celles que pratiquent les druides. » Les rameaux étaient recueillis au vol dans un drap blanc tendu au pied du chêne, car pour garder leur pouvoir magique, ils ne devaient pas toucher le sol. Le gui était alors distribué parmi l’assistance nombreuse, et chacun emportait sa part de porte-bonheur pour la nouvelle année, tandis que deux taureaux blancs étaient immolés aux cris de « O ghel an heu ! », ce qui signifiait dans la langue celtique « Que le blé germe ! ». Rituel associé au renouveau de la nature. L’adage populaire, en transposant l’expression celtique, en a fait : Au gui l’an neuf !


La superstition tenace du gui n’était pas du goût des chrétiens qui, au 4e siècle, tentèrent de l’éradiquer. La vénération du gui fut décrétée païenne. Lorsque la fête de Noël remplaça la fête païenne du « Sol invictus », le Soleil invincible (fête de Mithra, dieu solaire vénéré par les légionnaires sur le limes), le houx fut substitué au gui. Un remède universel Souvenez-vous, dans les aventures d’Astérix, le druide Panoramix en coupe sur les chênes avec sa serpe d’or. Le gui fait partie de ses ingrédients pour préparer la fameuse potion magique qui délivrera les Gaulois de tous leurs maux, y compris bien sûr des Romains, leurs pires ennemis. On sait que pour les Gaulois le gui était une panacée, une sorte de remède universel. Ils l’appelaient d’ailleurs la plante « qui guérit toutes les maladies ». Ils croyaient que, prise en tisane, elle rendait les animaux féconds et constituait un puissant antidote contre les poisons. Cette croyance a survécu dans la médecine naturelle, qui recommande toujours le gui en pommade ou en tisane. Broyé avec du saindoux, on en fait un onguent pour les engelures. En tisane, le gui agirait sur le métabolisme en général et sur le diabète en particulier. Il règlerait les troubles vasculaires, les pertes trop abondantes et pourrait même supprimer la stérilité... Il y a sûrement du vrai dans tous ces boniments deux fois millénaires. Les légendes ont la vie longue. Voilà pourquoi vous offrirez cette année, avec vos meilleurs vœux pour 2022, un rameau de gui à ceux que vous aimez. Et moi, au lieu de vous dire simplement « Bonne année », je vous dis : Au gui l’an neuf ! Michel Lequeux

CONCERT : SALVATORE ADAMO Depuis cinquante ans, il parcourt le monde avec plein de tendresse et de succès. Il aime son public. Et son public l’aime. Soyons chauvin, notre Salvatore Adamo national est un homme bien. Un artiste qui n’essaye jamais de tirer la couverture vers lui. Et pourtant, il pourrait se le permettre avec ses nombreux tubes dans le monde entier, et ses plus de cent millions d’albums vendus à travers le monde. Face à lui, on a envie de devenir son ami tellement la sincérité et la bonté sont au rendez-vous. Tellement l’homme a la chaleur dans son cœur. Retrouvez le « tendre jardinier de l’amour » comme l’avait baptisé Jacques Brel et, notamment, Raymond Devos : « Adamo… c'est “chansons”, c'est “poèmes”, c'est “vibrations”20 ! ». Un concert attendu par la communauté de fans. Néanmoins, au vu de la situation actuelle, personne ne sait si cet événement sera maintenu ou annulé. Nous vous invitons donc à vous référez au site de l’organisateur www.cirque-royalbruxelles.be Date initialement prévue : 7 janvier 2022 à vingt heures au Cirque Royal. Rue de l'Enseignement, 81 à 1000 Bruxelles Sam Mas


ÉPIPHANIE : LA GALETTE DES ROIS À TABLE Elle se déguste chez nous le 6 janvier. Les enfants vous la réclameront sûrement. Ils l’attendent depuis le Nouvel An. Ils y chercheront la fève qui fera d’eux, s’ils la trouvent, le roi ou la reine de la journée. Mais savez-vous d’où vient cette fête que nous célébrons le jour de l’Epiphanie ? Elle nous vient de très loin. Elle nous vient des fêtes romaines consacrées à Saturne. L’esclave y tirait au sort la royauté d’un jour. Entre la fin du mois de décembre et le commencement de janvier, les Romains permettaient à un esclave de devenir le roi de la maison et de se moquer ainsi de son maître. Ces fêtes favorisaient l’inversion des rôles dans la société afin de déjouer les jours néfastes de Saturne, divinité chthonienne du monde souterrain dont on se méfiait à Rome. Une fois par an, on rendait grâce au maître des Saturnales. Au cours d’un banquet familial où les esclaves de la demeure étaient invités, les Romains utilisaient la fève d’un gâteau pour tirer au sort le prince du désordre. Le roi d’un jour, appelé « Saturnalicius princeps », pouvait exaucer tous ses désirs d’esclave pendant la journée, comme celui de donner des ordres à son maître, avant de retourner le lendemain à la vie servile qu’il venait de quitter. Cela permettait aussi de resserrer les affections domestiques autour de la maison. Pour assurer la distribution aléatoire de la galette, il était de coutume que le plus jeune esclave se place sous la table et nomme, sans le voir, le bénéficiaire de la part de gâteau qu’on attribuait à chaque participant. Celui qui recevait la fève était déclaré roi de la compagnie, laquelle se mettait à boire, manger et danser au son de la musique. Plus tard au Moyen Age, l’usage voulait qu’on partageât la galette en autant de parts qu’il y avait de convives, plus une laissée au hasard. Cette dernière, nommée la « part de la Vierge » ou la « part du pauvre », était destinée au premier venu qui se présenterait à la porte. On espérait que ce fût un pauvre hère qui partagerait la galette et deviendrait le roi de la journée en tirant la fève. La fève La tradition de « tirer les rois » à l’Epiphanie passe par la dissimulation d’une fève dans la galette. Son emploi remonte aux Grecs, qui l’utilisaient pour tirer au sort leurs magistrats. Car la part du hasard était inscrite dans la démocratie athénienne. Les Romains se servaient du même moyen pour élire le maître des Saturnales. Le christianisme, devenu religion d’Etat, remplaça la fève par l’enfant Jésus, longtemps cherché par les Rois mages. Les premières fèves en porcelaine apparurent à la fin du XVIIIe siècle. Si l’emploi de la fève est toujours d’actualité, il en existe d’autres de fantaisie que collectionnent les adeptes de la « fabophilie ». Ils en ont toute une collection. La galette est souvent faite d’une pâte feuilletée cuite au four. Elle peut être fourrée avec de la frangipane, des fruits, du chocolat ou de la compote de pomme. On dit que près de 70 p.c. des convives trichent pour donner la fève aux plus jeunes. Chiche que vous faites parties des tricheurs, et vos enfants vous en savent gré. Les boulangers fournissent avec la galette une couronne en papier doré ou argenté. Cette couronne porte sur elle le mot Epiphanie pour désigner la galette des rois. Ce mot, signifiant en grec « la manifestation divine », évoque les trois rois qui vinrent saluer la naissance du Christ à Bethléem. En Flandre, le gâteau s’appelle la driekoningentaart : la tarte des trois rois.


Les trois rois Ils figurent dans l’Evangile selon Matthieu qui ne cite ni leur nom ni leur nombre. Ils sont venus d’Orient, guidés par une étoile pour rendre hommage au « roi des Juifs » et lui apporter trois présents d’une grande valeur : l’or, l’encens et la myrrhe. L’idée de leur origine royale apparaît chez Tertullien au début du IIIe siècle, et celle de leur nombre est évoquée un peu plus tard par Origène. Leurs noms seront fixés au VIIIe siècle dans une chronique universelle en latin, l’Excerpta Latina Barbari : Melchior, Gaspard et Balthazar. Ce sont les personnages traditionnels de la Nativité. Le thème de l’Adoration des Mages deviendra très populaire dans l’iconographie chrétienne. Selon Matthieu, ils se présentèrent à Jérusalem pour rechercher le « roi des Juifs qui venait de naître » et dont une étoile, peut-être la comète de Halley, leur avait montré le chemin. Causant ainsi le plus grand trouble auprès d’Hérode qui craignait pour sa royauté et auprès des habitants de Jérusalem qui ne voulaient pas déplaire à leur roi. Guidés par cette étoile, ils découvrirent l’enfant à Bethléem « avec Marie, sa mère », et lui offrirent trois présents. Après cet hommage, les mages furent avertis par Dieu de ne pas retourner auprès d’Hérode, et ils regagnèrent leur pays par un autre chemin. L’histoire se poursuit avec l’épisode de la fuite en Egypte et le massacre des Innocents. L’origine incertaine des mages de l’Evangile a pu faire songer à des prêtres perses venus de Médie (comme le veut le mot mage désignant des magiciens), à des astrologues babyloniens appelés « chaldéens » par les Grecs et les Romains, ou encore, vu leurs présents, à des voyageurs d’Arabie ou de Syrie. Les Romains y voyaient des devins venus vénérer la naissance d’un enfant sacré. Leur royauté semble avoir été forgée par la tradition à partir de divers passages de l’Ancien Testament. C’est Origène qui fixe le premier, dans ses Homélies sur la Genèse, leur nombre à trois, se fondant vraisemblablement sur les trois présents qu’ils apportaient avec eux. Des fouilles archéologiques dans le delta du Nil ont mis à jour un graphite peint à la fin du VIIe siècle, qui propose les noms de « Gaspar, Belkhior et Bathèsalsa » dans lesquels nous reconnaissons nos trois Rois mages. Les trois présents L’or évoque la royauté du Christ, l’encens son caractère liturgique, et la myrrhe, un parfum qui servait à embaumer les morts en Egypte. Gaspard, jeune prince aux traits asiatiques, offrit l’encens. Melchior, représenté comme un roi âgé, donna l’or. Et Balthazar, au visage noir portant toute sa barbe, offrit la myrrhe. La Renaissance italienne nous a révélé leurs visages avec Giotto, Fra Angelico, Hans Memling, Botticelli, Léonard de Vinci ou Albrecht Dürer. On peut les admirer dans nos musées. Michel Tournier leur a joint, dans son roman Gaspard, Melchior et Balthazar (1980), un quatrième roi mage, Taor, prince de Mangalore dans le sud de l’Inde. Eternel retardataire à la poursuite d’une recette du loukoum à la pistache, il vient troubler et vivifier le mythe en devenant le premier à recevoir l’eucharistie. Lisez ce beau roman qui vous plongera dans les senteurs parfumées de l’Orient, à l’époque du Christ. Vous offrirez donc la galette des Rois à vos enfants ce 6 janvier, en vous arrangeant pour que le plus jeune tire la fève et soit proclamé roi ou reine de la journée. Bon appétit aux tout petits autour de cette galette royale et sempiternelle. Michel Lequeux


THÉÂTRE : LA REVUE Foule sentimentale, soif d’idéal ? Cette Revue 2022 est glorieuse, lisse, belle, montée comme une crème Chantilly alors que la disette de joie et de bonne humeur sévit gravement partout autour de nous. Autant dans les cœurs meurtris de nos artistes, que dans celui du public persécuté par les mesures sanitaires contradictoires. « La Revue », le must royal bruxellois s’est toujours voulu moqueur, parodique, léger, rythmé, endiablé, pétillant de traits d’esprit et de gaité communicative. C’est un art de vivre ne lésinant pas sur la zwanze. Bouillant de parodie, de facéties, de jeux de mots et calembours. Scintillant de lumières, de costumes et d’effets grandioses. On y allait comme en pèlerinage de rire, pour se saouler de verbe, d’autodérision et de présence scénique. Pour attendre l’esprit en fête, la mise au placard de l’année en cours. Mais comment célébrer dignement une année 2021 si peu fastueuse ? Et le mot est faible. Les artistes y ont mis leur cœur, tous lestés d’amour, d’espoir, de joie et de paix. Ils y ont mis la tendresse humaine et une humilité peu commune. Cette fois, la Revue est entrée en résistance, elle a mis la pédale douce. Moins de bling-bling, moins d’artistes en scène, moins d’exagérations… Tout en réveillant à bout de bras et de jeu scénique nos consciences endormies. Le menu n’a rien de blasphématoire, d’iconoclaste, d’offensif, rien de déplacé ni d’outrecuidant, le ton est juste et mesuré. Et il plaît. Des demi-teintes automnales dans un vent d'empathie, comme si la nostalgie de nos jeunes années - artistes et public tenaillait les spectateurs riant sous masque. Personne ne s’est saoulé de rire, mais tout le monde est ressorti le sourire aux lèvres. Un pied de nez gracieux aux systèmes qui nous embrouillent et nous entortillent. Prenez allègrement vos billets : c’est le meilleur moyen de contrer la sinistre transformation de notre société. Refuser notre pernicieux isolement. Retrouver rimes et raison. C’est retrouver le vif plaisir de franchir les portes de verre, tendre son billet, accéder à la salle mythique, se carrer dans le velours oublié du fauteuil, attendre que les lumières s’éteignent, et revivre le rêve et le charme de la découverte théâtrale. Un joyeux chemin vers l’autre. On y glousse, on y gronde, on échappe à l’étau de la pandémie. La salle vibre autour de soi, la ruche héroïque revit, le miel de l’humour coule à flots sur le plateau. Chapeau les artistes ! Ils ont répété, travaillé, inventé, affiné, sauvé le meilleur pour l’extraordinaire plaisir d’offrir. A voir au Théâtre des Galeries jusqu’au 23 janvier 2022. Plus de détails sur le site www.trg.be Galerie des Princes, 6 à 1000 Bruxelles Dominique-Hélène Lemaire


THÉÂTRE : LES FAUX BRITISH Imaginez sept comédiens amateurs, passionnés de romans noirs anglais, qui décident de monter un thriller anglais en amateurs... Et en français. L’histoire : au 19ème siècle, au cœur de la vieille Angleterre, un superbe manoir, une soirée de fiançailles. Un meurtre est commis. Tous sont suspects, une enquête est ouverte… Mais rien ne va se passer normalement. Très vite tout dérape, plus rien ne tient ensemble, ni les suspects, ni les soupçons, ni le décor, ni les costumes, ni le texte… Plus rien du tout. Tout part en sucette. Et c’est à mourir de rire. La représentation théâtrale est un piège. À un rythme endiablé, nos Faux British, armés d’un flegme légendaire, feront tout pour maintenir le suspens et finir la pièce. Dans quel état ? où est donc passé le corps ? Que fait la police ? Et quand est-ce qu’on mange ? Après une longue tournée, la troupe déjantée des Faux British revient à saint-Josse dans un joyeux désordre pour un divertissement pur jus à voir du 12 janvier au 19 février 2022 au théâtre Le Public. Plus de détails sur le site www.theatrelepublic.be Rue Braemt, 64-70 à 1210 Bruxelles

THÉÂTRE : LA PLUS PRÉCIEUSE DES MARCHANDISES Pour écrire un conte, il faut un décor : une masure, une forêt bien dense, de la neige ; des personnages dans la masure : un homme et une femme. Il est bûcheron, elle n’a pas d’enfant. Voilà, le décor est planté. Ah non, pas tout à fait, il faut un élément porteur de malheur qui va démarrer le conte. Ici c’est un train à travers la forêt. Un train de marchandises. Un jour, comme par miracle, une petite marchandise va tomber du train… et la pauvre bûcheronne va la ramasser. Mais pour tout cadeau du ciel, il y a un prix à payer, surtout en ces temps où sévissait autour de ce grand bois touffu, la guerre mondiale. Voici une bien poétique façon de raconter l’Histoire. Et de poésie nous avons tant besoin. Jean-Claude Grumberg est un immense conteur ! Il livre ici l’un de ses plus beaux récits, d’une force et d’une densité sans égal, qui laissera une trace durable dans les mémoires. Grumberg à travers l’horreur et la folie meurtrière, la déportation, raconte l’amour d’une mère et d’un père, la force de sauver, la plus précieuse des marchandises. Un spectacle à découvrir du 18 janvier au 26 février 2022 au Théâtre Le Public. Plus de détails sur le site www.theatrelepublic.be Rue Braemt, 64-70 à 1210 Bruxelles


SPECTACLE : MOUSSE Dans « Mousse », il y aura un micro, des balles, un jardinier, une plante, un k-way de grand-mère, France Gall et puis Barbara. C’est un spectacle de jonglerie punk, triste et rigolo ! Ce qui est fragile comme la mousse des forêts et qui peut mousser comme une bonne bière. « Mousse » est une ode au doute. Un spectacle qui évoque nos instants de solitude, toutes ces choses qu’on fait dans notre coin et qu’on n’ose pas partager. C’est un spectacle qui évoque notre rapport à la réussite, à la perfection et qui réaffirme notre droit à l’erreur. Il pose aussi des questions “essentielles” telles que : Qu’arrive-t-il quand une jongleuse doit jongler alors qu’on essaye de lui faire un shampooing ? Est-ce que le « point mousse » peut être considéré comme du jonglage ? Un spectacle à découvrir le vendredi 14 janvier 2022 au Centre culturel d’Uccle. Plus de détails sur le site www.ccu.be Rue Rouge, 47 à 1180 Bruxelles

THÉÂTRE : LES ÉMOTIFS ANONYMES Voici l’histoire toute simple de deux personnes pour lesquelles chaque sortie est une épreuve, chaque rencontre un examen, chaque conflit une sueur froide. Nos émotifs cherchent le réconfort dans des séances de thérapie de groupe. La promesse d’un spectacle chaleureux et subtil, comme le meilleur des chocolats. Jean-René, patron d’une fabrique de chocolat, et Angélique, chocolatière de talent, sont deux grands émotifs. Leur passion commune pour le chocolat les rapproche. Deux personnes si émotives que la moindre friandise les bouleverse, que le moindre trac les paralyse. Ils tombent amoureux l’un de l’autre, mais n’osent se l’avouer et leur timidité maladive tend à les éloigner. Ils sont entourés d’une flopée de personnages, tous bien dans leurs godasses, qui ne comprennent pas qu’on puisse avoir tant de mal à habiter ce « monde de brutes ». Parviendront-ils à dépasser leur manque de confiance en eux, au risque de dévoiler leurs sentiments ? La promesse d’un spectacle chaleureux et subtil comme le meilleur des chocolats défendu par Nicolas Buysse, Charlie Dupont, Tania Garbarski, Aylin Yay. C’est à voir au Centre culturel d’Uccle du mardi 18 au jeudi 20 janvier 2022. Plus de détails sur le site www.ccu.be Rue Rouge, 47 à 1180 Bruxelles


THÉÂTRE : HOME Une table, trois chaises, une radio, un fauteuil, un piano. Une salle commune : un espace pour être ensemble, un espace où l’on est seul. Un lieu aseptisé et calme, où l’on écoute le temps passer, où l’on attend. De temps en temps, une voix surgit du silence, celle d’une résidente fredonnant une chanson ou d’un autre racontant un souvenir. Comment faire entrer 90 ans d’existence dans une chambre de quinze mètres carrés ? Et que voit-on du monde depuis ces lieux-là ? À la frontière entre fiction et documentaire, Home s’inspire de scènes observées par l’équipe au sein d’une maison de retraite médicalisée à Ixelles et des rencontres faites sur place. Les trois jeunes actrices et acteur habitent ces corps vieillissants, les incarnent, et, affrontant les joies et les tragédies du quotidien, nous restituent l’inquiétante étrangeté propre à ces lieux. Que faire quand les plantes vertes se transforment en forêt de sapins , que la tempête arrache les murs et qu’il n’y a personne pour servir le prochain repas ? Plongeant dans cette atmosphère et cette temporalité particulière, Home permet à chacun de (re)découvrir quelque chose de sa propre expérience de la vieillesse. Un sp ectacle à voir au Théâtre national du 12 au 22 janvier 2022. Davantage de détails sur le site www.theatrenational.be Boulevard Émile Jacqmain 111-115 à 1000 Bruxelles

THÉÂTRE : PUEBLO Comment récolte-t-on et raconte-t-on les histoires ? Comment dépeint-on l’essence d’un personnage ? Après Discours à la nation et Laïka, Ascanio Celestini et David Murgia poursuivent leur collaboration pour creuser le sillon d’un nouveau récit théâtral autour de c ette grande tribu des invisibles. Fidèle au goût de l’auteur romain pour la narration et l’oralité, Pueblo conte les légendes urbaines de ses personnages flamboyants, parfois récurrents d’un spectacle à l’autre. Une clocharde, un gitan, une tenancière de bar, un manutentionnaire, une caissière de supermarché… Autant de personnages que l’on croise sans leur prêter attention, dans une sorte de dimension parallèle de la vie et de l’Histoire. Autant de silhouettes tru culentes, finement dessinées à travers les rouages implacables de leur vie quotidienne, le plus souvent misérable. Les destins brisés, les récits des plus délaissés de notre société dans leur dimension la plus politique, à la fois crue et poétique, humaine et magique. Un spectacle à voir au Théâtre national du 18 au 22 janvier 2022. Davantage de détails sur le site www.theatrenational.be Boulevard Émile Jacqmain 111-115 à 1000 Bruxelles


THÉÂTRE : TOUT ÇA NE NOUS RENDRA PAS NOËL Le réveillon de Noël chez Odile et Dany, c’est comme chez vous : petits fours, champagne, famille, (vieux) amis, ceux qui préfèreraient être partout plutôt que là, ceux qui sont sincèrement contents de se retrouver, ceux qui viendront peut-être et ceux qui ne viendront plus. Mais le réveillon de Noël chez Odile et Dany, ce n’est pas tout à fait comme chez vous : une nouvelle venue aussi belle que mystérieuse et, surtout, UNE règle pour les cadeaux qui doivent être placés anonymement sous le sapin et piochés au hasard par les invités. Tout va sérieusement déraper quand un convive aura la merveilleuse idée d’y placer « Tintin au Congo ». Les vieux dossiers de famille vont ressortir, et ce n’est pas la nouvelle venue qui va calmer les esprits ! Ça rit, ça grince, ce n’est ni une comédie ni un drame, c’est un spectacle qui ressemble avant tout à la vie, y compris lorsque l’amour finira par triompher d’une manière… inattendue. Une création à découvrir au Théâtre de la Toison d’Or du 12 janvier au 5 février 2022. Plus de détails sur le site www.ttotheatre.com Galeries de la Toison d’Or, 396-398 à 1050 Bruxelles

THÉÂTRE : BOUFFON ET ROI Dans une autre vie, Dave est entrepreneur dans différents domaines, chaque journée est une aventure différente. Du coup, il utilise ce qu’il vit au quotidien pour alimenter son seule en scène. Il a habité Bruxelles, habite le BrabantWallon et a travaillé en Flandre. Il connaît la Belgique comme sa poche et vous la parodie à sa sauce. Tantôt bouffon lorsqu’il travaille à la SNCB, tantôt roi lorsqu’il fait ses courses au Colruyt, pas de doute vous ne pourrez que vous identifier. Un seul en scène de et avec Dave Parcoeur à découvrir au Théâtre de la Toison d’Or le 22 janvier 2022. Plus de détails sur le site www.ttotheatre.com Galeries de la Toison d’Or, 396-398 à 1050 Bruxelles

ONE-MAN SHOW : THOMAS WIESEL : ÇA VA Thomas Wiesel revient avec un nouveau spectacle. Après avoir vanné la Suisse Romande et tout ce qu’elle compte de politiciens et personnalités, il débarque à Bruxelles avec une nouvelle cible, lui. Il se livre, se raconte, se plaint, beaucoup, se moque, et surtout tient à vous rassurer : ça va, promis. Un seul en scène de et avec Thomas Wiesel à découvrir au Théâtre de la Toison d’Or le 30 janvier 2022. Plus de détails sur le site du théâtre www.ttotheatre.com Galeries de la Toison d’Or, 396-398 à 1050 Bruxelles


THÉÂTRE : JUSTE ENCORE ASSEZ DE LUMIÈRE POUR LES PLANTES D’INTÉRIEUR Imaginez un spectacle qui commence par la fin, par un débriefing, histoire de s’assurer que le public a bien compris. Imaginez des scènes avortées, des acteurs et actrices devant sans cesse faire face à des interventions intempestives. Imaginez un monde où l’on n’arrive plus à imaginer. Ils se projettent dans un monde, fortement inspiré de la réalité, où les acteurs seraient entourés d’abrutis, sans être eux-mêmes particulièrement brillants… Un monde où il resterait juste encore assez de lumière pour les plantes d’intérieur. Imaginez le théâtre dans un futur très proche, où la c apacité de concentration de chacun et chacune serait ultra-limitée, les centres d’intérêts d’une futilité affligeante, et où les “autour du spectacle” auraient fini par prendre le pas sur la représentation elle -même. A voir au Théâtre Varia du 18 janvier au 5 février 2022 avec Alice Hubball, Marie Lecomte, Hervé Piron et Baptiste Sornin. Plus d’informations sur le site www.varia.be Rue du sceptre, 78 à 1050 Bruxelles

THÉÂTRE : DRESSING ROOM Seule en scène, Lol présente une collection de prêt-à-porter. D’emblée sa présentation est étrange. Au fur et à mesure de celle-ci, un souvenir terrible vient envahir sa conscience et dérégler la mécanique du show, celui d’une partie de strip-poker où elle n’avait bizarrement que des mauvaises cartes, où, seule au milieu des hommes, elle n’avait pas tout à fait compris les règles…A partir de là s’ouvre un espace de trouble, comme si cette scène obsédante était confusément liée à la présentation de mode. Délaissant peu à peu l’exhibition, Lol entraîne alors le spectateur vers une espèce de cérémonie intime où il lui faut aller jusqu’au bout d’un processus de mise à nu. Dans une lumière peu à peu déclinante, elle va tenter d’être comme elle peut : non plus la présentatrice de fashion sharing, ni la victime d’un jeu malsain, encore moins la Lol tout sourire, enfant de la génération selfie, façonnée par le regard des autres, mais une femme qui tremble devant le gouffre noir du public et cherche à se dire, en vérité. Déconstruisant la langue des autres et la langue de la publicité, qui l’habite malgré elle, Lol se laisse peu à peu traverser par une autre langue : intérieure, fragmentée, sauvage, avec des hésitations, des glissements inconscients, cette part « physique » où l’être se cherche et cherche la rencontre sur la scène nue du Théâtre. Attention, la comédienne relate un viol vécu ! Un seul en scène à découvrir avec Marie Bos au Théâtre varia du 20 janvier au 5 février 2022. Plus d’informations sur le site www.varia.be Rue du sceptre, 78 à 1050 Bruxelles


THÉÂTRE : ZAÏ ZAÏ Zaï zaï zaï zaï, titre de Fabcaro, vient d'ores et déjà nous annoncer la lourde sentence pour cet acte d'anarchisme et d'incivisme : le rebelle sans carte de fidélité devra chanter Joe Dassin au karaoké ! Ainsi, entre la première et la dernière page de la BD, la boucle de l'absurdité est bouclée. Et tant pis si vous repartez avec dans la tête ce petit air qui colle comme un vieux chewing-gum, elle m'a dit d'aller siffler sur la colline... Pourtant, même si le Collectif Mensuel a trouvé cette fin drôle, il a souhaité la changer, et pousser encore plus loin l'idée du dysfonctionnement sécuritaire de la société. Car pour lui, il y a un véritable danger à ces dérives, et les conséquences pourraient être bien pires qu'un mauvais moment musical à passer... Nicolas règle ses courses à la caisse d’un supermarché. Comme il ne trouve pas la carte de fidélité qu'on lui réclame, il est interpellé par le vigile. Saisi de panique, il prend la fuite armé d'un poireau. Traqué par la police, pris sous le feu des médias, il devient en quelques heures l’ennemi public numéro 1. A la télé, sur internet, dans les bars ou à la boulangerie, chacun a son mot à dire sur cette affaire... Commence alors un roadmovie absurde, qui dresse le portrait d’une société à bout de souffle, d'une époque où la médiatisation permanente mise sur le sensationnel et empêche l'émergence de toute pensée. En adaptant au théâtre la fameuse bande dessinée de Fabcaro « Zaï zaï zaï zaï » (Grand prix de la critique et prix des libraires de bandes dessinées), le Collectif Mensuel, à qui l'on doit entre autres Blockbuster et L'homme qui valait 35 milliards accueilli au Poche, crée ici un spectacle multiforme jonglant avec théâtre, roman-photo, musique live, bande dessinée, bruitage… Un spectacle collectif à voir au Théâtre de Poche du 4 au 22 janvier 2022. Plus de détails sur le site www.poche.be Chemin du Gymnase, 1a à 1000 Bruxelles

THÉÂTRE : THE SHOW Qu’est-ce qui nous rend finalement insensible à l’actualité ? Comment fonctionne notre rapport à la compassion ? Qu’est-ce qui nous fait, parfois, mettre des œillères ? Et pourquoi nous sentons-nous parfois « comme des grenouilles dans l’eau bouillante » ? Ce sont quelques-unes des questions sur lesquelles a planché le collectif de circassiens Petri Dish. Partant d’une exploration dans les camps de rééducation politique de Corée du Nord, et remontant les mécanismes de propagande étatique, ce collectif interroge notamment l’indifférence de la population sud-coréenne. Implacable, politique et dure, cette nouvelle création de Petri Dish ? Pas sûr… Comme avec Valhalla, leur précédent spectacle créé au Poche et nommé au Prix du Théâtre, la compagnie y va au comique et au burlesque. « Nous prendrons soin d’y mettre de joyeux emballages pour amener le public à se sentir léger et insouciant » nous promet-elle. Sur scène : une acrobate aérienne, un vieux chanteur, une comédienne… autour de la metteuse en scène Anna Nilson. Anna est suédoise, très liée à la Corée du Sud et habite en Belgique. Elle est une femme du monde à qui le nomadisme donne probablement la légitimité nécessaire à aborder la question de l’empathie, par la prise de témoignages sur le terrain. Une performance à applaudir au Théâtre de Poche du 25 au 29 janvier 2022. Plus de détails sur le site www.poche.be Chemin du Gymnase, 1a à 1000 Bruxelles


THÉÂTRE : NOTRE-DAME DE PARIS Un portrait de Paris à la fin du Moyen-Âge, de ses lieux et de ses hommes. La place de la grève, où on y joue une drôle de justice ; la cour des miracles, qui rassemble tous les misérables ; la cathédrale, majestueuse et austère, où résident Quasimodo l'enfant trouvé et Claude Frollo, le prêtre fou. Partout il n'y a que laideur, injustice et ignorance. Le roi, le juge, le soldat et le prêtre sont laids. Le peuple n'a pas d'autre choix que de croupir dans la saleté et de se soumettre. Quasimodo et Esméralda, deux êtres sans défenses, naïfs, ont le cœur pur. Quasimodo, mi-homme, mi-gargouille, qui n'est pas admis dans la cour des hommes, observe et ressent avec ses propres moyens, toute l'injustice et le désordre de ce monde. À sa façon, il équilibre le bien et le mal, en faisant chuter le mal diabolique, au moment où la pureté se balance au bout de la corde. Il fait triompher le bien sur le mal, pas dans la vie, mais dans la mort. Un roman historique, fantastique et romantique. Des moments intenses qui nous révoltent. Une histoire, nichée dans les pages de l'Histoire, cruellement belle. Le Théâtre royal du Parc a décidé de faire revivre les pages flamboyantes de ce récit imaginé par Victor Hugo dans une mise en scène digne d’Hollywood, avec de nombreux comédiens qui se croisent sur les planches et beaucoup de dynamisme. Un spectacle à voir du 13 janvier au 12 février 2022. Etant donné la situation incertaine liée à la pandémie, renseignezvous via le site www.theatreduparc.be pour savoir si les représentations sont maintenues. Rue de la Loi, 3 à 1000 Bruxelles

THÉÂTRE : ESCALE Quand deux solitudes se rencontrent que se racontent elles ? Des histoires de solitudes ! Le temps d’une rencontre, le temps d’un sourire, le temps d’une escale forcée. C’est avec tendresse et humour que nous avons voulu poser nos regards sur ces deux personnages que tout sépare mais que malgré tout, tout rapproche. Deux aimants, au double sens du terme. Une femme, feu follet de passage qui survit dans une vie fantasmée va s’opposer à un homme désabusé, enfermé dans une vie de famille qu’il ne maîtrise plus afin de tenter de lui arracher ce petit quelque chose, ce petit sourire de vie. Chacun face à ses maux, ses rêves, ses désirs, incarné par deux acteurs que nous avons souhaité contrastés pour mieux faire ressortir leurs failles. Une confrontation, un duel à la fois tendre et drôle, touchant et vif que nous avons voulu enlevés et rythmés. Une comédie délicate douce-amère qui fait ricochet sur les deux personnages le temps d’une « Escale » furtive au cœur des petites choses ! Xavier Lemaire et Amélie Estasse sont à


applaudir au Centre culturel d’Auderghem du 11 au 16 janvier 2022. Plus de détails sur le site www.ccauderghem.be Boulevard du Souverain, 183 à 1160 Bruxelles

MAGIE : CARABISTOUILLES Découvert sous le chapiteau du Cirque Pauwels voilà presque deux décennies, Jack Cooper est de la trempe des plus grands. Un artiste qui s’est fait tout seul à force de travail et de persévérance et dont le talent a éclaté pour le bonheur de tous. Un magicien qui fait songer à ceux qui se produisent à Broadway, avec charme et aisance. Télépathie, transformisme, manipulations, magie des cartes, ombres chinoises, mentalisme, ... Laissez-vous emporter dans le monde de l’illusion, là où l’incroyable est possible ! Jack Cooper est l’un des rares magiciens en Belgique à proposer un spectacle complet. Abordant les aspects les plus variés de la magie, il jongle avec des numéros des plus inattendus. Drôle, dangereux, sarcastique ou mystérieux, il fait s’enchainer les surprises et entraine le spectateur du rire à l’émotion en quelques secondes. Il sera à applaudir à la Comédie royale Claude Volter du 19 janvier au 13 février 2022. Plus de détails sur le site www.comedievolter.be Avenue des Frères Legrain, 98 à 1150 Bruxelles


THÉÂTRE : DON JUAN, VISIT NOW ! Ce spectacle se déploie comme un spectacle pop-up qui ouvre ses fenêtres en accolant textes anciens et pensées contemporaines. Le spectateur écoutera les voix d’Elvire, de Charlotte et de Mathurine – ces invisibilisées que la figure mythique trahit -, traversées des potentialités du féminisme et des révoltes qui brusquent légitimement notre société patriarcale ; il se fera le confident du réel qui agite le théâtre d’aujourd’hui, acteur d’un moment de partage, collaboratif et festif, impulsé par un vivre autrement égalitaire. Ce spectacle pourrait être l’histoire d’une impossibilité réjouissante, créée et contée par un collectif de femmes et d’hommes, se faisant le porte-voix d’un basculement et d’un changement de paradigme inédit. Hommes et femmes dissèquent ensemble le mythe de Don Juan avec, en guise de scalpel, textes d’hier et pensées d’aujourd’hui pour un mode de vie où tous les genres ont les mêmes droits. « L’abuseur de Séville » de Tirso de Molina, « Dom Juan » de Molière, « Don Giovanni » de Mozart : quelle que soit sa déclinaison, le mythe reste cet étendard de la culture de la domination masculine et de la violence faite aux femmes, un séducteur frénétique, autocentré, égoïste, destructeur de destins, systématiquement présenté comme la figure du libre penseur défiant des valeurs morales surannées dont la trajectoire offre, aux regards des combats qui agitent notre actualité, une dissonance irrémédiable et profonde. Un spectacle à découvrir au Théâtre des Martyrs du 7 au 27 janvier 2022. Plus de détails sur le site www.theatre-martyrs.be Place des martyrs, 22 à 1000 Bruxelles

THÉÂTRE : PRIVÉS DE FEUILLES, LES ARBRES NE BRUISSENT PAS ! Isolées, à l’abri du monde et des hommes, deux femmes, Dominique et Gaby, se sont installées dans un camping, pour une durée indéterminée. Devant leur caravane, elles se préparent, attendant interminablement on ne sait qui, on ne sait quoi. Elles semblent gravement préoccupées par l’insoluble problématique du « quoi porter » pour être à leur avantage et naturellement, faire bonne impression. Leurs échanges sont laconiques, un brin absurdes, forçant le sourire, et peu à peu, le malaise.La force de Magne van den Berg réside dans ces courtes répliques, cet humour omniprésent, qui suggèrent drame, souffrances, regrets et espoirs des femmes. Chaque parole est double, cachant derrière une apparente superficialité, une violence profonde presque palpable et dont l’enchaînement mène sans détour au bord d’un précipice au fond duquel gisent les rapports de domination qui, comme les chardons à aiguilles, prolifèrent alors qu’on cherche à s’en défaire. Privés de feuilles, les arbres ne bruissent pas, voilà une mise à l’épreuve, une invitation à lire entre les lignes, à décoder, à dépasser les a priori, à se charger de questionnements et les emporter en sortant de la salle … A vivre au Théâtre des Martyrs du 7 au 27 janvier 2022. Plus de détails sur le site www.theatre-martyrs.be Place des martyrs, 22 à 1000 Bruxelles


ENTRETIEN AVEC PASCAL CROCHET Dans le cadre de la pièce « Don Juan, visit now !» qui sera jouée au Théâtre des Martyrs, rencontre a été effectuée avec Pascal Crochet, cheville ouvrière de ce spectacle qui se veut une relecture du mythe de Don Juan, revisité par le XXIe siècle. - Aujourd’hui, que reste qu’il reste de la légende de Don Juan à travers le prisme de votre texte ? - Il y a quelques extraits de la pièce qui émergent, deux ou trois tableaux qui sont inscrits dans un contexte qui n’est pas du tout celui de la pièce. Ça se passe dans une sorte d’appartement, un loft où, tout d’un coup, comme une résurgence, comme un son qui se ferait entendre, il y a l’écriture de Molière qui surgit, presque de manière accidentelle. La pièce est là, débordée, dépassée, mais elle est à l’origine du projet et c’est la raison de sa présence dans le titre : Don Juan, visit now! Un fil est tendu entre le texte ancien et des façons d’envisager la question de la relation hommes-femmes aujourd’hui. - Comment peut-on encore monter Don Juan aujourd’hui selon vous ? - Évidemment, qu’on peut encore le monter, tout comme on peut, dans un musée, apprécier un tableau ancien ! Le souhait était de partir d’un classique. On peut monter Don Juan, mais on ne peut plus dire qu’il est éminemment actuel. C’est une pièce datée et il faut dès lors partir de son inactualité pour inventer autre chose. Il ne s’agit pas de faire le procès de Molière évidemment. Dans le discours convenu sur le portrait de Don Juan on en est toujours ramené à la même interprétation, un libre penseur qui s’oppose à toutes les règles de la société. Et quand on lit la pièce, c’est vrai qu’il y a cette dimension-là, mais c’est surtout et avant tout, un prédateur. Et c’est par ailleurs une pièce d’hommes, ce sont les mecs qui parlent. Les femmes elles, subissent. Elles n’ont pas grand-chose à dire mis à part se plaindre, pleurer ou demander à Don Juan de revenir dans le droit chemin. Elles n’ont pas de parole propre, ou très peu. - Vous affirmez qu’il ne s’agit pas d’un spectacle féministe. Cependant, en questionnant les rapports de domination homme-femme, ne s’agit-il pas une approche complètement féministe en soi ? - Le spectacle explore le champ des relations entre les hommes et les femmes et joue avec des thématiques autour des questions de domination pour, en ce sens, épouser, je l’espère, les pensées féministes. Pour moi, le féminisme n’est pas qu’un combat de revendications pour être à l’égalité des hommes. C’est une façon de repenser les relations entre les hommes et les femmes, chose qui est quand même très différente. La domination est inscrite partout, dans tout le tissu culturel, dans tout ce qui nous agite, tous les comportements qu’on peut avoir, parfois (et même souvent) à nos dépens. Ce que suppose la pensée féministe, c’est qu’une réelle libération de la femme ne peut se faire qu’avec l’aide des hommes et suppose aussi une libération des hommes du joug patriarcal. Mettre en place un vivre ensemble qui permet aux femmes de vivre mieux leur vie de femme, c’est aussi aider les hommes à mieux vivre leur vie d’homme. Mais ce n’est pas un spectacle didactique sur le féminisme. On ne va pas donner des leçons. On est dans une forme qui, je l’espère, est poétique, jouante et décalée. Je pense que ce spectacle est politique, mais pas de manière frontale et première. Sinon autant faire une soirée-lecture autour de ces questions. -Les acteurs et actrices sont d’âges et d’horizons différents. Est-ce une volonté de votre part de croiser ces différents profils afin que les discours se répondent ? - C’est important dans un tel projet que les âges, les pratiques théâtrales et les regards sur la thématique soient présents. Par ailleurs, il y a un aspect important dans mon travail qui est celui du corps, de la


présence physique. Quand il y a eu les auditions pour sélectionner de jeunes acteurs et actrices, c’est un élément auquel j’ai été très attentif et qui a fort déterminé mes choix. Et une fois en répétition, il y a de la contamination, dans la manière de faire théâtre, dans les points de vue. Il y a des expériences qui se mélangent et qui font qu’on va arriver à une forme où chacun et chacune vient avec ses compétences et ses savoir-faire. Puis tout ça se mélange et s’imbrique. Ce tout forme une espèce de chorale avec diverses voix. - Sous quel angle envisagez-vous le personnage central en tant que tel, en sachant qu’il s’agit d’un travail collectif, avec d’autres personnages importants ? - On se situe dans une espèce de faux réalisme où tout est un peu décalé. En fait, les personnages se créent durant les répétitions avec les intervenants. Souvent, lorsqu’on travaille sur une pièce écrite, le personnage existe avant l’acteur. L’acteur vient et il doit l’incarner. Ici, le personnage, ce sont les comédiens qui le créent, parfois même à leur dépens. Le personnage est comme une ombre, il suit chacun et se dessine à la suite des improvisations. Je me nourris des propositions qu’ils font et je construis à partir de ça. - Est-ce que le tout premier texte que tout le monde a lu ou relu, c’est Don Juan ? Ou est-ce que ce n’était pas un passage obligé ? - Et bien je ne sais pas s’ils ont eu tous lu ou relu Don Juan de Molière Je n’en suis même pas certain. Ça ne m’a même pas traversé l’esprit de leur demander. - Sur scène, on retrouve la cohabitation du très concret et du très onirique. De quelle façon avezvous imaginé l’espace sur le plateau ? - La scénographie est multiple. Il y a une partie très concrète avec un bout de cuisine et de salon (dans lesquels on peut inscrire un lieu défini) et puis il y a des lieux qui sont abstraits. Au plus on va dans le profond, au plus on va vers l’abstraction. Derrière le salon, il y a un plateau surélevé. C’est un univers abstrait, beaucoup plus proche du mouvement, de l’onirisme. Et au fond, il y a un long couloir qui sera voilé et où l’on n’aura que des formes, des silhouettes. Le récit propose des glissements d’un espace à l’autre, d’une réalité à l’autre. Parfois plusieurs réalités cohabitent. - À certains moments, les improvisations vont très loin. - Oui tout à fait. Par exemple, Dolores fait quelque chose de très concret, lorsqu’elle prépare des légumes. Il s’agit d’un contrepoint à la grande discussion au sujet du rapport masculin-féminin et de la domination. Et tout à coup, quelque chose que je n’avais pas imaginé : Marie monte sur la table autour de laquelle ça discute et elle fait un truc qui n’a rien à voir, en tous cas qui n’est pas du tout sur un mode narratif, mais physique. Elle est debout sur la table avec tous ces bouquins. On voit quelque chose d’autre surgir. Alors évidemment si on reste dans le concret, on se dit : « Mais cela n’a aucun sens cette nana qui est à quatre pattes sur la table ! », mais si on accepte que l’onirisme soit aussi un domaine de connaissances et d’expériences, on raconte l’histoire autrement. Ce n’est pas parce qu’une peinture est abstraite qu’elle ne nous apprend rien sur le monde. On n’est pas obligé de faire un paysage pour raconter quelque chose. On peut faire une tache de lumière et elle devient tout aussi nourrissante et interpellante qu’un long discours. Moi, ça me fait du bien quand je la vois marcher sur la table. Je me dis : « Ah ça y est, on est sorti du truc, parce que ça papote et ça papote… ». Ça vient rompre ça, elle vient dire : « La réalité : c’est autre chose. »


- Vous parlez de s’offrir l’espérance d’un vivre autrement égalitaire. Est-ce que c’est quelque chose auquel vous croyez ? - Il ne s’agit pas de croire, mais plutôt d’œuvrer à des changements par des actes, des façons de faire dans le travail et dans les relations aux autres. Les nombreuses lectures pour ce projet sont pour la plupart porteuses d’espoir et de réjouissance. Ces livres qui explorent la question de la relation homme-femme sont des livres qui sont éminemment positifs parce qu’ils essayent de penser les choses autrement, d’inventer des manières de raconter les histoires et d’en proposer de nouvelles. Je sens que ça me nourrit énormément sur le vivre ensemble. Pour nous, dans le moment de travail, ce qui est réjouissant c’est de voir des gens œuvrer ensemble, vivre ensemble, et accepter de chercher ensemble. C’est déjà formidable. Pour moi, c’est la seule valeur encore du théâtre. Il y a l’humain en direct et ça, c’est très fort. - Etes-vous optimiste pour la société de demain ? - J’aurais dû avoir une formule toute faite ... Non, vraiment, j’ai beaucoup d’inquiétudes en ce qui concerne le monde de demain. J’ai deux filles, une de trente-cinq ans et une de dix-huit ans … - J’imagine qu’elles vous apprennent des choses, un peu comme quand vous discutez avec les comédiennes sur le plateau ? - Bien sûr que j’apprends ! Le théâtre reste avant tout une expérience humaine. C’est le côté optimiste et vivant qui devient de plus en plus présent lorsque chacun a tendance à se fracturer de plus en plus dans une société où chacun pense à ses enjeux personnels. Que ce soit la question féministe ou la question de l’éthologie ou celle du vivant, il s’agit de travailler à partir de questions qui abordent le nous et non pas le je, qui affirment qu’on ne peut exister qu’avec les autres et au sein des autres. Avec le théâtre, c’est la même chose. Il n’y a pas de sens de faire du théâtre tout seul. On le fait toujours avec les autres et, de mon point de vue, en essayant d’être le plus respectueux possible des autres et du collectif. Voilà l’avenir ! Cela dit, on a bien vu que la pensée individualiste fonce droit dans le mur. Il faut être optimiste dans la manière dont on travaille, même si les contraintes sont nombreuses. Toutefois, je ne proclame pas que l’optimisme est facile. Propos recueillis par Luana Staes et Mélanie Lefebvre Photographies (fournies par le Théâtre des Martyrs) : Isabelle De Beir


THÉÂTRE : RESTE(S) Après avoir longtemps marché, suite à un effondrement dont on ignore la nature, un groupe de survivants arrive au pied d’un mur, un mur gigantesque et infranchissable. En proie à un dénuement extrême, ils longent ce mur qui semble infini, fantasmant chaque jour un peu plus ce qui se trouve de l’autre côté… Au pied de ce mur ils se rassemblent pour tenter de réinventer leur propre mythe, en collectant leurs restes… Que reste-t-il, quand il n’y a plus rien ? Quelles traces subsistent de nos souvenirs, de notre langue, de notre histoire ? De notre culture et de notre civilisation ? De nos valeurs et de notre morale ? Qu’en est-il de la nécessité de la beauté, de la joie, de l’art et de la poésie ? Avec cette création suspendue dans l’espace et le temps, entre fiction poétique et fable métaphysique, Noémie Carcaud interroge avec humour les valeurs réelles des choses matérielles et immatérielles, ainsi que l’absurdité magnifique de l’existence humaine. Une création à découvrir au Théâtre de la Vie du 18 au 29 janvier 2022. Plus de détails sur le site www.theatredelavie.be Rue Traversière, 45 à 1210 Bruxelles

SPECTACLE JEUNESSE : LE SOULIER QUI VOLE Chantal Goya est de retour avec l’un de ses meilleurs spectacles. Un classique de son répertoire, dont toutes les musiques ont été composées par Jean-Jacques Debout. Le sujet est connu. Dans un petit village d’Alsace, des élèves disent au revoir à leur professeur de musique quand, tout à coup, apparait dans le ciel un énorme soulier. À l’intérieur, une cigogne et Marie-Rose viennent chercher tous leurs petits amis pour un voyage dans une forêt magique. Mais, attention, une vilaine sorcière accompagnée d’une petite pie veut kidnapper l’héroïne du récit, alors les animaux des bois se mobilisent pour l’empêcher de concrétiser son plan. Hélas, cela n’était qu’un rêve et les enfants se réveillant en Alsace pour dire au revoir à Marie-Rose, qui repartira dans le gros soulier qui vole. La partition est virevoltante, les décors féériques et les costumes chamarrés. Ce spectacle s’apparente à une comédie musicale pleine de couleurs, charmante et menée tambour-battant par Chantal Goya qui approche quand même de … quatre-vingts ans ! Rien que pour saluer sa performance, assister à ce show visuel autant que musical mérite qu’on soit présent. Au passage, les spectateurs reconnaîtront plusieurs personnages adorés tels que le Lapin (celui qui a tué un chasseur), Pandi Panda, Bécassine, Croque-Monsieur, Guignol, le Coucou, les petits lapins roses, etc. Une représentation aura lieu à Forest national le samedi 22 janvier 2022. Voyez les informations précises sur le site www.forest-national.be Avenue Victor Rousseau, 208 à 1190 Bruxelles


CD : A CHRISTMAS JOURNEY Leur album est enfin dans les bacs ! Le voilà, le voici, sous le regard bienveillant de Benoît Giaux, chef de choeurs, qui y a mis toute son âme. Sous le label Cypres qui fête ses 30 ans en cette saison 2021-2022, il se déguste comme un menu de découvertes, il se lit comme une méditation fleurie de l’esprit de Noël. Un disque rassembleur, sorti du cœur de Bruxelles, en hommage à L’Europe qui nous est proche. La priorité est aux langues latines : du wallon au catalan, et germaniques : du flamand aux accents jazzy du rêve américain. Plus de sept siècles d’histoire de la musique : du Moyen-Age à Tino Rossi. En 1997 nait une collaboration entre la Monnaie et l’académie de musique d’Auderghem qui forment les Chœurs d’enfants et de jeunes de la Monnaie : 120 jeunes de dix à dix-huit ans désireux d’accéder à une formation musicale valorisante qui leur donnera, sur base d’audition, à découvrir le plaisir et l’étude de la musique chorale de haut niveau. Originellement divisés en deux chorales distinctes appelées La Choraline et la Maîtrise, ils forment un seul grand groupe placé sous la direction artistique du chef de chœur Benoît Giaux. Après des concerts de Noël très apprécié dans la salle du trône palais Royal devant la famille royale belge par deux fois, en 2016 et en 2018, l’idée est venue d’une création pour pérenniser cette extraordinaire aventure musicale. Ainsi, le compositeur et arrangeur Aldo Platteau a fait de minutieuses recherches pour sélectionner des pièces qui composeraient sept tableaux de Noëls populaires et traditionnels à travers un voyage dans le temps. D’une façon ou d’une autre il s’agit d’un héritage culturel et religieux qu’il est essentiel de faire vivre. Aldo Platteau a enseigné la composition et le chant d’ensemble à l’Académie de musique d’Auderghem, et les écritures approfondies au Conservatoire royal de Liège. Il enseigne actuellement le contrepoint et les différents styles d’écriture musicale, de la Renaissance au XXème siècle, au Conservatoire royal de Bruxelles et la composition de musiques appliquées et interactives au Conservatoire royal de Mons (Arts2). Un très beau travail de composition soutient donc l’œuvre à travers le large panel de de chants de Noël sélectionnés, avec des enchaînements harmoniques très élégants pour constituer le fil continu vers la lumière de la Sainte Nuit. Rejoindre l’intemporel. Il invite à la paix et la joie engendrées par cette musique populaire entre toutes, celle qui a bercé notre enfance et a le don de rassembler les foules dans la rue comme dans les sanctuaires. Le travail d’écriture a d’abord ciblé les voix pour ajouter par la suite les instruments : un quatuor de cordes, une contrebasse, un piano, un accordéon et des percussions anecdotiques qui confèrent une très savoureuse fraîcheur à l’ensemble. Cinq jours d’enregistrement à la poursuite du beau et du plaisir de l’Art ont rassemblé des jeunes de toutes origines. L’harmonie, incontestablement, est le maître mot. Le raffinement veut que s’ajoutent aux chœurs d’enfants, les très belles voix de 4 MM Soloists, des jeunes talents, triés sur le volet. En effet, après au minimum une année passée au sein de l’Académie des chœurs, les jeunes qui démontrent un réel potentiel de soliste sont invités à devenir MM Soloists. Il s’agit des ténors Pierre Derhet et Maxime Melnik et des sopranes Margaux de Valensart et Virginie Léonard. Depuis leur création, les Chœurs ont donné de nombreux concerts, non seulement en Belgique mais aussi à l’étranger. Ils doivent également assurer les productions d’opéra et de concerts du Théâtre Royal de la Monnaie requérant des voix d’enfants. En plus du travail de la technique vocale et de la lecture, ils y ont l’occasion de travailler d’autres domaines étroitement liés au chant tels que la respiration, la posture, le mouvement et l’appréhension de l’espace. Actuellement, environ 20 % de ces jeunes se dirigent ensuite vers des études artistiques supérieures et éventuellement une carrière professionnelle. Label Cypres – 37 titres Dominique-Hélène Lemaire


BIENTÔT LES MAGRITTE DU CINÉMA 2022 Après une année de pause sanitaire en 2021, les Magritte du Cinéma reviennent le 12 février prochain pour une 11e édition qui s’annonce multiple en redécouvertes et en surprises. En effet, cette 11e édition accueillera tous les films sortis sur nos écrans entre décembre 2019 et décembre 2021. Soit 22 longsmétrages belges francophones parmi lesquels 10 films réalisés ou coréalisés par des femmes et 12 premiers films, 11 films flamands et 23 films partiellement produits par la Belgique francophone. En tout, 56 réalisations qui se disputeront les différentes palmes. Cette édition très dense suit les 13 longs-métrages en lice pour 2019 et 2020 des éditions précédentes. Nos lecteurs ont été tenus au courant d’une grande partie des films à l’affiche. Petit tour d’horizon sur la sélection qui se dessine au fil des votes en cours. Le meilleur film Qui aura le Magritte du meilleur film belge, lequel sera peut-être le premier film du lauréat ou de la lauréate ? Certains d’entre eux concourent dans les deux catégories. Pour ne pas faire de jaloux, nous avons classé les films en compétition par ordre alphabétique. Adoration de Fabrice Du Welz poursuit la fugue de deux jeunes déboussolés, en manque de repères et d’amour. Bigfoot Family est un film d’animation de Ben Stassen sur les traces d’un super papa qui a disparu en Alaska. C’est aussi un appel à l’écologie pour les plus petits et tous les autres. Des hommes de Lucas Belvaux fait redéfiler la guerre d’Algérie à travers une querelle de famille menée par un Depardieu taciturne et colérique, qui se souvient du passé. Filles de joie de Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich explore la prostitution à travers un trio de filles qui affrontent des clients aux mains sales. Les intranquilles de Joachim Lafosse nous montre un peintre bipolaire copie conforme de Van Gogh, partagé comme lui entre ses toiles du dimanche et sa cure psychiatrique dans un institut. Noura rêve de Hinde Boujemaa interroge la condition de la femme en Tunisie à l’heure du printemps arabe. Rien de nouveau peut-il se décliner dans une société machiste ? SpaceBoy d’Olivier Pairoux envoie deux ados en ballon très haut dans le ciel pour remporter un concours interscolaire. Dernier venu, Tantas Almas de Nicolás Rincón Gille suit la quête d’un vieux pêcheur au fil de l’eau, à la recherche de ses deux fils enlevés par des militaires en Colombie. Meilleur film flamand Le Magritte du meilleur film flamand ira peut-être à La Civil de Teodora Ana Mihai qui nous plonge, avec ce docudrame, dans l’enfer des séquestrations au Mexique, où une mère cherche sa fille enlevée par les cartels de la drogue. A travers cette mère en détresse, ce sont toutes les autres mères du Mexique qui témoignent. Le film a été coproduit par les frères Dardenne.


Pour les autres Pour les autres films partiellement produits par la Belgique, le Magritte devra trancher entre 23 longs-métrages, dont certains vous ont été présentés dans nos colonnes. Jeunesse sauvage de Frédéric Carpentier accompagne les jeunes loubards sur les plages françaises de la Méditerranée. Passion simple de Danielle Arbid décortique la passion d’une femme mûre, devenue cougar, pour un jeune blanc-bec qui la mène par le bout du nez et du sexe. Poissonsexe d’Olivier Babinet est une comédie sentimentale sur l’amour dans un bocal, là où un poisson fait chavirer le cœur d’un scientifique célibataire. S’agissant du cœur et de l’infidélité, Tout nous sourit de Mélissa Drigeart transforme l’adultère en un vaudeville sur un refrain connu. Enfin, Titane de Julie Ducournau pourrait bien remporter son Magritte après avoir enlevé la Palme d’or, écrite en lettres de feu et de titane, au Festival de Cannes cet été. Court-métrage La toute nouvelle statuette du Magritte du meilleur court-métrage viendra récompenser la vitalité des jeunes auteurs et autrices du documentaire belge à présent à l’affiche du palmarès. Les Magritte du Cinéma comptent désormais trois prix dédiés aux courts-métrages : le Magritte du meilleur CM de fiction, celui du meilleur CM d’animation et celui du meilleur CM documentaire. Tous en piste pour la course des lauréats ou lauréates qui décrocheront la Palme des Magritte le 12 février prochain. Michel Lequeux

LES CADEAUX DU NOUVEL AN AVEC LA CINETEK Voulez-vous faire la surprise d’un film à voir à vos amis ou à vos proches ? La Cinetek de France offre cartes et abonnements cadeaux envoyés par e-mail, avec votre petit mot d’accompagnement. Le CinéPass est le cadeau idéal pour faire découvrir l’ensemble du catalogue qui couvre 1 400 films du XXe siècle. Vous avez le choix entre offrir un CinéPass dématérialisé par e-mail ou le faire avec une carte physique que La Cinetek préparera et enverra par la poste à la personne de votre choix. Trois CinéPass vous sont proposés à 10 €, 20 € ou 50 € pour un certain nombre de films à voir, à raison de 3 € par film. Les trois types de CinéPass sont cumulables et valables à vie. L’abonnement cadeau à la sélection du mois donne accès à 10 films par mois sélectionnés par les gestionnaires autour d’une thématique qu’ils expliquent sur le site de la plateforme VOD. Coût : 30 € par an. A titre de comparaison, la location d’un film vous coûtera 2,99 € à l’unité. L’abonnement annuel + 12 films au choix semble le compromis parfait entre le CinéPass et l’abonnement cadeau, le tout pour 59 € l’an. Il vous permettra de faire (re)découvrir à vos amis ou à vous-même, tout au long de l’année, les plus grands films du XXe siècle ou des trésors plus confidentiels. Pour choisir et régler l’achat des cadeaux, inscrivez-vous sur le site de la plateforme : www.lacinetek.com. On vous renverra sur le site belge, seul habilité à prendre votre inscription en compte. Bonne projection à domicile. Michel Lequeux


CINÉMA : EN ATTENDANT BOJANGLES Comédie dramatique de Régis Roinsard, avec Virginie Efira, Romain Duris, Grégory Gadebois et Solan Machado-Graner. France 2021, 124 min. Sortie le 5 janvier 2022. Résumé du film – Camille a tout de la jeune femme passionnée, charmante et un peu déjantée qui vit au côté de son mari, Georges, écrivain à ses heures perdues, plongé lui au cœur d’une mythomanie que partage leur fils. Le couple ne songe qu’à s’amuser avec des amis et à danser sur l’air de Mr. Bojangles, le morceau préféré de Camille. Jusqu’à ce que s’accumulent les factures impayées et que débarque un jour l’huissier de justice. La réalité rattrapera-t-elle nos deux cigales en train de faire la fête ? Commentaire – Adapté du roman éponyme d’Olivier Bourdeau, best-seller de 2016, En attendant Bojangles est le troisième film de Régis Roinsard, réalisateur français de clips et de spots publicitaires. On lui doit Populaire et Les traducteurs, un huis clos angoissant digne d’Agatha Christie sorti en 2020. Comme dans ce précédent thriller, le réalisateur change ici de registre à mi-route et transforme en drame ce qui avait commencé comme une divertissante comédie sentimentale. On assiste en effet à la descente en enfer d’un couple loufoque. On voit comment un grain de folie devient chez Camille une schizophrénie profonde et traumatisante. Ce qui met le feu aux poudres, c’est l’arrivée de l’huissier qui réclame le paiement des dettes accumulées dans un coin de l’appartement. Tout bascule à partir de là. Camille plonge peu à peu dans la folie complète, au point d’être internée dans un hôpital psychiatrique dont son mari et leur fils veulent la faire sortir, peu importe les moyens. Ils voudront l’emmener en Espagne, dans un château, pour y finir leur rêve d’échapper à la réalité. Etrange folie que Camille et Georges partagent à deux et qui explique leur amour fou l’un pour l’autre. Ils étaient seuls à comprendre cette folie-là. Seuls à vivre d’illusions et d’eau fraîche. Ou plutôt du champagne qu’ils boivent avec leurs amis, parmi lesquels Grégory Gadebois, le célibataire homosexuel du Jeu de Fred Cavayé (2018), qu’on retrouve ici comme le seul ami fidèle du couple. Cette comédie débouche donc sur un psychodrame aux ressorts bien tendus. Sur une folie de plus en plus marquée dont prend conscience finalement Camille. Cette folie la terrasse et fait d’elle un petit oiseau pour le chat. Cet oiseau, le leur, qu’elle a tenté d’exterminer en tuant la folie en elle. Virginie Efira, qu’on a vue récemment dans Benedetta, incarne cette femme schizophrénique qui danse avec ses lubies, sous une jupe très courte mettant ses jambes en valeur. C’est devenu son label à l’écran, qu’elle affiche régulièrement. Trop peut-être, car la minijupe révèle ses formes un peu trop rondes, sa croupe rebondie et un galbe qui n’est plus parfait. Encore que la minijupe soit d’époque dans le film : à Paris en 1967, là où se passe notre histoire, elle révélait alors le galbe des jolies jambes et l’émancipation féminine que cherche Camille dans sa folie. Quant à Romain Duris, plus svelte, on l’avait laissé dans Eiffel en tant qu’ingénieur, on le retrouve ici en mythomane avéré : il se prend pour un descendant de Dracula et s’éprend à la folie d’une demi-folle. Il a les tics de Belmondo et la gouaille du titi parisien. Séducteur des causes perdues, il sera l’un des trois mousquetaires dans les deux films à venir, D’Artagnan et Milady. Avis – Passant insensiblement du rose au noir, cette comédie dramatique plonge dans l’univers de la schizophrénie. Virginie Efira et Romain Duris incarnent leur rôle à la perfection. Michel Lequeux


CINÉMA : LE TEST Comédie familiale d’Emmanuel Poulain-Arnaud, avec Alexandra Lamy, Philippe Katerine, Chloé Barkoff-Gaillard, Matteo Perez et Joachim Fossi. France 2021, 76 min. Sortie le 29 décembre 2021. Résumé du film – Annie Castillon est une mère comblée. Sa vie conjugale avec Laurent est un modèle d’harmonie. Ses deux grands, César et Maximilien, sont à la fois brillants et sensibles. Et Poupi, sa jeune ado qui fait du sport, l’épaule sans rechigner dans l’éducation d’Antoine, le petit dernier qui en profite. Jusqu’au jour où la découverte d’un test de grossesse positif dans la salle de bain va enrayer la belle harmonie familiale. Commentaire – Cette comédie familiale est le troisième film d’Emmanuel Poulain-Arnaud, également coscénariste, après Les Cobayes qui suivaient un couple à la recherche d’un traitement miracle pour réveiller entre eux le désir sexuel. Le ventre fécond est de nouveau l’enjeu du Test porté fièrement par Alexandra Lamy qui s’interroge, avec toute la famille, sur les résultats d’une éprouvette et sur ses deux auteurs. Ayant découvert le test positif, elle passe en revue toutes les petites amies de ses deux fils pour demander à chacune si, des fois, elle ne serait pas enceinte. Elle fait ainsi défiler la vie intime de ses deux grands qui l’acceptent, fouillant aussi dans le téléphone de son mari dont elle va découvrir l’infidélité. Cette mère poule, qui couve son cocon avec chaleur et ardeur, va au-devant de bien des surprises. Le Test est l’analyse sous tube d’une famille très libre, où l’on parle sexe et relation passagère sans tabou. Du moins comme il semble, car « à force de faire semblant, on finit par devenir un adulte », dit la mère poule à un jeune voisin qui devient son amant pour venger l’adultère commis. Elle devient ainsi cougar. On apprendra que sa fille Poupi n’est pas aussi adolescente qu’elle le paraît ni aussi seule qu’elle le dit. Tout bouge dans cette famille que la mère couve de son aile en s’y accrochant. Il y a fort à parier qu’Alexandra Lamy interprète son rôle en y mettant une part de vécu. Actrice de télévision révélée dans la série humoristique franco-canadienne Un gars, une fille (486 épisodes de 1999 à 2003, où elle a connu Jean Dujardin, devenu son mari dont elle a divorcé en 2013), elle a aussi tourné dans De toutes nos forces et dans Ricky, un film fantastique de François Ozon (2009). Elle a prêté sa voix au cinéma d’animation (Calamity) et elle est la grande sœur d’Audrey Lamy qu’on a pu voir dans Scènes de ménage sur M6 aux côtés d’une bande d’acteurs bien déjantés. On reste dans la série avec Le Test. Avis – Une comédie courte (elle dure 76 minutes) sur une mère poule enquêtant sur un test de grossesse. Est-ce pour trouver un autre œuf à couver ? Michel Lequeux


CINÉMA : HAUT ET FORT Comédie musicale de Nabil Ayouch, avec Anas Basbousi, Ismail Adouab, Menem Nekkach, Nouhaila Arif, Zineb Boujemaa et Abdellilah Basbousi. Maroc 2021, 101 min. Sortie le 5 janvier 2022. Résumé du film – Anas, ancien rappeur qui a renoncé à la scène, est engagé dans un centre culturel de Casablanca. Encouragés par leur nouvel éducateur, les jeunes, surtout des filles, vont tenter de se libérer du poids des traditions pour vivre, haut et fort, leur passion à travers la culture hip-hop venue du Bronx de New York. Commentaire – Haut et Fort est le cri que lance cette jeunesse marocaine dans laquelle Nabil Ayouch, réalisateur français, a voulu se reconnaître. C’est avec la même rage de vivre, de danser et de s’exprimer par le rap que les jeunes Marocains, surtout des filles, tentent de s’opposer au poids des traditions. Ils s’opposent à leurs parents qui ne veulent pas les écouter. A la société musulmane qui leur impose le Coran et ses règles : le voile pour les filles et la prière pour les garçons, séparés en deux groupes bien distincts. On est aux antipodes du rap qui prône la révolte contre l’ordre établi et qui s’est exprimé dans les printemps arabes de la décennie passée. Après Razzia qui interrogeait la société marocaine écartelée entre l’islam intolérant et la modernité repliée à Casablanca (2016), Nabil Ayouch signe ici son cinquième film sur le mode d’une comédie musicale à la fois joyeuse et dramatique. Un mélange de genre scandé par le rap. S’inspirant de West Side Story avec une magnifique scène de danse face aux intégristes, certains la conspuant, d’autres s’y associant, le réalisateur nous fait sentir tout le dilemme qui partage la société marocaine prise aujourd’hui dans l’engrenage de la tradition et le progrès des idées. Les jeunes voudraient s’en échapper, mais ils sont nés dans un monde qui les aspire, comme l’eau dans l’entonnoir. Pour pouvoir parler, il faut devenir célèbre. Il faut que la société regarde ses jeunes. Seules leurs paroles, seules leurs danses leur permettront de gravir l’échelle, sur un fil tendu au-dessus du vide, comme cette jeune fille qui brave la religion sur la terrasse du centre culturel, tandis que résonne l’appel du muezzin depuis le minaret dominant le quartier. Plusieurs plans confrontent la religion et l’émancipation des jeunes, dans une société schizophrénique : être libre dans sa tête et le proclamer face aux interdits religieux qui nient cet effort d’être soi-même. Transformer la rage de ces jeunes qui sont acculés en quelque chose de positif, c’est le but d’Anas, leur nouvel éducateur. Contraint de démissionner, il y laissera sa place. Une comédie dramatique alors ? « Malgré la violence qui rôde, c’est un film plein d’espoir. Ces jeunes sont beaucoup plus forts que moi à leur âge. J’ai envie que le monde entier entende leurs voix et leurs histoires. Elles sont le signe que le monde est en train de changer », explique le réalisateur. Le centre culturel « Les étoiles » de Sidi Moumen, à la périphérie de Casablanca, existe vraiment. Très actif dans le domaine socioculturel, Nabil Ayouch l’a ouvert en 2014 à travers la Fondation Ali Zaoua qu’il préside. A ce jour, plus de mille enfants et adolescents y sont inscrits pour apprendre toutes les formes d’expression artistique. Il y a tourné avec les jeunes Haut et Fort entre novembre 2017 et février 2019, avant de mettre le confinement à profit pour peaufiner le film qui sera présenté aux Oscars. Avis – Une comédie musicale bien enlevée qui joue entre les interdits et la liberté. Les jeunes Marocains, dont c’est ici le premier rôle, s’y donnent à fond. Michel Lequeux


CINÉMA : ADIEU MONSIEUR HAFFMANN Comédie dramatique de Fred Cavayé, avec Daniel Auteuil, Gilles Lellouche, Sara Giraudeau, Anne Coesens et Nikolaï Kinski. France-Belgique 2021, 116 min. Sortie le 12 janvier 2022. Résumé du film – Paris, 1941. Alors que l’étau se resserre autour des juifs, Joseph Haffmann, bijoutier talentueux, remet son commerce entre les mains de son employé François Mercier. Mais au moment de quitter la ville pour rejoindre sa famille, il doit se cacher dans la cave de sa bijouterie. Entre lui et François qui rêve avec sa femme de fonder une famille, un étrange marché est conclu : François postera les lettres clandestines de Joseph si celui-ci accepte de devenir le géniteur de leur enfant à naître, car François est infécond. Commentaire – Tiré de la pièce à succès de Jean-Philippe Daguerre (quatre Molières en 2018), Adieu Monsieur Haffmann transforme la comédie en drame. Fred Cavayé, dont c’est ici le sixième film après Le jeu, une autre comédie dramatique, plonge au cœur de la collaboration avec le recensement des juifs, leurs magasins fermés et leurs biens spoliés. Les nazis, sous des airs doucereux, se font des amis dans la population française. Ils écoulent des bijoux juifs à travers leurs relations, comme François qui accepte de travailler pour eux en recyclant l’or volé. En le faisant, François recycle aussi son caractère qui, de simple et bon, va devenir violent, impulsif et vindicatif. La scène où il rentre un jour chez lui, ivre après une soirée passée avec l’état-major allemand, le montre bien : il viole sa femme qui a pris ses distances avec l’occupant et qui les prendra avec lui aussi. Elle a compris qu’on ne pactise pas avec l’ennemi, quel qu’en soit le prix offert. Elle a compris que le marché conclu par son mari était un marché de dupes et qu’il n’aurait jamais dû accepter de devenir le patron de la joaillerie. De mettre l’art de Monsieur Haffmann au service des nazis. La fin de l’histoire le montrera avec un retournement de la situation. Daniel Auteuil incarne bien ce joaillier qui, pour survivre, accepte sa réclusion à la cave pour s’y livrer au commerce des bijoux volés et revoir un jour, peut-être, sa famille qui a pris du champ. Il est pareil à lui-même et joue avec sincérité son personnage. Face à lui, Gilles Lellouche traîne sa patte folle au comptoir, empêtré dans une collaboration de plus en plus honteuse avec l’occupant, campé par Nikolaï Kinski, le fils de Klaus Kinski et le demi-frère de Nastassya Kinski, polyglotte qui a joué dans de nombreux films allemands, français et américains (il réside actuellement à Berlin). Quant à Sara Giraudeau, César de la meilleure actrice pour un second rôle dans Petit Paysan (2018) et fille d’Anny Duperey, elle se fond à la perfection dans son rôle d’épouse fidèle jusqu’à un certain point, pour lequel elle a reçu le prix de l’interprétation au Festival de Sarlat 2021. Avis – Une « drôle » de comédie dramatique dans le sillage du Journal d’Anne Frank, avec un joaillier juif terré dans sa cave tandis que la collaboration va bon train. Avec un Daniel Auteuil toujours au mieux de sa forme. Michel Lequeux


CINÉMA : L’EMPIRE DU SILENCE Documentaire de Thierry Michel produit par luimême et Christine Pireaux pour Les Films de la Passerelle. Belgique 2020, 110 min. Version originale sous-titrée bilingue. Sortie le 19 janvier 2022. Résumé du film – Suite au génocide perpétré au Rwanda en 1994, un million cinq cent mille Hutus ont fui leur pays lors du retour des Tutsis venus de l’Ouganda et menés par Paul Kagamé. Ils se sont réfugiés en République Démocratique du Congo, le pays voisin. Ils ont été parqués dans des camps que les milices tutsies et ougandaises ont attaqués pour se livrer à la vengeance. Mais aussi pour massacrer, violer et piller les richesses du Congo dans la région du lac Kivu. Cette guerre larvée, avec l’assentiment des Kabila, père et fils, qui ont remplacé Mobutu, a fait des victimes qui se comptent par centaines de milliers, voire par millions. Elle dure depuis un quart de siècle, dans le silence général des nations. Commentaire – L’Empire du silence est le 11e film du réalisateur belge Thierry Michel qui filme le Congo depuis trente ans. Ce sera sans doute son dernier film consacré à ce pays, comme il l’a dit aux journalistes, après Mobutu, roi du Zaïre (1999), Congo River (2005) et L’homme qui répare les femmes (2015), à propos de Denis Mukwege qui a reçu le Prix Nobel de la Paix en 2018, également présent comme témoin dans ce documentaire. Le film porte témoignage sur les faits : sur les massacres abominables commis par le Rwanda, l’Ouganda et la RDC où tout s’est joué en 25 ans. Paul Kagamé est allé régler ses comptes au Congo. Six provinces martyres, notamment l’Equateur, ont payé le prix des affrontements survenus entre les milices opposées et leurs mercenaires, voire entre les Rwandais et les Ougandais qui se sont entre-déchirés sur le sol congolais, à Kisangani (l’ancienne Stanleyville). Jusqu’ici, aucun des crimes commis n’a été poursuivi en justice, alors que les coupables sont connus, qu’ils exercent toujours leurs activités de tortionnaires et qu’ils figurent dans le rapport Mapping. Un rapport émanant de l’ONU qui répertorie les violences commises au Congo entre 1993 et 2003, rapport resté sans suite et sans réponse de la justice internationale. Les corps, abattus sur place, ont été jetés dans des fosses communes (on en dénombre 89). Certains ont été déterrés pour que les enquêteurs ne les trouvent pas, et ils ont été précipités, comme tant d’autres, dans le fleuve Congo, en haut des rapides de Kisangani. Le fleuve est devenu un charnier à ciel ouvert, engloutissant des milliers de Hutus et de Congolais, sous l’œil impassible du président Joseph Kabila qui était présent avec son père aux côtés de l’armée de libération rwandaise. Celle qui les a menés à la victoire pour faire du Zaïre la République Démocratique du Congo. Tout se passe comme si les Nations Unies avaient peur de la réaction des coupables, alors même que leurs deux représentants furent abattus à bout portant lors de leur enquête sur ces crimes. Peur du rapport des forces en présence et peur d’y mettre le feu. L’ONU est là, disent les faits, pour compter les victimes, non pour juger les coupables. Le rapport Mapping reste donc dans les tiroirs depuis dix ans, et ce documentaire fait tout pour qu’on le rouvre et que ces crimes de guerre ne se répètent pas une deuxième fois. Avis – Ce documentaire implacable fait le point sur une « sale guerre ». Il est inspiré par un sentiment de révolte et de solidarité envers les malheureux de l’Histoire. Car la population congolaise n’a rien à voir avec les Hutus qui s’y fondent et les Tutsis qui les massacrent. Pour briser le silence du pouvoir en place et pour que cesse enfin le règne de l’impunité. Bravo au réalisateur ! Michel Lequeux


DVD : BENEDETTA Paul Verhoeven est un cinéaste unique dans la mesure où, dès ses débuts, il ambitionnait de réaliser des films internationaux et à des lieues de la production lambda de sa Hollande natale. Hollywood a été un phare et, à force de persévérance, il a atteint son objectif en mettant sur pied plusieurs longs métrages qui se sont hissés sans peine au boxoffice, établissant sa notoriété grâce à « Robocop », « La chair et le sang », « Basic instinct » et quelques autres. Puis, il est revenu en Europe pour continuer une carrière jamais désamorcée. Des deux côtés de l’Atlantique, ses films étaient souvent jugés trop violents, trop sexuels, voire décadents. L’homme ne souhaitait pas tricher car, pour lui, se respecter consiste à respecter le public. Aujourd’hui avec « Benedetta », il raconte l’histoire d’une religieuse qui a vécu au XVIIe siècle, mais revue par sa lunette artistique. Loin de l’hagiographie espérée par certains, il botte les fesses de tous les esprits cadenassés et rue dans les brancards. D’abord présenté comme sympathique, le personnage principal devient assez vite une sorte d’être ambigu, pervers, tricheur et … tyrannique. Suite à une série de stigmates (dont on ne sait pas s’ils sont réels ou créés par la croyante), la susdite Benedetta se hisse à la tête de sa congrégation et y impose très vite sa férule. A cela, elle entretient une relation saphique avec l’une des novices, avant d’être dénoncée aux autorités cléricales par l’ancienne mère-supérieure qui s’est vue évincée à son profit. L’inquisition débarque, avec une scène de torture assez gratinée et renvoi de la principale accusée au bûcher, mais la foule le sauve in extremis. Virginie Efira nous livre une prestation de haut vol, jamais ridicule, et abandonne le ton sympathique des comédies auxquelles elle nous avait plutôt habitués. Bien entendu, Paul Verhoeven ne change pas certaines manières de faire qui sont les siennes. Les images sont rudes (quoique de toute beauté), la reconstitution historique fidèle et le casting trié sur le volet, avec la présence de Charlotte Rampling et Lambert Wilson. Enfin, surtout, ce long métrage joue sur l’ambiguïté. Lorsque la comédienne regagne son monastère après avoir passé une nuit charnelle entre les bras de son amante, on ne sait pas si tout ce qui a été raconté tient de la vérité ou de la mystification. En fait, la vie de Benedetta Carlini demeure un mystère pour les historiens, encensée par certains et traitée de menteuse ou de catin par d’autres. Au-delà de tout ce qu’on est amené à penser, Verhoeven signe un portrait de femme troublante comme il les aime (manipulatrice, attachante, possédée et envoûtante) et une réflexion sur l’obscurantisme religieux nourri d’interdits, empêchant l’exploration, la découverte et la connaissance avec, au centre de ce projet, le thème de l’emprise. Celle de l’Eglise, bien sûr, sur ses ouailles, et celle d’une Benedetta dont on ne devine jamais le degré de conscience de ses actes pieux ou obséquieux. Daniel Bastié


DVD : AFTER III Après un premier diptyque tiré des deux premiers romans d’Anna Todd pour ados boutonneux qui découvrent les joies de la libido, voilà le troisième opus de la saga "After" réalisé cette fois par Castille Landon et disponible en DVD. Sans s’attendre à une catastrophe, il n’en est pas pour autant inoubliable, avec un schéma qui ne diffère pas ou peu des épisodes précédents. Affirmons-le tout de go : le public visé est celui de la nouvelle génération, celui qui sort en boîte, se rue dans les salles pour bouffer des longs métrages pop-corn, regarde l’avenir en se référant aux magazines couchés sur joli papier glacé, adore les séries et aime les jolies fringues autant que les grosses cylindrées. Dans le genre teen romance, le résultat fait son office sans surprises mémorables. L’occasion surtout de retrouver sur la toile Josephine Langford dans le rôle de Tessa et Hero Fiennes Tiffin dans celui d’Hardin. Le caractère ombrageux du héros continue à lui jouer des tours. De peu, il échappe à l'expulsion de l'université. De son côté, la jeune femme retrouve son père par hasard au détour d'une rue. Hardin, toujours aussi ingérable, ne facilite pas cette rencontre inopinée. A nouveau la question se met en exergue : est-il capable de s’assagir et de profiter de sa relation amoureuse sans rugir à chaque fois en s’appuyant sur n’importe quel motif ? Tessa ose encore y croire, même si un doute la taraude. Contre les avis de ses proches, elle compte donner un nouvel essor à leur amour. Son départ annoncé pour Seattle remettra-il tout sur l’échiquier pour une partie à l’issue incertaine ? La question se déplie avec des allures de défi. Pourtant, elle sent qu’elle ne pourra pas se passer de son premier amour, celui qui l’a initiée aux plaisirs charnels et qui hante constamment ses jours. Il est forcément compliqué de formuler un avis objectif lorsqu’on a plus de trente ans par rapport aux spectateurs qui ont acclamé les livres et qui continuent de le faire. Pour avoir visionné les chapitres I et II, je peux néanmoins affirmer qu’il ne s’agit pas vraiment de ma tasse de thé et que, si vous avez une ou un ado sous votre toit, il vous déclarera sans doute avoir adoré. Le cas de ma grande fifille de presque vingt ans qui s’identifie sans doute à la belle Tessa ou qui fantasme vraisemblablement sur le bad boy de service (pas si bad que ça finalement !), qui roule des mécaniques façon Marlon Brando dans « L’équipée sauvage » ou James Dean dans « La fureur de vivre ». Bien entendu, les clichés sont là pour caresser la jeunesse dans le sens du poil, avec une photographie léchée et une succession de séquences de mamours plus ou moins appuyées. Le compositeur George Kallis a remplacé au pupitre Justin Caine Burnett et nous offre une partition pop, plutôt éloignée du registre classique qu’il affectionne d’ordinaire. Pour ceux qui frétillent d’impatience, « After IV » est d’ores et déjà annoncé pour 2022. L’adaptation se trouve entre les mains de Sharon Soboil et le casting de base a déjà signé pour cette suite. Avis aux amateurs ! André Metzinger


LES TEMPS ULTRAMODERNES Avec un pareil titre, on devine immédiatement qu’on s’immerge au cœur de la science-fiction moderne, genre fécond qui permet à l’imaginaire de se déployer sous la forme d’un gigantesque imagier prompt à susciter le rêve et l’envie de décoller de la surface de notre sphère, même si le récit se déroule en ... 1923 ! Lorsque Renée débarque dans la capitale en quête d’un emploi comme institutrice, elle ne s’attend pas à découvrir un extraterrestre blessé. Contre vents et marées, elle décide de prendre soin de son protégé et de le ramener sur sa planète. Débute pour elle, une aventure fantastique nourrie d’imprévus et de rebondissements. Laurent Genefort compose soigneusement le portrait de ses protagonistes et les lie à leur temps, avec la fin de la Première guerre mondiale qui a laissé des cicatrices un peu partout, le krach de 1929 qui lentement se profile et quelques visages connus, dont celui de Marie Curie. Avec des effets qui vont crescendo, il rend la menace de plus en plus pressante, faisant de ce roman un récit hybride qui malaxe l’histoire et la fiction la plus libre, jongle avec les repères et secoue les habitudes pour prouver à quel point l’humanité a tout à apprendre pour tendre vers son accomplissement. Œuvre captivante qui prend le lecteur en otage et ne le lâche qu’à la fin du dernier chapitre. Ed. Albin Michel – 458 pages Daniel Bastié

N’AVOUE JAMAIS Il aura fallu attendre plus d’un an pour lire le dernier roman de Lisa Gardner, réputée pour être une des meilleures auteures de polar actuels. Sans surprises, elle nous livre un roman d’une belle intensité, avec un suspense serré. Lorsqu’un homme est abattu de trois coups de feu à son domicile, les soupçons se cristallisent immédiatement sur l’épouse de celui-ci, autrefois arrêtée pour avoir refroidi son père et acquittée au terme d’un long procès qui a retenu la cause de l’accident. L’enquêtrice D. D. Warren refuse de se plier à la thèse des apparences. Evi, maintenant enceinte de cinq mois, est-elle victime d’une coïncidence et les éléments jouent-ils en sa défaveur ? Puis, que s’est-il passé avant le coup de feu fatal ? Avec « N’avoue jamais », le lecteur est plongé dans un suspense où les indices se percutent et se rejettent, sans relâche ni fausse note. Une histoire originale qui devrait plaira aux amateurs de thrillers modernes, avec un twist final qui apporte une réponse attendue dans un monde régi par les bourrasques provoquées par la nature humaine, ses failles et ses soulèvements. Ce roman a été élu suspense number One aux USA. Ed. Albin Michel – 495 pages Paul Huet


TATTOO PASSION Aujourd’hui, les tatouages sont partout, inscrits sur la peau en guise de marque, de signe d’adhésion, de personnalisation, de reconnaissance. Il est loin le temps où ils correspondaient à une série d’individus bannis de la société (bagnards, trimardeurs), aux gens du cirque et aux marins. Véritable phénomène de société, le tatouage fait partie intégrante du XXIe siècle et décore une épaule, une cheville, un avant-bras, un dessus de main, etc. L’idée est donc venue de parler de lui avec le plus grand sérieux du monde, en revenant sur ses codes, sa religion, ses références, ses influences. Puis, aussi, de donner la parole aux sociologues, question de décrypter le phénomène. Au fil des pages, vous découvrirez son histoire à travers les époques et les continents, un abécédaire du jargon, des interviews et dix motifs exclusivement dessinés pour cette publication. On le voit, le tatouage est en plein essor chez nous et rien ne semble vouloir endiguer cet envol. Cet engouement a désormais poussé les boutiques de tatoueurs à avoir pignon sur rue. L’objectif de ce livre n’est pas de vous inciter à tout prix de passer à l’acte, mais de vous inviter à réfléchir sereinement en connaissance de cause et à faire le meilleur choix, tout en soulignant les pièges à éviter, à connaître les différentes possibilités et à découvrir un tas de petites choses sur cet art qui mérite décidément ses lettres de noblesse. Ed. Favre – 194 pages Paul Huet

CINQ SAISONS CHEZ VOUS Franck Giovannini est ce chef étoilé, né le 16 avril 1974 dans le Jura bernois (Suisse), qui a été élu Cuisinier de l’année par le Gault et Millau en 2018. Un honneur suprême qui vient récompenser des années de travail. Mais pas que ! Depuis 2006, l’homme multiplie les trophées qui ne lui ont jamais fait gonfler la tête et il s’en tient à une cuisine raffinée et accessible. Pour preuve, le présent ouvrage qui revient sur son travail à la tête d’un des meilleurs restaurants du monde, le célèbre Hôtel de Ville-deCrissier. Dans cet endroit à nul autre pareil, cinq cartes sont proposées à une clientèle de connaisseurs : une par saison et une cinquième purement consacrée aux produits du début de l’été. L’idée de ce livre est de mettre à portée de tout un chacun un savoir peaufiné à force de labeur et que le patron invite à réaliser chez soi en suivant ses instructions, afin de retrouver des variations délicieuses, des assemblages savoureux et des idées de mises en place. Pour aider le lecteur, de nombreuses photographies permettent de retrouver le dressage. L’idée n’est évidemment pas d’affoler par une succession de recommandations, mais de visualiser ce qu’on peut concevoir à la maison en suivant des directives claires. L’occasion d’essayer une tourte feuilletée de lagopède parfumée à la folle blanche, une pièce de bœuf servie rosé, un chutney de fruits pimenté au vinaigre et, parmi quelques classiques de l’enseigne, une courgette craquante et mozzarella. On en salive déjà ! Ed. Favre – 276 pages Daniel Bastié


ISLANDE Quand on parle de Feifei Cui Paoluzzo avec son appareil photographique en bandoulière, on ne peut pas s’empêcher de songer à une marcheuse curieuse de tout. Sa silhouette trahit une femme qu’aucun obstacle ne peut entraver, prête à traverser les continents pour partager son regard poétique sur les choses de notre terre. Cette ligne de conduite l’a amenée en Islande, nom d’un pays qui est déjà une aventure en soi, afin de proposer sa propre vision esthétique d’une région peu ou mal connue par la grande majorité de nos semblables. Son carburant reste un besoin de comprendre, pas seulement en spectatrice, mais en témoin des lieux qu’elle traverse. Avec elle, les paysages prennent vie et racontent un récit. Forcément une histoire constellée de geysers puissants, de roches volcaniques, de pluies diluviennes sur l’ocre des montagnes. Pour peu, on devine en-arrière plan l’ombre des ancêtres vikings, de trolls figés dans les légendes et d’elfes sortis d’abris feuillus. Par le prisme de son objectif, elle suggère un périple inédit et transpose la matière organique insulaire en lumière étincelante. Bien que sachant que la puissance des clichés suffit à elle-même, elle a fait appel Thierry Stegmüller pour les accompagner de textes contemplatifs, qui ajoutent un commentaire pour celles et ceux qui peineraient à tirer l’essentiel de ses prises de vue. Au fil des pages, tout n’est que fragments de lave rouge, hérissements d’arêtes ou l’accumulation de pointes tendues qui renvoient à des impressions de début originel d’avant humanité, parsemées d’aurores qui irradient et contrastent avec des paysages de fin du monde. Bienvenue en Islande, sol de glace et de feu ! Ed. Favre – 192 pages Daniel Bastié

INDOCHINE – DIZZIDENCE ROCK‘N’ROLL Indochine fait partie des derniers grands groupes rock français. De ceux qui ont marqué plusieurs générations et qui ont fait se succéder des tubes devenus incontournables. Issu du mouvement new wave, il s’est assez vite établi sur le devant de la scène en s’accaparant la part du lion. Révélé avec le titre « L’aventurier », il connaît la consécration et sa notoriété devient incontournable, au point où il remplit Bercy et le Stade de France, acclamé par ses multiples inconditionnels. Frédéric Rapilly, journaliste rock dans l’âme, raconte dans ce magnifique ouvrage richement illustré de multiples photographies cette aventure exceptionnelle qui a couvert quatre décennies en se parant d’indépendance, d’un son propre et en additionnant treize albums et qui parcourent diverses influences. Sans jamais s’éloigner du rock’n’roll, Nicolas Sirkis et ses amis artistes ont mis en place une poétique chargée de sonorités brutes, de textes engagés et d’une réelle formule de communication. Loin de se reposer sur ses lauriers ou de partir en retraite, Indochine fourbit toujours de nouvelles chansons et prépare sa prochaine tournée. Le public lui en est naturellement reconnaissant et l’encourage toujours à innover, à prendre des risques. Bref, à être fidèle à tout ce qui a été proposé depuis quarante ans. Souvenez-vous, l’histoire a débuté en 1981. Un anniversaire qui vient d’être scellé ! Ed. Rock-Folk – 192 pages André Metzinger


L’ALGÉRIE, C’EST BEAU COMME L’AMÉRIQUE Voilà un voyage attendu depuis une décennie ! Dix ans que l’héroïne compte retourner sur la terre de ses ancêtres. Un pays dont on lui a si souvent parlé. Alors, faire le saut pour aller se rendre compte sur place tient de l’évidence. Les siens avaient vécu dans les Aurès jusqu’au début de la guerre d’Algérie. L’occasion de se faire une idée par soi-même, de découvrir ce dont on lui a tellement parlé, de mettre des images sur des mots et, peut-être, des visages sur des noms ? Avec une valise pour seul bagage et un numéro de téléphone pour entrer en relation avec un contact sur place, elle se sait prête. Ce roman graphique en noir et blanc se veut un périple initiatique, mais surtout un engagement sur les traces des racines familiales. Le récit se montre tour à tour émouvant et passionnant. Il s’agit également de parler de réconciliation entre l’ancienne colonie et les excolons en traitant de réalité concrète, des blessures engendrées par la violence du conflit et d’avenir, car il importe d’aller de l’avant, sans oublier certes, mais en pardonnant. Au-delà de la carte postale, cet ouvrage parle directement au cœur et à l’intelligence, souligne des points cruciaux et rappelle que les racines façonnent chaque individu. A travers ce récit, Olivia Burton entend évoquer les pieds-noirs (les Français de là-bas !) afin de trouver des réponses à ses questions épineuses sur la guerre d’indépendance et ses conséquences. Sans jouer la carte de la surenchère, elle se garde bien de juger. Un subtil travail d’équilibriste. Ed. Steinkis – 174 pages Paul Huet

JAN KARSKI De son vrai nom Jan Kozielewski, dit Jan Karski, était ce résistant polonais qui dès 1940 a rédigé plusieurs rapports sur les exactions nazies concernant le peuple juif. Aujourd’hui, on parlerait d’un lanceur d’alerte. Dès 1942, il a fourni à Londres des preuves tangibles de l'extermination massive des Juifs, que le gouvernement polonais en exil a rendu aussitôt publiques. Des ministres du gouvernement britannique et plusieurs membres de la haute administration américaine, dont le président Roosevelt, ont entendu le témoignage direct de Karski quant à ces assassinats de masse. Avant cette date, les atrocités commises dans le cadre de la solution finale n’étaient connues que par des informations non officielles. Il en ressort que les gouvernements d’alors ne semblaient pas préoccupés du sort des enfants d’Israël. Jan Karski est également celui qui a dénoncé les massacres opérés par les Russes à l’encontre des habitants de Pologne. Si de nos jours, l’Holocauste est une vérité que personne ne peut nier, on a préféré éluder le problème pendant les années de guerre, sans doute préoccupé par d’autres tâches ou priorités. Cette bédé revient non seulement sur un personnage intègre et courageux, mais sur les valses hésitations des Alliés en ce qui concerne la déportation de milliers de femme et d’hommes vers les camps de la mort. En mettant en œuvre des actions concrètes, les politiciens réfugiés à Londres auraient-ils pu mettre un terme à l’innommable ? Voilà une des nombreuses questions qui émerge de cette bédé qui fait office de mémoire. Ed. Steinkis – 154 pages Paul Huet


VENDETTA – LA VENGEANCE DES OULIANOV Bien moins connu que son frère cadet Vladimir Oulianov dit Lénine, Alexandre Oulianov a été un anarchiste qui a rejoint le reliquat du groupe terroriste Narodnaïa Volia et qui a été arrêté dans le cadre d’un attentat contre le tsar. Mené devant le tribunal, il n’a eu de cesse de revendiquer le droit à la violence pour se libérer de la tyrannie. Condamné à mort, il a été pendu à la forteresse de Chlisselbourg. Son exécution a radicalisé son frère cadet qui n’avait alors que dix-sept ans, faisant de ce dernier l’un des chantres de la future révolution bolchévique et l’un de ses plus ardents théoriciens. Cette bande dessinée imaginée par Loulou Dedola (scénariste) et Lalio Bonaccosro (dessinateur) se veut le reflet de leur point de vue sur cette portion d’histoire, en relatant de quelle manière Lénine a mis en place un système qu’on pourrait qualifier de mafieux pour venger l’honneur des siens. L’album se clôture avec le massacre de la famille impériale, un bain de sang entré dans les annales et qui met un point final à l’ancien régime. La reconstitution en tons sépia colle à la chronologie des faits et se veut à la fois didactique et récréative. Mieux qu’une conférence historique ! Ed. Steinkis – 106 pages Daniel Bastié

LES VOYAGES DE LOTTA Au fond du Finnmark en Norvège, un phénomène inexplicable se déclenche. Sans aucune explication rationnelle, les bois des rennes se mettent à pousser d’une manière exponentielle au point d’handicaper les pauvres animaux. La situation devient critique et fait craindre le pire. Les éleveurs samis ne savent plus à quels dieux adresser leurs prières. Lotta, la jeune chamane décide d’intervenir. Pour ce faire, elle ne possède pas mille alternatives. Seuls, les esprits de la forêt peuvent rompre cet enchantement. Mais une terrible menace pèse sur son périple. Zimmer, auteure, et Ofride, dessinatrice, ont conjugué leurs talents pour donner corps à cet objet de toute beauté qui mêle traditions plébéiennes, magie et superstitions. Grâce à une volonté que rien ne peut brider, l’héroïne se lance dans un voyage initiatique car, avant d'obtenir un résultat, elle doit apprendre à gérer ses émotions, ouvrir son cœur et comprendre celui des autres. Une tâche ardue. Sa force de caractère, additionnée à sa gentillesse, ne peut que susciter admiration et empathie. Voilà une bédé sympathique qu’on ne doit pas hésiter à placer entre les mains de jeunes lecteurs. L’histoire est charmante et le dessin agréable. Ed. Jungle – 48 pages Amélie Collard


EMMANUELLE ARSAN : UN PRÉNOM DAVANTAGE QU’UN VISAGE Un immense talent est requis pour susciter le rire ou faire pleurer. Pareil talent est également indispensable au moment d’écrire de la littérature érotique. Ce genre littéraire a compté ses stars, avec des plumes efficaces et des auteurs/autrices qui, avant les années 70, prenaient garde de dissimuler leur identité pour ne pas avoir maille à partir avec la justice. Il n’y a pas encore si longtemps, on ne riait pas avec les mœurs et les artistes étaient passibles de sanctions pénales pour motif d’outrages. Au sommet de la pyramide des ventes, Emmanuelle Arsan a fait figure de phare. Toutefois, une question demeure. Qui était-elle vraiment ? Depuis sa disparition survenue en 2005, les conjectures ont fusé, même si Internet permet de placer un visage sur son nom. Dès qu’on se met à investiguer, les pistes se mélangent, le faux se mêle au vrai et la légende devient plus importante que la réalité, avec un passé parsemé de grands silences et de secrets. Puis, il y a la présence de Louis-Jacques Rollet-Andriane, son époux, à qui on pourrait bien attribuer sa prose. Un homme docte, possédant une belle plume, amateur de jeux érotiques et dont la personnalité peut faire songer au personnage de Mario dans le livre/film « Emmanuelle ». On le voit, aujourd’hui toujours, Emmanuelle Arsan reste mystérieuse, alimentant malgré elle les conjectures et ouvrant les débats. Un nom davantage qu’un visage … voilà l’idée lancée par ce petit volume ! Ed. Lamiroy - 36 pages Sam Mas

LIBIDO Alain Posture ! ... Son pseudonyme n’est pas une « imposture », mais un choix délibéré pour mieux le décrire dans ses capacités artistiques. Son nom en dit long sur sa façon d’aborder non seulement l’imitation mais aussi les rôles qu’il interprète au Théâtre et ses écrits ! Il ne s’agit pas simplement d’une interprétation extérieure d’un personnage qui le motive, mais bien de l’âme de celui-ci. « Libido » », son dernier texte, co-écrit avec Raphaël Le Mauve, se veut une comédie sans queue ni tête comme on les aime. Après plusieurs années de vie commune, certains couples s'en sortent plutôt bien, alors que d'autres s'enlisent dans le quotidien et le ronron. La femme affiche ses humeurs, l’homme exhibe son égo ... La belle affaire que voilà ! Pourtant, des solutions miracle, il n'y en a pas ! Toutefois, avec de la créativité, quelques recettes de derrière les fagots et un peu d'imagination, certaines astuces peuvent contribuer à faire durer le couple dans le bonheur et la sérénité ! U texte drôle que certains ont déjà pu découvrir sur les planches. Si le Covid le permet, elle est prévue à l’agenda 2022 pour un grand retour sous les projecteurs. Ed. Lamiroy – 132 pages Sam Mas


JAADTOLY A l’origine « Jaadtoly » était une série télévisée humoristique belge créée par Stefan Liberski et Frédéric Jannin en 1993 (après la disparition de « Les Snuls » des écrans) diffusée entre 1995 et 1998 sur Canal+ Belgique. Sans autre vocation que celle d’agiter la clochette de la nostalgie, le présent recueil se veut une compilation du best-of de cette aventure, avec des textes souvent courts présentés sous la forme de dialogues déjantés et bien de chez nous. Une période faste, troublante et qui a permis de passer par les hauts et les bas sans avoir à rougir des trouvailles parfois énormes rédigées par les deux compères. L’occasion de revenir sur une période à nulle autre pareille et qui s’est inscrite dans les pages d’or de Canal+, au même titre que les interventions d’Antoine de Caunes et José Garcia dans l’émission « Nulle part ailleurs », avec un esprit potache tellement particulier et désinhibé qu’on en parle toujours. Dire que depuis la chaîne a perdu de sa superbe reste un euphémisme que personne ne contredit ! Sans autre intension que celle de faire revivre de grands moments de télévision, cet ouvrage tombe bien à propos en cette période singulière de Covid, durant laquelle on ne rit plus de rien et qui agite bien des spectres malaisants. Ed. Lamiroy – 296 pages Daniel Bastié

RESPIRATIONS Que cache le bonheur ? Le magicien Carlos Vaquera n’est pas qu’un homme de scène, mais également un auteur à la plume fertile. En partant du postulat que la vie ressemble à une partie de cartes qui subit les aléas du hasard et doit son tracé à un quota de chance, l’auteur a décidé de se lancer dans une réflexion qui aide à saisir pourquoi la marche du temps endigue nos espoirs et pour quelle raison nous demeurons parfois prostrés à attendre que survienne le merveilleux ou le dépaysement, alors qu’il suffit d’embrayer pour le happer du bout des doigts et le pétrir avec jubilation. La chose n’est pourtant pas si aisée à conclure et il convient de s’astreindre à quelques habitudes en s’inspirant de celles du prestidigitateur dont la maîtrise s’appuie sur sa technique, son intuition et la force de son mental. Sans se vouloir donneur de leçons, Carlos Vaquera propose un éventail de cartes qui, chacune, nous emmènera vers ce qui nous tend les bras, dans un voyage à travers soi-même mais aussi à travers le regard des autres. Il rappelle également qu’il convient de voir pour croire et non l’inverse ! Les mots que l’on découvre dans ce livre font partie de notre histoire individuelle et portent en eux une force réelle, aisée à identifier. Avis aux amateurs ! Ed. Lamiroy - 372 pages Sam Mas


ENCRES LITTORALES Encres littorales nous ancre dans un somptueux parcours iodé commençant à la gare de Gand. Nathan, écrivain habité par un projet de roman policier, rencontre une jeune femme aux « cheveux sombres bouclés, peau mate, grands yeux noisette ». La belle s’en va passer un mois en bord de mer, un job étudiant l’attend dans un musée. La mystérieuse ne donnera aucun indice supplémentaire au moment de sauter dans un train pour Adinkerke. Et c’est parti pour une lancinante poursuite déclinée tel un « road movie », (trams, trains ne sont pas délaissés, ainsi que de multiples références cinématographiques de haut vol). Ou plutôt un intense « museum movie ». Du Musée Delvaux de Saint-Idesbald au Mu.ZEE d’Ostende, en passant par l’Hôtel de l’Océan de la Panne, dont il ne reste rien, ou l’élégante villa pur Art déco Les Zéphyrs de Westende, pour l’immense plaisir des amoureux de la mer du Nord, Nathan va investiguer, un par un, les plus emblématiques lieux situés entre la Panne et Ostende. Pas question de dévoiler une intrigue qui se jouera des brise-lames et des récifs. On l’aura deviné, « chercher la femme », est un prétexte voyageur alliant interrogation identitaire et mise en abyme. Non dépourvu d’humour. Dans une grande salle muséale, les lecteurs croiseront de nombreux auteurs belges... Mais que font donc « Patrick Roegiers et Jean Muno, Kate Milie et Évelyne Wilwerth, Ducobu, Donnay, Marlière, etc. » dans cette histoire ? La réponse est dans le texte. Merci Philippe Remy-Wilkin pour ce clin d’œil. Ed. Lamiroy - 36 pages Kate Milie

DANS LA BAIE DE TALINAS Il faut lire le premier roman de Daniel Gumbiner, pas vraiment parce qu’il a été acclamé un peu partout pour sa qualité d’écriture, plutôt pour découvrir l’ingéniosité avec laquelle il nous invite à entrer dans le crâne de Berg Koenigsberg et explorer l’ingéniosité d’un récit qui brasse les époques et parle de résurrection. Publié en 2018 aux Etats-Unis sous le titre « The boatbuilder », ce récit suit un jeune homme que l’existence a peu gâté. Souffrant de séquelles graves suite à un traumatisme, le protagoniste décide de reprendre sa vie en main et quitte son emploi pour aller se ressourcer loin de chez lui. Il s’installe à Talinas, bien décidé à remonter la pente. C’est là qu’il rencontre Alejandro, qui l’initie à la fabrication de bateaux. Le texte résonne avec notre époque, dans le sens où on y trouve une inspiration profonde en quête d’un quotidien simple et serein, le besoin d’aller au bout de ses recherches et l’envie de se réinventer. Le style de l’auteur se veut à la fois direct et minimaliste, sans fauxsemblants et sans pathos. Quant au climat, il s’agit de notre époque, avec toutes les difficultés qui naissent d’une société brutale et ultralibérale, qui broie les individus et leur laisse peu de chances sous la grisaille des crises qui se succèdent. Ce roman se veut avant tout une ode aux cabossés et à celles et ceux qui tentent encore de trouver leur place dans ce monde. Un guide qui prône la déconnexion ! Ed. Préludes – 254 pages Daniel Bastié


CE LIEN JUSQU’À TOI L’infertilité est ce drame qui frappe de front plusieurs couples. Installés en Nouvelle-Calédonie depuis peu, Estelle et Sébastien découvrent qu’ils ne pourront pas avoir d’enfant. Alors, après diverses tentatives médicales, ils s’engagent dans la voie de l’adoption. La Colombie paraît un phare et on leur promet un garçon âgé de sept mois prénommé Esteban. Il faut lire le livre d’Estelle Lambert-Leynaert pour comprendre le drame qui se noue entre deux partenaires aimants et qui se retrouvent confrontés à l’implacable. Autobiographique, cet ouvrage est avant tout le témoignage d’une femme et d’un homme qui, au vu de la situation, ont choisi d’étendre leur périmètre d’action et de faire fi des avanies. L’occasion d’aborder avec réalisme, mais également avec délicatesse, des instants délicats liés au désir d’enfantement, aux essais vains et à l’alternative d’accueillir celui d’une autre. Au fil des pages, l’auteure parle également du processus d’attachement avec le nouveau-venu et des interrogations nombreuses auxquelles une mère adoptante est confrontée. Sous la forme d’une missive adressée au petit qui était espéré de toutes ses forces, cette maman ose la question qui brûle les lèvres : Comment être vraiment la mère de celui qu’on n’a pas conçu ? Ed. Michalon – 292 pages Sylvie Van Laere

L’AN 40 Pour ce second volume consacré à la France en guerre, Eric Teyssier poursuit sa traversée de l’Histoire à travers ses personnages happés par les événements terribles qui mettent le monde à feu et à sang. Alors que le pays est rongé par la collaboration, avec le gouvernement de Pétain qui s’installe à Vichy, Hitler multiplie ses coups de force. Le lieutenant Dumas peine à reprendre une vie normale, tandis que le sergent Vermotte a rejoint son épouse en Angleterre. Au fil des péripéties, ils croisent de Gaulle, Churchill, Laval et une série de dignitaires allemands, avant de se retrouver en Syrie en proie à de nouveaux assauts. En Afrique se joue un combat qui oppose le responsable de la France Libre et les Anglais. Pas question de laisser ce bout de terre entre les mains des Britanniques er, surtout, il est interdit de l’offrir aux nazis. Bien qu’ils aient combattu dans le même camp lors de la débâcle de 39, les deux hommes se retrouvent désormais derrière des lignes antagonistes. Ce roman richement documenté s’appuie sur trois axes : celui des militaires, celui des politiciens et, enfin, celui de la population civile. Avec un souffle digne d’Alexandre Dumas, l’auteur brasse le passé servi par une force narrative qui génère un véritable engouement. Les images défilent devant les yeux ! Ed. Michalon - 542 pages André Metzinger


JE VOULAIS QU’ELLE SE TAISE Le 28 octobre 2017, Jonathan Daval entre à la gendarmerie de Gray (Haute-Saône), son épouse Alexia n’est pas rentrée de son jogging. Très vite, Jonathan relate les difficultés de son couple pour avoir un enfant. Puis, Jonathan explique les reproches incessants de son épouse, les violences verbales et physiques. La famille de la jeune fille s’insurge du portrait que Jonathan fait d’elle et lorsque son corps est découvert, Jonathan devient le suspect numéro 1. Trois mois après une enquête particulièrement efficace, il est placé en garde à vue. Par le biais de son avocat Randall Schwerdorffer, la France entière apprend que ce jeune homme dévoué, serviable, gentil et aimé de tous, vient d’avouer ce meurtre. Les médias s’emparent de l’affaire et la défense doit supporter les critiques, peser ses mots, protéger son client envers et contre tous. Ce livre nous rappelle que personne n’est à l’abri d’un malheur et que, un jour, vous pouvez être victime ou auteur et parfois les deux ! Au delà de ce crime, on découvre une histoire d’amour entre deux jeunes gens. Une histoire comme il y en a tant d’autres mais, quand la porte d’une maison se ferme, une autre vie commence. Une vie à deux et sans témoin ! Au-delà de son statut de « meurtrier », Jonathan est avant tout un homme amoureux, mais blessé émotionnellement. Blessé de ne pouvoir être l’homme que désire sa femme. Cette blessure va grandir en lui au fil du temps, jusqu’à ce que la relation avec Alexia devienne compliquée à gérer. Il préférera fuir chez sa mère et y rester des soirées entières plutôt que de rester avec sa femme, alors même qu’il n’arrive pas à lui faire un enfant. Puis, un soir, la énième dispute arrive, « Tu n’es pas un homme ! » lui assène-t-elle. La phrase de trop pour Jonathan qui, pour expliquer son acte, dira : « Je voulais qu’elle se taise ». Cette tragédie reflète les failles d’une vie de couple où, d’un côté, on perçoit un manque de communication et, de l’autre côté, un manque de compréhension. Je remercie Randall Schwerdorffer qui relate également dans ses écrits une vérité importante que beaucoup ne veulent pas entendre : les violences conjugales ne concernent pas que les femmes, les hommes aussi peuvent en être les victimes et force est de constater que la justice, dans sa sanction, oublie l’égalité des sexes que la société prône pourtant chaque jour. Cette tragédie, relatée par l’avocat de l’affaire Daval, aide à mieux comprendre le pouvoir de la presse, le rôle de la justice, le travail des avocats et rappelle que, avant d’être victime ou meurtrier, les protagonistes sont avant tout des êtres humains. Ed. Hugo-Doc – 238 pages Elise Jane

LES PASSEURS DE MOTS Dans sa librairie, Maurice vit de son passé et se nourrit de lecture. Son existence bascule lorsqu’il entre en possession d’un manuscrit mystérieux dans lesquels figurent des récits issus de divers horizons. Touché par leur esthétique, il décide de les faire lire en public. Pour cela, il doit convaincre son ami Thomas, comédien qui a abandonné les planches, de se prêter à l’exercice. Contre toute attente, ce dernier refuse, incapable de remonter sur scène depuis le décès de son ami François, traducteur passionné tué en Afghanistan. Une douleur insurmontable ! Face à l’incompréhension de Maurice, il finit par ouvrir son cœur et amorce des confidences pour narrer une amitié hors du commun. Chloé Dusigne est documentaliste et nous fait partager son amour des phrases ciselées. « Le passeur de mots » est son premier roman. Ed. M.E.O. – 198 pages Sam Mas


L’ALPHABET DU DESTIN Quadrature est une maison d’édition spécialisée dans l’art de la nouvelle. Des récits courts qui sont au cinéma ce que le court métrage est au format long. Des textes qui partent généralement d’une idée et qui ne cherchent jamais à la développer pour poser une trame secondaire ou amener des personnages parallèles. L’essentiel porte sur un travail de concision qui amène à poser un climat ou à suggérer. Liliane Schraaüwens fait partie de ces auteures qui maîtrisent la langue à la perfection pour se vouer à cet exercice. A partir des vingt-six lettres de l’alphabet, elle développe vingt-six histoires qui alternent le féminin et le masculin, qui font découvrir vingt-six protagonistes (heureux ou pas) et qui nous invitent à partager un moment en leur compagnie. Vingt-six narrations qui ne dépassent jamais six pages, qui suivent l’alphabet et qui posent l’éternelle question du hasard et du destin. A comme Alexia, B comme Benoît, C comme Camille et, ainsi de suite, jusqu’à Z comme Zoltan. Tout un menu qu’on peut bien sûr lire dans un ordre arbitraire. Ed. Quadrature – 148 pages Amélie Collard

CONTES BIZARRES III C'est avec ses "Contes bizarres" (Vol. 1 & 2) que Bob Boutique a fait une entrée remarquée dans le monde littéraire. Une façon originale de raconter des histoires plus tordues les unes que les autres en prenant le lecteur à témoin. Des contes qui commençaient tous par la célèbre formule "Il était une fois" avant d'annoncer la chute par un "Et arriva ce qui devait arriver"... Abandonnant alors le genre "Nouvelle", Bob s'était lancé dans l'écriture de polars mettant en scène un duo de flics hollandais (style "l'ours et la poupée"). Un duo dont nous allions suivre les aventures dans trois "briques" ("2401", Chaos" et "Bluff") où le style inimitable de l'auteur allait encore faire mouche. Et puis voilà qu'aujourd'hui, Bob Boutique nous livre un 3ème volume de "Contes Bizarres" pour notre plus grand plaisir. Première constatation; pas de doute, à chaque page, on retrouve cette façon incomparable de raconter, la "Bob Boutique touch" ! Trois histoires pour ce troisième opus. La première, "M'man", nous entraîne dans un véritable délire schizophrénique. Un type consulte régulièrement un psy parce qu'il se sent dominé par sa mère. Une mère dominante, certes, mais morte depuis 3 ans ! Morte assassinée par ledit fils !... Est-ce faux, est-ce vrai ? L'auteur nous entraîne dans les dédales d'un esprit tortueux. Hitchcock sonne à la porte. La seconde, "Amen", met en scène la surprenante découverte de trois sexes de jeunes garçons retrouvés dans des petits sachets enfouis dans le coffre d'une banque. Ledit coffre appartenait à un ecclésiastique de haut rang ! Bob Boutique nous entraînerait-il dans une sordide affaire de pédophilie liée à la Sainte Eglise ?... Allons, allons, quand on connaît l'esprit créatif de l'auteur s'est allé un peu vite en besogne... La troisième, "Mille brasses", nous décrit les différentes phases de doute et de crainte par lesquelles passe Gus, un quinqua au physique des plus banals qui a épousé Béa, une femme beaucoup plus jeune et très jolie de surcroit. Des craintes qui vont s'amplifier lorsque celle-ci fera la connaissance d'un certain Eric, une sorte de sosie de Georges Clooney... Et arriva ce qui devait arriver... En fait, pas vraiment. Avec cette phrase, Bob Boutique nous bluffe parce qu'à chaque fois, emporté par l'histoire, on croit deviner aisément la fin et... On est à côté de la plaque ! Défiant toute logique, l'auteur nous entraîne vers une chute qui nous laisse baba et on reste là comme deux ronds de flan en se disant : "Tiens, j'avais pas pensé à ça, merde alors, quelle fin !" Editions Chloé des Lys - 117 pages. Alain Magerotte


JOLIES CHOSES Avec pareil titre, on pourrait croire à un ouvrage léger, voire poétique. Il n’en est rien ! Deux filles totalement opposées s’affrontent dans le Los Angeles contemporain. Nina vit d’escroqueries en ligne, en arnaquant la jeunesse dorée, toujours sur le fil tendu qui sépare la légalité de ce qui ne l’est pas. Pour trouver encore davantage d’argent et venir en aide à sa mère gravement malade, elle prend des risques de moins en moins mesurés. Quant à Vanessa, elle surfe de l’autre côté de la toile et se mire dans les modèles que lui renvoient les influenceuses de tous bords. Avec son compte en banque grassement alimenté, elle sait qu’elle n’a pas à s’inquiéter pour demain. Le jour où toutes deux se retrouvent face à face dans une somptueuse villa loin de la métropole, elles ne savent pas encore que le destin va s’acharner. Par la grâce d’un récit qui se dégage des poncifs du thriller, Janelle Brown se distingue par un rythme qui va bien audelà des habituels romans du genre et se prête à un suspense en deux temps, de quoi multiplier les non-dits, jouer avec les éléments qui se dévoilent avec parcimonie et chatouiller la psychologie des protagonistes. L’ambiance est glauque à souhait et le final tranchant comme une lame de rasoir. L’auteure arrive à nous faire entrer dans une atmosphère oppressante et jamais vaine. Ed. Equinox – 611 pages Amélie Collard

PARS, OUBLIE ET SOIS HEUREUSE Existe-il une passion heureuse ? On le voit autour de nous, de plus en plus de couples se désagrègent. Comment aimer justement, en étant à la fois satisfait de la rencontre qu’on vient d’effectuer et sans écraser l’autre ? A l’automne de son existence, Pierre s’amourache de Sandy, belle et terriblement indépendante. Assez vite, elle obsède ses jours, au point de l’amener à ne pas envisager le futur sans sa présence. Malheureusement, elle fait à chaque proposition un pas de côté, se défile pour lui échapper. Malgré cela, il s’obstine, refuse de se raisonner, croit que le temps arrangera les choses, tente d’édulcorer ses propos, met en place une stratégie. Au lieu de renoncer, il s’obstine, conscient de la souffrance qui commence à le laminer, de la fragilité de la situation. Pierre Mérot, auteur de « Mammifères » et « Toute la noirceur du monde », analyse avec une redoutable précision la mécanique de la relation amoureuse, sans naïveté ni excès. Entre les pages souffle la tempête, la déception d’avoir été vaincu, mais également une douleur qui sourd de chaque phrase, qui transpire de chaque mot. Amour, rage, haine, refus d’oublier, rancœur … bien que contradictoires, ces sentiments font partie d’un lot qui, parfois, s’inscrivent dans un parcours intime. Ed. Albin Michel Sylvie Van Laere


MON NOUVEAU PAYS EST ICI Marqué au fer rouge par des souvenirs atroces, Hissiatou refuse la résignation. Depuis que son village a été dévasé par des djihadistes, il sait que son avenir est ailleurs. Sur la route de l’exil, il croise Yuva qui, comme lui, cherche un avenir meilleur. Ils se retrouvent seuls face à la violence qui peut jaillir de partout, à la férocité des adultes et à un monde fanatisé par la bêtise. Avec ses insertions résolument réalistes, Fabienne Messica dresse le portrait de deux jeunes qui choisissent de ne pas baisser les bras dans l’après-désastre qu’ils viennent de vivre. Avec tact, elle met le doigt sur les stigmates et les blessures sans sombrer dans le pathos. « Mon nouveau pays est ici » se veut autre chose qu’un bon roman de plus à aligner dans les rayonnages des librairies. Il s’agit d’une incursion dans la vie de migrants et un rappel de l’urgence par rapport à une situation qui se détériore sur l’échiquier mondial. Une claque dans la mesure où on se prend d’empathie pour les protagonistes et qu’on souffre en leur compagnie. Grâce à leur débrouillardise, à leur sens de l’entraide et à leur intelligence, ils survivent aux embûches tendues çà et là, traversent le désert libyen et mènent jusqu’au bout le voyage qu’ils se sont assigné. Ed. Rue de Seine – 223 pages Daniel Bastié

LE REMPLAÇANT Avec des scarabées en mouvement sur la première page de couverture, le roman d’Ian Reid nous plonge dans un avenir proche et nous invite à suivre les aventures de Junior et Henrietta qui vivent dans une ferme isolée. Là, ils donnent l’impression de fuir la compagnie de leurs semblables. Leur tranquillité est mise à l’épreuve le jour où un délégué de la société OuterMore frappe à leur porte pour leur annoncer que Junior a gagné un voyage dans l’espace. Pour combler son absence, un avatar le remplacera au sein du foyer. Afin de préparer le séjour dans la station spatiale, le visiteur emménage chez eux avec la ferme intention de récolter un maximum de données afin de fabriquer le futur robot biomécanique ou remplaçant. A mesure que les journées s’éternisent, le bonhomme se montre de plus en plus intrusif et le tempérament d’Henrietta est soumis à plusieurs sautes d’humeur. L’auteur signe un roman qui brocarde notre société en se lançant dans une course folle contre ses manies, laissant sousentendre que le pouvoir se situe entre les mains de grosses sociétés et que l’Etat lui est entièrement acquis. Il prend à brasle-corps son sujet pour l’emmener vers des limites qu’on n’attend pas forcément. Par la fiction, il ose une évocation de notre système et évite les effets faciles, ainsi que les travers de la SF. Pourquoi bouder son plaisir ? Ed. Presses de la Cité – 248 pages Paul Huet


LES CAPRICES D’UN ASTRE Enlisé dans un divorce qui a débouché sur une solitude inexorable, Xavier Lemercier rythme désormais son existence entre ses occupations professionnelles dans une agence immobilière et les rares journées de garde de son jeune fils, qui vient le voir le weekend. En poussant la porte d’un appartement qu’il fait visiter, il découvre un télescope ayant appartenu à un astronome de renom. Plutôt que de le diriger vers le ciel, il le pointe sur la façade d’en face et s’arrête sur un des balcons où se meut une belle femme. A force d’épier les faits et gestes de cette dernière, il se surprend à éprouver un sentiment qu’il apparente à de l’amour. Mais comment se manifester ouvertement, de quelle manière se déclarer ? Il n’imagine aucune alternative à son désarroi. Pourtant, le jour où elle franchit le seuil du bureau dans lequel il traîne son ennui, le soleil fait irruption. Antoine Laurain nous entraîne dans un récit où se connectent deux trajectoires. Il s’agit certes d’une histoire d’amour, mais également d’une transmission entre deux hommes liés par un seul instrument d’observation et dont les époques se séparent de près de deux cent cinquante ans. Entre récit d’aventure et conte philosophique, ce roman s’enquiert d’une quête d’idéal qui répond au besoin d’évasion et de merveilleux qui sommeille en chacun de nous. Ed. Flammarion – 288 pages Paul Huet

KATRIJN Katrijn est une jeune femme déterminée et fière qui vit en Hollande avec ses parents. Lorsque son père est éclaboussé par un scandale, elle se lance sur les routes à la recherche d’elle-même autant que d’aventure. Ce voyage initiatique lui permet de côtoyer les hippies de San Francisco, le Swinging London et les Provos d’Amsterdam. Un périple dans lequel se mêlent sexe libre, drogue, rencontres fugaces et envie de bâtir un monde meilleur. Yves Bigot signe un roman initiatique qui dévoile tout un pan des sixties, avec une jeunesse en mal-être qui se refugie loin des codes parentaux et qui s’essaie à la liberté en usant de toutes les latitudes. Il s’agit surtout d’un regard dans le rétroviseur avec une héroïne féministe qui refuse les carcans et qui ose se manifester avec une force qui l’étonne d’abord. Il s’agit surtout d’une vision sur la société qui n’a rien à voir avec celle d’aujourd’hui, dans laquelle les rêves paraissent anesthésiés, un monde sclérosé en proie au libéralisme outrancier et aux technologies qui phagocytent les rapports humains. Voilà un livre rédigé d’une plume libre et avenante qui fait l’effet d’une madeleine de Proust. Je le conseille vivement ! Ed. Encre de Nuit – 436 pages André Metzinger


SOUVENIRS DU CARNAVAL DE BINCHE Le carnaval de Binche fait partie du folklore belge. Il s’agit aussi du plus vieux carnaval de chez nous, inscrit dans notre patrimoine immatériel. Il se célèbre une fois par an (du dimanche dit Gras au Mardi-Gras) et demeure l’un des plus codifiés au monde. Le centre du cortège en est les Giles, qui dansent au son de vingt-six airs traditionnels interprétés par une petite fanfare composée de tambours, de cuivres et d’une grosse caisse. On en retrouve des traces écrites dès le début du XIVe siècle. L’idée du présent volume n’est pas de retracer l’histoire d’un des plus fameux carnavals de notre royaume, mais de plonger dans les souvenirs, toujours vivaces chez certains, et d’exhumer des photographies (parfois anciennes) pour rappeler la vitalité d’un événement attendu dans la région et qui fédère énormément d’attention. En invitant le lecteur au cœur de la fête, c’est tout un pan de notre histoire qui s’ouvre ou qui se révèle à certains. On y retrouve toute une noblesse et toute une splendeur, avec des costumes chamarrés et la volonté de pérenniser quelques journées préparées au cours de l’année qui les précède. L’occasion aussi de revenir sur ses racines et ses légendes. En attendant que les mesures sanitaires puissent nous permettre à nouveau de nous réunir comme avant, parcourir ce livre engendre une contagieuse impression de liberté. Rappelons que, pandémie oblige, le carnaval 2021, n’a pas pu avoir lieu. Une première dans ses annales ! Ed. Renaissance du Livre – 159 pages Daniel Bastié

LE RÉCIT POLITIQUE CHINOIS Malgré tout ce que l’Europe reproche à la Chine en matière des droits humains, la république de Xi Jinping entend ne pas perdre la face et, pour ce faire, cherche à modeler une image qui alterne coups de gueule et conciliation. Olivier Arifon revient sur la politique mise en place depuis deux décennies en lançant un soft power destiné à accroître son attractivité tant sur le plan des valeurs autant que sur celui de la culture, en s’imposant comme exemple à suivre. Avec son essai, il montre à quel point son aura est devenue toute puissante. Il la compare à l’Europe sur divers axes et se place à un point d’inflexion des perceptions, des positions politiques et de communication entre le gouvernement de Pékin et la sensibilité européenne, sans oublier le reste de la planète. Enfin, l’idée est ici d’apporter une série de réponses pour comprendre le rôle de la Chine sur l’échiquier mondial et montrer à quel point le choc culturel peut opposer ou rallier les mentalités. Ed. L’Harmattan – 145 pages André Metzinger


EN ATTENDANT L’ÉTÉ L’année 2020 est entrée dans les annales par le truchement du Covid, un minuscule microbe qui a endigué les activités et refroidi les ardeurs. Après un premier confinement strict, beaucoup ont espéré que l’existence allait reprendre avec la même insouciance qu’auparavant. Un leurre ! Déjà, l’ombre menaçante d’un deuxième confinement se terrait dans l’ombre de nos parcs, de nos jardins, de nos avenues. Dans cette guerre contre un ennemi invisible, l’important consistait à ne pas sombrer et à trouver la joie de vivre dans les infimes instants qui se dégageaient de la grisaille ambiante. Avec un ton léger comme l’espoir, Gil Wynands a repris la plume après « Apocalypse 20 », récit de cette période qu’on aimerait tellement effacer, pour narrer la suite des aventures de Julie et François, mêlant réflexions personnelles, journal de bord et quotidien fictif de deux protagonistes. Bien entendu, pour ne pas se perdre dans les profondeurs d’une descente en apnée, il use d’une bonne dose d’humour et de dérision pour montrer qu’il n’a jamais été question de se laisser faire. Comme il le confiait encore récemment : Un sentiment d'angoisse a rapidement fait place à une colère profonde. J'ai eu le désagréable sentiment qu'on foutait en l'air ma liberté. Toutes mes activités de senior ont tout simplement été mises sous éteignoir pendant huit nouveaux mois interminables. Plus d’ateliers d’écriture, plus d’animation philo et la mise sous scellés de projets théâtraux. A cela, j'ai cessé de voir mes enfants, mes petits-enfants et mes amis. L’écriture a clairement servi à mettre de l'ordre dans mes pensées, de canaliser mes accès de colère, mes angoisses, mes envies et mes besoins. Bref, de rester calme et zen, mais lucide et critique ! Ed. Ménadès – 284 pages Sam Mas

LA DÉRÉLICTION DE L’ÉPOUVANTAIL Détesté par les chats, ignoré par les chiens, l’épouvantail cinéphile glane, dans la nuit humide de cette petite ville perdue, les images d’un univers pelliculaire qui le feront rêver tout le jour. Ils sont des dizaines dans sa tête et l’homme aux moustaches en forme de crocs se sent parfois bien seul pour maîtriser tout son petit monde. Né notaire dans une famille de notaires, Emile détestait les ennuis et les complications dans sa vieréglée comme du papier à musique. Et le jour de ses quarante ans, quand lui vint, comme tout homme à cet âge de retour, une envie de maîtresse, la solution lui apparut comme une évidence : choisir sa propre femme. Ce publiciste qui se targue d’améliorer l’image de quiconque et de transformer un tyran génocidaire en un bon père de famille un peu impulsif devine aussitôt, en rencontrant sa nouvelle cliente, que cela n’allait pas être de la tarte. Si c'est en forgeant qu'on devient forgeron, alors il était inévitable que Mythic devienne le scénariste incontournable de bédé qu'il est aujourd'hui. Capable de passer de l'humour enfantin du « Gowap » à la tension permanente qu'implique un thriller comme « Alpha » ou des récits plus récréatifs pour la série « Natacha ». Bref, il se révèle à l'aise dans tous les styles ! Touche-à-tout prolifique, il a rédigé des pièces de théâtre, plusieurs romans à deux ou à quatre mains, avant de collaborer avec les plus grands visages du neuvième art : Hardy, Walthery ou Jigounov. Voilà pour les amateurs neuf nouvelles et vingt-trois micro nouvelles propices à vous immerger en un ailleurs dont les repères sont pour le moins tronqués. Ed. Ménadès – 172 pages Sam Mas


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